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Mercredi 12 février 2014

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 15

Présidence M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Hélène Crocquevieille, directrice générale des douanes et droits indirects (DGDDI), de Mme Anny Corail, responsable de la mission « taxe poids lourds » (MTPL), de M. Dariusz Kaczinski, sous-directeur des droits indirects, et de M. Antoine Maucorps de la mission de tarification. 2

Mission d’information
sur l’écotaxe poids lourds

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Madame la directrice générale, contrairement à M. Bursaux que nous avons entendu ce matin, vous n’avez pas suivi le dossier de l’écotaxe depuis l’origine, n’ayant pris vos fonctions qu’il y a un an.

Votre connaissance de la fiscalité est toutefois bien affirmée, car vous avez eu auparavant d’importantes responsabilités à la direction du budget. Au total, la douane collecte près de 70 milliards d’euros de droits et taxes, dont la moitié environ sur l’énergie et les carburants. Au regard des montants attendus de l’écotaxe, sa collecte ne représenterait qu’une partie modeste de l’activité des services douaniers. Néanmoins, la mise en place de l’écotaxe a fortement mobilisé cette administration. La douane a même été impliquée dès sa conception dans la définition des modalités pratiques de la taxe.

Vous êtes venue avec trois de vos proches collaborateurs qui supervisent les travaux de la mission « taxe poids lourds » spécialement créée au sein de la direction générale.

Madame la directrice générale, vous allez nous préciser quel a été le rôle de cette mission, comment elle a travaillé et quelles difficultés elle a rencontrées. L’écotaxe est un projet interministériel, pour lequel la douane a élaboré une grande part des textes réglementaires.

Vous voudrez bien rappeler aussi quelle a été l’implication de la douane, avec ses spécifications et ses exigences, dans la phase du dialogue compétitif qui a abouti au choix d’Ecomouv’. Comment vos fonctionnaires travaillent-ils avec les personnels d’Ecomouv’ ? Des transporteurs nous ont dit que l’enregistrement des dossiers leur paraissait assez lourd. Or, la douane joue un rôle important à ce niveau, notamment dans la validation de chaque dossier.

Pouvez-vous nous décrire les étapes de la procédure et les tâches respectives d’Ecomouv’ et de votre administration ? Dans l’hypothèse d’une relance de l’écotaxe dans quelques mois, faudra-t-il tout reprendre à zéro du fait du vieillissement des données ? Si oui, cela reporterait de quel délai l’entrée en vigueur de l’écotaxe ?

Pour leur part, les dirigeants d’Ecomouv’ nous ont assuré que le « guide des procédures » avait été profondément modifié onze mois après l’attribution du contrat. Cette révision des prescriptions n’a-t-elle pas compliqué certaines questions techniques ?

Mme Hélène Crocquevieille, directrice générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Monsieur le président, merci de m’avoir invitée à venir traiter ici de l’écotaxe, qui constitue en effet une mission importante pour la DGDDI. La participation aux travaux de préparation, puis de mise en œuvre de cette taxe, dont la collecte a vocation à revenir à la douane, fait partie, depuis trois ou quatre ans, des objectifs clairement assignés par les différents ministres qui se sont succédé.

Ayant pris mes fonctions il y a un an, je n’ai pas connu le dossier de l’écotaxe au moment où il a été pris en mains par la douane. Je précise toutefois que j’ai travaillé à la 4ème sous-direction de la direction du budget, qui est chargée, entre autres, du secteur des transports et de l’équipement. En 2006-2007, j’ai donc pu assister aux prémices de l’écotaxe : mise en place de manière « impromptue » en Alsace et aux premières consultations, notamment auprès de la direction des affaires juridiques, sur les possibilités d’externalisation de telle ou telle catégorie d’acte. J’ai ensuite retrouvé ce dossier en prenant mes fonctions actuelles.

Je parlerai d’abord du rôle de la douane dans la mise en œuvre de la taxe et, en particulier, de sa position quant à l’externalisation de certaines missions de collecte et de contrôle. J’apporterai ensuite des précisions sur quelques chantiers qui suscitent des interrogations – dont l’enregistrement et les évolutions éventuelles du guide des procédures. Je terminerai par la situation actuelle et les perspectives d’évolution du point de vue de la douane.

Je commencerai donc par la place de la DGDDI dans la mise en œuvre de l’écotaxe. Précisons que la douane n’a pas participé à l’instauration de la taxe expérimentale en Alsace. En effet, la taxe a été créée dans le code des douanes par la loi du 5 janvier 2006 par le biais d’un amendement parlementaire voté en séance contre l’avis du Gouvernement. Depuis, en revanche, elle a été associée à l’ensemble des travaux qui ont été menés sur le sujet.

La douane a été associée pour la première fois aux travaux relatifs à la mise en œuvre de la taxe alsacienne à partir de mai 2006. Puis des discussions ont eu lieu en vue d’étendre l’expérimentation alsacienne à l’ensemble du territoire.

On s’est interrogé d’abord sur la nature de la perception. Était-ce une taxe ou une redevance au sens du droit français, sachant qu’au sens du droit communautaire et de la directive Eurovignette il s’agit d’un péage ? La direction de la législation fiscale (DLF) et la direction des affaires juridiques (DAJ) ont rapidement conclu qu’il ne pouvait s’agir que d’une taxe. En effet, seuls les véhicules de transport de marchandises sont assujettis, et le produit de la perception n’est pas affecté exclusivement à l’entretien des routes. Il convenait donc d’appliquer, pour la perception de ce péage, les règles fiscales. Le terme de « taxe » a été retenu dans l’article 153 de la loi de finances initiale pour 2009.

La DGDDI est une administration fiscale chargée de la perception des droits indirects, et en particulier de la taxe à l’essieu et de l’essentiel de la fiscalité environnementale et écologique comme la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). C’est aussi une administration de contrôle, et la perception de la taxe poids lourds en Alsace (TPLA) lui avait été naturellement attribuée par la loi. Elle était aussi logiquement l’administration compétente pour une taxe élargie.

Mais les services de l’État, et en particulier la douane, étaient-ils capables d’élaborer et de gérer eux-mêmes le dispositif technique de calcul et de collecte de l’écotaxe ?

Pour répondre aux contraintes communautaires, il était clair que la mise en œuvre de cette nouvelle taxe nécessitait le développement d’un système technologique et informatique extrêmement complexe : mise en place de systèmes de détection des véhicules, fourniture de badges, construction d’outils de contrôle, etc. Tous les pays qui ont déjà instauré ce type de taxe – l’Autriche, la Suisse, la République tchèque, l’Allemagne – se sont appuyés sur les compétences de prestataires privés. La complexité étant aggravée en France par la nature du réseau concerné – ouvert, composé de tronçons discontinus – et l’obligation d’appliquer la directive « interopérabilité », qui suppose des équipements utilisables sur tous les réseaux à péage, l’élaboration technique ne pouvait être confiée qu’à un prestataire privé.

Ensuite, on pouvait s’interroger sur la capacité de l’État à exploiter le dispositif, une fois celui-ci élaboré. Or, à la complexité technique s’ajoutait la complexité juridique liée au déploiement de l’interopérabilité, obligatoire pour tout nouveau dispositif de péage institué après le 1er janvier 2007 – l’Allemagne, qui avait déployé son système antérieurement, avait pu y échapper. De ce fait, un contrat doit être signé entre le percepteur de péage – la douane, pour la TPL – et le prestataire de service européen de télépéage (SET) ou la société habilitée fournissant un service de télépéage (SHT).

La nature du contrat qu’il aurait fallu mettre en place entre la douane et des sociétés privées installées en France et à l’étranger – interopérabilité oblige – suscitait de grandes interrogations et difficultés. Quel droit et quelle juridiction devaient être retenus ? Comment contrôler la bonne exécution des contrats dans un autre État membre ?

Pour la douane, il paraissait indispensable de désigner un interlocuteur unique faisant l’interface avec tous les sous-traitants, afin d’éviter des dissolutions et des reports de responsabilité entre les prestataires. Nous y avons été particulièrement attentifs lors des discussions préalables.

Enfin, et c’est certainement un point que l’on ne doit pas éluder, la douane ne disposait pas des moyens et effectifs nécessaires pour collecter et contrôler la taxe – et augmenter ses moyens ne serait pas allé dans le sens de la révision générale des politiques publiques (RGPP) qui prévoyait la diminution des effectifs et encourageait le transfert de missions de l’État vers le privé.

Pendant la procédure de sélection du prestataire, la douane a pris toute sa part aux discussions et aux travaux, mais elle l’a fait dans ses domaines d’expertise, en tant qu’administration fiscale et de contrôle.

Elle s’est impliquée d’abord au stade de la rédaction de l’avis d’appel public à la concurrence (AAPC) lancé en mai 2009 ; elle a fait prévaloir son avis sur la modulation des critères et, en particulier, sur une pondération un peu plus importante du coût global de l’offre.

Puis au moment de la rédaction des spécifications de l’État – élaboration du programme fonctionnel et d’une partie du contrat de partenariat, notamment les aspects relatifs à la collecte de la taxe.

La douane a ensuite participé aux différentes étapes du dialogue compétitif : réponses aux questions des candidats relatives à la collecte et au contrôle ; participation à toutes les auditions ; évaluation des offres des candidats sur tous les éléments impactant directement la collecte et le contrôle de la taxe – essentiellement le critère relatif à la qualité technique du projet et la garantie fiscale du critère de la solidité financière.

Ensuite, et assez rapidement au cours du dialogue, la douane a précisé ses exigences liées aux contraintes fiscales et comptables. La confrontation a fait apparaître que celles-ci pouvaient être un peu modulées ou assouplies, compte tenu de l’impact qu’elles auraient pu avoir sur les éventuels prestataires. En effet, le contrat de partenariat public/privé (CPPP), dans sa forme habituelle, ne répondait pas à la particularité d’une taxe fiscale, et les propositions initiales des candidats n’intégraient pas suffisamment cette donnée.

J’en arrive donc au guide des procédures, qui est le recueil des spécifications de l’État et des précisions nécessaires pour le traitement des opérations de collecte et de contrôle, selon les règles fiscales et douanières. Il se présente sous forme de fiches d’instructions de la douane à destination du prestataire commissionné, et a été annexé au contrat signé le 20 octobre 2011. Il précise les règles et modalités d’enregistrement, de liquidation, de communication, de contrôle, d’archivage.

Comme vous l’avez fait remarquer, monsieur le président, Ecomouv’ a fait état de difficultés suscitées par une nouvelle version du guide, onze mois après la signature du contrat.

S’agissant d’un contrat de partenariat public/privé (CPPP), et en sa qualité de maître d’ouvrage et de maître d’œuvre, Ecomouv’ a développé les spécifications générales et détaillées qu’il a jugées nécessaires à la réalisation du projet. Lors de leur analyse, l’État s’est rendu compte de certaines non-conformités aux dispositions fiscales et comptables, qui ont été signalées au prestataire privé. Un certain nombre d’échanges ont eu lieu à cette occasion. Par ailleurs, pendant la construction du dispositif, et en particulier pendant les développements informatiques, Ecomouv’ a posé à l’État de nombreuses questions d’ordre technique pour l’application de ces instructions.

Ces questions, ainsi que les observations faites sur les spécifications générales et détaillées, ont appelé des précisions de la part de l’État, lesquelles ont été reprises ensuite dans le guide des procédures.

Ces précisions sont apparues au fur et à mesure des constatations de l’État, au cours des nombreux ateliers techniques et à l’occasion des questions posées par le prestataire privé, voire des réponses que lui-même apportait à l’État sur la manière dont il avait pris en compte certaines dispositions. Lorsque la MTPL se rendait compte que le prestataire privé n’avait pas forcément bien compris les spécificités demandées, nous apportions un certain nombre de précisions sur ce guide des procédures. Tout cela s’est fait de façon pragmatique, en concertation avec Ecomouv’, tout au long de la phase de développement, et à chaque fois que cela nous a paru nécessaire.

À un moment donné, il a fallu synthétiser l’ensemble des précisions apportées. Le guide de procédures a effectivement été revu, dans le cadre d’une procédure d’échanges avec Ecomouv’ qui a duré de février à août 2012. Il a été livré dans une version consolidée en septembre 2012.

Pour l’État – mais je sais qu’Ecomouv’ a une appréciation légèrement différente – il ne s’agit donc pas de modifications par rapport à la version originale, mais bien de précisions qu’il est apparu nécessaire de fournir au prestataire privé pour que le développement du dispositif soit conforme aux règles générales régissant une taxe fiscale.

Après avoir traité de la place de la douane dans la mise en œuvre de l’écotaxe, j’aborderai maintenant quelques chantiers pouvant susciter des interrogations.

D’abord, quelques précisions, monsieur le président, sur le rôle et les missions des différents acteurs, s’agissant notamment de l’enregistrement et de la phase expérimentale ou « marche à blanc ».

L’intervention de différents acteurs résulte de la nature de ce péage. Le fait que ce soit une taxe implique que l’État est compétent pour sa perception, son versement aux différents attributaires, son contrôle et la mise en œuvre des éventuelles sanctions et recouvrements forcés.

Elle résulte aussi des directives européennes, et en particulier de la directive « interopérabilité » qui permet à un redevable de n’utiliser qu’un seul équipement et de n’avoir qu’un seul interlocuteur pour toutes les routes à péage utilisées, à savoir la société de télépéage et non les percepteurs de chaque péage. Mais cette directive implique également que la société de télépéage soit l’interlocuteur des différents percepteurs de péage.

Au préalable, il convient de rappeler la distinction entre « redevables abonnés » et « redevables non abonnés », créée pour l’application des directives européennes.

Pour le redevable abonné, c’est dans le cadre d’un contrat commercial de droit privé que la SHT lui fournit la totalité des services liés à la taxe poids lourds (TPL) : l’enregistrement du véhicule, la livraison de l’équipement électronique embarqué, la refacturation de la taxe, l’envoi des détails de liquidation, l’acquittement de la taxe auprès du prestataire commissionné. Le redevable abonné est client de la SHT.

La SHT peut également – mais ce n’est pas une obligation – fournir d’autres prestations, liées ou non à la TPL, auxquelles le client souhaite souscrire : d’autres péages comme le TIS PL, ou des prestations annexes, géolocalisation, cartes carburants, etc.

Toutes ces opérations sont réalisées dans le cadre d’un contrat commercial de droit privé. Les coûts relatifs à ces prestations relèvent de la seule compétence de la SHT et sont librement consentis par le client.

Il y a également des redevables non abonnés. L’abonnement auprès d’une SHT ne pouvant être obligatoire, il a fallu prévoir un dispositif permettant au redevable qui ne souhaitait pas contracter auprès d’une SHT de s’acquitter de la taxe : d’où la notion de redevable non abonné.

Les redevables non abonnés s’enregistrent directement auprès du prestataire commissionné, Ecomouv’, qui met gratuitement à leur disposition un équipement embarqué, contre le dépôt d’une garantie. Celle-ci a pour but d’encourager le redevable à prendre soin de cet équipement et à le rendre, notamment quand il quitte le territoire national. Ces équipements représentent du reste un coût supérieur à la garantie et sont à la charge de l’État. Le redevable doit ensuite fournir une avance, imputée au fur et à mesure de ses déplacements sur le réseau taxé.

Ce dispositif justifie et nécessite la mise en place d’un réseau de distribution suffisamment dense, comptant 420 points de distribution (bornes automatiques, points avec personnel dans les stations services). Il est possible de s’inscrire par internet, par téléphone ou par courrier. En effet, pour ne pas gêner exagérément la circulation des marchandises, le redevable doit être à même de se procurer un équipement au plus vite avant son entrée sur le réseau taxable.

Quelles sont les missions respectives des différents acteurs ?

Les SHT agissent pour le compte du redevable, sur la base du mandat de celui-ci. Elles enregistrent le véhicule auprès de l’État représenté par le prestataire commissionné ; elles paient au prestataire commissionné la taxe due par le client. Ce sont elles qui garantissent le paiement de la taxe, à charge pour elles de la refacturer à leur client et d’entamer, si elles le souhaitent, des procédures de recouvrement forcé.

Ensuite, le prestataire Ecomouv’ est commissionné par le ministre chargé des douanes pour effectuer, à la place de la DGGDI, mais sous son contrôle strict, certaines missions. C’est à cette condition que le Conseil d’État a validé l’externalisation de certaines missions. Ecomouv’ effectue ainsi diverses tâches, non pas en tant que prestataire privé, mais pour le compte de la douane et sous sa responsabilité.

Il procède à l’enregistrement des véhicules et il est seul responsable – et non pas la douane – de la validation de l’enregistrement.

Il collecte les données nécessaires à l’établissement de l’assiette de la taxe et détermine, à partir des données enregistrées par les équipements embarqués, les siens et ceux des SHT, le point de tarification franchi. Ce point constitue le fait générateur de la taxe.

Il assure la liquidation et la communication de la taxe directement aux redevables non abonnés, et à la SHT pour les redevables abonnés, ses clients.

Il effectue le recouvrement de la taxe et la reverse à la douane. Le prestataire commissionné doit verser à l’État la taxe qu’il a facturée, qu’il l’ait recouvrée lui-même ou non ; c’est là qu’entre en jeu sa garantie et son obligation vis-à-vis de l’État.

Il procède au prétraitement des demandes en restitution. Il procède également au remboursement lorsque la douane l’a accordé, et que l’argent correspondant lui a été versé par l’État.

Il constate les manquements par le dispositif automatique et les notifie aux redevables. Il traite des contestations de ces manquements.

Il procède enfin à l’information des redevables.

La douane réalise quant à elle toutes les opérations relevant du droit régalien, conformément aux conditions posées par le Conseil d’État : la perception définitive de la taxe et son reversement aux différents attributaires ; l’acceptation ou le refus des demandes en restitution ; la notification des infractions et de l’amende ; les poursuites judiciaires et le recouvrement forcé ; enfin, le contrôle et l’audit du prestataire commissionné. C’est à ce titre qu’a été créé un service centralisé à Metz, le service taxe poids lourds (STPL), doté d’un effectif de 130 agents.

Il est également nécessaire d’effectuer des contrôles manuels sur le linéaire : ces derniers seront principalement réalisés par la douane qui s’est vu attribuer à ce titre un effectif de 170 agents. Ils seront complétés par des contrôles réalisés par la police, la gendarmerie et les contrôleurs des transports terrestres du ministère des transports – qui effectueront des vérifications dans le cadre de leurs missions habituelles de contrôle des transports routiers, contrairement à la douane qui devra engager des contrôles dédiés au titre de la mission TPL.

L’ensemble de ces forces – police, gendarmerie, contrôleurs des transports terrestres, douane – pourra constater des infractions, les notifier et appliquer des amendes. Dans tous les cas, la taxe sera perçue par la douane qui assurera également, le cas échéant, les poursuites judiciaires – quelle que soit l’autorité ayant effectué le contrôle. Il sera par ailleurs possible d’effectuer des contrôles en entreprise : ils seront réalisés a posteriori sur l’ensemble du territoire métropolitain par les agents des douanes et les contrôleurs des transports terrestres du ministère des transports.

J’espère avoir exposé ainsi clairement le rôle des différents intervenants.

Vous avez évoqué, monsieur le président, la difficulté que pouvait susciter l’enregistrement. Son objectif consiste à identifier le véhicule assujetti – c’est-à-dire à vérifier son immatriculation et les données fixes ayant un impact sur le taux applicable, notamment la classe Euro dont il relève – mais aussi le redevable à qui sera adressé l’avis de paiement. Il est important de disposer de données exactes : la classe Euro du véhicule peut faire varier de manière significative le taux applicable ; il faut également garantir que le numéro déclaré ou les coordonnées du redevable ne sont pas usurpées. Les justificatifs demandés ont pour objet de permettre au prestataire commissionné de vérifier la cohérence des données.

La personne qui déclare le véhicule doit fournir les documents permettant de justifier de son identité, de la qualité du redevable destinataire des avis de paiement – selon qu’il est propriétaire, locataire ou utilisateur – et de ses coordonnées, ainsi que des caractéristiques du véhicule – immatriculation, poids à vide, classe Euro. Lorsqu’elle représente le redevable, cette personne doit produire un mandat, à moins qu’il ne s’agisse du représentant local d’une société, auquel cas elle devra fournir une attestation sur l’honneur de sa fonction. Un même document peut évidemment servir à justifier plusieurs données nécessaires à l’enregistrement.

Les informations et pièces justificatives à fournir sont listées dans un arrêté afin de faciliter l’enregistrement des véhicules. Cet arrêté énumère les types de documents pouvant être utilisés pour justifier une donnée. Ainsi, pour justifier de la classe Euro d’un véhicule, le redevable peut présenter un certificat d’immatriculation. Mais si cette information ne figure pas sur ce document, il pourra présenter un certificat de conformité, un certificat « CEMT » ou encore une attestation de constructeur. S’il est impératif que toutes les informations nécessaires à l’enregistrement d’un véhicule soient bien fournies et contrôlables, en revanche, tous les documents énumérés dans l’arrêté ne sont pas nécessaires à l’enregistrement. En moyenne, le nombre de justificatifs varie de deux à six selon la situation du redevable et l’ancienneté du véhicule.

Je rappelle une fois encore que l’enregistrement relève de la seule responsabilité du prestataire commissionné et non de l’administration. La douane vérifie uniquement a posteriori que les données correspondent à celles dont elle dispose déjà dans ses référentiels, notamment, que le redevable est connu dans un autre domaine. La douane collecte en effet les recettes issues de taxes environnementales, de taxes sur les carburants, ou encore de la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR) dite taxe à l’essieu.

L’enregistrement des redevables abonnés a commencé le 19 juillet, et le 15 octobre pour les redevables non abonnés. Selon les données transmises par Ecomouv’ à la fin de janvier, un peu plus de 194 000 enregistrements ont été réalisés et validés, dont 193 500 redevables abonnés – parmi lesquels 54 % sont français et 46 % d’une autre nationalité – et 574 redevables non abonnés – à 82 % français. Depuis quelques semaines, le processus d’enregistrement s’est évidemment ralenti.

Dans les premiers temps, nombre de dossiers ont été rejetés par Ecomouv’ du fait notamment de problèmes de format d’échanges de données entre Ecomouv’ et les SHT. La résolution de ce défaut a permis de réduire le nombre de rejets. En outre, les SHT ont eu besoin d’un temps d’adaptation : au départ, beaucoup de données ont été mal saisies. Le fait que certaines données, principalement la classe Euro, n’aient pas été justifiées a entraîné 20 % des rejets.

Aujourd’hui, l’apprentissage accompli par les SHT et l’effort réalisé par Ecomouv et la DGDDI pour trouver des solutions aux différentes questions restantes ont permis de régler la quasi-totalité des dossiers. Il ne doit plus guère rester, à ce jour, de dossiers en instance de traitement.

En cas de relance de l’application de la taxe, soit telle que nous la connaissons soit sous une forme modifiée, qu’adviendra-t-il des redevables déjà enregistrés, qu’ils soient abonnés ou pas ? Leur enregistrement demeurera valable tant que l’ensemble du système ne sera pas bouleversé – à ceci près, qu’en cas de renouvellement de la flotte, un nouvel équipement embarqué sera attribué au véhicule, qui devra donc faire l’objet d’un nouvel enregistrement. Dans ce cas, afin de simplifier et de limiter les démarches du redevable, la douane donnera pour instruction à Ecomouv’ de ne pas demander à nouveau les pièces fournies initialement si la situation du redevable n’a pas changé. Plus la durée de la suspension de la taxe sera longue, plus le nombre de camions renouvelés sera important.

J’en viens à la question de la phase expérimentale dite « marche à blanc », qui a remplacé l’expérimentation initialement prévue en Alsace. Cette marche à blanc a été demandée par les transporteurs, il ne s’agissait pas d’un exercice nécessaire pour valider le dispositif. Elle avait pour objet de permettre aux redevables d’appréhender le cycle de la collecte à l’échelle nationale ainsi que le fonctionnement du dispositif. La marche à blanc s’est limitée à la collecte, pour un mois donné, des informations nécessaires à l’établissement des faits générateurs, à la liquidation de la taxe pour ce mois et à la communication à la SHT de la liquidation – à charge pour celle-ci de la transmettre aux redevables abonnés. Toutes les SHT ont accepté de participer à la marche à blanc. Cette expérimentation n’ayant pas été rendue obligatoire, les redevables enregistrés ont dû préciser s’ils souhaitaient y participer.

À la fin de novembre 2013, 9 708 véhicules avaient participé à cette phase expérimentale, produisant sur le mois de novembre 2013 un peu plus de six millions d’événements de tarification – autrement dit, de points de tarification franchis par ces véhicules. Quatre liquidations, une par mois, ont pu être opérées d’août à novembre. L’expérimentation s’est achevée à la fin de novembre, les SHT ayant refusé de la poursuivre, compte tenu des annonces du Premier ministre. Ayant procédé à la vérification d’un échantillon de liquidations, l’État n’a relevé aucune anomalie.

Lors de l’audition de l’Organisation des Transporteurs routiers européens (OTRE), la société Guisnel a fait état d’erreurs qui seraient apparues au cours de l’expérimentation de novembre. J’ai donc fait procéder à un contrôle. Le système de l’écotaxe n’est pas un système de géolocalisation, de sorte que seuls les points de tarification franchis, qui sont nécessaires à la détermination du fait générateur et de l’assiette de la taxe, sont mémorisés et transmis au système central d’Ecomouv’ pour liquidation de la taxe. Or, l’examen réalisé par les services de la douane me permet d’infirmer les dires de la société Guisnel : aucune erreur ne s’est produite en novembre. Ayant effectué son enregistrement les 10 et 18 octobre 2013, la société Guisnel n’a donné son consentement à la marche à blanc que le 23 octobre et les équipements électroniques embarqués n’ont été activés par sa SHT pour la taxe poids lourds que le 7 novembre. C’est donc uniquement à partir de cette date que les points de tarification franchis par les camions de la société Guisnel ont pu être enregistrés. Et ils ont bien été remontés par les équipements embarqués. La vérification de la liquidation démontre que tous les points remontés ont été liquidés et que le calcul de la taxe est correct. Nous pourrons vous remettre, si vous le souhaitez, le rapport établi par mes services à la suite de ce contrôle.

Globalement, et bien que ce ne soit pas là l’objectif poursuivi, cette phase expérimentale a permis de montrer que le cœur du dispositif – la collecte des données et la liquidation de la taxe pour les redevables abonnés – fonctionnait correctement. Les vérifications effectuées au cours des quatre mois de la marche à blanc entre points de tarification et liquidations de la taxe n’ont pas révélé d’erreurs.

Où en sommes-nous aujourd’hui, compte tenu de la suspension de la taxe ? Quelles difficultés les pistes d’évolution envisagées soulèvent-elles ?

L’annonce formulée par le Premier ministre le 29 octobre a eu des incidences sur les travaux menés par la douane, et notamment sur l’activité de son service taxe poids lourds (STPL) ainsi que sur ses travaux d’ordre réglementaire. La finalisation de deux décrets et de huit arrêtés a été suspendue, notamment pour des raisons d’affichage en fin d’année. Certains de ces textes devront d’ailleurs être repris en fonction des ajustements susceptibles d’être apportés au dispositif. De même certains travaux législatifs ont été suspendus, notamment ceux visant à l’introduction, dans le code des douanes, de la procédure d’ordonnance pénale en vue de faciliter le traitement des contentieux relatifs à la taxe poids lourds. Un texte devait être présenté en loi de finances rectificative pour 2013 mais son dépôt a été reporté. Autre élément suspendu, l’examen du système d’information de la douane par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). En effet, si le système d’information d’Ecomouv avait déjà été validé, celui de la douane était censé l’être à la fin de 2013 : on a reporté de quelques mois. Ce système devra lui aussi tenir compte des éventuelles évolutions du dispositif. Des travaux étaient également en cours avec la Chancellerie, notamment en vue de la transmission informatisée de données relatives à l’ordonnance pénale. Je citerai encore les travaux menés avec la police et la gendarmerie pour le développement informatique des procès-verbaux valant proposition transactionnelle, la finalisation de la formation des agents chargés des contrôles – agents émanant essentiellement des autres autorités de contrôle – et enfin, les actions de communication menées auprès des redevables. Autant de travaux qui ont été suspendus et qui devront être repris si le signal de la reprise nous est donné.

Le service de la taxe poids lourds à Metz est sensiblement affecté par cette suspension, dans la mesure où il est spécialisé dans la gestion de l’écotaxe. Les agents de ce service se retrouvent sans mission pendant la suspension. Comme il était hors de question de laisser ces agents sans occupation pendant toute cette période, d’autres missions leur ont été temporairement attribuées – sachant que la priorité demeure à la reprise des travaux sur la taxe poids lourds lorsque cela sera nécessaire.

Dans un premier temps, leur ont été confiées des activités liées à la taxe poids lourds et limitées dans le temps, telles que la finalisation de différents travaux, et la participation aux travaux de vérification des documents du prestataire commissionné et aux kits de formation non achevés. Nous leur avons ensuite confié des activités non liées à la taxe poids lourds mais vouées à demeurer temporaires : sur la base du volontariat, certains agents ont été détachés auprès d’autres bureaux de la douane ; d’autres, restés à Metz, participent à d’autres missions douanières. De toute façon, ces agents restent mobilisables dès que nécessaire pour la reprise des opérations relatives à la taxe poids lourds. La situation sociale des agents présents sur place constituant un point sensible, elle fait l’objet d’un suivi très précis de ma part et de l’ensemble des directeurs et chefs de services sur place. Les agents, qui ont bien compris la situation, sont satisfaits de s’être vu confier de réelles missions. Il deviendra cependant primordial à un moment donné de disposer d’une visibilité quant au calendrier de reprise des opérations.

M. Daniel Bursaux a dû vous faire ce matin un point précis de la situation d’Ecomouv’. Si la suspension de la taxe a eu des conséquences assez directes sur le STPL, il n’en va pas de même de nos relations avec Ecomouv’. Dans la mesure où la suspension concerne la taxe et non le contrat, les obligations du prestataire demeurent, et les travaux qui devaient être finalisés l’ont été ou sont en train de l’être. La vérification d’aptitude au bon fonctionnement (VABF) a été effectuée dans un délai raisonnable, compte tenu de la complexité du dispositif (environ 1 300 tests ont été réalisés pour chaque VABF). Elle a été prononcée le 16 janvier dernier, après la levée du dernier défaut considéré comme majeur par l’État, visant à l’obtention de l’homologation des premières chaînes de collecte et de contrôle. L’État examine actuellement le rapport de vérification de service régulier (VSR) reçu le 20 janvier pour s’assurer de l’absence de défaut majeur. Des discussions sont en cours pour déterminer les modalités pratiques régissant la période de suspension de la taxe.

Quant aux pistes envisagées pour améliorer l’acceptabilité du dispositif, nous les suivons avec attention.

La première piste évoquée est celle d’une suppression de la TSVR, dite « taxe à l’essieu », ou de son extension aux étrangers : cela n’est pas possible, compte tenu de la directive Eurovignette. En effet, la taxation des véhicules immatriculés dans l’Union européenne est obligatoire pour les États membres, à qui la directive interdit formellement toute exonération. Il existe une taxe équivalente dans tous les États membres. En application des principes d’universalité et de reconnaissance réciproque dans l’Union européenne, les véhicules français n’acquittent pas de taxe sur les véhicules lorsqu’ils circulent dans les autres États membres. De même, les véhicules européens n’acquittent pas de TSVR lorsqu’ils circulent en France. On ne peut donc ni supprimer la TSVR ni l’étendre aux véhicules immatriculés dans l’Union européenne.

Deuxième piste évoquée, le relèvement du seuil de l’assujettissement à douze tonnes. Cela poserait aussi des difficultés au regard de la directive Eurovignette et nécessiterait des discussions avec la Commission européenne. Certes, la Commission a introduit un amendement à la directive, permettant une dérogation, mais à certaines conditions qui ne nous paraissent pas remplies aujourd’hui. Il faudrait pouvoir justifier que l’application du dispositif dès 3,5 tonnes entraînerait des coûts supplémentaires ou un report de trafic excessif. Or, nous comptions intégrer les 3,5 tonnes au dispositif. Et c’est au contraire si on les exonérait que l’on risquerait d’engendrer des coûts supplémentaires. La perte de recettes serait d’ailleurs de 200 millions d’euros.

La troisième piste évoquée consiste à majorer le critère de périphéricité de certaines régions. Il s’agit là d’une question d’appréciation, politiquement sensible. Je note que ce critère est déjà largement utilisé pour certaines régions françaises : le Midi-Pyrénées et l’Aquitaine bénéficient d’une minoration de 30 %, la Bretagne d’une minoration de 50 %. Ces taux paraissant déjà significatifs, il est probablement assez difficile de les augmenter – le risque étant, si l’on allait trop loin, d’entraîner une rupture d’égalité entre les différentes régions.

En quatrième lieu, on peut songer à une extension du champ des véhicules non assujettis. Les directives européennes permettent cette extension dans quelques cas : le transport d’animaux de la ferme au marché et inversement, dans la limite de cent kilomètres ; le transport des déchets et carcasses d’animaux ; les véhicules utilisés ou loués sans chauffeur pour le transport de biens des secteurs agricole, horticole et sylvicole, là encore dans un rayon de cent kilomètres.

Pour rendre cette extension possible, il faut, d’une part, que ces exonérations soient inscrites dans la loi et leurs modalités d’application précisées par des textes réglementaires et, d’autre part, que les véhicules demeurent contrôlables afin d’éviter toute distorsion entre les redevables – ce dernier point étant essentiel pour l’administration des douanes.

Dans tous les cas, pour permettre les contrôles, il faut définir de manière précise les véhicules concernés et les modalités de déclaration de ces véhicules : un véhicule est assujetti à la taxe poids lourds en fonction de son genre, de ses caractéristiques, et non pas en fonction de son contenu ou de son usage : la technologie utilisée, aussi pointue soit-elle, ne permet pas de vérifier le contenu d’un camion, pas plus qu’elle ne permet de vérifier le type de trajet effectué ou les kilomètres effectués sur un trajet donné. Enfin, seuls pourraient être exemptés les véhicules utilisés à titre exclusif pour un usage échappant à l’assujettissement. Un engagement du redevable sur ce point devra être fourni.

La solution à privilégier est donc la déclaration du véhicule non assujetti auprès d’une autorité compétente – DRAAF ou préfecture, par exemple –, puis son inscription, après validation, sur une liste lui permettant de passer la procédure de contrôle automatique. Cette solution ne règle pas néanmoins la question du contrôle des véhicules utilisés pour une activité mixte.

Lors de l’audition de M. Bernard Cazeneuve a été évoquée la question du maintien des portiques. Leur suppression aurait des conséquences assez lourdes : une diminution considérable du nombre des contrôles et, partant, une augmentation massive de la fraude, et la diminution des recettes ; mais aussi un coût important si le contrôle automatique devait être remplacé par un contrôle manuel, lequel n’atteindrait jamais, de surcroît, le degré de performance du contrôle automatique.

La douane s’est vue dotée d’un effectif supplémentaire de 170 agents pour lui permettre de contrôler manuellement environ 1 % du trafic. De leur côté, la police, la gendarmerie et les contrôleurs des transports terrestres n’agiront que dans le cadre de leurs contrôles habituels sur les véhicules de transport terrestre. Le nombre de contrôles manuels sera donc relativement faible par rapport à ceux que permettent les contrôles automatiques.

Pour compenser la suppression des contrôles automatiques, il faudrait augmenter considérablement le nombre de contrôles manuels. Cela entraînerait des difficultés budgétaires et techniques mais se révèlerait également problématique au regard du droit communautaire. Sur la base d’un contrôle tous les 500 kilomètres, base de calcul de la taxe forfaitaire, un peu plus de 5 000 agents supplémentaires seraient nécessaires pour approcher l’efficacité du contrôle automatique. Encore ne contrôlerait-on alors que 50 000 passages de véhicule par jour, alors que le dispositif de contrôle automatique en contrôle 230 000.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Ce n’est pas le chiffre qui nous a été donné par Thales, qui évoquait plutôt 600 000 contrôles par jour. Tout dépend sans doute de ce que l’on entend par véhicule.

Mme Anny Corail, responsable de la mission taxe poids lourds. Cela dépend du taux d’activation des portiques.

Mme Hélène Crocquevieille. En effet, il n’était pas prévu que tous les portiques soient activés simultanément, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Quoi qu’il en soit, il est difficilement imaginable, compte tenu de nos contraintes budgétaires, de déployer 5 000 agents supplémentaires affectés exclusivement à la taxe poids lourd, quand on sait que les effectifs des douaniers affectés à la surveillance terrestre n’excèdent pas 4 500 agents.

La suppression des portiques poserait par ailleurs des problèmes techniques tout à fait considérables. Outre que les contrôles manuels seraient une forte entrave à la fluidité du trafic, ils sont impossibles sur une part importante du réseau, faute d’un nombre suffisant de zones de stationnement sécurisées.

Au-delà de ces contraintes, la suppression des portiques diminuerait fortement l’efficacité des contrôles. En effet, les contrôles manuels seraient réalisés au hasard, alors que les procédures automatiques permettent un ciblage des véhicules. Par ailleurs, la fraude augmenterait sensiblement, la pression de contrôle étant amoindrie, et entraînerait de facto une diminution des recettes.

Un mot enfin sur les modalités de relance du dispositif. En l’absence de toute modification, un délai sera de toute façon indispensable avant la mise en œuvre de la taxe, du fait même que l’on aura suspendu la taxe pendant plusieurs mois : pour publier les textes juridiques en attente ; relancer les systèmes d’information ; coordonner l’action des douanes avec celle des autres forces de l’ordre et de la Chancellerie ; finaliser enfin l’enregistrement des véhicules, un peu moins de 200 000 d’entre eux ayant été enregistrés à ce jour sur les 600 000 attendus. J’estime ce délai incompressible à trois ou quatre mois au minimum.

Dans l’hypothèse où des modifications du dispositif seraient proposées à la suite de vos travaux, il faudra analyser leur impact au cas par cas. D’un point de vue technique, s’assurer de l’adéquation du dispositif actuel d’Ecomouv’ et de la douane à ces modifications et réaliser les modifications nécessaires, le cas échéant, dans les systèmes informatiques de la douane. D’un point de vue juridique, il faudra probablement modifier la loi – par exemple, en cas de révision des taux, de l’assiette ou du champ des assujettis – et tenir compte du délai d’adoption des textes d’application. D’un point de vue financier enfin, il sera nécessaire d’évaluer l’impact des modifications sur le contrat passé avec Ecomouv’, car elles entraîneront certainement une augmentation des coûts et nécessiteront donc un avenant. En fonction de l’importance des modifications apportées, le délai pourrait donc dépasser six mois après la décision de mise en œuvre.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Vous avez abordé la question de la dénomination du dispositif, écotaxe plutôt qu’ « écoredevance ». Nous percevons mieux aujourd’hui les raisons de ce choix : la totalité du produit n’est pas affectée à la route ; le prélèvement ne s’applique qu’aux véhicules transportant des marchandises. Est-il néanmoins envisageable de renommer le dispositif ?

Vous nous dites que quatre à six mois seraient nécessaires pour remettre en marche le dispositif. Est-il possible, dans ces conditions, de procéder, à l’échelle nationale, à une nouvelle marche à blanc qui intégrerait les aspects techniques mais également des aspects financiers et économiques ? Nous avons en effet le sentiment qu’il n’y a pas véritablement eu d’étude d’impact sur les conséquences pour les entreprises et les différentes filières de la mise en place de l’écotaxe.

Vous avez évoqué les activités ou les produits pour lesquels la directive Eurovignette autorise une exemption. Il ressort néanmoins de nos auditions qu’une approche par distance, ouvrant la possibilité d’exonérer les petits trajets, serait plus satisfaisante. Que permet la directive Eurovignette en la matière ? Le dispositif mis en place permet-il d’identifier ces petits trajets ?

Enfin, en l’état actuel de nos réflexions et compte tenu de notre lecture de la directive Eurovignette, il n’est pas question pour nous de modifier le tonnage. Revoir le seuil des 3,5 tonnes était une fenêtre que nous avions ouverte ; pour de multiples raisons, nous l’avons refermée aujourd’hui.

Mme Hélène Crocquevieille. Pour quelles raisons souhaiteriez-vous modifier la dénomination du dispositif ?

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. J’entends ce que disent les élus, les citoyens et les entrepreneurs, aux oreilles de qui le terme d’ « écoredevance » sonne mieux !

M. Olivier Marleix. Le président d’Ecomouv’ nous a expliqué que l’insistance de Bercy à qualifier le dispositif d’écotaxe avait eu des conséquences sur la lourdeur des procédures mises en place, notamment en matière de contrôle. J’en déduis que si nous décidions de ne pas réinstaller tous les portiques, il faudrait sans doute renommer l’écotaxe.

Mme Hélène Crocquevieille. Il ressort clairement des analyses menées par la direction de la législation fiscale, la direction des affaires juridiques ou le Conseil d’État que, dans sa structure et tel qu’il est conçu, le dispositif s’apparente à une taxe et non à une redevance. Il n’est pas de mon ressort mais de celui des juristes de décider s’il pourrait néanmoins être rebaptisé « écoredevance ». En tout état de cause, il ne me semble pas que rebaptiser le dispositif permettrait sa simplification, dans la mesure, notamment, où j’ai rappelé la nécessité d’avoir des portiques sur l’ensemble du réseau taxé pour garantir l’effectivité du contrôle, limiter la fraude et assurer le rendement de la taxe, dans le respect du principe d’égalité de traitement.

Vous souhaitez une nouvelle marche à blanc, à l’échelle nationale. Doit-elle aller jusqu’à la perception de la taxe ?

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Pas nécessairement. Ce que nous souhaitons, c’est une évaluation des conséquences économiques et financières pour les différentes filières. Si, aujourd’hui, le prix du transport est évalué en moyenne à 10 % du coût des marchandises et l’augmentation due à l’écotaxe à 4 % de ce prix – soit une augmentation globale de 0,4 point –, les chefs d’entreprise que nous avons rencontrés ont avancé des chiffres bien supérieurs, que nous ne sommes pas en mesure de contester.

Mme Hélène Crocquevieille. Des évaluations économiques et socio-économiques ont été menées par les services des transports, par catégorie professionnelle, selon les régions ou selon les linéaires. Certes, il s’agit d’études ex ante, ce que d’aucuns peuvent contester. Mais une nouvelle marche à blanc ne pourrait se faire qu’avec les 200 000 véhicules enregistrés, qui ne représentent pas la totalité du parc. Par ailleurs, faire fonctionner un système à blanc emporte un coût. Se poserait notamment la question de l’indemnisation des SHT.

M. Antoine Maucorps, chef de la mission de la tarification. Nous avons réalisé des études à partir de cas réels, et ce malgré la difficulté de réunir autour d’une table transporteurs et chargeurs, les premiers étant réticents à communiquer leurs coûts réels, les seconds à révéler leurs marges.

La première marche à blanc avait été conçue sur la base du volontariat. Sur 200 000 véhicules enregistrés, seuls 10 000 s’étaient portés volontaires, et encore avait-il fallu « motiver » certaines des entreprises visées. Se pose donc la question de notre capacité à mobiliser des volontaires en nombre suffisant pour conduire une expérimentation qui soit significative. Par ailleurs, relancer une marche à blanc aurait un coût dans la mesure où, si les sociétés de télépéage ont joué le jeu pendant trois ou quatre mois, elles refuseront aujourd’hui, compte tenu de leurs difficultés financières, de participer sans rémunération.

Mme Hélène Crocquevieille. Vous m’avez interrogée sur les petits trajets. Aujourd’hui, le dispositif identifie des points de passage mais ne permet pas de reconnaître le trajet effectué. Comment définir un trajet ? S’il y a un arrêt d’une demi-heure, d’une heure, y a-t-il un trajet ou bien deux ? La conception du dispositif actuel ne permet pas de répondre aisément à cette question. Tout au plus pourrait-on envisager d’identifier les déplacements autour d’un point fixe mais, même dans un périmètre réduit, certains professionnels peuvent multiplier les petits trajets, parcourir au total une distance importante dans la journée et activer plusieurs points de tarification. Il y a donc une difficulté technique, à laquelle s’ajoute peut-être une difficulté juridique.

M. Jean-Pierre Gorges. Je continue de m’interroger sur la nature du problème : est-il technique ou politique ? Ce matin, on nous a affirmé que le dispositif était techniquement au point ; il est donc inutile d’épiloguer sur les portiques si le véritable obstacle à la mise en place de l’écotaxe est le ras-le-bol fiscal des Français !

Modifier son nom ne changera pas les effets de cette taxe, la première à se matérialiser sous la forme de ces portiques par lesquels les gens se sont sentis agressés. Sans m’attarder sur les solutions techniques retenues et sur ce contrôle en temps réel qui coûte très cher, alors qu’il existe, grâce aux disques embarqués, d’autres moyens de contrôler l’activité d’un camion, je souhaite savoir si vos services sont capables de faire redémarrer le dispositif en septembre, dans le cas où le Premier ministre aurait donné son feu vert.

Mme Hélène Crocquevieille. La mise à feu du dispositif était prévue pour le 1er janvier 2014. À cette date, tout ce qui concerne l’ordonnance pénale et les transmissions automatisées n’aurait pas été réglé, mais nous aurions été en mesure de le faire fonctionner, sous réserve de l’acceptation par l’État du rapport de vérification de service régulier (VSR), avant mise à disposition effective du dispositif. Mon seul bémol concerne l’enregistrement des redevables : malgré une montée en puissance assez significative depuis la fin de l’été, nous doutions d’atteindre les 600 000 abonnés – soit la totalité de la flotte – au moment du démarrage du dispositif. À cette réserve près, la réponse à votre question est oui.

M. Olivier Marleix. J’ai retenu de l’intervention du représentant d’Autostrade qu’il existait un lien étroit entre le niveau de contrôle exigé par le cahier des charges et le nombre de portiques. J’en déduis que ne pas réinstaller tous les portiques aurait un impact sur le degré de fraude, et donc sur le rendement de la taxe. Cela étant, j’ai cru comprendre que, contractuellement, le fait que certains portiques aient été dégradés ne constituait pas un obstacle juridique au fonctionnement du dispositif.

Mme Hélène Crocquevieille. En effet, cela signifie simplement que quelques zones du territoire seront moins contrôlées que d’autres, dans la mesure où il nous est impossible de mettre sur le bord de la route autant de douaniers qu’il le faudrait pour se substituer aux contrôles automatiques.

M. François-Michel Lambert. Merci, madame la directrice générale, pour cette intervention de soixante-dix minutes. Il fallait bien cela pour nous présenter ce dispositif censé nous permettre de financer l’AFITF grâce à la collecte d’une « pollutaxe », mais dont la complexité dépasse l’entendement. J’avais cru comprendre que l’État, après avoir signé à Ecomouv’ un chèque d’un montant assez conséquent, n’avait plus d’autres moyens à engager dans le dispositif que ceux liés à la surveillance régalienne. Or, vous semblez dire le contraire : quelles sont donc les charges financières supplémentaires qui pèseront sur l’État, en sus de ce qu’il lui faudra payer à Ecomouv’ ?

Pour en revenir au dispositif de perception de la taxe, je n’ai toujours pas compris pourquoi il faudrait mobiliser autant de douaniers pour contrôler les véhicules. Aujourd’hui, tous les camions sont équipés de chronotachygraphes, et il n’est pas nécessaire d’affecter 5 000 douaniers à leur contrôle. Pourquoi, dès lors, ne pas imaginer un système équivalent, même si cela implique d’accepter un risque de fraude plus élevé, ce qui est un choix politique.

Je souhaiterais également que vous soit transmise la proposition faite, lors de notre audition de ce matin, par notre collègue Jean-Yves Caullet.

Par ailleurs, ne pourrait-on réfléchir à un dispositif qui s’inspire de la taxe à l’essieu, laquelle est liquidable dès la mise en route du véhicule sur la voie publique – hors emprises portuaires – mais peut-être suspendue pour une durée de neuf mois, dans le cas, par exemple, des camions utilisés pour les campagnes céréalières ? Au Royaume-Uni, cette taxe d’usage est complétée par un système de vignette à destination des poids lourds opérant des trajets ponctuels.

Enfin, l’OTRE avait également suggéré un modèle radicalement différent, basé sur une taxation des marchandises dont le taux varierait en fonction du mode de transport utilisé. Ce type de modèle permet d’impliquer le chargeur dans le choix modal.

Mme Hélène Crocquevieille. Pour faire fonctionner le dispositif tel qu’il a été conçu, l’État a mis en place, au sein de l’administration des douanes, le Service de la taxe poids lourds, pour lequel ont été recrutés 130 à 140 agents, chargés notamment des contentieux et du contrôle d’Ecomouv’. Je précise que, une fois le dispositif mis en place, les moyens déployés par les douanes ne concerneront que les missions régaliennes – que le Conseil d’État interdit à la puissance publique de transférer à un prestataire privé. À ces effectifs s’ajoutent environ 170 agents affectés au contrôle manuel le long du réseau taxé. Au total, je ne saurais vous dire ce que représentent ces moyens en termes de taux d’intervention sur la taxe. Quant aux autres forces de sécurité, elles effectueront leurs contrôles dans le cadre de leurs missions générales, ce qui rend, là encore, le chiffrage difficile.

Je ne suis pas spécialiste des tachygraphes, mais ils obéissent à une logique différente de la nôtre. Le tachygraphe permet des contrôles a posteriori, à partir de données enregistrées concernant la vitesse, la distance parcourue ou la durée d’un trajet. Notre dispositif est, lui, à usage financier, puisqu’il doit servir à percevoir une taxe.

M. François-Michel Lambert. Ma question ne concernait pas le contenu du boîtier mais les modalités de contrôle de sa présence dans le véhicule. Dans le cas des chronotachygraphes, un seul contrôle, sur le site de l’entreprise, est suffisant.

Mme Hélène Crocquevieille. Les portiques contrôlent la présence de l’équipement embarqué, le fait qu’il est activé et qu’il est bien programmé, mais ils permettent également de s’assurer que le boîtier reste activé, afin de permettre la taxation du véhicule tout le long du parcours.

M. François-Michel Lambert. Le boîtier peut être désactivé ?

Mme Hélène Crocquevieille. Il suffit de le débrancher.

Mme Anny Corail. Le portique a pour objectif de vérifier, lors du passage du véhicule, que l’équipement embarqué est bien à bord et qu’il fonctionne. Par ailleurs, un chronotachygraphe, qui ne permet qu’un contrôle a posteriori, ne nous permettrait pas de contrôler les véhicules étrangers.

M. François-Michel Lambert. La question de l’activation du boîtier embarqué est une question technique. Or, la technologie permet aujourd’hui d’installer dans les camions des systèmes de pilotage et de gestion du carburant à distance, sur lesquels le chauffeur n’a plus la main.

M. Antoine Maucorps. J’imagine que, si les sociétés ont recours à ce type de dispositif permettant d’économiser le gazole, c’est qu’elles en attendent des gains à long terme. Pour notre part, nous nous sommes préoccupés des coûts cachés que pouvait générer l’équipement des véhicules. La législation européenne nous interdit aujourd’hui d’obliger les poids lourds à s’équiper de boîtiers inviolables ou plombés. Un redevable occasionnel doit pouvoir équiper son camion à la volée, dans un minimum de temps. Cela implique des équipements faciles à installer, et donc faciles à retirer.

Par ailleurs, les chronotachygraphes n’équipent à ma connaissance les transporteurs de marchandises que dans le but de contrôler le respect de la législation sociale par les entreprises de transport européennes. L’écotaxe, au contraire, doit s’appliquer à tous les propriétaires et utilisateurs de poids lourds.

Mme Hélène Crocquevieille. Vous avez également évoqué, monsieur Lambert, d’autres formes de taxation comme la taxation à la marchandise ou la taxation différenciée selon le mode de transport. Tous ces systèmes d’écofiscalité ont leur sens, mais ils procèdent d’un autre choix que celui qui a été fait.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. En optant pour la vignette, les Anglais ont fait un autre choix que le nôtre. Il me paraît aujourd’hui assez difficile de réorienter nos propositions en ce sens.

Mme Corinne Erhel. Votre intervention nous a montré combien il était difficile de présenter clairement ce dispositif dans un temps contraint, et il n’est pas évident de faire comprendre la complexité de son montage aux différents acteurs économiques. Cela étant, je souhaite savoir comment s’est opéré le choix de ces portiques dont l’apparence assez agressive a cristallisé la colère. N’était-il pas possible d’envisager des capteurs plus discrets ?

Par ailleurs, que prévoit le contrat passé avec Ecomouv’ concernant les données collectées ? Il m’a été dit qu’elles restaient propriété de l’État et non du consortium. Mais qu’en est-il, juridiquement, des données transmises aux SHT ?

Enfin, qu’advient-il concrètement, tant que le dispositif de l’écotaxe n’a pas été mis en service, des 130 ou 140 agents actuellement en poste à Metz, ainsi que des salariés d’Ecomouv’ ?

Mme Hélène Crocquevieille. Avions-nous la possibilité de choisir un dispositif technique moins voyant que les portiques ? Cette option a été rapidement privilégiée plutôt qu’un système satellitaire ou des DSRC, qui auraient également nécessité des portiques.

M. Antoine Maucorps. Les trois candidats qui ont répondu à l’appel d’offres proposaient le même type de dispositif, semblable à ce que l’on trouve ailleurs en Europe. Les portiques allemands, autrichiens ou suisses sont d’ailleurs fabriqués par les mêmes industriels.

Mme Corinne Erhel. Je suis contente de vous l’entendre dire !

Mme Hélène Crocquevieille. La CNIL a étudié de près la question des données personnelles collectées. Les personnels d’Ecomouv’ qui ont à connaître de ces données individuelles sont agréés par le STPL, conformément à un arrêté du ministre chargé des douanes. Quant à la relation entre Ecomouv’ et les SHT, elle relève d’un contrat de droit privé. Le cahier des charges impose néanmoins que les données soient sécurisées et qu’elles ne puissent être ni modifiables ni réutilisables à d’autres fins que la transmission au contribuable qu’elles concernent.

Mme Anny Corail. Le détail de la liquidation n’est transféré aux SHT que si leur abonné – le redevable – le demande. Dans la mesure où la SHT a mandat pour déclarer et payer, il faut bien qu’elle ait accès aux données. Par ailleurs, à la demande de la CNIL, le détail de liquidation ne peut être transmis que sous un format non modifiable, ce qui pose d’ailleurs problème aux clients qui souhaiteraient pouvoir retraiter les fichiers.

Mme Émilienne Poumirol. Les modalités techniques du calcul de la tarification me demeurent un peu obscures et je ne comprends toujours pas comment s’évalue le kilométrage parcouru par un camion entre deux portiques, ni ce que contrôlent précisément ces derniers.

Compte tenu de la complexité technique et juridique du système, je conçois que l’État ait dû externaliser la conception du dispositif. Néanmoins, peut-on imaginer aujourd’hui que la puissance publique puisse reprendre la main dans ce dossier, par exemple par le biais d’une société d’économie mixte ?

Mme Hélène Crocquevieille. Il existe plus de 4 100 points de tarification répartis sur le réseau en fonction des différents carrefours. À chacun de ces points est associé un nombre de kilomètres, calculé en fonction des embranchements situés en amont et en aval. La tarification est ensuite calculée en fonction de la catégorie du véhicule.

La question du choix de l’externalisation ne me semble pas au cœur des travaux de votre mission d’information, dans la mesure où il ne me paraît pas devoir être remis en cause. C’est un choix qu’a fait l’État au moment de la conception du dispositif, compte tenu de sa complexité technique et des problèmes liés à son exploitation. Envisager que l’État se substitue à Ecomouv’ et s’implique davantage, au-delà du seul exercice de ses missions régaliennes, dans la perception et la liquidation de la taxe, l’obligerait à gérer l’interface avec le SET et des SHT nationales ou étrangères, ce qui n’est pas sans poser problème en termes d’interopérabilité ou de contrôle. Cela supposerait par ailleurs la mise en place d’un service qui assume les missions aujourd’hui remplies par Ecomouv’ mais gère également les points de distribution mis à disposition des non-abonnés sur le linéaire. Cela ne me semble pas aller dans le sens actuel des politiques publiques.

M. Jean-Pierre Gorges. Je suis atterré par le fait qu’un dispositif, dont le principe a été voté en 2006, ne soit toujours pas en place en 2014. Connaissez-vous un système informatique qui résiste à huit années d’évolutions technologiques, a fortiori lorsqu’il s’appuie sur des solutions qui étaient déjà vieilles de dix ans en 2006 ? Je pense donc qu’il faut activer le dispositif sans tarder – il en va de nos investissements futurs qu’il doit contribuer à financer. Nous devons accepter qu’il fonctionne malgré la dégradation de certains portiques : le contrôle ne sera pas parfait, car la technologie n’est pas parfaite, mais mieux vaut ne taxer que 520 000 redevables sur 600 000 qu’aucun. Cela ne doit pas nous empêcher d’étudier dès à présent de nouvelles solutions technologiques mieux adaptées que ce dispositif par lequel les camionneurs se sentent agressés.

M. Olivier Marleix. Quelles sont nos marges de manœuvre juridiques pour faire évoluer la durée du contrat qui nous lie à Ecomouv’ ? Peut-il être prolongé par avenant, et dans quelles limites ?

M. Antoine Maucorps. Le contrat nous lie pour les 21 mois de la construction, auxquels s’ajoutent 11,5 ans d’exploitation. Il est régi par les règles qui s’appliquent aux marchés publics et peut donc être prolongé par avenant, à condition que cet avenant n’emporte pas de modification substantielle de son économie. La jurisprudence en matière de marchés publics tolérant traditionnellement une augmentation de 15 à 20 % des coûts, nous avons donc des marges de manœuvre.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Madame la directrice générale, nous vous remercions, ainsi que vos collaborateurs, pour ces explications précises sur ce dispositif bien complexe.

Membres présents ou excusés

Mission d’information sur l’écotaxe poids lourds

Réunion du mercredi 12 février 2014 à 17 h 30

Présents. - M. Julien Aubert, M. Philippe Bies, M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Corinne Erhel, M. Jean-Pierre Gorges, M. Jean Grellier, Mme Joëlle Huillier, M. François-Michel Lambert, M. Olivier Marleix, M. Hervé Pellois, Mme Émilienne Poumirol, M. Gilles Savary, M. Éric Straumann

Excusés. - M. Florent Boudié, Mme Sophie Errante, M. Bertrand Pancher