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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 4 juin 2015

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 12

Présidence de Mme Gisèle Biémouret et de M. Pierre Morange, coprésidents

Audition, ouverte à la presse, sur « la dette des établissements publics de santé » (Mme Gisèle Biémouret, rapporteure) :

– M. Richard Boutet, directeur du pôle Banques des particuliers et des entreprises, Affaires publiques France de la Fédération bancaire française (FBF)

– Mme Véronique Lofaso, responsable Secteur public et économie sociale du Crédit agricole SA

– Mme Ivelina Venchiarutti, responsable Dossiers complexes du Crédit agricole corporate & investment bank

– M. Cédric Mignon, directeur du développement des Caisses d’Épargne, et M. Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du marché Secteur public et PPP du Groupe BPCE

– M. Pierre Vérot, directeur de la gestion de l’encours de Dexia crédit local

– M. Jean-Pierre Rosello, directeur des marchés de l’économie publique de la Société Générale

– M. Olivier Grimberg, directeur de la médiation, et M. Lionel Guineton, directeur de l’ingénierie financière de la Société de financement local (SFIL)

– Information relative à la Commission

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 4 juin 2015

La séance est ouverte à neuf heures quarante.

(Présidence de Mme Gisèle Biémouret et M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à l’audition, ouverte à la presse, sur « la dette des établissements publics de santé » de M. Richard Boutet, directeur du pôle Banques des particuliers et des entreprises, Affaires publiques France de la Fédération bancaire française (FBF), de Mme Véronique Lofaso, responsable Secteur public et économie sociale du Crédit agricole SA, de Mme Ivelina Venchiarutti, responsable Dossiers complexes du Crédit agricole corporate & investment bank, de M. Cédric Mignon, directeur du développement des Caisses d’Épargne, et M. Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du marché Secteur public et PPP du Groupe BPCE, de M. Pierre Vérot, directeur de la gestion de l’encours de Dexia crédit local, de M. Jean-Pierre Rosello, directeur des marchés de l’économie publique de la Société Générale, et de M. Olivier Grimberg, directeur de la médiation, et M. Lionel Guineton, directeur de l’ingénierie financière de la Société de financement local (SFIL).

M. le coprésident Pierre Morange. Gisèle Biémouret, coprésidente de la MECSS et rapporteure de la mission sur la dette des établissements publics de santé, et moi-même souhaitons la bienvenue aux représentants des différentes institutions et structures bancaires qui nous ont fait le plaisir de répondre à cette deuxième invitation.

Il avait été prévu, à l’issue d’une première table ronde le 27 janvier dernier, d’établir un bilan de la progression des renégociations de la dette toxique des hôpitaux publics. Nous ne pouvons que regretter que les banques étrangères aient décliné l’invitation, soit qu’elles aient considéré qu’elles n’étaient pas concernées, soit qu’elles aient refusé de répondre au téléphone ou aux courriers – je pense particulièrement à la banque HSBC : nous saurons nous en souvenir.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Je remercie nos invités d’être présents après notre rencontre du 27 janvier dernier, car des évolutions ont été constatées entre-temps : l’État a élargi le périmètre et le montant du fonds de soutien aux établissements de santé ; en revanche, le déplafonnement du franc suisse a eu d’importantes conséquences pour certains établissements.

M. Richard Boutet, directeur du pôle Banques des particuliers et des entreprises, Affaires publiques France de la Fédération bancaire française (FBF). La Fédération bancaire française a été entendue par votre mission une première fois au mois de janvier dernier. Nous avons pu alors vous exposer la double problématique de la situation financière des hôpitaux, celle de l’endettement et celle du financement, les hôpitaux ayant besoin de financements importants dans un contexte d’allocation budgétaire sous forte contrainte. Nous avions pu alors également vous expliquer que, depuis la crise, les établissements de crédit se sont encore plus rapprochés de leurs clients, y compris ceux du secteur public, pour trouver des solutions adaptées en prenant en compte également les contraintes réglementaires nouvelles pesant sur l’activité bancaire. Aujourd’hui, la mobilisation des banques pour proposer aux hôpitaux concernés de les « désintoxiquer » des emprunts structurés qu’ils ont souscrits est toujours aussi forte. Nous espérons que cela sera pris en compte par les députés membres de la mission, de même que l’effort constant des banques pour trouver des solutions acceptables par toutes les parties à ces situations financières difficiles pour les quelques hôpitaux concernés.

Il convient en effet de rappeler que, à notre connaissance, le nombre d’hôpitaux publics concernés par ce type de situation est très réduit. Au regard de l’ensemble des hôpitaux, qu’ils soient publics ou privés, les encours les plus risqués sont concentrés sur un nombre très limité d’établissements, seuls quelques-uns d’entre eux ayant décidé, dans le cadre de leur gouvernance publique, d’avoir recours à ces produits financiers. Il n’a donc pas existé, à notre connaissance, de politique générale de la part des banques françaises pour commercialiser ce type de produits auprès de l’ensemble des hôpitaux.

Pour évaluer plus justement la situation financière des hôpitaux publics, il faut se référer aux études de la Cour des comptes, notamment à la communication intitulée La dette des établissements publics de santé, publiée au mois d’avril 2014. La Cour explique que la responsabilité de ces emprunts risqués est partagée par les pouvoirs publics qui portent la responsabilité au premier chef puisqu’ils ont privilégié le levier de la dette pour financer un plus grand nombre d’opérations sans avoir instauré de procédure de choix rigoureux des investissements, tout en allégeant leur contrôle sur la nature et le montant des emprunts souscrits.

Toujours selon la Cour des comptes, les gestionnaires hospitaliers ne sont pas non plus sans responsabilités, l’argent de la dette a pu leur paraître un argent facile dans un contexte réglementaire permissif et dans un climat de concurrence entre les établissements bancaires qui a favorisé le développement d’offres de crédits structurés dont les risques considérables ne sont apparus qu’ensuite.

La Cour des comptes n’incrimine donc pas les banques comme seules responsables de cette situation, mais insiste sur une responsabilité partagée entre les différents acteurs, aggravée par les modalités de gouvernance des hôpitaux publics.

Par ailleurs, depuis la précédente table ronde, le fonds de soutien des établissements publics de santé a été créé par la circulaire interministérielle du mois de décembre 2014. Il était alors doté de 100 millions d’euros sur trois ans, financés pour l’essentiel sur fonds publics et pour une partie par une contribution volontaire de la SFIL et de Dexia. Ce montant a depuis été quadruplé. En effet, le 24 février dernier, le Gouvernement a annoncé, sans aucune concertation préalable avec les institutions bancaires, sa décision d’augmenter de 300 millions d’euros les sommes mobilisables au titre des dispositifs d’aide aux hôpitaux ayant contracté des emprunts structurés, cette somme étant intégralement financée par la seule contribution des banques. Cette décision est en totale contradiction, d’une part, avec le fonds de soutien pour les hôpitaux tel qu’il avait été décidé à l’origine, puisqu’il était essentiellement pris en charge par les pouvoirs publics, et, d’autre part, avec le fonds destiné aux collectivités territoriales financé par les banques et l’État à parts égales.

Ce choix de faire porter sur les banques la totalité du financement du relèvement du montant des fonds pour les hôpitaux est donc étonnant et incohérent, sachant que la responsabilité est partagée par les pouvoirs publics et les gestionnaires hospitaliers et les quelques établissements ayant souscrit ces produits. La profession a fait part de ces remarques aux pouvoirs publics. C’est donc dans ce contexte que la FBF et les établissements bancaires répondent à nouveau à votre invitation. Nous serons bien entendu à l’écoute du bilan de vos travaux et sommes prêts à faire avec vous le point des évolutions intervenues depuis la dernière table ronde.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous savons gré de cette volonté de communication dont nous avons pris acte, même si, dans mon propos liminaire, j’ai dû rappeler l’attitude assez insultante de la HSBC vis-à-vis de la représentation nationale.

Mme Véronique Lofaso, responsable Secteur public et économie sociale du Crédit Agricole SA. Nous répondons volontiers à votre sollicitation qui est bien naturelle, même si le Crédit Agricole est très peu impliqué dans cette situation. C’est pour cela qu’il serait intéressant pour nous que vous puissiez nous faire part des informations qui ont pu vous parvenir afin que nous ayons une vue plus précise et que nous puissions établir une comparaison avec notre activité.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Monsieur Boutet, vous avez souligné que tous les établissements bancaires n’avaient pas proposé ces prêts structurés. Au fil des auditions, je me suis en effet rendu compte qu’il serait trop simple de faire porter toute la responsabilité sur les établissements bancaires : la chaîne de responsabilité va de l’État à ces établissements, et j’ai par ailleurs observé une forte localisation des prêts structurés. Cependant, au moment où les établissements bancaires concernés ont proposé ces prêts toxiques, étaient-ils ou non au fait des conséquences potentielles des prêts qu’ils commercialisaient ? Je comprends que les chefs d’établissements hospitaliers y aient vu un intérêt, puisque, au départ, les taux de remboursement étaient très bas. Chacun sait que les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers ne vont pas être déclarées en faillite du jour au lendemain : aussi le risque était-il moindre pour les banques qui leur proposaient des prêts potentiellement dangereux.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avions souhaité avoir des indications au sujet du taux indicatif des indemnités de remboursement anticipé (IRA) des prêts. La BPCE ne nous les a pas communiqués, alors qu’il s’agit du nœud du problème.

M. Jean-Sylvain Ruggiu, directeur du marché Secteur public et partenariats public-privé du Groupe BPCE. C’est une information que nous ne communiquons pas.

M. le coprésident Pierre Morange. Les autres banques interrogées l’ont communiquée…

M. Jean-Sylvain Ruggiu. C’est leur interprétation de la loi. Cela relève de nos services juridiques : je ne suis pas compétent pour vous répondre.

M. le coprésident Pierre Morange. Les services juridiques des autres banques n’ont pas la même conception de la confidentialité commerciale, ce qui, vous le comprendrez, nous rend perplexes quant à la solidité de votre argumentation.

M. Jean-Sylvain Ruggiu. Il peut y avoir des écarts entre banques dans les analyses de leurs services juridiques.

M. le coprésident Pierre Morange. L’explication est un peu courte, vous l’admettrez, et vous comprendrez qu’elle ne nous satisfasse pas entièrement.

M. Jean-Sylvain Ruggiu. Je le comprends.

M. le coprésident Pierre Morange. La dette des hôpitaux est pour nous un grave sujet de préoccupation, particulièrement pour cette fraction – certes marginale au regard du montant global de la dette hospitalière de 30 milliards d’euros – constituée par les prêts dits toxiques, c’est-à-dire hors charte Gissler, les plus instables. Au-delà de la coresponsabilité évoquée par M. Boutet, nous aboutissons à la situation suivante : ces établissements, qui portent la responsabilité d’avoir engagé les deniers publics dans des emprunts fondés sur la spéculation financière – dont j’observe que les banques se sont retirées à temps –, se trouvent piégés par la soulte, les pénalités de sortie. Ils sont ainsi confrontés à un mécanisme qui bloque la possibilité de purger ces prêts toxiques. Quelle est l’analyse de la BPCE à ce sujet ?

M. Jean-Sylvain Ruggiu. J’observe que, pour secourir les collectivités territoriales, l’État a recouru à une loi de validation – dont le dispositif doit d’ailleurs être complété –, alors que, pour les établissements de santé, il a créé un fonds de soutien qui est financé aux deux tiers par les établissements bancaires.

M. le coprésident Pierre Morange. Le fonds de soutien a été constitué sur initiative publique et intervient dans une situation qui, certes, relève du droit privé, mais concerne des établissements de santé et les enferme dans une dette liée à des emprunts toxiques dont, je le répète, les banques se sont retirées à cause de l’extrême instabilité qui les caractérise.

Lors de l’audition précédente où nous avions eu le plaisir de vous accueillir, j’avais indiqué que les établissements de crédit connaissent aujourd’hui une situation favorable, puisque les taux pratiqués par la Banque centrale européenne (BCE) sont singulièrement attractifs et que, au sortir de la crise internationale de 2008, ils ont bénéficié d’apports financiers massifs, à tel point que le système bancaire français a pu s’autoriser à absorber une part substantielle de la dette toxique d’un pays ami, la Grèce. À l’époque, la place bancaire s’était vue renflouer par la richesse nationale, produite par le travail des Français.

On aurait donc pu imaginer que, au-delà de leur tribut au fonds de soutien
– initialement alimenté principalement par la prospérité nationale –, les banques apportent une contribution particulière pour secourir les établissements de santé que les pénalités à payer prévues dans les contrats de prêt empêchent de sortir du piège des emprunts toxiques.

M. Jean-Sylvain Ruggiu. Je laisserai la FBF répondre au sujet de la position des banques sur le fonds de soutien. À ma connaissance, un quart est fourni par l’État et la SFIL, les trois autres quarts par les banques.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous ne répondez pas à ma question. Les ressources du fonds de soutien ne sont pas à la hauteur des enjeux. Je rappelle que le volume des emprunts hospitaliers a été multiplié par trois en dix ans. Il est en partie composé de prêts toxiques qui se sont majorés du fait du déplafonnement de la parité du franc helvétique. Je rappelle que, pour le Crédit Agricole, le taux moyen des pénalités de sortie s’élève à 24 millions d’euros ; pour Dexia, aux alentours de 79 millions ; pour la SFIL, à 617 millions ; le Groupe BPCE ne communique pas ces chiffres et la Société Générale ne se trouve pas dans ce cas. La BPCE conduit-elle toutefois une réflexion pour permettre à un nombre limité d’établissements hospitaliers de sortir de cette prise d’otage bancaire en envisageant l’annulation de la soulte ? Cela pourrait éventuellement se fonder sur l’octroi de prêts à taux fixes restant à définir. Les banques pourraient jouer sur le différentiel résultant de la possibilité dont elles disposent d’emprunter auprès de la BCE à des taux quasi nuls, voire négatifs. Elles auraient ainsi la possibilité de dégager des marges de rentabilité et de ne pas tuer la « poule aux œufs d’or ».

M. Jean-Sylvain Ruggiu. La BPCE travaille depuis presque quatre ans avec les hôpitaux, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), l’État et les Agences régionales de santé (ARS) afin de tuer l’ensemble de ces produits. Depuis le début de l’année, nous avons encore pratiqué une désensibilisation partielle et nous avons définitivement sorti un des produits du dispositif. Nous vous avons communiqué les taux moyens qu’acquittent les établissements hospitaliers par tranches de risque. La quasi-totalité de nos dossiers est sécurisée. Nous travaillons depuis toujours avec les hôpitaux et nous allons continuer de le faire. Vous avez eu communication de l’encours, qui est de 355 millions d’euros, à mettre en regard des 7 milliards d’euros que le Groupe BPCE a accordés – et continue d’accorder chaque année – au secteur public hospitalier, ainsi que des lignes de trésorerie, ce que peu de banques font. Ce travail facilitera certainement la sortie des cas les plus critiques. Dans le cadre du fonds de soutien, pour les collectivités territoriales comme pour le secteur public hospitalier, il est toutefois demandé un protocole transactionnel au sens du code civil afin que chacun puisse s’y retrouver.

M. le coprésident Pierre Morange. On pourrait imaginer, en mettant en parallèle les masses financières engagées et la modicité de l’IRA, que les banques annulent la pénalité de sortie et reviennent à un taux fixe, bien évidemment supérieur à ceux pratiqués actuellement, mais qui serait rentable pour elles tout en permettant aux quelques établissements de soins concernés de ne plus être asphyxié.

M. Jean-Sylvain Ruggiu. Sur ce point, je laisse la FBF répondre.

M. Richard Boutet. J’imagine que ce sera l’une des propositions du rapport…

M. le coprésident Pierre Morange. Nous aurons à cœur de lui donner la résonance médiatique qu’elle mérite en recourant à la multiplicité des structures représentatives
– fédérations, associations, syndicats –, pour qu’elle revête toute la légitimité nécessaire.

M. Jean-Pierre Rosello, directeur des marchés de l’économie publique de la Société Générale. Nous avons 2,4 milliards d’euros d’encours dont 50 millions sont concernés par les emprunts structurés pour douze opérations et dix établissements. Nous sommes très peu impliqués dans ces emprunts difficiles et n’avons pas d’emprunts hors charte Gissler. Comme nos collègues, nous misons sur la sortie de ces emprunts la plus rapide possible. Notre objectif est de proposer aux hôpitaux concernés le retour aux taux fixes qu’ils auraient pu contracter à l’origine du produit structuré. En trois ans, nous avons désensibilisé un montant de 273 millions d’euros, en partie en revenant aux taux fixes d’origine, et en partie – pour une centaine de millions d’euros – en revenant à des taux variables moins sensibles.

Je confirme que, comme l’ensemble des banques, la Société Générale participe au fonds de soutien, aussi bien celui des collectivités territoriales que celui destiné aux établissements publics de santé. Cette participation est fondée sur une taxe de risque systémique prenant en compte la totalité du bilan et des fonds propres. Notre participation nous semble assez importante au regard de l’encours que nous avons à gérer en termes de produits sensibles. Au demeurant, nous sommes solidaires des autres établissements bancaires pour participer à ce fonds de soutien et trouver des solutions le plus rapidement possible.

Il serait toutefois utile que tous les acteurs aient la même démarche économique. La désensibilisation n’implique pas seulement des efforts de la part des banques, mais de la compréhension et des efforts du côté des structures concernées. Il n’est pas rare que certains de nos interlocuteurs, adoptant une posture rigide, refusent le taux fixe d’origine et les produits désensibilisés que nous leur proposons.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous en donnons acte. Nous avons par ailleurs observé que Dexia n’a pas répondu à la question portant sur la nature de ses efforts pour sortir les hôpitaux des emprunts toxiques. Malgré les propositions que vous faites dans une dynamique proactive pour sortir par le haut de situations de blocage, c’est, dans certains cas, la pénalité de remboursement anticipé qui emprisonne les établissements publics concernés. C’est la raison pour laquelle nous insistons sur le sujet, tout en reconnaissant que la Société Générale ne se trouve pas dans ce cas de figure.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Il nous a parfois été indiqué que la négociation d’un accord de désensibilisation est difficile, car les taux de retournement fixes qui pourraient être proposés à la sortie des emprunts toxiques conduiraient à des niveaux de taux d’intérêt supérieurs à l’usure. Avez-vous été confronté à ce problème et, le cas échéant, quelle solution pensez-vous pouvoir y apporter ?

M. Jean-Pierre Rosello. Nous n’avons pas eu à connaître de telles situations. Il est vrai que, lorsque l’on propose comme base de négociation le taux fixe, il doit souvent s’avérer supérieur au taux d’usure actuel. C’est là une configuration de taux tout à fait exceptionnelle à laquelle s’ajoute l’intervention de la Banque centrale européenne qui « inonde » le marché de liquidités et crée ce type de situation. Nous maintenons cependant nos propositions de taux fixe, car il nous semble juste de renvoyer à une renégociation et de repartir de la situation d’origine. Je n’ai donc pas de réponse particulière à apporter à cette question qui est aussi posée au fonds de soutien, que nous avons interrogé sur sa doctrine.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans le contexte actuel d’octroi de prêts à taux fixe, l’application du taux usuraire justifierait que les banques absorbent la fameuse pénalité de sortie, dont le montant apparaît dérisoire face à l’importance des prêts consentis. Ce geste permettrait de sortir de cette situation détestable.

Comment la SFIL, principal acteur concerné en termes de volumes d’emprunts toxiques, analyse-t-elle la situation ?

M. Olivier Grimberg, directeur de la médiation à la SFIL. Retenu par d’autres impératifs, notre président M. Philippe Mills vous prie de bien vouloir accepter ses excuses ; il aurait été ravi de répondre à vos questions.

Banque publique détenue par l’État français à hauteur de 75 %, la SFIL est un établissement à part dont une des missions consiste à désensibiliser les crédits sensibles. À la création de la SFIL, en février 2013, nous avons ainsi récupéré 8,5 milliards d’euros de crédits sensibles de Dexia, dont 1,3 milliard concernait les établissements publics de santé. La SFIL a défini, avec l’État, une politique de désensibilisation : il s’agit de transformer ces crédits sensibles en crédits à taux fixe, supprimant l’aléa financier sur toute la durée des prêts. Depuis, nous avons réussi à réduire d’à peu près un tiers l’encours de crédits sensibles des établissements publics de santé : trente-deux d’entre eux ont été totalement désensibilisés et bénéficient désormais de taux fixes avec SFIL/Caisse française de financement local (CAFFIL) ; une centaine gardent des crédits sensibles à hauteur de 900 millions d’euros et doivent encore faire l’objet d’une désensibilisation.

Pour transformer les crédits des établissements publics de santé en crédits à taux fixe, la SFIL consent d’importants efforts. Ainsi, comme nous parvenons, sur les marchés financiers, à obtenir des taux proches de ceux que l’on offre à l’État français, nous apportons aux hôpitaux de la liquidité à prix coûtant, en les faisant bénéficier d’un taux fixe de 1,20 % sur quinze ans. Ces ressources permettent aux établissements publics de santé de financer leurs investissements ou une partie des indemnités liées aux crédits sensibles. Pour la SFIL, fournir de la liquidité à prix coûtant représente une perte d’opportunité d’environ 70 millions d’euros, dont une vingtaine de dossiers concernent les établissements publics de santé et le reste, les collectivités territoriales.

Deuxième effort : en attendant la mise en place du dispositif d’aide, nous avons soutenu les établissements les plus fragiles, petits hôpitaux à surface financière et budgétaire limitée, notamment touchés par les crédits sensibles indexés sur le taux de change entre l’euro et le franc suisse. Nous avons procédé à des abandons de créances, leur faisant payer un taux de 6 % au lieu du taux contractuel qui se situait entre 10 et 15 % avant le choc du 15 janvier 2015. Cette opération a coûté à peu près 26 millions d’euros à la SFIL, dont 5 millions pour les hôpitaux.

Enfin, la SFIL a contribué à hauteur de 18 millions d’euros au premier dispositif d’aide à l’attention des établissements publics de santé, dont le montant total s’élevait à 100 millions. Nous ne connaissons pas encore les sommes qui seront demandées à la SFIL pour les 300 millions supplémentaires ni les modalités de sa future contribution.

Dans les prochains mois, nous continuerons à œuvrer à la désensibilisation des hôpitaux. Le dispositif d’aide permettra aux établissements les plus fragiles, touchés par les crédits les plus compliqués – notamment ceux indexés sur le taux de change entre l’euro et le franc suisse –, de s’en débarrasser.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous venez de formuler un espoir de sortie de crise ! Sur la centaine d’établissements encore porteurs de 900 millions d’euros de crédits sensibles, quelle fraction pensez-vous pouvoir sortir de cette situation d’ici à la fin de l’année, et pour quel montant ?

M. Olivier Grimberg. Cela dépendra des délais de versement du deuxième dispositif d’aide, qui sera crucial pour la désensibilisation de la trentaine d’établissements touchés par l’envolée du franc suisse, dont le cas est le plus compliqué. Si les aides sont versées fin 2015 ou début 2016, nous espérons en désensibiliser une bonne partie. Pour les autres, il faut continuer à faire œuvre de pédagogie. En effet, il y a encore des établissements publics de santé qui détiennent des crédits sensibles, mais qui ne paient pas de taux dégradés, voire qui paient des taux très bas. Malgré l’aléa financier inhérent à leurs crédits, ces établissements se montrent réticents à les transformer en crédits à taux fixe – certes un peu plus élevé que ceux dont ils bénéficient aujourd’hui, mais dépourvu d’aléa. Nous avons déjà convaincu une bonne partie de ces établissements, mais il faut continuer à inciter les autres, dans les prochains mois, à purger leurs crédits sensibles et à rendre leur dette la plus prévisible et la moins variable possible. Si l’État – à travers le ministère, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) ou les agences régionales de santé (ARS) – pouvait appuyer notre effort de pédagogie, cela aiderait la SFIL dans sa tâche.

M. le coprésident Pierre Morange. Reprenons les chiffres. Une centaine d’hôpitaux détiennent encore quelque 900 millions d’euros de crédits sensibles. Une trentaine d’entre eux sont concernés par le problème du déplafonnement du franc helvétique ; à combien s’élèvent leurs crédits ?

M. Olivier Grimberg. À 200 millions d’euros environ.

M. le coprésident Pierre Morange. Une grande partie des quelque soixante-dix établissements de soins restants seraient susceptibles de reprendre un taux fixe pour sortir de cet aléa financier. Combien d’hôpitaux se retrouveraient dans cette philosophie ? Trente ou quarante ?

M. Olivier Grimberg. Sur les trente établissements dont les crédits sont liés au franc suisse, vingt-cinq sont éligibles au premier dispositif d’aide ; quand il sera débloqué, nous pourrons donc les désensibiliser. Nous verrons ensuite si les cinq hôpitaux restants peuvent bénéficier de la deuxième vague du dispositif. Enfin, nous espérons désensibiliser au moins la moitié des soixante-dix hôpitaux restants d’ici à 2016.

M. le coprésident Pierre Morange. À quel encours cela correspond-il ?

M. Olivier Grimberg. Il restera quelque 250 millions d’euros.

Tels sont nos objectifs, mais les hôpitaux doivent également faire un effort.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous ferons nous aussi de la pédagogie !

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Vous avez choisi de soutenir les petits hôpitaux ; mais des centres hospitaliers universitaires (CHU) rencontrent également des problèmes importants. Ne devraient-ils pas, eux aussi, bénéficier d’aides ?

M. Olivier Grimberg. En effet, certains CHU et gros hôpitaux sont touchés par ces prêts euro/CHF, mais ils profitent de la liquidité à prix coûtant que nous leur apportons s’ils ont besoin de financer des investissements. Pour les petits hôpitaux, ce paramètre joue moins, car, en général, ils n’ont pas beaucoup d’investissements ni de financements à faire. C’est pourquoi le conseil d’administration de la SFIL a fait ce choix.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Y a-t-il eu, ces derniers temps, des décisions importantes en matière de recours contentieux ?

M. Olivier Grimberg. Les contentieux avec les hôpitaux sont bien moins nombreux qu’avec les collectivités locales – la SFIL est ainsi concernée par dix contentieux avec des établissements de santé et un avec un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) – et ils n’ont fait l’objet d’aucune décision de justice. Les dernières décisions ont été rendues en février 2013 par le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre dans l’affaire qui a opposé Dexia et SFIL/CAFFIL au conseil général de la Seine-Saint-Denis. Elles portaient sur la question du taux effectif global (TEG) ; mais une loi de validation est intervenue en 2014. Depuis, le TGI n’a pas pris d’autres décisions importantes. Mme la présidente du TGI a décidé de laisser leur chance au fonds de soutien pour les collectivités locales et au dispositif d’aide pour les hôpitaux ; elle conseille donc aux avocats des hôpitaux, des collectivités et des banques d’essayer de trouver une solution à travers ces structures. Nous verrons ensuite comment régler les contentieux qui resteront. Mais, avant même que l’aide ne se mette en place, nous avons réussi à résoudre quelques contentieux avec les collectivités locales et avec deux hôpitaux.

M. le coprésident Pierre Morange. Monsieur Boutet, avez-vous des informations sur l’agenda de la mise en place de la deuxième phase du dispositif d’aide ?

M. Richard Boutet. Malgré les effets d’annonce au mois de février, nous n’avons malheureusement pas plus de détails à ce sujet.

M. le coprésident Pierre Morange. Même pas une vague idée de calendrier d’ici à la fin de l’année ?

M. Richard Boutet. Non.

M. le coprésident Pierre Morange. Dommage, car le sujet est important !

Monsiur Vérot, nous évoquions le sujet sensible des pénalités de sortie des prêts structurés, notamment hors charte ; le tableau récapitulatif mentionne ainsi, pour Dexia, un montant global pour les indemnités de remboursement anticipé de 79 millions. Or Dexia n’a pas répondu à nos questions sur les opérations de sortie des emprunts toxiques. Pourquoi ?

M. Pierre Vérot, directeur de la gestion de l’encours de Dexia crédit local. À la fin de 2014, il nous restait onze prêts hors charte ; aujourd’hui, il ne nous en reste plus que huit, puisque, depuis le début de l’année, nous en avons désensibilisé trois, y compris celui d’un CHU important. Fin 2012, nous avions trente-cinq prêts structurés sensibles ; aujourd’hui, nous n’en avons plus que vingt, dont huit hors charte. Aucun de ces prêts ne concerne d’ailleurs les CHU : prenant acte du fait que ceux-ci ne seraient pas aidés dans le cadre du dispositif annoncé le 22 décembre – auquel nous contribuerons pourtant de manière importante –, nous nous sommes efforcés de trouver d’autres solutions.

Douze établissements n’ont jamais payé de taux dégradé et ne donnent pas suite à nos propositions de passage au taux fixe ; le fait de payer des taux bas depuis dix ans valide leur choix, et nous le respectons. Mais les pouvoirs publics devraient leur faire comprendre que, s’il est heureux que leur stratégie ait été récompensée pendant la première partie du prêt, c’est aujourd’hui le moment d’en changer car l’avenir reste très incertain.

À cette date, les huit prêts hors charte qui nous restent ne sont pas tous indexés sur le taux de change entre l’euro et le franc suisse ; les plus importants le sont sur celui entre le dollar et le yen, qui ne pose aucun problème. Ces huit prêts représentent à peu près 80 millions d’euros d’encours ; 40 millions sont éligibles au dispositif annoncé le 22 décembre, et nous coûtent quelque 20 millions d’euros. Nous attendons l’actualisation de l’instruction du 22 décembre, mais, depuis cette annonce, nous avons résolu un certain nombre de cas. Pour les huit prêts restants, le dispositif d’aide sera utile ; leur cas aurait pu être résolu plus tôt, mais j’espère qu’il le sera d’ici à la fin de l’année. Tous les établissements qui ont voulu maintenir avec nous des relations amiables bénéficient d’une prise en charge de leurs échéances dégradées, parfois depuis quatre ans, cet effort venant s’ajouter à notre contribution volontaire et fiscale au fonds de soutien. Nous faisons donc le nécessaire pour que les problèmes soient résolus dans des conditions raisonnables et espérons y parvenir dans le courant de l’hiver.

Nous déplorons que le dispositif d’aide exclue les hôpitaux dont le budget dépasse 100 millions d’euros, mais nous en avons pris acte et tentons de résoudre leurs difficultés par nous-mêmes. Nous regrettons également – et nous l’avons indiqué à la ministre – l’exclusion des hôpitaux de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne (FEHAP), les établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC) subissant les mêmes contraintes que les hôpitaux publics, voire des contraintes plus lourdes encore puisqu’ils paient plus de charges de personnel. Nous devrons ainsi trouver des solutions par nous-mêmes pour les trois ou quatre ESPIC concernés de la FEHAP. Quoi qu’il en soit, à la fin de l’hiver, la quasi-totalité des prêts résiduels hors charte devraient avoir disparu.

M. le coprésident Pierre Morange. Quelle est la taille de ces huit établissements ?

M. Pierre Vérot. Les grands établissements étant exclus du dispositif – pour des raisons que nous n’avons pas à commenter –, nos dirigeants ont dû régler leur cas sans compter sur cette aide. Il s’agit donc de dossiers d’établissements de petite taille, notamment de petits hôpitaux – dits d’aménagement du territoire – de la région Midi-Pyrénées que nous portons depuis des années et que nous porterons jusqu’à trouver une solution équilibrée et partagée. Nous nous rendons régulièrement à l’ARS de Toulouse pour suivre l’avancement du dossier ; j’ai bon espoir que les choses seront réglées avant la fin de l’année.

M. le coprésident Pierre Morange. Le taux moyen des prêts proposés par Dexia en 2014 s’élevait à 7,67 %. Quelles sont les valeurs extrêmes de la fourchette à laquelle correspond cette moyenne ?

M. Pierre Vérot. Tous les taux, sauf un qui fait l’objet d’un contentieux, ont été écrêtés à 7 %.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est donc ce qui fait remonter la moyenne au-dessus de 7 %. Et la valeur minimale ?

M. Pierre Vérot. Pour les prêts hors charte indexés sur le taux de change dollar/yen, la valeur inférieure devait être à 3,30 %. Un établissement qui n’a pas voulu préserver une relation constructive avec nous a conservé, je crois, un taux non écrêté ; un ou deux paient 3 % depuis très longtemps et n’ont pas envie de changer, mais je pense qu’ils finiront par s’y résoudre ; enfin, les autres, notamment en Midi-Pyrénées, paient 6 % ou 7 % en attendant que le dispositif d’aide commence à fonctionner cet hiver. La ministre a annoncé des mesures fiscales qui devraient figurer dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ou dans le projet de loi de finances que vous adopterez juste avant Noël.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Au-delà du problème immédiat, il faut aussi regarder vers l’avenir. Pensez-vous que la profession bancaire pourrait contribuer à la formation professionnelle des chefs d’établissements ou des directeurs financiers des hôpitaux ? En effet, les établissements sont conseillés par des cabinets extérieurs, mais nous avons pu constater, à l’École des hautes études de santé publique (EHESP) de Rennes, que si les formations ont évolué, certains produits restent très complexes. Il faudrait sortir de la relation purement « commerciale » dans laquelle on vend un produit, pour privilégier la formation et le conseil.

M. Pierre Vérot. L’EHESP dispense une formation sérieuse et la plupart de ceux qui, sortis de cette école, deviennent directeurs d’hôpital savent gérer des dettes très importantes et négocier, dans des domaines divers, des contrats bien plus complexes que ceux dont nous parlons aujourd’hui. La difficulté ne tient pas à un manque supposé de compétences : elle relève d’une responsabilité collective. Pour appliquer les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012, dont je ne conteste pas le bien-fondé, les directeurs d’hôpital ont, avec l’aval des agences régionales de santé, signé des contrats périlleux – en ce qu’ils prévoyaient des programmes de reconstruction ou de modernisation massive du parc hospitalier – qui, en réalité, ne pouvaient être menés à bien que si les emprunts étaient souscrits sur toute leur durée au taux de 2 %. Il n’était pas besoin d’avoir suivi des formations spécifiques à l’EHESP pour se rendre compte, et il n’aurait dû échapper à personne, que le niveau de dette accepté était élevé. Heureusement, la très grande majorité des travaux a pu être réalisée grâce à des taux d’intérêt bas, mais certaines anticipations peu réalistes ont conduit aux infortunes dont nous partageons le coût aujourd’hui. À l’avenir, la question ne se posera plus, les dispositions prises, pour certaines par des amendements récemment adoptés à votre initiative, faisant qu’il n’y aura plus guère d’ingénierie financière possible en ce domaine.

Sur le fond, il ne faut pas mésestimer le professionnalisme de ceux qui sortent de l’EHESP – mais je reconnais volontiers que cette observation ne s’applique peut-être pas à tous les directeurs d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou de petits centres hospitaliers.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Ma question concernait les équipes en poste à l’époque, d’ailleurs renouvelées depuis lors. Celles qui leur ont succédé, arrivées dans un contexte ardu, font preuve de beaucoup de courage et d’un sens aigu du service public, et elles témoignent de compétences dont je ne doute pas. La situation que nous connaissons résulte effectivement d’une chaîne de responsabilités et illustre les errements d’une époque où l’on pensait que la finance pouvait tout régler.

M. le coprésident Pierre Morange. Il s’agit en effet d’une responsabilité partagée. Mais qu’il ait fallu, dans la région nantaise, créer une structure associative pour « compléter » la réflexion des gestionnaires de l’établissement sur sa nécessaire restructuration financière et budgétaire traduit, pour le moins, quelques faiblesses conceptuelles en matière de comptabilité analytique et de programmation des investissements. Cette structure mutualisée suscite l’intérêt de nombreuses autres ARS, ce qui fait comprendre la nécessité évidente d’une montée en charge. Le souligner, ce n’est pas critiquer des hommes ou des femmes, mais dire que, lorsque des mécanismes financiers particulièrement complexes sont mis en œuvre, un professionnalisme est nécessaire, que peu de personnes maîtrisent, notamment dans la sphère publique, ce qui est assez normal.

Notre mission souhaite que la sortie de crise se fasse dans les délais les plus brefs, de sorte que les établissements de santé retrouvent une capacité d’autofinancement et donc d’investissement en ressources humaines et matérielles au bénéfice des patients. La restructuration de la dette des établissements publics de santé et le rétablissement de l’équilibre des comptes sont des éléments essentiels de la pérennité de notre système de protection sanitaire et sociale, schéma le plus abouti de la solidarité nationale. Chacun doit y contribuer, les établissements bancaires pouvant faire le deuil des pénalités de sortie.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Constatez-vous des tensions de trésorerie – un gonflement des dettes non financières ou des financements à court terme plus difficiles à mobiliser ?

M. Jean-Sylvain Ruggiu. Le groupe BPCE, qui finance quelque 800 hôpitaux, constate que, de septembre 2014 à mars 2015, le taux moyen de tirage – c’est-à-dire l’utilisation moyenne des lignes de crédits accordés aux hôpitaux – est tombé de 49 % à 32 %. Toutefois, les écarts sont très marqués puisque ces taux s’étagent de 5 % à 95 % selon les établissements, ce qui traduit la disparité de leurs trésoreries. Quoi qu’il en soit, à ce jour, nous n’avons pas d’impayés.

M. le coprésident Pierre Morange. Je suppose que la Fédération bancaire française dispense des formations relatives à l’octroi de prêts. Pourrait-elle concevoir, éventuellement en liaison avec l’EHESP, un court cycle de formation à ce sujet, destiné à renforcer les connaissances des équipes dirigeantes des établissements de santé sur les mécanismes les plus complexes ? Une telle mesure, qui permettrait d’éviter bien des aléas, pourrait figurer au nombre des recommandations de notre mission.

M. Richard Boutet. La Fédération bancaire française n’a pas mis au point de module de formation à proprement parler, mais l’information des entreprises publiques et privées à ce sujet, sur papier et par le biais d’internet, est l’une de nos priorités. Nous pourrions travailler avec vous à une action visant plus particulièrement les établissements de santé.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret, rapporteure. Mesdames, messieurs, je vous remercie d’avoir contribué à notre réflexion. Notre rapport devrait être présenté à la Commission des affaires sociales le 15 juillet. Nous souhaitons évidemment qu’aucun des établissements publics de santé, dont nous avons si grand besoin, ne se trouve à nouveau dans une situation aussi compliquée qu’aujourd’hui, et nous espérons, pour le bien des patients, que vous trouverez avec ceux des hôpitaux qui sont encore en grande difficulté des solutions de sortie de crise.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous suivrons ce dossier en espérant qu’il soit définitivement réglé à la fin de l’année et nous vous demanderons de nous faire savoir par courrier l’évolution des encours de dettes. Vous aurez compris que, pour clore l’exercice budgétaire 2015 sur une note positive, au bénéfice de la santé de nos concitoyens, nous souhaitons tout particulièrement l’effacement des pénalités de sortie.

La séance est levée à dix heures cinquante.

Information relative à la Mission

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a désigné M. Jean-Pierre Door, rapporteur sur « la gestion du régime obligatoire de l’assurance maladie par certaines mutuelles ».