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Mercredi 3 septembre 2014

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 33

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre-Olivier Bandet, directeur de cabinet du président-directeur général d’Air France, et de Mme Patricia Manent, directrice adjointe des affaires publiques d’Air France

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Pierre-Olivier Bandet, directeur de cabinet du président-directeur général d’Air France, accompagné de Mme Patricia Manent, directrice adjointe des affaires publiques de cette compagnie. Notre mission a pour objet d’analyser la pertinence d’une candidature de la France à l’Exposition universelle de 2025 – projet que vous connaissez bien puisque Air France a déjà contribué à nos côtés à sa préparation. Notre mission, qui a débuté en janvier dernier, s’achèvera dans un mois. Elle nous a permis d’entendre l’ensemble des acteurs qui pourraient être impliqués dans l’organisation d’un tel événement en France. Quel regard la société Air France porte-t-elle sur ce type de manifestation ? De quels moyens devrions-nous nous doter pour accueillir au mieux les visiteurs susceptibles d’y affluer, compte tenu de la configuration de notre offre actuelle de transports aériens ?

M. Pierre-Olivier Bandet, directeur de cabinet du président-directeur général d’Air France. Comme vous l’avez souligné, Air France fait partie des quinze partenaires d’ExpoFrance 2025. Malgré la situation financière difficile dans laquelle nous nous trouvons et le fait que nous avons beaucoup réduit nos partenariats, ce choix nous a paru évident car notre métier ne consiste pas seulement à faire voyager les Français à l’étranger, mais aussi à faire venir les étrangers à Paris ainsi que dans une trentaine de villes de France. C’est d’ailleurs afin de capitaliser sur les valeurs de la « marque France » que nous avons infléchi notre campagne de communication. Celle-ci s’appuie sur le slogan France is in the air et des références traditionnelles telles que les jardins à la française et les chaises à porteur – au traitement visuel desquelles nous essayons d’apporter une touche de modernité. Nous avons par ailleurs été très associés aux Assises du tourisme et croyons beaucoup à la volonté d’ores et déjà exprimée de développer la qualité de l’accueil. Cela suppose à la fois que de nouvelles infrastructures soient implantées au sein des aéroports et que nous formions nos personnels à l’accueil. D’ailleurs, nous sommes déjà confrontés aujourd’hui à l’enjeu de l’accueil des passagers chinois dans nos avions, qui exige que nos personnels opèrent une véritable révolution culturelle.

Dans le domaine aérien, Air France estime être tout à fait à même de relever le défi que constitue l’organisation d’un tel événement, tout en espérant pouvoir retrouver une assise financière qui lui permette de poursuivre son développement, notamment sur les vols long courrier. Notre ambition, à l’horizon 2025, est d’être encore davantage qu’aujourd’hui une entreprise forte dont le réseau se déploie sur l’ensemble des continents, dans le cadre d’un partenariat solide avec KLM et au sein de l’alliance SkyTeam. Air France transporte aujourd’hui 53 millions de passagers par an et dessert 180 destinations dans 103 pays : il s’agit donc de l’une des compagnies européennes dont le réseau est le plus étendu, comportant des positions fortes en Amérique latine, en Afrique de l’Ouest et en Chine. Notre ambition est de continuer à étendre ce réseau dans des conditions rentables. En termes de couverture mondiale, Air France se considère comme l’un des principaux hubs européens, devant British Airways en termes d’étendue du réseau, et au même niveau que Lufthansa.

Si une exposition universelle draine un afflux important de passagers sur une période relativement limitée, Air France achète ses avions pour dix ans et non pour un événement spécifique. Cela dit, au vu de notre expérience, ce type d’événements entraîne pour nous une hausse de 10 % de la demande aérienne de passagers sur la période concernée. Si beaucoup de visiteurs étrangers se rendent dans le pays d’accueil, de nombreux nationaux restent quant à eux dans le pays au lieu de se rendre à l’étranger, et ne prennent donc pas l’avion. Ainsi, en juillet dernier, lors de la Coupe du monde, nous avons enregistré une baisse de 25 % du nombre de passagers brésiliens sur nos vols par rapport au mois de juillet précédent, tandis que l’on assistait à une augmentation du nombre de passagers européens se rendant au Brésil. Quant au chiffre de + 10 %, il correspond à peu près à l’augmentation que nous avons observée sur nos lignes vers Shanghai lors de l’exposition universelle qui s’y est déroulée. L’exposition de Hanovre, pour sa part, a accueilli beaucoup moins de visiteurs que prévu, de sorte que notre offre s’est révélée surdimensionnée, comme celle de toutes les autres compagnies aériennes.

Une hausse de 10 % du trafic reste de l’ordre de ce qu’une compagnie aérienne sait gérer, comme elle le fait durant les mois d’été, en jouant sur son calendrier de maintenance des appareils – c’est-à-dire en décalant ses opérations de grand entretien –, en améliorant le remplissage de ses avions sur certaines lignes, en faisant appel à ses partenaires et en jouant sur les entrées et sorties d’avions dans sa flotte. Notre expérience et nos calculs comptables – qui intègrent l’aide de 70 à 80 millions d’euros que vous avez évoquée et que nous souhaitons obtenir pour l’événement – nous donnent à penser qu’une bonne planification nous permettra de relever le défi, d’autant que les autres compagnies renforceront elles aussi leur capacité.

S’agissant des infrastructures aéroportuaires, je formulerai la même remarque que pour les avions : les construire uniquement en vue de l’exposition n’a aucun sens. En revanche, la date de 2025 fournit un catalyseur à tous les projets en cours de gestation ou de réalisation. Ceux d’entre eux qui concernent l’accès terrestre aux deux aéroports parisiens – CDG-express, le Grand-Paris-Express et le raccordement routier à Roissy – nous paraissent indispensables au bon déroulement de l’exposition universelle. Cet accès est en effet très contraint actuellement en période de pointe. Sans le contournement est de Roissy, désormais lancé, nous risquons de subir une congestion importante entre la ville et les sites de l’exposition. Il conviendra également que le quatrième terminal de Roissy, actuellement en projet, soit livré, au moins dans sa première tranche, à l’horizon 2025. S’il s’agit là aussi d’accélérer des travaux qui devront de toute façon être réalisés en raison du développement du trafic aérien dans notre pays, l’échéance de l’exposition permet de leur assigner une date d’achèvement réaliste et objective.

L’exposition requerra aussi la réalisation de travaux de longue haleine, à laquelle nous nous sommes engagés avec les services de l’État, afin de fluidifier d’une part le parcours du passager lorsqu’il passe la frontière, et d’autre part les contrôles de sécurité, tant pour les passagers que pour les bagages. On peut imaginer que, d’ici à 2025, le système PARAFE soit généralisé, plus efficace et plus simple à utiliser. Une réflexion sur la sûreté des passagers s’impose également : comment éviter de rajouter encore des règles, des contrôles et des contraintes à ce qui existe déjà ? Mieux vaudrait remettre à plat les mesures de sûreté aérienne. La sécurité absolue et le combat contre les menaces terroristes – objectifs qui nous animent, nous aussi – ne doivent pas nous faire perdre de vue le parcours client et les coûts induits par tous ces dispositifs. Cela suppose également d’améliorer la délivrance des visas – domaine dans lequel de nombreux progrès ont déjà été réalisés. L’ensemble de ces mesures de simplification ont d’ailleurs été évoquées lors des Assises du tourisme.

Il conviendra par ailleurs d’améliorer la qualité de l’accueil que nous réservons à certaines cultures, ce qui suppose de revaloriser tous les métiers de contact avec le client. Cette question fait l’objet d’une réflexion de notre part : historiquement, tous les agents en contact avec le client dans nos aéroports ont une compétence essentiellement technique. Ces personnes regardent votre billet, opèrent des transactions pour imprimer votre carte d’embarquement, puis pèsent votre valise et la déposent sur le tapis. Or, ces fonctions techniques, qui font aujourd’hui la fierté des agents, sont progressivement automatisées et informatisées puisque l’on peut désormais imprimer sur internet non seulement sa carte d’embarquement mais également son étiquette bagage. Dans ce contexte, l’un des enjeux pour Air France est de former ses agents à l’accueil et à la résolution de cas complexes, autre forme de compétence qui n’est pas forcément naturelle dans des métiers historiques où la hiérarchie des valeurs porte davantage sur la compétence technique et la maîtrise de l’outil informatique. Il nous faut savoir expliquer que c’est dans le fait d’être à l’écoute du client, de parler sa langue et de résoudre ses problèmes que réside la noblesse de nos métiers. Je ne voudrais pas tomber dans une critique caricaturale de l’esprit des Français, mais nous rencontrons cette difficulté au quotidien sur nos lignes vers ou en provenance de la Chine. Cela nous a conduit à embaucher des interprètes et à travailler sur le produit chinois, notamment afin de traduire sous forme d’idéogrammes les informations les plus importantes.

Mme Patricia Manent, directrice adjointe des affaires publiques d’Air France. Nous avons adopté la même approche culturelle à l’égard des Brésiliens, des Russes et des Indiens.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. L’un des aspects qui nous importent est l’accès à l’exposition via les grandes métropoles françaises que sont Nantes, Bordeaux, Nice, Lyon, Toulouse, etc., car autour d’une exposition internationale s’organisent de nombreux colloques qui constituent souvent la porte d’entrée des visiteurs étrangers vers celle-ci. Quelle politique de développement de ses lignes internationales Air France mène-t-elle au départ de ces grandes métropoles ?

M. Pierre-Olivier Bandet. Chaque fois qu’Air France a tenté de développer des lignes long courrier directement au départ de villes de province, cela s’est soldé par un échec. Malgré l’open sky, les compagnies américaines n’y sont pas parvenues non plus, à l’exception du vol Nice-New York de la compagnie Delta. Du fait de l’organisation de la France, Paris concentre les flux de passagers « point à point », ainsi que les flux de passagers en correspondance vers l’ensemble de l’Europe. Cela nous permet de maintenir des dessertes quotidiennes, voire biquotidiennes, vers la plupart de nos destinations. En revanche, chaque fois que nous avons essayé d’offrir un accès direct de vols long courrier aux plus grandes villes de province de France, cela n’a pas marché.

Quant au développement des liaisons entre les villes françaises et l’Europe, compte tenu des conditions économiques de ce type de desserte, il ne pourra être envisagé par la marque Air France proprement dite. Au-delà des niches qui existent déjà et que nous réussissons à conserver, ce sont plutôt des marques tels que la low cost du groupe, Transavia, qui peuvent répondre à la demande vers ces destinations, car le niveau de recettes que l’on peut attendre est en règle générale très inférieur au coût induit pour la compagnie mère. Naturellement, lors de tel ou tel événement ponctuel, on peut organiser des vols supplémentaires, voire des vols charter.

En outre, Roissy reste notre point d’accumulation, de sorte que la liaison entre les villes de province et Roissy reste pour nous un axe stratégique, indépendamment de l’exposition universelle : cet aéroport nous permet d’acheminer les provinciaux vers Paris même, ainsi que lorsqu’ils doivent prendre un vol long courrier. Nous maintenons donc un réseau très dense vers ces destinations. Enfin, l’intermodalité, grâce à la présence d’une gare TGV à Roissy, constitue aussi un atout pour nous. Nous avons en effet constaté que, si l’arrivée du TGV à Strasbourg a quasi asséché la desserte aérienne de la ville, il est pratique d’avoir la possibilité, en coopérant avec la SNCF, d’y transporter des passagers en correspondance. C’est aussi vrai pour des villes où nous n’avons jamais eu de desserte aérienne, comme Tours. En revanche, comme cela a été souligné lors des Assises du tourisme, l’intermodalité est peu développée dans les aéroports de province, peu connectés aux réseaux ferrés régional et interrégional. Ce point pourrait donc également constituer un axe de réflexion.

Mme Patricia Manent. Sur ce plan, la France a pris du retard sur d’autres pays européens.

M. Bruno Le Roux, rapporteur. Bien que nous ayons déjà reçu le MEDEF et la CGPME, nous avons souhaité vous recevoir séparément, estimant que notre grande compagnie aérienne nationale avait un rôle particulier à jouer. Une exposition multi-sites ne concernant pas seulement l’Île-de-France, mais également les villes de province, je souhaiterais vous poser deux questions.

Tout d’abord, votre compagnie serait-elle capable de devenir un véritable partenaire de l’exposition universelle ? Pourrait-on notamment imaginer la délivrance de pass permettant, tout au long de l’événement, de monter facilement dans l’avion, nonobstant les questions de sécurité, de rejoindre les différents lieux d’exposition et d’y circuler librement ?

Ensuite, lorsque l’on évoque la volonté d’organiser une exposition multi-sites, on songe également aux sites que sont les grandes entreprises. Or, le « site » d’Air France, ce sont ses avions. On pourrait donc imaginer que l’exposition universelle commence lorsque le passager monte à bord, d’autant que, d’ici une dizaine d’années, le numérique se sera très certainement largement diffusé. On ne sait pas encore de quels moyens interactifs les avions seront alors équipés.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. L’expérience des visiteurs pourrait effectivement démarrer dans l’avion.)

M. Jean-Pierre Bandet. Absolument. Cela va tout à fait dans le sens de notre engagement dans ce projet. La délivrance de pass est complexe pour des raisons de sûreté. Cela étant, nous sommes tout à fait ouverts à l’idée de proposer aux visiteurs un abonnement couplé avec des entrées de site – même si le principe demande à être travaillé. De toute façon, nous allons participer, dans la mesure de nos moyens, au groupe de travail de l’exposition.

Mme Patricia Manent. Le nombre de sites envisagés en province est-il limitatif, ou sera-t-il fonction des candidatures que vous recevrez ?

M. le président Jean-Christophe Fromantin. À ce stade, sept ou huit grandes métropoles françaises peuvent raisonnablement s’investir dans le projet. Mais il y aura aussi une exposition off car, dès lors que l’on choisit comme thème l’hospitalité et que l’on vise à faire revisiter le patrimoine à l’aide des technologies numériques et à offrir une autre image de la France au monde, le programme officiel générera un programme officieux pouvant animer des régions entières, sur le même modèle qu’au festival d’Avignon. La question de l’irrigation du territoire, évoquée par Bruno Le Roux, constitue donc un élément stratégique. Dès lors que l’on propose un maillage riche de tout le territoire, l’expérience vécue dans les transports devient aussi importante que celle vécue sur les sites de l’exposition. L’innovation en la matière est donc un sujet qui nous intéresse – au-delà d’ailleurs de l’exposition universelle. La révolution des transports passe aussi par la manière dont on vit le temps de transport. Avec l’arrivée du numérique dans l’avion et la voiture, ce temps ne sera plus considéré comme perdu ou passif comme on peut le vivre aujourd’hui. Quand pourra-t-on naviguer sur internet dans les avions ?

M. Pierre-Olivier Bandet. Nous avons effectué des tests sur l’un de nos appareils. Si les solutions techniques ne sont pas totalement au point à l’heure actuelle, et si l’investissement est important, on peut néanmoins imaginer que, d’ici à 2025, nos appareils seront intégralement connectés pendant toute la durée de leur vol – ce qui modifiera en effet du tout au tout l’expérience du voyageur. Cela fera évoluer les distractions à bord puisqu’au lieu de stocker des films, on pourra disposer d’un serveur au sol envoyant des films en streaming. Vous avez donc tout à fait raison de souligner le fait que cette révolution numérique permettra de renforcer les liens entre Air France et cette exposition.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Le personnel d’Air France constitue un réseau d’ambassadeurs sans équivalent, compte tenu de la médiation qu’il assure auprès de votre clientèle. Les vols moyen et long courriers constituent ainsi une véritable interface d’échange. L’exposition universelle est-elle un projet de nature à mobiliser vos personnels ? Les métiers du personnel navigant seront-ils de plus en plus fonctionnels et technicisés, ou bien les missions de médiation et de communication se renforceront-elles au point de contribuer à ce grand projet dont nous discutons ? Dans quelle mesure le personnel d’Air France peut-il s’impliquer dans une telle opération ?

M. Pierre-Olivier Bandet. Il ne fait aucun doute que ce projet est mobilisateur et suscite l’enthousiasme de nos personnels. Il supposera effectivement que nous développions la communication appropriée.

S’agissant de l’évolution des métiers à bord, la situation est différente de celle des métiers au sol, car moins de tâches y sont susceptibles d’être automatisées. Il n’en demeure pas moins que nos personnels de bord devront accompagner la mutation technologique à venir. Le passager aura de plus en plus de latitude en termes d’organisation de son voyage, comme cela est déjà le cas s’agissant du développement des distractions. De plus, certains passagers préfèrent se concentrer sur leur écran, jugeant secondaire le contact avec l’équipage. D’autres continuent à souhaiter avoir avec lui un lien social. Nous investissons donc beaucoup en la matière, considérant que c’est l’un des caractères distinctifs d’Air France que la qualité de son personnel commercial – l’enjeu étant de représenter la France tout en nous ouvrant à d’autres cultures. Si la déstructuration du voyage est particulièrement vraie dans la cabine affaires, elle concerne de plus en plus tout l’appareil : auparavant, tout le monde était servi en même temps et le rythme était le même pour tous les passagers. Or, on évolue vers une individualisation croissante du métier, ce qui requerra plus d’attention et de différenciation pour nos personnels.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Nous vous remercions pour ces informations qui viendront enrichir le contenu de notre rapport.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025

Réunion du mercredi 3 septembre 2014 à 18 heures

Présents. - M. Hervé Féron, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Bruno Le Roux

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Guillaume Bachelay, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Christophe Bouillon, M. Jean-Michel Couve, Mme Martine Martinel, Mme Claudine Schmid