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Mission d’information commune sur la banque publique d’investissement, Bpifrance

Jeudi 19 février 2015

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 7

Présidence
de Mme Véronique Louwagie,
Présidente

–  Table ronde, ouverte à la presse, réunissant MM. Bernard COHEN-HADAD, président de la commission Financement de la CGPME, Jean-Guilhem DARRÉ, délégué général du syndicat des indépendants, Emmanuel LANDAIS, directeur général de l’ADIE, André MARCON, président de CCI France, Alexandre MONTAY, délégué général de l’ASMEP-ETI et Thibault LANXADE, président du pôle entrepreneuriat et croissance du Medef.

Mme la présidente Véronique Louwagie. La mission d’information commune sur la banque publique d’investissement Bpifrance poursuit ses travaux avec une table ronde portant sur le service rendu par cette institution aux petites et moyennes entreprises pour déterminer en quoi Bpifrance a-t-elle permis de répondre aux besoins de financement des entreprises ?

M. Bernard Cohen-Hadad, président de la commission Financement de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME). Dès février 2011, alors que le sujet n’était pas d’actualité, nous avions appelé de nos vœux la création d’une banque publique d’investissement, avant de préciser notre attente en avril 2012 : ce devait être une véritable banque publique des entreprises regroupant tous les métiers du financement des petites et moyennes entreprises (PME), mais aussi des très petites entreprises (TPE). Le monde des aides publiques aux entreprises était atomisé, le besoin d’un guichet unifié – par préférence à un guichet unique – s’adressant à tous types d’entrepreneurs se faisait sentir. Les intéressés avaient besoin de se développer tant sur le marché national que sur le marché européen ou dans les pays tiers. La création de Bpifrance, en 2013, a répondu à nos attentes.

Aujourd’hui, sous réserve de possibles aléas liés à la crise, la CGPME considère que l’opération est réussie. Bpifrance a su capitaliser sur la bonne image d’OSEO, ce qui, en janvier 2013, alors qu’il était question de conserver ce nom pour la nouvelle institution, n’était pas évident. Si le pari a été tenu, c’est grâce à la qualité, à la compétence, au dynamisme et au dévouement des équipes, c’est grâce à Nicolas Dufourcq – dont l’action a été d’autant plus méritoire qu’il n’est pas issu du monde des PME, mais de celui de la grande entreprise –, et aux directeurs qui ont su assembler au sein d’une entité unique trois ou quatre métiers au départ disparates.

Alors que nous pensions que le préfinancement n’était pas le meilleur outil pour nos entreprises, j’ai pu écrire, depuis, qu’il ne fallait pas tirer sur le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Ce dispositif bénéficie aussi aux TPE ; pouvoir leur fournir un préfinancement parfois de 850 euros constitue une mesure d’ordre public.

Bpifrance a su présenter des offres lisibles en période de crise. Les patrons de PME et de TPE ne sont pas des spécialistes du financement. Bpifrance a réuni six métiers qui vont de la garantie jusqu’au capital développement. Ces offres ne s’adressent pas à toutes les entreprises, car l’institution n’est pas une banque universelle et ne propose pas d’accès direct, mais vient souvent en garantie pour nos entreprises. Elle constitue donc un élément complémentaire et permet un effet de levier pour les entreprises à la recherche de capitaux.

Comment assurer la pérennité de cette réussite ? Nous sommes encore en période de crise et nos entreprises ont besoin de soutien : le niveau d’investissement est faible et, dans le domaine de l’export, c’est le désert. La BPI doit rester une banque publique et ne pas se prendre pour une banque comme les autres, car son attrait réside précisément dans sa singularité. Il faudra qu’elle dispose de davantage de moyens humains pour s’adapter à un monde du financement qui a changé. Les banques universelles sont devenues plus agressives – ce qui est une bonne chose – et elles appliquent la règle du « un pour un ». La BPI doit continuer à mettre en place ses outils, à accompagner les entreprises en conservant son rôle de levier et à inciter les entrepreneurs à aller là où ils ne pensent peut-être pas à s’aventurer.

Il ne saurait y avoir de développement ni de croissance sans PME présentes sur l’ensemble des territoires. Même si l’on constate parfois des retards, imputables à des manques de moyens financiers et humains, Bpifrance doit continuer d’accompagner les entreprises, particulièrement à l’export. Si l’Europe constitue le premier échelon, les autres pays sont une cible incontournable. On met en avant quelques belles PME qui réussissent, mais le résultat global reste très faible. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder les résultats de la balance de nos paiements extérieurs.

M. Emmanuel Landais, directeur général de l’Association pour le droit à l’initiative économique (ADIE). L’Association pour le droit à l’initiative économique, fondée il y a vingt-cinq ans et présidée par Catherine Barbaroux, se consacre au microcrédit. Nous soutenons et accompagnons des entreprises qui n’ont pas accès au crédit bancaire. En 2014, nous avons financé près de 14 000 entreprises en primo développement. La plupart de nos interlocuteurs sont des demandeurs d’emploi ou des titulaires de minima sociaux. Nous sommes au bas de la pyramide de la création d’entreprises. Les personnes concernées sont, en général, créatrices de leur propre emploi – il ne s’agit pas de micro-entreprises au sens juridique et fiscal. Le taux moyen d’emploi est de 1,2. Ces entreprises connaissent un bon taux de viabilité qui les place dans la moyenne des entreprises françaises. Elles ne sont cependant pas très visibles, particulièrement pour Bpifrance. Il s’agit d’un petit segment dont l’importance ne cesse cependant de croître. La création d’entreprises connaît un boom depuis quinze ans : 550 000 ont été créées, dont la moitié – soit 318 000 – ont démarré avec moins de 16 000 euros. Seules 40 % d’entre elles démarrent avec un financement bancaire.

Nos relations avec Bpifrance sont ténues. C’est surtout OSEO qui a géré le prêt à la création d’entreprises (PCE) pendant de nombreuses années, et ce jusqu’à la fin du mois prochain. OSEO garantissait aussi nos prêts d’honneur ainsi que ceux de confrères d’autres réseaux de soutien à la création d’entreprises.

Nous avons vécu la création de la BPI comme une mesure de rationalisation intéressante, d’autant plus qu’il était annoncé que 500 millions d’euros seraient consacrés à l’économie sociale et solidaire (ESS). Je rappelle toutefois que cela a nécessité deux ans de mise en route : les instruments dévolus à l’ESS étaient mal adaptés. Nous n’en avons pas moins bénéficié, de la part de Bpifrance, d’un prêt de 5 millions à de très bonnes conditions – 1 %. Cela répondait parfaitement à nos besoins, car nous empruntons directement aux banques pour fournir aux entreprises des financements à long terme, c’est-à-dire à cinq ans. Certes, au regard des encours de la BPI, ces 5 millions sont modestes, mais ils nous permettront de soutenir 4 000 micro-entreprises. Cependant, je crois comprendre que pour ce prêt nous n’avons pas bénéficié des avantages réservés à l’ESS.

Nous considérons donc le bilan comme positif, tout en regrettant la suppression du PCE : nous n’étions que peu concernés, mais cela constitue un message contradictoire avec la volonté affichée de soutenir l’initiative économique.

M. Thibault Lanxade, président du pôle entrepreneuriat et croissance du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). BPI est aujourd’hui une marque installée dans le paysage et auprès des chefs d’entreprise. La mutation d’OSEO en Bpifrance s’est remarquablement bien déroulée dans un contexte difficile car, depuis 2007, les entreprises souffrent énormément. BPI a eu un rôle complémentaire mais capital, dans le domaine de la garantie mais aussi pour les nombreuses créations en cours. Certes, quelques améliorations restent à apporter, mais, à travers les quatre-vingts produits financiers qu’elle propose, Bpifrance offre une gamme exhaustive susceptible de répondre à nombre de besoins. Ces produits, telle la prise de participation, sont déterminants pour beaucoup d’entreprises, particulièrement pour les start-up qui trouvent ainsi une partie de leurs fonds d’amorçage grâce à un effet de levier. D’autres financements d’aide à la maturation de projet ou d’aide à l’innovation illustrent la place tenue par la BPI dans la dynamique entrepreneuriale. Elle est, bien sûr importante pour les PME, mais l’aide aux TPE doit être améliorée, car, du fait de leur petite taille, celles-ci peinent à trouver leur formule de financement.

En termes d’organisation régionale, la BPI a su se rendre visible auprès des chefs d’entreprise. En revanche, on observe des problèmes dus aux délais : si les comités d’engagement prennent rapidement leurs décisions, le mécanisme administratif est plus long à libérer les fonds.

En tant qu’organisation patronale, nous considérons cependant qu’un effort de pédagogie auprès des entrepreneurs reste à faire. Bpifrance n’a pas pour rôle de pallier les insuffisances d’une banque quand un élément de scoring pourrait montrer une défaillance. Il faut éviter les financements désespérés d’entreprises en situation très complexe, qui risquent de donner de faux espoirs, mais financer celles qui sont en phase de développement.

Enfin, en ce qui concerne les paiements dus aux entreprises, les retards des services de l’État et des collectivités territoriales atteignent un encours de 7,5 milliards d’euros même s’il faut reconnaître que l’État a récemment consenti des efforts. La BPI devrait proposer des produits de subrogation de créances permettant aux PME et TPE qui ne sont pas réglées en temps et en heure par les collectivités territoriales de pouvoir être très rapidement financées par la banque publique d’investissement.

M. André Marcon, président de Chambre de commerce et d’industrie de France (CCI). La création de la BPI constitue une innovation positive qui se situe dans la continuité d’OSEO, organisme qui avait déjà regroupé les pratiques de financement. On peut, néanmoins observer quelques erreurs de jeunesse. Bpifrance se montre trop sélective dans l’appréciation de l’innovation. Or, pour 80 % des entreprises, celle-ci n’est pas seulement technologique mais incrémentale ou endogène. Certes, la haute technologie doit être prise en compte, mais, dans le cadre du retournement d’entreprise notamment, l’innovation est très importante et ne doit pas être négligée.

Le monde de la petite entreprise est familier d’une logique de guichet, alors que la BPI s’inscrit dans une logique de projets, singulièrement de projets viables. Les chefs de PME sont quelque peu désorientés. La publication annoncée d’un guide de l’innovation, actualisé, sera l’occasion d’une clarification pour une meilleure compréhension.

J’appelle l’attention sur un risque de dérive bancaire constaté à l’usage chez OSEO, où se trouvaient des gens remarquables dans le domaine de l’innovation avec l’Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR) comme dans celui de la garantie. Mais, peu à peu, à la tête d’OSEO, la banque avait pris le pas et on ne trouvait plus de directeurs régionaux issus de l’ANVAR ou de la Société française pour l’assurance du capital-risque des PME (SOFARIS). Cela a changé avec la BPI, mais il convient de rester vigilant.

À l’échelon régional, la BPI n’est pas assez visible, alors que c’était un axe majeur du projet. Les chambres de commerce manquent d’éléments pour assister l’institution.

Par ailleurs, on a l’impression que Bpifrance devient un peu attrape-tout. Dans le secteur de l’export, par exemple, elle indique dans ses publications être le « guichet unique pour accompagner les entreprises à l’export ». Le patron de PME désireux de se lancer dans l’export va donc s’en remettre à la seule BPI, qui ne fait que du financement. Il devrait plutôt se tourner vers Business France, les réseaux d’organisations professionnelles et les CCI. L’institution doit apprendre à fonctionner en relation avec les autres acteurs sous peine de se renfermer sur elle-même. Une meilleure circulation de l’information de la part de la BPI, particulièrement au sujet des dossiers difficiles, nous permettrait de mieux orienter les entreprises faisant appel à elle. Le réseau bancaire doit être capable de résoudre beaucoup de problèmes et il faut soumettre à Bpifrance des dossiers pertinents. Nous souhaiterions donc que ce retour d’expérience en direction des opérateurs de proximité augmente.

Le préfinancement du CICE constitue une très bonne initiative, mais ses coûts sont nettement plus élevés que ceux des réseaux bancaires habituels. L’absorption des formules de crédit relevant antérieurement du PCE et l’héritage d’OSEO ont conduit l’établissement à gérer des crédits de faibles montants – entre 2 000 et 3 000 euros – avec une certaine rigidité. Il s’en est suivi une baisse drastique du nombre des présentations de dossiers. Dès lors, ce type d’aide relèvera des banques, ce qui impliquera une garantie et, partant, plus de complexité qu’auparavant. À défaut de Bpifrance, nous disposons pour ces financements modestes de plates-formes d’initiative qui fonctionnent parfaitement. Il faut trouver des outils adaptés à ces petites entreprises qui sont l’avenir.

M. Alexandre Montay, délégué général du Syndicat des entreprises patrimoniales et des entreprises de taille intermédiaire (ASMEP-ETI). Les entreprises de taille intermédiaire (ETI) que je représente disposent d’une surface financière plus robuste que les PME. Depuis cinq ans, elles se sont engagées dans une action de consolidation de bilan, d’augmentation de la part des fonds propres et de meilleure gestion de la trésorerie. C’est un secteur dynamique pour lequel les financements par les banques sont plus rapides et plus aisés : les chiffres de la Banque de France pour le quatrième trimestre 2014 donnent 88 % d’obtention de lignes de crédit et 93 % pour le crédit à l’investissement.

S’il faut saluer la création de la BPI, le slogan trop répandu « BPI égale ETI » ne correspond pas à la réalité, qui est plus complexe. L’apport de l’établissement, plutôt que financier, a été de nous faire mieux connaître dans le débat public. Les travaux conduits par Bpifrance, en termes d’information sur cette catégorie d’entreprises, donnent corps à cette réalité que défend notre syndicat. Nous avons récemment établi un baromètre du financement des ETI par la BPI sur l’ensemble du territoire national : nos adhérents saluent la bonne lisibilité de l’offre. On remarque aussi une meilleure cohérence des leviers de financement. La présence territoriale constitue aussi un atout, même si elle doit être améliorée. Il arrive parfois que des dirigeants d’ETI ne trouvent pas d’interlocuteurs locaux. La communication relative à la présence locale, qui a été l’un des éléments structurants de la création de la BPI, doit être augmentée. Autre point fort : l’ambition d’internationalisation. La BPI sert d’aiguillon aux ETI à l’international.

La reprise des métiers antérieurement dévolus à OSEO donne satisfaction : en la matière, on continue « business as usual ». Au moment de l’élaboration du projet, nous avions fait savoir que nous attendions une amélioration de la qualité du service rendu. Les solutions de crédit telles la garantie, le prêt participatif ou l’avance remboursable interviennent dans des délais satisfaisants et à des taux encourageants, même si cela dépend de la solidité financière de l’entreprise concernée.

J’apporterai un bémol au sujet de l’action de la BPI dans le domaine de la prise de participation equity – en d’autres termes, en capital fermé —, peu adaptée au mode de financement des ETI compte tenu de leur caractère familial ou patrimonial. Au demeurant, je reconnais la réussite de fonds sectoriels tel Aerofund ou de prises de participations dans de belles ETI à très forte croissance, comme Criteo, mais les ETI ont-elles l’usage de ce type de financement ? Le sujet ici n’est pas vraiment le financement, car le cash est disponible, mais plutôt les projets d’investissement.

Enfin, le parent pauvre du financement d’entreprise demeure la quasi-ETI qui se caractérise par des investissements plus lourds que les PME classiques, sans avoir pour autant la solidité d’une ETI. L’investissement, plus risqué, freine les grands réseaux bancaires. Par ailleurs, la doctrine d’intervention de la BPI, de façon très claire, ne s’adresse pas à ces entreprises, qui constituent pourtant le réservoir des ETI de demain. Il ne faudrait pas que les quasi-ETI se trouvent exclues du champ des politiques de financement des établissements bancaires, que ceux-ci relèvent du droit privé ou du droit public.

M. Marc Sanchez, secrétaire général du Syndicat des indépendants. Nous avons conduit une enquête auprès de nos adhérents sur la base d’un échantillon de 2 000 entreprises existant depuis cinq ou dix ans et sur une durée de deux ans. Ces entreprises emploient entre zéro et neuf salariés. 90 % d’entre elles ont indiqué connaître des problèmes de trésorerie. L’enquête a montré que, après deux ans d’existence, la BPI n’est pas connue dans sept cas sur dix. Il semble donc que l’établissement doive développer son action en direction de cette catégorie d’entreprises.

Les PME sont toutes d’anciennes TPE. Celles-ci, quel que soit leur secteur d’activité, doivent pouvoir bénéficier des actions d’aide et de financement, et plus encore dans les périodes difficiles. Elles ont donc besoin d’un accès direct à un organisme qui puisse les aider dans leur financement : jusqu’à présent, cela ne s’est fait qu’avec le CICE et son préfinancement par le biais de la BPI. En 2013, seules 3 300 TPE ont été ainsi financées. Ces chiffres modestes montrent combien il est nécessaire que la BPI accentue son action auprès des entreprises de ce type. L’organisation du financement n’est pas étrangère à ce blocage. En matière de crédit de trésorerie, l’interlocuteur demeure la banque. Certes, le médiateur du crédit peut intervenir, mais il le fait rarement, car la banque évite de mentionner ce recours, comme celui de la BPI, qui peut venir en garantie.

Le chef d’entreprise ignore donc l’existence de Bpifrance et la banque ne joue pas son rôle d’informateur. La question de l’intérêt du recours à la BPI pour un banquier susceptible de financer une TPE est posée. La pratique bancaire en matière de découverts, autorisés ou non, rend inutile le recours à ces relais. Nous avons ainsi constaté que, pour des entreprises qui ne sont pas à risque, le montant des frais et agios liés à un prêt de 2 000 euros par mois est équivalent à la somme avancée.

Cela fait plusieurs années que nous dénonçons cet état de fait. Certes, Bpifrance ne peut pas tout régler en deux ans, mais elle doit se donner des perspectives pour le développement des TPE. Il ne s’agit pas seulement d’entreprises en difficulté, mais d’entreprises qui ont un avenir et pourront, à terme, créer des emplois. Si on lui en donne les moyens, la BPI pourra devenir un relais très positif : ce sera peut-être l’objet de la présente mission d’information.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Le fonctionnement du dispositif à l’échelon régional a été évoqué, notamment par MM. Marcon et Montay. Bpifrance travaillant avec les conseils régionaux, constatez-vous des différences de performance entre les régions ?

Nos entreprises connaissent des difficultés dans le secteur de l’export. La BPI a un rôle important à jouer en la matière et M. Dufourcq a fait de 2015 l’année de l’export. Des entreprises vous ont-elles fait part de leur souhait de voir l’établissement s’impliquer davantage à travers des produits tels que le crédit acheteur à l’export ou la mobilisation de créances nées à l’étranger ?

Il a été signalé à plusieurs reprises que nombre de chefs de TPE ignoraient l’existence de la BPI, dont la porte d’entrée se limiterait au préfinancement du CICE. Maintenant que ce dispositif est connu, pensez-vous que les chefs d’entreprise pourraient, par ce biais, recourir plus souvent aux services de Bpifrance ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Comment améliorer concrètement l’action de la BPI dans nos territoires ? Comment faire en sorte que la BPI aide les entreprises aux différentes étapes de leur parcours de croissance – celles de la création, de l’innovation et de la transmission – ainsi qu’en cas de difficultés, lorsqu’elles ont besoin de fonds de retournement ?

Le lien entre la Caisse des dépôts et consignations et la BPI vous semble-t-il poser problème ? On s’est aperçu que certains dossiers bénéficiaient du soutien de l’une mais pas forcément de l’autre : avez-vous constaté des difficultés de cet ordre ou celles-ci restent-elles atypiques ?

En raison des règles européennes, les ETI ne peuvent bénéficier de la garantie bancaire de la BPI : cela vous paraît-il problématique ? Avez-vous des propositions à formuler en la matière ?

Enfin, la règle du « un pour un » permet-elle de compenser efficacement les failles du marché ou constitue-t-elle un frein, voire un blocage, pour les entreprises ?

M. André Marcon. Nous espérions être associés au comité de suivi de la BPI afin de pouvoir donner notre avis sur l’action régionale de la BPI. Aujourd’hui, il nous est impossible de partager les informations qui nous remontent des entreprises. Il existe certes de nombreuses aides à la création, à la transmission et au retournement, au point que l’on a pratiquement couvert tout le champ de l’aide aux petites entreprises. Encore faut-il que ces dernières en connaissent l’existence. Or, si nous avons pour mission de réduire la complexité qui entoure ces dispositifs, il nous est difficile d’y parvenir dès lors que nous ne disposons d’aucune information en amont. Une entreprise qui investit 100 000 euros sur un territoire peut lui apporter la croissance ; or on voit très peu de dossiers de demande d’entreprises de ce type à la BPI.

Il importe que la BPI soutienne les entreprises à l’export, et ce avec l’ensemble des partenaires concernés. En ce domaine, l’un des chantiers qu’elle n’a pas encore suffisamment ouverts est celui de la première aide à l’export. Dans la mesure où il faut deux à trois ans pour qu’une PME réussisse son pari en ce domaine, le financement à l’export de la matière grise des PME ne peut se faire qu’à l’aide de Business France et du réseau des CCI qui aident les entreprises à calibrer leurs besoins et leur succès.

Si les entreprises, notamment les petites, ne se sont pas ruées sur le CICE, c’est qu’elles ont été traumatisées par le crédit impôt recherche, qu’elles associent au risque de subir un contrôle fiscal de plus, ce qui est très chronophage.

Enfin, lorsqu’une petite entreprise vit en bonne intelligence avec son banquier, celui-ci peut accepter de la préfinancer, car il croit au CICE. Mais cela ne figure pas dans les statistiques.

M. Thibault Lanxade. J’aborderai la question régionale sous un angle différent : la structuration de départ d’OSEO s’appuyait beaucoup sur les périmètres départementaux et régionaux. Or, aujourd’hui, compte tenu du flux de dossiers qui sont déposés à Paris, les chargés d’affaires se retrouvent très rapidement submergés. En conséquence, certains entrepreneurs parisiens vont immatriculer leur entreprise dans les Hauts-de-Seine auprès d’un autre chargé d’affaires afin que leur dossier soit traité plus rapidement que dans la capitale. Bref, si l’approche de Bpifrance est très régionale, il conviendrait d’en renforcer la transversalité, car le fait que des directions gèrent différemment leurs dotations peut influencer les choix d’implantation de certains entrepreneurs dans la phase de création de leur entreprise.

En ce qui concerne l’export, nous sommes en phase avec la position des CCI.

S’agissant du ciblage du CICE sur les TPE, il aurait bien évidemment été beaucoup plus simple d’instaurer un allègement de charges immédiat. L’obtention du préfinancement du CICE suppose d’accomplir des démarches auprès de l’administration et des banques, démarches qui, bien qu’elles ne soient pas très compliquées, ne sont probablement pas effectuées par les TPE compte tenu du faible montant en jeu : une entreprise de dix personnes employant plusieurs cadres ne bénéficiera en effet que d’un CICE de 2 000 à 4 000 euros. Or l’obtention d’un préfinancement n’est pas systématique pour de tels montants.

Si la règle du « un pour un » est importante, la BPI ne doit pas être une banque comme une autre. L’effet de levier est significatif et peut atteindre les « un pour cinq » dès lors que sont en jeu plusieurs produits au lieu d’un seul.

La cession-transmission est pour nous une forte préoccupation, plus importante que l’enjeu de l’information au sens large. En effet, quelque 800 000 chefs d’entreprise vont partir à la retraite d’ici à dix ans, soit 80 000 par an, ce qui représente un volume considérable. Si la cession-transmission doit s’inscrire dans un parcours d’accompagnement, de formation et de financement, la BPI peut jouer en la matière un rôle complémentaire à celui d’acteurs traditionnels afin d’apporter des mécanismes de garantie à des fonds ou à des organisations spécialisés. Des initiatives pourraient être prises en ce sens par certains acteurs, mais il conviendra alors de s’assurer qu’ils recueillent la bienveillance de la BPI. Celle-ci devra assimiler les enjeux spécifiques de la cession-transmission et assurer le suivi de ces initiatives. Notez que la cession-transmission d’une ETI n’est pas celle d’une TPE ou d’une PME.

Enfin, j’ai l’impression que les relations entre la BPI et la Caisse des dépôts se sont normalisées. Il faut dire que, une dotation de 300 millions d’euros ayant été consacrée au numérique et aux projets innovants, une attente assez forte s’était fait sentir chez les entreprises de ce secteur. Toutefois, ces points d’appui restent complexes pour le chef d’entreprise, le guichet unique n’ayant pas encore tout à fait pris forme.

M. Bernard Cohen-Hadad. Il reste aux entrepreneurs à s’approprier Bpifrance. Or, moi qui suis entrepreneur depuis une vingtaine d’années, j’ignorais, avant d’adhérer à la CGPME il y a huit ans, ce qu’étaient la Banque de développement des PME (BDPME) et OSEO. Un patron de TPE, qui, tous les jours, a le nez dans le guidon, n’aura jamais connaissance de l’existence de Bpifrance si son banquier ne lui en parle pas, s’il n’assiste pas à nos réunions ou s’il ne voit pas la publicité dans les magazines. Ces chefs d’entreprise ont donc du chemin à parcourir, mais les organisations patronales, les CCI et les experts-comptables sont là pour valoriser le rôle de Bpifrance.

Cependant, Bpifrance n’est pas et ne doit surtout pas devenir une banque comme les autres. Elle est loin d’avoir les moyens des grands réseaux bancaires. Évitons donc de lui confier des missions qui ne sont pas les siennes.

Cela dit, au terme de ses deux dernières premières années d’existence, je constate que les choses fonctionnent bien sur le terrain, où il existe des TPE dynamiques, qui n’innovent d’ailleurs pas que dans le domaine technologique.

Quant à l’information régionale, les organisations patronales s’y emploient par le biais de la représentation territoriale et des comités d’orientation régionaux de Bpifrance : ceux-ci comprennent des entrepreneurs de tous niveaux et fonctionnent bien.

À l’export, la communauté d’intérêts qu’est Business France est une bonne chose pour nous. Mais ce n’est pas en quelques mois que nous pourrons inverser une tendance qui prévaut depuis plusieurs années. Jean-François Roubaud a été l’auteur de deux rapports au Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l’importance du développement des PME à l’export.

Ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, la transmission et les fonds de retournement sont des enjeux décisifs. Nos PME les plus dynamiques doivent pouvoir compter sur tous les soutiens et sur toutes les « assurances » en matière de crédit-bail et d’assurance-crédit afin de pouvoir répondre aux commandes qui leur sont adressées et exaucer leur souhait de développement, de reprise ou de transmission.

Enfin, vous avez raison, il convient d’être attentif aux « failles » du marché, marché qui a beaucoup évolué depuis deux ans. Grâce au travail qu’elles ont accompli dans le cadre des Assises du financement des entreprises, les organisations patronales ont obtenu que la garantie de 100 000 euros que nous accordait OSEO soit portée à 200 000 euros. C’est une bonne chose, même si cela a un coût pour les banques.

Nous disposons aujourd’hui d’une palette d’outils comprenant notamment le financement des PME par le marché – avec Euronext et Alternext, la bourse des PME – et le capital-développement – qui avait jusqu’à présent été délaissé. Ne bridons pas les initiatives privées : il ne faudrait pas que Bpifrance marque trop le chemin de la libre concurrence et du marché. Nous sommes très attachés à ce que le capital-développement puisse investir dans les entreprises, surtout par le biais de tickets d’un montant inférieur à ceux qu’accorde Bpifrance, qui s’élèvent au minimum à 1 million d’euros, afin d’aider nos TPE à franchir une étape supplémentaire. Nous avons besoin aussi de la titrisation et de l’émission d’obligations par les PME – dispositif qui se met en place aujourd’hui. Nous sommes demandeurs d’une législation plus souple en matière de financement participatif – condition d’un développement de proximité.

Enfin, ne négligeons pas le rôle des banques : ayant contribué à deux rapports de l’Observatoire du financement des entreprises, l’un relatif au financement des TPE en février, l’autre portant sur les PME et les ETI en avril 2014, je puis vous assurer que, depuis quelques mois, les banques ont beaucoup plus tendance à jouer leur rôle dans le financement des PME. Le seul problème que nous ayons est celui de l’autocensure des entrepreneurs : seuls 8 à 9 % des fonds PME leur sont distribués. Peut-être la palette d’outils mise en place par Bpifrance pourrait-elle nous redonner de la confiance et nous permettre de nous développer.

M. Marc Sanchez. Nous ne sommes favorables à la régionalisation de Bpifrance que si elle contribue à améliorer l’information et la connaissance qu’ont les TPE de l’existence et de l’utilité de cet organisme.

Il n’est pas question de remettre en cause le rôle joué par Bpifrance ni son développement, mais, de manière pragmatique, de déterminer ce qu’elle apporte aujourd’hui aux TPE. Or, de fait, en regard de leurs besoins, elle ne leur apporte pas grand-chose. Prenons l’exemple du CICE : quelque 3 300 entreprises ont bénéficié du préfinancement en 2013, le montant moyen par salarié s’élevant à 548 euros lorsque le taux du crédit d’impôt était de 4 %. Lorsque nous avons sollicité Bpifrance pour ce type de demande, son guichet unique a réagi très vite, ce qui est tout à fait positif, mais on nous a fait comprendre qu’il n’était pas forcément utile de monter des dossiers pour des sommes aussi peu importantes. On ne peut donc pas dire que le contact établi entre les TPE et Bpifrance ait abouti à un résultat.

Qu’attend-on exactement de Bpifrance ? Doit-elle jouer un rôle actif auprès des TPE ? Dans quelle mesure et pour quels types de produits ? Ne devrait-elle pas créer certains produits, en partenariat avec les organismes bancaires existants, afin d’aider les PME à se développer ? Doit-elle au contraire s’en tenir au rôle marginal qu’elle joue actuellement vis-à-vis de ces TPE ?

M. Alexandre Montay. Bpifrance n’est pas la solution à tous les problèmes des entreprises de taille intermédiaire. Celles-ci se situent dans un écosystème de compétitivité qui n’est pas raisonnablement aligné sur la moyenne européenne. Pour nos entreprises, cet organisme est un outil comme un autre, mais les dirigeants d’ETI verraient d’un bon œil que les conditions de compétitivité soient rétablies, ce qu’a d’ailleurs entrepris le Gouvernement, notamment en instaurant le CICE et en concluant le Pacte de responsabilité et de solidarité.

S’agissant de l’action territoriale de la BPI, un travail important a été mené, en particulier par BPI Participations, dans le cadre du fonds ETI 2020. Il visait à faire connaître la marque et à établir un contact avec les chefs d’entreprise au niveau régional, les entreprises ayant souvent été en lien direct avec les chargés d’affaires d’OSEO. Toutefois, les dossiers bancaires remontent de plus en plus souvent à Paris, si bien qu’un écart se creuse entre les tickets bancaires selon qu’ils sont accordés dans la capitale ou en province, ce qui interpelle ceux qui se soucient de la régionalisation des financements de la BPI. Les conseils régionaux se sont saisis de la question dans des bassins très dynamiques, tels que l’Aquitaine ou la région Rhône-Alpes. Bref, pour les ETI, la régionalisation semble bien engagée.

En ce qui concerne les garanties accordées par la BPI, nous nous sommes trouvés bloqués, tant en termes de volume de financement que d’accès à certains outils, par le statut européen de la PME qui conduit à exclure les ETI du bénéfice des aides publiques alors qu’elles auraient besoin de financements particuliers pour continuer à se développer. Il est difficile de régler à l’échelle française un problème que connaissent les PME des autres pays de l’Union européenne, qui ont du mal à grossir, sauf en Allemagne.

Dans le domaine de l’export, les entreprises se retrouvent confrontées à des compétiteurs internationaux qui n’évoluent pas dans le même écosystème fiscal et social. C’est là, selon nous, le nœud principal du problème, compte tenu des capacités de financement de cette catégorie d’entreprises.

En ce qui concerne les fonds de retournement, j’ai bien noté que la BPI disposait, dans le cadre de fonds de fonds, de capitaux qui sont ensuite mis au service de sociétés de gestion : ces fonds ont-ils fait l’objet d’un audit ou d’une présélection ? Une garantie particulière a-t-elle été imposée lorsque la BPI a sélectionné les fonds de retournement dans lesquels elle souhaitait investir ?

M. Emmanuel Landais. C’est dans les phases de développement, de transmission et d’innovation que le rôle de la BPI me semble important. Toutefois, il ne faut pas trop lui en demander : j’imagine mal qu’elle puisse jouer un rôle plus actif en matière d’aide à la création d’entreprises. Le travail que nous menons nous-mêmes en la matière nécessite une grande proximité avec les entreprises et ne relève pas d’une approche nationale ou régionale, mais locale. Il exige aussi de nous de la réactivité et de la souplesse pour s’adapter aux situations individuelles. Je vois mal la BPI s’engager directement dans le soutien à la création de microentreprises. Son rôle consiste plutôt à s’appuyer sur les acteurs qui en sont chargés au quotidien. Bref, il ne faut pas demander à la BPI de résoudre l’ensemble des problèmes de défaillance du marché du financement des entreprises.

S’agissant des relations de la BPI avec la Caisse des dépôts, je citerai l’exemple du financement du secteur de l’économie sociale et solidaire qui relève des missions de la BPI, mais aussi de celles de la Caisse des dépôts. En l’occurrence, le partage des tâches est peu clair puisque la Caisse gère le programme d’investissements d’avenir (PIA) en faveur de l’ESS qui concerne de nombreuses petites entreprises et que, parallèlement, la BPI vient de créer des instruments de financement ressemblant étrangement à ceux du PIA. Il peut certes être intéressant de mettre plusieurs guichets à disposition des opérateurs qui savent s’y retrouver, mais sans doute l’offre mériterait-elle d’être rationalisée.

M. le rapporteur. Avez-vous constaté des liens entre les sociétés de cautionnement mutuel et la BPI ?

S’agissant des procédures de délégation, avez-vous eu, lorsque vous avez défendu ou traité des dossiers, des difficultés à déterminer qui prend les décisions ?

Enfin, je vous indique que lorsque nous avons auditionné le directeur chargé des fonds de fonds au sein de Bpifrance, nous lui avons demandé de nous fournir des renseignements qui nous permettent d’identifier avec précision l’activité de ces différents fonds.

M. André Marcon. Certaines sociétés de cautionnement mutuel fonctionnent très bien, telles que la SIAGI et la SOCAMA pour les TPE et les PME.

J’ai parlé de transparence, mais nous n’avons pas à savoir dans le détail qui prend réellement les décisions au sein de la BPI. J’exprimais tout à l’heure ma crainte de voir la culture bancaire prendre le pas sur les autres cultures au sein de l’établissement : les banquiers sont tout à fait respectables, ils doivent se soumettre à certaines contraintes et être très précautionneux, mais, si je voulais être provocateur, je dirais que cela me dérangerait que la BPI ait un très bon bilan. Il me semble qu’elle doit prendre plus de risques que les autres établissements bancaires afin de contribuer au développement de notre pays.

M. Thibault Lanxade. Pour vous répondre en ce qui concerne les fonds de fonds, nous songeons à doter plusieurs fonds et structures en drainant une partie des liquidités de plusieurs organisations paritaires chargées de la protection sociale et en les orientant vers des véhicules de financement de l’économie. On encourage ce système en ce moment : encore faut-il déterminer les règles qui permettent de l’instaurer sans risque pour les assurés ou les adhérents de ces structures. Or la BPI a un rôle à jouer en la matière : elle doit faire en sorte que certains risques soient mieux maîtrisés, offrir des garanties de liquidités aux nouvelles structures qui seront créées et améliorer leur capital de solvabilité requis afin de les conformer aux règles de Solvency II. De nombreux acteurs souhaitant se financer par le biais de tels véhicules, il conviendrait que la BPI sécurise ces investissements.

Pour ce qui est des procédures de délégation, la BPI, parce qu’elle ne dispose pas de l’historique de la phase de démarrage d’activité de nombreuses entreprises, mène de longues enquêtes qui conduisent parfois l’entrepreneur à fournir une présentation formelle de sa demande de financement, ce qui coûte fort cher, car, dans bien des cas, il doit faire appel à un cabinet de conseil à qui il versera un pourcentage des fonds qu’il aura levés auprès de la BPI. Bref, il est certes cohérent d’exiger un certain formalisme, mais celui-ci peut conduire les entreprises à présenter une exécution quelque peu éloignée de la réalité afin de justifier l’investissement demandé au regard des critères identifiés par l’entreprise chargée de prendre en charge leur financement complémentaire. Obliger les entreprises à faire appel à des cabinets spécialisés pour obtenir des financements auprès de la BPI est très coûteux. Or la BPI n’a pas pour mission de financer des entreprises de conseil, même si leur expertise peut être utile. Cela pose d’ailleurs moins de problèmes aux banques, qui peuvent répondre à une matrice simple, qu’aux jeunes TPE qui ne savent guère comment procéder.

M. Bernard Cohen-Hadad. La CGPME apprécie beaucoup et soutient les sociétés de cautionnement mutuel que sont la SIAGI et la SOCAMA. Il faut d’ailleurs reconnaître qu’elles sont en difficulté aujourd’hui, compte tenu de la faiblesse actuelle des taux de prêts bancaires. Il conviendrait donc que la BPI soutienne ces sociétés qui favorisent le développement des métiers de l’artisanat. Des réseaux tels que le groupe Banque populaire Caisses d’épargne (BPCE) jouent également un rôle en la matière.

André Marcon affirmait tout à l’heure que la BPI ne devait pas avoir de trop bons résultats. Mais, s’ils étaient mauvais, ce serait la fin de Bpifrance. Et, par conséquent, heureusement qu’ils sont bons ! En 2011, Jean-François Roubaud et moi-même avons demandé à Augustin de Romanet, alors directeur général du groupe Caisse des dépôts et consignations, pourquoi il proposait des produits rapportant 15 % à la Caisse quand nous aurions souhaité qu’ils lui rapportent 3 ou 4 %, le rôle de l’État consistant à aider les entreprises. Si l’on peut se réjouir des bons résultats de Bpifrance, tant pour nos entreprises que pour l’État, cela ne veut pas dire pour autant que le coût du crédit doive être trop cher. La culture du risque est bienvenue, mais faisons confiance aux entreprises pour nous présenter de bons risques. Aujourd’hui, un mauvais risque refusé par les établissements financiers peut être accepté par ceux-ci dès lors que Bpifrance apporte sa garantie. En d’autres termes, un risque peut être mauvais de façon temporaire et devenir très vite un bon risque.

Enfin, je partage les propos de Thibault Lanxade s’agissant des fonds de fonds. De bonnes initiatives ont été prises puisque la BPI a soutenu 3 000 PME par ce biais. Et nous avons été à l’origine d’une belle réussite, celle de l’orientation du financement des assureurs par le biais des fonds Nova et Novo de la Caisse des dépôts. Si le projet n’était pas gagné d’avance, nous avons créé ensemble ce dispositif il y a trois ans afin d’orienter l’épargne des Français vers le financement des entreprises – objectif qui a fait l’objet d’un rapport de Mme Karine Berger et de M. Dominique Lefebvre. Cette orientation doit être ouverte, même aux plus petites des entreprises.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Monsieur Cohen-Hadad, dans votre propos introductif puis en réponse à nos questions, vous avez indiqué que Bpifrance ne devait pas être une banque comme les autres. Le dites-vous à titre de précaution ou avez-vous constaté des dérives sur le terrain ?

M. Bernard Cohen-Hadad. Je n’ai constaté aucune dérive. J’ai dit qu’il fallait éviter que Bpifrance n’en vienne à aider les canards boiteux. Bpifrance n’a pas pour mission d’aider les entreprises en fin de vie qui n’ont pas les moyens de se développer et doivent savoir s’arrêter. Les modalités de financement existantes, la mondialisation des échanges et ce qui se passe en Europe font que nous sommes en voie de désintermédiation. Il convient donc de renforcer la capacité de Bpifrance à aider les entrepreneurs et non pas de lui faire remplacer les banques. Elle n’en a pas les moyens, notamment en termes de dotations budgétaires. Les banques de réseau doivent faire leur travail. Je m’exprime peut-être de façon lapidaire, mais telle est la vision du monde économique que j’ai acquise dans le cadre du travail que j’ai mené à la CGPME et en tant que membre de l’Observatoire du financement des PME. Si nous voulons protéger cet outil public que nous avons appelé de nos vœux, ne lui faisons pas faire n’importe quoi.

M. Alexandre Montay. Jusqu’en 2005, OSEO et la BDPME réalisaient une excellente étude concernant la réalité des transmissions d’entreprise en France, véritable outil de pilotage des politiques publiques. Ces deux entités ont cessé de la produire pour des raisons budgétaires, mais, compte tenu de l’enjeu que représentent les transmissions d’entreprises pour l’ensemble du tissu économique, la BPI ne pourrait-elle pas relever le flambeau ? De grands réseaux bancaires se sont intéressés à la question : le groupe BPCE a produit deux années de suite une étude fournie sur le sujet. Mais, compte tenu de la nécessité d’analyser les situations de transmission d’entreprise en termes d’emploi, d’investissement et d’obsolescence du tissu économique, il serait intéressant que BPI s’en saisisse.

M. Thibault Lanxade. Le réseau BPI Excellence, ancien OSEO Excellence, est une formidable initiative qui met en avant certaines TPE, PME et ETI. J’ignore le coût que représente pour Bpifrance l’existence d’un tel réseau, mais il convient d’en maintenir l’existence et d’en assurer une promotion plus large, d’abord parce que c’est un excellent outil de communication pour la BPI et ensuite, parce qu’il permet de valoriser de belles entreprises.

D’autre part, nous traversons une période de mutation du financement intermédié : les outils proposés non seulement par les banques mais par d’autres acteurs vont se diversifier progressivement. La BPI va voir son rôle se renforcer. Mais il est urgent d’assurer l’accompagnement des chefs d’entreprise. Les cinq années de crise que nous venons de traverser ont été très violentes : les chefs d’entreprise se sont démenés pour maintenir leur activité et ont connu une croissance très faible. Or, s’il est simple de financer son entreprise en allant voir son banquier au coin de la rue, il est plus difficile de renforcer ses fonds propres et il est nécessaire que les entreprises utilisent des produits plus structurés. Il va donc falloir que Bpifrance entreprenne un travail de pédagogie auprès des chefs d’entreprise afin de leur faire connaître les différents instruments financiers existants. Les chefs d’entreprise étant très axés sur leur développement mais ayant néanmoins besoin de maîtriser ces outils, la BPI a un rôle important à jouer afin d’améliorer leurs compétences en la matière, en lien avec les organisations professionnelles.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Je vous remercie d’avoir participé à cette table ronde.