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Commission des affaires sociales

Mardi 4 décembre 2012

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 24

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-François Chadelat, président d’honneur, et de Mme Raphaëlle Verniolle, directrice par intérim du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (Fonds CMU)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 4 décembre 2012

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission entend M. Jean-François Chadelat, président d’honneur, et Mme Raphaëlle Verniolle, directrice par intérim du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (Fonds CMU).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous accueillons M. Jean-François Chadelat, qui a dirigé le Fonds CMU pendant près de dix ans, et Mme Raphaëlle Verniolle, qui fut son adjointe et assure aujourd’hui l’intérim.

Monsieur Chadelat, inspecteur général des affaires sociales honoraire, vous avez été notamment directeur général de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), directeur du Fonds de solidarité vieillesse, administrateur de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), membre du Conseil des prélèvements obligatoires. Vous prendrez, au début de l’année prochaine, les fonctions de médiateur de la Mutualité sociale agricole (MSA).

Vous avez acquis une connaissance exceptionnelle du système de protection sociale de notre pays et de son histoire. Il est donc toujours enrichissant de vous entendre, comme le font chaque année les rapporteurs du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous êtes d’ailleurs déjà venu devant notre Commission en décembre 2009, à l’occasion du dixième anniversaire de la création du Fonds CMU.

Trois membres de la Commission siègent au conseil de surveillance de ce fonds : Gérard Bapt, qui en est le président, Martine Carrillon-Couvreur et Dominique Tian.

On entend parfois dire que les bénéficiaires de l’aide médicale de l’État (AME) sont plus favorisés que ceux de la couverture maladie universelle (CMU). Pour dissiper toutes les confusions, pourriez-vous rappeler ce qu’est la CMU, de base et complémentaire, quels en sont les bénéficiaires, qui paye les franchises et les forfaits, et qui en est exempté ?

M. Jean-François Chadelat, président d’honneur du fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie. Nous avons célébré, en septembre 2009, les dix ans de la loi du 27 juillet 1999 qui a créé la CMU. Il s’agit de l’une des lois les plus importantes des cinquante dernières années dans le domaine de la protection sociale, qui concerne des personnes se situant largement en dessous du seuil de pauvreté. L’enquête biennale sur la santé et la protection sociale (ESPS) a montré que si, en 1998, 30 % des personnes appartenant au premier décile des revenus de la population française renonçaient aux soins, ce taux était tombé à 15 % en 2002, grâce à la CMU.

La loi de 1999 n’a pas généralisé la sécurité sociale : sa généralisation résultait déjà des lois de 1975 et, dans une moindre mesure, de 1978. La principale innovation introduite en 1999 résidait dans la création d’une assurance complémentaire santé, la CMUc, au côté d’une assurance de base. Cette dernière constitue une sorte de « voiture balai », qui affilie à la sécurité sociale les personnes n’entrant pas dans les catégories relevant des différents régimes de base, n’étant ni salariées, ni retraitées, ni au chômage, ni ayants droit d’autres assurés. Ainsi, ils peuvent bénéficier de toutes les prestations de droit commun, dans les mêmes conditions que les autres assurés, acquittant donc le ticket modérateur, le forfait hospitalier et les différentes franchises.

La CMUc représente un tournant dans l’histoire de la protection sociale : pour la première fois, les pouvoirs publics ont reconnu qu’un bon accès aux soins était également dû aux personnes à très bas revenus grâce à une couverture complémentaire offrant, sous un régime de tiers payant, une gratuité totale.

Le Fonds CMU établit, tous les deux ans, un rapport d’évaluation de la loi alors que, pour la plupart des autres textes législatifs, on ne procède qu’à une seule évaluation, une fois pour toutes. Nous avons donc publié, en novembre 2011, le cinquième rapport de ce genre.

La création d’une complémentaire santé gratuite a d’abord soulevé quelques oppositions, en premier lieu de la part de certains professionnels de santé, comme les médecins conventionnés dans le secteur 2, les dentistes, les opticiens, les audioprothésistes, désormais contraints d’appliquer des tarifs fixés par arrêtés, et, en second lieu, de la part des organismes proposant des assurances complémentaires santé, qui ne voyaient pas d’un bon œil les caisses de sécurité sociale intervenir sur leur terrain. Avec le temps, la situation a évolué dans le bon sens. La CMUc est aujourd’hui acceptée par à peu près tout le monde.

L’association Médecins sans frontières (MSF) a fait, à l’occasion du quatrième rapport d’évaluation, le plus beau compliment qui pouvait être fait à l’égard de la loi créant la CMU. Elle expliquait que, pendant plus de dix ans, elle avait soigné des personnes sans accès aux soins dans l’attente de l’ouverture de leurs droits : la mise en place de la CMU a résolu ces difficultés et MSF a pu aussi fermer certains de ses centres médicaux pour se tourner vers d’autres activités, les bénéficiaires de la CMU étant désormais pris en charge à l’intérieur du système de soins et non dans les salles d’attente humanitaires.

À l’époque de sa création et pendant quelque temps encore, la CMU a essuyé bien des reproches. Certains ont d’abord considéré qu’elle coûtait trop cher. Or, sur la base de données arrêtées au 30 septembre 2012, la CNAMTS a établi que son coût annuel par bénéficiaire s’élevait à 444,02 euros, alors que c’est elle qui accueille le plus grand nombre de « CMUistes » et les cas les plus lourds. Pour un très bon niveau de protection, puisque 40 % des autres assurances complémentaires proposées sur le marché offrent des prestations inférieures, ce n’est donc vraiment pas cher.

On lui a également reproché de déraper. Or le taux de progression des dépenses de la CMUc est inférieur à celui de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), sauf en 2006, du fait d’un rattrapage concernant le panier de soins dentaires.

On a également prétendu que les bénéficiaires de la CMU ne respectaient pas le parcours de soins, notamment en ne déclarant pas de médecin traitant. C’était vrai au début, en raison des difficultés propres à la population concernée, souvent mal informée. Mais, depuis environ deux ans, les « CMUistes » déclarent davantage de médecins traitants que les autres assurés sociaux.

On les a enfin accusés de frauder. Or, en 2011, la CNAMTS a relevé 563 cas de fraude pour 4,4 millions de bénéficiaires. Dans la quasi-totalité des cas, il s’agissait de falsifications relatives aux conditions de ressources. L’explication de ce très faible taux de fraude tient au fait que l’on fraude généralement pour obtenir des prestations en espèces, moins fréquemment pour bénéficier de prestations en nature.

Il y a quelques années, on parlait de bénéficiaires de la CMU qui garaient leur Porsche devant le cabinet du médecin qu’ils venaient consulter ! Vérifications faites, j’ai découvert que personne ne les avait vraiment vus, qu’il s’agissait purement et simplement d’une rumeur. Jusqu’au jour où j’ai eu connaissance d’un demandeur de la CMU qui se déplaçait en Rolls-Royce ! L’affaire a même suscité des interpellations au Parlement. Il s’agissait d’un châtelain britannique qui, en effet, vivait dans un manoir de soixante-dix-sept pièces sur 50 hectares de terre et ne disposait d’aucune ressource en France. Depuis lors, la loi a été modifiée afin de prendre en considération les revenus perçus à l’étranger.

Cependant, on peut encore améliorer la CMU sur certains points. Ainsi, nous avons procédé à plusieurs « testings » pour mesurer la nature et la portée des refus de soins. Le premier a été réalisé en 2006 dans le Val-de-Marne, où nous avons constaté un taux de refus de 25 %, toutes professions de santé confondues, mais provenant essentiellement des médecins spécialistes conventionnés dans le secteur 2 et des dentistes. Trois ans plus tard, une enquête réalisée à Paris a produit des résultats à peu près similaires. Puis, nous avons voulu connaître la situation hors des villes. Le dernier test, effectué il y a un an, dans l’Orne et dans la Nièvre, a montré que les refus de soins existaient aussi, mais qu’ils touchaient également les autres assurés dans des proportions voisines. En effet, ils s’expliquent largement par la désertification médicale des zones rurales et le surencombrement des cabinets médicaux qui en résulte.

Se pose également la question du panier de soins. En décembre 1999, des arrêtés ministériels sont intervenus pour fixer, au titre de la CMU, les honoraires des différentes professions de santé, dont les prothésistes dentaires. Les tarifs retenus en la matière étaient, il faut bien le reconnaître, très déconnectés de la réalité de l’époque et les syndicats professionnels ont d’ailleurs obtenu, en 2002, l’annulation par le Conseil d’État de cet arrêté. Un nouvel arrêté a un peu corrigé les choses, mais pas totalement. En 2006, lors de la négociation d’une nouvelle convention entre la CNAMTS et les dentistes, nous avons essayé de régler définitivement ce problème et un troisième arrêté a hissé les tarifs des prothèses dentaires à un niveau maintenant acceptable.

Mais, il faut garder à l’esprit qu’un panier de soins doit évoluer. Or, en matière d’optique et d’audioprothèse, les arrêtés de 1999 sont toujours en vigueur. La CNAMTS a étudié ce qui restait à la charge des allocataires de la CMU et constaté que la gratuité, théorique, ne se vérifiait pas en pratique.

Lors de sa création, la CMU a généré un terrible effet de seuil. Pour des ressources inférieures, aujourd’hui, à 681 euros mensuels, le système offre l’équivalent d’une excellente complémentaire santé et, au-delà de ce seuil, l’assuré social devrait prendre en charge la totalité de son assurance complémentaire. La loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie a donc mis en place un dispositif d’atténuation sous forme de crédit d’impôt, mécanisme mal adapté à des personnes non imposables, et donc remplacé par un chèque santé. Mais l’appellation était juridiquement protégée et il a fallu recourir à un troisième nom : l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS), sorte de bon d’achat remis aux personnes dont les ressources dépassent de peu le plafond de la CMU et leur permettant de cotiser à une assurance complémentaire santé.

Originellement fixé à 15 % au-dessus du plafond d’attribution de la CMUc, le plafond de l’ACS a été porté successivement à 20, 26, 30 et maintenant 35 %. Toutefois, alors que les bénéficiaires de l’ACS étaient, très souvent, des personnes à qui on avait refusé la CMUc, le relèvement du plafond a permis d’accroître le volume de la population aidée. Toutefois, si le taux de non-recours à la CMUc s’établit à environ 20 %, comparable à ce qu’on observe pour l’ensemble des minima sociaux, celui de l’ACS atteint plus de 60 %.

À l’origine, les pouvoirs publics, craignant que le coût de la CMU ne s’avère trop considérable, avaient fixé son plafond à un niveau plus bas que celui du seuil de pauvreté. Puis il fut revalorisé en fonction de l’évolution de l’indice général des prix hors tabac, tandis que les salaires progressaient en moyenne de 2 % de plus, ce qui, au bout de douze ans, produit un écart de 20 à 25 %.

L’ACS se heurte en outre à une autre difficulté : le « bon d’achat », bien qu’utilisé dans 82 % des cas, ce qui est remarquable pour une population se situant en dessous du seuil de pauvreté, laisse subsister un reste à charge pour l’achat de l’assurance complémentaire. De ce fait, les personnes concernées s’adressent à des complémentaires de bas de gamme : 47 % des allocataires souscrivent à des contrats de catégorie D, qui sont les moins favorables. Ce taux est à rapprocher de celui des contrats collectifs obligatoires de catégorie A, bénéficiant en outre d’aides fiscales et sociales rappelées par la Cour des comptes, et qui s’élève à 39 %.

Mme Raphaëlle Verniolle, directrice par intérim du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie. Au 30 septembre dernier, la CMU de base bénéficiait à près de 2,2 millions de personnes et la CMUc à près de 4,5 millions, tous régimes confondus. À la fin de cette année, le nombre d’attestations délivrées pour l’ACS devrait atteindre le million, soit une augmentation de près de 30 % en 2012 grâce au relèvement du plafond à 35 %, et celui des attestations utilisées s’établir à près de 800 000.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Connaît-on le nombre de personnes éligibles à la CMU qui ne la demandent pas ?

M. le président d’honneur du Fonds CMU. Le taux de non-recours étant de 20 %, 800 000 à 1 million de personnes seraient dans ce cas. De nombreuses raisons expliquent cela : ainsi, alors que, dans les grandes villes, les bénéficiaires sont protégés par l’anonymat, ceux qui vivent en zone rurale craignent de passer pour des assistés et d’être stigmatisés. Certains peuvent trouver les démarches trop complexes : elles sont pourtant identiques pour la CMU et pour l’ACS, alors que les taux de non-recours sont très différents – environ 60 % pour l’ACS je le rappelle.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce ne sont pas des chiffres négligeables. L’accès aux soins pour tous n’est pas encore assuré et l’on note une augmentation du nombre de personnes qui s’adressent à Médecins du monde.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. J’apprécie beaucoup la chaleur avec laquelle vous défendez un dispositif en effet indispensable. Vous l’avez rappelé, trop d’idées reçues, trop d’idées fausses sont encore véhiculées à propos de la CMU. Les chiffres montrent pourtant que les tentatives de fraude sont relativement marginales.

Lors d’un conseil de surveillance du Fonds CMU, nous avions évoqué les difficultés dues à la crise économique sans pouvoir encore en mesurer précisément les conséquences. Les connaît-on mieux dix-huit mois plus tard ?

L’accès aux droits reste incomplet : de nombreuses personnes ne vont pas jusqu’au bout de leurs démarches pour bénéficier de la CMU, peut-être par manque d’informations.

M. Arnaud Robinet. Comment explique-t-on l’écart entre le nombre de bénéficiaires de la CMU de base et de la CMUc ?

Afin de diminuer le nombre des non-recours, ne peut-on rapprocher les différents fichiers de personnes demandeuses d’aides sociales, telles que le revenu de solidarité active (RSA) ou le minimum vieillesse ?

Comment ce système de solidarité peut-il évoluer, compte tenu des contraintes économiques et financières que nous subissons ?

Les bénéficiaires de la CMUc déclareraient plus de pathologies que le reste de la population. Cela ne traduit-il pas l’insuffisance de notre politique de prévention et d’éducation pour la santé ? Ne pourrions-nous, en les développant, à la fois réduire nos dépenses de santé et améliorer la qualité des soins ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Quel est le mode de financement de la CMU de base, de la CMUc et de l’ACS ?

M. Denis Jacquat. La différence entre le nombre de bénéficiaires de la CMU de base et ceux de la CMUc provient-elle de ce que, dans le premier cas, on tient compte du revenu fiscal et, dans le second, de critères communs à plusieurs minima sociaux ? Ne faudrait-il pas uniformiser les bases de calcul déterminant les conditions d’accès aux deux CMU ?

Les jeunes de 18 à 25 ans allocataires du RSA entrent dans le champ de l’ACS, mais ils ne peuvent en bénéficier s’ils logent chez leurs parents, ce qui provoque des tricheries sur les adresses. Peut-on moraliser le dispositif ou vaut-il mieux supprimer la condition de logement, au vu de son coût estimé ?

M. Jean-Louis Roumegas. Lors du récent débat sur le financement de la sécurité sociale, il a été indiqué que 8 % de la population ne disposait pas d’assurance complémentaire santé mais que, dans certaines catégories de la population, comme les étudiants, ce taux pouvait atteindre 19 %. Le mécanisme de l’ACS pourrait-il servir à le réduire ? Peut-on envisager d’en faire bénéficier les boursiers selon une certaine progressivité ? Les fonds de l’ACS sont-ils entièrement consommés ? Nous devrions avoir pour objectif d’instaurer la complémentaire santé pour tous.

Mme Isabelle Le Callennec. Est-il exact que l’absence de recours à la CMUc ou à l’ACS s’expliquerait parfois par l’obligation de déclarer ses revenus ?

Qui instruit les dossiers de demande ? Uniquement les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) ou également les centres communaux d’action sociale (CCAS) et certaines associations ? C’est une question que nous avons déjà évoquée dans le débat sur l’aide médicale de l’État.

Mme Véronique Besse. Les moins de 20 ans représentent 44,3 % des bénéficiaires de la CMUc, ce qui est très préoccupant. Dispose-t-on d’éléments de prévision quant à leur éventuelle sortie du système à plus ou moins long terme ?

Mme Véronique Louwagie. Les 2,2 millions de bénéficiaires de la CMU de base sont-ils comptés, ou non, dans les 4,5 millions de bénéficiaires de la CMUc ?

La complexité des démarches à effectuer pour demander la CMU constituerait un frein à l’accès aux droits. Comment simplifier ces démarches ?

Connaît-on l’évolution du coût global du dispositif de la CMU au cours des dernières années ?

Selon quelles orientations peut-on améliorer le système en vigueur ?

M. le président d’honneur du Fonds CMU. La crise économique et financière que nous traversons est la plus violente depuis celle de 1929. Elle se compose de deux épisodes principaux. Le premier, dont le point d’orgue fut la faillite de la banque Lehman Brothers en octobre 2008, a été déclenché par l’éclatement de la bulle des crédits hypothécaires dits subprimes. Le second, dont nous ne sommes toujours pas sortis, débute, en 2011, en raison des tensions apparues sur les dettes souveraines.

Les conséquences de ces chocs sur le nombre de bénéficiaires de la CMU ne se font sentir qu’après un délai de vingt-quatre mois, si bien que seules celles qui résultent de la contraction de 2008 sont présentes dans nos chiffres. En effet, les personnes perdant leur emploi perçoivent des allocations chômage pendant plusieurs mois, ce qui les maintient au-dessus du seuil d’éligibilité à la CMUc qui prend en compte les revenus des douze derniers mois. Ainsi, la dépression économique de l’été 2008 n’a eu un effet pour le Fonds CMU qu’à partir de la fin de l’année 2010 et du début de 2011. En juillet 2009, le nombre de bénéficiaires de la CMU était en repli de 0,34 % par rapport à juillet 2008 et il ne s’est mis à progresser qu’en janvier 2011, à hauteur de 3,57 %. En 2008, le plafond de ressources n’avait pas été suffisamment revalorisé, ce qui a contribué à réduire le total des bénéficiaires de la CMU de 4,4 %. La baisse fut de 1,3 % en 2009, avant que les années 2010 et 2011 ne voient ce total croître de 1,1 % et de 2,8 %. De même, les répercussions de la crise de 2011 n’apparaîtront qu’à partir de la seconde moitié de 2013.

Toutes les bonnes volontés sont utiles pour développer l’accès effectif à la CMUc et à l’ACS. Dans cette entreprise, les caisses primaires occupent la première place. S’agissant des centres communaux d’action sociale, il faut reconnaître qu’ils se sont sentis dépossédés d’une partie de leur mission lors de la création de la CMU entre 1999 et 2000. Ils ne jouent donc pas le rôle de relais qu’ils pourraient assurer auprès des populations qui ne sollicitent pas la CMU. Au même titre que les associations, bon nombre d’acteurs pourraient aider ces personnes dont le niveau d’études est souvent peu élevé et dont les relations avec les administrations, notamment de sécurité sociale, ne sont pas faciles.

Mme la directrice par intérim du Fonds CMU. Des échanges automatiques ont été mis en place avec les caisses d’allocations familiales (CAF) et les caisses d’assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) il y a plus de deux ans. Ces dernières partagent leurs fichiers sur les titulaires du minimum vieillesse. L’objectif est de réduire le non-recours à la CMU des personnes qui pourraient y prétendre. Des courriers de demande d’informations ciblées leur sont ainsi adressés ; leur impact est encore difficilement évalué par les caisses primaires. Il serait profitable également que Pôle emploi participe à ce système.

M. le président d’honneur du Fonds CMU. Les caisses d’allocations familiales traitent les ressources déterminant l’éligibilité au RSA socle et les transmettent dorénavant aux caisses primaires qui peuvent ainsi étudier directement les demandes de CMU.

S’agissant du chiffre des bénéficiaires de la CMU de base et de la CMUc, ce sont deux ensembles qui ne coïncident pas totalement. Je rappelle que la CMU de base est la voiture-balai de la sécurité sociale, alors que la CMUc est une complémentaire santé : parmi les 2 millions de bénéficiaires de la CMU de base, entre 50 000 et 60 000 personnes, dont les ressources excèdent le plafond, paient une cotisation. Mais, il est exact qu’un grand nombre des affiliés à la CMU de base perçoivent également la CMUc, puisque, par exemple, les bénéficiaires de la CMU de base sont, pour trois quarts d’entre eux, allocataires du RSA socle. À l’inverse, certains bénéficiaires de la CMUc ne sont pas affiliés à la CMU de base parce qu’ils ont des revenus d’activité ou des pensions de retraite qui les font relever d’un autre régime de base. Ceux-ci sont alors des assurés sociaux classiques, que rien ne distingue dans la masse de la population affiliée au régime général.

Une étude de la CNAMTS a montré que les pauvres souffraient de davantage de pathologies et de surmortalité que le reste de la population. Il est, en revanche, difficile de déterminer si c’est la pauvreté qui cause la maladie ou si c’est le contraire. Ces personnes sont davantage sujettes à l’alcoolisme, au tabagisme, à la mauvaise alimentation et vivent dans des conditions d’hygiène dégradées ; elles auraient donc particulièrement besoin de prévention, alors que leur situation les contraint souvent à être négligentes par rapport à leur santé. Des actions sont conduites : les centres d’examen de santé de la sécurité sociale accueillent ainsi 17 % de bénéficiaires de la CMU, qui ne représentent que 6 % à 7 % de la population totale.

Le coût moyen d’un bénéficiaire de la CMUc pour la CNAMTS est de 444 euros par an. Prenant en charge les personnes les plus malades qui ne sont pas couvertes par une mutuelle ni a fortiori par une compagnie d’assurances ou une institution de prévoyance, elle doit supporter une dépense supérieure à celle que doivent engager le régime social des indépendants (RSI) ou la Mutualité sociale agricole (MSA) pour leurs adhérents. Bien que le Fonds CMU reverse la totalité de ses excédents à la CNAMTS, cela ne suffit pas à couvrir le coût de la CMU qu’elle supporte. Les organismes offrant une complémentaire santé aimeraient récupérer une partie de ces excédents et tentent de faire adopter des dispositions législatives en ce sens, ce qu’elles ne sont, heureusement, pas parvenues à faire jusqu’à présent.

Les crédits alloués au Fonds CMU étaient inscrits, avant le vote de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), dans un chapitre budgétaire et bénéficiaient d’une subvention d’équilibre supérieure à 1 milliard d’euros. La direction du budget du ministère de l’économie et des finances n’a eu de cesse de vouloir diminuer les engagements de l’État. Ainsi, cette subvention a été réduite à due concurrence de l’augmentation progressive de la contribution des organismes de complémentaire santé, qui est passée de 1,75 % du chiffre d’affaires – ce qui générait un produit compris entre 150 et 200 millions d’euros – à 2,5 %, puis à 5,9 %. De 2009 à 2012, le Fonds CMU a même été exclusivement financé par la contribution des complémentaires santé. Le 1er janvier 2011, cette dernière, assise sur le chiffre d’affaires hors taxes des organismes complémentaires, est devenue une taxe dont le taux a été porté à 6,27 % TTC. J’ai regretté ce changement de dénomination, car la contribution marquait la participation de ces établissements à la solidarité qu’ils professent, alors que la taxe est d’une nature différente et a été, en outre, répercutée sur les cotisations des clients.

Un autre moyen utilisé par l’État pour diminuer son concours budgétaire – inscrit au programme 183 de la mission « Santé » – a été d’allouer au Fonds CMU une partie des taxes sur le tabac puis sur l’alcool ; lorsque le fonds est devenu trop excédentaire, cette source de financement – dont l’inconvénient principal réside dans la variabilité de son affectation – a été transférée à la CNAMTS. Lors de la discussion du projet de loi de financement pour 2013, la taxe sur les boissons sucrées devait en partie abonder le Fonds CMU, mais celle sur le tabac lui a été substituée par amendement. Son produit devrait s’élever à 360 millions d’euros.

Les organismes qui assurent la gestion de la CMU sont indemnisés par le Fonds CMU sur la base de 370 euros par bénéficiaire. Ce montant permettait à la MSA et aux autres organismes de complémentaire santé de ne pas perdre d’argent, au RSI d’en gagner, mais il engendrait un déficit de 74 euros par assuré pour le régime général. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 crée un dispositif complexe : il prévoit un remboursement au réel – et non plus forfaitaire – avec un plafond, fixé par décret, qui passera de 370 à 400 euros. Cela va occasionner pour le Fonds CMU un travail supplémentaire considérable puisqu’il va devoir vérifier les dépenses de 434 organismes complémentaires
– contre 12 actuellement –, sous peine d’encourir les critiques de la Cour des comptes. Or le fonds ne dispose que de 9,1 employés à temps plein et son budget annuel de fonctionnement est inférieur à 1 million d’euros. Pour l’ACS, le Fonds CMU verse une aide de 100 euros par an et par bénéficiaire pour les moins de 16 ans, de 200 euros pour les personnes âgées de 16 à 49 ans, de 350 euros pour celles entre 50 et 59 ans et de 500 euros pour celles de plus de 60 ans.

En ce qui concerne les personnes sans couverture complémentaire, il faut revenir à la définition de l’assurance, qui consiste à se prémunir contre un risque dont on serait incapable d’assumer les conséquences. Parmi ceux qui ne disposent pas de complémentaire santé – environ 7 % à 8 % de la population –, certains, en bonne santé ou croyant l’être, estiment ne pas en avoir besoin, d’autres pratiquent en quelque sorte une « auto-assurance » et beaucoup disent ne pas en avoir les moyens. Tous ces cas se retrouvent chez les jeunes, dont beaucoup sont par ailleurs des ayants droit de leurs parents.

Mme la directrice par intérim du Fonds CMU. Un jeune souhaitant bénéficier de la CMUc doit être autonome géographiquement, fiscalement et financièrement. Dans la plupart des cas, une de ces conditions n’est pas remplie ; la situation est alors évaluée à l’aune des ressources du foyer fiscal des parents qui sont souvent supérieures au plafond d’éligibilité de la CMUc.

M. le président d’honneur du Fonds CMU. Les formulaires de l’ACS ont été revus pour les rendre plus facilement utilisables. La déclaration des revenus constitue, certes, une source de complexité, mais elle constitue rarement la raison de l’absence de recours à la CMU. Ces revenus proviennent souvent de prestations sociales, voire d’emplois à temps partiel.

Mme la directrice par intérim du Fonds CMU. Le droit à la CMU de base est estimé sur le revenu fiscal de référence, alors que l’ensemble des ressources – qu’elles soient imposables ou non – perçues lors des douze derniers mois sert à déterminer l’éligibilité à la CMUc.

M. le président d’honneur du Fonds CMU. Je suis opposé à l’alignement du régime de la CMU complémentaire sur celui de la CMU de base, car le calcul sur les douze derniers mois permet d’être beaucoup plus proche de la situation actuelle du demandeur, le revenu fiscal pouvant refléter la situation vécue dix-huit ou vingt-quatre mois auparavant.

Lors du congrès de la Mutualité tenu à Nice du 18 au 20 octobre dernier, le Président de la République a affirmé que le débat sur la nature du rôle – commercial ou social – des complémentaires santé animera l’année 2013. Si une fonction sociale leur était principalement reconnue, les aides devraient être concentrées sur les premier et deuxième déciles de la population qui ont besoin d’une protection de base et d’une couverture complémentaire pour avoir accès aux soins. Ceux qui perçoivent l’ACS devraient pouvoir souscrire des contrats de catégorie C, et non plus seulement de catégorie D, ce qui pourrait être compensé par la signature de conventions de catégorie B pour ceux qui possèdent des engagements de catégorie A. Mais cette évolution sera difficile à mener, les enjeux financiers étant énormes, le chiffre d’affaires des organismes de complémentaire santé s’élevant à 31 milliards d’euros.

Le plafond et le panier de soins de la CMU devraient, par ailleurs, être redéfinis.

L’article 55 de la loi de financement pour 2012 prévoit la signature d’une convention entre l’État, le Fonds CMU et l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM). Les deux premiers acteurs souhaitent rédiger et mettre en œuvre ce texte, ce que refuse l’UNOCAM. Pourtant, cela permettrait de créer un label ACS qui offrirait aux bénéficiaires de cette aide la possibilité de souscrire un contrat peu cher et de bonne qualité. Quatre mutuelles importantes – Harmonie, Eovi, Apréva et ADREA – vont d’ailleurs proposer, à partir du 1er janvier prochain, un contrat spécifique pour les bénéficiaires de la CMU. Je me réjouis d’une telle initiative, que le Fonds CMU est disposé à accompagner.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les professionnels de santé devraient davantage participer à la circulation des informations. De même, les conseillers de Pôle emploi, voyant quelqu’un arriver à la fin de ses allocations chômage et devenir bénéficiaire de l’allocation de solidarité spécifique (ASS), pourraient alerter les caisses primaires d’assurance maladie, la CNAM afin que cette personne puisse bénéficier de la CMUc.

M. Gérard Bapt. Il est difficile de conclure un accord avec l’UNOCAM qui regroupe des mutuelles et des assurances dont la nature et les intérêts divergent.

L’initiative lancée par ces quatre mutuelles est intéressante. Une obligation d’offrir un tel produit pourrait être imposée à tous les organismes de complémentaire santé qui bénéficieraient, en contrepartie, d’un avantage fiscal.

Quel est l’intérêt du passage au système du remboursement fondé sur les frais réels ? Pourquoi n’avez-vous pas attiré notre attention sur ce changement, lors de la discussion du projet de loi de financement ? En tout état de cause, une indemnisation aux frais réels ne devrait pas permettre de donner suite à la requête des complémentaires santé qui souhaitent également bénéficier des reversements des réserves du Fonds CMU.

M. le président d’honneur du Fonds CMU. Si le coût supporté par l’organisme est supérieur à 400 euros, le remboursement par forfait prend le relais de celui aux frais réels. Sur les 422 organismes, environ 220 vont passer au système aux frais réels, alors que 200 vont rester au forfait.

Le Fonds CMU est régi à la fois par des lois de finances et par des lois de financement de la sécurité sociale. Le plafond de remboursement était fixé à 370 euros par une loi de finances, mais la loi de financement pour 2013 a prévu que son montant allait être porté à 400 euros par un décret. Elle a également supprimé la contribution d’équilibre de l’État au Fonds CMU. Elle s’élevait certes à zéro euro entre 2009 et 2012, mais elle constituait une sécurité à laquelle j’étais attaché ; son extinction conduit en outre à faire disparaître le fonds du programme 183 qui est consacré à la protection contre la maladie. Quant à l’affectation de la taxe sur le tabac, elle est prévue par la loi de finances initiale. Cette imbrication de textes rend le dispositif difficilement amendable. Sa simplification est très souhaitable.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Avez-vous été invités à la conférence sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion les 10 et 11 décembre prochains ?

M. le président d’honneur du Fonds CMU. Nous participons, depuis le mois de juillet dernier, aux groupes de travail organisant cet événement. Ce matin, Mme Verniolle et moi-même avons d’ailleurs rencontré Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, pour préparer les ateliers qui se dérouleront le lundi 10 décembre dans l’après-midi et le mardi 11 décembre au matin.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Au nom de la Commission, je vous remercie de votre intervention.

La séance est levée à dix-huit heures.

Présences en réunion

Réunion du mardi 4 décembre 2012 à 16 heures 30

Présents. – M. Gérard Bapt, Mme Véronique Besse, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Kheira Bouziane, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, M. Rémi Delatte, Mme Joëlle Huillier, M. Denis Jacquat, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Dominique Orliac, M. Christian Paul, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Olivier Véran

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, M. Guy Delcourt, M. Christian Hutin, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean-Sébastien Vialatte