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Mercredi 11 juin 2014

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Bertrand de Lacombe, directeur des affaires publiques d’Aéroports de Paris (ADP), et de Mme Alexandra Locquet, responsable du projet CDG Express chez ADP

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui M. Bertrand de Lacombe, directeur des affaires publiques d’Aéroports de Paris (ADP), et Mme Alexandra Locquet, responsable projet «Charles-de-Gaulle Express ».

Dans la perspective d’une exposition universelle dans notre pays en 2025, la relation entre les futurs sites de l’événement et les aéroports, en particulier entre le cœur de Paris et Roissy-Charles-de-Gaulle, est un élément clé de la réussite des mobilités. L’idée émise au cours de nos auditions précédentes consiste en effet à organiser une exposition multisites, polycentrique – et non concentrée en un seul lieu –, avec un village au cœur de Paris, mais également les zones des nouvelles gares du Grand Paris, ainsi que les grandes métropoles françaises.

Aussi la question des mobilités nous intéresse-t-elle à plusieurs titres. La mobilité Grand Paris, que nous évoquerons tout à l’heure avec le nouveau président du directoire de la Société du Grand Paris. Les mobilités entre les aéroports et le centre de Paris. Le transfert modal avec les lignes TGV pour le transport des visiteurs depuis les métropoles de province vers Paris, et depuis l’aéroport de Roissy vers les métropoles françaises, si l’on veut vraiment considérer la France comme un territoire de projet. Enfin, la capacité d’accueil des aéroports et l’avenir des aérogares.

Madame, monsieur, nous aimerions donc savoir comment Aéroports de Paris appréhende le projet exposition universelle, notamment au regard de la relation Roissy-Paris. Quels atouts voyez-vous à ce dossier ? Et quelles limites ou contraintes posez-vous à la bonne tenue d’un tel événement ?

M. Bertrand de Lacombe, directeur des affaires publiques d’Aéroports de Paris (ADP). Je vous remercie de nous accueillir.

Dès le départ, Aéroports de Paris (ADP) a choisi de soutenir le projet ExpoFrance 2025. C’est un projet auquel croit l’entreprise, son président-directeur général, Augustin de Romanet, ayant récemment fait un plaidoyer en faveur du soutien à la candidature française par d’autres entreprises. Les raisons de notre soutien à la tenue d’une telle manifestation en France sont simples et évidentes.

D’abord, une exposition universelle est un carrefour, une rencontre entre des gens venant de tous les coins de la planète. Cet aspect rejoint l’objet social d’Aéroports de Paris : quel meilleur lieu, en effet, qu’un aéroport pour accueillir des personnes du monde entier ? La convergence d’intérêts entre une exposition universelle et les aéroports est donc totalement évidente.

Ensuite, nous sommes convaincus qu’un tel projet correspond à l’intérêt général. L’histoire des expositions universelles a montré à quel point elles ont constitué un motif de fierté pour les pays concernés, y compris de la France. Un projet bien mené peut susciter l’adhésion, l’enthousiasme de toute une population. Je crois qu’il n’est pas exagéré de dire qu’une exposition universelle pourrait être utile à la société française.

Par ailleurs, et l’histoire l’a également démontré, une exposition universelle contribue au progrès technologique. Cet aspect est important pour nous, car les aéroports sont en constante évolution, à la fois pour améliorer la gestion du trafic et pour accueillir davantage de vols, tout en assurant plus de sécurité et une meilleure protection de l’environnement. Un grand nombre de projets en cours à l’échelle européenne, comme SESAR, se sont assigné ces différents objectifs. Même si nos avions d’aujourd’hui ont l’air de ressembler à ceux d’hier, notre secteur possède un fort contenu technologique et un grand potentiel d’innovation. Là encore, nous rejoignons totalement les objectifs d’une exposition universelle.

Enfin, les expositions universelles conduisent généralement à améliorer significativement les projets de dessertes en transport collectif. Sous cet angle, l’intérêt général peut rejoindre un intérêt particulier. En effet, bien que parfaitement conçus et offrant un grand nombre de services, nos aéroports souffrent d’un lien insuffisant avec le centre de Paris. À cet égard, je vous remercie d’avoir évoqué les trois principales plateformes que nous gérons, et pas seulement Charles-de-Gaulle. Paris a en effet la chance d’être desservi par deux autres grands aéroports : Le Bourget, premier aéroport d’Europe pour les vols d’affaires, et Orly qui a connu ces dernières années une croissance très intéressante.

Actuellement, il faut reconnaître que nous ne sommes pas très bien placés dans les classements internationaux, notamment du fait d’une accessibilité qui n’est pas exceptionnelle – sans parler de jours particuliers comme celui-ci où la grève rend plus difficile encore l’accès à nos aéroports.

En effet, Roissy est accessible par le RER B, qui fonctionne convenablement malgré quelques aléas, mais qui n’a pas été conçu pour accueillir des voyageurs se dirigeant vers l’aéroport. Il est alors compliqué pour les navetteurs domicile travail qui l’empruntent de se heurter à des touristes transportant de grosses valises, et réciproquement. S’ajoutent à cela les difficultés d’exploitation sur cette ligne, comme nous avons pu en connaître à la mi-janvier. L’aéroport est également accessible par l’autoroute, mais elle est régulièrement saturée, pour peu qu’un camion se soit renversé.

Cela n’est pas beaucoup mieux au Sud, puisque pour rejoindre Orly sans rupture de charge, en dehors de la voiture individuelle ou du taxi, vous n’avez que la solution du car, certes assez fiable en termes d’horaires. Les transports en commun ferroviaires impliquent effectivement une rupture de charge obligatoire, avec toutes les complications liées aux bagages.

Quant au Bourget, il existe une gare RER B, un peu méconnue, située à dix minutes de la Gare du Nord, mais à trois kilomètres environ de l’aéroport. En outre, la desserte en bus entre cette gare et l’aéroport mériterait d’être améliorée.

Ainsi, le constat peut être établi d’une desserte en transports en commun qui n’est pas exceptionnelle. De ce point de vue, l’exposition universelle 2025 représente à nos yeux une opportunité pour consolider, sécuriser un certain nombre de projets. D’où ce lien entre intérêt particulier et intérêt général.

Mme Locquet va vous exposer dans quelques instants les objectifs, le mode de fonctionnement et le financement envisagé pour CDG Express. S’agissant de l’aéroport du Bourget, une gare est prévue sur la ligne 17 à l’horizon 2027. Concernant Orly, le prolongement de la ligne 14 devrait être réalisé en deux temps : d’abord, jusqu’à Villejuif à échéance 2023 ; ensuite, jusqu’à Orly à l’horizon 2027 – avec une extension vers le Nord, qui ne nous concerne pas directement.

À notre sens, et pour en avoir discuté récemment avec des responsables de la société du Grand Paris, la non-interruption des travaux en 2023 à Villejuif – dont la faisabilité technique apparaît envisageable pour peu qu’un calage financier soit établi – pourrait encore être examinée. La candidature de la France à l’exposition universelle de 2025, si elle venait à se concrétiser, constituerait un élément extrêmement fort en faveur de la continuité des travaux, pour laquelle nous militons.

Ainsi, la situation en 2025 pourrait se décliner, dans la meilleure des hypothèses, de la façon suivante : une relation directe avec l’aéroport d’Orly, sous réserve que les travaux ne soient pas interrompus à Villejuif ; une nouvelle gare au Bourget, dont les travaux pourraient être accélérés dans la perspective de l’exposition universelle ; et un projet CDG Express, sur lequel Mme Locquet va vous apporter des précisions.

Mme Alexandra Locquet, responsable projet « CDG Express ». Comme Bertrand de Lacombe l’a indiqué, les conditions de desserte de l’aéroport Charles-de-Gaulle sont insatisfaisantes. D’abord, près d’un tiers des véhicules circulant sur les autoroutes A1 et A3 se dirige ou vient de l’aéroport, ce qui engendre une saturation du trafic, avec des temps de trajet vers l’aéroport d’une demi-heure à deux heures. Ensuite, le RER B, conçu pour desservir les territoires et donc en priorité les voyageurs du quotidien, n’est pas un mode de transport adapté aux passagers aériens. Les grandes capitales européennes disposent quasiment toutes d’une desserte directe de leurs aéroports ; c’est le cas de Londres, de Stockholm et d’Oslo. Paris est donc en retard sur ce plan.

C’est la raison pour laquelle Aéroports de Paris a décidé de soutenir fortement le projet Charles-de-Gaulle Express auprès de l’Etat et de Réseau ferré de France (RFF), avec lesquels nous avons créé une société d’études, Charles-de-Gaulle Express Etudes, qui concrétise cet engagement de l’entreprise. Cette société a pour objet de faire réaliser toutes les études – juridiques, financières, techniques – nécessaires à la réalisation du projet. Pour cette liaison express entre le centre de Paris et l’aéroport – que nous visons à l’horizon 2023 –, nous escomptons un très haut niveau de service, parfaitement adapté aux passagers aériens, avec une desserte de cinq heures du matin à minuit, un départ tous les quarts d’heure, et un temps de trajet de vingt minutes environ. Elle répond donc parfaitement à l’enjeu de fiabilité en termes de temps de parcours des passagers aériens.

Ainsi, CDG Express est un projet majeur, non seulement pour Aéroports de Paris, en confortant l’accessibilité de l’aéroport, mais aussi pour l’Ile-de-France et plus largement la France, en contribuant à l’attractivité économique et touristique du pays.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. À quel endroit se situera la connexion à Paris?

Mme Alexandra Locquet. À la gare de l’Est.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Un arrêt intermédiaire est-il prévu ?

Mme Alexandra Locquet. Non, la liaison sera directe. Le projet a été déclaré d’utilité publique en 2008, et les études qui ont été relancées s’inscrivent dans le cadre de cette déclaration.

M. Bertrand de Lacombe. L’entreprise est d’autant plus convaincue de la nécessité de CDG Express que l’avenir des infrastructures routières présente un risque accru de saturation pour nos voyageurs. En effet, la zone de Roissy, déjà concernée par un nombre d’emplois considérable, est en plein développement, notamment avec l’implantation récente du centre commercial d’Aéroville. En outre, deux projets, l’un le long de l’A1 – Europa City –, l’autre dans la zone du Bourget, devraient générer un trafic supplémentaire.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Dans quelles proportions se répartit le trafic de voyageurs hors France entre Roissy et Orly ?

M. Bertrand de Lacombe. Sur la répartition selon les origines géographiques, je vous fournirai ultérieurement des chiffres précis par aéroport.

Par contre, concernant l’état du trafic général pour les deux aéroports, nous avons franchi cette année les 90 millions de passagers – 62 millions pour Roissy et 28 millions pour Orly. Le PDG d’ADP a évoqué récemment l’hypothèse d’un nouveau terminal à Roissy d’ici à dix ans, où pourraient ainsi être accueillis à l’horizon 2023-2025 – avec une hypothèse de croissance de 30 % du nombre de passagers – 80 millions de passagers, contre 36 millions à Orly. Certes, ces chiffres doivent être appréhendés avec prudence, car il existe une corrélation entre la croissance économique et la croissance du trafic aérien, mais celle-ci a été quasiment ininterrompue ces dernières années et, selon les prévisions, le trafic mondial devrait doubler d’ici à vingt à trente ans.

M. Yves Albarello. Pour prendre quotidiennement le chemin de l’aéroport afin de rejoindre l’A1, je confirme que la circulation était très difficile ce matin à cause de la grève des taxis.

Vous avez évoqué la création d’une société d’études, mais à aucun moment le financement, problème auquel se heurtent tous les grands projets d’infrastructure – c’est le cas du nouveau Grand Paris et de CDG Express. Or l’organisation de l’exposition universelle en 2025 – que nous souhaitons tous pour notre pays – suppose d’être capable d’accueillir tous les touristes étrangers dans les meilleures conditions. À cet égard, les personnes auditionnées précédemment ont été unanimes à souligner l’intérêt d’une liaison directe entre Roissy-Charles-de-Gaulle et la capitale.

Cette liaison CDG Express sera-t-elle dédiée au trafic entre Roissy et Paris, sans interruption, ce que je souhaite vivement ? Ou bien la ligne sera-t-elle partagée avec des RER suivant un accord avec RFF ou la SNCF ?

S’agissant du nouveau Grand Paris Express, arbitré le 6 mars dernier par le Premier ministre, il est prévu une gare à l’aéroport du Bourget, accessible par la ligne 17, mais pas avant 2027. Pis, la liaison avec Roissy-Charles-de-Gaulle est prévue pour 2030. Il aurait fallu, selon moi, faire l’inverse ; mais je poserai cette question tout à l’heure à M. Yvin, président du directoire de la société du Grand Paris.

Mme Alexandra Locquet. La société CDG Express Etudes aura notamment pour mission d’actualiser et d’approfondir les études financières. Pour autant, ADP et RFF ont déjà conduit des études préliminaires, afin de mesurer les grands équilibres économiques et financiers du projet. Il en ressort qu’un trafic de l’ordre de 6,5 millions de passagers à la mise en service, puis une progression croissante, sont possibles. Nous escomptons un prix du billet passager de l’ordre de 24 euros à la mise en service – Londres est déjà à ce niveau de prix en 2014, et nous raisonnons sur des euros 2023.

Ainsi, les seules recettes de la billetterie généreront une capacité d’autofinancement relativement élevée pour un projet de ce type. Pour autant, les études montrent qu’elles ne seront pas suffisantes, et c’est la raison pour laquelle RFF comme ADP considèrent qu’une ressource complémentaire est nécessaire. Il a donc été proposé la mise en place d’une taxe sur les passagers aériens hors correspondance, qui bénéficieraient directement de cette liaison, de l’ordre de 1 euro par passager.

M. Yves Albarello. Il est trop facile de faire payer les infrastructures par les autres ! Les compagnies aériennes ont déjà été mises à contribution à travers la taxe de solidarité, au titre de laquelle la compagnie Air France doit verser chaque année environ 80 millions d’euros. Taxer à nouveau les compagnies aériennes, notamment notre compagnie nationale, me semble injuste. Je préconise d’élargir la taxe de solidarité, afin que ces dernières ne soient pas les seules à être assujetties.

D’autre part, l’Agence des participations de l’Etat a perçu récemment 700 millions d’euros pour avoir vendu une participation de 20 % dans ADP. Je vous soumets donc cette piste de financement : la cession par l’Etat d’une partie de ses actions à travers ADP permettrait d’investir dans un projet comme CDG Express.

Au demeurant, je déposerai une proposition de loi dont l’objet est d’assurer un financement juste et équilibré. D’autres pistes existent, mais je les dévoilerai ultérieurement.

M. Bertrand de Lacombe. Je comprends l’intervention de M. Albarello, tout en observant qu’elle ne nous concerne pas directement, dans la mesure où nous ne sommes pas décideurs. ADP a proposé une solution, mais sans doute y en a-t-il d’autres. L’important est de trouver une solution opérationnelle permettant de boucler le financement.

Cela dit, nous souhaitons évidemment que les compagnies aériennes, qui sont nos clientes, la première étant Air France, aient une situation saine et puissent continuer à desservir nos aéroports sans être étouffées par des charges qui ont en effet augmenté avec le temps et ne sont pas forcément supportées par toutes les autres compagnies à travers le monde. Mais c’est peut-être un autre débat.

Je laisse maintenant Mme Locquet vous répondre plus précisément sur le budget.

Mme Alexandra Locquet. Nous avons constaté un besoin de ressources complémentaires, qui peuvent prendre d’autres formes que celles qui ont été envisagées jusqu’à présent.

Les investissements relatifs à l’infrastructure sont estimés aujourd’hui à 1 645 millions d’euros, selon les premières estimations – en cours de la fiabilisation – de la société nouvellement créée. Pour financer cet investissement, RFF et ADP apporteront une partie en fonds propres, et auraient par ailleurs recours au marché bancaire, mais aussi à la BEI et à des prêts sur fonds d’épargne.

M. Yves Albarello. 150 millions ?

Mme Alexandra Locquet. Davantage.

M. Yves Albarello. Je voulais dire : deux fois 150 millions d’euros.

Mme Alexandra Locquet. Nous partons des ratios classiques d’autofinancement qui sont, en termes de fonds propres, d’environ 20 à 30 % selon les projets. Mais il ne s’agit là que de premiers éléments que nous sommes en train d’affiner.

M. Hervé Féron. Je vous ai entendu dire que selon certaines prévisions, le trafic mondial aurait doublé dans trente ans. Or je constate que votre diagnostic part du constat des difficultés actuelles. Votre projet Charles de Gaulle Express, avec tout ce qui peut s’y rapporter, tient-il compte de ces évolutions à long terme ? Son objectif se limite-t-il à résoudre les problèmes du moment ? Ce serait bien peu ambitieux. Je vous interroge sur ce point avant que la question du financement du projet n’ait été résolue.

Par ailleurs, pensez-vous que la candidature de la France à l’Exposition universelle constitue une véritable opportunité pour « booster » votre projet, et un argument supplémentaire en sa faveur ?

M. Bertrand de Lacombe. Les investissements et les projets que nous lançons dans le cadre de CDG Express prennent en compte les perspectives d’évolution du trafic.

Cela m’amène à revenir sur une précédente question. Pour vous donner un ordre de grandeur, en 2013, le nombre de passagers par destination, toutes plates-formes confondues, se répartissait de la façon suivante : 18 % pour le trafic France, 42 % pour le trafic Europe et 40 % pour le reste du monde. Si vous le souhaitez, je pourrai vous fournir des chiffres plus précis, permettant de distinguer entre Roissy et Orly.

Mais passons à votre dernière question. Nous pensons effectivement qu’il y a des liens d’intérêt entre CDG Express et Expo Universelle 2025. La perspective d’une exposition universelle conduirait forcément nos plus hautes autorités à faire tout ce qu’il faut pour accélérer, éventuellement, les différents projets de transport – non seulement CDG Express, mais aussi les projets améliorant la desserte des autres aéroports. Et réciproquement, le fait que ces projets existent – qu’ils soient lancés ou simplement envisagés, quitte à modifier un peu les calendriers – devrait constituer un argument de poids pour le Bureau international qui aura à trancher entre les différentes candidatures.

M. le président Jean-Christophe Fromentin. Les perspectives de trafic d’une exposition universelle tournent autour de 50, 60 ou 70 millions de personnes – en supposant qu’une part significative d’entre elles passe par nos aéroports. Nous pouvons nous attendre à un débit de fréquentation supplémentaire de 300 000, 400 000 ou 500 000 personnes par jour. Les simulations auxquelles vous avez procédé dans le cadre du projet CDG Express vous permettent-elles de penser qu’il sera possible d’absorber le pic de fréquentation que provoquerait une telle exposition ?

M. Bertrand de Lacombe. C’est là où la création d’un nouveau terminal prend tout son sens. La multiplication du nombre des terminaux sur l’aéroport de Roissy, que l’on peut regretter, nous donne en même temps la capacité, à peu près unique en Europe, de pouvoir en ajouter de nouveaux.

Mme Alexandra Locquet. Revenons au projet CDG Express. Nous sommes en train de réactualiser des études de trafic, en prenant en compte la situation actuelle et en faisant des projections à moyen et long terme, précisément pour adapter le service en conséquence.

M. le président Jean-Christophe Fromentin. Sur la desserte des métropoles françaises et leur interconnexion, où en est votre réflexion ? Lors des questions d’actualité, nous débattons souvent de Notre-Dame-des-Landes. Pouvez-vous nous donner votre point de vue sur la carte des aéroports français à vocation internationale ? Quelle est la zone d’influence de ADP et de Roissy ? Pourrait-elle drainer tout ou partie de la France ? Avec quelles relations TGV, pour pouvoir optimiser ce « Hub » ?

M. Bertrand de Lacombe. La France a la chance d’avoir non seulement un système aéroportuaire parisien extrêmement consistant et encore susceptible d’évoluer, mais aussi d’importantes plates-formes en province avec lesquelles il est possible d’établir des liens ferroviaires. Je pense notamment à la gare TGV installée au cœur de Roissy, qui permet des interconnexions.

J’aborderai plusieurs points.

Premièrement, le confort du passager. On considère aujourd’hui qu’un passager ne préfère l’aérien au ferroviaire qu’à partir du moment où le temps de transport en train dépasse trois heures – voire quatre heures. Le passager tient en effet compte des contraintes de sûreté et des différents contrôles imposés dans les aéroports ; de ce point de vue, le train offre évidemment une facilité d’utilisation considérable. Ainsi, en fonction de l’endroit à relier et de nos contraintes d’exploitation, le passager choisit de faire sa correspondance en avion ou en train.

Je ne sais pas comment ces contraintes évolueront d’ici à 2025. On peut imaginer que le passage des voyageurs sera fluidifié – peut-être un passage dans un sas. Jusqu’à présent, la technologie des scanners corporels a été écartée pour des raisons liées au respect de la vie privée. Mais comme le domaine évolue rapidement, j’ai tendance à penser que demain, nos exigences de sûreté seront toujours aussi fortes mais qu’elles seront résolues beaucoup plus facilement. Cela peut jouer sur la répartition modale entre le train et l’avion.

Deuxièmement, les droits de trafic. Ceux-ci demeurent une compétence d’État, de plus en plus souvent partagée au niveau de l’Union européenne, mais qui relève de négociations entre les États au niveau international. Or ces négociations valent non seulement pour les droits de trafic aérien stricto sensu, mais également pour les prolongations, qu’elles soient assurées en avion ou en train. Aujourd’hui, une compagnie aérienne qui voudrait venir faire une relation entre son pays d’origine et Roissy avec, par exemple, un enchaînement vers Lyon ou vers Nantes ne pourrait le faire que si elle disposait bien d’un des droits de trafic permettant d’assurer le trajet aérien et le trajet ferroviaire. Il faut que le sujet ait été abordé dans le cadre de la négociation d’État à État.

En tant qu’aéroport, nous sommes évidemment partisans de tout ce qui permettrait d’accueillir davantage de trafic. Mais c’est l’État – ou l’Union européenne, en fonction des pays – qui joue un rôle important en matière de droits de trafic. Certains accords ont déjà été passés au niveau Union européenne. C’est par exemple le cas de l’accueil appelé « Ciel ouvert » ou Open Skye conclu entre l’Union européenne et les Etats-Unis, qui a conduit à la libéralisation du marché. Mais il y a encore de nombreux pays avec lesquels ces droits de trafic sont négociés au coup par coup, y compris dans leur aspect multimodal.

Quoi qu’il en soit, vous avez raison, c’est un point important qu’il conviendra d’examiner avec attention. Si l’on veut aboutir à une répartition harmonieuse du trafic, il faudra tenir compte des capacités des compagnies aériennes, des aéroports, de la ou des entreprises ferroviaires qui circuleront à ce moment là sur le réseau français, et des capacités des gares.

Mme Catherine Quéré. Paris fut une candidate malheureuse aux jeux Olympiques de 2012. Pensez-vous que les difficultés de desserte de nos aéroports aient pu y contribuer ?

Par ailleurs, lors d’une récente mission parlementaire au Qatar, nous avons constaté avec surprise qu’on ne trouvait que des avions de la compagnie Air Qatar sur le tarmac. Est-ce un hasard ? La compagnie Air France se pose-t-elle à Doha ?

M. Yves Albarello. C’est effectivement une question que l’on peut se poser.

Monsieur, savez-vous si, dans le cadre des précédentes candidatures, cet aspect a été un handicap pour la France ?

M. Bertrand de Lacombe. Ces questions sont excellentes, mais je crains que mes réponses ne vous déçoivent.

Si j’allais en mission au Qatar, j’en profiterais pour découvrir l’aéroport de Doha et faire quelques comparaisons. Le groupe ADP intervient de plus en plus souvent à l’étranger dans le domaine de l’ingénierie des aéroports. Nous l’avons fait à Abu Dhabi, par exemple. Mais pas à Doha. Il y a donc sûrement là-bas un marché à conquérir.

Les aéroports de la région ont l’avantage d’avoir été conçus très récemment et en un seul bloc. De ce fait, ils ne présentent pas les inconvénients que je dénonçais tout à l’heure s’agissant de l’aéroport de Roissy. Quoi qu’il en soit, je ne connais pas la politique de desserte d’Air France entre le Qatar et la France et je suis donc bien incapable de répondre à votre question.

À la question concernant les jeux Olympiques, je n’ai pas non plus de réponse détaillée à vous offrir. On sait bien que différents facteurs sont intervenus dans l’attribution des jeux Olympiques à Londres, alors que Paris semblait avoir un dossier assez solide. Mais il est certain que, dans les classements internationaux, la desserte de nos aéroports apparaît comme l’un de nos points faibles. Je ne sais pas dans quelle mesure cela a pu jouer en faveur de Londres, mais je n’imagine pas que ce ne soit pas pris en considération de manière extrêmement attentive par ceux qui auront à voter sur le projet d’exposition universelle.

S’agissant du projet CDG Express, nous devrons donc tous – la Société du Grand Paris, ADP et RFF – être crédibles et nous engager clairement lorsque les questions de financement auront été réglées. J’observe que le modèle proposé l’a été « par défaut ». Je veux dire par là que si ADP s’engage avec une part de capitaux propres, il ne le fait pas avec un enthousiasme démesuré.

L’idée qui prévalait jusqu’à aujourd’hui était que l’aéroport commençait « à la porte » de l’aéroport. Aujourd’hui, le PDG et l’entreprise ont pris conscience que si nous nous en tenions à cette idée, personne ne se sentirait vraiment impliqué et n’aurait – y compris matériellement – les moyens de s’engager vraiment sur le lien entre le centre ville et l’aéroport. Voilà pourquoi nous avons en quelque sorte étendu – y compris dans ses implications financières – notre vision de l’aéroport jusqu’au centre ville. Mais si un généreux mécène se manifestait, si nous n’avions pas besoin de nos fonds propres, ni de taxes, nous en serions les premiers satisfaits.

Sans pouvoir répondre précisément à votre question, il est néanmoins certain que la desserte aéroportuaire est un élément majeur dans une candidature.

M. Yves Albarello. Vous ne m’avez pas répondu : la nouvelle ligne ferroviaire sera-t-elle vraiment dédiée à 100 % au trafic entre l’aéroport et la capitale, ou s’agira-t-il d’une ligne partagée ?

Par ailleurs, vous avez évoqué la création d’un terminal supplémentaire. Avez-vous une idée de sa localisation sur le territoire de l’aéroport, que je connais un peu ?

Mme Alexandra Lacquet. L’intérêt du projet Charles de Gaulle Express est effectivement de permettre une séparation des flux avec ceux du RER B. Pour autant, sur une partie de la ligne, il y a déjà quelques trains de TER et de fret puisque le tracé, tel qu’il est actuellement prévu, utilisera une partie du réseau existant. Mais c’est un trafic incomparable avec celui du RER B. Donc on peut considérer qu’il y a une vraie séparation entre RER B et CDG Express – et c’était bien l’un des principaux objectifs.

M. le président Jean-Christophe Fromentin. Mais il y aura quand même du trafic ?

Mme Alexandre Lacquet. Quelques trains de fret, mais c’est vraiment mineur.

M. le président Jean-Christophe Fromentin. Où se situera le terminal supplémentaire ?

M. Bertrand de Lacombe. Il faut que je vérifie. Le sujet est encore récent et je ne voudrais pas me tromper. D’après moi, il se situerait plutôt au nord du terminal 2 E actuel.

M. le président Jean-Christophe Fromentin. Merci pour votre disponibilité et pour vos réponses. L’accessibilité aéroportuaire est un élément clé dans le lancement d’un évènement de l’envergure d’une exposition universelle. S’agissant de la faisabilité d’une telle opération d’ici à 2025, vos propos sont plutôt rassurants.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025

Réunion du mercredi 11 juin 2014 à 16 h 45

Présents. - M. Yves Albarello, M. Hervé Féron, M. Jean-Christophe Fromantin, Mme Catherine Quéré

Excusés. - Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Bruno Le Roux