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Mercredi 14 mai 2014

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 25

Présidence M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Examen des propositions du rapporteur et vote sur le rapport 2

Mission d’information
sur l’écotaxe poids lourds

M. le président et rapporteur Jean-Paul Chanteguet. Alors qu'après plusieurs reports, l’écotaxe allait être mise en œuvre au 1er janvier 2014, les manifestations et les contestations bretonnes ont conduit le gouvernement de M. Jean-Marc Ayrault à suspendre sine die son application.

Consciente qu'en prenant cette décision le Gouvernement s'était mis dans une impasse, la conférence des présidents de l'Assemblée nationale a considéré que, compte tenu des enjeux, financiers, environnementaux, économiques et sociaux, il pouvait être utile de demander à des députés de toutes sensibilités d'essayer d'identifier le chemin permettant de redonner du sens à cette mesure et une plus grande acceptabilité, et elle a donc créé, en novembre 2013, la présente mission d'information.

L’initiative était d’autant plus justifiée que le projet, qui n'en était pas à ses tout premiers balbutiements – bien au contraire –, emportait de multiples engagements de l'État.

Engagement tout d'abord à l'égard du consortium chargé de collecter l'écotaxe, Ecomouv’, qui a déjà investi dans ce projet près de 600 millions d'euros, ainsi qu’à l’égard des six sociétés habilitées de télépéage pour chacune desquelles l’investissement se monte à plusieurs dizaines de millions d'euros.

Engagement vis-à-vis de l'Union européenne, qui voit dans le dispositif technique retenu le premier système interopérable en Europe

Engagement vis-à-vis des conseils généraux, qui avaient prévu de mobiliser une partie de la recette pour l'entretien de leurs routes

Engagement vis-à-vis des entreprises du secteur des transports, qui avaient déjà doté plus de 200 000 camions d’équipements électroniques embarqués.

Engagement vis-à-vis des salariés recrutés par les douanes, soit 130 agents à Metz et 170 douaniers pour les contrôles manuels, et par Ecomouv’, soit 159 personnes en CDI à Metz.

Engagement, enfin, vis-à-vis de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), qui devait percevoir chaque année plus de 700 millions d'euros.

En près de six mois, dégagés de la pression des mécontentements, nous avons modestement essayé de repenser en toute sérénité ce dossier. Nous nous sommes déplacés à Bruxelles, à Vienne et à Bratislava. Nous avons procédé à une trentaine d'auditions et reçu les représentants des institutions et fédérations professionnelles, des ONG, des syndicats, des collectifs d'acteurs du secteur et de la société Ecomouv’.

Ce travail tout à l'honneur de l'Assemblée nationale nous aura permis dans un premier temps de reposer les fondements de l'écotaxe et d'en identifier les éléments incontournables.

L'écotaxe bénéficie tout d'abord d'une grande force, puisqu'elle prend racine dans un véritable consensus politique. En effet, en nous saisissant de ce dossier, nous ne nous saisissions pas d'un projet venu de nulle part, d'un projet orphelin depuis l'élection du nouveau Président de la République et du renouvellement législatif de juin 2012. Non ! nous nous saisissions d'un projet porté sur les fonts baptismaux par la précédente majorité et adopté à la quasi-unanimité dans le cadre de la loi de programmation dite Grenelle 1 du 3 août 2009 mais, plus encore, d'un projet que la majorité actuelle s'était approprié en validant le contrat de partenariat public-privé passé avec le consortium Ecomouv’ et en faisant voter en mai 2013 une loi disposant que, comme cela était écrit dans les textes du Grenelle, le prélèvement de l’écotaxe devait être neutre pour les transporteurs et serait donc répercuté sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises – les affréteurs et les chargeurs – par un mécanisme de majoration forfaitaire, et prenant acte d’une réduction du taux de l'écotaxe de 40 % à 50 % pour la Bretagne et de 25 % à 30 % pour les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, ainsi que de l'exonération des véhicules affectés à la collecte du lait.

L'écotaxe répond ensuite, bien au-delà de son aspect technique, à un véritable choix de société. Elle est un outil qui participe d'une politique durable des transports routiers. En favorisant une répartition différente des trafics, elle concourt à réorienter notre économie vers un modèle moins dépensier en énergie, moins polluant et plus résilient au changement climatique.

En effet, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, la France s'est engagée à adopter des politiques permettant de respecter les engagements nationaux et internationaux qu'elle a pris en matière d'émissions de gaz à effet de serre et d'autres polluants.

En 2011, au niveau national, le transport terrestre de marchandises s'effectuait à 87,6 % par camion contre 10 % pour le transport par voie ferrée et 2,4 % pour le transport par la voie d'eau. Or le transport routier est la première source d'émission d'oxydes d'azote et de monoxyde de carbone, et est à l’origine de près de 20 % des émissions de particules fines et de près du tiers de celles de dioxyde de carbone.

À cette pollution de l'air dont l'impact sur la santé n’est pas négligeable s'ajoute la forte accidentologie sur les routes et autoroutes due à la présence des camions.

Aujourd'hui, la gratuité du réseau routier, hors le réseau autoroutier concédé, le rend particulièrement attractif. Au cours des vingt prochaines années, malgré les efforts entrepris à l'échelle européenne pour développer les modes de transport alternatifs à la route et quels que soient les progrès du transport ferroviaire dans des pays comme l'Allemagne et la Suède, le transport routier restera le mode de transport terrestre largement prépondérant parce que le mieux adapté à la structure et à la géographie de l'activité économique européenne.

Néanmoins, si nous voulons construire une politique soutenable des transports de marchandises, plusieurs voies complémentaires doivent être empruntées et développées. Il convient de promouvoir le développement de technologies plus économes ou plus propres, comme certains carburants alternatifs au pétrole, de réduire la demande de fret routier, notamment par l’optimisation des tournées et des taux de chargement et de retour à vide, ainsi que par la modification et l’allégement des emballages, et de favoriser l'utilisation de modes de transport alternatifs à la route.

Si l'on veut rendre le transport terrestre de marchandises durable, il faut rétablir la vérité des prix afin de parvenir à plus d’équité entre les modes de transport et d’éviter que les citoyens ne soient les seuls à payer l'entretien des routes.

En effet, aujourd'hui, la circulation sur le réseau routier non concédé est gratuite, alors que l'utilisation des réseaux ferroviaires et fluviaux donne lieu à un péage. C'est pourquoi il faut faire payer au transport routier de marchandises les coûts réels d'usage de l'infrastructure afin de mieux les reporter dans le prix.

La loi Grenelle I a donc introduit le principe de l'éco-redevance pour corriger la sous-tarification actuelle sur le réseau routier national non concédé. L'objectif était d'améliorer d'un point de vue économique la couverture par les poids lourds des coûts qu'ils génèrent lorsqu’ils empruntent les infrastructures routières – il s'agit du coût d'usage, qui inclut les charges d'investissement, d'entretien et d'exploitation de l'infrastructure, mais pas les externalités que sont la pollution, les nuisances et autres coûts sociaux.

L'écotaxe s'appuie sur deux principes incontestables.

Le premier est celui de l'utilisateur payeur. L'écotaxe n'est pas un impôt, qui serait la marque d'une écologie punitive, mais une redevance à payer par les utilisateurs des routes, qui jusqu'ici les empruntent gratuitement sans contribuer à leur réparation ni à leur entretien, contrairement à ce qui se passe pour tous les autres modes de transport. En finir avec cette gratuité constitue donc une mesure de justice : ce n'est pas aux contribuables qu'il revient de payer pour le passage des camions.

Le second principe est celui du pollueur payeur. Le transport routier est effectivement la première source d’une pollution qui nuit à la santé de la population et entraîne des frais sanitaires considérables, ce qui est doublement contraire à l'intérêt général.

L'importante circulation des poids lourds participe au réchauffement climatique, confirmé par le cinquième rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui prévoit, sauf mesures radicales prises par la communauté internationale, la multiplication d'événements climatiques extrêmes, le développement de conflits d'accès à l'eau et à l'alimentation et l'augmentation des déplacements de réfugiés.

La France doit d'autant plus se mobiliser sur cette question qu'elle accueillera en 2015 la Conférence climatique mondiale et que plusieurs pays européens ont déjà pris des mesures permettant le report modal.

C'est exactement ce que permet l'éco-redevance grâce au signal prix envoyé aux acteurs économiques, afin qu'ils utilisent des camions moins polluants, optimisent leurs tournées, réduisent leurs charges, favorisent les circuits courts et la relocalisation des productions et, bien sûr, choisissent autant que possible le rail et la voie d'eau.

Enfin, cette écotaxe permet à l'État et aux collectivités territoriales de disposer des ressources financières pour le nécessaire entretien des routes, mais aussi pour le développement d'infrastructures alternatives de transport durable, à mettre au plus vite à disposition des acteurs économiques, comme le chemin de fer ou les voies fluviales.

Le contrat de partenariat qui a été conclu en janvier 2011, au terme d'un appel à projets et d'une période dite de « dialogue compétitif », a abouti à la désignation d'un prestataire commissionné par l'État pour la liquidation et la collecte de l'écotaxe, est bien au cœur de ce projet.

Aujourd'hui, alors qu'il n'a pas été démontré qu'il n'avait pas été passé conformément aux règles et règlements en vigueur, et que la société Ecomouv’ considère qu'elle a rempli ses obligations en respectant pour la mise à disposition du système le délai maximum de six mois à compter de la date contractuelle de livraison du 20 juillet 2013, et alors que l'État, tout en ayant engagé une procédure de déchéance au titre de l'article 64, a accepté une procédure de conciliation sur la base d'un protocole d'accord, il ne nous est pas possible de ne pas tenir compte de tous les aspects de ce contrat ainsi que des contraintes techniques, administratives et financières qu'il nous impose. Et, face à la volonté de certains, clairement exprimée à de nombreuses reprises, de le remettre en cause, il n'est pas inutile de rappeler que les systèmes et dispositifs proposés par Ecomouv’ l'ont été sur la base des prescriptions de l'État.

Au-delà d'un enjeu de crédibilité, concernant la parole – mais aussi la signature – de l'État, disposons-nous aujourd'hui des moyens financiers de dédommager le prestataire à hauteur d'au moins 800 millions d'euros, hors le montant des indemnités qui seraient réclamées par les entreprises ayant signé des contrats de sous-traitance comme Thales, SFR ou Steria, ainsi que par les six sociétés habilitées de télépéage ?

Il est difficile, en outre, de s'affranchir de la législation européenne qui, au travers de la directive « Eurovignette », n'oblige pas les États membres à établir des péages ou des droits d'usage, mais leur impose le respect de certaines règles lorsqu’ils décident d'introduire, pour faire payer l'usage des routes par les poids lourds, des dispositifs qui entrent dans son champ d'application du fait des véhicules et des zones géographiques concernés. En particulier, la création d'une éco-redevance au niveau national ne doit pas se traduire par une discrimination à l’égard des usagers étrangers ni par des discriminations entre acteurs nationaux et acteurs des autres pays de l'Union européenne. En effet, l'article 7§3 précise que les péages et droits d'usage sont appliqués sans discrimination, directe ou indirecte, en raison de la nationalité ou de l’État du transporteur, de l'État d’immatriculation du véhicule, ou encore de l'origine ou de la destination du transport. Ainsi, il n'apparaît pas possible d'instaurer une vignette uniquement pour les véhicules étrangers.

Enfin, en son article 7§2, la directive interdit aux États d'imposer cumulativement des péages et des droits d'usage à une catégorie donnée de véhicules pour l'utilisation d'un même tronçon de route, à l'exception du franchissement de ponts, de tunnels et de cols. Elle interdit de plus de percevoir cumulativement ces péages et droits d'usages pour un même tronçon, sachant que la Commission considère que la notion de tronçon ne s'applique pas par sous-réseau, mais à l'échelle d'un pays entier. De ce fait, l'existence en France de plus de 8 000 kilomètres d'autoroutes concédées rendrait impossible la mise en place d'une vignette en France, ou à tout le moins imposerait la création d'un fonds de compensation visant à éviter le double péage, fonds qui devrait être doté de plus de 2 milliards d'euros correspondant aux péages acquittés par les poids lourds, de sorte que l’opération serait largement déficitaire pour l'État, car la vignette ne rapporterait qu'environ 650 millions d'euros.

Il est difficile aussi de ne pas prendre en compte les enjeux financiers d'un tel projet. En effet, les engagements gouvernementaux pris en juillet 2013 par M. Ayrault à la suite de la remise du rapport de la Commission « Mobilité 21 », présidée par M. Philippe Duron, devaient se traduire par la mobilisation, pour le financement des infrastructures de transport, d'une enveloppe globale de 35 milliards d'euros inscrite au budget de l'AFITF.

Cette enveloppe est déjà amputée en 2014 de près de 500 millions d'euros, du fait de la suspension de l'écotaxe. Si cette suspension devenait abandon ou si le bilan financier d'une remise à plat était trop dégradé, c’est le financement des quatre lignes à grande vitesse (LGV) en cours de réalisation, des projets de transport collectifs en site propre ou des volets « Mobilité » des contrats de projets État-région, pour lesquels la participation de l'AFITF est de 950 millions d'euros annuels, qui serait remis en cause.

Comment ne pas tenir compte non plus du temps qui passe, générateur tous les mois d'un loyer de près de 20 millions d'euros, non couvert par une recette d'écotaxe ?

Cette situation nous interdit de proposer des modifications ou des adaptations du dispositif qui induiraient un report de la mise en œuvre de l'écotaxe, comme la création d'une quatrième catégorie de poids lourds, l'extension du réseau local taxé – qui nécessiterait la consultation de tous les conseils généraux – ou la modification du seuil des véhicules taxés.

Avec le temps qui passe, l’inquiétude grandit aussi parmi les douaniers recrutés à Metz et parmi les salariés d'Ecomouv’ chargés de la gestion de l'écotaxe, basés à Augny, comme parmi les fonctionnaires qui doivent assurer le contrôle et l'encaissement.

Il est, enfin, d'autres dispositions, soutenues avec force par les principales organisations de transporteurs, qui ne paraissent pas pouvoir être remises en cause sous peine de les voir demain s'y opposer très frontalement : ce sont celles qui ont trait aux mécanismes de répercussion de l'écotaxe par les transporteurs sur les bénéficiaires de la circulation des marchandises – chargeurs ou affréteurs. En effet, l'objectif de l'éco-redevance étant de faire payer l'usage de la route à ses utilisateurs, il est prévu d'en répercuter le coût sur les chargeurs, c'est-à-dire sur ceux qui commandent la prestation de transports.

L'inapplicabilité, reconnue par tous, du décret du 4 mai 2012 « relatif aux modalités de majoration du prix du transport liée à l'instauration de l'écotaxe » a conduit le ministre Frédéric Cuvillier à proposer un système simple de répercussion au travers d'une majoration forfaitaire de plein droit, selon un taux fixé par région et un autre, distinct, pour les trajets interrégionaux.

Ce dispositif, qui permet à tout transporteur routier de majorer le prix de sa prestation quel que soit l'itinéraire emprunté, a été adopté par le Parlement. Le Conseil constitutionnel l’a validé le 23 mai 2013 en considérant que le principe de cette majoration forfaitaire demeurait corrélé avec l'objectif de la taxe, à savoir que c'est le donneur d'ordre qui choisit le mode de transport. Ce donneur d’ordre doit supporter la taxe, et l'objectif de politique économique poursuivi par le législateur à l'égard du transport routier de marchandises le justifiait.

Au terme de nos travaux, nous avons considéré que les propositions que nous devions faire devaient bien entendu respecter les engagements pris par la classe politique et par l'État, qu'elles devaient renforcer l'acceptabilité de l'écotaxe, mais qu'elles devaient aussi permettre une meilleure prise en compte des inquiétudes économiques locales et des préoccupations environnementales légitimes.

Tout d'abord, nous avons tenu à repréciser que l'écotaxe n'était pas une taxe supplémentaire. En effet, c'est une redevance kilométrique d'usage des infrastructures routières et sa mise en œuvre, comme nous l'avons déjà rappelé, fait appel à deux principes : le principe « utilisateur payeur » et le principe « pollueur payeur ».

Parler maintenant d'éco-redevance poids lourds peut paraître très symbolique aux yeux de certains, mais cette modification est pour nous la première étape d'une démarche indispensable de pédagogie et de communication qu'il convient de mener en direction des redevables, des élus et du grand public pour re-légitimer ce prélèvement.

Il est difficile de nier que le contexte économique qui prévalait lors de la mise en place de l'éco-redevance soit singulièrement différent aujourd'hui. Le monde du transport routier traverse actuellement une profonde crise, amorcée dès 2008 et exacerbée par une concurrence européenne souvent déloyale. De même, certaines activités de l'industrie agroalimentaire souffrent d'une situation économique particulièrement difficile, alors même que sa structure logistique et économique a pour conséquence un impact proportionnellement plus important de l'éco-redevance sur ce secteur.

Au-delà du monde du transport routier, l'éco-redevance a suscité l’inquiétude, et parfois la colère, de milieux professionnels, tout spécialement des dirigeants d'entreprises artisanales et de PME de ces filières de l'agroalimentaire. Pour ce secteur, c'est la situation d'entreprises bretonnes fragilisées par la crise qui a servi de révélateur à une situation plus générale, qui n’a pas pour unique origine la mise en œuvre annoncée de l'éco-redevance.

Dans les faits, plus que le montant de l'éco-redevance, c'est le principe de sa répercussion sur les donneurs d'ordre qui a suscité les critiques, voire les réfutations les plus vives.

Il ne nous a pas paru souhaitable de répondre favorablement aux demandes d'exonération pure et simple présentées par tel ou tel secteur d'activité. En effet, au sein d'un même secteur, les schémas productifs et logistiques sont par nature très différents d'une activité à l'autre. L'idée consistant à soustraire de l'assujettissement à l'éco-redevance au gré des situations conjoncturelles filière par filière n'est guère praticable non plus.

Compte tenu de la diversité des chaînes logistiques et de production, le dispositif de l'éco redevance poids lourds tel qu'il est défini aujourd'hui pénalisera demain ceux qui effectueront de courts trajets ou qui seront des utilisateurs occasionnels, ceux qui mettront en œuvre des systèmes de distribution vertueux comme celui des tournées, ceux pour lesquels le transport n'est pas généralement l'activité principale ou, à l’inverse, certaines filières économiques intensives en transport. C'est pourquoi nous pensons que la proposition d'instaurer une franchise kilométrique mensuelle, exprimée en euros, est plus pertinente. Elle allégera les montants qui seront acquittés par tous les redevables, et plus sensiblement encore dans les trois régions classées au titre de la périphéricité. En outre, elle aura un effet réducteur sur les taux de majoration forfaitaire et la répercussion facturée aux donneurs d'ordre pour chaque prestation de transport s'en trouvera minorée d'autant.

Elle sera créée sans discrimination de secteur d'activité, de nature du transport ou de nationalité.

Elle se présentera sous la forme d'une franchise kilométrique exprimée en euros. Pour des raisons pratiques, cette franchise sera mensualisée et valable uniquement par poids lourd, et non pas par entreprise. Elle concernera tous les utilisateurs du réseau taxable, quelle que soit la distance parcourue ou la localisation des trajets.

Une franchise kilométrique mensuelle de l'éco-redevance réduit par construction la charge pour les petits utilisateurs du réseau taxable et sera plutôt favorable à ceux qui effectuent leur transport en compte propre.

Exprimée en euros et mensualisée, elle bénéficiera davantage aux véhicules se voyant appliquer un taux kilométrique relativement plus faible et favorisera donc davantage les poids lourds circulant sur le réseau des régions périphériques, ainsi que les catégories de poids lourds les moins susceptibles d’endommager la chaussée et les moins polluants.

Cette solution est la plus pertinente pour tenir compte à la fois d'inquiétudes économiques locales et de préoccupations environnementales légitimes. Elle permet de renforcer la légitimité de l'éco-redevance en allégeant son coût pour les petits trajets et, par conséquent, pour les petits transporteurs qui ne peuvent structurellement pas bénéficier de report modal ou pour lesquels le report modal est impossible.

La franchise aura, notamment en Bretagne, un impact plus fort pour le secteur agroalimentaire, qui repose sur une structure économique plus intensive en transports routiers de courtes distances, peu propices à un report modal. Les systèmes logistiques du secteur reposent en effet sur une multitude de petits trajets entre les différents sites correspondant à chaque phase de la production, ce qui multiplie certes l'effet de l'éco-redevance sur le coût du produit, mais multiplie également l'effet de la franchise.

Cette franchise protégera nos territoires et l'économie de proximité. En effet, dans une économie maintenant mondialisée, les sites de production sont souvent très éloignés des lieux de distribution, situation à laquelle concourt d’ailleurs la sous-tarification des prestations du transport routier. Au travers de cette franchise, nous ferons proportionnellement plus payer les transports de longue distance.

Les taux kilométriques de l'éco-redevance varient en fonction du nombre d'essieux et du poids total autorisé en charge des poids lourds – c'est la prise en compte du principe utilisateur payeur –, mais ils sont également modulés, en fonction de la catégorie d'émissions Euro des véhicules.

Nous proposons une franchise mensuelle de 400 kilomètres qui, convertie en euros, permettra, en fonction des différentes catégories et de la norme Euro du poids lourd, de bénéficier d’abattements de 280 à 850 kilomètres.

Les distances pouvant être parcourues grâce à la franchise exprimée en euros seront multipliées par deux pour la Bretagne et par un facteur 1,4 pour les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées, en raison des abattements, respectivement de 50 % et de 30 %.

Sachant que l'utilisation du réseau taxable ne représente en moyenne que 30 % du trajet effectué par un poids lourd, lorsque celui-ci bénéficiera d'une franchise de 400 km, il aura effectué en moyenne un trajet sur le réseau routier de près de 1 300 kilomètres. Un transporteur breton pourra, avec un véhicule de 1ère catégorie de norme Euro 6, parcourir gratuitement près de 5 000 kilomètres sur un mois.

Enfin, la mise en place d'une franchise exprimée en euros aura un impact réducteur sur les taux de majoration forfaitaire, dont l'objectif est d'assurer une répercussion vers les donneurs d'ordre. Ce taux passera de 3,7  à 2,8 % pour la Bretagne et de 7 % à 5,3 % pour l’Île-de-France, tandis que le taux de majoration interrégional passera de 5,2 % à 3,8 %.

Afin de renforcer les effets favorables à l’environnement de l’éco-redevance en favorisant le report modal – ou un report sur l’autoroute lorsque cela est possible–, nous avons examiné la possibilité de relever son taux kilométrique sur certains axes particuliers. Cette proposition pourrait conduire à prendre en compte le niveau de congestion sur certains axes très sensibles, ce que permet déjà l'article 275 du code des douanes, ou à envisager une surtaxe temporaire de certains itinéraires routiers parallèles au tracé du futur canal Seine-Nord Europe, comme le préconise le rapport de la mission de reconfiguration confiée à notre collègue Rémi Pauvros.

Le parc roulant français de poids lourds est essentiellement composé de véhicules diesel anciens, aux normes d'émissions Euro moins exigeantes que celles applicables aux véhicules neufs d'aujourd'hui. L'âge moyen du parc est progressivement passé de cinq ans en 2007 à cinq ans et demi en 2011 et à 6,7 ans en 2013. Au 1er janvier 2014, le parc de poids lourds était encore composé de 30 % de véhicules Euro 2 et Euro 3. Or, les véhicules Euro 6 émettent treize fois moins de particules et douze fois moins d'oxydes d'azote qu'un véhicule Euro 3.

À compter du 31 décembre 2013, tous les véhicules neufs devront être conformes à la norme Euro 6. Renforcer la dimension environnementale de l'éco-redevance est pour nous une priorité. C'est pourquoi nous proposons, afin d'accélérer le renouvellement de notre parc de poids lourds, d'accentuer la modulation des taux kilométriques de l'éco-redevance en faveur des véhicules les moins polluants, afin de renforcer la prise en compte du principe pollueur payeur. Nous proposons en particulier de fusionner les véhicules électriques et la norme Euro 6 et de leur appliquer un rabais de 30 %, au lieu de 15 % comme prévu à l'origine.

De plus, nous pensons qu'il conviendrait de créer un fonds de modernisation pour inciter les entreprises de transports à investir dans les véhicules moins polluants, au gaz ou à motorisation électrique. En effet, l'acquisition d'un tel véhicule entraîne un surcoût, intégrant l'achat et la maintenance, de l'ordre de 20 % à 50 % par rapport à une motorisation diesel. Je signale qu’à la suite de la mise en place de la taxe poids lourds en Allemagne, en 2005, le gouvernement de ce pays a adopté un tel plan de modernisation des flottes de poids lourds, doté de 16 millions d'euros.

Nombreux sont ceux qui ont regretté que l'expérimentation prévue en Alsace n'ait pas eu lieu et que la marche à blanc organisée sur la base du volontariat n'ait concerné qu'une dizaine de milliers de véhicules. Nous proposons donc, pour renforcer l'acceptabilité de l'éco-redevance poids lourds, mais également pour tester son bon fonctionnement et disposer d'éléments d'évaluation de son impact économique et financier, l’organisation d'une marche à blanc nationale, soit sur l'ensemble du réseau soumis à l'éco-redevance, d'une durée minimale de quatre mois et qui devra être obligatoire pour tous les poids lourds et toutes les sociétés habilitées de télépéage.

La préparation de cette marche à blanc nécessite une validation préalable et globale de tous les dossiers déjà enregistrés par Ecomouv’ en sa qualité de prestataire commissionné. Au fur et à mesure de leur enregistrement s'y agrégeront les nouveaux entrants, qui devront être suffisamment nombreux pour que l’opération ait véritablement du sens – d’où la nécessité aussi d’un robuste mécanisme d'incitation.

Cette marche à blanc devrait nous servir d'étude d'impact et, pour ce faire, un certain nombre d'entreprises et de secteurs d'activité seront identifiés afin de mesurer les effets et conséquences de l'éco-redevance. Elle nous permettra notamment de vérifier l'adéquation des taux de majoration forfaitaire avec la redevance réellement prélevée et de détecter en amont les secteurs d'activité ou les filières qui seraient confrontés à des difficultés et pour lesquels pourrait être mis en place un plan d'adaptation.

Plusieurs organisations professionnelles ont exprimé leurs craintes de voir certaines filières agricoles ou agroalimentaires pénalisées par l'état des relations commerciales, notamment avec la grande distribution. L'idée a donc été émise, afin d'influer sur les négociations commerciales, d'autoriser l'inscription en bas de facture, lorsqu'elles sont disponibles, des informations relatives aux majorations supportées au titre de l'éco-redevance ou aux coûts supportés par le producteur assurant le transport en compte propre. Il s'agirait d'une répercussion au réel, et non forfaitaire, sans caractère obligatoire.

Cette proposition ne correspond pas à une répercussion automatique et obligatoire des coûts de l'éco-redevance sur l'ensemble de la chaîne de production, ce qui serait impossible à mettre en œuvre et à contrôler. Par conséquent, la mesure peut se révéler sans effet réel ou n'avoir que de faibles conséquences. Néanmoins, elle faciliterait sans doute la répercussion de l'éco-redevance, en particulier dans les secteurs d'activité où les négociations commerciales sont systématiquement tendues, comme la filière agricole ou agroalimentaire.

Reconnaissant avec de nombreux acteurs de ce dossier la complexité des dispositifs et des difficultés d'application, nous proposons d'adapter l’application du dispositif de majoration forfaitaire pour le transport routier de pré- et post-acheminement relevant d'une opération de transport combiné, pour les opérations de déménagement et pour les opérations de livraisons expresses, de simplifier les procédures d'enregistrement des redevables auprès du prestataire commissionné et d'exonérer les poids lourds immatriculés en « W garage », les poids lourds de collectionneurs et les véhicules de formation ou de conduite école.

Enfin, la contestation de l'éco-redevance poids lourds étant due aussi à un déficit d'explication, il serait particulièrement opportun de renforcer la communication et la pédagogie afin de redonner du sens au dispositif.

Bien que je me sois, au cours de nos travaux, toujours refusé à appréhender ce dossier à la lumière des problématiques bretonnes, je reconnais avec vous l'existence de schémas d'organisation spécifiques à l'économie agroalimentaire de cette région, appuyés sur des processus de production reposant sur une succession d’opérations de transport, des approvisionnements de base jusqu'à la distribution du produit fini, avec différentes ruptures de charge.

Si nous devons reconnaître qu'en Bretagne, comme dans d'autres territoires, les possibilités de report modal de la route vers le rail sont relativement limitées, nous devons aussi dire que le chaînage du transport routier intervient sur des distances souvent limitées, avec des fréquences assez différentes selon les productions et souvent dans un cadre principalement local. D'ailleurs, en Bretagne, une partie importante du transport intrarégional par route ne sera pas effectué sur le réseau soumis à l'éco-redevance.

Ne disposant pas aujourd'hui de véritables études d'impact économique et financier, je considère qu'il serait indispensable, dans le cadre de la marche à blanc, d'identifier en amont les secteurs d'activité ou filières qui pourraient être confrontés à des difficultés et, pour ce faire, qu'il serait utile de tester à partir d'un échantillon la répercussion de la majoration forfaitaire sur les chargeurs.

Si certains pensent que le Pacte d'avenir pour la Bretagne présenté par le Premier ministre le 13 décembre 2013 peut constituer un cadre propice à la déclinaison de mesures ciblées d'adaptation et d'accompagnement pour les filières qui seraient touchées par l’éco-redevance, d'autres considèrent que la seule réponse consiste à retirer du réseau taxé toutes les routes bretonnes, ce qui pourrait se faire par voie réglementaire après modification de l'article 270 du code des douanes qui définit le réseau taxé. Une telle décision, lourde de sens, devrait être prise par l'exécutif, expliquée et justifiée.

Ces différentes propositions, certains les trouveront peu révolutionnaires. Mais elles ont au moins le mérite de ne pas être farfelues. Nous respectons tout d'abord la parole et la signature de l'État puisque nous considérons que le dispositif technique mis en œuvre par Ecomouv’, après avoir franchi les différents tests de contrôle – vérification d'aptitude au bon fonctionnement (VABF) et vérification de service régulier (VSR) – doit être réceptionné.

Ainsi, en ces périodes d'austérité budgétaire, nous préservons les intérêts de l'État, car une résiliation, voire une déchéance, coûterait au bas mot 800 millions d'euros. De plus, en ne remettant pas en cause fondamentalement le cahier des charges, nous limitons la facture du temps qui passe, facture qui s'élève chaque mois à près de 100 millions d'euros.

En accentuant la modulation des taux de la redevance et en créant un fonds de modernisation de la flotte de poids lourds, nous renforçons l’effet environnemental de l’éco-redevance.

Avec la marche à blanc, nous facilitons la montée en puissance du dispositif et limitons les risques d'enrayement.

Nous confirmons l'engagement pris auprès des organisations professionnelles du secteur des transports de répercuter l'éco-redevance sur les chargeurs et affréteurs au moyen d'une majoration forfaitaire.

Nous redonnons de l'acceptabilité au dispositif en proposant le maintien pendant au moins trois ans d'un taux moyen de 13 centimes d'euros pour que les entreprises bénéficient d’une certaine visibilité, en adaptant la majoration forfaitaire aux spécificités de certaines activités, en simplifiant les procédures d'enregistrement des transporteurs auprès d'Ecomouv’ et en acceptant des exonérations limitées.

Enfin, conscients que le dispositif tel qu'il est défini aujourd'hui pénaliserait l'économie de proximité à travers ceux qui n'ont aucune possibilité de réduire leur usage de la route, nous proposons de créer une franchise mensuelle kilométrique de 400 kilomètres, convertie en euros. Elle sera favorable à ceux qui effectueront de courts trajets, aux utilisateurs occasionnels, à ceux pour lesquels le transport n'est pas généralement l'activité principale ou à certaines filières économiques intensives en transport. Elle bénéficiera davantage aux poids lourds circulant sur le réseau des régions périphériques, comme la Bretagne, ainsi qu'à ceux qui provoquent le moins de dommages à la chaussée et sont les moins polluants.

Face à la diminution des recettes attendue, de l'ordre de 300 millions d'euros, nous pensons que le report de trafic vers les autoroutes, générateur de recettes additionnelles de péage comprises entre 300 et 400 millions d'euros, serait créateur d'un effet d'aubaine qui mériterait sans nul doute d'être partagé, une telle situation pouvant justifier une renégociation partielle des concessions du fait d'une modification substantielle de leurs conditions économiques.

De plus, l'augmentation mécanique de la taxe d'aménagement du territoire et de la redevance domaniale permettrait de présenter un bilan financier légèrement dégradé, mais préservant l'essentiel des moyens de l'AFITF.

J’ai par ailleurs reçu des contributions : de M. Joël Giraud, des élus écologistes, de M. Patrice Carvalho, celle de Mme Corinne Erhel, de M. François André, de Mme Marie-Anne Chapdelaine, de M. Richard Ferrand, de Mme Viviane Le Dissez, de MM. Jean-Pierre Le Roch, Hervé Pellois et celle de M. Marc Le Fur, de Mme Isabelle Le Callennec et de MM. Philippe Le Ray et Gilles Lurton.

Je conclurai en vous remerciant, chers collègues, de votre écoute et de votre mobilisation sur ce dossier. Au cours d’échanges parfois animés, nous avons fait preuve de notre sens des responsabilités et je comprends que nous puissions avoir des points de vue différents. Je me suis efforcé, pour ma part, de tenir une ligne droite tout au long de nos travaux.

Mais ce dossier ne se referme pas là : il appartient désormais au Gouvernement de reprendre – ou non – les propositions formulées.

M. Hervé Mariton. Nous serons sans doute nombreux, monsieur le président, à rendre hommage à la qualité de votre travail et à la clarté de votre analyse et de vos propositions.

Je ne voterai toutefois pas ce rapport, mais je ne voterai pas contre : je m’abstiendrai pour des raisons de cohérence que j’exposerai dans un instant.

Je veux en effet rappeler au préalable que, voilà quelques années, j’avais moi-même publié plus modestement, au nom de la commission des finances, un rapport sur la taxe poids lourds qui faisait déjà apparaître les difficultés prévisibles que rencontrerait la mise en œuvre d’un tel dispositif et l’importance qu’il y aurait à mieux l’expliquer et à anticiper en particulier l’accompagnement de l’industrie du transport. J’avais souligné l’effet d’aubaine dont bénéficieraient probablement les sociétés autoroutières et l’importance qu’il y aurait à examiner les moyens par lesquels l’État pourrait récupérer une partie de ces bénéfices.

La première raison pour laquelle je ne voterai pas votre rapport tient à l’appellation du dispositif : il s’agit bien d’une taxe, et non pas d’une redevance, comme vous l’indiquez du reste très honnêtement dans le rapport même. De fait, il n’y a pas de retour au secteur prélevé et l’affectation à l’AFITF en fait bien une taxe. Ce n’est pas la gestion politique du vocabulaire qui rendra un impôt plus acceptable, mais plutôt l’explication et le bon usage. Le mot « redevance » a certes été utilisé lors du Grenelle de l’environnement, mais il n’était pas juste. Puisque les évolutions que vous préconisez nécessiteront un vote en loi de finances, il faudra revenir sur ce point.

La deuxième raison de mon abstention tient au mécanisme de répercussion. Je ne l’avais pas approuvé en son temps, et le groupe auquel j’appartiens avait d’ailleurs fait devant le Conseil constitutionnel un recours tout à fait justifié politiquement même s’il n’a pas prospéré, car la « répercussion Cuvillier » est plutôt un facteur de confusion.

Cela étant, nous sommes plusieurs à voir dans l’écotaxe une possibilité de financement des infrastructures. D’autre part, il y a une certaine cohérence à poursuivre, comme vous le souhaitez, le travail réalisé très en amont avec les transporteurs, qui se sont assez largement engagés – parfois au-delà de ce que je pensais justifié – pour la mise en place de l’écotaxe.

Surtout, il y aurait aujourd’hui plus d’inconvénients que d’avantages à abandonner en cours de route l’écotaxe, même s’il faut l’améliorer et la réformer. Ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain, car il faut assurer le financement des infrastructures et les dédits auraient un coût important, pour nos finances comme pour la parole de l’État. Lorsqu’un partenariat public privé de cette nature a été engagé, si l’on veut que la parole de l’État soit crédible dans la durée, on ne peut pas se dédire capricieusement.

Vous avez aussi, monsieur le président, souligné courageusement que certaines pistes évoquées par le Gouvernement n’étaient pas crédibles, comme la taxation des seuls transporteurs étrangers ou la taxation autoritaire des sociétés autoroutières. En revanche, la captation d’une partie de l’effet d’aubaine sur les fondements que vous avez exposés est une idée qui « tient la route ».

Voilà donc les points qui expliquent mon vote d’abstention.

M. Xavier Breton. Je salue à nouveau le travail de la mission La rédaction de votre rapport montre, monsieur le président, la qualité du travail que vous avez conduit avec une honnêteté que je tiens à souligner.

En tant que président du groupe d’étude sur la filière des véhicules industriels, j’ai été sensible au fait que ce rapport rappelle les difficultés que connaît aujourd’hui ce secteur. Malgré la pensée unique qui tend à s’exprimer contre le camion, il faut rappeler l’utilité de ce secteur pour notre économie et les difficultés qu’il rencontre depuis plusieurs années.

Certains points du rapport suscitent cependant quelques interrogations.

Ce sont, tout d’abord, les objectifs assignés au dispositif. Le rapport souligne en effet, page 16 qu’« en réalité, le dispositif relatif à l’écotaxe poids lourds, tel que conçu, poursuivait des objectifs trop nombreux et, plus encore, mal hiérarchisés, au détriment de sa compréhension donc de son acceptabilité ». De fait, le dispositif ne permet pas d’aller vers le report modal qu’il ambitionnait, au titre d’une fiscalité « comportementale », parallèlement à un objectif de financement des infrastructures.

Vous avez en outre tenté de hiérarchiser les objectifs, comme l’indiquent les pages 63 et suivantes, mais l’ensemble manque de clarté : il ne sera pas possible de courir plusieurs lièvres à la fois.

J’en viens aux propositions du rapport.

Tout d’abord, le mécanisme de franchise kilométrique mensuelle, à caractère forfaitaire, ne permet pas de reconnaître les petits trajets car, comme le reconnaît le rapport à la page 70, « toute évolution en ce sens supposerait une refonte complète du dispositif mis en œuvre par la société Ecomouv’ ». Cette refonte étant exclue par le rapport, la franchise s’appliquera non aux petits trajets, mais aux petits utilisateurs, ou aux utilisateurs occasionnels.

Par ailleurs, la création d’un fonds de modernisation de la flotte de poids lourds est décevante – non sur son principe, bien sûr, car il s’agit là d’une demande récurrente de la filière des véhicules industriels depuis plusieurs années, mais quant à ses modalités, car il ne concernera que l’acquisition de véhicules au gaz ou à motorisation électrique, ce qui en limitera fortement le champ d’application et ne correspond pas aux besoins des constructeurs et des transporteurs.

Je regrette que le rapport ait exclu de proposer une redéfinition du réseau taxable, qui aurait permis de corriger les incohérences mises en lumière par les auditions.

Ainsi, au-delà du travail de fond, le rapport laisse subsister de nombreuses inquiétudes et interrogations. Je voterai donc contre.

M. François André. Je salue moi aussi, monsieur le président, la manière dont vous avez conduit les travaux de cette mission, avec constance et une grande honnêteté intellectuelle. Les nombreuses auditions auxquelles nous avons procédé nous ont permis d’avoir une large vue du dispositif même de l’écotaxe, de ses finalités économiques, écologiques et fiscales, ainsi que de ses effets attendus ou supposés. Elles ont également confirmé les faiblesses du dispositif initial, qui ont conduit à sa contestation, puis à sa suspension.

La première de ces faiblesses tient au mécanisme de répercussion forfaitaire. Alors que l’écotaxe était censée inciter au report modal, la répercussion forfaitaire aboutit à renchérir la fonction transport, quels que soient la nature des produits transportés et l’itinéraire emprunté. L’écotaxe n’est ainsi plus une taxe incitative, mais s’est transformée en taxe additionnelle sur le transport routier, préjudiciable de fait à l’économie productive.

La deuxième faiblesse est la contradiction entre trafic de transit et trafic de destination. L’écotaxe est née d’une demande légitime des territoires subissant un important trafic de transit, parfois un trafic de contournement. La mise en œuvre du dispositif permettrait de répondre à cet enjeu, mais pénaliserait les territoires qui sont quasi-exclusivement des lieux de départ ou de destination, et ce d’autant plus qu’il s’agit de territoires de production, notamment agricole et agroalimentaire. Les abattements ne modifient pas une réalité de bon sens : plus on est loin, plus on roule et plus on paie. La compétitivité de ces secteurs économiques et de ces territoires en sera encore dégradée.

La troisième faiblesse tient aux aspects techniques de l’écotaxe. Le contrat avec Ecomouv’, assorti d’un coût de collecte exorbitant et de portiques qui demeurent des symboles de taxation très négatifs laisse toujours très perplexe. À cet égard, nous attendons avec beaucoup d’intérêt les conclusions de la mission ad hoc mise en place par le Sénat.

Monsieur le président, cohérent avec vous-même, vous proposez dans vos conclusions des aménagements de l’écotaxe. Cohérents avec nous-mêmes et nous appuyant sur la volonté de la nouvelle ministre de remettre à plat le dispositif au vu des faiblesses que j’ai évoquées, nous – la grande majorité des députés socialistes bretons –, voterons contre les conclusions de ce rapport.

Mme Eva Sas. Je remercie à mon tour le président Chanteguet pour ce rapport très argumenté et documenté, fruit de six mois de travail et d’écoute de tous les acteurs, qui tente de tirer ce débat hors des jeux de démagogie et de la posture dans lesquels il tombe parfois
– je ne vise personne en particulier, mais je tiens à souligner combien une clarification des enjeux juridiques et financiers est nécessaire à un débat serein.

Les écologistes partagent entièrement les conclusions du rapport, notamment le constat qu’il serait aujourd’hui contre-productif d’abandonner la taxe poids lourds. Les raisons en sont d’abord financières car, comme vous l’avez fort justement écrit, « on ne peut rayer d’un trait de plume les engagements de l’État », et le montant du dédit envers Ecomouv’ pourrait dépasser 800 millions d’euros. L’abandon de la taxe poids lourds pourrait également se traduire par un manque à gagner d’un milliard d’euros pour la politique des transports et, comme l’a en effet bien expliqué le président Duron, le budget de l’AFITF est aujourd’hui un budget de crise : il sera difficile de boucler l’an prochain un budget de transport sans cette taxe poids lourds.

L’abandon de l’écotaxe serait également contre-productif pour des raisons environnementales, car nous ne pouvons rester sans rien faire face aux nuisances causées par le trafic poids lourds et nous avons la responsabilité de prendre des mesures pour réduire ce trafic. Le rapport démontre clairement l’efficacité de la taxe poids lourds en termes de diminution du trafic et de performance environnementale.

Nous saluons également les propositions très pragmatiques d’adaptation du dispositif, qui concilient les contraintes économiques des transporteurs et les objectifs environnementaux de la taxe poids lourds notamment l’exonération des premiers kilomètres parcourus sous la forme d’un forfait mensuel, qui permet de ne pas pénaliser les petits trajets et les petits transporteurs, tout en favorisant la relocalisation des productions et la consommation locale des produits fabriqués localement. C’est là un élément très important qui prend en compte à la fois les contraintes économiques et les aspects environnementaux.

Nous saluons donc ce travail très argumenté, qui occupe une place très importante dans le débat actuel et formule des propositions concrètes et pragmatiques ayant pour vocation tant d’aider les transporteurs à s’adapter que de poursuivre et de renforcer les objectifs environnementaux de cette taxe, parfois oubliés dans le débat.

M. Éric Straumann. Est-il possible d’amender le rapport ?

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Non, malheureusement. Vous pouvez seulement rédiger des contributions, qui seront annexés au rapport.

M. Éric Straumann. C’est regrettable. En Alsace, où tous les élus sont favorables à la taxe, il est prévisible qu’elle ne suffira pas à mettre fin au transfert de flux intervenu depuis l’institution d’une taxe similaire en Allemagne, car son montant sera plus faible dans notre pays, comme l’indique le rapport en page 9.

D’autre part, la franchise proposée permettra à un poids lourd qui traverse la France une fois par mois de bénéficier d’une franchise pour les 400 premiers kilomètres. Ne vaudrait-il pas mieux, sachant que la distance moyenne parcourue sur le réseau taxable est de 37 kilomètres, que cette franchise ne s’applique que lorsque la distance parcourue est inférieure à 100 kilomètres par jour, afin de favoriser les transporteurs locaux ? Il est en effet à craindre que les transporteurs venus d’Allemagne ne traversent gratuitement notre région avant de passer à nouveau la frontière. Il s’agit là d’une difficulté majeure qui me conduira à voter contre le rapport.

M. Bertrand Pancher. Je tiens à mon tour à rendre hommage au travail réalisé par la mission et tout particulièrement par son rapporteur et président avec ce rapport qui me satisfait presque entièrement. J’y note cependant quelques oublis.

Il devrait tout d’abord présenter plus précisément la liste impressionnante de tous les travaux qui seraient abandonnés si l’écotaxe devait l’être – et sur lesquels ceux qui refusent ce dispositif seraient dès lors bien avisés de ne pas verser des larmes de crocodile !

La première de ces listes correspond au scénario 2 de la commission « Mobilité 21 », où figurent notamment des travaux qui intéressent les électorats breton et normand, comme le traitement de la gare de Rouen ou des interventions sur des secteurs ferroviaires importants. On y trouve également de nombreux travaux routiers ou autoroutiers, tels que le contournement indispensable de nœuds ferroviaires, par exemple à Lyon, Marseille et Nice, et la ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse.

Seraient aussi condamnés, comme vous l’avez indiqué, monsieur le président, le troisième appel à projets de transports en commun en site propre et le volet routier et d’infrastructures des contrats de plan État-régions 2014-2020, ainsi que bien des projets qui, lors des débats récents, recueillaient l’adhésion de la plupart des sensibilités politiques. Les réserves que j’avais exprimées à propos de la liaison Lyon-Turin, qui n’était du reste pas financée dans le cadre du budget de l’AFITF, ont été jugées ridicules, mais nous ne sommes pas près de voir ce projet se réaliser et sans doute l’Union européenne devra-t-elle récupérer les financements prévus pour le soutien de nos grandes infrastructures, faute pour nous de pouvoir répondre d’ici à septembre 2014 aux exigences du plan de financement de cette ligne Lyon-Turin – et je ne parle pas du canal Seine-Nord Europe !

Le rapport est un vibrant plaidoyer pour le maintien de l’écotaxe : vous y évoquez, monsieur le président, les conséquences « désastreuses » qu’aurait l’abandon de celle-ci et je suis en plein accord avec vous sur ce point.

Vos conclusions reprennent des propositions de bon sens issues de nombreuses auditions – propositions parfois lourdes de conséquences : ainsi, la franchise de 400 kilomètres aura un important coût budgétaire, mais, visant à satisfaire les manifestants qui ne voulaient pas payer le transport de proximité, elle constitue une réponse bien plus intelligente que l’exonération de telle ou telle profession, car elle règle tous les problèmes.

La marche à blanc, réponse « du berger à la bergère » – si j’ose dire – qui expliquait voici quelques semaines que le système ne fonctionnerait pas, doit précisément permettre de démontrer qu’il fonctionne.

Vous reprenez également la réflexion sur la facturation des transporteurs pour leur propre compte – qui avait du reste donné lieu à des débats lors de l’examen de la loi sur l’écotaxe, le ministre des transports de l’époque prenant alors d’assez haut les amendements que j’avais déposés à ce propos. Le Gouvernement serait bien aveugle s’il ne mettait pas à profit, pour prendre ses décisions, tous les éléments qui lui sont fournis là.

J’exprimerai toutefois quelques réserves à l’égard de ce rapport.

Pour ce qui est tout d’abord de la création d’un fonds de modernisation de la flotte de poids lourds, j’y vois une nouvelle contrepartie qui viendrait s’ajouter à celles, déjà nombreuses, que les transporteurs routiers ont déjà demandées et obtenues de l’État au titre de l’écotaxe, comme si le principal problème de cette profession n’était pas plutôt un régime social qui les amène à se délocaliser dans d’autres pays d’Europe.

Le rapport aurait, d’autre part, pu être l’occasion de rappeler aux régions demandant des exonérations de l’écotaxe que celles-ci interdiraient de soutenir demain leurs infrastructures. Si les régions se réclament d’un particularisme régional, elles doivent aussi accepter que la solidarité nationale ne s’applique pas toujours. Ainsi les parlementaires bretons devront bien nous dire un jour ce qu’ils veulent et ce qu’ils ne veulent pas.

Quant aux parlementaires socialistes bretons, dont je comprends certes la position, je me demande comment ils s’expliqueront en interne – car les points qu’ils défendent sont difficiles à expliquer publiquement.

Je conclurai en soulignant que le rapport est une attaque en règle contre les élucubrations de Mme Ségolène Royal, dont il dresse, à raison d’une par semaine, une liste très précise. Nous y trouverons les éléments techniques permettant de recadrer le débat.

Je vous remercie donc à nouveau, monsieur le président, pour la qualité de ce rapport, que je soutiendrai sans réserve.

M. Joël Giraud. S’agissant de la nécessité de déployer une écotaxe sur tout le territoire, j’ai une vision plus maximaliste encore que celle du rapport.

Si j’ai bien entendu qu’il n’était pas possible d’amender ce document pourtant provisoire, j’aimerais toutefois avoir quelques précisions.

Tout d’abord, la contribution que j’ai apportée était accompagnée d’une carte du massif alpin qui démontrait l’imbécillité d’un système où aucun itinéraire n’est taxé lorsqu’on se rend de Suisse ou d’Italie en France. Cette carte sera-t-elle intégrée au rapport ?

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Elle le sera.

M. Joël Giraud. J’estime aussi, comme mes collègues alsaciens, que l’on devrait disposer les portiques de manière à éviter des reports sur des axes déjà encombrés et dangereux.

La proposition n° 11 est précisément intitulée « Prendre en compte le niveau de congestion sur certains axes particulièrement encombrés ou accroître l’éco-redevance sur certains axes pour lesquels le report modal ou autoroutier est possible ». C’est ici le libellé du second point qui me pose problème. En effet, dans le massif alpin, le report modal ou autoroutier est possible dans tous les cas : soit on emprunte les grands tunnels et les autoroutes sur lesquels ils débouchent, soit on emprunte les axes qui passent par les cols et qui, eux, sont exonérés d’écotaxe. Il ne s’agit donc pas seulement d’accroître l’éco-redevance, mais de la mettre en place sur les axes où le report est possible. Ne pourrions-nous pas corriger cette erreur purement sémantique ? Je ne doute pas, en effet, que vous ayez envisagé aussi ce cas de figure.

La piste n°6 – « Étendre le réseau taxable actuellement limité à une partie du réseau national et départemental non concédé » – n’est pas retenue mais le rapport renvoie à la clause de revoyure, à échéance d’un an après l’entrée en vigueur du dispositif, qu’un de mes amendements a introduite dans le texte et qui prévoit, du reste, la consultation des conseils généraux et des conseils de massif concernés. Je souhaite que ce soit l’occasion de discuter de la carte des itinéraires taxés de manière aussi large et franche que nous avons pu le faire ici et, à cet effet, je suggérerai que cet examen se fasse dans une formation dont la composition soit proche de celle de notre mission d’information.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. S’il est vrai que nous n’avons pas retenu la piste de l’extension, cela ne signifie pas que nous ne nous interrogeons pas sur le réseau taxable.

Un des objectifs que je me suis fixés est de permettre la mise en œuvre de l’éco-redevance dans les meilleurs délais. C’est pourquoi je n’ai pas retenu de propositions conduisant à prendre un mois de retard ici, six mois là, etc. L’urgence est réelle, tant du point de vue financier qu’au regard du calendrier électoral : étant donné la fréquence des élections, ayons l’honnêteté d’admettre que, si l’on ne met pas à profit les « fenêtres de tir » existantes, on ne mettra jamais en place le dispositif. Tous les responsables politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche, tiennent compte de cet élément.

Pour ces raisons, nous n’avons pas ouvert l’hypothèse de l’extension du réseau taxable. Mais il est relativement facile de le faire : il suffit que, demain, le Parlement modifie la rédaction de l’article 270 du code des douanes, puis que le Gouvernement modifie le réseau par décret. C’est d’ailleurs ce que j’ai indiqué au sujet des routes taxées en Bretagne.

Cela dit, nous avons examiné vos propositions, monsieur Giraud. Nous y répondons dans le rapport, notamment par une analyse du système autrichien auquel vous faites référence.

Comme vous l’avez indiqué, toute modification du réseau taxable départemental suppose que l’on consulte à nouveau l’ensemble des conseils départementaux. Cela m’a dissuadé de retenir cette piste. Mais si l’exécutif avait, demain, la volonté politique de s’attaquer à ce qui peut apparaître comme non pertinent dans la définition du réseau taxable, il aurait la possibilité de le faire.

M. Joël Giraud. Je me permets toutefois d’insister sur l’erreur de plume dans l’intitulé de la proposition n° 11. Il conviendrait de substituer au mot : « accroître » les mots : « établir ou accroître ».

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. D’accord.

M. Marc Le Fur. M. Xavier Breton a bien exposé la position du groupe UMP. Je salue aussi les propos de M. François André : notre collègue a mis en exergue des circonstances, régionales sans doute, mais objectivement très importantes et redoutables, d’où notre inquiétude.

Tout en saluant le travail réalisé dans ce rapport, je constate que des hypothèses ne sont pas examinées alors qu’elles ont été mises sur la table. Différentes pistes non retenues font certes l’objet d’une argumentation, mais tel n’est pas le cas de l’hypothèse d’une taxation spécifique des autoroutes, que vous n’avez évoquée qu’oralement, ou de celle de l’utilisation d’une partie de la recette du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), évoquée par plusieurs collègues. La grande distribution, je le rappelle, bénéficie de ce crédit à hauteur de 2,5 milliards d’euros.

Quant au changement de nom de l’écotaxe, qui deviendrait « éco-redevance », c’est non ! Nos concitoyens sont assez lucides pour savoir que, quand on leur prend de l’argent, c’est un impôt !

L’essentiel des trajets de poids lourds, nous en sommes tous d’accord, sont des trajets courts pour lesquels il n’existe aucune possibilité de substitution modale. Votre proposition de franchise mensuelle de 400 km ne saurait constituer une réponse à cette réalité. Pour les professionnels du transport que j’ai interrogés, la moyenne journalière est déjà de 550 à 600 km. Dans une grosse coopérative de ma région, les camions roulent en trois-huit et parcourent en moyenne plus de 900 km par jour. Que représente, en comparaison, la franchise mensuelle de 400 km ? Je crains qu’elle ne favorise plutôt les véhicules étrangers effectuant peu de trajets en France, par exemple ceux d’une société de transport assurant une liaison Berlin-Metz.

Tout en admettant qu’il soulève des difficultés, vous ne proposez nulle part de revenir sur le dispositif Cuvillier. Votre idée de permettre aux transporteurs en compte propre de faire figurer en bas de facture les charges correspondant à l’éco-redevance est sans conséquence, comme vous l’admettez vous-même.

Enfin, je regrette que vous ne proposiez pas, comme il en a été question à un moment donné, une expérimentation régionale. Votre préoccupation majeure, nous l’avons bien compris, est le calendrier : il faut tout faire passer de force et rapidement avant les élections à venir ! Pourtant, une expérimentation aurait permis d’aller au fond des choses, et déjà une région s’y portait candidate.

Vous prenez une responsabilité considérable. Ce rapport d’information sera, au moins dans la région que je connais, très mal accueilli. On le percevra comme étant en totale contradiction avec les propos du Gouvernement. Les gens n’y comprenant plus rien, on s’expose à des difficultés dont j’espère qu’elles n’iront pas jusqu’à des excès. Je me devais de vous en alerter.

M. Gilles Savary. À mon tour, je vous remercie pour le travail accompli et pour la qualité de votre rapport, monsieur le président. Sur un sujet qui paraît parfois obscur, il constituera sans nul doute un document de référence.

Au départ, on a adopté le principe de l’écotaxe parce que l’Union européenne et tous ceux qui réfléchissent aux questions d’environnement souhaitaient que l’on crée des effets-prix intégrant l’ensemble des coûts, de manière à établir une vérité des prix dans le secteur du transport et à éviter que les transports les plus polluants ne bénéficient d’une rente de situation. La crise des budgets publics survenue entre-temps nous place devant l’alternative suivante : soit faire payer le contribuable, dont on nous dit par ailleurs qu’il est saturé d’impôts, soit, prenant en considération les incertitudes qui pèsent sur les recettes fiscales et qui conduisent, par exemple, à reporter d’année en année le financement de grandes infrastructures, remplacer l’appel au contribuable par le recours à une recette durable et légitime, reposant à la fois sur le principe du « pollueur payeur » et sur celui de l’« utilisateur payeur ».

Notre responsabilité est donc vertigineuse. Je comprends et respecte les Bretons, mais on ne peut abolir tout intérêt général pour donner une prime à l’émeute ! Et l’intérêt général, aujourd’hui, ce sont les lignes de crédit des contrats de projets État-régions, qui sont vides, ce sont différents grands travaux qui ne peuvent être financés, ce sont nos villes dont les transports collectifs ne seront plus subventionnés tant que le troisième appel à projets ne sera pas mené à bien.

Bref, pouvons-nous conclure nos travaux, par ailleurs remarquables, en renvoyant « la patate chaude » au ministère des finances, dont nous avons pourtant constaté le désarroi ? Ceux qui réclament 130 milliards d’économies au lieu de 50 et qui, dans le même temps, refusent la mise en place d’une recette durable dont d’autres États européens se sont dotés sont dans la démagogie et dans l’irresponsabilité la plus totale.

J’avoue ne pas retrouver dans ce rapport tout ce que j’aurais souhaité y voir figurer, monsieur le président. Mais il est vrai que vous êtes contraint à certaines synthèses. Néanmoins, vous envoyez un message assez clair : nous ne voulons pas que l’État paie un dédit de 600 à 800 millions d’euros en cette période de grande difficulté budgétaire ; nous ne voulons pas de gaspillage et de gabegie pour des raisons idéologiques ou parce qu’un groupe de pression prend la République en otage ; enfin, nous voulons substituer au contribuable une recette durable à laquelle nous apportons de nombreux aménagements.

À cet égard, je tiens la marche à blanc pour essentielle. Elle nous permettra de valider et, le cas échéant, de réajuster le dispositif, en dépassant les peurs et les assertions catégoriques qu’il inspire aujourd’hui.

J’aurais souhaité que le rapport soit plus incisif concernant les effets d’aubaine, car le risque est, si l’on resserre le réseau taxable autour des corridors de transit formés par le réseau autoroutier, de provoquer un transfert assez considérable de trafic vers les autoroutes et de faire dans ce cas un énorme cadeau aux sociétés concessionnaires. La recette publique que nous souhaitons se transformerait alors en rente privée perpétuelle. Il aurait été préférable d’indiquer plus clairement que le réseau doit être suffisamment large pour éviter autant que possible un tel phénomène.

D’autre part, si une négociation devait être engagée avec les sociétés autoroutières sur ces effets d’aubaine – ce qui serait sans doute souhaitable –, il faudrait éviter qu’elle n’aboutisse à une augmentation de la durée des concessions, qui accroîtrait encore la rente privée.

Je regrette aussi que le rapport n’aborde pas la périphéricité des déplacements de poids lourds dans les différentes régions. Une étude du sujet aurait permis de donner un sérieux coup de canif à certaines revendications, y compris dans ma région : il faut savoir que le premier port de Bordeaux est … Anvers ! Ira-t-on jusqu’à demander des exonérations au motif que les marchandises ne passent pas par le port de Bordeaux ?

Le sujet, je ne l’ignore pas, est difficile, et même explosif en Bretagne, mais il serait bon de pousser la réflexion plus avant, éventuellement en s’appuyant sur les travaux de laboratoires de recherche. La périphéricité ne peut être une revendication de circonstance : elle ne se définit que par rapport aux destinations les plus fréquentes de telle ou telle économie, sans considération de localisation géographique.

Je regrette que l’hypothèse de la régionalisation partielle, à laquelle je tenais beaucoup, ait été écartée, d’autant qu’elle s’inscrivait dans la perspective de la future loi de décentralisation qui regroupera les régions. J’espère qu’on ne l’a pas définitivement abandonnée. On nous objecte qu’elle est irréalisable, pourtant elle est mise en œuvre en Suisse. Je conçois bien que l’administration centrale ne veuille pas perdre la main sur ces sujets, mais il y aurait là un facteur de responsabilisation.

Enfin, il serait temps de lancer des Etats généraux de la logistique. Si les Bretons ont besoin de quelque chose, c’est bien d’un examen détaillé de leur compétitivité dans ce domaine !

En dépit de ces observations, je voterai ce rapport sans barguigner. Si nous abandonnons le projet en rase campagne, nous nous exposons à de grandes difficultés. Que certains veuillent jouer la politique du pire, je peux l’admettre. Pour ma part, je m’y refuse.

M. Patrice Carvalho. Je vous félicite à mon tour, monsieur le président, d’avoir assuré le bon déroulement de nos travaux et d’avoir assumé à la fois le rôle de président de la mission d’information et celui de rapporteur. La droite a en effet choisi de renoncer aux fonctions revenant de droit à l’opposition et nous constatons aujourd’hui quelles grandes manœuvres politiques se cachaient derrière ce choix.

La loi instituant l’écotaxe est une loi mal faite au départ. Elle fait la part belle aux entreprises responsables de l’installation du système et coûte cher en fonctionnement. On aurait pu trouver d’autres formules, en s’appuyant par exemple sur le décret du 24 octobre 2011. Ce texte issu du Grenelle II fait obligation aux transporteurs d’indiquer le volume de CO2 émis lors de chaque opération de transport, ce qui nous aurait permis de déployer une taxe bien plus facilement.

Malheureusement, le système est aujourd’hui en place. L’abandonner coûterait très cher, ce qui ne doit pas nous empêcher de commencer à réfléchir à ce qui pourra s’y substituer à l’avenir.

Dans tous les autres modes de transport de marchandises – rail, voies navigables, etc. –, on paie. Je ne vois pas pourquoi on ne paierait pas lorsqu’on utilise la route. Quand le citoyen doit faire dix ou quinze kilomètres pour consulter un médecin, pour faire ses courses ou pour se rendre à son travail parce que tout ferme dans sa ville, il paie « plein pot » : on ne lui déduit pas les quatre premiers kilomètres en compensation de la TVA qu’il acquitte sur son essence ! Ceux qui décident de fermer les usines et de faire venir les marchandises de plus en plus loin devraient assumer eux aussi tous les coûts de transport. Ce serait peut-être un moyen de rééquilibrer le système : si l’on produisait en France, on rapprocherait les fabricants des consommateurs et on polluerait moins.

Cela dit, le système est construit. On ne pourrait y renoncer sans grever le budget de l’État. Ne voulant pas non plus participer à la manœuvre politicienne qui vise à mettre le Gouvernement en difficulté sur une loi qui n’est pas de son fait, je voterai ce rapport.

M. Michel Heinrich. Je m’associe au concert des louanges qui vous sont adressées, monsieur le président, autant pour la façon dont vous avez mené les débats que pour la qualité, l’honnêteté et la cohérence de votre rapport.

Il est très regrettable que la ministre de l’écologie ait souhaité s’exprimer avant la fin de nos travaux. Attendre de lire ce rapport lui aurait permis d’approfondir le sujet. En tout cas, nous avons là un document qui remet ses propos à leur juste place !

Je m’abstiendrai sur ce texte pour les motifs énoncés par Hervé Mariton, en y ajoutant un regret : il eût été judicieux, me semble-t-il, de faire figurer dans vos propositions celle de se réserver la possibilité de modifier le réseau taxable ultérieurement.

Mme Joëlle Huillier. La proposition figure à la page 109 du rapport.

M. Michel Heinrich. Pas de façon très explicite, alors que nous avons tous estimé qu’il fallait revenir sur ce tracé.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. C’est un reproche que l’on peut nous faire…

M. François-Michel Lambert. Rappelons que ce rapport n’a pas force de loi. Il doit avant tout montrer si nous avons ou non la volonté de relancer le principe, soutenu sans ambiguïté par les écologistes, d’une taxation des poids lourds. Il s’agit d’instaurer un modèle vertueux de relocalisation de l’économie grâce au développement de modes de transport alternatifs à la route, de faire payer le transit à l’usager, d’inciter à améliorer la performance du transport routier et de la logistique. En effet, si la taxe poids lourds a vocation à abonder le budget de l’AFITF et celui des régions, elle s’inscrit également dans une logique de réduction des émissions de gaz à effet de serre, dix-huit mois avant que Paris n’accueille la 21e Conférence des parties à la convention cadre des Nations unies sur le changement climatique (COP 21).

L’objet de nos travaux est de relancer une dynamique, pas d’inscrire telles quelles dans le marbre de la loi les treize propositions du rapport. Le groupe écologiste votera pour ce texte, tout en adoptant une position de critique constructive. La taxe poids lourds doit s’inscrire dans une politique globale de transports articulée autour du schéma directeur national de la logistique, mentionné à l’article 41 de la loi qui institue ladite taxe. Il ne saurait en effet s’agir d’une mesure isolée, et c’est donc à juste titre que Gilles Savary a rappelé l’absolue nécessité de réunir des états généraux de la logistique.

Notre critique devra aussi s’exercer pour tenir compte du projet de nouvelle décentralisation et des évolutions technologiques qui sont devant nous. Notre choix doit être optimal car il vaudra pour les dix prochaines années. C’est pourquoi nous souhaitons trouver des moyens pour continuer à alimenter ces travaux. Plusieurs points doivent être améliorés, qu’il s’agisse de la révision du réseau taxable, de la question des portiques – non abordée dans le rapport mais qui devra être soulevée pendant la marche à blanc –, du renforcement de la place des régions ou de mesures pour le développement des outils d’aide à la décision et à l’optimisation grâce aux nouvelles technologies. On le voit, nos propositions ne sont pas que punitives : elles visent aussi à instaurer une relation gagnant-gagnant entre la collecte d’une part, la performance des transports routiers et de la logistique d’autre part.

Tout cela implique une refonte du cahier des charges, dans le respect des contraintes juridiques résultant du contrat passé avec Ecomouv’. La commission d’enquête sénatoriale chargée d’examiner ce contrat n’ayant pas encore rendu ses conclusions, nous devons conserver une certaine liberté pour pouvoir nous prononcer en fonction des résultats de ce travail.

Le groupe écologiste ne reculera pas devant le choix politique de mettre en œuvre l’eurovignette, déjà adoptée par d’autre pays avant nous. Il reste cependant critique, car le chemin est encore long. Il appellera le Gouvernement à prendre lui aussi ses responsabilités.

M. Thierry Benoit. Comme j’ai eu l’occasion de vous le dire plusieurs fois, monsieur le président, vous avez bien travaillé.

Cela dit, vous proposez un réaménagement de l’écotaxe là où je réclame une complète réorientation : on ne peut transformer une taxe en redevance sans en changer les modalités de recouvrement et les mécanismes de répercussion.

Étant favorable à la subsidiarité, je considère que la redevance doit se substituer à une autre taxe pesant actuellement sur le transport. Dans le cadre du Grenelle, il était d’ailleurs précisé que le projet d’écotaxe devait être réalisé à fiscalité constante. Or le rapport est muet à ce sujet.

D’autre part, alors qu’il y a urgence à financer l’AFITF, les infrastructures de transport et la participation de l’État aux contrats de projets État-régions, on a balayé d’un revers de la main des hypothèses telles que la réorientation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, que j’avais personnellement soutenue, ou la participation des sociétés d’autoroutes. Mais, surtout, il aurait fallu mieux distinguer entre l’urgence et les perspectives à moyen et long termes ouvertes par l’encouragement à l’intermodalité et à des pratiques plus vertueuses et plus propres.

Si l’on fait le choix d’une redevance durable, il aurait également fallu se soucier d’intégrer celle-ci dans un « maillage » européen au travers d’outils comme une eurovignette, dans un objectif d’harmonisation fiscale, et expliquer tout cela aux contributeurs français.

Il faut aussi, impérativement, ouvrir des perspectives à la filière du transport, du fret et de la logistique. En association avec les acteurs du secteur, nous devons faire de ce sujet un enjeu de création de richesse économique et d’emplois.

Enfin, je déplore que notre mission d’information ne soit pas le garant et l’acteur de la simplification !

M. Olivier Faure. Je loue moi aussi la qualité du travail et du rapport de Jean-Paul Chanteguet. Il aura eu une tâche difficile, mais, après un débat complexe, nous disposons d’un document très argumenté qui permet de faire le tour de la question.

Nous sommes maintenant mis en face de notre responsabilité de parlementaires. Nous nous demandons souvent à quoi nous servons : eh bien, à ouvrir des voies qui ne sont pas forcément celles que le Gouvernement aurait choisies !

Le débat avec l’exécutif se prolongera au cours des prochaines semaines. À cet égard, je voudrais que chacun comprenne ici que nous ne sommes pas les députés de telle ou telle région. Cela étant, si je considérais que je représente la seule région Île-de-France, je plaiderais avec encore plus d’assurance pour l’éco-redevance puisque, à l’inverse de certaines régions trop périphériques, la région capitale est trop centrale. Elle voit ses infrastructures se dégrader alors qu’elles sont utilisées par tout le monde et que le coût d’entretien du réseau existant – notamment le réseau ferré – n’est même pas assuré. Mais nous sommes avant tout députés de la Nation et, en tant que tels, nous devons trouver les recettes qui correspondent aux besoins. Chacun défend, ici, ses positions sur l’éco-redevance tout comme, dans quelques semaines, lorsque nous débattrons en séance publique de la réforme ferroviaire, chacun viendra avec des demandes pour sa région et pour son département sans que personne sache comment les financer. Nous voulons tous des réseaux mieux entretenus, nous voulons des routes, des trains, des RER, des tramways. Cela suppose des crédits ! Tenir un discours qui n’est pas en adéquation avec les demandes que l’on formule, c’est de la démagogie, que l’on soit député de gauche ou député de droite.

Ce dispositif, mesdames et messieurs de l’opposition, c’est vous qui l’avez inventé. C’est nous, aujourd’hui, qui le soutenons. Cela montre que l’on peut, dans cette Assemblée, dépasser les clivages partisans pour viser l’intérêt général, en s’affranchissant du jeu de rôles permanent qui voudrait qu’une fois passé dans l’opposition, on ne soutienne plus les propositions que l’on défendait lorsqu’on était dans la majorité.

M. Thierry Benoit. Vous voulez parler de la réforme territoriale ?

M. Olivier Faure. Nous pourrons en reparler. Ma remarque vaut pour les uns comme pour les autres.

Le courage et la cohérence voudraient que la position de la mission d’information, à défaut d’être unanime, bénéficie d’un vote clair qui lui donne de la force. Tout le monde sait l’interprétation qui sera faite d’un vote moyen, diffus voire confus : « La mission est partagée », écrira-t-on, et l’on ne tirera rien de nos travaux. Pourtant, l’intérêt de la mission était justement de permettre de dépasser les clivages pour construire un rapport de force avec l’opinion publique et avec le Gouvernement, de manière à ce que l’écotaxe puisse vivre. Chacun en convient en effet, au moins en privé : nous ignorons quel autre chemin nous pourrions emprunter.

Bref, nous sommes à la croisée des chemins. Pour une fois, nous devrions nous garder de verser dans la posture ou dans le clivage partisan.

Mme Isabelle Le Callennec. Je salue le travail réalisé mais ne le considère pas comme totalement abouti.

Sur la forme, on nous invite à voter un document qui ne comprend pas les comptes rendus des auditions, pourtant annoncés à la page 178. J’aurais aimé y retrouver celles des transporteurs ou du Collectif des acteurs économiques bretons.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Ces comptes rendus seront bien évidemment intégrés en totalité au rapport.

Mme Isabelle Le Callennec. J’aurais aussi apprécié que l’on attende la publication du rapport de la commission d’enquête du Sénat sur le contrat conclu avec Ecomouv’.

Sur le fond, une phrase résume tout : « Un dispositif peu compris et donc mal accepté dans un contexte économique difficile ». On pourrait néanmoins ajouter : « … et dans un contexte institutionnel pour le moins mouvant », puisque chaque jour apporte une nouvelle annonce sur la façon dont départements et régions vont fonctionner – ou dysfonctionner – à l’avenir.

L’objectif originel de l’écotaxe me parait aujourd’hui complètement dévoyé. Les objectifs partent dans tous les sens. Si l’on ne donne plus la priorité au report modal, on remet en cause l’existence même de cette contribution.

Comme l’a souligné Marc Le Fur, le changement de nom ne changera rien. Pour l’opinion publique, l’éco-redevance restera une taxe. De même, la franchise ne résout pas le problème des petits trajets. Quant au fonds de modernisation dont on envisage la création, son objet est limité à l’acquisition de véhicules à gaz et électriques et rien n’est dit sur la façon dont il sera alimenté, à un moment où l’État cherche à faire 50 milliards d’euros d’économies.

Enfin, le rapport exclut la prise en compte de la situation périphérique de certaines régions. Y figure pourtant, en annexe, la proposition – non retenue – du président du conseil régional de Bretagne. Soit dit en passant, vous avez reçu ce dernier en catimini, pour ainsi dire…

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Pourquoi n’avez-vous pas accepté la présidence de la mission d’information ? Vous avez signé avec Marc Le Fur une prise de position à la kalachnikov. Vous pourriez être un peu plus respectueuse du travail que j’ai effectué seul parce que c’est l’opposition qui m’a laissé seul !

Mme Isabelle Le Callennec. Le vote de notre mission est particulièrement attendu dans certaines régions. Je salue à cet égard les députés bretons de la majorité qui ont le courage de leurs opinions. Le Premier ministre précédent avait bien voulu reconnaître la légitimité des demandes exprimées en signant le pacte d’avenir pour la Bretagne. J’estime que votre rapport remet totalement en cause cette signature. Je voterai évidemment contre.

M. Jean-Pierre Le Roch. Je souscris pleinement à la déclaration de François André. Pour des raisons de santé, Richard Ferrand ne peut être présent ce matin mais il m’a demandé de l’associer à notre vote contre le rapport.

M. Philippe Bies. Je m’associe pour ma part aux louanges – plus ou moins hypocrites – qui vous sont adressées, monsieur le président. Votre rapport permettra d’appuyer non seulement les propositions que vous faites, mais aussi celles qui n’ont pas été retenues.

Ce matin, certains veulent faire croire que la mission d’information aurait pu décider de l’abandon de l’écotaxe. Cela n’a jamais été notre feuille de route !

M. Marc Le Fur. Nous ne sommes tout de même pas aux ordres du Gouvernement !

M. Philippe Bies. La feuille de route que nous avons définie entre nous – du moins ceux qui ont accepté d’y travailler – visait à trouver des aménagements à l’écotaxe poids lourds pour la rendre acceptable dans un contexte qui avait changé. Les propositions de Jean-Paul Chanteguet répondent à cet objectif, tant en termes de proximité que d’intérêt des territoires. La marche à blanc permettra de vérifier le bon fonctionnement du dispositif et de répondre aux inquiétudes légitimes de certains professionnels.

Si elles devaient être retenues, ces quatorze propositions impliquent le vote d’un projet ou d’une proposition de loi. Elles fixent un cap, mais sont encore susceptibles de modifications.

La LKW Maut allemande a rapporté 4,4 milliards d’euros en 2012, ce qui a permis de doubler ou de tripler des voies autoroutières – en effet, 50 % de ce produit sont consacrés à la modernisation de la voirie, 35 % allant à la modernisation du secteur ferroviaire et 15 % au transport fluvial. Tandis que nos voisins avancent, nous discutons ! Je me réjouis néanmoins que ce rapport fixe un cap clair et évite de donner une prime à ceux qui se rebellent, allant jusqu’à détruire le matériel, public ou privé.

Nous sommes tous issus d’un territoire – je suis pour ma part député strasbourgeois et alsacien. Mais nous sommes avant tout députés de la République une et indivisible. C’est ce point de vue qui doit prévaloir dans notre choix.

M. Thomas Thévenoud. Je salue votre travail et celui de l’administration qui vous a assisté, monsieur le président : vingt-trois auditions, quatre visites sur le terrain dont trois à l’étranger, cinquante entretiens. Vous avez raison de rappeler, avec vivacité parfois, certaines réalités : nos collègues de l’UMP n’ont pas eu le courage d’exercer les responsabilités que le Règlement leur ouvrait au sein de cette mission d’information, sans doute pour pratiquer avec plus d’aisance la démagogie et la posture politicienne.

Je considère pour ma part que nous sommes devant un excellent rapport. Comme tout bon rapport parlementaire, il garantit un équilibre. Il prend en compte les réalités économiques du secteur – la crise économique, la crise du transport routier en France et la concurrence déloyale exercée par des entreprises étrangères se font sentir dans d’autres régions que la Bretagne – en préconisant la création d’une franchise et d’un fonds de modernisation. Il prend également en compte les intérêts de la Nation. Rayer d’un trait de plume le contrat passé avec Ecomouv’ alourdirait le budget pour 2015 de 1,5 milliard d’euros. Ceux qui nous incitent à le faire sont les mêmes qui nous reprocheront, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, de ne pas réaliser assez d’économies. Cela a un nom : la démagogie fiscale !

Le rapport n’abandonne pas l’idée d’une contribution des poids lourds au financement des infrastructures. Cela aussi a un nom : la fiscalité écologique. N’en déplaise à certains, cette notion a du sens et la France a du retard en la matière. Ce n’est pas en repoussant sans cesse les choix courageux qui sont nécessaires au développement durable de notre pays que nous agirons en véritables responsables politiques.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, je voterai cet excellent rapport. Il est de notre responsabilité de parlementaires de faire de la pédagogie fiscale. Il est aussi de notre responsabilité de rappeler à nos concitoyens que l’unité nationale est toujours d’actualité.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Je rappelle qu’aux termes de l’Instruction générale du bureau de l’Assemblée nationale, « l’autorisation de publication » sur laquelle nous allons voter « n’emporte pas approbation du texte du rapport ».

La mission d’information autorise la publication du rapport par dix-huit voix pour, quatorze voix contre et deux abstentions.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Réunion du mercredi 14 mai 2014 à 10 h 30

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. François André, M. Julien Aubert, Mme Catherine Beaubatie, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Xavier Breton, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Olivier Faure, M. Claude de Ganay, M. Joël Giraud, M. Jean Grellier, M. Michel Heinrich, Mme Joëlle Huillier, M. François-Michel Lambert, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Viviane Le Dissez, M. Marc Le Fur, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Gilles Lurton, M. Hervé Mariton, M. Olivier Marleix, M. Yannick Moreau, M. Bertrand Pancher, M. Hervé Pellois, Mme Émilienne Poumirol, Mme Eva Sas, M. Gilles Savary, M. Éric Straumann, M. Thomas Thévenoud

Excusé. - M. Richard Ferrand