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Commission des affaires sociales

Mercredi 16 octobre 2013

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 9

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Suite de l’examen, ouvert à la presse, des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (n° 1412) (MM. Gérard Bapt, Christian Paul, Mme Martine Pinville, MM. Michel Issindou, Laurent Marcangeli, et Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteurs)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 16 octobre 2013

La séance est ouverte à neuf heures dix.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales poursuit l’examen, sur le rapport MM. Gérard Bapt, Christian Paul, Mme Martine Pinville, MM. Michel Issindou, Laurent Marcangeli, et Mme Marie-Françoise Clergeau, des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 (n° 1412).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous poursuivons l’examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

Article 33 : Réforme de la tarification à l’activité des établissements de santé

La Commission examine l’amendement AS331 de M. Christian Paul, rapporteur.

M. Christian Paul, rapporteur pour l’assurance maladie. Amendement rédactionnel.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels AS332, AS333 et AS334 du même auteur.

Puis elle en vient à l’amendement AS68 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Nous adhérons au principe consistant à prendre en compte la notion d’isolement géographique dans la détermination des politiques de financement des établissements de santé. Cependant, les critères d’éligibilité doivent être fixés après avis des fédérations hospitalières représentatives. Les organisations nationales, qu’elles représentent les établissements du secteur public ou ceux du secteur privé, demandent en effet depuis longtemps à participer au débat sur la répartition des ressources.

M. Christian Paul, rapporteur. Tout gouvernement soucieux d’écouter ce que dit la société – et c’est le cas du Gouvernement actuel – se doit de consulter les organisations représentatives concernées au moment d’élaborer une politique hospitalière, y compris pour ce qui concerne la rédaction de décrets. Mais il ne me semble pas nécessaire de prévoir une telle concertation dans chaque article du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Avis défavorable.

Mme la présidente Catherine Lemorton. L’adoption de l’amendement AS334 a de toute façon fait tomber l’amendement AS68.

La Commission adopte ensuite l’amendement de précision AS335 de M. Christian Paul, rapporteur.

Les amendements AS61, AS69 et AS67 de M. Jean-Pierre Door sont retirés.

La Commission en vient aux amendements identiques AS271 de Mme Jacqueline Fraysse, AS272 de M. Olivier Véran et AS273 de M. Jean-Louis Touraine.

Mme Jacqueline Fraysse. Le mécanisme de dégressivité des tarifs doit être fondé sur la pertinence des actes et des prises en charge, et pas seulement sur des critères d’ordre comptable.

M. Christian Paul, rapporteur. Je rappelle que cet article du projet de loi vise à mettre fin aux excès de la tarification à l’activité – T2A –, dont l’opposition nous a fait, hier, l’éloge posthume.

Une première voie, pour atteindre ce but, consiste à modifier la politique tarifaire de façon à octroyer des moyens supplémentaires aux établissements géographiquement isolés.

Une deuxième est d’appliquer une dégressivité tarifaire aux établissements ayant connu un développement de leurs activités du fait d’une application particulièrement intensive de la T2A.

J’ai interrogé le Gouvernement sur l’hypothèse d’une prise en compte de la pertinence des actes dans le système de régulation des volumes. Elle semble difficile à mettre en œuvre, dans la mesure où ni les établissements hospitaliers, ni les agences régionales de santé ne disposent aujourd’hui des outils nécessaires pour apprécier cette pertinence.

Votre préoccupation est toutefois légitime, et il serait peut-être utile de demander au Gouvernement un rapport sur la faisabilité de la mesure. Mais dans l’immédiat, je vous invite à retirer l’amendement.

Mme Jacqueline Fraysse. Je le maintiens, car même si j’entends vos arguments, il me paraît nécessaire d’avoir un débat sur ce point en séance publique.

M. Olivier Véran. Lorsque, sur un même territoire, plusieurs établissements de santé se côtoient, il est possible que l’un d’entre eux se concentre sur un type d’acte, soit parce qu’il est avantageux du point de vue de la cotation T2A, soit parce que l’équipe en place est particulièrement à même de proposer cette offre de soins. Le résultat est parfois que les autres établissements doivent se contenter, dans la même discipline, de proposer des actes moins rémunérateurs. Il est donc utile de prévoir des mécanismes de régulation, non seulement à l’échelle d’un territoire de santé, mais aussi sur le plan national, de façon à éviter la multiplication d’actes identiques pratiqués au sein d’un même établissement ou d’un même ensemble.

Pour autant, une augmentation importante du nombre d’actes du même type ne doit pas entraîner systématiquement une baisse de tarif, car elle peut correspondre à une explosion conjoncturelle de la demande – par exemple lorsqu’une clinique située près d’un hôpital dont une unité a fermé doit prendre en charge un surcroît de malades. Il paraît donc nécessaire, si l’on veut éviter une application brutale, éloignée des réalités du terrain et des besoins des malades, de moduler la dégressivité en fonction de la pertinence des actes.

M. Jean-Louis Touraine. La tarification à l’activité pouvant avoir des effets inflationnistes sur certains actes, il était nécessaire d’adopter un système plus vertueux, afin de favoriser les actes les plus pertinents sur le plan médical, et non les plus intéressants du point de vue du budget de l’établissement. C’est d’ailleurs la même philosophie qui a conduit à l’institution du parcours de soins.

Néanmoins, je me range à l’avis du rapporteur : s’il existe plusieurs façons de parvenir à cet objectif, je ne vois aucune raison de privilégier a priori une méthode par rapport à une autre.

M. Christian Paul, rapporteur. Cela mérite un débat avec le Gouvernement, même si, dans l’immédiat, j’appelle les auteurs à retirer leurs amendements.

La régulation proposée par l’article 33 a un caractère économique ; elle ne consiste pas à porter un jugement de valeur sur les établissements qui réalisent massivement un certain type d’acte. Certes, une telle évolution peut résulter des effets inflationnistes de la T2A, mais elle peut également être liée à la présence d’une équipe performante dans une discipline donnée. Si le développement important de certaines prestations n’est donc pas choquant en soi, on peut cependant considérer qu’il permet un meilleur amortissement des charges fixes et qu’en ce sens, il peut justifier une dégressivité modérée du tarif, de façon à « remettre au pot commun » les gains de productivité ainsi obtenus.

Cela étant, il faut en effet parvenir, à terme, à des formes de tarification plus élaborées. La tarification au parcours pourrait en être une, mais elle réclame du temps. Pour l’instant, nous en sommes encore au stade de l’expérimentation dans certains domaines précis, et l’adoption de ces amendements n’aurait aucun effet sur le plan opérationnel.

Les amendements AS272 et AS273 sont retirés.

La commission rejette l’amendement AS271.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS336 de M. Christian Paul, rapporteur.

Puis elle est saisie, en discussion commune, des amendements identiques AS189 de Mme Jacqueline Fraysse et AS246 de M. Jean-Louis Touraine, ainsi que de l’amendement AS230 de M. Olivier Véran.

Mme Jacqueline Fraysse. Mon amendement relève de la même préoccupation que le précédent : prendre en compte la pertinence des soins lors de l’application de la dégressivité des tarifs.

M. Gérard Bapt. Mon amendement est similaire. J’en profite pour souligner que les établissements isolés géographiquement ne sont pas les seuls dont la situation particulière justifierait un financement dérogatoire. Les ESPIC, les établissements de santé privés d’intérêt collectif, à but non lucratif, posent également un problème spécifique. Un rapport de l’Agence technique d’information hospitalière – ATIH – montre en effet que ces établissements doivent faire face, pour des raisons liées au statut de leur personnel, à des charges de fonctionnement plus importantes. Le système de tarification devrait en tenir compte, car il n’y a aucune raison de pénaliser les établissements privés à but non lucratif par rapport aux établissements publics.

Les amendements AS246 et AS230 sont retirés.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette l’amendement AS189.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS337 de M. Christian Paul, rapporteur.

Elle examine ensuite l’amendement AS362 du même auteur.

M. Christian Paul, rapporteur. Cet amendement est destiné à préciser les conditions d’application de la dégressivité tarifaire, de façon à ne pas pénaliser les créations ou regroupements d’activités qui conduisent, de façon mécanique, à un dépassement des seuils.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte également l’amendement rédactionnel AS338 de M. Christian Paul, rapporteur.

Puis elle est saisie des amendements identiques AS190 de Mme Jacqueline Fraysse et AS247 de M. Jean-Louis Touraine.

Mme Jacqueline Fraysse. Conformément aux engagements du Président de la République, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a abrogé le système de convergence tarifaire. Mais dans le même temps, l’article 60 de la même loi en rétablissait indirectement le principe en instituant une différenciation du coefficient prudentiel en fonction de la catégorie d’établissement. Or, chacun sait qu’une telle disposition est préjudiciable aux établissements publics. Le monde hospitalier a d’ailleurs fait part de son incompréhension à l’égard d’une mesure que rien ne justifie. Il est donc proposé de supprimer définitivement les différences de traitement opérées via le mécanisme du coefficient prudentiel.

M. Jean-Louis Touraine. La suppression de la convergence tarifaire était une bonne décision, et elle a été perçue positivement dans le monde hospitalier. En revanche, les professionnels de l’hôpital public craignent les effets d’une application différenciée du coefficient prudentiel et de ses modalités de dégel.

M. Christian Paul, rapporteur. Je comprends la préoccupation des auteurs mais je ne peux les suivre dans leur raisonnement. Rappelons qu’auparavant, la réserve prudentielle s’appliquait aux MIGAC – missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation –, si bien que son impact était très important sur les hôpitaux, notamment publics, qui assuraient ces missions ou bénéficiaient d’une contractualisation. Le dispositif adopté l’année dernière s’applique, lui, aux tarifs, et de ce fait concerne l’ensemble des établissements hospitaliers. Il est donc bien moins injuste.

Grâce à la bonne surprise que constitue, en 2013, la sous-exécution de l’ONDAM, le gel des financements ne devrait pas être confirmé cette année, contrairement à ce qui s’est passé dans la période récente. Faut-il pour autant mettre fin au système de réserve prudentielle ? Le risque serait alors grand, dans d’autres circonstances, de rendre possible une explosion du plafond en cours d’exécution. Il ne me semble donc pas absurde de la maintenir dans son principe, dès lors que le gel porte sur les tarifs et non sur les missions d’intérêt général. Quant à son application, elle peut être différenciée selon la catégorie d’établissement – même si, en l’occurrence, cela n’a pas été le choix du Gouvernement –, mais l’objectif est de toute façon toujours le même : parvenir à un dégel des crédits en fin d’année.

Le dispositif adopté l’année dernière a été mis en œuvre sans trop de drames. Je ne suis donc pas favorable aux amendements visant à y mettre fin.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est vrai que le prélèvement de moyens sur les MIGAC était profondément injuste, tant ces dotations sont indispensables au fonctionnement des hôpitaux, notamment publics. À cet égard, je me félicite de la décision d’y mettre fin, même si elle allait de soi de la part d’un gouvernement de gauche.

Pour autant, je doute de la nécessité de maintenir la notion même de coefficient prudentiel. N’étant pas convaincue par les arguments du rapporteur, je maintiens mon amendement.

M. Gérard Bapt. Sur le plan technique, la question est délicate. En effet, l’adoption de l’article 60 de la loi de financement pour 2013 avait justement pour but d’éviter de faire peser la réserve prudentielle sur les MIGAC.

Je me demande par ailleurs si l’application différenciée du mécanisme de coefficient prudentiel ne pourrait pas être un moyen de prendre en compte la situation particulière des établissements, publics comme privés, à but non lucratif, et notamment celle des ESPIC auxquels je faisais allusion à l’instant.

M. Christian Paul, rapporteur. C’est en effet envisageable.

L’amendement AS247 est retiré.

La Commission rejette l’amendement AS190.

Elle en vient ensuite à l’amendement AS70 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Il est nécessaire de maintenir un lien entre l’orientation financière de l’activité des établissements hospitaliers et la stabilité de leurs projets. Dans ce but, nous proposons que les tarifs et forfaits soient définis pour une durée de trois ans, et que toute variation avant ce terme fasse l’objet d’une communication aux organisations nationales représentatives des établissements de santé.

Lors de l’examen de la loi « Hôpital, patients, santé et territoire », les députés du groupe socialiste ont souvent dénoncé la séparation entre l’administration et le corps médical et l’isolement dans lequel étaient prises les décisions. La majorité ne peut donc rejeter une proposition qui donnerait aux professionnels une meilleure lisibilité sur leurs projets.

M. Christian Paul, rapporteur. Dans la mesure où l’ONDAM s’inscrit dans l’annualité budgétaire, il paraît difficilement envisageable de fixer des tarifs et des forfaits pour une durée de trois ans. On pourrait certes imaginer une contractualisation sur plusieurs années, mais il faudrait que l’ONDAM – ou du moins sa partie hospitalière – soit lui-même défini dans un cadre pluriannuel. Votre amendement revient à mettre la charrue avant les bœufs. Avis défavorable.

M. Gérard Bapt. Il paraît en effet difficile de fixer des règles contraignantes. Cependant, il pourrait être souhaitable de planifier sur plusieurs années l’action du ministère, ne serait-ce que pour l’inscrire dans le mouvement général de rétablissement des finances publiques. Une telle exigence figure d’ailleurs en arrière-plan du projet de loi que nous examinons.

M. le rapporteur. Je suis défavorable à l’amendement, monsieur Door, mais sur le fond, je crois comme vous que l’annualité budgétaire représente, pour de nombreux établissements publics – et pas seulement les hôpitaux –, une forme de dictature dont les effets sont parfois à la limite du soutenable, dans la mesure où elle ne leur permet pas d’adopter une perspective à long terme, de construire des projets, de mobiliser des équipes. Mais tant que l’ONDAM ne sera pas fixé sous une forme pluriannuelle – que n’avez-vous adopté une réforme en ce sens ! –, il paraît difficile de le faire pour les tarifs. Il est toutefois légitime d’engager le débat avec le Gouvernement en séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 33 modifié.

Après l’article 33

La Commission est saisie de l’amendement AS100 de M. Francis Vercamer.

M. Jonas Tahuaitu. Le respect de l’ONDAM – fixé cette année à 2,4 % – dépend de celui des différents sous-objectifs qui le composent. Or, l’ONDAM rassemble des enveloppes « ouvertes », exposées au risque de dépassement en volume de soins dispensés et financés par l’assurance maladie. Pour garantir une bonne gestion de l’ONDAM, cet amendement tend à répartir de manière équilibrée les mises en réserve prudentielles du PLFSS entre les différents sous-objectifs susceptibles d’être dépassés.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Les mécanismes prudentiels existants suffisent. J’en veux pour preuve la sous-exécution de l’ONDAM cette année, à hauteur de 500 millions d’euros. Il n’est pas utile de geler davantage l’enveloppe des soins de ville, qui me paraît exemplaire à cet égard ; régulons plutôt les enveloppes qui risquent véritablement d’être dépassées.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS71 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. La fixation de l’objectif quantifié national – OQN – pour les établissements de soins de suite et réadaptation et les établissements psychiatriques a été affinée il y a quelques années grâce à l’intégration de nouveaux éléments constitutifs visant à mieux tenir compte de la réalité. Ces éléments ont ensuite été supprimés, au point que l’on ne sait plus très bien comment l’OQN est déterminé. Notre amendement vise à préciser de nouveau l’objectif et à intégrer à l’OQN une évaluation prévisionnelle afin d’anticiper la croissance de ces établissements, par exemple les ouvertures et fermetures, ainsi que le montant des tarifs des prestations d’hospitalisation. Il s’agit de rapprocher le plus possible de la réalité l’OQN de ces établissements, différents des hôpitaux classiques.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Cette visée est louable, mais, contrairement à ce qu’indique l’exposé sommaire de l’amendement, vous n’avez pas supprimé ces éléments en 2009 : vous les avez simplement transférés de la partie législative à la partie réglementaire du code de la sécurité sociale.

M. Jean-Pierre Door. Nous avons eu tort de le faire, et nous souhaitons les réintégrer à la définition de l’OQN par le législateur, afin de montrer notre soutien aux établissements concernés, aujourd’hui totalement ignorants des objectifs qui seront fixés par l’État.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’amendement AS101 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. J’avais déposé le même amendement l’année dernière. Il tend à confier au Parlement la détermination de la liste des MIGAC – actuellement fixée par voie réglementaire – de même que le montant de leur dotation, qui représente plus de 8 milliards d’euros. Nous avons voté hier un article qui autorise le financement dérogatoire de certains établissements hospitaliers déficitaires du fait de leur implantation ; voilà un exemple de mission d’intérêt général que nous aurions pu ajouter à la liste.

M. le rapporteur. Je le répète, il me paraît trop rigide d’inscrire dans la loi la liste des MIGAC – dont l’arrêté n’occupe pas moins de sept pages, en raison de la grande diversité de ces missions et de leur évolution au fil des ans, les gouvernements successifs s’étant efforcés de tenir compte des problèmes du terrain. Ce n’est pas en repassant devant le Parlement chaque fois que l’on veut y changer deux virgules que nous soutiendrons le plus efficacement les territoires et les acteurs sanitaires.

Cette année, aux MIGAC qui ne sont plus gelées ni gelables, ce qui signifie qu’elles ne sont plus annulables, s’ajoutent les nouvelles mesures de bonification tarifaire destinées à des établissements non pas déficitaires, comme vous l’avez dit, mais dont les activités sont isolées, ce qui leur confère, dans un territoire donné, un rôle éminent que l’ARS doit soutenir. Il ne s’agit donc pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre, d’une perfusion à fonds perdus. Ces deux dispositifs assurent aux établissements une sécurité qui leur a fait trop souvent défaut.

M. Francis Vercamer. Vous défendez, monsieur le rapporteur, la voie réglementaire, refusant ainsi au Parlement l’exercice de sa mission de contrôle de l’action gouvernementale.

Par ailleurs, si les établissements concernés sont à l’équilibre, pourquoi surfinancer leurs activités alors que notre système d’assurance maladie est tellement déficitaire ?

M. Gérard Bapt. Je suis d’accord avec le rapporteur pour ce qui concerne l’inscription dans la loi de ce qui relève de l’arrêté. Toutefois, il serait bon que ces données soient, en exécution, annexées aux documents d’information qui nous sont transmis, si ce n’est pas déjà le cas. Le passage par la voie réglementaire n’empêche pas d’informer le Parlement de l’exécution l’année suivante. D’une manière générale, le contrôle parlementaire du PLFSS s’est affiné au fil du temps.

D’autre part, les documents annexés au PLFSS indiquent-ils le montant des reversions des laboratoires au comité économique des produits de santé – le CEPS, dont nous auditionnerons bientôt le président –, au titre des conventions conclues entre eux, année après année ? Il serait légitime que nous soyons informés des restitutions des laboratoires à l’assurance maladie, pour une meilleure adaptation des volumes et des prix.

M. le rapporteur. Les MIGAC font l’objet d’un rapport annuel – qui n’est certes pas toujours remis au Parlement avant l’examen du PLFSS.

Les informations que vous souhaitez ne figurent sans doute pas dans les annexes, mais il est possible de demander qu’elles y soient ajoutées. D’une manière générale, je suis un peu moins optimiste que vous : nous pouvons faire beaucoup mieux en matière de contrôle des comptes sociaux et du budget de l’assurance maladie. C’est aussi une question de moyens humains et de disponibilité.

La Commission rejette l’amendement.

Article 34 : Expérimentation de la tarification au parcours pour l’insuffisance rénale chronique et le traitement du cancer par radiothérapie

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS339 et AS340 du rapporteur.

Elle en vient à l’amendement AS341 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de réparer un oubli : les organismes locaux d’assurance maladie ont vocation à participer aux expérimentations dans le cadre des conventions prévues au présent alinéa.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement plusieurs amendements du rapporteur : l’amendement de précision AS360 ; l’amendement AS342, qui vise à réparer un oubli ; les amendements de précision AS343 et AS 361.

Elle adopte enfin l’article 34 modifié.

Article 35 Fongibilité entre sous-objectifs de l’ONDAM

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS344 et AS345 du rapporteur.

Puis elle examine les amendements identiques AS55 de M. Jean-Pierre Door, AS102 de M. Francis Vercamer et AS144 de M. Rémi Delatte.

Mme Bérengère Poletti. Concernant le pourcentage des dotations que les directeurs généraux des agences régionales de santé sont autorisés à transférer vers les fonds d’intervention régionaux, il faudrait porter à 10 % le taux prévu de 1 %, qui ne permettra pas de mener à bien les opérations souhaitées.

M. Rémi Delatte. L’amendement AS 144 est défendu.

M. le rapporteur. J’ai d’abord réagi un peu comme vous, ma chère collègue, mais 1 % des dotations régionales, cela représente 200 millions d’euros : ce n’est pas rien ! Il s’agit d’expérimenter en 2014 une souplesse nouvelle, par dérogation au principe de détermination des enveloppes de l’ONDAM par le PLFSS. Un coefficient trop élevé ne serait sans doute pas conforme à la LOLF. Attendons de voir comment les directeurs d’ARS utiliseront ce dispositif ; s’il paraît nécessaire de porter le taux à 2 ou 3 %, nous pourrons le faire par la suite, de manière progressive.

Saisissons l’occasion de donner tout son sens à l’autonomie des ARS, conformément à l’objectif de l’instauration du FIR et de la régionalisation de la politique de santé.

La fongibilité concerne des crédits dont les ARS disposent déjà : la dotation annuelle de financement et le fonds d’intervention régional. Le FIR a été érigé cette année en nouveau sous-objectif de l’ONDAM, ce qui lui confère une force nouvelle et le soumet au contrôle du Parlement et de la Cour des comptes. Il ne s’agit pas ici de centraliser de nouveau des sommes qui avaient été régionalisées, mais de permettre aux ARS de jouer, à hauteur de 200 millions d’euros entre les deux enveloppes dont elles disposent.

La Commission rejette les amendements.

Puis elle adopte l’article 35 modifié.

Article 36 Modalités de répartition des charges hospitalières entre régimes d’assurance maladie et report de la facturation individuelle des établissements de santé

La Commission est saisie des amendements de suppression AS9 de M. Jean-Pierre Barbier, AS103 de M. Francis Vercamer et AS222 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Barbier. L’article 36 reporte de 2016 à 2018 la facturation individuelle directe des établissements de santé à l’assurance maladie, qui permettrait de mieux suivre les dépenses hospitalières, de responsabiliser les praticiens hospitaliers et de construire de meilleurs parcours de soins. Il y a ici deux poids, deux mesures : on autorise une fois de plus aux établissements publics une souplesse que l’on refuse aux médecins, infirmiers, kinésithérapeutes ou pharmaciens libéraux, dont les prescriptions sont pistées. Les outils informatiques adaptés existent dans le monde libéral ; pourquoi cette réticence à les étendre à l’hôpital ? Il ne s’agit pas d’opposer médecine publique et libérale, mais de mieux encadrer les dépenses de santé. Imposons un minimum de contraintes au milieu hospitalier : demandons-lui de se mettre en ordre de marche dès 2016.

M. Jonas Tahuaitu. L’expérimentation de la facturation individuelle directe des consultations et séjours aux caisses d’assurance maladie par des établissements de santé publics et privés d’intérêt collectif était inscrite à l’article 54 de la loi de financement pour 2009. L’objectif était de mettre à la disposition de l’assurance maladie des données individuelles et détaillées, afin d’améliorer le contrôle a priori des sommes dues à ces établissements par l’assurance maladie. Il est regrettable que la généralisation de cette pratique de bonne gestion soit encore reportée de deux ans.

M. Bernard Accoyer. Encore un report d’échéance ! En compromettant la maîtrise des dépenses, cette nouvelle facilité offerte aux établissements met en danger la pérennité de l’assurance maladie : on renonce à maîtriser le secteur qui dispense le plus de soins, au lieu d’être attentif à la manière dont les actes y sont comptabilisés et facturés.

M. Gérard Sebaoun. À en croire l’exposé des motifs, le report à 2018 s’explique principalement par un obstacle technique qui a trait aux systèmes d’information. En existe-t-il d’autres, monsieur le rapporteur ?

Mme Ségolène Neuville. À l’évidence, nombre de ceux qui viennent de s’exprimer ne travaillent pas à l’hôpital, et ne s’y font pas non plus soigner ! Au rythme où l’on va depuis quelques années, il y aura bientôt plus de personnes à l’hôpital pour coder et pour facturer que pour soigner ! Laissez donc à l’hôpital public le temps de se transformer peu à peu, sans faire preuve de sectarisme ! Vous savez bien que les patients qui y sont soignés sont beaucoup plus âgés, précaires et malades que ceux qui fréquentent les établissements privés.

M. Gérard Bapt. Pourquoi ne pas préciser par voie d’amendement que ce report est le dernier ?

M. Barbier estime que les praticiens libéraux sont moins bien traités que le secteur hospitalier public, auquel toutes les lourdeurs seraient permises. Le président de la Fédération hospitalière de France, que j’ai rencontré il y a peu, m’a expliqué les obstacles techniques qui s’opposent à la mise en œuvre de la mesure. Peut-être s’est-il laissé influencer. Sachons être incitatifs.

M. Jean-Pierre Barbier. Je ne veux pas polémiquer, simplement formuler quelques remarques de bon sens. L’individualisation des parcours, qui permet de savoir qui fait quoi, a cours dans le milieu libéral. Reporter à 2018 son extension à l’hôpital, c’est la renvoyer aux calendes grecques. « Dormez sur vos deux oreilles, il ne se passera rien ! » Tel est le sens du message envoyé. Nous n’avons pas fait preuve d’une telle mansuétude envers les PME lorsqu’il s’est agi d’avancer de six mois le passage à la déclaration sociale nominative ou d’instaurer le compte pénibilité, autant de dispositifs qui nécessitent eux aussi des adaptations informatiques. Monsieur le rapporteur, vous nous vantiez hier soir le rôle incitatif de la contrainte ; appliquez donc le même raisonnement à l’hôpital.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Selon notre collègue Neuville, l’on coderait plus à l’hôpital que dans le privé. C’est totalement faux. Ma chère collègue, la loi sur la biologie médicale, dont vous étiez rapporteure, vient d’imposer aux laboratoires des dispositifs d’accréditation quasi insupportables. J’attends avec impatience que l’hôpital se soumette aux mêmes obligations ! Vous ne pouvez pas vous exonérer des règles que vous prescrivez au secteur privé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Vialatte, notre collègue, Mme Neuville, était la rapporteure d’un texte que nous avons voté à la majorité.

M. Jean-Sébastien Vialatte. Je ne conteste pas la loi sur la biologie médicale, mais le fait que l’on exonère l’hôpital des obligations qu’elle impose.

Mme la présidente Catherine Lemorton. D’une manière générale, évitons de nous mettre en cause les uns les autres.

M. Francis Vercamer. Je suis moi aussi surpris de cette envolée lyrique au sujet des hôpitaux. Les actes sont déjà codifiés du fait de la tarification à l’acte ; il ne s’agit plus ici que d’adapter un logiciel, pour mieux informer le patient du coût de l’intervention qu’il a subi et, ainsi, le responsabiliser. Pourquoi exonérer l’hôpital d’obligations auxquelles d’autres professionnels du secteur sont déjà soumis ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. La notion de « responsabilisation du patient » me met toujours mal à l’aise. Que ce soit dans un établissement hospitalier ou dans un cabinet médical, le médecin prescrit librement et le patient subit la prescription. Vous culpabilisez les patients qui suivent un parcours de soins.

M. Pierre Morange. Je rappelle que, comme le développement de la chirurgie ambulatoire auquel nous allons en venir ensuite, la facturation individuelle directe fait partie des préconisations votées à l’unanimité par la MECSS.

M. Bernard Accoyer. En effet, et cela s’inscrit dans la logique de la réforme constitutionnelle de 1996 qui a institué les lois de financement de la sécurité sociale pour cesser de laisser les comptes dériver sans limites. En refusant de suivre jusqu’au bout cette logique, mes chers collègues de la majorité, vous revenez plus de quinze ans en arrière. Vous conviendrez pourtant aisément, avec le recul, que l’attitude du parti socialiste, qui était alors vent debout contre la réforme, était pour le moins contre-productive. Il s’agit de garantir l’avenir de la protection sociale, certainement pas de culpabiliser les professionnels du privé ou du public ni la Fédération hospitalière de France, encore moins les patients ! Depuis plusieurs décennies, ce sont toujours les mêmes majorités qui se sont efforcées de maîtriser les dérapages et d’assurer l’équilibre, donc la pérennité de notre système de protection sociale, et toujours les mêmes qui, comme aujourd’hui, ont répété : « Ce n’est pas grave, continuons ainsi ! » Mais la situation est grave !

M. Denis Jacquat. J’adhère totalement aux propos de MM. Morange et Accoyer.

M. Bernard Perrut. Il ne faut pas exclure la notion de responsabilisation du domaine de la santé. Nous devons rester vigilants sur le coût que celle-ci représente, et tous les hôpitaux devraient suivre l’exemple de ceux qui affichent les tarifs dans les salles d’attente, non pour culpabiliser le patient mais pour l’informer. Les personnels hospitaliers savent qu’il convient d’accélérer ce mouvement que vous freinez, mesdames et messieurs les députés de la majorité.

M. le rapporteur. Avis défavorable. En 2009 et 2011, le Parlement avait déjà accordé un délai supplémentaire du fait des insuffisances des systèmes d’information (SI) hospitaliers. Nous continuerons d’interpeller le Gouvernement sur l’évolution des SI, qui ont été délaissés depuis dix ans et que nous devons moderniser dans le cadre de calendriers précis. Mais au vu de leur situation actuelle, la surenchère dans la vertu me paraît déplacée !

La Commission rejette ces amendements.

Puis elle adopte successivement les amendements de coordination AS346 et AS347 du rapporteur, l’amendement rédactionnel AS348 du rapporteur et l’amendement de correction AS349 du rapporteur.

La Commission adopte enfin l’article 36 modifié.  

Après l’article 36

La Commission examine les amendements identiques AS12 de M. Jean-Pierre Barbier, AS44 de M. Dominique Tian et AS65 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Barbier. Cet article additionnel vise à approfondir l’indispensable réorganisation de l’offre de soins en encourageant le développement de la chirurgie ambulatoire – domaine dans lequel la France se trouve très en retard. Cela permettrait de réaliser environ 5 milliards d’euros d’économies selon l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP). Il y a donc lieu de mobiliser les ARS sur cet objectif stratégique.

Mme Véronique Louwagie. Le contrat pluriannuel d’objectifs et de gestion conclu entre l’ARS et l’établissement de santé devrait fixer des cibles chiffrées d’accroissement du recours à la chirurgie ambulatoire et un calendrier de mise en œuvre.

Mme Bérengère Poletti. Les ARS doivent pouvoir fixer aux établissements de santé des objectifs précis, notamment pour la chirurgie ambulatoire.

M. le rapporteur. Les ARS suivent déjà cette politique, puisque les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) comportent des exigences de réduction du coût de la prise en charge des patients que la chirurgie ambulatoire concourt à remplir. Avis défavorable.

La Commission rejette ces amendements.

Puis elle est saisie de l’amendement AS223 de M. Jean-Pierre Door.

M. Bernard Accoyer. Si l’on souhaite pérenniser l’assurance maladie, il convient d’assurer son financement et d’anticiper une progression des dépenses de santé supérieure à celle du PIB. La dernière loi de financement de la Sécurité sociale a mis fin à la convergence tarifaire mise en place par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) : décision inexplicable qui emportera rapidement des conséquences dommageables pour la maîtrise des dépenses des établissements de santé – n’en déplaise à ceux et celles qui, parmi nous, confondent leur qualité de député et leur ancienne profession.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je me félicite, quant à moi, que certains députés aient eu auparavant un métier !

M. le rapporteur. Il n’y a pas lieu de relancer aujourd’hui le débat sur la convergence tarifaire ; nous l’avons abandonnée car elle créait un processus artificiel et insoutenable à terme du fait des différences entre les secteurs public et privé. Sa suppression ne s’est d’ailleurs pas traduite par une explosion des tarifs et des coûts hospitaliers, puisque l’ONDAM a été sous-exécuté. J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

M. Gérard Bapt. Le docteur Accoyer vient de nous dire que les dépenses de santé augmentent. C’est aussi le signe que l’on est mieux soigné. Il ne faut pas regretter mais anticiper l’augmentation des dépenses de santé. L’exposé des motifs de l’amendement instrumentalise la Cour des comptes, qui s’était prononcée il y a quelques années pour que la convergence tarifaire intrasectorielle précède toute décision sur la convergence intersectorielle. La priorité réside dans l’homogénéisation des tarifs publics à laquelle incite le Gouvernement.

Monsieur le rapporteur, il serait utile de demander un état du développement de la chirurgie ambulatoire publique région par région. Plus largement, les progrès de la gestion constituent la meilleure protection de l’hôpital public contre le libéralisme extrême.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle étudie les amendements identiques AS10 de M. Jean-Pierre Barbier, AS42 de M. Dominique Tian et AS63 de M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Barbier. Un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), portant sur la maîtrise de l’ONDAM et publié en juillet 2012, a identifié des marges d’économies à l’hôpital. En effet, les dépenses en soins hospitaliers représentent 36 % des dépenses de santé en France contre 29 % en moyenne dans les pays de l’OCDE, et notre pays dispose de près de 18 équivalents temps plein (ETP) hospitaliers pour 1 000 habitants contre 11 en Allemagne. Une meilleure organisation, notamment territoriale, permettrait de dégager, selon ce rapport, près de 15 milliards d’euros d’économies – dont 60 % rien que pour l’hôpital public – sans dégrader la qualité des soins dispensés à nos concitoyens.

Mme Véronique Louwagie. Le déficit de l’hôpital public a certes diminué de 3,3 milliards entre 2011 et 2012 et de 10,6 milliards entre 2010 et 2012, mais il a tout de même atteint 17,5 milliards l’année dernière. Il ne diminue plus cette année du fait du ralentissement de la masse salariale et de la croissance des prestations, si bien que le Gouvernement doit maîtriser les dépenses : dans cette optique, nous souhaitons qu’un rapport sur l’évolution des effectifs hospitaliers publics soit remis au Parlement.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Notre collègue Olivier Véran a été chargé d’une mission sur l’intérim médical, qui coûte très cher à l’hôpital. Le recours à cette aide extérieure résulte du manque de personnel dont souffrent de nombreux établissements.

Mme Bérengère Poletti. L’intérim médical ne résume pas toute la question de l’organisation hospitalière, et le coût comparé de l’hôpital en France pose la question du montant et de l’efficacité des dépenses engagées.

M. Gérard Sebaoun. Il existe une carte hospitalière dont il faut bien tenir compte. Les élus locaux des zones peu densément peuplées souhaitent en général conserver leur hôpital dont le fonctionnement nécessite une structure de gestion. Cela enlève beaucoup de pertinence aux réflexions centrées sur un chiffre national d’ETP.

M. Gérard Bapt. Il est vrai que notre pays compte davantage de lits d’hôpital que nos voisins, mais nous manquons de lits de soins de réadaptation et d’établissements médico-sociaux en mesure d’accueillir à des tarifs abordables des patients de long séjour : des établissements privés peinent à se remplir alors que des personnes attendent d’intégrer une structure éligible à l’aide sociale. Monsieur Barbier, de nombreux salariés hospitaliers souffrent à l’heure actuelle et votre amendement stigmatise l’ensemble des personnels.

M. Michel Liebgott. Les internes passent beaucoup de temps à trouver des lits dans les hôpitaux publics – qui constituent l’unique cible de ces amendements. Les services des urgences accueillent beaucoup de patients, car il manque de médecins généralistes – pourtant de quasi-fonctionnaires – dans beaucoup de régions. L’hospitalisation privée, elle, programme souvent les interventions, ce que ne peut pas se permettre l’hôpital public, submergé par les arrivées imprévues, sans diagnostic préalable.

M. Jean-Pierre Barbier. On me reproche d’utiliser des arguments stigmatisant l’hôpital, alors que vous, mesdames et messieurs les députés de la majorité, n’hésitez pas à stigmatiser l’ensemble de la filière du médicament.

M. le rapporteur. L’opposition développe des positions idéologiques et éloignées de la réalité. La vérité, c’est que la fonction publique hospitalière a perdu 20 000 postes en cinq ans ; les comparaisons internationales sont toujours à charge, mais le nombre d’ETP hospitaliers en France est équivalent à celui des Etats-Unis et inférieur à celui du Danemark. Monsieur Barbier, je n’entends pas l’opposition entre le médicament et l’hôpital public : moins il y a de médicaments et mieux l’on se porte – et mieux vaut privilégier budgétairement l’humain plutôt que le médicament. Enfin, une meilleure organisation n’induit pas forcément une réduction du nombre de personnels. Avis défavorable à ces amendements.

La Commission rejette ces amendements.

Puis elle en vient à l’amendement AS50 de M. Dominique Tian.

Mme Véronique Louwagie. De nombreux acteurs interviennent dans le secteur de la santé. Les régimes obligatoires d’assurance maladie participent au financement des agences et des organismes sanitaires et médico-sociaux par le biais d’une dotation annuelle. En septembre 2012, l’IGF a identifié des doublons entre les activités de l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), de la Haute autorité de santé (HAS) et de l’Agence nationale d’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM).

L’IGF note que plusieurs agences sont chargées d’aider les établissements de santé et médico-sociaux à améliorer la qualité de leurs prestations. Si, en pratique, la coordination des acteurs permet de développer des approches complémentaires, ces situations conduisent à la dispersion des efforts et à une grande complexité du paysage institutionnel.

Le présent amendement ne fait que mettre en œuvre les déclarations du 17 septembre 2012 de M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances et de M. Jérôme Cahuzac, alors ministre du budget, qui avaient accueilli « avec intérêt les propositions visant à améliorer le contrôle sur la gestion financière des satellites de l’État et à renforcer la dimension stratégique de la tutelle de l’État ». Ils affirmaient vouloir lancer rapidement une mission de réflexion sur ce sujet.

M. le rapporteur. Le temps des rapports est passé. Soit vous déposez une proposition de loi dressant la liste des dépenses à supprimer ou à regrouper, soit vous interrogez le Gouvernement en séance publique pour connaître les suites qu’il entend donner aux nombreux rapports rédigés ces dernières années sur ces questions. Défavorable.

Mme Véronique Louwagie. Je me référais aux déclarations des ministres.

La Commission rejette l’amendement.

Article 37 Expérimentation de la délivrance des médicaments à l’unité

La Commission examine les amendements de suppression AS56 de M. Jean-Pierre Door, AS105 de M. Francis Vercamer et AS155 de M. Jean-Pierre Barbier.

Mme Bérengère Poletti. L’article 37 prévoit l’expérimentation de la délivrance d’antibiotiques à l’unité, afin d’en mesurer l’impact médical et économique. Beaucoup de personnes, connaissant peu le système du médicament, souhaitent qu’une telle expérience soit conduite, mais cet article est démagogique : il ne résulte pas d’une concertation avec les professionnels et méconnaît l’exigence de traçabilité des médicaments prescrits. Cette mesure ne dégagera aucune économie et constituera une menace pour la santé.

M. Francis Vercamer. Le médicament est un produit contrôlé et l’article R.5121-138 du code de la santé publique précise les nombreuses mentions – contre-indications, posologie, risques – qui doivent accompagner un médicament ayant reçu une autorisation de mise sur le marché : la vente individuelle empêchera la diffusion de ces informations. En outre, comment retrouver un lot de médicaments suspects si un problème est détecté ? Qui sera responsable des conséquences néfastes de la consommation d’un médicament : l’industriel, le pharmacien ou le Gouvernement ?

M. Jean-Pierre Barbier. Cette expérimentation va mettre en cause la sécurité et la qualité de la délivrance dans les officines. Le terme « empirique » utilisé dans l’exposé des motifs m’inquiète particulièrement, s’agissant des produits de santé publique.

Ce dispositif posera aussi des problèmes de livraison et de stockage dans les officines.

De plus, les antibiotiques font partie des médicaments les plus substitués dans notre pays, les génériques ayant été largement introduits dans cette classe thérapeutique. Une boîte d’amoxicilline coûte 2,78 euros et une boîte de loméfloxacine – l’un des antibiotiques les plus chers prescrits de manière courante – 13,22 euros. On ne peut faire des économies en délivrant ces produits à l’unité que si le pharmacien rend ce service de manière gracieuse. A-t-on pris en compte son travail pour déconditionner les médicaments et mettre à disposition la notice ?

Je suis ouvert à une expérimentation, sous réserve que l’on définisse les conditions financières dans lesquelles le pharmacien effectuera ce travail. Mais je pense que cela ne sera pas rentable. D’autant que ce mode de délivrance posera de nombreux problèmes de responsabilité et entraînera des erreurs de la part des malades, qui se retrouveront avec des comprimés sans boîte. Et s’il y a 1,5 kilo de médicaments de plus par patient dans les pharmacies individuelles chaque année, ce n’est pas dû seulement à un mauvais conditionnement – les laboratoires ayant fait des efforts dans ce domaine –, mais aussi à une mauvaise observance des traitements, contre laquelle nous ne pouvons rien.

M. Gérard Sebaoun. L’exposé des motifs et l’étude d’impact de l’article sont rassurants. Certains pays européens dont le niveau sanitaire est comparable, comme l’Allemagne ou la Suède, utilisent ce mode de distribution du médicament, sans que cela engendre davantage d’accidents. Cette expérimentation est donc utile.

Mais elle soulève la question de toute la chaîne de distribution – et non celle du pharmacien chargé du déconditionnement. D’où cette expérimentation sur 200 pharmacies – les professionnels doivent être impliqués –, qui devrait permettre à terme d’économiser une centaine de millions d’euros.

Il serait rétrograde de dire qu’une mesure de ce type, limitée à une classe thérapeutique, serait un facteur d’instabilité ou empêcherait la traçabilité, d’autant que cela fait longtemps qu’on en parle.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous sommes favorables à la délivrance à l’unité, mais quelles seraient les obligations des industriels, dans la mesure où les pharmaciens sont en droit de demander un conditionnement adapté ? Dans les pays où cela existe, celui-ci est d’ailleurs différent.

Ensuite, pourquoi avoir choisi les antibiotiques, pour lesquels il y a peu de modulations possibles dans la prescription ?

Enfin, pourquoi avoir repoussé à 2017 l’évaluation de cette mesure ? Cela me paraît bien tardif, et j’espère que l’on n’est pas en train d’assister à un enterrement de première classe de cette belle idée !

Mme Ségolène Neuville. Je constate que nos collègues de l’opposition sont réfractaires au changement, ce qui n’est pas nouveau ! Toutes leurs remarques sont recevables, mais je rappelle qu’il s’agit d’une expérimentation, dont l’intérêt est justement de résoudre les problèmes pratiques. En outre, la délivrance à l’unité ne me paraît avoir aucune incidence sur l’observance.

Le choix des antibiotiques se justifie par le fait qu’ils ne donnent guère lieu à des durées de traitement bien définies. Celles-ci sont d’ailleurs mal codifiées, et chaque praticien a ses habitudes en la matière. C’est pourquoi, les boîtes ne sont pas adaptées, et cette mesure permettra au médecin de toujours préciser la durée.

Outre l’aspect financier, cette mesure a un intérêt en termes de santé publique : plus on réduit la consommation d’antibiotiques, plus on améliore leur efficacité. S’il en reste dans les pharmacies individuelles, les malades peuvent avoir tendance à les utiliser à mauvais escient, au risque de faire croître l’antibiorésistance. Les antibiotiques me paraissent donc la bonne famille de médicaments à retenir pour cette expérimentation.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Pour la résistance, il faut aussi tenir compte des antibiotiques prescrits par les vétérinaires…

M. Gérard Bapt. L’étude d’impact montre que de nombreux pays ont mis en œuvre la délivrance à l’unité : l’Espagne, l’Allemagne, la Suède, la Belgique, le Royaume-Uni, mais aussi l’Islande et les États-Unis.

En outre, cette mesure est déjà obligatoire en France pour les médicaments stupéfiants.

Monsieur Roumegas, elle concerne les antibiotiques critiques, ceux de dernière génération, qu’il faut préserver pour éviter de développer des phénomènes trop précoces d’antibiorésistance. D’ailleurs, le ministre de l’agriculture a prévu dans sa future loi d’orientation que les vétérinaires tiennent compte de ce problème, qui suscite un certain nombre de décès par iatrogénèse ou à cause de l’inefficacité des antibiotiques sur certaines souches résistantes.

Au-delà de la santé publique, cette mesure répond à une préoccupation environnementale. Dans les effluents des stations d’épuration, on retrouve de plus en plus de résidus médicamenteux, notamment d’antibiotiques. Des études y ont révélé plus de bactéries résistantes que dans le milieu naturel. Cette expérimentation a donc tout son sens.

Mme la présidente Catherine Lemorton. S’agissant des médicaments stupéfiants, ils font l’objet de déconditionnements par les pharmaciens sur des lots différents et on n’est pas sûr que cela soit juridiquement bien encadré : il ne faut pas comparer ce qui n’est pas comparable !

M. Gérard Bapt. Je me suis contenté de rappeler les termes de l’étude d’impact, qui précise que la délivrance à l’unité est obligatoire en officine de ville en France pour ces médicaments au titre de l’article R. 5132-33 du code de santé publique.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il n’y en a pas moins des problèmes de lots.

M. Dominique Dord. Vous avez aussi vos conservatismes, chers collègues de la majorité, par exemple s’agissant de la défense des avantages acquis !

Quant à moi, je suis plutôt favorable à la délivrance à l’unité : il s’agit d’une idée populaire, qui semble juste en termes d’économie de santé, même si j’entends bien les objections qui viennent d’être soulevées, notamment par Jean-Pierre Barbier.

Mais je me demande si l’expérimentation, telle qu’elle est conçue, ne va pas tuer cette idée. Elle ne pourra être mise en œuvre que par quelques pharmaciens, à leur charge, sans introduire de changement industriel dans le conditionnement. Je crains donc que le résultat soit peu fructueux.

Il aurait été plus pertinent de proposer une expérimentation pour une catégorie de médicaments sur tout le territoire national.

Mme Isabelle Le Callennec. Les pays européens ayant mis en œuvre ce type de mesure se sont-ils intéressés spécifiquement aux génériques ou à d’autres médicaments ?

Par ailleurs, les officines seront-elles choisies sur la base du volontariat ? Devront-elles répondre à certaines caractéristiques ?

Je suis d’accord avec M. Dord : il va falloir que les fabricants se posent à un moment donné la question de savoir si cela vaut le coup – et le coût – de se lancer.

En outre, pourquoi s’être limité à 200 officines ?

Enfin, alors que l’économie attendue de l’expérimentation est d’un million d’euros, celles-ci bénéficieront d’un appui financier : de quel ordre serait-il et sur quel budget serait-il prélevé ?

Mme Véronique Louwagie. Cette question de la délivrance à l’unité est récurrente. J’avais interrogé à ce sujet l’an dernier la ministre des affaires sociales et de la santé, qui s’était montrée très sceptique.

A-t-on une idée du nombre de régions qui seraient retenues pour cette expérimentation ?

On parle d’une désignation des officines : auront-elles la possibilité de refuser ? Toutes celles qui sont candidates seront-elles retenues ? Cette situation ne va-t-elle pas créer des disparités entre les officines ?

M. Bernard Accoyer. Cette disposition est très populaire, mais elle a une dimension démagogique.

Il y a un vrai débat entre les scientifiques et les professionnels – médecins et pharmaciens – sur sa mise en œuvre, qui doit tenir compte de l’environnement. Or, la France a des particularités, liées à son système de soins : l’habitude de consommer beaucoup de médicaments, l’utilisation d’un réseau d’officines unique – atout faisant l’objet de menaces, auxquelles nous devons prêter attention –, une exigence obsessionnelle de sécurité – largement soutenue par les milieux associatifs –, un besoin de confiance – souvent remise en cause par des réactions excessives, relayées de manière incendiaire par les médias – ainsi que de traçabilité absolue.

Il y a quelques semaines, une affaire a défrayé la chronique à propos du furosémide, délivré sous la forme d’un générique. En l’occurrence, le conditionnement avait suscité des interrogations, y compris sur l’ensemble des génériques. S’il n’y avait pas eu de traçabilité, on serait probablement tombé dans ce doute qui aboutit à ce que l’observance des traitements diminue. On l’a vu à l’occasion de la polémique tout à fait décalée à propos des pilules de troisième et quatrième générations, dont il est résulté des complications plus nombreuses et des changements d’habitude dans les contraceptions, avec des grossesses non désirées.

On ferait donc mieux de développer l’automédication, qui est insuffisante dans notre pays, en relation avec les pharmaciens d’officine, plutôt que de retenir cette mesure gadget et finalement dangereuse.

M. Jean-Pierre Barbier. S’agissant du conditionnement, deux observations. D’abord, nous en sommes venus à des conditionnements de type blister parce qu’ils paraissaient plus sécurisés, notamment par rapport au flacon. C’était le cas en particulier pour le lexomyl – premier produit utilisé pour les tentatives de suicide – car on considérait qu’il était plus facile d’avaler un flacon avec des comprimés en vrac que de prélever ceux-ci sur un blister.

Ensuite, un pharmacien peut acheter des médicaments à l’étranger dans la mesure où ils sont moins chers et permettent une économie au regard des remboursements de sécurité sociale. Mais ils nécessitent un déconditionnement, consistant à remplacer la notice. Or, le seul fait de changer de boîte pose un véritable problème de traçabilité au niveau européen, sachant que 50 % des médicaments dans le monde sont contrefaits. Il faut que nous conservions la sécurité dans la chaîne du médicament.

Madame Neuville, concernant l’antibiothérapie en médecine de ville, les conditionnements se font par boîtes de trois, cinq, six ou douze, parfois pour le même produit. Le pharmacien peut par conséquent donner à chaque patient la quantité exacte dont il a besoin. Cette classe de médicaments est donc très mal choisie.

Une véritable concertation avec la profession des pharmaciens aurait permis d’avancer beaucoup plus vite – car, au-delà, se pose la question de la préparation des doses à administrer (PDA) et de la mise sous pilulier de manière traçable et sécurisée. Les pharmaciens peuvent s’équiper à cet effet, mais cela nécessite un investissement supplémentaire. La profession est prête à en discuter : laissons-lui le temps nécessaire et ne faisons pas une expérimentation impraticable, qui sera certainement un enterrement de première classe !

M. Christian Hutin. Cette disposition n’est pas du tout un gadget, ni une mesure anodine : c’est la raison pour laquelle il a été décidé de faire une expérimentation.

Ce n’est pas non plus parce qu’elle est de bon sens qu’elle est démagogique ! Les Français, à qui nous reprochons de prendre trop de médicaments, sont les premiers à estimer en avoir une quantité excessive dans leurs pharmacies individuelles. D’autant que conserver des médicaments ou les donner à d’autres constituent un danger : les résistances antibiotiques sont en grande partie dues à cela.

Cette expérimentation est donc très raisonnable – et elle n’est pas anodine du point de vue du coût. Quand on a demandé, à titre expérimental, aux laboratoires pharmaceutiques des boîtes de 90 comprimés pour les renouvellements de trois mois, ce qui était difficile à leur faire comprendre, on a fait une économie très importante – même si certains craignaient au départ que les malades ne perdent leurs médicaments. En outre, les patients ne comprennent pas pourquoi il y a des boîtes de 28 comprimés pour un traitement d’un mois : peut-être l’industrie pharmaceutique a-t-elle pu profiter d’une petite marge supplémentaire…

M. Francis Vercamer. J’ai été industriel, certes pas dans le domaine du médicament mais dans celui des produits cosmétiques qui est soumis à la même loi que les médicaments. Nous devons tenir compte des exigences de traçabilité et de sécurité du consommateur, mais aussi rechercher le coût de production le plus faible possible.

Or, ce qui coûte le plus cher dans le médicament, c’est l’emballage et la distribution, non le produit lui-même, surtout quand il vaut à peine plus de deux euros ! En déconditionnant les boîtes qui sont livrées, on rajoutera un coût supplémentaire et je ne suis donc pas sûr qu’on fasse une économie – sans compter l’effet négatif en termes de développement durable.

Monsieur Hutin, faire une expérimentation sur le dos de la santé des patients – car il y a quand même des risques en termes de traçabilité et de sécurité –, je ne crois pas que ce soit une bonne idée !

M. Fernand Siré. Il s’agit d’un problème assez complexe. Beaucoup de produits sont déjà distribués à l’unité. Dans les hôpitaux, on reçoit des boîtes d’un kilo de médicaments et c’est le pharmacien d’officine ou l’infirmière qui va les chercher. Dans les maisons de retraite, on a fait l’expérience des blisters, qui sont donnés pour un traitement d’un mois établi par le pharmacien, lequel déconditionne et reconditionne les médicaments – le reste étant jeté, dans la mesure où l’on n’a pas le droit de se servir de médicaments déblistés.

D’ailleurs, avant, nous donnions beaucoup de médicaments aux pays en développement alors que maintenant, par sécurité, cela est interdit. Dès que l’on déconditionne un médicament, la question de la sécurité se pose, en plus de celle de la distribution, du conditionnement ou de la manutention. Quant aux pays qui pratiquent la délivrance à l’unité, comme l’Allemagne, ils ont des médecins non libéraux, payés à la capitation, et les pharmaciens disposent déjà d’un système de distribution adapté.

Au-delà des avantages et des inconvénients qu’elle comporte, cette mesure présente donc des risques pour la sécurité des patients.

M. Olivier Véran. J’ai du mal à savoir si les députés de l’opposition sont en faveur ou non de cette mesure ! En tout cas, dans la majorité, nous y sommes favorables, comme les Français dans leur ensemble.

D’ailleurs, la plupart des professionnels l’ont favorablement accueillie. M. Gartner, président du principal syndicat d’officine, a dit que c’était une bonne idée, et la présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens a assuré que ceux-ci sauront la mettre en œuvre.

Il ne faut donc pas s’opposer à ce qui va dans le sens de l’histoire. Il s’agit en l’occurrence d’une réelle bonne idée.

Je partage certaines des nombreuses interrogations sur les conséquences de telle ou telle modification en matière de distribution, mais réjouissons-nous de commencer par une expérimentation plutôt que par une généralisation ! Cela nous permettra d’apporter les corrections nécessaires.

Enfin, nous allons insister sur l’observance thérapeutique, en liaison avec les mesures de déconditionnement des médicaments. Notre but est que les malades aient les bons traitements au bon moment, et en quantité suffisante. L’objectif de santé publique prime sur l’objectif d’économie.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Véran, la position des membres de l’opposition est relativement claire puisqu’ils nous proposent une série d’amendements de suppression !

Mme Isabelle Le Callennec. Les médicaments non utilisés peuvent être rapportés dans les pharmacies pour être recyclés. L’étude d’impact a-t-elle fait un bilan de cette mesure ?

Par ailleurs, il semble que le rapporteur souhaite ramener la durée de l’expérimentation à moins de quatre ans. Comment trancher ce débat ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Depuis 2008, les médicaments ne sont plus recyclés : Cyclamed les récupère et les détruit. Il faut néanmoins continuer à les rapporter en officine, de même que les boîtes vides. Les industriels sont responsables de leurs déchets. Or, les boîtes vides mises à la poubelle représentent un volume de déchets non négligeable pour les collectivités territoriales qui en assument la collecte.

M. Gérard Bapt. J’avais cru comprendre que les boîtes non entamées pouvaient être récupérées par les pharmaciens à des fins humanitaires.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce n’est plus le cas.

Mme Bérengère Poletti. La voie de l’expérimentation est toujours intéressante. Encore cette dernière doit-elle être conduite correctement. La discussion que nous venons d’avoir montre que l’expérimentation qui nous est proposée n’est pas du tout adaptée. Nous maintenons donc nos amendements. Il serait bon que madame la ministre envisage d’autres manières d’aborder cette expérimentation d’ici le débat dans l’hémicycle. Je rappelle qu’elle n’a pas été conçue avec les professionnels. En l’état actuel, elle semble plutôt contre-productive.

M. Christian Paul, rapporteur. Une idée populaire n’est pas nécessairement une idée démagogique – sauf à admettre que nous pouvons avoir raison contre tous. Il reste que sur des sujets aussi complexes, qui mettent en jeu les industriels, les prescripteurs, les pharmaciens d’officine et les patients, le recours à l’expérimentation est sans doute la seule façon d’avancer. Le Gouvernement et la majorité ont d’autant moins de religion sur le sujet que les points de vue exprimés sont pour le moment assez divers, y compris chez les professionnels.

Lisez attentivement l’article, madame Poletti : il ne fixe pas le cadre de l’expérimentation, mais se borne à en poser le principe – peut-être aussi à en affirmer l’urgence. Une concertation approfondie aura lieu avant la publication du décret qui fixera le cadre de l’expérimentation. Elle permettra de demander aux industriels qui accepteront de participer et aux pharmaciens – qui devront être volontaires – s’il vaut mieux procéder, pour cette expérimentation, à des conditionnements nouveaux ou par déconditionnement, ce qui me semble plus hasardeux. Notre rôle consiste ici à fixer quelques principes. J’ai par exemple déposé un amendement pour insister sur la nécessité de l’information des patients. En revanche, des sujets très concrets – comme la notice – n’ont pas vocation à être détaillés dans la loi. Bornons-nous donc à poser les principes, sécurité du patient, traçabilité, information. Le décret fixera ensuite les conditions de l’expérimentation.

À ce stade, je ne me livrerai d’ailleurs à aucun pronostic sur l’issue de cette expérimentation – sans quoi il serait inutile de la mettre en œuvre. C’est bien parce nous avons de légitimes interrogations que nous souhaitons la faire sur un échantillon de professionnels. Dans cette perspective, il sera très utile que chacun formule ses doutes devant madame la ministre, lors de la discussion en séance publique. Cette expérimentation est en effet très délicate, puisqu’elle remet en cause les habitudes industrielles, les habitudes professionnelles des médecins et des pharmaciens, et surtout celles des Français, qui ont tous chez eux – moi le premier – des armoires pleines de médicaments.

Je suis donc défavorable à ces amendements de suppression, qui reviennent à tuer une idée intéressante, mise en œuvre dans de nombreux pays européens. Faites donc un voyage d’études chez nos voisins, monsieur Barbier : vous constaterez qu’elle n’a rien d’irréaliste. Avec un peu d’imagination, beaucoup de prudence et une évaluation dans trois ans au lieu de quatre, il me semble que nous pouvons sécuriser l’expérience.

La Commission rejette les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement AS129 du rapporteur.

M. Christian Paul, rapporteur. Il s’agit de ramener la durée de l’expérimentation de quatre à trois ans.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS107 de M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. J’ai évoqué tout à l’heure le problème de la responsabilité en cas d’erreur survenant à la suite de la distribution de médicaments à l’unité. Compte tenu des responsabilités particulières qu’induit cette mesure pour les différents acteurs de la filière, il est nécessaire que le décret précise les conditions dans lesquelles la responsabilité de chacun d’entre eux – industriels, pharmaciens, médecins, État – pourrait être engagée. C’est à quoi tend cet amendement.

M. Christian Paul, rapporteur. Je suis sensible à votre souci de prendre en compte les responsabilités particulières de chacun des acteurs de la chaîne. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine l’amendement AS131 du rapporteur.

M. Christian Paul, rapporteur. Cet amendement – dont j’ai déjà parlé – vise à prévoir dans le décret une obligation d’information de l’assuré.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS132 du rapporteur.

M. Christian Paul, rapporteur. Cet amendement déroge au principe que j’ai posé en début de séance : il prévoit que le décret devra être élaboré après la consultation des professionnels concernés. Vous le voyez, nous sommes tous conscients de la nécessité de les associer.

M. Bernard Accoyer. Je m’interroge sur cette obsession à faire figurer dans la loi des dispositions qui devraient aller de soi. Si le rapporteur fait confiance au Gouvernement, il sait que cet amendement a toutes les chances d’être satisfait. Le code de la santé publique est déjà particulièrement complexe. Faisons donc confiance à l’administration et au Gouvernement pour les dispositions qui relèvent du pouvoir réglementaire !

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne partage pas l’opinion de M. Accoyer. A priori, je fais confiance au Gouvernement, mais l’expérience montre que les choses ne sont pas toujours si simples. Puisque nous sommes tous d’accord sur le principe de cette consultation, autant le dire dans la loi.

Mme Bérengère Poletti. Très bien.

M. Christian Paul, rapporteur. Voici un chassé-croisé qui fait sourire vos collègues, monsieur Accoyer. Au début de la séance, plusieurs membres de l’opposition ont défendu des amendements à d’autres articles tendant à prévoir cette obligation de consultation des organisations professionnelles. J’ai résisté à la tentation, en me fondant sur l’argument que vous venez d’invoquer. Mais nous sommes ici dans un domaine très sensible, qui ne relève pas du cadre normal de la consultation des professionnels. En outre, leur responsabilité est engagée. Je vous propose donc de déroger exceptionnellement au principe.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS130 du rapporteur.

M. Christian Paul, rapporteur. L’échéance de 2017 est certes importante (sourires). Mais le Gouvernement sera certainement en mesure de dresser le bilan de l’expérimentation dès le 30 septembre 2016.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS106 de M. Francis Vercamer tombe.

La Commission adopte l’article 37 modifié.

Après l’article 37

La Commission examine l’amendement AS161 de M. Céleste Lett.

M. Céleste Lett. Je ne pouvais qu’applaudir à l’annonce de madame la ministre. J’avais en effet défendu il y a trois ans, le 20 octobre 2010, les avantages du conditionnement à l’unité des médicaments. J’aurais aimé l’interroger lors de son audition la semaine dernière, mais on ne m’en a pas laissé le temps, et la lecture du texte n’a pas répondu à toutes les questions que je me posais.

Je m’inscris en faux contre les propos tenus par mes collègues de l’UMP sur cette expérimentation que je soutiens. En effet, les avantages de la délivrance des médicaments à l’unité ne sont plus à démontrer. Contrairement à ce qui a été dit, des études ont été conduites dans le cadre de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et de la Haute Autorité de santé (HAS), et elles concluent que cette démarche pourrait déboucher sur des économies substantielles à plusieurs niveaux. Il ne faut pas seulement prendre en compte l’écart entre la prescription et la facturation, qui s’élève – selon une étude française réalisée au sein de 100 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) – à environ 30 centimes d’euro par patient et par jour, mais aussi les hospitalisations pour cause d’effets indésirables, de perte d’autonomie des patients âgés ou de surconsommation de médicaments qui peuvent être évitées. Les économies sont donc bien plus importantes qu’on ne l’imagine : elles représenteraient plusieurs milliards d’euros. Je ne peux donc que soutenir cette expérimentation.

Cependant, ses modalités pratiques semblent avoir été oubliées. L’anxiété des pharmaciens ne doit pas nous empêcher de procéder à l’expérimentation, mais elle est compréhensible : la distribution des médicaments à l’unité nécessitera des opérations complexes de saisie des données et de contrôle de la traçabilité ; les officines seront contraintes d’embaucher du personnel supplémentaire et d’investir dans des matériels spécifiques. Or, seules les grosses officines peuvent se permettre l’achat d’un appareil de conditionnement. En milieu rural, les pharmaciens n’en auront pas les moyens. C’est pourquoi je propose que la préparation des doses à administrer (PDA) puisse être confiée à un établissement pharmaceutique industriel, ce qui permettrait du même coup de résoudre le problème du stockage des médicaments.

Je pense que le nombre de produits concernés par l’expérimentation pourrait être augmenté. J’ai proposé à madame la ministre, à la sortie de l’audition, de lui faire visiter un établissement de ce type. Cela pourrait aussi être instructif pour nos collègues qui sont réticents à l’idée de cette expérimentation : ils constateraient que toutes les mesures de sécurité et de traçabilité y sont respectées.

M. Jean-Pierre Barbier. Restons prudents sur les économies qui pourraient être réalisées grâce au déconditionnement. Il faut distinguer la délivrance des médicaments en ville, par des officines, et la délivrance effectuée dans les maisons de retraite ou les EHPAD. Les économies évoquées concernent principalement la seconde.

En ce qui concerne la médecine de ville, cher collègue Hutin, les boîtes de 90 comprimés ont abouti à une catastrophe. Il aurait fallu choisir une unité de prescription de quatre semaines. Il suffisait ensuite de décliner en faisant des boîtes de 7, de 14, de 28, de 56 et de 84. C’est en faisant des boîtes de 90, de 30, de 28 et de 14 que l’on crée de la perte. Il suffirait de revoir le conditionnement de toutes nos spécialités thérapeutiques pour faire de vraies économies.

J’en viens à l’amendement de notre collègue Lett. J’ai participé l’an dernier, à l’occasion du congrès Pharmagora, à une table ronde sur la PDA. Je suis donc tout à fait favorable à cette dernière. Mais pour faire du déconditionnement aujourd’hui en France, il faut avoir un stock de tous les médicaments. Or, seuls les pharmaciens d’officine sont dans ce cas – cela fait partie du monopole. La profession est prête à faire de la PDA. Les grosses officines pourront investir afin de le faire en toute sécurité – les pharmaciens sont tout aussi capables que les industriels de s’acquitter correctement de cette tâche. Simplement, il faudra autoriser les pharmaciens qui n’ont pas la possibilité d’investir à sous-traiter à ceux qui peuvent le faire. Il n’est pas question de déléguer le stockage, la fabrication et le conditionnement à des industriels.

M. Fernand Siré. Je suis tout à fait opposé à cet amendement. Les pharmaciens sont déjà en grande difficulté : ne leur enlevons pas ce pan essentiel de leur activité. Beaucoup d’entre eux assurent déjà la confection de médicaments dans leur officine. Rien ne les empêche d’ailleurs de s’associer pour financer les investissements nécessaires à la mise sous blister. Enfin, ils offrent une garantie de sécurité par rapport aux industriels, qui pourraient déléguer la tâche à je ne sais quel sous-traitant. Ils peuvent parfaitement délivrer les médicaments au mois aux personnes âgées sous forme de blister : c’est leur métier !

M. Michel Liebgott. Permettez-moi d’apporter mon soutien à Céleste Lett, qui est aujourd’hui à l’avant-garde avec cette proposition inspirée de l’exemple allemand. Il est dommage que le groupe UMP ne partage pas sa position.

M. Christian Paul, rapporteur. Avis défavorable à cet amendement. La PDA existe déjà – notamment au profit des EHPAD. Il s’agit aujourd’hui de savoir si elle peut être sous-traitée à des entreprises proches ou lointaines. Nous pourrons continuer la réflexion en séance publique. À ce stade, l’amendement pose des problèmes de faisabilité. Il s’agit de préparer des piluliers pour plusieurs médicaments, à partir de plusieurs prescriptions, parfois pour le même patient. Cela supposerait donc que l’officine adresse toutes les ordonnances et toutes les boîtes de médicaments à l’entreprise pour la mise en pilulier – ce qui est loin d’être simple. Mais nous aurons l’occasion d’en rediscuter en séance.

La Commission rejette l’amendement.

Article 38 : Promotion des médicaments biologiques similaires

La Commission est saisie des amendements identiques AS4 de M. Jean-Pierre Barbier et AS224 de M. Jean-Pierre Door, tendant à supprimer l’article 38.

M. Jean-Pierre Barbier. Les « biosimilaires » sont des médicaments biologiques similaires à un médicament de référence. L’autorisation de leur mise sur le marché est délivrée sur la base d’une similarité de résultats thérapeutiques et non pas uniquement sur la base de la bioéquivalence. Cette démarche novatrice doit s’accompagner d’une véritable gestion des risques.

En l’état actuel de la réglementation, la substitution du biosimilaire au médicament de référence n’est pas possible. Nous demandons que cette substitution bénéficie, pour la sécurité sanitaire des patients, d’un meilleur encadrement que celui proposé par l’article.

Mme Bérengère Poletti. Même argumentation.

M. Christian Paul, rapporteur. Même si nous l’avons abordée l’an dernier, la question des biosimilaires est encore neuve pour beaucoup de parlementaires. Un médicament biosimilaire, je le rappelle, est similaire à un médicament biologique de référence déjà autorisé sur le marché. Il peut être produit et prescrit lorsque ledit médicament tombe dans le domaine public.

Mais les biosimilaires ne sont pas de simples génériques. Il convient donc de définir un cadre spécifique permettant de le prescrire et, le cas échéant, de le substituer.

Aux enjeux de sécurité sanitaire s’ajoutent des enjeux économiques, puisque la filière – plus chez nos partenaires européens qu’en France – est en plein développement.

Le dispositif légal du projet, centré sur le binôme médecin-pharmacien, sécurise et précise les conditions de la substitution. Le prescripteur aura la possibilité de la refuser s’il le juge nécessaire et le pharmacien accompagnera le patient dans la prise du traitement.

Il doit être bien précisé qu’il ne s’agit que de primo-prescriptions : afin d’éviter des risques sanitaires potentiels, la substitution ne peut intervenir en cours de traitement.

Enfin, lors des auditions préalables, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) m’a remis une étude datée de septembre 2013 qui vient à l’appui de la proposition du texte. Je la tiens à la disposition des commissaires.

Avis défavorable, donc, aux amendements de suppression. Il sera néanmoins intéressant de mener le débat avec le Gouvernement lors de la discussion en séance publique, tant cette innovation requiert des précautions rigoureuses en matière de sécurité sanitaire.

M. Jean-Pierre Barbier. Comment gérer, dans le cas d’espèce, le « nomadisme médical » ? Un patient n’est pas toujours bien informé de ses traitements et il peut changer d’officine. Dès lors que le dossier pharmaceutique n’est pas encore généralisé, par quels moyens le pharmacien proposant un biosimilaire pourra-t-il s’assurer que le patient est vierge de tout traitement ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. La prise de ces médicaments – hormone de croissance, érythropoïétine, anticorps monoclonaux – intervient généralement dans des traitements très lourds où le nomadisme des patients est peu développé. Pour autant, en cas de déménagement du patient par exemple, rien n’empêche son nouveau pharmacien de téléphoner à son confrère ou à l’hôpital qui a délivré la première prescription.

M. Christian Paul, rapporteur. La question de M. Barbier est légitime, mais on peut supposer que les pharmaciens confrontés à ces cas prendront toutes les précautions possibles.

M. Fernand Siré. Certains médicaments ont des effets secondaires importants qui ne sont pas décrits par l’autorisation de mise sur le marché, mais que le médecin aura pu déterminer pour tel ou tel patient. Lorsque l’on suit un malade depuis longtemps, on connaît son passé, sa famille, son hérédité. Les biosimilaires étant des médicaments nouveaux, il convient d’observer la plus grande prudence.

M. Gérard Bapt. L’utilisation des biosimilaires appelle en effet une grande prudence, notamment lorsqu’il s’agit de les substituer au médicament de référence. L’année dernière, j’ai consacré une tribune à ce sujet dans Le Quotidien du médecin.

L’article 38 comporte deux volets. Il prévoit d’abord l’élaboration par l’ANSM d’un répertoire des médicaments biologiques similaires. Il faut en effet identifier et regrouper les médicaments biologiques de référence et leurs similaires, en indiquant ceux qui peuvent donner matière à prescription. Il me semble, monsieur Barbier, que nous devons conserver ce volet, c’est pourquoi je ne voterai pas les amendements de suppression.

S’agissant du deuxième volet, qui traite de la prescription et de la substitution de ces médicaments, j’appelle l’attention sur la responsabilité partagée du médecin et du pharmacien, le premier effectuant la prescription et l’autre la substitution. Selon M. Didier Tabuteau, la question ne manquera pas de se poser en cas d’événement indésirable grave. Un biosimilaire peut en effet avoir des effets indésirables différents de ceux du médicament de référence, notamment en matière immunologique. Il ne s’agit pas, on l’a dit, d’un générique.

M. Barbier a également raison de soulever la question de la prescription initiale. Nous allons assister au développement de biosimilaires d’anticorps monoclonaux servant à traiter des maladies chroniques telles que les polyarthrites. Le dossier pharmaceutique étant limité à quatre mois et n’étant pas exhaustif, le pharmacien devra prendre la responsabilité de la substitution si la prescription ne comporte pas l’indication « non substituable ». Il est prématuré, me semble-t-il, de lui faire endosser une telle responsabilité.

Il y a quelques années, par exemple, une simple variation de la molécule d’érythropoïétine (EPO) fabriquée par une même chaîne de production a provoqué, chez certains malades, le développement d’anticorps anti-EPO.

Bref, il s’agit d’un domaine très délicat. Je me propose d’ailleurs de déposer un amendement visant à remplacer le terme de « répertoire » par celui de « liste de référence », afin d’éviter toute confusion avec le répertoire des génériques.

M. Jean-Louis Touraine. Autant je suis convaincu que la substitution des biosimilaires est appelée à se développer, autant je crois qu’il faut mettre en place un dispositif très différent de celui qui prévaut en matière de génériques. Les molécules des génériques étant identiques à celles des médicaments princeps, il n’existe aucun fondement rationnel à s’opposer au traitement qui offre le meilleur rapport qualité prix. Il en va tout autrement des biosimilaires, sachant que les médicaments biologiques connaissent déjà des variations d’un lot à un autre.

Le problème, en l’occurrence, est celui de la production d’anticorps contre le produit. On l’a observé pour l’érythropoïétine mais c’est également vrai pour l’insuline ou pour le facteur VIII qui, chez certains hémophiles, se traduit par des taux d’anticorps très élevés, ce qui réduit l’efficacité du produit et oblige à administrer des doses beaucoup plus fortes.

Il est donc logique de prévoir que le pharmacien recueille l’accord du prescripteur préalablement à la substitution. Cette mesure de prudence aura en outre l’avantage d’éviter l’assimilation, dans l’esprit du public, entre biosimilaires et génériques. Le jour où l’on rapportera qu’un biosimilaire substitué produit tel ou tel effet secondaire, il ne faut pas que cela se répercute sur les génériques. Si l’on adopte une procédure identique, le risque est de discréditer les génériques alors que la question est toute différente.

M. Christian Paul, rapporteur. Il faut en effet y insister : le médicament biosimilaire et le médicament biologique de référence ne sont pas identiques et la démarche propre aux génériques ne leur est pas applicable.

Cela dit, on constate déjà des pratiques de substitution. Un des intérêts de l’article 38 est de leur donner un cadre juridique et de préciser la responsabilité de chacun. Comme pour les génériques, il est loisible au prescripteur de porter la mention « non substituable » sur l’ordonnance.

Nous ne sommes pas non plus en terre totalement inconnue. Dans son document de septembre, l’ANSM précise que « les données requises pour le développement et l’autorisation des produits biosimilaires sont plus importantes que celles demandées pour un produit générique d’une substance chimique et incluent des études cliniques ». L’article 38 renforce encore ces précautions, même si, comme le suggère M. Bapt, le vocabulaire employé doit permettre de bien faire la différence avec les génériques. Des amendements pourront être déposés en ce sens avant la discussion en séance publique.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Elle en vient à l’amendement AS135 du rapporteur.

M. Christian Paul, rapporteur. Il convient que l’ANSM soit chargée d’élaborer le futur répertoire – ou la future liste de référence – des biosimilaires.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS136 du rapporteur.

M. Christian Paul, rapporteur. Il s’agit de renforcer la lisibilité de la prescription des biosimilaires et de l’intention du prescripteur, afin de favoriser la substitution par le pharmacien tout en garantissant la sécurité du patient.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement AS279 de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Il est souhaitable que l’information du prescripteur par le pharmacien se fasse préalablement à la substitution, afin de s’assurer que le prescripteur n’a pas oublié de porter la mention « NS » (non substituable) sur l’ordonnance. Elle constitue aussi une garantie juridique pour le pharmacien.

M. Christian Paul, rapporteur. Je n’y suis pas hostile. Nous approfondirons la question en séance. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

M. Jean-Louis Touraine. Cette disposition apporte en effet davantage de sécurité puisque le prescripteur, dûment informé, pourra apporter son accord ou opposer son veto à la substitution. La procédure peut provoquer une légère diminution du nombre de substitutions, certes, mais les économies escomptées – 5 millions d’euros en 2015 et 15 millions en 2016 – sont de toute façon modestes.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Si le prescripteur refuse la substitution, le patient devra retourner le voir pour qu’il ajoute la mention « non substituable ».

M. Jean-Louis Touraine. Cela ne concerne que les médicaments génériques.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Qu’il s’agisse aujourd'hui des génériques ou demain des biosimilaires, il est obligatoire que le médecin indique sous forme manuscrite qu’il s’oppose à la substitution. Un simple coup de fil est insuffisant.

M. Jean-Louis Touraine. Si l’on informe préalablement le médecin, c’est bien pour tenir compte de son avis !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Soit, mais cela passe par un engagement manuscrit supposant une nouvelle visite du patient. En l’état, le texte contraindra le pharmacien à pratiquer la substitution pour peu que celle-ci entre dans le panier d’économies qu’il doit générer pour la sécurité sociale. Il est évident que le couperet sera le même que pour les génériques.

Mme Jacqueline Fraysse. Ne faudrait-il pas préciser que la substitution n’est pas obligatoire ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le Gouvernement devra nous apporter des précisions. Un simple coup de fil n’apporte aucune sécurité au pharmacien !

M. Christian Paul, rapporteur. Pas en termes de responsabilité juridique, en effet. Pour l’heure, le texte ne prévoit qu’une obligation d’information.

M. Gérard Bapt. Si la prescription ne comporte aucune mention, le pharmacien devra d’abord s’assurer qu’il s’agit d’une première prescription – ce que le dossier pharmaceutique, limité aux quatre derniers mois, ne lui permettra pas de savoir. Mais, contrairement à ce qui se passe pour les médicaments génériques, il ne sera pas obligé de procéder à la substitution.

Au demeurant, des discussions sont toujours en cours pour définir ce que sont les biosimilaires. Les définitions sont différentes aux États-Unis et dans l’Union européenne, et l’approche française présente elle-même des singularités. Le secteur est en devenir. Si le pharmacien décide de substituer un biosimilaire – c'est-à-dire, je le rappelle, une autre molécule – au médicament de référence et si des effets indésirables graves sont constatés par la suite, il en portera la responsabilité juridique.

Par conséquent, il faut mieux encadrer la procédure. Je conviens que l’information préalable est parfois difficile à réaliser. Cela étant, si le pharmacien ne parvient pas à joindre le médecin, rien ne lui interdit de délivrer la molécule princeps. L’obligation de substitution vaut pour les génériques, pas pour les biosimilaires.

Mme Jacqueline Fraysse. Une clarification est nécessaire. S’il y a obligation de substitution, la question de la notification manuscrite du médecin se pose. Si, en revanche, la substitution est facultative, on peut penser que tout pharmacien sérieux se renseignera auprès du médecin et se conformera à son avis.

M. Christian Paul, rapporteur. En amont, tout médecin sérieux aura porté la mention « non substituable » sur la prescription s’il considère qu’il ne doit pas y avoir substitution.

Dans le même ordre d’idées et pour en revenir à mon amendement AS136, peut-être conviendrait-il de rendre obligatoires les mentions relatives à l’initiation du traitement ou à la poursuite d’un traitement déjà initié, car ces données sont déterminantes.

M. Jean-Pierre Barbier. Il est évident que le pharmacien ne procédera jamais à la substitution si elle est toujours facultative.

M. Gérard Bapt. Au vu des préventions qui existent déjà contre les génériques, il n’est pas difficile d’imaginer en effet ce qui se passera : le médecin ayant mentionné que le médicament est substituable, sans aucun caractère d’obligation, le pharmacien délivrera systématiquement le médicament princeps. J’ajoute que les biosimilaires présentent un intérêt économique assez faible : le rabais consenti par le Comité économique des produits de santé (CEPS) sur les érythropoïétines, par exemple, est déjà de 20 à 30 % ; de surcroît, la mise sur le marché des équivalents fait encore baisser le prix du médicament princeps. Les biosimilaires posent en revanche un réel problème de santé publique.

M. Olivier Véran. Les biosimilaires, on le sait, ne sont pas assimilables aux génériques, dont le médecin peut empêcher la délivrance par la mention « non substituable ». Ne pourrait-on inverser cette procédure, en demandant au médecin de préciser, le cas échéant, que le biomédicament est substituable ? La possibilité d’une telle substitution dépend des pathologies, des traitements et des patients : on ne saurait donc la systématiser en amont. D’ailleurs, quand bien même le pharmacien parviendrait à joindre rapidement le médecin, celui-ci devrait encore lui transmettre une confirmation écrite.

M. Jean-Pierre Barbier. L’idée de M. Véran est séduisante, mais en quoi règle-t-elle la question ? Si le pharmacien procède à la substitution après que le médecin l’a autorisée, ce dernier, en cas de problème, pourra toujours dire que ce n’est pas celle qui convenait. Nous parlons de produits très techniques, encore peu prescrits. Les substitutions n’auront donc jamais lieu en pratique : à moins de les rendre obligatoires, je ne vois pas l’intérêt d’en discuter aujourd’hui.

M. Fernand Siré. Les biosimilaires, produits par de grands laboratoires américains, feraient concurrence à certains médicaments développés par nos laboratoires de recherche après de lourds investissements. Ce n’est donc pas en ouvrant ce marché que l’on soutiendra une industrie pharmaceutique déjà en difficulté.

M. Christian Paul, rapporteur. Transférer la responsabilité vers le médecin prescripteur me semble un peu excessif, monsieur Véran. Il serait plus équilibré d’obliger le prescripteur à porter certaines mentions, à charge pour le pharmacien de décider d’une éventuelle substitution, pour peu qu’elle ne soit pas interdite par le même prescripteur. Le sujet étant nouveau, nous avons, en tant que législateur, une responsabilité particulière. Je suggère donc que nous réfléchissions collectivement à une solution claire d’ici à l’examen en séance : n’ajoutons pas la confusion à la crise de confiance dont ces nouveaux médicaments font souvent l’objet, comme on a pu l’observer avec les génériques.

M. Jean-Pierre Barbier. On faciliterait les choses en obtenant que les prescriptions se fassent, comme c’est le cas dans beaucoup de pays, selon la dénomination commune internationale.

L’amendement AS279 est retiré.

La Commission adopte l’article 38 modifié.

Article 39 : Prise en charge des médicaments ayant bénéficié d’une autorisation temporaire d’utilisation (ATU)

La Commission examine l’amendement AS6 de M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. L’article 39 institue un reversement de la différence de prix entre l’indemnité d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) et le prix ou tarif fixé par le CEPS. Je ne comprends pas comment un tel reversement peut intervenir avant la fixation du prix. En outre, les laboratoires ne risquent-ils pas de se détourner du dispositif, au détriment des patients qui se verraient privés d’innovations thérapeutiques ?

M. Christian Paul, rapporteur. L’article garantit la pérennité du traitement, quelle que soit l’indication. Nous avons d’ailleurs supprimé la limitation de la prise en charge à sept mois, telle qu’elle était prévue dans le cadre d’une expérimentation instituée par la loi de 2011.

L’article prévoit que l’indication de l’ATU devra s’appuyer sur des motifs thérapeutiques pour justifier le report de la demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Le but est de limiter le « hors AMM », qui a provoqué les ravages que l’on sait dans l’affaire du Mediator.

Sans le reversement visé à l’alinéa 4, monsieur Barbier, les laboratoires dont les produits bénéficient d’une prise en charge dérogatoire n’auraient aucun intérêt à faire avancer les négociations. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle rejette, suivant l’avis défavorable du rapporteur, l’amendement AS5 de M. Jean-Pierre Barbier.

Elle examine ensuite l’amendement AS280 de M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Je veux répondre à une préoccupation exprimée par des associations de patients au sujet de médicaments innovants, pour lesquels les indications de l’ATU sont limitées au besoin d’une cohorte et qui peuvent, à l’occasion d’une AMM européenne, se voir élargies sur le fondement d’études cliniques produites par le laboratoire.

Entre l’AMM et la fixation du prix par le CEPS, il s’écoule souvent plusieurs mois, pendant lesquels les patients concernés ne seraient pas pris en charge par l’assurance maladie. Le raccourcissement du délai entre l’AMM et la fixation du prix est une bonne chose, mais l’article ne tient pas compte des patients non concernés par les indications de l’ATU, et pour lesquels il n’existe pas d’alternative thérapeutique. Une fois le prix fixé, ces patients pourront bien entendu se voir rembourser l’éventuel trop-perçu par le laboratoire.

M. Christian Paul, rapporteur. Tel qu’il est rédigé, l’amendement élargirait la prise en charge, à des prix librement fixés par les laboratoires, de patients bénéficiant d’indications hors AMM, alors même qu’il existe des alternatives thérapeutiques – sans parler des risques de contentieux. On voit ce que les industriels du secteur auraient à y gagner, même si, monsieur Bapt, ce n’est évidemment pas votre intention. Je vous invite donc à retirer votre amendement pour en revoir la rédaction d’ici à l’examen en séance.

M. Gérard Bapt. L’idée est d’inclure la prise en charge dans le champ de l’AMM ; elle m’a été suggérée à l’occasion d’un entretien avec une association de patients – peut-être elle-même interpellée par un laboratoire. Néanmoins, au bénéfice des explications du rapporteur, je retire l’amendement pour en revoir la rédaction, en espérant que le Gouvernement y souscrira car il a une petite incidence budgétaire.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 39 sans modification.

Article 40 : Déclaration des remises sur les médicaments génériques consenties aux pharmaciens par les laboratoires pharmaceutiques

La Commission examine les amendements identiques AS108 de M. Francis Vercamer et AS145 de M. Rémi Delatte.

M. Francis Vercamer. L’article 40 tend à améliorer la transparence des conditions de commercialisation des médicaments génériques. Il n’a toutefois de sens que si la concurrence existe, le plafond de 17 % du prix fabricant hors taxes, applicable aux remises commerciales pratiquées sur les médicaments génériques, a été instauré en attendant que le marché arrive à maturité.

Si ce plafond n’est pas supprimé, la baisse du prix des génériques risque d’être principalement supportée par les officines, qui sont déjà les premières touchées par les baisses de prix des médicaments. Une meilleure répartition de l’effort entre les pharmaciens et les industriels me paraît souhaitable.

M. Rémi Delatte. On ne saurait obliger les officines, déjà en difficulté économique, à supporter seules la baisse du prix des génériques : cela pourrait d’ailleurs avoir des conséquences sur l’emploi.

M. Christian Paul, rapporteur. La transparence doit être l’objectif prioritaire. L’idée d’un déplafonnement est à l’étude ; en toute hypothèse, il ne pourra d’ailleurs être que partiel. L’adopter dès à présent, selon les conditions que vous proposez, nous ferait basculer dans un système à l’anglo-saxonne, où les professionnels négocient directement le prix avec les industriels avant de reverser une partie des montants à l’assurance maladie. Personne n’est prêt à un tel bouleversement aujourd’hui. Avis défavorable.

M. Rémi Delatte. Nul n’ignore que certaines officines ont contracté avec des distributeurs de médicaments qui inspirent la défiance des services de l’État. C’est pourquoi je souhaitais davantage de transparence ; néanmoins je retire l’amendement.

L’amendement AS145 est retiré.

La Commission rejette l’amendement AS108.

Puis elle adopte l’article 40 sans modification.

Après l’article 40

La Commission examine, en discussion commune, les amendements AS184 rectifié de Mme Jacqueline Fraysse et AS118 de M. Jean-Louis Roumegas.

Mme Jacqueline Fraysse. Je souhaite réserver le remboursement aux seuls médicaments apportant une amélioration du service médical rendu (ASMR). Pourquoi soutenir économiquement des médicaments qui n’apportent rien de plus que ceux qui existent déjà ? La mesure de bon sens que je propose serait source d’économies.

M. Christian Paul, rapporteur. Toute inscription sur la liste des médicaments remboursés se fonde, non sur l’ASMR mais sur le SMR, le service médical rendu. Certains déremboursements se justifient par des raisons de santé publique ; il me paraît difficile de les fonder sur des motifs économiques, avec le risque de voir des patients renoncer aux soins.

Il existe d’autres pistes d’économies sur les médicaments. Ce projet de loi en prévoit quelques-unes, sur les génériques ou sur l’encadrement de la prescription. Dans cette optique, nous avons confié à la HAS le soin d’établir des guides médico-économiques pour certains produits. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Fraysse. Je ne comprends pas votre position. Pourquoi fonder le remboursement sur le SMR plutôt que sur l’AMSR ? En d’autres termes, pourquoi admettre au remboursement de nouveaux médicaments qui n’apportent rien de plus que les autres ? Ce système a un coût pour la sécurité sociale et n’apporte rien aux patients.

Mme la présidente Catherine Lemorton. J’ai été responsable, en 2011, pour le groupe SRC, du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé : votre préoccupation, madame Fraysse, est déjà inscrite dans la loi, qui a prévu notamment les tests contre-comparateurs. De plus, les industriels n’ont plus intérêt à contourner ces dispositions. Depuis la loi de 2011, les nouveaux médicaments doivent être innovants pour être mis sur le marché.

Mme Jacqueline Fraysse. Il convient donc de fonder le remboursement sur l’ASMR, et non plus sur le seul SMR.

M. Jean-Louis Roumegas. Mon amendement ayant le même objet que celui de Mme Fraysse, la réponse de M. le rapporteur ne me satisfait pas non plus. Il faut répondre à une stratégie des industriels qui, dès lors que leurs médicaments peuvent faire l’objet de génériques, inventent de nouveaux produits n’offrant aucune amélioration du service médical rendu, uniquement pour continuer de bénéficier de la rente procurée par le remboursement.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les faits sont là : depuis l’adoption de la loi de 2011, les laboratoires licencient les visiteurs médicaux en grand nombre – ils sont passés de 25 000 en 2005 à 16 000 aujourd'hui – parce qu’il n’y a plus aucun intérêt pour eux à les envoyer chez les généralistes vendre des médicaments dont il existe des équivalents génériques.

Les visiteurs ont désormais pour cœur de cible les prestations hospitalières initiales.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la Commission rejette successivement les amendements AS184 rectifié et AS118.

Puis elle examine l’amendement AS204 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Il n’y a pas lieu que les médicaments qui n’apportent pas d’économie dans les coûts de traitement par rapport aux princeps ou aux génériques existants figurent dans la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L.162-17 du code de la sécurité sociale.

Alors que la charte de la Haute autorité de santé prévoit que les médicaments classés ASMR5, autrement qualifiés « sans plus-value thérapeutique », ne peuvent être inscrits au remboursement que s’ils apportent une économie dans les coûts de traitement, de nombreux exemples témoignent du contraire : je pense notamment au Tahor, qui a été mis sur le marché et a été remboursé, alors même qu’il coûtait plus cher et n’apportait aucune amélioration du service médical rendu.

M. Christian Paul, rapporteur. Je vous propose de revenir sur ce débat dans l’hémicycle. Je suis moi aussi favorable à une approche médico-économique fixant le prix des médicaments et décidant de leur remboursement en fonction de leur efficacité. Le tout est de déterminer les bons paradigmes.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS212, deuxième rectification, de Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je propose de privilégier un mécanisme de baisse de prix pour réguler le marché du médicament.

Les remises ou les baisses de prix des médicaments sont les deux instruments de régulation conventionnelle en cas de dépassement du chiffre d’affaires prévisionnel des laboratoires pharmaceutiques : ceux-ci ont donc le choix entre ces deux dispositifs.

Or, ces deux méthodes de régulation n’ont pas le même impact pour les financeurs et pour les patients. Le mécanisme de remise qui s’applique sur le chiffre d’affaires de certains médicaments profite exclusivement à l’assurance maladie obligatoire puisque la remise est versée chaque année à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), alors que la solvabilisation des dépenses remboursables est assurée non seulement par l’assurance maladie obligatoire mais aussi par l’assurance maladie complémentaire et par le patient.

L’absence de répartition équitable de l’économie a pour conséquence une modification du taux réel de prise en charge du médicament par les différents acteurs.

De plus, en termes de régulation du marché du médicament, le versement de remises par l’industrie pharmaceutique a des effets pervers : l’opacification du marché du médicament en raison d’une déconnexion entre le prix facial, indiqué sur la vignette, qui sert de base de remboursement aux complémentaires, et le prix réel payé par l’assurance maladie obligatoire, qui est diminué des remises versées ; la moindre rentabilité du dispositif des remises, qui de surcroît n’est pas pérenne ; l’affaiblissement de la position du Comité économique des produits de santé (CEPS).

Il faut donc privilégier la baisse des prix, plus équitable et transparente.

M. Christian Paul, rapporteur. Nous partageons, madame Fraysse, le même souci de transparence dans les discussions devant le CEPS.

Je tiens tout de même à rappeler que le PLFSS pour 2014 prévoit une baisse des prix du médicament de l’ordre de 870 millions. Nous aurons dans l’hémicycle un débat global sur la question. Avis défavorable pour l’instant.

M. Gérard Bapt. Mme Fraysse manifeste par son amendement une réelle exaspération devant le manque de réactivité du CEPS sur certaines rentes temporaires, surtout lorsque le produit n’offre aucune amélioration thérapeutique par rapport au princeps ou aux génériques existants.

Nous auditionnerons bientôt le président du CEPS : nous ne manquerons pas de lui faire part de notre étonnement devant les pertes faramineuses d’économies entraînées par ce manque de réactivité. D’ailleurs, la CNAM elle-même s’en inquiète.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS119 de M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement avait été conçu comme un simple amendement de repli, car je ne pensais pas que les amendements précédents seraient rejetés. Mais je préfère procéder avant la séance publique à une nouvelle rédaction de cet amendement, en vue de demander un rapport d’information dont le champ serait plus étendu.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous invite avant tout à relire la loi de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

M. Christian Paul, rapporteur. Je tiens à rappeler que ce n’est pas la HAS qui décide des déremboursements. Une nouvelle rédaction de cet amendement se révèle nécessaire.

L’amendement AS119 est retiré.

Article 41 : Création d’un instrument unique de régulation des dépenses sur la liste en sus

La Commission adopte l’article 41 sans modification.

Article 42 : Simplification des règles de tarification des actes innovants associés à des produits de santé

La Commission adopte l’article 42 sans modification.

Article 43 : Renforcement de l’aide au sevrage tabagique à destination des jeunes

La Commission adopte l’amendement AS133 du rapporteur, qui vise à corriger une erreur matérielle.

Puis elle adopte l’article 43 modifié.

Article 44 : Tiers payant sur les consultations et examens préalables à la contraception chez les mineures d’au moins 16 ans

La Commission adopte l’article 44 sans modification.

La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 16 octobre 2013 à 9 heures

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, Mme Ségolène Neuville, Mme Dominique Orliac, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Gilles Lurton, M. Hervé Morin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, M. Christophe Sirugue

Assistait également à la réunion. – M. Jean-Pierre Dufau