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Commission des affaires sociales

Mercredi 22 janvier 2014

Séance de 17 heures 

Compte rendu n° 33

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente
et de
Mme Martine Carrillon-Couvreur
Vice-présidente

– Audition, ouverte à la presse, M. Michel Sapin, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 22 janvier 2014

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission,
et de Mme Martine Carrillon-Couvreur, vice-présidente)

La Commission des affaires sociales entend M. Michel Sapin, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, monsieur le ministre, d’avoir accepté de nous présenter le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale le jour même où il a été adopté en conseil des ministres mais, compte tenu d’un calendrier très contraint, nous n’avions d’autre choix que de vous auditionner aujourd’hui. En effet, nous commencerons l’examen de ce texte en commission dès mercredi prochain au matin, l’Assemblée devant s’en saisir le mercredi suivant – selon la procédure du temps législatif programmé.

Attendu depuis des années, ce projet de loi est important tant par son contenu que par la méthode suivie pour sa préparation comme cela avait été le cas pour la loi de sécurisation de l’emploi : la méthode de la concertation entre les partenaires sociaux a été privilégiée. Cette réforme procède en effet pour la plus grande part de l’accord national interprofessionnel conclu en décembre dernier, même si toutes les organisations représentatives ne l’ont pas signé.

Avec ce texte, démonstration est faite une fois encore que votre souci premier et celui de la majorité qui soutient le gouvernement est bien de s’appuyer sur le dialogue social pour relancer l’emploi !

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je veux commencer par vous dire que je pourrais, ô combien, partager les regrets qui ne manqueront pas de s’exprimer sur le caractère contraint du calendrier d’examen de ce texte important. Mais c’est le résultat d’un équilibre entre le temps nécessaire à l’élaboration de la loi et l’urgence qu’il peut y avoir à mettre en œuvre certaines dispositions. S’agissant de la formation professionnelle, l’urgence est évidente même si le sujet est abordé depuis longtemps, donnant lieu à des rapports nombreux mais qui tous aboutissaient à une même conclusion : si la réforme de 1971 a permis des avancées considérables pour les salariés, pour les entreprises et, plus généralement, pour l’économie française, elle est inadaptée à la situation actuelle, celle d’un chômage de masse, touchant déjà deux millions de salariés en 2007 et trois millions aujourd’hui, sous l’effet de la crise et, peut-être aussi, des politiques menées dans son sillage.

Il était donc urgent de réformer et, comme vous l’avez dit, Madame la Présidente, nous avons souhaité le faire suivant une méthode désormais éprouvée : celle du dialogue social et de la négociation. La démocratie sociale ne date pas d’hier et les partenaires sociaux, patronat comme syndicats, ont fait la démonstration de son intérêt. L’accord sur la formation professionnelle est en effet le quatrième conclu en un peu plus d’un an, après ceux qui portaient sur le contrat de génération, sur la sécurisation de l’emploi et sur la qualité de la vie au travail. Nous aurons d’ailleurs bientôt l’occasion de faire un premier bilan de la loi sur la sécurisation de l’emploi : cela nous permettra de constater qu’elle a profondément modifié les relations dans les entreprises.

Le dialogue social est donc aujourd’hui bien vivant mais il était nécessaire, et c’est l’un des aspects très importants de ce texte, d’asseoir définitivement sa légitimité ; pour cela, il fallait assurer la transparence sur le financement des institutions sociales et régler la question de la représentativité des partenaires sociaux.

La question de la représentativité des organisations syndicales a été pour l’essentiel traitée par la loi de 2008 ; l’audience des syndicats est mesurée dans des conditions non discutées et non discutables, et nous savons désormais très précisément quel est le poids de chacun lorsque vient le moment de signer un accord interprofessionnel, de branche ou d’entreprise. Il fallait seulement procéder, ce que nous faisons ici, à quelques ajustements tout à fait consensuels. Il restera, mais ce n’est pas urgent, à discuter du scrutin dans les très petites entreprises, où le vote se fait sur un sigle, sans qu’une personne soit élue : cela pose problème à certaines organisations syndicales, ce que je comprends. Mais nous disposons d’ici aux prochaines élections d’un peu de temps, qu’il faudra mettre à profit, pour trouver une solution satisfaisante.

Sur la représentativité des organisations patronales, en revanche, tout restait à faire : rien ne permet aujourd’hui de mesurer leur poids au niveau national et surtout au niveau des branches professionnelles où, comme j’ai pu le constater à l’occasion de l’accord concernant le cinéma, nous ne retrouvons pas toujours les trois organisations les plus connues, mais d’autres dont la représentativité est bien difficile à apprécier. Nous avons demandé aux organisations patronales de nous faire des propositions, mais elles n’y sont pas parvenues ; j’ai donc demandé au directeur général du travail de me faire, à son tour, des préconisations, qui sont pour l’essentiel reprises dans ce projet de loi. À l’avenir, nous pourrons donc évaluer, de façon transparente, le poids des organisations patronales.

Le financement de la démocratie sociale a fait l’objet de critiques nombreuses, parfois fondées, mais il est aussi la source de nombreux fantasmes et l’occasion fréquente de dénigrer les organisations tant patronales que syndicales. Il était d’ailleurs plus difficile de mettre de l’ordre dans le financement des premières que des secondes. Ce projet de loi applique à toutes le même traitement : celui de la transparence, tant en ce qui concerne l’origine des fonds qu’en ce qui concerne les critères de financement.

Bien entendu, pour assurer l’indépendance de ces organisations, il est nécessaire que les cotisations de leurs adhérents constituent leur première source de revenus. Mais si celles-ci peuvent couvrir leurs dépenses de fonctionnement, nous sommes tous d’accord pour confier aux partenaires sociaux des tâches d’intérêt général, qui entraînent des frais – gestion paritaire d’organismes de formation professionnelle, de l’UNEDIC, de l’ARRCO… ou participation à la gestion des organismes de sécurité sociale. De même, lorsque nous leur demandons de négocier des accords, c’est encore d’une tâche d’intérêt général qu’il s’agit. Il est légitime que ces missions soient financées, de façon transparente.

L’origine des fonds doit être claire : c’est pourquoi nous séparons définitivement l’argent de la formation professionnelle de celui qui est destiné à financer les organisations syndicales et patronales, financement du paritarisme compris. L’attribution des fonds à chaque organisation doit se faire dans la même clarté : le fonds paritaire, dans lequel l’État sera extrêmement présent par l’intermédiaire d’un commissaire du Gouvernement, et qui rendra des comptes très précis, redistribuera ces sommes selon des critères objectifs, en fonction de la représentativité des organisations et de la nature des missions financées, étant entendu que la contribution au paritarisme doit donner lieu, par définition, à une répartition égalitaire.

Visant donc à assurer la pérennité et la transparence de la démocratie sociale, ce projet de loi traite aussi de la formation professionnelle, en transcrivant l’accord national interprofessionnel du 14 décembre dernier. Je ne reviendrai à cet égard que sur quelques principes – mais ceux-ci sont décisifs.

La loi de 1971, votée dans un contexte différent puisque le chômage était alors très bas, avait introduit de très grandes améliorations en créant une obligation de formation : d’où la contribution de 1 % de la masse salariale, ramenée par la suite à 0,9 %, qui a permis pendant des années de renforcer considérablement les qualifications dans l’entreprise. Mais, ensuite, on a atteint un plafond et on a même commencé à constater une diminution de l’effort de formation. On a aussi pu noter que ces formations bénéficiaient plus souvent aux hommes, à ceux qui occupaient une place élevée dans la hiérarchie de l’entreprise et à ceux qui étaient déjà qualifiés – alors qu’elles devraient d’abord aller à ceux qui en ont besoin pour trouver un emploi ou pour obtenir une promotion.

La qualification permet de mieux affronter les aléas économiques, les premières victimes des licenciements étant toujours les salariés les moins qualifiés, c’est-à-dire ceux dans lesquels l’entreprise avait le moins investi comme si, pour elles, la formation n’était pas la clé de la compétitivité. Le projet de loi vise donc à mieux aider ceux qui ont le plus besoin d’une formation professionnelle – les jeunes, les chômeurs, les moins qualifiés. L’outil de cette révolution, c’est le compte personnel de formation (CPF). Vous en aviez voté une première esquisse dans la loi de sécurisation de l’emploi ; il restait à donner un contenu à ce qui n’était encore qu’une coquille vide, comme plusieurs d’entre vous l’avaient souligné. Chaque salarié bénéficiera de ce compte tout au long de sa vie professionnelle, quel que soit son statut et non plus en fonction de celui-ci. Cela permettra aux jeunes d’acquérir les qualifications nécessaires et aux chômeurs de bénéficier des droits acquis comme salariés alors qu’avec le dispositif précédent, le départ de l’entreprise faisait perdre presque tous les droits à la formation. Ce compte sera alimenté par les partenaires sociaux, par les régions et par Pôle Emploi – cela suivant des mécanismes qui, certes, peuvent être compliqués, mais le produit lui-même est simple.

Chacun disposera ainsi de son compte personnel, tout au long de sa vie professionnelle. Même un député pourra disposer d’un compte, qu’il pourra utiliser s’il perd son mandat, circonstance où il peut être utile d’envisager une reconversion, bien sûr momentanée – le temps de reconquérir la confiance de l’électeur ! (Sourires.)

Nous procédons aussi à une grande simplification, pour les entreprises comme pour les salariés. La loi de 1971 avait – ce qui était nécessaire dans un premier temps – créé une obligation de dépenser, à laquelle nous substituons une obligation de former. En effet, cette obligation de dépenser était devenue pour les entreprises une source de tracasseries administratives : il leur fallait démontrer qu’elles avaient rempli leur obligation de dépenser 0,9 % de la masse salariale pour former leurs employés, alors même qu’elles y consacrent plus de 2 % en moyenne. Inversement, pour satisfaire à tout prix à cette obligation de dépense, certaines mettaient parfois un peu n’importe quoi dans leur plan de formation, puisque celui-ci n’était pas négocié ; et celles qui, en dépit de tout cela, n’atteignaient pas les 0,9 % devaient acquitter une cotisation. C’était donc un système extrêmement complexe, et ce projet de loi y remédie.

Mais cela ne veut pas dire qu’il y aura moins d’argent pour la formation, et surtout pour la formation de ceux qui en ont le plus besoin : les diverses cotisations sont fondues en une seule, variable en fonction de la taille de l’entreprise, et qui alimentera les divers mécanismes de mutualisation en faveur des petites et moyennes entreprises et surtout des chômeurs.

Quant aux salariés, ils sauront qu’ils ont désormais droit à 150 heures de formation. Cette durée, que certains jugent insuffisante, est supérieure aux 120 heures offertes dans le cadre du droit individuel à la formation (DIF) – qui a d’ailleurs été un échec – et ce d’autant plus qu’il s’agira d’un plancher, et non plus d’un plafond.

Nous simplifions également les mécanismes de gestion : sans attendre la discussion du deuxième projet de loi de décentralisation, nous inscrivons dans la présente loi que la formation professionnelle et l’apprentissage relèvent de la compétence des régions – l’intervention de l’État n’était pas efficace. J’insiste beaucoup sur le fait que nous introduisons un dispositif nouveau de concertation et de décision au niveau régional, qui associera les organisations patronales, les organisations syndicales, la région et Pôle Emploi, pour définir une liste des formations nécessaires ; cette liste devra être adaptée aux besoins et pourra donc varier suivant les territoires, mais aussi dans le temps.

Enfin, le nombre des organismes chargés de collecter la contribution à la formation professionnelle et la taxe d’apprentissage et d’en répartir le montant – ce sont parfois les mêmes – sera ramené de plus de 200 à un peu plus de 40. Nous pouvons attendre de cette simplification d’importantes économies de gestion, mais aussi une efficacité accrue.

J’en viens ainsi aux dispositions relatives à l’apprentissage et, plus largement, à l’emploi.

Prenant en compte une décision du Conseil constitutionnel, nous précisons d’abord les modalités de la réforme de la taxe d’apprentissage que nous avions inscrites dans la loi de finances rectificative pour 2013. Les partenaires sociaux auront ainsi tous les éléments pour prendre les décisions nécessaires au bon déroulement de la campagne 2015. Certains estimeront sans doute que ces dispositions devraient plutôt figurer dans une loi de finances que dans ce texte-ci : je dispose des arguments juridiques propres à démontrer qu’elle a au contraire toute sa place dans ce projet de loi.

Nous créons également un contrat à durée indéterminée d’apprentissage, qui permettra de sécuriser l’apprenti – ainsi assuré de pouvoir rester dans l’entreprise au-delà de sa période d’apprentissage – mais aussi l’employeur. Les PME font souvent de gros efforts pour former leurs apprentis et trouvent ensuite très désagréable de voir ces jeunes partir vers une autre entreprise… Il s’agit donc de créer une relation plus étroite, et sur une durée plus longue.

Nous améliorons aussi le contrat de génération. Ce dernier est parfois conclu entre un chef d’entreprise – généralement de TPE – et un jeune qui prendra ensuite sa succession. Or assumer la responsabilité d’une entreprise réclame une certaine maturité et nous avons donc décidé, en accord avec les partenaires sociaux, de porter l’âge limite auquel un jeune peut conclure un tel contrat de 25 à 30 ans.

Nous verrons au cours des débats s’il est nécessaire de compléter encore le contrat de génération ; en effet, les partenaires sociaux ont choisi de s’imposer l’obligation d’une négociation dans les entreprises de 50 à 300 salariés, et je souhaite qu’ils prennent conscience que ces négociations sont aujourd’hui en retard, alors que le contrat de génération est déjà mis en œuvre sans négociation dans les entreprises de plus de 300 salariés et est très utilisé dans celles de moins de 50 salariés. J’ai demandé aux partenaires sociaux de démontrer la pertinence de l’obligation qu’ils se sont imposée ; si je n’étais pas convaincu, peut-être serais-je amené à faire de nouvelles propositions dans le cours de la discussion.

La loi de sécurisation de l’emploi a interdit les temps partiels inférieurs à 24 heures par semaine, à partir du 1er janvier 2014 – ce sont les partenaires sociaux qui avaient fixé cette limite. J’ai choisi de maintenir cette obligation tout en donnant six mois de plus pour réussir les négociations dans les branches. Cette pression a d’ailleurs permis d’aboutir, dans certains domaines, à des accords qui, par exemple dans la restauration rapide, aboutissent à des solutions originales pour valoriser ces temps partiels.

Enfin, ce projet de loi accorde des pouvoirs supplémentaires à l’administration et, en premier lieu, à l’inspection du travail, qu’il convenait de réformer sans remettre en cause, bien sûr, une indépendance garantie tant par la Constitution que par des conventions internationales. Mais il convenait de revoir les méthodes de travail de ce corps afin de combattre plus efficacement le travail illégal, parfois très organisé, par exemple dans le cadre du détachement de travailleurs européens. Nous proposons donc une nouvelle organisation, plus collective, et nous renforçons ses pouvoirs de sanction.

Le renforcement des pouvoirs de l’administration vise également à mieux contrôler que l’argent de la formation va vraiment à ceux qui en ont le plus besoin et à garantir la qualité de cette formation, en écartant les offres douteuses, voire en combattant les dérives, parfois sectaires, constatées ici ou là.

Au total, je pense vous avoir démontré que vous avez là un projet de loi court et simple, qui devrait donc donner lieu à des discussions limpides. (Sourires.)

Mme la présidente Catherine Lemorton. …mais dans des délais très serrés, même si vous avez pris soin de nous communiquer ce projet de loi, par voie électronique, dès la fin du conseil des ministres.

Je regrette aussi que le débat sur le bilan de la loi de sécurisation de l’emploi auquel vous avez fait allusion, et qui a été organisé à la demande du groupe GDR, doive avoir lieu en séance publique au moment même où nous serons occupés à examiner le présent texte en commission. J’ai soulevé le problème en conférence des présidents, mais il n’a pas été possible d’y remédier. J’ouvre maintenant la discussion sur ce texte en donnant, dans un premier temps, la parole aux représentants des groupes politiques.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur. Ce texte aussi clair que limpide était effectivement attendu depuis longtemps. Vous avez raison, il y a urgence.

Il faut y insister : ce projet de loi, comme d’ailleurs tous les textes qui ont organisé la formation professionnelle dans notre pays, est le fruit de longues concertations, qui ont abouti à l’accord national interprofessionnel du 14 décembre dernier. Si tous les partenaires sociaux ne l’ont pas signé, tous y ont contribué.

Loin de constituer une suite disparate de mesures diverses, les principales dispositions de ce texte font système, autour d’une rupture décisive : le passage de l’obligation de dépenser, posée par la loi de 1971, à l’obligation de former. Le compte personnel de formation, l’entretien professionnel, l’intervention d’un conseiller en évolution professionnelle – qui devrait conduire à une rénovation de l’orientation professionnelle – sont de véritables innovations. Mais nombre d’autres dispositions étaient attendues, sur tous les bancs, car elles avaient été trop longtemps repoussées ; je pense notamment à la réforme de la collecte de la taxe d’apprentissage – qu’il a fallu remettre sur le métier après la décision du Conseil constitutionnel –, à la régionalisation de la formation, à la réforme de la représentativité patronale, à celle du financement de la démocratie sociale…

Désormais, l’employeur ne considérera plus la formation comme une dépense obligatoire, mais comme un investissement, comme un moyen d’améliorer la compétitivité de son entreprise. Le salarié, quant à lui, sera mis en confiance par le compte personnel de formation, qui ne sera pas virtuel comme pouvait l’être le droit individuel à la formation (DIF), mais qui sera garanti par l’entretien professionnel et par le conseil en évolution professionnelle.

Certains points restent néanmoins à préciser. Quand se fera le basculement du financement de la formation professionnelle ? Ne faudrait-il pas indiquer qu’il se fera sur la masse salariale de l’année 2015 ? C’est une question qui n’est pas simple, je le sais bien.

Comment seront précisément établies les listes de formations ? Trop larges, elles risquent de nous faire retomber dans les travers du DIF ; trop restreintes, elles risquent de décourager l’initiative et de freiner la responsabilisation des salariés. Comment sera concrétisée la priorité accordée aux personnes non qualifiées, aux jeunes, aux demandeurs d’emploi ?

La gouvernance de la formation professionnelle sera, vous l’avez dit, quadripartite mais pouvez-vous nous confirmer qu’un rôle de chef de file sera bien reconnu à la région ? Pouvez-vous nous préciser comment cette organisation décentralisée se mettra en place ? Quelle place sera réservée aux centres de formation des apprentis (CFA) nationaux et à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) ?

S’agissant enfin de la démocratie sociale, comment améliorer la situation du « hors champ » dans ce texte ?

M. Gérard Cherpion. Ce texte est tout à fait intéressant, ne serait-ce que parce qu’il est issu d’un accord national interprofessionnel. Cela étant, d’autres accords de ce type avaient été signés auparavant, et celui de 2009 l’avait même été à l’unanimité, ce qui n’est pas le cas de celui-ci. La loi Larcher de 2008 aussi a été importante : n’est-ce pas elle qui vous permet aujourd’hui de défendre ce projet ? Il faut donc prendre en considération tout ce qui a été fait auparavant, même si je vous rejoins pour dire que, sur certains dossiers comme celui de la représentativité, nous avons peut-être tardé à agir.

Je regrette que le projet de loi ne soit pas une simple transposition de l’accord ; d’autres points sont en effet venus s’y ajouter, ce qui produit un texte dense, voire touffu. Certes, la décision du Conseil constitutionnel obligeait de revenir sur la réforme de l’apprentissage mais, au cours des auditions que nous avons menées par anticipation grâce à notre rapporteur, nous avons pu constater des interrogations, voire des inquiétudes. Ainsi l’État – vous ne l’avez pas mentionné – se désengage de la mission de formation professionnelle des personnes handicapées pour la confier aux régions.

D’autre part, nos conditions de travail, je le souligne moi aussi, ne sont pas idéales, même si nous vous sommes reconnaissants, monsieur le ministre, d’être venu très vite devant la Commission. Comme vous l’avez d’ailleurs reconnu, madame la présidente, un autre rythme de travail serait préférable.

Monsieur le ministre, vous avez parlé d’urgence à réformer la formation professionnelle et, de fait, l’article 4 fixe l’entrée en vigueur de la nouvelle contribution au 1er janvier 2015. Dès lors, je reprends la question du rapporteur : comment et quand se fera le basculement de la collecte ? N’y aura-t-il pas discontinuité ? Si la réforme a le succès qu’on espère, les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ne devront-ils pas s’endetter pour financer les formations, une fois dépensé l’argent qu’ils auront perçu dans les derniers mois de 2014 ?

Aux termes de l’article 9, les OPCA transmettront à chaque région une proposition de répartition des fonds non affectés par les entreprises et, après concertation au sein du bureau, le président du conseil régional les informera de ses observations et propositions de répartition, après quoi ces organismes procéderont au versement des sommes aux CFA. Ces dispositions me semblent appeler des précisions : qui décide en définitive, des régions et des OPCA ?

L’article 11 dispose que les régions financeront et organiseront « la formation professionnelle des Français établis hors de France et l’hébergement des bénéficiaires » : comment donc comptez-vous mettre en œuvre une telle mesure ? Les régions devront-elles vraiment financer l’hébergement d’un Français vivant à Londres ou à Singapour et venant se former en métropole ?

À l’article 18, la situation du secteur hors champ pose problème : il financera le fonds paritaire, mais il ne fera pas partie des organismes décideurs. Dès lors, quelles assurances a-t-il de bénéficier de ce fonds ?

Enfin, comment sera calculée la nouvelle contribution des entreprises d’intérim, qui est actuellement de 2 % de la masse salariale ? Sera-t-elle abaissée dans la même proportion que pour les autres entreprises ?

M. Francis Vercamer. Ce projet de loi est très important dans la situation que connaît notre pays, où tous les indicateurs sont au rouge. Le chômage ne cesse d’augmenter, les impôts croissent massivement, le pouvoir d’achat diminue ; la compétitivité des entreprises est en danger et leur taux de marge a atteint son niveau le plus bas depuis 1985, de l’aveu même du Président de la République. Il ne faut donc pas s’étonner du recul spectaculaire des entrées en apprentissage – une baisse de 9,2 % sur un an, à la fin du mois de novembre. Nous avons aujourd’hui 435 000 apprentis, contre 1,5 million en Allemagne – pays où l’âge minimal d’entrée en apprentissage a été ramené à treize ans quand nous l’avons porté à seize ans. Ces données soulignent la nécessité de mettre tout en œuvre au service de l’emploi.

La formation professionnelle est organisée dans notre pays de façon très complexe, et met en jeu beaucoup d’argent – 32 milliards d’euros par an – sans que, de l’avis unanime, les résultats soient en rapport avec les sommes ainsi dépensées. Un choc de simplification est là aussi nécessaire.

Je salue l’accord national interprofessionnel du 14 décembre, qui devrait permettre d’améliorer la situation. Mais c’est ici la troisième réforme de la formation professionnelle en dix ans, chaque réforme s’étant d’ailleurs appuyée sur un accord préalable des partenaires sociaux. Celle-ci est-elle à la hauteur des enjeux ? Pourra-t-elle être la dernière, ou au moins durer dix ans ? Nous l’espérons.

Très attaché au dialogue social, le groupe UDI sera très vigilant sur le respect de l’équilibre auquel les partenaires sociaux sont parvenus dans l’accord qu’ils ont signé. Nous ferons en revanche des propositions soit pour combler les lacunes du projet, soit pour améliorer les dispositions ajoutées par le Gouvernement par rapport à celles qui figuraient dans l’ANI.

S’agissant de la représentativité et du dialogue social, je ne suis pas sûr que votre méthode soit la plus démocratique possible : vous allez empêcher l’émergence de nouvelles organisations d’employeurs. Le texte ne comporte par ailleurs pas de dispositions en ce qui concerne la représentativité des organisations relevant du hors champ. Ce sont, je vous le rappelle, les élections prud’homales qui ont démontré l’importance de l’économie sociale et solidaire dans notre pays – élections que vous vous apprêtez justement à supprimer, même si cette disposition a été retirée du présent texte ! Selon vous, ces élections coûteraient cher et le taux de participation y serait faible, mais ne pourrait-on dire la même chose de bien d’autres élections dans notre pays ? Je m’opposerai donc résolument à cette suppression, le moment venu.

Le compte personnel de formation nous avait paru inabouti en juin 2013 ; des avancées significatives sont présentées ici. Mais 150 heures sur neuf ans, cela paraît bien faible pour procurer une réelle qualification dans certains secteurs !

Nous nous inquiétons de l’impact de ce projet de loi sur les petites et moyennes entreprises – la CGPME n’a d’ailleurs pas signé l’accord. Les PME sont à l’origine de l’essentiel des créations d’emplois, il importe donc de les soutenir : quelles garanties pouvez-vous leur apporter s’agissant du financement de leurs actions de formation ? La solidarité entre les grandes entreprises et les plus petites sera-t-elle assurée ?

Enfin, sur la forme, je regrette moi aussi cet examen à marche forcée, qui nuit à la qualité de nos travaux. C’est d’autant plus dommage que l’importance du sujet est grande. Je note aussi qu’alors qu’on nous annonce une réforme territoriale renforçant le rôle des régions, on trouve des mesures de décentralisation dans ce texte-ci : cette confusion est regrettable.

M. Christophe Cavard. Ce projet de loi, fruit d’un travail partenarial mené dans la ligne de la Conférence sociale de juillet 2012, veut revenir à l’esprit de l’accord de 1970, traduit dans la loi en 1971 : proposer de nouvelles applications de la démocratie sociale, mieux reconnaître les partenaires sociaux. Attachés au principe du dialogue social et convaincus que la formation professionnelle est indispensable au succès de la transition écologique, les écologistes feront des propositions pour renforcer cette loi, dans le respect de l’équilibre de l’accord trouvé entre les partenaires sociaux.

La création du compte personnel de formation (CPF) est attendue depuis longtemps : parce qu’il est attaché à la personne, parce qu’il pourra être mobilisé à la seule initiative de son bénéficiaire, que celui-ci soit salarié ou demandeur d’emploi, c’est une véritable avancée. Malgré de multiples réformes, la formation professionnelle continue en effet de bénéficier davantage à ceux qui en ont le moins besoin – les salariés les plus diplômés et ceux qui travaillent dans les grandes entreprises. Le CPF est conçu pour être accessible aux publics les plus éloignés aujourd’hui de la formation. Cependant, les fonctionnaires ne devraient-ils pas bénéficier d’un dispositif équivalent ?

Il reste que le plafond de 150 heures suffira rarement à l’obtention d’une qualification effective et ne s’adapte pas facilement à l’offre disponible. Nous proposerons donc d’ouvrir la possibilité d’augmenter le nombre d’heures, par accord de branche professionnelle. Les OPCA ou les collectivités territoriales pourront apporter des financements complémentaires. Au reste, le mécanisme de financement ne nous paraît pas stabilisé et il nous paraîtrait utile de prévoir une évaluation permanente de ce dispositif par les partenaires sociaux eux-mêmes, en lien avec les services de l’État.

Nous nous inquiétons d’un décalage entre les ambitions affichées pour le CPF et les moyens engagés, notamment pour les publics cibles. Que deviendront les outils existants, en particulier le congé individuel de formation (CIF), encore difficile d’accès ?

Le texte garantit la gratuité de l’accès à l’apprentissage, ce qui est une bonne chose. Toutefois, certains CFA nous ont avoué facturer des formations : par quoi ces sommes seront-elles remplacées ? Sera-ce à la charge des régions, et en sont-elles d’accord ?

Dans une situation économique qui impose de réorienter notre production, la politique économique de l’offre annoncée par le Président de la République ne sera efficace qu’à condition de sélectionner les filières prioritaires – transports collectifs, énergies renouvelables, éco-construction, rénovation thermique… L’offre de formation doit suivre : c’est un enjeu majeur pour la reconversion des salariés et pour l’acquisition de nouvelles compétences par les demandeurs d’emploi. Il conviendra donc de s’assurer que les formations figurant sur les listes nationale et surtout régionales répondent bien aux besoins des personnes, mais aussi des branches professionnelles.

La formation professionnelle relèvera désormais de la seule compétence des régions. Que se passera-t-il lorsque des salariés ou des chômeurs souhaiteront suivre une formation spécifique offerte dans une région voisine ?

Enfin, les écologistes, promoteurs d’une économie relocalisée, souhaitent le développement de l’économie sociale et solidaire : celle-ci doit être mieux représentée dans les nouvelles instances de gouvernance de la formation professionnelle.

D’autres questions demeurent. Nous voulons nous engager en faveur de ce texte, mais nous croyons aussi qu’il mérite d’être complété. Nous attendrons donc, comme d’habitude, le terme de la discussion parlementaire pour décider du sens de notre vote sur l’ensemble de ce projet de loi.

M. Jean-Noël Carpentier. Comme la loi sur la sécurisation de l’emploi, ce projet de loi est issu de négociations sociales, à l’initiative desquelles se trouvent le Président de la République et notre majorité : cette démarche, dont nous pouvons être fiers, est en rupture avec la méthode de la majorité précédente. Il revient maintenant au Parlement d’enrichir le texte qui nous est présenté, mais qui constitue une très bonne base.

Les organisations patronales et syndicales se sont engagées dans la rénovation de la formation professionnelle. Ce texte marque un net « changement de braquet » en ce qui concerne les objectifs visant à améliorer la situation de millions de salariés, fluidifier notre marché du travail, mais aussi gagner en compétitivité. La formation est bonne pour le salarié, pour l’entreprise, pour l’économie, pour le pays : chacun doit pouvoir bénéficier de formations qualifiantes tout au long de sa vie professionnelle. C’est un droit moderne pour une société moderne.

Nous avons entendu s’exprimer des inquiétudes sur la pérennité du financement du compte personnel de formation : pouvez-vous nous rassurer ? Comment garantir que les formations inscrites sur les listes soient à la fois crédibles et reconnues ?

S’agissant de la démocratie sociale, ce texte apporte de véritables progrès et permettra une clarification de la situation. Certains utilisaient les faiblesses de la loi pour décrédibiliser l’action sociale et syndicale. Il est donc très heureux que les partenaires sociaux aient pu se mettre d’accord sur le sujet. Je veux d’ailleurs saluer ici tous les militants syndicaux, qui font dans leurs entreprises un travail formidable et animent au quotidien le dialogue social. Dans la période troublée que nous traversons, il faut les soutenir : une société sans syndicats serait catastrophique dans un contexte de crise.

J’approuve également les dispositions relatives à la représentativité des organisations patronales, même s’il faudrait apporter certaines précisions en ce qui concerne les petites entreprises.

Nous abordons nous aussi la discussion parlementaire dans un esprit très positif. Toutefois, monsieur le ministre, envisagez-vous de tendre la main dans les semaines à venir aux organisations non signataires de l’accord, de manière à réaliser peut-être l’unanimité en faveur de cette loi ? Enfin, qu’envisagez-vous concernant le hors champ, qui regroupe tout de même plusieurs millions de salariés ?

Mme Jacqueline Fraysse. L’accès à la formation professionnelle est très inégalitaire dans notre pays, au détriment des salariés des TPE et des PME, des travailleurs les moins qualifiés et des chômeurs, et ces disparités se retrouvent également entre territoires. Si le projet de loi vise à remédier à cette situation, il ne le fait que partiellement et des progrès importants restent donc à accomplir.

Le groupe GDR aborde l’examen de ce texte dans un esprit très constructif. La création d’un compte individuel de formation et la portabilité de ce droit à la formation constituent pour nous d’heureuses dispositions. De même, nous soutenons le passage d’une obligation de dépenser à une obligation de former et nous approuvons le fait de porter de 120 à 150 heures le plafond du droit à la formation. Cependant, si nous acquiesçons à l’approche consistant à penser la formation professionnelle en fonction de l’objectif de réduire le chômage et non en termes de moyens, nous estimons qu’en l’état, le texte reste insuffisant pour ce qui est des droits attachés aux salariés. En effet, le compte personnel de formation (CPF), je le répète, est une bonne idée, dans l’esprit d’ailleurs de la sécurité sociale professionnelle que nous prônons de longue date, mais il reste une coquille vide : faute d’opposabilité, il ne crée aucun droit concret pour le salarié. En outre, le texte ne dissipe pas le flou existant depuis la loi de sécurisation de l’emploi sur le financement des heures de formation que ce salarié pourra mobiliser. Et pour ce qui est des demandeurs d’emploi, des éclaircissements seraient souhaitables sur la façon dont sera financé le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).

La CGT a également exprimé sa préoccupation devant la forte diminution de la contribution obligatoire des entreprises – de près de 2,5 milliards d’euros, soit de près d’un tiers ! Comment justifiez-vous, monsieur le ministre, cette distorsion entre l’objectif que vous affichez de renforcer la formation professionnelle afin de lutter contre le chômage et cette diminution drastique des financements ? S’agit-il, une fois de plus, de satisfaire le désir du patronat de voir baisser le coût du travail ou avez-vous de meilleurs arguments, que j’entendrai alors avec intérêt ?

Les 150 heures de formation n’étant pour vous qu’un minimum, pourquoi en faire un plafond pour le CPF ? D’autre part, que prévoyez-vous pour combattre l’injustice dont souffriront les salariés à temps partiel, qui ne pourront abonder leur CPF qu’au prorata des heures travaillées alors que 80 % d’entre eux déclarent subir leur situation ?

Nous sommes favorables à une réforme du financement des organisations syndicales et patronales qui permettrait d’éviter les abus et les détournements, mais nous nous interrogeons sur le niveau de ce financement – qu’il provienne des entreprises ou de l’État – et sur les périmètres de répartition de ces fonds. Ainsi, comment sera financée la mise à disposition de salariés ayant une activité syndicale ?

Enfin, le projet de loi prévoit de placer les inspecteurs du travail sous l’autorité d’un responsable d’unité de contrôle et de créer des unités de contrôle régionales de lutte contre le travail illégal, ainsi qu’un groupe national de contrôle ; n’est-ce pas s’exposer à des risques de chevauchement entre ces différentes instances ? D’autre part, si vous avez exprimé votre volonté de maintenir l’indispensable indépendance des inspecteurs du travail, leurs représentants continuent de nourrir des doutes à ce sujet.

Mme Ségolène Neuville, rapporteure pour avis de la Délégation aux droits des femmes. Le taux d’accès des femmes à la formation continue serait, dit-on, comparable à celui des hommes : 43 % contre 45 %, mais ces chiffres maintes fois invoqués ont été publiés par le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) en 2009 et se rapportent vraisemblablement à une situation encore antérieure. Quoi qu’il en soit, d’autres données attestent que les salariés à temps partiel, majoritairement des femmes, se forment moins que ceux à temps complet – 37 % contre 45 % – et que l’écart s’accentue en fonction du degré de qualification. En outre, les hommes suivent plus souvent que les femmes des formations menant à un diplôme ou à une qualification reconnue. Le problème, quantitatif, est également qualitatif : les femmes suivent des formations les conduisant à des métiers de femmes, les hommes des formations les conduisant à des métiers d’hommes, 83 % des métiers n’étant pas mixtes. L’orientation explique largement ce constat dans la mesure où elle est souvent influencée par les stéréotypes sexués. Ces phénomènes nourrissent les inégalités professionnelles et salariales entre les femmes et les hommes, celles-ci engendrant ensuite de nouvelles disparités en termes de retraite. Il est donc primordial de développer la mixité des métiers et ce projet de loi y concourra grâce au CPF et au service public de l’orientation confié aux régions.

Demeurent néanmoins quelques questions. En premier lieu, si le comité interministériel aux droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes a souhaité donner la priorité à la formation des salariées à temps partiel, nous notons qu’aux termes du projet de loi, le CPF sera abondé à due proportion du temps de travail effectué. Sachant que les salariés à temps partiel sont souvent peu qualifiés, ne serait-il pas préférable de leur attribuer un temps de formation complet, en sorte qu’ils ne soient pas partiellement formés ?

L’éloignement entre le domicile et le lieu de formation constituant un frein important à la formation des femmes, ne pourrait-on pas développer les formations à distance ? Dans le même ordre d’idée, les frais de garde d’enfants ne devraient-ils pas être compris dans les frais annexes « afférents à la formation » dont l’article 1er du projet prévoit la prise en charge ?

Seriez-vous favorable à l’instauration, pour l’ensemble des conseillers d’orientation et d’insertion, d’une formation obligatoire sur les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes et sur la lutte contre les stéréotypes sexués ?

Les organismes paritaires de collecte agréés (OPCA) n’ont pas pu nous indiquer, au cours des auditions que nous avons organisées, la répartition du budget de la formation entre les femmes et les hommes. Disposeriez-vous de chiffres à ce sujet ? Ne pourrait-on mettre à profit la discussion de ce texte pour demander aux OPCA des statistiques sexuées ?

Mme Colette Langlade, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je commencerai par noter que ce projet de loi démontre que la jeunesse reste une priorité dans l’action du Gouvernement. Cependant, l’avis de notre Commission ne porte que sur trois de ses articles, relatifs à l’apprentissage, au service public de l’orientation et à la carte régionale des formations.

L’efficacité de la pédagogie de l’alternance est unanimement reconnue en matière d’insertion professionnelle. Il en résulte une volonté de développer l’apprentissage, de manière équilibrée, à tous les niveaux de formation, de manière à atteindre l’objectif de 500 000 apprentis en 2017, étant entendu que cette croissance ne devra pas s’opérer au détriment des autres voies de formation professionnelle, notamment de la voie scolaire. Cela étant, ne pourrait-on pas obliger les centres de formation des apprentis (CFA) à fournir une assistance aux jeunes pour trouver un nouvel employeur, en cas de rupture de leur contrat d’apprentissage ?

L’orientation, qui fait l’objet de la vingtième mesure du pacte de compétitivité, constitue un droit et un enjeu majeur pour chacun. Elle doit permettre de construire un projet personnel et professionnel, faciliter l’insertion dans l’emploi et, surtout, contribuer à sécuriser les transitions professionnelles ; elle s’inscrit dans une démarche citoyenne d’émancipation et d’élaboration d’un projet de vie. À ce titre, nous nous réjouissons de l’expérimentation conduite actuellement dans huit régions sur le service public régional d’orientation. Le cahier des charges de celui-ci sera-t-il défini au niveau national ou chaque région élaborera-t-elle le sien ? Les centres d’information et d’orientation (CIO) conserveront-ils leur statut actuel ?

Enfin, je me bornerai à saluer l’article du projet de loi relatif au contrat de plan régional de développement des formations et de l’orientation professionnelles, qui organise l’établissement de la carte des formations en étroite collaboration entre le ministère de l’éducation nationale et les régions, après avis des départements. Nous nous félicitons également de la création du campus des métiers, qui permettra de faire travailler ensemble les acteurs de la formation initiale et ceux de la formation continue.

M. Pierre Morange. Le CPF constitue la pierre angulaire de ce texte dont l’ambition est de mettre la formation professionnelle au service de la sécurisation du parcours des travailleurs et du dynamisme économique. Cependant, la gestion du système serait confiée à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ; ce choix est-il pertinent, sachant que le cœur de métier de celle-ci ne la prépare pas à une gestion administrative d’un compte de formation mesuré en heures, et non en argent ? Le CPF reposant sur des principes d’universalité, de transférabilité et de portabilité, la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), qui dispose de fichiers importants et qui a démontré sa capacité à garantir les droits liés à la pénibilité et au compte épargne temps, ne serait-elle pas la structure la mieux équipée pour gérer ces droits à la formation, la CDC en assurant la caution financière ?

Les contraintes de présence freinent l’essor de nouvelles pratiques en matière de formation à distance. Pourtant, le développement de ce type de formation contribuerait à rationaliser l’utilisation des moyens et à augmenter l’offre en direction des publics ayant des réticences à s’inscrire dans des dynamiques collectives de formation professionnelle. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?

Mme Monique Iborra. En matière de formation professionnelle, le projet de loi dote les régions d’un bloc homogène de compétence mais prévoit aussi un pilotage du système par quatre acteurs – État, régions, représentants des chefs d’entreprise et organisations syndicales. Ne craignez-vous pas que ce système engendre des dérapages ? À qui devront s’adresser les salariés ou les chômeurs désireux de suivre une formation ? On peut admettre que ces quatre acteurs soient associés au sein d’une instance de concertation, mais la désignation d’un chef de file me paraît nécessaire pour rendre la décentralisation des compétences effective. Sur cette question du pilotage, le texte n’est pas satisfaisant.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je tiens à saluer la qualité de la méthode qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi.

En septembre 2013, le Premier ministre a réuni le comité interministériel du handicap pour la première fois depuis sa création ; à cette occasion, l’emploi est devenu l’un des axes prioritaires des politiques du handicap. Poursuivant cette démarche, le projet de loi introduit un volet consacré au handicap dans la réforme de la formation professionnelle. Je salue ces dispositions de nature à faciliter l’accès à l’emploi des personnes handicapées et à sécuriser leur parcours professionnel.

En la matière, l’enjeu réside avant tout dans l’articulation efficace des dispositifs de droit commun et des mesures spécifiquement destinées aux personnes handicapées les plus éloignées de l’emploi.

Les jeunes en situation de handicap sont plus que les autres soumis aux aléas des parcours professionnels, de sorte qu’il convient de mettre l’accent sur la continuité et sur la fluidité des formations. À cette fin, ne pourrait-on prévoir un « axe jeunes » structuré au sein du plan régional d’insertion des travailleurs handicapés (PRITH) ? Cela permettrait d’améliorer le maillage du territoire et, en particulier, de renforcer les missions locales afin d’impliquer les acteurs en amont du processus.

Ne pourrait-on également envisager un rapprochement entre les établissements et services d’aide par le travail (ESAT) et les dispositifs de droit commun, sachant que le comité interministériel du handicap a souhaité développer les échanges entre les milieux ordinaire et protégé ? Ce rapprochement permettrait de trouver plus facilement une solution pour les travailleurs handicapés sortant d’un ESAT.

Enfin, pour les jeunes en situation de handicap, ne pourrait-on reporter de 25 à 30 ans l’âge limite pour accéder une formation différée ?

M. Michel Liebgott. J’ai été surpris de la violence des propos tenus par la CPGME sur cette réforme de la formation professionnelle. Alors que les PME éprouvent des difficultés à recruter et à former des jeunes, on peut s’étonner de l’absence de soutien à un texte qui fixe l’objectif d’avoir 500 000 apprentis en 2017. Cette position hostile est-elle motivée par je ne sais quelles arrière-pensées ?

Comment s’opérera la coordination entre la politique de formation – que le texte régionalise – et la politique nationale de l’emploi, notamment en vue de soutenir le développement de certaines filières industrielles ?

Il est absolument indispensable de régler le problème de la taxe d’apprentissage pour les lycées professionnels. L’inquiétude sur ce sujet est grande alors que ces formations, très qualifiantes, débouchent sur des emplois.

Enfin, je regrette que Mme Neuville ne soit plus là pour m’entendre mais je ne puis m’empêcher de noter que, lorsque de vieux élus mâles se retirent, il est souvent difficile de les remplacer par des femmes parce que la parité se trouve déjà atteinte. Peut-être faudrait-il revoir la loi si l’on souhaite que les femmes puissent être plus nombreuses que les hommes ?

M. Jean-Marc Germain. Je me réjouis de la présentation – dans les délais prévus par la loi de sécurisation de l’emploi – de ce projet de loi créant le compte personnel de formation que les groupes GDR et SRC appelaient depuis longtemps de leurs vœux.

Comment la formation professionnelle ainsi réformée s’articulera-t-elle avec la formation initiale différée, qui permet de compenser les années de formation initiale perdues par ceux qui quittent prématurément l’école ? Ce beau dispositif sera-t-il décentralisé ou l’État interviendra-t-il en la matière à travers l’Éducation nationale ?

Comment rassurer les salariés des PME et des entreprises de taille intermédiaire sur le maintien du niveau de formation dans un cadre où l’obligation de former doit primer sur celle de dépenser ?

Le choix de l’adhésion plutôt que de l’élection pour fonder la représentativité patronale est regrettable. Dès lors qu’on souhaite renforcer la démocratie sociale, il convient de donner la primauté au processus électif. Pourquoi avez-vous écarté cette option, monsieur le ministre ?

Des textes internationaux garantissent l’indépendance de l’inspection du travail, de sorte qu’on peut écarter toute inquiétude en la matière. Cependant, si vous maintenez globalement les effectifs de contrôleurs et d’inspecteurs, l’évolution de l’échelon de l’encadrement intermédiaire fait craindre un recul de la présence sur le terrain, alors que celle-ci est essentielle.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Il serait souhaitable de préciser certains articles du projet de loi afin de s’assurer que l’ensemble des salariés en insertion – quels que soient le statut de la structure d’insertion par l’activité économique (IAE) dans laquelle ils sont employés et le type de leur contrat – aient accès aux dispositifs prévus pour les demandeurs d’emploi. Les acteurs de l’IAE devraient également être associés à l’élaboration et à la conduite des politiques de formation dans les régions.

Il convient d’autre part que les dispositions relatives à la représentativité patronale n’aboutissent pas à figer la situation existante, mais permettent au contraire la traduction d’éventuelles évolutions. Le texte actuel ne lève pas les interrogations que nous pouvons avoir sur la possibilité de prendre en compte cette dynamique. Ainsi, je doute moi aussi de la pertinence qu’il y a à faire prévaloir l’adhésion sur l’élection. Quant à la question du hors champ, elle ne se pose pas seulement à propos des procédures de concertation : elle concerne également le financement des organisations syndicales.

M. Denys Robiliard. Je me réjouis de l’état d’esprit dans lequel tous les groupes politiques abordent l’examen du présent projet de loi. Cela permettra de réfléchir ensemble à la meilleure façon d’améliorer ce texte et, notamment, d’affirmer une véritable priorité en faveur des chômeurs et des personnes peu ou pas du tout qualifiées. Cela étant, grâce à sa portabilité, le compte personnel de formation devrait connaître un succès qui a été refusé au DIF.

Les dispositions de la section 8 de l’article 16 sont bienvenues dans la mesure où elles pallient la faible représentativité des organisations patronales dans certaines branches, y rouvrant ainsi la possibilité de négociations.

Vous avez réaffirmé, monsieur le ministre, l’indépendance de l’inspection du travail, mais il faut veiller, comme l’a souligné M. Jean-Marc Germain, à ce que la présence des inspecteurs et contrôleurs sur le terrain ne diminue pas. Pourriez-vous par ailleurs nous en dire plus sur deux séries de dispositions intéressantes : celles qui ont trait à l’arrêt d’activité et celles qui donnent aux inspecteurs du travail la faculté de prononcer des amendes administratives et de participer à des transactions pénales ?

M. Michel Issindou. La formation constitue la clef de la compétitivité de nos entreprises. La loi de 2009 n’a amené aucune évolution d’ampleur et il convenait donc d’élaborer un nouveau texte. Ce projet de loi crée de fait un vrai droit personnel à la formation, porte une attention particulière aux chômeurs et aux jeunes et clarifie la gouvernance de la politique de formation.

Cependant, les contrôleurs et les inspecteurs du travail que j’ai rencontrés nourrissent des inquiétudes sur la nouvelle organisation de leur mission. Pourriez-vous les rassurer, monsieur le ministre ?

Mme Sylviane Bulteau. La crise économique explique sans doute pour partie la diminution des entrées en apprentissage signalée par notre collègue Vercamer, mais la complexité des dispositifs et les inquiétudes des familles sur les conditions de vie des apprentis peuvent également y avoir contribué. Le projet de loi devrait aider à lever ces difficultés. En tout état de cause, je tiens à saluer l’engagement des professionnels et des entreprises qui forment les apprentis et à les assurer de notre volonté politique de développer l’alternance.

Monsieur le ministre, je reviendrai sur une « question qui fâche » que j’avais déjà posée lors de la discussion de la loi de refondation de l’école. Le jeune entre en apprentissage après la classe de troisième et à l’âge de quinze ans, il n’est pas question d’y revenir. En revanche, je trouve dommage qu’un adolescent qui a ces quinze ans au cours du dernier trimestre de l’année civile ne puisse pas devenir apprenti à la rentrée. Je compte donc déposer un amendement permettant de faire preuve de souplesse. Si l’on veut développer l’apprentissage et atteindre l’objectif de 500 000 apprentis à l’horizon de 2017, il convient de répondre à cette demande et aux besoins des employeurs.

Mme Hélène Geoffroy. Désormais, le statut de demandeur d’emploi ne constituera plus un frein au développement d’un projet professionnel. En effet, si j’ai bien compris les termes du projet, le compte personnel de formation sera accessible aux salariés en congé parental, aux chômeurs, aux bénéficiaires du RSA et aux personnes suivant un parcours d’insertion. Pourriez-vous toutefois nous préciser comment les demandeurs d’emploi ne percevant pas d’allocation chômage pourront utiliser ce dispositif, sachant qu’ils sont souvent réticents à suivre une formation non rémunérée, si indispensable soit-elle, leur priorité étant de trouver un travail ?

La formation se situe à l’intersection de deux mondes : celui de l’emploi et celui des dispositifs d’insertion professionnelle. Comment tout cela sera-t-il coordonné ? Comment les priorités en matière de formation seront-elles établies ? Comment s’assurera-t-on que tous les demandeurs d’emploi ont bien la possibilité d’accéder à cette formation ?

Mme Kheira Bouziane. La régionalisation de la formation professionnelle ne fait-elle pas courir le risque d’une disparité des offres, en fonction des moyens dont dispose chaque région ?

Le compte personnel de formation ouvert dans une région sera-t-il exportable dans une autre ? En effet, certains demandeurs d’emploi ou salariés voulant suivre une formation dans une autre région que la leur rencontrent actuellement des difficultés pour la faire financer.

Enfin, que répondre aux lycées professionnels qui s’inquiètent d’une possible réduction du financement des formations qu’ils dispensent ?

Mme Annie Le Houérou. Le réseau Cap emploi assiste les personnes handicapées, plus touchées que le reste de la population par le chômage, dans leur recherche d’un emploi ou les aide à conserver celui qu’elles ont. Parmi le public ainsi suivi, 40 % ont plus de 50 ans et 75 % ont un niveau de formation V – équivalent au brevet d’études professionnelles (BEP), au certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou au brevet des collèges –, si bien qu’ils quittent difficilement ce dispositif. L’accompagnement de ces personnes s’avère donc complexe et long. Les Cap emploi, opérateurs spécialisés, s’inquiètent aussi de leur positionnement par rapport à Pôle emploi, aux missions locales et, surtout, à l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) qui les finance. D’autre part, l’intensité et la qualité de leur action varient selon les régions. Monsieur le ministre, confirmez-vous leur rôle d’opérateurs spécifiques chargés d’accompagner les personnes handicapées vers l’emploi ou dans l’emploi ?

(Présidence de Mme Martine Carrillon-Couvreur, vice-présidente de la Commission)

M. le ministre. Si, en effet, plusieurs accords sur la formation professionnelle ont été signés depuis 1971, un des plus récents ayant abouti à la création du DIF, les partenaires sociaux considèrent que l’accord de décembre dernier, par son ampleur et sa profondeur, relève d’une autre dimension. En conséquence, l’unanimité était très difficile à atteindre et la rechercher à tout prix aurait d’ailleurs pu être contre-productif. La CGT et la CGPME ont refusé d’approuver le texte, mais non sans de vifs débats en leur sein. La CGT, qui défend depuis longtemps le principe du compte personnel de formation et qui avait signé l’accord sur le DIF ne garantissant que 120 heures de formation, a d’ailleurs indiqué qu’elle ne combattrait pas ce projet, mais qu’elle espérait le voir amélioré. On ne peut que se féliciter de cette position dans la perspective des discussions qui vont s’ouvrir, en vue d’une application effective de ces dispositions, dans les branches et dans les entreprises comme dans les territoires. La CGPME, quant à elle, s’est inquiétée avant tout du financement de la formation dans les PME et des PMI : nous pouvons la rassurer sur ce point grâce au mécanisme de mutualisation et aux dispositions permettant à tout salarié d’ouvrir un compte personnel de formation quelle que soit la taille de son entreprise. M. Liebgott a fait allusion à d’autres types de préoccupations et il est vrai que la CGPME a développé des liens, d’ailleurs légitimes, avec des organismes de formation, mais j’espère que notre action en matière de représentativité et en faveur d’un financement pérenne des organisations patronales la rassurera.

Une entreprise n’est pas une personne physique et ne peut donc pas voter comme un salarié. Au-delà des postures, tout le monde a considéré que l’adhésion devait l’emporter sur l’élection pour mesurer la représentativité d’une organisation patronale. Nous avons évidemment pris en compte le nombre de salariés par entreprise car, si nous avions adopté le principe « une entreprise, une voix », l’organisation représentant l’artisanat serait devenue la plus importante, ce qui n’aurait pas reflété l’état de l’économie française.

La question du hors champ est évidemment importante et les organisations agricoles, de l’économie sociale et solidaire et des professions libérales se sont mises d’accord, à ma demande, sur les modalités de leur prise en compte. Je les ai également sollicitées pour qu’elles discutent avec les trois organisations représentatives au niveau interprofessionnel en vue d’assurer leur participation aux négociations et au financement de la formation. Ces discussions sont en cours. Je déposerai un amendement visant à introduire le hors champ dans le texte, de manière à ce qu’il soit reconnu et occupe la place qui lui revient.

Le projet de loi contient des dispositions importantes sur les branches ; nous fondons beaucoup d’espoir sur le dialogue social et des négociations décisives sont actuellement conduites à ce niveau aussi, par exemple sur le temps partiel ou sur la généralisation de la complémentaire santé. Mais il existe 700 branches professionnelles en France, dont seulement 200 fonctionnent correctement. Les autres pâtissent du nombre très limité d’adhérents du côté patronal ou du côté des salariés et de l’absence de dynamique contractuelle. Je souhaite donc clarifier la situation, notamment en réduisant le nombre de branches, afin que tous les salariés puissent être couverts par un accord de branche.

Je suis fier du corps de l’inspection du travail et je m’attache à défendre effectivement son indépendance. Mais celle-ci doit avoir des effets et il convient donc de veiller au maintien du caractère généraliste et territorial de l’action de l’inspecteur du travail. Pour que cette action gagne en efficacité, le projet propose une nouvelle organisation, permettant le travail en groupe. Pour autant, les agents resteront individuellement indépendants et, après leur constat, décideront seuls de l’opportunité de transférer leurs procès-verbaux ou de prendre des décisions immédiates pour faire cesser des situations dommageables aux salariés.

Nous conduirons à son terme la réforme de l’IAE en cours, sachant qu’elle ouvre tous les dispositifs de formation aux salariés présents dans ce dispositif.

Monsieur Cherpion, dans un souci de simplification, toutes les actions en matière de formation professionnelle encore exercées par l’État seront transférées aux régions : cela concerne la formation des détenus comme celle des Français de l’étranger, publics au reste peu nombreux. Les conseils régionaux désigneront une région de référence, qui assurera un rôle de pivot en matière de financement.

Le taux de 2 % appliqué à l’intérim sera maintenu, à moins qu’un accord de cette branche ne le modifie.

Le CPF a une vocation universelle et il bénéficiera donc à tous les salariés, aux chômeurs ou aux jeunes. Mais il est également appelé à s’ouvrir aux indépendants et aux fonctionnaires – dans ce dernier cas, il y faudra toutefois une négociation entre Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, et les organisations syndicales.

Tous les dispositifs prévus par cette loi, y compris le CPF, entreront en vigueur le 1er janvier 2015 et seront, à cette date, opérationnels et financés. L’ensemble des acteurs concernés travaillent à régler à cette fin toutes les questions techniques et comptables qui se posent encore et j’entends ne pas céder sur ce point afin que rien ne fasse obstacle à une volonté politique partagée.

Le financement du compte personnel de formation exigera 1,2 milliard d’euros, contre seulement 200 millions d’euros pour le DIF : cette comparaison illustre bien un changement d’échelle, je pense. Alors que la durée de 120 heures était un plafond dans le DIF, celle de 150 heures est plutôt un plancher, qui pourra être dépassé par l’ajout de financements complémentaires. La mesure viendra, je le souhaite, renforcer celles que nous avons prises pour combattre la pénibilité : dans ce dispositif, les points accumulés sur le compte personnel peuvent être convertis en droits à la formation et il ne serait pas malvenu qu’inversement en quelque sorte mais dans le même esprit, les heures de formation suivies au-delà du socle de 150 heures puissent être utilisées pour sortir de la pénibilité. Des abondements supplémentaires seront apportés par les régions ou par Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi, afin d’atteindre des quotas d’heures conformes à leurs besoins de qualification. Des accords de branche ou d’entreprise pourront également augmenter la quantité d’heures versées au CPF pour les salariés les moins qualifiés.

Les lycées professionnels, madame Langlade, pourront continuer de bénéficier de la taxe d’apprentissage, y compris hors apprentissage car, lorsqu’un de ces établissements mobilise cette taxe pour acquérir une machine, il va de soi qu’il utilisera aussi celle-ci pour la formation initiale qu’il dispense.

Quant aux CIO, ils conserveront leur statut actuel ; un cahier des charges national du service public de l’orientation sera élaboré mais, dans la continuité du projet de loi sur la décentralisation déposé par le Gouvernement, le projet prévoit sa déclinaison et son adaptation dans chaque région.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. Merci, monsieur le ministre.

La séance est levée à dix-neuf heures quinze.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 22 janvier 2014 à 17 heures

Présents. – M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Kheira Bouziane, Mme Sylviane Bulteau, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, M. Rémi Delatte, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, Mme Ségolène Neuville, M. Christian Paul, Mme Bérengère Poletti, M. Denys Robiliard, Mme Barbara Romagnan, M. Gérard Sebaoun, M. Francis Vercamer

Excusés. – M. Bernard Accoyer, M. Henri Guaino, M. Laurent Marcangeli, M. Gilles Savary, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue

Assistaient également à la réunion. – Mme Catherine Coutelle, M. Régis Juanico, Mme Colette Langlade