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Commission des affaires sociales

Mercredi 27 février 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 38

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Audition, ouverte à la presse, du docteur Michel Mallaret, président de l’Association française des centres régionaux de pharmacovigilance et directeur du centre régional de pharmacovigilance et d’information sur les médicaments de Grenoble, et du docteur Jean-Louis Montastruc, directeur du centre régional de Toulouse

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 27 février 2013

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission entend le docteur Michel Mallaret, président de l’Association française des centres régionaux de pharmacovigilance et directeur du centre régional de pharmacovigilance et d’information sur les médicaments de Grenoble, et le docteur Jean-Louis Montastruc, directeur du centre régional de Toulouse.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous avons eu hier après-midi un débat en séance publique sur la sécurité sanitaire du médicament, qui s’est tenu à la demande du groupe écologiste. Ce débat opportun a été riche et consensuel, chacun s’accordant sur la nécessité de placer le patient au centre des préoccupations. Comme la ministre de la santé hier, je me félicite qu’il ait été l’occasion de transcender les clivages partisans.

Nous restons aujourd’hui dans le même sujet puisque nous recevons le docteur Michel Mallaret, directeur du centre régional de pharmacovigilance (CRPV) de Grenoble, qui préside l’Association française des centres régionaux de pharmacovigilance, et le docteur Jean-Louis Montastruc, directeur du centre régional de pharmacovigilance de Toulouse.

Le docteur Montastruc m’a transmis un rapport intitulé « Pharmacovigilance : actualités et perspectives », qu’il a co-rédigé au nom de l’Académie nationale de médecine et à la relecture duquel le docteur Mallaret a participé. Ce rapport est en distribution dans la salle.

C’est dans un but avant tout pédagogique que j’ai souhaité organiser la présente audition, même si l’affaire des pilules contraceptives de troisième et quatrième génération et de l’anti-acnéique Diane 35 lui donne une actualité particulière.

Après avoir dressé un état des lieux de la pharmacovigilance, vous pourrez, messieurs, nous dire les améliorations nécessaires pour que le dispositif actuel soit à la fois plus réactif et plus efficace. Quelles sont ses perspectives d’évolution ? Les moyens des centres régionaux sont-ils suffisants ? J’ai l’impression de connaître déjà la réponse ! Vous nous exposerez également les difficultés de recrutement que vous rencontrez. Vous pourrez enfin nous faire part de l’expérience des pays voisins ou comparables au nôtre, et nous dire quelles leçons peuvent en être tirées.

M. le docteur Michel Mallaret, président de l’Association française des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) et directeur du centre régional de pharmacovigilance et d’information sur les médicaments de Grenoble. L’Association française des centres régionaux de pharmacovigilance, que j’ai l’honneur de présider, vise à promouvoir et améliorer la pharmacovigilance, ainsi qu’à mieux en faire connaître le dispositif.

Les effets indésirables des médicaments sont fréquents, responsables de 10 % des hospitalisations dans notre pays. Si certains de ces effets ne peuvent être prévenus, d’autres le peuvent, et c’est ce à quoi nous nous attachons. Les patients, aussi bien que les prescripteurs et les autres professionnels de santé doivent en être informés. Ces effets indésirables doivent être évalués – c’est le rôle des centres régionaux. Ils doivent être prévenus au maximum, en recourant si besoin à des dispositions réglementaires – c’est le rôle des autorités sanitaires.

On compte 31 centres régionaux de pharmacovigilance répartis sur l’ensemble du territoire, ancrés dans les centres hospitaliers universitaires (CHU), ce qui facilite leur recueil des informations nécessaires qui proviennent aussi des cabinets des médecins libéraux. Y travaillent des spécialistes du médicament, médecins et pharmaciens, pour l’essentiel pharmacologues proches de la pratique clinique. Ces centres fonctionnent en réseau, complémentaires les uns des autres pour faire remonter les alertes, parfois très ténues au départ et qui ne prennent sens qu’une fois agrégées. Ils travaillent en lien étroit avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l’Agence européenne du médicament (EMA, European Medicines Agency).

Ils ont la préoccupation constante d’améliorer la sécurité du médicament et les rouages de la pharmacovigilance. Cela exige un travail incessant de relais auprès des professionnels de santé. Pour ce faire, des compétences spécifiques sont nécessaires – que nous recherchons en permanence –, de façon à repérer les signaux d’alerte pertinents et à pouvoir stopper très rapidement la commercialisation d’un médicament en cas d’effets indésirables graves.

M. le docteur Jean-Louis Montastruc, directeur du centre régional de pharmacovigilance de Toulouse. Je représente également ici la Société française de pharmacologie et de thérapeutique, dont je suis le correspondant « pharmacovigilance ».

Comme l’a rappelé le docteur Mallaret, les effets indésirables des médicaments sont une pathologie extrêmement fréquente. Ils sont même responsables du plus grand nombre d’hospitalisations chaque année dans notre pays, 150 000  leur étant imputables. Plus de patients entrent à l’hôpital victimes d’effets indésirables médicamenteux que d’infarctus, de maladie d’Alzheimer ou d’autres maladies pourtant plus souvent citées dans les médias.

Le dispositif de pharmacovigilance repose en France sur un maillage régional – cette organisation a d’ailleurs été copiée dans beaucoup de pays. Les centres régionaux ont ainsi une triple mission.

Tout d’abord, détecter les signaux d’alerte. Ce n’est pas chose facile, comme on l’a encore vu récemment : pour passer d’une rumeur à un fait établi, il faut du temps. Cette détection repose sur les notifications spontanées, c’est-à-dire les déclarations effectuées par les professionnels de santé mais aussi désormais, je m’en réjouis, par les patients eux-mêmes. Les médecins et pharmaciens des centres régionaux travaillent à établir le lien causal entre les effets rapportés et le médicament incriminé. Ce maillage régional, garant de proximité, doit impérativement être préservé. Il ne suffit pas, comme l’ont prétendu certains grands professeurs parisiens retraités, « d’appuyer sur un bouton pour recevoir les signaux ». Il faut être au contact des médecins et des patients pour les repérer.

La deuxième mission des centres régionaux est d’évaluer et de quantifier les effets indésirables. La pharmaco-épidémiologie est aussi une dimension nouvelle de leur activité.

Leur troisième mission est d’assurer l’information tant des patients que des médecins, au plus près du terrain. À soi seul, cela justifierait leur maillage régional.

Un mot maintenant des pilules de troisième et quatrième génération. Contrairement à ce qui a été allégué, les événements rapportés les concernant ne témoignent nullement d’un dysfonctionnement de notre dispositif de pharmacovigilance car le signal d’alerte pour les contraceptifs oraux était connu, depuis 1995 au moins – je me souviens de réunions sur le sujet à l’Agence européenne du médicament voici plus de vingt ans. Ils révèlent en revanche une double lacune dans la sécurité sanitaire du médicament en France.

Première de ces lacunes : l’absence de structure d’information indépendante sur le médicament. Il y a certes les communiqués de l’ANSM, les bulletins des centres régionaux de pharmacovigilance, les articles de la revue Prescrire mais tout cela est, hélas, inaudible, noyé dans le bruit de fond émis par la toute-puissante industrie pharmaceutique dont l’information sur le rapport bénéfices-risques des médicaments est à tout le moins partiale. Il faudrait que les dispositions relatives à la visite médicale hospitalière de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament entrent en vigueur sans tarder. Bien qu’elles constituent une réelle avancée, elles ne sont encore appliquées dans aucun CHU.

Deuxième lacune : le développement des prescriptions hors autorisation de mise sur le marché (hors AMM), comme cela a été le cas pour le Mediator mais aussi l’anti-acnéique Diane 35. Les caisses régionales et la caisse nationale d’assurance maladie devraient travailler en partenariat avec l’ANSM et les centres régionaux de pharmacovigilance pour détecter ces prescriptions « hors AMM ». Il faudrait ensuite enseigner aux étudiants en médecine et rappeler aux médecins en exercice que la prescription hors AMM  peut être dangereuse pour le patient – en psychiatrie, la moitié des prescriptions se ferait hors AMM ! Parallèlement, l’ANSM et l’agence européenne devraient se saisir du problème et délivrer une nouvelle autorisation de mise sur le marché quand cela se justifie.

Seuls 5 % à 10 % des événements indésirables liés aux médicaments seraient notifiés, alors même que les professionnels ont l’obligation de les déclarer aux centres régionaux de pharmacovigilance. Il est certes tenu compte de cette sous-notification dans les évaluations, mais la situation ne peut perdurer. Il faut de façon volontariste sensibiliser les professionnels à l’obligation de notification. Au-delà du rappel de la loi, il conviendrait de développer, à l’instar du Pharmacopôle Midi-Pyrénées qui sera prochainement mis en place, des réseaux d’attachés de recherche clinique (ARC) afin de recueillir les effets indésirables dans les hôpitaux et les cabinets libéraux. Des gratifications devraient sans doute être prévues et l’obligation de notification incluse parmi les critères retenus pour la certification.

L’objectif est d’éradiquer la sous-notification, notamment pour les médicaments récents et les effets indésirables graves. Il est facile de critiquer les instances de pharmacovigilance mais si les effets indésirables ne sont pas déclarés, comment pourraient-elles les inventer ? Les professionnels de santé et les patients doivent être nos partenaires.

Mme la présidente Catherine Lemorton. À vous écouter, chacun aura compris que lorsqu’on a reçu vos enseignements à Toulouse, on veille à l’indépendance vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique.

Lors du débat d’hier, la ministre de la santé a parlé de « pharmacosurveillance ». Je ne vois pas bien la différence avec la pharmacovigilance. Ce changement de vocabulaire a-t-il une importance ?

Quel rôle peuvent jouer les centres régionaux de pharmacovigilance dans la pharmaco-épidémiologie ?

On observe à la fois une sous-notification chronique des effets indésirables et des surdéclarations épisodiques après la survenue d’un scandale ou l’apparition de doutes sur un produit. Comment remédier à la première et éviter les secondes ?

Que pensez-vous de la possibilité nouvellement offerte aux patients de déclarer eux-mêmes les effets indésirables dont ils ont pu être victimes, sans passer par le filtre d’un professionnel de santé ? Comment sont traitées ces déclarations ? Comment s’assure-t-on dans les centres régionaux de pharmacovigilance que le lien fait entre la prise d’un médicament et un effet observé est pertinent ?

Une base de données publique sur le médicament devrait être mise en ligne au second semestre 2013. Vous sera-t-elle utile ? En tout cas, cela devrait permettre de limiter la diffusion d’informations non contrôlées sur les médicaments.

Les propositions relatives à la visite médicale hospitalière prévues dans la loi de décembre 2011 n’ont pas été mises en œuvre. La dernière loi de financement de la sécurité sociale avait prévu de généraliser définitivement la visite médicale collective à l’hôpital. Le Conseil constitutionnel a, hélas, jugé que ces dispositions constituaient un cavalier. Une évaluation de la loi de décembre 2011 sera bientôt lancée pour voir où en sont les décrets d’application.

Près de 150 000 hospitalisations par an seraient liées à un effet indésirable médicamenteux. Les tentatives de suicide par absorption de médicaments sont-elles comptabilisées dans ce total, comme le prétend l’industrie pharmaceutique ? Si oui, quelle part représentent-elles ?

M. Jean-Louis Touraine. Le débat d’hier en séance publique a donné l’occasion de rappeler certaines défaillances de notre dispositif de sécurité sanitaire du médicament qui se sont manifestées par le passé, aussi bien au niveau des centres régionaux de pharmacovigilance avec une sous-notification des effets indésirables qu’au niveau central de l’ex-AFSSAPS, et qui perdurent ; les conflits d’intérêts qui ont parfois été mis au jour ; le manque d’objectivité des informations sur le médicament délivrées par les firmes tant aux médecins qu’au public. De ces défaillances a résulté une perte de confiance chez nos concitoyens, qui s’est encore accentuée ces deux dernières années.

Ce débat a aussi été l’occasion de rappeler les lenteurs inexcusables qui ont précédé le retrait de certains produits du marché, alors même que s’étaient accumulées, tant en France qu’à l’étranger, les descriptions d’effets indésirables graves. La rapidité avec laquelle ont été prises les décisions concernant Diane 35 et les pilules de troisième génération tranche. Par le passé, il avait fallu des années, parfois des décennies, avant que certains médicaments cessent d’être commercialisés : nous avons tous en mémoire la sinistre affaire du Distilbène.

La ministre de la santé l’a dit : l’objectif est de mieux alerter sans alarmer. Certains de nos collègues ont, hélas, davantage alarmé qu’alerté avec leurs ouvrages qui ont pu conduire des patients à arrêter des traitements indispensables. Nul ne songe ici à nier les bienfaits des médicaments ni des vaccins. Nous ne remettons pas en cause le médicament, nous cherchons seulement à ce qu’il en soit fait un meilleur usage.

Pour assurer une parfaite pharmacovigilance, la première difficulté est d’ordre technique et organisationnel. Mais il en est une autre, très importante bien que moins souvent évoquée, qui est culturelle. La plupart des généralistes, desquels émane la majorité des prescriptions parce que ce sont en eux que les patients ont le plus confiance, sont formés à une excellente médecine de soins mais dans le cadre exclusif du colloque singulier entre le médecin et son malade. Ni au cours de leur formation initiale ni au cours de leur formation continue, ils ne sont incités à participer activement, dans le cadre de leur pratique quotidienne, à des actions de santé publique ou de recherche. La formation par la recherche, que vantait M. Philippe Lazar, ancien directeur général de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), est restée un vœu pieux. La plupart des médecins ne considèrent pas qu’il est de leur devoir non seulement de bien soigner les malades actuels mais aussi de contribuer à la collecte et l’analyse d’informations utiles pour mieux soigner dans le futur. Cela explique qu’ils ne rapportent pas de manière systématique toutes les informations susceptibles d’améliorer la prise en charge ultérieure des malades, notamment les effets indésirables des médicaments. Cette attitude doit changer car c’est une fois qu’elles sont colligées et analysées que des données initialement parcellaires finissent par constituer un corpus permettant de faire évoluer les règles de prescription d’un médicament.

Réticents à évoquer pendant leurs consultations les potentiels effets adverses des médicaments qu’ils prescrivent, nos médecins ont tendance, sous la pression souvent des patients eux-mêmes, à surprescrire alors que dans beaucoup de cas, il existe une alternative. Ces surprescriptions multiplient les risques d’effets iatrogènes – quatrième cause de décès dans les pays développés, ce qui n’est pas acceptable. Nous l’avions constaté lors de la mission d’information sur le Mediator : d’une manière générale, les connaissances des praticiens en pharmacologie sont très insuffisantes et les rapports de pharmacovigilance indigents.

Pouvez-vous, messieurs, nous en dire davantage sur l’évolution du fonctionnement des centres régionaux de pharmacovigilance, la sous-notification des effets indésirables, la transparence de l’information sur le médicament, l’articulation entre la pharmacovigilance française et la pharmacovigilance européenne ?

Mme Bérengère Poletti. La sécurité du médicament préoccupe nos concitoyens. Diverses affaires dans l’actualité comme les publications de certains auteurs qui ont fait du sujet leur fonds de commerce avivent leurs inquiétudes.

J’aborderai plus particulièrement le problème des oestro-progestatifs que je suis depuis longtemps. C’est à l’occasion de mon rapport en 2011 sur l’accès anonyme et gratuit des mineures à la contraception orale, que j’ai appris que les pilules de troisième et quatrième génération pouvaient présenter des risques graves pour certaines jeunes filles et que des accidents sérieux pouvaient survenir dès la première prescription, sans que rien ne l’ait laissé présager. Or, la pilule n’est pas un médicament destiné à traiter une maladie. On la prend alors qu’on est jeune, parfois très jeune, et en bonne santé, pour éviter une grossesse non désirée. Plusieurs des gynécologues, connus, que j’ai interrogés à l’occasion de ce rapport écartaient d’un revers de main ces risques, faisant valoir que l’essentiel était que les mineures aient facilement accès à la contraception. J’ai également été sidérée par les réponses que m’ont faites presque tous les généralistes que j’ai interrogés par la suite lors de l’affaire Diane 35. Alors que tout militait, à mon sens, pour son retrait rapide du marché, ils pensaient, eux, que certes Diane 35, comme tout médicament, comportait un risque en soi, mais que celui-ci était somme toute faible et les accidents au final rares, si bien qu’il n’était pas illégitime de la prescrire, fût-ce à de très jeunes filles. Nos généralistes sont-ils assez formés à la pharmacovigilance ? Comment les convaincre que rien n’oblige à accepter un risque, surtout lorsqu’il s’agit d’un médicament prescrit à des personnes en bonne santé ?

Le cas de Diane 35, comme celui du Mediator, pose le problème des prescriptions hors autorisation de mise sur le marché puisque ces deux produits étaient le plus souvent prescrits hors AMM. Sur le même sujet, où en est-on pour le Cytotec et la molécule de baclofène ?

M. Jean-Louis Roumegas. Au-delà de la question des effets indésirables des médicaments, que pensez-vous de la surconsommation médicamenteuse dans notre pays ? Comment expliquer que la consommation de médicaments soit bien moindre dans des pays comparables au nôtre, où l’état de santé de la population n’est ni meilleur – ni pire d’ailleurs ? Ne peut-on pas parler d’addiction aux médicaments en France ?

Vous luttez avec les faibles moyens qui vous sont alloués contre la logique mercantile de la puissante industrie du médicament. Comment contrer ses messages qui brouillent, et même parfois contredisent, les vôtres ? Comment résoudre les conflits d’intérêts qui ont parfois été mis au jour ?

Qui finance la recherche et définit ses priorités ? La recherche pharmaceutique est-elle guidée par des préoccupations de santé publique ou asservie à la recherche de dividendes toujours plus élevés au profit des actionnaires ?

Dans la mesure où inéluctablement une logique commerciale perdurera, ne faudrait-il pas renforcer l’arsenal répressif existant ? Il serait notamment nécessaire de mieux définir les responsabilités respectives des industriels et des prescripteurs en cas de problème lié au mésusage du médicament. Il semble qu’elles l’aient été dans d’autres pays. Enfin, les dotations de notre justice en matière de santé publique sont-elles suffisantes ? On peut en douter quand on connaît les faibles moyens du pôle de santé publique du Tribunal de grande instance de Paris, dont l’avenir est d’ailleurs incertain, la magistrate à sa tête risquant de quitter ses fonctions sans avoir été remplacée.

M. Gérard Bapt. Que penseriez-vous de la mise en place d’un réseau Sentinelles autour des centres régionaux de pharmacovigilance, de façon à améliorer la liaison avec les médecins libéraux, comme il en existe un pour la surveillance des épidémies de grippe ?

Comment expliquer que sur une classe thérapeutique comme les oestro-progestatifs pour laquelle le risque était connu, aucun centre régional n’ait été spécifiquement chargé par l’ANSM de surveiller l’évolution des prescriptions – elles ont explosé ces dernières années pour les pilules de troisième et quatrième génération – et des accidents éventuels ?

Qu’en est-il des moyens supplémentaires qui devaient être alloués aux centres régionaux de pharmacovigilance pour conduire des études pharmaco-épidémiologiques, conformément à la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament ?

Les centres semblent avoir du mal à accéder aux données du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), du fait des réticences des directions d’établissement ou des responsables des départements de l’information médicale (DIM). Qu’en est-il ? Le Système national d’informations inter-régimes de l’assurance maladie (SNIIR-AM) constituerait de même une base de données incomparable pour les études pharmaco-épidémiologiques.

« L’Académie nationale de médecine juge capital le développement de l’approche pharmacogénétique et pharmacogénomique en pharmacovigilance », écrivez-vous dans votre rapport. S’agissant des accidents survenus avec les pilules contraceptives, on sait désormais que chez 8 % à 10 % des femmes, certaines mutations génétiques, notamment celle du facteur V dit de Leiden, entraînent une hypercoagulabilité. La présence de cette mutation n’est que rarement recherchée, alors même que le test ne coûte que 80 euros. Vu le coût considérable des accidents iatrogènes pour l’assurance maladie, ne serait-il pas justifié que ce test fasse partie du bilan préalable avant la première prescription d’une contraception orale ou du suivi d’une grossesse ? Certains font valoir qu’il y a moins de thromboses chez les femmes sous pilule que chez les femmes enceintes. Mais s’est-on demandé si les femmes victimes d’un accident thrombotique durant leur grossesse ne présentent pas elles aussi une mutation du facteur V ?

M. Élie Aboud. Les effets indésirables des médicaments constituent un fléau sanitaire. On ne peut, hélas, quantifier que leur mortalité et non leur morbidité. Ils constituent aujourd’hui la quatrième cause de décès après les cancers, les maladies cardio-vasculaires et les maladies neurologiques.

Nous avons bien compris le souhait de maillage territorial qui est celui des centres régionaux de pharmacovigilance. Mais quels liens entretiennent-ils avec l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), la Haute Autorité de santé (HAS) et l’Agence européenne du médicament (EMA) ? Plus de clarté serait nécessaire.

La formation et l’information des professions médicales et paramédicales sur la pharmacovigilance sont très insuffisantes.

Que faudrait-il faire pour simplifier les déclarations d’effets indésirables ? Leur lourdeur rebute aujourd’hui les médecins, qui se plaignent de crouler sous les paperasses administratives ?

Les associations paramédicales et les associations agréées de patients ont un rôle essentiel à jouer en matière de pharmacovigilance. La ministre nous a dit hier partager cet avis, je m’en réjouis. Pour ce qui est de la possibilité, nouvelle, pour les patients de déclarer eux-mêmes des effets indésirables sans passer par un professionnel de santé, j’ai eu l’occasion de faire part de mes inquiétudes lors de l’examen de la proposition de loi relative aux lanceurs d’alerte. Je constate aujourd’hui qu’elles rejoignent celles de notre présidente.

M. Gérard Sébaoun. L’information sur le médicament s’est longtemps limitée à une « publi-information » effectuée au travers de la visite médicale qui en avait le monopole, et de publications étroitement liées à l’industrie pharmaceutique, à la seule exception, notable, de la revue Prescrire. Et force est de constater que même à l’heure d’Internet, peu de choses ont changé ! Il est toujours difficile pour les médecins d’accéder à une information et une formation indépendantes. Comment y remédier ? Enfin, en présence d’un effet indésirable, ils ont longtemps eu tendance à s’adresser non pas au centre régional de pharmacovigilance mais au laboratoire fabricant, au risque d’obtenir une information par nature partiale. Comment éviter qu’ils ne se tournent ainsi vers les laboratoires ?

M. Jean-Pierre Barbier. N’oublions jamais qu’un médicament est destiné à soigner et qu’en tant que tel, il comporte un risque. Il n’est mis sur le marché qu’après obtention d’une autorisation, processus long et très encadré par les pouvoirs publics. Il est légitime de chercher à ce que les prescriptions ne s’écartent pas de cette autorisation. Mais il arrive que certains effets secondaires se révèlent thérapeutiques. L’un des plus connus est l’effet myorelaxant des benzodiazépines, désormais largement prescrites à cette fin. À trop encadrer, ne risque-t-on pas de se priver d’outils utiles dans l’arsenal thérapeutique ?

Les médecins ont l’obligation de notifier les effets indésirables aux centres régionaux de pharmacovigilance. Mais ceux-ci ne devraient-ils pas, en retour, mieux faire redescendre l’information auprès de tous les professionnels de santé ? Cela motiverait les praticiens à déclarer. Cela éviterait aussi qu’ils ne se sentent court-circuités, ce qui est le cas lorsque comme souvent, sous la pression des médias, on passe de toute absence antérieure de signalement à une alerte maximale.

Mme la présidente Catherine Lemorton. En Haute-Garonne, nous pouvons nous appuyer sur les bulletins d’informations de pharmacologie (BIP 31), publiés par le centre régional de pharmacovigilance et la faculté de médecine de Toulouse, aujourd’hui consultables sur le site BIP31.fr.

M. Olivier Veran. Les « affaires » liées au médicament se sont multipliées ces dernières années. La plus récente concerne les oestro-progestatifs. Il faut distinguer deux problèmes, celui d’un mésusage du médicament comme dans le cas du Mediator et celui de la survenue d’effets indésirables qui pousse à réévaluer l’intérêt d’un produit. Sachant que tout médicament présente une balance bénéfices-risques, quand considère-t-on que les premiers l’emportent sur les seconds ? Quels indicateurs retenir ?

Vous proposez divers remèdes pour pallier au déficit d’information indépendante des prescripteurs, éviter la multiplication des prescriptions hors AMM – cela passe par un contrôle renforcé – et en finir avec la sous-notification des effets indésirables graves.

Les patients sont aujourd’hui inquiets. Ils craignent notamment de courir un nouveau risque à chaque nouvelle ordonnance. Ils ont de moins en moins confiance dans l’industrie pharmaceutique – c’est là un euphémisme. Mais le corps médical lui aussi s’inquiète. Il est indispensable que la puissance publique intervienne pour restaurer la confiance, chez les usagers comme chez les médecins. À défaut, des malades risquent d’interrompre leur traitement, avec des conséquences sanitaires qui ne tarderont pas. La puissance publique doit également assurer plus de démocratie sanitaire, cela va de pair avec la confiance.

Pharmacovigilance, auto-médication, surtout à l’heure où les médicaments commencent de se vendre sur Internet, information des usagers, autant d’enjeux pour un vaste programme d’éducation à la santé, qui figure en bonne place dans la Stratégie nationale de santé. L’objectif, une fois encore, est de partir du patient et de construire avec lui. Il faut repenser la relation médecin-malade, améliorer l’information et mieux évaluer les pratiques.

M. Jean-Pierre Door. Je suis heureux que nous puissions vous auditionner aujourd’hui, monsieur Montastruc. J’avais apprécié nos rencontres lors de la mission d’information sur le Mediator et la pharmacovigilance, qui était présidé par notre collègue Gérard Bapt et dont j’étais le rapporteur. J’avais retenu dans mon rapport beaucoup de vos observations et propositions.

Si comme aux Etats-Unis, au Canada ou au Royaume-Uni, il était possible de s’appuyer sur une large base de données informatique, il serait plus facile de conduire des études post-AMM. Pourquoi n’a-t-on pas accès aux données du SNIIR-AM, comme beaucoup le réclament depuis longtemps ?

La vente de médicaments sur Internet, qui vient d’être autorisée, représente un danger considérable. Les produits vendus en ligne échapperont à toute traçabilité et à tout suivi de pharmacovigilance, sans parler des risques que peut faire courir leur falsification – selon la FDA (Food and Drug Administration) américaine, 80 % des médicaments vendus sur Internet seraient falsifiés. Que pensez-vous de cette nouvelle pratique ? Ne va-t-elle pas favoriser l’apparition d’apprentis sorciers ?

De quels moyens humains et financiers dispose exactement le réseau des 31 centres régionaux de pharmacovigilance ? Vous souhaiteriez qu’ils soient plus importants. Notre commission pourrait appuyer vos demandes auprès du ministère.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. J’aborderai le sujet des statines, dont certains remettent aujourd’hui en question l’utilité dans le traitement du cholestérol et la prévention des accidents cardio-vasculaires. Les informations livrées ici et là jettent le trouble chez les patients, qui ne s’y retrouvent pas. Que faire pour qu’à la fois les professionnels et les patients y voient plus clair ?

Mme Véronique Besse. À compter du 1er mars 2013, tous les médicaments sans ordonnance pourront être vendus sur Internet, suite à la décision rendue par le juge des référés du Conseil d’État le 14 février dernier. La présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, Mme Adenot, a jugé « préoccupante » cette décision et pointé les risques qui pouvaient en résulter – surconsommation, manque de confidentialité pour les données de santé, absence de conseil pharmaceutique, falsification… Que pensez-vous de la décision du Conseil d’État ?

Mme Gisèle Biémouret. Les publicités télévisées pour des produits de santé censés être des médicaments fleurissent, mais s’agit-il vraiment de médicaments ? Chacun est au fait du lobbying qu’exerce une enseigne de la grande distribution pour obtenir le droit de vendre des médicaments. Mais le médicament peut-il être tenu pour un produit de consommation comme un autre ?

M. Jean-Sébastien Vialatte. Beaucoup a déjà été dit sur le rapport bénéfice-risque des médicaments. Le docteur Montastruc nous a brossé un tableau si préoccupant qu’on se demande s’il y a encore un bénéfice global à en prendre !

Quels pourraient être le rôle et la place des pharmaciens d’officine en matière de pharmacovigilance ?

On sait aujourd’hui que certaines caractéristiques génétiques entravent ou au contraire accélèrent le métabolisme des médicaments. Avant de prescrire certains médicaments puissants, ne serait-il pas opportun d’établir la « carte d’identité » génétique des patients concernés au regard de ce métabolisme ?

Telle qu’organisée aujourd’hui, la pharmacovigilance s’appuie sur des statistiques. Il est facile de mettre en évidence des accidents thérapeutiques dans le cas de blockbusters administrés à des millions d’individus. Comment fera-t-on demain avec les médicaments de niche, pris chacun par un très petit nombre de patients ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les médecins, les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les pharmaciens ont désormais l’obligation de notifier tous les effets indésirables médicamenteux suspects, les autres professionnels de santé en ayant, eux, comme les patients et les associations agréées de patients, la possibilité.

M. Michel Issindou. Depuis quelque temps, notamment la douloureuse affaire du Mediator, les bienfaits des médicaments sont contestés dans notre pays. Il ne se passe pas de semaine sans qu’une nouvelle molécule ne soit mise en cause, quand ce n’est pas un ouvrage qui déclare inutile rien moins que la moitié de la pharmacopée ! Tout cela instille le doute chez nos concitoyens et suscite leur défiance, au risque que chacun ne s’improvise son propre médecin, décidant de ne pas ou plus se soigner, ou bien de le faire sur Internet, voire de recourir à des moyens plus ésotériques encore. Les statines font aujourd’hui l’objet d’une polémique. Le trouble suscité dans l’opinion peut entraîner des comportements sanitaires désordonnés, gros de dangers. Le médicament n’est certes pas exempt de tout risque mais est-il raisonnable de le condamner de façon générale au motif qu’il existe des effets indésirables ?

M. Rémi Delatte. A-t-on évalué les alertes lancées par les patients eux-mêmes ? Trop de notifications ne tuent-elles pas la notification ? N’est-ce pas un motif de désengagement des praticiens ?

M. Christian Hutin. Continuant d’exercer la médecine générale une matinée par semaine dans une zone urbaine sensible, je constate un gouffre entre l’exercice quotidien de la médecine et ce que devrait être la pharmacovigilance dans un monde parfait, comme nous le décrivons dans nos débats en commission. Ma formation médicale date d’il y a trente ans : j’ai donc connu les « formations labos » et l’époque où l’information médicale était exclusivement délivrée par les visiteurs médicaux. Ce temps est fini. Les généralistes n’ont de toute façon plus le temps de les recevoir. Compte tenu du volume de travail résultant du manque de médecins, leur souci premier aujourd’hui n’est pas leurs revenus mais de boucler leur journée avant neuf heures du soir et de préserver un minimum de temps pour leur vie personnelle. Aujourd’hui, l’information émane le plus souvent de l’assurance maladie qui écrit pour signaler que tel médicament ne doit plus être prescrit. Les généralistes n’ont pas non plus le temps de se former et la formation médicale continue n’est de toute façon pas sérieusement assurée. Les patients, « pollués » par les informations qu’ils ont pu lire en ligne, dans certains magazines de santé ou certains ouvrages, sont à la fois exigeants et inquiets. Face à son malade, le médecin est souvent confronté à un dilemme. Soit le médicament qui lui conviendrait n’est plus remboursé et dans une ville comme la mienne, il essaie d’en trouver un qui soit à peu près équivalent et surtout remboursé, quitte à ne pas prescrire exactement selon la norme. Mais à défaut, le malade ne se soignera pas, et ce sera pire. J’ai entendu ce matin un gynécologue expliquer à la radio que s’il ne pouvait plus prescrire de Cytotec, il ne savait pas ce qu’il ferait !

M. Fernand Siré. Que peut faire aujourd’hui un généraliste ou un dermatologue devant une jeune fille atteinte d’une grave acné chéloïdienne ? Qu’a-t-il à sa disposition ? De simples désinfectants locaux, des cyclines, la Diane 35 et le Roaccutane. Doit-il prescrire des cyclines, au risque d’un jaunissement irrémédiable des dents de la patiente ? Du Roaccutane, médicament très toxique pour le foie, qui doit être obligatoirement accompagné d’une contraception, elle-même non dénuée d’effets secondaires ? La Diane 35 ? Si celle-ci est retirée du marché, que lui restera-t-il ? En sera-t-il réduit à devoir prescrire des neuroleptiques devant le désespoir de sa patiente au visage déformé et qui devra recourir plus tard à la chirurgie esthétique ? Vu le nombre limité d’indications de Diane 35, n’aurait-il pas été préférable qu’elle puisse continuer d’être prescrite, assortie d’une faible dose de Cardégic afin de prévenir tout risque de thrombose ? De peur des accidents et sous la pression médiatique, les pouvoirs publics retirent trop de médicaments du marché. Les médecins n’ont plus les moyens de soigner. Les médicaments supprimés ne sont souvent pas remplacés ou le sont par d’autres parfois plus dangereux. Ainsi a-t-on cessé de commercialiser le Propofan et le Di-Antalvic, au motif qu’en Angleterre, ces antalgiques étaient utilisés pour se droguer. Les ont remplacés des produits qui présentent des effets secondaires morphiniques majeurs ! Y a-t-on gagné ?

M. Michel Liebgott. Les médicaments sont aujourd’hui très décriés dans les pays développés, mais n’oublions pas que beaucoup de sociétés aimeraient avoir accès à toute la pharmacopée que nous avons à notre disposition. Que serait notre monde sans antibiotiques, sans vaccins, sans bêta-bloquants… ? Qui pourrait nier tous les progrès qu’ils ont permis ?

Nous vivons à l’ère de l’hyper-médiatisation. Il est inquiétant que les médias placent l’affaire des statines quasiment sur le même plan que le scandale de la viande de cheval dans les plats cuisinés. Il n’y a aucun scandale avec les statines. Seul un professeur a fait des déclarations nouvelles sur ces substances.

Les notices des médicaments sont illisibles pour un patient ordinaire, à la fois écrites en caractères minuscules et incompréhensibles. Et si d’aventure il les lit, le risque est qu’il ne prenne pas ce qui lui a été prescrit ! Quel sportif prendrait du Tavanic s’il lisait en détail la notice où il apprendrait que cette fluoroquinolone peut provoquer de graves tendinites, voire une rupture du tendon d’Achille ? Il faudrait à un moment se recentrer sur l’essentiel et reconnaître les vertus des médicaments. L’espérance de vie actuelle ne tient pas seulement à l’hygiène de vie. L’utilisation des médicaments n’y est pas étrangère !

Mme Véronique Louwagie. Face à tant de critiques et de controverses, il faut en effet rappeler que les médicaments sont tout de même bénéfiques. Ils permettent de sauver des vies et d’améliorer l’état de nombreux malades. Certes, des failles sont apparues ces derniers temps dans le dispositif de sécurité sanitaire. Nos concitoyens l’ont très mal vécu. Certains ont d’ailleurs développé une véritable psychose à l’égard des médicaments, attitude qui n’est pas sans danger. A-t-on pu mesurer les effets sur les comportements de telles psychoses ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Avant de laisser la parole à nos invités, je tiens à dire une fois encore combien je regrette que certaines personnes se prétendant des experts fassent de l’argent avec des ouvrages sur le thème du médicament. Je pense en particulier à un parlementaire, professeur renommé de médecine, qui, non content de publier des ouvrages provocateurs, encore une fois n’est pas présent parmi nous ce matin alors que nous débattons du médicament, ne l’était pas non plus en séance publique hier et ne le sera sans doute pas non plus lors du débat à venir sur les génériques. Nous n’avons et n’aurons jamais de leçon à recevoir de ce collègue.

M. le docteur Jean-Louis Montastruc. Permettez-moi tout d’abord de lever un malentendu. Médecin pharmacologue, je n’ai pas à condamner le médicament mais à en favoriser le bon usage et empêcher le mésusage. Je ne suis pas hostile aux médicaments en général. Je défends les grands et vrais médicaments comme les antibiotiques, les anti-rétroviraux, les bêta-bloquants, les inhibiteurs de la pompe à protons, … Mais il y en a aujourd’hui quantité d’autres sur le marché, dont le rapport bénéfice-risque n’est pas acceptable. Il est de notre métier de les repérer et d’alerter à leur sujet.

On ne laisserait plus la possibilité aux médecins de soigner, a déploré l’un d’entre vous. Mais soigner, ce n’est pas prescrire n’importe quel médicament ou surprescrire, mais prescrire à bon escient, c’est-à-dire le bon médicament dans la bonne indication. La pharmacovigilance ne consiste pas à recenser les inconvénients des médicaments, mais à évaluer leurs risques potentiels à la lumière de leurs bénéfices.

Loin de creuser un gouffre avec l’exercice quotidien de la médecine, la pharmacovigilance crée des passerelles. Telle que nous la pratiquons à Toulouse, elle n’est pas éloignée du terrain. Elle aide même à bien prescrire. Tant reste à faire pour garantir le bon usage du médicament.

S’agissant par exemple des statines, le problème actuel concerne leur indication. Faut-il les prescrire en prévention primaire ? Seul un patient sur cent traité pendant cinq ans évitera un accident cardio-vasculaire grâce à ce traitement alors qu’en prévention secondaire, des bénéfices beaucoup plus larges ont été prouvés. En outre, personne ne le dit mais cela figurera dans la prochaine livraison de notre bulletin BIP 31, les deux statines les plus prescrites en France sont l’atorvastatine et la rosuvastatine, qui n’ont pas apporté la preuve qu’elles contribuaient à réduire la mortalité totale, tandis que la simvastatine et la pravastatine, dont des études bien conduites ont démontré l’efficacité, sont délaissées, vraisemblablement parce que l’industrie pharmaceutique en fait moins la promotion.

M. le docteur Michel Mallaret. Il faut en effet alerter sans alarmer, restaurer la confiance et promouvoir l’éducation à la santé. L’information demeure trop aux mains de l’industrie pharmaceutique et la publicité devrait être encore davantage contrôlée. L’autorisation de la vente de tous les médicaments sans ordonnance sur Internet constitue un mauvais signal. Déjà en officine le conseil pharmaceutique est insuffisant. En ligne, il sera inexistant. Les médicaments risquent d’être encore plus assimilés qu’ils ne le sont déjà par le grand public à un produit de consommation comme un autre.

Leur surconsommation est un problème très franco-français : plus de 90 % des consultations se concluent en France par la remise d’une ordonnance quand dans d’autres pays européens, ce n’est pas plus de 50 %. Il faudrait donc développer les alternatives à la prise de médicaments.

L’évaluation du rapport bénéfice-risque des médicaments ne relève pas des seuls organes de pharmacovigilance. Tous les professionnels de santé doivent y contribuer. L’ouverture de la déclaration directe des effets indésirables aux patients eux-mêmes est une excellente initiative qui n’a pas eu d’effets pervers. Ces déclarations sont encore rares. Elles exigent de notre part un travail supplémentaire car nous devons entrer en contact avec le médecin prescripteur, de façon à éviter les notifications sans pertinence. Mais elles vont dans le bon sens.

Vous avez évoqué, madame la présidente, les « surdéclarations ». Il ne s’agit pas à proprement parler de surdéclarations. Simplement, le nombre de déclarations augmente en fonction de l’actualité médiatique, ce qui a conduit avec les pilules par exemple à découvrir de nouveaux facteurs de risque, comme ceux de l’hémostase qui ne sont pas assez recherchés.

Les tentatives de suicide ne sont pas comptabilisées dans les 150 000 hospitalisations liées à des effets des médicaments. Il faut savoir qu’on compte 12 000 morts par suicide chaque année en France.

M. le docteur Jean-Louis Montastruc. Les hospitalisations en hôpital psychiatrique non plus ne sont pas comptabilisées dans ces 150 000.

M. le docteur Michel Mallaret. Chaque centre régional de pharmacovigilance compte un spécialiste de pharmaco-épidémiologie. Nous souhaiterions développer ce volet de la pharmacovigilance grâce à l’exploitation, qui ne fait que débuter, des données du PMSI. Des relations plus étroites avec les caisses d’assurance maladie y aideront également.

S’agissant de la pharmacogénétique, il n’est pas admissible que des patientes qui ont déjà fait une phlébite et chez qui on a découvert une mutation génétique du facteur V de la coagulation puissent se voir prescrire tout de même une pilule. La pharmacogénétique doit être mieux mise à profit. Chez les femmes jeunes, notamment en cas d’antécédent de thrombose, une éventuelle anomalie des facteurs de coagulation devrait être systématiquement recherchée.

La surconsommation médicamenteuse est en effet un problème en France, et l’on pourrait en effet parler d’addiction aux médicaments. En 1991 déjà, la prescription des hypnotiques avait été limitée à quatre semaines et celle des benzodiazépines à douze. Le message avait été entendu à l’époque mais il n’était pas suffisant. Il faut continuer d’insister sur la nocivité de la surprescription et de la surconsommation.

Il est évident que trop de médicaments sont prescrits hors AMM – c’est le cas du Cytotec et du Baclofène, que vous avez évoqués. Il faut faire comprendre aux médecins les dangers de la prescription hors AMM. Vous pouvez nous aider en ce sens. Pour autant, dans certains cas où il existe un bénéfice thérapeutique avéré, plutôt que d’interdire la prescription hors AMM, mieux vaudrait l’encadrer afin d’éviter tout dérapage. L’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) est l’outil idoine.

M. le docteur Jean-Louis Montastruc. Dans les cas où une prescription, hors autorisation de mise sur le marché, semble a priori justifiée, l’ANSM devrait se saisir du problème, évaluer les nouvelles indications et délivrer si nécessaire l’autorisation afférente. J’ai déjà eu l’occasion de m’entretenir de ce sujet avec le directeur de l’agence, M. Maraninchi. Si je puis me permettre de paraphraser un ancien Président de la République, je dirai que l’autorisation de mise sur le marché est chose trop sérieuse pour être laissée à l’appréciation des firmes pharmaceutiques. Il faut ainsi que sous six mois, l’ANSM mette en place une commission pour se prononcer sur le baclofène. De même, il ne suffit pas de répéter à l’envi que le Cytotec ne doit pas être utilisé en-dehors de son autorisation. Encore faut-il voir par quoi on pourrait le remplacer. Car, l’un d’entre vous l’a dit qui n’a pas tort, on prive les médecins de beaucoup d’outils thérapeutiques. Si des médicaments méritent une autorisation de mise sur le marché qu’ils n’ont pas encore, il faut la leur accorder. C’est l’un des nouveaux objectifs que doit s’assigner l’ANSM.

M. le docteur Michel Mallaret. En effet, il ne faut pas laisser les firmes seules formuler les demandes d’extension d’autorisation de mise sur le marché. Quand les prescriptions hors autorisation d’un médicament explosent, l’ANSM doit recadrer les choses de façon à garantir le bon usage.

Oui, des psychoses ont pu se développer après certaines campagnes médiatiques. C’en même l’un des effets pervers de ce battage. L’un des risques aujourd’hui est que des femmes arrêtent de manière intempestive leur contraception, au risque d’une grossesse non désirée. Toute décision en matière de médicament comporte des risques. L’important est d’en être conscient. Ainsi lorsque certains tranquillisants sont retirés du marché ou que l’accès à un médicament comme le Rivotril est rendu plus strict, faut-il évaluer le risque de syndromes de sevrage mais aussi de surconsommation d’alcool par les patients concernés. D’où l’intérêt de travailler en liaison avec le PMSI et l’assurance maladie pour prendre en compte toutes les données.

La recherche publique en pharmaco-épidémiologie est effectivement insuffisante et sous-dotée. D’une manière générale, la recherche pharmaceutique reste trop aux mains de l’industrie.

M. le docteur Jean-Louis Montastruc. Seules deux équipes de l’INSERM sont labellisées « pharmaco-épidémiologie » ou « étude des effets indésirables des médicaments ». Il faut vraiment développer cette recherche orpheline.

M. Élie Aboud. Combien de médicaments aujourd’hui sur le marché sont-ils issus de la recherche publique ?

M. le docteur Jean-Louis Montastruc. Aucun.

M. Gérard Bapt. Pas tout à fait. Il y a les anti-rétroviraux pour le traitement du sida.

M. le docteur Jean-Louis Montastruc. On n’inculque pas assez aux étudiants en médecine qu’ils auront aussi des missions de santé publique – on le fait davantage pour les étudiants en pharmacie. La notification des effets indésirables fait partie de ces missions. Les médecins ne peuvent plus se contenter du colloque singulier avec le malade.

J’en viens aux moyens des centres régionaux de pharmacovigilance. Ils sont subventionnés par l’ANSM qui a consenti un gros effort. Les salaires de certains personnels – c’est le cas du mien ou de celui de M. Mallaret – sont financés par les hôpitaux auxquels ils appartiennent. Il faudrait à terme que les centres régionaux de pharmacovigilance soient également financés par les agences régionales de santé, avec lesquels ils devraient développer les échanges.

À Toulouse, nous avons mis en place, avec l’aide de l’ancienne agence régionale de l’hospitalisation puis la nouvelle agence régionale de santé, un réseau d’attachés de recherche clinique (ARC) qui couvrent désormais tous les hôpitaux de la région. Ces missi dominici vont rencontrer partout dans la région les médecins, les pharmaciens et les autres professionnels de santé pour recueillir auprès d’eux les effets indésirables.

Il faut augmenter les moyens de la pharmacovigilance, développer les compétences en pharmaco-épidémiologie et renforcer les contacts avec les agences régionales de santé.

M. le docteur Michel Mallaret. Les centres régionaux de pharmacovigilance travaillent en lien étroit avec l’ANSM qui répercute au niveau de l’agence européenne les informations qu’ils lui transmettent. Tout cela pourrait encore mieux fonctionner qu’aujourd’hui. Les centres régionaux de pharmacovigilance sont aussi en liaison avec la Haute Autorité de santé.

Il est important qu’ils se rapprochent des agences régionales de santé. La pharmacovigilance relevant d’une mission de santé publique, elle est financée sur les dotations MIG (mission d’intérêt général) mais toutes les agences régionales de santé ne sont pas assez mobilisées sur le sujet et prêtes à allouer des crédits pour la pharmacovigilance. À Dijon par exemple, la dotation MIG « pharmacovigilance » est inférieure à ce que coûte actuellement le centre régional de pharmacovigilance, si bien que l’hôpital dit en être de sa poche pour le financer. Il faudra traiter ce sujet des dotations MIG.

Des crédits en provenance de l’ANSM permettent également aux centres régionaux de pharmacovigilance de financer des personnels temporaires. Un effort certain a été consenti, mais à Grenoble par exemple, cela n’a permis de financer qu’un seul poste d’attaché à temps plein. C’est peu vu l’ampleur de la tâche qui nous est confiée !

J’en viens à la responsabilité des laboratoires pharmaceutiques. Lorsque se développent des prescriptions hors AMM – jusqu’à 95 % des prescriptions dans le cas du Rivotril ! –, le laboratoire fabricant ne doit pas rester bras croisés. Il ne saurait se contenter de se féliciter des bonnes ventes de son produit si celui-ci fait l’objet d’un mésusage. Il doit solliciter une autorisation de mise sur le marché plus conforme aux usages constatés dans la réalité, afin que puisse être déterminé si le médicament concerné est utile également dans ces indications-là.

Une meilleure coopération entre services de justice et services de santé est nécessaire pour éviter les trafics de médicaments et les sanctionner quand ils n’ont pu être empêchés. Comme on l’a vu avec le Subutex, que le produit soit seulement classé parmi les « substances vénéneuses » et non parmi les stupéfiants entraîne moins de contrôles de la part des douanes. La justice aussi est alors moins encline à sanctionner les trafics.

En matière de pharmaco-épidémiologie et de pharmacogénétique, les centres régionaux de pharmacovigilance ont des propositions intéressantes à faire, qui permettraient d’améliorer le bon usage du médicament et de prévenir les effets indésirables.

M. le docteur Jean-Louis Montastruc. Monsieur Bapt, vous souhaiteriez que soit créé autour de chaque centre régional de pharmacovigilance un réseau Sentinelles, à l’instar de ce qui existe pour le suivi des épidémies de grippe. Le réseau d’attachés de recherche clinique (ARC) que nous avons mis en place à Toulouse fonctionne très bien. Ces personnels, qui ne sont ni médecins ni pharmaciens mais formés au recueil des effets indésirables, entretiennent le contact avec les hôpitaux éloignés de la métropole régionale et permettent une bonne circulation de l’information.

Pourquoi aucun centre régional de pharmacovigilance n’a-t-il été chargé d’un suivi spécifique pour les pilules contraceptives ? Sans que je cherche à me défausser, ce qui n’est pas dans mon habitude, je vous invite à poser cette question à l’ANSM, voire à l’agence européenne. Celles-ci vous répondront peut-être que le risque était connu et quantifié, et qu’aucun élément nouveau n’était intervenu.

Je ne reviens pas sur les moyens des centres régionaux de pharmacovigilance. Nous avons déjà répondu.

Le PMSI est un outil intéressant qui permettra de relier d’éventuels effets indésirables à la prise d’un médicament précis : c’est en train d’être fait pour Diane 35. Son utilisation ouvrira de nouvelles perspectives.

Oui, il faut développer la pharmacogénétique. Cela reste toutefois du domaine de la recherche. Le centre régional de pharmacovigilance de Toulouse est tête de pont pour un projet européen visant à étudier le lien possible entre l’apparition de certains effets indésirables et la présence de caractéristiques pharmacogénétiques particulières, mais les résultats sont pour l’instant décevants.

Oui, monsieur Aboud, il faut des passerelles entre les centres régionaux de pharmacovigilance, l’ANSM, la Haute Autorité de santé et l’Agence européenne du médicament, et aussi, ajouterais-je, les agences régionales de santé. Aujourd’hui, la plupart des autorisations de mises sur le marché sont délivrées au niveau européen. Les centres régionaux de pharmacovigilance préparent les dossiers destinés à l’agence européenne, mais il est très difficile de faire entendre de celle-ci nos alertes comme celle que nous avons lancée sur l’usage détourné du dextrométhorphane et les dérivés de l’ergot de seigle.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Et sur le kétoprofène ;

M. Élie Aboud. Elle vous a tout de même écoutés s’agissant de la clobétasone.

M. le docteur Jean-Louis Montastruc. On nous en fait d’ailleurs maintenant le reproche, certains estimant que le risque n’est pas si important que cela.

La formation sur le rapport bénéfice-risque des médicaments et les effets indésirables n’est pas suffisante aujourd’hui dans nos facultés de médecine et de pharmacie. Un nouvel enseignement intitulé « Bon usage du médicament » doit être prochainement instauré en cinquième année de médecine. Il faudrait qu’à la fin de leurs études, les jeunes médecins et les jeunes pharmaciens connaissent un minimum de pathologies liées aux médicaments et aient le réflexe devant un malade de commencer par se demander si sa pathologie ne peut pas avoir été provoquée par un médicament. Il y va d’économies substantielles pour l’assurance maladie. Bien que n’étant pas gastro-entérologue, je me souviens avoir trouvé chez un patient que la diarrhée chronique dont il souffrait était liée à l’un des médicaments qu’il prenait. Aucun des nombreux médecins qu’il avait consultés auparavant n’avait fait le lien. Point n’a été besoin d’examens, il a suffi d’une consultation hospitalière !

La notification des effets indésirables auprès des centres régionaux de pharmacovigilance est obligatoire mais certains médecins, l’un d’entre vous l’a dit, se tournent plutôt vers les laboratoires et sont ensuite découragés de notifier. J’en ai compris la raison lors d’un reportage télévisé tourné en caméra cachée ! En effet, il semble que les laboratoires harcèlent les déclarants en ne cessant de leur réclamer des informations supplémentaires, si bien qu’ils les dissuadent de déclarer de nouveau, tant cela leur fait perdre de temps. Il faut lutter contre cela car il est de l’intérêt des patients que les événements indésirables soient notifiés.

M. le docteur Michel Mallaret. Nous comprenions mal que les médecins se plaignent de la lourdeur administrative des notifications. La déclaration à un centre régional de pharmacovigilance est très simple. Elle peut être effectuée par téléphone, fax ou courriel, et se limite à décrire l’effet indésirable concerné et donner le nom du médicament. Jamais un centre régional de pharmacovigilance ne « harcèle » ensuite un praticien.

Les centres régionaux de pharmacovigilance ont un rôle d’alerte. Ils n’ont pas failli, comme l’illustre le cas de la clobétasone. C’est le centre régional de pharmacovigilance de Montpellier qui a fait remonter les informations. Leur ancrage dans les CHU facilite la proximité.

M. le docteur Jean-Louis Montastruc. Comment la pharmacovigilance sera-t-elle assurée pour les médicaments de niche, administrés à un très petit nombre de patients, puisqu’il ne sera pas possible d’établir de statistiques ? Le suivi sera au contraire peut-être plus facile car, au moins dans les hôpitaux, les prescripteurs et les usagers seront bien identifiés. Nous avons déjà travaillé sur de tels médicaments sans rencontrer de difficulté. C’est l’intérêt de la proximité des centres régionaux de pharmacovigilance avec les prescripteurs.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Messieurs, nous vous remercions.

La séance est levée à onze heures vingt-cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 27 février 2013 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Laurent Marcangeli, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, Mme Ségolène Neuville, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, Mme Barbara Romagnan, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Richard Ferrand, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu