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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Jeudi 24 mars 2016

Séance de 10 heures 15

Compte rendu n° 09

Présidence de M. Pierre Morange, coprésident

Auditions, ouvertes à la presse, sur l’hospitalisation à domicile (Mme Joëlle Huillier, rapporteure) :

– Mme Agnès Buzyn, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS), M. Dominique Maigne, directeur, et Mme Catherine Rumeau-Pichon, adjointe au directeur délégué de l’évaluation médicale, économique et de santé publique

– M. Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), M. Dominique Poëls, président-directeur général de la clinique de l’Europe à Rouen, président de la FHP Haute-Normandie, M. Richard Ouin, directeur général de la clinique du Cèdre à Bois-Guillaume, Mme Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles et de la veille sociétale, et Mme Marie-Claire Viez, chargée d’études et de veille prospective

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 24 mars 2016

La séance est ouverte à dix heures 15.

(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Agnès Buzyn, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS), M. Dominique Maigne, directeur, et Mme Catherine Rumeau-Pichon, adjointe au directeur délégué de l’évaluation médicale, économique et de santé publique.

M. le coprésident Pierre Morange. Merci d’avoir bien voulu vous rendre disponibles pour cette audition de la MECSS, sur la question de l’hospitalisation à domicile (HAD).

Mme Joëlle Huillier, rapporteure. Malgré une augmentation récente de son activité, l’HAD ne connaît pas l’essor prévu par le ministère de la Santé et la caisse nationale d’assurance maladie ; nous avons besoin de savoir pourquoi et nous comptons beaucoup sur votre éclairage. Nos précédentes auditions ont fait apparaître plusieurs causes possibles : des problèmes d’indication thérapeutique, des problèmes de formation des médecins prescripteurs généralistes ou hospitaliers et des problèmes de transferts de charges et de compétences.

M. le coprésident Pierre Morange. Je me permets d’appeler en outre votre attention sur une question transversale, qui concerne tous les travaux de la MECSS : celle de l’efficacité médico-économique des solutions en matière de prise en charge et donc des référentiels d’harmonisation des pratiques auxquels il est nécessaire de s’adosser, qui sont définis par la HAS notamment. Cela rejoint d’ailleurs la thématique des prochains travaux de la MECSS, dont je serai rapporteur, à savoir la maîtrise des données de santé.

Mme Agnès Buzyn, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS). De notre point de vue l’HAD est davantage une alternative à l’hospitalisation conventionnelle qu’aux services de soins infirmiers à domicile (SSIAD).

La HAS procède d’ailleurs à la certification des services d’HAD selon les mêmes critères généraux que ceux utilisés pour la certification des services d’hospitalisation conventionnelle, avec simplement quelques adaptations pour tenir compte des spécificités de l’HAD.

M. le coprésident Pierre Morange. Ces critères d’agrément comportent-ils une dimension médico-économique ?

M. Dominique Maigne, directeur de la HAS. Il existe environ 300 autorisations d’exercer en HAD en France. La certification est une démarche qualité, qui n’implique pas nécessairement d’analyse médico-économique. Celle-ci peut toutefois avoir lieu au détour de nos travaux, comme ce fut le cas par exemple pour le rapport qui s’est penché sur l’évaluation médico-économique de la chimiothérapie en HAD.

Mme la rapporteure. Pouvez-vous confirmer le constat de la Cour des comptes, selon lequel certains services certifiés de HAD ne fonctionnent pas 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 ?

M. Dominique Maigne. Cela doit être prévu par la convention signée avec les établissements. Il nous est en effet arrivé de constater l’absence de continuité des soins en HAD, par exemple en pédiatrie, et le recours à des praticiens libéraux, alors que les obligations en la matière sont en principe les mêmes qu’en hospitalisation conventionnelle.

Mme la rapporteure. Le fait que les services d’HAD n’assurent pas seuls la continuité des soins peut aboutir à des situations paradoxales et contre-productives, conduisant à ré-hospitaliser des patients en établissement conventionnel, en conséquence d’un appel au centre 15, seul interlocuteur disponible.

M. Dominique Maigne. Votre question est celle de la capacité de l’HAD à prendre en charge des séjours de plus en plus longs et des pathologies lourdes. La HAS n’est pas l’organisme régulateur de l’HAD, mais seulement son certificateur ; nous nous assurons que les règles relatives à l’HAD sont correctement appliquées et notamment que les conventions de repli et les procédures de mise en œuvre de la permanence des soins sont bien organisées et effectives. Aller au-delà revient à s’interroger sur la question de la pertinence de l’HAD comme mode d’hospitalisation pour des séjours longs.

Mme Agnès Buzyn. Les services d’HAD se caractérisent par une certaine hétérogénéité de leur capacité de traiter les pathologies les plus lourdes, et notamment d’assurer la continuité des soins. Le fait qu’une HAD atteigne les limites de ses possibilités entraîne un report de charges vers d’autres acteurs, qui n’était pas anticipé par les prescripteurs de l’HAD et soulève des interrogations sur la capacité de celle-ci d’assumer les prescriptions effectuées. Ainsi, le ministère de la Santé souhaite développer l’HAD pour la chimiothérapie ; mais les médecins généralistes ne sont pas nécessairement à l’aise avec cette technique de soins ; ils ne sont pas autorisés à la prescrire – cela relève des seuls centres autorisés ; ils ne peuvent pas renouveler ou adapter une prescription, sauf à être conventionné avec le centre ; cela entraîne alors un report de charge des patients vers l’hôpital prescripteur initial et les médecins hospitaliers.

Au-delà de cette question de formation, les autres freins au développement de l’HAD sont la rupture de continuité des soins, les modalités de financement, qui devraient être neutres par rapport au mode de prise en charge mais ne le sont pas toujours, et la charge de travail pour les médecins prescripteurs. Cela nécessite une harmonisation de la qualité des structures d’HAD.

Mme la rapporteure. L’hétérogénéité que vous évoquez est-elle liée à l’organisation des services d’HAD ?

M. Dominique Maigne. Il existe deux modèles pour les structures d’HAD : un modèle multipathologies d’une part, un modèle spécialisé d’autre part. En tout état de cause, l’HAD doit être organisée sur le modèle de l’hospitalisation conventionnelle, et non sur celui des SSIAD ou de la médecine libérale ; par exemple, le post-partum physiologique ne relève pas de l’HAD mais de la continuité des soins avec la médecine libérale. Le développement de l’HAD passe donc par le renforcement de sa capacité de prise en charge des patients.

Mme Catherine Rumeau-Pichon, adjointe au directeur délégué de l’évaluation médicale, économique et de santé publique de la HAS. L’HAD est un établissement de soins, avec une charge en soins très importante. C’est un des éléments que nous envisageons d’intégrer aux critères d’éligibilité à l’HAD. La question de la thématique médicale pouvant être prise en charge en HAD n’est pas la principale ; l’essentiel est en effet de connaître l’état du patient, la charge en soins qu’il nécessite et la capacité de l’HAD à le prendre en charge de façon continue. C’est sur ce critère fondamental que l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) a défini 22 modes de prise en charge, permettant de couvrir une large gamme de pathologies. Ensuite il faut prendre en compte des critères plus génériques, en termes de charge en soins, de besoin de continuité des soins et d’équipe pluridisciplinaire, mais aussi prendre en compte la volonté du patient d’avoir ou non l’hôpital à la maison.

Mme la rapporteure. Quel est, à votre sens, le modèle idéal d’organisation d’une structure d’HAD ? Doit-elle être indépendante ou intégrée à un établissement hospitalier ? Quel est le volume d’activité minimal pour bien fonctionner ?

Mme Agnès Buzyn. Il n’y a pas de modèle idéal. En fonction des territoires, des distances, de l’offre de soins locale, des typologies de patients, l’ « HAD idéale » a des visages multiples. À Bordeaux, une structure d’HAD spécialisée en matière de chimiothérapie fonctionne très bien, en ayant une file active de patients suffisante et des liens forts avec l’hôpital. Dans d’autres territoires, on a besoin d’HAD très polyvalentes. Cela explique l’hétérogénéité des services existants.

M. Dominique Maigne. Dans le cadre de la démarche de certification, nous n’avons pas trouvé de lien entre la qualité et la taille de l’établissement. Les indicateurs des structures d’HAD sont généralement dans la moyenne de l’ensemble des établissements de santé. Quelques résultats sont spécifiques à l’HAD, notamment en ce qui concerne l’informatisation du dossier médical du patient, pour lequel les établissements d’HAD sont en retrait.

Les deux tiers des HAD ont moins de soixante places : la capacité va de moins de dix places à plus de mille pour les structures parisiennes les plus importantes. Nous n’avons pas d’indicateurs prouvant que les grandes structures ont de meilleurs résultats. Le mode d’organisation reste très contextualisé.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous avez évoqué l’étude sur la prise en charge en matière d’oncologie à domicile que vous avez menée. Quelle en est la traduction sur le plan médico-économique ? Une marge de manœuvre budgétaire a-t-elle pu être dégagée par le développement de la prise en charge à domicile ? La réforme de la tarification appelée de vos vœux devrait être assise sur des bases médico-économiques, et notamment sur la maîtrise des coûts.

Mme Agnès Buzyn. La prise en charge des cancers par la chimiothérapie est en train d’évoluer, notamment avec la mise sur le marché des chimiothérapies administrées par voie orale dites « per os ». Elles ne se substituent pas toujours aux chimiothérapies administrées par voie intraveineuse ou sous-cutanée, mais elles occupent une part grandissante de la prise en charge des patients et parfois complètent ces traitements. Ces chimiothérapies per os ne relèvent pas de l’HAD : la prise en charge d’un comprimé par voie orale oblige à une grande rigueur en matière d’observance du traitement et à une grande vigilance en matière de gestion des effets secondaires, mais ne nécessite pas d’HAD. Cette évolution vers un traitement purement ambulatoire va réduire la population des patients en chimiothérapie susceptibles d’être traités en HAD.

Mme Catherine Rumeau-Pichon. Sur l’aspect médico-économique, notre rapport a pu montrer qu’en fonction du protocole de chimiothérapie, le modèle de tarification rend plus ou moins intéressant une cure effectuée en HAD par rapport à une hospitalisation classique. Il y a un réel risque de biais tarifaire et de transfert de charges. Parmi nos recommandations, le passage à un modèle de tarification à la cure et non à la journée permettrait de mieux assurer la neutralité tarifaire.

M. le coprésident Pierre Morange. Pour approfondir votre réponse, avez-vous pu comparer les coûts et mesurer des économies potentielles en cas de recours à l’HAD en lieu et place d’une hospitalisation classique, notamment en matière de charges de personnel qui représentent les deux tiers d’un budget hospitalier ?

Mme Catherine Rumeau-Pichon. Nous avons effectué des comparaisons de coûts pour plusieurs protocoles de chimiothérapie, selon les modalités d’administration en hôpital de jour ou en HAD. Nous pourrons vous donner des chiffres plus précis cités dans ce rapport.

Mme Agnès Buzyn. En plus du développement des autorisations de mise sur le marché concernant des thérapies per os, on observe que les industriels ayant développé des chimiothérapies par voie intraveineuse (IV) s’efforcent de chercher des formes galéniques sous-cutanées, qui peuvent être administrées par des infirmières libérales. Il existe un vrai virage de la prise en charge de la chimiothérapie en France depuis les études faites pour le rapport. Aussi toute extrapolation des résultats de ces quelques études à l’ensemble de la prise en charge par chimiothérapie en France doit prendre en compte le virage ambulatoire que nous observons actuellement. C’est un travail à part entière.

M. Dominique Maigne. Les monographies médico-économiques qui accompagnent ce rapport ont montré que les situations étaient contrastées et dépendaient du protocole suivi par le patient. C’est notamment le cas des comparaisons entre HAD et hôpital de jour : il n’existe pas de réponse univoque. Par ailleurs, des bouleversements sont encore à attendre avec le développement des chimiothérapies per os.

Mme Agnès Buzyn. Cette évolution se fait également au détriment de l’hospitalisation de jour, dont l’activité en chimiothérapie va elle aussi être amenée à baisser. Les services concernés plaident pour une revalorisation de la prise en charge de la consultation de prescription et de suivi de la chimiothérapie en mode ambulatoire, car tout se fait en consultation.

Le modèle économique change également pour l’hôpital de jour et l’hôpital conventionnel : cela n’est pas spécifique à l’HAD.

Mme la rapporteure. La Haute Autorité de santé a la charge d’établir des référentiels pour tous les segments d’activité : où en êtes-vous dans leur élaboration ? Ces référentiels permettent-ils réellement au médecin prescripteur de savoir si un patient relève ou non de l’HAD ?

M. Dominique Maigne. Le rapport de la Cour des comptes a mis en exergue le besoin de référentiels ; cependant, le programme de travail de la HAS est prescrit par les donneurs d’ordres que sont les pouvoirs publics. Il est vrai que la FNEHAD appelle de ses vœux l’élaboration de ces référentiels pour les 22 modalités de prise en charge repérées par l’ATIH. Un certain nombre de travaux ont été réalisés en ce qui concerne l’HAD notamment sur la chimiothérapie, sur les critères d’éligibilité à l’hébergement des patients hors établissement de santé – même si c’est un peu à la frontière de notre sujet –, sur la perfusion à domicile, sur le retour à domicile après hospitalisation pour insuffisance cardiaque, sur l’auto-administration des médicaments en HAD, sujet important pour sortir de l’imbroglio réglementaire et surmonter certains blocages, et sur la prise en charge ante et post-partum.

Si nous sommes saisis de la rédaction des référentiels demandés par la Cour, nous poserons la question de la pertinence d’une approche par pathologie, centrée sur l’HAD, par rapport à une approche plus générique dans laquelle l’HAD n’est qu’une modalité de prise en charge alternative à l’hospitalisation traditionnelle qui devrait être systématiquement envisagée quand l’état du patient le permet. Cette approche nous semble plus bénéfique que celle envisagée par pathologie, qui laisse toujours des zones non couvertes et qui complexifie grandement le travail des soignants sans nécessairement lever les barrières.

Mme Agnès Buzyn. Pour la HAS, l’HAD est une alternative à promouvoir dès que l’état du patient le justifie, quelle que soit sa pathologie ; elle doit être regardée par les soignants comme un outil supplémentaire. Si on crée un référentiel, on va créer des cases. Cela oblige le soignant à analyser son patient au regard des référentiels et d’une liste de pathologies, ce qui n’est pas opérationnel en termes de pratique clinique. Nous sommes plus favorables à une approche plus générique et systématique de la détermination de la solution la plus opportune pour le patient. On néglige souvent le frein au développement de l’HAD que constitue le respect de la volonté du patient, le patient se sentant en sécurité à l’hôpital et non à son domicile, notamment pour des raisons économiques ou de contexte familial. On ne peut pas imposer l’HAD à un patient qui n’en voudrait pas.

Mme la rapporteure. Le médecin traitant doit également être rassuré vis-à-vis de la solution de HAD. Que pensez-vous de la situation actuelle, où le médecin de ville prescripteur se pose rarement systématiquement la question de l’opportunité de la prescription d’une HAD, au contraire du médecin hospitalier dans les territoires où existe une collaboration entre hôpital et HAD ? En outre, que pensez-vous de l’évolution de l’HAD dans les établissements médico-sociaux, notamment destinés aux personnes handicapées et aux personnes âgées ?

M. Dominique Maigne. Sur le premier point, nous pensons qu’il est nécessaire de donner au médecin prescripteur des garanties sur sa capacité à prescrire l’HAD dès que c’est possible, donc de lui donner une préférence dans le cadre d’une politique d’orientation vers des solutions moins coûteuses qui correspond aussi à une évolution sociétale. Les conditions de prise en charge dans la structure d’HAD pourront seules rassurer le médecin prescripteur. C’est une approche qui doit se faire au regard de la structure d’HAD et non au regard d’une liste de pathologies standardisées. Il faut faire monter en puissance les structures d’HAD sur leur capacité à prendre en charge le plus en amont possible les séjours qui peuvent basculer en HAD.

Mme la rapporteure. Si je résume, les HAD installées sur les territoires devraient aller voir les médecins traitants pour montrer ce qu’elles savent et peuvent faire ; à partir de là, les médecins pourraient ainsi avoir une vision plus complète des prises en charge qu’ils peuvent prescrire, en dehors de tout référentiel de la HAS.

Mme Agnès Buzyn. Il est nécessaire d’établir une relation de confiance entre un médecin prescripteur et un établissement d’HAD avec lequel il prend l’habitude de travailler pour organiser une montée en puissance de cette solution. Il ne faut pas attendre de miracle : les prescripteurs doivent s’approprier la solution HAD.

M. le coprésident Pierre Morange. Les référentiels semblent ainsi une solution illusoire à laquelle il faut préférer une vision globale centrée sur l’état du patient. Vos propos montrent qu’il est préférable d’insister sur la formation et l’information. Un autre élément, auquel nous renvoie le code de la sécurité sociale lorsqu’il prévoit que le système de santé doit trouver la prestation la plus adaptée au patient, demeure primordial : c’est l’analyse socio-économique. Dans le cadre de vos travaux de certification, l’HAS utilise des critères. Certains portent-ils sur la capacité des établissements à assurer le partage de l’information notamment dans le cadre de la nécessaire articulation entre l’HAD, la médecine ambulatoire et les établissements de soins ?

Mme Agnès Buzyn. Lorsque la HAS procède à la certification d’une structure HAD, la capacité de celle-ci à assurer la coordination par des systèmes informatiques compte double dans nos indicateurs par rapport à ceux des hôpitaux conventionnels.

M. Dominique Maigne. On peut constater un certain retard dans l’informatisation de l’HAD. Malgré le volontarisme de la FNEHAD, elle est à 50 % du niveau qui est celui considéré comme mature pour les hôpitaux conventionnels, soit un chiffre proche de celui que l’on trouve pour les soins de suite et de réadaptation (SSR). On peut l’expliquer par des raisons historiques qui tiennent à la façon dont s’est développée l’HAD. Elle doit aujourd’hui monter en gamme pour être en capacité de se mettre à niveau sur les systèmes d’information mais aussi pour la sécurité ou l’administration du médicament qui est un véritable problème, même en tenant compte de la spécificité d’un traitement à domicile.

M. le coprésident Pierre Morange. Quelle réalité recouvre cette informatisation ? Est-ce qu’il y a un modèle préconisé par l’HAS pour faciliter l’interopérabilité de ces systèmes y compris dans le secteur ambulatoire et les établissements de santé ? Le dossier médical personnalisé, dont la mise en place revient à l’assurance maladie, se donne pour objectif d’être opérationnel pour 2017, a-t-il fait l’objet de réflexions spécifiques de l’HAS ?

M. Dominique Maigne. Les chiffres que nous pouvons vous donner sur l’informatisation nous proviennent des établissements certifiés entre 2010 à 2015 et doivent être pris avec précaution, cependant ils montrent un taux d’informatisation total des dossiers inférieur à 10 %, soit moitié moins que les établissements MCO et l’équivalent de ce qu’on trouve pour les SSR. Il est inquiétant de voir que ce chiffre ne s’améliore pas.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous travaillé sur la sécurisation de ces données ?

M. Dominique Maigne. Nous travaillons avec l’agence des systèmes d’informations partagés de santé (ASIP) sur l’interopérabilité des systèmes et sur tous les éléments dématérialisés qui concernent la HAS : volet de synthèse des dossiers, la constitution des data set, c’est-à-dire les éléments clés de la prise en charge, la structuration des informations médicales au sein du dossier. Nous sommes très favorables à la dématérialisation des dossiers. Nous avons un rôle plus important dans le processus de certification des logiciels d’aide à la prescription.

M. le coprésident Pierre Morange. Combien avez-vous agréé de logiciels ?

M. Dominique Maigne. Tous les logiciels de ville sont agréés et les deux tiers des logiciels hospitaliers sont couverts. Cet écart s’explique par le fait que nous avons commencé plus tardivement la démarche pour les logiciels hospitaliers.

Mme la rapporteure. S’agissant des établissements médico-sociaux ou pour personnes âgées, quelles sont les perspectives de l’HAD ?

M. Dominique Maigne. L’HAS n’est pas compétente sur ces établissements et n’a donc aucune donnée à porter à votre connaissance. L’autorité compétente dans ce domaine serait plutôt l’agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) qui a ses propres référentiels.

Mme la rapporteure. On demande au médecin traitant d’être le pivot de l’HAD, ou bien à une infirmière, ou bien encore au médecin hospitalier. Pensez-vous que ce médecin traitant peut assurer ce rôle compte tenu du temps et des compétences dont il dispose et de la rémunération qui est la sienne ? Ne devrait-on pas créer une autre fonction de médecin à côté du médecin coordonnateur ?

Mme Agnès Buzyn. La HAS a constaté que le rôle du médecin traitant est très hétérogène. Dans le cas très documenté de la chimiothérapie, il est même totalement marginal par rapport au rôle du médecin hospitalier, pour les raisons précédemment évoquées. Les questions de rémunération, de déplacement que vous évoquez ne sont pas propres à l’HAD : elles apparaissent dans toutes les situations où se manifeste un besoin de coordination. Le comité de réforme de la tarification hospitalière (CORETAH) réfléchit avec la DGOS à des solutions permettant de valoriser la fonction de coordination mais ses travaux n’ont pas abouti.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions de votre présence et vous souhaitons une bonne journée. Nous restons à l’écoute des recommandations précises que vous pourriez nous communiquer prochainement.

Puis la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), M. Dominique Poëls, président-directeur général de la clinique de l’Europe à Rouen, président de la FHP Haute-Normandie, M. Richard Ouin, directeur général de la clinique du Cèdre à Bois-Guillaume, Mme Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles et de la veille sociétale, et Mme Marie-Claire Viez, chargée d’études et de veille prospective.

M. le coprésident Pierre Morange. Merci d’avoir bien voulu vous rendre disponibles pour cette audition de la MECSS, consacrée à l’hospitalisation à domicile (HAD).

Mme Joëlle Huillier, rapporteure. Vous êtes, pour certains d’entre vous, des gestionnaires de structures d’HAD. Pourquoi l’HAD ne croît-elle pas autant que voudrait le ministère de la Santé ? Quels sont, selon vous, les freins au développement de l’HAD ?

M. Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Je suis détenteur d’une autorisation pour gérer une HAD depuis 2006. L’HAD est, sur le papier, un concept magique. Mais plusieurs freins entravent son développement.

Le premier d’entre eux est l’opposition ancienne mais toujours d’actualité des professions paramédicales intervenant auprès des patients à domicile – infirmiers, professionnels du maintien à domicile ; il a donc fallu faire un travail de pédagogie, qui prend encore du temps aujourd’hui.

Le deuxième frein est la méconnaissance encore très forte des prescripteurs, qu’il s’agisse des médecins traitants ou des praticiens hospitaliers ; il faut donc apporter la preuve de la plus-value de l’HAD par rapport aux services de maintien à domicile (MAD) ou de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Cette plus-value existe : les contrôles que les ARS ont diligentés sur nos services d’HAD n’ont pas révélé de dérive, même si des ajustements sont nécessaires, certains dossiers étant surcotés, d’autres sous-cotés.

Sur la base de ces constats, des actions sont mises en œuvre pour développer l’HAD. Ainsi, nos services d’HAD salarient des médecins coordinateurs, afin de pallier l’implication insuffisante de certains médecins traitants prescripteurs d’HAD, qui souvent ne souhaitent pas s’occuper des patients à leur domicile. Par ailleurs, l’HAD se développe dans les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD), ce à quoi je ne croyais pas voilà quelques années. L’HAD en EHPAD apporte une aide technique et morale réelle aux personnels infirmiers, et permet d’éviter des comportements de maltraitance. Il faut cependant une égalité tarifaire, même avec une décote pour les prises en charge en EHPAD.

L’HAS doit être partie prenante de ce développement, même si un contrôle de certification est plus difficile quand il faut faire des visites à domicile par rapport à un établissement conventionnel.

Nous souhaitons fortement le développement de l’HAD ; si nous pouvions y participer davantage, en tant qu’entrepreneurs privés, nous le ferions. Nous aimerions croire que l’objectif d’un doublement des capacités d’ici 2018 peut être atteint.

Mme la rapporteure. Y a-t-il selon vous d’autres freins, notamment législatifs, à ce développement ?

M. Lamine Gharbi. Oui, car au moment de la délivrance des autorisations d’ouverture de services d’HAD, les hôpitaux publics ont souvent été les premiers servis. Des structures privées souhaiteraient s’engager davantage, mais les places sont déjà prises, par des structures parfois déficientes en termes d’activité, de volume ; or, il est extrêmement difficile d’obtenir des autorisations supplémentaires, en créant des antennes extérieures notamment.

M. le coprésident Pierre Morange. La Cour des comptes souligne le caractère lacunaire des études médico-économiques sur le bénéfice de l’HAD par rapport à l’hospitalisation classique ou à l’hôpital de jour. Disposez-vous pour votre part d’éléments précis, dont nous n’aurions pas connaissance ?

M. Richard Ouin, directeur général de la clinique du Cèdre à Bois-Guillaume. Je suis gestionnaire d’un établissement d’HAD actif depuis 2006 qui réalise environ 10 000 journées par an d’HAD qui participe, aux côtés d’une vingtaine d’autres établissements, à l’étude nationale de coûts. Il faudrait inciter plus d’établissements à le faire, car chaque établissement peut en tirer des tableaux de bord précis et car il est difficile de tirer des enseignements nationaux avec un tel échantillon ; d’autant plus que les résultats de ce type d’étude sont décalés dans le temps : nous venons d’avoir les résultats de l’année 2014. Il est par ailleurs nécessaire d’avoir une vision d’ensemble sur tous les autres acteurs du domicile et autour de la notion de parcours du patient, et non par catégorie de métiers. On pourrait imaginer confier ce type d’étude à une agence spécialement créée à cet effet.

M. le coprésident Pierre Morange. Halte à la balkanisation des agences sanitaires !

Mme la rapporteure. Quels sont les avantages et les inconvénients de la tarification actuelle ?

M. Richard Ouin. La tarification actuelle n’est pas adaptée : elle repose sur un modèle vieillissant, construit à une époque où les techniques de maintien à domicile ou d’HAD étaient différentes, et moins coûteuses. Aujourd’hui, les tarifs ne sont pas assez différenciés selon les actes et les moyens de soins mis en œuvre pour le patient. Ceci peut produire des effets d’aubaine pour certains actes, et de graves insuffisances de financement pour d’autres. Je pense en particulier aux médicaments innovants, notamment dont les tarifs en HAD sont insuffisants : cela peut représenter 190 euros par jour pour des médicaments anticancéreux, 300 euros par jour pour le nouveau traitement de l’hépatite C, ce qui est incompatible avec un tarif journalier de 200 à 210 euros. Or l’HAD « subit » la prescription. L’ATIH travaille sur cette question ; il faudrait parvenir à un modèle reposant plus fortement sur la charge en soins et sur les moyens mis en place, proche de celui de la médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) pour les groupes homogènes de séjour (GHS).

Mme la rapporteure. Les médicaments que vous évoquez ne sont-ils pas inscrits sur la liste « en sus » ?

M. Richard Ouin. En l’occurrence, non. La liste « en sus » est trop réduite et ne s’applique pas de façon totalement équivalente entre l’HAD et la MCO, alors que les médicaments innovants sont nombreux à être mis sur le marché. Nous avons été sollicités pour les identifier et avons établi une liste d’une vingtaine de médicaments, mais nous ne savons pas si cela sera pris en compte.

M. le coprésident Pierre Morange. L’enveloppe pharmaceutique remboursable est actuellement de 25 milliards d’euros par an, 18 milliards en secteur ambulatoire et 7 milliards à l’hôpital, dont 3 milliards relèvent de la liste en sus. Le développement de ces médicaments innovants s’inscrit au sein d’une enveloppe normée, ce qui justifie que l’on s’attache à en évaluer le coût et à déterminer leur prix dans la plus grande transparence.

Mme la rapporteure. Existe-t-il un seuil d’activité minimale nécessaire au bon fonctionnement d’une structure d’HAD ? Les différences de statut des structures – publiques ou privées, indépendantes ou rattachées à un établissement de soins – influent-elles sur la prise en charge ?

M. Lamine Gharbi. Comme pour les établissements conventionnels, il n’y a pas de modèle cible : des cliniques privées avec 70 ou 80 places peuvent être déficitaires ou bénéficiaires, des structures publiques disposant de 200 à 300 places peuvent être bénéficiaires ou déficitaires. Comme en MCO, en soins de suite ou en psychiatrie, il n’est pas nécessaire d’avoir un nombre minimal de places. Des structures HAD non rattachées à un établissement classique ont des frais de structure plus élevés car elles ne peuvent pas bénéficier des économies d’échelle sur les dépenses immobilières ou de fonctionnement courant.

M. Dominique Poëls, président-directeur général de la clinique de l’Europe à Rouen, président de la FHP Haute-Normandie. Il existe aussi des contraintes administratives : les ARS ont eu pour mission de couvrir l’ensemble du territoire, en faisant avec les candidats existants : ces structures et les autorisations qui ont ainsi été délivrées sont peu ou pas évaluées. À Rouen, où coexistent deux structures, la plus importante d’entre elles a des difficultés. Les ARS devraient s’interroger sur la nécessité de revoir des territoires d’exercice parfois trop importants et réaffecter les places d’HAD.

Par le biais des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) des établissements de santé, les ARS cherchent à promouvoir les prescriptions d’HAD : or ce ne sont pas les établissements qui sont prescripteurs, mais les médecins qui y exercent, pour lesquels manque encore un travail de sensibilisation au recours à l’HAD pour leurs patients.

Cela montre les difficultés liées à un parcours de soins du patient où les acteurs restent très segmentés dans leur approche. Dans leur formation, les médecins n’acquièrent pas cette culture du parcours de soins médical et social et de la place de chacun des acteurs. Certes, on peut mettre en place dans les établissements des structures d’ « assistance sociale » un peu élargie qui auraient cette mission ; mais cela ne règle pas la question du bon positionnement de chacun dans le parcours de soins.

La Fédération de l’hospitalisation privée en médecine chirurgie obstétrique (FHP-MCO) est favorable au développement de l’HAD, mais souhaite que les intérêts de chacun des acteurs soient préservés, et que cela ne se fasse pas au détriment du financement des courts séjours hospitaliers. Il faudra que les règles du jeu soient clairement établies si l’on veut lever ce frein au développement de l’HAD.

M. Lamine Gharbi. Mon expérience syndicale m’a appris que toute réforme entraîne des conséquences défavorables pour certains acteurs, par exemple le programme d’accompagnement au retour à domicile après hospitalisation (PRADO) visant à permettre une sortie précoce des parturientes ou des patients en chirurgie orthopédique, qui conduit à supprimer les soins de suite et de réadaptation (SSR) et à diminuer les tarifs, alors que les coûts sont concentrés essentiellement sur les premières vingt-quatre heures.

Sans représenter une réelle concurrence, les prestataires de services sont un frein à l’HAD, car ils sont très présents auprès des autres acteurs de soins y compris les hôpitaux et les pharmacies. Or quelques fois, lors de l’admission d’un de leurs patients en HAD, les prestations qu’ils effectuent ne sont pas arrêtées et continuent à être facturées : comme pendant la période d’HAD, nous devons tout prendre en charge, l’assurance maladie nous demande le remboursement de ces prestations au titre d’indus. Or nous n’avons pas les moyens d’arrêter ces prestations de services.

Par ailleurs, certains patients continuent à se rendre à une officine de ville pour chercher leurs médicaments, même si nous devons prendre en charge la totalité des traitements pendant la période d’HAD. Hier, certaines caisses primaires d’assurance maladie considéraient tout cela comme des fraudes : aujourd’hui, cela se traduit par des demandes de remboursement d’indus qui nous sont adressées par les caisses.

Aussi nous avions demandé qu’à l’admission en HAD, les droits du patient à bénéficier de ces prestations soient fermés. Mais les caisses n’arrivaient à gérer ces ouvertures et fermetures de droits. Mais nous ne pouvons pas continuer comme cela, il faut que le prix de journée prenne en compte ces dépenses.

M. le coprésident Pierre Morange. La présidente de la HAS nous a fait part de sa circonspection vis-à-vis de la mise en place de référentiels, tels que préconisés par la Cour des comptes, et a estimé que le développement des études médico-économiques serait une réponse beaucoup plus judicieuse : qu’en pensez-vous ? En termes de structuration des prix de l’HAD, la situation quasi monopolistique dans laquelle se trouvent certains prestataires de services vous semble-t-elle conduire à une dérive des coûts ?

M. Lamine Gharbi. La solution repose sur la pertinence de la prescription, la pertinence de la délivrance des prestations et le contrôle. Il existe aujourd’hui des prestations médicales à domicile – lits médicalisés, traitements d’oxygénothérapie, etc. – qui sont prescrites pendant des années y compris après le retour du patient à une vie normale : nous sommes dans l’obligation de les effectuer, mais cela conduit à des dérives. C’est à l’assurance maladie et à l’ARS d’effectuer les contrôles sur ces prestataires, notamment de manière statistique ; on peut prendre l’exemple de la tarification à l’activité qui avait entraîné, dans les années 2006-2007, des comportements d’optimisation entre les secteurs public, privé et associatif : nous avons été contrôlés, nous avons appris et aujourd’hui le dispositif est bien régulé.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous eu l’occasion d’évaluer ces dérives, qui ont un impact financier notable ?

M. Lamine Gharbi. Sans pouvoir extrapoler, je constate que dans l’HAD que je dirige, nous avons de 70 000 à 80 000 euros de demande de remboursements d’indus par an, pour 10 000 journées d’HAD effectuées soit 30 patients par jour.

Mme la rapporteure. Quand, lorsque vous mettez en place une HAD, vous constatez qu’un prestataire de services intervient au domicile du patient, pourquoi n’alertez-vous pas le prestataire ou l’assurance maladie ?

M. Lamine Gharbi. Lorsque nous arrivons au domicile d’un patient et que nous constatons qu’il y a un lit médicalisé, nous l’évacuons, mais la facturation continue.

Mme la rapporteure. L’indu devrait donc être supporté par le prestataire, et non par le service d’HAD ! Il manque une coordination.

M. Lamine Gharbi. Tout à fait !

M. le coprésident Pierre Morange. Il existe des commissions de recours au sein des caisses, signalez-vous ces cas ? Ces signalements sont-ils suivis d’effet ?

M. Lamine Gharbi. Ce sont à chaque fois des petites sommes – parfois quelques euros – qui s’additionnent pour atteindre ces montants. Mais nous sommes responsables et cela représente une réelle difficulté : nous devons stopper toute prestation extérieure.

La location d’un lit médicalisé représente 1,20 euro par jour. Lorsque nous constatons qu’il y a déjà un lit médicalisé d’un prestataire, nous l’utilisons, en lui demandant d’interrompre sa facturation à l’assurance maladie, mais parfois la facturation continue.

M. Dominique Poëls. Le problème est le même – voire pire – pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) : lorsque le patient est admis dans un établissement de SSR, celui-ci n’a aucun moyen de connaître les équipements qui restent à son domicile et continuent d’être facturés. Il manque une coordination permettant à quelqu’un de vérifier que lorsqu’il entre dans un dispositif où tous les soins sont compris, les autres prestations soient coupées.

Mme la rapporteure. Ce devrait être le rôle de la sécurité sociale, quel que soit le régime, qui doit avertir le prescripteur du traitement qui doit être stoppé.

M. le coprésident Pierre Morange. Tout ceci montre l’inutilisation du SNIIRAM et du PMSI alors que les données de l’assurance-maladie sont colossales et seront multipliées par cinquante à l’avenir grâce aux objets connectés. Elles pourraient être utilisées pour prévenir et surtout pour sanctionner les dérives. C’est une démonstration supplémentaire de l’insuffisante informatisation de notre système de soins, qui fait obstacle à la construction d’un parcours de soins cohérent.

M. Richard Ouin. S’agissant des référentiels, la réalité montre qu’il est difficile de justifier l’HAD. Sans ces référentiels, il sera difficile d’avancer et d’expliquer le positionnement de l’HAD. Parfois, sur une même région, les critères d’admission en HAD sont appréciés différemment. Si vous prenez l’exemple en MCO de la prothèse de hanches, les niveaux 1, 2 et 3 sont très clairs. En revanche, la situation est moins claire pour un patient post-traitement chirurgical ou en soins palliatifs, même s’il existe un guide méthodologique assez détaillé. Les prescripteurs auront en fait tendance à utiliser l’acteur qui permettra au patient de sortir de l’hôpital le plus vite. C’est le cas des prestataires qui sont très présents à l’hôpital.

Toutefois, il restera en tout état de cause toujours à convaincre la famille, demander au médecin traitant s’il accepte d’être le pivot de la prise en charge. Parfois, le médecin traitant n’a pas les moyens d’assurer le suivi et voit l’HAD comme une contrainte supplémentaire et c’est également un problème fondamental qui vient s’ajouter à d’autres.

Mme la rapporteure. Compte tenu du nombre de médecins actuels et de leur mode de rémunération, le médecin traitant peut-il être le pivot de l’HAD ? Il doit être informé – s’il existe, ce qui n’est pas toujours le cas – mais il faut envisager un autre acteur du côté de l’HAD.

M. Dominique Poëls. Il y a une contradiction chez les médecins de ville qui se disent trop débordés pour assurer un suivi effectif de l’HAD et qui, dans le même temps, refusent de laisser un autre acteur s’en occuper. Beaucoup de médecins généralistes ont l’impression qu’on marche sur leurs plates-bandes. Pour autant, il est difficile de faire sans le médecin traitant.

Mme la rapporteure. À l’hôpital classique, le pivot n’est pas le médecin généraliste, pourquoi le serait-il dans l’HAD ?

M. Dominique Poëls. Le médecin généraliste estime que le village, c’est son territoire.

M. Lamine Gharbi. Au niveau de responsabilité qui est le nôtre, on ne peut pas se satisfaire de la bonne volonté des uns ou des autres. C’est pourquoi nous compensons sur le terrain avec des médecins coordonnateurs qui vont souvent au domicile pour régler les problèmes. Toute évolution dans cette direction se heurtera au refus par beaucoup d’acteurs du statut de médecin salarié, perçu comme une menace à l’égard du statut de médecin libéral. Pour ma part, je considère qu’il y a de la place pour les deux formes d’activité. L’HAD doit pouvoir évoluer vers un système où le médecin traitant serait intégré dans la structure avec des systèmes de garde et de planning.

Mme la rapporteure. Le mode de fonctionnement est à déterminer. Il faut un cahier des charges pour le médecin pivot avec une tarification particulière.

M. Lamine Gharbi. Une tarification et une possibilité de prescription.

M. le coprésident Pierre Morange. L’évolution de la profession de médecin et de la société plus généralement a pour conséquence que l’intégration dans une structure d’HAD peut constituer une piste intéressante qui correspond à l’aspiration des jeunes praticiens. Ce serait une alternative à la médecine libérale.

M. Lamine Gharbi. Les jeunes médecins cherchent aujourd’hui de la sécurité, une structure qui peut les encadrer et un projet médical. Nous le faisons de manière marginale mais à terme, il faudra des modifications réglementaires et législatives.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions et vous souhaitons une bonne journée. N’hésitez pas à nous communiquer les recommandations que vous jugeriez utiles.

La séance est levée à douze heures dix.