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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mardi 20 octobre 2015

Séance de 15 heures 15

Compte rendu n° 01

Présidence de M. Jean-Pierre Door, rapporteur, puis de M. Pierre Morange, coprésident

– Audition, ouverte à la presse, de M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), Mme Clélia Pienne, conseillère auprès du directeur général, Mme Véronika Levendof, responsable du département juridique, et M. Éric Le Boulaire, directeur de la direction déléguée aux opérations, et de M. Franck Duclos, directeur délégué aux politiques sociales de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires, et de M. Gérard Quevillon, président du Régime social des indépendants (RSI), M. Stéphane Seiller, directeur général, et M. Olivier Maillebuau, attaché de direction en charge des relations parlementaires, sur « la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles » (M. Jean-Pierre Door, rapporteur)

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mardi 20 octobre 2015

La séance est ouverte à quinze heures vingt.

(Présidence de M. Jean-Pierre Door, rapporteur,
puis de M. Pierre Morange, coprésident de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), accompagnée de Mme Clélia Pienne, conseillère auprès du directeur général, Mme Véronika Levendof, responsable du département juridique, et M. Éric Le Boulaire, directeur de la direction déléguée aux opérations, de M. Franck Duclos, directeur délégué aux politiques sociales de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA), accompagnée de M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires, et de M. Gérard Quevillon, président du Régime social des indépendants (RSI), et M. Stéphane Seiller, directeur général, accompagnés de M. Olivier Maillebuau, attaché de direction en charge des relations parlementaires, sur « la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles » (M. Jean-Pierre Door, rapporteur).

M. Jean-Pierre Door, président, rapporteur. Mesdames, messieurs, nous vous avons invités il y a déjà quelques semaines, après que les difficultés de gestion de certaines mutuelles, en particulier des mutuelles étudiantes, nous eurent incités à prendre l’initiative de cette mission d’information. Or l’Assemblée nationale débat en ce moment en séance publique du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016 et nous avons découvert, à l’article 39, que le Gouvernement modifiait les conditions de la délégation de gestion des mutuelles. Nous nous demandons donc s’il est bien utile de poursuivre nos travaux, puisque le dispositif devrait être adopté dans les semaines qui viennent.

Monsieur Nicolas Revel, quel regard portez-vous sur les régimes spécifiques de l’assurance maladie obligatoire, qu’il s’agisse des mutuelles de fonctionnaires ou des mutuelles étudiantes ? Quelles réformes peut-on imaginer ? Quelles économies potentielles peuvent être envisagées ? Enfin, que pensez-vous de l’article 39 du PLFSS ?

M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). La Caisse d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) est un établissement public administratif de l’État. À ce titre, elle n’a pas vocation à faire des propositions pour reconfigurer le paysage, et a fortiori des propositions d’ordre législatif. Je vous demande par avance de nous pardonner si nous limitons notre propos à des observations qui se situent dans notre périmètre de gestion tel que défini par la loi. Il me semble qu’il appartient au Gouvernement et au législateur de se saisir des sujets plus fondamentaux concernant l’évolution du cadre législatif.

(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la MECSS)

Les régimes spécifiques – fonctionnaires et étudiants – concernent 8 millions d’assurés, pour un total de 8,5 milliards de prestations en nature et un coût de gestion d’un peu plus de 350 millions d’euros. Ces trois chiffres ne sauraient masquer les situations différentes des mutuelles étudiantes, d’une part, et des mutuelles de fonctionnaires, d’autre part.

Entre les mutuelles étudiantes elles-mêmes, les modalités de gestion sont très différentes. Alors que les sociétés mutualistes étudiantes régionales (SMER) du réseau national emeVia – SMEREP, SMERAG, etc. – continuent de gérer leurs assurés selon les schémas qui prévalaient jusqu’à présent, la Mutuelle des étudiants (LMDE), qui compte 900 000 affiliés, s’inscrit, depuis le 1er octobre dernier, dans le cadre d’un partenariat avec l’assurance maladie, à laquelle a été confiée une partie importante de la gestion du régime obligatoire. Ainsi, la gestion de la LMDE a été réintégrée au régime général.

Le régime des fonctionnaires offre un paysage bien différent, avec des modalités de gestion elles-mêmes très variées, selon qu’on est en section locale mutualiste ministérielle (SLM), en section locale mutualiste interministérielle (SLI) ou qu’il s’agit de mutuelles relevant de l’article L. 211-4 du code de la sécurité sociale et qui représentent 1 million d’assurés. En outre, depuis le 1er avril dernier, certaines SLI regroupées autour de MFP Services se sont adossées au régime général pour lui confier une prestation d’infogérance, tandis qu’un opérateur important, la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN), continue de gérer globalement ses affiliés.

On le voit, les modes d’organisation et de gestion sont donc très différents : les niveaux de partenariat ou de rapprochement dans la gestion du régime obligatoire entre ces opérateurs et le régime général connaissent des variations allant de l’absence de tout partenariat jusqu’à une intégration très forte.

En ce qui concerne les marges d’amélioration, il faut se poser deux questions. D’une part, les modalités de gestion du régime obligatoire assurent-elles aujourd’hui une bonne qualité de service aux assurés ? Les ratios de coûts de gestion des régimes sont-ils aussi serrés que possible ?

Pour ce qui est de la qualité de gestion, ma réponse sera forcément nuancée. Du côté des régimes étudiants, un opérateur important, la LMDE, a rencontré des difficultés objectives qui se sont traduites par une dégradation de sa qualité de service, reconnue par la mutuelle elle-même, qui a souhaité s’adosser au régime général. Je ne dispose pas d’éléments me permettant d’évaluer la qualité de service des autres mutuelles étudiantes. Vous aurez probablement l’occasion d’approfondir vous-mêmes cette question avec elles. Il est à noter que, dans le cadre de ces régimes, les changements de situation des assurés (mutations inter-régime) peuvent entraîner une suspension provisoire des droits des étudiants.

Nous avons donc repris la gestion de la LMDE depuis le 1er octobre. Nous travaillons à retrouver une qualité de service tant pour le traitement des prestations que pour les réponses aux questions des assurés dans le cadre de nos accueils et de nos plateformes téléphoniques. La CNAMTS, fortement mobilisée, est en passe d’atteindre les objectifs de critères de qualité sur lesquels elle s’est engagée.

En ce qui concerne les mutuelles de fonctionnaires, le modèle de gestion intégrée présente un double intérêt pour les assurés, auxquels il offre une prestation complète permettant de gérer leurs remboursements tant au titre du régime obligatoire que du régime complémentaire.

Comme tous les gestionnaires du régime obligatoire, les mutuelles, confrontées aux exigences de qualité et à la mobilisation des gains d’efficience, connaissent une évolution des frais de gestion, qui se traduit par un ajustement ou une évolution des remises de gestion qui leur sont versées dans le cadre des contrats de quatre ans que nous signons avec elles. Nous les incitons ainsi à réduire leurs dépenses de fonctionnement, ce qui met forcément sous tension certaines fonctions, telle la fonction informatique. Quelques mutuelles se sont d’ailleurs dirigées vers une solution d’infogérance permettant de s’adosser au système d’information du régime général : ainsi, elles font l’économie de divers investissements ou coûts de maintenance.

M. le coprésident Pierre Morange. L’intervention de M. le directeur général a bien posé le débat et ne remet aucunement en cause la poursuite de nos travaux. Ceux-ci nous permettront d’affiner, dans le cadre général défini par l’article 39 du PLFSS, un double questionnement exposé par la Cour des comptes, les rapports de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et de l’IGF (Inspection générale des finances) qui soulignaient à la fois la médiocre qualité du service fourni par certaines mutuelles et des coûts de gestion excessifs.

Dans vos réponses au questionnaire que nous vous avons adressé, vous écrivez que « la charge de travail supplémentaire pour reprendre la gestion des 900 000 affiliés LMDE a été évaluée à 395 ETP » (équivalents temps plein). À quelle somme cela correspond-il en termes de masse salariale annuelle ? On doit approcher les 17 millions d’euros.

M. Nicolas Revel. Ce sont plutôt 20 millions de masse salariale chargée.

M. le coprésident Pierre Morange. Sur ces 20 millions d’euros, quelles économies comptez-vous faire avec la reprise des mandats de gestion ? Si vous prenez en charge la masse salariale correspondante, il vous faudra dégager une économie, faute de quoi on aboutira à un simple doublon de la disposition initiale.

Le rapport de l’IGAS sur les mutuelles de fonctionnaires et d’étudiants avait évoqué l’opportunité historique de la pyramide des âges des salariés dans le cadre du régime obligatoire de l’assurance maladie. Le départ à la retraite de quelque 20 000 salariés dans les années à venir constitue une occasion pour améliorer les coûts de gestion, même si la complexité accrue de nos systèmes peut aboutir à créer des charges supplémentaires. Au regard de ces départs à la retraite, que peut-on faire, en termes de gestion des ressources humaines, pour rationaliser les effectifs ?

Enfin, quelle est la capacité de congruence entre les différents systèmes d’information ? La MECSS a abordé ce sujet à de nombreuses reprises, mettant en évidence le fait que plutôt qu’à des systèmes informatiques lourds, les mainframes, il pourrait être plus avantageux de recourir à des systèmes ouverts. Nous en avons fait la démonstration au niveau de la branche famille, en dégageant une économie de quelque 20 millions d’euros, compte tenu du coût très élevé de la licence et de la maintenance des logiciels. La question serait à poser pour l’assurance maladie, avec la reprise des compétences des régimes de mutuelles : y avons-nous des situations similaires en termes de systèmes informatiques et de capacités d’urbanisation ou d’interface ?

M. Nicolas Revel. En ce qui concerne la LMDE, les 395 ETP ne correspondent pas au nombre de salariés de la LMDE que nous avons repris.

M. le coprésident Pierre Morange. Ceux-là s’élèveraient à 456, si je ne m’abuse, selon les éléments fournis.

M. Nicolas Revel. La LMDE nous avait annoncé en avril dernier qu’elle comptabilisait dans ses effectifs entre 470 et 480 agents en CDI ou en CDD affectés principalement aux missions du régime obligatoire et ayant donc vocation à être transférés dans le cadre de la reprise. Au fil des mois, ces effectifs sont tombés à 430, un certain nombre d’agents – notamment de personnes en CDD – ayant quitté la mutuelle. Le chiffre de 395 ETP que vous avez mentionné est issu d’une étude que nous avons menée avec la tutelle du ministère – la Direction de la sécurité sociale – et qui visait à évaluer la charge de travail induite par la reprise de gestion de ces 900 000 étudiants.

Les 20 millions d’euros de masse salariale correspondent à la reprise des 430 agents que je viens d’évoquer. Mais le coût de gestion ne se limite pas à la masse salariale : nous reprenons aussi les coûts immobiliers, puisque nous devons loger ces agents dans des bureaux. Enfin, même s’ils ne sont pas très importants, d’autres coûts de gestion s’ajoutent à cela.

La remise de gestion que nous versions à la LMDE s’élevait en 2013 à 46 millions d’euros. Il faut déduire de ce montant tout ce que nous allons prendre à notre charge et ce que nous allons continuer à verser à la LMDE, celle-ci maintenant un certain nombre de missions au titre du régime obligatoire. Nous calculons nos remises de gestion à partir du coût par étudiant. En nous fondant sur une hypothèse de 900 000 étudiants, nous verserons une remise de gestion de 7 millions d’euros en 2016, 5 millions en 2017 et 4 millions en 2018.

À cela, il faut ajouter le coût de gestion, ce que va nous coûter la reprise, soit 20 millions d’euros, plus des coûts de gestion, plus ce que nous versons encore en remise de gestion. Nous sommes en train de faire les comptes, mais le coût global sera d’une grosse dizaine de millions d’euros.

M. le coprésident Pierre Morange. Quatorze millions d’euros ?

M. Nicolas Revel. Je ne peux pas donner un chiffre aussi précis, parce que nous sommes aujourd’hui en train d’objectiver tout ce qui vient s’ajouter à la masse salariale. C’est une différence que l’assurance maladie ne conservera pas pour elle-même, mais qui fera l’objet d’un ajustement sur notre fonds national de gestion, qui viendra en réduction globale des coûts de gestion de la branche au sens large. Cette opération conduit à une économie nette que l’on peut situer entre 10 et 14 millions d’euros, mais ce montant doit être affiné.

On peut se demander d’où vient cette économie. Hier, la LMDE n’avait pas son propre système d’information (SI) et payait chaque année 8 millions d’euros à un prestataire extérieur qui lui facturait le coût annuel d’un SI développé par ailleurs. Comme nous reprenons la LMDE dans le cadre de notre propre SI, les 900 000 étudiants qui arrivent dans le régime général s’intègrent totalement dans nos chaînes de traitement, dans nos bases informatiques, et représentent, de ce point de vue, un coût marginal quasi nul.

M. le rapporteur. Avez-vous, sur le plan informatique, la capacité d’absorber les 900 000 nouveaux dossiers ?

M. Nicolas Revel. Nous les avons absorbés au 1er octobre. Nous avons opéré la transition dans le cadre d’un calendrier relativement serré : nous n’avons eu que quelques mois, entre avril et octobre, pour la préparer. Les équipes de la CNAMTS ont su relever le défi et ont assuré la reprise informatique des données issues des systèmes d’information de la LMDE, autrement dit la bascule du stock des assurés de la LMDE qui représente quelque 1,4 million d’étudiants – car, outre ses 900 000 affiliés, la LMDE doit conserver dans ses dossiers les assurés des deux années précédentes, même s’ils ne sont plus étudiants, puisqu’il est possible de se faire rembourser ses soins pendant deux ans. Depuis le 1er octobre, nous liquidons sans difficulté les prestations en nature des assurés de la LMDE.

M. le coprésident Pierre Morange. L’assurance maladie s’était-elle assurée qu’il y avait eu une procédure de mise en concurrence pour le choix du SI, laquelle eût été pertinente, compte tenu du rapport coût-efficacité fourni par le prestataire ?

M. Nicolas Revel. Le Groupement d’intérêt économique (GIE) Chorégie de la MGEN, intitulé aujourd’hui MGEN Technologies, a développé un SI commun pour toute une série de mutuelles. La LMDE y est venue, ainsi que d’autres mutuelles. Certaines sont parties depuis, puisque le réseau MFP Services est pour sa part passé en infogérance auprès du régime général. Le coût de développement de ce système n’appelle pas d’observations de notre part, pas plus que ce qui a pu être facturé à la LMDE.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous êtes amenés à prendre en charge les locaux d’accueil des 435 salariés de la LMDE. L’immobilier de cette même mutuelle devient donc vacant. Demandez-vous une équivalence par rapport au patrimoine immobilisé, que l’assurance maladie a quelque peu contribué à financer ?

M. Nicolas Revel. La LMDE était le plus souvent locataire.

M. le coprésident Pierre Morange. Cela peut-il aboutir à une diminution des loyers ?

M. Nicolas Revel. Elle était locataire à la fois de sites de production, où elle gérait du back-office, et d’une cinquantaine de points d’accueil sur le territoire. Dans le cadre de la transition, la CNAMTS a repris les baux correspondant aux sites de production situés à Lille, Rennes, Poitiers et en Île-de-France. Là où nous avons besoin de locaux, nous avons repris les baux. En revanche, là où nous n’avions pas le souhait de pérenniser les accueils, puisque nous allons permettre aux étudiants, outre l’ouverture d’un compte AMELI et d’une plateforme téléphonique spécifique, de venir dans les accueils des caisses primaires, nous avons indiqué à la LMDE qu’elle pouvait résilier les baux correspondant à ces points d’accueil.

M. le coprésident Pierre Morange. Je suppose qu’il s’agit d’immobilier locatif et qu’il n’y a pas d’immobilisation au titre du foncier.

M. Nicolas Revel. Il y a très peu de foncier.

M. le rapporteur. Et ils sont transférés dans les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) de leur région.

M. Nicolas Revel. Les agents qui étaient sur des sites de production y restent, sauf exception. Les autres ont été transférés aux CPAM.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous n’avez pas complètement répondu à la question concernant la pyramide des âges.

M. Nicolas Revel. Tous les régimes, y compris l’assurance maladie, contractent avec le ministère chargé de la santé des conventions d’objectifs et de gestion (COG) qui prévoient une réduction des effectifs en se fondant sur une hypothèse de taux de recrutement par rapport au nombre de départs à la retraite. Pour ce qui est de la COG signée en 2014 pour quatre ans, l’hypothèse est celle d’un départ à la retraite sur deux remplacé, soit 4 500 non-remplacements fondés sur une hypothèse de 9 000 départs à la retraite pendant ces quatre ans. Pour arriver à 20 000, l’échéance sera plus longue.

M. le coprésident Pierre Morange. L’IGAS indique la date de 2025.

M. Nicolas Revel. Il s’agit peut-être de toutes les branches, pas seulement de la branche maladie. En l’occurrence, je parle uniquement du régime général au sein de la branche maladie. Pour ce qui est du régime général, je le répète, il y aura, à la fin de la COG, 4 500 agents de moins qu’en 2014.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce qui fait en gros 200 millions, la masse salariale annuelle chargée étant de 45 000 ou 50 000 euros.

M. Nicolas Revel. En effet.

M. le rapporteur. Je me tourne désormais, avec les mêmes questions, vers le représentant de la Mutualité sociale agricole (MSA). Que pensez-vous des régimes spécifiques que sont les mutuelles de fonctionnaires et d’étudiants ? Comment réformer ce dispositif ? Comment réagissez-vous à l’article 39 ?

M. Franck Duclos, directeur délégué aux politiques sociales de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA). Je partirai du rapport de l’IGAS et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur la gestion de l’assurance maladie, rédigé en septembre 2013, dont les préconisations ont été reprises par le Gouvernement. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 – que vous avez votée – confie ainsi au régime agricole le monopole de la gestion des branches maladie et accident du travail/maladie professionnelle (AT/MP) des non-salariés agricoles, dont une partie – quelque 400 000 assurés, 40 % au titre de la maladie et 60 % au titre des accidents du travail – était gérée par Apria. Ce transfert de gestion s’est déroulé sur le premier semestre 2014 : les cotisations dès janvier, les prestations au 30 juin.

Le rapport IGAS-IGF dresse un bilan nuancé de la gestion assurée par ces partenaires. Certains éléments sont très positifs : le travail mené en commun par MSA et Apria pendant cette courte période a toujours suivi la logique du service aux assurés. Le fait que la réintégration au sein de la MSA de 400 000 assurés n’ait provoqué aucun débat montre bien que les deux partenaires ont réussi la transition. Mais la reprise nous a également permis de constater que la gestion d’Apria était marquée par des retards ; l’organisme négligeait de prélever les franchises et les participations forfaitaires, comme de mettre à jour les pensions d’invalidité et d’intégrer dans ses systèmes d’information les majorations prévues par les avenants 8 et 9 de la convention médicale.

Certains éléments peuvent vous intéresser du point de vue financier. Dans le cadre de cette reprise, nous avons réintégré 220 salariés d’Apria, allant au-delà de la convention d’objectifs et de gestion qui prévoyait la suppression de 1 250 ETP (équivalent temps plein) sur la période 2011-2015. La prise en charge des coûts de gestion associés, aussi bien en frais de fonctionnement qu’en hébergement, permet aux pouvoirs publics de réaliser une économie d’un peu plus de 20 millions d’euros. Cet exemple peut utilement éclairer vos travaux.

M. le président Pierre Morange. À combien de bénéficiaires correspondent ces 20 millions d’euros d’économie ?

M. Franck Duclos. À 400 000.

M. le président Pierre Morange. Si l’on fait le parallèle avec l’assurance maladie obligatoire, on n’est pas dans les mêmes abaques !

M. Franck Duclos. Cette économie correspond à l’intégralité des frais de gestion accordés à Apria ; on ne pouvait pas faire davantage !

M. Nicolas Revel. Ce point est à porter à votre crédit !

M. le président Pierre Morange. En effet, il faut souligner la qualité du travail effectué par la MSA comme le poids des contraintes de l’assurance maladie obligatoire.

M. Nicolas Revel. Nous étions tenus de reprendre le personnel.

M. Franck Duclos. Nous étions dans la même situation ! Mais, si l’économie réalisée correspond à ce qui était versé à Apria au titre des frais de gestion, les 220 ETP que nous avons repris nous coûtent moins que ces 20 millions d’euros.

M. le président Pierre Morange. La MECSS devrait comparer les coûts que vous versiez à Apria à ceux qui étaient versés par l’assurance maladie aux mutuelles, afin d’en tirer des conclusions pertinentes.

M. Franck Duclos. Je voudrais également évoquer la gestion pour compte de tiers, élément spécifique à la MSA. Elle concerne à peu près 1,8 million d’assurés. Les mutuelles de fonctionnaires offrent aux assurés le service de la gestion du régime obligatoire et complémentaire à la fois. La MSA fait le contraire : en plus du régime obligatoire, elle gère aussi, par délégation de certains organismes complémentaires – Mutualia, Agrica et Groupama –, le régime complémentaire pour quelque 1,8 million de personnes. La gestion pour compte de tiers évoluera avec l’arrivée du tiers payant intégral, mais on a encore du mal à bien évaluer l’impact de la mesure et les modalités du changement.

Je voulais également revenir sur les mutuelles étudiantes. Voir ses assurés partir à dix-huit ans à l’entrée dans les études ne réjouit pas la MSA. D’abord, on peut s’interroger sur la qualité de gestion de ces mutuelles, mais également sur leur capacité à assurer une prise en charge globale des assurés, notamment en matière de prévention, là où la MSA offre précisément un service particulièrement intéressant. Les assurés qui partent vers les mutuelles étudiantes limitent par exemple les actions bucco-dentaires, en particulier les rendez-vous de prévention dits « M’T dents ». Je souhaite donc, en cohérence avec l’article 39 du PLFSS pour 2016, que nous puissions conserver nos assurés au sein du régime agricole, même lorsqu’ils deviennent étudiants ; ce serait bénéfique pour eux.

Enfin, nous collaborons avec certains régimes, tels que ceux de la RATP ou de la SNCF. Le premier travaille avec la MSA en infogérance ; le second s’est doté de l’outil informatique de la MSA et s’apprête à passer en infogérance à partir du 1er janvier prochain. A contrario, dans cette logique de coopération interrégime, nos partenaires de la RATP et de la SNCF participent aux instances de pilotage de nos systèmes d’information, intervenant dans leurs choix d’évolution.

M. Gérard Quevillon, président du Régime social des indépendants (RSI). Je ferai une réponse courte et politique, au nom des élus du RSI, laissant à mon directeur général le soin de vous donner les éléments chiffrés. Comme mon collègue de la MSA, je suis surpris que les étudiants, pourtant ayants droit de leurs parents, quittent le régime RSI pour une autre mutuelle. En effet, on pourrait très bien continuer à gérer leur dossier pour les faire bénéficier d’un suivi médical global.

En tant que citoyen et gestionnaire d’un régime de protection sociale, je ne peux que regretter qu’à chaque grande réforme de la sécurité sociale, l’on se limite à réformer le régime général, la MSA et le RSI, sans toucher aux régimes spéciaux.

Les élus du RSI s’interrogent également sur une autre anomalie : la MSA gérant 90 % de salariés et 10 % d’indépendants, pourquoi garder deux régimes de salariés sur notre territoire ? Je ne souhaite pas ouvrir une polémique, mais faire un constat : il faut mener une véritable réforme de fond et aller jusqu’au bout. Pour ma part, j’ai mené et je continue à mener des réformes au sein du RSI, malgré les difficultés, car notre souci est d’être au plus près de nos assurés, de les servir et de leur éviter tout problème.

Je laisse M. Stéphane Seiller vous expliquer quelle incidence l’article 39 peut avoir sur le RSI.

M. Stéphane Seiller, directeur général du RSI. Un mot pour rappeler l’organisation spécifique de l’assurance maladie du RSI. Nous utilisons des délégations de gestion, l’ensemble des prestations de l’assurance maladie – les prestations maladie en espèces, les prestations en nature et les indemnités journalières servies aux artisans et commerçants au titre des arrêts maladie – étant versées par des organismes que nous conventionnons. Alors que ces organismes conventionnés étaient au nombre de soixante-trois en 2008, ils ne sont plus actuellement que vingt : un groupement d’assurances, la RAM, qui dépend d’Apria, et dix-neuf mutualistes. Comme tous les régimes, nous avons des progrès à faire, mais ce système fonctionne de manière satisfaisante. L’IGAS vient, dans le cadre de la préparation de la nouvelle convention d’objectifs et de gestion du RSI, de procéder à un audit approfondi de ces questions, et, si son rapport n’est pas encore public, le projet de rapport semble laisser entendre qu’il faut conserver cette organisation.

Le système est également efficace du point de vue économique. Les coûts de gestion, tels que l’IGAS les a évalués – comprenant le coût de fonctionnement des organismes conventionnés, mais également les charges que nous conservons dans nos caisses régionales ou à la caisse nationale RSI –, apparaissent plutôt limités par rapport à ceux des régimes obligatoires, par exemple le régime général ou la MSA. A priori, selon les calculs de l’IGAS, nous sommes à 85 euros par personne protégée ; la MSA salarié serait à 183 euros, la MSA exploitant, à 191 euros, et les CPAM, à 94 euros. Dans le calcul des coûts de gestion, l’IGAS ne prend pas en compte l’ensemble des populations effectivement protégées par le RSI et ses organismes conventionnés, car nous faisons l’erreur, pour des raisons historiques, de ne pas intégrer dans nos statistiques les personnes en maintien de droits – éventuellement prolongés au-delà de un an. Or celles-ci sont nombreuses puisque plus d’un demi-million d’assurés n’ayant plus d’activité professionnelle ne font pas la démarche de rattachement au régime des résidents. On ne va pas se battre sur les chiffres, mais ces éléments montrent que notre système n’est pas plus coûteux que d’autres, tant s’en faut.

M. le président Pierre Morange. Vous avez cité un chiffre de 85 euros par bénéficiaire…

M. Stéphane Seiller. Par personne protégée, ouvrant droit et ayant droit ; mais nous ne tenons pas compte dans nos statistiques des personnes en maintien de droits. Cela vient de l’époque où l’on rémunérait les organismes conventionnés en fonction du nombre de personnes protégées : pour éviter de payer trop de remises de gestion aux délégataires, la caisse nationale du RSI ne mentionnait dans ses statistiques officielles que les personnes effectivement protégées pour la période d’affiliation au titre de l’activité professionnelle.

M. le président Pierre Morange. C’est donc 85 euros par personne protégée, quels que soient leur statut et leur tranche d’âge…

M. Stéphane Seiller. C’est l’ensemble de la population, actifs ou retraités.

M. le président Pierre Morange. Mais on n’y intègre pas les étudiants ?

M. Stéphane Seiller. Non. Le président Gérard Quevillon a exprimé un avis de citoyen sur les délégataires de gestion du régime général – mutuelles de fonctionnaires et d’étudiants ; je ne me permettrai pas d’en faire autant, mais je saisis l’occasion pour déplorer que les délégations de gestion du RSI aux organismes conventionnés soient périodiquement remises en cause. L’IGAS, qui vient d’étudier la question d’une manière approfondie, estime qu’il s’agit d’un système performant, même si, comme tout régime, nous avons des progrès à faire en qualité de service ou en matière d’efficacité. J’ajoute que les prestations servies par nos délégataires de gestion – l’indemnisation des arrêts de travail pour les artisans et commerçants et les prestations d’invalidité – sont gérées à l’équilibre financier, les versements étant couverts par les cotisations des actifs indépendants.

M. le président Pierre Morange. Vous citez le chiffre de 85 euros par bénéficiaire. Selon la même grille de lecture, quels sont les coûts de gestion de la MSA ?

M. Franck Duclos. Permettez-moi de revenir sur différents points. Les chiffres cités par le RSI à propos du régime agricole ne me paraissent pas cohérents avec les informations dont je dispose. Le président Gérard Quevillon parlait de 90 % de salariés agricoles et de 10 % de non-salariés agricoles. Or les chiffres de la commission des comptes de la sécurité sociale montrent que, sur les 3,3 millions d’assurés MSA, 1,6 million sont salariés agricoles et 1,7 million, non-salariés ; les deux catégories sont donc pratiquement à égalité.

Quant aux chiffres cités par le directeur général du RSI, nous n’avons pas d’informations sur ce rapport non publié de l’IGAS, mais les données du rapport IGAS-IGF de 2013 sur les coûts de gestion, datant de seulement deux ans, montrent que les coûts sont assez proches entre le régime général et la MSA, mais supérieurs pour le RSI.

M. Nicolas Revel. La difficulté de ces chiffres, c’est que les différents régimes recourent à des indicateurs différents. Nous utilisons la notion de bénéficiaire actif, qui n’est pas forcément la même que celle que manient le RSI ou la MSA. La définition des frais de gestion est également variable, le périmètre des dépenses n’étant pas toujours le même. Tel que nous le définissons, le coût par bénéficiaire actif lié au versement des prestations au régime général – qui comprend l’ensemble des tâches de gestion assurées par les CPAM – s’élève à 60 euros. Tous ces chiffres se répondent les uns aux autres, chacun cherchant à prouver qu’il est le moins cher – un exercice délicat. Mais il faut comparer des choses comparables, sur des périmètres identiques.

M. le président Pierre Morange. Monsieur le directeur général, si un jour vous en avez assez de l’assurance maladie, vous pouvez entrer directement au quai d’Orsay !

M. Gérard Bapt. Y compris pour les délégations aux mutuelles de fonctionnaires, c’est donc un souci d’économie qui a guidé le Gouvernement dans son PLFSS pour 2016 ?

M. Nicolas Revel. Il serait préférable d’interroger le Gouvernement à ce sujet !

M. le rapporteur. Il est d’autant plus difficile de répondre à cette question que les mutuelles de fonctionnaires couvrent une population importante – fonctionnaires territoriaux, hospitaliers… – aux statuts différents.

M. Nicolas Revel. S’agissant de la relation entre le régime général et les mutuelles de fonctionnaires et d’étudiants, la bonne démarche – pratiquée depuis plusieurs années – consiste à mener avec chacune d’elles un dialogue permettant d’identifier ses besoins. Toutes ne sont pas dans la même situation : certaines considèrent que les remises de gestion qui leur sont versées leur permettent de prendre en charge l’ensemble des tâches relevant du régime d’assurance maladie obligatoire ; d’autres souhaitent faire l’économie des lourdes dépenses de développement informatique ou de maintenance. Elles peuvent alors s’adosser, par le biais de l’infogérance, au système informatique du régime général. D’autres encore peuvent choisir une modalité d’intégration plus poussée en s’appuyant complètement sur le back-office de la CNAMTS, avec parfois des transferts de personnel. Toutes ces modalités sont possibles et ouvertes aux mutuelles. La rédaction proposée pour l’article 39 du PLFSS pour 2016 se contente, me semble-t-il, de fixer un cadre juridique permettant, demain, d’accompagner ce type de démarches sur mesure qui procèdent toujours d’un dialogue et d’une volonté partagée des uns et des autres de faire évoluer les modalités de gestion.

M. le rapporteur. Je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Le sujet d’investigation de la MECSS et le débat sur le PLFSS se croisent manifestement. Nous verrons donc comment évoluera notre mission d’information.

M. le président Pierre Morange. Je vous remercie également. Espérons qu’une proposition relevant d’une philosophie de restauration assurantielle à la demande s’inscrira dans une logique obligatoire n’ayant pour seule grille de lecture que la recherche du meilleur rapport coût-efficacité, pour préserver et défendre les intérêts de nos concitoyens.

La séance est levée à seize heures vingt.