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Commission des affaires sociales

Mercredi 7 novembre 2012

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 16

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission du développement durable, de M. Marc Mortureux, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), de M. Jean-François Dhainaut, président, Mme Christine Noiville, présidente du Comité économique, éthique et social et M. Jean-Jacques Leguay, vice-président du Comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies (HCB), sur l’étude du professeur Séralini portant sur les OGM.

– Informations relatives à la Commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 7 novembre 2012

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend, en audition commune avec la Commission du développement durable, M. Marc Mortureux, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), M. Jean-François Dhainaut, président, Mme Christine Noiville, présidente du Comité économique, éthique et social et M. Jean-Jacques Leguay, vice-président du Comité scientifique du Haut conseil des biotechnologies (HCB), sur l’étude du professeur Séralini portant sur les OGM.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Je rappelle que les commissions des Affaires sociales et du Développement durable et de l’aménagement du territoire ont auditionné, le 9 octobre dernier, le professeur Gilles-Eric Séralini et le docteur Joël Spiroux, co-auteurs d’une étude sur le maïs génétiquement modifié NK 603.

Le Gouvernement, par l’intermédiaire des ministres chargés de l’écologie, de la santé et de l’agriculture, a demandé à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et au Haut Conseil des biotechnologies (HCB), d’analyser les données de l’étude du professeur Séralini et de se prononcer sur sa validité. Les deux organismes ont chacun rendu leur rapport le 19 octobre.

Nous accueillons donc aujourd’hui M. Marc Mortureux, directeur général de l’ANSES, M. Jean-François Dhainaut, président du HCB, accompagné de Mme Christine Noiville, présidente du comité économique, éthique et social, et de M. Jean-Jacques Leguay, vice-président du comité scientifique du HCB.

Je remercie Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales, d’avoir accepté de coprésider avec moi cette seconde réunion commune.

Mme la présidente Catherine Lemorton. L’étude du professeur Séralini a suscité l’émotion chez nos concitoyens comme chez les parlementaires. Il est légitime que nous ayons cherché à en savoir davantage. Il est aussi de la liberté du législateur d’organiser les auditions qu’il souhaite, dans l’attente des résultats des études que peut parallèlement demander le Gouvernement.

L’audition du professeur Séralini par nos deux commissions le 9 octobre dernier avait suscité certaines réactions excessives. Auditionner le professeur revenait, aux yeux de certains, à accorder toute crédibilité à ses travaux : on nous l’a reproché. Nous nous étions engagés avec le président Chanteguet à une approche contradictoire. C’est ce que nous faisons aujourd’hui : il y va de la crédibilité de nos travaux. C’est après avoir entendu les analyses de l’ANSES et du HCB que nous pourrons nous faire une opinion par nous-mêmes, ce qui n’est d’ailleurs pas toujours facile en matière scientifique lorsqu’on n’est pas spécialiste du sujet.

Le président Bernard Accoyer, qui avait activement participé à l’audition du professeur Séralini, m’a demandé de vous prier d’excuser son absence aujourd’hui. Il représente en effet le président Claude Bartolone à une réunion à Berlin.

M. Marc Mortureux, directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Merci de nous donner l’occasion de rapporter devant l'Assemblée nationale le travail que nous avons réalisé à la demande du Gouvernement à la suite de la publication de l’étude du professeur Séralini dans la revue Food and Chemical Toxicology, le 19 septembre dernier.

Je suis accompagné aujourd’hui de MM. Dominique Gombert, directeur de l’évaluation des risques à l’ANSES, et Franck Fourès, directeur adjoint chargé des thématiques santé-alimentation, qui m’aideront à répondre de manière plus précise à vos questions.

Dans sa saisine, le Gouvernement nous a posé deux questions – les mêmes qui ont été posées au HCB : la publication de l’étude Séralini est-elle susceptible de remettre en cause les conclusions des évaluations précédentes du maïs NK 603 et de l’herbicide Roundup ? À la lumière de cette étude et de l’ensemble des connaissances actuelles, y a-t-il lieu de revoir les lignes directrices de la réglementation européenne actuelle en matière d’évaluation des risques sanitaires des organismes génétiquement modifiés (OGM) ?

Pour répondre à ces deux questions pour l’échéance fixée du 20 octobre, nous avons constitué un groupe d’expertise collectif d’urgence, composé d’experts de plusieurs disciplines. Nous avons réuni, parmi les compétences scientifiques de nos comités d’experts spécialisés, celles qui étaient nécessaires pour traiter des aspects « biotechnologies » et « produits phytosanitaires ». Nous avons veillé avec soin à ce que les experts retenus n’aient aucun conflit d’intérêt. La liste de ces experts figure en annexe de notre avis et leurs déclarations publiques d’intérêt sont consultables sur notre site Internet.

Beaucoup a été dit depuis un mois maintenant sur l’étude du professeur Séralini. L’ANSES n’a pas souhaité réagir à chaud. Dans le délai bref qui lui était imparti, elle a souhaité apporter une réelle valeur ajoutée en analysant de manière aussi complète et objective que possible l’étude elle-même et en la resituant dans un contexte plus général, notamment au regard des autres études existantes. Tout en adoptant une approche scientifique la plus rigoureuse possible, nous avons veillé à conserver le recul nécessaire pour travailler dans la sérénité, et bien sûr prêter attention à tous les signaux d’alerte émanant d’une telle étude, au-delà de ses faiblesses. C’est le rôle d’une agence de sécurité sanitaire : il y va de notre crédibilité et de la confiance qui peut nous être faite. Cette confiance n’est jamais acquise, c’est chaque jour qu’elle se tisse sur ces sujets complexes et controversés.

Nous avons souhaité entendre les principaux protagonistes. Les auteurs de l’étude ont été auditionnés le 10 octobre 2012 et nous ont, à cette occasion, fourni certaines données brutes complémentaires. Nous avons également auditionné M. François Veillerette, président de l’association de défense de l’environnement Générations futures. Nous avons aussi sollicité la firme Monsanto, mais celle-ci n’a pas souhaité être entendue ; elle nous a toutefois adressé une contribution écrite. Le compte rendu de ces deux auditions ainsi que le texte de la contribution sont consultables sur notre site Internet.

Nous nous sommes bien sûr coordonnés avec le HCB, saisi sur le même sujet et avec lequel nous avions d’ailleurs un expert en commun. Nous n’en avons pas moins conduit chacun nos expertises en toute indépendance, dans le respect de la spécificité de nos missions respectives. Nous avons également été en liaison avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui a, quant à elle, préféré travailler en deux temps : elle a publié très vite un premier avis et en remettra un second d’ici la fin du mois. Nous avons aussi beaucoup échangé avec nos homologues allemand et néerlandais.

Nos analyses convergent très largement sur les faiblesses de l’étude du professeur Gilles-Eric Séralini, notamment de ses conclusions. Au-delà de cette analyse critique, nous avons fait le point sur les autres études existantes et les conclusions qu’on peut en tirer.

Il n’existe aujourd’hui que deux autres études comparables de toxicité à long terme – sur deux ans. Allant au-delà des prescriptions réglementaires, ces études s’inscrivent plutôt dans une logique de recherche. L’étude que M. Séralini avait présentée comme « unique » ne l’est donc pas tout à fait, mais il est vrai qu’il y en a peu – contrairement à ce que l’on a parfois entendu. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons qualifié son étude « d’originale », d’autant qu’elle s’intéresse aux effets à long terme d’une consommation de plantes génétiquement modifiées (PGM), mais aussi à sa combinaison avec une exposition à des résidus de pesticides.

Son objet était d’étudier la toxicité à long terme, par le biais de l’alimentation, de l’herbicide Roundup et du maïs NK 603 tolérant au glyphosate, substance active du Roundup. Le protocole de l’étude prévoyait deux cents rats, répartis en vingt groupes de dix et nourris pendant deux ans, soit avec du maïs non OGM, soit avec du maïs OGM dans différentes proportions, associés à des doses plus ou moins élevées de Roundup. La dose la plus faible correspondait à un niveau qui peut se retrouver dans l’environnement, puisqu’il s’agit de la limite maximale de résidus tolérés dans l’eau, les deux autres étant beaucoup plus élevées.

Les auteurs de l’étude décrivent une mortalité et une incidence des tumeurs à la fois plus importante et plus précoce dans les groupes ayant consommé du maïs OGM que dans les groupes témoins. Ils en déduisent que la consommation de plantes génétiquement modifiées, associée ou non à une exposition à des résidus de pesticides, a des effets à long terme sur la santé. Leur objectif était très clairement de mettre en évidence les limites du cadre réglementaire actuel. Ils considèrent que la durée des études exigées par la réglementation pour attester de l’absence de risque des OGM est insuffisante. S’agissant des produits phytosanitaires, la réglementation européenne actuelle exige des essais à long terme seulement sur les substances actives – en l’occurrence, le glyphosate – mais non sur les produits effectivement commercialisés, qui peuvent se composer de plusieurs principes actifs et comportent de toute façon des coformulants.

Compte tenu des faiblesses statistiques de l’étude de M. Séralini, l’ANSES a conclu qu’elle n’établissait pas de lien de cause à effet entre la consommation de plantes génétiquement modifiées et l’apparition de tumeurs.

Il n’existe, je l’ai dit, que deux autres études comparables. Tout d’abord, celle de MM. Sakamoto et alii, conduite au Japon et visant à évaluer la sécurité à long terme d’un soja OGM largement consommé dans l’archipel. Les protocoles retenus dans cette étude, menée sur des groupes de 35 ou 50 rats, sont plus proches de ceux recommandés par l’OCDE, même si demeurent aussi des imprécisions pénalisantes pour l’analyse. Les auteurs n’ont pas relevé de différences liées à la consommation de ce soja et ne concluent pas à l’existence de risques.

L’autre étude est celle de MM. Malatesta et alii, dont l’objet était d’étudier les effets hépatiques d’une alimentation comportant 14 % de soja OGM. Les auteurs n’ont observé aucune différence significative sur la mortalité, les pathologies, l’état du foie ou le poids des animaux. Ils ont en revanche relevé une différence dans l’expression de certaines protéines hépatiques.

Les résultats des trois études disponibles sont donc peu comparables les uns avec les autres et chacune présente des points faibles.

Au-delà des critiques que l’on peut adresser à M. Séralini sur le plan méthodologique, la principale faiblesse de son étude est que ses conclusions sont insuffisamment étayées par les données présentées : autrement dit, ses résultats sont surinterprétés.

Notre groupe d’expertise collective d’urgence a refait certaines analyses statistiques en s’appuyant sur les données brutes fournies par les auteurs. Il a usé d’une méthode traditionnelle, qui a plutôt tendance à amplifier les effets. Après application des facteurs de correction habituels, aucun des écarts constatés ne se révèle significatif. La cohérence biologique des effets observés est par ailleurs faible, sans même parler de leur manque de reproductibilité et de l’insuffisance des données anatomopathologiques et biochimiques pour pouvoir aller plus loin dans l’interprétation. M. Séralini nous a d’ailleurs indiqué que d’autres publications suivraient, qui nous permettront peut-être de compléter nos analyses.

Un mot du choix de la souche de rats utilisée, qui a été beaucoup décrié : celle-ci est couramment utilisée pour l’expérimentation de nouveaux types d’aliments, car ces rats sont assez tolérants à des régimes déséquilibrés, comme ceux à base de maïs ou de soja. Le choix de cette souche n’est donc pas, en soi, critiquable. Mais comme il est fréquent que des rats de cette souche développent spontanément des tumeurs à partir d’un certain âge, il est inévitable qu’apparaissent des « faux positifs ». Pour pouvoir conclure à des écarts significatifs avec le groupe témoin, il faut impérativement un grand nombre de rats par groupe. Les auteurs de l’étude eux-mêmes ont d’ailleurs reconnu que la taille du groupe témoin, avec seulement dix rats par sexe, était insuffisante – mais, avec leur budget, ils ne pouvaient faire davantage, nous ont-ils dit. Il est admis qu’il faudrait des groupes d’environ quatre-vingts rats pour que les statistiques soient pertinentes.

L’ANSES a donc conclu que les résultats de l’étude de M. Séralini ne permettent pas de remettre en cause les évaluations réglementaires antérieures du maïs OGM NK 603 et du Roundup. Devant le faible nombre d’études sur les effets potentiels à long terme des plantes génétiquement modifiées associées à des préparations phytosanitaires, l’agence, soucieuse que d’éventuels effets chroniques de la consommation de telles plantes soient mieux pris en compte, avait formulé début 2011 des propositions visant à renforcer le cadre réglementaire européen. Sa première recommandation est aujourd’hui qu’un nouveau cadre soit adopté le plus rapidement possible et que celui-ci prenne pleinement en compte les propositions qu’elle avait faites.

Au-delà, l’agence demande que soient engagées de nouvelles études sur les effets à long terme de la consommation de plantes génétiquement modifiées associées à des pesticides. Il existe aujourd’hui peu de documentation scientifique sur le sujet. Il conviendrait que ces études soient conduites dans le cadre de protocoles précis et que leurs objectifs et leurs modalités aient été précisément définis. Pour qu’elles puissent être menées en toute indépendance, elles devraient être financées sur fonds publics. L’ANSES est disposée, en association avec l’agence européenne et le HCB, à travailler à établir les principes généraux de ces protocoles.

Notre deuxième recommandation est de renforcer les recherches sur les effets des expositions cumulées, ce qu’on appelle couramment les « effets cocktail ». L’ANSES s’est déjà investie dans le projet Périclès, soutenu par l’Agence nationale de la recherche. Mais il faut mobiliser davantage la communauté scientifique sur ce sujet. Les interactions potentielles entre plusieurs substances actives ainsi qu’entre ces substances et les coformulants auxquels elles sont associées dans les produits finaux ne sont pas assez étudiées. Cette problématique des mélanges et des effets combinés vaut d’ailleurs pour l’ensemble des produits chimiques.

Notre troisième recommandation, qui s’inscrit dans une perspective plus large que les seuls OGM, est que l’on puisse dédier des financements publics, nationaux ou européens, à des études d’envergure afin de consolider les connaissances sur les risques sanitaires, qui sont insuffisantes aujourd’hui. Comme vous le savez, l’ANSES, instance d’expertise, n’effectue pas de recherches : elle travaille à partir de l’ensemble des travaux existants. Nous nous appuyons sur les études réglementaires financées par les industriels – c’est un bon principe que ceux qui souhaitent commercialiser un produit aient la responsabilité d’apporter la preuve que ce produit ne présente pas de risques pour les usages envisagés et il n’est pas question de le remettre en cause. Dans une perspective contradictoire, nous nous appuyons également sur toutes les données scientifiques disponibles par ailleurs, notamment les travaux de recherche publics, nationaux, européens et internationaux, dont l’objectif premier n’est pas nécessairement l’étude des effets sur la santé. Ce manque de connaissances scientifiques n’est pas propre au champ des OGM. Il explique d’ailleurs la forte demande sociétale d’une recherche publique indépendante. L’expertise gagnerait en crédibilité si, dans des cas très spécifiques où on ne dispose que de peu de données permettant une approche contradictoire, il était possible de mobiliser des moyens dédiés : c’est, par exemple, ce que permet aux Etats-Unis le National Toxicology Program, qui est un programme inter-agences.

L’indépendance de notre expertise est la clé de notre crédibilité. Elle suppose de veiller à prévenir tout risque de conflit d’intérêts parmi nos experts. Elle suppose également de privilégier une approche collective et contradictoire dans nos travaux. Elle suppose enfin de s’appuyer sur des sources de données et d’information les plus diverses possibles.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Une question incidente, monsieur le directeur général : pourriez-vous être plus précis sur l’insuffisance des connaissances relatives aux risques sanitaires et environnementaux ?

M. Jean-François Dhainaut, président du Haut Conseil des biotechnologies (HCB). À la suite de la publication de l’étude du professeur Séralini, le HCB a été saisi des deux mêmes questions que l’ANSES. Je précise que le Conseil n’avait pas compétence pour répondre à la question concernant le Roundup.

Nous nous sommes focalisés sur la première question, nous laissant davantage de temps pour répondre à la seconde – la date-limite du 20 novembre nous paraissant, en toute hypothèse, impossible à tenir. Les deux sujets appelaient une étroite collaboration avec l’ANSES. Nous avons d’ores et déjà pris rendez-vous pour travailler ensemble sur le second sujet, comme nous l’avons fait pour le premier.

Dès que j’ai reçu la saisine du Gouvernement, j’ai demandé au comité scientifique, dont le président Jean-Christophe Pagès n’a pu être parmi nous aujourd’hui, d’analyser en détail l’étude de M. Séralini. Le comité a présenté les résultats de ses travaux au cours d’une réunion à laquelle assistaient également les membres du comité économique, éthique et social, qui ont pu poser toutes les questions utiles. L’audition du professeur Séralini a été conduite par M. Jean-Christophe Pagès mais, là encore, les membres du comité économique étaient présents et ont pu poser des questions.

À l’issue de ces travaux, le comité scientifique a émis un avis, que va vous résumer M. Jean-Jacques Leguay, et le comité économique, éthique et social une recommandation, que vous résumera Mme Christine Noiville.

M. Jean-Jacques Leguay, vice-président du comité scientifique du Haut Conseil des biotechnologies. Outre nos propres experts, nous avons fait appel à quatre experts externes, ne travaillant pas dans le domaine des OGM ni même celui des biotechnologies : trois toxicologues, spécialistes de toxicologie cellulaire ou sur modèle animal, et un statisticien. Nous en avons récusé deux qui s’étaient déjà exprimés dans la presse sur l’étude de M. Séralini. Tous ont signé une déclaration publique d’intérêts, certifiant qu’ils n’avaient pas de conflit d’intérêts dans le dossier examiné. Nous avons auditionné M. Séralini avant d’élaborer notre avis définitif, qui est consultable en intégralité sur notre site.

Pourquoi cette étude ne permet-elle pas de conclure comme le prétendent ses auteurs ? J’en rappelle brièvement le protocole expérimental. Deux cents rats, cent mâles et cent femelles, répartis en vingt groupes de dix, ont été soumis à trois régimes alimentaires comportant respectivement 11 %, 22 % ou 33 % de maïs OGM, traité ou non, et ont bu une eau présentant trois concentrations différentes de Roundup. Le régime alimentaire de l’unique groupe témoin était, lui, de 33% de maïs conventionnel.

Les conclusions du HCB sont exactement les mêmes que celles de l’ANSES. Nous pointons les mêmes faiblesses.

Tout d’abord, il manque des lots témoins qui auraient reçu une alimentation composée de 11 % et 22 % de maïs conventionnel. Il manque aussi un lot témoin qui aurait reçu une nourriture classique de rat de laboratoire.

Nous n’avons pas de critiques à faire sur la souche de rats utilisée. C’est une souche classique, néanmoins connue pour développer dans 50 % à 70 % des cas des tumeurs bénignes au fil du temps, en particulier au-delà de l’âge d’un an. Il est dès lors évident qu’avec cette souche, dix rats par lot, ce n’était pas suffisant. On le sait depuis plus de vingt ans. Le protocole expérimental aurait dû en tenir compte. Il aurait fallu environ quatre-vingts rats par lot pour que la conclusion pût être sans ambiguïté.

Les courbes de survie laissent apparaître des différences avec le groupe témoin, moindres chez les femelles. Cela peut être le résultat du hasard. Le tirage au sort a pu aboutir à la constitution d’un groupe témoin de femelles particulièrement robustes.

Tout au long des deux années de l’étude, les auteurs ont collecté 864 résultats concernant divers paramètres mais, sur l’ensemble de ces résultats, ils n’en ont utilisé qu’un seul, celui qui pour eux était le plus significatif. Ils ont donc inévitablement introduit un biais, conscient ou inconscient. Ce biais empêche d’expliquer les différences observées par des différences de régime ou de rejeter l’hypothèse d’une simple fluctuation d’échantillonnage – à savoir que l’on aurait pu, par hasard, constituer des groupes de dix rats présentant telle ou telle propriété particulière.

On entend dire que la société Monsanto aurait, elle aussi, réalisé ses études sur des groupes de dix rats. C’est faux : elle en a utilisé vingt. Il est vrai que son étude n’a duré que trois mois contre vingt-quatre pour celle de M. Séralini. On ne peut, de toutes façons, pas comparer ces deux études, car leurs objectifs n’étaient pas les mêmes.

On reproche au HCB de ne pas critiquer suffisamment les pétitionnaires. Dans tous ses avis, pourtant, il souligne l’insuffisance de la puissance statistique de leurs études. Le nombre d’animaux utilisés est toujours trop faible.

Aussi bien dans l’étude de Monsanto que dans celle de M. Séralini, le raisonnement pèche. Au lieu de se contenter de dire qu’au terme de ses études statistiques, elle n’observe pas de différence entre le groupe témoin et les groupes traités, la firme en déduit que son maïs ne présente pas de risque. De l’autre côté, M. Séralini, sans avoir établi aucune statistique sur la mortalité ou sur le développement de tumeurs, conclut quant à lui à une toxicité de ce maïs. Dans les deux cas, il y a un défaut de raisonnement.

Il faudrait donc refaire l’étude en choisissant les questions pertinentes, en mettant au point un protocole rigoureux, solide sur le plan statistique, et en ayant recours à toutes les compétences scientifiques disponibles. S’il est facile de tester la toxicité d’une molécule unique, il est beaucoup plus difficile de tester un aliment composé de milliers de molécules. Dix rats suffisent pour démontrer, par exemple, que l’arsenic est toxique. Une tout autre technologie est nécessaire s’il s’agit d’un aliment composé. C’est d’ailleurs si difficile que l’Union européenne finance actuellement deux projets dans le cadre du 7e programme-cadre de recherche et développement (PCRD) : l’un, qui a démarré en juin 2012, vise, dans le cas de toxiques classiques, à trouver des technologies in vitro alternatives aux essais pratiqués aujourd’hui sur le rat, la souris ou le cobaye ; l’autre, qui démarrera début 2013, vise à organiser le suivi à long terme des animaux d’élevage — ce sont eux qui, aujourd’hui, consomment l’essentiel des plantes génétiquement modifiées présentes sur le marché – afin de repérer l’apparition éventuelle de signes avant-coureurs d’une toxicité possible.

Nous avons, comme tout le monde, été bouleversés par les photos accompagnant l’étude de M. Séralini. Il faudrait que cette expérience soit refaite afin que les résultats puissent en être confirmés ou infirmés.

Mme Christine Noiville, présidente du comité économique, éthique et social du Haut Conseil des biotechnologies. Le comité a entendu le groupe de travail mis en place par le comité scientifique, puis M. Gilles-Eric Séralini accompagné de son équipe. Le comité a parfaitement intégré que, comme l’ont conclu le comité scientifique et d’autres instances, l’étude n’établit pas que le maïs NK 603 présente un risque pour la santé. Il n’en a pas moins jugé bon de formuler une recommandation à l’unanimité de ses membres actuels – je rappelle pour mémoire que, sur vingt-six membres, cinq ont démissionné il y a six mois.

Le comité demande qu’une étude de long terme soit entreprise sur le maïs NK 603, afin de lever le doute né dans l’opinion publique après le battage médiatique autour de l’étude du professeur Séralini. Après les scandales sanitaires de ces dernières années, la société, plus anxieuse, a moins confiance dans les experts. La médiatisation à outrance de cette étude a laissé les citoyens dans l’incompréhension et la confusion. Le comité souhaite que l’on dépasse les querelles et que la communauté scientifique apporte une réponse claire aux interrogations de la population. C’est dans cette perspective qu’il recommande une étude de long terme, indépendante, transparente et contradictoire, conduite sous l’égide des pouvoirs publics, fondée sur une méthodologie sérieuse, partagée par l’ensemble des scientifiques, et en liaison – au moins, lors du cadrage préliminaire – avec les parties prenantes. En un mot, une étude dont les résultats ne laisseraient pas de place au doute dans l’esprit des citoyens.

M. Jean-François Dhainaut, président du Haut Conseil des biotechnologies (HCB). Du fait des faiblesses méthodologiques qui ont été rappelées, l’étude de M. Séralini ne permet pas d’établir de lien de cause à effet entre la consommation de maïs NK 603 et la mortalité ou le développement de tumeurs observés. Ses conclusions sont insuffisamment étayées.

Son intérêt aura toutefois été de mettre en évidence l’insuffisance des études actuelles dans le domaine de la toxicologie. Il faudrait, en sus des études réglementaires, disposer d'études à plus long terme et totalement indépendantes, ce qui suppose donc qu’elles soient financées sur fonds publics. Une vigilance analogue à celle qui existe pour les médicaments serait nécessaire pour les animaux consommant des OGM.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Toute la difficulté est de trouver des experts indépendants. C’est un problème que connaît bien l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour l’évaluation des médicaments. Ce problème est particulièrement aigu dans notre pays, où on avait laissé dériver le système pendant des décennies.

M. Leguay a indiqué que les études de la firme Monsanto et du professeur Séralini n’avaient pas le même objectif : l’industriel était attaché à démontrer qu’il n’y avait pas de toxicité, tandis que le professeur aurait, lui, souhaité apporter la preuve d’une telle toxicité. Pourriez-vous développer ce point ?

Nous sommes interpellés par le refus de la firme d’être auditionnée. Pourquoi ce refus, à votre avis ? Les laboratoires pharmaceutiques, eux, acceptent au moins d’être entendus lorsqu’on le leur demande !

Protocoles de recherche et protocoles des études réglementaires semblent s’opposer, comme si ces derniers condamnaient à une absence de transparence. Pourriez-vous nous en dire davantage ? Vers quoi faudrait-il s’orienter afin que l’on puisse avoir vraiment confiance dans des protocoles fiables ?

Le compte rendu de l’audition de M. Séralini a-t-il été publié sur le site de l’ANSES ? Peut-on l’y consulter librement ?

M. Marc Mortureux, directeur général de l’ANSES. Tout à fait.

M. Gérard Bapt. On peut regretter que l’équipe du professeur Séralini se soit si largement appuyée sur les médias pour alerter l’opinion publique, notamment en publiant des images-choc. Il n’en reste pas moins que l’étude a été publiée dans une revue scientifique prestigieuse à comité de lecture. Comment expliquez-vous qu’elle ait été acceptée si elle est aussi peu étayée qu’on le dit ? Faut-il toujours accorder crédit aux revues à comité de lecture ?

Cette étude a été d’emblée critiquée à cause de la taille insuffisante des lots de rats. Le professeur Séralini lui-même en convient, mais il lui aurait fallu trois fois plus d’argent, affirme-t-il. Comment lui reprocher à la fois d’avoir eu recours à des financements privés faute de financements publics et d’avoir travaillé sur des échantillons trop petits ? Que penser, quand on sait que Monsanto a conduit ses études sur des groupes de vingt rats, ce qui ne serait pas plus significatif sur le plan statistique ?

L’un des mérites de l’étude du professeur Séralini aura au moins été que les agences demandent maintenant que soient menées des études à long terme – on n’en avait jamais demandé à Monsanto auparavant !

La firme, non contente de refuser d’être auditionnée par l’ANSES, refuserait aussi l’accès à ses données d’étude. N’est-il pas étonnant que l’on exige, à l’inverse, du professeur Séralini qu’il mette toutes les siennes sur la table ? Dans le domaine du médicament, au niveau européen, les chercheurs et les inspecteurs ont désormais accès aux données des firmes, sans préjudice du secret industriel et commercial.

Le Roundup ne se réduit pas à sa seule substance active, le glyphosate. Tout comme la plupart des vaccins comportent des adjuvants, il contient d’autres molécules grâce auxquelles son principe actif pénètre dans la plante. Les études devraient être conduites non sur le glyphosate, mais sur le produit tel qu’on le trouve dans le commerce.

Chacun s’accorde à reconnaître que des études de long terme, financées sur fonds publics, seraient nécessaires. Monsieur Mortureux, vous avez déclaré que l’ANSES n’en avait pas les moyens financiers : ces études ne devraient-elles donc pas être menées à l’échelon européen ? Il y va quand même de la sécurité de l’alimentation !

M. le président Jean-Paul Chanteguet. L’ANSES indique dans son rapport que l’étude du professeur Séralini est une étude « ambitieuse », qui a été conduite en mobilisant de larges moyens, et publiée dans une « revue internationale reconnue en matière de toxicologie alimentaire ».

M. Martial Saddier. La qualité des travaux de l’ANSES et du HCB, comme celle de la présentation qui nous en a été faite, témoigne de l’importance de conserver une hauteur de vue suffisante sur des sujets aussi complexes.

Le Parlement a, à plusieurs reprises, abordé la question des OGM. Ce fut d’abord le cas en 2004, lors de l’intégration à notre bloc de constitutionnalité de la Charte de l’environnement, dont l’article 5 concerne l’application du principe de précaution et l’article 7 la participation du public.

Il y eut ensuite la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés, à l’origine de la création du HCB. Nous avions, dans cette loi, rappelé la nécessité d’une utilisation plus transparente et plus sûre des OGM et réaffirmé la liberté de consommer et de produire avec ou sans OGM. Nous y avions aussi prôné une évaluation préalable, indépendante et transparente, des risques potentiels des OGM pour l’environnement et la santé.

Grâce à l’ANSES, la France a été la première en Europe à révéler l’existence de mélanges fortuits de semences OGM avec des semences conventionnelles ; à s’intéresser à l’adaptation aux plantes génétiquement modifiées du protocole des études de toxicité subchronique par administration orale pendant quatre-vingt-dix jours ; à présenter des recommandations sur la mise en œuvre de ce protocole et la méthode d’analyse à suivre pour garantir la fiabilité des résultats.

La France a donc joué un rôle fondamental, ces dix dernières années, pour améliorer la sécurité sanitaire et environnementale des OGM. Encore récemment, le 16 mars 2012, un arrêté suspendait la mise en culture de variétés de semences de maïs génétiquement modifiées.

Pourriez-vous nous dire quels vous paraissent être les risques sanitaires et environnementaux des OGM, au regard de l’état actuel de nos connaissances dans ce domaine ?

Faut-il, selon vous, modifier la réglementation concernant les protocoles d’essais ? Quel serait le bon protocole ?

Combien coûteraient les nouveaux essais nécessaires ? En un mot, quel serait le prix de l’indépendance que vous revendiquez ?

M. Bertrand Pancher. Au nom du groupe UDI, je remercie les représentants de l’ANSES et du HCB pour la qualité de leurs travaux. Je remercie également le président de la commission du développement durable et la présidente de la commission des affaires sociales d’avoir organisé cette audition.

Malheureusement, une fois de plus, le mal est fait. Une étude a été publiée et très largement médiatisée, qui a semé le doute dans l’opinion publique. Même si des articles de presse en ont ensuite relativisé la portée et si les travaux, aussi bien de l’ANSES que du HCB, montrent qu’il n’est pas possible d’en tirer de conclusions robustes, il sera difficile de restaurer la confiance entre nos concitoyens, le monde de l’expertise et l’ensemble des décideurs.

Ni l’ANSES ni le HCB n’effectuent de recherches. Ils font la synthèse des recherches existantes, publiques et privées. Vous insistez sur la nécessité d’engager au niveau national, européen et international, des études de fond plus longues et donc plus coûteuses. À combien estimez-vous le coût d’une étude de long terme comme celle que vous préconisez ? On a entendu parler de vingt millions d’euros : est-ce un ordre de grandeur réaliste ?

Combien faudrait-il d’études, chaque année, en France sur tous ces sujets ? Il est important de le savoir pour doter nos agences d’expertise des moyens suffisants. À ceux qui font valoir que de telles études coûtent cher, je réponds que si on en avait engagé il y a quelques années, certaines querelles n’auraient pas eu lieu et bien des problèmes de production auraient été réglés dans notre pays comme ils l’ont été dans d’autres pays.

Le Parlement peut-il saisir les agences d’expertise ? Pourrait-il, par exemple, vous demander d’engager une telle étude ? Et les agences peuvent-elles s’autosaisir ?

Enfin, comment garantir un accès public aux données (open data), indispensable pour éclairer l’opinion publique, tout en protégeant les brevets comme il se doit ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. On dote aussi en ce moment l’Agence nationale de sécurité du médicament des moyens nécessaires pour mener des études indépendantes.

Mme Laurence Abeille. Merci aux deux présidents d’avoir organisé cette audition et merci à l’ensemble des participants d’avoir répondu à leur invitation.

La position du groupe écologiste, qui a eu l’occasion de poser plusieurs questions d’actualité au Gouvernement sur le sujet, est connue. Je réaffirme ici notre entier soutien au professeur Séralini et à son travail. Qu’on en partage ou non les conclusions, cette étude a mis au jour un réel problème concernant les procédures d’autorisation de mise sur le marché des OGM. La question de l’indépendance des outils d’expertise est clairement posée, ainsi que celle de la pertinence et du sérieux des études sanitaires.

L’étude du professeur Séralini ayant été expertisée, il serait légitime que celles menées par les industriels pour faire homologuer leurs produits avant mise sur le marché le soient également, avec le même soin et selon la même grille de lecture. Si le protocole du professeur Séralini n’est pas satisfaisant, celui utilisé par les industriels l’est encore moins. L’ANSES reconnaît d’ailleurs qu’il est temps d’engager des recherches d’envergure sur les risques sanitaires.

Dès lors qu’il existe un doute sur la toxicité des OGM, on devrait les interdire totalement, d’autant qu’ils ne présentent aujourd’hui d’intérêt ni pour les consommateurs, ni pour les producteurs. Ils n’ont notamment aucun intérêt sur le plan nutritionnel. Risque potentiel d’un côté, bénéfice nul de l’autre : le rapport bénéfices-risques est vite fait. Ne devrait-on pas en tenir compte, comme on le fait pour autoriser la mise sur le marché d’un médicament ?

Nous savons que le professeur Séralini, après s’être adressé à des organismes publics, a dû démarcher des organismes privés pour financer ses travaux, Pourquoi l’ANSES, le HCB, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ne s’étaient-ils pas autosaisis auparavant ? Pourquoi n’ont-ils pas réalisé plus tôt d’études toxicologiques et épidémiologiques à long terme, alors que des OGM sont commercialisés et consommés depuis les années quatre-vingt-dix ?

La traçabilité de ces produits est loin d’être garantie. Nous savons que certains OGM, dont la production est interdite en France, y sont importés et commercialisés, sans que l’on sache dans quels réseaux. Personne ne sait même si les OGM importés sont utilisés pour l’alimentation animale ou l’alimentation humaine. L’opacité est totale. Lorsque les autorités autorisent la commercialisation d’un OGM, pourquoi ne s’intéressent-elles pas à sa destination ou à son utilisation futures ? La différence est de taille, pourtant, entre l’alimentation animale et une consommation directe par l’homme !

Ma dernière question concerne les lanceurs d’alerte. Mes collègues écologistes au Sénat ont déposé une proposition de loi visant à créer une « Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement ». L’objet en est de permettre aux alertes de voir le jour et, surtout, d’être instruites. Comment l’ANSES et le HCB appréhendent-ils actuellement les alertes sanitaires ?

M. Jacques Krabal. Je remercie les deux présidents d’avoir organisé cette audition après celle du professeur Séralini. La démarche nous engage à aller plus loin encore.

L’un de nos collègues a estimé que « le mal était fait ». Je ne partage pas du tout cet avis : au contraire, nous ne remercierons jamais assez le professeur Séralini et son équipe d’avoir permis que s’engage un débat public.

Il semble qu’il y ait deux poids deux mesures dans l’analyse des études de toxicité. On nous dit que la consommation d’OGM ne saurait expliquer les tumeurs. Qu’on inverse la charge de la preuve et qu’on nous démontre que les tumeurs ne sont en rien liées à l’alimentation !

L’étude du professeur Séralini met les experts et les politiques au pied du mur. Je regrette la tournure de bras de fer qu’a prise cette affaire. Je préférerais que tous les intéressés collaborent, au premier rang desquels l’ANSES, le HCB et l’agence européenne. L’ANSES en convient elle-même, l’étude du professeur Séralini comporte un éventail de critères plus large que les études antérieures, notamment celle de MM. Sakamoto et alii, pour évaluer l’impact des OGM sur la santé – grand nombre de tissus analysés, dosages hormonaux… L’Institut fédéral allemand d’évaluation des risques (Bundesinstitut für Risikoberwertung) a reconnu que cette étude était la première au monde à analyser de façon aussi complète et détaillée la toxicité à long terme d’une formulation de Roundup. On ne peut donc pas la balayer d’un revers de main, uniquement pour des raisons méthodologiques.

Elle ne serait pas valide, car le nombre de rats utilisés aurait été insuffisant. Mais les autres études n’en comptaient pas davantage ! Elle a coûté trois millions d’euros. Pour aller plus loin, il aurait fallu vingt millions ! Les autorités nationales et européennes ne critiquent pas les méthodes utilisées dans les études visant à démontrer que les OGM n’ont aucun effet délétère sur la santé. Elles sont beaucoup plus offensives avec celle-ci, qui tendrait à démontrer l’inverse. Le « panel OGM » de l’agence européenne a accepté certaines études de toxicité chronique et de cancérogenèse qui ne répondaient pourtant pas aux principes fixés par l’OCDE. Il serait intéressant que nous auditionnions également ses représentants. Il semble que bien des déclarations sur l’étude du professeur Séralini soient influencées par le souci de défendre des avis antérieurement émis et d’effacer les doutes que cette étude a fait naître sur l’innocuité des produits alimentaires issus du génie génétique.

Nous estimons donc nécessaire, au nom du principe de précaution, d’instituer un moratoire sur les OGM en Europe. Mais n’est-il pas déjà trop tard ? Qu’on le veuille ou non, il y en a déjà dans notre assiette. Une étude approfondie de leurs risques s’impose. Elle devrait être conduite par un laboratoire public, dont les experts soient vraiment indépendants et, surtout, n’aient pas été antérieurement impliqués dans l’autorisation de commercialisation d’OGM.

D’autre part, toutes les données brutes des études menées sur les OGM doivent être rendues publiques. Le professeur Séralini est disposé à communiquer les siennes, à condition que les autres fassent de même.

Enfin, on ne peut débattre des OGM sans se poser la question de savoir quelle agriculture nous voulons pour demain.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Pourrait-on aussi revisiter certaines autres décisions, comme celle prise pour le maïs MIR 162 de Syngenta ? L’ANSES et le HCB pourraient-ils examiner la pertinence des analyses de toxicité de ce maïs, tant en termes de validité statistique ou de durée du test animal que d’équivalence avec la plante conventionnelle ?

Mme Geneviève Gaillard. Voilà au moins quinze ans que le débat sur la durée nécessaire des études pour tester la toxicité des OGM est sur la place publique. Lorsque, par le passé, nous demandions des études à long terme, nous passions pour des fous. Or l’ANSES elle-même reconnaît aujourd’hui qu’elles sont nécessaires. Quand on sait le temps qu’il faudra pour les mener à bien, on ne peut s’empêcher de penser que, si on les avait lancées il y a quinze ans, on aurait déjà bien avancé !

Je suis surprise par certains propos qui ont été tenus. Vous affirmez que l’équipe du professeur Séralini aurait dû savoir que le nombre de rats qu’elle étudiait était insuffisant. Mais que ne s’est-on aperçu plus tôt que toutes les études menées jusque-là l’avaient été avec un nombre de rats à peine supérieur !

Les politiques doivent maintenant, au nom du principe de précaution, prendre des mesures fortes pour protéger la santé des populations. Qu’attendons-nous ? Dans vingt ans, il sera trop tard – s’il n’est pas déjà trop tard aujourd’hui.

M. Jean-Marie Sermier. Si j’ai bien compris, 70 % des rats de la souche utilisée dans cette étude développent spontanément des tumeurs. Combien de rats parmi les dix mâles du groupe témoin en ont développé ? Au regard de tous les éléments indiqués et que le professeur Séralini ne pouvait ignorer comme chercheur, il savait donc nécessairement dès le départ que son étude ne pourrait être fiable sur le plan statistique. Qu’en pensez-vous ?

Des études bénéfices-risques sont-elles envisageables pour les OGM et, si oui, à quel coût ? Les OGM présentent en effet des bénéfices : certains d’entre eux permettent, par exemple, de réduire la quantité de pesticides nécessaire pour la culture du coton, alors que d’autres améliorent des technologies médicales.

M. Jean-Louis Roumegas. N’étant pas un scientifique, je m’exprimerai ici en toute modestie. Je sais néanmoins qu’il ne saurait y avoir de science sans expérimentation, sans raisonnement ni débat contradictoire.

Les conclusions de l’ANSES et du HCB ne me paraissent pas du tout les mêmes. Si toutes deux dénoncent des insuffisances, notamment statistiques, dans l’étude du professeur Séralini, de l’appréciation de l’ANSES – qui se borne à relever cette faiblesse – à celle du HCB – qui en déduit que les OGM ne présentent aucun risque sanitaire – il y a un glissement dangereux. Le HCB peut dire que le risque sanitaire ne lui paraît pas suffisamment démontré dans l’étude, mais pas qu’il est nul. La preuve demandée dans un cas à Monsanto, dans l’autre au professeur Séralini, n’est pas la même. L’exigence méthodologique non plus n’est pas du tout la même à l’égard de Monsanto, alors que les études de la firme, elles, ont concrètement abouti à l’autorisation de commercialisation du maïs incriminé, avec le risque sanitaire pouvant en résulter. De l’insuffisance des études du professeur Séralini, vous déduisez qu’il n’a pas démontré l’existence d’un risque, alors que de l’insuffisance de celles de Monsanto, vous ne déduisez pas que la firme n’a pas démontré l’innocuité du produit.

Seriez-vous favorables à ce que la responsabilité civile et pénale des experts des agences puisse être engagée en cas de toxicité ultérieurement avérée des produits OGM ?

M. Philippe Plisson. Je salue l’appel commun de l’ANSES et du HCB à tester dorénavant à long terme les substances incriminées. Voilà une avancée qui sera à porter au crédit du professeur Séralini !

Le débat sur la question des OGM, qui suscite toujours autant de passions, n’est pas tranché. Chacun reste, semble-t-il, arc-bouté sur ses positions. Quand la communauté scientifique sera-t-elle en mesure de répondre à cette question simple, au moins dans sa formulation : les OGM sont-ils, oui ou non, dangereux pour la santé ? Le temps est venu de se donner les moyens d’apporter une réponse. Si la France levait le moratoire sur les OGM comme le lui demande l’Union européenne, avec le flou scientifique actuel, des élus pourraient se retrouver mis en examen, comme cela a été le cas pour l’amiante.

Le professeur Séralini a laissé entendre que le Haut Conseil serait confronté à des conflits d’intérêt. Monsieur le président du Haut Conseil, que pouvez-vous répondre sur ce point ?

M. Gérard Sebaoun. Comment une revue scientifique aussi prestigieuse à comité de lecture aurait-elle pu accepter de publier une étude présentant autant de défauts qu’on le dit ?

La prudence scientifique dont vous faites preuve et la mesure avec laquelle vous nous avez présenté vos conclusions méritent d’être saluées. Dans toutes les études, vous pointez des fragilités.

S’agissant du délai d’apparition des tumeurs, il existe des différences significatives selon les souches de rats utilisées. Quelle souche Monsanto avait-elle utilisé ? Comment a-t-on pu se contenter d’études sur trois mois seulement, alors qu’on sait que les tumeurs mammaires apparaissent plus tardivement chez le rat ?

M. Éric Alauzet. Lors de la présentation de mon rapport budgétaire sur la mission « Sécurité alimentaire », j’ai regretté que le budget de l’ANSES pour 2013 diminue de 3%. Même si des coopérations sont bien entendu possibles et souhaitables à l’échelon européen, la question des moyens demeure posée.

Monsieur le président, madame la présidente, pourriez-vous organiser une audition où les experts que nous recevons aujourd’hui commenteraient les résultats de l’étude de Monsanto de la même façon qu’ils ont commenté celle du professeur Séralini ?

Monsieur Dhainaut, vous avez été si critique sur la méthodologie du professeur Séralini qu’on peut se demander si celui-ci mérite encore la considération de ses pairs…

Pourriez-vous, madame Noiville, nous préciser votre statut ? Il semble que vous ne soyez pas scientifique puisque vous présidez le comité économique, éthique et social du Haut Conseil. Il n’empêche que votre premier propos a porté sur la validité scientifique de l’étude.

M. Jean-Pierre Vigier. Malgré un important travail, aucune étude n’a encore pu établir si les OGM étaient ou non dangereux pour l’être humain. À quelle échéance peut-on espérer de premières réponses à cette question essentielle ? Peut-on aujourd’hui continuer à produire, et surtout à consommer, des OGM sans danger ?

Mme Dominique Orliac. Si on peut contester l’étude de M. Séralini, elle aura au moins eu le mérite de faire réagir et de lancer une alerte. Il faut répondre aux interrogations de la société. La consommation alimentaire d’OGM associés à des préparations phytosanitaires fait-elle ou non courir un risque sanitaire grave à long terme ?

Ne faudrait-il pas dédier des financements publics à des recherches sur ces risques ? L’échelon pertinent de réglementation est-il l’échelon européen ? Que faire pour redonner du crédit à l’expertise collective et à la parole de la communauté scientifique ? Il s’agit là d’une question essentielle, car l’étude du professeur Séralini paraît davantage relever du coup médiatique que d’un véritable travail scientifique.

Je salue la position du Gouvernement qui souhaite renforcer les études sur les effets à long terme de la consommation d’OGM, associés ou non à des pesticides, et proroger le moratoire.

M. Christian Hutin. Je remercie les représentants de l’ANSES et du HCB pour le sérieux de leurs études et la transparence de leurs propos. Il faudrait absolument une étude solide et approfondie avant qu’on n’en arrive à vingt mille morts – si vingt mille morts il devait y avoir...

Pour bien connaître le sujet de l’amiante, je sais qu’il y a toujours eu un décalage entre les recherches et la réalité. On n’a pas réagi assez vite à partir des données fournies par les caisses d’assurance maladie sur les décès et les maladies. Que pensez-vous des remontées du terrain dans le monde agricole, où l’on est en général assez secret et peu porté aux réactions excessives ? Des maladies ont probablement déjà été détectées. Existe-t-il des études, des statistiques, une épidémiologie ?

M. Jean-Noël Carpentier. L’étude de M. Séralini et l’expertise que vous en avez faite conduisent à conclure qu’il faut impérativement améliorer les études. Je demande aux deux présidents de commission de mener la réflexion jusqu’au bout.

Pourquoi Monsanto a-t-elle refusé d’être auditionnée ? Je souhaite que ses études soient expertisées par les agences comme l’a été celle du professeur Séralini. Nous pourrions demander à entendre ses représentants.

Les études futures devront être financées sur fonds publics afin de garantir leur indépendance. Quel budget serait nécessaire ? Ne faudrait-il pas renforcer les coopérations européennes déjà existantes ?

M. Marc Mortureux, directeur général de l’ANSES. Je vous remercie de vos nombreuses questions, auxquelles je répondrai de manière synthétique, sans m’adresser à chacun d’entre vous individuellement.

On attend des scientifiques des réponses sans ambiguïté sur les risques sanitaires. Le rôle d’une agence comme l’ANSES n’est ni de rassurer, ni d’inquiéter, mais seulement d’informer le plus objectivement possible. C’est pourquoi nous disons ce qui est certain, mais aussi ce qui est incertain. Un sujet sur lequel existent beaucoup d’incertitudes et qui demande à être encore documenté est, par exemple, celui des perturbateurs endocriniens. Le National Toxicology Program américain a mobilisé trente millions de dollars pour une étude visant à mieux apprécier les effets potentiels du bisphénol A. L’impact sanitaire des nanomatériaux demanderait, lui aussi, à être mieux étudié. Voilà des sujets sur lesquels il serait intéressant de pouvoir mobiliser des financements publics.

Je ne suis pas en mesure d’évaluer le budget qui serait nécessaire. À titre indicatif, le National Toxicology Program mobilise environ 120 millions de dollars. La France n’aurait pas nécessairement à engager de nouveaux crédits. Mais il faudrait revoir les mécanismes actuels de financement de la recherche, européens en particulier, qui ne sont pas adaptés pour qu’une agence comme la nôtre puisse, à une échelle de temps compatible avec les enjeux, solliciter les moyens requis pour les études très ciblées qui seraient nécessaires. On doit pouvoir, avec les crédits existants aux niveaux national et européen, trouver le moyen de financer, éventuellement en inter-agences, les travaux d’envergure nécessaires.

Combien coûterait une nouvelle étude ? Il faut certes bien définir ce que l’on souhaite avant de pouvoir en évaluer le coût, mais on peut estimer un ordre de grandeur. Il serait intéressant, ce que n’a pas permis l’étude de M. Séralini, que des études subchroniques sur 90 jours puissent être utilisées comme « sentinelles » d’effets potentiels qui se révéleraient pleinement au-delà. Il faut se souvenir aussi que la réglementation contraint à ne procéder à des expérimentations animales que lorsqu’il n’existe pas d’alternative. Partout où c’est possible, il faut développer des méthodes alternatives.

Sur quels OGM les études futures devraient-elles porter : le maïs NK 603 ou d’autres ? Pourquoi pas sur les sojas OGM, encore beaucoup plus nombreux que les maïs ?

Nous n’avions pas attendu la publication de l’étude de M. Séralini pour nous poser la question des études à long terme. Nous nous étions déjà demandé où placer le curseur. Les futurs OGM seront de plus en plus sophistiqués. Le maïs NK 603 comporte une seule modification du génome, qui le rend résistant au glyphosate. Mais les nouveaux OGM peuvent en comporter jusqu’à cinq ou six, aboutissant à l’expression d’autant de protéines différentes, avec le problème d’interactions potentielles que cela soulève.

Sera-t-il possible un jour d’établir sans ambiguïté que les OGM ne présentent pas de risque ? En tant que scientifiques, nous sommes condamnés à l’interrogation permanente et au doute perpétuel. Les évaluations actuelles portent sur l’équivalence de la plante génétiquement modifiée par rapport à la plante conventionnelle. Les évolutions dans leur mise au point seront peut-être telles que cette logique de l’équivalence ne sera plus pertinente à l’avenir. C’est pourquoi, conformément à notre rôle de veille, nous appelons à une documentation scientifique indépendante plus abondante. Nous ne balayons jamais d’un revers de main les travaux qui ont pu être faits, même si nous y relevons des faiblesses.

Si l’on devait refaire une étude comme celle du professeur Séralini avec un nombre suffisant de rats, le coût en serait multiplié par huit. Cela donne un ordre de grandeur, mais probablement ne serait-ce pas tout à fait la même étude que l’on ferait. Il faudrait sans doute mieux en préciser les objectifs. Autant les scientifiques doivent travailler à l’abri de toute influence, autant il est positif d’échanger en amont sur le type d’étude qu’on souhaite réaliser et les objectifs que l’on s’assigne.

L’indépendance de l’expertise est essentielle à sa crédibilité et c’est une préoccupation constante à l’ANSES. Nous avons donc mis en place un dispositif à double échelon, afin de prévenir les conflits d’intérêt. Tout d’abord, au niveau de la sélection des experts dans nos collectifs d’expertise : chacun d’entre eux doit remplir une déclaration publique d’intérêts détaillée, qui est rigoureusement examinée. Ils doivent, de façon générale, ne présenter aucun lien d’intérêt susceptible de les disqualifier – il faut néanmoins distinguer entre « lien d’intérêt » et « conflit d’intérêt ». Mais on ne peut se contenter de ce qu’ils déclarent eux-mêmes et il est de la responsabilité de l’agence de rechercher elle-même d’éventuels conflits d’intérêt. En amont de chaque réunion et pour chacun des points de l’ordre du jour, nous vérifions donc qu’il n’y en a pas. Nous demandons systématiquement aux experts pouvant présenter un conflit d’intérêt sur un point de l’ordre du jour de quitter la salle le temps de son examen. Cette règle n’est pas simple à appliquer, car les experts le ressentent comme une remise en cause de leur intégrité personnelle. Plus elle sera appliquée de manière systématique, moins elle leur paraîtra les viser personnellement. Nous avons ainsi refusé que des experts faisant partie de l’Institut Danone participent à notre collectif d’experts « Nutrition », appelé à valider une étude portant sur les facteurs de croissance rajoutés dans le lait et dont nous voulions savoir s’ils étaient susceptibles de favoriser le développement de cancers.

Comment une étude comme celle du professeur Séralini, qui a passé le barrage du comité de lecture d’une prestigieuse revue internationale, peut-elle faire l’objet d’autant de critiques ? Pour nous, ce n’est pas l’étude en elle-même qui pose problème, mais l’interprétation qui est faite de ses résultats et conduisant à affirmer que la consommation d’OGM associés à des pesticides présente un risque pour la santé.

Le rôle d’une agence comme l’ANSES n’est pas d’entrer dans la polémique. Nous respectons toujours le travail accompli. Nous faisons preuve à la fois de prudence et d’ouverture. Lors de la création de l’agence, le choix a été fait d’une gouvernance ouverte aux différentes parties prenantes en amont et en aval de l’expertise. En amont, ont été mis en place des comités d’orientation thématiques qui, dans chacun de nos domaines de compétence, rassemblent plus de deux cents parties prenantes actives. L’un des plus grands risques pour une agence sanitaire serait une routine qui conduirait à une moindre vigilance. Nous devons rester à l’écoute de tous les acteurs et notre extrême ouverture, très stimulante, nous y aide. Même si la façon dont certaines alertes sont parfois lancées peut horripiler les scientifiques, toutes doivent retenir notre attention.

L’ANSES a été auditionnée dans le cadre de l’examen de la proposition de loi sénatoriale visant à créer une Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière d’environnement et de santé. La méthodologie et la déontologie de l’expertise sont au cœur de nos préoccupations. J’en suis le garant. Nous avons notre propre comité de déontologie qui vise à garantir les bonnes pratiques. Attention toutefois à éviter la confusion et à ne pas voir dans ce comité une instance de substitution, car nous n’avons pas vocation à reconstituer une expertise scientifique propre au sein de l’agence.

La transparence exige qu’il soit possible d’accéder aux données brutes de toutes les études, dans le respect de la loi et de la réglementation. Nous avons dit à M. Gilles-Eric Séralini que nous acceptions de mettre à sa disposition les données des études des industriels en notre possession. Certaines d’entre elles se trouvent aujourd’hui chez nos homologues allemands – c’est le Bundesinstitut für Risikoberwertung qui procède à la réévaluation du glyphosate – et d’autres sont couvertes par une clause de confidentialité – c’est le cas, par exemple, de la liste des noms des personnes qui procèdent aux expérimentations animales.

Nous sommes tout à fait favorables à ce que le Parlement puisse saisir l’ANSES, selon des modalités qui restent à définir. L’agence peut d’ores et déjà être saisie non seulement par les ministères, mais aussi par les parties prenantes représentées à son conseil d’administration.

M. Dominique Gombert, directeur de l’évaluation des risques à l’ANSES. L’ANSES souhaitait auditionner de la même façon M. Séralini, M. Veillerette, président de Générations futures et la firme Monsanto. Dans le délai imparti, nous avons pu organiser l’audition des deux premiers. Avant son éventuelle audition, la firme Monsanto a souhaité obtenir certaines informations. Nous lui avons indiqué par courrier les questions que nous souhaitions lui poser. Nous avons ensuite tenu une conférence téléphonique de trois quarts d’heure avec ses représentants, au cours de laquelle il nous a été demandé de préciser les conditions dans lesquelles cette audition serait organisée, le degré de transparence qui serait donné aux propos tenus, etc. Des juristes de Bruxelles participaient à cette conférence. À l’issue de cette « pré-audition », la firme nous a fait savoir qu’il ne lui était pas possible, dans le délai imparti et considérant qu’un verbatim serait publié, de mobiliser des experts pour une telle audition. Elle nous a alors fait parvenir un document de cinq pages décrivant essentiellement les conditions actuelles d’autorisation des plantes génétiquement modifiées et du maïs NK 603, en particulier. Nous n’y avons rien trouvé quant aux études sur le long terme qu’elle aurait pu conduire.

Pour tenter de clore le débat sans fin sur la souche et le nombre de rats utilisés, il faut bien voir qu’ils dépendent de la nature et de la durée de l’étude envisagée. Si on souhaite mener une étude sur deux ans avec des rats connus pour être particulièrement vulnérables, il est évident qu’il faudra travailler avec un grand nombre d’individus pour que les résultats obtenus soient significatifs – alors qu’un nombre plus petit peut suffire dans le cadre d’études réglementaires de durée plus courte. L’une des limites de l’étude de M. Séralini – et le professeur en convient lui-même – est que, sur deux cents rats seulement, il a voulu tester un grand nombre d’hypothèses – puisqu’il y avait trois régimes alimentaires avec des proportions différentes de maïs OGM, associé ou non à du Roundup, et une eau avec trois concentrations différentes d’herbicide. Le nombre élevé de combinaisons dans ces tests affaiblit nécessairement la puissance statistique de l’étude et les conclusions qu’on peut en tirer.

Le cadre réglementaire actuel est-il adapté, notamment à l’aune des connaissances les plus récentes ? Le plus souvent, nous ne travaillons pas sur des problèmes de toxicité aiguë, en définitive simples à traiter, mais de toxicité chronique ou sur des risques collectifs. Les OGM, les perturbateurs endocriniens, les champs électromagnétiques ou les nanomatériaux – tous sujets sur lesquels nous travaillons – connaissent un tel développement qu’à l’horizon de quelques années, l’ensemble de la population pourrait s’y trouver exposé et que, bien que présentant sans doute un risque faible sur le plan individuel, ces produits peuvent constituer un risque sanitaire majeur pour une population de plusieurs dizaines de millions d’individus.

Nous devons suivre de très près toutes les nouvelles publications pour voir si elles rendent nécessaire de renforcer le cadre réglementaire. Pour les OGM, la réglementation européenne exige aujourd’hui des études de toxicité aiguë à très court terme, d’alimentarité et d’allergénicité, mais pas de test subchronique à 90 jours – celui-ci sera prochainement exigé sur la base de propositions de certains États membres, notamment la France au travers de l’ANSES. Toute la question sera d’utiliser ce test comme une « sentinelle » pour des effets pouvant survenir à plus long terme.

On nous demande souvent si tel ou tel article qui vient de paraître dans une revue à comité de lecture remet en cause la sécurité sanitaire de tel ou tel produit – édulcorants de synthèse, OGM, téléphone mobile… Une agence comme l’ANSES n’a pas vocation à réfuter une publication. Nous regardons seulement si les conclusions qui en sont tirées sont étayées et la resituons dans le contexte plus large du reste de la littérature disponible. Nous regardons si l’expérience mériterait d’être reconduite et justifierait une évolution de la réglementation.

M. Jean-François Dhainaut, président du HCB. Le HCB n’est pas une instance décisionnelle. Il a seulement pour mission d’éclairer les autorités.

Il existe trois types d’études. Tout d’abord, les études réglementaires, au cadre très strict. Nous allons regarder – ce sera notre réponse à la deuxième question de la saisine – si ce cadre doit être modifié et comment, sachant que ce n’est pas nécessairement facile car il s’agit d’un cadre européen. Nous ferons des propositions. Ensuite, la revue de la littérature disponible. Dans ce cadre, l’INRA nous apporte souvent son concours pour faire un point précis sur tel ou tel sujet. Cette expertise collective est essentielle. Enfin, des études totalement indépendantes visant à répondre aux questions auxquelles les études réglementaires ne peuvent apporter de réponse. Nous allons réfléchir à la nature des études à long terme qui seraient nécessaires, étant entendu qu’il faudra s’accorder avec l’ensemble des experts sur la définition du long terme.

Un parlementaire a estimé que le HCB aurait été très critique sur l’étude du professeur Séralini. En réalité, notre avis diffère peu de celui de l’ANSES. Ce ne sont pas les observations de cette étude qui posent problème, mais ses conclusions. Il est évident que, pour étudier plusieurs paramètres combinés, il aurait fallu travailler sur un plus grand nombre de rats. Il aurait mieux valu, de ce point de vue, que l’équipe ne poursuive qu’un seul objectif, en conséquence de quoi une puissance statistique moindre était effectivement suffisante.

La publication d’un article dans une revue scientifique internationale n’est pas une garantie absolue. Les remises en cause d’articles publiés sont d’ailleurs fréquentes. L’un des mérites de l’étude de M. Séralini, ainsi que plusieurs d’entre vous l’ont souligné, aura été de lancer une alerte et d’inviter à la réflexion.

La prévention des conflits d’intérêt est une préoccupation ancienne. Lorsque je présidais l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, nous avions déjà beaucoup travaillé sur le sujet. La qualité de notre travail avait d’ailleurs été reconnue par l’Académie des sciences. Nous avons repris les mêmes règles au niveau du HCB. Toutes les déclarations publiques d’intérêt sont consultables sur notre site et nous sélectionnons nos experts en veillant à ce qu’ils ne présentent aucun conflit d’intérêt.

Il est important que tous les résultats des études – et non pas seulement ceux retenus pour publication – soient accessibles publiquement. On ne peut pas transiger sur ce point. Les revues ont d’ailleurs bien compris le caractère indispensable de la publicité des données et on peut maintenant souvent consulter sur leur site Internet des annexes aux articles, dans lesquelles figurent des données complémentaires.

Oui, le HCB peut s’autosaisir et il le fait d’ailleurs très régulièrement. Il répond aussi aux demandes qui lui sont adressées et a ainsi répondu à une question posée par des parlementaires au sujet d’un article antérieur de M. Séralini.

M. Jean-Jacques Leguay, vice-président du comité scientifique du HCB. Le verbatim de l’audition de M. Séralini sera publié sur notre site.

Depuis Claude Bernard, on sait qu’une expérimentation doit être reproduite de façon indépendante dans plusieurs laboratoires avant qu’on puisse affirmer de manière certaine ce qu’elle démontre. Une publication dans une revue, si prestigieuse soit-elle, ne saurait suffire.

Un parlementaire nous reproche d’avoir conclu que les OGM ne présentaient aucun risque sanitaire. Jamais nous n’avons dit cela ! Nous analysons les résultats des études des pétitionnaires et disons si ces résultats les autorisent ou non à affirmer que tel OGM est sain.

La transmission publique des données est un point important. Il est vrai que les experts ont accès à certaines données confidentielles. Que nous puissions les consulter ne signifie pas qu’elles doivent ensuite devenir publiques. D’une manière générale, le HCB demande que les données soient accessibles sous forme électronique, ce qui permet de les exploiter beaucoup plus rapidement. Mais ce n’est pas lui qui peut exiger tel ou tel format de la part des pétitionnaires. Le HCB a pour vocation d’analyser, pas de gérer les risques : tout cela relève de l’État ou de l’Union européenne, à chacun ses responsabilités.

Quel serait le bon protocole et combien faudrait-il d’études par an ? Le HCB n’a pas encore répondu à ces questions. Je ne pourrai donc vous donner que ma position personnelle. Le bon protocole est évidemment celui qui comporte un nombre d’animaux testés en adéquation avec l’objectif recherché. On pourrait imaginer de travailler par étapes, en concevant les études réglementaires à trois mois comme l’occasion de repérer d’éventuels signaux d’alerte. S’il s’en révèle, on passerait à des études sur 24 mois. Et même si celles-ci ne montraient pas de toxicité, une épidémiosurveillance n’en serait pas moins nécessaire, comme pour les médicaments. Il faudrait organiser la remontée des informations du terrain, recueillies notamment sur les animaux d’élevage.

Les OGM sont de plus en plus complexes et il n’est pas rare, aujourd’hui, qu’un OGM comporte simultanément sept ou huit modifications génétiques. Or, une interaction entre gènes ne peut être exclue. Les études toxicologiques vont donc devenir de plus en plus importantes pour déterminer si un produit OGM est équivalent ou non au produit conventionnel.

On ne peut pas parler des OGM de manière générale. Nous veillons, quant à nous, à toujours parler d’un OGM particulier et analysons les choses cas par cas. Il n’y a rien de comparable entre un OGM tolérant à un herbicide et un OGM dans lequel a été modifié un composant, une huile par exemple. Dans ce dernier cas, l’OGM n’est pas équivalent au produit conventionnel et il est donc naturel de conduire une étude. Ainsi formulée, la question « les OGM sont-ils ou non toxiques ?» n’a pas de sens… quand bien même on sait que les médias sont friands de ce genre de questions…

Plusieurs parlementaires ont demandé que nous expertisions les études de Monsanto dans les mêmes conditions que celle du professeur Séralini. Pourquoi pas ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Vous ne m’avez pas répondu sur le maïs MIR 162.

M. Jean-Jacques Leguay. Pourrions-nous savoir pourquoi vous vous intéressez spécifiquement à ce maïs ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. J’ai été interpellé personnellement sur le sujet.

M. Jean-Jacques Leguay. Vous pouvez, si vous le souhaitez, saisir le Haut Conseil.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. C’est ce que je vais faire.

Mme Christine Noiville, présidente du comité économique, éthique et social du HCB. Pour ce qui est de mon statut, je ne suis en effet pas une scientifique, mais docteur en droit.

Je n’ai jamais dit que le maïs NK 603, a fortiori les OGM en général, étaient dénués de tout risque pour la santé. Tout à l’heure, je n’ai fait que reprendre l’avis du HCB selon lequel, dans les conditions où elle a été menée et au regard des résultats obtenus, l’étude du professeur Séralini ne permettait pas de conclure à l’existence d’un risque. Pour autant, cette étude interpelle. C’est d’ailleurs pourquoi le comité économique, éthique et social demande des études à long terme. Il n’avait d’ailleurs pas attendu ce dossier pour le faire. Dans plusieurs de ses recommandations, depuis trois ans et demi, il a demandé à l’unanimité de ses membres – y compris quand il était encore au complet – que de telles études soient menées, non seulement sur des rats mais sur du gros bétail.

Certains souhaiteraient des études bénéfices-risques. C’est en effet une orientation à prendre. Si le comité scientifique du HCB évalue l’impact sanitaire et environnemental des OGM, le comité que je préside est quant à lui chargé d’évaluer leur impact économique, éthique et social. Il n’a pas, été conçu pour une telle expertise et pouvoir, par exemple, identifier les bénéfices potentiels des OGM. Il est en effet composé au premier chef de parties prenantes, lesquelles ne sont pas des experts. Pour conduire des études bénéfices-risques, il faudrait le doter des moyens humains et financiers nécessaires. Nous avons, par exemple, le plus grand mal à trouver aujourd’hui des économistes ou des agronomes pour nous épauler.

S’agissant de l’alerte, M. Marc Mortureux a dit l’essentiel. Les agences doivent prêter attention à l’ensemble des publications, quel que soit le battage médiatique dont elles font ou non l’objet. Cette « affaire Séralini » aura eu au moins le mérite de pointer la nécessité pour notre pays de mieux organiser le traitement des alertes environnementales et sanitaires. Il est dommage qu’un lanceur d’alerte soit conduit à procéder selon une logique de scandale médiatique, y compris malgré lui : c’est ce que nous a dit le professeur Séralini, qui affirme n’avoir pu procéder autrement pour que les résultats de son étude ne soient pas étouffés. Mais on sait que certains lanceurs d’alerte peuvent aussi être manipulés par des lobbies. Je ne fais pas référence à un cas précis, je dis simplement qu’il faut mettre en place les structures nécessaires pour que l’alerte chemine autrement que par la voie du scandale médiatique.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous remercions l’ensemble des intervenants. Votre audition confirme le bien-fondé de l’initiative que nous avions prise, Catherine Lemorton et moi-même, d’auditionner le professeur Séralini, puis l’ANSES et le HCB, même si cette initiative a suscité certaines réprobations et si nous avons reçu quelques coups de fil… Les parlementaires auront à prendre des initiatives sur tous ces sujets.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Tout ce qui a été dit ce matin n’est pas inédit pour les membres de la commission des affaires sociales. Ils ont déjà eu à connaître de l’indépendance de l’expertise après le scandale du Mediator. Il a, hélas, fallu attendre ce drame pour que tout soit remis à plat. Quelques-uns d’entre nous avaient lancé des alertes, comme avec le rapport sur le médicament que j’avais eu l’honneur de présenter et qui avait été adopté à l’unanimité. Nous n’avions, hélas, pas été entendus et il a fallu le scandale du Mediator pour que nous le soyons enfin.

Les agences sanitaires doivent mener elles-mêmes des études lorsque les industriels refusent celles qu’on leur demande.

Que nous travaillions de manière approfondie sur tous ces sujets depuis plusieurs années n’empêche pas certains de saper notre travail en recherchant la lumière des médias. L’un de nos collègues vient ainsi de commettre un ouvrage dangereux sur les médicaments que j’invite surtout à ne pas acheter, je le dis chaque fois que l’occasion m’en est donnée.

Je ne suis pas en mesure de porter un jugement sur l’étude de M. Séralini. Il a en tout cas eu le mérite de soulever un problème et ainsi peut-être d’éviter avec les OGM un scandale comme celui du Mediator.

La séance est levée à douze heures cinq.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires sociales a désigné :

– M. Gérard Bapt rapporteur sur la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A (n° 250) ;

– M. Philippe Vigier rapporteur sur la proposition de loi de M. Philippe Vigier visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire (n° 284) ;

– Mme Fanélie Carrey-Conte rapporteure sur la proposition de loi de M. Bruno Le Roux visant à permettre aux mutuelles de mettre en place des réseaux de soins (n° 296).

La Commission a désigné le président, le rapporteur et les membres de la mission d’information sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie :

 

Groupes politiques

M. Arnaud Robinet, président

UMP

M. Denys Robiliard, rapporteur

SRC

M. Gérard Bapt

SRC

Mme Kheira Bouziane

SRC

Mme Martine Carrillon-Couvreur

SRC

M. Jérôme Guedj

SRC

Mme Ségolène Neuville

SRC

Mme Martine Pinville

SRC

M. Gérard Sebaoun

SRC

Mme Valérie Boyer

UMP

Mme Isabelle Le Callennec

UMP

Reste à désigner

UDI

Mme Véronique Massoneau

Écologiste

Mme Dominique Orliac

RRDP

Mme Jacqueline Fraysse

GDR

La Commission a désigné, le président, le rapporteur et les membres de la mission d’information sur Pôle emploi et le service public de l’emploi :

 

Groupes politiques

M. Dominique Dord, président

UMP

Mme Monique Iborra, rapporteure

SRC

M. Pierre Aylagas

SRC

Mme Gisèle Biémouret

SRC

M. Jean-Patrick Gille

SRC

Mme Joëlle Huillier

SRC

Mme Chaynesse Khirouni

SRC

Mme Luce Pane

SRC

M. Christophe Sirugue

SRC

Mme Véronique Louwagie

UMP

M. Bernard Perrut

UMP

M. Francis Vercamer

UDI

M. Christophe Cavard

Écologiste

M. Jean-Noël Carpentier

RRDP

Reste à désigner

GDR

Présences en réunion

Réunion du mercredi 7 novembre 2012 à 9 heures 30

Présents. - M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, Mme Gisèle Biémouret, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, Mme Dominique Orliac, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, M. Arnaud Richard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Louis Touraine, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. - M. Bernard Accoyer, Mme Kheira Bouziane, M. Christophe Cavard, M. Rémi Delatte, Mme Geneviève Levy, Mme Gabrielle Louis-Carabin, Mme Ségolène Neuville, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Denys Robiliard, M. Jonas Tahuaitu, M. Francis Vercamer

Assistaient également à la réunion. - M. Éric Alauzet, Mme Brigitte Allain, M. Jérôme Lambert, M. Hervé Morin