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Mercredi 10 septembre 2014

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 35

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Paul Huchon, président de la région Ile-de-France, accompagné de Mme Sophie Mougard, directrice générale du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF)

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Merci, monsieur le président, d’avoir accepté de participer à notre mission parlementaire sur la pertinence d’une candidature française à l’Exposition universelle de 2025. M. Bruno Le Roux et moi-même animons cette mission depuis environ six mois. Elle nous a amenés à rencontrer à la fois les acteurs des expositions universelles, en l’occurrence le Bureau international des expositions, tous les diplomates qui, de près ou de loin, ont représenté la France dans ces grands évènements, et toute une série d’acteurs universitaires, économiques, culturels, architectes, acteurs du Grand Paris et des réseaux de transport, qui sont concernés par le projet et dont nous avons besoin de connaître le point de vue.

Nous sommes très heureux de vous recevoir, dans la mesure où le cœur de ce projet est Paris et l’Île-de-France, le Grand Paris, avec son réseau de transport et son système de mobilités. L’Exposition universelle attirera plusieurs dizaines de millions de visiteurs sur six mois. Un tel projet a des dimensions économiques et culturelles, mais aussi sociales dans la mesure où toute une population accueillera le monde qui s’y sera donné rendez-vous.

Nous souhaitions connaître le regard que vous portez sur toutes les facettes de ce projet.

M. Jean-Paul Huchon, président de la région Île-de-France. Avant d’aborder la question des transports, parce que je suppose que c’est le sujet que vous voulez creuser avec nous, je dirai quelques mots des raisons qui motivent le soutien de la région Île-de-France au principe de la candidature de la France à l’organisation d’une exposition universelle en 2025.

Le Conseil régional a adopté un vœu de soutien et de mobilisation, présenté par un des groupes de l’opposition, mais voté par l’ensemble de ses élus. Je suis convaincu comme vous que notre région a besoin d’un grand projet qui conforte son attractivité dans la compétition mondiale, d’un catalyseur du développement touristique, et plus particulièrement de sa région capitale – en allant bien sûr au-delà de Paris.

La région Île-de-France, qui représente 31 % du produit intérieur brut national, qui est porteuse de dynamisme et d’innovation et résiste un peu mieux à la crise que d’autres parties du pays, ne pouvait qu’adhérer à cette initiative. Mais l’intérêt de cette candidature dépasse les seules retombées économiques ou les questions d’attractivité territoriale : ce qui est en jeu, c’est notre capacité à rassembler les Franciliens et les Français autour d’un évènement fédérateur, mobilisateur, créateur d’identité. Cette candidature sera populaire, elle sera soutenue par l’ensemble de la population, ou elle ne sera pas. L’implication des Franciliens – et donc leur mobilisation à chaque étape – me semble la condition sine qua non de l’acceptation de cette candidature.

Je dirai maintenant quelques mots sur le projet. J’ai été séduit par l’originalité du concept développé par les promoteurs, à commencer par son périmètre et son format.

Je salue votre souci de proposer une exposition ouverte, diffuse sur le territoire, qui valorise le patrimoine, tout en donnant à voir ce qu’est le nouveau visage vivant de l’Île-de-France, celui du XXIe siècle. Il ne s’agit pas d’un projet d’exposition nostalgique, « recroquevillée » sur la Ville Lumière.

Je ne puis qu’adhérer à une exposition universelle qui prenne toute la mesure et tire le meilleur parti des nouvelles dynamiques métropolitaines : le polycentrisme francilien de Paris à Saclay et de Montreuil à Évry, mais aussi Roissy et l’établissement de la Plaine de France. Bref, c’est un projet qui valorise le Grand Paris au sens large du terme, qui inclut la Grande Couronne, peut-être aussi l’axe Seine sur lequel nous travaillons très activement, mais aussi les métropoles régionales, et qui s’appuie sur la dimension de l’innovation numérique qui sera, je crois, un des éléments forts de la candidature.

Au-delà, j’ai noté votre volonté d’implanter cette exposition, pour l’essentiel, dans des infrastructures, espaces publics et monuments existants. Cela me semble sage, car l’heure n’est probablement plus aux projets pharaoniques, à l’alignement de pavillons nationaux ou à la création d’infrastructures dans des lieux à la reconversion toujours problématique. Dans ce type d’évènements, que ce soit celui-là ou les jeux Olympiques, il est difficile de savoir ce que l’on fera ensuite des équipements construits pour l’occasion. À ce propos, je me suis rendu compte, au cours d’une mission à Londres, que les Anglais avaient commencé à tirer parti de la reconversion du site des derniers jeux Olympiques.

C’est une évidence : en ces temps difficiles, l’adhésion populaire sera conditionnée par l’utilisation parcimonieuse des deniers publics. Mais cette candidature est une opportunité à saisir, si l’adhésion populaire est au rendez-vous.

Il me semble que les premières pistes que vous tracez témoignent de la volonté des promoteurs de remplir ces conditions. Je m’interroge toutefois sur la thématique principale de cette exposition. Les efforts de transition écologique ? Le numérique et l’ensemble de ses applications ? Le vieillissement, le handicap et les services à la personne, sujet auquel on ne penserait pas spontanément ? Le développement universitaire et la recherche ? L’Île-de-France compte en effet 45 % des chercheurs et plus de 600 000 étudiants.

Passons aux questions de transport. Mme Sophie Mougard m’aidera à répondre et à préciser notre pensée. La feuille de route sur les transports est connue : c’est celle du nouveau Grand Paris, qui a été actée le 6 mars 2013 avec le Premier ministre d’alors, M. Jean-Marc Ayrault. Ensuite, le 19 juillet 2013, le même Premier ministre est venu compléter les promesses de financement et d’investissement directement avec la Région et ses partenaires, que ce soit la Société du Grand Paris (SGP), les départements ou d’autres intervenants.

Le 9 juillet 2014, le Premier ministre, M. Manuel Valls, a affirmé que les engagements pris par le Gouvernement dans le cadre de la feuille de route du nouveau Grand Paris seraient tenus. C’est un point sur lequel je suis a priori rassuré. Ainsi, la mise en œuvre du Plan de mobilisation pour les transports – qui vise à l’amélioration et à la rénovation du réseau actuel – sera effective : extension à l’ouest du RER E, et prolongement à l’est de la ligne 11 du métro – deux sujets majeurs ; amélioration des RER, notamment le C et le D. On a déjà bien travaillé sur le RER B Nord, et on travaille maintenant sur le RER B Sud. Enfin, sur le RER A, la question du matériel roulant a été réglée de manière heureuse et commence à avoir des effets positifs. Mais évidemment, tout dépend d’Eole qui serait un élément important de « désaturation », notamment sur nos lignes critiques. Tout cela nécessite des investissements urgents, afin d’accroître la robustesse des réseaux et leur fiabilité.

Le Premier ministre a annoncé l’accélération de la livraison du Grand Paris Express et ses connexions avec les pôles de développement ; la desserte de l’aéroport d’Orly, qui fut une nouveauté intéressante de son intervention ; l’accessibilité du plateau de Saclay par les lignes 14 et18 ; enfin, l’accessibilité, grâce à la ligne 17, des zones d’activités situées entre Pleyel et Roissy. L’ensemble de ces travaux devra être accéléré en vue d’une mise en service en 2024 et non pas en 2027 comme prévu initialement dans le schéma qui avait fait l’objet de l’accord passé – notamment avec Maurice Leroy – au nom du gouvernement précédent.

S’agissant du financement du Plan de mobilisation pour les transports, nous n’avons pas pris de retard, mais il est désormais urgent – et je sais que Bruno Le Roux et de nombreux députés nous ont appuyés à l’occasion d’un débat un peu délicat sur la taxe de séjour – que le Premier ministre nous garantisse les 150 millions par an de nouvelles recettes régionales
– nous passerons ainsi de 350 à 500 millions par an, pour honorer ce plan de mobilisation – ainsi que, bien entendu, la part de financement de l’État dans le contrat de plan, qui est de l’ordre de 200 millions par an. Cela dépendait étroitement du sort réservé à la fameuse écotaxe, qui subit actuellement un certain nombre de modifications. Le Gouvernement réfléchit pour faire en sorte que la taxe apporte, sinon la totalité, du moins l’essentiel de ce qui avait été prévu. Nous avons pris acte de l’engagement de Manuel Valls de régler cette question dans le projet de loi de finances 2015. Car nous sommes très pressés.

Je ferai cependant quelques remarques à propos des transports. Dans le choix des sites, j’imagine que vous vous intéressez beaucoup aux sites autour des gares – également concernés par les engagements qui ont été pris dans les différents contrats de développement territorial (CDT). Mais je conseillerais qu’on ne se limite pas aux gares du Grand Paris Express. Il faut valoriser aussi les RER, même si, d’un point de vue pratique, on est obligé, dans ces gares, de donner la priorité aux flux et à la circulation des voyageurs. Cela oblige à faire en sorte que les démonstrations, expositions, lieux de passage ne viennent pas gêner les flux qui sont déjà largement saturés.

L’Exposition universelle servira sans doute de levier pour l’accélération des travaux, comme on avait pensé que ce serait le cas lorsque l’on avait présenté la candidature de la France aux Jeux olympiques – ceux qui sont devenus les Jeux olympiques de Londres. Évidemment, il ne faut pas que cela se fasse au détriment d’autres sites dont la desserte est prévue, mais qui ne seraient pas retenus pour les lieux d’exposition.

Enfin, nous sommes à la veille de la négociation – et, je l’espère, de la signature – des fameux contrats de plan. Par ailleurs, nous avons signé avec tous les départements des contrats particuliers qui ne sont pas totalement parallèles des contrats de plan, mais qui les complètent.

Nous avons eu récemment connaissance, par le Premier ministre, de l’enveloppe globale de notre contrat de plan : elle est un peu moins élevée que celle du précédent contrat de Plan, mais pas dramatiquement en dessous. Cette enveloppe, qui sera consacrée pour l’essentiel aux mobilités, ne nous paraît pas impossible à gérer. Si l’État accorde vraiment ce qui a été indiqué dans les protocoles signés avec les premiers ministres successifs, nous aurons les moyens de signer un contrat de plan de bonne qualité : il est absolument nécessaire pour Eole, pour la ligne 11 et pour l’amélioration des RER. Ce seront nos trois objectifs principaux au cours de la négociation. Je crois que le préfet de région est en train de disposer de son mandat de négociation, mais nous avons déjà beaucoup travaillé avec la préfecture de région sur les sujets majeurs, notamment en matière de transports. J’ai tendance à penser que si, politiquement, nous parvenons à le faire voter à l’assemblée régionale, malgré les traditionnelles récriminations, nous devrions le signer avant la fin de l’année. Dans l’optique de l’Exposition universelle, nous n’aurons pas beaucoup de temps, mais nous aurons la possibilité de gérer cette question du transport de façon positive.

Voilà ce que je voulais vous dire en introduction. Je n’ai pas d’état d’âme sur l’intérêt de cette opération. Je rappelle simplement que nous nous intéressons aussi à la question des Jeux olympiques de 2024, même s’il n’y a pas de véritable concurrence entre les deux dossiers. S’agissant des Jeux olympiques de 2024, le premier examen de la fiabilité du processus devrait avoir lieu entre novembre et décembre, à l’initiative du mouvement sportif, de l’État et de la région. J’ai noté que la Ville de Paris avait marqué une certaine réserve sur le sujet. Mais, pour notre part, nous sommes également partie prenante.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Madame, quel regard portez-vous sur la faisabilité, la pertinence et les limites du projet de candidature, vu sous l’angle des transports, domaine que vous connaissez très bien ?

Mme Sophie Mougard, directrice générale du Syndicat des transports d’Île-de-France. Nous disposons, en Île-de-France, d’un réseau de transports collectifs d’envergure, qui permet de répondre aux besoins de déplacements quotidiens : sur 41 millions de déplacements quotidiens, plus d’1,3 million sont effectués par nos systèmes de transports collectifs.

Que ce soit à travers sa mobilisation ou à travers le savoir-faire de nos opérateurs, ce réseau a su être au rendez-vous d’un certain nombre de grands évènements qui ont pu se dérouler dans la région : Coupe du monde de football, ou manifestations ponctuelles qui ont fortement sollicité le réseau, comme les Journées mondiales de la jeunesse en 1997. Par ailleurs, ce réseau répond aux besoins d’une clientèle touristique ; c’est ainsi, par exemple, que la desserte d’Eurodisney est empruntée par 15 millions de visiteurs chaque année. Ce réseau est donc un socle sur lequel nous pouvons nous appuyer.

Le dossier constitué en vue des Jeux olympiques de 2012, avec l’implication de l’ensemble des acteurs, a ouvert une perspective de développement et de mobilisation d’un certain nombre d’infrastructures et de services. À cette occasion, la qualité de notre système de transports et l’atout qu’il représentait pour notre candidature ont été unanimement reconnus. Si la France présente sa candidature à l’Exposition universelle de 2025, chacun des acteurs pourra le mettre en avant dans notre dossier.

En même temps, il nous faudra être attentifs. Un certain nombre d’améliorations et de travaux de développement, traduits dans le Plan de mobilisation porté par M. Jean-Paul Huchon avec l’ensemble des collectivités et repris dans le cadre du nouveau Grand Paris, sont nécessaires. En effet la croissance de l’usage du réseau, dans les dernières décennies, si elle est le reflet de la performance du système de transports, a montré les limites de ce système. Nous avons notamment rencontré des difficultés liées à la vétusté de certaines installations ferroviaires. Il nous faudra donc, non seulement améliorer et moderniser le système de transports, mais le développer au travers des nouveaux projets – plus d’une soixantaine – inscrits dans le cadre du nouveau Grand Paris.

D’importants programmes de rénovation et de modernisation ont été impulsés, sous la présidence de M. Jean-Paul Huchon, depuis la décentralisation du STIF. Ces programmes sont inscrits dans le Plan de déplacement urbain d’Île-de-France, qui est notre feuille de route d’ici à 2020. Ils commencent à se concrétiser. La construction, ex nihilo, d’un réseau de tramways est en cours – soit dix lignes de tramway, et plus d’un million de voyageurs à transporter au quotidien.

Il conviendrait de faire en sorte que les investissements programmés pour fiabiliser l’exploitation du réseau (et notamment du réseau RER) ou développer de nouvelles lignes (tramways, tram-trains ou Grand Paris Express) répondent aux besoins de l’Exposition universelle que l’on aura – autant que faire se peut – identifiés. Mais à l’inverse, et cela nous ramène aux propos du président concernant le choix des gares et des sites mobilisés, il serait opportun de ne pas surcharger la période de pointe. Le réseau est très fortement mobilisé à ces moments-là et il faudra s’organiser pour répartir la charge sur le réseau tout au long de la journée. Il me semble que pour un évènement comme une exposition universelle, c’est tout à fait envisageable.

La création de nouvelles lignes permettra d’augmenter les capacités, et de faciliter les déplacements de banlieue à banlieue, sans repasser par le cœur de Paris. C’est un des enjeux d’une approche multi-sites. Mais comme le disait le président, l’horizon 2025 est très proche. Entre les études, les procédures et les travaux eux-mêmes, pour l’ensemble des acteurs qui développent ce réseau, 2025, c’est demain.

En conclusion, il faudra tenir compte, autant que possible, des capacités existantes et projetées. Mais je pense qu’on a là un levier important pour mobiliser les ressources publiques nécessaires, et accélérer ces travaux.

M. Jean-Paul Huchon. J’ai peut-être oublié de dire un mot d’une question sur laquelle nous travaillons en liaison avec la SNCF, RFF, Aéroports de Paris et Air France : la liaison directe Paris-Roissy. Je n’ai pas d’état d’âme sur le sujet. Je crois même avoir proposé, au moment où ce dossier a été poussé par Antoine Veil et Philippe Essig au tout début de l’opération, de garantir un quart ou un tiers du financement pour un projet qui, à l’époque, était beaucoup plus onéreux que le projet envisagé maintenant.

Il est évident que cette question ne peut pas être traitée indépendamment du réseau de transports classique, et qu’il ne faudrait pas surprotéger la clientèle des aéroports par rapport aux usagers habituels. La SNCF, RFF, Aéroports de Paris et Air France réfléchissent d’ores et déjà à un système permettant de garantir davantage de sécurité et un meilleur accueil sur la ligne B. En effet, la réalisation de l’infrastructure aura lieu fatalement entre 2020 et 2023, et sera également indispensable pour l’Exposition universelle.

La région n’a pas prévu de participer au financement. Il se trouve en effet qu’à l’origine, un partenariat public-privé (PPP) avait envisagé. Or ce PPP a échoué pour des raisons qui regardent les maîtres d’œuvre. Maintenant, une nouvelle proposition a été faite. Elle consiste à faire fera appel à la taxe d’aéroport et à toute une série de financements possibles.

Pour ma part, je continue à penser que c’est indispensable. Je sais que, y compris dans mon assemblée, des groupes sont peu ouverts à cette question et considèrent, au fond, que l’avion n’est pas un mode de transport à favoriser. Mais en l’occurrence, on en a besoin et il faut que cela se fasse. D’ici là, il faudra essayer d’améliorer le fonctionnement du RER B. On l’a fait sur le plan des infrastructures et sur le plan du matériel – près de 550 millions d’euros sur le RER Nord, avec des résultats qui ont été un peu contrariés par les effets de grèves liées à des questions d’amiante ; mais aujourd’hui, cela va plutôt mieux.

En dernier lieu, la question de la sécurité et de l’accueil est absolument essentielle. On sait que le ministre des affaires étrangères, qui est maintenant chargé du développement international et du tourisme, pousse beaucoup en ce sens. Les entreprises en sont parfaitement conscientes. C’est un élément d’attractivité majeure. Pour la compagnie Air France, c’est une question vitale, comme son président nous l’a clairement confié. Cette question ne fait pas partie ni du Plan de mobilisation ni du Grand Paris. Mais, dans le cadre de l’exposition que vous projetez, elle est déterminante.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Dans quasiment toutes nos auditions, elle a été présentée comme étant un pré requis à une candidature, et devant faire partie de notre projet.

Mais vous avez fait une observation sur l’évolution des comportements, et sur le transfert modal de la voiture aux transports collectifs, qui fera l’objet d’investissements considérables. Je pense que si cette Exposition universelle avait bien lieu en 2025, il serait intéressant de faire de notre système de transports francilien une vitrine – accompagnement de nouveaux usages comme, par exemple, l’optimisation de la gestion des flux par le numérique. Selon vous, y a-t-il des domaines d’innovation qu’il conviendrait de stimuler ?

Mme Sophie Mougard. Certainement, et cela permettrait d’accélérer certains chantiers engagés. Le plan de déplacements urbains récemment adopté par la région Île-de-France met l’accent sur le report modal. L’objectif fixé à l’horizon 2020 est une croissance de 20 % des déplacements en transports collectifs, de 10 % des déplacements en modes actifs - marche et vélo – et la diminution à due concurrence des déplacements en voiture. L’enjeu, ce n’est donc pas seulement l’infrastructure linéaire, ce sont aussi les pôles d’échanges, pour faciliter les correspondances et la chaîne de déplacement. Il est essentiel en particulier d’informer le voyageur pour faciliter son cheminent. Actuellement, une centaine de contrats lient le STIF et des opérateurs de transport à ce propos, mais les plus petits d’entre eux éprouvent des difficultés à fournir les informations en temps réel. Or l’approche intermodale imposera de pouvoir dire quels outils de mobilité sont disponibles pour les voyageurs du quotidien et plus encore pour les touristes, voyageurs occasionnels qui ne connaissent pas l’offre dont ils peuvent disposer. La disponibilité de l’information en temps réel est donc l’un des chantiers que nous avons ouverts.

Il faut aussi améliorer la billetterie pour faciliter l’accès aux sites événementiels et permettre aux voyageurs d’avoir leur billet le plus simplement possible. C’est pourquoi nous travaillons avec les transporteurs au paiement des billets par le biais de téléphones mobiles munis d’une puce NFC. Une première expérimentation est engagée, associant Orange et Transdev ; elle vise à définir les attentes des voyageurs, occasionnels et réguliers. Une exposition universelle offrirait une vitrine qui valoriserait le savoir-faire de l’ensemble des acteurs.

M. Bruno Le Roux, rapporteur. En ma qualité de président du groupe de travail sur la compétitivité du transport aérien, je puis confirmer en premier lieu ce qu’ont martelé tous nos interlocuteurs sans exception, et le président de la Chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Île-de-France il y a une demi-heure encore : la nécessité absolue d’achever dans les meilleurs délais de la liaison CDG Express. Nous soulignerons cet impératif dans notre rapport.

Si l’exposition universelle se tient en 2025 en France, le réseau de transports régional devra absorber de 70 à 80 millions de voyageurs venus la visiter. Certaines lignes de transports collectifs et certaines destinations seront-elles d’un accès plus facile que d’autres ? Des fréquences supplémentaires sont-elles concevables pendant les six mois que durera la manifestation ?

Sur un autre plan, une exposition universelle suppose la mobilisation de la population, principalement à l’échelle de la région Île-de-France. Nous n’avons pas autant que d’autres pays l’habitude de former des bénévoles, et je ne vois pas de meilleur moteur que la région pour y contribuer. Par exemple, les capacités d’accueil doivent encore être améliorées ; peut-on préparer les Franciliens à accueillir des visiteurs chez eux ? La région pourrait être le meilleur porteur de l’indispensable mobilisation citoyenne.

Mme Sophie Mougard. Parce qu’elle dépend du dimensionnement du matériel roulant, la capacité d’accueil des voyageurs diffère selon les lignes. Elle est meilleure sur certaines, où elle peut s’anticiper sans trop de mal. La difficulté tient à la longue durée de la manifestation. Ainsi, sur les lignes de métro automatisées, on peut mobiliser l’ensemble des rames aux heures creuses, mais il faudra cependant prévoir des moments pour la maintenance. En revanche, pour les lignes du RER, on est au maximum de ce que l’on sait faire aux heures de pointe. Aussi, ma préoccupation tient à l’identification des sites et aux conditions dans lesquels ils seront fréquentés en fonction des événements qui y seront organisés : il faudra autant que possible veiller à ne pas superposer le flux des voyageurs quotidiens des heures de pointe, matin et soir, et le flux des visiteurs touristiques. Nous risquerions, sinon, de ne pouvoir les acheminer tous. Il conviendra aussi de prévoir l’accompagnement humain, avec une présence dans les gares pour orienter les visiteurs et garantir la circulation harmonieuse sur le réseau. Je ne puis donc vous dire aujourd’hui ni « c’est possible partout » ni « ce n’est possible nulle part ». Pour assurer une cohérence d’ensemble, des études devront permettre d’anticiper la nécessaire capacité des réseaux en fonction des sites sollicités.

M. Jean-Paul Huchon. Comme Mme Mougard vient de vous le dire avec une parfaite honnêteté, la difficulté tient à la saturation des lignes de RER, situation qui nous conduit à privilégier les chantiers qui faisant espérer une « désaturation », tels les travaux sur la ligne 13 et la nouvelle ligne 14 du métro. Le projet de ligne Eole devrait permettre de dé-saturer d’autres lignes ; il doit donc absolument être mené à bien. Mais cela implique un coût de 3,3 milliards d’euros aux conditions de 2012, ce qui pourrait absorber tout l’effort en matière de transport. Or, nous tenons à poursuivre d’autres chantiers en même temps et en particulier le prolongement des lignes 11, 4 et 12, également capital.

Nous avons aussi pour projet de passer à une tarification unique dans toute la région Île-de-France. Nous avons déjà fait une grande partie du chemin puisque le dézonage est déjà effectif 170 jours par an, mais il s’agit des jours pendant lesquels les voyageurs sont le moins nombreux. Cette décision a coûté plusieurs dizaines de millions d’euros mais le dézonage complet induirait une dépense estimée entre 450 et 550 millions d’euros, et nous ne pouvons consacrer des ressources à la tarification au détriment de l’offre de transport. C’est pourquoi la région a engagé une discussion avec la Chambre de commerce et d’industrie et le Medef sur l’hypothèse d’une légère augmentation du versement transport.

Comme la mode n’est pas à augmenter les charges des entreprises, il faut parvenir à un bon compromis. Or, même si le coût du Pass Navigo passe de 67 à 70 euros, les entreprises, notamment les grandes et moyennes, bénéficieront de ce que le remboursement dû à ceux de leurs salariés qui payent actuellement leur abonnement de transport jusqu’à 117 euros diminuera. Cet élément doit être pris en compte, car le dézonage ne doit pas produire un effet d’aubaine. La diminution du coût du transport - mesure favorable au pouvoir d’achat, qui a toute sa place dans le cadre du pacte de responsabilité – devra donc être financée ainsi, mais pas seulement. Mais cette décision politique très importante est d’une mise en œuvre compliquée, car les abonnements pour certaines zones de transport contiguës finiraient par coûter plus cher que le Pass Navigo, ce qui ferait des mécontents. De plus, le prix du Pass Navigo devrait être légèrement augmenté, il se pourrait que 1,5 millions de personnes bénéficient d’une baisse de 30 à 40 % du coût de leur abonnement mais que plus d’un million d’autres voyageurs constatent surcoût, non négligeable, de l’ordre de 3 ou 4 %. Il faut aussi décider si l’actuelle carte Imagine R, réservée aux jeunes, doit être incluse dans la nouvelle tarification. Il est certain que, pour la mobilisation que vous appelez de vos vœux, dire aux Franciliens qu’ils peuvent circuler plus librement aurait de l’intérêt.

Pour ce qui est de la mobilisation proprement dite, nous avons eu l’expérience positive du Championnat du monde d’athlétisme, qui a duré trois semaines, et aussi de la Coupe du monde de football, et la région est intervenue dans le recrutement et la formation des bénévoles – mais la durée d’une exposition universelle est tout autre. La mobilisation des bénévoles est un élément clef de la réussite ; elle était excellente lors des Jeux Olympiques de Londres, et c’est un facteur déterminant de toute candidature.

Lors de manifestations de ce type, la région joue un rôle central. Ainsi avions-nous financé pour partie les animations dans toutes les villes intéressées par la Coupe du monde de football. Nous pourrions le faire à nouveau, et aider les maires et les intercommunalités à assurer l’indispensable mobilisation populaire. On sait qu’elle figure au nombre des critères pris en considération par le Bureau international des expositions et qu’elle est plus difficilement acquise en France qu’ailleurs. C’est une des raisons pour lesquelles le concept d’exposition universelle que vous envisagez est intéressant : il mobilise chacun.

M. Hervé Pellois. L’expérience du bénévolat pendant un championnat du monde d’athlétisme ne me paraît pas être à la mesure de ce que suppose une exposition universelle. Maintenir la mobilisation n’est-il pas plus compliqué pendant six mois que pendant deux ou trois semaines ?

M. Jean-Paul Huchon. À cette occasion, nous avons pris en charge la formation de 10 000 bénévoles, en matière linguistique mais aussi pour ce qui concernait l’accueil et la sécurité. La région pourra être sollicitée à nouveau à ce sujet, même si elle ne règle pas l’intégralité du coût. La difficulté principale, comme cela vous a été dit, est que nous ne pouvons garantir aujourd’hui une disponibilité, une fréquence et une régularité comparables sur toutes les lignes, sans parler des problèmes de sécurité. Dans le cadre des contrats passés avec la SNCF et la RATP, la région finance la sécurité à des niveaux assez élevés, avec l’emploi de plus de 1 500 personnes à la RATP et de plus d’un millier à la SNCF. Nous allons engager la discussion portant sur la révision de ces contrats pour quatre ans à partir de l’année prochaine et nous avions prévu d’augmenter les effectifs, notamment dans le domaine de la sécurité et de l’accueil, car le renforcement de la présence humaine dans les transports en commun est déterminant pour la sécurité. Mais cela porte sur 170 personnes pour les quatre ans à venir… Les efforts engagés ont déjà donné des résultats, mais la réussite n’est pas encore complète parce qu’il y a eu un peu de retard, notamment à la SNCF.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Nous avions été quelque peu déstabilisés lorsque le commissaire de l’Exposition universelle de Shanghai nous a expliqué qu’il entendait mobiliser un million de bénévoles pendant six mois…

Vous avez évoqué tout à l’heure les thèmes qui vous sembleraient pertinents pour l’exposition universelle. J’ajoute que les étudiants qui ont travaillé sur la question ont insisté sur le thème de l’hospitalité.

Enfin, les compétences des régions en matière de développement économique seront sans doute renforcées. Dans quelques filières stimulantes l’Île-de-France vous paraît-elle avoir une carte à jouer ? Quels secteurs stratégiques pourraient être intégrés dans un projet de cette sorte pour servir de relais de croissance ?

M. Jean-Paul Huchon. La filière de l’audiovisuel et du numérique s’impose. La région aide l’industrie du cinéma à hauteur de 15 millions d’euros chaque année, aidant ainsi à produire 70 films et des dizaines d’œuvres audiovisuelles. Ces aides, parce qu’elles sont en général réparties dans les zones de la région qui sont le plus en difficulté, ont un effet de rééquilibrage intéressant à l’est et au nord ; des entreprises brillantes utilisant les nouvelles techniques numériques sont par exemple situées à Saint-Denis, à La Courneuve. Je rappelle que la 11ème Coupe du monde de jeux vidéo va se tenir à Paris. Une autre filière sur laquelle mettre l’accent est celle du « produire autrement », de la transition énergétique, de la rénovation énergétique des bâtiments, et notamment des bâtiments publics. La région construit déjà des lycées entièrement conçus en énergie positive. Les services à la personne sont toujours oubliés ; pourtant, dans ce domaine également, nous avons beaucoup à montrer. On pourrait aussi imaginer travailler sur le concept de nouvelle économie –l’économie sociale et solidaire et le développement des coopératives. Il serait par ailleurs inconcevable de ne pas élargir l’exposition universelle à la culture dans son ensemble, un champ qui différencie très fortement Paris et sa région d’autres candidatures potentielles. Cela pourrait se faire notamment autour de la musique, avec un appui à de grandes manifestations dans ce domaine.

On pourrait enfin mettre en exergue les nouveaux concepts en matière de circulation automobile, domaine dans lequel nous commençons à avoir un indiscutable avantage comparatif.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, madame Mougard, je vous remercie pour votre disponibilité.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025

Réunion du mercredi 10 septembre 2014 à 18 heures

Présents. - M. Jean-Christophe Fromantin, Mme Gilda Hobert, M. Bruno Le Roux, M. Hervé Pellois

Excusés. - M. Guillaume Bachelay, M. Sylvain Berrios, Mme Martine Martinel