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Jeudi 5 juin 2014

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Thierry Hesse, commissaire général du Mondial de l’automobile

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Nous avons le plaisir d’accueillir aujourd’hui M. Thierry Hesse, commissaire général du Mondial de l’automobile, grand événement s’il en est, puisqu’il s’agit du premier salon automobile mondial.

Monsieur Hesse, vous êtes ancien élève de la faculté de droit et des sciences économiques de Paris, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris – Sciences-Po – et titulaire d’un diplôme d’études supérieures de droit public. Vous avez occupé différentes fonctions dans votre carrière. Membre de l’Automobile Club de France et du Racing Club de France, vous êtes devenu directeur général au sein de Touring Secours au Touring Club de France. En 1998, vous avez été appelé à diriger Bernard Krief Promotion.

Commissaire général du comité d’organisation des salons internationaux de l’automobile, du cycle, du motocycle et des sports depuis 1989, vous êtes également président-directeur général de la société Auto moto cycle promotion (AMC Promotion).

Vous assumez par ailleurs des responsabilités au sein du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), dont vous présidez le comité industrie du tourisme. Enfin, vous présidez l’Union française des métiers de l’événement (UNIMEV).

M. Thierry Hesse, commissaire général du Mondial de l’automobile. Il s’agit de l’ancienne Fédération des foires, salons, congrès et événements de France (FSCEF). Mais, comme vous l’avez dit fort justement, notre comité d’organisation des salons continue à s’appeler comité d’organisation des salons internationaux de l’automobile, du cycle, du motocycle et des sports.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Notre mission d’information travaille depuis plusieurs mois sur la pertinence d’une candidature de la France à l’exposition universelle de 2025 ; elle rendra son rapport à l’automne prochain. Ce dernier doit alimenter une réflexion qui conduira – nous l’espérons – à déposer un dossier auprès du Bureau international des expositions (BIE) en 2016, le vote étant prévu en 2018.

Votre regard sur le Grand Paris, la France et les grands événements de ce type nous sera donc précieux, notamment pour ce qui concerne les facultés d’accueil, les transports, les hôtels, tout ce qui contribue à la logistique événementielle. Quel regard les étrangers portent-ils sur la France et sur Paris lorsqu’ils se rendent à un grand événement comme le Mondial de l’automobile, et quelles conclusions en tirer pour l’organisation d’une exposition universelle ?

Quel regard portez-vous d’autre part sur la pertinence de l’organisation d’une exposition universelle en France ? Comme le Mondial de l’automobile, une exposition universelle est à la fois un rendez-vous de professionnels et un rendez-vous du grand public ; c’est la synthèse des deux qui fait le succès de ces grands événements mondiaux.

Nous vous remercions d’avoir accepté notre invitation. Je vous laisse maintenant la parole pour un propos liminaire, à la suite duquel nous vous poserons nos questions.

M. Thierry Hesse. J’interviens à la fois en tant que commissaire général du Mondial de l’automobile et en tant que président – depuis maintenant sept ans – de l’UNIMEV, qui représente l’ensemble de la filière des organisateurs de salons, de foires, de congrès et d’événements, mais aussi les sites d’exposition comme le Palais des congrès ou le Parc des expositions, ainsi que les prestataires, c’est-à-dire tous les partenaires dont nous serons susceptibles d’avoir besoin en 2025 si la candidature de la France est retenue.

L’UNIMEV a été la première fédération à soutenir ce projet et à signer un partenariat avec EXPOFRANCE 2025. Non seulement nous y croyons, car la France mérite de recevoir un événement de cette qualité, mais nous sommes concernés au premier chef. J’ai entendu à plusieurs reprises M. Fromantin parler de ce qui était prévu en termes d’accueil. J’ai cru comprendre que ce serait sensiblement différent de ce qui se fait d’habitude, avec moins de concours d’architectes et plus d’utilisation de nos ressources. En tant que fédération regroupant l’ensemble des sites d’exposition, nous sommes bien sûr intéressés par l’utilisation de ces derniers et par une participation directe à l’événement.

Le Salon de l’auto a été créé en 1898. Je suis à sa tête depuis vingt-cinq ans. C’est le plus ancien salon de l’auto du monde, et le plus grand en termes de fréquentation – il reçoit entre 1,2 et 1,5 million de visiteurs, contre 900 000 pour celui de Tokyo, qui occupe la deuxième place, et 880 000 pour celui de Francfort, qui est le troisième. Ces chiffres ne sont certes rien par rapport à la fréquentation des expositions universelles ; mais, pour un salon de dix-huit jours, dont deux jours réservés aux médias, c’est beaucoup. Je suis toujours étonné d’entendre nos compatriotes se référer à ce qui se passe outre-Atlantique ou outre-Rhin : beaucoup de manifestations organisées dans ces pays auraient à apprendre de celles qui se déroulent en France !

En France, certains salons sont exclusivement professionnels, notamment dans les secteurs informatique, textile ou aéronautique ; d’autres salons ou foires sont uniquement grand public. Le Mondial de l’automobile est un salon mixte, qui accueille à la fois les professionnels du monde entier et le grand public.

Je reviens sur les deux journées réservées à la presse, car la communication est essentielle dans l’organisation de tels événements. Je voyage en permanence dans le monde entier pour organiser des conférences de presse de promotion du Mondial de l’automobile. Je pars demain pour Pékin, puis Tokyo. Il est important de faire savoir, surtout dans les grands pays constructeurs, que le Mondial de l’automobile est le plus grand salon de l’auto du monde, que de nombreux constructeurs y seront présents et qu’y seront présentées beaucoup de nouveautés et de premières mondiales. Nous nous battons d’ailleurs contre d’autres pays
– ce sera sans doute un point commun avec l’exposition universelle – sur le nombre de nouveautés : il s’agit de démontrer que nous sommes les meilleurs. Encore une fois, ne faisons pas preuve d’une modestie excessive par rapport aux États-Unis et à l’Allemagne : nous avons de vrais atouts.

Le Mondial de l’automobile est aujourd’hui reconnu comme le salon leader du secteur. Bien sûr, il est d’abord – autre point commun avec une exposition universelle – la vitrine de l’industrie automobile française. Je me rappelle le premier entretien que j’ai eu avec Jacques Calvet lorsque je suis devenu commissaire général il y a vingt-cinq ans. Vous vous souvenez peut-être qu’il n’était pas très favorable à l’industrie automobile japonaise – il avait même qualifié ses ouvriers de « fourmis ». Je lui avais assuré que le Mondial de l’automobile étant d’abord la vitrine de l’industrie nationale, les constructeurs français seraient toujours prioritaires pour le choix et la taille de leur emplacement, ainsi que pour la promotion ; mais, dès lors que nous nous appelons « Mondial de l’automobile », avais-je ajouté, l’ensemble des constructeurs présents au salon doivent s’y sentir bien et avoir la place de montrer leur production. Le succès du salon en dépend. Plus les constructeurs étrangers seront nombreux, plus ils présenteront de premières mondiales, plus il y aura de médias et de visiteurs, et plus les retombées seront importantes pour les constructeurs français. M. Calvet n’est jamais intervenu – pas plus que ses successeurs, d’ailleurs – dans l’organisation du Mondial. C’est donc moi qui mène ma barque.

Lorsque je suis arrivé, tous les constructeurs exposaient dans le hall 1 du Parc des expositions de la Porte de Versailles ; s’y trouvaient également les équipementiers et les médias. Lors de mon premier salon, un vendeur de journaux – muni d’un porte-voix – s’était installé à l’angle du stand Jaguar. Bien sûr, cela ne pouvait pas aller ! La même année, j’ai constaté pendant le montage qu’une voiture de Formule 1 était exposée à la verticale sur un pilier sur le stand de Honda. Je m’en suis étonné auprès du président de Honda France de l’époque. « Si seulement nous avions assez de mètres carrés ! » a-t-il soupiré. Décidément, il y avait quelque chose à faire…

Aujourd’hui, les constructeurs sont répartis entre quatre halls – les halls 1, 3, 4 et 5. Ils ont donc les surfaces qu’ils demandent. Les Français occupent toujours les surfaces les plus importantes, et sont traditionnellement installés au cœur du hall 1. Mais cet espace nous permet d’avoir des premières mondiales – une centaine cette année, mais je ne vous dirai pas lesquelles. (Sourires.)

La promotion et la communication sont très importantes. Un patron de salon ou d’événement doit impérativement savoir communiquer. Il doit être capable, très en amont de la manifestation, d’expliquer de quoi il s’agit.

N’oublions pas la communication sur internet. Pour votre information, 8 millions de pages sont vues pendant le Mondial de l’automobile. Certains redoutaient – à tort – qu’internet ne tue le salon. Cette crainte n’avait pas lieu d’être : ce que veulent les visiteurs, c’est voir les voitures, se mettre au volant, sentir l’odeur du cuir, toucher, être pris en photo devant les modèles… Vous le savez, les réseaux sociaux fonctionnent très bien ; nous les utilisons à plein. Internet est donc un atout extraordinaire. Il n’y a aucun risque que nous ayons un jour un salon de l’automobile virtuel !

Depuis l’origine, le Mondial de l’automobile est inauguré par le chef de l’État. C’est important pour nous, car c’est une reconnaissance de l’importance du secteur automobile pour notre pays. Avant mon arrivée au commissariat général, le Premier ministre ne venait pas au Mondial de l’automobile. Je confesse avoir profité de la première cohabitation pour l’inviter. La tradition est restée. D’autres ministres – et de nombreux visiteurs officiels – viennent également. Compte tenu de cette importante présence de personnalités françaises et étrangères, il faut être très organisé en amont pour tout ce qui concerne les officiels et les réceptions. C’est essentiel en termes d’image.

Peu de manifestations en France sont inaugurées par le Président de la République : le Mondial de l’automobile les années paires, le Salon du Bourget les années impaires, et le Salon de l’agriculture, que le Président de la République n’inaugure pas toujours, mais auquel il se rend immanquablement.

La difficulté majeure de mon travail – qui concernera sans doute aussi l’exposition universelle – consiste à répartir les espaces et les stands, sachant que tout le monde veut être au même endroit et que les intérêts en jeu sont très importants. Le premier président du comité d’organisation avec lequel j’ai travaillé, M. Bernard Vernier-Palliez, était non seulement ancien président-directeur général de Renault, mais aussi ancien ambassadeur de France à Washington : il m’a appris une certaine forme de diplomatie, qui est une nécessité absolue. Il est certain – et c’est sans doute plus vrai encore pour une exposition universelle – qu’il ne faut pas se tromper dans la répartition des pays ; mais les exposants doivent aussi comprendre que l’objectif de l’organisateur est de réussir la manifestation, et non de pénaliser l’un ou l’autre.

C’est d’autant plus compliqué pour nous que, cette année, nous avons perdu 6 000 mètres carrés dans le hall 1 en raison du projet de la Tour Triangle. Cette perte de mètres carrés est à mes yeux une absurdité, car c’est un obstacle à l’accueil de certaines manifestations. Le hall 1 était en effet le seul hall de 50 000 mètres carrés sous un seul toit dans le monde. Cette année fut donc celle de tous les dangers, car, parmi les exposants qui n’avaient plus de place dans le hall 1, figuraient Mercedes, BMW ou Mini…

Cela m’amène à dire que, en termes d’organisation, il est important d’avoir un règlement connu de tous. Je dirais même que c’est ce qui m’a sauvé. Le règlement du Mondial de l’automobile prévoit un placement à l’ancienneté. Les constructeurs français sont donc placés les premiers – ce sont les plus anciens ; viennent ensuite Fiat, Ford, Mercedes et BMW, qui sont les plus anciens exposants étrangers au salon. Cette année, ils ont donc pris la place d’autres exposants. Les Coréens ont dû se rabattre sur un hall dans lequel ils ne voulaient pas aller. Néanmoins, nous n’avons eu aucune défection – ce qui tient du miracle. J’avais dit à Louis Schweitzer, président du comité d’organisation, qu’il fallait s’attendre à quelques défections ; il n’en rien été. Nous avons même la chance de retrouver Aston Martin et Tesla Motors, absents il y a deux ans ; et nous aurons beaucoup de nouveautés.

Le fond n’en est pas moins important. J’aime beaucoup la valeur qui a été choisie pour parler de 2025 ; les Français sont tellement critiqués sur le thème de l’hospitalité, parfois à raison, mais parfois aussi à tort. En ce qui nous concerne, nous y faisons très attention. Au Mondial de l’automobile, tous les documents à destination des médias sont disponibles en cinq langues – français, anglais, allemand, espagnol et italien. Tous nos hôtes et hôtesses sont au moins bilingues. Nous avons créé un plan de poche, qui est diffusé gratuitement à tous les visiteurs. J’attache aussi une grande importance à la signalisation. C’est peut-être un détail, mais cela fait partie de l’accueil ; je suis donc toujours étonné que certains de mes homologues la négligent. Les jours qui précèdent l’ouverture du salon, je parcours le Parc des expositions et les alentours en tous sens pour m’assurer que le visiteur pourra s’y retrouver.

Nous ne pouvons malheureusement pas chiffrer le nombre de nos visiteurs étrangers ; pour cela, il faudrait faire remplir un document aux visiteurs à l’entrée, comme le font les salons professionnels, ce qui ne manquerait pas de créer une émeute ! Mais nous estimons que les étrangers représentent à peu près 10 % de nos visiteurs, soit au moins 150 000 personnes.

Pour les accueillir, nous avons passé des accords avec la RATP ; nous essayons de nous assurer que, les week-ends et les soirs de nocturne, il y ait davantage de rames sur les lignes qui desservent le site. En dehors de la manifestation elle-même, il faut donc prévoir tout ce qui tourne autour : hôtellerie, tarifs réduits avec Air France et la SNCF…

Il n’est pas évident de rester leader. Je me souviendrai toujours de Louis Schweitzer, alors président de Renault, me demandant le chiffre des entrées le dernier jour du salon et me disant avec soulagement : « Alors, nous sommes devant Tokyo ! » Pour lui, qui s’intéressait déjà au Japon et à Nissan, c’était la référence : il fallait que nous restions les premiers. Mais ce n’est jamais gagné. Il faut savoir recevoir avec égards les patrons des grands constructeurs mondiaux, qui viennent tous à Paris pour tenir des conférences de presse et se réunir entre eux, être capable de leur montrer qu’ils ont leur place au Mondial de l’automobile comme les Français. Certains s’offusquent que le Président de la République ne passe pas sur leur stand ; je dois leur expliquer que je n’y peux rien. J’ai accueilli François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande. Certains ont compris plus que d’autres quelle opportunité représentait la présence des grands présidents des constructeurs, qui sont aujourd’hui aussi importants que certains chefs d’État, et leur ont accordé un traitement particulier. Cela me paraît essentiel – c’est en tout cas ce que je défends auprès du cabinet du Président de la République. S’il est important qu’il aille chez les constructeurs français et les principaux constructeurs mondiaux, il est bon qu’il prenne aussi le temps de montrer aux présidents de General Motors, de Volkswagen ou de Toyota que la France est un pays d’accueil. Le Mondial de l’automobile est un lieu de rencontres.

C’est aussi un lieu de rêve pour le grand public – et cela doit le rester. En France, nous avons vu un certain nombre de manifestations disparaître parce qu’elles ne faisaient plus rêver ou n’avaient pas su s’adapter aux jeunes. Mon leitmotiv est que nous sommes tous beaucoup trop vieux pour imaginer ce que sera la France en 2025 ; ce sont les jeunes d’aujourd’hui, ceux qui ont entre dix et vingt ans, qui sauront le faire. J’ai toujours été attentif aux jeunes visiteurs. Je sais que les réseaux sociaux marchent à plein. Nous avons la chance d’avoir des voitures à l’essai : c’est un moyen de faire rêver. Mais, parce que le rôle de la manifestation est aussi d’être le porte-parole d’un secteur, nous avons mis en avant les voitures électriques et hybrides, les nouvelles énergies et les nouvelles technologies. Il faut que le visiteur se sente un peu chez lui, qu’il ait envie de venir pour voir des choses qu’il ne verra pas ailleurs. L’avantage du salon, c’est d’avoir tout le monde en même temps au même endroit – autre point commun avec une exposition universelle. Bref, il faut que les gens puissent venir rêver, pas nécessairement acheter, même si leur visite débouchera peut-être sur un achat ultérieurement. Nous sommes un salon d’image, et non de vente comme celui de Bruxelles, par exemple – encore un point commun avec une exposition universelle, à notre modeste échelle.

Même s’il est le plus grand salon automobile du monde, je doute que le Mondial de l’automobile puisse jamais rivaliser avec une exposition universelle. Mais les points communs sont nombreux, ne serait-ce qu’en termes de sécurité. Il y a deux ans, au moment de l’annonce de la fermeture d’Aulnay, ma seule crainte était liée aux manifestations. J’ai donc rencontré le préfet très en amont du salon. Au moment de l’inauguration, des bruits couraient sur une possible grande manifestation au salon. La veille du jour où celle-ci était prévue, le préfet m’a convoqué à vingt heures. Je n’avais aucune envie de décevoir les visiteurs et de donner raison aux manifestants en fermant le salon. Il m’a promis de le faire protéger. Heureusement, car les manifestants ont tout de même descellé une cabine téléphonique pour s’en servir comme d’un bélier afin d’ouvrir des portes derrière lesquelles les attendaient les CRS ! Finalement, ils ne sont pas entrés. Je ne remercierai jamais assez le préfet et ses troupes : en termes d’image, cela aurait été catastrophique pour le salon. Tout cela pour dire que l’aspect sécurité est très important, et qu’il faut associer le ministère de l’intérieur et la préfecture de police aux événements.

Je conclurai en vous invitant au Mondial de l’automobile qui se tiendra du 2 au 19 octobre prochain, donc à partir du 4 pour le grand public. Vous y serez les bienvenus.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Un sujet revient souvent lors de nos auditions : celui de la gestion des files d’attente. Une exposition universelle rassemble plusieurs millions de visiteurs sur des lieux, des sites, des pavillons. Nous avons évoqué tout à l’heure ce point de crispation avec le directeur général du Futuroscope : dans les expositions universelles, il faut souvent deux ou trois heures d’attente pour pouvoir visiter un pavillon. Comment gérez-vous les files d’attente lors du pic de fréquentation du Mondial de l’automobile ? Constatez-vous une impatience croissante chez les visiteurs qui veulent voir une voiture, participer à une animation ou tout simplement entrer au salon ?

M. Thierry Hesse. Pour moi, le salon commence à l’entrée du premier visiteur. Les deux journées réservées à la presse, si importantes pour les constructeurs, notamment avec les conférences de presse des présidents, ne sont que du « rodage ». Tout démarrera pour moi lorsque je donnerai le signal de l’ouverture, le samedi 4 octobre à dix heures, et que le premier visiteur entrera en courant, pour être sûr d’arriver le premier sur un stand.

Les choses ont beaucoup changé grâce à internet, avec une croissance très importante des achats de billets en ligne, dont le nombre atteint désormais plusieurs centaines de milliers. Les visiteurs ne font donc plus la queue aux caisses. L’autre avantage est que cela permet de freiner la vente à la sauvette, qui est une plaie dans la plupart des manifestations culturelles, sportives ou professionnelles – parfois due, d’ailleurs, à la légèreté des exposants, qui ne se rendent pas compte qu’en faisant plaisir à quelqu’un, ils jouent contre eux.

Les visiteurs ont donc bien compris l’intérêt qu’il y avait à acheter leurs billets à l’avance. Grâce au print at home ou impression du billet chez soi, les ventes en ligne vont continuer à augmenter. Cela impose de prévoir les entrées suffisantes à côté des caisses pour que les visiteurs qui ont acheté leurs billets à l’avance puissent entrer sans attendre.

Je ne sens pas plus d’impatience qu’auparavant. Certes, les Français sont moins patients que les Américains, qui sont habitués à faire la queue pendant des heures, avec un système organisé. Mais je n’ai pas de crainte sur ce point, notamment grâce à internet. Il faut simplement que les visiteurs puissent acheter leur billet et réserver leur hôtel à l’avance. J’ai d’ailleurs passé un accord avec le Comité régional du tourisme (CRT) Paris Île-de-France et l’Office du tourisme de Paris pour permettre aux participants – exposants, visiteurs ou médias – de profiter des beautés de notre région avant, pendant ou après le salon. Il y a quelques années, j’avais eu l’idée de fixer les journées de presse le jeudi et le vendredi, afin de permettre aux journalistes de profiter de Paris durant le week-end.

Il n’y a donc pas de crainte à avoir. Simplement, il faut un système – non seulement général, mais aussi pour chaque pavillon dans le cas d’une exposition universelle – pour que les visiteurs ayant acheté leur billet à l’avance puissent entrer rapidement.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Un autre point central pour l’organisation sera l’adaptation de la logistique du Grand Paris et de l’Île-de-France, à la fois en termes de transports de proximité et de capacités hôtelières. Ressentez-vous des tensions plus ou moins fortes avec l’offre logistique de la région et de la ville de Paris, ou êtes-vous satisfait de l’offre actuelle ? Celle-ci vous semble-t-elle constituer une limite à la croissance du Mondial de l’automobile, ou y a-t-il encore, selon vous, un potentiel de développement ?

M. Thierry Hesse. La capacité hôtelière est insuffisante, d’autant que beaucoup de grands hôtels parisiens ferment pour rénovation. En ce qui nous concerne, nous proposons en amont un système de réservations hôtelières ; nous travaillons avec un organisme spécialisé dans ce domaine. Les visiteurs qui ne trouvent pas à se loger à Paris se rabattent sur les hôtels de banlieue, voire de grande banlieue.

Il y a aussi un problème avec les taxis, mais la situation devrait s’améliorer avec l’issue du conflit entre les taxis et les véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC). Il faut une certaine souplesse en matière de transports. Dans la perspective de l’exposition universelle, il serait souhaitable de mettre en place un système de liaisons. C’est d’ailleurs ce que nous faisons : nous nous sommes rapprochés d’Aéroports de Paris (ADP) pour obtenir des navettes directes entre les aéroports et la Porte de Versailles au moment du salon ; cela fonctionne plutôt bien.

Globalement, nous ne manquons pas de structures pour répondre à la demande de nos visiteurs, de nos exposants ou des médias – beaucoup moins nombreux, il est vrai, que pour une exposition universelle. Bien entendu, il faut qu’ils s’y prennent longtemps à l’avance, et j’insiste toujours sur ce point lorsque je tiens des conférences de presse à l’étranger.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Nous sentons que, dans ces grands événements, les visiteurs sont de plus en plus désireux de partager et de vivre des expériences, de participer à des animations, d’être eux-mêmes acteurs. Le Mondial de l’automobile restera-t-il avant tout un lieu d’exposition, ou peut-il évoluer, avec par exemple l’essai de voitures ou de simulateurs, des jeux, des ateliers divers ? Travaillez-vous sur ces modes collaboratifs de partage pour en faire autant un lieu d’animation ou de participation qu’un lieu d’exposition ?

M. Thierry Hesse. Le Mondial de l’automobile est depuis longtemps un lieu d’animation ! Pour moi, le pire serait qu’il se contente d’être une sorte de grande concession multimarque, comme le sont certains de ses concurrents.

Nous avons deux types d’animations. Les premières sont celles proposées par les exposants. Nous nous efforçons d’en limiter le nombre et les pollutions sonores. L’exposant n’est pas seul : il a toujours ses principaux concurrents pour voisins. Nous avons donc des règles, qu’il faut accepter. Néanmoins, il n’est pas question de ressembler au salon de Genève – qui est un très beau salon, annuel celui-ci, mais où les animations sont quasiment absentes des stands. Pour ma part, j’estime qu’il faut laisser une part de l’animation aux stands
– conduite sur simulateurs, signatures d’autographes… Nous laissons les constructeurs faire, mais nous les limitons en temps et en bruit. Où l’on s’aperçoit qu’il est plus facile d’avoir une bande sonore qu’un orchestre, dont on ne peut baisser le volume…

Nous mettons nous-mêmes en scène un certain nombre d’animations ou d’essais. À une époque, nous avions une grande piste de 4×4. Nous avons dû y renoncer faute de participants, suite à l’intervention de Greenpeace, qui a fait ce qu’il fallait pour empêcher les constructeurs de faire ces essais – qui étaient, paraît-il, très polluants. Nous avons alors décidé de faire de Greenpeace un allié, en nous orientant vers une baisse des consommations d’énergie et en mettant en place une zone d’essais de véhicules électriques et hybrides, qui rencontre un franc succès et permet aux visiteurs de les essayer dans le hall qui leur est dédié, dans le Parc et dans Paris.

Je ne veux pas d’un salon figé : il faut que les gens et les choses bougent. Il me semble aussi important de faire passer des messages sur les nouvelles énergies, domaine dans lequel les constructeurs font des efforts considérables – sans doute plus que les pouvoirs publics. Personnellement, je crois beaucoup aux nouvelles énergies et rêve de conduire une voiture électrique. Malheureusement, nous manquons d’infrastructures de recharge. J’espère que l’exposition universelle de 2025 pourra contribuer à mettre ce thème en valeur. J’ai vu que Renault était l’un des partenaires fondateurs d’EXPOFRANCE 2025 ; je ne doute pas que son président-directeur général œuvrera en ce sens. L’électronique embarquée est aussi promise à un bel avenir.

Pour en revenir aux animations du salon, nous proposons également des essais avec la Fédération française du secours automobile, du kart électrique… Bref, nous essayons d’avoir des lieux de vie en dehors du lieu d’exposition.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Quel est le staff du Mondial de l’automobile ? Je me doute que votre équipe est à géométrie variable, mais pouvez-vous nous dire quels sont les deux ou trois cercles concentriques qui la composent ?

M. Thierry Hesse. Nous sommes en effet une structure à géométrie variable. Nous sommes treize personnes pour gérer le Mondial de l’automobile. Le salon ayant lieu en octobre, nous doublons notre effectif au mois de mai ou de juin. Durant le salon, nous sommes plus d’un millier, hôtesses, personnels de caisse, de sécurité et d’entretien compris.

Mme Claudine Schmid. J’aimerais vous interroger sur la sécurité. Comment envisagez-vous la prévention des actes de terrorisme ? Quel est le coût que cela engendre ? Il semble que, aux Jeux olympiques, la prévention des actes de terrorisme ait fait exploser les coûts et imposé des contrôles qui ont des répercussions sur les files d’attente. Comment concevez-vous l’organisation d’un grand événement sous cet angle ?

M. Thierry Hesse. Ma réponse est très claire : on ne joue pas avec la sécurité. Nous faisons nous-mêmes des contrôles des sacs et des valises à l’entrée du salon. Cela représente un coût important.

Mme Claudine Schmid. Qui va sans doute croissant.

M. Thierry Hesse. Il est stable, mais important. Bien entendu, il varie en fonction du lieu et du nombre de portes.

En vingt-cinq ans, j’ai eu à faire face à de nombreuses alertes à la bombe. C’est compliqué à gérer, même si, fort heureusement, il s’agissait chaque fois de fausses alertes ; il faut faire intervenir la préfecture de police. Dans ce domaine, nous avons des règles très précises, que tous les exposants connaissent. Ils savent que, s’ils voient un objet abandonné sur leur stand, ils doivent appeler immédiatement le numéro de sécurité réservé à ces situations. Pompiers, médecins et ambulances sont sur place en permanence, du début du montage jusqu’à la fin du démontage des stands.

Le problème est que ces événements sont tellement médiatisés qu’ils sont une aubaine pour des gens qui veulent faire parler d’eux. Lors du dernier Mondial de l’automobile, une petite manifestation de cinq ou six personnes tout au plus a eu lieu dans l’allée centrale du hall 1. Je peux vous dire qu’il y avait plus de caméras et de micros que de manifestants ! Or, en faisant un gros plan sur quelques manifestants, il est facile de faire croire qu’ils étaient très nombreux.

Il faut mettre le prix qu’il faut dans la sécurité. Mais, dans la mesure où le danger existe, il serait bon que les parcs des expositions laissent les équipements de sécurité en permanence, pour que les organisateurs de manifestations n’aient pas à les réinstaller à chaque fois.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Nous vous remercions pour ces précieuses informations.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025

Réunion du jeudi 5 juin 2014 à 10 h 30

Présents. - M. Yves Albarello, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Bruno Le Roux, M. Hervé Pellois, Mme Catherine Quéré, Mme Claudine Schmid

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Sylvain Berrios, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Martine Martinel