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Commission des affaires sociales

Mercredi 30 janvier 2013

Séance de 9 heures 15

Compte rendu n° 35

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Examen, en application de l’article 88 du Règlement, des amendements déposés sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, dans le texte adopté par la commission (n° 650 annexe au rapport) (M. Jean-Louis Roumegas, rapporteur)

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Hubert Olivier, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP)

– Informations relatives à la Commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 30 janvier 2013

La séance est ouverte à neuf heures quinze.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission examine, en application de l’article 88 du Règlement, les amendements déposés sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, dans le texte adopté par la commission, déposés depuis sa réunion du 23 janvier 2013. Le tableau ci-dessous récapitule ses décisions :

Amendement

Auteur

Groupe

Sort art 88

3

M. HETZEL Patrick

UMP

Repoussé

4

M. HETZEL Patrick

UMP

Repoussé

5

M. HETZEL Patrick

UMP

Repoussé

6

M. HETZEL Patrick

UMP

Repoussé

7

M. HETZEL Patrick

UMP

Repoussé

8

M. HETZEL Patrick

UMP

Repoussé

9

M. HETZEL Patrick

UMP

Repoussé

10

M. HETZEL Patrick

UMP

Accepté

11

M. TARDY Lionel

UMP

Repoussé

12

M. BAPT Gérard

SRC

Accepté

13

M. BAPT Gérard

SRC

Accepté

14

M. ROBINET Arnaud

UMP

Repoussé

15

M. ROBINET Arnaud

UMP

Repoussé

16

M. ROBINET Arnaud

UMP

Repoussé

17

M. ROBINET Arnaud

UMP

Repoussé

18

M. ROBINET Arnaud

UMP

Repoussé

19

M. ROBINET Arnaud

UMP

Repoussé

20

M. ROBINET Arnaud

UMP

Accepté

21

M. ROBINET Arnaud

UMP

Repoussé

23

M. ACCOYER Bernard

UMP

Repoussé

24

Mme MASSONNEAU Véronique

Écolo

Accepté

25

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

26

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

27

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

28

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

29

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

30

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

31

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

32

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

33

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

34

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

35

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

36

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

37

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

38

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

39

M. ROUMEGAS Jean-Louis

Écolo

Accepté

Par ailleurs, la Commission a adopté trois nouveaux amendements du rapporteur de précision et d’harmonisation rédactionnelle.

——fpfp——

Puis la Commission entend M. Hubert Olivier, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique (CSRP).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous accueillons aujourd’hui M. Hubert Olivier, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique, accompagné de M. Joaquim-Fausto Ferreira et de M. Emmanuel Dechin, respectivement vice-président et secrétaire général de la chambre syndicale.

La répartition pharmaceutique est très méconnue, bien qu’elle constitue un maillon essentiel du circuit du médicament. C’est pourquoi j’ai souhaité organiser cette audition qui nous permettra de mieux comprendre le rôle de la répartition pharmaceutique dans le cadre de l’offre de soins sur notre territoire. Elle nous donnera également l’occasion d’évoquer quelques problèmes d’actualité comme les ruptures d’approvisionnement dont ont fait l’objet certains médicaments, en particulier les antirétroviraux utilisés pour le traitement des personnes atteintes du sida.

M. Hubert Olivier, président de la Chambre syndicale de la répartition pharmaceutique. Mesdames, messieurs, je vous remercie de nous accorder un peu de votre temps. Après vous avoir présenté le rôle de la répartition géographique, j’aborderai les problèmes d’approvisionnement avant de vous faire part de notre inquiétude face à de nouvelles problématiques auxquelles notre économie est confrontée.

La répartition pharmaceutique est un acteur relativement invisible mais pourtant indispensable en matière de santé publique puisque nos entreprises approvisionnent quotidiennement les 22 000 officines de notre pays.

Notre activité est étroitement encadrée, tant sur le plan pharmaceutique que sur le plan économique, et elle est soumise à des obligations de service public telles que surveiller la largeur et la profondeur du stock de médicaments disponibles, respecter des délais de livraison très courts – ils ne doivent pas excéder 24 heures – et assurer des services d’astreinte, notamment le week-end.

Notre modèle économique est celui de la péréquation, basée sur la totalité des médicaments que nous distribuons et qui sont pris en charge par l’assurance maladie. Mais ce modèle, s’il a bien fonctionné par le passé, ne fonctionne plus et fonctionnera encore moins bien demain.

Dans notre pays, la répartition est assurée par six grossistes-répartiteurs, quatre de niveau national et deux de niveau régional, regroupant 180 établissements. Le secteur emploie 12 000 collaborateurs et livre quotidiennement 11 000 médicaments et 20 000 autres produits de santé, essentiellement ceux que nous appelons les dispositifs médicaux. Ces chiffres illustrent la difficulté de notre mission : il s’agit finalement de distribuer, tous les jours, près de 30 000 références différentes vers 22 000 officines.

Nous distribuons chaque année plus de 2 milliards d’unités, ce qui correspond à 800 millions de lignes de commande, chacune portant sur deux ou trois boîtes de médicaments. Une telle excellence opérationnelle n’existe dans aucun autre domaine.

La répartition pharmaceutique fonctionne très bien dans notre pays puisque les officines ont accès aux produits dont elles ont besoin. Elle joue en outre un rôle financier en aidant les officines à préserver leurs fonds de roulement.

J’en viens aux ruptures d’approvisionnement, qui ont fait l’objet de nombreux débats et suscité de vives polémiques. En prenant mes fonctions de président de la chambre syndicale, il y a six mois, j’ai constaté que nous ne disposions pas de chiffres précis sur ce sujet. Or, si nous voulons apporter des solutions, nous devons connaître dans le détail la situation des patients en matière d’accès à leurs traitements, surtout s’il s’agit de traitements antiviraux ou de produits d’intérêt thérapeutique majeur.

Après un important travail de recherche, je suis en mesure de vous présenter quelques chiffres.

En amont, les quantités qui ne nous sont pas livrées représentent en moyenne 12 à 15 % des quantités commandées à l’industrie pharmaceutique.

En aval, sur les quantités de médicaments que nous livrons aux officines, le taux de produits manquants n’est que de 3 à 5 %. La répartition absorbe donc les deux tiers des médicaments manquants – c’est la raison même de notre existence. Sans la répartition pharmaceutique et les stocks dont nous disposons, les ruptures seraient donc trois fois plus élevées.

La durée moyenne des ruptures dues à l’industrie pharmaceutique est inférieure à quinze jours. Nos stocks nous permettant de faire face à la demande pendant cette période, nous avons donc la capacité d’absorber ces ruptures.

En revanche, un tiers des ruptures ont une durée supérieure à quinze jours – pour moitié une durée de trois à quatre semaines, et pour l’autre une durée supérieure à un mois. Puisque nous ne pouvons amortir une rupture d’une durée supérieure à deux semaines, les pharmaciens se trouvent alors en rupture de stock et les patients ne sont pas servis. Nous allons essayer de remédier à cette situation avec l’industrie pharmaceutique.

Nous avons, à la chambre syndicale, la volonté de trouver des solutions. Le décret du 28 septembre dernier, relatif à diverses pénalités financières encourues par des entreprises exploitant des médicaments, va dans le bon sens en renforçant l’obligation pour les laboratoires pharmaceutiques de livrer en priorité la répartition, et l’obligation pour la répartition de satisfaire en priorité les besoins du territoire national. Néanmoins, ce décret ne répond pas à toutes les situations, ce qui nous a amenés à formuler deux propositions.

Nous proposons tout d’abord de créer un comité de suivi de l’approvisionnement des officines. Cet observatoire, qui regrouperait les pouvoirs publics – par le biais de l’agence du médicament et du ministère de la santé –, les syndicats de pharmaciens, le LEEM, qui représente les entreprises du médicament, l’ordre des pharmaciens et la chambre syndicale, nous permettrait de partager les données, d’identifier les ruptures qui peuvent être amorties par la chaîne et celles qui ne peuvent pas l’être, de mesurer l’efficacité des mesures en place et, le cas échéant, de proposer des mesures nouvelles.

Le décret du 28 septembre met en place les centres d’appel. Gérés par les laboratoires pharmaceutiques, ils permettent aux pharmaciens d’officine ou à tout autre opérateur de signaler une rupture. C’est une mesure intéressante, mais on n’a jamais vu un centre d’appel organiser des livraisons… Il manque donc un élément au dispositif, c’est pourquoi nous proposons de mettre en place une procédure d’approvisionnement d’urgence. Celle-ci serait déclenchée au cas par cas par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et obligerait le laboratoire à regrouper les stocks sur les 26 établissements régionaux de la répartition. N’importe quelle officine qui passerait commande de tel ou tel médicament aurait la certitude d’être livrée dans un délai de 24 heures.

En ce qui concerne la situation économique de la chambre syndicale, je rappelle qu’un nouveau taux de marge a été fixé en janvier 2012, à hauteur de 6,68 % du prix fabriquant hors taxes, avec un montant minimal de 30 centimes d’euro et un montant maximal de 30 euros. La répartition coûte donc 3 % des dépenses dues aux médicaments remboursables, pris en charge par l’assurance maladie.

Notre souci vient de ce que, depuis dix ans, la marge dont nous disposons pour effectuer nos obligations de service public n’a cessé de baisser en valeur absolue. Et cette baisse s’est accrue en 2012 avec l’apparition de trois phénomènes : la baisse de 3,3 % du marché du médicament, l’impact de la nouvelle marge, moins dégressive mais aussi moins productive, et l’essor, depuis l’été dernier, du médicament générique. S’il faut s’en réjouir pour la collectivité, nous le déplorons en tant qu’acteurs de la chaîne de distribution car chaque livraison de médicaments génériques nous fait perdre de l’argent.

Nous sommes donc confrontés à une situation complexe, à laquelle il convient d’ajouter un dernier élément : les ventes directes, qui échappent à la répartition, représentent en France 37 %, soit plus d’un tiers, des volumes globaux. C’est une spécificité française, car dans les pays de l’Union européenne, les ventes directes représentent en moyenne entre 10 et 12 % des volumes – 15 % en Allemagne. En France, trois fois plus de produits pharmaceutiques sont livrés directement aux officines, ce qui réduit le périmètre sur lequel nous asseyons notre rémunération.

En 2012, la distribution d’une boîte de produits remboursables non génériques correspondait à un profit de l’ordre de 3 à 5 centimes d’euro, alors que chaque boîte de médicament générique entraînait une perte de 9 à 16 centimes. Si l’on prend en compte la péréquation assise sur l’ensemble des produits, le résultat est proche de zéro. Aujourd’hui, notre profession effectue donc ses obligations de service public sans gagner d’argent, ses ressources provenant uniquement de ses activités dans le domaine des produits non remboursables.

Compte tenu de l’évolution du marché attendue en 2013, à savoir un nouveau recul, et des prévisions que nous avons établies, nous savons qu’à partir de 2014, nous afficherons des pertes d’exploitation sur notre activité de service public et qu’à partir de 2015, en prenant en compte l’ensemble de nos activités, nous ne serons plus en mesure de générer un équilibre économique assurant la pérennité de nos entreprises. C’est sur ce point que je souhaite vous sensibiliser.

En résumé, le cœur de métier de la répartition n’est plus profitable, le financement collectif de son activité de service public ne suffit plus à assurer sa viabilité économique, la distribution des médicaments génériques pénalise fortement la répartition – nous ne nous opposons pas au générique, bien au contraire, mais notre modèle économique ne fonctionne pas sur la base de ces produits – enfin, la péréquation entre les produits rentables et les produits non rentables ne s’opère plus, les ventes directes concernant principalement les produits générant de fortes marges.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons bien compris vos difficultés, nées de votre obligation de service public et du changement de comportement des acteurs que sont l’industrie pharmaceutique et les pharmaciens d’officine.

Quand le Comité économique des produits de santé (CEPS) calcule le prix d’un médicament sur le marché, il intègre les trois acteurs que sont l’industrie pharmaceutique, la répartition et les pharmaciens d’officine. Lorsque ces derniers commandent directement au laboratoire, à qui profite la marge qui devrait logiquement vous revenir ?

Certains de vos établissements ont été accusés d’exporter des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Est-ce la vérité ? Si tel est le cas, le ménage a-t-il été fait dans ces établissements ? Ces pratiques ont-elles eu un impact sur la disponibilité des médicaments destinés aux patients de notre pays ?

Enfin, il semble qu’il suffise, pour les pharmaciens, de téléphoner à un numéro vert à 19 heures pour être livrés le lendemain dès l’ouverture de l’officine tandis que, dans le même temps, l’industrie pharmaceutique n’est pas en mesure de vous livrer tel ou tel médicament, parfois d’intérêt thérapeutique majeur. Quelle est la stratégie de l’industrie pharmaceutique ? Souhaite-t-elle votre disparition ?

M. Arnaud Robinet. Comment voyez-vous votre avenir et quelle est votre stratégie de développement ?

Quelles sont pour vous les menaces et les opportunités dues à la transformation de l’environnement concurrentiel – je pense au lien direct entre industrie pharmaceutique et pharmaciens d’officine ?

Quel est le rôle de la répartition face au développement des dépositaires pharmaceutiques, du réseau officinal, de la grande distribution spécialisée, de la vente sur internet ? Que pensez-vous des nouvelles missions rémunérées des pharmaciens ?

Nous ne saurions critiquer ici les médicaments génériques dans la mesure où ils permettent une diminution des dépenses de santé, mais nous reconnaissons leur impact sur vos marges et vos résultats financiers. Quelle est votre stratégie en la matière ?

M. Élie Aboud. Comment fonctionnent les remises dans l’industrie pharmaceutique ?

Concernant l’e-commerce, nous trouvons sur les réseaux sociaux des liens avec des sites pharmaceutiques qui n’ont pas forcément leur siège social en France. Comment lutter contre ce phénomène, contre la contrefaçon ?

Enfin, quel est l’intérêt pour un pharmacien d’avoir recours à votre structure ?

M. Christian Hutin. Le groupe OCP, que vous présidez, a deux sièges sociaux
– l’un à Saint-Ouen, l’autre à Monaco. Cette répartition vise-t-elle à alimenter les pharmacies de la principauté ou a-t-elle une justification fiscale ?

La vente sur internet des produits de parapharmacie va-t-elle pénaliser le répartiteur ?

Vous avez l’obligation légale de référencer 90 % des médicaments autorisés en France. 96 à 98 % d’entre eux étant disponibles dans vos entreprises, cela laisse supposer qu’entre 2 et 4 % de médicaments seraient manifestement inutiles puisqu’ils ne sont plus commandés. Cette situation exige un nouveau toilettage. Celui-ci est-il prévu ?

M. Gérard Cherpion. Nous connaissons désormais le fonctionnement de la distribution pharmaceutique et le rôle important que jouent les répartiteurs. Nous vous en remercions.

Lorsque les pharmaciens achètent directement des médicaments, la marge est captée par le laboratoire, ce qui crée une situation de concurrence déloyale. Vous avez évoqué le faible nombre de boîtes de médicaments par ligne de commande. Mais c’est indispensable pour répondre aux besoins du patient et aucune officine, quelle que soit sa taille, ne peut satisfaire une telle exigence.

Face aux problèmes de ruptures de stock, le répartiteur n’est pas seul en cause. Les laboratoires ont leur part de responsabilités, notamment en raison des difficultés d’approvisionnement en matières premières, dont la plupart viennent de pays extérieurs à l’Europe. Quel est l’impact de cet élément ? L’hôpital connaît également des ruptures de stocks, notamment de médicaments anti-cancéreux, pourtant le répartiteur n’est pas le fournisseur de l’hôpital.

Enfin, comment pourriez-vous intégrer la vente directe de médicaments ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous remercie, cher collègue, d’avoir précisé que les ruptures de stock dans le milieu hospitalier ne sont pas dues au répartiteur. Cela relève de la responsabilité d’un autre acteur.

M. Gérard Sébaoun. La répartition a-t-elle un rôle à jouer auprès des pharmacies en ligne ?

Puisque le développement du médicament générique supprime vos profits et remet en cause votre viabilité, ne faudrait-il pas assurer à votre activité une garantie de revenus ? Dans certains pays étrangers, ce sont 80 % de médicaments génériques qui sont délivrés. Quel est leur modèle économique ?

Mme Véronique Louwagie. Les ruptures sont-elles concentrées sur quelques produits, ou bien concernent-elles un nombre important de médicaments ?

Vous souhaitez la mise en place d’un nouveau dispositif d’urgence : s’agit-il d’une proposition nouvelle ? Quelles sont vos propositions pour que le service que vous rendez soit correctement rémunéré ?

Mme Ségolène Neuville. Quand il en va de la santé des patients, on ne peut pas raisonner uniquement, comme vous le faites, en termes de logique commerciale ! Comme médecin spécialisé dans le traitement des patients séropositifs, je sais combien les interruptions de traitement, ne serait-ce qu’une journée, sont graves : il faut alors changer de médicament. Or les ruptures d’approvisionnement sont fréquentes, notamment dans les zones rurales.

Vous remplissez une mission de service public, financée par de l’argent public. Il faut donc changer de mode de gouvernance et raisonner en termes d’accès aux soins pour les patients.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mais c’est justement ce que les entreprises de la répartition pharmaceutique essaient de faire, me semble-t-il.

M. Céleste Lett. La préparation des doses à administrer (PDA) permet de limiter le décalage – important – entre la quantité de médicaments prescrite et le nombre de médicaments facturés par l’officine. À l’étranger, certaines entreprises commencent à le proposer aux petites officines, qui ne peuvent pas l’organiser elles-mêmes, contrairement aux plus grandes qui proposent des piluliers. Votre chambre syndicale s’oppose à la mise en place de la PDA et au développement de ces entreprises. Quelle est votre position précise sur ce sujet ?

M. Michel Issindou. Vous formez, avec le réseau officinal et l’industrie pharmaceutique, un curieux ménage à trois, ce qui fonctionne rarement très bien.

Vous devez respecter des obligations fortes de service public, mais d’autre part la vente directe des laboratoires aux officines est autorisée : pensez-vous qu’il faille l’interdire ? Selon vous, que peut faire le législateur ?

Quant aux génériques, nous voulons continuer à développer leur usage : que proposez-vous pour éviter que ce développement ne pèse trop sur vos marges ?

Mme Isabelle Le Callennec. Pour retrouver des marges de manœuvre financières, il vous faut soit augmenter votre rémunération, soit diminuer vos charges – celles-ci ont dû augmenter, notamment pour les livraisons en zone rurale, avec la hausse du coût de l’essence. Avez-vous agi sur ce second point ? Quelles sont vos propositions sur la rémunération de votre activité ?

M. Michel Liebgott. N’y a-t-il pas là un simple problème de logique économique ? Il est sans doute beaucoup plus rentable pour les laboratoires de vendre en Allemagne, où les prix sont plus élevés. De même, les ruptures d’approvisionnement ont-elles une logique géographique, c’est-à-dire sans doute économique, puisqu’il est plus coûteux d’approvisionner, par exemple, les zones rurales ?

M. Bernard Accoyer. Le réseau des officines, déjà fragilisé, dépend beaucoup de la répartition pharmaceutique – secteur aujourd’hui menacé, qui a été beaucoup taxé par la droite comme par la gauche. Que faire aujourd’hui pour assurer votre avenir économique ?

M. Jean-Philippe Nilor. Outre-mer, les problèmes de rupture revêtent parfois un caractère tragique. Quelles dispositions prenez-vous pour les éviter ?

En Martinique, de nombreuses officines sont en redressement, voire en liquidation judiciaire ; la spécificité de la répartition pharmaceutique dans les territoires ultramarins joue-t-elle un rôle dans cette situation ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. S’agissant de la vente de médicaments par internet, je rappelle que nous avions l’obligation de transposer, avant la fin de l’année 2012, une directive européenne de juin 2011, qui l’autorise. Nous avons d’ailleurs encadré très strictement cette pratique.

M. le président de la chambre syndicale. Madame Neuville, vous abordez la question essentielle : l’accès aux soins de tous les patients.

Malgré notre décision, prise déjà depuis plusieurs années, de n’exporter aucun médicament antirétroviral, les ruptures continuent de se produire : les problèmes se situent donc en amont de la répartition. Si, aujourd’hui, des patients n’ont pas accès au traitement dont ils ont besoin, nous sommes les premiers à vouloir agir, mais la raison unique en est que ces médicaments ne sont pas mis à notre disposition. Un traitement peut ne pas être disponible du tout, et dans ce cas il faut s’adresser aux laboratoires pharmaceutiques. Si, à l’inverse, les médicaments sont bien disponibles, mais pas dans l’officine qui les demande, alors il faut se demander s’il est plus efficace de laisser le laboratoire organiser la répartition, ou s’il faut s’appuyer sur le réseau de la répartition pharmaceutique. Pour nous, si l’on ne s’appuie pas sur notre réseau, alors on risque effectivement des pénuries localisées.

Notre proposition de désigner vingt-six établissements « pivots » est nouvelle : concentrer les stocks, en spécialisant ces plates-formes, nous paraît une solution bien plus efficace qu’un centre d’appel, qui ne nous paraît pas une réponse adaptée. Avec ce système, chacune des 22 000 officines françaises pourrait, en quelques secondes, se connecter pour demander un médicament et être livrée en vingt-quatre heures.

Nous voulons en tout cas sortir du dialogue de sourds qui avait lieu avec l’industrie lorsque l’on nous a accusés de provoquer des ruptures d’approvisionnement, notamment en exportant.

Je veux souligner que le système de répartition pharmaceutique est globalement extrêmement efficace, malgré les problèmes ponctuels de ruptures d’approvisionnement, et malgré nos craintes pour la pérennité économique de nos entreprises.

Nous opérons dans un cadre très réglementé, et nous raisonnons bien suivant une logique de service public ; mais, nous avons également une logique commerciale, puisque nous sommes des entreprises privées qui doivent faire des profits, mais celle-ci s’applique au secteur over the counter.

Lorsque l’on nous a accusés d’exporter trop de produits, nous avons sans doute commis une erreur de communication en insistant sur le fait que nous avons parfaitement le droit d’exporter : nous avons alors été perçus comme prisonniers d’une pure logique commerciale. Cela ne correspond pas à la réalité. Nous répondons d’abord aux besoins des officines françaises, et n’exportons des médicaments que si nous avons des stocks résiduels ; de plus, je le répète, nous n’exportons aucun médicament antirétroviral ou plus généralement de médicament d’intérêt thérapeutique majeur.

Il faudrait évoquer ici la question du contingentement, qui joue un rôle dans les ruptures d’approvisionnement : les laboratoires nous livrent des quantités qu’ils décident eux-mêmes, selon des critères dont nous ignorons tout. C’est donc à eux qu’il faudrait poser la question : les quantités livrées sont-elles systématiquement adaptées aux besoins exprimés ?

Ce que vous avez appelé le « ménage à trois » entre l’industrie pharmaceutique, la répartition et les officines existe depuis toujours et fonctionne plutôt bien, même si cette chaîne pourrait fonctionner mieux encore avec un meilleur partage de l’information.

Il est vrai toutefois que l’ampleur des ventes directes, qui mettent effectivement en danger notre équilibre économique, est une anomalie française. Le réseau officinal trouve là un moyen d’améliorer ses marges, et donc de stabiliser sa situation économique. On constate, en effet, que la marge des officines stagne depuis 2005.

Celle de la répartition pharmaceutique, elle, chute depuis 2002. En 2012, notre marge était de l’ordre de 920 millions d’euros, soit son niveau, en valeur absolue, en 1997 ! Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour améliorer notre efficience – nous avons absorbé 40 % d’inflation avec des revenus en baisse – mais nous sommes au bout de ce processus.

Si nous voulons conserver l’excellent système qui est le nôtre, alors il faut agir, et en particulier réviser le calcul des marges : nous proposons de déconnecter partiellement notre rémunération de l’évolution du prix et de la valeur du médicament, en instaurant un forfait par boîte. C’est ce qui se passe en Allemagne, où il existe un forfait de 70 centimes sur chaque boîte vendue, auquel s’ajoute une marge supplémentaire de 3,36 % du prix du médicament. En France, notre marge moyenne par boîte n’est que de 60 centimes, c’est-à-dire sensiblement inférieure.

Si le secteur de la répartition devait connaître de grandes difficultés économiques, le réseau officinal pourrait se trouver déséquilibré, car nous portons leurs stocks et contribuons souvent à régler leurs problèmes à court terme de trésorerie. Je n’ai pas de chiffres qui montreraient une grande différence entre la situation outre-mer et la situation métropolitaine : les redressements judiciaires d’officines se comptent effectivement par centaines chaque année. Notre but n’est donc absolument pas de reconstituer nos marges aux dépens d’un réseau officinal dont les marges stagnent.

S’agissant de la préparation des doses à administrer, la chambre syndicale ne s’y est, à ma connaissance, jamais opposée ; en revanche, si elle devait être mise en place, nous souhaiterions y jouer un rôle. Toutefois, hormis dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), elle ne constitue pas aujourd’hui un sujet majeur, contrairement à ce qui se passe au Royaume-Uni où 80 % des patients atteints de maladies chroniques y ont recours.

Nous ne sommes pas certains que le commerce en ligne des médicaments constitue une bonne idée ; toutefois, c’est un sujet qui ne concerne pas directement la répartition pharmaceutique, mais plutôt les officines, puisque la législation française prévoit que toutes les ventes en ligne sont liées à une pharmacie physique. Je veux souligner que notre système est tout à fait sécurisé : aujourd’hui, la contrefaçon n’est en aucun cas pour nous un sujet de préoccupation. Il faut tout faire pour que cela continue.

Quant à l’OCP, je suis le président de son directoire, et puisque vous m’y invitez, j’ai le plaisir de souligner qu’il s’agit du premier acteur français sur le marché de la répartition pharmaceutique. Ne voyez dans notre siège monégasque aucune volonté d’évasion fiscale : cet établissement très important, qui fait, et depuis longtemps, un excellent travail, fournit les officines de Monaco, mais aussi des Alpes-Maritimes et du Var.

M. Bernard Accoyer. Qu’allez-vous faire pour ne pas être étranglés financièrement ?

M. le président de la chambre syndicale. De façon urgente, il y a le problème des génériques : nous ne voulons pas freiner leur développement, mais nous ne pouvons pas nous permettre de travailler à perte. Pour 2013, il nous faut donc trouver comment accroître la rémunération du répartiteur de 10 centimes par boîte de médicament, soit en tout 50 millions d’euros.

Pour sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons, nous devons ouvrir des discussions avec les pouvoirs publics pour en arriver à un nouveau calcul de nos marges.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je veux rappeler le rôle qu’a joué, à titre tout à fait gratuit, le secteur de la répartition pharmaceutique lors de la crise du virus de la grippe A (H1N1), au cours de laquelle nous avons mesuré son exceptionnelle réactivité ; de même, vous assurez le retour aux laboratoires des lots défectueux signalés par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Si ce secteur sombrait, cela ne servirait certainement pas les intérêts des patients !

La séance est levée à dix heures cinquante.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires sociales a désigné :

– Mme Dominique Orliac, rapporteure sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires (n° 473).

– Mme Ségolène Neuville, rapporteure sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale (sous réserve de sa transmission par le Sénat).

– M. Jean-Marc Germain, rapporteur sur le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi (sous réserve de son dépôt).

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 30 janvier 2013 à 9 heures 15

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, Mme Véronique Besse, M. Jean-Claude Bouchet, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, M. Rémi Delatte, M. Guy Delcourt, M. Dominique Dord, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, Mme Ségolène Neuville, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, Mme Barbara Romagnan, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer

Excusés. – Mme Marie-Françoise Clergeau, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Hervé Morin, Mme Monique Orphé, M. Fernand Siré, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean-Sébastien Vialatte