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Jeudi 11 septembre 2014

Séance de10 heures

Compte rendu n° 37

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition commune, ouverte à la presse, de M. Jean-Luc Martinez, président-directeur de l’établissement public du musée du Louvre, de M. Hervé Barbaret, administrateur général, et de M. Éric Spitz, directeur général de la Société d’exploitation de la Tour Eiffel (SETE)

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Notre mission, qui doit s’achever le mois prochain, travaille depuis le mois de février dernier sur la pertinence d’une candidature française à l’exposition universelle de 2025. Au fil des auditions, nous avons acquis la certitude que notre patrimoine devait compter dans notre candidature. D’abord, parce qu’il fascine le monde entier, et qu’il constitue à ce titre un atout. Il permet aussi de ne pas faire rimer la modernité avec la seule nouveauté architecturale, contrainte qui permettra à l’innovation de valoriser l’existant. Ensuite, parce qu’il oblige à construire une exposition polycentrique, et des projets d’infrastructures consacrés à la mobilité. Enfin, parce que sa valorisation correspond à l’émergence d’un nouveau modèle économique. Nous entrons sans doute dans un cycle de croissance mondiale moins forte qui nous oblige à revisiter l’organisation des grands événements internationaux pour les rendre moins dépensiers.

M. Jean-Luc Martinez, président-directeur du Louvre. Le musée du Louvre a toute sa place dans un projet d’exposition universelle tant au nom de l’histoire, que par son caractère hors norme et son rayonnement culturel international.

L’idée du Grand Louvre actuel remonte à la première exposition universelle parisienne de 1855. C’est à cette occasion que Napoléon III a décidé de valoriser l’axe est-ouest de la capitale et d’achever le « grand dessein » des Bourbons en finissant de relier les palais des Tuileries et du Louvre. La nouvelle liaison côté nord a permis la construction de nouveaux bâtiments le long de la rue de Rivoli parmi lesquels le Grand Hôtel du Louvre qui devait permettre de recevoir les nombreux visiteurs affluant vers Paris. Par ailleurs, durant la seconde moitié du XIXe siècle, plusieurs collections acquises par le Louvre furent présentées au Palais de l’Industrie, emblème de l’exposition universelle de 1855, situé à l’emplacement actuel du Petit Palais et du Grand Palais. La relation entre le musée du Louvre et les expositions universelles est donc inscrite dans l’histoire.

Le musée du Louvre est un musée hors norme. En 2014, il franchira pour la troisième année consécutive le cap des neuf millions de visiteurs annuels – 9,7 millions en 2012, année de l’ouverture du département des arts de l’Islam, et 9,3 millions l’année dernière – alors qu’au début des années 1980, il en accueillait moins de trois millions. Sa fréquentation a donc été multipliée par trois en trente ans. Nous regardons nous-mêmes ce phénomène avec stupéfaction car aucun musée n’atteint ce niveau d’affluence qui nous rapproche de certains monuments historiques à forte fréquentation touristique, comme la tour Eiffel ou Notre-Dame de Paris. La composition du public du musée par nationalités ne correspond pas plus à celle traditionnellement observée dans les musées. Près de 70 % des visiteurs du Louvre sont en effet originaires d’un pays étranger, au premier rang desquels les États-Unis dont proviennent 900 000 personnes par an. On a compté ensuite 440 000 visiteurs chinois l’année dernière alors que l’on en recensait très peu il y a encore trois ou quatre ans, puis environ 220 000 Brésiliens. En 2014, les Chinois et les Brésiliens semblent moins nombreux, et les Européens sont plus présents. En tout état de cause, le public du monde est déjà à Paris et au musée du Louvre.

Le rayonnement culturel du musée du Louvre, de ses collections et de ses savoir-faire, constitue l’une de mes priorités depuis un an et demi. Il nous appartient de mener des actions internationales destinées à des publics étrangers que nous connaissons encore mal comme les Chinois, les Brésiliens ou tous les visiteurs venant d’Amérique latine, qui sont aussi nos publics du futur. Nous publions encore trop peu de documents dans trop peu de langues, même si nous traduisons actuellement notre audioguide en mandarin ou en portugais du Brésil. Des projets d’expositions devront aussi être développés dans les pays émergents, comme celle qui s’est tenue à Pékin l’année dernière, consacrée aux collections du musée du Louvre, et celle que nous espérons organiser en 2016, au Brésil, à l’occasion des Jeux olympiques.

Quelle place pourrait occuper le musée du Louvre dans une exposition universelle ? Ce qu’un musée sait le mieux faire, c’est organiser des expositions. Nous pourrions concevoir une exposition exceptionnelle par sa durée et par son ambition sur un sujet qui reste à déterminer. L’histoire du Louvre et ses collections en ont fait une vitrine du monde : ce pourrait être une thématique qui permettrait de refonder cette vocation universelle. J’appelle néanmoins votre attention sur le fait que, sur le plan scientifique et financier, un tel projet se prépare au moins cinq ans à l’avance.

J’en viens aux limites que pourrait rencontrer notre participation à l’exposition universelle.

Nous avons d’ores et déjà pris acte que nous ne pouvions plus accueillir correctement nos neuf millions de visiteurs annuels, sachant que d’ici à quelques années nous en recevrons sans doute dix à douze millions. Un projet d’investissement visant à rénover les infrastructures du musée – billetterie, bagagerie, restauration des visiteurs, toilettes… – est donc engagé depuis le début du mois et doit s’achever en avril 2016. Ce projet « Pyramide » est financé pour 57 millions d’euros grâce à la licence de marque du Louvre Abou Dabi, ce qui me permet, au passage, d’affirmer que cette coopération est une chance pour le Louvre. Malgré les efforts entrepris, il est inévitable de rencontrer un seuil de saturation qui est atteint à trente-cinq mille ou cinquante mille visiteurs par jour. C’est la raison pour laquelle nous conseillons de limiter la participation du musée en 2025 à un projet d’exposition.

Il y a dix ans, l’État a affecté au musée du Louvre la gestion du domaine des Tuileries sans qu’aucune dotation supplémentaire ne lui soit attribuée. Nous cherchons aujourd’hui des moyens financiers pour restaurer ce jardin qui a joué un rôle particulier dans l’histoire des expositions universelles à Paris – le fameux banquet des maires de France s’y est par exemple déroulé lors de l’exposition de 1900 –, et qui a beaucoup souffert lors de la tempête de 1999. Un projet décennal de « revégétalisation » a été rédigé avec l’architecte des Bâtiments de France responsable, dont le coût est estimé à environ 15 millions d’euros. La dé- végétalisation actuelle abîme les sols qui dégagent beaucoup de poussière. Toute organisation de manifestation entraîne des dégradations supplémentaires dans un espace très fragile. À moins d’investir d’ici à 2025, le jardin des Tuileries ne sera pas en mesure à cette date d’accueillir des animations « lourdes » au sens physique. Il faudra aussi compter avec les oppositions des riverains qui se manifestent déjà lors de la fête foraine annuelle.

M. Hervé Barbaret, administrateur général du Louvre. Une affluence de quarante mille visiteurs par jour constituant pour le Louvre un seuil de saturation, le musée ne sera en mesure d’accueillir durant les cent quatre-vingts jours de l’exposition qu’un maximum de 7,2 millions de visiteurs, en imaginant qu’il reste ouvert sept jours sur sept. Il faut donc avoir conscience que le Louvre ne pourra recevoir qu’une fraction des cinquante à quatre-vingt millions de personnes attendues pour l’exposition universelle, et ne pas créer une attente que nous serions incapables de satisfaire. Une offre spécifique dans le cadre d’une exposition permettrait peut-être grâce à une fluidité accrue d’accueillir un public plus nombreux. Il restera à résoudre de nombreuses questions d’ordre techniques comme celle de l’amplitude horaire de l’ouverture aux visiteurs, qui pose évidemment le problème des moyens notamment humains. Dès lors que des contraintes exceptionnelles supplémentaires pèseront sur le Louvre, il faudra mettre en œuvre des moyens exceptionnels.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Quelle surface le musée exploite-t-il aujourd’hui ?

M. Jean-Luc Martinez. Environ soixante mille mètres carrés.

M. Éric Spitz, directeur général de la Société d’exploitation de la Tour Eiffel (SETE). Parce que la tour Eiffel a été au centre de toutes les expositions universelles qui se sont déroulées dans la capitale depuis 1889, le directeur général de Société d’exploitation de la tour Eiffel que je suis ne peut qu’être enthousiaste à l’idée que cette expérience se reproduise en 2025.

Comme le Louvre, l’histoire inscrit la tour Eiffel dans une future exposition universelle. Le parallèle avec le Louvre vaut aussi pour l’ouverture de la ville sur un nouvel axe puisque le monument se dresse dans une grandiose perspective qui s’étend de Chaillot à l’École militaire.

Une exposition universelle est avant tout une vitrine prestigieuse pour des États qui veulent montrer leur culture, leur savoir-faire, et leur avancée technique. La tour Eiffel comme objet technologique a incarné en 1889 un projet à l’avant-garde des sciences et des techniques. Aujourd’hui, la Ville de Paris souhaite porter le projet d’une ville innovante, intelligente et connectée, inscrite dans la biodiversité. La tour Eiffel a été à la racine du progrès hier ; tout concourt à ce qu’on lui donne aujourd’hui les ailes qui la projetteront dans l’avenir.

La tour Eiffel a aussi toute sa place dans une exposition universelle parce qu’elle est d’abord une porte ouverte sur le monde. Ses visiteurs proviennent à 86 % de l’étranger. Elle symbolise la France entière plus encore que Paris, et il suffit de voyager pour constater son prestige. Comme le Louvre, nous recevons de très nombreux visiteurs venus des États-Unis. Les ressortissants chinois sont en revanche moins nombreux, mais les Brésiliens, les Italiens et les Espagnols sont très présents. Nos agents sont en permanence formés à plusieurs langues étrangères afin d’accueillir ces populations, et nous n’oublions pas que le monde entier ne parle pas l’anglais. J’estime qu’il est de notre devoir de diversifier les langues dans lesquelles nous accueillons le public.

J’en viens aux modalités éventuelles de notre association, et aux limites que nous rencontrerons.

La tour Eiffel, monument historique, accueille sept millions de visiteurs par an dans un espace incomparablement plus réduit que celui du Louvre. L’activité de cet établissement recevant du public (ERP) de première catégorie est contrainte par de très fortes limites physiques : le premier étage ne peut recevoir plus de trois mille personnes, le deuxième étage en reçoit au maximum mille cinq cents, et le troisième étage cinq à six cents. Autrement dit, la Tour Eiffel ne peut accueillir simultanément plus de cinq mille personnes. Malgré cette contrainte, nous parvenons lors des journées de très forte fréquentation, qui se situent autour du 15 août, à recevoir près de 35 000 personnes, soit une affluence quasiment comparable à celle du Louvre. Évidemment, lors de ces périodes, il est quasiment impossible de circuler dans le monument. La tour Eiffel se visite déjà de neuf heures jusqu’à minuit quarante-cinq, mais l’on pourrait imaginer d’étendre les horaires d’ouverture, à condition cependant de tenir d’avoir conscience que les très fortes fréquentations font beaucoup souffrir le patrimoine. En cas d’afflux de visiteurs à Paris, il semble en tout cas difficile d’accueillir beaucoup plus de public qu’aujourd’hui. Cette question constitue évidemment un enjeu dans la perspective d’une future exposition universelle.

Pour accueillir du public, il faut de l’espace et des infrastructures. N’oublions pas que ceux qui ont attendu dans les files d’attente pendant une heure commencent par se rendre aux toilettes ! Les visiteurs se déplacent sans doute pour le prestige d’un lieu, mais il faut que l’intendance suive. Peut-être vous paraît-il étrange que j’insiste sur les sanitaires, mais tout ce qui participe à l’accueil et au confort des visiteurs joue un rôle majeur. Les critiques relatives aux services rendus ou à la distribution de boissons, à la présence de pickpockets ou des vendeurs à la sauvette ont une influence considérable sur la satisfaction des visiteurs. Il ne suffit pas de disposer de monuments magnifiques et d’un passé historique incomparable ; il faut que tout soit réfléchi et parfait jusqu’au dernier bouton de guêtre pour offrir une expérience complète de qualité car c’est un ensemble que jugeront les visiteurs.

La tour Eiffel dispose d’espaces réduits au sol : son parvis mesure 125 mètres sur 125 mètres. La Mairie de Paris réfléchit à l’installation d’un accueil central en sous-sol qui permettrait d’abriter les files d’attentes et d’installer un pôle commercial permettant de générer les recettes indispensables à la vie du monument.

Vous souhaitez à juste titre qu’une future exposition universelle à Paris utilise le patrimoine existant et ne se contente pas de construire des lieux nouveaux. Il faut néanmoins que les exposants trouvent des espaces d’exposition. La tour Eiffel dispose aussi d’un sous-sol de 1 500 mètres carrés, situé sous le Champ-de-Mars, entre l’avenue Gustave Eiffel et l’avenue du Général Ferrié. Tout pourrait être imaginé pour le réaménager. Il faudra toutefois tenir compte des règles d’urbanismes et des contraintes administratives s’appliquant à une zone verte espace boisé classé, sachant que les architectes des Bâtiments de France sont particulièrement sourcilleux, et que toute modification concernant les sous-sols est aujourd’hui interdite. Il ne faut pas négliger par ailleurs l’hostilité éventuelle des riverains et des associations. Il est extrêmement difficile de construire dans les lieux emblématiques de Paris. Si l’on tient compte des délais nécessaires à la concertation, les dix ans qui nous séparent de 2025 ne seront pas de trop pour faire aboutir ce type de projet.

Des questions se posent également en termes financiers. M. Jean-François Martins, adjoint au maire de Paris, chargé des sports et de l’urbanisme, a déclaré devant vous le 4 juin dernier que la Ville était « naturellement disposée à mettre à disposition un certain nombre de ses grands monuments, au premier rang desquels la tour Eiffel ». Je rappelle que la tour Eiffel est gérée par une société d’économie mixte dont la Ville de Paris est actionnaire à 60 %, ce qui lui rapporte près de 11 millions d’euros tous les ans. Je la vois mal renoncer à cette recette pour quelque cause que cela soit. Il faut de plus que les visiteurs puissent continuer d’accéder à la tour. Quant aux constructions nouvelles, il faut réfléchir aux modalités de financement.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. La candidature de la France doit être déposée en 2016 afin que les États membres du Bureau international des expositions (BIE) votent en 2018. Le dossier transmis par la France devra comporter des propositions sur lesquelles un travail sérieux aura préalablement été effectué. Trois grands périmètres peuvent être choisis. Dans une zone centrale de Paris allant de la Défense au Louvre en passant par le Champ-de Mars et les quais de Seine, des animations pourraient s’adosser aux monuments de ce « village » et constituer des supports d’innovation. Les nouvelles polarités du Grand Paris permettraient d’assurer la représentation des pays exposants et de présenter les innovations. De leur côté, les grandes métropoles françaises accueilleraient les grands colloques qui se tiennent lors des expositions universelles.

Comment les monuments dont vous avez la charge peuvent-ils constituer les supports que j’évoquais ? Dans leur prolongement, quel potentiel d’innovations durables ou éphémères est-il possible de présenter ?

M. Jean-Luc Martinez. Les façades du Louvre ont déjà servi de support à une installation éphémère, œuvre d’une artiste vidéaste américaine, Jenny Holzer. Ce type de manifestation a un très fort potentiel d’attraction et permet d’accueillir un public bien plus nombreux qu’on ne pourrait le faire dans les salles du musée. Des projections extérieures nocturnes animeraient le domaine du musée Louvre qui comprend la place de la pyramide et la Cour carrée. Les jardins de Tuileries, entre l’Arc de triomphe du Carrousel et la place de la Concorde, se prêtent également à des animations éphémères qui feraient intervenir des artistes contemporains. Après tout, la place du Carrousel tire son nom d’une animation éphémère : Louis XIV y fit organiser en 1662 un spectacle équestre pour célébrer la naissance de son premier fils.

M. Éric Spitz. La tour Eiffel est traditionnellement un support pour présenter des grands événements. Aujourd’hui, la Ville ne souhaite pas transformer le monument en support publicitaire mais, il y a encore quelques années, une grande banderole suspendue entre le sommet et le deuxième étage s’affichait aux couleurs de Citroën. La tour a aussi été éclairée en bleu pour célébrer la présidence française de l’Union européenne, en rouge pour célébrer l’année de la Chine, ou aux couleurs de l’Afrique du sud. Le feu d’artifice du dernier 14 juillet a été exceptionnellement tiré depuis la tour Eiffel. Pendant le dernier tournoi de Roland Garros, une balle de tennis géante était accrochée au niveau du deuxième étage, et la tour sera associée d’une manière ou d’une autre à l’Euro 2016. Quant au Champ-de-Mars, il est depuis longtemps le lieu d’animations éphémères. Je rappelle que la fameuse Galerie des Machines y fut construite à l’occasion de l’exposition universelle de 1889 en même temps que la tour Eiffel.

La tour Eiffel constituerait un lieu idéal pour des animations extérieures. La Ville de Paris souhaite d’ailleurs renouveler le scintillement qui se produit actuellement toutes les heures. La technologie qui a évolué permettra de construire des architectures lumineuses sophistiquées avec des dessins, des couleurs…

Mme Catherine Quéré. M. Spitz a raison concernant un point essentiel, l’accueil. S’il est défaillant, la visite du plus merveilleux monument peut être totalement gâchée.

Une exposition universelle ne constituerait-elle pas une excellente occasion de remettre en valeur le jardin des Tuileries ? Les travaux nécessaires sont-ils à la seule charge du Louvre ? La Ville de Paris ne pourrait-elle pas y participer ?

M. Jean-Luc Martinez. L’idée est excellente ! L’entretien et la gestion du jardin des Tuileries sont aujourd’hui à la charge du musée du Louvre sans que l’État ne nous verse de subventions supplémentaires. Une exposition universelle serait une excellente occasion de mobiliser les pouvoirs publics. À ce jour, malgré une recherche de mécénat, nous ne disposons pas du moindre centime pour financer les 15 millions d’euros nécessaires aux travaux.

M. Hervé Barbaret. Le jardin des Tuileries coûte au Louvre 4 millions d’euros par an dans le seul but de le maintenir en état et d’éviter des dégradations supplémentaires ; deux millions d’euros sont dépensés en investissement et deux millions en fonctionnement.

M. Yves Albarello. Le Champ-de-Mars accueille d’ores et déjà des manifestations publiques de grande ampleur. J’ai pour ma part un souvenir extraordinaire d’un concert qu’y a donné Johnny Halliday en 2009.

Monsieur Spitz, au-delà du nombre des visiteurs qui entrent dans la tour Eiffel, avez-vous une idée du nombre de personnes qui viennent voir le monument et le photographier ?

Quel est le montant du chiffre d’affaires de la tour Eiffel ?

Monsieur Martinez, vous avez besoin de 15 millions d’euros pour remettre à niveau le jardin des Tuileries. Sachant que le Louvre accueille tous les ans neuf millions de visiteurs, ne pourrait-on pas augmenter temporairement le prix du billet et affecter la recette supplémentaire au financement de ces travaux ?

M. Éric Spitz. Si nous savons que le nombre de visiteurs de la tour Eiffel approche les sept millions, nous n’avons aucune idée concernant la population qui la photographie ou qui vient simplement la voir. Il faudrait sans doute au moins multiplier nos données par dix.

Notre chiffre d’affaires, qui s’élève environ à 75 millions d’euros par an, nous permet de verser 10 millions d’euros par an à la ville de Paris et d’autofinancer quasiment 15 millions de travaux par an – notre programme contractuel d’investissement sur la période 2005-2015 se monte à 150 millions.

J’appelle votre attention sur les modalités de financement si la tour Eiffel devait être mise à disposition, car elle a perpétuellement besoin d’être rénovée et entretenue. Il faudra par exemple la repeindre et sans doute, dans un délai assez bref, en décaper certaines parties car les couches ne peuvent pas être indéfiniment superposées – nous devons en être à la dix-huitième aujourd’hui.

M. Jean-Luc Martinez. Monsieur Albarello, le budget du musée du Louvre s’élève à 230 millions d’euros annuels qui proviennent pour moins de 50 % d’une dotation de l’État. À ce jour, les faibles augmentations du prix du billet, actuellement fixé à 12 euros, ont systématiquement entraîné une baisse de cette subvention. Je crains en conséquence que la méthode que vous suggériez ne puisse vraiment s’appliquer, à moins que ceux qui votent le budget n’en décident autrement…

Je précise également que plus de la moitié de notre public bénéficie de la gratuité qui a par exemple été accordée récemment à tous les visiteurs de moins de vingt-six ans ressortissants de l’Union européenne. Nous ne recevons en conséquence que quatre millions et demi de visiteurs payants.

Plus de la moitié de notre budget provient de ressources propres : billetterie, ressources issues des concessions, et mécénat.

Le prix du billet passe de douze à seize euros lorsqu’il donne également accès aux expositions. Il a augmenté d’un euro l’année dernière, et nous avons demandé une nouvelle hausse dans le seul but de compenser la baisse de la dotation. Nous sommes loin de pouvoir financer nos investissements grâce aux modifications de tarif.

Les investissements que nous devons consentir sont tels qu’il nous est aujourd’hui difficile de dégager les 15 millions nécessaires à la mise en valeur du jardin des Tuileries. Le projet « Pyramide » coûtera 57 millions d’euros qui proviennent de la licence de marque du Louvre Abou Dabi. L’externalisation de nos réserves afin de les sauver d’une éventuelle crue de la Seine nécessite par ailleurs d’investir au total 60 millions d’euros. Nous sommes en négociation avec la région Nord-Pas-de-Calais qui devrait prendre en charge la moitié de ce montant. Encore faut-il trouver les 30 millions manquants !

L’augmentation du prix du billet ne constitue malheureusement pas une solution, même si le musée du Louvre est probablement, dans sa catégorie, le moins cher du monde. Je rappelle que l’entrée au Metropolitan Museum coûte 25 dollars, au Prado, 14 euros, et que le billet d’entrée au musée du Vatican est vendu 15 euros.

M. Éric Spitz. Le sommet de la tour Eiffel est au même prix !

Mme Claudine Schmid. Messieurs, malgré toute votre bonne volonté, il est clair que la participation des monuments dont vous avez la charge à une future exposition universelle serait limitée par le nombre maximal de visiteurs qu’il vous est possible d’y accueillir. Un couplage des billets d’entrée à l’Expo et dans vos établissements est-il envisageable ou souhaitez-vous plutôt gérer le flux de vos publics de façon indépendante ?

M. Jean-Luc Martinez. Les données que nous vous avons fournies montrent que le musée du Louvre n’aura pas les capacités d’accueillir tous les visiteurs d’une exposition universelle qui se tiendrait à Paris. C’est pourquoi nous avons suggéré l’organisation d’une grande exposition. Pourquoi ne pas imaginer qu’un billet unique au tarif spécifique permette d’accéder à la fois à cet événement et à l’exposition universelle ?

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Un couplage des billets d’accès au Louvre et à la tour Eiffel a-t-il déjà été expérimenté ?

M. Éric Spitz. Non ! L’office du tourisme de Paris propose actuellement des billets donnant accès à plusieurs sites, mais la tour Eiffel n’en fait pas partie. M. Jean-François Martins évoquait devant vous le 4 juin dernier la création d’un City pass « tout en un » qui pourrait être mis en place dès l’Euro 2016. La tour Eiffel ne peut accueillir simultanément qu’un nombre relativement limité de visiteurs. Cela est d’autant plus vrai que nous somme totalement tributaires des moyens d’ascension. Tous les visiteurs doivent emprunter les ascenseurs qui ne peuvent acheminer qu’un nombre restreint de personnes par tranche horaire. La programmation indispensable des visites rend difficile l’intégration du monument à un City pass car nous devons impérativement maîtriser le nombre de billets vendus et les horaires d’accès – cela est d’autant plus difficile que certains ascenseurs restent parfois en panne pendant plusieurs jours.

M. Hervé Barbaret. Le Paris museum pass donne aujourd’hui accès à plusieurs musées et monuments de Paris et de sa région.

Les publics qu’une augmentation du prix du billet d’entrée pourrait dissuader de venir au musée du Louvre – les jeunes, les RMistes, les chômeurs, les handicapés…bénéficient d’un accès gratuit. De façon quasi mécanique, les visiteurs payants qui ne représentent que la moitié des entrées auraient donc les moyens d’acheter un billet dont le prix pourrait être plus élevé si l’on considère l’offre culturelle proposée et les prix pratiqués par les autres grands musées du monde.

Durant les cent quatre-vingts jours de l’exposition universelle, nous serons inévitablement confrontés à une inadéquation entre l’offre et la demande car une partie non négligeable des cinquante à quatre-vingts millions de visiteurs voudra avoir accès au Louvre ou à la tour Eiffel, ce qui sera impossible. Une inadéquation entre l’offre et la demande ne se résout que par deux moyens : le prix ou la pénurie, c'est-à-dire, dans ce dernier cas, la file d’attente ou le « service non rendu ». Je n’apporte pas de réponse, mais il me paraît clair que l’inadéquation évoquée nécessite une réflexion sur la tarification qui pourrait par exemple être modifiée pour la période de l’expo tant que la gratuité est maintenue pour les publics ciblés.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Il existe tout de même un troisième levier : la projection extérieure de vos monuments, de vos collections et de vos projets. Elle peut aussi bien se faire dans votre environnement proche que dans le Grand Paris, ou même beaucoup plus loin. Pourquoi, par exemple, ne pas utiliser les réserves du Louvre en région et rendre possible la visite des coulisses de telle ou telle rénovation ?

Cette question du prolongement de notre patrimoine est pour nous essentielle. Elle est corrélée à celle du lancement d’un grand emprunt obligataire. Au XIXe siècle, la construction des grands monuments des expositions universelles était financée grâce à des souscriptions d’État qui faisaient appel à l’épargne populaire. Comment retrouver cette dynamique à l’horizon de 2025 ? Des investissements d’avenir valorisant le patrimoine et représentant 1 à 10 milliards d’euros permettraient de construire les « externalités » d’une exposition universelle. Il est en effet hors de question pour nous de bâtir un projet sur une perspective de saturation : nous devons dépasser les limites que vous avez évoquées. Le succès de l’événement et la perspective de croissance qu’il porte devraient permettre avec la garantie de l’État et la participation de la Banque européenne d’investissement (BEI), de diriger une épargne vers un projet qui constitue en lui-même une sorte de perspective macroéconomique et de plan de relance assis sur le patrimoine. Le financement doit constituer un élément d’innovation du projet de l’exposition universelle.

Messieurs, je vous remercie.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la candidature de la France à l'Exposition universelle de 2025

Réunion du jeudi 11 septembre 2014 à 10 heures

Présents. - M. Yves Albarello, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Bruno Le Roux, Mme Catherine Quéré, Mme Claudine Schmid

Excusé. - M. Guillaume Bachelay