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Mercredi 3 septembre 2014

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 31

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président Bélaval, tout au long de cette mission d’information, qui est sur le point de s’achever – elle a débuté en février –, nous avons auditionné les grands opérateurs des expositions universelles, notamment le Bureau international des expositions (BIE), différents acteurs et diplomates français qui ont pris part à l’organisation des pavillons français, le monde économique, les entreprises et les médias.

Nous sommes heureux de vous accueillir compte tenu des fonctions que vous avez déjà exercées : après avoir pris successivement les directions générales de l’Opéra de Paris, de la Bibliothèque nationale de France et des patrimoines au ministère de la Culture, vous avez été nommé président du Centre des monuments nationaux (CMN) en juin 2012.

Vous le savez, notre projet d’exposition universelle ne repose pas sur la construction de pavillons, comme cela a été le cas de Shanghai ou sera le cas de Milan l’année prochaine ou, probablement, celui de Dubaï en 2020, mais a pour objectif de revisiter le patrimoine existant. Les pays visiteurs seront invités à occuper des éléments du patrimoine historique ou contemporain, à Paris même et dans le cadre du Grand Paris. Deux types de monuments entreraient dans ce projet : les monuments anciens, notamment ceux qui sont les témoins des expositions universelles du XIXe siècle, et des monuments contemporains, je pense notamment à la cinquantaine de gares prévues du Grand Paris, qui pourraient accueillir des pavillons et des animations.

Vous gérez une centaine de sites : votre réaction à l’utilisation du patrimoine existant nous intéresse donc au plus haut point. Quels seraient les avantages et les inconvénients d’une telle utilisation, notamment en matière d’accueil du public ou en termes de modèle économique, puisque les sites que vous gérez ont leurs propres ressources ? Plus généralement, l’historien que vous êtes est-il favorable au principe d’une exposition universelle ? Et à celui d’une telle réutilisation ?

M. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux. En recevant votre invitation, je me suis demandé si elle m’avait été adressée au titre de mes fonctions actuelles ou à celui de mes anciennes fonctions de directeur général des patrimoines au ministère de la culture : la vision que j’avais alors dépassait en effet celle de la centaine de monuments que le Centre des monuments nationaux gère au nom de l’État. Aussi mes réponses pourront-elles porter la marque de réminiscences de mon précédent poste.

Je suis évidemment très favorable à la tenue d’une exposition universelle en France. L’histoire, depuis quelque cent cinquante ans, nous montre le bénéfice que le pays a tiré de chacune des manifestations de ce type qu’il a organisées, qu’il s’agisse des expositions universelles de 1867, de 1889 ou de 1900, ou encore de l’exposition coloniale de 1931 : elles ont considérablement accru le rayonnement de la France, ne serait-ce qu’au plan touristique. Elles ont également bénéficié de manière considérable au patrimoine lui-même, en laissant derrière elles des constructions qui, même lorsqu’elles avaient été conçues comme éphémères, ont parfois duré et constituent aujourd'hui des témoignages prestigieux de l’architecture de leur époque : c’est vrai de la Tour Eiffel, des Petit et Grand Palais, du Palais de Tokyo ou de celui de la Porte Dorée. Un tel projet ne peut qu’être bénéfique à la France, dans une période où notre pays nourrit des doutes sur son influence internationale, son rayonnement ou son attractivité, des doutes que, du reste, je ne partage pas car je suis bien placé pour connaître l’intérêt ou la curiosité que la France continuent de susciter auprès de très nombreux pays. Il convient seulement de les entretenir en permanence en mettant en valeur l’innovation dont nous sommes capables, ce qu’une exposition universelle est l’occasion de faire. Je ne pense pas d’ailleurs que vous ayez rencontré beaucoup d’opposition à ce projet au cours de vos auditions et ce n’est pas moi qui romprai l’unanimité en la matière. Je le répète : je suis très favorable au principe d’une telle exposition.

Les modalités de sa mise en œuvre sont évidemment plus compliquées. Par conviction personnelle, l’idée d’une réutilisation de l’existant m’intéresse, même s’il faut rester lucide : l’esprit d’une telle manifestation exige des aménagements ad hoc. La question de la construction de la modernité sur la base de l’existant dépasse la simple approche économique ou financière pour se poser en termes culturels – je ne suis pas certain du reste que la réutilisation de l’existant soit toujours meilleur marché qu’une construction ex nihilo. Je suis en tout cas convaincu que la politique patrimoniale au sens le plus large – la transmission de l’héritage aux générations futures – consiste à offrir des racines historiques à la modernité. C’est la raison pour laquelle je veille, dans le cadre de la politique culturelle du CMN, à assurer toute sa place à la création au sein des monuments historiques, même les plus éloignés apparemment de l’art contemporain. L’opposition entre patrimoine et création, qui repose sur l’organisation, notamment en termes budgétaires, du ministère de la culture, est fallacieuse. Le patrimoine d’aujourd'hui a été la création d’hier et la création d’aujourd'hui sera le patrimoine de demain. Cette distinction est également dangereuse parce qu’elle tend à créer une rupture dans un continuum dont l’intégrité doit être préservée. Ce serait donc une fort bonne chose que de réussir, dans le cadre d’une exposition universelle, à ancrer la modernité française, européenne et internationale au plus près – je reviendrai sur ce point – de l’héritage patrimonial, d’autant que celui de notre pays est considérable et a assuré le rayonnement de la civilisation française dans le reste du monde – il en est de même notamment de l’Italie ou d’autres pays européens, mais le cas de la France est flagrant. Une telle idée m’est donc a priori sympathique.

Cela dit, il ne faut pas ignorer que la mise en œuvre d’un tel projet se heurtera à de nombreuses difficultés pratiques. Je ne suis pas allé à Shanghai, mais j’irai à Milan l’année prochaine et j’ai des souvenirs de Séville : ces manifestations sont destinées à drainer des flux de population très importants issus du monde entier. Or les bâtiments historiques ne sont pas toujours adaptés à l’accueil et à la circulation de tels flux. Je lisais ce matin sur internet un article très critique sur l’accueil des visiteurs du château de Versailles. Certains monuments sont d’ores et déjà proches de la saturation : comment y organiser la visite de plusieurs millions de personnes ?

Ces monuments font par ailleurs d’ores et déjà l’objet, pour la plupart d’entre eux, d’un usage, notamment culturel, et on ne va pas démeubler Versailles pour y installer un pavillon de l’exposition universelle. Une contradiction entre les deux usages risque donc de surgir indépendamment même de la question, subalterne, du dédommagement de l’établissement qui tire ses recettes de ses visiteurs. Certes, des parties de ces monuments sont parfois moins utilisées que d’autres : il conviendrait de les recenser de manière fine. Il serait en revanche dommage, pour attirer du public à l’exposition universelle, de fermer des éléments du patrimoine que ce même public souhaitera visiter à la faveur de son séjour en France. Il faudra dépasser cette contradiction.

Troisième point : l’adaptation de ces monuments. Le public de ce type de manifestation attend des prestations en termes d’accueil. Outre son coût, cette adaptation devra également respecter la législation patrimoniale. Comment insérer la modernité au sein des châteaux de Versailles, de Fontainebleau ou de Vincennes ? Faudra-t-il cacher provisoirement certains éléments historiques, voire les déplacer ou les démonter ? Comment le faire dans le respect de la législation des monuments historiques ?

Si je suis intéressé non seulement par le principe d’une exposition universelle, mais également par une démarche de réemploi, je pense toutefois que, sauf exception, il ne faudra pas chercher à inscrire cette démarche dans des lieux véritablement patrimoniaux. Envisager des constructions dans le domaine de Versailles ou le parc de Saint-Cloud suscitera de nombreuses réactions hostiles. Il serait préférable de viser les abords immédiats de tels lieux – dépendances domaniales, friches industrielles, etc. –, où il serait possible d’implanter plus facilement les pavillons de l’exposition, et de créer ainsi, dans le cadre d’une logique « gagnant-gagnant », entre ces pavillons et les monuments patrimoniaux, des liens suffisamment étroits pour rendre indissociable la visite des deux sites et les faire bénéficier de leurs succès respectifs. Il faut éviter de susciter des complications inutiles en sus des oppositions qui ne manqueront pas d’apparaître.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Le secrétaire général du BIE, qui est espagnol, nous a dit, lorsque nous l’avons auditionné, qu’il existe un effet de miroir très puissant entre le patrimoine et une exposition universelle. Historiquement, les grandes expositions universelles sont celles qui se sont déroulées dans des villes dont le patrimoine a complété une visite d’autant plus rentable pour l’étranger qu’il allait voir ce patrimoine en sus de l’exposition universelle. Il est donc possible d’imaginer, compte tenu de l’attractivité de Paris, qu’une opération comme celle que nous projetons aurait un effet de levier considérable en termes de fréquentation – plus proche de 80 millions de visiteurs que des 30 ou 40 millions de certaines expositions universelles. L’exposition universelle de Paris de 1900 a attiré 53 millions de visiteurs.

Quelle est l’importance, dans le patrimoine que vous gérez, de la part exploitable des dépendances ou des friches que vous avez évoquées ? Est-elle réelle ou marginale ? Quel en est le potentiel exact ?

M. Philippe Bélaval. Le potentiel existe, mais je ne l’ai pas recensé de manière précise avant de venir. Je pense à une dépendance du domaine de Meudon, que les élus de l’Île-de-France connaissent bien : le hangar Y, un ancien hangar à dirigeables du début du XXe siècle, qui, actuellement, n’est plus utilisé que pour des tournages de films.

Il conviendrait toutefois de tester les réactions des exposants. Je ne suis pas certains, en effet, que les pays invités considèrent comme très valorisant le fait d’être installé dans une dépendance de Versailles ou de Meudon. Certes, pour un architecte, l’installation dans de l’existant peut être l’occasion d’un geste tout aussi spectaculaire que la construction d’un bâtiment ex nihilo : il n’en reste pas moins que le geste architectural repose, dans l’esprit des gens, avant tout sur la réalisation d’une construction nouvelle.

M. Hervé Féron. Le Centre des monuments nationaux était présent à l’exposition universelle de Shanghai en 2010. Un film institutionnel présentait la richesse du patrimonial national dans différents espaces du pavillon français et des produits dérivés aux couleurs françaises étaient offerts à plusieurs couples de jeunes mariés dans le cadre de l’opération « mariages romantiques », avec des invitations gratuites pour visiter des monuments. Quel sera le rôle du CMN à l’exposition de Milan en 2015, et quel pourrait être le sien en 2025 à Paris ?

Par ailleurs, à l’occasion des cent ans du CMN, différents projets culturels sont prévus, comme l’organisation de concerts de l’Orchestre de Paris dans des lieux d’exception tels que le château de Cadillac en Gironde ou l’abbaye du Mont-Saint-Michel. Un jeu vidéo sera également lancé pour faire découvrir aux Français, notamment aux plus jeunes d’entre eux, une vingtaine de monuments du CMN, qui fait preuve ainsi d’une réelle volonté de sensibiliser les Français à leur patrimoine. Le CMN pourrait-il mener des actions de sensibilisation et de popularisation similaires pour que le projet d’exposition universelle, auquel déjà plus de 4 000 personnes affichent leur soutien sur le site internet qui lui est dédié, jouisse du plus grand nombre de soutiens possibles ?

Enfin, vous avez été chargé par le Président de la République, dès son élection, d’un rapport sur l’avenir du Panthéon, monument emblématique où reposent des grands hommes, et si peu de femmes, de la patrie. Votre travail – intitulé Rendre le Panthéon au peuple – avance vingt propositions, dont celles de rendre le bâtiment plus attrayant en « l’ouvrant à la lumière » ou d’y promouvoir l’art contemporain et le numérique, grâce notamment à une visite virtuelle du Panthéon sur son site internet. Si c’était à vous de décider, quel rôle souhaiteriez-vous voir jouer au Panthéon dans l’exposition universelle ? Cet événement pourrait-il contribuer à dépoussiérer le Panthéon ?

M. Philippe Bélaval. Nous l’avons dépoussiéré au printemps !

La Lorraine, monsieur le député, est malencontreusement l’une des trois régions métropolitaines dans lesquelles nous n’exploitons aucun monument.

Si la France organise l’exposition universelle de 2025 – pour des raisons d’état civil, je n’occuperai plus mes fonctions –, je suis certain que le CMN prévoira cette année-là une programmation de prestige dans l’ensemble de ses monuments, que ceux-ci accueillent des pavillons ou n’en accueillent pas. Le ministre de la culture du moment aura le souci de proposer une offre prestigieuse en matière patrimoniale aux visiteurs de l’exposition universelle. Le Panthéon devra alors y prendre une place particulière. La lettre de mission du Président de la République, à laquelle j’ai répondu par le rapport que vous avez évoqué, insistait d’ailleurs sur le fait que le Panthéon est par essence un monument au rayonnement international, puisque y sont inhumées des personnes qui ont combattu, parfois jusqu’au sacrifice suprême, pour des valeurs universelles inséparables du rayonnement de la république, telles que la paix, la défense de la justice, de la liberté et de la dignité humaine, ou encore la résistance à l’oppression. La programmation du Panthéon devra en tenir compte.

Plus généralement, il faut l’ouvrir non seulement à la lumière, mais également à la pluralité linguistique : à l’heure actuelle, les informations n’y sont données qu’en français, alors que 70 % des visiteurs sont étrangers. Les Français sont déjà loin de connaître toutes les personnalités qui y reposent : pensez les étrangers ! Le Panthéon devra être au cœur de l’implication du centre dans l’exposition universelle de 2025, si elle a lieu à Paris.

Le CMN investit énormément dans l’ouverture à l’étranger – ce sera le cas à l’exposition de Milan de 2015 –, parce que nous sommes convaincus que la stabilité de notre système et le développement de notre public dépendent principalement de l’étranger en termes de pouvoir d’achat. Les sept monuments de Paris et de la petite couronne du CMN représentent à eux seuls quelque 50 % de la fréquentation totale des monuments gérés par le centre – près de 5 millions de visiteurs sur un total de 9,2 millions : or les étrangers y sont largement majoritaires – 70 % au Panthéon, je l’ai dit, et plus de 80 % à l’Arc de Triomphe. Les monuments parisiens du CMN représentent une part importante du rayonnement touristique et culturel international de la France : c’est ce que nous souhaitons dire et répéter à Milan, comme nous avons essayé de le faire à Shanghai, avec l’appui de l’agence Atout France, dont nous nous sommes beaucoup rapprochés et avec laquelle nous signerons une convention cadre de coopération. Atout France nous paraît en effet un outil de pénétration très remarquable des marchés touristiques étrangers, notamment asiatiques.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Nous avons organisé une table ronde avec plusieurs grands architectes français qui étaient séduits par la perspective d’ouvrir une génération d’expression pour laquelle revisiter l’existant représenterait un défi tout aussi passionnant que de construire ex nihilo. Ils imaginaient également la construction d’appendices, éphémères ou non éphémères, aux monuments historiques : la pyramide du Louvre s’insère de manière remarquable dans un cadre historique.

Or, sauf en cas de volonté politique très forte, il est ordinairement très difficile de proposer des gestes architecturaux aux abords ou en façade de monuments historiques : l’ouverture à l’exploration de tels appendices, éphémères ou définitifs, vous paraît-elle possible ?

Constatez-vous par ailleurs une modification du comportement ou des attentes des visiteurs des différents sites qui sont sous la responsabilité du CMN ? Observez-vous également des évolutions majeures en termes de profils socioculturels ou d’origines géographiques ? Avez-vous réalisé des études en la matière, nous permettant de répondre aux nouvelles attentes de ceux qui visitent aujourd'hui le patrimoine français ?

M. Philippe Bélaval. Je suis favorable à l’édification d’appendices : encore faut-il que l’édifice soit génial. Si la pyramide du Louvre est entrée dans le paysage, c’est qu’il s’agit d’un très beau monument. Je tiens toutefois à rappeler les polémiques qui ont émaillé sa construction et souhaite par avance bon courage au futur commissaire général de l’exposition universelle, s’il doit affronter les mêmes, multipliées par le nombre d’appendices prévus ! Faire côtoyer les architectures contemporaine et patrimoniale n’est pas une idée majoritairement partagée par nos concitoyens. Rien ne s’y oppose, notamment au plan législatif, surtout si l’édifice doit être éphémère : les marges de manœuvre sont alors plus importantes que si l’appendice est définitif.

Nous constatons quasi quotidiennement la modification des comportements des visiteurs de nos monuments. Nous sommes en particulier exposés à des critiques relatives aux monuments parisiens à forte fréquentation étrangère. Le public asiatique trouve ainsi les ouvertures des monuments trop tardives. Les Chinois souhaiteraient pouvoir monter sur l’Arc de Triomphe dès sept heures du matin : devoir attendre neuf heures et demie complique la gestion de l’emploi du temps de journées qu’ils conçoivent comme très remplies. Si, pour toutes sortes de raisons, nous ne pouvons pas ouvrir l’Arc de Triomphe vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il n’en reste pas moins que la question des horaires d’ouverture des monuments se posera de manière accrue dans le cadre d’une exposition universelle, ne serait-ce que pour réguler les flux.

Les visiteurs sont également de plus en plus exigeants en matière de services annexes : l’offre de restauration, l’offre commerciale, les toilettes, les espaces à langer, l’existence éventuelle d’une nursery ou d’une crèche, tous secteurs dans lesquels la France est très en retard – un retard que Versailles rattrapera bientôt en partie, grâce au nouvel accueil créé par M. Dominique Perrault. Il est vrai que les monuments que nous exploitons ne sont pas toujours les plus adaptables. Les Britanniques sont passés maîtres en matière d’accueil. Leurs châteaux offrent une gamme de services faramineuse et d’une qualité incomparable.

Les visiteurs sont par ailleurs de plus en plus sensibles à la liberté d’aller et de venir. S’ils apprécient toujours une visite guidée de qualité, ils ont aussi une grande appétence pour l’autonomie et ne supportent plus de ne pas pouvoir déambuler librement tout en bénéficiant d’explications sur leur smartphone.

Enfin, la concurrence entre les activités culturelles et de loisirs est devenue considérable et touche le public tant français qu’étranger. C’est pourquoi nous procédons à la modernisation de notre site internet, en vue notamment d’élargir notre offre de services en ligne. Les visiteurs veulent pouvoir, en un seul clic, disposer de toutes les informations nécessaires, acheter les billets et le kit de visite, voire réserver la table de restaurant et la nuit d’hôtel à proximité. Cet enjeu est colossal dans l’hypothèse d’une individualisation du tourisme chinois. Tant que celui-ci se pratiquait dans le cadre de groupes organisés, le dialogue avec les tours opérateurs atténuait la nécessité d’offrir de tels services. Si le CMN ne se préparait pas à répondre aux exigences à venir des Chinois en termes de services annexes ou d’offres culturelles, nous risquerions tout simplement de disparaître. Le monument le plus visité du département d’Indre-et-Loire, qui compte pourtant un grand nombre de châteaux, c’est le parc zoologique de Beauval ! Le public arbitre entre des offres très variées.

S’il est vrai que le CMN est bien placé – des tarifs raisonnables et la gratuité jusqu’à vingt-cinq ans font de la visite d’un monument historique la sortie culturelle familiale par excellence –, il doit toutefois s’adapter aux besoins des visiteurs. Dans l’hypothèse de l’organisation d’une exposition universelle, c’est une véritable révolution culturelle qu’il faudra programmer pour 2025.

Quand la décision sera-t-elle prise ?

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Le dossier de candidature devra être déposé en 2016 et les 170 pays membres du BIE voteront en 2018. Les échéances sont donc relativement rapprochées.

Compte tenu du caractère tendu de la dépense publique – il ne saurait être question d’investir des milliards d’euros comme à Shanghai ou à Dubaï –, le projet est construit sur un modèle économique nouveau, qui vise à amortir les infrastructures existantes en tablant sur le patrimoine et les moyens de transports tels qu’il est prévu de les développer dans le cadre du Grand Paris. Une telle préfiguration reçoit de nombreux soutiens. Nous auditionnerons juste après vous la CGPME et le MEDEF : le monde des entreprises est en effet très intéressé à la réussite d’un projet qui concourra à la redynamisation de l’économie.

En Italie, en termes de mécénat, la contribution des grandes entreprises à la sauvegarde du patrimoine national est spectaculaire. Pensez-vous que les dispositions législatives et réglementaires actuelles, notamment d’ordre fiscal, qui permettent aux entreprises d’investir dans le patrimoine, sont suffisantes ou qu’il conviendrait de les améliorer, afin de favoriser la réalisation d’un projet qui repose sur la construction d’appendices provisoires ou définitifs au patrimoine existant ? Quel regard portez-vous, en termes de mécénat, sur la rencontre entre les grandes entreprises françaises, voire étrangères, et le patrimoine français ?

M. Philippe Bélaval. Je ne veux pas sortir de mon rôle, mais mon intuition est qu’une initiative telle qu’une exposition universelle ne saurait être supportée uniquement par l’État et les collectivités territoriales. Tout le monde devra s’y mettre !

La législation actuelle relative au mécénat est globalement avantageuse. J’ai par ailleurs noté que le Premier ministre souhaite relancer les partenariats public-privé, qui suscitaient encore récemment des réserves ou des inquiétudes : ce peut être l’amorce d’une nouvelle rencontre avec les entreprises. Le patrimoine, j’en suis sincèrement convaincu et je ne cesse de le répéter, c’est l’affaire de tous. Que des entreprises s’y impliquent davantage en France me paraîtrait une excellente chose.

Je déconseillerais toutefois d’adopter une législation ad hoc, dérogatoire à la législation patrimoniale existante, le goût de la majorité des acteurs pour le patrimoine étant relativement conservateur et régalien. Tout ce qui pourrait apparaître, à tort ou à raison, comme une tentative d’abaisser les protections afin de favoriser l’entrée des grands groupes risquerait de rompre l’unanimité entourant la question du patrimoine. Le désengagement de l’État et l’entrée du privé dans le patrimoine se heurtent déjà en France à des réticences intellectuelles et politiques.

Je reste à votre disposition pour procéder à un recensement de lieux susceptibles de vous intéresser pour le dossier de candidature. Toutefois, à mes yeux, mon successeur à la direction générale des patrimoines serait mieux à même de piloter l’exercice puisque celui-ci est susceptible de concerner un plus grand nombre de structures que celles que gèrent le CMN.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Je vous remercie, monsieur le président.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025

Réunion du mercredi 3 septembre 2014 à 15 heures

Présents. - M. Hervé Féron, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Bruno Le Roux

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Guillaume Bachelay, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Michel Couve, Mme Martine Martinel, Mme Claudine Schmid