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Mercredi 10 septembre 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 34

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Pierre-Antoine Gailly président de la CCI Paris Ile-de-France, de M. Jean-Yves Durance, président de la CCI des Hauts de Seine, de M Etienne Guyot, directeur général de la CCI Paris Ile-de-France, accompagnés de Mme Véronique Etienne-Martin, responsable du département Affaires publiques et Valorisation des études

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Mes chers collègues, nous accueillons cet après-midi Pierre-Antoine Gailly, président de la Chambre de commerce et d’industrie de la région Île-de-France, qui est également vice-président de CCI France et siège au Conseil économique, social et environnemental. Il est accompagné de M. Jean-Yves Durance, vice-président en charge des salons à la Chambre de commerce de Paris et de la région Île-de-France, et président de Viparis qui exploite les sites de congrès et d’exposition de la CCIP ; de M. Étienne Guyot, directeur général de la Chambre de commerce et d’industrie de Paris (CCIP) et de Mme Véronique Étienne-Martin, conseillère parlementaire au sein de la CCIP.

Monsieur le président, madame, messieurs, je vous remercie d’avoir bien voulu accepter cette audition. Depuis le mois de février dernier, cette mission de la Conférence des Présidents recueille des informations susceptibles d’aider les parlementaires à apprécier la pertinence d’un projet d’Exposition universelle. Elle a entendu les organisateurs des expositions universelles passées, et la plupart de ceux qui ont travaillé à la mise en place de pavillons français ou au montage des dossiers de candidature française. Elle a rencontré les acteurs français du monde olympique, afin de connaître les ressorts d’une candidature et les raisons des échecs des candidatures de la France à certains jeux Olympiques. Elle a auditionné des universitaires, des architectes et des entrepreneurs, et s’apprête à tenir une table ronde avec des économistes.

Nous attendons beaucoup de cet échange. Nous aimerions connaître le regard que vous portez sur un projet comme celui-là. Un tel évènement peut-il contribuer à la requalification de notre territoire et à la valorisation de ses atouts ? Peut-il constituer un levier pour l’économie régionale, l’économie touristique ou l’économie liée à l’innovation ? Quel rôle, d’intermédiation, de promotion ou autre, une institution comme la Chambre de commerce peut-elle y jouer ?

M. Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI de la région Île-de-France. Un projet comme celui de l’Exposition universelle de 2025 entre non seulement dans la mission d’une chambre de commerce, mais encore dans les quatre grands champs que la loi lui demande d’occuper, à savoir les études, la formation, la gestion d’infrastructures et le conseil aux entreprises. Nous verrons donc comment nous croisons votre projet avec l’exercice, au quotidien, des missions que la loi nous confie.

Nul besoin de dire que nous soutenons ce projet. Nous y voyons un formidable instrument de développement économique, de relance et de cohésion pour une métropole qui se cherche quelque peu aujourd’hui, un accélérateur très significatif du projet qu’est le Grand Paris Express, et une source d’amélioration très significative de l’attractivité de la région capitale. Tout cela nous semble essentiel. Nul besoin de rappeler que nous sommes un établissement public, mais un établissement public dirigé par les chefs d’entreprise, bénévoles et élus. Nous savons ce que développement économique veut dire, tout en ayant parfois un point de vue différent de certains autres.

Reprenons nos quatre domaines d’intervention.

Le premier est celui de la formation. Dès le départ, vous avez été accompagnés par une professeure de l’ESCP Europe, une école de la chambre de commerce : Mme Florence Pinot de Villechenon, qui a consacré de nombreuses études sur ces grands évènements internationaux qui procurent des retombées significatives, que ce soit en matière d’image ou en matière économique. Nous pourrons aller au-delà avec d’autres écoles. Lors d’une réunion que vous teniez fin juillet, il a été envisagé de faire travailler l’école des Gobelins, qui pourrait participer à des éléments graphiques.

Le deuxième domaine est celui de la gestion d’infrastructures. Nous sommes le premier opérateur de congrès et de salons. Pour la région Île-de-France, ceux-ci représentent chaque année l’équivalent des retombées que procurent des Jeux olympiques : plus de 4 milliards d’hôtellerie, de commerce, de restaurants, et plus généralement de divertissements de toute nature. Le parallèle avec l’exposition universelle se fait naturellement, à la différence que celle-ci dure environ six mois, contre quatre à cinq semaines pour les Jeux olympiques. Nous avons donc quelques compétences en matière de gestion d’infrastructures, indépendamment du fait que les lieux de congrès et de salons pourront être mis à disposition, voire utilisés pour l’Exposition universelle. Et l’un d’entre eux sera alors flambant neuf : je veux parler du parc de la porte de Versailles qui aura fait l’objet de 500 millions d’euros de travaux.

Le troisième domaine est celui de l’appui aux entreprises. Comment attirer des entreprises, seules ou en réseau, dans cette formidable aventure ? Comment faire en sorte que l’Exposition profite à la cité, aux grands groupes, mais aussi aux PME ? Et je ne vise pas seulement les cafetiers ou les hôteliers qui accueilleront les visiteurs, mais les entreprises qui pourront participer à tel ou tel projet d’animation ou de mise en valeur. La CCI, tout en étant régionale, bénéficie de solides présences départementales dans les Hauts-de-Seine et du côté de Roissy. L’ensemble de nos réseaux de chefs d’entreprises pourra être mis à disposition.

Le dernier domaine est celui des études. Nous savons procéder à des calculs de retombées, de modèles économétriques. Cette compétence sera à la disposition des organisateurs de cet évènement.

Je terminerai en précisant que nous ne sommes pas encore formellement membres de l’association qui porte le projet, mais que nous voterons et signerons notre adhésion le 25 septembre en votre présence, lorsque vous viendrez présenter ce projet en assemblée générale.

M. Jean-Yves Durance, président de la CCI des Hauts-de-Seine. Je rappellerai en préambule que nous avons été assez impliqués dans une précédente Exposition universelle, en l’occurrence celle de Shanghai. Nous avons en effet été l’un des trois partenaires, avec la Région et la Ville de Paris, à développer dans la zone économique un pavillon spécifique « Paris-Île-de-France ». Cela nous a amenés à voir de près la façon dont les choses peuvent se passer. Par ailleurs, comme le rappelait M. Gailly, dès le départ, nous avons été associés, directement ou indirectement, à vos réflexions, et nous avons soutenu votre démarche.

M. le président Fromantin a présenté les expositions universelles comme des moteurs de l’innovation, des vitrines et des accélérateurs de l’économie, et des facteurs de rassemblement. Certes, mais la vision que vous portez aujourd’hui est extrêmement intéressante dans la mesure où elle constitue une rupture positive par rapport à un schéma d’exposition universelle qui a trouvé ses limites. J’en veux pour preuve la dernière exposition, de Shanghai, où le monde entier a payé des sommes importantes pour distraire le peuple chinois, qui représentait 95 % des visiteurs.

Nous avons effectivement besoin aujourd’hui d’un grand projet qui mobilise l’ensemble de notre pays et porte non seulement le développement économique des infrastructures, mais également le développement des idées. Nous étions justement ce matin chez la secrétaire d’État en charge du numérique, secteur qui a un impact considérable, pour voir comment accompagner les évolutions de cette nature. La forme même que vous envisagez pour cette exposition, en n’investissant que très peu dans le dur, mais en utilisant tous les atouts existants, sans compter ceux qui sont en cours de développement, nous paraît extraordinairement intéressante, apte à favoriser la réflexion, l’innovation et l’investissement au service des entreprises françaises.

Une exposition universelle représente un immense évènement, qui aura un impact très positif sur le moral des Français, en particulier celui des chefs d’entreprise. Elle leur donnera un objectif et une vision, tout en mettant en exergue la capacité de la France à se réinventer et à réinventer un domaine dans lequel, au XIXe siècle, elle fut un pays pionnier, aux côtés de l’Angleterre.

Il se trouve par ailleurs que les calendriers, qui ne relèvent pas du hasard, coïncident parfaitement avec certaines évolutions, en particulier avec celle du Grand Paris. En 2025, le réseau du métro express devrait être presque entièrement réalisé. Les arbitrages rendus par le Premier ministre et annoncés le 9 juillet en conseil des ministres, qui amènent à accélérer de deux à trois ans la réalisation des liaisons avec les aéroports, justifient la réalisation de l’exposition universelle. À l’inverse, l’exposition universelle imposera un calendrier qui permettra de sécuriser cette réalisation indispensable. D’autres évolutions en matière de transports s’en trouveront également sécurisées. Je pense notamment au projet Éole.

La consolidation de nos engagements collectifs en matière de développement et de modernisation des transports est un élément essentiel. Aujourd’hui encore, les infrastructures de transport réalisées il y a maintenant plus d’un siècle en milieu parisien représentent un atout. L’attractivité de Paris tient en partie à son réseau de transports – malgré certaines critiques. Autour de 2025, nous ferons un autre saut fantastique en matière d’infrastructures de transport. L’organisation de l’exposition universelle nous donnera l’occasion de le souligner et nous obligera, dans le même temps, quoi qu’il arrive, à tenir nos engagements.

Actuellement, nous recevons chaque année 50 millions de visiteurs. Mais l’évolution gigantesque du tourisme mondial fait que si la France et la région parisienne veulent garder leur position de leader, notre pays devra consentir des efforts considérables, non seulement en termes de structuration du tourisme – tourisme d’affaire et tourisme de loisirs – mais aussi en termes d’infrastructures et de gouvernance. Nous avons besoin pour cela de grands évènements prestigieux, ne serait-ce que justifier les investissements publics et privés qui seront engagés. L’Exposition universelle devrait durer six mois et accueillir quelques dizaines millions de visiteurs, probablement 50 ou 60 millions – ce qui n’est pas très loin du nombre de visiteurs de l’Exposition universelle de 1900. Voilà pourquoi il nous semble extraordinairement important d’avoir un tel projet. D’ailleurs, nous n’avons pratiquement aucune occasion d’avoir un autre projet de cette envergure.

Parmi les projets concurrents, les projets sportifs, qui nécessitent des infrastructures spécifiques dont le réemploi est extraordinairement difficile, ont un impact limité dans le temps et des retombées économiques presque exclusivement de type touristique. Pour nous, le projet d’exposition universelle est beaucoup plus porteur et donne un sens beaucoup plus fort.

Enfin, il est clair que la première exposition universelle du Grand Paris sera un élément fédérateur de la métropole. Et comme nous sommes intimement convaincus que l’évolution de notre territoire et la croissance française toute entière dépendent très largement de cette métropole du Grand Paris, il est d’autant plus important de pouvoir organiser un évènement de cette nature.

Nous devons bien entendu faire preuve de vigilance.

En premier lieu, il faut très rapidement décider collectivement quel projet nous souhaitons suivre, entre la candidature aux Jeux olympiques de 2024 et l’Exposition universelle de 2025. Il serait absurde de penser que l’on peut réaliser les deux, en termes de dépenses, en termes de structuration et d’organisation et même probablement en termes d’impact sur la vie des Parisiens et des Franciliens. Nous pouvons assurer une manifestation, mais pas deux. Or, sauf démenti de la part de M. le président Gailly, et même si les deux sont importantes, nous sommes plus enclins à supporter l’exposition universelle que les Jeux olympiques.

En deuxième lieu, il faut observer très attentivement nos concurrents potentiels. Jusqu’à présent, nous avons entendu parler de Londres, de Houston, de San Francisco, de Rotterdam, de Téhéran, d’Alexandrie, voire d’un site en Russie. C’est encore très flou. Mais nous ne pouvons négliger aucune candidature, vraie ou supposée, sérieuse ou pas. Nous avons connu, en particulier pour les Jeux olympiques, trop d’échecs dans le passé pour oublier qui que ce soit.

La structuration de notre projet doit être extraordinairement solide si l’on veut que notre lobbying, notre pouvoir de conviction soit fort. N’oublions pas que ce sont des nations qui votent, et que chaque nation a une voix : les petites et les grandes, les amies et les autres. Il serait absurde de s’engager dans un projet comme celui-ci et de ne pas gagner. Nous devons gagner et, pour y parvenir, nous en donner les moyens – ce qui n’est pas la chose la plus facile en milieu français.

Nous devons convaincre et éviter, lorsque nous présenterons ce projet, que son côté novateur ne joue contre notre candidature. Dans le roman Le Guépard, on lit que « pour que rien ne change, il faut que tout change ». Il nous faut donc démontrer qu’avec ce projet, nous nous inscrivons dans la continuité, que nous servons bien l’aspect universel de ce genre de manifestation, mais que nous apportons quelque chose. Le choix du thème, l’expression du thème et la présentation devront être d’autant plus soignés que nous serons en décalage par rapport à ceux qui vont expliquer qu’ils mettent 500 hectares à la disposition des visiteurs, et que le total de l’investissement sera de quelques milliards ou quelques dizaines de milliards d’euros.

En conclusion, si l’on veut que ce projet aboutisse, nous devons nous en donner les moyens. Mais il faut être prudent : ce projet est en rupture, il est innovant. Ce peut être un avantage, mais ce peut être aussi un inconvénient.

En troisième lieu, il faut veiller à notre capacité d’accueil – transport et hébergement. J’ai mentionné l’atout que représente le métro express du Grand Paris et l’intérêt de pouvoir « appuyer » l’exposition universelle sur cette structure. Mais il y a aussi les aérogares et les gares assurant, notamment, le transport inter régional. Le projet est certes basé sur la région Île-de-France, mais il s’appuie aussi sur un certain nombre de grandes métropoles régionales. La capacité d’accueil et de transport intégré est un élément absolument déterminant dont il faudra se préoccuper d’entrée de jeu.

Ensuite, nous recevrons entre 50 et 80 millions de visiteurs sur six mois. Même si nous avons aujourd’hui la première capacité hôtelière du monde, nous savons que celle de Paris et de la première couronne est insuffisante. La Ville de Paris affiche d’ailleurs une volonté tout à fait légitime d’augmenter significativement le nombre des chambres. Avant-hier, l’ adjoint au maire en charge du tourisme m’a indiqué qu’au minimum et en dehors même de cet évènement, il en faudrait 20 000 de plus.

Il faut donc accroître notre capacité d’hébergement, faciliter le développement hôtelier, bien segmenter ce qui est nécessaire et structurer beaucoup mieux la capacité des hébergements alternatifs que sont les flat hôtels ou les appart hôtels, mais aussi le logement chez l’habitant ou dans des résidences. En la matière, les attitudes sont contrastées, parfois ambiguës, voire schizophrènes, et une clarification s’impose.

Enfin, il faut sécuriser de manière absolue les dessertes des aéroports de Roissy Charles de Gaulle et d’Orly grâce au métro express du Grand Paris – faisant l’objet des nouveaux calendriers décidés par le Premier ministre. En même temps, il faut réaliser la liaison CDG Express, qui est indispensable. Les dessertes routières de ces aéroports doivent également être renforcées. Probablement conviendrait-il, à cette occasion, d’augmenter les capacités d’hébergement dans les environs des lieux d’entrée des étrangers sur notre territoire. Je pense bien sûr aux aéroports, mais aussi au territoire « gare du Nord/gare de l’Est », dont le développement actuel est très insuffisant de ce point de vue.

Voilà quelques éléments de réflexion sur un projet que nous considérons comme majeur et extraordinairement porteur, et qui intéresse toutes les entreprises avec lesquelles nous en avons parlé. Nous savons qu’il est possible de mobiliser le monde économique et le monde des entreprises autour d’un tel projet, qui est porteur d’espoir.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Je vous remercie pour ces informations et me réjouis de la détermination dont vous faites preuve. Je vous poserai une première série de questions. Selon vous, par quels moyens peut-on mobiliser les entreprises de l’ensemble de la région Île-de-France et les amener à s’impliquer dans une telle opération ? En montant des comités de soutien très en amont ? En associant ces entreprises aux défis que doit relever l’exposition ? Par quels canaux réaliser une osmose entre le tissu économique francilien et ce projet ?

M. Pierre-Antoine Gailly. Par définition, ces canaux sont multiples.

Il faut d’abord faire connaître et faire comprendre. En effet, lorsque l’on parle d’exposition universelle, on voit souvent 500 hectares, quelque part, avec des pavillons en dur. Vous proposez une approche différente, que nous soutenons. Mais cela suppose d’expliquer aux gens que la localisation sera multiple, avec des éléments centraux mais aussi des éléments périphériques utilisant les « nœuds » du Grand Paris Express, et que la mobilisation sera à la fois globale et locale.

Il faudra également mettre en avant la dimension multimédia du projet, dans la mesure où le digital permettra de communiquer plus aisément, comme vous nous l’avez démontré dans le film qui vous sert de « propagande » - au meilleur sens du terme.

Faut-il créer des associations ? Je pense qu’il ne faut pas raisonner en termes de structures – forcément lourdes, surtout s’il y a de l’argent public en jeu. Il serait préférable de commencer par « mettre la machine en route », afin d’emporter l’adhésion. À partir de là, la structuration de la démarche se fera assez naturellement. Et l’adhésion passe par la compréhension.

M. Jean-Yves Durance. Je rejoins complètement M. Gailly, en particulier sur le fait que dans les circonstances actuelles, les entreprises vont considérer qu’elles ont mieux à faire que de rejoindre des associations ou des réseaux. L’important est qu’elles voient apparaître progressivement, et de la manière la plus structurée et la plus claire possible, un projet dans lequel on les amènera à s’intégrer et à adhérer. L’approche sera d’ailleurs sans doute différente, suivant qu’il s’agira d’entreprises numériques très porteuses, ou d’entreprises locales que l’on pourra associer différemment au projet.

Ensuite, il me paraît évident que la structuration proposée pour l’exposition universelle est basée sur des réseaux. Il faudra donc la renforcer en bâtissant toute une série de réseaux. Ensuite, dès que le projet aura mûri, il faudra déterminer des lignes de force et proposer à certains de participer à des travaux et de s’intégrer à certaines réflexions. Plutôt que d’amener les gens à soutenir en bloc l’exposition universelle, il serait préférable, et davantage dans l’esprit d’une exposition universelle, de les amener à dire ce qu’ils peuvent apporter en fonction de ce qu’ils sont.

L’évolution du Grand Paris s’est faite pour partie sur la définition de zones d’attractivité forte autour d’un certain nombre de thèmes. Et nous y avons été partie prenante très tôt, puisque les réflexions mêmes du secrétaire d’État, Christian Blanc, autour des grandes zones de développement se sont appuyées sur les premiers travaux de la CCIP, qui ont commencé sur la zone d’Orly, puis sur la zone de La Défense. La démarche n’avait rien d’une spécialisation « ayatollesque » : on prenait en considération l’existant et on s’interrogeait sur les moyens de le développer.

Il faudra établir une corrélation entre ce que l’on va trouver dans des territoires qui ont déjà une forme de spécialisation, même non dite, et la façon dont l’exposition universelle va elle-même se structurer. Par exemple, dans les Hauts-de-Seine, dans la zone du Grand Paris Seine Ouest (GPSO), entre Boulogne et Issy-les-Moulineaux, il y a un point de force autour du numérique, et cela peut constituer une zone d’attraction. De la même façon, dans la partie Nord et en Seine-Saint-Denis, on peut sûrement exploiter ce qui existe dans le secteur de l’image. Je pense donc que la structuration se fera plutôt autour des thèmes que l’on retiendra et à partir des compétences et des points de force des entreprises.

M. Yves Albarello. Je suis ravi de l’engouement des représentants de la chambre de commerce de Paris, comme de celle des Hauts-de-Seine, vis-à-vis de cette exposition universelle. On les sent très motivés ! En outre, ils sont entourés de compétences. En effet, Étienne Guyot, avec qui j’ai travaillé pendant de long mois sur le Réseau Express Grand Paris, a rejoint la CCI. Il est aussi un pilier de l’organisation.

J’adresserai tout d’abord une remarque à Jean-Yves Durance : je crois qu’il ne faut pas opposer les Jeux olympiques et l’exposition universelle, même si on est plutôt favorable à l’exposition universelle et même si on sait qu’il serait difficile pour notre pays d’organiser les deux.

J’observe ensuite que le choix du thème sera déterminant. C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à débattre avec nous, car nous n’avons pas la science infuse et nous aurions besoin de votre éclairage.

Je considère par ailleurs que ce projet ne devra pas se contenter de mobiliser les entreprises, même celles-ci ont un rôle fondamental à jouer : ce doit être un projet fédérateur pour notre jeunesse. Et il ne touchera pas que nos territoires franciliens : il devra fédérer la France entière. Sinon, cela n’aurait pas de sens.

Certes, le réseau de transport relève de la compétence de l’État. Certes, le réseau du Grand Paris Express arrive au bon moment pour l’organisation de cette exposition. Mais nous devrons nous battre à propos du CDG Express. La principale porte d’entrée de notre pays est l’aéroport Charles de Gaulle, qui va devenir le premier aéroport européen dans les cinq prochaines années. Or sa desserte, tant routière que ferroviaire, est déplorable. La mise en place du CDG Express répond donc à un besoin impérieux. Je sais que l’État, RFF et ADP ont acté la création d’une société d’études. Restera ensuite à trouver les financements pour que ce réseau de transport devienne une réalité. En effet, sans financement et sans investissements, il ne se fera pas.

Enfin, un domaine nous échappe : celui de l’hébergement. Comme vous l’avez indiqué, nous allons devoir construire 20 000 chambres d’hôtel dans les dix prochaines années. Ce n’est plus du ressort de ceux qui sont en face de vous ni de nos gouvernants, mais du ressort du secteur privé. Quels leviers pourriez-vous activer, pour que nous soyons prêts, le moment venu, si le BIE désignait la France comme pays organisateur de l’exposition universelle ?

M. Pierre-Antoine Gailly. Nous n’opposons rien, nous nous limitons à traduire la manière dont peut être perçue, de manière caricaturale, l’organisation de Jeux olympiques : cela coûtera une fortune, entraînera l’embolie de la circulation pendant 15 jours et il n’en restera rien. Au contraire, le projet d’exposition universelle utiliserait ce qu’il est nécessaire d’investir dans la décennie à venir, ce qui relancerait la croissance – il vous impose par exemple de tout faire pour que le Grand Paris Express, CDG Express compris, ne prenne aucun retard et soit prêt à temps. Fondé sur des équipements déjà financés, ce projet serait un accélérateur de retour sur investissement. Je rêverais que les Jeux olympiques se tiennent un jour en Île-de-France mais, par les temps qui courent, il faut être raisonnable.

Et puis, le projet d’exposition universelle mobilisera la jeunesse, la génération de ceux qui auront 35 ans en 2025 et qui, toujours plus nombreux, auront créé des entreprises dans tous les métiers directement concernés.

Favoriser le développement hôtelier suppose que des capacités foncières soient libérées par les municipalités. Mais le projet concernant, outre la région Île-de France, des villes situées à une heure de Paris en TGV, on trouvera là d’autres capacités hôtelières – on peut d’ailleurs imaginer proposer aux visiteurs étrangers de l’exposition des forfaits associant Paris et d’autres villes. Il faut travailler tous les aspects de la question, sans négliger les nouveaux modes d’hébergement, y compris chez l’habitant, pour autant que les frictions avec certaines organisations professionnelles aient été réglées.

L’occasion est rarissime d’attirer 60 à 70 millions de visiteurs – des visites dont on peut attendre 10 milliards d’euros de retombées économiques, lesquelles, rapportées aux 30 milliards investis dans le Grand Paris Express, accéléreraient sérieusement le taux de retour sur investissement. Ce projet constitue aussi une incitation pressante, pour les pouvoirs publics, à la réalisation de ces investissements.

M. Bruno Le Roux, rapporteur. Vous donnez là des arguments supplémentaires en faveur de l’organisation de l’exposition universelle de 2025 à Paris dans la version que nous privilégions, avec des événements « in » et « off », son extension hors les murs permettant la multiplication des manifestations propres à mettre en valeur entreprises, territoires et culture. Dans cette perspective, les CCI seront des partenaires essentiels et je me félicite de votre enthousiasme, que partagent, unanimes, universitaires, élus et, d’une manière générale, tous ceux qui sont au cœur de l’activité économique.

M. Jean-Yves Durance. Je reviens un instant sur l’hébergement. La municipalité de Paris juge, comme nous, nécessaire la réalisation de 20 000 nouvelles chambres d’hôtel, et la Ville souhaite la construction de 12 000 de ces chambres sur son territoire et à proximité au cours du présent mandat. Plusieurs conditions doivent être réunies pour susciter ces investissements privés. La question foncière et celle de la transformation du bâti existant sont des facteurs importants. Mais, outre cela, il est fondamental de considérer les visiteurs, particulièrement les visiteurs étrangers, comme une catégorie de la population à part entière. Pourtant, ni la RATP ni la SNCF, traditionnellement habituées à traiter des relations avec l’usager fréquent, n’ont de cellule commerciale consacrée aux visiteurs « hors du territoire ». Il faut donc, très tôt, engager la transformation, indispensable en tous les cas mais que l’exposition universelle accélérera, visant à accueillir les visiteurs convenablement. Le développement de l’hôtellerie suppose par exemple que les rues de Paris soient propres, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Il faut aussi en finir avec ce que l’on observe à la Porte Maillot comme ailleurs : des files de 50 à 100 visiteurs s’allongeant devant deux pauvres distributeurs de billets de métro à la lenteur anachronique et qui contraignent les touristes à attendre une heure l’obtention d’un billet. L’investissement dans l’hôtellerie augmentera si l’évolution de l’environnement permet de penser que cela en vaut la peine. Il faut une vision d’ensemble de la gestion du tourisme de toute nature dans l’espace parisien.

Dans un autre domaine, les manifestations « off », et même le « off off », sont désormais intégrées à toutes les grandes expositions professionnelles ; on l’a vu lors de la Semaine de la mode, et à Milan lors du Salon international du meuble. Toute la population doit s’approprier l’exposition universelle ; si celle-ci concerne les seules entreprises, on ira à l’échec. Le tourisme ne doit pas être perçu, dans Paris intra-muros singulièrement, comme facteur de nuisances plutôt que de satisfaction. Nous devrons travailler en profondeur à faire que la France soit heureuse d’accueillir le monde entier, d’organiser des rencontres, de redevenir une nation universelle… Cette transformation doit être lancée dès maintenant.

M. Etienne Guyot, directeur général de la CCI Paris Ile-de-France. Le Grand Paris Express est la locomotive du développement économique national ; l’exposition universelle est le moyen de faire aller cette locomotive plus vite, de manière qu’en 2025 la région puisse mettre à la disposition des visiteurs le métro le plus moderne et le plus digital du monde, avec 69 gares qui seront autant de lieux de vie. La condition nécessaire est de permettre l’accélération du calendrier de réalisation du Grand Paris Express décidée par le Premier ministre – formidable nouvelle dont chacun se réjouit.

À cette fin, il est cinq facteurs sur lesquels vous pouvez peser. Le premier, le financement de l’infrastructure, se règlera sans trop de difficultés. Le deuxième concerne la Société du Grand Paris, EPIC dont l’effectif, en 2014, est de 125 équivalent temps plein ; chacun comprendra que l’on ne pourra avancer de trois ans la réalisation des lignes sans donner à l’opérateur public des moyens de pilotage supplémentaires pour mener le chantier à bien, et la loi de finances devra y pourvoir. La troisième condition fondamentale, c’est de préparer les entreprises à répondre à la longue série d’appels d’offres de marchés publics qui va être lancée. Elles devront disposer de personnel qualifié en quantité nécessaire pour que l’accélération des travaux souhaitée puisse se faire ; l’État, les collectivités et la CCI ont un rôle majeur à jouer en matière de formation. Vient ensuite la question foncière : le projet d’exposition universelle étant largement fondé sur les 69 nouvelles gares, il serait inconcevable qu’elles trônent, seules, au milieu de zones non aménagées, de champs de pommes de terre ou de friches industrielles ; tous les acteurs concernés doivent donc être mobilisés pour que les questions foncières en suspens soient réglées au plus vite. Enfin, le projet du Grand Paris traduit une ambition nationale consensuelle qui doit être portée politiquement à l’étranger. Un ministre devrait aller expliquer sans relâche hors nos frontières que l’État porte ce projet avec la région, les collectivités et les associations. Cela attirerait des investissements et prédisposerait favorablement la candidature de la France à l’exposition universelle de 2015 si elle était confirmée.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Une exposition universelle rassemble pendant six mois quelque 200 000 exposants venus du monde entier faire valoir leur offre. Comment conjuguer la forte demande de halls d’exposition ainsi induite avec le calendrier d’occupation traditionnel des lieux d’exposition en Île-de-France – par le Mondial de l’automobile par exemple ? Quelle est la marge de manœuvre disponible ? Quand, au plus tard, faudra-t-il réserver ces structures pour s’assurer de leur disponibilité ?

M. Jean-Yves Durance. Il est évidemment exclu de geler le fonctionnement de nos parcs d’exposition pendant six mois - ce serait gravement dommageable pour l’économie française. Le consortium Viparis gère 640 000 m² couverts, qui font de Paris-Île-de-France la première place mondiale en termes de centres de congrès et lieux d'exposition. Lors de la transformation de la délégation de service public en bail emphytéotique de 50 ans, nous avons pris l’engagement auprès de la Ville de Paris d’investir 500 millions d’euros en dix ans pour rénover le parc, mais non pour l’agrandir. La capacité de Paris Nord Villepinte pourrait être augmentée de quelque 100 000 m² ; nous devrons étudier la rentabilité de l’investissement. Nous avons déjà investi 100 millions d’euros en six ans dans la construction de 60 000 m² de halls supplémentaires.

Il faudra d’une part réserver tout ou partie des surfaces d’exposition dans les périodes les moins chargées, d’autre part insérer dans l’exposition universelle les manifestations les plus importantes : le Mondial de l’automobile, événement considérable en soi, qui trouverait naturellement sa place dans une exposition universelle dont l’un des thèmes serait la mobilité, ou encore du Salon de la mode. C’est une forme de « off » que d’utiliser ces manifestations pour les magnifier.

Mon rêve serait de faire de Paris un Davos permanent des expositions universelles… Je souhaiterais par exemple que le Mondial de l’automobile comme le Salon de l’aéronautique et de l’espace soient des occasions de réflexion approfondie sur ces industries. L’exposition universelle de 2025 peut le permettre. Je suggère d’aller dans cette voie plutôt que d’imaginer bloquer les halls d’exposition pendant six mois. Les grands congrès se décident quatre à cinq ans à l’avance et la tenue des salons récurrents est prévue en permanence. Ce sera l’une des forces de notre candidature que de proposer d’inclure les grands salons dans l’exposition universelle. Cela n’a jamais été fait, et cela permettrait d’englober une série de thèmes différents. Ainsi, la tenue du Salon de l'industrie agro-alimentaire, leader mondial dans son domaine, amène à reprendre sous une autre forme le thème choisi pour l’exposition universelle qui se tiendra à Milan en 2015. Dans tous les cas, le thème du réseau et de la mobilité s’impose pour une exposition universelle elle-même structurée en réseau.

M. Yves Albarello. Comment se répartit la superficie de lieux d’exposition dont Viparis est le gestionnaire ?

M. Jean-Yves Durance. Viparis gère 240 000 m² à Paris-Nord-Villepinte, 230 000 m² à Paris-Porte-de-Versailles – où nous allons construire, à l’emplacement du pavillon 7, un centre de congrès de 5 200 places, le plus grand en Europe –, 80 000 m² à Paris-Le Bourget, 40 000 m² au Palais des Congrès, et des surfaces plus restreintes au Carrousel du Louvre, à la Grande Arche de La Défense, à l’Espace Champerret ainsi qu’aux Palais des Congrès de Versailles et d’Issy-les-Moulineaux. L’ensemble représente les 640 000 m² mentionnés.

M. Yves Albarello. Des salons se tiennent-ils en même temps à la Porte de Versailles et à Villepinte ?

M. Jean-Yves Durance. Bien sûr, et nous nous y efforçons. L’immense avantage de l’accord conclu en 2008 entre la CCI Paris Île-de-France et Unibail-Rodamco – après que nous avons plaidé avec succès auprès du Conseil de la concurrence la thèse du « monopole vertueux » – est qu’il nous permet de mieux gérer les dates des différentes manifestations. Ainsi, en hiver, se tiennent en même temps le Salon de la mode à la Porte de Versailles et Maison et Objet à Villepinte, l’ensemble faisant de Paris la capitale de la création et du design et les deux manifestations se renforcent mutuellement. Nous visons, chaque fois que nous le pouvons, la coordination.

M. Hervé Féron. Une exposition universelle organisée en France, avec la formidable vitrine qu’elle offrirait, pourrait-elle donner un coup d’accélérateur aux exportations des entreprises françaises, dont on sait qu’elles exportent beaucoup moins que les entreprises allemandes et italiennes ?

M. Jean-Yves Durance. Certainement. Nous nous battons pour que les salons professionnels soient considérés comme un premier pas vers l’exportation. Une exposition universelle est un élément d’accélération des exportations car c’est un facteur d’innovation. Mais le développement des exportations passe obligatoirement par une croissance organique forte de nos entreprises - et, dans les secteurs où il n’y en a pas, par des agrégations – et par leur structuration. Combien de médailles de l’exportation ont récompensé des astres très vite morts ! Pour tirer parti de la formidable opportunité que serait une exposition universelle, pouvoirs publics et chambres de commerce devront œuvrer de concert à favoriser la structuration et la préparation de nos entreprises.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Messieurs, je vous remercie.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025

Réunion du mercredi 10 septembre 2014 à 16 h 30

Présents. - M. Yves Albarello, M. Hervé Féron, M. Jean-Christophe Fromantin, Mme Gilda Hobert, M. Bruno Le Roux

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Sylvain Berrios, Mme Martine Martinel