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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi 12 février 2013

Séance de 17 h 30

Compte rendu n° 15

Présidence de M. Bruno Sido, sénateur, Président

Compte rendu de la réunion du Bureau du mardi 5 février 2013 2

Examen de l’étude de faisabilité présentée par Mme Maud Olivier et M. Jean-Pierre Leleux sur la « diffusion de la culture scientifique et technique » 3

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mardi 12 février 2013

Présidence de M. Bruno Sido, Sénateur, Président

La séance est ouverte à 17h35

– Compte rendu de la réunion du Bureau du 5 février 2013

M. Bruno Sido, sénateur, président de l’Opecst : le Bureau de l’Office s’est réuni le 5 février 2013 et a décidé d’ajouter des réunions à celles qui ont déjà été portées à votre connaissance. Ces réunions vous seront communiquées. En second lieu, le Bureau a adopté le principe d’une contribution de l’Office au débat national sur la transition énergétique, qui revêtira diverses formes. Outre la présentation, au printemps, par Christian Bataille, député, et Jean-Claude Lenoir, sénateur, d’un rapport d’étape sur les hydrocarbures non conventionnels, la contribution de l’Office comprendra :

- le 4 avril 2013, toute la journée, une audition publique sur la consommation énergétique des bâtiments ;

- le 23 avril 2013, une audition sur les énergies nouvelles et la géothermie ;

- l’audition des membres du comité de pilotage du débat national sur la transition énergétique.

Le Bureau a, en outre, désigné Anne-Yvonne Le Dain comme représentante de l’Office à la réunion des Offices de l’Union européenne (EPTA), qui se tiendra cette année en Finlande.

Enfin, il est possible que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) saisisse l’Office de la question de la procréation médicalement assistée (PMA). Dans cette perspective, le Bureau a décidé que, lorsqu’interviendra cette saisine, Virginie Klès et Anne-Yvonne Le Dain organiseront une audition publique sur ce sujet.
Mme Catherine Procaccia, sénatrice
 : l’Office sera-t-il saisi ultérieurement d’une étude sur la PMA ?

M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président de l’Opecst : il est prévu qu’en cas de révision de la loi relative à la bioéthique, le CCNE saisisse l’Office pour avis. Le président de la République a décidé de saisir le CCNE, car la PMA a été abordée lors de la discussion à l’Assemblée nationale de la loi sur le mariage pour tous. L’Office ne sera pas saisi d’une étude, mais, comme cela a été le cas lors des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, il organisera une audition publique durant une journée au cours de laquelle tous les parlementaires pourront intervenir.

– Examen de l’étude de faisabilité présentée par Mme Maud Olivier et M. Jean-Pierre Leleux sur la « diffusion de la culture scientifique et technique »

M. Jean-Pierre Leleux, sénateur, co-rapporteur : Tout en se réjouissant de la présente saisine, vos rapporteurs sont parfaitement conscients de la mission redoutable qui leur a été confiée, tant sont nombreux les rapports déjà intervenus sur la diffusion de la culture scientifique et technique (CST).

Pour autant, nous estimons que les enjeux de cette question n’ont jamais été aussi importants, du fait du contexte actuel de crise économique, qui implique un redressement de notre pays fondé sur la connaissance et l’innovation, dans un environnement hautement compétitif.

Par ailleurs, les projets de loi dont le Parlement sera prochainement appelé à débattre – refondation de l’école, acte III de la décentralisation et réforme de l’enseignement supérieur – entraîneront des modifications substantielles dans le jeu des acteurs de la culture scientifique et technique.

Dans la présente étude de faisabilité, nous avons examiné, dans un premier temps, les principes qui sous-tendent les enjeux de cette politique publique et les conditions dans lesquelles celle-ci est mise en œuvre ; puis, dans un deuxième temps, nous avons tenté de voir pourquoi cette politique publique ne peut pas atteindre pleinement les objectifs qu’elle se fixe.

La difficulté première que nous avons constatée réside dans la multiplicité des définitions de la CST – selon les pays et à l’intérieur de ces derniers – même si, finalement, un socle commun de principes se dégage.

En France, le rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale et de la recherche publié au mois de février 2012 sur le bilan et les perspectives de la culture scientifique et technique, traduit bien la diversité des objectifs poursuivis au fil de l’évolution des tutelles ministérielles intervenant dans le domaine de la CST. L’Inspection générale estime que ces objectifs ne sont pas toujours clairement identifiés ni séparés les uns des autres. On relève notamment : la place centrale de l’égalité des chances, la lutte contre la désaffection à l’égard des études scientifiques ou encore l’alimentation du débat sur les relations entre science, technique et société.

Dans les autres pays, outre le fait que la notion française de CST n’a pas toujours d’équivalent, le contenu des politiques publiques correspondantes est l’objet de débats.

Au Royaume-Uni, le rapport Bodmer publié en 1985 au nom de la Royal Society, considérait qu’une meilleure « compréhension publique de la science » – c’est sous cette dénomination qu’est désigné l’équivalent anglais de la CST – permettrait d’accroître la richesse nationale en améliorant la qualité des décisions publiques et privées. Ce rapport a appelé les scientifiques à apprendre à communiquer avec le public.

En 2000, un rapport de la Chambre des Lords – intitulé Science et Société – a reproché à cette approche de la « compréhension publique de la science » d’imputer les difficultés existant entre la science et la société à l’ignorance du public, et d’assigner aux scientifiques la tâche de combler les lacunes de ce public supposé ignorant, en vue de faciliter l’acceptation sociale des avancées scientifiques et technologiques.

Le rapport de la Chambre des Lords a formulé les principes selon lesquels le dialogue entre la science et le public devrait s’établir pour permettre aux scientifiques de communiquer avec la société et l’opinion publique, en particulier à travers les médias.

L’Allemagne ne s’est penchée qu’en 1999 sur la notion de CST, en créant une institution fédérale chargée du dialogue entre la science et la société (Wissenschaft im Dialog-WiD), à travers le processus appelé PUSH (acronyme anglais pour désigner la « compréhension de la science et des humanités »). Il s’agit pour la société et la science de promouvoir une compréhension commune de leurs attentes et de leurs intérêts. Les scientifiques doivent gagner la confiance et la reconnaissance du public, ainsi qu’obtenir un soutien financier. Car cette compréhension de la science par le public doit permettre d’assurer un financement durable de la science et la compétitivité au plan international.

Le processus PUSH doit aussi contribuer à favoriser par le dialogue avec la société l’acceptation critique de la science et de la recherche.

Mais au-delà de ces particularités linguistiques et culturelles entourant la conception de la CST, il existe en réalité un socle d’objectifs communs.

Parmi ces objectifs, il y a d’abord le souhait de rapprocher les citoyens de la science. Il est en effet crucial de faciliter l’acceptation sociale des nouvelles technologies, surtout dans un pays qui, comme la France, a connu l’échec des débats publics sur les OGM et sur les nanotechnologies.

En second lieu, la culture scientifique et technique est considérée partout – que ce soit dans les vieilles nations industrialisées ou dans les pays émergents – comme un vecteur de leur compétitivité. À cet égard, il est significatif que le rapport Gallois cite expressément la culture scientifique et technique comme l’un des moyens par lesquels la formation des individus pourra s’améliorer et s’adapter aux changements. Elle permettra aussi aux acteurs de retrouver le goût et l’optimisme de la science et de la technique.

Cette compétition entre les États – en particulier entre leurs systèmes éducatifs et universitaires – est renforcée par l’existence de différents classements, dont les plus célèbres sont l’enquête PISA (Programme for International Student Assessment) de l’OCDE et le classement de Shanghai, lesquels ne manquent pas de susciter diverses réactions, comme c’est le cas en Allemagne, où les résultats de l’enquête PISA ont entraîné un choc réformateur.

Comment, et par qui, les principes de la CST sont-ils mis en œuvre concrètement ? Tant en France que chez nos voisins, on est frappé par la multitude des acteurs.

En France, les acteurs locaux se sont révélés très dynamiques, mettant en place des expériences originales, à commencer par les centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI). Le premier d’entre eux a été créé à Grenoble en 1979, fruit de l’action concertée de la municipalité et de chercheurs. L’attribution depuis 2008 d’un label « Science, culture et innovation » a marqué la reconnaissance de l’État envers le rôle fructueux joué par les CCSTI. Délivré par le ministère de la Recherche pour une durée de quatre ans, ce label est un gage de qualité pour les structures qui animent les réseaux de culture scientifique, technique et industrielle de leur territoire, et assurent un rôle de médiateur dans le dialogue entre science et société.

Le dynamisme des acteurs locaux s’est également manifesté dans la régionalisation de certains dispositifs nationaux, comme la Fête de la science, ou encore les dispositifs d’égalité des chances, dont les collectivités territoriales sont devenues des partenaires indispensables.

Les institutions nationales sont de nature variée, comprenant, entre autres, les producteurs de connaissances, ainsi que les institutions intervenant en matière de réflexion publique sur la science. Cette distinction n’est toutefois pas étanche : ainsi, l’Académie des sciences, qui est productrice de connaissances, peut aussi, par certains de ses avis, alimenter la réflexion publique sur la science.

Enfin, en ce qui concerne les médias, certaines personnalités ont critiqué, lors de l’audition du comité de pilotage, la rumeur de disparition de l’émission C’est pas sorcier ou encore insisté sur la nécessité pour les pouvoirs publics d’appeler les médias à leur responsabilité dans la diffusion de la CST.

Il convient aussi de souligner le rôle des nouvelles technologies de l’information et de communication, en particulier le e-Learning qui, par exemple, permet à des étudiants français de se former dans les universités américaines sans quitter la France.

Au Royaume-Uni, le paysage institutionnel est également extrêmement dense, faisant coexister des autorités indépendantes comme les Research Councils – qui financent et coordonnent la recherche publique dans le domaine qui leur est propre – et des associations éducatives, telles que le réseau STEMNET (réseau de science, technologie, ingénierie et mathématique), qui s’appuie sur 27 000 volontaires, appelés ambassadeurs. Leur objectif est de sensibiliser les jeunes à la technologie, à l’ingénierie et aux mathématiques lors des débats publics impliquant ces matières, de manière à les inciter à s’orienter vers elles au moment de choisir leur carrière.

L’Allemagne a mis au point des expériences intéressantes comme les « Universités pour enfants », dont s’est inspiré le programme piloté par l’association « Les Petits Débrouillards-UniverCités ». Ce programme a été éligible aux investissements d’avenir.

Organisées chaque année pendant les vacances d’été ou durant un semestre en cours, les « Universités pour enfants » fonctionnent sur la base d’ateliers auxquels prend part le corps enseignant des universités. Ces ateliers ont pour but de communiquer le goût de la science à des enfants âgés de huit à douze ans, de façon simple, concrète et compréhensible. Organisées par 70 universités, les « Universités pour enfants » remportent un réel succès.

À travers des PCRD (programme cadre de recherche et de développement) – 6 et 7 – et le réseau de centres de science et de musée – Ecsite, l’Europe, quant à elle, apporte une contribution jugée importante par certaines des personnalités que nous avons entendues.

Malgré l’accroissement considérable de l’offre culturelle auquel concourent ces différents dispositifs, la culture scientifique et technique ne parvient toujours pas à être diffusée de façon optimale. Ce constat est source de quatre débats récurrents que nous abordons dans une seconde partie.

Mme Maud Olivier, députée, co-rapporteure : le premier débat concerne les impasses de la démocratisation de l’accès au savoir.

Cet échec de la démocratisation, et ce malgré la croissance continue du taux de démocratisation, est patent au vu du renforcement des inégalités sociales induit par le système éducatif. S’y ajoutent les inégalités d’accès aux dispositifs de la CST.

Dans un référé qu’elle a adressé en juillet 2012 au ministre de l’éducation nationale, la Cour des Comptes a très sévèrement critiqué le caractère inégalitaire du système éducatif français. La Cour rappelle que, selon l’enquête PISA de 2006 qui concernait les pays membres de l’OCDE, la France affiche l’écart le plus important de résultats entre les élèves de statuts sociaux favorisés et défavorisés. Cet écart atteint le double de celui du Japon, du Canada ou de la Finlande. Ce constat n’a pas été modifié fondamentalement depuis lors puisque dans l’enquête PISA 2009, la France se classe encore dans les derniers pays, en l’occurrence à la 26ème place parmi les trente pays membres de l’OCDE concernés.

En second lieu, la Cour des Comptes observe que les inégalités dans la réussite scolaire sont insuffisamment prises en compte dans l’attribution des moyens aux académies et aux établissements.

Outre l’analyse de la Cour des comptes, celle de la Conférence des grandes écoles rappelle aussi les inégalités sociales dans la réussite scolaire, en particulier dans l’accès aux classes préparatoires aux grandes écoles. Cette analyse estime que le système accorde la palme à la précocité, puisque, pour les enfants socialement défavorisés, tout est très largement joué à l’entrée en 6ème, la suite du cursus continuant de creuser l’écart.

A ces inégalités dans la réussite scolaire s’ajoutent les inégalités d’accès aux dispositifs de la CST. Ainsi, une étude de la Cour des Comptes de mars 2011 sur les musées nationaux après une décennie de transformations, fait ressortir une absence patente de démocratisation de l’accès aux musées, puisque la proportion des cadres ayant visité un musée en 2008 est quatre fois plus élevée que celle des ouvriers.

En ce qui concerne les inégalités des moyens dont sont dotées les structures, on constate par exemple que, selon cette même étude de la Cour des comptes, la politique muséale nationale est caractérisée par la prépondérance de Paris.

Le deuxième débat a trait aux controverses sur les difficultés du système éducatif à promouvoir l’appétence pour les sciences et les carrières scientifiques.

Ces controverses résultent d’affirmations très répandues, dont la pertinence est toutefois contestée. La désaffection des jeunes pour les études scientifiques – qui toucherait davantage les vieux pays industrialisés que les pays dits émergents – a fait l’objet de nombreux rapports. En France, par exemple, une note d’information récente du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche révèle que c’est une minorité – 43 % des bacheliers scientifiques – qui a choisi en 2008 de poursuivre leurs études dans une formation scientifique. Le rapport de l’Inspection générale de l’Éducation nationale considère que cette désaffection est aggravée par la sélection qualifiée d’improductive en termes de diffusion de la CST, jouée par la filière S.

La désaffection pour les carrières scientifiques et techniques est constatée notamment à travers la crise des vocations enseignantes, que le rapport annuel de la Cour des comptes a soulignée. La Cour constate en effet que la réforme de la mastérisation a renforcé le phénomène de la désaffection croissante des étudiants pour les concours d’enseignants, comme le montre le CAPES externe de mathématiques, pour lequel, en 2011, le jury n’a pu pourvoir que 60 % des postes offerts.

Cette crise des vocations suscite des craintes quant aux possibilités de renouvellement du vivier d’enseignants, de chercheurs et de techniciens.

L’une des affirmations les moins contestée concerne la sous-représentation des femmes dans les études et les carrières scientifiques. S’agissant de la France, la parité est à peu près atteinte dans l’enseignement secondaire, puisqu’en 2010, les filles représentaient 40 % des élèves des terminales scientifiques. L’objectif de la LOLF était d’atteindre 42 % en 2013. En revanche, la situation se dégrade dans l’enseignement supérieur : les filles suivent majoritairement des études médicales. Mme Sylvia Serfaty, prix Henri Poincaré 2012, professeure à l’Université de Paris VI, explique la sous-représentation des filles dans les classes préparatoires scientifiques par le « bizutage » dont elle-même a souffert. Jouent également d’autres facteurs, tels que le faible soutien des familles à l’inscription des filles dans ces filières dominées par les garçons.

Quoi qu’il en soit, les rapporteurs considèrent que ce combat pour la parité doit être mené avec détermination, une plus grande implication des femmes dans la vie économique pouvant permettre un accroissement du PIB de 7 %, si les taux d’activité des deux sexes étaient identiques.

Ces affirmations très répandues sur la désaffection des jeunes sont néanmoins contestées. Certains invoquent une étude du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui indique que le nombre de doctorants a augmenté de près de 6000 entre 2001-2002 et 2008-2009 pour atteindre 67 600 personnes. Pour ce qui est des effectifs des écoles d’ingénieurs, ils ont augmenté de 16,7 % entre 2000 et 2007.

En second lieu, ces affirmations ne tiennent pas compte du fait qu’une part de plus en plus importante des bacheliers scientifiques contournent les DEUG généralistes en empruntant des filières plus professionnalisantes comme les DUT, pour ensuite poursuivre vers les diplômes supérieurs.

Le troisième débat porte sur la possibilité d’instaurer un dialogue durable et confiant entre la science et la société.

Cette question serait posée de façon cruciale à la société française, laquelle manifesterait une défiance à l’égard de la science, comme le montreraient, entre autres, l’interminable polémique sur les OGM, les débats autour du principe de précaution et les difficultés de la médiation scientifique.

Cette absence de confiance se double d’une méconnaissance du travail des scientifiques. Car, d’après le sondage IPSOS de juin 2012, 60 % des français déclarent mal connaître ce travail, tandis que 81 % estiment que les citoyens sont insuffisamment informés et consultés sur les débats et les enjeux de la recherche.

Cependant, le sondage IPSOS de juin 2012 indique que 89 % des personnes interrogées considèrent que les études scientifiques mènent à des métiers intéressants et épanouissants.

En second lieu, se fait jour un contexte propice au développement d’une culture du débat. Le rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale fait ainsi état du souhait d’une majorité de chercheurs et de fonctionnaires d’associer les citoyens à une gouvernance moderne basée sur la transparence, la participation et le partage des responsabilités. Il nous incombe de viser au partage de la connaissance par tous les publics, à travers des réponses adaptées aux questionnements des citoyens.

Le quatrième débat touche à la gouvernance de la CST.

Cette question concerne le rôle d’Universcience et les modifications que les projets du Gouvernement sont susceptibles d’entraîner. Le rôle d’Universcience est l’objet de controverses. En premier lieu, la fusion entre le Palais de la Découverte et la Cité des Sciences et de l’Industrie suscite des appréciations contradictoires. Intervenue en 2009, cette fusion est le résultat des conclusions d’une inspection effectuée au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Ces conclusions ont souligné la nécessité pour les deux établissements de coopérer à un objectif commun, à savoir, rendre accessible à tous la CST et devenir un pôle national de référence. En 2011, Universcience a été ainsi le quatrième établissement culturel le plus visité de France. Sur le plan international, il est le premier centre de science européen et il a été sollicité pour participer à 80 projets de partenariats.

Pour autant, des craintes sont exprimées quant à l’avenir du Palais de la Découverte. Les uns mettent en cause le fait que la fusion a gommé la spécificité du Palais de la Découverte, ce que Mme Claudie Haigneré, présidente de l’établissement public, a contesté lors de son audition. Pour elle, les services offerts par la Cité des Sciences sont différents de ceux du Palais, lequel permet toujours de voir la science « en train de se faire et en train de se comprendre ». Les autres font valoir une baisse de fréquentation de 23 % en 2011 par rapport à 2010. Quant aux relations entre Universcience, les régions et les associations, les régions reprochent à Universcience d’être un établissement parisien, plutôt que national. Sur ce point, Universcience a fait valoir dans sa contribution aux Assises, qu’il avait défini, en concertation avec 500 acteurs de la CST, une nouvelle organisation favorisant les synergies et les dynamiques territoriales. Parallèlement, certains de nos interlocuteurs ont déploré qu’Universcience ait été juge et partie dans l’attribution des financements au titre des investissements d’avenir et de certains crédits du ministère de la Recherche. D’un montant de 3,6 millions d’euros, ces derniers ont été délégués à Universcience en vue de leur gestion. Les Directions régionales de la Recherche et de la Technologie sont, quant à elles, en charge de choisir les secteurs destinataires de ces crédits.

Enfin, pour ce qui est des incidences des projets législatifs du Gouvernement sur la gouvernance de la CST, les acteurs auditionnés se sont réjouis que le projet d’Acte III de la décentralisation confère une compétence obligatoire aux régions dans le domaine de la diffusion de la culture scientifique et technique. Ils considèrent toutefois que l’État doit conserver sa fonction de stratège. S’agissant de la refondation de l’école, le projet de loi indique explicitement que la formation des enseignants dans les écoles supérieures de professeurs des écoles doit comprendre les éléments d’une CST.

En conclusion, il faudra cibler nos préconisations différemment selon les publics visés : enfants, parents, enseignants, acteurs sociaux des quartiers, décideurs ou médias.

Si l’Office nous autorisait à poursuivre cette étude, il conviendrait de viser aussi la culture industrielle dans son intitulé. Il s’agit non seulement de se conformer aux dénominations officielles, mais aussi de bien marquer la dimension économique de cette politique publique.

M. Bruno Sido : Ce sujet récurrent soulève notamment les deux questions suivantes :

- Pourquoi l’ascenseur social est-il en panne ? Examinerez-vous cette question ?

- Envisagez-vous d’aller au-delà du constat de l’existence de disparités entre les régions et entre ces dernières et Paris ? Que peut-on faire pour y remédier ?

M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président de l’Opecst : Je partage le dernier point évoqué par Bruno Sido. Aborderez-vous la question des tutelles ministérielles ? En effet, comment associer le ministère de la Culture – actuellement le parent pauvre – et les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, de l’Industrie et de l’Éducation nationale au soutien de la CST ? Vous avez évoqué la place des sciences dans l’enseignement, la désaffection des jeunes à l’égard des sciences et le rôle des médias. Quelles solutions pourra-t-on mettre en œuvre dans ces domaines ? En ce qui concerne le débat public et les rapports entre science, experts et citoyens, se trouve posée la question de l’absence de confiance. Le débat public ne devient-il pas inexistant comme le montre de façon significative l’histoire des OGM ? En effet, la première directive européenne relative aux OGM a été transposée au début de 1991 dans l’indifférence générale, le débat n’étant intervenu que postérieurement, mais trop tardivement. Les rapporteurs ont eu raison de souligner l’éparpillement du réseau d’acteurs. Comment le densifier ? Les investissements d’avenir y contribueront-ils ? Vous avez bien évoqué le rôle d’Universcience dans ses liens avec les régions. Comme je l’ai déjà suggéré, il serait opportun que des représentants des régions siègent au comité de pilotage de l’étude, comme, par exemple, le directeur de Cap sciences Bordeaux et Patrick Baranger, président du réseau Hubert Curien de Lorraine.

M. Bruno Sido, sénateur, président de l’Opecst : Je rappelle qu’aux termes de l’article 23 du règlement intérieur de l’Office, c’est le président qui désigne les membres du comité de pilotage sur proposition des rapporteurs.

M. Roland Courteau, sénateur : Je me demande également pour quelles raisons l’ascenseur social ne fonctionne plus aussi bien que par le passé ? Comment expliquer objectivement la désaffection envers les études scientifiques et techniques ? Est-ce dû au fait que le niveau requis est devenu plus élevé ? Cette désaffection résulte-t-elle de l’attrait exercé par les carrières lucratives comme l’ingénierie financière ? Ces explications ne sont-elles pas incomplètes ?

Mme Catherine Procaccia, sénatrice : Dans votre étude, parviendrez-vous à faire émerger des pistes permettant que davantage de filles se dirigent vers des études scientifiques et techniques ? S’agit-il d’un phénomène purement culturel ? Y a-t-il des moyens de progresser ? Si plus de 50 % de la population est composée de filles, qui, en général, réussissent mieux leurs études que les garçons, bien qu’elles se détournent des études scientifiques et techniques, il m’apparaît que l’objectif prioritaire est d’y remédier.

M. Marcel Deneux, sénateur : Il faut que vous fassiez des efforts pour présenter des propositions. Car, autrement votre rapport ne sera qu’un rapport de plus qui n’atteindra pas ses objectifs. Par exemple, en ce qui concerne le rôle des médias, on constate qu’ils informent la plus grande partie de la population, ce qui n’est pas le cas de l’école qui ne joue pas son rôle. Dès lors, il faut revoir comment amener les médias à inciter les jeunes de 15 ans à regarder les émissions ciblées de CST. On peut mobiliser la population, à l’aide des médias modernes, en organisant des concours. En tout état de cause, comme l’a souligné Catherine Procaccia, le problème de la sous-représentation des filles est essentiel.

M. Bruno Sido, sénateur, président de l’Opecst : Comment attirer les jeunes vers les carrières scientifiques tant que les banques offriront un salaire bien plus élevé que les organismes de recherche ?

Mme Corinne Bouchoux, sénatrice : Je constate qu’il y a énormément de CST qui passe par la culture protestataire. Ainsi, dans le Grand Ouest, la CST est autant diffusée par l’Espace des Sciences que par les réunions conjointes entre universités et associations extrêmement protestataires, lesquelles attirent davantage de personnes que les réunions institutionnelles organisées par les Universités. Ce n’est pas en évitant les débats qu’on attirera le public, mais en les suscitant. Car l’échange scientifique se fait autour de la controverse, qui peut susciter des débats de très bonne qualité. Certaines grandes écoles de commerce ont organisé récemment des débats – certes vifs, mais riches – sur les OGM.

S’agissant de la question de la désaffection pour la science, il n’est pas nécessaire d’avoir la vocation scientifique à 18 ans. Malheureusement, il n’existe pas en France de deuxième carrière scientifique pour qui n’a pas suivi la filière des classes préparatoires, alors que, par exemple, il est possible d’entamer une deuxième carrière juridique. Il en va différemment en Allemagne, où une deuxième carrière scientifique ou d’ingénieur peut débuter à l’âge de 30 ans. Il serait donc opportun que les rapporteurs aillent voir en Allemagne comment y fonctionne la formation tout au long de la vie. Enfin, je suis très favorable à la poursuite de l’étude.

M. Michel Berson, sénateur : Le vrai problème n’est pas celui des rapports entre culture et science mais plutôt entre science et société. Si, aujourd’hui la culture scientifique et technique est peu ou mal diffusée dans notre pays, c’est parce qu’existe un déficit au plan du débat. Le débat public est insuffisant, malgré les textes législatifs et réglementaires qui prévoient son organisation au niveau des quartiers, des collectivités territoriales ou au niveau national. Bien que le débat public soit institutionnalisé en France, la participation des citoyens est insuffisante, car ne se mobilisent que les opposants. C’est donc sur ce problème qu’il importe d’investiguer davantage. Les résultats du sondage cité par les rapporteurs sur la confiance accordée aux scientifiques pour les OGM, l’énergie nucléaire, et les nanotechnologies sont effrayants : dans ce dernier domaine, les Français sont 25 % à ne pas faire confiance, alors que bien peu d’entre eux en ont une connaissance réelle. Il m’apparaît donc que c’est cette relation entre scientifiques et citoyens qui est la voie la plus fructueuse pour développer la CST.

En second lieu, il conviendra de poser la question – et d’y répondre – de savoir qui doit être pilote : le ministère de la Culture ? Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ? L’Éducation nationale ? Intuitivement, je pencherais plutôt pour le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Le ministère de la Culture est certes emblématique, mais dispose de peu de moyens et n’a pas d’appétence pour les sciences. L’Éducation nationale est trop marquée par les règles impérialistes des « sachants ». Donc, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche m’apparaît comme le ministère le plus approprié, du fait des moyens non négligeables dont il dispose. En tout cas, il faut disposer d’un levier important pour développer la CST.

M. Alain Marty, député : Quelle est la valeur induite par l’objectif d’accroissement du nombre de scientifiques et d’ingénieurs de sexe féminin ? Et si ces dernières trouvent davantage à s’épanouir à l’étranger, que faut-il faire pour les retenir en France ?

M. Jean-Yves Le Déaut, premier vice-président : L’éducation populaire, qui a été peu évoquée, est le meilleur moyen de diffuser la CST. Plusieurs associations sont présentes en milieu rural : les Maison des jeunes et de la culture, Les Petits Débrouillards, Exposcience. Il faut montrer, à travers la présentation de leur action, qu’il existe plusieurs lieux de diffusion de la CST.

Mme Maud Olivier, co-rapporteure : Nous allons auditionner Cap Sciences et le réseau Hubert Curien et les inclure dans le Comité de pilotage.

S’agissant du débat public, il est inexistant, comme l’a fait remarquer Jean- Yves Le Déaut, car il existe peu de moyens.

La diffusion de la CST par les médias est fondamentale, bien que l’on puisse déplorer leurs difficultés à informer le public. Ainsi, leur rôle dans l’affaire Séralini a été catastrophique. Les médias se sont précipités sur les photos produites par M. Séralini. Or, la quasi-totalité des scientifiques qui étaient présents à l’audition publique de l’OPECST du 19 novembre 2012 ont condamné l’absence de méthode scientifique, dans l’élaboration de l’étude du professeur Séralini. Il importe donc d’apprendre aux média à diffuser la CST de façon plus sérieuse. À cet égard, je me félicite que, lors de son audition par la Commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale, M. Olivier Schrameck, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), se soit montré ouvert à l’idée d’imposer des programmes de CST dans les cahiers des charges. Une autre piste intéressante qui a été suggérée au sein de la Commission des affaires culturelles consiste à adapter le format très court de l’émission D’art d’Art au domaine de la CST.

Sur la question de la gouvernance soulevée par Michel Berson, je considère que le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche doit assurer la coordination des actions de CST avec les autres ministères : Redressement productif, Culture et Éducation nationale. En tout état de cause, ils se doivent de travailler conjointement. Peut-être sera-t-il nécessaire d’instituer un Délégué interministériel. Il nous incombe, en effet, comme je l’ai indiqué in fine dans mon exposé, de toucher tous les publics – en particulier le citoyen ordinaire –, pour qu’ils aient le niveau de connaissances qui leur permettra de participer au débat public et de faire des choix.

Sur la question des femmes, il convient, à court terme, d’observer les dispositifs existants et de mettre l’accent constamment sur l’importance d’intéresser les filles à la CST. Je constate, que, par exemple, s’agissant de la nouvelle promotion de l’École polytechnique, elle est paritaire. On peut y voir l’aboutissement des efforts répétés, dont ceux de l’association Pourquoi pas moi et ceux que j’ai déployés au sein du Conseil général de l’Essonne. Dans le long terme, il importe de dispenser une formation aux enseignants, afin qu’ils puissent adapter leurs pratiques d’enseignement à l’égard des filles, et fournir un conseil lors des procédures d’orientation. Cela fait partie des objectifs d’égalité professionnelle et d’égalité des chances.

M. Jean-Pierre Leleux, co-rapporteur : Toutes les remarques qui ont été formulées sont autant de pistes de réflexion.

S’agissant du rôle de la CST dans l’ascenseur social : Il a été souligné dans l’étude de faisabilité. Nous n’avons pas l’ambition de régler ce problème. En revanche, nous estimons que la CST peut être un levier efficace pour l’ascension sociale des jeunes. Car il est plus facile de les intéresser à une expérience scientifique qu’à une équation du second degré ou à un concert de Debussy.

Pour ce qui est des disparités entre Paris et les régions et entre ces dernières, ainsi que de la décentralisation des outils : comme l’a évoqué Jean-Yves Le Déaut, il existe un foisonnement d’associations d’éducation populaire, qui mènent des actions de médiation extrêmement fortes dans les régions. Se posera dans les années à venir la question de leur labellisation éventuelle.

Sur les rapports entre la science et la société : cette question est au cœur de nos préoccupations. Comment capillariser la science auprès de la population et des enfants ? Avec Maud Olivier, nous souhaiterions formuler les propositions les plus concrètes possibles. Car il importe qu’elles soient crédibles et mises en œuvre. Par exemple, en ce qui concerne les médias, il serait assez normal que, dans le cadre de contrats d’objectifs proposés à l’audiovisuel public, des obligations en matière de CST soient imposées, les émissions devant être sérieuses et séduisantes.

Sur proposition de M. Bruno Sido, président, l’Office a autorisé la poursuite de l’étude et décidé de mentionner la culture industrielle dans son intitulé.

La séance est levée à 18h40

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du mardi 12 février 2013 à 17 h 30

Députés

Présents. - M. Jean-Yves Le Déaut, M. Alain Marty, Mme Maud Olivier

Excusés. - M. Alain Claeys, Mme Françoise Guégot, M. Patrick Hetzel

Sénateurs

Présents. - Mme Delphine Bataille, M. Michel Berson, Mme Corinne Bouchoux, M. Roland Courteau, M. Marcel Deneux, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Catherine Procaccia, M. Bruno Sido

Excusés. - M. Gilbert Barbier, Mme Fabienne Keller, M. Christian Namy, M. Jean-Marc Pastor