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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mardi 8 mars 2016

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 08

Présidence de Mme Gisèle Biémouret et de M. Pierre Morange, coprésidents

Auditions, ouvertes à la presse, sur l’hospitalisation à domicile (Mme Joëlle Huillier, rapporteure) :

– M. Yves-Jean Dupuis, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (FEHAP), M. David Causse, coordonnateur du pôle Santé-Social, et Mme Solène Gouesbet, conseillère sanitaire et santé-social, chargée de l’hospitalisation à domicile

– M. David Gruson, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), et M. Alexandre Mokédé, adjoint au responsable du pôle Organisation sanitaire et médico-social chargé des questions sanitaires

– M. Philippe Ulmann, directeur de l’offre de soins de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), et Mme Annie Fouard, responsable du département Hospitalisation

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mardi 8 mars 2016

La séance est ouverte à seize heures vingt.

(Présidence de Mme Gisèle Biémouret et de M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de M. Yves-Jean Dupuis, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif (FEHAP), de M. David Causse, coordonnateur du pôle Santé-Social, et de Mme Solène Gouesbet, conseillère sanitaire et santé-social, chargée de l’hospitalisation à domicile.

M. le coprésident Pierre Morange. Alertée par un rapport de la Cour des comptes, la MECSS se propose d’entreprendre l’analyse de l’hospitalisation à domicile (HAD). Madame, messieurs, pouvez-vous nous faire part de votre expérience ?

Mme Joëlle Huillier, rapporteure. Merci de bien vouloir nous apporter votre éclairage sur l’HAD. Nous souhaitons comprendre pourquoi cette pratique ne marche pas aussi bien que dans les pays étrangers et quels freins entravent son développement. S’agit-il d’un problème d’organisation ? D’un rapport difficile à l’hospitalisation classique ou à la médecine libérale ? La tarification crée-t-elle des difficultés ? Votre fédération regroupe des services d’HAD ; comment voyez-vous le développement de cette pratique ?

M. Yves-Jean Dupuis, directeur général de la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif. Par rapport aux autres fédérations, la FEHAP a pour particularité de couvrir l’ensemble du champ de la protection sociale : les secteurs sanitaire, médico-social et social. Dans chacune de ces composantes sont présents presque tous les types d’activité. Dans le domaine des soins à domicile, nous assurons 60 % d’activité d’HAD. En matière de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD)
– complémentaires de l’HAD –, nous sommes pratiquement au même niveau que l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles (UNA). Nos adhérents ont également développé des activités de prise en charge du handicap dans le cadre des services à domicile (SAD). Nous avons milité pour la création des services polyvalents d’aide et de soins à domicile (SPASAD) – un rapprochement entre les SSIAD et les SAD. Cette culture est donc dans nos gènes depuis de nombreuses années.

Originaires du champ caritatif, mutualiste et associatif, nos adhérents travaillent dans un but non lucratif, cherchant à s’adapter aux besoins de la population. Or ces besoins changent : aux activités traditionnelles de court séjour et de soins aigus s’adjoint désormais une demande croissante d’accompagnement à domicile. C’est la volonté d’une association, la Ligue contre le cancer, qui a créé Santé Service, aujourd’hui adhérente à la FEHAP, de développer cette pratique qui a donné naissance à l’HAD, il y a de nombreuses années. L’HAD s’inscrit dans un contexte global où le parcours de soins ne peut plus être centré sur les séjours courts à l’hôpital mais doit devenir le plus ouvert possible. En effet, une population qui vieillit et présente des maladies chroniques a besoin d’une prise en charge au long cours. Elle ne peut plus se satisfaire d’une hospitalisation en court séjour dans des structures hospitalières. Nous sommes présents dans une dizaine de centres hospitaliers universitaires (CHU) et dans de nombreux hôpitaux généraux ; à côté de cela, nous proposons toute une palette de soins en réponse à différents besoins.

Mme la rapporteure. Quels sont les freins au développement de l’HAD ?

M. Yves-Jean Dupuis. Il y en a plusieurs. Tout d’abord, le système français est centré sur les courts séjours hospitaliers. Même si l’HAD est née il y a maintenant plusieurs dizaines d’années, ce biais a longtemps bloqué le développement de structures alternatives à l’hospitalisation traditionnelle. Le deuxième problème est celui de la formation des professionnels. En effet, on observe, tout au long des études médicales, une méconnaissance des alternatives aux CHU. Depuis quelques années, des internes de santé publique font des semestres à la FEHAP pour découvrir, au bout de six ans d’études, un autre monde : les structures de l’HAD, les moyens séjours et les structures médico-sociales. Satisfaits, ils se passent désormais le mot pour postuler chez nous. Le problème financier est un troisième frein car on ne sait pas toujours comment prendre en charge ces coûts. La relation entre la médecine de ville et les structures de l’HAD est également problématique. Enfin, la reconnaissance officielle de l’HAD est assez récente. C’est la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires du 21 juillet 2009 qui évoque pour la première fois ces structures et les place au même niveau que l’hospitalisation traditionnelle en reconnaissant l’HAD comme un établissement de santé. Jusque-là, l’HAD était un sous-produit de l’hospitalisation traditionnelle, elle-même très centrée sur le court séjour. L’ensemble de ces freins explique que l’HAD, malgré une existence déjà ancienne, a eu du mal à se développer.

M. le coprésident Pierre Morange. Classez-vous le problème des référentiels, cité par la Cour des comptes, parmi les freins financiers ?

Vous évoquiez l’approche horizontale en matière de prise en charge sanitaire et sociale, une des caractéristiques de la FEHAP. Ce sujet a été abordé dans le cadre d’auditions précédentes. Que pensez-vous de l’individualisation d’une ligne budgétaire à vocation sociale, qui pourrait ne pas relever spécifiquement de l’assurance maladie afin que chacun reste dans son domaine de compétence ? Comment faudrait-il l’alimenter ? Vers quels organismes faut-il se tourner pour faire fonctionner le dispositif ?

M. Yves-Jean Dupuis. Depuis plusieurs années, nous avons mené un travail important avec la direction générale de l’offre de soins (DGOS), qui essaie de mieux cerner les coûts et de rendre la tarification plus cohérente. Nous participons à plusieurs groupes de travail. La DGOS, ainsi que les autres fédérations intéressées – notamment la Fédération hospitalière de France (FHF), Unicancer et la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) – souhaitent instaurer une meilleure lecture des coûts de production, et des tarifs plus adéquats dans notre secteur.

M. David Causse, coordonnateur du pôle Santé-Social. La DGOS milite beaucoup pour le développement de l’HAD. Cette année, malgré les difficultés du modèle financier, elle a ainsi ouvert plus largement les possibilités de prise en charge en HAD pour réduire la durée de séjours de chirurgie en hospitalisation complète. L’obstacle principal réside dans la culture des prescripteurs, tant hospitaliers que de ville, souvent ignorants des bonnes indications de l’HAD. L’idée de disposer de référentiels produits par la Haute Autorité de santé (HAS), pour la prescription d’HAD comme de SSIAD, pourrait devenir un objectif des prochaines négociations conventionnelles avec la CNAM. Des logigrammes assureraient la qualité des indications et permettraient d’évaluer la pratique d’orientation des médecins, entre HAD et hospitalisation traditionnelle. Le travail effectué en 2011 et 2012 par la DGOS et le cabinet d’études Sanesco a montré que 38 % des hospitalisations évitables, à l’admission, résultaient des orientations mal ajustées de la médecine de ville. Il faut donc s’attaquer à la question de la culture médicale.

Autre sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé en lien avec les autres fédérations et la DGOS : les patients sans médecin traitant, pour lesquels il faut trouver une solution. Le fonctionnement de l’HAD est calé sur le modèle traditionnel, qu’il faut soutenir tant que les patients ont un médecin traitant sur lequel ils peuvent compter ; mais dans nombre de territoires, bien des patients, souvent sans difficultés socioculturelles particulières, ne déclarent plus de médecin traitant. Dans ce cas, l’HAD doit être en mesure d’intervenir elle-même. Or l’HAD est aujourd’hui la seule activité de soins qui ne peut pas s’auto-prescrire. Un médecin chef de soins de suite et de réadaptation peut poser une indication d’admission en soins de suite ; un médecin hospitalier peut poser une indication d’hospitalisation. Mais selon le corpus juridique, une admission en HAD ne peut être déclenchée que par un acteur extérieur. Toutes les fédérations sont d’accord pour préserver le rôle du médecin de ville, chaque fois qu’il existe, et pour cultiver ce lien ; mais il ne faut pas que son absence bloque la possibilité d’HAD.

M. le coprésident Pierre Morange. Comment est financée la partie sociale de vos activités ? Pouvez-vous isoler l’enveloppe budgétaire correspondante et son financement ? De quel type de crédits s’agit-il ? Comme le soulignait Mme la rapporteure, certaines personnes se trouvent en situation de précarité médicale, mais également sociale ; elles ont besoin de cette aide afin de compléter l’effort sanitaire à domicile.

M. Yves-Jean Dupuis. La réponse institutionnelle fait encore défaut, mais l’association Santé Service est devenue une fondation qui dégage des fonds permettant d’accompagner les patients en situation sociale difficile pour s’assurer qu’ils bénéficient de la prise en charge HAD. Cette initiative nous paraît importante : c’est Santé Service qui a créé l’HAD et c’est la même association qui la fait évoluer. C’est le seul exemple d’accompagnement social que je connaisse aujourd’hui en France.

Mme la rapporteure. Donc quand les autres services d’HAD perçoivent le besoin d’un accompagnement social, ils sont obligés de passer par des services médico-sociaux, par exemple un service d’aide à domicile pour faire le ménage ou un service de travailleuses familiales pour faire garder des enfants ? Est-ce que cela fonctionne bien ?

M. Yves-Jean Dupuis. Les structures d’HAD emploient quelques travailleurs sociaux qui permettent d’accompagner ce type de publics. Parmi nos adhérents, beaucoup sont étiquetés à la fois HAD, SSIAD et SAD, et proposent également le service de dialyse à domicile. Nous estimons qu’il faut développer la complémentarité entre les différentes structures qui interviennent à domicile – HAD, SSIAD, SAD, SPASAD – pour assurer un accompagnement à la fois sanitaire, médico-social et social en évitant les situations ubuesques où, en l’absence d’une organisation structurée autour de la prise en charge, une dizaine de personnes se succèdent à la maison durant la semaine, laissant le patient déboussolé. Beaucoup d’organisations essaient de se doter d’une palette d’activités répondant aux besoins de la population et d’une structure qui en permet la coordination.

Mme la rapporteure. La complémentarité entre les acteurs rend inévitable la visite de plusieurs intervenants dans la semaine. En fin de compte, il faudrait préconiser un SPASAD qui travaille avec une HAD.

M. Yves-Jean Dupuis. Nos organisations essaient précisément de ne pas se limiter à l’HAD, mais de développer d’autres activités voisines. Très souvent, le SSIAD se met en place ; le SAD n’est alors pas loin et le SPASAD est proche. Nous essayons de privilégier le SPASAD.

Mme la rapporteure. Il existe quelques référentiels, mais certains font défaut et ceux qui existent doivent être revus. Pour l’HAD, il faudrait créer des référentiels non seulement par pathologie, mais par charge en soins techniques. Faut-il rendre la tarification associée unique ou bien la moduler ? Quels sont aujourd’hui les bons et les mauvais côtés de la tarification de l’HAD ? Quelles observations pourriez-vous formuler ? La rémunération du médecin traitant, à hauteur de trente euros pour une visite à domicile, me paraît légère par rapport à la tâche de coordonnateur chargé du suivi du patient qui lui échoit.

Autre problème : vous avez souligné que l’HAD était le seul service qui ne prescrivait pas lui-même l’hospitalisation ; mais que faut-il faire ? Sur quelles pistes pourrait-on travailler ?

M. Yves-Jean Dupuis. Je vous rejoins pour ce qui est de l’évolution de la tarification. Il faut que les tarifs correspondent réellement à la lourdeur de la prise en charge. Les contrôles de la sécurité sociale ne doivent pas venir bloquer le fonctionnement d’une HAD au motif qu’elle sortirait de la case tarifaire. La bonne solution est de fixer une tarification tenant compte des besoins réels de la population. Comment y passer ? C’est tout l’objet des travaux menés actuellement avec la DGOS pour adapter l’outil de tarification à l’évolution de la prise en charge.

Mme la rapporteure. Vous paraît-il plus adapté de revenir à un budget global ?

M. Yves-Jean Dupuis. Cela pourrait être une modulation entre une dotation et le niveau de lourdeur de l’activité. Quant à la rémunération du médecin traitant, elle pourrait être intégrée à la prise en charge globale. Cela renvoie à votre deuxième question : comment faire pour maintenir la gratuité des soins médicaux et pour prescrire l’hospitalisation lorsqu’il n’y a plus de médecins sur un territoire ?

Mme la rapporteure. Connaissez-vous des HAD qui n’ont pas de médecin, mais uniquement des infirmiers ? Nous n’avons pas encore visité des services sur le terrain, mais nous nous rendons compte que certains services ont un agrément HAD, mais ne semblent pas fonctionner comme une HAD. Ainsi, certains ne fonctionnent pas le samedi et le dimanche, d’autres, la nuit, d’autres encore semblent ne pas avoir de médecin, la coordination étant en principe assurée par le médecin traitant. Ne faut-il pas clarifier les normes d’agrément d’un service d’HAD, pour assurer un bon niveau médical et paramédical, quitte à y mettre le prix ?

M. Yves-Jean Dupuis. Une HAD doit fonctionner sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les services qui ne respectent pas ces règles sont en dehors de la réglementation, et c’est à l’autorité de régulation de le contrôler.

M. le coprésident Pierre Morange. L’autorité de régulation fait-elle son travail de manière effective ? On nous a parlé de suspensions d’agrément différées dans le temps pour des raisons de pédagogie ; cette clémence vise à induire de nouvelles pratiques, mais expose le patient à des périodes de creux en matière de permanence des soins. Partagez-vous ce sentiment au sein de votre fédération ? Réclamez-vous une plus grande fermeté dans l’application des principes d’agrément ?

M. Yves-Jean Dupuis. Nous sommes favorables à ce que les régulateurs définissent les règles du jeu. Mais il faut faire attention à distinguer les rôles de régulateur et d’opérateur. La définition du nombre de places et du plan de développement de l’HAD sur le territoire appartient au régulateur ; mais je suis plus circonspect pour ce qui est du fonctionnement. Aujourd’hui, certaines ARS sont très centrées sur l’hôpital public ; je me méfie donc de l’intervention des ARS dans le fonctionnement des structures.

Mme Solène Gouesbet, conseillère sanitaire et santé-social, chargée de l’hospitalisation à domicile. Les conditions techniques de fonctionnement de l’HAD font actuellement l’objet d’un projet de décret, que la FEHAP et les autres fédérations ont beaucoup contribué à faire avancer. Pour les patients qui n’ont pas de médecin traitant, nous avons, en accord avec la DGOS, imaginé la formulation suivante : « médecin désigné par le patient ». Le projet de décret a retenu cette expression.

S’agissant du noyau dur des principes, une HAD fonctionne forcément avec un médecin coordonnateur.

Mme la rapporteure. C’est la règle au regard des conditions d’agrément ; mais qu’en est-il en réalité ? Toutes les HAD ont-elles réellement un médecin ?

Mme Solène Gouesbet. Oui, un médecin coordonnateur fait toujours partie de l’équipe de l’HAD, en plus d’une assistante sociale et d’un infirmier. L’HAD doit également travailler en collaboration avec un psychologue, qui peut être libéral.

M. David Causse. Il existe en effet deux ou trois HAD en France qui ne sont qu’un numéro de téléphone, piochant ici une aide-soignante, là un infirmier pour composer une équipe modifiable en permanence. Mais le décret évoqué par Mme Solène Gouesbet a vocation à mettre fin à ces pratiques en définissant un noyau dur obligatoire pour toutes les équipes d’HAD. Il ne faut pas jeter l’opprobre sur les situations en question car on a demandé à ces structures d’adopter ce mode de fonctionnement. La CNAM a longtemps considéré le développement de l’HAD d’un œil torve ; quant aux syndicats de professionnels de santé libéraux, ils y ont vu une structure qui leur enlevait le pain de la bouche. Des compromis locaux ont ainsi conduit à créer de l’HAD en mobilisant les ressources libérales existantes. C’est plutôt positif : dans les territoires excentrés, répondre aux besoins des patients exige de travailler avec les médecins et les infirmiers libéraux. Dans l’immense majorité des cas, nos adhérents sont dans des modèles mixtes et équilibrés, avec du temps salarié et libéral.

Ces défaillances sont aussi le fruit des compromis locaux qui tiennent aux difficultés que l’HAD a connues avec la CNAM, très attachée à son dialogue exclusif avec les professionnels de santé libéraux – médecins et infirmiers – et les prestataires de soins à domicile. La DGOS et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) ont eu tendance à défendre les structures autorisées, HAD et SSIAD, tandis que la CNAM défendait les professionnels de santé libéraux avec lesquels elle a un monopole de négociation. La CNAM a donc été un régulateur non seulement présent, mais délibérément agressif ; certains adhérents ont même parfois parlé d’intimidation. J’ai notamment été étonné de vous entendre souligner la dimension sociale de l’HAD. En effet, pour être éligible à l’HAD, un patient doit aujourd’hui présenter des indications de soins aigus car les médecins contrôleurs de la CNAM sont sans pitié dans le contrôle de tarification à l’activité (T2A) pour toutes les situations où, selon eux, il faudrait procéder à une hospitalisation à plein-temps. Pour eux, l’HAD doit être totalement distincte du SSIAD. La loi de modernisation de notre système de santé prône l’alignement stratégique entre l’État et l’assurance maladie dans la question du développement de l’HAD que vous appelez de vos vœux. Il faut faire fonctionner ensemble les outils réglementaires et financiers de la DGOS, et les outils conventionnels – la négociation entre la CNAM et les médecins libéraux, et la politique de contrôle T2A – pour parvenir à un équilibre plus dynamique où les deux régulateurs et financeurs travailleraient dans la même direction.

Mme la rapporteure. Parmi vos adhérents, y a-t-il des HAD qui développent leur activité dans des établissements médico-sociaux tels que les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou les établissements pour handicapés ? Est-ce un succès ?

M. Yves-Jean Dupuis. Une étude de l’observatoire économique, financier et social de la FEHAP montre l’évolution des relations entre l’HAD et les établissements sociaux et médico-sociaux. On observe une croissance récente de la prise en charge et de l’intervention de l’HAD dans ces établissements. Il a fallu acculturer nos équipes pour que les établissements médico-sociaux intègrent l’idée que des HAD interviennent en leur sein.

M. David Causse. Deux générations de mesures comptent dans ce domaine : celle de 2007, qui suit la loi Leonetti de 2005 et prévoit les soins palliatifs dans les EHPAD, et celle de 2012 pour les autres établissements médico-sociaux. Engagée par la majorité précédente, cette deuxième série de mesures a été poursuivie par la majorité actuelle, dans un consensus dépassant les sensibilités politiques.

Cela a pris du temps, mais aujourd’hui, on constate un véritable décollage dans le secteur des EHPAD. En 2007-2008, peu de temps après la canicule, les directeurs d’EHPAD ne voyaient pas l’arrivée de l’HAD d’un très bon œil. En effet, à l’époque, ils pensaient que la possibilité de solliciter de l’HAD donnait aux pouvoirs publics un prétexte pour ne pas augmenter le niveau de médicalisation courant des EHPAD. Aujourd’hui, ce malentendu est dissipé. De plus, la réforme de la tarification des EHPAD engagée en 1999-2000 a été vécue comme une éviction par les infirmiers libéraux : le remplacement des sections de cure médicale par le régime des EHPAD a abouti à ce que les infirmiers libéraux qui suivaient auparavant leurs patients dans l’EHPAD ont été remplacés par des équipes d’infirmiers salariés. Lorsque les HAD ont commencé à intervenir dans les EHPAD à partir de 2007, elles ont souvent mobilisé des infirmiers libéraux qui gardaient le souvenir de cette éviction. Troisième élément à souligner : un infirmier d’EHPAD a une grande responsabilité d’encadrement d’aides-soignants, tel un cadre supérieur ; les infirmiers d’HAD sont plus affûtés en matière de techniques et de soins. Il faut trouver une façon de bien vivre ensemble ; au salon annuel organisé par la FHF, un travail interfédéral a fait l’objet d’une convention signée par Mme la ministre Marisol Touraine avec l’ensemble des composantes EHPAD et HAD, pour assurer une pédagogie croisée. Le décollage dans ce domaine est réel ; certains de nos adhérents sont de véritables champions qui, dans leurs territoires, ont largement développé l’intervention de l’HAD dans les EHPAD. Vous devriez les visiter.

Pour ce qui est des autres structures médico-sociales, l’histoire est beaucoup plus récente. L’action a notamment été portée par Yves-Jean Dupuis avec l’association des Paralysés de France, puis par le rapport de M. Pascal Jacob qui a imposé cette bonne idée en la transcrivant des EHPAD aux autres établissements médico-sociaux. On est dans un univers beaucoup plus divers : certains établissements médico-sociaux pour personnes handicapées emploient beaucoup d’infirmiers et d’aides-soignants, d’autres non ; une maison d’accueil spécialisée, un foyer d’accueil médicalisé ou un institut médico-éducatif peuvent porter le même nom, mais ne pas gérer les mêmes équipes, ni le même type de handicaps. Dans ce secteur, nous devons faire du cas par cas. Aujourd’hui, nous n’avons pas d’objectifs de volume, mais de qualité. Si l’HAD peut éviter une hospitalisation à une personne handicapée, jeune ou adulte, dans le mois qui vient, c’est déjà une bonne chose. On peut se montrer utile et efficace sans statistiques impressionnantes.

En revanche, dans le secteur des EHPAD, notre action a vraiment décollé, avec naturellement des variations suivant la qualité de la rencontre entre le directeur de l’EHPAD, le médecin coordonnateur de l’HAD et les équipes. Il faut que les choses se fassent dans un climat bienveillant et non avec un sentiment de condescendance de l’HAD, fruit de sa technicité, vis-à-vis de l’EHPAD. Ce type d’éléments représente des obstacles non tarifaires, mais culturels – les plus lourds à gérer.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous aviez évoqué dans vos réponses le sujet des études médico-économiques. Les quelques tentatives engagées dans ce domaine n’ont pas pu prospérer . La Cour des comptes avait également souligné cet élément, qui témoigne d’une culture d’évaluation quelque peu défaillante dans notre pays, notamment dans le domaine de la santé. De guerre lasse, vous avez finalement fait une pause dans vos efforts. Avez-vous le sentiment que le sujet peut être relancé ?

Que pensez-vous de la maîtrise de l’information – une question stratégique –, donc des outils informatiques utilisés pour traiter le futur dossier médical personnel (DMP) dont l’assurance maladie assure désormais la gestion ? Interrogé sur le sujet, Santé Service a souligné que les relations avec l’assurance maladie étaient encore fragmentaires. En tant que fédération, avez-vous initié en interne une réflexion stratégique sur cette question ? Avez-vous pris des initiatives ou, à l’inverse, l’assurance maladie a-t-elle pris langue avec vous ? L’HAD ayant vocation à faire le lien entre les établissements de soins et l’ambulatoire, dans le cadre d’un dispositif alternatif, le sujet est essentiel.

M. Yves-Jean Dupuis. Nous avons longtemps essayé de lancer des études médico-économiques sur cette activité afin d’en mesurer l’impact. Malheureusement, les études restent centrées sur les CHU. Nous avons échoué dans cette démarche, mais comme nous pensons qu’il est important d’analyser la place des services d’HAD, nous avons réalisé deux études régionales sur les interactions entre structures, les secteurs à couvrir et les complémentarités à développer. Nous nous intéressons à l’impact du maintien prolongé de patients dans des structures de court séjour en l’absence de réponses alternatives en aval. Cependant, nous sommes toujours demandeurs d’études médico-économiques pour analyser plus finement la place et le rôle que doit avoir l’HAD.

Pour ce qui est du système d’information, comme nous avions du mal à avoir une lecture fine du développement des outils dans ce domaine, nous avons réalisé, début 2015, avec la fédération Syntec, un livre blanc sur l’écosystème qui devrait se mettre en place pour accompagner l’ensemble des patients sur un territoire. Nous pouvons vous faire parvenir ce document, publié il y a trois mois et accessible sur le site de la FEHAP. Ce livre blanc a été largement distribué aux pouvoirs publics – ministères, directions d’administration centrale, directions générales d’ARS, CNAM – pour partager avec les développeurs de systèmes d’information notre réflexion sur les outils nécessaires pour une prise en charge du parcours de santé d’une population. Nous n’avons pas encore travaillé avec la CNAM sur ce dossier, même si le responsable du DMP a visité la FEHAP et rencontré des membres de commissions. Des échanges ont eu lieu, mais nous n’en sommes pas encore à la construction d’outils en commun.

M. le coprésident Pierre Morange. Étant donné le calendrier serré donné à l’assurance maladie pour le lancement du DMP, une cadence opérationnelle de rendez-vous s’impose !

M. Yves-Jean Dupuis. Nous sommes prêts à travailler avec eux.

Mme la rapporteure. On dit que l’HAD coûte moins cher que l’hospitalisation classique. Vous en estimez le coût entre 190 et 200 euros par jour, et des chiffres comparables nous ont été donnés par tous les intervenants. L’hospitalisation classique coûte pour sa part 600 euros par jour, voire davantage. Comment se fait-il alors que la part de l’HAD dans le budget global dédié à l’hospitalisation par l’assurance maladie soit supérieure à celle de l’hospitalisation complète, relativement au nombre de journées concernées ? Admettons pour illustrer que si les journées en HAD représentent 1,2 % du temps total d’hospitalisation, elles représentent 1,6 % du budget global, ce qui rend l’HAD plus chère. Il y a là quelque chose que je ne comprends pas.

M. Yves-Jean Dupuis. J’ai été directeur d’hôpital il y a quelques années. Par rapport à l’hospitalisation classique, le moindre coût de l’HAD est justifié par l’absence des frais de structure : on ne paie ni l’hébergement, ni l’amortissement des biens, ni le personnel. L’assurance maladie ne prend pas en charge 100 % des frais de l’hospitalisation complète, une part étant financée par l’assurance complémentaire ou par les patients eux-mêmes.

Mme la rapporteure. Cette part est faible. Une appendicectomie par exemple est prise en charge à 100 % par la sécurité sociale.

M. Yves-Jean Dupuis. Les chiffres des comptes sociaux montrent que globalement, 10 % des coûts de l’hospitalisation sont pris en charge par d’autres acteurs que l’assurance maladie. En revanche, en matière d’HAD, il n’y a ni tarif journalier de prestation ni participation du ticket modérateur.

M. le coprésident Pierre Morange. L’écart entre les 200 euros par jour pour l’HAD et la médiane de 600 euros pour une prise en charge hospitalière s’explique par la présence ou l’absence des frais fixes liés au fonctionnement de l’hôpital. En effet, l’alternative que représente l’HAD n’est pas accompagnée d’une diminution du nombre de lits ou du personnel hospitalier. Notre rapporteure s’étonnait des résultats d’une comparaison macroéconomique : la vitesse de progression de l’HAD est inférieure à celle de son coût sanitaire. On peut imaginer que si les 500 ou 600 euros par jour correspondent à une pathologie standardisée, les prises en charge complexes impliquant des médicaments onéreux – par exemple en cas de cancer – créent une déformation de la cohorte des patients concernés par l’HAD, faisant ressortir un coût global relativement supérieur à celui du reste de la population hospitalisée. Pouvez-vous nous confirmer cette explication ?

M. David Causse. Il y a sans doute un effet case-mix

M. le coprésident Pierre Morange. Une ventilation en comptabilité analytique permettrait d’enrichir notre réflexion.

M. David Causse. On peut regarder ce sujet en détail. L’accessibilité financière est une des vertus de l’HAD et une des raisons de sa popularité chez nos concitoyens, mais il faut également que la situation familiale permette le soin à domicile. L’habitat doit pouvoir être adapté à cet usage et le compagnon, l’enfant ou le parent du patient doit accepter cette situation. Quand elle est possible, l’HAD a le grand mérite de ne pas présenter le barrage des dépassements d’honoraires, présent à la fois en établissements publics et en établissements privés de statut commercial, ni celui du ticket modérateur qui peut peser lourd, surtout en cas de diagnostic complexe qui ne relève pas d’une prise en charge à 100 %. Si l’on ajoute le tarif journalier de prestation, sur des séjours qui peuvent s’échelonner sur deux à trois semaines, le total peut rapidement s’avérer important.

Je n’ai pas de données précises sur la déformation de la structure que vous évoquez, mais votre hypothèse doit être fondée. Les contrôles T2A et la chasse à des situations de prise en charge en HAD considérées comme indues – parce que trop sociales et ne correspondant pas à des pathologies assez aiguës – ont joué leur rôle. Depuis deux ans, l’accompagnement post-partum de l’accouchement physiologique a également disparu de la liste des cas pris en charge en HAD. Cela a pu produire un effet d’acutisation et de renchérissement, avec un glissement vers des groupes homogènes de tarifs (GHT) plus élevés.

Toutefois, les GHT sont probablement moins adaptés à l’HAD que les groupes homogènes de séjour (GHS) de la tarification conventionnelle. En effet, un GHT peut correspondre à plusieurs pathologies différentes : c’est ce qui rend si difficile pour la DGOS, qui ne manque pas de bonne volonté sur ce point, d’intégrer les molécules onéreuses et les thérapies coûteuses dans les tarifs d’HAD. C’est aujourd’hui l’une des principales raisons qui poussent la DGOS à réfléchir à un nouveau modèle. Le dispositif convenait pour un démarrage rapide il y a dix ans, mais aujourd’hui, lorsqu’on veut lancer des politiques publiques, par exemple en direction des personnes souffrant de maladies neurodégénératives, la nomenclature des GHT devient un handicap, empêchant de trouver la formule adaptée à ce type de public. Elle rend également problématiques certaines prises en charge pourtant nécessaires, notamment en matière de cancérologie. Ce point doit mobiliser votre intérêt car il s’agit d’une vraie perte de chances à la fois pour nos concitoyens et pour les comptes sociaux, certaines prises en charge pouvant se faire avec une qualité de vie bien supérieure et un coût bien plus modeste pour l’assurance maladie. La FEHAP avait organisé une journée parlementaire sous le patronage de M. Gérard Bapt pour évoquer ce sujet dans le secteur des soins de suite et de réadaptation, où il existe des barrages à l’entrée liés à la difficulté d’intégrer les molécules onéreuses. C’est évidemment aussi le cas dans le domaine de l’HAD. Dans sa dernière réunion datant d’il y a deux semaines, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie évoquait l’hypothèse consistant à définir une enveloppe transversale de molécules onéreuses au sein de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), de sorte que cette question ne fasse plus obstacle, y compris dans le secteur des maisons de retraite.

M. le coprésident Pierre Morange. On connaît les limites des enveloppes : ce sont les premiers arrivés qui sont les premiers servis ! Il ne faut pas prétendre à un droit de tirage en fin d’exercice budgétaire…

Vous avez mentionné la prise en charge des maladies neurodégénératives au titre de l’HAD. Nous avions effleuré cette question lors d’une audition avec Santé Service, qui évoquait le protocole d’une prise en charge vingt-quatre heures sur vingt-quatre. On avait essayé d’évaluer le coût de l’HAD dans ce type très particulier d’affections pour le comparer à celui de la prise en charge en EHPAD. Le reste à charge pour les familles peut atteindre quelque 3 500 euros par mois, alors que la retraite du Français moyen tourne autour de 1 300 euros. On avait essayé de trouver une solution pour suppléer à cette inégalité dans la phase terminale de la vie, en cas de pathologie d’évolution inéluctable. Pouvez-vous chiffrer précisément le coût de la prise en charge des maladies neurodégénératives en HAD par rapport à leur prise en charge au sein d’un EHPAD ?

M. Yves-Jean Dupuis. Non ; en revanche, l’HAD de l’Office d’hygiène sociale (OHS) de Nancy, centre de référence pour la maladie de Parkinson en HAD, travaille beaucoup sur ce thème ; vous devriez le visiter.

M. David Causse. L’ARS Île-de-France a beaucoup travaillé sur les patients bloqués dans des services de court séjour sur de très longues durées, parfois jusqu’à plusieurs semestres. Le sujet est également abordé dans le rapport de M. Pascal Jacob. L’ARS a mis plusieurs services de neurologie en lien avec des adhérents de la FEHAP pour créer des solutions de sortie, dont l’HAD. Cela peut se présenter comme une sorte d’HAD sur mesure, presque une HAD en tarification spécifique, le tarif étant fabriqué sur mesure par la CPAM et l’ARS, mais on peut y songer étant donné le coût exorbitant qui résulte d’un maintien inadapté dans un service de pathologie aiguë. L’ARS devrait vous présenter son travail sur ces situations qui requièrent d’inventer de nouvelles manières de répondre aux besoins des patients.

M. le coprésident Pierre Morange. Madame, messieurs, je vous remercie pour vos réponses.

Puis la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. David Gruson, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF), et de M. Alexandre Mokédé, adjoint au responsable du pôle Organisation sanitaire et médico-social, chargé des questions sanitaires.

M. le coprésident Pierre Morange. Messieurs, nous vous souhaitons la bienvenue.

Mme Joëlle Huillier, rapporteure. Vous avez reçu notre questionnaire et vous savez que nos échanges porteront sur les avantages de l’hospitalisation à domicile (HAD) au regard de l’hospitalisation conventionnelle d’une part, du séjour des patients à domicile s’il ne se fait pas dans d’excellentes conditions d’autre part. L’HAD, qui nous paraît être une prise en charge d’avenir, ne connaît pas le développement que l’on pourrait escompter ; selon vous, quels obstacles freinent sa croissance ?

M. David Gruson, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF). J’ai pris mes fonctions actuelles il y a quinze jours ; auparavant, je dirigeais le centre hospitalier universitaire de La Réunion, qui travaille avec les services d’hospitalisation à domicile dans une bonne dynamique. J’introduirai mon propos par une pétition de principe : l’analyse de l’HAD est intéressante en soi mais, au-delà, le défi est de mieux positionner les établissements de santé dans leur rapport au domicile. J’assistais hier à une réunion de l’Espace de réflexion éthique de la région Île-de-France qui portait précisément sur ce thème. La question doit être envisagée globalement et les établissements hospitaliers ont encore des efforts à faire pour prendre en compte les soins à domicile sous toutes leurs formes, qu’il s’agisse des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou des nouvelles technologies de l’information à domicile pour développer la télémédecine selon un modèle économique viable. L’HAD, dans son cadre juridique actuel, est l’une des formes du continuum à installer entre les établissements de santé et le domicile.

Les structures publiques d’HAD constituent 41 % des structures autorisées en HAD ; cela représente 125 établissements et 26 % des journées d’hospitalisation, une part en baisse de 3 %. La durée moyenne de séjour est de 16 jours. On note que l’âge moyen des patients est de 61,7 ans dans le périmètre public de l’HAD, de 63 ans dans les établissements privés à but non lucratif et de 67 ans dans les établissements à but lucratif.

Nous avons pris acte du constat de la Cour des comptes et nous y souscrivons. La Fédération hospitalière de France a pour objectif politique de contribuer à la levée des freins signalés : manque d’information et d’appropriation des prescripteurs ; manque d’évaluation de la pertinence médico-économique de l’HAD ; absence de procédures permettant d’estimer l’éligibilité des patients ; structures trop petites et parfois perfectibles pour ce qui est de la qualité et de la sécurité des soins ; enfin, régime de tarification obsolète.

M. le coprésident Pierre Morange. La Fédération hospitalière de France a-t-elle réalisé des évaluations médico-économiques de l’HAD par rapport à l’hospitalisation classique ?

M. David Gruson. Nous n’avons malheureusement pas d’autre étude à vous apporter que l’évaluation du coût journalier moyen en fonction de la prise en charge ; l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) l’estime à quelque 200 euros par personne. L’une des difficultés actuelles est précisément l’absence de calibrage médico-économique permettant d’évaluer le gain économique de l’HAD par rapport à l’hospitalisation classique ; l’existence de ce gain est une donnée intuitive mais non démontrée à ce jour. La FHF mobiliserait très volontiers ses adhérents pour participer à une étude permettant d’obtenir une appréciation plus fine. Notre perception est que l’HAD peut être moins coûteuse que l’hospitalisation classique si elle est bien anticipée, bien calibrée, bien prescrite et aussi bien proportionnée car, dans certains cas, le suivi post-hospitalisation en établissement est mieux dimensionné dans un régime de SSIAD. D’autre part, et nous considérons que c’est sans doute le levier le plus important, l’hospitalisation en établissement peut être évitée en amont par la télésurveillance ou la téléconsultation à domicile.

Nous partageons aussi le constat fait par la Cour des comptes que le rôle de l’HAD est trop peu reconnu dans la prise en charge des personnes âgées. Elle peut pourtant jouer un rôle majeur dans le maintien à domicile, la prévention et la coordination des hospitalisations, au lieu que se perpétue une concurrence assez stérile avec les SSIAD. En améliorant le continuum entre les structures et en définissant mieux leurs rôles respectifs, avec un cadre réglementaire et une tarification adaptés, on éviterait le risque de double financement mis en exergue par la Cour et que nous vérifions en pratique. Il y a là un très important champ de développement de l’HAD, les établissements médico-sociaux y recourant bien trop peu pour l’instant. L’HAD préviendrait utilement nombre d’hospitalisations classiques, notamment en urgence, de patients âgés résidant en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), particulièrement pour ceux qui sont atteints de troubles neurodégénératifs et dont le nombre ne cesse d’augmenter.

Mme la rapporteure. Au moment de définir les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) des établissements de santé, les agences régionales de santé (ARS) ne devraient-elles pas s’assurer qu’y figure systématiquement un chapitre relatif à l’HAD ?

M. David Gruson. Cela peut être un outil. De fait, dans la préparation des CPOM, les ARS ne mettent pas souvent l’accent sur le rapport hôpital-domicile. La période se prête à une évolution, puisque nous sommes en phase de préparation active du déploiement des groupements hospitaliers de territoire (GHT) prévus par la loi de modernisation de notre système de santé. La recomposition en cours de l’offre hospitalière publique doit permettre l’instauration de nouvelles relations entre l’hôpital et le domicile. Les GHT doivent être le lieu d’un dialogue plus marqué entre les établissements hospitaliers et les établissements médico-sociaux, sans se couper ni de la médecine de ville ni du champ du domicile. C’est un cadre de réinvention et de stimulation de l’HAD, pour autant que cela soit l’un des objectifs stratégiques des projets médicaux partagés – ce qui n’est pas un réflexe spontané des ARS. D’une manière générale, il faut faire confiance aux acteurs hospitaliers et leur laisser la souplesse de s’organiser pour porter des projets en commun, les ARS ayant un rôle de pilotage stratégique. La prise en compte par les ARS du rapport hôpital-domicile et de la HAD dans les projets médicaux partagés est, pour la FHF, un champ d’action prioritaire.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans un coût journalier moyen de prise en charge en HAD estimé à 200 euros par personne, quelle est la part des frais de gestion selon que les structures dépendent du secteur public, du secteur privé ou du secteur associatif ?

M. David Gruson. Il n’existe pas d’étude comparée approfondie à ce sujet.

M. le coprésident Pierre Morange. Qu’en est-il pour les établissements membres de la Fédération hospitalière de France ?

M. David Gruson. Nous n’avons pas individualisé ce coût car le régime de tarification de l’HAD rend la chose beaucoup plus difficile que pour les autres champs de l’hospitalisation. C’est d’ailleurs l’une des faiblesses du dispositif : nous considérons que le régime de tarification de l’HAD est inadapté. Il est essentiellement tarifaire au lieu d’être médico-économique comme l’est la tarification à l’activité qui vaut pour la médecine, la chirurgie et l’obstétrique, champs où l’on met en perspective un tarif et des coûts avec des rapports de coût moyen, à charge pour les établissements de santé de s’assurer de la pertinence de leur modèle médico-économique par une comptabilité analytique.

Depuis 2009, l’ATIH a publié une étude nationale de coûts qui permettrait sans doute de pondérer différemment les modes de prise en charge et de revoir le régime des 31 groupes homogènes de tarifs en vigueur. La nouvelle tarification pourrait être mise en place rapidement, avant même la refonte du modèle ; ce recalibrage est attendu par de nombreux établissements d’HAD aujourd’hui en difficulté. Un autre problème du régime tarifaire actuel tient à la faible différence entre les 31 tarifs de l’échelle publique et les 31 tarifs de l’échelle privée alors que le périmètre des tarifs n’est pas le même dans les deux secteurs. Cela joue en défaveur de l’hôpital public ; ainsi, les honoraires du médecin généraliste sont inclus dans les tarifs du secteur public, et ce n’est pas le cas pour les tarifs du secteur privé. Cela a pour conséquence que les médecins de ville ont encore plus de difficulté à se faire une place dans les établissements publics, contrairement à ce que voudrait la bonne pratique. L’HAD pourrait être un levier de jonction entre la médecine de ville et l’hôpital, comme il le faudrait, à condition que la barrière tarifaire entravant l’implication des médecins généralistes soit supprimée. Seule la prise en charge des soins palliatifs en HAD bénéficie d’une tarification plus avantageuse ; cela doit être préservé dans les évolutions tarifaires ultérieures, si elles adviennent. Nous nous y tenons prêts car, de notre point de vue, rien ne justifie que les deux régimes d’hospitalisation – HAD et hospitalisation classique – fassent l’objet de deux échelles tarifaires fondées sur des principes différents. Le principe d’une évaluation médico-économique et d’une mise en balance tarif-coût nous semble pouvoir être généralisé.

Mme la rapporteure. Il existe donc un régime tarifaire spécifique pour les soins palliatifs ? Vous ai-je bien compris ?

M. Alexandre Mokédé, adjoint au responsable du pôle Organisation sanitaire et médico-social, chargé des questions sanitaires. La tarification existante crée un rapport coût-bénéfice favorable aux soins palliatifs et défavorable aux autres types de prise en charge. Cela explique pour partie la différence d’âge moyen des patients pris en charge dans les établissements publics d’une part, dans les établissements privés d’autre part : ces derniers se concentrent sur les prises en charge rentables, et donc essentiellement sur les soins palliatifs.

Mme la rapporteure. La tarification des soins palliatifs inclut-elle une prise en charge sociale ?

M. Alexandre Mokédé. Effectivement, la dispensation de soins palliatifs en HAD oblige à une prise en charge pluridisciplinaire avec l’intervention de personnels sociaux et médico-sociaux – mais ils interviennent dans l’ensemble des prises en charge mises en œuvre dans le cadre de l’autorisation détenue par un établissement de HAD. Aussi, même si la prise en charge sociale est très importante en soins palliatifs, les surcoûts observés par rapport aux autres types de prise en charge sont essentiellement dus aux dispositifs médicaux et aux molécules onéreuses, dont le coût n’est pas forcément couvert par la tarification en HAD.

Mme la rapporteure. L’assurance maladie prenant en charge les molécules onéreuses si elles figurent sur la liste en sus.

M. Alexandre Mokédé. Précisément. Or la liste en sus en HAD n’est pas la même que pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique, ce qui crée un déséquilibre.

Mme la rapporteure. Quelle réforme tarifaire appelez-vous de vos vœux ?

M. David Gruson. Les fondements économiques de la tarification doivent être comparables, et la tarification rénovée ne doit pas désinciter à des prises en charge plus longues et plus continues, telle la prise en charge des soins palliatifs. Il faut aussi mettre l’accent sur deux gisements de développement potentiel de l’HAD : les établissements médico-sociaux, avec une modalité tarifaire spécifique, et l’HAD post-chirurgicale. La FHF s’est engagée depuis 2015 dans cette voie pour la gynécologie, la chirurgie orthopédique et la chirurgie digestive ; nous estimons que 10 % des 300 000 séjours annuels concernés pourraient être pris en charge en HAD. L’ATIH a lancé une expérimentation pour les établissements les plus avancés dans ces champs ; nous les encouragerons à aller dans cette direction. Si l’on veut favoriser le recours à l’HAD post-chirurgicale, une réflexion semblable à celle qui a été menée pour inciter les établissements hospitaliers à développer la chirurgie ambulatoire s’imposera pour faire évoluer aussi la tarification de l’hospitalisation classique.

Mme la rapporteure. Dans le service public, les prescripteurs d’HAD sont-ils uniquement les praticiens hospitaliers ?

M. Alexandre Mokédé. La Cour des comptes a relevé que 70 % des patients admis en HAD le sont sur prescription de praticiens hospitaliers, le plus souvent publics. L’immense majorité de nos établissements HAD sont adossés à des établissements de santé et des synergies se créent par des prescriptions internes.

Mme la rapporteure. Avez-vous le sentiment que les choses marchent mieux là où un service d’HAD est rattaché à un hôpital que là où il n’y en a pas ? Beaucoup d’hôpitaux qui n’ont pas ce service particulier font-ils appel au service d’HAD de l’hôpital public voisin ? Quelles sont les relations entre les établissements ?

M. David Gruson. L’axiome selon lequel certaines modalités juridiques seraient plus favorables que d’autres au développement de l’HAD est faux. La situation varie d’un territoire à l’autre et d’un établissement à l’autre. Il existe des blocages objectifs, déjà mentionnés ; la condition de leur suppression, c’est la proximité entre les acteurs de l’HAD et les établissements de santé. Il peut s’agir d’une proximité juridique, mais pas exclusivement. En réalité, qu’il y ait plusieurs formes d’exercice de l’HAD est plutôt une chance mais, lors de l’installation des GHT, il faudra affirmer comme objectif stratégique – et les ARS auront un rôle majeur à jouer à ce sujet – la nécessité pour tous les acteurs de travailler ensemble, quelle que soit la forme juridique des diverses structures. La FHF considère que le développement de l’HAD est structurant dans le parcours de prise en charge des patients. Si l’on va dans cette direction, il faudra veiller à supprimer tout ce qui peut désinciter un établissement à travailler avec une structure d’HAD qui n’est pas juridiquement en son sein.

Mme la rapporteure. Vous avez indiqué que, pour les établissements publics, la tarification de l’HAD inclut la rémunération du médecin traitant, généraliste libéral ; il en résulte que l’hôpital n’a pas intérêt à le faire intervenir. Est-ce que tous les services d’HAD des établissements publics emploient des médecins salariés spécifiques, ou travaillent-ils aussi dans d’autres services de l’hôpital ?

M. David Gruson. Tous les cas sont possibles. En soulignant cette particularité, je souhaitais mettre l’accent sur un écart objectif dans les régimes tarifaires, défavorable au secteur hospitalier public. Je n’ai pas d’objection de principe à ce qu’il y ait plusieurs régimes juridiques d’intervention en HAD, public ou privé, à condition que les échelles tarifaires soient comparables et équitables.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est l’assurance-maladie qui subit un préjudice, car elle paye deux fois. Connaissez-vous la part de la pratique médicale dans la détermination du coût moyen de la prise en charge en HAD ? Vous avez dit attendre impatiemment la réalisation d’une étude médico-économique justifiant une restructuration tarifaire, encore à venir, adaptée à la stratégie sanitaire à présent définie ; mais avez-vous cerné le coût de l’exercice de l’art médical ?

M. David Gruson. Nous ne disposons pas non plus de données précises à ce sujet, et nous sommes à la disposition de l’ATIH pour tenter d’avancer. La tarification à l’activité (T2A) introduite pour la médecine, la chirurgie et l’obstétrique a ses limites, mais elle a pour vertu de poser une échelle de coûts commune et d’avoir posé le principe du pilotage médico-économique dans les prises en charge. Comme vous le savez, avant d’en arriver à la T2A, quinze années se sont écoulées sous le régime du programme de médicalisation des systèmes d’information. Pour l’HAD, on doit aussi progresser vers une base tarifaire partagée. La différence tient à ce que l’échelle tarifaire de l’HAD ne peut être dissociée du basculement qui est en train de s’opérer vers le nouveau fonctionnement en GHT. Dans ce cadre, il faudra faire évoluer le financement des établissements hospitaliers pour tenir compte de leur engagement à domicile, qui peut prendre des formes diverses. On ne peut partir du postulat que l’HAD serait systématiquement moins coûteuse que l’hospitalisation classique ou que d’autres formes d’intervention à domicile puisque l’on sait que ce n’est pas toujours le cas. Mais l’on sait aussi que le développement de formes alternatives à l’hospitalisation, pour autant qu’elles soient bien organisées, est efficient. Aussi, comme cela a été fait pour favoriser l’essor de la chirurgie ambulatoire, il faudra valoriser financièrement l’engagement à domicile des établissements de santé.

Pour garantir un bon emploi de l’HAD, il conviendra aussi de faire sauter le verrou de la tarification des actes de télémédecine, téléconsultation et télé-expertise. L’article 36 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 a prévu la possibilité d’expérimentations portant sur le déploiement de la télémédecine, mais la fenêtre ainsi ouverte est très étroite. Le moment nous semble venu de faire reconnaître ces activités comme relevant de l’exercice normal de la médecine ; cela permettra aux établissements hospitaliers d’intégrer cette évolution économique dans le calibrage de leurs capacités et dans leur doctrine d’emploi de l’HAD.

Mme la rapporteure. L’HAD répond-elle à une demande effective des patients ? Pour se développer, elle doit correspondre à un besoin réel.

M. David Gruson. Je ne suis pas certain qu’une étude existe relative à la demande d’HAD. En revanche, le souhait des patients d’être en priorité pris en charge à domicile quand cela est possible est très documenté. C’est le cas, notamment, pour les personnes âgées. Les hôpitaux ont évidemment tout leur rôle en ce domaine, mais il n’est pas question d’une « vampirisation hospitalière » de cette prise en charge. Nous considérons que le rôle des établissements hospitaliers est de concourir à la meilleure organisation de la prise en charge des patients à domicile, mais cet engagement n’est pas inscrit dans les documents de pilotage stratégique et il ne se traduit pas dans leur mode de financement. Le basculement vers les GHT peut être une étape, progressive mais importante, de la valorisation de cet engagement, sachant qu’une partie de nos murs – les EHPAD – sont considérés comme des domiciles, dans lesquels nous hospitalisons… à domicile.

Mme la rapporteure. Cela ne vous paraît pas judicieux ?

M. David Gruson. Si, bien sûr. Je signalais seulement que la frontière entre l’hôpital et le domicile deviendra plus poreuse. C’est sans doute une bonne chose pour partie, car le parcours de prise en charge du patient sera ainsi appréhendé dans une approche globale, étant entendu qu’il faudra veiller à la protection des données personnelles et du domicile, qu’il soit privé ou hospitalier. L’HAD est une modalité intéressante de prise en charge des patients, pour autant qu’elle soit replacée dans une stratégie globale alliant médecine de ville, domicile et hôpital.

Mme la rapporteure. Les indications respectives de l’HAD et des SSIAD ne sont pas suffisamment formalisées. Aujourd’hui, les SSIAD sont très axés sur les personnes âgées, les personnes handicapées et les malades souffrant d’affections chroniques. Un patient qui, sortant de l’hôpital, voudrait rentrer chez lui plutôt que d’entrer dans un service de soins de suite et de réadaptation, ne le pourra pas faute de structures. L’HAD pourrait trouver là un très important développement.

M. David Gruson. Très probablement. À l’échelle des futurs GHT, mieux adaptée à cette approche, il faudra, sans être prescriptifs, définir en fonction du contexte les bonnes armatures de prise en charge à domicile, avec des approches graduées : SSIAD, HAD, hôpital, en incluant dans le schéma la télémédecine à domicile qui, à condition de faire l’objet d’une tarification adaptée, peut grandement aider à prévenir l’hospitalisation.

M. le coprésident Pierre Morange. La restructuration de notre système de soin étant inéluctable, reste aussi à régler la question cruciale du partage des informations. Avez-vous eu des contacts au sujet du dossier médical partagé avec l’assurance-maladie, qui en assure désormais la gestion ? La FHF a-t-elle constitué des groupes de travail sur l’HAD et les autres éléments de l’offre de soins incluant cette dimension ?

M. David Gruson. Nous avons des contacts réguliers avec l’assurance-maladie, qui portent aussi sur cette question. Nous n’avons pas encore créé un groupe de travail formel mais ce sera sans doute nécessaire pour éviter la répétition de certains errements passés. L’enjeu majeur sera, pour les établissements hospitaliers et pour les services d’HAD, la convergence des systèmes d’information, l’enjeu étant de disposer d’un dossier patient informatisé unique intra-GHT. Ce sera une bonne chose à condition que la convergence ne se fasse pas entre des systèmes d’information « bunkérisés ». Les deux chantiers doivent être menés de manière concordante et, par souci de réalisme, avec une approche progressive. Le projet de décret soumis à concertation prévoyait le déploiement d’une application identique dès l’entrée en vigueur des GHT ; cela nous est apparu comme la meilleure manière de commettre de graves erreurs et de contraindre les établissements hospitaliers à des investissements très coûteux. Pour parvenir à la convergence effective de systèmes d’information interopérables mais aussi capables de dialoguer à l’échelle d’un GHT, mieux vaudrait prévoir un calendrier étalé sur trois ou quatre ans.

M. le coprésident Pierre Morange. Messieurs, je vous remercie.

Enfin la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Ulmann, directeur de l’offre de soins de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), et de Mme Annie Fouard, responsable du département Hospitalisation.

M. le coprésident Pierre Morange. La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) reprend ses travaux sur l’évaluation de l’hospitalisation à domicile (HAD), et nous avons le plaisir de recevoir M. Philippe Ulmann, directeur de l’offre de soins de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), et Mme Annie Fouard, responsable du département de l’hospitalisation de la CNAMTS.

L’HAD est liée aux établissements de soins et à l’ambulatoire. Afin d’assurer la cohérence du parcours de soins, le partage de l’information médicale est d’une grande importance, mais sa maîtrise ressemble à une Arlésienne ayant connu bien des vicissitudes. L’assurance maladie a repris la responsabilité institutionnelle de ce sujet, ce qui constitue une excellente mesure, mais l’agenda s’avère très contraint. Monsieur Ulmann, où en êtes-vous de vos travaux et quand parviendrez-vous au bout de cette tâche ?

M. Philippe Ulmann, directeur de l’offre de soins de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Je souhaite excuser le directeur général de la CNAMTS qui devait effectuer un déplacement prévu de longue date à Lille pour y rencontrer l’ensemble de notre réseau.

Ma direction ne gère pas directement le dossier médical personnel (DMP), mais suit évidemment ce sujet avec attention car il soulève un enjeu de coordination entre les professionnels de santé, les établissements de santé et, à terme, les structures médico-sociales. La CNAMTS travaille depuis plus d’un an avec l’agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP Santé), chargée jusqu’à présent de la promotion du DMP et de la messagerie sécurisée dans le domaine de la santé, pour élaborer la transition ; la loi de modernisation de notre système de santé ayant été promulguée le 26 janvier dernier, la CNAMTS est désormais dépositaire de la gestion et du pilotage du DMP. Nous n’avons pas procédé à une refonte technique du dispositif et nous nous sommes concentrés sur les moyens de rendre le DMP beaucoup plus utilisé par les professionnels de santé et par les patients.

Nous avons recueilli les positions et les souhaits des médecins et veillé à assurer la compatibilité des DMP avec les logiciels existants des praticiens pour rendre fluide, rapide et simple l’ouverture des dossiers médicaux personnels. Nous avons également réfléchi à la configuration du DMP, afin que celui-ci n’apparaisse pas uniquement sous la forme de fichiers au format pdf, donc non modifiables. Dès le courant de l’année 2016, nous allons intégrer au DMP l’historique des remboursements ; l’assurance maladie propose en effet depuis plusieurs années aux médecins la possibilité de consulter, grâce à leurs logiciels ou à notre téléservice « Espace Pro », toutes les consommations de soins de leurs patients au cours de la dernière année. Dès qu’un DMP s’ouvre, nous souhaiterions y insérer cette information, qui renseignerait le professionnel sur les médicaments achetés, les actes d’imagerie et de biologie effectués, les consultations réalisées et les hospitalisations subies. L’assurance maladie met à la disposition des médecins ces données utiles et ne rencontrera pas de difficulté à les insérer dans le DMP, les travaux avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) se trouvant sur le point d’aboutir.

Parallèlement, nous essayons d’inciter les patients à ouvrir un DMP pour que les professionnels de santé puissent l’alimenter facilement. Nous sommes en train de déployer un dispositif simple qui permettra une ouverture presque instantanée via le compte « Ameli » sur lequel se connectent un nombre très important de nos assurés. À terme, nous élaborerons des systèmes accessibles à tous les régimes, afin que chaque assuré puisse ouvrir en un clic un DMP. Il faut inciter tous les assurés à posséder un DMP et tous les professionnels à l’utiliser.

Des expérimentations seront lancées dans les prochaines semaines dans cinq à six départements. Nous souhaitons tester rapidement les différentes options envisagées afin de déployer le dispositif dès la fin de l’année 2016 dans l’ensemble du pays.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous solliciterons à nouveau les services de l’assurance maladie et son directeur général, car notre prochain sujet sera l’open data. La gestion de l’open et du big data, la maîtrise et la sécurisation informatiques, la confidentialité et l’exploitation des données sont primordiales pour déployer une stratégie nationale ambitieuse de santé, qui doit être construite pour être crédible.

Mme Joëlle Huillier, rapporteure. Nous vous remercions d’avoir répondu à notre invitation et de nous éclairer sur les positions de la CNAMTS sur l’HAD. Quels sont les avantages et les inconvénients de l’HAD du point de vue de la CNAMTS ? Coûte-t-elle moins cher que l’hospitalisation classique ? Dans le rapport de Cour des comptes sur les évolutions récentes de l’HAD, vous avez regretté l’absence d’une étude médico-économique sur ce sujet ; est-ce à vous de la mener ? Si oui, l’avez-vous déjà commencée ?

M. Philippe Ulmann. Nous vous transmettrons par écrit l’ensemble des réponses au questionnaire que vous nous avez fait parvenir.

L’assurance maladie considère que l’hospitalisation à domicile constitue un levier intéressant pour assurer la continuité des soins et la bonne organisation du système. L’HAD a toute sa place dans le dispositif, mais elle ne l’occupe pas encore totalement car elle n’est pas encore bien identifiée et définie. Nous souhaitons le développement de l’HAD à condition que certaines considérations soient prises en compte. En particulier, il convient que l’HAD vienne en complément de l’hospitalisation traditionnelle et intervienne à la suite de cette dernière pour favoriser une sortie plus rapide des hôpitaux. Il y a lieu de restructurer notre système de santé et de bien prendre le virage ambulatoire, mais l’HAD ne doit pas concurrencer les professionnels libéraux. Il faut donc bien définir, avec la Haute Autorité de santé (HAS), les parcours et les indications de prise en charge. Aux yeux de l’assurance maladie, l’objectif est d’assurer la bonne prise en charge du patient au bon moment, si bien que l’on doit déterminer le moment auquel on doit faire appel à l’HAD. Nous pensons par exemple que beaucoup de personnes placées dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) pourraient bénéficier de l’HAD pour éviter notamment les hospitalisations traditionnelles. Il serait néanmoins nécessaire d’élaborer des critères plus précis par types d’épisode de soins et de pathologie, afin d’encourager le recours à l’HAD lorsque cela est souhaitable et de s’assurer que les patients placés en HAD sont bien ceux qui doivent y être.

Comme le montre le rapport de la Cour des comptes, un vrai potentiel existe, et d’autres pays que la France ont déjà beaucoup développé l’HAD. Il n’existe pas de raison objective nous interdisant de suivre cette voie, mais on avance plus lentement du fait de la complexité de notre système et de l’étanchéité qui subsiste malheureusement entre les différents secteurs.

Nous souscrivons à l’analyse de la Cour des comptes sur la dimension médico-économique de l’HAD ; la réalisation d’études dans ce domaine permettrait de légitimer la place de l’HAD en montrant son efficacité médicale et économique pour certaines pathologies et certains parcours de soins. La CNAMTS n’a pas réalisé de telles études, à l’exception de celle concernant la prise en charge à domicile de mamans sortant de la maternité. Comme ces femmes se portaient très bien, ce dispositif a disparu car la prise en charge par l’HAD ne se justifiait pas – la direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère de la santé a d’ailleurs supprimé en 2015 la prise en charge post-partum après un accouchement physiologique.

Nous devons analyser les différences d’efficience entre l’hospitalisation traditionnelle et l’HAD. Nous ne disposons pas de toutes les informations permettant d’effectuer ce travail, notamment celles concernant les motifs du recours à l’HAD. Or, dans le terme de « médico-économique », il ne faut pas oublier l’aspect médical.

M. le coprésident Pierre Morange. L’assurance maladie possède un nouveau système informatique depuis 2013, qui lui donne une capacité de stockage d’informations bien plus élevée qu’auparavant, même si elle s’avère plus quantitative que qualitative. Comment se fait-il que vous ne parveniez pas à collecter suffisamment d’informations sur l’HAD ?

Mme Annie Fouard, responsable du département de l’hospitalisation de la CNAMTS. Les systèmes d’information pour les secteurs du court séjour et de l’HAD présentent quelques différences ; ainsi, nous ne disposions pas jusqu’il y a deux ou trois ans des diagnostics précis dans les codages remontés par le réseau de l’HAD. Cette information s’avère déterminante pour établir des comparaisons, et nous ne disposons toujours pas de données exhaustives pour élaborer des études robustes. Nous y parviendrons néanmoins sûrement dans les prochaines années.

Mme la rapporteure. Vous avez regretté que les indicateurs de prise en charge par l’HAD ne soient pas encore bien définis et avez appelé l’HAS à mener un travail approfondi dans ce domaine. L’indicateur principal relatif à l’HAD aujourd’hui a trait aux situations et aux actes médicaux complexes. Les réflexions sur l’HAD n’intègrent jamais de dimension sociale, et il serait opportun de l’introduire. Certains pays européens ont bien plus développé l’aspect social que la France. Êtes-vous favorable à ce que nous rattrapions notre retard en intégrant des indicateurs sociaux ? Ceux-ci ne remplaceraient pas les actuels, mais viendraient ajouter une composante intéressante.

Par ailleurs, on nous a fait part de l’existence de contrôles sévères de la part des médecins-conseils de la Sécurité sociale, qui auraient sorti des patients placés en HAD en raison d’un excès de dimension sociale et d’un manque de justification médicale.

M. Philippe Ulmann. Il est vrai que certains pays, situés notamment dans le nord de l’Europe, ont procédé à une intégration beaucoup plus poussée des secteurs sanitaire et social ; les passerelles sont plus nombreuses, alors que notre système pâtit d’un fort cloisonnement entre la médecine de ville, l’hôpital et les secteurs médico-social et social.

M. le coprésident Pierre Morange. En outre, n’oublions pas, monsieur le directeur, que les systèmes nordiques sont très décentralisés, si bien que la prise en charge sanitaire et sociale s’effectue à l’échelon local et de manière horizontale. En France, les centres communaux d’action sociale (CCAS) et l’HAD fonctionnent verticalement et en silos, soulignant le caractère colbertiste de notre approche sanitaire et sociale.

M. Philippe Ulmann. Tout à fait. Nous avons ouvert il y a quelques jours la négociation de la convention avec les médecins libéraux et nous souhaitons les faire entrer dans un dispositif de coordination sanitaire, mais également médico-sociale et sociale. Les médecins de terrain se plaignent, certes, de devoir accomplir des tâches administratives demandées par l’assurance maladie, mais surtout de passer un temps considérable à traiter des aspects sociaux et médico-sociaux – trouver une place en EHPAD ou en soins de suite et de réadaptation (SSR), monter un dossier d’admission auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ou échanger avec les centres locaux d’information et de coordination gérontologique (CLIC) et les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades (MAIA) –, et notamment de trouver le bon interlocuteur, de comprendre la répartition entre les structures et de faire les démarches. Nous souhaitons aider les médecins libéraux, ce qui rejoint votre invitation, madame la rapporteure, à développer les liens entre le social, le médico-social et l’hôpital.

Nous sommes néanmoins comptables des deniers publics, et les enveloppes budgétaires du social, de l’hôpital, du médico-social et du libéral sont totalement cloisonnées. La prise en charge à domicile contient une vraie dimension sociale, mais les soignants ne disposent pas toujours des outils, des financements et des contacts pour faire appel à des professionnels. L’enjeu réside donc dans une meilleure articulation du social et du médical ; on a déjà du mal à décloisonner la médecine hospitalière et celle de ville, si bien qu’il nous faudra accomplir beaucoup de progrès pour supprimer les silos dans lesquels sont enfermés les secteurs du médico-social et du social. Ces efforts sont cependant indispensables pour mieux concevoir le parcours de soins et améliorer la prise en charge du patient.

Mme la rapporteure. Tous les représentants de structures que nous avons auditionnés ont diagnostiqué l’obsolescence de la tarification. Certains nous ont affirmé que le médecin traitant ne pouvait jouer le rôle de coordonnateur car le prix de la visite – trente euros – était trop faible. D’autres ont expliqué que la rémunération des médecins libéraux était intégrée dans la tarification de l’HAD pour le secteur public, mais pas pour le secteur privé. Comment peut-on financer les molécules onéreuses qui sont présentes dans certaines listes prédéterminées mais pas dans d’autres ? Eh bien, on ne peut pas !

Pouvez-vous défendre la tarification existante en nous démontrant sa pertinence ? Existe-t-il des possibilités de modifier ce mécanisme ? Comment pourrait-on améliorer le système au bénéfice de tous ?

M. Philippe Ulmann. Le système de la tarification est à revoir. L’activité de l’HAD reste limitée, puisqu’il n’existe que 21 indications ; nous souhaitons augmenter le nombre de ces dernières afin de donner davantage de capacités d’intervention à l’HAD. Pour ce faire, il convient de réviser la tarification. Les différences entre l’HAD publique et privée se retrouvent dans l’hospitalisation ; les honoraires des médecins ne sont pas intégrés dans la tarification de l’hospitalisation privée, ce qui explique que les groupes homogènes de séjour (GHS) dans le public soient plus importants.

Mme Annie Fouard. La tarification a été instaurée en 2004 après une étude ayant porté sur deux grosses structures d’HAD. Développer un modèle adapté à 311 établissements et évoluant avec les modes de prise en charge constitue un défi lourd ; il s’avère ainsi délicat d’ajuster ce système de tarification à l’activité, qui ne se révèle pas toujours satisfaisant pour les professionnels – vous évoquiez le cas des médecins contrôleurs avec lesquels on discute pour revoir la définition de certains modes de prise en charge. Le ministère a initié des travaux pour recalibrer ce modèle de tarification, dans le but de préciser les définitions et de développer une prise en charge plus fine des patients ; nous élaborons par ailleurs une nouvelle classification de l’HAD qui intégrera la question des molécules onéreuses, dont la nature diffère de celle des courts séjours. Initialement, on voulait harmoniser le court séjour et l’HAD, mais des traitements peuvent être onéreux pour l’HAD et non pour les établissements de court séjour (MCO). Nous dressons actuellement avec le ministère de la santé une liste de médicaments spécifiques à l’HAD.

Mme la rapporteure. Il semblerait que la révision de la tarification des soins palliatifs ait porté ses fruits et que le nouveau dispositif fonctionne bien. Dans le domaine de la tarification en HAD, existe-t-il une différence entre les soins palliatifs et les autres pathologies ?

Mme Annie Fouard. Nous avons pris l’initiative de nous concerter avec la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD) et la Société française d’accompagnement de soins palliatifs (SFAP) pour catégoriser plus finement le soin palliatif en HAD, ce qui a permis d’appliquer une tarification adaptée.

M. le coprésident Pierre Morange. L’assurance maladie a toute légitimité pour contrôler l’efficacité du dispositif d’HAD, mais des agents administratifs participent-ils à ces vérifications, conduites par des médecins puisqu’elles induisent un partage du secret médical ?

Mme Annie Fouard. Des médecins, accompagnés le cas échéant de personnels administratifs chargés de les aider pour la gestion du dossier, assurent les contrôles. En aucun cas, des agents administratifs n’effectuent seuls ces opérations.

M. le coprésident Pierre Morange. Je connais des exemples de contrôles menés uniquement par des personnels administratifs, qui ont donc eu accès au contenu du dossier médical, ce qui me semble peu orthodoxe. On se situe là aux limites du principe salvateur de sécurisation des données médicalisées.

M. Philippe Ulmann. L’assurance maladie peut être amenée à effectuer différents types de contrôles, mais, au même titre que ceux effectués dans les hôpitaux, ce sont toujours des praticiens conseils de l’assurance maladie qui interviennent sur le dossier médical. On contrôle également l’HAD et des structures comme les EHPAD.

M. le coprésident Pierre Morange. Je parle d’agents administratifs se rendant au domicile du patient et consultant son dossier médical. Cette situation est des plus curieuses, vous en conviendrez.

M. Philippe Ulmann. Ils n’ont pas à avoir accès au dossier médical.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous sommes bien d’accord.

M. Philippe Ulmann. En revanche, ils peuvent lire l’ordonnance pour contrôler la validité de la prescription.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est entendu.

M. Philippe Ulmann. L’assurance maladie mène des contrôles dans le réseau de l’HAD ; elle accompagne les praticiens de l’HAD pour renforcer les bonnes relations entre la structure et l’assurance maladie – démarche que nous suivons également avec les EHPAD. Nos interlocuteurs apprécient les campagnes d’accompagnement car elles leur permettent d’expliquer leur activité et leurs difficultés. Ces moments nous permettent également de faire passer des messages, par exemple celui de la nécessaire diversification des structures d’HAD. En effet, elles pourraient se retrouver en difficulté si leur activité dépendait totalement du même segment. Certaines HAD s’étaient spécialisées dans la prise en charge des femmes après un accouchement physiologique et ont rencontré de graves problèmes au moment de la suppression de cette spécification.

Par ailleurs, nous avons développé des profils : lorsque nous visitons un établissement, nous lui présentons la nature de son activité et son positionnement par rapport aux autres HAD. Nous l’informons sur les trajectoires des patients, nous initions un dialogue sur ses marges de progression et nous lui rappellons les règles de codification. Un contrôle peut suivre un accompagnement, les vérifications pouvant s’avérer difficiles pour les structures ; en effet, des erreurs de cotation ont été commises de bonne foi, mais nous avons également pu relever certains abus. Nous avons présenté notre politique de contrôle à la FNEHAD, en expliquant ses fondements, son mode d’exécution, et les motifs pour lesquels nous avons récupéré des indus, la Fédération nationale comprenant nos actions.

Mme la rapporteure. Les agences régionales de santé (ARS) se trouvent au sommet de l’organisation sanitaire : comment vous coordonnez-vous avec elles ? Transmettez-vous les résultats de vos contrôles à l’ARS ?

La Cour des comptes reproche à certaines structures d’HAD de ne fonctionner ni la nuit, ni le samedi et ni le dimanche. Il n’est pas acceptable que de telles structures reçoivent un agrément !

M. Philippe Ulmann. Les compétences sont clairement réparties entre l’assurance maladie et les ARS. La CNAMTS contrôle les facturations et les dépenses d’assurance maladie des établissements, des professionnels libéraux, de l’HAD et du médico-social, cette responsabilité de l’assurance maladie n’ayant pas été modifiée par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Le contrôle des conditions d’hygiène et de la pratique médicale relève, lui, des ARS.

M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS avait constaté dans un rapport portant sur les transports sanitaires que les ARS pouvaient supprimer l’agrément – et donc l’autorisation d’exercer – d’une entreprise sanitaire, alors que l’assurance maladie n’avait pas le même pouvoir si elle constatait un détournement de fonds publics opéré par de fausses facturations ou l’application de codes fantômes. Nous avons déposé quelques amendements
– qui n’ont pas encore prospéré – visant à faire triompher le bon sens en prévoyant l’octroi par les ARS d’une délégation de service à l’assurance maladie afin de coordonner l’agrément et la convention, pour assurer une politique de contrôle et d’évaluation opérationnelle. Ne faudrait-il pas étendre ce système à l’HAD ? La CNAMTS défend-elle une telle évolution ?

M. Philippe Ulmann. Les agréments relatifs au fonctionnement des structures et à l’autorisation d’exercice doivent continuer de relever de l’ARS.

M. le coprésident Pierre Morange. Il n’est pas tolérable que des structures d’HAD ne soient pas opérationnelles vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Il n’est pas absurde que l’assurance maladie, qui se trouve davantage au contact de ces acteurs que les ARS, puisse disposer d’une délégation de service pour contrôler et évaluer la capacité des structures d’HAD à assumer leurs missions.

M. Philippe Ulmann. La législation laisse aujourd’hui cette compétence aux ARS. Cependant, on pourrait envisager d’accroître les capacités d’intervention de l’assurance maladie dans ce domaine. Il serait opportun de développer la coopération entre les ARS et l’assurance maladie pour vérifier la réalité de l’action menée dans ces structures. L’assurance maladie a davantage vocation à recevoir une délégation de contrôle que de suppression d’agrément ; elle a d’ailleurs déjà la possibilité de supprimer non l’agrément mais le conventionnement de professionnels libéraux en cas de manquement et après l’aboutissement de procédures ayant fait intervenir le conseil de l’ordre concerné. L’assurance maladie peut même déposer une plainte pénale pour les cas les plus extrêmes.

Des inspecteurs de santé publique des ARS et des personnels médicaux et administratifs de l’assurance maladie effectuent des visites conjointes dans les établissements médico-sociaux. La situation est plus complexe pour les unités d’HAD, dont certaines dépendent de grosses structures hospitalières.

Mme la rapporteure. Si vous ne réalisez pas de contrôles conjoints, au moins échangez-vous les résultats de vos vérifications ! Lorsque l’on constate des erreurs voire des abus de facturation, cela résulte souvent d’une mauvaise organisation, notamment du personnel ; or, c’est l’ARS qui étudie l’organisation des structures d’HAD, et non l’assurance maladie. La facturation est un puissant révélateur de l’organisation du service.

Vous avez ciblé vos contrôles sur les structures dont les recettes dépassent 800 000 euros : ce choix était-il mû par la volonté de privilégier l’efficacité de ces opérations en concentrant vos moyens sur les plus gros établissements ou par le souhait d’épargner les structures les plus fragiles ?

M. Philippe Ulmann. Il y a trois ans, le ministère de la santé et les fédérations ont passé un accord pour cibler les structures atteignant un certain niveau d’activité, afin de ne pas entraver la montée en charge de l’HAD dans certains établissements, même si cela n’empêche pas d’intervenir là où existent des déviances manifestes et de la fraude.

M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS a rendu un rapport sur les indemnités journalières au titre des arrêts de travail ; l’assurance maladie cible ses contrôles sur les arrêts d’au moins deux mois, et la MECSS avait préconisé de ne pas négliger, dans la mesure des ressources humaines disponibles, les arrêts courts et répétés. En effet, ceux-ci s’appuient parfois sur des prescriptions de complaisance, ont des effets délétères dans le milieu professionnel et relèvent souvent de la fraude. On peut comprendre que l’on laisse davantage de temps aux petites structures pour s’organiser, mais il ne faut pas que, conformément à une habitude française, le temporaire devienne définitif.

M. Philippe Ulmann. Toutes les structures d’HAD reçoivent une visite d’accompagnement.

M. le coprésident Pierre Morange. À quelle fréquence ?

M. Philippe Ulmann. Annuelle.

M. le coprésident Pierre Morange. Et vous connaissez les structures qui n’assurent pas de service continu ?

M. Philippe Ulmann. Nous n’avons pas cette information.

M. le coprésident Pierre Morange. Il ne doit pourtant pas être compliqué de prévoir que les structures renseignent cette information.

M. Philippe Ulmann. Dans certaines situations, l’HAD intervient jusqu’à 18 heures puis fait appel à des infirmières libérales pour la soirée. Nos facturations ne sont pas horodatées, si bien que nous ne connaissons pas l’heure de l’exécution des actes, ce qui peut nous poser des problèmes avec des praticiens libéraux. Lors des visites d’accompagnement, notre réseau doit pouvoir identifier les structures dans lesquelles des problèmes existent.

M. le coprésident Pierre Morange. Notre rapport devrait préconiser que l’information sur les modalités de prise en charge et de continuité des soins soit transmise à l’assurance maladie une fois par an à l’occasion de la visite d’accompagnement.

Mme Annie Fouard. Les équipes signalent à l’ARS les problèmes importants qu’elles constatent dans le fonctionnement des structures.

M. le coprésident Pierre Morange. L’ARS vous transmet-elle le suivi du signalement ?

Mme Annie Fouard. Non, mais les équipes des structures nous renseignent sur les décisions prises par l’ARS à la suite du signalement.

Mme la rapporteure. Disposez-vous d’une carte faisant apparaître l’implantation des HAD et de leur zone d’intervention ?

M. Philippe Ulmann. Nous connaissons la répartition des HAD dans le pays, mais nous n’avons pas de carte.

M. le coprésident Pierre Morange. Il serait intéressant de disposer d’une carte afin de visualiser les endroits non couverts par l’HAD et dans lesquels il conviendrait de muscler le dispositif.

M. Philippe Ulmann. Contrairement à la situation prévalant il y a quelques années, le maillage du territoire est aujourd’hui relativement complet, même si des zones sans HAD peuvent subsister. On pourrait dresser la liste des communes couvertes par l’HAD à partir du numéro d’inscription au répertoire (NIR) de l’INSEE des assurés, mais cela nous prendrait beaucoup de temps pour l’ensemble du pays ; on pourrait en revanche accomplir un tel travail pour des espaces ciblés.

Mme la rapporteure. Quelle est la différence entre l’HAD et les services de soins à domicile ? Certains acteurs de ces services affirment que certains de leurs patients relèvent de l’HAD, mais que les structures ne peuvent pas les prendre en charge voire n’existent pas dans leur bassin de vie. Au contraire, on s’est aperçu, grâce au contrôle des médecins de la sécurité sociale, que des malades pris en charge par l’HAD auraient plutôt dû l’être par un service de soins à domicile. Il existe un problème de frontière entre ces deux acteurs ; on pourrait vouloir créer une structure intermédiaire, mais il ne serait pas pertinent d’ajouter un nouvel intervenant. La HAS devrait tracer plus précisément la frontière entre l’HAD et les services de soins à domicile.

Lorsque l’on ressortit au régime général de la sécurité sociale, on reçoit souvent des bulletins d’information de la part de l’assurance maladie sur ce qui existe en matière de soins : vous devriez intégrer l’HAD dans ces envois, car beaucoup de gens ignorent son existence, même si une structure est implantée près de chez eux.

M. Philippe Ulmann. Les soignants, les personnels hospitaliers, les professionnels libéraux et les établissements médico-sociaux ont un rôle important à jouer pour développer l’HAD en y ayant davantage recours pour leurs patients. Nous travaillons actuellement au renforcement de la relation entre les EHPAD et l’HAD, afin que les personnels exerçant en EHPAD pensent d’abord à l’HAD avant l’hospitalisation traditionnelle. On informe les assurés sur notre site Internet ameli.fr, mais peut-être que la présentation est noyée au milieu de beaucoup de données. Les médecins généralistes et traitants, mais également les masseurs-kinésithérapeutes et les infirmières sont les acteurs principaux de l’information des patients sur l’offre de soins, et donc sur l’HAD.

Certains médecins de ville reprochent aux hôpitaux un manque de communication, qui ne favorise pas le placement en HAD. En effet, pour les médecins de ville, l’HAD étant une forme d’hospitalisation, la gestion de cette prise en charge est assurée par l’hôpital ; ils sont donc surpris d’apprendre a posteriori le placement de l’un de leurs patients en HAD après un séjour à l’hôpital. Ils ne demandent pas à assurer la coordination de la prise en charge du patient – qui peut être très lourde et requérir beaucoup de temps –, mais à être informé du parcours de soins du malade. Dans l’autre sens, les personnels de l’HAD reprochent aux médecins libéraux de ne pas avoir suffisamment recours à eux. Nous avons lancé une campagne auprès des médecins de ville pour leur rappeler l’existence de l’HAD et les utiles services qu’elle peut rendre au patient.

M. le coprésident Pierre Morange. La MECSS cherche à améliorer l’efficience en matière médicale afin d’optimiser le rapport entre le coût et l’efficacité. Il importe donc que nous connaissions les obstacles que rencontrent les acteurs stratégiques de la santé comme l’assurance maladie sur ce chemin. Il nous serait utile que vous nous transmettiez une liste de recommandations à mettre en œuvre, qu’elles ressortissent au domaine réglementaire ou législatif. Elles doivent être pratiques, notre pays ayant trop tendance à ériger de splendides cathédrales conceptuelles que l’on ne peut traduire dans les faits.

M. Philippe Ulmann. L’assurance maladie évolue également dans le domaine pratique, et nous partageons votre vision ; d’ailleurs, nous souscrivons largement au propos de la Cour des comptes dans son rapport. Nous souhaiterions vraiment que l’HAS définisse clairement les trajectoires, les parcours de soins et les prises en charge. On a renforcé les missions de l’HAS pour qu’elle puisse accomplir cette tâche, et nous en avons vraiment besoin pour sortir de l’ambiguïté, pour développer l’HAD et pour améliorer les contrôles.

M. le coprésident Pierre Morange. Madame, Monsieur, nous vous remercions pour cet échange très constructif.

La séance est levée à dix-neuf heures vingt.