Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires sociales > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires sociales

Mercredi 14 novembre 2012

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 17

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Examen de la proposition de loi de M. Philippe Vigier visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire (n° 284) (M. Philippe Vigier, rapporteur)

– Information relative à la Commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 14 novembre 2012

La séance est ouverte à neuf heures dix.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission examine, sur son rapport, la proposition de loi de M. Philippe Vigier visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire (n° 284).

Mme la présidente Catherine Lemorton. On ne peut dénier la constance de notre collègue Philippe Vigier qui nous présente de nouveau une proposition de loi que nous avions déjà examinée au début de cette année. Elle avait alors été rejetée et il n’est pas certain qu’elle connaisse un meilleur sort aujourd’hui. Néanmoins, je vous sais gré, monsieur le rapporteur, de rouvrir le débat sur un sujet préoccupant.

M. Philippe Vigier, rapporteur. J’étais effectivement venu présenter cette proposition de loi devant votre commission en janvier dernier. Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir rappelé mon engagement, fondé sur vingt-cinq ans d’expérience professionnelle : je suis biologiste en Eure-et-Loir, territoire où la désertification médicale s’est considérablement aggravée depuis quelques années et qui a le triste privilège d’être le « dernier de la classe » en France, se classant même derrière certains secteurs de Picardie. Mon expérience est aussi familiale puisque je suis le frère de deux médecins et d’un pharmacien, et le père d’une interne en médecine. Pour rédiger cette proposition de loi, j’ai procédé à de nombreuses auditions – notamment du conseil national et des conseils régionaux de l’ordre des médecins, et des syndicats, d’internes en particulier. Je me suis également appuyé sur l’atlas de la démographie médicale, qui révèle des disparités croissantes entre les territoires.

Il ne s’agit pas d’un texte de circonstance. Lors de notre débat de janvier dernier, notre collègue Jean-Marie Le Guen reconnaissait que cette proposition de loi contenait plusieurs dispositions intéressantes. Elle venait, hélas, seulement à quelques semaines de l’élection présidentielle. Je l’ai retravaillée afin de tenir compte des évolutions intervenues depuis lors.

Les difficultés d’accès aux soins sont telles que 5,8 % des Français vivent désormais dans des territoires dont la densité en médecins généralistes est inférieure de 30 % à la moyenne. La multiplication du nombre de territoires sous-médicalisés s’est aggravée au cours des dix dernières années, notamment en raison de la diminution du numerus clausus, qui n’a été relevé qu’il y a dix ans. En valeur absolue pourtant, il n’y a jamais eu autant de médecins en France. Le problème réside dans leur répartition sur le territoire, mais aussi entre service public et exercice libéral. Le temps médical disponible a diminué du fait des aspirations nouvelles des jeunes médecins : l’époque des forçats de l’internat corvéables à merci, faisant 48 heures de garde d’affilée, est révolue. À l’inverse, les besoins ont augmenté en raison du vieillissement de la population et du développement des pathologies chroniques.

Tous les professionnels de santé souffrent aujourd’hui de déconsidération – la médecine libérale ayant souvent été montrée du doigt. Seuls 8,7 % des jeunes médecins s’installent en cabinet privé à la fin de leurs études et surtout, leur âge moyen d’installation définitive est de plus de 37 ans alors que les généralistes terminent leurs études vers 28 ans. Entre 28 et 37 ans, ils font des remplacements dans des secteurs différents. Parallèlement, depuis plus de dix ans, la progression des revenus d’activité des généralistes libéraux ne dépasse pas 1 % par an. La profession s’est donc paupérisée – même si tous les généralistes ne sont pas concernés. Tout cela non plus n’est pas étranger aux manifestations actuelles.

La diminution du nombre de généralistes dans le secteur libéral résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs : une moindre propension à s’installer en libéral, une moindre attractivité et une moindre reconnaissance de la profession, une moindre progression de ses revenus, la multiplication des barrières territoriales et financières, enfin la lourdeur des tâches administratives. Peu nombreux déjà, les jeunes généralistes libéraux le sont encore moins à s’installer en zone sous-dotée.

Le Président de la République, dans son discours de clôture du congrès de la Mutualité française le 22 octobre dernier, a dressé un constat sans appel de l’accès aux soins dans notre pays rappelant que « dans certaines zones rurales, dans certains quartiers défavorisés, il est devenu très difficile et parfois même impossible d’avoir recours à certains spécialistes dans un délai raisonnable, de trouver un généraliste, voire même d’accéder en temps utile à des structures de soins ». Le bilan des actions menées reste pourtant maigre. Il n’y a pas eu de mobilisation générale pour lutter contre les déserts médicaux, en dépit des quelques mesures de la loi « Bachelot » et de la loi « Fourcade », et notamment du lancement des maisons médicales. Quant aux mesures annoncées en faveur de l’accès aux soins dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 – création de 200 postes de praticiens territoriaux de médecine générale et possibilité d’envoyer des médecins hospitaliers exercer en libéral dans les zones sous-dotées –, elles paraissent dérisoires au regard des besoins.

Très critique lorsqu’elle était dans l’opposition, la majorité actuelle avait exigé des mesures du précédent gouvernement sur ce sujet. Les incitations créées – bourses, maisons médicales avec parfois un logement de fonction… – sont, hélas, inefficaces.

En rejetant le principe d’une régulation plus active des professions médicales, le Président de la République s’est lié les mains et ne peut désormais plus que recycler les vieilles formules. Pourtant la proposition de loi du 9 février 2011 relative à l’instauration d’un bouclier rural au service des territoires d’avenir – déposée par M. Jean-Marc Ayrault, cosignée par Mme Marisol Touraine, et dans laquelle j’ai puisé pour enrichir mon texte ! – proposait de subordonner l’installation des médecins à une autorisation de l’agence régionale de santé dans les zones sur-denses. Ce texte parlait de « revoir sans tabou le dogme de la liberté d’installation ». Loin d’aller jusque-là, je propose, pour ma part, simplement que les généralistes libéraux s’installant en zone sur-dense ne soient pas conventionnés. On est loin du régime d’autorisation préalable imposé depuis longtemps aux pharmaciens !

Prenant ses responsabilités et constant dans les combats qu’il mène, le groupe UDI a souhaité que cette proposition de loi soit réexaminée dès le début de cette XIVe législature afin de montrer qu’il ne s’agissait pas d’un texte de circonstance mais que l’objectif était bien de lutter contre le fléau des déserts médicaux et d’assurer sur l’ensemble du territoire un égal accès aux soins, sans lequel il ne saurait y avoir de véritable égalité des chances.

Paradoxalement, le texte examiné le 18 janvier dernier par la commission des affaires sociales s’est trouvé enrichie d’amendements approuvés par le groupe socialiste, tandis que certains membres de mon groupe à l’époque ne l’avaient pas voté. Preuve que ce sujet transcende les clivages politiques et devrait appeler, je le dis, une réussite collective plutôt que des oppositions stériles.

Refuser une régulation de l’installation des médecins qui permettrait de mieux répartir l’offre de soins sur le territoire – au motif que, comme l’a expliqué le Président de la République, « la coercition, l’obligation ne créeraient que des conflits sans fin » – est d’autant plus inacceptable que la position des médecins eux-mêmes évolue. Ainsi, en mai dernier, au lendemain de l’élection présidentielle, leur conseil national de l’Ordre des médecins a lui-même remis en question le principe de liberté totale d’installation en préconisant d’obliger les jeunes médecins à s’installer à l’issue de leurs études durant cinq ans dans leur région de formation. « Les lieux d’exercice seraient déterminés à l’intérieur de chaque région sous la conduite des agences régionales de santé (ARS) et en liaison étroite avec le conseil régional de l’ordre », précisait le docteur Michel Legmann, président du conseil national de l’Ordre des médecins. Ma proposition de loi n’obligerait, elle, les jeunes médecins qu’à s’installer durant trois ans dans une zone déficitaire de la région où ils ont été formés.

Tout cela recoupe d’autres analyses, plus anciennes, comme celles du professeur Yvon Berland en 2005 ou celles figurant dans les conclusions de la mission d’information parlementaire présidée par notre collègue Christian Paul en 2008. Dans son rapport de septembre 2011 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, la Cour des comptes estimait de même que des mesures contraignantes étaient nécessaires et suggérait notamment de soumettre tout nouveau conventionnement au départ préalable d’un médecin déjà conventionné.

Ne comptez cependant pas sur moi pour affirmer que la médecine libérale a vécu ! Elle doit au contraire être encouragée et soutenue, mais, pour perdurer, elle ne peut plus ignorer l’environnement dans lequel elle s’inscrit et les difficultés d’accès aux soins que rencontrent nos concitoyens dans certaines zones du territoire. D’autres professionnels de santé, comme les infirmiers, les sages-femmes et les masseurs-kinésithérapeutes se sont déjà engagés dans la voie d’une régulation par le biais non pas de la coercition, mais d’une négociation contractuelle avec l’assurance maladie. Depuis bien plus longtemps, les pharmaciens d’officine sont soumis à des conditions d’autorisation qui ont d’ailleurs été récemment encore durcies. Instaurer des « obligations de service » en zones sous-dotées et limiter les installations en zones sur-dotées ne suffira sans doute pas à pallier le manque de ressources médicales sur notre territoire, lequel s’explique aussi par un manque d’attractivité des carrières en secteur libéral. La combinaison des mesures de régulation relève de la responsabilité du Gouvernement, du Parlement, des ordres et de la profession.

Les mesures figurant dans notre proposition de loi sont assez simples : elles consistent tout d’abord en une régionalisation de l’internat – système ayant bien fonctionné jusqu’à sa suppression en 2004, fondé sur l’organisation du concours de l’internat par régions sanitaires. Les premiers au concours pouvaient alors choisir leur lieu d’affectation tandis que les derniers devaient aller là où il restait de la place. J’ai repris ceux des éléments du dispositif qui avaient bien fonctionné, comme la faculté de passer le concours dans trois régions, afin de ne pas fixer les candidats en un seul endroit, et l’ai même assoupli et modernisé en introduisant la faculté pour les internes – en 3e, en 4e ou en 5e année, selon les spécialités – de partir en échange dans une autre région, voire dans un pays de l’Union européenne reconnaissant les diplômes de médecine français.

En second lieu, nous proposons d’adapter le numerus clausus aux besoins régionaux : en effet, personne n’a de meilleure connaissance de la démographie médicale spécialité par spécialité et n’est mieux placé pour programmer sur dix ans la formation des médecins que l’agence régionale de santé. Dans le Centre, la moitié des internes quittent la région : l’augmentation du nombre d’internes de médecine générale n’a servi à rien puisque dans notre système de concours d’internat national classant, les internes mal classés préfèrent redoubler que de travailler dans des régions n’offrant pas de poste qui les intéresse. Contrairement à ce qu’on pense parfois, le système actuel des épreuves classantes nationales ne laisse pas une liberté totale de choix, puisque lorsque l’on est mal classé, on va là où il y a de la place.

Notre texte reprend ensuite un amendement présenté en janvier dernier par notre collègue Véronique Besse, visant à orienter le dispositif de cumul emploi-retraite en direction des zones sous-dotées. L’emploi de retraités à temps partiel permettrait utilement à de jeunes généralistes de se libérer, par exemple un jour par semaine.

Nous proposons aussi qu’à l’issue de leurs études, les jeunes généralistes et spécialistes exercent durant trois ans – contre cinq, dans la proposition du conseil national de l’Ordre des médecins – en zone sous-dense dans leur région de formation, en contrepartie de l’effort fourni par la collectivité pour les former. Une installation en zone déficitaire, ce n’est tout de même pas le bagne ! Ainsi la région Centre, pourtant vaste, est intégralement classée en zone sous-dense à la seule exception de la ville de Tours, classée en zone sur-dense. Les jeunes médecins n’y seront pas contraints de s’installer au fin fond de la campagne mais pourront le faire dans des villes comme Orléans, Bourges, Châteauroux, et même à Saint-Avertin, à deux kilomètres du centre de Tours. Les jeunes médecins pourront passer ces trois années en maison médicale – un dispositif financé à 95 % par l’État et les collectivités territoriales – sans être contraints de passer les trois ans au même endroit.

Notre texte prévoit enfin de porter de six mois à un an la durée des stages effectués par les internes de médecine générale auprès d’un médecin référent.

Il ne comporte aucune mesure de coercition pour réguler l’installation des médecins, disposant uniquement qu’en zone sur-dense, cette installation ne peut donner lieu à un conventionnement.

Il propose en effet une procédure d’autorisation de création, de transfert ou de regroupement de cabinets afin de permettre à l’agence régionale de santé de mieux répartir l’offre de soins sur le territoire, ainsi qu’une compilation des données au niveau régional.

Ces mesures sont fondées sur le pragmatisme, l’expérience et le bon sens. Elles ne suffiront certes pas à résoudre tous les problèmes. Un sursaut est cependant nécessaire, étant donné le souhait de revalorisation exprimé par les professionnels de santé – laissés pour compte depuis de longues années, y compris par la majorité précédente. Lors des campagnes présidentielle et législative, nous avons tous formulé des propositions sur le sujet, qui n’étaient pas loin de converger. Pour partielle qu’elle soit, cette proposition de loi se veut une première réponse à la fois pour l’ensemble des professionnels de santé et pour nos concitoyens. Comment soutenir que l’égalité d’accès aux soins est un droit fondamental sans ne rien faire pour la garantir ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur le rapporteur, j’admire votre passion. Vous avez bien fait de rappeler les positions antérieurement exprimées par les uns et les autres sur le sujet. Vous m’avez certes épargnée ici mais je ne doute pas que vous rappellerez mes propos dans l’hémicycle : je les assume. Cependant, entre-temps, François Hollande a été élu Président de la République. C’est pourquoi, sans pour autant nous renier, nous avons suivi son choix et souhaité donner une chance supplémentaire aux médecins en maintenant le principe de l’incitation, que le Président de la République souhaite néanmoins rendre plus transparente et plus compréhensible pour les jeunes médecins. Si cela ne marche pas, il prendra ses responsabilités, a-t-il dit. Mais il n’est question ni pour lui ni pour la ministre des affaires sociales et de la santé, comme celle-ci l’a d’ailleurs rappelé hier dans l’hémicycle, de recourir à la coercition.

Si les revenus de certaines catégories de médecins ont diminué, le terme de « paupérisation » me paraît excessif. Autrement, que devrions-nous dire pour nos concitoyens les plus pauvres ?

Mme Roselyne Bachelot avait effectivement tenté dans la loi « HPST » de réguler la profession médicale en limitant les installations en zone sur-dotée et en obligeant les médecins exerçant dans les zones bien pourvues à aller soutenir leurs confrères dans les zones sous-dotées, sous peine de sanctions. Sous la pression du corps médical, la loi « Fourcade » a, hélas, supprimé ces mesures – le recul du Gouvernement s’expliquant sans doute par l’approche de la période électorale.

Mme Linda Gourjade. Rejetée en première lecture par l'Assemblée nationale sous la précédente législature, le 26 janvier dernier, la proposition de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire est de nouveau soumise à notre examen. Afin de lutter contre les déserts médicaux, elle prévoit des mesures contraignantes pour les praticiens, alors que nous souhaitons, nous, privilégier l’incitation.

Ainsi son article 2 impose-t-il un stage obligatoire de douze mois au cours de la troisième année d’internat en maison de santé pluridisciplinaire ou en établissement de santé d’une zone sous-dotée. Son article 5 oblige les nouveaux médecins à s’installer, pour une durée d'au moins trois ans, dans les zones sous-dotées, cette obligation étant assortie d’une pénalité financière. Ses articles 6 et 7 soumettent à autorisation préalable l'installation des médecins et des chirurgiens-dentistes dans les zones sur-dotées.

Nous doutons aussi de l’efficacité des autres articles, qu’il s’agisse de l’article premier, qui renforce les critères de démographie médicale dans la détermination du numerus clausus, de l’article 3 qui substitue au concours national un internat régional ou encore de l’article 4 qui encourage le cumul emploi-retraite pour les médecins exerçant dans un territoire déficitaire.

La loi « HPST », votée par la précédente majorité, n’a pas permis de lutter contre la désertification médicale : la Cour des comptes en a même critiqué les mesures, dénonçant la multiplicité d’aides sans portée réelle.

Le Gouvernement actuel a fait un choix politique différent, fondé sur la proposition 19 de François Hollande. La ministre des affaires sociales et de la santé a largement rappelé que le Gouvernement est opposé à toute forme de coercition. Il faut donner toutes ses chances à l'incitation qui n'a pas été suffisamment utilisée jusqu'à présent. Des premières dispositions en ce sens ont été adoptées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Je pense aux contrats de praticien territorial de médecine générale, dont la mise en place sera effective à partir du 1er mai 2013, et au développement de la médecine salariée dans les zones sous-dotées.

Dans le contexte actuel, il convient de rétablir une relation de confiance entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics. La ministre devrait annoncer très prochainement un plan global s’appuyant sur une large concertation pour aller plus loin dans ses propositions. Son objectif est de compléter le dispositif d’incitation en prenant tout d’abord des mesures dans le cadre réglementaire si nécessaire, puis dans la loi de santé publique à venir.

Cette proposition de loi ne nous paraît pas amendable. Je vous propose donc de la rejeter.

M. Jean-Pierre Door. Notre collègue et ami Philippe Vigier s’accroche à son idée avec constance, avec ténacité même. Le groupe UMP ne votera pas sa proposition de loi, pas plus cette fois-ci que la première fois. Je m’étonne qu’il mette ainsi quasiment de l’huile sur le feu, la majorité des externes, internes, chefs de clinique et praticiens militant pour le maintien de la liberté totale d’installation. S’ils acceptent l’incitation, ils refusent la coercition : ils ne disent rien d’autre aujourd’hui dans la rue. Les conseils départementaux de l’Ordre des médecins se sont unanimement opposés à la déclaration de guerre du président du conseil national de l’Ordre des médecins, qui souhaitait aller dans le même sens que vous. Ce type de contrainte a été expérimenté en Allemagne, en Autriche et en Belgique, avant de finir par être abandonné.

En revanche, un certain nombre d’outils mis en place commencent à produire leurs effets. Plus de 400 contrats d’engagement de service public ont déjà été signés par des étudiants et l’on espère un doublement de ce chiffre ; le nombre de bourses a été fixé par les conseils généraux, les conseils régionaux et les agences régionales de santé ; 310 maisons de santé pluridisciplinaires sont déjà installées ; le décret relatif aux sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) a été publié et le guichet unique centralisant toutes les informations nécessaires à un candidat à l'installation a été mis en place récemment.

Tout n’est pas négatif dans votre proposition de loi et nous pourrions vous suivre sur certains points. Le rapport de l’Académie nationale de médecine, rendu par les professeurs Queneau et Ambroise-Thomas, relatif à la démographie médicale, et qui traite de l’avenir des médecins généralistes en France, proposait lui aussi une régionalisation des épreuves classantes nationales, assortie de possibilités d’échanges interrégionaux, ainsi qu’une obligation de stage d’un an en troisième cycle. Il préconisait également des mesures incitatives, ce qui conforte d’ailleurs notre position sur le sujet : aides à l’installation, définition d’un statut de remplaçant, faculté pour les médecins retraités de continuer à exercer – nous souhaitons l’encourager et nous avions fait une proposition en ce sens dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sachant que 10 000 retraités seraient prêts à reprendre une activité.

Pour autant, le groupe UMP ne peut accepter votre proposition de loi.

M. Francis Vercamer. Madame la Présidente, je ne suis pas d’accord avec vous : le Président de la République, que j’ai écouté hier pendant deux heures et demie, n’a pas prononcé une seule fois les mots « santé » ni « accès aux soins » ! Ces thèmes ne semblent pas faire partie des priorités de sa feuille de route. La question sanitaire n’est d’ailleurs souvent abordée que par le biais de propositions de lois.

Par sa proposition de loi, Philippe Vigier, constant dans ses propositions, tente de garantir le droit fondamental que constitue l’égalité d’accès aux soins et de mettre un terme à la raréfaction de l’offre de soins généraux et spécialisés dans les territoires ruraux et les quartiers en difficulté. Vu la durée de la formation médicale, il faut agir sans retard afin d’enrayer le déclin du nombre de médecins dans les années à venir.

Les gouvernements précédents ont certes pris certaines mesures mais n’ont malheureusement pas atteint leurs objectifs et l’arsenal législatif actuel est insuffisant. Cette proposition de loi vise donc un triple but : assurer un égal accès aux soins pour tous, maintenir une certaine liberté d’installation et lutter contre la désertification médicale – ce qui exige de redonner de l’attractivité à certains territoires. Si en dépit des dispositions de la charte de 1927 garantissant la liberté d’installation des praticiens, le texte prévoit quelques contraintes, c’est qu’on ne peut faire abstraction du fait que dans notre pays la sécurité sociale assure le financement des soins. La santé n’a certes pas de prix mais elle a un coût !

Plusieurs dispositions de cette proposition de loi rejoignent des propositions formulées sous la législature précédente par le groupe socialiste et l’UMP. Dans ces conditions, je suis surpris que ces groupes la rejettent en bloc. Il est regrettable, comme le fait le groupe socialiste, de rejeter une proposition de loi sous le seul prétexte qu’elle est déposée par le groupe UDI. Examinons-en plutôt attentivement le texte afin d’en dégager les points consensuels. N’attendons pas davantage pour régler un problème qui est crucial pour un certain nombre de territoires et de populations, et sur lequel l’Académie de médecine, le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie et la Cour des comptes ont déjà alerté les pouvoirs publics.

L’UDI votera bien entendu cette proposition de loi.

Mme Véronique Massonneau. Le groupe écologiste ne pourra voter cette proposition de loi en l’état. Celle-ci comprend, certes, des points très intéressants. L'article 2 visant à obliger tout interne à effectuer un an de stage dans une maison de santé pluridisciplinaire, un pôle de santé ou un établissement de santé dans une zone sous-médicalisée est une idée qui mérite d’être étudiée. Néanmoins, elle suppose une réorganisation de l’internat, afin que la durée n’en soit pas allongée.

Nous sommes favorables aux articles 6 à 10, points forts de votre proposition, qui visent à soumettre l’installation des cabinets de médecins, dentistes, sages-femmes, kinésithérapeutes et infirmiers à une autorisation préalable de l’agence régionale de santé. Cela remet certes quelque peu en cause la liberté d’installation qui est l’un des piliers de la médecine libérale. Cependant, l’exemple des pharmacies montre que cela n’empêchera pas ces professions de se développer. Jouant un rôle de régulateur, les agences régionales assureraient un meilleur contrôle de la répartition des médecins sur le territoire et pourraient mettre en place des stratégies régionales.

Nous sommes en revanche opposés aux articles 3, 4 et 5.

L’article 3 limite la mobilité des étudiants en régionalisant l’internat. Or, il est difficilement acceptable d’imposer à des jeunes le lieu où ils devront faire leur vie. C’est en outre peu conforme à la réalité actuelle de la vie des étudiants, à qui cela poserait de graves problèmes de choix personnels.

L’article 4 a été repris sous la forme d’un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale, contre lequel nous avons voté. Rien ne prouve qu’une exonération de cotisations au profit des médecins exerçant dans un désert médical et ayant dépassé l’âge de la retraite les incite effectivement à poursuivre l’exercice de leur activité. Il n’est pas nécessairement judicieux non plus d’inciter les professionnels en fin de carrière à continuer d’exercer plutôt que d’inciter des jeunes à reprendre leur patientèle.

Enfin, l’article 5 va à l’encontre du dispositif expérimental incitatif des contrats de praticien territorial de médecine générale mis en place par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ce que vous proposez dans cet article nous semble incohérent.

Sans être totalement opposés à votre proposition de loi, les écologistes ne pourraient y être favorables qu’à la condition que vous en supprimiez les articles 3, 4 et 5.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je remercie Francis Vercamer d’avoir cité la charte de la médecine libérale à laquelle aiment à se référer certains syndicats de médecins, qui ont seulement oublié qu’ont été depuis lors mis en place des mécanismes de solidarité nationale pour financer notre système de soins !

Mme Dominique Orliac. Déjà présentée en début d’année, cette proposition de loi est aujourd’hui complètement dépassée. Entre temps, François Hollande, alors qu’il était candidat puis une fois qu’il a été élu Président de la République, a formulé des propositions. Nous avons également voté depuis un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui comporte des mesures sur le sujet. Un amendement du groupe SRC prévoyant des mesures coercitives a d’ailleurs beaucoup inquiété et agité les internes en médecine. La ministre des affaires sociales et de la santé a dû leur adresser un courrier leur assurant que de telles mesures n’étaient pas à l’ordre du jour. Les mesures coercitives ne sont pas la solution pour remédier aux déserts médicaux.

En revanche, les mesures incitatives existantes gagneraient à être mieux connues des étudiants, bien avant qu’ils ne deviennent internes : ils sont 95 % à les ignorer. Il conviendrait aussi de mieux faire connaître la médecine générale aux étudiants durant leurs études – ils ne la pratiquent pas en centre hospitalier universitaire (CHU) –, d’en revaloriser l’exercice libéral à leurs yeux, de créer des postes supplémentaires de professeurs de médecine générale et de favoriser la formation de maîtres de stage pouvant accueillir des étudiants pendant leur cursus, plus en amont que ce n’est le cas aujourd’hui. Les textes actuels permettent dès la 4e année de médecine d’effectuer des stages en cabinet de généraliste mais cette mesure ne pourra être effective, notamment en milieu rural, que si elle s’accompagne d’incitations financières, telles que la prise en charge du coût du transport entre la faculté et le lieu du stage ou encore de l’hébergement sur place.

Il faudrait également veiller à une meilleure répartition des maîtres de stage sur le territoire, qui doivent être mieux reconnus et mieux rémunérés – ils le sont deux fois moins lorsqu’ils prennent en charge un externe qu’un interne, alors que cela leur prend beaucoup plus de temps. Le développement de la télémédecine peut également offrir des opportunités.

Comme l’a souligné la Cour des comptes dans un rapport, la démographie médicale va être très basse durant quelques années. Il serait donc bienvenu de mettre en place un dispositif transitoire de cumul emploi-retraite, assorti non pas d’une exonération totale des cotisations sociales, mais des seules cotisations de retraite. Relativement élevées, ces cotisations dissuadent en effet beaucoup de médecins de poursuivre l’exercice de leur activité.

Pour toutes les raisons indiquées, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste ne votera pas cette proposition de loi.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Dans notre pays, les professions de santé sont, si j’ose dire, de « fausses professions libérales », dans la mesure où leur activité est solvabilisée par la solidarité nationale. Un vrai professionnel libéral ne l’est que par sa clientèle.

Jean-Pierre Door a dit que les internes manifestaient par crainte que le Gouvernement ne recoure à la coercition. La réponse de la ministre à la question de notre collègue Gisèle Biémouret sur ce sujet a pourtant été très claire hier dans l’hémicycle : cette crainte est infondée, le Gouvernement n’y recourra pas. Le Président de la République l’a lui aussi réaffirmé.

M. le rapporteur. L’obligation d’installation pendant trois ans dans un secteur géographique déficitaire ne s’appliquera qu’en 2020, afin de ne pas changer les règles en vigueur pour les étudiants en cours de cursus. Elle paraît normale dès lors que, comme vient de le rappeler la présidente, même s’il s’agit de professions libérales, c’est l’assurance maladie qui paie in fine. Les polytechniciens, les infirmières n’ont-ils pas des contraintes envers l’État à l’issue de leur formation ?

Madame Gourjade, vous vous étonnez que l’on puisse fixer par région le nombre d’internes à former. Où pourtant, mieux que région par région, pourrait-on procéder à une évaluation prospective des besoins sur le terrain ?

Vous pensez que la médecine salariée pourrait être une solution. La commune de la Ferté-Bernard, dont le maire est d’ailleurs de votre bord politique, a décidé de salarier deux médecins généralistes. L’expérience n’est pas totalement négative, mais ce n’est qu’un palliatif. Ces médecins relevant du statut de la fonction publique territoriale, leur disponibilité n’est pas toujours celle qu’on attendrait. En outre, une concurrence s’est créée avec l’hôpital de la ville. La loi de l’offre et de la demande fait que les professionnels sont souvent mieux payés dans les petits centres hospitaliers que dans les CHR ou CHU. La médecine salariée n’est pas la panacée, tant s’en faut.

Je ne partage pas votre point de vue sur le numerus clausus. Il faut bien s’appuyer sur des critères pour le déterminer.

L’obligation faite aux jeunes médecins à l’issue de leur formation de travailler pendant trois ans dans une zone sous-dotée permettra de les fidéliser dans le territoire, où ils pourront s’enraciner et développer un projet de vie.

Madame Orliac, vous prétendez que ma proposition de loi serait dépassée après le changement intervenu en mai dernier. Mais je ne vois rien qui ait changé depuis lors sur le sujet qui nous occupe !

Il est faux de dire que seulement 5 % des internes connaissent les mesures incitatives. La plupart sont désormais informés. Sachez que je me suis, pour ma part, rendu à Tours quatre soirées pour expliquer aux étudiants en médecine en quoi elles consistent.

Alors que la prise en charge des transports sanitaires vient d’être supprimée pour beaucoup de patients, reconnaissez que la prise en charge que vous proposez des frais de transport des étudiants entre leur faculté et leur lieu de stage n’est pas raisonnable !

Monsieur Door, ma proposition de loi est très peu coercitive. Elle ne porte pas atteinte à la liberté d’installation, prévoyant seulement qu’un médecin qui s’installe dans une zone surdotée ne sera pas conventionné. Mais vous réprouviez déjà au même motif la proposition de Mme Bachelot qui aurait obligé un médecin désirant partir en vacances à le déclarer préalablement à la préfecture ou à l’agence régionale de santé.

Quatre cents contrats d’engagement de service public ont été signés sur l’ensemble du territoire : ce n’est pas à la hauteur des enjeux.

Le passage de six à douze mois de la durée du stage prévu auprès d’un généraliste sera bénéfique aussi pour les étudiants, leur permettant éventuellement de trouver leur voie professionnelle, par exemple en leur donnant envie de rejoindre le cabinet de groupe où ils auront effectué leur stage.

Au moins un conseil départemental de l’Ordre des médecins n’est pas opposé à mon texte : celui de l’Eure-et-Loir, qui m’a soutenu dans ma démarche. Alors que j’étais personnellement plutôt favorable à une interdiction d’installation dans les zones surdotées, c’est lui qui m’a incité à proposer le déconventionnement. Face à l’aggravation de la désertification médicale et des inégalités dans l’accès aux soins, il fallait agir. La loi « HPST » puis la loi « Fourcade » qui l’a suivie se sont révélées insuffisantes.

Monsieur Vercamer, je vous remercie d’avoir rappelé la constance de ma conviction sur ce sujet. Pour autant, cette proposition de loi traduit une sensible évolution par rapport à la précédente.

Dans nos territoires, la pratique de la télémédecine est liée à l’arrivée de la fibre optique. J’ai fait installer à Châteaudun un logiciel d’interface qui permet au cabinet de radiologie d’être en contact avec l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Le dispositif a coûté 250 000 euros aux collectivités, soucieuses d’améliorer la prise en charge des patients.

Madame Massonneau, si mon texte instaure un stage de douze mois au cours de la troisième année d’internat, il ne rallonge pas pour autant les études, que je trouve déjà très longues. Depuis qu’il a été décidé que tous les étudiants en médecine devaient être internes, y compris ceux s’orientant vers la médecine générale, la durée totale des études a été portée à neuf ans pour les généralistes, à dix ou onze ans pour les spécialistes, selon la spécialité, voire douze ou quatorze ans si on inclut le clinicat.

Je suis bien conscient que le cumul emploi-retraite n’est pas la panacée. C’est un ensemble de mesures qui, additionnées les unes aux autres, amélioreront la situation.

Je remercie Christian Paul d’avoir soutenu, en son temps, ma proposition sur l’internat des régions. C’est à une voix près seulement qu’un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 qui l’aurait institué n’a pas été voté.

Enfin, Francis Vercamer a rappelé à juste titre que ce sont souvent des propositions de loi qui permettent d’avancer sur les questions touchant à la santé. C’est toute une panoplie de mesures qui permettra de lutter contre la désertification médicale. Y contribueront notamment la mise en place des internats régionaux, la prolongation de six mois à un an du stage d’internat en maison de santé pluridisciplinaire ou en établissement de santé dans une zone déficitaire, l’obligation pour les médecins de travailler à l’issue de leur formation pendant trois ans dans une zone sous-dotée – ces zones représentent 95 % du territoire français.

Si les internes sont dans la rue, c’est aussi pour se faire entendre sur le conventionnement et l’encadrement des dépassements d’honoraires. Ceux-ci ont fortement augmenté ces dernières années. La situation, je l’ai dit, s’explique par la loi de l’offre et de la demande – les anesthésistes du petit hôpital de ma ville gagnent beaucoup plus que dans un CHU car ils sont en position de force.

M. Michel Issindou. Les préoccupations exprimées par Philippe Vigier sont également les nôtres. Les déserts médicaux concernent l’ensemble du territoire.

La ministre des affaires sociales et de la santé souhaite limiter les dépassements d’honoraires. C’est un premier pas et il faudra passer outre la grogne que la mesure suscite.

Plusieurs dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 tentent d’apporter des solutions au problème des déserts médicaux. Je pense à la création de 200 contrats de praticien territorial de médecine générale ou à la mise en place de pôles de santé – 800 à 1 000 sont en préparation dans tout le pays avec des investissements publics locaux. Ces mesures sont sans doute perfectibles. Elles ont néanmoins le mérite d’exister. Évaluons-les.

Cette proposition de loi vient trop tard ou trop tôt. Donnons-nous une dernière chance pour convaincre plutôt que de contraindre. Pour l’heure, la contrainte ne paraît pas nécessaire. Tous ces points sur un sujet aussi essentiel ne peuvent être traités dans une proposition de loi. C’est d’une grande loi de santé publique dont le pays a besoin. Que Philippe Vigier se rassure, ce texte viendra.

Mme Isabelle Le Callennec. Cette proposition de loi a le mérite de répondre à l’une des préoccupations des Français qui vivent en milieu rural, mais aussi dans les villes moyennes.

Aux dires des médecins eux-mêmes, il leur est très difficile d’obtenir l’agrément de maître de stage. Á ce sujet d’ailleurs, le stage fera-t-il l’objet d’un contrat entre le stagiaire et le médecin ou le lieu d’accueil ?

S’agissant du cumul emploi-retraite, quelles charges sociales seraient allégées ? Les médecins retraités reprenant du service dans les zones sous-dotées ne comprendraient pas de payer des cotisations retraite.

Enfin, de plus en plus de jeunes poursuivent, semble-t-il, des études de médecine sans avoir la vocation, notamment de s’installer comme généraliste, mais plutôt dans l’intention de s’orienter vers la recherche ou même carrément d’autres professions non médicales. Comment redonner envie de devenir médecin généraliste dans notre pays ?

Mme Monique Iborra. L’expérience a montré que ni les mesures coercitives ni les mesures incitatives ne donnent les résultats escomptés.

La lutte contre les déserts médicaux passe par l’égalité des territoires. Il est en effet difficile d’obliger un médecin à venir s’installer dans un territoire où un hôpital ou une école ont été fermés.

L’expérimentation des 200 contrats de praticien territorial de médecine générale proposée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a le mérite de donner une nouvelle orientation.

M. le rapporteur. Ce nombre est insuffisant.

Mme Monique Iborra. L’expérimentation pourra être étendue.

Mme Véronique Louwagie. La désertification médicale est une vraie préoccupation, pas seulement d’ailleurs dans les territoires ruraux.

L’article 5 prévoit une obligation d’installation, ce qui constitue bien une mesure coercitive, quoi que vous en disiez, monsieur le rapporteur.

Je crois qu’il nous faudra décider si la médecine doit ou non rester une profession libérale. Vos propos, madame la présidente, sur les « faux professionnels libéraux » que seraient les médecins, me gênent. Et, hélas, cette proposition de loi trahit aussi une certaine ambiguïté.

Je ne suis pas sûre que l’organisation de concours régionaux pour l’internat constitue une solution, monsieur le rapporteur. En Basse-Normandie, par exemple, que vous citez comme région sous-médicalisée, la ville de Caen et les territoires proches de la mer ne rencontrent pas de difficultés, contrairement aux territoires ruraux de l’intérieur des terres. En quoi un concours régional permettrait-il de réduire ces disparités ?

Au final, votre texte a peu de chance d’inciter les étudiants à s’orienter vers la médecine libérale, vers laquelle, hélas, ne s’oriente aujourd’hui qu’un médecin sur dix. Ma crainte même est qu’il ne soit contre-productif.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je répète ce que j’ai dit : un vrai professionnel libéral est financé uniquement par sa clientèle. Or aujourd’hui, je ne suis pas sûre qu’un professionnel de santé libéral ferait le même chiffre d’affaires si la sécurité sociale n’existait pas. Qu’on le veuille ou non, il y a bien régulation par la solidarité nationale.

M. Gérard Sébaoun. Le docteur Vigier a posé un diagnostic exact, mais nous pouvons débattre de son ordonnance.

Il y a un gouffre entre la formation hyper technique en CHU des médecins et la réalité de la médecine générale qui reste très difficile. Ce n’est sans doute pas un hasard si beaucoup de médecins généralistes pratiquent les médecines douces ou alternatives.

Monsieur le rapporteur, vous proposez de prolonger de six à douze mois la durée du stage en zone sous-dotée. Mais les maîtres de stage sont-ils suffisamment aguerris pour encadrer les étudiants et leur dispenser une véritable formation, au-delà de la pratique quotidienne ?

Étant donné les disparités entre les régions, l’internat régional peut être utile pour la médecine générale, avec l’ensemble des hôpitaux autour d’un CHU centre. En revanche, il ne me semble pas être la solution pour les spécialités, notamment les plus pointues, car, pour reprendre l’exemple de votre région, les internes seront essentiellement formés à Tours. Ils n’auront pas toutes les possibilités qu’offrent les hôpitaux de la région parisienne, lyonnaise ou marseillaise.

M. Arnaud Robinet. Cette proposition de loi répond à une préoccupation majeure de nos concitoyens, sachant que notre pays se trouve aujourd’hui dans une situation paradoxale avec un nombre de médecins qui n’a jamais été aussi élevé et des inégalités d’accès aux soins qui s’aggravent dans nos territoires.

L’article 2 prévoit un stage d’une durée minimale de douze mois en zone sous-dotée pour les internes de troisième année. Le problème est que les étudiants doivent l’effectuer dans leur région de formation. S’ensuit un problème particulier dans les départements limitrophes de deux régions. En Champagne-Ardenne, le département de la Haute-Marne manque cruellement de professionnels de santé. Il en est de même en Picardie du département de l’Aisne. Or il se trouve que, pour des raisons de commodité, la plupart des étudiants en médecine de l’Aisne font leurs études à Reims et ceux de la Haute-Marne à Dijon, en Bourgogne. Ces étudiants ne pourront pas effectuer leurs stages dans leurs départements d’origine, où on manque pourtant de médecins. Il faudrait résoudre ce problème et permettre une certaine « perméabilité » entre régions.

Au-delà de l’exonération des cotisations retraite, il conviendrait de donner un véritable statut aux médecins retraités volontaires pour continuer à exercer dans des zones sous-dotées.

Ce n’est pas par la contrainte que l’on résoudra le problème des déserts médicaux. Au lieu des dispositions prévues à l’article 5, je pense qu’il faudrait plutôt développer les contrats avec les agences régionales de santé et les régions, incitant les jeunes médecins à s’installer pour une durée de trois à cinq ans, les expérimentations actuelles ayant rencontré un franc succès, comme je le constate en Champagne-Ardenne.

M. Gérard Bapt. Pour répondre à l’insuffisance du nombre d’installations en zone rurale et de façon générale en zone sous-dotée, l’une des solutions apportées lors de la mise en place de la filière universitaire de médecine générale en 1997 avait été de rendre obligatoires les stages en cabinet de généraliste afin de faire mieux connaître ce travail. Or, l’organisation des maîtrises de stage connaît de graves dysfonctionnements, comme on l’apprend en lisant des échanges entre médecins sur Internet. Ainsi l’un d’entre eux, exerçant en zone rurale dans le Morbihan depuis trente-trois ans, a échoué à se faire inscrire comme maître de stage. Devant les difficultés, un autre a tout bonnement renoncé à se faire inscrire. Un troisième, agréé comme maître de stage depuis cinq ans, a appris que son nom n’apparaissait sur aucune liste, ce qui explique que les étudiants ne le choisissaient pas ! Dans le même temps, une enquête de l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (ISNAR-IMG) révèle pourtant que 49 % des étudiants en deuxième cycle n’effectuent pas de stage en cabinet en raison du manque de maîtres de stage. Il faudrait résoudre ce problème.

Il est de notre rôle de parlementaires de recenser de tels dysfonctionnements et d’essayer d’y remédier. Avant d’envisager des mesures coercitives, peut-être pourrions-nous mettre en place une mission d’information.

Mme Véronique Besse. Cette proposition de loi, très pragmatique, répond à un enjeu de santé publique.

Je suis heureuse que ma proposition ait été retenue : elle permettra aux médecins retraités qui souhaitent continuer à travailler à temps partiel de pouvoir le faire en zone sous-médicalisée tout en continuant de toucher leur retraite et en bénéficiant d’un allègement de cotisations.

Il ne faut pas négliger la piste des centres de santé communaux ou intercommunaux. À La Ferté-Bernard, on l’a dit, le dispositif fonctionne bien. Dans ma propre circonscription, trois communes se sont associées pour créer un centre intercommunal de santé, où travaillent des médecins salariés. Certains médecins apprécient la garantie qu’apporte le statut salarié.

M. Christian Paul. Nous attendons du Gouvernement qu’il fasse de la lutte contre les déserts médicaux une grande cause nationale. L’ampleur de la désertification médicale et du drame humain qui en résulte n’a pas été suffisamment prise en compte ces dernières années. Sans que l’on se soit désintéressé du problème, aucune amélioration n’a été apportée.

Les innovations au niveau local, comme les maisons de santé pluridisciplinaires, sont intéressantes. Néanmoins, c’est une refondation de l’architecture de notre système de santé tout entier qui est nécessaire. C’est pourquoi nous demandons au Gouvernement que soit présentée dès 2013 une grande loi sur l’accès aux soins. Cette proposition de loi n’apporte que des réponses partielles. Il faudrait par exemple traiter aussi de la question des urgences. L’accès de tous à un service d’urgences en trente minutes au maximum est essentiel pour que le traitement de l’urgence ne repose pas sur les médecins généralistes libéraux qui doivent pouvoir se consacrer à la médecine de premiers recours, sans que l’on charge encore davantage leur barque.

M. Bernard Perrut. Notre collègue Vigier a le mérite d’appeler notre attention sur les disparités géographiques dans l’accès aux soins qui n’existent pas seulement entre milieu rural et milieu urbain, mais aussi parfois entre quartiers d’une même ville.

J’aurais souhaité qu’il insiste sur le rôle des élus, locaux et nationaux, dans le développement des maisons de santé. Plus qu’à la contrainte, je crois beaucoup au contrat ainsi qu’à la responsabilisation des élus et des professionnels de santé.

Pour être l’un des premiers maires de France à avoir créé une communauté hospitalière de territoire, la première en Rhône-Alpes et la deuxième en France, je sais que ce peut être une solution d’organisation territoriale en matière de santé, avec des médecins, y compris les chirurgiens, se déplaçant sur le territoire pour consulter, les interventions lourdes continuant bien entendu d’être pratiquées au centre hospitalier central. Il faudrait donc élargir la perspective et placer l’hôpital au cœur de la réflexion.

Bien qu’ouvrant certaines pistes intéressantes, cette proposition de loi ne correspond pas à nos attentes.

M. Bernard Accoyer. J’y suis également défavorable. La question de la répartition de l’offre de soins de proximité est très importante, mais elle est fort complexe et doit être appréhendée dans sa globalité.

La réduction drastique, il y a une trentaine d’années pour des raisons administratives, du nombre de médecins formés a rendu nécessaire l’arrivée sur notre territoire de médecins étrangers dont les diplômes ne sont pas du niveau de ceux délivrés par nos universités, ce qui pose un problème de sécurité et de qualité des soins.

Je mets en garde notre collègue Christian Paul – qui a fait adopter, contre l’avis du Gouvernement, un amendement provocateur lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale – contre un grand soir de la refonte de notre système de soins ! Rien ne pourra se faire sans concertation avec les médecins ni les étudiants en médecine. J’en veux pour preuve les grèves des internes qui émaillent notre pays actuellement.

Plus généralement, c’est le regard déséquilibré que porte actuellement la majorité sur notre système de soins, en opposant hôpital public et hospitalisation privée, médecine salariée et médecine libérale, qui explique bien des difficultés. Et ce n’est pas, madame la présidente, en qualifiant, comme vous l’avez fait, de façon méprisante, presque insultante, la médecine libérale de « faussement libérale » que vous apaiserez le climat !

Puisque l’on évoque le dispositif cumul emploi-retraite, je tiens à souligner que les retraites des médecins libéraux diminuent régulièrement chaque année, comme cela risque de se produire dans bien d’autres régimes de retraite si la majorité n’a pas le courage de les réformer, comme l’avait fait la précédente majorité.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vos propos, monsieur Accoyer, sur la qualité de la formation des médecins étrangers contribueront certainement à apaiser le climat !

M. Dominique Tian. Bien que j’en comprenne les motivations, je voterai contre cette proposition de loi, notamment à cause de son article 5 qui introduit une obligation pour l’installation des jeunes médecins.

Je ne suis pas favorable au numerus clausus. Le même problème s’est posé pour les pharmacies : après avoir considéré il y a quelques années qu’il y en avait trop, voilà maintenant qu’elles ne sont pas assez nombreuses ! Á vouloir ainsi tout planifier à la soviétique, on va à la catastrophe !

Je ne pense pas qu’il y ait trop de médecins en France. Ils sont simplement mal répartis sur le territoire. Comble de l’absurdité : nos enfants partent faire leurs études de médecine en Belgique ou même en Roumanie, avant de revenir s’installer en France ! Supprimons le numerus clausus et cessons de dire qu’il y a des zones sur-dotées et des zones sous-dotées : dans les quartiers nord de Marseille, on ne trouve plus de médecins. Ce n’est pourtant pas le Larzac !

Les médecins étrangers non communautaires employés dans nos hôpitaux y travaillent comme des esclaves, étant notamment sous-payés, ce qu’ils acceptent, les malheureux, parce qu’ils n’ont pas le droit de s’installer sur le territoire national. Pour ma part, je suis pour le retour des médecins français dans les hôpitaux français ! L’ensemble de l’organisation doit être revu.

Un article paru hier dans Le Figaro cite une lettre qu’une chirurgienne en colère a adressée à Mme Marisol Touraine, fustigeant qu’une opération de la main lui soit payée moins que ce que la ministre paie son coiffeur et, ajoute-t-elle, sans doute la moitié seulement du prix de l’une de ses paires de chaussures ! Il y a quand même un problème de rémunération des médecins.

C’est un problème global qu’il nous faut résoudre.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mais une coupe de cheveux n’est en aucun cas remboursée par la sécurité sociale ! Nous avons échappé à l’aide médicale de l’État, mais il peut y avoir pire !

M. Denis Jacquat. Cette proposition de loi est encore plus coercitive que la précédente, la coercition étant même étendue aux paramédicaux. Je ne peux donc qu’y être encore plus défavorable.

Une politique de santé publique ne peut se conduire qu’avec les professionnels de santé, et non contre eux. Une stratégie globale avait été mise en place pour mieux organiser l’implantation des médecins et des professionnels de santé, ce qui passe par l’amélioration des conditions d’exercice, afin de les inciter à choisir l’exercice de proximité. La possibilité de favoriser le cumul emploi-retraite, introduite par un amendement de Jean-Pierre Door, que j’avais soutenu, était l’une des solutions.

Les pôles de santé, les maisons médicales pluridisciplinaires, les contrats d’engagement de service public, l’augmentation du numerus clausus et le développement de la télémédecine commencent à porter leurs fruits. Il faut continuer dans cette voie. J’ai d’ailleurs bien noté, lors de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, que la nouvelle majorité n’avait pas remis en cause ces dispositifs.

Mme Bérengère Poletti. Je soutiens Philippe Vigier depuis longtemps dans son combat. Dans mon département aussi, nous manquons de médecins mais nous avons aussi du mal à recruter des cadres de haut niveau dans nos entreprises et dans nos services publics. Le problème est donc celui de l’attractivité des territoires.

Je suis plutôt favorable à cette proposition de loi, excepté son article 5 qui impose aux médecins nouvellement diplômés de travailler pendant trois ans dans un territoire sous-doté à l’issue de leur formation. Ce serait pire que le service militaire ! Ces jeunes médecins ont souvent un conjoint qui travaille, parfois déjà une famille. Bref, ils ne peuvent mettre toute une organisation de vie entre parenthèses durant trois ans.

Le numerus clausus a été augmenté à plusieurs reprises, et même adapté au niveau régional. Le Premier Président de la Cour des comptes recommande maintenant de le faire de nouveau diminuer dans les années à venir, sachant que le nombre d’étudiants et de praticiens n’est pas la clé de tout.

Je pense que les maisons médicales seront un succès, car les médecins apprécient de travailler dans un cadre collectif.

Les incitations financières n’ont pas donné de bons résultats parce que le problème n’est pas d’abord financier. Il est aussi celui de l’attractivité de la profession de médecin, de son mode et de ses conditions d’exercice…

De façon plus générale, il faudra bien un jour s’interroger sur les régions surdotées. Peut-on continuer à y accueillir de nouveaux professionnels de santé, alors qu’au bout du compte, c’est la sécurité sociale qui paie ? Notre collègue a le mérite d’aborder la question dans cette proposition de loi.

M. Henri Guaino. Prenant aujourd’hui la parole pour la première fois dans cette commission, je rends hommage au travail de Philippe Vigier. Notre collègue se saisit à bras-le corps d’un sujet qui intéresse tous nos concitoyens et présente un texte qui devrait nous donner l’occasion de transcender les clivages politiques. C’est cela pour moi, la mission d’un parlementaire. Félicitons-nous de pouvoir examiner, enfin, un texte de santé publique – que nous en approuvions ou non le contenu.

Je ne partage pas les divergences exprimées par plusieurs des amis de mon groupe. On a tout essayé, en vain, pour améliorer la répartition des médecins sur le territoire – incitations, récompenses… Pour que l’accès aux soins soit partout assuré, il n’y a pas d’autre moyen que d’exiger des étudiants en médecine qu’à la fin de leurs études, ils aillent exercer dans certains territoires. On peut discuter des modalités exactes de cette obligation, qu’il s’agisse de sa durée ou des aides possibles. Mais pour le reste, on trouve bien normal d’exiger des polytechniciens ou des élèves inspecteurs des impôts qu’ils servent dix ans l’État à l’issue de leur scolarité. Pourquoi ne demanderait-on pas aux étudiants en médecine, dont la formation a duré dix ans, parfois plus, d’exercer – pas à titre gratuit ! – trois ans dans certains territoires où nos concitoyens aujourd’hui n’ont pas accès aux soins ? C’est là ma position de républicain, au-delà des clivages politiques. J’espère donc que cette proposition de loi ne sera pas enterrée.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce texte n’a pas, je pense, l’ambition d’une loi de santé publique. Nous en attendons une qui viendra en son temps.

M. Jérôme Guedj. Comme l’ensemble des membres du groupe socialiste, je dirai non à cette proposition de loi, mais il s’agit, dirais-je, d’un non de soutien. Avec l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire, il en va de l’égalité républicaine. Dans notre pays, l’accès aux soins est aujourd’hui entravé par les dépassements d’honoraires, mais aussi parfois par l’impossibilité physique de trouver un médecin près de là où on vit. Certains principes de l’exercice traditionnel de la médecine libérale, formalisés dans les années 1930, peuvent se heurter à d’autres, hérités du Conseil national de la résistance et qui ont conduit à la création de la sécurité sociale, notamment au principe constitutionnel selon lequel la Nation garantit à tous la protection de la santé. Une fiction s’est créée, dont il faut aujourd’hui sortir. Je ne sais si ce sera le grand soir que semble tellement redouter Bernard Accoyer. Nous sommes dans une phase de transition. L’ancien système est mort et le nouveau n’est pas encore tout à fait né. Je souhaite que la grande loi promise par Mme Marisol Touraine permette, dans un cadre incitatif traduisant néanmoins une intervention affirmée de la puissance publique, de régler une situation devenue insupportable pour nos concitoyens.

Mme Dominique Orliac. Il y a urgence : on ne peut attendre 2020 pour régler les problèmes de désertification médicale.

Il faudrait qu’il soit moins difficile pour les médecins généralistes d’obtenir leur agrément de maîtres de stage. C’est le plus souvent pour des raisons matérielles que les stages de médecine générale prévus en 4ème année de cursus ne peuvent être effectués. Je suggère donc aussi de prendre en charge l’hébergement des externes au sein des centres de santé ou des maisons médicales, ainsi que leurs frais de transport. Les étudiants en médecine sont responsables : amenons-les, tout au long de leurs études, à prendre en compte les considérations de santé publique. Au lieu de toujours invoquer le coût de la santé, on ferait mieux d’appréhender l’économie de la santé.

L’installation des jeunes médecins n’est pas non plus indépendante de l’attractivité des territoires : beaucoup se demandent pourquoi ils iraient s’installer là où tous les services publics ont fermé les uns après les autres, et où il n’y a même plus d’école.

Mme la présidente Catherine Lemorton. L’égalité d’accès aux soins n’est un sujet ni de droite ni de gauche car la solidarité nationale n’est ni de droite ni de gauche. C’est une valeur de la République. Cette proposition de loi a le mérite d’avoir soulevé un problème réel. Le débat aura été l’occasion d’entendre beaucoup de vérités… et aussi quelques contre-vérités. Je regrette encore une fois que Bernard Accoyer ait quitté la réunion avant d’entendre la réponse à son intervention.

M. le rapporteur. Comme Henri Guaino, je pense que le travail des parlementaires est de s’emparer à bras-le-corps de certains sujets d’intérêt général. Si je me suis engagé avec autant de passion sur celui de l’égalité d’accès aux soins, n’y sont pas étrangers les quatre décès de médecins par burn out déplorés récemment dans le territoire de santé où je travaille. Il y en a notamment eu un à Morée dans le Loir-et-Cher, là précisément où l’ancien Président de la République était venu annoncer le lancement des maisons de santé pluridisciplinaires.

Depuis janvier dernier, j’ai beaucoup écouté. J’ai revu une nouvelle fois les syndicats. Et je demeure encore ouvert à toutes les suggestions.

Cette proposition de loi vient-elle trop tôt ? Trop tard ? Je sais seulement qu’il faut agir sans retard car le problème va immanquablement s’aggraver. Je n’oublie pas Jean-Marie Le Guen, président du conseil de surveillance de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), déclarant en janvier dernier que si nous n’avions pas été aussi près de l’élection présidentielle, il aurait voté mon texte. Ne soyez pas schizophrènes, chers collègues.

En janvier dernier, Michel Issindou avait dit qu’il voterait sans état d’âme mon amendement tendant à exiger qu’à l’issue de leurs études, les étudiants exercent trois années dans un territoire sous-doté. Il proposait d’ailleurs alors un amendement au nom du groupe socialiste que nous n’aurions jamais osé présenter ! Si la ministre de la santé présente une grande loi de santé publique, je serai constructif. J’en prends ici l’engagement car le sujet transcende les clivages politiques.

Madame Le Callennec, j’apprécie votre approche pragmatique. La difficulté des généralistes à obtenir l’agrément de maître de stage est réelle, tous me le confirment dans la région Centre. Il n’est pas possible par exemple d’accueillir un stagiaire si on ne dispose pas d’un logement de fonction où l’héberger. Quel cabinet peut en offrir un ? Le plus souvent, les médecins sollicitent donc les mairies. S’agissant des cotisations sociales susceptibles d’être allégées, je suis ouvert à toutes les propositions. La commission est mieux à même que moi de dire lesquelles pourraient être visées.

Madame Iborra, selon vous, ni l’incitation ni la coercition n’auraient jamais marché. Pour ma part, je dis, avec beaucoup d’humilité, que seul un ensemble de mesures complémentaires permettra d’obtenir des résultats. Deux cents contrats de praticien territorial de médecine générale : ce n’est pas à la hauteur des enjeux. C’est infime par rapport au nombre total de 108 000 médecins !

Lors du drame survenu récemment dans le Lot, l’UDI n’a pas immédiatement crié avec les loups, comme tant d’autres, et elle a eu raison, car on s’est aperçu qu’il y avait d’autres difficultés que l’accès en moins de 30 minutes à un service d’urgence. L’enjeu nous concerne tous : il s’agit de défendre le magnifique acquis de la sécurité sociale, instituée en 1945, et qui fait qu’aujourd’hui la France est encore considérée comme le meilleur pays au monde où se faire soigner.

Madame Louwagie, exiger des jeunes médecins qu’ils exercent trois ans en territoire déficitaire, est-ce vraiment coercitif ? Les polytechniciens sont bien soumis à une obligation de servir l’État. Les infirmières aussi doivent remplir certaines obligations avant de pouvoir s’installer en libéral et les étudiants qui autrefois passaient les Instituts préparatoires à l’enseignement secondaire (IPES) étaient bien tenus d’enseigner un certain nombre d’années…

Madame Orliac, cette proposition de loi ne s’appliquera en 2020 que pour l’obligation d’exercer durant trois ans en territoire sous-doté, et ce afin de ne pas changer les règles en vigueur pour les étudiants en cours de cursus. Toutes les autres mesures seront d’application immédiate. Pour rétablir l’internat régional, il suffit d’une décision conjointe du ministère de la santé et du ministère de l’enseignement supérieur.

Monsieur Sebaoun, oui, il existe un gouffre entre la formation des médecins et la réalité de l’exercice sur le terrain. La formation n’a cessé de s’allonger, passée de sept à neuf ans pour les généralistes et de neuf à dix ans, quatorze ans même avec le clinicat, pour les spécialistes. Vous avez raison aussi pour ce qui est des disparités régionales. Il ne vous aura pas échappé que ma proposition de loi prévoit une possibilité d’échanges entre régions : un interne en cardiologie à Tours pourra faire, par échange, une année d’internat dans une autre ville. Beaucoup invoquent la liberté de choix qui devrait être laissée aux internes. Mais qu’en est-il vraiment aujourd’hui ? Les moins bien classés aux épreuves classantes nationales (ECN) doivent souvent arbitrer entre spécialité et région d’exercice. Aujourd’hui, le dernier du classement qui voudrait être dermatologue ne trouverait de stages d’internat que dans une région sous-dotée. S’il tient à rester dans sa région de formation, il peut être amené, selon les cas, à renoncer à devenir spécialiste et à s’orienter vers la médecine générale.

Monsieur Robinet, la possibilité d’une « perméabilité » entre régions est essentielle, j’en suis convaincu pour habiter moi-même un département limitrophe d’une autre région administrative. Les présidents d’université peuvent trouver des solutions. Il existe certes des disparités dans la formation des internes selon les régions, de même d’ailleurs qu’à tous les niveaux du cursus médical, ce n’est pas nouveau. Mais doit-on tout régenter ? Je pense, pour ma part, qu’il faut laisser de la souplesse aux universités. L’important est que les internes qui le souhaitent puissent aller acquérir un complément de formation dans une autre région. Jamais la formation médicale ne sera dispensée de manière absolument identique sur l’ensemble du territoire. Le dernier classé n’a d’autre choix en région parisienne par exemple que de faire ses stages dans les centres hospitaliers de la périphérie, où sa formation est différente de celle qu’il recevrait dans les grands CHU.

Monsieur Bapt, vous attendez la grande loi promise par Mme Touraine. Nous aurons l’occasion d’en reparler en séance publique.

Madame Besse, merci de votre soutien. Vous pouvez témoigner de l’écoute qui a été la mienne.

Monsieur Paul, je n’oublie pas que vous m’aviez soutenu en janvier dernier pour ce qui concerne l’obligation d’exercice pendant trois ans dans un territoire sous-doté et ne manquerai pas dans l’hémicycle de rappeler vos propos d’alors. Vous estimez nécessaire une refonte de toute l’architecture de notre système de soins. Ma proposition de loi n’a pas la prétention de tout régler. Il faut revoir les relations entre médecine publique et médecine privée, de façon qu’elles coopèrent mieux, dans l’intérêt des patients. L’engorgement des urgences à l’hôpital pourrait être résolu par une meilleure organisation de la permanence des soins. Mais cela suppose davantage de passerelles entre public et privé. Ne cristallisons pas l’opposition entre les deux secteurs.

Oui, monsieur Perrut, les élus locaux doivent s’impliquer – et je ne doute pas que l’égalité d’accès aux soins figurera parmi leurs priorités lors de la campagne pour les municipales de 2014. Vous avez évoqué les communautés hospitalières de territoire : leur mise en place n’a pas toujours été facile, j’en ai eu l’expérience dans l’Eure-et-Loir.

Je répondrai à Bernard Accoyer en séance publique, puisqu’il a dû nous quitter.

Monsieur Tian, je ne pense pas qu’il faille supprimer le numerus clausus – le classement qui en résulte présente l’intérêt de reconnaître le mérite. Il faut, par région, l’adapter en fonction des besoins car les médecins sont aujourd’hui mal répartis sur le territoire. Il est vrai qu’il n’est pas satisfaisant que certains étudiants partent faire leurs études en Roumanie ou ailleurs avant de revenir exercer en France. Mais voilà trente ans que les étudiants vétérinaires partent se former en Belgique tout simplement parce que là-bas, il n’y a pas de concours classant ! Je ne souhaite pas qu’on ouvre les vannes pour le numerus clausus, simplement qu’on l’adapte, éventuellement à nombre constant. Reconnaissons toutefois que l’écart entre le dernier reçu et le premier recalé est minime. Sur quels critères s’opère la sélection ?

Monsieur Jacquat, comme vous le constaterez dans certains de mes amendements, j’ai tenu compte du fait que les infirmiers, les sages-femmes et les masseurs-kinésithérapeutes s’étaient engagés dans un mécanisme conventionnel de régulation de leur installation. Les actes n’ont pas été suffisamment revalorisés par le passé. Ne soyons pas hypocrites : les professionnels qui acceptent de travailler dans les zones sous-dotées sont mieux payés. Et souvenons-nous qu’il fut un temps où les actes infirmiers du professionnel qui avait réalisé plus de 18 000 actes médico-infirmiers (AMI) dans l’année n’étaient plus remboursés.

Madame Poletti, merci de votre soutien fidèle et de votre engagement sans faille.

Monsieur Guaino, vous faites montre d’un bel esprit républicain dépassant les clivages partisans. L’accès aux soins, au même titre que l’accès à l’emploi et l’accès au logement, fait partie du triptyque des droits sociaux que nous défendons. Je tiens à ce que notre pays soit exemplaire en ce domaine.

Monsieur Guedj, je vous remercie de votre « non de soutien ». C’est un premier pas et ne doute pas que vous saurez aller plus loin.

Mme la présidente Catherine Lemorton. On ne peut pas penser l’hôpital public de demain sans réorganisation de tous les soins ambulatoires – pas seulement de la médecine d’ailleurs.

Oui, monsieur Vigier, nous pouvons travailler ensemble. Nous l’avons déjà fait sous la précédente législature sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Critères de fixation du numerus clausus des études de santé

La Commission rejette l’article premier.

Article 2 : Stage pratique dans les zones déficitaires en matière d’offre de soins

La Commission est saisie de l’amendement AS 1 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à réparer un oubli. Les stages peuvent aussi être effectués dans les centres de santé.

La Commission rejette l’amendement AS 1.

Puis elle rejette l’article 2.

Article 3 : Création d’un internat régional

La Commission examine tout d’abord l’amendement AS 2 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement, qui m’a été suggéré par un praticien universitaire, vise à supprimer l’alinéa 5. Il est impossible dans les faits de supprimer la répartition des étudiants au sein des subdivisions territoriales dans les régions au sein desquelles coexistent plusieurs unités de formation et de recherche (UFR). L’idée est de laisser le plus de souplesse possible.

La Commission rejette l’amendement AS 2.

Elle examine ensuite l’amendement AS 3 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 13. Toujours dans l’objectif de ménager de la souplesse, il est proposé de conserver la dérogation existante qui autorise les bénéficiaires d’un contrat d’engagement de service public à effectuer leur temps de service en zone déficitaire dans une autre région que celle dans laquelle ils ont effectué leur internat.

La Commission rejette l’amendement AS 3.

Puis elle rejette l’article 3.

Article 4 : Allègement de charges sociales en cas de cumul emploi-retraite dans les zones sous-dotées

La Commission rejette l’amendement rédactionnel AS 4 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 4.

Article 5 : Obligation d’installation des nouveaux médecins dans les zones sous dotées

La Commission rejette l’amendement rédactionnel AS 5 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 5

Article 6 : Autorisation d’installation pour l’exercice de la profession de médecin

La Commission examine tout d’abord l’amendement AS 6 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement propose de fixer la densité maximale de professionnels de santé par région, non pas au niveau national par voie réglementaire, mais au niveau régional. Elle serait arrêtée chaque année par le directeur de l’agence régionale de santé, après avis du représentant de l’État et du conseil régional ou inter-régional de l’Ordre des médecins.

La Commission rejette l’amendement AS 6.

Elle examine ensuite l’amendement AS 7 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement confie à l’assurance maladie le soin de déconventionner les médecins ne respectant pas les obligations légales d’installation qui leur incombent, sur proposition du directeur général de l’agence régionale de santé.

La Commission rejette l’amendement AS 7.

Puis elle rejette l’article 6.

Article 7 : Autorisation d’installation pour l’exercice de la profession de chirurgien-dentiste

La Commission examine tout d’abord l’amendement AS 8 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a le même objet que l’amendement AS 6 à l’article précédent, s’agissant cette fois de la densité maximale de chirurgiens-dentistes.

La Commission rejette l’amendement AS 8.

Elle examine ensuite l’amendement AS 9 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement a le même objet que l’amendement AS 7 à l’article précédent, concernant cette fois le déconventionnement des chirurgiens-dentistes.

La Commission rejette l’amendement AS 9.

Puis elle rejette l’article 7.

Article 8 : Autorisation d’installation pour l’exercice de la profession de sage-femme

La Commission examine l’amendement AS 10 du rapporteur.

M. le rapporteur. Les sages-femmes s’étant engagées dans un mécanisme conventionnel de régulation de leur installation, je propose de supprimer cet article.

La Commission adopte l’amendement AS 10.

En conséquence, l’article 8 est supprimé.

Article 9 : Autorisation d’installation pour l’exercice de la profession d’infirmier

La Commission examine l’amendement AS 11 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je propose de même de supprimer cet article, les infirmiers s’étant eux aussi engagés dans un mécanisme conventionnel de régulation de leur installation.

La Commission adopte l’amendement AS 11.

En conséquence, l’article 9 est supprimé.

Article 10 : Autorisation d’installation pour l’exercice de la profession de masseur kinésithérapeute

La Commission examine l’amendement AS 12 du rapporteur.

M. le rapporteur. Je propose également de supprimer cet article, les masseurs-kinésithérapeutes s’étant eux aussi engagés dans la même voie.

La Commission adopte l’amendement AS 12.

En conséquence, l’article 10 est supprimé.

Article 11 : Développement de la télémédecine

La Commission rejette successivement l’amendement rédactionnel AS 13 du rapporteur, son amendement AS 14 tendant à réparer un oubli et son amendement rédactionnel AS 15.

Puis elle rejette l’article 11.

Article 12 : Compétences du directeur général de l’agence régionale de la santé

La Commission rejette l’article 12.

Article 13 : Évaluation du dispositif de régulation de l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire

La Commission rejette tout d’abord l’amendement de précision AS 16 du rapporteur.

Puis elle examine son amendement AS 17.

M. le rapporteur. Cet amendement propose que l’assurance maladie participe au comité de suivi mis en place à cet article.

La Commission rejette l’amendement AS 17.

Elle rejette ensuite l’amendement de précision AS 18 du rapporteur.

Puis elle rejette l’article 13.

Article 14 : Gage financier

La Commission est saisie de l’amendement AS 19 du rapporteur.

M. le rapporteur. La présente proposition de loi ne crée aucune charge supplémentaire pour l’État. Seule la mesure prévue à l’article 4 pour inciter au cumul emploi-retraite dans les zones sous-dotées entraîne une perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale qu’il convient de gager. Tel est l’objet de cet amendement.

La Commission rejette l’amendement AS 19.

Puis elle rejette l’article 14.

Elle rejette ensuite l’ensemble de la proposition de loi.

La séance est levée à onze heures vingt.

——fpfp——

La Commission des affaires sociales a désigné Mme Marie-Françoise Clergeau rapporteure pour avis sur le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 344).

Présences en réunion

Réunion du mercredi 14 novembre 2012 à 9 heures

Présents. - M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Sylviane Bulteau, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Richard Ferrand, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, Mme Ségolène Neuville, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, Mme Barbara Romagnan, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Francis Vercamer, M. Jean-Sébastien Vialatte, M. Philippe Vigier

Excusés. - Mme Valérie Boyer, M. Michel Liebgott, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, M. Fernand Siré