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Mercredi 19 février 2014

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 16

Présidence M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Duron, président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF)  2

Mission d’information
sur l’écotaxe poids lourds

M. le président et rapporteur Jean-Paul Chanteguet. Je donne la parole à M. Le Fur pour un rappel au Règlement.

M. Marc Le Fur. Plusieurs responsables économiques bretons demandent légitimement à exprimer leur point de vue devant notre mission d’information. Mes collègues Philippe Le Ray, Gilles Lurton, Isabelle Le Callennec et moi-même avons relayé cette demande par un courrier daté du 12 février, et je vous en avais saisi bien en amont. Notre mission a été créée parce que l’écotaxe a suscité des réactions de vive hostilité et d’incompréhension. Il me paraît indispensable d’entendre ceux qui se sont exprimés à cette occasion. Je suis convaincu que les collègues socialistes qui connaissent bien la Bretagne partageront mon analyse. Ces responsables se sentent snobés par la mission, alors même qu’ils ont été reçus par le Premier ministre et dans différents ministères.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. J’ai en effet reçu cette demande d’audition et nous discutons actuellement du format qui pourrait être retenu. La Mission a décidé d’adopter une approche nationale et nous devons nous en tenir à ce choix : l’écotaxe ne concerne pas que la Bretagne. Si nous recevons le Collectif des acteurs économiques bretons dans le cadre d’une audition publique, nous n’aurons aucune raison de ne pas recevoir dans les mêmes conditions le représentant du MEDEF d’Aquitaine ou de Midi-Pyrénées.

M. Marc Le Fur. Bien sûr !

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Mais il y a urgence et il n’est pas question de poursuivre les travaux de notre mission pendant encore six mois. Évitons toute dérive : nos débats ne doivent pas tourner uniquement autour des difficultés bretonnes. Je ne souhaite pas aller sur le terrain sur lequel on cherche à m’entraîner.

J’ai déjà reçu un certain nombre d’acteurs dans le cadre d’entretiens privés – et, n’étant pas candidat aux élections municipales, je continuerai à le faire pendant tout le mois de mars – car il me paraît important d’entendre toutes les doléances, réserves, remarques ou propositions. À cet égard, le collectif a demandé, dans l’un des derniers courriels qu’il m’a adressés, la suppression de l’écotaxe. Je connais donc déjà leur position et il ne me paraît pas nécessaire d’organiser une audition publique. En revanche, je suis prêt à les recevoir dans le cadre d’un entretien privé, afin qu’ils puissent exposer leurs arguments.

Jusqu’à maintenant, la mission a conduit ses auditions dans un climat plutôt serein. Notre objectif – le mien, en tout cas – est de redonner du sens à l’écotaxe et de la rendre acceptable, en tenant compte des critiques ou des observations des différents acteurs. Ceux qui pensent que la mission a été créée pour enterrer l’écotaxe se trompent.

M. Marc Le Fur. Pourquoi traitez-vous le collectif des acteurs économiques bretons différemment des autres interlocuteurs de la mission d’information ?

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Ce n’est nullement ce que je fais ! Dans le cadre de nos auditions publiques, nous n’avons reçu que des acteurs qui exercent des responsabilités nationales. Ainsi, nous avons entendu M. Claudy Lebreton en sa qualité non pas de président du conseil général des Côtes-d’Armor, mais de président de l’Assemblée des départements de France. Nous n’avons pas auditionné de représentants d’associations, de syndicats ou d’organisations professionnelles régionales.

M. Gilles Savary. Je ne suis pas hostile à ce que nous recevions des responsables économiques bretons. Il ne faudrait pas les exclure au motif qu’ils sont bretons ! Mais nous devons nous assurer au préalable que ces personnes n’ont pas encouragé les casseurs ou ne vont pas le faire en fonction de ce que nous pourrons leur dire.

En outre, nous devons respecter certaines règles éthiques : ne transformons pas l’Assemblée en lobby breton ! Et ne nous laissons pas piéger par la surenchère à la veille des élections municipales. Nous pourrions envisager que seuls les membres de la mission qui ne se présentent pas aux élections municipales participent à leur audition.

Mme Catherine Beaubatie. Les membres du collectif appartiennent à des organisations représentatives au niveau national que notre Mission a déjà reçues ou pourrait recevoir. L’écotaxe n’est pas un problème purement breton, si tant est que cela en soit un, et nous ne cherchons pas des solutions que pour la Bretagne ! Votre proposition de recevoir le collectif dans le cadre d’un entretien privé, monsieur le président, me paraît satisfaisante. Évitons que ce sujet ne devienne un enjeu électoral à quelques semaines des municipales.

M. Jean-Marie Sermier. Certes, l’écotaxe n’est pas qu’un problème breton et nous n’avons en effet reçu à ce stade que des représentants exerçant des responsabilités nationales, mais il serait justement intéressant d’entendre des acteurs de terrain. Leur message est d’ailleurs probablement le même, qu’ils viennent de Bretagne ou d’ailleurs.

Mme Isabelle Le Callennec. J’insiste également pour que la mission reçoive ce collectif. Certes, il milite pour la suppression de l’écotaxe, mais il serait intéressant que nous entendions collectivement ses arguments. Vous souhaitez, monsieur le président, redonner du sens à l’écotaxe et la rendre acceptable. À cette fin, comme nous en étions convenus lors de la création de la mission, nous devons mesurer tant l’impact de sa non-application – M. Duron va certainement nous expliquer le manque à gagner que cela représente pour l’AFITF – que celui de son application, notamment dans les régions périphériques. Vous nous prévenez que nous devrons alors accepter toutes les demandes provenant d’autres régions, mais pourquoi pas ! L’écotaxe concerne en effet tout le pays. Enfin, en quoi cela poserait-il problème de nous faire partager à tous les arguments que vous entendez habituellement dans le cadre d’entretiens privés ? Cela ne préjugera bien sûr en rien de la décision finale qui sera prise quant à l’application de l’écotaxe.

M. Éric Straumann. Notre Mission n’aurait pas été créée si les événements que nous connaissons n’avaient pas eu lieu en Bretagne. Il convient donc de recevoir le collectif. Ce sera en outre l’occasion pour ses représentants d’échanger avec des élus d’autres régions qui ne partagent pas nécessairement leur point de vue, et de comprendre que le débat sur l’écotaxe est national. Nous devons aller de l’avant : si la Bretagne continue à refuser l’écotaxe, il sera difficile de la mettre en place.

Mme Sylviane Alaux. Nous assistons à une certaine dérive et vous avez bien fait, monsieur le président, de recadrer les choses : le débat ne peut pas tourner uniquement autour de la Bretagne. D’autant que les événements qui s’y sont déroulés ne sont que partiellement liés à l’écotaxe : beaucoup d’autres éléments se sont greffés, la période étant propice aux amalgames. Si chacun des membres de la mission prend parti et se fait le porte-parole de sa circonscription, je peux tout aussi bien de mon côté me faire l’écho de manifestations en faveur du maintien de l’écotaxe. J’ai d’ailleurs demandé à faire partie de la mission pour réfléchir à la manière de la mettre en place. Il convient de le faire sans tarder, compte tenu notamment des enjeux financiers.

M. François André. Les intentions des collègues qui vous ont interpellé, monsieur le président, n’échappent à personne. Toute la Bretagne n’est d’ailleurs pas nécessairement à l’unisson de leurs gesticulations ! Il convient d’analyser les retombées locales de l’écotaxe, qu’elles soient positives ou négatives, en Bretagne ou ailleurs. Votre proposition d’un entretien privé me semble concilier l’exigence d’efficacité – notre mission travaille dans un calendrier désormais contraint – et notre souhait d’écouter tous ceux qui ont une contribution à apporter à nos débats.

M. Jean-Pierre Gorges. Je ne partage pas l’analyse de mes collègues du groupe UMP : auditionner publiquement le collectif des acteurs économiques bretons ne serait pas rendre service à la mission. L’objectivité est une condition nécessaire au bon fonctionnement d’une instance de travail comme la nôtre. À cet égard, je regrette que le rapporteur de la commission d’enquête sur les coûts de la filière nucléaire – dont je suis également membre – adopte une posture militante.

Nous devons aborder le problème de l’écotaxe sous l’angle technique et financier. J’ai posé la même question à tous les interlocuteurs que nous avons reçus, notamment au directeur général des infrastructures, des transports et de la mer et à la directrice générale des douanes et des droits indirects : si le Gouvernement décide de mettre en œuvre l’écotaxe demain, le dispositif est-il prêt à fonctionner ? Tous nous ont confirmé que oui. Cela signifie donc que le blocage est essentiellement politique. Or, si nous mêlons les dimensions technique et politique, les positions vont devenir beaucoup plus tranchées au sein de notre mission. Cela ne facilitera guère le débat, y compris pour le groupe UMP. À écouter les acteurs bretons, on se rend d’ailleurs compte que leur motivation première n’est pas, en soi, l’entrée en vigueur de l’écotaxe, mais le « ras-le-bol fiscal » – le Gouvernement a augmenté les prélèvements fiscaux de 50 milliards d’euros –, dont l’écotaxe n’est que le dernier élément.

D’autre part, certains acteurs de terrain ont bien compris l’intérêt de l’écotaxe – je le vois dans le dossier de concession autoroutière que je suis actuellement. Il convient donc d’être prudent. Je comprends les motivations de mes collègues, mais nous sommes d’abord des représentants de la Nation. Envisageons le problème à l’échelle du pays, avant de le traiter dans chacune des régions.

M. Thierry Benoit. Notre mission s’honorerait en acceptant d’auditionner tous ceux qui sont désireux de s’exprimer sur le sujet. En l’espèce, il s’agit de professionnels qui se sont organisés, y compris pour mettre en œuvre l’écotaxe. À l’issue de ses travaux, la mission sera en mesure d’apprécier précisément la manière dont il convient de mettre en place une nouvelle fiscalité écologique, qu’il s’agisse de l’écotaxe ou d’un autre dispositif.

Le Gouvernement détient les clés pour trouver une solution. Le Président de la République a fixé, à juste titre, un objectif de 50 milliards d’euros d’économies. Il a en outre évoqué la mise en œuvre d’un pacte de responsabilité. Il y a donc une volonté partagée d’alléger les charges qui pèsent sur la production – c’est bien le thème sur lequel se mobilisent les acteurs économiques, notamment bretons – et de revoir la fiscalité des entreprises. L’écotaxe ne pourra être mise en œuvre que si elle est comprise et acceptée.

M. Marc Le Fur. M. André a parlé de « gesticulations ». Nous avons pourtant affaire à des personnes tout à fait sérieuses : entre autres, les présidents de l’association bretonne des entreprises agroalimentaires, du MEDEF et de l’UIMM de Bretagne, des fédérations départementales des syndicats d’exploitants agricoles. Ils comprennent mal de devoir se contenter d’un entretien privé. Au contraire, tout devrait être public, transparent, collégial. Notre mission aurait d’ailleurs pu se rendre dans les régions ou les villes concernées par l’écotaxe, tant celles où son impact est important que celles où sa suspension pose un problème d’emploi, par exemple à Metz. Ne restons pas dans l’abstraction ! Alors que nous invoquons en permanence les réalités concrètes et locales, il serait paradoxal de ne pas entendre les acteurs de terrain ! Je ne vous demande d’ailleurs pas de partager leur opinion, monsieur le président.

D’autre part, le rôle de la mission n’est pas seulement de revoir les modalités d’application de l’écotaxe : rien ne doit nous empêcher de proposer des solutions alternatives à celle-ci. Plusieurs d’entre nous, notamment au sein du groupe SRC, ont évoqué la possibilité de réduire le montrant du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) – 20 milliards d’euros – pour compenser le manque à gagner sur l’écotaxe – évalué à environ 1 milliard. Lorsqu’il n’est pas possible de collecter un impôt, parce que cela suscite des difficultés économiques et sociales considérables, voire des troubles à l’ordre public, il est de notre responsabilité d’envisager des dispositifs susceptibles d’être mieux acceptés.

Enfin, si cela pose problème d’organiser l’audition du collectif avant les élections municipales – ce que je peux comprendre –, faisons-le après : ma préoccupation n’est pas la campagne électorale, mais la qualité de notre travail.

M. Jean-Pierre Le Roch. Le collectif a sollicité tous les parlementaires bretons afin d’être auditionné par notre mission. Pour ma part, je n’y vois pas d’objection. Cela nous permettrait aussi de mieux comprendre ce qui s’est passé en Bretagne. Mon collègue Richard Ferrand et moi-même avions reçu ce même collectif à Paris au printemps 2013, au moment où étaient examinés les amendements qui visaient, d’une part, à minorer le taux de l’écotaxe de 50 % en Bretagne et, d’autre part, à exonérer la collecte du lait. Conduit à l’époque par M. Caré, président du MEDEF-Bretagne, il avait approuvé les amendements et avait fait part de sa satisfaction, y compris publiquement lors de réunions régionales du MEDEF ou de la chambre de commerce et d’industrie. Cependant, quelques semaines plus tard, il a fini par rejeter ce qu’il avait d’abord salué comme une avancée. Comment expliquer un tel revirement ? Une audition serait aussi l’occasion de vérifier si le collectif est réellement représentatif et en phase avec sa base. Selon les échos que j’ai, tel n’est pas nécessairement le cas.

M. Olivier Faure. Nous devrions être très réservés sur le principe d’une telle audition : l’écotaxe est un sujet non pas régional, mais national. En outre, il ne serait pas normal de recevoir les uns plus que les autres.

Toutefois, si nous refusons de recevoir ce collectif, on ne manquera pas de nous le reprocher : on fera peser des soupçons sur notre mission en expliquant qu’elle n’a pas voulu écouter tous les points de vue. Je suis donc plutôt favorable à ce que nous l’auditionnions, de préférence après les élections municipales. Cependant, dans un souci d’équilibre, je souhaiterais que nous entendions également le président du conseil régional d’Île-de-France, afin qu’il nous donne son point de vue sur les implications de la suspension de l’écotaxe pour la mise en œuvre du contrat de plan État-région.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Nous aurons l’occasion de discuter à nouveau de la demande du Collectif des acteurs économiques bretons.

Monsieur Philippe Duron, vous êtes président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) depuis juillet 2012. Cet établissement public a été créé par un décret du 26 novembre 2004. Il avait été présidé auparavant par M. Gérard Longuet, puis par M. Dominique Perben.

Vous nous avez déjà fait part, au cours de nos travaux, de l’extrême fragilité du budget de l’AFITF, qui devait en principe recevoir, dès l’exercice 2014, la majeure partie du produit de l’écotaxe. En outre, le budget qui vient d’être adopté ne pourra pas être reconduit en 2015, car l’AFITF a consommé son fonds de roulement. Au regard des besoins, le financement pérenne des infrastructures apparaît donc menacé.

Le Schéma national des infrastructures de transport (SNIT) a montré que les besoins étaient très étendus et variés. Cependant, il ne hiérarchisait guère les priorités. Vous avez conduit un travail beaucoup plus précis, monsieur le président, dans le cadre de la commission « Mobilité 21 ». Selon les analyses de ce groupe d’experts, le manque de disponibilités de l’AFITF pourrait hypothéquer à l’avenir toute programmation cohérente. En réalité, le produit de la privatisation des autoroutes a été consommé depuis longtemps et l’AFITF n’a reçu que 4 milliards d’euros sur ce montant. Comment financer, d’une part, les premières priorités arrêtées par la commission « Mobilité 21 » pour la période de 2014 à 2020 et, d’autre part, les contrats de plan État-régions (CPER) sur la même période ?

Nous dénonçons cette situation de disette financière durable en matière d’infrastructures de transport. Nous espérons être en mesure de dégager quelques pistes pour y remédier à l’issue de cette audition.

M. Philippe Duron, président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). La doctrine française en matière de financement des infrastructures de transport a été définie par le comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003, qui a dressé une première liste des besoins et posé le principe qu’ils seraient financés par des recettes affectées provenant principalement du secteur routier. Ces recettes constituent les ressources de l’AFITF, créée par un décret de 2004 et opérationnelle depuis 2005. Il s’est d’abord agi des dividendes versés par les sociétés d’économie mixte concessionnaires d’autoroutes (SEMCA), puis d’une soulte de 4 milliards d’euros issue de la privatisation de ces sociétés. L’AFITF perçoit en outre le produit de la redevance domaniale et de la taxe d’aménagement du territoire, toutes deux prélevées sur le réseau autoroutier concédé. Une fois la soulte consommée, l’État a versé à l’AFITF une subvention d’équilibre pour faire face aux besoins de financement des projets d’intérêt national, ou qui répondent à des politiques nationales, auquel il apporte son concours. Cette subvention était de l’ordre de 1 milliard d’euros par an. Dans le budget triennal, il était prévu qu’elle s’éteigne « en sifflet » au fur et à mesure que l’écotaxe poids lourds monterait en charge ; elle devait disparaître complètement en 2016. Mais, du fait de la suspension de l’écotaxe – qui devait entrer en vigueur en 2012, puis en 2013 –, l’AFITF se trouve privée d’une partie essentielle de ses recettes.

Le dispositif de l’écotaxe poids lourds est encadré par trois directives européennes. La directive « Eurovignette II » donne la possibilité aux États d’instaurer une tarification sur l’usage des routes, à condition qu’elle ne couvre que le coût des infrastructures, c’est-à-dire leur construction, leur entretien et leur exploitation. La directive « Eurovignette III » permet d’intégrer dans la tarification le coût des externalités négatives, notamment la pollution atmosphérique, le bruit et la congestion. Enfin, la directive « interopérabilité » précise les modalités techniques de ce prélèvement.

En France, l’écotaxe doit être prélevée sur une partie du réseau routier national non concédé, c’est-à-dire sur 10 000 kilomètres de routes nationales et d’autoroutes non soumises à péage, auxquels s’ajoutent 5 000 kilomètres de routes départementales qui constituent des itinéraires alternatifs. La détermination du réseau départemental soumis à l’écotaxe a fait l’objet d’une négociation avec les conseils généraux.

L’écotaxe a au moins trois vocations : établir un principe utilisateur-payeur ; favoriser le report modal ; inciter les transporteurs à rationaliser leurs tournées et à limiter les trajets à vide. Conformément à la réglementation européenne, elle est applicable à tous les véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes. Il serait possible de ne l’appliquer qu’aux véhicules de plus de 12 tonnes, à condition de le motiver convenablement : tel est le choix qu’a fait l’Allemagne. Les tarifs sont modulés en fonction de l’importance du véhicule – le nombre d’essieux – et de sa catégorie « Euro » – c’est-à-dire son niveau de pollution. Ils sont fixés nationalement, avec certains allègements pour les régions les plus périphériques compte tenu de leur éloignement des principales métropoles européennes : l’Aquitaine et Midi-Pyrénées bénéficient d’une minoration de 30 % et le Bretagne d’un abattement de 50 %.

Afin de ne pas pénaliser les entreprises de transport, dont les marges sont très faibles et qui ont connu une baisse de leur chiffre d’affaires en raison de certains dispositifs européens, il a été décidé de leur permettre de répercuter le montant de l’écotaxe sous la forme d’une majoration du prix des prestations de transport.

Conformément à la réglementation européenne, l’écotaxe doit répondre à des exigences d’interopérabilité. La complexité du dispositif à mettre en place a conduit l’État à faire appel à des opérateurs privés dits « sociétés habilitées de télépéage », et a conduit le législateur de prévoir la possibilité de confier la collecte de l’écotaxe à un acteur privé. Ainsi un contrat de partenariat a été conclu avec Ecomouv’, à l’issue d’une mise en compétition qui a permis d’évaluer les conditions financières, les technologies et les services proposés par les différents candidats. Les contrôles manuels sur le terrain et la répression des fraudes resteront de la seule compétence de l’État : ils mobiliseront principalement les services des douanes, mais aussi la gendarmerie, la police et les contrôleurs des transports terrestres.

Du point de vue de l’AFITF, l’écotaxe revêt une importance majeure pour le financement des infrastructures du pays. Dès l’origine, son produit a été conçu comme devant être affecté aux infrastructures, avec un volet relatif au report modal. Telle est précisément la vocation de l’AFITF, d’où sa désignation comme bénéficiaire naturel de la taxe. Le « modèle AFITF » repose sur l’affectation de ressources régulières liées aux transports destinées à assurer la continuité de l’effort d’investissement pluriannuel dont nos infrastructures ont besoin.

Cependant, l’AFITF n’a pas de responsabilité dans la définition de l’écotaxe
– redevance en droit européen, mais impôt en droit français –, ni dans sa collecte. Elle n’est donc pas impliquée dans la procédure de dévolution du contrat de partenariat signé par l’État. Néanmoins, elle est directement intéressée au bon déroulement de la procédure et à son résultat ; elle s’est donc tenue étroitement informée de son avancement. De plus, en tant que bénéficiaire du produit brut, l’AFITF doit dégager sur ses ressources la rémunération du contrat en cours.

L’enjeu est important pour l’AFITF en termes financiers. En 2009 et 2010, les premières évaluations tablaient sur un apport de près de 1 milliard d’euros en année pleine, à partir de 2012. Le budget pluriannuel voté à la fin de l’année 2012, donc après la signature du contrat de partenariat, prévoyait quant à lui une entrée en vigueur de l’écotaxe à la mi-2013 et un apport en année pleine de l’ordre de 800 millions d’euros – ce chiffre a été actualisé en tenant compte de la diminution des échanges due à la crise. Selon les dernières estimations, le produit net de l’écotaxe en année pleine s’établirait à 760 millions d’euros et devrait atteindre progressivement 800 millions.

Compte tenu de la suspension du processus, l’AFITF n’a pas été en mesure d’établir son budget pour 2014 au mois de décembre comme elle le fait habituellement. Après de nombreux échanges avec le ministère des transports, celui du budget et le cabinet du Premier ministre, elle est parvenue à voter un budget sincère et réaliste le 6 février dernier. L’État a consenti un effort exceptionnel pour abonder la subvention d’équilibre : il était prévu que celle-ci décroisse et s’établisse cette année à 400 millions d’euros – soit 334 millions après application des diverses procédures de régulation budgétaire –, mais elle a finalement été réévaluée.

Il s’agit néanmoins d’un budget de transition, voire de crise. En dépenses, 1,813 milliard d’euros de crédits de paiement ont été inscrits, ce qui correspond à 1,7 milliard de crédits d’intervention, l’AFITF devant honorer d’autres obligations, notamment le remboursement d’avances du Trésor à hauteur de 45 millions d’euros. Si les crédits de paiement atteignent presque leur niveau de 2013 – 1,9 milliard –, ils restent inférieurs au montant des financements de l’AFITF en vitesse de croisière, qui est plutôt de l’ordre de 2,1 à 2,2 milliards par an.

Quant aux autorisations d’engagement, elles ont été réduites au minimum : outre les opérations d’entretien et de modernisation indispensables, le seul projet inscrit au budget est l’autoroute ferroviaire Atlantique, l’amélioration du fret ferroviaire constituant une priorité. En revanche, aucun nouveau projet correspondant aux anciens programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) ou relevant d’un CPER n’a été retenu. De même, il n’est pas prévu à ce stade de lancer un troisième appel à projets en matière de transports en commun en site propre (TCSP). Toutefois, ainsi que le ministre délégué chargé du budget l’a indiqué devant cette Mission le mois dernier, il n’est pas exclu que de nouvelles recettes soient inscrites au budget de l’AFITF dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative, en fonction des évolutions budgétaires ou des développements sur le dossier de l’écotaxe. D’autres projets pourraient donc être financés en cours d’année.

Pour redonner à l’AFITF les moyens d’assurer sa mission et, surtout, pour permettre à nos territoires de s’appuyer sur des infrastructures performantes, clé de leur développement économique, il convient de sortir le plus rapidement possible et dans les meilleures conditions de cette situation très difficile. Les déclarations des présidents de plusieurs grandes collectivités territoriales le montrent : les attentes sont grandes et, d’ailleurs, tout à fait justifiées.

Quelles sont les perspectives ? Il appartient non pas à l’AFITF, mais à votre Mission de faire des propositions au Gouvernement. Mais nous suivons ce qui se dit et ce qui s’écrit, et je souhaite vous faire part de quelques points de vue personnels, qui n’engagent pas l’AFITF.

S’agissant d’une éventuelle refonte de l’écotaxe, rappelons d’abord que chaque mois de suspension supplémentaire « coûte » près de 100 millions d’euros de recettes à l’AFITF. La remise en route du dispositif – si elle est décidée – prendra du temps, et les premières recettes ne seront versées à l’AFITF que trois mois après leur perception. Elle n’aurait donc d’incidence que sur le budget pour 2015. Cette période de latence sera évidemment plus longue si le dispositif est réformé par voie législative ou si des modifications techniques substantielles y sont apportées.

D’autre part, le principe de la taxe kilométrique est très encadré par les directives européennes. Lui substituer un système plus simple et moins coûteux tel qu’une vignette créerait d’autres problèmes : compte tenu de l’existence du réseau autoroutier concédé, dont l’usager paie déjà le coût total, il faudrait alors rembourser les péages aux transporteurs ayant acquis la vignette ou, si l’on décidait de la gratuité des autoroutes, reverser aux concessionnaires les montants en principe acquittés par les usagers. Le coût serait de l’ordre de 200 à 400 millions d’euros.

En revanche, il est possible de faire évoluer certains paramètres tout en respectant les directives. D’abord, le tonnage des poids lourds concernés. L’application de l’écotaxe aux véhicules de plus de 3,5 tonnes correspond au droit commun de la directive « Eurovignette ». Mais il est possible de fixer le seuil à 12 tonnes, ce qui entraînerait toutefois une baisse de recettes de 200 à 250 millions d’euros par an. Quant à la fixation d’un seuil intermédiaire, elle impliquerait d’engager des discussions assez complexes avec la Commission européenne.

Ensuite, le dispositif français n’épuise pas toutes les possibilités d’exonération. La loi du 28 mai 2013 a dispensé du paiement de l’écotaxe les véhicules des collectivités territoriales affectés à l’entretien des routes et ceux qui sont chargés exclusivement de la collecte du lait. Il serait possible d’étendre l’exonération à l’ensemble des véhicules qui ne sont pas tenus d’installer des chronotachygraphes. Elle pourrait ainsi s’appliquer à certains trafics très locaux, tels que le transport de carcasses dans les régions agricoles. Il serait cependant difficile d’identifier les véhicules concernés, qui ne seraient contrôlés qu’en entreprise. Il s’agirait donc d’un système déclaratif.

D’autre part, il est également concevable de réviser le réseau routier taxable. Toutefois, la procédure sera longue, car il sera nécessaire de discuter avec les conseils généraux et les communautés d’agglomération pour certains contournements. D’une manière générale, il est plus facile d’étendre le réseau local taxable que de réduire le réseau national retenu, qui correspond à la logique de la directive.

Avec ou sans révision du réseau, il est envisageable d’exonérer certains trafics locaux. Ce serait cependant difficile à réaliser, puisque le dispositif actuel enregistre non pas le trajet des véhicules, mais le franchissement de points de passage.

Enfin, il est possible de réviser les tarifs, notamment pour étaler dans le temps la montée en charge du dispositif. La seule condition à respecter est de ne pas toucher au plafond fixé par la directive : environ 17 centimes du kilomètre. Le manque à gagner pour l’AFITF dépendrait du calendrier et des éventuelles baisses de tarifs décidées.

Par ailleurs, la lourdeur du dispositif de contrôle a été critiquée. Mais la proposition de substituer un contrôle « humain » aux portiques qui enregistrent automatiquement le passage des véhicules nous laisse perplexes : pour ce faire, il faudrait créer environ 4 000 emplois publics, ce qui n’apparaît guère réaliste dans le contexte actuel.

L’idée la plus novatrice avancée récemment serait d’introduire une régionalisation de la taxe. Cela pourrait se faire de plusieurs façons. L’écotaxe pourrait être modulée au niveau régional, certaines régions pouvant même appliquer un taux nul. Cependant, ce système poserait un problème d’égalité et d’équité devant l’impôt et risque d’être inconstitutionnel, à moins que l’on ne parvienne à définir des critères objectifs, tels que ceux qui ont été retenus pour appliquer un taux minoré aux régions périphériques. En outre, les distorsions de taux entre les régions pourraient aggraver celles qui existent déjà en termes de longueur du réseau routier taxable. Et une péréquation au profit des régions où le produit de l’écotaxe serait faible en raison d’une base taxable étroite ou d’un taux réduit n’éliminerait pas ces distorsions. Par exemple, dans le Languedoc-Roussillon, le trafic se concentre structurellement sur les autoroutes payantes, car la circulation sur les itinéraires alternatifs est fortement ralentie par les traversées de zones urbaines. Au total, le système serait difficile à gérer.

Il serait également envisageable de redéfinir les réseaux taxables sur une base régionale. Mais cela obligerait sans doute à recalculer par région les coûts plafonds en application de la directive, ce qui n’est pas non plus une solution très commode.

Il serait enfin possible d’autoriser les régions à moduler de manière limitée un taux de base unique fixé à l’échelle nationale. Dans tous les cas la question serait de savoir si la part des régions serait retranchée de celle de l’AFITF ou s’y ajouterait. Il serait plus aisé de maintenir une perception nationale de l’écotaxe, tout en redistribuant une partie du produit aux régions selon des critères objectifs à définir. Tel est, à peu de choses près, le modèle retenu par la Suisse : les cantons reçoivent une partie du produit de la redevance sur le trafic des poids lourds, selon des clés propres telles que la longueur du réseau routier ou les handicaps à compenser, notamment le relief.

Une dernière proposition, plus provocante, a été formulée : transférer aux régions le réseau routier national qui ne l’a pas encore été dans le cadre de la décentralisation. L’idée n’est pas complètement invraisemblable : cela a déjà été décidé pour la Corse et pour les départements d’outre-mer, dont le réseau routier ne présente pas de continuité avec le réseau national. Chaque territoire déciderait alors d’appliquer ou non l’écotaxe à son propre réseau. Mais, dans cette hypothèse, il n’y aurait plus de politique nationale et les régions ne pourraient plus solliciter le concours de l’AFITF pour l’extension ou la modernisation de leur réseau. En définitive, il n’existe pas de solution simple.

Le principe que nous avons retenu depuis le Grenelle de l’environnement et la naissance de l’AFITF – j’y insiste –, c’est que le secteur routier doit contribuer très largement au financement des modes de transport alternatifs. Si nous ne pouvons plus trouver les recettes nécessaires, nous aurons d’autant plus de difficultés à maintenir et à développer le réseau ferroviaire et le réseau fluvial. La question de la transition énergétique se posera alors avec plus d’acuité. Nous sommes donc confrontés, d’une part, à des problèmes politiques globaux et, d’autre part, à des difficultés d’acceptabilité économique et sociale d’un système qui n’est certes pas parfait, mais qui permet de mobiliser des ressources de manière assez efficace au profit d’une politique d’ensemble.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Merci, monsieur le président, pour votre présentation précise et exhaustive. Vous avez passé en revue un certain nombre de propositions. Comme l’a rappelé M. Le Fur, l’objectif de notre Mission est aussi d’examiner des hypothèses alternatives à l’écotaxe. Néanmoins, je rappelle la contrainte – juridique, technique, financière – que constitue le contrat signé avec Ecomouv’. À ce stade, personne – sinon, peut-être, en aparté – n’a proposé de le dénoncer et d’indemniser la société Ecomouv’, afin de pouvoir bâtir un nouveau système de financement des infrastructures de transport.

J’entends parler pour la première fois d’un éventuel transfert des routes nationales aux régions. Certaines routes nationales ayant déjà été transférées aux départements, il y aurait donc à la fois un réseau régional et un réseau départemental. D’autres proposent d’ailleurs de transférer les routes nationales restantes aux départements. Cependant, ne devons-nous pas mener une politique nationale de financement des infrastructures de transport ? Nous ne pouvons pas échapper aux réalités : notre pays dispose d’infrastructures d’envergure nationale qui structurent l’aménagement du territoire. Il ne semble donc guère opportun de s’engager dans la voie d’un nouveau transfert des routes nationales.

La subvention de l’État à l’AFITF s’est élevée à 1,134 milliard d’euros en 2012, puis à 658 millions en 2013. Il était prévu qu’elle soit ramenée à environ 320 millions en 2014, mais vous avez évoqué une dotation complémentaire. Quel est, au total, le montant de la subvention cette année ? Est-il analogue à celui de 2013 ?

Il est prévu que l’AFITF finance, au nom de l’État, une partie du volet « mobilité » des CPER. Avez-vous déjà travaillé sur cette question ? Quels moyens financiers envisagez-vous de mobiliser à cette fin sur le budget de l’AFITF ?

M. Jean-Pierre Gorges. Je suis tout à fait favorable au principe utilisateur-payeur et souscris à l’idée de prélever des ressources sur le secteur routier pour financer des infrastructures ferroviaires, fluviales et maritimes. Il convient d’adopter une vision globale, ce que permet justement l’AFITF. Cependant, avec la mise en place de l’écotaxe, ne risque-t-on pas d’assister à un report du trafic sur le réseau autoroutier concédé et de voir ainsi une partie du produit de la taxe échapper à l’État ?

Compte tenu des problèmes politiques suscités par la mise en place de l’écotaxe, certains préconisent une régionalisation du système. Cependant, évitons de répéter les erreurs que nous avons commises lorsque nous avons transféré certaines routes aux départements : je me bats depuis dix ans pour que l’axe Rouen-Orléans, qui est déjà aménagé en deux fois deux voies dans l’Eure et dans le Loiret, le soit également en Eure-et-Loir. Je m’interroge sur les conséquences d’une régionalisation pour les axes d’importance nationale : chacun risque d’envisager le système de transports d’un point de vue non pas national, mais local.

D’une manière générale, avant d’agir, il conviendrait de se demander quelles routes doivent relever de la compétence de l’État. Nous devrions même nous poser la question pour les autoroutes, en tout cas pour les nouvelles – car l’État n’a sans doute pas les moyens de racheter le réseau déjà concédé. Il y aurait sans doute moins d’obstacles pour construire des autoroutes si elles relevaient directement de l’État.

En Eure-et-Loir, nous avons obtenu une concession autoroutière pour aménager l’axe que j’évoquais. C’est actuellement le seul outil qui permet de financer de tels projets. La construction de l’autoroute coûtera au total 1 milliard d’euros. L’État apportera la moitié de la subvention d’équilibre de 60 millions d’euros, l’autre moitié étant à la charge des collectivités territoriales. Le ministre délégué chargé des transports a fait valoir que le département devrait financer lui-même la gratuité de l’autoroute pour les riverains s’il souhaitait l’instaurer. C’est une démarche intelligente qui responsabilise les élus locaux.

M. Gilles Savary. L’État consent cette année un effort complémentaire en matière de financement des infrastructures de transport. Mais d’où ces moyens proviennent-ils ? L’AFITF a-t-elle étalé dans le temps certains programmes existants ? Ou bien a-t-elle demandé à Réseau ferré de France de prendre en charge une partie des financements, comme elle l’a déjà fait dans le passé ? D’une manière générale, nous assistons à un naufrage ! Il faut sortir de cette situation !

Je fais partie de ceux qui ont émis l’idée d’une régionalisation de l’écotaxe, mais il ne s’agit nullement de supprimer toute compétence de l’État en la matière. Cette régionalisation devrait être conduite dans le cadre de la prochaine étape de décentralisation. Certaines compétences en matière de transport ont déjà été transférées aux régions, notamment les transports express régionaux (TER). Il est désormais envisagé de faire des régions des autorités organisatrices de transports (AOT) de plein exercice et de leur confier la gestion des cars interurbains, voire celle des transports scolaires, qui relèvent actuellement des départements. Cela permettrait d’éviter les doublons. Or les conseils régionaux estiment avoir besoin d’une ressource propre – ou, à tout le moins, d’une part de ressource propre – pour assurer ces nouvelles responsabilités. Selon moi, le produit de l’écotaxe devrait être partagé entre l’État et les régions, sur le modèle suisse. En contrepartie, l’État cesserait de verser directement et indirectement certaines subventions aux régions, par exemple celles qui sont destinées à faire baisser le prix des péages ferroviaires et qui s’élèvent au total à 1,7 milliard d’euros chaque année.

Je suis favorable à la régionalisation de l’écotaxe, car je crois beaucoup au principe de responsabilité. Ainsi, la Bretagne disposera d’une ressource propre qui lui permettra de financer les infrastructures de transport si elle le souhaite. Mais si elle considère qu’elle ne doit pas payer, les autres régions ne le feront pas à sa place.

Néanmoins, il convient de conserver un réseau national. Quant au transfert partiel des routes nationales aux départements en 2004, il a été très mal réalisé : nous constatons aujourd’hui une rupture de continuité dans l’entretien de certaines routes importantes. Nous aurions dû constituer des réseaux d’intérêt régional.

S’agissant de nos méthodes de travail, notre Mission pourrait-elle commander des études ? Il serait par exemple utile de disposer de simulations permettant d’évaluer les différents modèles de régionalisation. Il serait également intéressant d’en savoir plus sur le trafic des poids lourds en Bretagne, afin d’objectiver les revendications. En l’absence de telles études, nous en resterons à des propos assez généraux et aurons du mal à nous forger une opinion fondée.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur.. Nous avons déjà passé plusieurs commandes et obtenu que le ministère des transports nous communique un certain nombre d’études existantes.

M. Thierry Benoit. Soyons prudents : si nous nous lançons dans le débat soulevé par M. Savary – « la Bretagne paiera si elle le souhaite, mais les autres régions ne doivent pas avoir à le faire à sa place » –, les Bretons risquent de nous répondre en mettant en regard la contribution de leur région au PIB de la France et le niveau de l’écotaxe en Bretagne.

Dans un premier temps, nous aurions intérêt à traiter séparément la question du financement des infrastructures de transport et du budget de l’AFITF, d’une part, et celle de la mise en œuvre de l’écotaxe, d’autre part. De 2004 à aujourd’hui, l’AFITF a équilibré son budget de diverses manières, notamment grâce à une subvention versée par l’État. Les acteurs économiques qui ont organisé des mouvements de protestation très puissants dans certaines régions, particulièrement dans l’ouest de la France, ont perçu l’écotaxe comme un piège : ils ont eu le sentiment que l’on prenait les usagers contributeurs en otage, parce qu’il fallait impérativement et immédiatement trouver des recettes pour l’AFITF.

Trouvons d’abord une solution, quitte à ce qu’elle soit temporaire, pour abonder le budget de l’AFITF et financer les infrastructures de transport. MM. Savary et Le Fur ont évoqué une piste : évaluer le CICE à l’issue de sa première année de mise en œuvre et, le cas échéant, retrancher du dispositif certains secteurs qui ne devraient pas en bénéficier – ils ont évoqué à juste titre la grande distribution. En vitesse de croisière, le CICE coûtera 20 milliards d’euros : environ 15 milliards en 2013, auxquels s’ajouteront 5 milliards en 2014 et à nouveau 5 milliards en 2015. Voyons s’il n’est pas possible de récupérer 1 milliard d’euros pour le réorienter vers l’AFITF.

Parallèlement, travaillons à l’instauration d’une fiscalité écologique qui s’applique à tous les secteurs : bâtiment, industrie automobile, transports. Il convient que cette nouvelle version de l’écotaxe soit indolore, à tout le moins qu’elle ne soit pas considérée comme un piège par les usagers contributeurs. Mais elle doit aussi permettre de faire évoluer les comportements dans le temps, conformément à l’esprit du Grenelle de l’environnement. Le Gouvernement, je le répète, détient les clés pour trouver une solution. Tous les paramètres sont réunis : la négociation du pacte de responsabilité, la recherche de 50 milliards d’euros d’économies, la volonté d’alléger les charges qui pèsent sur les entreprises.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur Je rappelle que la Mission auditionnera aujourd’hui à dix-sept heures trente le délégué général de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution. Vous aurez donc la possibilité d’évoquer avec lui la question du CICE, monsieur Benoit.

M. Marc Le Fur. Vous envisagez, monsieur le président, certaines évolutions. Mais n’est-il pas possible d’aller plus loin ? La semaine dernière, vous aviez évoqué une autre piste : utiliser une partie des recettes de l’écotaxe – actuellement destinées à financer des canaux, des lignes de chemin de fer, et des aménagements urbains – pour le secteur routier. Un impôt est un peu mieux accepté lorsque les contributeurs savent qu’ils en bénéficieront également.

L’AFITF devrait se concentrer sur des projets nationaux, qui portent en particulier sur les axes de communication qui relient les régions entre elles. Or elle apporte également sa contribution à des aménagements en site propre, qui n’intéressent que les agglomérations concernées. Celles-ci auraient certainement les moyens de financer ces opérations sans faire appel à l’AFITF.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Le premier appel à projets pour les TCSP a été lancé sous la précédente majorité.

M. Marc Le Fur. C’est exact, mais je m’étais alors singularisé au sein de la majorité sur ce point.

S’agissant des solutions alternatives pour le financement de l’AFITF, M. Benoit a rappelé la piste du CICE. Nous avons tous été surpris de constater que, sur les quelque 15 milliards d’euros consacrés au CICE en 2013, 2,5 milliards revenaient à la grande distribution et à peine 3 milliards à l’industrie, pourtant présentée comme prioritaire. N’est-il pas concevable de récupérer une petite partie de ces dépenses au profit de l’AFITF ? Et n’existe-t-il pas d’autres possibilités, notamment l’instauration d’un prélèvement additionnel sur le gasoil ?

Je suis tout à fait d’accord avec M. Savary : notre Mission a besoin d’études, afin d’objectiver le débat. Il conviendrait en particulier de connaître, dans chaque secteur, la part que représente le coût du transport et de la logistique dans le prix des produits finaux. J’avais interrogé le ministre délégué chargé des transports sur ce point sans obtenir de réponse satisfaisante. Cette part est évidemment très variable en fonction de la nature et du poids des marchandises transportées. Elle est très importante dans le secteur agroalimentaire, ce qui peut expliquer que celui-ci ait été en pointe dans la mobilisation contre l’écotaxe.

Notre Mission devrait auditionner des économistes spécialistes du domaine des transports. J’avais notamment proposé que nous recevions M. Rémy Prud’homme.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Identifier les conséquences de la mise en place de l’écotaxe par secteur d’activité, par territoire et par type de transport
– pour compte propre ou pour compte d’autrui – est en effet une de nos préoccupations. Ce n’est pas une question simple, mais je rappelle que personne ne se l’est posée auparavant. Nous nous efforçons d’expertiser les études existantes. En outre, une marche à blanc du dispositif permettrait de mieux analyser ces conséquences.

Mme Corinne Erhel. Toute réforme doit être comprise économiquement et acceptée socialement. Il existe au moins trois points de blocage. Premièrement, il semble difficile de revenir sur le contrat avec Ecomouv’. D’une part, cela serait très coûteux. D’autre part, le dispositif de contrôle mis en place est très complexe, comme l’a montré l’audition de la directrice générale des douanes et des droits indirects. Doit-on maintenir ou non les portiques ? Peut-on s’en passer ? Comment ? Le choix de cette technologie ancienne et visuellement agressive a eu un effet psychologique important sur le terrain. Il existe certainement des technologies alternatives plus simples, utilisant des capteurs.

Deuxièmement, le mécanisme de répercussion de l’écotaxe a été mal compris et mal accepté. Nous avons demandé à plusieurs reprises des études permettant d’évaluer non seulement l’impact macroéconomique de l’écotaxe, mais aussi ses conséquences sur différentes régions et sur la chaîne logistique de plusieurs types d’entreprises.

Troisièmement, nous devons examiner toutes les hypothèses, notamment celles qui ont été présentées par le président de l’AFITF. Pour chacune d’entre elles, nous devrions disposer d’une étude d’impact économique. En particulier, serait-il envisageable d’instaurer une taxe additionnelle sur le gasoil ?

Les paramètres à prendre en compte sont nombreux et il n’existe pas de solution évidente qui permette à tout le monde de sortir par le haut. Il est néanmoins indispensable de trouver un mécanisme pour financer les infrastructures de transport dans notre pays.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Les hypothèses sont aujourd’hui moins nombreuses ; il convient en tout cas d’en évacuer certaines. Ainsi, il est impossible de substituer à l’écotaxe une augmentation de 2 ou 3 centimes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) appliquée au gasoil. Cela créerait une discrimination entre transporteurs français et étrangers, car ces derniers peuvent aller faire le plein en Belgique ou en Espagne. D’autre part, le système de la vignette n’est pas non plus une solution, car il ne peut pas coexister avec une écoredevance. Le produit de la vignette telle qu’elle existe actuellement s’établit à 175 millions d’euros, après avoir baissé de 50 millions.

Je suis d’accord avec Mme Erhel : nous disposons d’informations sur l’impact macroéconomique de l’écotaxe, mais nous aurions aussi besoin d’indications par filière. Or notre Mission a une obligation morale à l’égard de l’exécutif : elle doit remettre son rapport dans les meilleurs délais. Une marche à blanc pour tester le dispositif technique de l’écotaxe permettrait de mesurer, à cette occasion, son impact sur différentes filières. Tel est le message que nous avons fait passer tant au ministère des transports qu’aux représentants des différents secteurs d’activité que nous avons rencontrés.

M. Thierry Benoit. Nous devons aussi tenir compte du contexte européen. Selon ses détracteurs, l’écotaxe va accentuer les distorsions de concurrence avec les autres États membres, alors que nous commençons à peine à trouver des solutions au problème des travailleurs détachés.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Plusieurs pays européens ont déjà mis en place une écoredevance. L’instauration de l’écotaxe en France n’accentuera pas les distorsions de concurrence, en tout cas pas avec l’Allemagne.

M. Thierry Benoit. Néanmoins, il pourrait être utile de mener une réflexion au niveau européen. Cela pourrait aider la France à mettre en place l’écotaxe.

M. Philippe Duron. L’écotaxe est un dossier complexe, qui présente à la fois une dimension financière – l’État rémunère Ecomouv’ et devrait lui verser, en sus, une indemnité, si l’écotaxe n’était pas mis en place – et fiscale – nous avons besoin de recettes pour financer les infrastructures de transport en France. L’écotaxe doit en outre permettre de répondre à des problèmes de mobilité – nous avons encore des progrès à faire en matière de lutte contre la congestion ou pour améliorer les performances de certains modes de transport – et à des problèmes environnementaux – il convient de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergies fossiles.

Quant aux études qui pourraient être utiles à votre Mission, l’AFITF ne dispose malheureusement d’aucune capacité d’expertise. Le législateur n’a pas souhaité lui en donner une, alors que cela lui a été demandé, notamment dans le rapport de M. Claude Gressier en 2009. Le rôle de l’AFITF est de protéger les ressources, de les affecter de manière transparente, de donner des garanties juridiques aux conventions que l’État passe avec ses partenaires et d’assurer le suivi de ces conventions et des financements qu’elle accorde. Aujourd’hui, notamment en cas de partenariat public-privé, l’État s’engage sur des durées parfois très longues : vingt-cinq ou trente ans, voir davantage dans le domaine ferroviaire.

L’AFITF a reçu pour la première fois une subvention d’équilibre de l’État en 2009, après avoir consommé la soulte de 4 milliards d’euros provenant de la privatisation des SEMCA. Elle s’est élevée cette année-là à 1 228 539 000 euros, auxquels se sont ajoutés 374 millions issus du plan de relance. Les années suivantes, la subvention a été d’environ 900 millions d’euros : 914 millions en 2010 ; 974 en 2011 ; 900 en 2012. Puis, le budget triennal a prévu son extinction « en sifflet ». En 2013, elle s’est établie à 559 809 447 euros. Cette année, elle aurait dû être plus modeste encore : 400 millions d’euros sur le papier, réduits à 334 millions après application des mesures d’économies – gel et réserve de précaution. Finalement, elle s’élèvera à 656 millions d’euros, grâce au repositionnement de certains crédits et au dégel de 100 millions d’euros gelés en 2013.

Le Premier ministre a lancé la procédure d’élaboration de la nouvelle génération de CPER à la fin de l’été 2013. Il a décidé que les CPER comporteraient un volet « mobilité », conformément aux recommandations de la commission « Mobilité 21 ». Ainsi, la contractualisation entre l’État et les régions concernera désormais non plus seulement un mode de transport particulier – routier, ferroviaire ou fluviomaritime – mais la mobilité au sens large. Il appartient aux partenaires sur le terrain – préfet de région, président de conseil régional – de déterminer quelles sont les priorités de leur territoire : elles ne sont par exemple par les mêmes pour une région maritime ou une zone de montagne. Le Premier ministre avait donné mission aux préfets, par trois circulaires, de mener ce travail à bien avant la fin de l’année 2013.

Dans son discours sur les grands investissements de l’État prononcé le 9 juillet 2013 à l’université Pierre-et-Marie-Curie, le Premier ministre a souhaité que le budget de l’AFITF atteigne 2,5 milliards d’euros par an. Si tel était le cas, l’agence pourrait financer le volet « mobilité » des CPER. Mais, dans le cadre du budget voté pour 2014, elle n’est pas en mesure de mettre en place les premiers crédits de paiement pour la nouvelle génération de CPER. Le Gouvernement trouvera peut-être des solutions pour la deuxième partie de l’année.

Monsieur Gorges, vous avez estimé qu’une partie des réseaux routier, ferroviaire, voire fluviomaritime, devait conserver un caractère national. On imagine mal, en effet, que la cohérence des itinéraires ne soit pas garantie, surtout dans un pays tel que le nôtre. La réorganisation de l’État en matière de routes a privilégié cette notion d’itinéraire. Le premier problème aujourd’hui est celui du financement : d’une part, la ressource publique diminue et, d’autre part, les instances européennes nous incitent à mobiliser l’épargne privée pour financer certaines infrastructures – tel est notamment le rôle des project bonds dans l’esprit de la Banque centrale européenne. Dans la configuration actuelle, les partenariats public-privé sont beaucoup plus coûteux que les financements publics, ce qui rend certains arbitrages politiques difficiles à rendre. Mais il est des cas où ils présentent un réel intérêt, notamment lorsque les projets sont très complexes : le Gouvernement a ainsi décidé d’avoir recours à un financement public-privé pour achever la rocade L2 à Marseille.

D’autre part, il convient de déterminer qui doit supporter le coût des infrastructures : le contribuable, l’usager ou les deux selon un équilibre à définir. C’est un débat de nature politique, qu’il n’appartient pas au président de l’AFITF de trancher. Lorsque la France s’est fixé l’objectif, il y a près de quarante ans, de rattraper son retard en matière de construction d’autoroutes, elle a créé des sociétés publiques – les SEMCA –, mais elle a décidé que les nouvelles infrastructures seraient financées par l’usager.

Enfin, deux usages de la route ou des voies ferrées peuvent être distingués : en tant que service public ou à des fins économiques. Même si cela fait débat en Bretagne, il n’est pas illégitime d’intégrer dans le coût du transport des marchandises – et donc dans leur prix final – celui de l’infrastructure et de son usage.

M. Marc Le Fur. Ce raisonnement est pertinent pour les ouvrages publics nouveaux, mais non pour ceux qui existent déjà et qui ont été financés par les contribuables, en particulier par les contribuables régionaux dans le cadre des CPER précédents.

M. Philippe Duron. Je pourrais vous suivre, monsieur Le Fur, si les ouvrages publics ne se dégradaient pas avec le temps. Or le maître d’ouvrage public a du mal à entretenir et à moderniser les infrastructures – c’est une des fragilités du système public, qui vaut d’ailleurs tout autant pour les tribunaux, les prisons ou les lycées. Nous pourrions très bien imaginer que l’usager ne finance pas le coût de l’investissement, mais seulement celui de l’entretien et de la modernisation. Tel est d’ailleurs le cas pour certaines lignes à grande vitesse, sur lesquelles la tarification permet d’assurer le « petit équilibre ». Mais le contexte économique et financier peut aussi justifier que l’on fasse appel aux usagers pour financer le coût complet des infrastructures. Ces décisions relèvent de l’autorité politique.

Vous avez évoqué un naufrage, monsieur Savary. Pour ma part, je dirais plutôt que nous avons colmaté les voies d’eau.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Pour combien de temps ?

M. Philippe Duron. À ce stade, pour l’exercice 2014.

J’ai peut-être évoqué imprudemment une régionalisation plutôt qu’une départementalisation. Mais telle est bien l’idée qui revient dans le débat public. Il revient au pouvoir politique de décider à qui l’État doit transférer telle ou telle infrastructure. Il serait en effet plus logique d’affecter la totalité d’un mode de transport à un même niveau de collectivités. Dans le cadre du projet de loi de décentralisation, comme l’a indiqué M. Savary, il est envisagé de faire des régions des AOT et de leur confier un rôle de chef de file en matière de transports, afin qu’elles puissent avoir une vision cohérente des problématiques de mobilité sur leur territoire. Pour l’instant, aucun nouveau transfert de routes nationales n’est prévu. Au vu de mon expérience de président de conseil régional, il ne serait d’ailleurs pas facile aux régions de gérer les routes.

Il est en effet possible, monsieur Benoit, de traiter temporairement de manière séparée la question du financement de l’AFITF et celle de la mise en place de l’écotaxe. À cet égard, il ne m’appartient pas de me prononcer sur l’opportunité de réorienter au profit de l’AFITF une partie des financements consacrés au CICE. Quoi qu’il en soit, l’instauration d’une taxe sur l’usage des routes présente un intérêt propre : inciter à rationaliser le transport routier et à réaliser un transfert modal. La situation est complexe dans notre pays : le transfert modal vers le rail est le mot d’ordre de tous les gouvernements depuis une vingtaine d’années mais, à ce stade, pour reprendre le bon mot d’un ancien président de Geodis, nous le réalisons à rebours ! Il convient, d’une part, d’améliorer l’efficacité du système ferroviaire – tel est l’objectif du projet de loi qui sera examiné prochainement par le Parlement – et, d’autre part, de donner des signaux tarifaires : les chargeurs choisiront logiquement le mode de transport le plus efficace et le plus économique.

Il n’est pas exact que les transporteurs routiers supporteront le poids de l’écotaxe, comme on l’entend souvent. En tout cas, tel n’est pas le dispositif prévu : avec le mécanisme de répercussion, c’est le chargeur qui prendra en compte l’écotaxe dans son équation financière et l’intégrera au prix du produit final. Certes, la répartition de la charge que représente l’écotaxe pourra faire l’objet d’une négociation entre le chargeur et le transporteur, ce qui introduira le cas échéant un biais dans le dispositif.

Monsieur Le Fur, lorsque le CIADT de décembre 2003 a décidé de créer une agence de financement disposant de ressources affectées, il était en effet prévu que les crédits de l’AFITF contribuent exclusivement au développement de projets nouveaux. Cependant, l’État a ensuite confié à l’agence la mission de financer d’autres projets : la sécurisation des tunnels, le volet « transports » du plan Espoir Banlieues, les TCSP. Il existe néanmoins une justification pour les TCSP : il s’agit d’inciter les villes et les agglomérations à s’engager plus fortement dans le transfert modal en matière de transport de voyageurs. De plus, la part des financements de l’État dans les TCSP demeure modeste : 20 % des dépenses subventionnables, soit environ 10 % du coût total d’un projet.

Vous avez évoqué, madame Erhel, l’acceptabilité sociale de la réforme. Nous avons tous été surpris – je m’exprime cette fois en ma qualité de parlementaire – par la résistance suscitée par la mise en place de l’écotaxe. Nous ne nourrissions guère de doutes sur la pertinence du dispositif : nous l’avons approuvé à la quasi-unanimité et nous sommes donc tous collectivement responsables de cette décision.

Quant aux portiques, ce sont bien des supports de capteurs. Peut-être aurait-on pu les rendre plus acceptables en leur attribuant d’autres fonctions, par exemple celle de diffuser des informations sur les conditions météorologiques ou l’état du trafic, comme l’a suggéré le ministre délégué chargé des transports.

Les études que vous évoquez sont difficiles à réaliser, car l’impact économique de l’écotaxe varie non seulement en fonction de la nature des produits, comme l’a indiqué M. Le Fur, mais aussi d’autres facteurs, tels que la longueur des itinéraires.

Pour conclure, l’écotaxe sera aussi un moyen de rétablir une concurrence plus saine entre transporteurs français et étrangers. Pour la plupart, ces derniers ne paient rien actuellement pour l’usage du réseau routier français. En particulier, ils n’acquittent pas la TICPE, car les camions qu’ils affrètent font le plein au Luxembourg ou en Espagne, pour peu qu’ils soient équipés de réservoirs de 1 100 litres. La moitié des 200 000 agents économiques qui se sont enregistrés auprès d’Ecomouv’ sont des transporteurs étrangers : ils sont déjà habitués à ce type de dispositif sur les autres réseaux routiers qu’ils empruntent.

Je le répète : l’AFITF a besoin de ressources pour financer les infrastructures de transport. L’écotaxe constitue une solution efficace pour ce faire. Sa non-mise en œuvre compromet gravement la construction et la régénération des équipements dans les années à venir.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Merci, monsieur le président.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Réunion du mercredi 19 février 2014 à 11 heures

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. François André, Mme Catherine Beaubatie, M. Thierry Benoit, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Françoise Dubois, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Olivier Faure, M. Claude de Ganay, M. Jean-Pierre Gorges, M. Jean Grellier

Excusés. - M. Florent Boudié, M. Joël Giraud, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Viviane Le Dissez, M. Marc Le Fur, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Gilles Lurton, M. Hervé Pellois, Mme Émilienne Poumirol, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Éric Straumann

Assistait également à la réunion. - M. Philippe Noguès