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Mercredi 4 juin 2014

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 18

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Louis Missika, adjoint à la Maire de Paris, chargé de l’urbanisme, de l’architecture, du projet du Grand Paris, du développement économique et de l’attractivité et M. Jean-François Martins, adjoint à la Maire de Paris chargé des sports et du tourisme

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Jean-Louis Missika, vous êtes docteur d’État en gestion de l’université de Paris-Dauphine, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et de l’université Panthéon-Sorbonne en sciences économiques et en philosophie. Après une carrière dans les médias, vous avez été chef du service d’information et de diffusion du Premier ministre sous Michel Rocard. Vous vous engagez dans l’action politique en 2008, êtes élu conseiller de Paris et nommé adjoint au maire, chargé de l’innovation, de la recherche et des universités. En 2014, vous devenez adjoint chargé de l’urbanisme, de l’architecture, des projets du Grand Paris, du développement économique et de l’attractivité.

Jean-François Martins, vous êtes diplômé de l’université de Marne-la-Vallée en économie sociale. Vous avez été élu conseiller de Paris en avril 2010. En 2012, vous avez été chargé du département des relations publiques de TBWA\Corporate et vous êtes, depuis 2014, adjoint au maire chargé des sports et du tourisme.

Notre mission parlementaire a débuté ses travaux au mois de janvier et les poursuivra jusqu’en octobre. Il s’agit d’évaluer la pertinence d’accueillir une exposition universelle en 2025. Le calendrier est assez serré, puisque les candidatures doivent être transmises en 2016 au Bureau international des expositions (BIE), avant le vote, en 2018, des cent soixante-dix pays membres.

Après nous être intéressés à l’organisation du BIE, nous avons entendu plusieurs personnalités du monde diplomatique, des acteurs des médias et des organisateurs d’événements sportifs. Nous abordons avec cette audition une séquence consacrée aux acteurs territoriaux, au premier rang desquels la ville de Paris. Nous souhaitons savoir l’intérêt qu’aurait pour Paris l’organisation d’une exposition universelle et dans quelles conditions pourraient être envisagée une candidature, compte tenu des enjeux économiques et touristiques mais également en matière d’innovation et de valorisation du patrimoine.

M. Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris, chargé de l’urbanisme, de l’architecture, des projets du Grand Paris, du développement économique et de l’attractivité. Un mot d’abord pour excuser Anne Hidalgo, à qui son emploi du temps, très chargé en début de mandat, n’a pas permis d’être parmi nous cet après-midi.

Les termes d’exposition universelle ont pour Paris une résonance toute particulière. Outre que la tour Eiffel et d’autres bâtiments emblématiques de la ville ont été bâtis à cette occasion, les deux expositions universelles que la capitale a accueillies en 1889 et en 1900 ont été des moments clefs de son rayonnement international, à une époque où Paris dominait le monde des sciences, de la technologie et de la culture. Si l’exposition qu’a accueillie Paris en 1937 fut moins mémorable, cela s’explique par le contexte international : une photo célèbre rappelle l’opposition spectaculaire, de part et d’autre de la tour Eiffel, du pavillon de l’URSS et de celui de l’Allemagne nazie.

Compte tenu de cette histoire, Anne Hidalgo se réjouit naturellement de la réflexion qu’a entamée votre mission d’information. Elle doit nous permettre d’aborder à la fois les questions de principe, les modalités pratiques et le financement – les temps sont durs pour tout le monde, pour l’État comme pour les collectivités territoriales.

Nous n’oublions pas l’échec de notre candidature à l’organisation des jeux Olympiques de 2012, même si l’on peut rétrospectivement se féliciter de n’avoir pas eu à les organiser et d’avoir pu investir à la place dans l’économie de la connaissance. Autant donc se donner cette fois les moyens de gagner. Pour que cette candidature puisse être portée par Paris avec succès, plusieurs conditions doivent être réunies.

En premier lieu, il n’est pas question de reproduire ce qui a déjà été fait par le passé, en alignant des pavillons où chaque nation expose ce qu’elle produit de meilleur en matière de technologie ou dans d’autres domaines. Nous devons réinventer l’exposition universelle, imaginer un événement de type nouveau, adapté aux enjeux du XXIe siècle, un événement qui ne soit pas synonyme de gaspillage inutile ou de narcissisme. L’heure n’est plus aux mégaprojets, l’exposition universelle de Shanghai restant, de ce point de vue, indépassable. L’heure n’est plus aux palaces éphémères, et nous devons tirer les leçons des expériences passées, éviter les erreurs de certaines villes qui n’ont pas su réutiliser les infrastructures créées pour l’occasion au profit de leurs habitants, ne leur léguant que des déficits.

La proposition soutenue par Jean-Christophe Fromantin, consistant à substituer à l’organisation traditionnelle en pavillons une répartition plus large des animations sur le territoire, une utilisation du patrimoine existant et une mise en valeur des grands sites urbains nous convient parfaitement. C’est une façon de renouveler le concept autour de grands projets qui n’auront pas été spécialement conçus pour l’exposition universelle mais dans l’intérêt des habitants et dans la perspective dynamique du déploiement du Grand Paris. Cette question du dimensionnement est essentielle, car elle conditionne naturellement le coût du projet.

Pour ce qui concerne les thématiques à privilégier, Anne Hidalgo insiste pour que l’accent soit mis sur les grands défis auxquels doivent répondre les métropoles du XXIe siècle. Celles-ci sont en effet au cœur des transformations que connaissent nos sociétés : c’est là que les entreprises du futur inventent les nouvelles technologies, que s’expérimentent les nouvelles façons de travailler, de vivre, de commercer. Le numérique, l’économie circulaire, la ville intelligente, le lien entre végétal et minéral dans la ville, la biodiversité, la transition énergétique, sont autant d’aspects de la révolution urbaine du XXIe siècle que l’exposition universelle de 2025, si jamais elle est organisée par notre pays, devra mettre en exergue.

J’en profite pour rappeler que la visite en 3D de l’exposition universelle de Shanghai, proposée en ligne, a attiré un très grand nombre de visiteurs, sans doute plus important que le nombre de visiteurs physiques sur le site. Cela doit nous inviter à repenser la manière de valoriser ces expositions, pas seulement in situ mais dans toutes leurs dimensions numériques et virtuelles.

Le troisième aspect sur lequel nous souhaitons insister est la question de la participation citoyenne et de la cogouvernance. Ce fut l’un des thèmes majeurs de notre dernière campagne électorale, et nous estimons essentiel que les citoyens et les visiteurs soient impliqués dans l’organisation de cet événement.

Ce qui nous conduit à poser la question de son périmètre et à prôner une certaine audace en la matière. Si les précédentes expositions étaient centrées sur le cœur de l’agglomération parisienne, il est clair qu’aujourd’hui l’attractivité touristique du cœur de la capitale ne pose plus guère de problème : ce qui est en jeu, c’est l’attractivité touristique de la métropole. Nous sommes convaincus que l’exposition universelle de 2025 s’inscrira naturellement dans le cadre du Grand Paris.

Le développement de Paris intra muros est aujourd’hui parvenu à maturité. Grâce à un patrimoine culturel et architectural d’une exceptionnelle densité, la ville a accueilli cette année plus de 31 millions de touristes et ce chiffre est voué à s’accroître encore. Notre ardente obligation est désormais d’orienter les flux de touristes vers les sites, châteaux et forêts du Grand Paris, tels que Fontainebleau ou Chantilly par exemple. Dans cette perspective, nous souhaitons privilégier un dispositif qui, contrairement aux récentes expositions de Séville, Lisbonne ou Shanghai, dont l’objectif était avant tout de mettre en valeur l’attractivité du cœur d’agglomération, mette en scène des sites inscrits dans un périmètre élargi. Nous militons donc, à l’instar du président Jean-Christophe Fromantin, pour une exposition universelle qui accompagne la construction du Grand Paris et mette en valeur sa dimension polycentrique, en s’appuyant par exemple sur les gares du futur Grand Paris Express. Anne Hidalgo et l’exécutif parisien trouvent également séduisante l’idée d’une extension plus large encore : pourquoi ne pas imaginer, si toutefois cela est plaidable devant le BIE, un axe Paris-Lyon-Marseille ou un axe Seine incluant Rouen, Le Havre et Caen ?

J’en viens enfin à la question financière qui impose rigueur et clarté. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que le Parlement a voté une diminution de 11 milliards d’euros de la dotation de l’État aux collectivités territoriales. Cela équivaut pour la ville de Paris à une diminution de 200 millions d’euros par an sur les trois prochaines années, soit, au total, 600 millions d’euros d’ici à 2017. Notre dotation sera donc réduite de moitié, passant de 1,2 milliard à 600 millions d’euros. Pèseront également sur notre budget d’autres prélèvements liés à la péréquation et les engagements volontaristes que nous avons pris de ne pas augmenter les impôts locaux.

C’est dans ce contexte que nous devons envisager notre candidature à l’exposition universelle. Si j’ai été rassuré par les propos de Jean-Christophe Fromantin, qui a déclaré à la presse que l’événement ne devrait rien coûter aux contribuables, je tiens néanmoins à être clair : il est hors de question que les contribuables parisiens financent l’exposition universelle. Pour poser l’équation autrement, cela signifie que la collectivité locale qui gère les impôts des contribuables parisiens ne financera pas l’exposition.

Les expositions de Hanovre et de Shanghai ont été déficitaires, celle qui s’organise à Milan est entachée de soupçons de corruption ; nous devons donc faire preuve d’une transparence exemplaire et anticiper avec précision les coûts et les perspectives de développement.

Ces contraintes plaident en faveur d’un projet qui, loin du gigantisme, s’articule autour de la mise en valeur d’infrastructures existantes et fasse, pour l’essentiel, appel à des financements privés. Nous considérons que c’est un excellent projet et notre enthousiasme reste entier. Mais nous le disons d’emblée afin d’éviter tout malentendu : les temps sont durs et la ville de Paris ne peut se permettre d’investir des dizaines ou des centaines de millions d’euros dans l’organisation d’une exposition universelle.

M. Jean-François Martins, adjoint au maire de Paris, chargé des sports et du tourisme. Paris n’est ni Hanovre ni Shanghai. Ce que nous attendons d’une exposition universelle en termes de rayonnement est différent. Paris est la première destination touristique mondiale, avec près de 47 millions de visiteurs par an pour la métropole, 30 millions intra muros, dont près de 12 millions de visiteurs étrangers. Paris fait partie des cinq premières « villes marques » les plus influentes au monde. Il s’agit donc moins d’accroître notre notoriété que d’améliorer notre image et de dessiner notre identité.

Pour les opérateurs touristiques, la destination Paris n’est pas circonscrite aux limites du périphérique. Pour la première fois cette année, l’Office du tourisme et des congrès de Paris a choisi de publier des chiffres qui incluent la fréquentation des trois départements limitrophes. Depuis Pékin, Los Angeles ou Bogota, Paris, La Défense – qui draine un important tourisme d’affaires –, Bagnolet, Montreuil, Saint-Denis, Ivry, Versailles ou Disneyland, c’est globalement la même ville ! D’où la nécessité de développer notre capacité hôtelière en petite couronne.

L’exposition universelle devra impérativement refléter ce polycentrisme, qui est l’un des enjeux essentiels de notre développement touristique, tout comme elle devra intégrer les multiples formes que revêt le tourisme dans notre ville. En effet, Paris n’est pas seulement une destination de tourisme de loisirs. Elle est classée par l’ICCA, l’association internationale des congrès et des conventions, première ville de tourisme d’affaires au monde. Près de 40 % du tourisme parisien est drainé par les congrès, foires ou salons. À ces visiteurs s’ajoutent les personnes qui séjournent dans la capitale pour des motifs institutionnels ou diplomatiques.

Mais je veux insister tout particulièrement sur les visiteurs nationaux. On sait en effet que l’immense majorité des visiteurs de l’exposition universelle de Shanghai étaient des Chinois et que, si l’exposition de Hanovre, avec 19 millions de visiteurs, est loin d’avoir atteint l’objectif de 40 millions qu’elle s’était fixé, c’est sans doute que les organisateurs s’étaient trop focalisés sur les enjeux internationaux et avaient négligé la dimension nationale de l’événement.

Nous avons parlé d’un projet sobre et intelligent. Dans cette perspective, Paris est naturellement disposée à mettre à disposition un certain nombre de ses grands monuments, au premier rang desquels la tour Eiffel ; c’est un patrimoine dont nous sommes fiers, que nous avons envie de partager et qui offre d’importantes capacités d’accueil pour le public et les expositions. Je rappelle cependant qu’une grande partie de ces monuments dépend de l’État, dont nous attendons en conséquence des engagements fermes.

J’attire pour conclure votre attention sur l’acceptabilité sociale d’un tel projet, qu’il s’agisse de son coût financier – Jean-Louis Missika a rappelé que les Parisiens attendaient prioritairement de nous des investissements dans le domaine du logement, des équipements publics de proximité et de l’innovation plutôt que dans de grands projets – mais également de ses incidences sur la vie quotidienne et des nuisances qu’elle peut provoquer. Cela signifie qu’il faut impliquer les Parisiens et les habitants de la métropole dans l’élaboration et l’organisation du projet, susciter leur mobilisation et leur adhésion, faire appel à leurs idées et tenir compte de leurs souhaits.

M. Bruno Le Roux, rapporteur. Nous actons deux points positifs : non seulement le projet d’exposition universelle vous intéresse, mais vous considérez de surcroît, comme nous, qu’il doit concerner l’ensemble du Grand Paris.

L’équipe municipale a pris, lors de sa campagne, plusieurs engagements en lien direct avec le développement de l’attractivité de la capitale. Qu’en est-il des douze mille places d’hôtellerie supplémentaires que vous vous êtes engagés à créer ? Qu’en est-il également du City Pass « tout en un » que vous proposez de mettre en œuvre ? Ce dernier point est d’autant plus important que nous nous accordons sur l’idée que l’exposition universelle, dans un format profondément renouvelé, ne se déroulera plus sur un lieu unique mais s’étendra sur plusieurs sites. Compte tenu des réticences que risque d’exprimer le BIE face à cette proposition innovante, le City Pass pourrait être un élément déterminant pour les convaincre. Quels équipements pourrait-il concerner et à quelle échéance ?

Évoquant les grands événements que devait accueillir Paris, Anne Hidalgo a mentionné la conférence sur le climat en 2015, l’Euro de football en 2016, les mondiaux de handball en 2017, les Gay Games en 2018 et, éventuellement, l’exposition universelle de 2025. Qu’implique plus précisément ce calendrier pour la ville, notamment en matière d’équipements et d’infrastructures ?

M. Jean-Louis Missika. Un plan hôtelier avait été initié sous le précédent mandat. Nous poursuivons sa mise en œuvre et sommes pour l’instant dans les temps. Dans le cadre de la préfiguration du Grand Paris, nous croisons nos perspectives avec celles des communes limitrophes, afin d’aboutir à une vision d’ensemble de l’offre hôtelière dans la métropole. Le taux d’occupation des hôtels parisiens est excellent et, compte tenu des perspectives d’augmentation de la fréquentation touristique, satisfaire les besoins nouveaux en hôtellerie est une gageure. Dans ces conditions, il nous faudra réfléchir, avec le comité en charge du projet, à la manière de faire face à un éventuel afflux massif de visiteurs en 2025.

Pour ce qui concerne les grands événements qu’accueillera Paris, la COP21 (21e conférence des parties à la convention cadre des Nations unies sur le changement climatique) est gérée par l’État. En marge de cette manifestation, Anne Hidalgo souhaite néanmoins réunir le C40, cette « ONU » des grandes métropoles à la tête de laquelle le maire de Rio de Janeiro a succédé à Michael Bloomberg et qui réunit les quarante villes les plus importantes de la planète autour de sujets environnementaux. Les villes, d’où émane 80 % de notre empreinte carbone, ont un rôle fondamental à jouer dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Les événements sportifs, quant à eux, sont en gestation depuis longtemps. La rénovation du Parc des Princes a été votée il y a au moins deux ans. Notre mobilisation reste entière et s’étend à l’ensemble des grandes manifestations internationales – congrès scientifiques et médicaux, foires et expositions – pour l’organisation desquelles Paris est en compétition avec les autres capitales mondiales. De tels événements – et, a fortiori, une exposition universelle – donnent aux villes qui les accueillent une visibilité mondiale. Ils leur permettent aussi de travailler leur image. Nous devons modifier l’image de marque de Paris, faire savoir au monde entier que Paris n’est pas seulement la capitale du glamour, de la mode, du luxe et de la gastronomie, mais que nous sommes également un leader européen en matière de création de start-up dans le domaine du numérique, qu’avec 400 000 salariés en Île-de-France nous sommes la première capitale européenne en matière de technologies de l’information et de la communication, que nous rivalisons avec Berlin et Amsterdam dans le domaine des écotechnologies. À cet égard, les deux expositions universelles de la fin du XIXe siècle peuvent nous servir d’exemple car elles avaient su valoriser un Paris à la pointe de la science et de l’industrie.

M. Jean-François Martins. Nous avons déjà recensé 7 000 chambres d’hôtel dans Paris intra muros. Avec un taux d’occupation de 79 % – 76 % pour la petite couronne –, la bonne santé économique du secteur est assurée.

Ouvrir un hôtel à Paris est aujourd’hui une opération rentable. Notre problème est plutôt de trouver du foncier disponible pour les investisseurs privés qui se bousculent à nos portes, tout en nous assurant que les projets retenus s’insèrent dans le tissu urbain et qu’ils ne concernent pas uniquement des établissements de luxe – les plus rentables au mètre carré – mais s’adressent à toutes les catégories de touristes qu’accueille la capitale.

Vous avez évoqué les grands événements sportifs à venir. L’Euro 2016 est depuis longtemps dans les tuyaux. Dans la mesure où les épreuves se dérouleront partout en France, nous aurons affaire à un public itinérant, mais Paris et la métropole disposent des capacités d’accueil nécessaire pour absorber le surplus de visiteurs. Il en va de même pour les mondiaux de handball, discipline moins populaire que le football et qui ne devrait pas générer d’afflux excessif de spectateurs. Notre souci majeur est d’obtenir des fédérations sportives qu’elles investissent, à l’occasion de ces grands événements, dans des équipements de proximité. Il est aussi de tester des dispositifs d’accueil et d’information touristiques, pour éventuellement les pérenniser par la suite. Quant aux Gay Games prévus en 2018, ils participent du message et des valeurs de tolérance que nous voulons promouvoir : Paris est la capitale de l’amour, de tous les amours. La Ryder Cup enfin, qui doit également se dérouler à Paris en 2018, a vocation à accueillir un autre type de public, preuve des multiples facettes de notre attractivité. Aucune de ces manifestations ne requiert d’investissements massifs, dans la mesure où nous disposons déjà d’équipements sportifs et d’infrastructures de transport très convenables.

J’en viens au City Pass. Notre ambition est de parvenir à mettre en place pour l’Euro 2016 ce pass « tout en un », qui inclurait l’accès aux transports en commun, aux musées, à la tour Eiffel, voire aux bateaux-mouches. La diversité des opérateurs impliqués – l’État pour les musées, la société d’exploitation de la tour Eiffel, la RATP, le STIF et la région – rend l’opération complexe, chacun souhaitant avoir la main sur la gestion du dispositif et avoir le droit d’y apposer son logo. Se pose également la question de la diversité des systèmes d’information et de gestion de clientèle, pour lesquels il faudra trancher entre la norme NFC et la norme Calypso.

L’idéal serait de parvenir à expérimenter une version pilote à l’occasion de la COP21 dès 2015, sachant que nous ne pourrons inclure dans le pass l’ensemble des équipements touristiques du Grand Paris d’ici à 2016. Faire converger les systèmes d’information requiert des investissements lourds que certains établissements ne peuvent faire dans l’immédiat.

M. Jean-Louis Missika. Nous avons également pris un engagement fort sur l’éradication du diesel au cours de la mandature. Les cars de touristes font partie des véhicules concernés. La discussion avec les voyagistes est compliquée mais la décision d’Anne Hidalgo est ferme : dans les six ans à venir, nous voulons transformer radicalement la façon dont les touristes circuleront dans Paris. Ce tourisme durable et responsable passe par l’utilisation de bus électriques et par un recours accru aux transports en commun. Tout un travail sur la « dé-diésélisation » sera mené avec les professionnels.

Mme Catherine Quéré. Voilà qui explique peut-être votre réticence devant la perspective d’un afflux supplémentaire de touristes dans la capitale. Pour ce qui est de la capacité hôtelière, j’imagine que la municipalité a dû déjà réfléchir au sujet à l’occasion de la candidature de Paris à l’organisation des jeux Olympiques de 2012 !

Il est certain, monsieur Martins, qu’il faut être prudent et que certaines expositions universelles ont été des échecs. Mais Hanovre n’est pas Paris ! L’attrait touristique de notre capitale est presque un gage de réussite.

Il faut également souligner que le flux de visiteurs apporté par les jeux Olympiques ne dure que quinze jours. Une exposition universelle attire plus de monde mais sur une période de six mois, ce qui atténue les difficultés d’accueil.

M. Jean-Louis Missika. Nous en sommes tout à fait conscients.

M. Jean-François Martins. Nous ne nous focalisons pas sur des échecs comme celui de l’exposition de Hanovre, mais nous ne les excluons pas totalement de notre réflexion et nous essayons de les comprendre. En l’occurrence, je crois que l’attractivité touristique de Hanovre avait sans doute été surestimée, de même que la répartition entre le public national et le public international.

M. le rapporteur. Il y a quelques jours, à New York, la maire de Paris a tenu des propos sur les Jeux olympiques qui ont immédiatement provoqué une déclaration indignée de M. Lamour.

M. Jean-François Martins. Mais pas de M. Douillet !

M. le rapporteur. Où en est votre réflexion sur ces deux événements qui, de l’avis de notre mission d’information, doivent être radicalement distingués tant les objectifs auxquels ils répondent sont différents ? La nouvelle équipe municipale en a-t-elle déjà débattu ?

M. Jean-Louis Missika. Nous en avons évidemment parlé avec Anne Hidalgo, qui a validé les indications que je vous ai données. Notre position sur les Jeux olympiques est en effet très différente de notre position sur l’exposition universelle. Tout d’abord, nous considérons que la décision d’organiser des jeux Olympiques devrait être validée par les électeurs. Lorsqu’Anne Hidalgo a souligné à New York qu’elle n’en avait pas fait un thème de campagne, c’était une manière de signifier qu’un tel événement est si important et suppose un investissement si considérable que son organisation doit se faire sous le regard démocratique.

Je relève que personne, ni la droite ni nous-mêmes, n’a mis le sujet sur la table. Il n’y a pas eu de validation par les électeurs d’une candidature de la ville de Paris à l’organisation des Jeux olympiques.

Ensuite, sans aller jusqu’à dire que chat échaudé craint l’eau froide, la candidature aux Jeux de 2012 reste pour nous une expérience très douloureuse. Bertrand Delanoë y a mis beaucoup d’enthousiasme et de volonté. La population parisienne a porté cette candidature, qui faisait aussi l’objet d’un consensus entre l’État, la ville et la région à un moment où les couleurs politiques de ces différentes entités n’étaient pas les mêmes.

À tort ou à raison, la ville de Paris a eu le sentiment que la façon dont la décision fut prise posait un problème. Et nous n’avons pas l’impression que la qualité de la gouvernance du Comité international olympique (CIO) se soit améliorée depuis lors.

Sur ce sujet, nous sommes prêts à entendre les autorités sportives et le Gouvernement, sachant que, sur les 8,5 milliards d’euros d’investissements prévus au cours de la mandature, il n’y a pas un euro de programmé pour préparer une éventuelle candidature aux jeux Olympiques, et sachant que le contrat que nous avons passé avec les électeurs parisiens porte à la fois sur le montant et sur la nature des investissements. Anne Hidalgo considère que les défis majeurs pour Paris sont la construction du Grand Paris, les infrastructures de transports, le logement et l’investissement dans l’économie de la connaissance. C’est sur ces thèmes que nous avons été élus et nous attachons une importance extrême à ce contrat démocratique.

À New York, la maire n’a pas opposé un refus de principe à une candidature aux jeux Olympiques : elle a seulement rappelé qu’elle n’en avait pas fait un enjeu de sa campagne électorale, qu’elle n’avait donc pas été élue sur ce thème, qu’elle entendrait les acteurs de l’olympisme français et que, en fonction des enjeux financiers d’une éventuelle candidature, elle indiquerait si cela lui paraît réalisable ou non. C’est une position raisonnable, responsable, et non pas, comme on a pu le lire dans certains médias, un rejet pur et simple. Nous n’en sommes pas là puisque nous ne savons même pas quel projet soutiendront les instances olympiques françaises !

De votre côté, monsieur le président, vous procédez dans l’ordre : vous avez créé une association et une mission parlementaire, vous interrogez les parties prenantes, la ville de Paris vous répond et, si nous tombons d’accord, nous ferons ensemble la démarche de candidature à l’organisation de l’exposition universelle.

J’ajoute que ce processus nous paraît tenir dans une enveloppe financière plus raisonnable qu’une candidature pour l’organisation des Jeux olympiques.

M. le rapporteur. Le modèle de préparation de l’exposition universelle devrait en effet ouvrir les pistes qui permettront de ne pas recourir à de l’argent public et d’éviter tout déficit. Je doute que l’on puisse appliquer le même schéma à l’organisation des Jeux olympiques à Paris ! C’est une différence fondamentale, qui s’ajoute au fait que les finalités d’une exposition universelle sont tout autres. Toutes les auditions que nous avons menées montrent que les deux événements ne présentent que très peu de points communs.

M. Jean-François Martins. Nous participons de bonne foi aux groupes de travail mis en place par le CNOSF (Comité national olympique et sportif français) et le CFSI (Comité français du sport international). Nous y soutenons les arguments que Jean-Louis Missika vient de vous exposer. Si le monde sportif nous présente des projets qui ont un sens, des valeurs et un modèle économique différents du gigantisme et des valeurs affichés par l’olympisme depuis deux ou trois olympiades, la question se posera dans d’autres termes.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Étant donné la souplesse du modèle des expositions universelles, nous pouvons transformer en atouts les contraintes du cahier des charges.

L’idée de « poser » l’exposition universelle sur la ville, sur l’existant, est un point de négociation avec le BIE dans la mesure où celui-ci est attaché à l’unité de lieu. Pour autant, plusieurs expositions du xixsiècle se sont étendues jusqu’à l’île Saint-Germain, Vincennes, etc., et ont permis de mettre en avant des innovations telles que les bateaux-mouches ou le tapis roulant de 7 km. Situer l’exposition à Paris et dans le Grand Paris, réinvestir des monuments, des gares, des places, des parvis, suppose que l’on organise une cohabitation des flux des visiteurs avec les flux quotidiens des Parisiens, que l’on ne peut priver de leur espace pendant l’événement. Cela rend nécessaire un vrai travail d’innovation en matière de mobilités. Comment mieux maîtriser les mobilités en zone dense ? C’est un problème auquel toutes les grandes métropoles sont confrontées !

Quelles sont vos réflexions et suggestions dans ce domaine ? Est-ce un sujet de recherche et d’innovation dans vos pépinières d’entreprises ?

En matière de financement, la contrainte de départ que nous posons – organiser l’opération sans solliciter le contribuable – est en soi une source d’innovation. De ce qui peut apparaître comme un inconvénient, nous pouvons faire un atout via le crowdfunding et la volonté des gens d’investir directement dans l’avenir de leur territoire. Au xixsiècle, les expositions étaient financées par des bons de souscriptions qui offraient, en plus de l’accès aux sites, un retour sur investissement par un système de coupons. Nous pourrions nous aussi inventer un modèle de financement original, dans lequel les Parisiens, les habitants de la métropole et le reste du monde auraient la possibilité d’intervenir. La ville de Paris est-elle prête à s’investir pour construire avec nous l’ingénierie de ce financement et pour appeler les Parisiens à y participer dans une démarche volontaire d’adhésion ?

On ne saurait imaginer une exposition universelle qui ne laisse quelques monuments emblématiques à Paris ou dans le Grand Paris, à l’instar de la tour Eiffel en 1889. La ville a-t-elle un grand projet culturel ou sportif qui pourrait se combiner avec la symbolique de l’exposition ? C’est une question que nous poserons, du reste, à tous les maires du Grand Paris.

Le projet de liaison directe Roissy Express assurée par Aéroports de Paris (ADP) est revenu souvent dans nos auditions. Quel regard portez-vous sur cette question ?

Enfin, la saisonnalité du tourisme à Paris est-elle très marquée, avec des creux et des pics importants, ou a-t-elle tendance à se « lisser » sur l’ensemble de l’année ? La durée de l’exposition étant de six mois, nous disposons d’une certaine souplesse quant aux dates
– même si nous devons inclure la période estivale. Estimez-vous préférable de faire commencer l’événement un peu plus tôt au printemps ou de le faire durer un peu plus tard en automne ?

M. Jean-François Martins. Le tourisme parisien a la particularité d’être assez peu saisonnier dans la mesure où il se répartit entre tourisme d’affaires et tourisme de loisirs : lorsque les uns ne sont pas là, les autres prennent le relais. Nous ne connaissons qu’une seule vraie période de baisse en janvier et en février, où la fréquentation diminue de 5 à 7 %. On le voit, cette variation reste modeste, si bien que la question de la saisonnalité ne se pose guère, tant en termes de fréquentation hôtelière et touristique qu’en termes d’utilisation des infrastructures de transports. Reste à déterminer quelles sont les périodes les plus propices pour occuper l’espace public du point de vue de la météo…

Concernant l’association des Parisiens à l’événement, signalons la présence à Paris du premier incubateur mondial de start-up dans le secteur du tourisme, le Welcome City Lab, soutenu par la ville de Paris. C’est la première fois que l’on crée un incubateur destiné à inventer le tourisme de demain. Pour traiter des manières innovantes de faire participer le public, de l’organisation des parcours et des flux, de l’occupation de l’espace public, nous pourrons nous appuyer non seulement sur le réseau globalement dense des start-up de la métropole, mais aussi sur cet incubateur spécifique qui pourrait devenir une composante de la renommée de Paris et un levier économique majeur.

S’agissant du financement participatif, l’expérience acquise notamment en matière de mécénat culturel montre qu’il faut associer les citoyens très en amont, en sorte que, le moment de contribuer financièrement venu, ils se sentent déjà propriétaires du projet par une adhésion civique. C’est pourquoi les appels à participation doivent être très ambitieux. Pourquoi pas une consultation directe des Parisiens et des Métropolitains sur le sujet ? Ce serait de nature à les mobiliser et, par la suite, à les faire se sentir partie prenante de l’exposition. Nous y voyons une condition de la réussite du crowdfunding final. Si l’on se contente de demander aux gens de passer à la caisse sur la base du volontariat, cela ne marchera pas !

M. Jean-Louis Missika. Nous sommes depuis toujours très favorables à la liaison Roissy Express. Le seul problème est que nous souhaitons l’enfouissement des voies dans le XVIIIe arrondissement. C’est d’autant plus important que, dans le cadre de l’accord que nous avons passé avec l’État, le campus Condorcet sera installé porte de La Chapelle. Il n’est pas imaginable que le passage très fréquent des trains puisse perturber les étudiants. L’enfouissement des voies ne renchérit le projet qu’à la marge. Je suis persuadé, à titre personnel, que l’équation économique et financière est soutenable moyennant un financement du secteur privé.

J’ignore à quel type de bâtiment vous pensez lorsque vous évoquez les symboles de l’exposition universelle, monsieur le président, mais la halle Freycinet sera assurément un magnifique emblème de la modernité technologique de Paris et pourra constituer un des sites de l’exposition. On peut aussi penser à la tour Triangle, si Dieu lui prête vie et si la droite se résout à accepter la modernité. Ces sites représentent à mes yeux les grands gestes architecturaux du XXIe siècle pour une métropole parisienne à la fois ouverte à l’architecture contemporaine et soucieuse des grands équilibres écologiques – rappelons que la tour Triangle est un bâtiment vertueux du point de vue de l’empreinte carbone.

Cela dit, il n’y aura pas de geste architectural fondamentalement nouveau dans le domaine culturel. Le dernier en date, la Philharmonie de Paris, donne lieu à des discussions complexes avec l’État pour savoir qui en financera le fonctionnement. Mais je pense que beaucoup d’initiatives publiques et privées conduiront, au cours de la mandature, à la construction de bâtiments révolutionnaires. Nous allons ainsi lancer prochainement un appel à projets innovants pour l’Arc de l’innovation, sur le modèle de ceux que j’avais lancés sur l’efficacité énergétique ou la végétalisation innovante. À l’horizon 2025 auront forcément été érigés des bâtiments qui feront date dans l’histoire de l’architecture. Ce ne sera pas à la manière de la tour Eiffel, mais en intégrant, par exemple, les nouvelles façons de travailler : même si l’on continue à en construire, les immeubles de bureaux, nous le savons, sont amenés à disparaître. Dans l’entreprise du futur, le travailleur est mobile, le télétravail est une règle, les équipes se font et se défont au gré des projets. Ces éléments supposent une nouvelle façon de faire de l’urbanisme. La « ville intelligente », dont je disais qu’elle doit être une grande thématique de l’exposition universelle, sera incarnée en 2025 par des bâtiments innovants qui seront les cathédrales – ou les tours Eiffel – du XXIe siècle.

Nous pourrons sans difficulté mobiliser les jeunes créateurs d’entreprise autour de cet événement. Paris compte aujourd’hui une cinquantaine d’incubateurs, dont une douzaine d’origine privée, et, selon les méthodes de dénombrement, entre 3 000 et 6 000 start-up. Beaucoup de ces entreprises travaillent sur les écotechnologies, le développement durable et le numérique.

Dans notre conception, l’exposition universelle est un accélérateur d’innovation. Si nous avons lancé un incubateur consacré à l’innovation dans le tourisme, c’est que nous sommes conscients que le tourisme du xxie siècle, pour être durable et responsable, doit intégrer des innovations technologiques relatives aux économies d’énergie, à l’empreinte carbone, au numérique, aux informations en temps réel lors des déplacements, etc. Ces thèmes ont partie liée avec l’exposition universelle et pourront être mis en exergue dans ce cadre. Du même coup, nous accélérerons le développement des entreprises innovantes dans le secteur. Ce que vous avez commencé à réaliser avec les universités et les grandes écoles, il faudra le poursuivre avec l’écosystème des incubateurs, voire avec les grands comptes. La ville de Paris participe en effet à une initiative assez peu connue, la création d’un club « innovation ouverte » qui réunit une cinquantaine de grands comptes et qui assure en permanence la mise en relation de ces entreprises avec les start-up.

Bref, nous ne resterons pas inactifs, y compris dans la recherche de financements auprès des entreprises.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Quelques précisions concernant le calendrier.

La mission d’information compte présenter son rapport au mois d’octobre, date à laquelle les ateliers mis en place par le CNOSF devraient eux aussi rendre publics les résultats de leurs travaux. Le dialogue avec l’État s’engagera alors, puisque celui-ci devra décider quelles initiatives il soutiendra.

En cas de feu vert à une candidature à l’exposition universelle, nous prévoyons des actions en direction du grand public. À cet égard, l’étude de l’IFOP dépasse nos espérances : toutes classes d’âge confondues, 84 % des Français portent un regard « favorable » ou « très favorable » sur l’organisation de l’exposition universelle en 2025. Cette image positive est en grande partie liée aux grands monuments, qui perpétuent une mémoire vivante des expositions du passé.

Il faudra ensuite constituer un dossier de candidature et le déposer au BIE au printemps 2016.

M. le rapporteur. Selon toute probabilité, le rapport de la mission d’information sera différent des rapports traditionnels : ce sera un guide pour gagner. Nous voulons le remettre en octobre pour être à même de faire le « service après-vente » auprès de chacun des acteurs. Ensuite, les choses s’enchaîneront très vite.

M. Jean-Louis Missika. Les jurys de l’exposition universelle montrent parfois un attachement un peu figé à la tradition du lieu unique et des pavillons, avez-vous indiqué. Quelles chances avons-nous de gagner si nous présentons le projet révolutionnaire que vous avez décrit ?

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Si l’on se réfère aux expositions universelles du XIXe siècle, le projet n’est pas aussi révolutionnaire qu’il y paraît. En 1889, autour de la galerie des Machines installée sur le Champ de Mars, les pays étrangers ont créé des cafés et brasserie portant leur nom. Quand, à la fin du siècle, le « cycle des machines » s’est quelque peu épuisé, ces établissements ont pris le relais.

Notre idée est d’en revenir à la genèse. Nous considérons que nous sommes dans un cycle d’innovation extrêmement intéressant qui justifie que l’on pose de grands défis et que l’on sollicite tous les pays pour présenter de l’inédit.

En premier lieu, le BIE est sensible à l’idée d’un point d’entrée au cœur de Paris : le visiteur étranger ne sera pas confronté à des événements diffus, il commencera par une promenade dans un grand périmètre qui pourrait être compris entre le Champ de Mars, les Tuileries et La Défense, et où les différents pays, dans des structures qui ne seront pas forcément des pavillons, annonceront leur présence dans tel monument, telle gare, tel spectacle ponctuel. Il s’agira d’un grand guichet d’accueil qui sera en même temps une sorte de village.

En deuxième lieu, le BIE est également ouvert à l’idée que le Grand Paris – pour peu que son schéma de transports permette un bon dialogue avec l’espace central – serve de support à un grand tour du monde articulé autour de plusieurs dizaines de gares, où seraient proposés des modules et des animations liés à tel ou tel pays. Le mode d’expression, à l’exception des gares, ne serait pas celui de l’architecture : il s’agirait d’images, de rencontres, etc.

En troisième lieu, le BIE est intéressé par une articulation avec les grandes métropoles françaises, dont beaucoup seront à moins de deux heures de Paris en 2025. Le format de l’exposition universelle permettrait d’organiser, par exemple, une semaine thématique sur les océans à Nantes, une autre sur tel autre sujet à Marseille, etc.

Le quatrième territoire est celui du numérique, que nous pouvons ouvrir deux ou trois ans avant l’exposition afin de créer une dynamique collaborative.

Bref, il y a un vrai travail de pédagogie et d’accompagnement à accomplir. Les responsables nous le disent à chaque fois : lorsqu’un pays a envie d’accueillir le monde, il doit le faire sentir dans sa candidature et s’en donner les moyens. Cela suppose que l’on accepte que la question des mobilités ait évolué depuis le début du XXe siècle. Les gens éprouvent quand même moins d’appréhension à prendre le métro ! Demain ils seront guidés par des tablettes de dernière génération dont on n’imagine même pas aujourd’hui les possibilités, et qui simplifieront considérablement l’orientation.

M. Jean-Louis Missika. Il faudra tout de même avoir achevé le Grand Paris Express...

M. le rapporteur. La question du lieu d’accès unique, liée à celle de la perception des droits d’accès, a été soulevée lors des premières réunions. Il serait certes plus compliqué d’associer le dispositif au City Pass parisien, mais, dans tous les cas, ce n’est pas un véritable problème.

En revanche, l’exposition n’est pas concevable sans l’implication de la population. Il faudra, à cet égard, définir le statut des bénévoles, sans ôter pour autant à cette manifestation son caractère festif. Une implication citoyenne sur une longue durée et dans un territoire étendu demande une réflexion très en amont. C’est, à mon sens, un des grands enjeux de la réussite de la candidature.

M. Jean-Louis Missika. Permettez-moi d’en revenir à la question des flux.

La saturation des transports en commun à Paris est une vraie préoccupation. Les responsables de la RATP nous le disent : aucune accélération des cadences n’est possible ; lorsque l’on en est à une rame toutes les minutes, on atteint les limites de la sécurité. Même si l’on peut espérer que les grands travaux de rénovation du RER auront été effectués en 2025, la question de la gestion des temps est un enjeu principal. Il faudra gérer les événements et les flux de visiteurs de l’exposition de façon intelligente, afin que les déplacements se fassent en dehors des heures de pointe. Le covoiturage – Autolib et Uber compris – aura connu, je l’espère, un développement important, ainsi que les espaces de circulation douce consacrés au vélo, au vélo électrique, etc. En faisant de la ville intelligente et durable une thématique forte de cette exposition polycentrique, nous devrons présenter des propositions innovantes pour gérer les risques de télescopage entre les flux de touristes et les flux de Parisiens faisant leur trajet domicile-travail.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Toutes les métropoles du monde sont confrontées à ce problème. Une expérimentation à grande échelle pendant six mois, dans une configuration très particulière, ouvre des perspectives d’innovation très intéressantes.

Mme Catherine Quéré. La ville a-t-elle réfléchi à une action pour rendre les taxis plus « propres » ?

M. Jean-Louis Missika. Les taxis dépendent de la préfecture de police, donc de l’État, et non de la ville de Paris. Mais nous serions tout à fait prêts à en assumer la gestion si l’État acceptait de nous la confier !

Cela dit, nous prenons de nombreuses initiatives pour accompagner la modernisation des taxis et pour leur faire prendre conscience que le monde du numérique ne leur permet plus de fonctionner comme avant. Nous proposons aussi une prime de 4 000 à 7 000 euros pour passer du diesel à une motorisation hybride ou entièrement électrique. Nous accompagnons l’utilisation d’outils numériques innovants permettant de prendre contact avec un taxi via son smartphone – ce qui permettrait à la profession, soit dit en passant, de rivaliser avec les plateformes numériques telles que Uber, qui ne sont rien d’autre que des outils d’amélioration de la performance de la géolocalisation des voitures de tourisme avec chauffeur. Bref, nous accompagnons les taxis parisiens dans une mutation révolutionnaire.

M. Jean-François Martins. Une grande entreprise américaine du numérique annonçait ce matin que les voitures électriques sans conducteur seraient disponibles en Europe d’ici à 2020. C’est un élément à prendre en compte pour penser l’ensemble de la mobilité en 2025.

Mais ma question est tout autre : avez-vous plus d’informations que nous sur des villes préparant des dispositifs de préfiguration de candidature à l’exposition universelle ?

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Il n’y a rien d’officiel à ce stade. Le maire de Londres a clairement indiqué, il y a trois semaines, qu’il envisageait d’ores et déjà des sites pour préparer la candidature de sa ville. De manière plus informelle, on sait qu’il existe des projets aux Pays-Bas, en Chine, aux États-Unis.

Dans la lutte mondiale pour le soft power, il est intéressant de voir à quel point ces événements sont devenus des outils de stimulation de la croissance et d’engagement citoyen. Embarquer tous les Français, entreprises et monde politique compris, dans une compétition qui trace une perspective, est en soi créateur de valeur.

M. Jean-Louis Missika. Il conviendra d’insister sur l’importance grandissante de la notion d’événement par rapport à la notion de lieu. Si vous me pardonnez cette formulation un peu pédante, ce qui caractérise les grandes métropoles contemporaines est que l’on est en train de passer de l’espace au temps. Ce qui compte le plus dans la définition de l’espace public est l’événement qui s’y produit. Nous avons ainsi repensé les voies sur berges ou la place de la République pour qu’ils soient des lieux d’accueil d’événements éphémères. Au sein du secrétariat général de la ville de Paris, nous avons créé une structure entièrement dédiée à cette nouvelle façon de penser l’espace public. C’est de cette façon que nous devrions nous employer à organiser les espaces si nous sommes choisis.

Cela nous renvoie à la question des gestes architecturaux qui demeureront après l’exposition. Nous pouvons aussi considérer que, dans le monde du futur, les événements restent : il suffit de les filmer. Que l’on pense aux notions de happening, d’installation, de street art. Ce qui se vend dans les galeries, ce sont des films qui montrent le street art en situation. Peut-être l’aspect le plus innovant de cette candidature consistera-t-il dans la succession d’événements localisés et qualifiés pendant les six mois que durera l’exposition universelle.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Les exposants étrangers potentiels, avec lesquels nous avons déjà eu des échanges informels, trouvent intéressant que le budget traditionnellement consacré à l’architecture soit consacré à l’animation au sein de notre patrimoine. Un pays étranger qui revisite pendant six mois notre patrimoine en l’animant provoquera une double curiosité : du fait de l’animation, de la trace, du regard porté, la visite du monument existant deviendra un événement absolument unique. Le public, j’en suis convaincu, vient pour vivre des expériences. C’est d’ailleurs le leitmotiv des jeunes que nous avons auditionnés : il ne s’agit pas de visiter ou de regarder quelque chose, mais de partager une expérience.

J’espère, messieurs, que nous partagerons celle-ci dans quelque temps !

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025

Réunion du mercredi 4 juin 2014 à 16 h 45

Présents. - M. Hervé Féron, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Bruno Le Roux, Mme Catherine Quéré

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Guillaume Bachelay, M. Sylvain Berrios, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Martine Martinel