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Commission des affaires sociales

Mercredi 4 décembre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 22

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Dominique Giorgi, président du Comité économique des produits de santé

– Informations relatives à la commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 4 décembre 2013

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend M. Dominique Giorgi, président du Comité économique des produits de santé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous sommes heureux d’accueillir aujourd’hui M. Dominique Giorgi, président du Comité économique des produits de santé, que je remercie d’avoir accepté notre invitation.

Le CEPS joue un rôle central dans la fixation du prix des médicaments. C’est sur ce sujet que nous souhaitons vous entendre, monsieur le président, car l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale donne lieu, chaque année, à de longs débats au cours desquels nous entendons tout et son contraire sur le prix des génériques, le prix facial et le prix non facial, la remise des laboratoires, etc.

En définitive, votre institution est peu connue. Cette audition va vous permettre de rappeler les grands principes de calcul du prix d’un médicament, en y intégrant tous les acteurs. Ainsi pourrons-nous intervenir objectivement la prochaine fois que nous aurons à voter un article sur les médicaments.

M. Dominique Giorgi, président du Comité économique des produits de santé (CEPS). Madame la présidente, je vous remercie de m’avoir invité. Cette audition va me permettre de présenter, de la manière la plus transparente possible, le Comité économique des produits de santé (CEPS), tout en levant une série d’ambiguïtés que certains dans les médias se plaisent à afficher.

Le CEPS est un comité interministériel. Sa composition est équilibrée entre le ministère de la santé et le ministère de l’économie et des finances, avec la présence de représentants de quatre grandes directions : direction générale de la santé ; direction de la sécurité sociale ; direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services ; et direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

Le CEPS est également un comité interinstitutionnel, avec la présence des représentants de l’État – des deux grands ministères – et des représentants des payeurs, c’est-à-dire de l’assurance maladie obligatoire et des organismes d’assurance maladie complémentaire.

Siègent également au Comité, mais sans voix délibérative, des représentants du ministère de la recherche, dont l’avis sur certains dossiers nous est utile.

Je précise tout de suite, puisque certains se sont crus autorisés à commenter la composition du comité, que nous fonctionnons de façon totalement indépendante par rapport à l’industrie. Les industriels ne sont absolument pas représentés au sein du Comité.

Nous fonctionnons donc en toute indépendance. Comme pour toutes les institutions de cette nature, les déclarations d’intérêts des membres du Comité sont publiques et sont en ligne sur le site du ministère de la santé.

Enfin, les membres du Comité sont des médecins, des pharmaciens, des économistes, des juristes. C’est dire que nous disposons de toutes les compétences utiles à la réalisation de nos missions.

Le fonctionnement du CEPS repose sur l’idée d’une double convergence. En effet, l’ensemble des membres se doit d’atteindre un consensus – sinon par vote, du moins tacitement. En outre, la loi indique que les prix du médicament sont déterminés par convention conclue entre le Comité économique des produits de santé et chacun des industriels concernés. Il nous faut donc négocier pour atteindre un point d’équilibre sur le prix du médicament.

Bien entendu, cela ne signifie pas que nous tombons d’accord de manière systématique. Les refus d’inscription d’un médicament sur la liste des médicaments remboursables sont assez nombreux, faute d’accord sur le prix. Dans de rares cas, le Comité procède de manière unilatérale, ce que la loi l’autorise à faire.

Chaque année, le CEPS remet aux deux ministères un rapport – le dernier vous a été transmis au tout début du mois de septembre. Notre site Internet, qui doit probablement être revu du point de vue de son format et de sa présentation, donne l’ensemble des informations nécessaires à la compréhension du fonctionnement du Comité.

Les textes qui le régissent sont publics : ce sont des lois et des règlements.

En définitive, si le CEPS peut paraître relativement opaque quand on ne le connaît pas, il est en réalité un comité interministériel et interinstitutionnel tout à fait classique dans sa composition et son fonctionnement.

Les compétences du Comité économique des produits de santé sont parfaitement encadrées.

D’abord, le Comité agit dans le cadre des lois et règlements qui le régissent. Ces textes sont réunis, pour l’essentiel, dans le code de la sécurité sociale.

Ensuite, il agit dans le cadre des orientations fixées par les ministres de tutelle. La dernière lettre d’orientation m’a été adressée par les ministres compétents le 2 avril dernier ; elle en ligne sur le site du ministère et annexée au dernier rapport annuel.

Le CEPS agit, enfin, dans le cadre d’un accord conclu avec les entreprises du médicament. Cet accord fait l’objet d’une validation explicite par les pouvoirs publics : les ministres compétents m’ont autorisé à le signer en leur nom. La dernière version, qui date du 5 décembre dernier, est annexée au rapport annuel qui vous a été adressé.

Quatre grands principes ressortent de ces textes.

D’abord, notre compétence vise à permettre l’accès des médicaments au marché et, ainsi, l’accès des patients aux nouveaux traitements – c’est un principe cardinal de notre fonctionnement.

Le deuxième principe, particulièrement prégnant aujourd’hui, est celui de la maîtrise des dépenses de l’assurance maladie.

Le troisième principe est celui de la cohérence de nos décisions. Depuis plusieurs années, la doctrine de fixation des prix par le Comité est publique – elle est annexée au rapport annuel – et nous suivons scrupuleusement les principes qui y sont fixés.

Enfin, le quatrième principe est le contexte conventionnel : nous négocions avec les industriels concernés.

Les compétences du Comité économique des produits de santé sont au nombre de trois : la fixation conventionnelle des prix des médicaments ; la régulation du marché ; une contribution au bon usage du médicament.

S’agissant de la fixation conventionnelle des prix des médicaments, qui donne lieu aux interrogations les plus récurrentes, les critères sur lesquels nous nous appuyons sont d’ordre législatif. Ces critères sont au nombre de quatre : l’amélioration du service médical rendu (ASMR) par le produit, telle qu’appréciée par la Commission de la transparence qui nous donne son avis ; les prix des médicaments comparateurs – dans son avis, la Commission de la transparence détermine les produits comparables à celui qui nous est soumis et nous examinons les prix de ces produits – ; les conditions prévisibles d’exploitation du produit ; enfin, les volumes de vente prévisibles pour ce même produit.

Comment exploitons-nous ces données ? Cela est en réalité très simple.

L’amélioration du service médical rendu est finalement une appréciation de la valeur ajoutée thérapeutique d’un produit. Si le produit n’a pas de valeur ajoutée thérapeutique par rapport aux médicaments existants – ASMR V –, la règle, fixée dans le code de la sécurité sociale, est très claire : nous ne pouvons admettre un produit au remboursement que s’il permet de réaliser une économie dans le coût du traitement.

Pour les médicaments présentant une forte valeur ajoutée thérapeutique – les médicaments dits « innovants », avec une cotation ASMR III, II ou I –, nous avons admis depuis une dizaine d’années que nous devions faire référence au prix européen. Nous ne fixons pas de prix inférieur au plus bas des prix constatés dans les quatre pays comparateurs que sont l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne. J’y insiste : cette règle conventionnelle s’applique aux seuls médicaments innovants et non – comme on a pu l’entendre à tort dans un commentaire télévisé récent – à l’ensemble des médicaments. Cela représente une dizaine de produits chaque année, car les médicaments innovants sont rares.

Entre les ASMR I, II et III et l’ASMR V, il existe une « zone grise », l’ASMR IV, qui correspond à des médicaments ayant une valeur ajoutée thérapeutique modeste et sur lesquels une marge de négociation est possible : en général, leurs prix sont un peu plus élevés que les prix des médicaments comparateurs.

Voilà pour les règles de base de fixation des prix.

Dans certains cas, très limités, la fixation du prix s’accompagne de la négociation de clauses. Madame la présidente, vous avez abordé la question de l’écart entre le prix facial et le prix réel et de l’existence de remises. Sur ce point, je vais être très clair : les remises versées par les laboratoires pharmaceutiques s’élèvent à 327 millions d’euros pour 2012, soit 1 à 1,5 % du chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique. Ces données sont disponibles dans le rapport annuel du Comité.

Pourquoi des clauses de remises et quelles clauses sont utilisées ? Là aussi, la doctrine est très ancienne. Le Comité négocie ce type de clauses car il a une habilitation législative : la notion de remises figure bien dans la loi et elle a été déclinée dans l’accord-cadre. Il existe trois catégories de clauses.

D’abord, avec les clauses dites « prix-volume » on cherche à limiter la progression des volumes de vente d’un médicament en fonction de la population cible. Dans son avis, la Commission de la transparence nous indique que le médicament est indiqué dans telle situation et que, pour telle indication, il correspond à X centaines de milliers de patients. On en déduit donc une enveloppe de chiffre d’affaires. Soit l’enveloppe est parfaitement bien délimitée, soit elle est sujette à caution. Nous avons deux approches.

Si l’enveloppe est parfaitement déterminée et qu’il s’agit de médicaments orphelins ou d’une indication orpheline, nous arrivons à fixer un chiffre d’affaires plafonné strict. Nous disons que tel médicament s’adresse, par exemple, à 700 patients et qu’il n’y a aucune raison que nous payions au-delà. Au-delà de ce chiffre d’affaires plafonné, l’entreprise versera des remises à l’assurance maladie. Cette mesure vise tout simplement à limiter le chiffre d’affaires à la population cible du médicament.

Dans certaines situations, la population n’est pas aussi nettement déterminée et plusieurs médicaments peuvent se faire concurrence pour une même indication. Dans ce cas, nous obéissons non seulement à une logique de bon usage, mais aussi à une logique économique en demandant des rabais en fonction des quantités vendues. Dans ce cas, les clauses sont libellées de manière différente avec des seuils au-delà desquels l’entreprise va remiser 20 %, 30 % ou 50 % de son chiffre d’affaires.

Je vous ai apporté des exemples de clauses : vous verrez que la manière dont elles sont rédigées est très simple.

Ensuite, nous avons des clauses dites « de posologie » ou « de coût de traitement journalier ». Là aussi, l’objectif est le bon usage du médicament. Si un médicament doit être pris à une posologie de trois comprimés par jour, mais que l’on constate qu’il est pris à quatre comprimés par jour, une clause – que nous utilisons à bon escient – conduit au reversement d’une partie du chiffre d’affaires et, le cas échéant, à des baisses de prix ultérieures.

Enfin, une troisième catégorie de clauses, que nous appelons les clauses de performance – les plus rares, que nous écrivons avec le plus de parcimonie –, conduisent à mettre l’entreprise au défi de prouver que, au cours des deux ou trois premières années de commercialisation du médicament, les résultats de celui-ci en termes de performance et de tolérance sont au moins équivalents aux résultats acquis au cours des études cliniques. Si tel n’est pas le cas, nous pouvons baisser les prix de ces produits après ces deux ou trois années.

L’utilité de ces clauses est double : d’une part, la recherche du bon usage du médicament ; d’autre part, le versement de remises à l’assurance maladie – ce sont des recettes –, la totalité de ce versement représentant 1,2 à 1,3 % du chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique – vous le voyez : nous n’en abusons pas.

Quant à la régulation du marché – deuxième compétence du CEPS –, elle s’opère en fin d’année et en cours d’année.

Vous votez chaque année le taux K, et les entreprises dont l’évolution du chiffre d’affaires consolidé dépasse ce taux sont censées verser des remises de fin d’année. Depuis trois ans, en dépit de son faible niveau – il est passé de 0,5 %, à 0,4 % –, ce taux n’est pas dépassé puisque le marché pharmaceutique est en décroissance. Les dispositions de régulation de fin d’année ne sont donc pas utilisées.

En revanche, la régulation en cours d’année est pleinement utilisée. Elle résulte du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui, dans ses annexes, comporte un tableau fixant le mandat annuel du Comité économique des produits de santé en termes de baisses de prix. Ces baisses de prix annuelles ont connu une augmentation très significative : entre 400 et 500 millions d’euros chaque année entre 2007 à 2011 ; 900 millions en 2012 et 860 millions en 2013. Pour 2014, vous avez fixé la contribution des baisses de prix à l’équilibre de l’ONDAM à 960 millions d’euros. Ainsi, nous faisons baisser les prix à hauteur du mandat que vous avez fixé.

Enfin, s’agissant de la contribution au bon usage du médicament – troisième compétence du CESP –, j’ai largement abordé le sujet en détaillant le contenu des clauses de remises. Le dernier élément sur lequel je tiens à insister est l’existence de la charte de la promotion pharmaceutique. La charte actuelle est obsolète, puisqu’elle date des années 2005-2006. La lettre d’orientation des ministres qui m’a été adressée au mois d’avril me demande de remettre la charte en négociation. Ces négociations sont en cours de finalisation et je transmettrai aux ministres compétents le projet de charte révisée dans les toutes prochaines semaines.

En conclusion, je vous présenterai quelques éléments relatifs à l’évolution du marché du médicament.

Comme je l’ai souligné, ce marché est en régression aussi bien en chiffre d’affaires qu’en montants de remboursements. Parmi les dépenses d’assurance maladie, le poste médicaments est le seul à décroître aujourd’hui. Deux facteurs principaux expliquent cette tendance. D’une part, un facteur conjoncturel : la relance de la substitution des médicaments génériques en avril 2012, suite à la conclusion d’une convention entre les médecins et l’assurance maladie. D’autre part, un facteur structurel : la baisse des prix observée depuis de nombreuses années, et qui s’est encore accélérée depuis 2012.

Enfin, beaucoup d’informations fausses circulant sur la question des comparaisons de prix de médicaments entre la France et ses voisins européens, j’ai souhaité que le rapport annuel qui vous a été transmis au mois de septembre comporte une annexe sur ce sujet. Celle-ci fait état d’études françaises et internationales montrant que les prix des princeps français se situent plutôt dans le bas de la fourchette et que ceux des génériques sont plus élevés que dans certains États membres de l’UE. Les explications sont assez simples et je répondrai à toutes vos questions à ce sujet.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La Haute Autorité de santé (HAS) a dégradé l’ASMR des médicaments anti-Alzheimer. Or, ces médicaments, comme tous ceux destinés à traiter les affections de longue durée (ALD), sont remboursables à 100 % et représentent un coût élevé pour la sécurité sociale. Pourquoi mettez-vous autant de temps à prendre en compte l’avis de la HAS pour dégrader le prix de tels médicaments ?

Par ailleurs, fin 2011, la Cour des comptes a jugé trop cher le vaccin contre le papillomavirus humain, le Gardasil. La baisse du prix des doses de ce vaccin était donc au programme du CEPS.

Enfin, en cas de demande d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU), il faudrait que la fixation du prix intervienne plus rapidement. En effet, entre le dépôt de la demande d’AMM et l’obtention de celle-ci, les industriels ont le droit de fixer le prix qu’ils veulent, moyennant un remboursement ultérieur à la sécurité sociale : ils se constituent ainsi une trésorerie financée par la collectivité !

M. Gérard Bapt. Monsieur le président, votre venue était très attendue.

Vous avez dit que les travaux du CEPS étaient méconnus. N’avez-vous pas la possibilité d’expliquer vos décisions, comme le fait depuis peu le président de la Commission de la transparence de la HAS selon lequel il ne se passe pas une semaine sans que des journalistes ne s’adressent à lui, comme récemment sur l’IVG médicamenteuse ? Les interrogations sont justifiées, car le fonctionnement du CEPS paraît bien mystérieux, y compris pour les membres de la commission des affaires sociales. Quand dans un article de presse du 8 juillet sur le prix des anticoagulants, le directeur général de l’UNCAM lui-même, M. Van Roekeghem, déclare que « l’assurance maladie regrette de ne pas avoir de possibilité de recours sur des décisions concernant de tels produits », admettez que l’opinion et les parlementaires puissent s’interroger aussi !

Certains laboratoires détiennent de véritables rentes de situation sur des produits dont la Commission de la transparence estime qu’ils n’offrent pas de valeur ajoutée – je pense au CRESTOR. Selon le rapport « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses : propositions de l’assurance maladie pour 2014 », « si la France avait les prix et la structure de prescription de l’Allemagne pour les statines, l’assurance maladie réaliserait 500 millions d’économies ». Monsieur le président, quand 200 millions manquent pour boucler le budget de la sécurité sociale, avouez qu’il y a là des raisons d’être irrité !

Par ailleurs, le prix du ZELITREX est de 185 euros, contre 109 euros pour son générique, et celui de l’INEXIUM est de 14 euros, contre 8 euros pour le générique. Pourquoi de si faibles écarts ?

S’agissant des médicaments biosimilaires, nous avons amélioré l’article concernant la substitution, avec une liste de référence. Il se trouve que l’un de mes proches vient de se voir prescrire de l’érythropoïétine, alors que les biosimilaires doivent intervenir en primo prescription. Or j’ai découvert qu’une injection d’EPREX coûte 316 euros – à pratiquer trois fois par semaine pendant quatre semaines pour la mise en route du traitement –, alors que le prix du biosimilaire est de 273 euros. La primo prescription à l’hôpital devrait permettre la substitution par les biosimilaires. Enfin, pourquoi y a-t-il si peu d’écart entre le prix de la molécule princeps et celui de son biosimilaire ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. La dénomination commune internationale du ZELITREX est le Valaciclovir.

M. Elie Aboud. Pour certaines pathologies chroniques, on constate une évolution des SMR, mais les prix préfixés en amont restent identiques.

Notre pays accuse souvent un retard à la commercialisation de certains produits par rapport à ses voisins. J’ai cru comprendre que la négociation du prix se faisait par rapport au seuil le plus bas.

M. Dominique Giorgi. Pour les produits innovants.

M. Elie Aboud. Par ailleurs, certains hôpitaux traitent directement avec l’industrie pharmaceutique qui leur fournit gratuitement certains produits. Ces pratiques officieuses ne relèvent donc pas de votre autorité.

Certains laboratoires fabriquent des médicaments génériques, mais procédez-vous aussi à une révision du prix du produit de base ?

Enfin, nos collègues européens commencent à parler du SER, le service écologique rendu, avec le fameux indice PBT appliqué en Suède et en Norvège qui classe les médicaments en fonction de la toxicité des molécules rejetées dans les urines. Êtes-vous sensible à ces arguments ?

M. Arnaud Richard. Comme notre collègue Bapt l’a souligné, le fonctionnement du CEPS mérite d’être mieux explicité auprès de l’opinion publique et des décideurs.

Monsieur le président, quel est votre avis sur la comparaison internationale réalisée récemment sur les prix des médicaments et que pensez-vous de ces travaux ?

La part des génériques utilisés en France est de l’ordre de 15 %, contre 40 % en Allemagne et aux États-Unis. Quelles sont les raisons de cet écart important ?

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le président, je vous confirme que le fonctionnement du CEPS est opaque, y compris pour les parlementaires. Mais il ne s’agit nullement d’une accusation : nous essayons de comprendre, et votre venue devrait nous y aider.

Comment expliquer le cas du CRESTOR au regard des principes que vous avez mis en avant ?

Combien de médicaments sont remboursés aujourd’hui en France et sont-ils tous utiles ? Selon certaines études – je pense au rapport de la Commission de la transparence, et même à un article de la revue Prescrire –, la moitié des médicaments aujourd’hui remboursés sont redondants par rapport à des médicaments existants. Comment expliquer cette pléthore de médicaments vendus et remboursés ? Une logique commerciale plus qu’une utilité thérapeutique ne prévaut-elle pas, quand on voit la volonté des industriels de diffuser autant de médicaments différents ? Et comment lutter contre cette prolifération ?

Ne faudrait-il pas, quand il existe des génériques, arrêter de rembourser les médicaments non génériques ?

Vous nous avez dit que le CEPS ne fixait pas de prix inférieur au plus petit prix européen.

M. Dominique Giorgi. Pour les médicaments innovants.

M. Jean-Louis Roumegas. Les prix des médicaments en France, y compris ceux qui sont fabriqués chez nous, sont nettement supérieurs à ceux d’autres pays européens, au point que des entreprises étrangères fournissent les pharmacies françaises – une entreprise italienne fournit 2 000 de nos pharmacies à des tarifs inférieurs au marché français. Comment lutter contre cette logique ?

Le rapport Cordier, « Un projet global pour la stratégie nationale de santé » propose de « fonder la décision de prise en charge par l’assurance maladie et la fixation du prix des produits de santé sur une analyse médico-économique mettant en regard l’intérêt thérapeutique relatif du produit (en lieu et place du SMR et de l’ASMR), son gain pour la santé et son coût ». Cette proposition n’est-elle pas redondante avec votre propre fonctionnement ?

Enfin, que pensez-vous de l’idée d’ouvrir le CEPS à des représentants des usagers du système de santé ou à des associations de consommateurs ? Cela ne permettrait-il pas de répondre aux questions que se posent ces usagers ?

Mme Dominique Orliac. Monsieur Giorgi, permettez-moi de vous remercier pour votre présentation. Nous avons voté hier le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) : cette audition aurait été bienvenue plus tôt.

L’accès aux traitements innovants, notamment pour les patients en impasse thérapeutique, est depuis longtemps une priorité pour les autorités sanitaires françaises. Le développement des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) il y a une vingtaine d’années en est une illustration toute particulière, puisque celles-ci permettent un accès précoce à des traitements innovants dans la prise en charge des patients en impasse thérapeutique qui souffrent de pathologie où le pronostic vital est souvent engagé – je pense au cancer, au sida, aux maladies rares, aux hépatites.

Étant en amont des évaluations de l’apport thérapeutique du médicament et de la fixation du prix par les autorités de tutelle françaises, l’indemnité sollicitée par l’industriel est laissée à son entière responsabilité. L’article 39 du PLFSS 2014 organise un encadrement économique des ATU, avec le reversement systématique du chiffre d’affaires lié à la différence entre le prix pratiqué sous ATU et le prix fixé ultérieurement par le CEPS au titre de l’AMM. La systématisation d’un tel versement peut amener à remettre en cause la pérennisation d’un système qui est favorable au patient. Il est en effet difficile d’anticiper des reversements liés à des évaluations et négociations de prix qui n’ont pas encore eu lieu. Il deviendra alors difficile de certifier la pérennité de l’accès précoce à l’innovation thérapeutique de patients confrontés à une impasse thérapeutique. Cependant, un encadrement économique doit être envisagé afin d’éviter toute inflation injustifiée. Pour ce faire, un amendement visait à prévoir un reversement de la différence de chiffre d’affaires lorsque le prix pratiqué dans les ATU est supérieur au prix constaté dans le corridor européen de prix – Allemagne, Espagne, Italie, Royaume-Uni –, au moment des discussions avec les autorités françaises. La référence à ce corridor de prix européens, en concordance avec la politique d’encadrement des prix telle que pratiquée en France pour les produits innovants, permet aussi une meilleure lisibilité économique pour l’industriel et, par là même, favoriserait la pérennisation d’un système favorable aux patients français.

Dans le cadre du PLFSS 2014, les économies les plus importantes porteront cette année encore sur le médicament. Quelles orientations comptez-vous donner au CEPS afin qu’il soit réellement impliqué dans la poursuite des activités industrielles concernant le médicament ? Une aide pourrait-elle être apportée au développement des laboratoires français pour que ceux-ci deviennent plus exportateurs en donnant, comme en Angleterre il y a une dizaine d’années, un prix sur le marché intérieur ?

Que pensez-vous de l’expérimentation de la vente à l’unité ? Les études montrent qu’elle n’a pas évité le gaspillage, dont la cause principale est l’arrêt des traitements ou les prescriptions inadaptées. Quel impact la vente à l’unité risque-t-elle d’avoir sur le prix à la vente ?

En ce qui concerne les médicaments génériques, la substitution associée au tiers payant et à l’action des pharmaciens s’est révélée très efficace. Néanmoins, dès 2015, les pertes de brevet ne seront pas significatives, il y aura un palier, et le seul levier sera la pression sur les prix avec, comme conséquences, la concentration des laboratoires de génériques et éventuellement leur délocalisation. Aussi une véritable politique industrielle et de recherche sur le médicament est-elle nécessaire. Depuis des années, excepté le crédit impôt recherche, rien n’a été réellement envisagé pour la mise en place d’une politique permettant de renforcer la collaboration entre la recherche privée et la recherche publique et pour une politique de prix soutenant les brevets nationaux. Cette industrie représente 7 milliards d’euros en commerce extérieur, contre le double il y a quatre ans. À cela s’ajoute une perte grave de brevets nationaux. Nous sommes déjà tributaires de l’étranger pour les nouveautés thérapeutiques. J’aimerais connaître votre point de vue sur ce sujet et les orientations que vous envisagez pour remédier à cette perte de brevets en lien direct avec le prix du médicament.

En juin, vous avez déclaré à la presse que les médicaments biosimilaires étaient « un enjeu stratégique des prochaines années » dans la politique de fixation des prix. Lors de la discussion du PLFSS 2014, j’ai jugé la rédaction de l’article concernant les biosimilaires compliquée et demandé au Gouvernement la tenue d’un débat scientifique global initié par le ministère de la santé ou la Haute Autorité de santé.

Par ailleurs, que pensez-vous de l’augmentation de la taxation sur les ventes directes et du problème de la libération des remises ?

Enfin, pouvez-vous nous en dire plus sur la fixation des prix des médicaments biosimilaires ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Cela fait plus de quatre ans que le groupe socialiste demande une plus grande transparence du CEPS, et l’amendement en ce sens a été signé par les seuls socialistes ! Par ailleurs, afin de permettre au président du CEPS de s’exprimer devant le plus grand nombre de parlementaires, j’ai choisi un mercredi matin, mais il ne vous a pas échappé que, depuis le début de cette législature, nous avons été submergés de textes et le premier mercredi matin possible était celui-là ! Les réponses apportées par M. Giorgi nous seront utiles pour les PLFSS à venir. Je me réjouis donc que cette audition ait lieu aujourd’hui !

M. Gérard Sebaoun. Très présents sur le marché depuis deux ans, les nouveaux anticoagulants tendent à se substituer progressivement aux anticoagulants oraux qui existent depuis plus de cinquante ans et dont l’efficacité est démontrée. Selon l’assurance maladie, 2,6 millions de personnes, dont 13 % de plus de soixante-cinq ans, étaient exposées à un anticoagulant en 2011. Au quatrième trimestre 2012, parmi 100 000 patients débutant un tel traitement, 57 % l’ont fait avec de nouveaux anticoagulants – 51 % ayant été prescrits par des médecins hospitaliers et 78 % par des cardiologues de ville.

La substitution des anticoagulants anciens par les nouveaux anticoagulants va croissant, notamment chez des patients âgés de plus de quatre-vingts ans pour lesquels le risque hémorragique est majeur. Le coût mensuel par patient du traitement par les nouveaux produits est de 76 euros, contre 12,50 euros pour les anciens, surveillance biologique comprise. En outre, plusieurs pays et non des moindres – le Japon, l’Allemagne – ont déjà soit suspendu, soit mis sous surveillance les nouveaux anticoagulants pour cause d’effets secondaires significatifs.

Monsieur le président, pourquoi ces médicaments dont l’ASMR n’est que de niveau V – absence de progrès – ont-ils un prix si élevé ? Où est l’économie, sachant que la CNAM elle-même a pointé dans son rapport la source de dépenses inacceptables que constituent les statines et les nouveaux anticoagulants ?

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le président, la composition du CEPS, qui rassemble des intérêts contradictoires, vous paraît-elle satisfaisante ?

La mesure des conséquences de l’évolution des prix des médicaments, à la hausse ou à la baisse, sur la prescription des médecins et sur la consommation des patients entre-t-elle dans vos compétences ?

Enfin, s’agissant de l’expérimentation de la vente des antibiotiques à l’unité, comment allez-vous travailler à la fixation des prix de ces médicaments ? Cela semble faire débat chez les professionnels. Lors de la discussion du PLFSS on a évoqué le danger sanitaire, la traçabilité, l’information obligatoire sur les boîtes, le conditionnement, etc. La ministre nous a parlé d’un décret devant fixer « des règles extrêmement strictes ». Le CEPS sera-t-il consulté pour la rédaction de ce texte ?

M. Christian Paul. En tant que rapporteur du PLFSS pour l’assurance maladie, j’ai auditionné M. Giorgi il y a quelques semaines. C’est dire combien nous nous efforçons de comprendre le fonctionnement de ce comité essentiel.

Monsieur le président, le modèle fondé sur les critères législatifs permet-il au CEPS d’atteindre une meilleure performance ou recommandez-vous de faire évoluer ces critères au cours des années à venir ?

Vous avez évoqué la question du niveau des prix en France par rapport à la moyenne européenne. Pourriez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

Depuis plus d’un an, nous avons entrepris de maîtriser, voire de réduire, les prix des dispositifs d’optique et d’audioprothèse, notamment par le développement des réseaux mutualistes. La fixation de prix limites de vente pour de tels dispositifs vous paraît-elle techniquement possible ?

Enfin, l’article 40 du PFLSS prévoit la transparence des remises sur les médicaments génériques. Comment allez-vous travailler sur ce point, sachant que cet article a bien évidemment un objectif de maîtrise des prix et donc de la dépense de l’assurance maladie ?

Mme Véronique Louwagie. Merci, monsieur le président, pour votre exposé très instructif. Vous avez rappelé les critères législatifs régissant la fixation des prix. Avez-vous des souhaits, voire des préconisations, pour améliorer le dispositif ?

Vous avez indiqué que les prix des génériques étaient plutôt plus élevés en France. Quelles en sont les raisons ?

Enfin, pouvez-vous nous parler des modalités d’établissement des prix dans les pays européens ? Comment les quatre pays comparateurs fixent-ils leurs prix ? Existe-t-il des procédures, des modèles européens que nous pourrions retenir ?

Mme Kheira Bouziane. Monsieur le président, outre les médicaments, d’autres produits de santé relèvent du champ de compétences du CEPS. Pouvez-vous nous en parler ?

L’entreprise URGO qui se trouve dans ma circonscription a fait part au Président de la République des difficultés qu’elle rencontre pour vendre en France des produits innovants qu’elle commercialise dans d’autres pays européens. Quels sont les délais d’instruction pour la fixation des prix permettant à nos entreprises, notamment innovantes, de se positionner au niveau international ?

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, le conditionnement des médicaments à l’unité engendrera-t-il une hausse ou un maintien des prix ?

Nous avons fait le choix, dans le cadre du PLFFS, de prioriser les antibiotiques pour la vente à l’unité. Mais ces médicaments sont déjà vendus en fonction de la durée du traitement, et s’il en reste au patient, c’est que celui-ci ne les a pas tous consommés. Quel est votre avis sur la question ?

M. Olivier Véran. Monsieur le président, la France valorise-t-elle correctement les produits véritablement innovants par rapport à ses voisins européens ? En outre, les Français ont-ils un accès garanti aux dispositifs médicaux innovants ?

J’ai lu dans la presse que le « Made in France » n’entrait pas dans vos critères de fixation du prix d’un médicament. En revanche, tenez-vous compte des emplois créés en France par les industries qui commercialisent les médicaments ? Dans le cadre de la mission sur la filière du sang, un laboratoire, qui emploie quarante personnes, nous a demandé de ne pas trop toucher au prix des médicaments. Qu’en pensez-vous ?

Enfin, que pensez-vous de la polémique Lucentis-Avastin ?

M. Jean-Pierre Barbier. La France est l’un des derniers pays européens où le prix des médicaments est établi de la sorte. La fixation des prix dans notre pays est-elle correcte ? Monsieur le président, votre institution a-t-elle un avenir ?

Selon les études, le prix des princeps en France est, en moyenne, légèrement supérieur à celui des autres pays de l’Union européenne, parce que nous utilisons davantage de produits innovants. M. Roumegas a parlé de pharmacies qui se fournissent à l’étranger. Quelques molécules à l’étranger peuvent faire l’objet d’un déconditionnement et d’un reconditionnement, mais, dans ce cadre, le prix à la vente sécurité sociale est inférieur au prix fixé pour un produit français. Pouvez-vous nous apporter une réponse claire sur le prix des princeps ?

En outre, selon une étude du GEMME (Association des professionnels du médicament générique) de juin 2013 les prix des génériques en France seraient, en moyenne, inférieurs de 5 % aux prix européens. Quel est votre avis ?

Enfin, quel est votre sentiment sur les biosimiliaires ? Si l’on avait laissé le marché se développer, ne pensez-vous pas que le prix des princeps aurait baissé ? Par ailleurs, la mise en place des biosimiliaires ne risque-t-elle pas, à terme, de rendre plus compliquée l’innovation dans notre pays ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les chiffres que va nous donner M. Giorgi seront certainement plus objectifs que ceux du GEMME !

M. Michel Liebgott. Lorsque je rends visite à ma mère, elle me pose deux questions. Risque-t-on une pénurie de médicaments ? Si mon médecin m’a prescrit initialement un médicament princeps, pourquoi devrais-je prendre un générique ? Je pense pour ma part que des progrès sont certainement possibles grâce aux génériques.

Enfin, depuis 1964, 80 millions de boîtes de dextropropoxyphène ont été vendues. Pourquoi ce médicament a-t-il été supprimé au profit d’un médicament de type codéïne dont les effets indésirables sont plus importants ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Il s’agissait du dextropropoxyphène associé au paracétamol.

M. Bernard Accoyer. La revue scientifique Food and chemical toxicology a retiré la publication de M. Séralini concernant les effets prétendument cancérigènes de certains OGM, étude dès le départ très discutée en raison de sa méthodologie – espèce de rat choisi et nombre d’animaux. Or, madame la présidente, vous aviez convoqué toutes affaires cessantes, après la publication de M. Séralini, la commission des affaires sociales et la commission du développement durable pour une séance historique dont la justification, on le voit aujourd’hui, était pour le moins fragile. Je trouve très préoccupant que l’Assemblée se mêle de cette polémique qui s’en prend, en réalité, à l’objectivité de la science et aux connaissances reconnues par la communauté scientifique internationale.

J’en viens à mes questions.

Monsieur le président, quelles sont les conséquences de l’accord-cadre sur les fabricants de dispositifs médicaux ?

Êtes-vous satisfait du travail réalisé entre la HAS et le CEPS ?

Enfin, que pensez-vous de l’arrêté récemment publié concernant l’évaluation des dispositifs médicaux intra-GHS, c’est-à-dire de la communauté hospitalière publique ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Accoyer, le début de votre intervention n’avait rien à voir avec l’audition de M. Giorgi et je ne comprends pas votre ton accusateur. En raison de l’actualité et face à l’inquiétude de nos concitoyens, un autre président de commission avait également demandé cette audition, mais nous n’avons à aucun moment conclu que M. Séralini détenait la vérité !

Mme Chaynesse Khirouni. Monsieur le président, vous avez rappelé que le marché du médicament était en baisse en termes de chiffre d’affaires et de montants de remboursement et que seul le poste d’assurance maladie décroissait. Vous avez apporté deux explications : un facteur conjoncturel, notamment avec la relance de la substitution des médicaments génériques, et un facteur structurel avec la baisse des prix. Or différentes études et rapports pointent l’ampleur de la consommation de médicaments dans notre pays, en particulier des antibiotiques, anxiolytiques, antidépresseurs, antiulcéreux et antihypertenseurs. Au-delà des campagnes d’information, quelles actions devraient être mises en œuvre pour changer les comportements individuels des citoyens et des médecins et sortir du « tout-médicament » ?

Enfin, la représentation des associations d’usagers au sein du CEPS vous paraît-elle souhaitable ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Accoyer, je précise que lors de la venue de M. Séralini devant les deux commissions, nous avions également auditionné des représentants de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Mais ce jour-là, vous m’aviez envoyé un mot pour vous excuser de votre absence pour cause de déplacement, et vous n’avez donc pas pu constater le caractère contradictoire de cette audition…

M. Dominique Giorgi. Je suis impressionné par le nombre et la variété des questions. Cela dit, je comprends le besoin d’explication et de transparence qui se manifeste quant au fonctionnement de l’institution que je préside depuis un peu plus d’un an.

Madame la présidente, dans la mesure où je n’étais pas président du CEPS au moment de la dégradation de l’ASMR des médicaments anti-Alzheimer, je ne ferai pas de commentaire sur la réactivité du Comité à cet égard. La dégradation de l’ASMR d’un produit est rarissime. Nous en tenons compte dans le cadre d’une négociation. Mais entre l’avis de la Commission de la transparence (CT) et la publication du prix au Journal officiel – en passant par les négociations avec le laboratoire et la signature de la convention –, plusieurs semaines peuvent s’écouler : c’est un délai incompressible. Néanmoins, je peux vous assurer que nous faisons le maximum pour réduire les délais et pour que les baisses de prix interviennent le plus tôt possible.

Selon les données dont nous disposons sur les prix internationaux du Gardasil, c’est en France que le prix de ce produit est le plus faible. En prix fabriquant hors taxes, nous sommes à 100 euros, contre 104 euros en Italie et en Espagne, et 115 euros en Allemagne. Le CEPS ne prend pas pour référence les prix américains, qui sont en général sensiblement supérieurs aux prix français – si un prix américain de ce vaccin était inférieur au prix français, nous ne serions pas tenus à cette référence. Du reste, la base de notre prestataire qui nous fournit les prix internationaux des médicaments montre que le prix fabriquant hors taxes aux États-Unis n’est pas inférieur au prix français. Par conséquent, les informations dont je dispose aujourd’hui ne conduisent pas à revoir le prix du Gardasil.

La fixation libre du prix des ATU peut gêner le CEPS dans la négociation. Pour autant, l’accord-cadre comportait déjà une disposition nous permettant de demander aux laboratoires de reverser sous forme de remises la différence entre le prix de l’ATU et le prix fixé après négociation avec le CEPS si celui-ci était inférieur. Nous ne pouvons que saluer les évolutions législatives en la matière si elles confortent la possibilité de demander le remboursement de ces écarts.

La situation des statines en France présente deux caractéristiques. D’une part, tous les produits de cette classe sont génériqués, à l’exception du CRESTOR. Lorsque celui-ci est arrivé sur le marché il y a quelques années, nous l’avons admis au remboursement avec un prix conforme à la doctrine et aux règles applicables, à savoir inférieur à celui de ses comparateurs – son prix était alors inférieur à celui du TAHOR. Mais ce dernier ayant été génériqué, son prix a baissé et le prix de ses génériques a été fixé à un niveau bien inférieur. Aujourd’hui, le CRESTOR est le seul médicament non génériqué, avec un prix supérieur.

D’autre part, la rosuvastatine – la molécule du CRESTOR – est fortement prescrite en France, alors qu’elle ne l’est pratiquement pas à l’étranger. La situation est donc atypique. C’est un pur constat de marché fait par la CNAM elle-même. Ainsi, nos structures de prescription et de marché sont très favorables à la rosuvastatine, alors que la simvastatine ou l’atorvastatine sont largement prescrites au Royaume Uni ou en Allemagne.

Aujourd’hui, je peux vous annoncer que le prix du CRESTOR va baisser. Je suis pour cela en cours de négociation avec l’entreprise AstraZeneca. Ce produit est encore couvert par son brevet, mais il fait partie d’une classe qui a été totalement génériquée avec des prix qui ont fortement baissé. La convergence progressive des prix va donc s’opérer, mais au rythme des négociations.

J’ajoute que le prix des statines génériquées va fortement baisser l’an prochain. À échéance du 1er mars, les baisses seront très sensibles et rapporteront plus de 130 millions d’euros en année pleine à l’assurance maladie.

Pour finir sur ce sujet, on parlerait beaucoup moins du prix du CRESTOR si celui-ci n’était pas autant prescrit. Il faut donc une action sur la prescription, laquelle ne relève pas du CEPS.

Les nouveaux anticoagulants oraux (NACO) posent un double problème de prix et de volume. Mon prédécesseur a négocié l’arrivée sur le marché des NACO de façon tout à fait respectable, puisque cela a conduit à des prix français de PRADAXA et de XARELTO inférieurs à ceux des pays comparateurs européens.

Les NACO font l’objet d’une clause de volume. Conformément aux principes que je vous ai exposés dans mon intervention liminaire, le prix facial n’est pas le prix net. Ainsi, les 76 euros de coût de traitement mensuel correspondent au prix facial, et non au prix net. L’assurance maladie paie moins que cette somme.

Ils font également l’objet d’une clause de performance en raison d’un doute sur leur efficacité et leur tolérance. Une étude en cours sera soumise à la Commission de la transparence. À l’horizon du premier semestre 2016, l’ensemble du dossier sera remis à plat en fonction des résultats de cette étude, et les prix pourront baisser au niveau des antivitamines K (AVK) si les performances et la tolérance de ces produits se révèlent insuffisantes.

En outre, un médicament coté ASMR V par la Commission de la transparence peut obtenir un prix supérieur à celui des AVK parce que le CEPS n’est pas tenu par la cotation de la commission de la transparence – c’est conforme à la loi et à la jurisprudence. Dans 99,9 % des cas, le CEPS s’appuie sur l’avis de la Commission de la transparence. Mais dans quelques cas – ils se comptent sur les doigts d’une main depuis dix ans –, il a admis que, pour une partie de la population, en particulier celle dont le traitement sous AVK ne permet pas une stabilisation de la situation, ces produits pouvaient présenter une valeur ajoutée thérapeutique. Cet élément ressort de l’avis de la Commission de la transparence. Nous en avons tiré la conséquence que, pour cette partie de la population, l’ASMR était non pas de V, mais de IV, ce qui nous a autorisés à proposer des prix supérieurs, mais toujours avec une clause de remise, une clause de performance et des prix qui restent inférieurs à ceux des comparateurs européens.

Par ailleurs, on ne parlerait pas autant du prix des AVK si les volumes étaient maîtrisés. On constate en effet une dérive des prescriptions dans certaines situations. Dans sa fiche de bon usage, la HAS indique les circonstances dans lesquelles ces médicaments sont indiqués et celles dans lesquelles ils ne le sont pas, et précise que les substitutions entre AVK et NACO ne sont pas justifiées en particulier pour les personnes âgées ou souffrant d’une insuffisance rénale. Cette fiche de bon usage et les guides de prescription doivent être parfaitement respectés. Aux prescripteurs et à ceux qui leur donnent des conseils – HAS, CNAM – de faire en sorte que ces produits ne soient pas prescrits dans des situations inappropriées. Ainsi, on parlera beaucoup moins du prix de ces médicaments.

Lorsqu’un médicament générique arrive sur le marché, nous commençons par baisser le prix du princeps de 20 % et fixons le prix du générique à 60 % en dessous du prix du princeps. Les dérogations à cette règle sont très rares : nous acceptons des décotes légèrement inférieures en cas de prix élevé du principe actif, de difficulté particulière de fabrication, de médicament de niche ou encore d’absence de générique alors que le brevet du princeps est tombé depuis longtemps. Ensuite, au bout de dix-huit mois, nous baissons encore le prix du princeps de 12,5 % et le prix du générique de 7 %. Enfin, nous suivons dans le temps les taux de substitution des génériques. S’ils sont insuffisants, nous pouvons créer un tarif forfaitaire de responsabilité, c’est-à-dire que le prix du princeps tombe au niveau de celui du générique. Nous l’avons fait de très nombreuses fois cette année.

S’agissant des comparaisons internationales, le plus simple – mais aussi le plus trompeur – est de comparer les prix à la boîte dans une pharmacie française et dans une pharmacie italienne. On constate alors que le PLAVIX est moins cher en Italie. Cette démarche très simple a été suivie par un certain nombre de lanceurs d’alerte.

J’ai demandé à notre prestataire, qui tient une base internationale de prix du médicament, de comparer les prix français et les prix italiens sur plus de 350 présentations de médicaments princeps, couverts par leur brevet, avec un critère d’octroi d’une AMM par l’Agence européenne du médicament (EMA). Cette étude, que je mets à la disposition de votre commission, montre que 93 % des prix français sont inférieurs aux prix italiens.

Par ailleurs, l’étude réalisée par le Bureau européen des unions de consommateurs, publiée en octobre 2012, révèle que les prix allemands sont supérieurs aux prix français.

Les comparaisons entre pays nécessitent aussi de faire une pondération des prix par les volumes, ce que font les économistes, car un produit dont le prix serait inférieur en Italie peut ne pas être consommé en France, ou très peu. Et plusieurs études sérieuses opérant une telle pondération révèlent que les prix des princeps français se situent dans le bas de la fourchette européenne. Toutes ces études, citées dans une annexe de notre rapport annuel, ont été réalisées au Royaume Uni par le ministère de la santé, au Canada par l’équivalent de notre comité, en Suisse par l’assurance maladie. Quant à la France, elle a réalisé une étude académique, tout comme l’Italie, mais dont les résultats ont été malheureusement tronqués dans un reportage récent.

En revanche, les prix des génériques français semblent plus élevés que dans des pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas. Cela dit, chaque pays a son système d’assurance maladie, son système d’achats. Si les prix des médicaments néerlandais sont moins chers qu’en France, c’est parce qu’ils sont achetés uniquement sur appel d’offres, qu’aucun fournisseur néerlandais ne répond à ces appels d’offres – ils sont exclusivement pourvus par des industriels asiatiques – et que les référencements changent d’un appel d’offres à l’autre. Ces systèmes ont leur avantage ; ils permettent de casser les prix pour certaines molécules. Mais nous ne comparerons jamais les prix obtenus sur telle ou telle molécule aux Pays-Bas avec ce que nous obtenons en France car cela est strictement impossible.

Les prix des médicaments génériques sont plus élevés en France qu’à l’étranger pour deux raisons. La première est de nature industrielle. Nos prix de revient industriels peuvent être supérieurs à ceux des prix asiatiques parce que notre production est essentiellement européenne. Cela présente certes un inconvénient en termes de prix, mais de nombreux avantages, notamment en termes de sécurité sanitaire et de traçabilité des produits.

La seconde raison tient au financement de la distribution. Aux Pays-Bas, les pharmaciens ne sont pas rémunérés pour la distribution particulière des génériques. Au Royaume Uni, ils sont rémunérés à l’ordonnance. En Allemagne, leur rémunération est un forfait à la boîte, mais sans distinction entre génériques et princeps. En France, nous avons fait le choix – choix politique éminemment respectable –, il y a plus d’une dizaine d’années, de confier la responsabilité du développement du marché des génériques aux pharmaciens d’officine et de les rémunérer pour cela : les pharmaciens sont rémunérés parce que la marge sur le prix public est plus élevée que pour le princeps et parce qu’il existe des marges au sein du prix fabricant, « marges arrière » pour lesquelles l’article 40 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 prévoit une plus grande transparence. Il y a donc une rémunération particulière pour la distribution des médicaments génériques en France.

Si le princeps continue à être remboursé malgré l’existence de génériques, c’est parce que son prix sert à calculer la marge sur ces derniers et que le pharmacien est incité à substituer le médicament générique au médicament princeps. C’est la mécanique choisie en France pour permettre le développement des génériques.

La part des génériques en France est inférieure à ce qu’elle est à l’étranger – environ un tiers des boîtes, contre les deux tiers au Royaume Uni et en Allemagne. Le problème est le même que pour le CRESTOR, seule statine non génériquée et fortement prescrite. Il faut donc trouver les moyens de convaincre les professionnels de prescrire des médicaments inscrits au répertoire pour permettre à la sécurité sociale de faire davantage d’économies.

Un reportage télévisé récent sur les importations parallèles a montré qu’une entreprise italienne, BB Farma, reconditionnait des médicaments achetés dans certains pays européens pour les revendre en France, en faisant au passage une marge commerciale et en profitant de la différence de prix, le prix à l’étranger étant plus bas que celui en France. Ce reportage pouvait laisser entendre que les prix français étaient plus élevés et que les importations parallèles étaient massives. Or, sachez que le chiffre d’affaires des importateurs parallèles en France est de 15 millions d’euros, à comparer aux 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires du médicament ! Quant aux exportations parallèles – l’achat de médicaments en France pour les revendre à l’étranger –, elles sont au minimum de 250 millions d’euros. Au demeurant, ces exportations et importations parallèles sont parfaitement reconnues et encouragées par le droit communautaire, puisque ce type de commerce permet des économies – les Allemands et les Britanniques encouragent leurs pharmacies à acheter des médicaments issus d’importations parallèles.

Les biosimilaires constituent une source d’économies potentielle très importante pour l’assurance maladie. Certains biomédicaments vont perdre leur brevet à la fin de l’année 2014 ou au début de l’année 2015, ce sera donc l’occasion pour le CEPS non seulement de baisser leur prix, mais aussi de fixer les prix des biosimilaires de ces médicaments d’origine à des prix inférieurs. Cela dit, les conditions de production et de recherche des biosimilaires sont très différentes de celles des génériques : leur développement nécessite des investissements importants en recherche et leur production est coûteuse, voire plus coûteuse qu’un biomédicament. Aussi les niveaux de décote pratiqués par le CEPS pour les génériques ne pourront-ils à l’évidence pas être répliqués pour les biosimilaires. Néanmoins, nous en attendons incontestablement des économies.

Pour l’hôpital, nous fixons uniquement des tarifs de prise en charge par l’assurance maladie des produits dits de la « liste en sus », c’est-à-dire des médicaments reconnus innovants et non financés sur les groupes homogènes de séjour (GHS). Les hôpitaux étant libres de leurs négociations dans le cadre de leurs achats, les prix réels qu’ils obtiennent peuvent être inférieurs aux tarifs fixés par le CEPS. Nous en tenons compte pour baisser les tarifs : ceux des EPO ont ainsi baissé de 10 % le 15 octobre dernier – ceux des EPO en ville baisseront de 10 % au début de l’année prochaine.

Tout l’intérêt du CEPS est de rassembler des administrations ou des établissements porteurs d’intérêts différents. À côté des représentants de l’assurance maladie et des organismes complémentaires, qui tiennent particulièrement à la maîtrise des dépenses, ceux de la direction générale de la santé sont particulièrement sensibles à l’accès des patients aux soins et aux nouvelles thérapeutiques, les représentants de la direction générale de la recherche font valoir l’intérêt de tel produit et ceux de la direction générale de l’industrie et des services la situation de telle entreprise, son implantation sur le territoire, les emplois, etc. À mes yeux, le CEPS est une des rares instances décisionnelles au sein de laquelle l’intérêt général se dégage de la confrontation d’intérêts qui peuvent apparaître sectoriels ou partiels. Chacune des institutions membres du CEPS est plus particulièrement porteuse d’un des principes que j’ai exposés dans mon intervention liminaire, et l’ensemble de ces intérêts converge vers un consensus. Ce travail est particulièrement riche et intéressant.

Par ailleurs, le CEPS ne rend pas des avis. En outre, il est amené à traiter de secret des affaires. Votre assemblée s’est penchée sur cette notion, parfaitement documentée par la jurisprudence, en particulier communautaire, à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi de M. Carayon visant à « sanctionner la violation du secret des affaires ». L’étude de la fixation d’un prix nous donne accès à des informations sensibles dont la divulgation pourrait être extrêmement préjudiciable à certaines entreprises, en particulier celles qui sont cotées. Nous sommes donc extrêmement vigilants sur ce point. Aussi la présence d’associations de consommateurs me paraît-elle délicate s’agissant de la prise de décision en matière de prix.

Le changement de l’attitude des prescripteurs sera possible grâce aux outils relatifs au bon usage. En particulier, tous les travaux de la Haute Autorité de santé, qu’il s’agisse des avis de la Commission de la transparence ou des fiches de bon usage du médicament, d’informations thérapeutiques ou relatives aux stratégies thérapeutiques, doivent être portés à la connaissance des prescripteurs qui devront y porter une grande attention.

Ensuite, une fois la nouvelle charte de la promotion pharmaceutique mise en place, nous pourrons mettre en œuvre les dispositions de la loi du 29 décembre 2011 relatives à l’encadrement quantitatif de la promotion pharmaceutique et aux actions visant à empêcher les prescriptions hors AMM non justifiées. Cela ne pourra que produire des effets positifs sur le niveau de consommation.

Par ailleurs, si nous voulons continuer à peser sur le prix des génériques, il faut faire en sorte que les volumes de ces produits croissent. Les marges de progression en la matière sont extrêmement importantes. Aussi une réflexion doit-elle être menée avec l’ensemble des prescripteurs pour mettre en place les outils permettant d’augmenter les prescriptions dans le répertoire.

Le Comité économique des produits de santé n’est pas compétent en matière de déremboursement des médicaments. La Commission de la transparence rend un avis relatif au service médical rendu des produits et, si celui-ci est insuffisant, il appartient aux directions et au ministre compétent d’en tirer les conséquences.

La régulation du secteur du dispositif médical est similaire, dans ses grandes lignes, à celle du médicament. Néanmoins, les choses sont plus complexes pour le dispositif médical à trois points de vue. D’abord, les marges ne sont pas normées, ce qui suppose de négocier au coup par coup avec les représentants des pharmaciens la fixation d’un prix de cession. Ensuite, nous pouvons fixer des prix limites de vente pour limiter le reste à charge des patients ; la situation est donc très disparate d’un secteur à l’autre. Enfin, il existe une modalité d’admission au remboursement et de fixation des prix qui est l’inscription sur ligne générique. Quand un dispositif médical revendique des qualités identiques à celles décrites dans la nomenclature de ligne générique, il peut être inscrit exactement au même prix que ses comparateurs. Les lignes génériques sont révisées périodiquement.

La reconnaissance de l’innovation d’un dispositif médical nécessite l’avis de la Commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDIMTS). Faute de cotation reconnaissant cette innovation, nous ne pouvons pas traiter le dispositif médical comme médicament innovant. Pour les pansements de l’entreprise URGO auxquels vous avez fait allusion, madame Bouziane, cette cotation n’a pas été obtenue.

S’agissant de la règle que nous nous sommes fixée de ne pas descendre en dessous du plus bas des prix européens constatés, je dois reconnaître que nous sommes très rarement au-dessus du plancher. Mais nous respectons cette règle et la reconnaissance de l’innovation me paraît normale en France en termes de prix.

Force est de constater que le dispositif prévu à l’article L.165-1 du code de la sécurité sociale n’a pas été mis en œuvre. En effet, aucun dispositif médical innovant n’est reconnu au titre de cette disposition. Les pouvoirs publics en ont d’ailleurs tenu compte puisque le contrat de filière santé signé par le Gouvernement avec les représentants de l’industrie en juillet prévoit la remise à plat de cette disposition.

Monsieur Véran, nous ne pouvons pas tenir compte des emplois et de la nationalité des industriels dans la fixation des prix, car ces éléments ne constituent pas un critère législatif. Si nous le faisions, nos concurrents y verraient immanquablement une faute. Au demeurant, les décisions en matière de prix sont soumises au contrôle du juge administratif : nous avons des contentieux en cours et ne manquerions pas d’en avoir de nouveaux si nous procédions de cette manière.

Le CEPS tient néanmoins compte du contexte industriel, le cas échéant, dans les négociations de baisse de prix. Vous nous avez mandatés pour réaliser 960 millions d’euros de baisses de prix en 2014. Les négociations sont compliquées : chaque classe, chaque produit suppose d’entrer en relation avec des industriels conventionnés pour voir ce qu’il est possible de faire. Nous pouvons tenir compte de la situation particulièrement difficile d’une entreprise, du risque de fermeture à brève échéance d’une usine, et ainsi étaler certaines baisses. Mais à deux conditions. La première est le respect scrupuleux du mandat qui nous est confié en termes de baisses de prix. La seconde est l’égalité de traitement des industriels. À cet égard, le CEPS ne fait pas de discriminations : quand nous baissons le prix des EPO, nous le faisons pour tous les industriels concernés. Avec tel ou tel princeps, la marge de négociation est un peu plus grande et nous pouvons négocier des délais ou des baisses moins importantes que celles prévues initialement.

M. Jean-Pierre Barbier. Monsieur le président, vos comparaisons des prix des princeps français et européens s’appuyaient sur des études que vous avez citées. Mais s’agissant des génériques, vous avez dit que les prix « semblaient » plus élevés en France que dans les autres pays. Vous appuyez-vous également sur des études et, si oui, lesquelles ?

M. Dominique Giorgi. Cela relève d’une étude de la CNAM, publiée dans le n° 39 de Repères, comparant les coûts de traitement par médicament générique en France, au Royaume Uni, en Allemagne et aux Pays Bas. Néanmoins, cette étude commence à dater, car les prix auxquels il est fait allusion sont de 2011 ; or depuis, les prix des génériques ont beaucoup baissé, en particulier en France. Il faudrait donc refaire cette étude avec des données actualisées.

Je pense que les prix néerlandais n’ont pas baissé davantage, car ils étaient déjà extrêmement bas. Les prix britanniques, négociés depuis plusieurs années par les groupements de pharmacie, ne sont pas susceptibles de baisser énormément non plus. Je ne pourrais pas me prononcer sur les prix allemands. En revanche, les prix français ont baissé de manière significative depuis 2011. Avec les baisses que nous programmons pour les médicaments princeps et génériques, les baisses par comparaison de prix français et de prix européens et la baisse des prix des statines, l’année 2014 se traduira par des baisses de prix considérables sur le répertoire, beaucoup plus importantes qu’en 2013, qui s’élèveront aux alentours de 500 millions d’euros, soit 150 à 200 millions de plus que l’année précédente.

M. Gérard Bapt. S’agissant du prix du PRADAXA que je comparais à celui du PREVISCAN, vous m’avez répondu, monsieur le président, qu’il s’agissait du prix facial et non de celui payé l’assurance maladie. Mais c’est bien sûr le prix indiqué sur la boîte de PRADAXA achetée à la pharmacie que l’assurance maladie rembourse 65 %. Si j’ai bien compris, la différence entre prix facial et prix réel est liée à la prise en compte de la rétrocession du côté de l’assurance maladie. Néanmoins, sans rétrocession, la différence de prix serait toujours celle que j’ai indiquée tout à l’heure.

Ensuite, vous nous avez renvoyés à votre bilan annuel, mais ce dernier est d’un maniement difficile et, par exemple, il est très difficile d’y trouver le montant des rétrocessions vers l’assurance maladie. S’agissant des remises, vous nous avez parlé de 327 millions d’euros. Or, votre rapport annuel fait état d’un « montant de remises brut 2012 de 459 millions d’euros ». En outre, je trouve anormal que ce chiffre ne figure pas dans les documents annexes que nous remet la CNAM à titre informatif.

Enfin, pouvons-nous avoir le détail, laboratoire par laboratoire, du montant des rétrocessions ?

M. Dominique Giorgi. Sur le PRADAXA, le XARELTO et bientôt ELIQUIS, vous avez raison. Il y a le prix facial, qui figure sur la boîte achetée en pharmacie, et le prix réel, qui résulte du reversement par les laboratoires concernés de remises prévues par les clauses prix-volume.

Vous trouverez, aux pages 37 et 38 du rapport d’activité 2012 du CEPS, le détail des remises versées. La différence entre montants bruts et montants nets tient à l’utilisation de crédits de remises. La mécanique conventionnelle conduit en effet, d’une part, au versement de remises et, d’autre part, à la déduction de ces remises de crédits accordés par le CEPS, notamment pour inciter les laboratoires à accepter des baisses de prix. L’accord-cadre est parfaitement transparent à cet égard. Par ailleurs, nous accordons chaque année des crédits au titre du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), à hauteur de 50 millions d’euros, liés à des opérations d’investissement ou de recherche sur le territoire communautaire et attribués aux entreprises sur dossier. Ces crédits de remises viennent en déduction des remises brutes. Au total, les remises nettes versées par les entreprises à l’assurance maladie sont de 327 millions d’euros.

Je ne pourrai pas vous répondre précisément, monsieur Bapt, sur le détail, laboratoire par laboratoire, du montant des rétrocessions. Néanmoins, sachez que dix produits environ concentrent plus des deux tiers des remises versées. Ces produits sont pris en charge à 100 % ou indiqués pour des affections de longue durée (ALD) prises en charge à 100 %. Il est donc naturel que l’assurance maladie obligatoire soit la seule à bénéficier de ces remises.

En outre, ces remises sont temporaires. L’accord-cadre prévoit en effet leur transformation en baisses de prix au bout d’un certain temps.

Enfin, ce système existe partout en Europe. Si nous revenions dessus, nous serions bien les seuls à ne pas profiter des rabais consentis par les industriels.

Comme je l’ai dit dans mon propos liminaire, nous insistons sur l’articulation entre une logique économique, d’un côté, et une logique de bon usage du produit, de l’autre. Voilà pourquoi ces clauses s’appuient, d’une part, sur le respect des volumes et donc des populations cibles, et, d’autre part, sur le respect des posologies et donc du bon usage du produit, certaines d’entre elles permettant de valider l’accès aux soins pour des médicaments orphelins ou des indications orphelines avec la mise en place de chiffres d’affaires plafonnés.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, monsieur le président. Le marché du médicament étant très évolutif, une audition annuelle du CEPS serait bienvenue pour nous permettre de faire le point.

La séance est levée à onze heures cinquante-cinq.

——fpfp——

Informations relatives à la Commission

La Commission des affaires sociales a désigné

– MM. Jean-Patrick Gille et Arnaud Richard, députés référents sur l’actualité communautaire dans les domaines de compétence de la commission.

– M. Jonas Tahuaitu, membre de la mission d’information sur l’organisation de la permanence des soins.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 4 décembre 2013 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Sylviane Bulteau, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Luc Chatel, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Dominique Dord, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Pierre Morange, Mme Ségolène Neuville, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, Mme Barbara Romagnan, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Valérie Boyer, M. Richard Ferrand, M. Jean-Marc Germain, M. Christian Hutin, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Hervé Morin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, M. Fernand Siré

Assistaient également à la réunion. – M. Régis Juanico, M. Jean Leonetti