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Commission des affaires sociales

Jeudi 30 avril 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 44

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente, puis de M. Jean-Patrick Gille, vice-président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, sur le projet de loi, déposé au Sénat, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées

– Examen, ouvert à la presse, sous réserve de son adoption par la MECSS, du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur le financement de la branche famille (M. Jérôme Guedj, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Jeudi 30 avril 2014

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des Affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, sur le projet de loi, déposé au Sénat, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je souhaite la bienvenue à Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

M. Bernard Accoyer. Je vous souhaite bonne chance dans vos nouvelles fonctions, madame la secrétaire d’État. Pour avoir appartenu à la présente commission, vous connaissez bien les sujets dont vous êtes désormais chargée. Et puisque vous êtes rattachée au ministère des affaires sociales, la question que je vais soulever vous concerne.

Madame la présidente, je vous ai écrit il y a quelques jours pour que vous fassiez auditionner par la commission M. Aquilino Morelle, ainsi que M. Pierre Boissier, directeur de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Vous m’avez répondu que cela ne vous paraissait pas la meilleure solution. Je crois au contraire que c’est justement le rôle ainsi que le droit des parlementaires de procéder à une telle audition.

Après avoir admis que vous compreniez parfaitement ma demande et trouvé ce qui s’était passé dans l’entourage du chef de l’État choquant, voire scandaleux, vous avancez que le parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire visant M. Morelle, ce qui ne me paraît en aucune façon contradictoire avec l’audition que j’ai demandée, qui porterait sur des questions de droit spécifiques aux conflits d’intérêts puisqu’il s’agit pour nous de comprendre comment un inspecteur général des affaires sociales peut à la fois exercer sa mission de contrôle en tant que haut fonctionnaire et vendre ses services à des laboratoires pharmaceutiques. Il s’agit pour nous d’éclaircir le point particulier de la prévention des conflits d’intérêts, lequel n’a rien à voir avec une enquête du parquet national financier.

Vous avancez un deuxième argument selon lequel la Haute autorité pour la transparence de la vie publique aurait entamé une étude pour approfondir les déclarations d’intérêts, étude pouvant donner lieu à des recommandations. Cela, encore une fois, n’a rien à voir avec l’audition demandée et n’enlève rien au rôle prééminent du Parlement dans la lutte contre les conflits d’intérêts.

Vous avancez enfin que l’IGAS elle-même a annoncé des investigations internes. Cela, j’y insiste, ne peut en aucune façon retirer quoi que ce soit au rôle et au rang du Parlement, qui ne peut s’effacer devant des administrations ou une quelconque haute autorité – point essentiel sur lequel nous nous retrouverons tous.

Aussi, je vous demande à nouveau, et solennellement, que nous procédions à l’audition d’Aquilino Morelle et de Pierre Boissier. Votre refus constituerait un nouveau scandale.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous avez mentionné que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, le parquet national financier et le corps d’appartenance de M. Morelle, l’IGAS, ont chacun diligenté une enquête. Permettez-moi de citer un autre extrait de la réponse que je vous ai envoyée : « […] c’est pourquoi je pense qu’au stade actuel de cette affaire, le devoir de contrôle du législateur ne peut pas s’exercer utilement dans le cadre d’une audition unique d’une ou deux personnes. Il convient à mon sens de laisser les actions engagées à titre judiciaire ou administratif suivre leur cours. Par contre, nous pouvons éventuellement réfléchir, lors de la prochaine réunion du bureau de la commission – et les membres dudit bureau vont bientôt recevoir une convocation –, à la pertinence d’une série d’auditions ou d’une table ronde sur la question du contrôle en matière de conflits d’intérêts ; mais il me semble que cela dépasse nettement le cadre de notre commission de toute façon. Je suis donc parfaitement ouverte à des propositions de ce type et reste à votre entière disposition si vous souhaitez que nous en discutions. »

J’en reste à la position que je viens d’énoncer. Aussi n’auditionnerons-nous pas en l’état M. Morelle.

M. Christian Paul. Au nom de mon groupe, je souhaite à mon tour la bienvenue à Ségolène Neuville, qui continuera de défendre au sein du Gouvernement les très belles causes que déjà elle promouvait au sein de cette commission.

Une fois l’« affaire » révélée, le Président de la République a immédiatement mis fin aux fonctions qu’exerçait auprès de lui Aquilino Morelle. Cette affaire a été réglée en vingt-quatre heures. Depuis, plusieurs instances judiciaires et administratives ont été saisies et Mme la présidente permet à juste titre à notre commission de se saisir éventuellement des questions de conflits d’intérêts qui sont, en particulier dans les secteurs de notre ressort ici, une véritable plaie.

M. Accoyer serait infiniment plus crédible dans sa démarche si, en d’autres temps, une autre majorité s’était montrée moins complaisante pour les émoluments fastueux de M. Guaino à l’Élysée, le maintien pendant des mois de M. Woerth au Gouvernement – et se posaient alors de vraies questions de conflits d’intérêts –, ou pour les turpitudes à répétition de M. Guéant.

M. Bernard Accoyer. Je prends les déclarations de M. Paul pour ce qu’elles valent, c’est-à-dire pas grand-chose. Je maintiens, et solennellement, ma demande d’audition de MM. Morelle et Boissier. Encore une fois, il s’agit pour nous de comprendre comment on peut à la fois être chargé par l’État d’assurer le contrôle d’entreprises privées et vendre ses services à ces mêmes entreprises, en l’occurrence des laboratoires pharmaceutiques.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous répondrai une dernière fois, monsieur Accoyer, que cette audition ne se fera pas. Il s’agit du reste d’une demande individuelle et non d’une demande du groupe UMP. Ensuite, efforçons-nous déjà d’appliquer le code de la santé publique, notamment l’article L. 4113-13 qui dispose que « les membres des professions médicales qui ont des liens avec des entreprises et établissements produisant ou exploitant des produits de santé ou des organismes de conseil intervenant sur ces produits sont tenus de les faire connaître au public lorsqu’ils s’expriment lors d’une manifestation publique ou dans la presse écrite ou audiovisuelle sur de tels produits ». Je ne pense pas que cet article soit particulièrement appliqué au sein de l’Assemblée et je m’inclus bien sûr dans le lot. Tout député par ailleurs professionnel de santé devrait déclarer ses liens ou conflits d’intérêts éventuels quand il prend la parole sur des textes relatifs à la santé.

Nous revenons maintenant à notre ordre du jour qui prévoit donc l’audition de Mme la secrétaire d’État sur le projet de loi, adopté ce lundi par le Sénat, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures législatives pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d’habitation et de la voirie pour les personnes handicapées.

Il s’agit d’un texte particulièrement important sur un sujet à la fois complexe et difficile, pour lequel nous avons désigné comme rapporteur M. Christophe Sirugue, et que nous examinerons en commission mercredi 21 mai. Nous ne connaissons pas encore la date du débat en séance publique mais Mme Neuville nous donnera éventuellement des indications à ce sujet.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. C’est pour moi un grand honneur d’être auditionnée par cette commission que je connais bien ; c’est aussi beaucoup d’émotion et un réel plaisir.

Certains d’entre vous siégeaient déjà au Parlement et se souviennent bien des débats précédant le vote de la loi du 11 février 2005 – grande avancée dans le domaine du handicap puisque ce texte dispose que l’ensemble des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public, des lieux de travail, doivent être accessibles à tous, y compris aux personnes handicapées, quel que soit leur handicap : physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique. La loi donnait dix ans aux différents acteurs concernés pour organiser l’accessibilité des établissements publics, des logements, des transports… Or l’application du dispositif a pris du retard. Il faut dire que si la loi fixait une échéance – le 1er janvier 2015 –, elle ne prévoyait pas de suivi organisé.

Il a fallu attendre 2012 pour que soit publié un premier rapport parlementaire, rédigé par les sénatrices Claire-Lise Campion, aujourd’hui rapporteure de ce texte au Sénat, et Isabelle Debré. Le rapport conclut que la loi ne pourra pas être appliquée dans les délais prévus.

En septembre 2012, un travail conjoint de l’IGAS, du Conseil général de l’environnement et du développement durable et du Contrôle général économique et financier, a constaté de même les difficultés et retards dans la mise en œuvre des obligations fixées par la loi de 2005.

À la suite de ces deux rapports, le Premier ministre a confié en octobre 2012 une mission parlementaire à Claire-Lise Campion sur l’accessibilité en France, lui demandant un état des lieux et des solutions concrètes.

En ce qui concerne l’état des lieux, nous disposons d’un certain nombre de chiffres. Ainsi, pour un total d’environ 2 millions d’établissements recevant du public, qu’ils soient privés ou publics, on compte 298 000 établissements communaux, dont 56 % ont été diagnostiqués et 18 % sont en cours de diagnostic.

Dans les communes de moins de 3 000 habitants, où trois ou quatre établissements, le plus souvent, reçoivent du public – la mairie, l’église, l’école et la salle polyvalente –, le coût de la mise en accessibilité avoisine 10 000 euros par établissement. Ce coût moyen, pour les communes de plus de 3 000 habitants, qui disposent d’établissements plus grands nécessitant davantage de travaux, est de 73 000 euros par établissement.

Aux termes de la loi de 2005, les communes sont tenues de se doter d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics (PAVE). En 2012, 13 % seulement d’entre elles avaient adopté le leur. Chiffre un peu plus optimiste : un PAVE était en cours d’élaboration dans 51 % des communes.

En dehors du domaine public, sur presque 34 millions de logements, 80 % sont soit dotés d’un ascenseur soit situés au rez-de-chaussée. Reste que cette donnée n’indique pas les dimensions de ces logements et que la présence d’un ascenseur ne garantit pas nécessairement l’accessibilité aux personnes handicapées.

Alors qu’en matière de transports urbains, les avancées ont été très importantes, puisque 90 % des autobus sont adaptés, les chiffres restent bien inférieurs pour les transports interurbains et le transport public ferroviaire. Je rappelle qu’on compte quelque 3 000 gares en France dont 400 sont considérées comme prioritaires pour la SNCF. Parmi ces dernières, cinquante sont totalement accessibles et une centaine le seront en 2015. La difficulté, en l’espèce, est de savoir qui doit porter la responsabilité des travaux d’aménagement puisque plusieurs acteurs sont impliqués : SNCF, Réseau ferré de France (RFF), régions.

Même si ces données ne sont pas exhaustives, elles montrent bien qu’il ne sera pas possible de parvenir à l’accessibilité universelle le 1er janvier 2015.

Il faut donc agir, ce qu’a décidé le comité interministériel du handicap de septembre dernier en organisant une vaste concertation avec l’ensemble des acteurs concernés – associations de handicapés, collectivités locales, SNCF, fédérations de professionnels, artisans, professions libérales… – afin de proposer des solutions. C’est la première concertation de ce type en France ; elle a duré d’octobre à février pour une durée totale de 140 heures. Dans la continuité du rapport de Claire-Lise Campion, il est ainsi proposé, d’une part, l’établissement d’agendas d’accessibilité programmée (Ad’AP) et, d’autre part, le réajustement et la simplification des normes imposées au bâti et aux transports, dans le but d’aboutir à une accessibilité concrète.

La loi de 2005 reste en vigueur et les délais prévus ne sont pas repoussés. Ainsi, à partir du 1er janvier 2015, qui n’aura pas réalisé les travaux d’accessibilité ou qui n’aura pas adopté un agenda d’accessibilité programmée restera passible de sanctions pénales.

L’agenda d’accessibilité programmée donne la possibilité de dépasser la date du 1er janvier 2015 sans encourir de sanction pénale. Il s’agira donc de déposer, avant le 31 décembre 2014, un dossier à la fois technique et financier. D’ici au 31 décembre 2014, l’ensemble des établissements et des autorités de transports devront déposer soit l’agenda complet, soit une intention de le déposer – cas dans lequel la date limite est fixée à un an après le dépôt des ordonnances, qui devraient être publiées au cours du mois de juillet prochain.

Cet agenda, déposé auprès du préfet et de la commission départementale des personnes handicapées (CDPH), déterminera un certain nombre de périodes en fonction du type d’établissement. Les établissements de 5e catégorie – soit 80 % du total –, par exemple, devront établir un agenda n’excédant pas trois ans. Au bout d’un an, tous les établissements devront quoi qu’il en soit rendre des comptes.

Ainsi, si un établissement de 5e catégorie – qui ne reçoit pas énormément de public – décide qu’il n’a qu’une rampe extérieure à installer, il ne disposera pour cela que d’une période d’un ou deux ans. Mais on peut, dans le cas de plusieurs locaux municipaux, imaginer plusieurs périodes : d’abord la réorganisation de l’accessibilité des locaux estimée à deux ans ; ensuite, l’aménagement d’ascenseurs pour une durée elle aussi estimée à deux ans. L’agenda couvrira donc ici quatre années mais avec des comptes à rendre au terme de chacune des deux périodes. Autre exemple : une chaîne de magasins peut prévoir une première période d’un an pour organiser le cheminement des personnes aveugles, une deuxième période, plus longue, pour installer un élévateur, et une troisième pour aménager l’accessibilité des caisses.

Les projets d’agenda seront validés par le préfet après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité (CCDSA). L’Ad’AP débutera à compter de la décision du préfet. Le silence de ce dernier vaudra acceptation implicite – sauf pour les établissements de première et deuxième catégorie, qui reçoivent plus de mille personnes et devront obtenir l’avis conforme de la CCDSA. Cet accord implicite constitue une simplification importante.

Le responsable de l’agenda, en général l’exploitant de l’établissement ou le maire s’il s’agit d’une commune ou encore le président de l’exécutif, transmettra au préfet un bilan à la fin des périodes intermédiaires mais aussi en fin de première année. Enfin, une attestation sera délivrée à la fin de l’agenda.

Les sanctions pénales prévues par la loi de 2005 ne s’appliqueront que pour les acteurs qui n’auront pas déposé d’agenda. Et ceux qui, à la fin de leur agenda, n’auront rien réalisé, redeviendront pénalement sanctionnables. Aux termes de la loi de 2005, le non-respect des obligations d’accessibilité est passible de 45 000 euros pour les personnes physiques, de 225 000 euros pour les personnes morales et d’une peine d’emprisonnement de six mois en cas de récidive. Si l’on dépose trop tardivement le dossier d’agenda et si l’on ne transmet pas les bilans d’avancement et les attestations finales de celui-ci, on encourt une pénalité dont le montant alimentera les caisses de l’État. En cas de non-respect de l’agenda, le produit de la sanction financière alimentera un fonds, créé par la réforme, dédié à l’accessibilité. Le montant de ces amendes sera déterminé par les ordonnances.

Je sais combien il est désagréable pour un parlementaire d’avoir à voter une loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances. C’est du reste dès le mois de septembre dernier que le Premier ministre d’alors avait annoncé qu’il soumettrait au Parlement un tel projet de loi. En effet, cette méthode est la seule qui nous permette d’être prêts pour le 1er janvier 2015. Ensuite, nous ne remettons en rien en cause la loi de 2005 ; l’objectif est donc de nous donner les moyens de l’appliquer. Pour cela, également, on l’a dit, nous voulons simplifier certaines normes.

Cette simplification relève du domaine réglementaire mais le moins est tout de même de vous donner des éléments d’information. Elle est issue de la concertation dont vous pourrez trouver les résultats en ligne sur le site du Gouvernement. Il a été décidé de reprendre l’ensemble des mesures proposées sans modification.

Par exemple, il était jusqu’à présent prévu que toutes les entrées des établissements publics soient accessibles pour tous. S’il est impossible ou trop coûteux de réaliser des travaux sur la première entrée, il sera désormais possible de créer une deuxième entrée répondant à cette condition. De la même façon, les sanitaires existants devaient tous être accessibles ; or certains ne sont pas du tout adaptables ; aussi sera-t-il possible d’installer de nouvelles toilettes accessibles à tous. Autre exemple, il sera envisageable pour les petits commerces, en dernier ressort, d’installer une rampe non plus définitive mais amovible. Dans les hôtels, plutôt que d’exiger qu’on puisse faire le tour du lit avec un fauteuil roulant, il suffira qu’un seul côté du lit offre la largeur nécessaire. Dernier exemple : les restaurants pourvus d’une mezzanine seront dispensés de sa mise en accessibilité pour les personnes en fauteuil, à condition qu’elle représente moins de 25 % de la surface d’accueil de l’ensemble du restaurant.

L’esprit de ces simplifications est donc de rendre pratique l’accessibilité universelle. Notre objectif est de trouver les moyens d’appliquer la loi de 2005 avec une programmation précise. Le fait que ce texte n’ait pas prévu le suivi de son application explique le retard auquel nous sommes confrontés.

Je vais signer très prochainement une convention avec la Caisse des dépôts et consignations et avec Bpifrance afin que des prêts bonifiés puissent être attribués aux collectivités locales et aux acteurs privés pour qu’ils envisagent sereinement leurs travaux. Ensuite, pour sensibiliser tous les acteurs concernés, une campagne de communication va être lancée dans les jours qui viennent, ainsi qu’une campagne de terrain, des services civiques devant être formés pour servir d’« ambassadeurs de l’accessibilité ».

L’accessibilité concerne 12 millions de personnes en France – des centaines de millions dans le monde – et, du fait du vieillissement de la population, ils seront de plus en plus nombreux. Or bien plutôt qu’une charge supplémentaire, l’accessibilité est un investissement. C’est aussi une façon de faire venir plus de monde dans son établissement. De nombreux touristes, désormais, se renseignent pour savoir si un site est accessible ou non. On se prive, en France, de facteurs de croissance, notamment via le tourisme, en se privant de l’accessibilité universelle, qui est donc un atout.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Ce texte est important en ce qu’il répond à une attente des personnes en situation de handicap et en ce qu’il ne remet pas en cause la loi de 2005. Et si la décision du Gouvernement de légiférer par ordonnances reste certes un élément d’inquiétude pour les parlementaires, il y a urgence parce que l’échéance du 1er janvier 2015 est proche et nous savons tous que nous ne tiendrons pas ce délai ; parce que nous devons établir un calendrier réaliste pour l’ensemble des partenaires ; parce que, enfin, aux termes de la concertation déjà évoquée, légiférer par ordonnances reste la seule voie qui permette de répondre aux enjeux.

Je poserai néanmoins plusieurs questions.

Quelle assurance aurons-nous sur la définition précise des cas dans lesquels les délais d’accord de prorogation donnée par l’autorité administrative seront prononcés ?

Dans le même esprit, il est souvent fait mention dans le texte de l’impossibilité technique, dans le bâtiment comme dans les transports, de satisfaire à l’accessibilité. Quelle définition précise donner pour que l’appréciation soit la même sur l’ensemble du territoire national ?

Ayant été, avec nos collègues Martine Carrillon-Couvreur et Marie-Renée Oget, à l’origine, en 2011, d’un recours auprès du Conseil d’État, qui d’ailleurs nous avait donné raison, contre la tentative de la majorité de l’époque d’assouplir les règles d’accessibilité sur les bâtiments neufs, nous restons attentifs en la matière. Quels encadrements pour les dérogations envisagées ? Il faudrait en effet pouvoir bénéficier de la souplesse que vous suggérez sans pour autant autoriser les mesures qui étaient alors destinées à se dispenser de la mise en œuvre de l’accessibilité.

Il a en outre été proposé de distinguer la taille des communes pour assouplir les demandes de mise en accessibilité des équipements publics. Quels critères ont-ils prévalu pour retenir le seuil des 500 ou des 1 000 habitants ? Cette logique sera-t-elle étendue aux autres secteurs – je pense à la taille d’un magasin, au fait qu’il appartienne à une chaîne ou non… –, et devra-t-on dès lors y voir une porte ouverte à de nouvelles dérogations ?

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le fonctionnement et la transparence du fonds qui doit être créé ?

Pourquoi, pour finir, une telle diversité des délais – de trois à neuf ans selon les acteurs concernés – pour parvenir à l’objectif défini par la loi de 2005 ? L’effort financier demandé est aussi à rapporter aux capacités financières des collectivités, des acteurs du secteur des transports, de l’État.

Mme Bérengère Poletti. Le groupe UMP souhaite la meilleure réussite à Mme Neuville dans des fonctions touchant une problématique complexe et importante.

Nous avons auditionné Mme Carlotti avant les élections municipales sur l’ensemble des problèmes concernant le handicap et pas seulement sur les questions d’adaptabilité des bâtiments. Il serait souhaitable que nous organisions avec vous, si Mme la présidente le veut bien, le même type de réunion en commission.

Le Président Jacques Chirac avait fait du handicap l’un des trois grands chantiers de son quinquennat. C’est donc sous son impulsion et avec le soutien des parlementaires UMP que la loi du 11 février 2005 a été votée, les socialistes ayant voté contre. Je rappelle que le Sénat, en 2005, souhaitait repousser le délai prévu de dix à quinze ans. Or tous les députés avaient alors voulu en revenir au délai de dix ans.

Cette loi représente une avancée considérable pour les personnes handicapées et, plus largement, pour l’ensemble de la population française car tout le monde y gagne quand l’espace public est adapté à celles-ci. Parmi les nombreux objectifs de ce texte, je citerai la prestation de compensation du handicap (PCH), l’intégration scolaire, l’insertion professionnelle, la création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et, ce qui nous réunit aujourd’hui, les dispositifs sur l’accessibilité. La loi handicap a en effet fixé pour la première fois un concept d’accessibilité universelle, destiné à toute personne handicapée, quel que soit son handicap.

L’objectif d’une accessibilité à toutes les infrastructures au 1er janvier 2015 n’est malheureusement pas crédible à ce jour. Divers rapports ont souligné, certes, les avancées significatives dans tous les domaines mais également tout ce qui restait à réaliser pour remplir cet objectif. En mars 2013, le rapport « Réussir 2015 » de la sénatrice Claire-Lise Campion recommandait la création d’un agenda d’accessibilité programmée introduisant des délais supplémentaires pour se mettre aux normes sans encourir de sanctions.

L’objet du projet de loi adopté récemment par le Sénat est donc de permettre la mise en œuvre rapide, par voie d’ordonnances, de décisions prises par le Gouvernement sur la base des préconisations de ce rapport. La principale disposition consiste, pour le propriétaire et l’exploitant des établissements et installations recevant du public, à s’engager à soumettre un agenda d’accessibilité programmée. Le dispositif de contrôle constitue la contrepartie à la possibilité de solliciter un dépassement des délais initiaux. Le texte ne mentionne malheureusement aucun délai précis. Que ce soit pour les associations ou pour les collectivités territoriales, nous connaissons aujourd’hui un contexte budgétaire particulièrement complexe avec une baisse drastique des dotations aux collectivités territoriales de la part de l’État. Existe-t-il des dotations de la part de l’État pour ce que vous préconisez aujourd’hui – par exemple un fléchage du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) ?

L’étude d’impact du projet de loi précise que la mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERT) a un coût important mais difficile à évaluer. Une étude l’estime à 3,6 milliards d’euros pour l’État, à 15 milliards d’euros pour les collectivités territoriales et peu de données existent sur le sujet pour le secteur privé.

Nous pouvons donc légitimement nous interroger sur la capacité qu’auront les associations, les collectivités territoriales et les acteurs privés à engager les investissements nécessaires.

La rédaction actuelle du texte, les délais qui nous sont impartis et la perspective de voir ce sujet important réglé par voie d’ordonnances, ne permet pas pour le moment au groupe UMP de le soutenir. Beaucoup de temps a été perdu entre juin 2012 et l’échéance de 2015.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La période 2012-2015 me paraît toutefois plus courte que la période 2005-2012…

M. Jean-Louis Roumegas. Nous auditionnons aujourd’hui Mme Neuville d’une manière générale et nous examinerons le texte lui-même la semaine prochaine, est-ce bien cela, madame la présidente ? J’ai en effet prévu d’interpeller Mme la secrétaire d’État sur des sujets plus larges que la seule accessibilité prévue par le texte.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Si je puis me permettre : le libellé de la convocation est très clair.

M. Jean-Louis Roumegas. Il me permet donc d’intervenir sur des sujets plus larges que ceux que recouvre le texte.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Non, vous ne pouvez intervenir que sur le texte. Quand on examine un projet de loi, on peut auditionner le membre du Gouvernement concerné. La seconde étape consiste en l’examen du texte entre députés.

M. Jean-Louis Roumegas. Très bien. Peut-on néanmoins évoquer d’autres sujets que celui concernant le texte ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. La convocation est très claire : nous n’évoquons aujourd’hui que le projet de loi.

M. Jean-Louis Roumegas. Je reviendrai donc le moment venu sur des questions auxquelles le prédécesseur de Mme Neuville ne m’avait pas donné de réponse.

Le groupe écologiste, même s’il a conscience de l’urgence d’agir, regrette l’utilisation de la procédure des ordonnances, qui n’est jamais satisfaisante.

En matière d’accessibilité, force est de constater l’échec de l’application de la loi de 2005 à cause, notamment, de l’absence de suivi gouvernemental. À peine 60 % des établissements recevant du public sont en conformité.

La solution des Ad’AP que vous proposez est pragmatique et, puisqu’il faut bien obtenir des résultats, nous la soutenons. En revanche, des questions se posent sur les délais. Reconductibles, ils permettraient en effet, dans certaines zones, de repousser l’application de la loi de sept années, c’est-à-dire à 2022. Pourquoi un délai aussi long ? Nous sommes favorables à des délais plus courts.

Ensuite, le texte prévoit que les sanctions ne seraient prises qu’après le dépôt d’une plainte par un usager. Elles ne seraient donc pas systématiques, l’État ne se donnant pas les moyens d’appliquer des sanctions a priori en dehors de toute plainte d’usagers qui n’ont pas forcément, eux, les moyens d’agir ni la connaissance des dossiers nécessaire.

Pour ces raisons, il faudrait amender le texte pour le rendre beaucoup plus contraignant. Vous avez en tout cas raison de souligner que la mise en accessibilité n’est pas une contrainte financière mais tout simplement un droit dont doivent bénéficier les personnes handicapées.

Mme Dominique Orliac. Merci de votre présence devant cette commission, madame la secrétaire d’État.

En février de cette année, l’association des paralysés de France (APF) a diffusé son baromètre annuel et le moins que l’on puisse dire est que les conclusions en sont « accablantes ». En effet, d’après ce baromètre, seules 42 % des lignes de bus sont accessibles pour les personnes en situation de handicap et la moitié des écoles ne le sont toujours pas. Cela pose donc d’énormes problèmes : c’est pourquoi le Gouvernement souhaite s’engager fortement pour faciliter et intégrer les personnes en situation de handicap dans la vie de tous les jours. Les défis restent énormes, autant pour ces dernières que pour les pouvoirs publics, qui doivent permettre un accès de qualité aux services publics sur tout le territoire de la République.

Déjà en 2010, j’avais interrogé le Gouvernement pour lui demander un bilan de l’application de la loi et pour appeler son attention sur le retard pris. Chaque jour, plusieurs milliers de personnes doivent affronter des problèmes d’accessibilité qui ne sont plus tolérables en 2014 dans notre pays. Il faut rappeler, encore et encore, que les personnes handicapées sont des citoyens comme les autres, qu’elles appartiennent à la communauté nationale et disposent des mêmes droits. C’est pourquoi, comme tout un chacun, elles doivent avoir accès aux transports et lieux publics. Il faut le répéter : le handicap n’est pas en soi un facteur d’exclusion. Mais si tout devient inaccessible, alors, nécessairement, au handicap s’ajoute l’injustice par manque de volonté politique.

Je soulignais en 2010 que, cinq ans après la promulgation de la loi de 2005, l’injustice demeurait. Je relevais également qu’il nous restait cinq années pour atteindre l’objectif minimaliste de ce texte. Or les délais dont il est aujourd’hui question paraissent beaucoup trop longs à notre groupe : octroyer deux années pour installer une rampe d’accessibilité est excessif.

Il est donc temps de se donner les moyens d’agir et de ne pas se contenter de mots.

En février 2014, l’association des paralysés de France estimait que l’objectif fixé à 2015 de rendre une accessibilité complète ne serait pas respecté et déplorait donc un allongement des délais qu’elle évaluait à plusieurs années, sans parler de la directive européenne concernant l’accessibilité ferroviaire prévue pour 2027.

Pour le groupe RRDP, il reste urgent de respecter des délais fixés il y a bientôt neuf ans déjà par la loi de 2005. Un signal fort via des actions concrètes et visibles sur le terrain ne peut qu’être encourageant. Vous avez annoncé de nombreuses sanctions pour ceux qui ne respecteraient pas l’agenda. Certes, mais depuis 2005, la loi n’est pas respectée ; aussi, l’État ne respectant pas ses engagements, faut-il prévoir des sanctions pour lui aussi ?

En février dernier, je suis intervenue au sein de cette commission pour proposer de suivre l’agenda d’accessibilité programmée en le maintenant pour 2015 : ainsi, des établissements recevant du public qui ne seraient pas accessibles pourraient remplir leur formulaire et définir leur budget consacré à l’accessibilité et aux travaux inhérents à réaliser en déposant leur dossier en préfecture. Cela permettrait d’exercer sur eux une pression relative, tout en laissant à chacun le soin d’adapter l’accessibilité de son entreprise mais en s’engageant fermement devant les services des préfectures à réaliser de tels travaux dans un délai souple, devant être respecté. Car il est désormais temps pour nous de prendre nos responsabilités, d’agir.

J’appelle l’attention du Gouvernement sur le fait que le projet de loi mentionne que plusieurs mesures pourront être décidées par voie d’ordonnance. Il serait à cet effet intéressant de se pencher sur divers cas concrets dans lesquels, au-delà de considérations financières, les travaux sont parfois impossibles à réaliser à cause, par exemple, d’un refus de permis de construire dans des secteurs sauvegardés, ou d’occupation du domaine public.

Enfin, j’évoquerai la mission que m’a confiée le Gouvernement Ayrault pour faciliter la participation électorale des personnes handicapées, qu’il s’agisse de l’accessibilité des bureaux de vote ou du soutien lors des opérations de vote. Au-delà, il faudra faciliter l’accès de tous les électeurs aux campagnes électorales et, plus généralement, à l’information politique, en intégrant dans cette réflexion les élections professionnelles, étudiantes et de parents d’élèves.

Gardons à l’esprit que si la vie dans la cité ne vous est pas accessible, alors inévitablement vous glissez vers l’exclusion, l’isolement et la précarité. Il s’agit de changer la perception du handicap auprès de la population non sensibilisée à ces thématiques. C’est également de cette manière que nous réussirons à faire progresser notre société vers plus d’égalité.

Mme Jacqueline Fraysse. Le sujet est très important pour les personnes handicapées elles-mêmes parce qu’elles ont des droits, qui doivent être respectés. Mais, bien au-delà, il est important parce que l’accessibilité concerne toute la population.

La loi de 2005 a constitué un tournant indiscutable et fut saluée à juste titre ; mais il est vrai que les associations constatent malheureusement, comme nous, qu’elle n’a pas été appliquée suffisamment. Je pense notamment aux transports. Dans ce contexte, il convenait d’analyser les raisons de ce retard. La concertation s’est révélée, en ce sens, utile. Elle a mis l’accent sur l’absence de suivi mais il s’agit également, dans certains cas, de problèmes de moyens financiers qu’il ne faut pas négliger. La volonté du Gouvernement d’avancer vite et de créer les conditions pour que la loi de 2005 soit enfin appliquée est une bonne démarche qu’évidemment nous soutenons. Elle correspond à une attente très légitime des populations mais des questions importantes continuent de se poser.

Je m’associe à celles déjà soulevées par Christophe Sirugue et Jean-Louis Roumegas.

Reste le recours aux ordonnances. Les arguments avancés sont toujours les mêmes et se réduisent à l’urgence. Cela ne nous suffira pas. Nous devrons bien mesurer si cette procédure constitue une condition réelle de l’application de la loi. Enfin, alors qu’on constate une baisse vertigineuse des dotations aux collectivités territoriales, je crains que les moyens disponibles ne soient pas suffisants pour mettre en œuvre rapidement le dispositif prévu. Je ne doute pas, cela dit, que les élus locaux auront à cœur de faire des efforts en ce sens.

Mme Kheira Bouziane. Je tiens à vous assurer, madame la secrétaire d’État, de notre soutien dans la tâche qui est la vôtre, qui vise à améliorer le quotidien de nos concitoyens frappés par le handicap et par l’exclusion.

La qualité d’une société se mesure à sa capacité à accueillir les différences et à intégrer les personnes porteuses de handicaps.

Changer son regard sur le handicap est indispensable pour une société plus juste et plus inclusive. Il s’agit d’un réel investissement pour l’avenir – vous l’avez souligné.

L’ambitieuse loi de 2005 n’était pas dotée des moyens et des financements nécessaires à sa réalisation – 14 % des Français sont touchés par le handicap –, ce qui nous conduit aujourd'hui à revenir dessus. Seul un quart des écoles sont accessibles et 49 % des réseaux d’autobus ne le sont pas encore. Les problèmes d’accessibilité au quotidien continuent de se poser cruellement – je pense à l’accès aux commerces de proximité ou chez les professionnels de santé.

L’urgence de la situation justifie la procédure accélérée et le recours aux ordonnances : nous devons trouver un consensus. Même si nous pouvons compter sur votre solide expérience en qualité de soignante – c’est ainsi que vous vous présentez –, d’élue locale et de parlementaire pour rédiger avec pragmatisme et réalisme ces ordonnances, pouvez-vous nous donner le calendrier précis de leur publication ?

S’agissant du transport et de la voirie, vous avez annoncé que la priorité sera donnée aux équipements les plus fréquentés, sans toutefois remettre en cause l’objectif d’accessibilité universelle. Comment rassurer les associations de personnes porteuses de handicaps qui attendent impatiemment la généralisation de ces aménagements à l’ensemble du territoire ?

Mme Isabelle Le Callennec. Ce projet de loi vise à appliquer de façon pragmatique le volet accessibilité de la loi de 2005. Le Gouvernement a fait le choix de procéder par ordonnances : dont acte. Quel accueil les associations font-elles à ce texte, qui fait suite au rapport de Mmes Campion et Debré, rapport qui préconisait de ne pas repousser la date de 2015 ? Ce rapport proposait également la mise en place d’un système d’informations obligatoires permettant de faire remonter les difficultés repérées sur le terrain : reprenez-vous cette proposition ?

Vous avez affirmé, madame la secrétaire d’État, que tout le monde a oublié l’accessibilité : je ne suis pas d’accord. Les responsables d’établissements, les professionnels du logement et les élus locaux ont bien en tête cet objectif, ne serait-ce qu’en raison de son coût : 15 milliards d’euros pour les collectivités locales à un moment où l’État diminue ses dotations de 11 milliards sur trois ans.

Vous avez donné des exemples très concrets des mesures d’assouplissement et de réajustement des normes qui pourront être prises sur le terrain. L’agenda d’accessibilité vise-t-il la date du 31 décembre 2014 ou celle de juillet 2015 ? La convention que vous avez signée avec la Banque publique d’investissement et la Caisse des dépôts et consignations est une bonne nouvelle : le taux d’emprunt pour les collectivités locales, les responsables d’établissements et les professionnels du logement est-il déjà fixé ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur. J’espère que notre commission aura le plaisir de vous accueillir plus régulièrement, madame la secrétaire d’État : la question de l’accessibilité concerne en effet l’ensemble de la société.

La lutte contre les discriminations liées aux handicaps constitue un des enjeux majeurs des prochaines années. Notre pays se doit d’inclure chaque personne dans toutes les sphères de la société, quels que soient ses capacités, son âge ou sa situation. Le présent texte donne enfin un cadre réglementaire à l’application de la loi de 2005, à la suite du rapport Campion, Réussir 2015, qui, je le rappelle, a été très vite missionné en 2012 et a reçu un très bon accueil de l’ensemble des parties prenantes – associations et professionnels, notamment. Il était, il est vrai, le fruit d’une concertation inédite de plus de trois mois.

Il était temps que nous avancions sur le sujet. Avez-vous prévu, dans le prolongement de cette concertation, un suivi de l’application des mesures, dans le souci de maintenir le dialogue avec l’ensemble des parties prenantes ? Nous pourrions réaliser un tour de France des bonnes pratiques pour montrer qu’il existe, sur tout le territoire, des personnes qui se sont engagées dans l’accessibilité sans attendre 2015. Il convient de les remercier.

M. Gilles Lurton. J’ai la conviction, partagée par un très grand nombre d’élus locaux qu’on ne saurait incriminer, que l’accessibilité n’est pas une charge supplémentaire mais une nécessité pour les collectivités locales. Ceux qui ne sont pas parvenus à réaliser leur plan d’accessibilité avant 2015 ont été confrontés à d’importantes difficultés techniques ou financières, ainsi qu’à une absence de suivi et de programmation. Ils ont été livrés à eux-mêmes depuis 2005 pour réaliser leur programme.

Les plans de mise en accessibilité des aménagements et des espaces publics doivent tendre vers un taux à 100 %, qui est rarement atteignable : de quelle souplesse feront preuve les services de l’État pour atteindre le meilleur taux possible d’accessibilité ?

Quelle sera par ailleurs la date de la parution des ordonnances, date à partir de laquelle sera déterminée celle des agendas d’accessibilité ? Quelle aide les communes recevront-elles pour établir ces agendas ?

Des dérogations sont prévues pour les établissements qu’il est impossible de rendre entièrement accessibles : j’attends de la part des services de l’État une plus grande souplesse dans la délivrance de celles-ci.

M. Arnaud Richard. La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a consacré le principe d'une mise en œuvre progressive de l'accessibilité au 1er janvier 2015.

Elle a constitué le point de départ d'une dynamique qui a mobilisé notre société autour d'une exigence et d'un objectif de cohésion sociale : éliminer l'intégralité des barrières entravant l'accomplissement des personnes handicapées.

Elle a également œuvré à faire évoluer les mentalités. Toutefois, force est aujourd'hui de constater que les délais fixés par elles ne pourront être respectés.

Les retards sont dus à une évaluation imparfaite du coût des travaux et des délais nécessaires à leur réalisation, à la complexité des règles à respecter et à un manque d’harmonisation des pratiques des commissions consultatives départementales de sécurité et d'accessibilité (CCDSA).

Il faut saluer la lucidité de Jean-Marc Ayrault qui, conscient des difficultés de mise en œuvre de l'accessibilité, a voulu poursuivre les efforts engagés en adoptant une approche pragmatique. Une concertation a ainsi été lancée sous l'impulsion du Gouvernement : le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui est l'aboutissement de ce travail.

Il repose sur un diagnostic sérieux et, plus encore, sur un nouvel outil de pilotage et une méthode. Le nombre de logements accessibles pour 100 habitants est passé de l'indice 74 en 2006 à 68 en 2009, soit une baisse de 7 %. Concernant le secteur des transports publics, 61 % des schémas directeurs d'accessibilité seulement ont été adoptés et 15 % n'ont pas été initiés. Enfin, 13 % des plans d'accès à la voirie et aux espaces publics, couvrant seulement 30 % de la population, ont été adoptés.

Je tiens à saluer la création d'un nouvel outil de pilotage : en contrepartie d'engagements, l'agenda d'accessibilité programmée permettra d'obtenir un délai supplémentaire pour la mise en accessibilité.

Quant à la méthode, je tiens à souligner que le recours, ici justifié, aux ordonnances permettra de mettre rapidement en œuvre les outils nécessaires à la poursuite de la dynamique engagée.

Le groupe UDI estime qu'il est vital de prolonger l'ambition affichée par la loi du 11 février 2005.

Ce texte s'inscrit dans cette approche. Je souhaite, au nom de notre groupe, vous interroger plus spécifiquement sur trois points.

Nous devons aujourd'hui reconnaître que le délai du 1er janvier 2015 était intenable. Il est regrettable que nous soyons obligés de légiférer à nouveau et que nous puissions ainsi donner l'impression que la dynamique engagée subit un coup d'arrêt. Ne devrions-nous pas envisager cette fois-ci une méthode différente avec des rendez-vous réguliers impliquant l'ensemble des acteurs concernés ? Nous pourrions ainsi anticiper les difficultés potentielles et définir en amont des solutions pour y répondre rapidement.

Ce projet de loi ne comporte pas de volet financier, même si vous avez évoqué dans votre propos liminaire des prêts bonifiés. Or, malgré le report de la date butoir du 1er janvier 2015, la mise en œuvre de l'accessibilité suppose que les collectivités territoriales consentent un effort financier important : alors que le Premier ministre vient d'annoncer une baisse de la dotation globale de fonctionnement, on peut craindre que les collectivités territoriales ne soient contraintes de sacrifier leurs dépenses d'investissement pour respecter leurs obligations.

Enfin, je veux, au nom du monde associatif, vous demander de prendre des engagements solennels sur les délais fixés par ordonnance. Ils ne doivent pas s'étendre après 2017. La loi d’orientation du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées avait posé le principe d'une mise en œuvre de l'accessibilité. Nous devons, près de quarante années plus tard, faire de celle-ci une réalité.

Mme Martine Pinville. L’accessibilité, contrairement aux idées reçues, ne répond pas seulement aux besoins d’un public spécifique : chacun peut être confronté à un moment donné à une situation de handicap – les personnes âgées en perte d’autonomie ou tous ceux qui traversent temporairement un accident de la vie.

Quel sera le pilotage national des enjeux liés à l’accessibilité ? Quels seront le pilotage et le suivi local, sans doute départemental, de la mise en accessibilité ? Il est toujours possible d’imposer des mesures : en l’absence de pilotage et de suivi, la réussite sera plus difficile.

M. Rémi Delatte. Nous sommes placés devant le principe de réalité, qui nous conduit à doter l’accessibilité de nouveaux moyens, à accorder de la souplesse et à allonger le délai initialement prévu par la loi de 2005. Il convient en effet de prendre en compte les difficultés non seulement techniques mais également financières, qu’il ne s’agit pas de sous-estimer car elles ont contribué au retard regrettable de l’accessibilité dans les lieux publics. Tous nous avons à cœur d’y parvenir.

Je tiens à appeler votre attention sur les services de l’État, qui ont parfois manqué de bon sens, de compréhension ou de réalisme dans l’examen des dossiers. J’ai à l’esprit deux mairies qui ont vu leur dossier refusé. La première, en raison de contraintes techniques, prévoyait un accueil spécifique pour les personnes handicapées : les services de l’État ont jugé discriminatoire le projet. La seconde, pour des raisons architecturales, avait envisagé une plateforme automatisée homologuée à la place d’un ascenseur : là encore, les services de l’État ont rejeté le projet. Le texte que vous nous proposez prévoit un assouplissement dans l’appréciation des aménagements : donnerez-vous des consignes à vos services les incitant à accorder dès cette année les dérogations nécessaires pour réaliser au plus vite les travaux ?

Enfin, pourquoi les pénalités payées par les collectivités locales en retard n’abonderont-elles pas dans leur intégralité le fonds dédié à les accompagner dans l’accessibilité ?

M. Gérard Sebaoun. Je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, que de jeunes handicapés, quel que soit leur handicap, figurent parmi les 1 000 citoyens engagés dans le cadre du service civique afin de favoriser les bonnes pratiques dans ce domaine.

M. Fernand Siré. C’est, comme on dit au rugby, une « patate chaude » qui a été refilée à Mme la secrétaire d’État. Je lui souhaite bon courage. J’ai beaucoup travaillé sur la question de l’accessibilité : les moyens auraient dû accompagner l’ambition. Il fallait également prendre en considération les particularités locales et faire preuve d’intelligence dans l’application du texte de 2005, ce qui n’a toujours pas été le cas, en raison de décrets d’application mal rédigés : les contraintes trop fortes imposées par les fonctionnaires ont nui à la résolution des problèmes.

Je suis étonné du reste que les établissements publics demeurent d’un accès toujours aussi difficile, qu’il s’agisse de la préfecture, du conseil général, de la police ou du tribunal. Ne devraient-ils pas donner l’exemple ? En revanche, est-il nécessaire de prévoir que tous les appartements des HLM neufs ou toutes les classes des collèges soient accessibles aux handicapés ? Faute d’une application intelligente et efficace de la loi, l’argent qui a été consacré à financer ces excès n’a pas pu être dépensé dans des aménagements progressifs et nécessaires.

Espérons que le recours aux ordonnances sera l’occasion de rédiger des textes simples qui s’imposeront aux fonctionnaires chargés de les faire appliquer.

Mme Bernadette Laclais. Je ne partage pas, madame la secrétaire d’État, votre propos relatif à l’oubli du handicap par les collectivités locales, les chambres de commerce et d’industrie, les unions commerciales ou les associations, qui se sont mobilisées depuis de nombreuses années et ont attiré très tôt l’attention des pouvoirs publics sur le caractère intenable de l’échéance 2015. Je remercie votre prédécesseur et vous-même d’avoir assumé depuis 2012 la question des délais.

Je me permets de vous faire quelques propositions de simplification.

Pourquoi les diagnostics doivent-ils nécessairement être réalisés par des officines extérieures ? Les services techniques des villes et des communautés d’agglomération sont capables de les établir, ce qui permettrait de gagner du temps et de l’argent. Il reste encore à réaliser 44 % des diagnostics : je vous invite à regarder de près cette question.

Il serait par ailleurs souhaitable que les pénalités soient entièrement fléchées, non pas vers les collectivités locales, mais les entreprises privées – petits commerçants ou hôteliers indépendants –, qui rencontrent de grandes difficultés pour adapter leurs locaux.

L’État a souvent été intransigeant à l’égard de ceux qui déposaient des permis de construire : il ne s’est pas toujours montré exemplaire pour son propre compte. Il serait heureux que les préfets coordonnent les différentes instructions des services car, s’il y a peu de distorsions entre les services de l’État dans l’instruction des dossiers de sécurité incendie et de handicap, il y en a beaucoup, en revanche, dans le traitement des dossiers d’architecture : je pense notamment aux architectes des bâtiments de France (ABF).

Les territoires labellisés territoires touristiques adaptés ont mené des expériences intéressantes que votre ministère devrait mettre à l’honneur. Il en est de même dans le secteur du commerce. Ne serait-il pas souhaitable d’engager un travail transversal entre les différents ministères concernés ?

M. Dominique Dord. L’échéance de 2015 n’étant pas tenable, le texte nous propose un nouveau calendrier. De plus, compte tenu de l’urgence, le Gouvernement souhaite procéder par ordonnances : la forme ne me gêne en aucune manière.

Sur le fond, comme Mme Laclais, je crains, au vu de mon expérience de maire, que ce texte ne soit de nouveau difficile à mettre en application. Si à l’issue des périodes qu’il prévoit, l’accessibilité n’est toujours pas réalisée, le sentiment d’abandon des personnes handicapées sera très fort. N’aurait-il pas fallu redéfinir le concept d’accessibilité universelle ? En effet, quel sens cela a-t-il de rendre accessible tous les bâtiments à tous les étages ? Il eût été plus fécond de rendre accessibles tous les services.

Pour un maire, si l’accessibilité est une priorité, il en est de même de l’environnement, de la sécurité ou de l’accompagnement du développement. Les priorités sont donc multiples : or les crédits, c'est-à-dire les capacités de les réaliser, vont diminuant. Ne nous dirigeons-nous pas vers une nouvelle déconvenue ?

Pourquoi une partie des pénalités que les collectivités locales seront amenées à payer irait-elle à l’État ? Ces pénalités doivent aller à l’investissement dans l’accessibilité en vue de réaliser les objectifs de la loi.

Il conviendrait par ailleurs d’organiser une coordination locale puissante : les services de l’État viennent trop souvent parasiter les projets que les maires souhaitent réaliser.

Mme Sylviane Bulteau. S’il convient de saluer ceux qui ont déjà réalisé les objectifs de la loi de 2005, il ne faut pas pour autant stigmatiser ceux qui n’y sont pas encore parvenus : les investissements qu’ils réaliseront en la matière profiteront aux entreprises et favoriseront l’emploi.

Une plus grande simplification ne doit pas nuire au respect final de la loi, dont l’objectif est de permettre aux personnes handicapées de se déplacer dans la cité en toute autonomie. Il conviendra également, grâce aux ambassadeurs compétents en la matière, de se montrer ferme dans la sensibilisation des acteurs.

Plusieurs régions se sont engagées dans l’Agenda 22, visant à promouvoir vingt-deux règles de bonne conduite en matière de handicap. La région Poitou-Charentes a ainsi fait de l’accessibilité la première priorité de cet agenda. La concertation entre l’État et les collectivités locales est indispensable pour accélérer le mouvement et réaliser les objectifs de la loi de 2005.

M. Jean-Louis Costes. Je tiens à rappeler que la date du 1er janvier 2015 était fixée depuis longtemps : l’application de la loi de 2005 a donc connu de nombreuses défaillances en amont.

Le texte évoque des sanctions sans aborder la question des moyens financiers. S’il est bien de pondre, il est mieux de couver, faute de quoi on n’a aucun résultat. Se draper dans la vertu n’est pas suffisant.

Quels moyens financiers prévoyez-vous ? Si les élus locaux que nous sommes ont tous pour objectif d’améliorer l’accessibilité, les collectivités locales ont été mises au pain et à l’eau par la baisse des dotations de l’État : comment réaliseront-elles les mesures prévues dans le texte ? Vous avez parlé de prêts bonifiés : ce n’est pas sérieux. Plusieurs crédits d’État existent déjà – Mme Poletti a évoqué le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), il existe aussi la dotation globale d’équipement (DGE) : pourquoi ne pas y recourir ?

Les petits commerçants et les artisans traversent également une période difficile : or le budget de 2014 a diminué considérablement les crédits du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), auxquels il était auparavant possible de recourir en vue d’améliorer l’accessibilité. Pourquoi parler en termes de sanctions alors qu’il serait préférable de parler en termes d’incitation ? Je suis en désaccord avec votre approche.

Mme Hélène Geoffroy. Les associations sont inquiètes : comment poursuivre avec elles votre travail de concertation et les rassurer sur la volonté du Gouvernement de rendre les équipements accessibles ?

Que préconisez-vous en matière de respect par le public des aménagements de voirie permettant l’accessibilité des personnes handicapées, en vue d’éviter tensions et crispations ?

La question des transports scolaires est essentielle car elle conditionne l’acquisition de l’autonomie par l’enfant en situation de handicap. Or le transport organisé directement par l’établissement par le biais de points de ramassage collectif est souvent source de grandes difficultés pour les enfants scolarisés en institut médico-éducatif (IME), les transports étant parfois inadaptés à leurs besoins, ainsi que pour les parents.

Enfin, comment pensez-vous traiter la question du handicap psychique ? Trop souvent les normes ne sont prévues que pour le handicap moteur.

M. Élie Aboud. Si, sur le fond, l’intention du texte est bonne, des zones d’ombre persistent.

Le dernier rapport de l’APF est accablant. Le transfert actuel de charges et de responsabilités interdit trop souvent de trouver le bon interlocuteur. Vous avez cité les gares : il en est de même des voies navigables de France. Le transfert de compétences des communes vers les intercommunalités crée le même type de problèmes : quand l’activité est gérée par l’intercommunalité mais que la commune reste propriétaire du foncier, chacune se renvoie la balle. Il conviendra de répondre aux préoccupations de l’APF en la matière.

L’agenda d’accessibilité programmée comprendra deux volets : un volet technique et un volet financier. Qui décidera du délai de réalisation et selon quels critères ? Sera-ce le préfet ?

Pouvez-vous préciser en quoi une partie des sanctions sera versée à l’État et une autre à un fonds dédié à l’accessibilité ? Quel sera ce fonds ? Qui décidera du pourcentage de répartition ?

Mme Joëlle Huillier. L’accord de l’autorité administrative sur l’agenda portera-t-il uniquement sur la programmation des travaux ou également sur leur nature et leur opportunité ?

Des outils officiels sont-ils prévus sur les types de travaux à effectuer en matière de handicaps visuels et auditifs ?

M. Christian Hutin. Le respect du travail parlementaire me conduit à évoquer une proposition de loi sur le handicap du groupe UMP, présentée par M. Abad, il y a quelques mois. La commission l’a repoussée non sans amertume, car elle comprenait d’excellentes propositions, en raison des engagements du Gouvernement en termes de calendrier, d’études et de concertation. Or le Gouvernement a respecté ses engagements – je le dis par respect pour le travail de M. Abad.

Mme Monique Rabin. Le texte de Mme la secrétaire d’État s’inscrit dans le travail effectué ces deux dernières années.

Si le constat est mauvais, il convient de se placer, comme Mme Laclais l’a souligné, dans une dynamique positive : il a été possible de répondre à la question de l’accessibilité partout où l’ensemble des acteurs – notamment chambres de commerce et d’industrie, écoles de design ou d’architecture – ont été capables de travailler ensemble en se montrant créatifs.

J’ai par ailleurs interrogé le directeur de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) sur la question du financement : celle-ci proposera aux collectivités, et la BPI aux entreprises privées, le même type de financement en matière d’accessibilité que pour le numérique ou plus généralement les actions innovantes. Cela contribuera aussi à placer cette question de l’accessibilité et du handicap dans une telle dynamique.

D’autres difficultés sont d’ordre technique – je pense notamment aux transports. Comment faire évoluer le parc des cars en milieu rural et rendre les quais accessibles ?

Il convient également de relever les difficultés d’ordre culturel : recruter 1 000 jeunes dans le cadre du service civique provoquera un sursaut, la question de l’accessibilité devenant une question de citoyenneté.

Enfin, je souhaite que, dans l’année à venir, l’Assemblée nationale soit rendue accessible. En la faisant visiter hier à une personne handicapée, j’ai eu honte. J’invite également 500 députés à consacrer, comme moi, la totalité de leur réserve parlementaire à l’accessibilité, ce qui permettrait de dégager 195 millions d’euros sur les deux prochaines années au profit des communes.

M. Michel Issindou. Les chiffres sont là : 12 millions de Français sont concernés par le texte, aussi bien les handicapés que les personnes vieillissantes, qui seront de plus en plus nombreuses.

Le texte allie la fermeté – il faut fixer des dates et prévoir des contraintes – à la souplesse, qui trop souvent manquait dans les précédents textes – des exemples ont été donnés. Il faut rompre avec la raideur antérieure, qui était un frein pour les élus locaux.

Je tiens à appeler votre attention sur la nécessité d’appliquer les mêmes règles, en matière de souplesse, sur tout le territoire, alors qu’aujourd'hui les réponses diffèrent selon les bureaux qui examinent les dossiers. Il faut trouver un juste milieu entre rigueur excessive et laxisme. La loi et les décrets d’application devront être suffisamment précis pour que la question de l’accessibilité soit traitée de la même manière sur l’ensemble du territoire.

Mme la secrétaire d’État. M. Sirugue, qui est rapporteur du texte, m’a interrogé sur la question des dérogations. La loi de 2005 en prévoit trois types, sur lesquels il n’est pas question de revenir : pour impossibilité technique, pour conservation du patrimoine et pour disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences. C’est dans le cadre de ce troisième type de dérogations que les difficultés financières sont prises en compte. Le texte – telle est la nouveauté – prévoit de réévaluer les conditions financières tous les trois ans – il est vrai que les petites communes voient rarement évoluer leurs possibilités financières. De plus, auparavant, l’absence de réponse du préfet dans un délai de quatre mois valait rejet de la demande de dérogation. Désormais, ce même silence vaudra accord tacite, sauf pour les établissements de première et de deuxième catégories, pour lesquels l’accord de la commission de sécurité et d’accessibilité sera nécessaire.

L’impossibilité technique doit, quant à elle, être démontrée par le plan de travaux. Elle ne saurait évidemment valoir que pour l’existant, le neuf devant intégrer les normes en matière d’accessibilité.

Par ailleurs, les commissions consultatives d’accessibilité pourront demander à consulter toutes les demandes de dérogation.

L’encadrement des assouplissements est le fruit de la concertation entre les associations de personnes handicapées, les collectivités locales et les fédérations de professionnels. Le CNCPH – Conseil national consultatif des personnes handicapées –, présidé par Mme Martine Carrillon-Couvreur, a été étroitement associé à cette concertation.

Certains – les associations de personnes handicapées notamment – souhaitaient un raccourcissement des délais, quand les autres – les professionnels et les collectivités locales – préféraient les voir rallonger : les délais retenus sont donc eux aussi le fruit de la concertation. La nouveauté est que, pour la première fois, tous les acteurs aient été invités autour de la même table et pu ainsi se rendre compte des difficultés de chacun. Le délai de trois ans sera la règle et celui de neuf ans l’exception, s’agissant notamment des gares, des bâtiments patrimoniaux ou de la mise en accessibilité de tous les lycées d’une région ou de tous les collèges d’un département. Même si tous les marchés publics prévoient l’obligation de commander du matériel accessible aux personnes handicapées, il convient toutefois d’attendre le renouvellement du matériel à la date prévue pour rendre effective l’obligation de proposer des wagons accessibles.

La nouveauté, c’est que des résultats seront obligatoires dès la première année.

Le fonds financera des actions de recherche et développement en matière d’accessibilité. Sa gouvernance n’est pas encore arbitrée. Il permettra de subventionner des travaux au profit des acteurs, publics ou privés, dont la situation financière est dégradée. Sa mise en place doit attendre le dépôt des premiers agendas puisqu’il sera financé par les sanctions.

Madame Laclais, les services techniques des collectivités locales sont habilités à réaliser les diagnostics.

Mme Bernadette Laclais. Les services préfectoraux ont prétendu le contraire.

Mme la secrétaire d'État. La loi ne contient aucune interdiction en ce sens.

Mme Bernadette Laclais. Il faudrait faire passer le message aux préfets.

Mme la secrétaire d'État. Vous faites bien de m’alerter sur le sujet : je procéderai aux vérifications nécessaires.

J’ai entendu les remarques, notamment de Mme Poletti, sur le recours aux ordonnances. Le consensus sur l’accessibilité existant, ne polémiquons pas ! Il n’y a aucun sens à chercher les responsabilités, depuis 2005, dans le retard de l’application de la loi. Regardons vers l’avenir. Il est temps de faire vivre la priorité de M. Chirac.

Madame Orliac, je n’ai pas évoqué votre mission sur l’accessibilité électorale, qui me préoccupe à l’approche des prochaines échéances. Un travail est effectué à destination des collectivités locales pour organiser l’accessibilité non seulement des bureaux mais également des documents, s’agissant notamment des handicaps visuels, auditifs et psychiques. Il convient de simplifier les documents électoraux afin de les rendre accessibles, y compris aux personnes ayant une déficience psychique ou mentale : c’est tout l’enjeu d’un langage simple et facile à comprendre.

Madame Fraysse, si personne ne peut trouver satisfaisant le fait de procéder par ordonnances, toutefois, en l’absence de nouvelle disposition législative au 1er janvier 2015, de nombreux établissements se trouveront confrontés à une grave insécurité juridique. De plus, les associations de personnes handicapées sont demandeuses de ce dispositif qui confirme les grands principes de la loi de 2005, le présent texte ayant pour objectif de dégager les moyens de les appliquer. Sur le plan symbolique, c’est très important pour elles.

Avant le 31 décembre 2014, il faudra déposer soit un agenda d’accessibilité programmée complet – le signataire de l’agenda déterminant le plan des travaux et les périodes –, soit un engagement à déposer un agenda, l’agenda complet devant être déposé en tout état de cause un an après la sortie de l’ordonnance, soit vraisemblablement en juillet 2015. Après cette date, le dépôt des agendas sera soumis à pénalités financières ; de plus, le délai de réalisation sera raccourci d’autant.

Les amendes sont juridiquement recouvrées par l’État ; quant aux sanctions, une partie peut être attribuée à un fonds. Mon souhait serait que la totalité puisse y être attribuée.

M. Dominique Dord. Le fruit des amendes peut être redistribué aux collectivités locales.

Mme la secrétaire d'État. Tout dépendra des négociations avec le ministère chargé des finances, lesquelles sont toujours très serrées.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous pourrez, madame la secrétaire d’État, apporter plus de précision sur cette question en séance publique.

Mme la secrétaire d'État. Je n’y manquerai pas.

En droit français, la sanction pénale n’est possible que s’il y a plainte d’un usager. Tel n’est pas, en revanche, le cas des amendes ou des sanctions prévues dans le cadre du nouveau système de l’agenda d’accessibilité programmée : le non-respect des délais fixés sera suffisant. D’où l’importance de la création, au Sénat, du registre des établissements en cours d’agenda. Il ne sera en effet possible à un usager de déposer une plainte que contre ceux qui ne se seront pas engagés au 1er janvier 2015 à déposer cet agenda.

Tous les ministères étant concernés, le comité interministériel du handicap et la concertation sont sous le pilotage du Premier ministre. Chaque cabinet ministériel comprend un référent handicap. Quant à la délégation ministérielle à l’accessibilité, elle se déplace pour recenser les bonnes pratiques. Il a été décidé, lors de la lecture du texte au Sénat, de confier le suivi de la loi au plan national à l’Observatoire interministériel de l'accessibilité et de la conception universelle (OBIAçU), présidé par Mme Campion. Le Sénat a prévu d’inscrire dans le projet de loi la réalisation de plusieurs rapports.

S’agissant du calendrier, je tiens à rappeler que les élus locaux et les acteurs privés ont été associés à la concertation. De nombreuses dérogations permettront à un acteur privé ou public en situation financière difficile de reporter les travaux. Desserrer le calendrier de manière plus générale, ce serait envoyer un très mauvais signal aux associations.

Vous avez eu raison, monsieur Dord, d’évoquer la redéfinition du concept d’accessibilité universelle. C’est l’esprit dans lequel nous avons travaillé. La loi de 2005 rendait obligatoire l’accessibilité de tout un bâtiment, même en l’absence d’ascenseur. L’assouplissement des normes ne permettra de rendre accessible que ce qui l’est réellement. De la même façon, toutes les entrées ne devront pas être rendues accessibles. L’esprit du texte, c’est bien de rendre accessibles les services.

La mise en accessibilité de l’intégralité des points d’arrêt scolaires et du matériel roulant des services de transport scolaire a été écartée pour des raisons financières évidentes. Toutefois, pour réaliser le principe de la société inclusive, selon lesquels tous les enfants doivent pouvoir se rendre à l’école, l’aménagement des points d’arrêt scolaires et l’utilisation d’autocars accessibles seront engagés par le département dès lors que la demande d’une famille sera validée par les maisons départementales des personnes handicapées dans le cadre du plan personnel de scolarisation – quelque 1 000 familles seraient concernées en France. En contrepartie, l’obligation totale d’accessibilité du transport scolaire est retirée de la loi. Le transport adapté à la demande, qui est déjà prévu, sera toujours pris en charge.

Pour les autres transports routiers, la durée des schémas directeurs pour le transport urbain est de trois ans et pour le transport interurbain de six ans. Un dispositif contraignant sera mis en place, visant à sanctionner l’achat de véhicules non accessibles ou la sélection d’un opérateur de transports ne disposant pas d’un parc suffisamment accessible. L’amélioration du niveau d’accessibilité du parc de matériels roulants se réalise au moment de l’achat. En fin de schéma directeur d’accessibilité, les points d’arrêt les plus pertinents doivent avoir été mis en accessibilité : les critères auront été déterminés après concertation avec les associations nationales de personnes handicapées, les autorités organisatrices de transports et les acteurs de transports. La concertation n’est pas encore terminée avec la SNCF.

Une autre question essentielle concerne l’accessibilité pour les autres formes de handicaps : des personnels doivent être formés à accueillir des personnes ayant un handicap visuel, auditif ou psychique. Le texte prévoit d’ailleurs des sanctions en cas de non-formation des personnels en contact avec le public ou de non-simplification des informations délivrées aux usagers. La nature de ces sanctions est encore en cours de discussion.

Les ambassadeurs de l’accessibilité, monsieur Sebaoun, doivent être représentatifs de la population générale au sens large.

La présentation du projet de loi d’habilitation est en effet prévue en commission pour le 21 mai, mais je ne connais pas la date de sa discussion en séance publique. Le texte de l’ordonnance et les textes réglementaires doivent être soumis au CNCPH : une fois l’ordonnance finalisée, je suis prête à revenir devant vous pour vous la présenter en détail. Le recours aux ordonnances a pour objectif non pas de vous dissimuler quoi que ce soit mais de répondre à la demande des associations de personnes handicapées, qui, sinon, vivraient encore plus mal le fait que l’accessibilité universelle ne puisse être effective, comme initialement prévue, le 1er janvier 2005.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je suis certaine que, par-delà le recours aux ordonnances, vous répondrez à toutes les préoccupations des parlementaires lors de la discussion du texte dans l’hémicycle. Ainsi l’exige notre vie démocratique.

Je vous remercie, madame la secrétaire d’État.

Puis la Commission examine rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur le financement de la branche famille (M. Jérôme Guedj, rapporteur)

M. Jean-Marc Germain, coprésident de la MECSS. Je tiens à souligner le plaisir que j’ai eu à travailler avec Jérôme Guedj : l’Histoire faisant parfois preuve de ruse, je ne serai pas surpris que nous le revoyions revenir parmi nous dans quelque temps. Je me réjouis également de la qualité de son travail au sein de la MECSS et du climat dans lequel nous avons travaillé : ce sujet est aujourd’hui au cœur de l’actualité et ce rapport apporte un éclairage riche et utile sur le financement de la sécurité sociale, la compétitivité et l’emploi alors que se met en place le Pacte de responsabilité. Je tiens aussi à saluer la position du coprésident Pierre Morange qui a accepté que la MECSS se penche, contrairement à ses habitudes, sur un sujet peu consensuel et très politique. Son excellente contribution, annexée au rapport, témoigne de la multiplicité des points de vue sur ce sujet.

M. Jérôme Guedj, rapporteur. Nous sommes réunis ce matin pour examiner le rapport la MECSS sur le financement de la branche famille, rapport que la mission a adopté hier. Je tiens à rappeler avant tout les conditions particulières dans lesquelles nous avons conduit nos travaux. En effet, compte tenu des réformes nombreuses qu’a connues la branche famille, nous avons décidé de procéder en deux temps. En premier lieu, la Cour des comptes a remis un état des lieux du financement de la branche famille à la MECSS en novembre 2012.

Dans un second temps, la MECSS a précisé ses demandes et saisi la Cour des comptes d’une demande d’étude relative à l’impact sur la croissance et l’emploi d’une suppression des cotisations familiales et de leur remplacement par différentes taxes : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la contribution sociale généralisée (CSG), une taxe environnementale ou une cotisation sur la valeur ajoutée. À la demande de la Cour, la direction générale du Trésor a effectué, sur la base du modèle MESANGE, plusieurs simulations permettant d’appréhender les effets macroéconomiques de la substitution de ces quatre taxes à tout ou partie des cotisations famille. Un second rapport sur ces simulations a été transmis à la MECSS par la Cour des comptes en mai 2013.

Les réformes intervenues depuis lors – notamment la mise en place du Pacte de responsabilité – ont nécessité des auditions complémentaires et expliquent le calendrier atypique de cette mission. Alors que la MECSS prévoyait un travail prospectif et technique, le sujet a été très vite au cœur de l’actualité avec la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, la réforme du quotient familial et la mise en place du Pacte de responsabilité.

Des vingt-huit auditions menées depuis un an et demi, la mission a tiré plusieurs réflexions, que le rapport – qui vous est soumis aujourd’hui – s’attache à détailler.

Le financement de la branche famille a connu, depuis les années quatre-vingt-dix, deux évolutions notables. La première est une diversification de ses ressources – destinée à mieux mettre en cohérence sa structure de financement avec l’universalisation des prestations versées – avec l’affectation, à compter de 1991, d’une fraction de la CSG. La seconde est la fiscalisation accrue de son financement sous forme d’attribution d’impôts et de taxes affectés qui apparaît comme la conséquence des allégements de cotisations sociales.

Ces évolutions ont cependant fragilisé le financement de la branche famille. En premier lieu, parce qu’elles ont renforcé la dépendance de la branche aux revenus d’activité et donc l’ont rendue plus sensible aux évolutions de l’économie française : en prenant en compte la CSG et la taxe sur les salaires, plus de 80 % des ressources de la branche sont directement tributaires de ces revenus. En second lieu, les allégements généraux de cotisations patronales ont été compensés par l’attribution d’un « panier » de recettes fiscales qui connaissent une progression peu dynamique pour certaines d’entre elles. C’est le cas, notamment, des trois recettes fiscales affectées à la branche famille en compensation de la perte de 0,28 point de CSG transféré de la branche famille à la caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Ces réformes ont donc conduit, à la fois, à une augmentation de la part des impôts et taxes affectés – qui est passée de 0,8 % des recettes de la branche famille en 2005 à 12,1 % en 2013 –  mais aussi à une fragilisation de ses recettes.

Ainsi, la branche famille connaît depuis 2008 une dégradation continue de ses comptes. Étant donné la progression dynamique des dépenses de la branche ces dernières années, il apparaît aujourd’hui nécessaire de lui garantir un financement pérenne et compatible avec ce dynamisme.

Le second constat est que les personnalités auditionnées par la MECSS, à l’exception notable des organisations patronales, ont unanimement considéré que la participation des entreprises au financement de la branche famille est justifiée par l’objectif de conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. Dans le rapport transmis à la MECSS, la Cour des comptes estime que les dépenses relatives à la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale représentent entre 10 et 15 milliards d’euros, soit entre 25 et 38 % des prestations légales et d’action sociale servies par la branche. En termes de financement, ces montants représentent de l’ordre de 1,4 à 1,8 point de cotisation patronale « famille ».

La participation des entreprises au financement de la branche famille pose aussi la question de la gouvernance de la branche. Je trouve ainsi étonnant que les organisations professionnelles d’employeurs se sentent trop peu impliquées dans la politique familiale pour en assurer une partie du financement tout en considérant que cette politique les concerne assez pour qu’ils participent à sa gestion et à sa gouvernance…

Le troisième constat est que la politique actuelle d’allégement des cotisations patronales familiales s’inscrit dans une évolution engagée depuis plus de trente ans et visant à atténuer la part de ces cotisations dans les coûts salariaux. Le sujet des allégements de cotisations patronales est aussi vieux que la branche famille elle-même !

En 1946, le taux des cotisations sociales « famille » s’élevait à 16,75 %, mais leur plafonnement les rendait dégressives. L’évolution du financement de la politique familiale est ensuite marquée par une baisse régulière des cotisations familiales. Cette baisse des taux s’est accompagnée d’un développement des exonérations de cotisations patronales d’allocations familiales prises en charge par le budget de l’État à partir de la loi du 27 juillet 1993. Cette politique a conduit à un taux réel de cotisation des entreprises bien inférieur au taux affiché de 5,4 % en 2013 et 5,25 % en 2014. La Cour des comptes évalue qu’en 2013, ce sont 35 % de la masse salariale et 56 % des effectifs en équivalents temps plein pour lesquels le taux de 5,4 % n’est de facto pas appliqué et pour lesquels le taux des cotisations effectivement payées par les entreprises au titre de la branche famille est d’un point inférieur au taux nominal. Pour les salaires situés entre 1 et 1,6 SMIC, le taux de cotisation moyen effectivement acquitté s’élève à 2,6 %.

La réforme du financement de la branche famille doit prendre en compte les effets relativement limités des baisses de cotisations sociales sur l’emploi et l’impact économique de la nouvelle recette affectée à la branche famille

Un des arguments économiques avancés pour justifier la baisse de cotisations sociales famille est celui d’un excès de « charges » pesant sur les entreprises et d’un impact sur la compétitivité des entreprises. Or, la suppression des cotisations « famille » représente une baisse de 5 % du coût du travail, soit une baisse très limitée de 1,2 % des coûts de production. En outre, le taux des cotisations sociales des employeurs n’est pas un déterminant significatif du coût du travail. Ainsi, le Conseil d’analyse stratégique a montré, dans une note réalisée en 2008, l’absence de corrélation entre le coût du travail et le taux de cotisations patronales et plus généralement le prélèvement socio-fiscal sur les salaires dans les trente pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Trois questions me semblent essentielles aujourd’hui. La première concerne l’impact de la baisse des cotisations sociales sur l’emploi.

Selon la simulation macroéconomique réalisée pour l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) par Éric Heyer et Mathieu Plane en 2012, le nombre d’emplois créés en cinq ans par le dispositif « Fillon » est d’environ 500 000. Il convient néanmoins, selon eux, de relativiser ce chiffre, puisqu’il ne tient pas compte du financement du dispositif. Si la baisse des recettes de cotisations est financée par des recettes supplémentaires, selon le mode de financement, le bilan est plutôt de 250 000 à 300 000 emplois créés en cinq ans. Dans l’hypothèse d’une réaction des partenaires commerciaux qui adopteraient un dispositif similaire, on tombe à une fourchette de 70 000 à 170 000 emplois créés.

La deuxième interrogation concerne la recette de substitution aux cotisations patronales pour la branche famille. Le rapport de la Cour des comptes et l’ensemble des personnes auditionnées ont conclu à l’absence de « recette miracle » pour financer la branche famille.

Une réforme du financement de la branche famille peut consister à maintenir la participation financière des entreprises tout en changeant ses modalités afin que ce financement pèse moins sur l’emploi. Il pourrait prendre la forme d’une cotisation sur la valeur ajoutée. De même, comme l’ont montré les travaux du Haut Conseil du financement de la protection sociale, pourraient être privilégiées certaines réformes tendant à réduire les éléments de revenus du patrimoine qui échappent actuellement à la CSG. C’est le cas notamment de l’appréhension des plus-values mobilières et immobilières au moment du décès du détenteur ou d’une donation.

Vous n’êtes pas sans savoir que je considère qu’une évolution plus pertinente que la hausse de la CSG est de la rendre progressive. Cette mesure permettrait de rendre, de manière substantielle, du pouvoir d’achat aux catégories populaires et moyennes sans accroître le déficit public et garantirait des recettes pérennes à la branche famille. J’ai d’ailleurs déposé un amendement proposant une telle réforme au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.

S’agissant du Pacte de responsabilité, je continue de penser que le CICE souffre de l’absence de ciblage, en particulier pour les secteurs exposés souffrant d’un déficit de compétitivité avéré. Cette absence de ciblage conduit à des effets d’aubaine importants dans des secteurs tels que la grande distribution, le bâtiment et les travaux publics ou les professions réglementées.

En outre, il est indispensable aujourd’hui de garantir à la branche famille des recettes pérennes, autonomes et suffisamment dynamiques. Trop de lois de financements de la sécurité sociale ont procédé – à l’exemple de celle de 2011 – à des « bricolages » financiers sans garantir à la branche famille des recettes suffisantes et durables.

Enfin, toute baisse du coût du travail ne saurait être avoir d’effet réel sur l’emploi que si elle est accompagnée de véritables contreparties de la part des entreprises. Les engagements pris par les employeurs n’ont été que peu précisés dans l’accord signé le 5 mars dernier entre les partenaires sociaux. La conférence sociale, qui devrait se tenir dès juin 2014, devra être l’occasion de préciser ces engagements.

Le rapport, qui vous est soumis aujourd’hui, est quelque peu atypique car il ne cherche pas à obtenir un consensus comme c’est le cas habituellement des rapports de la MECSS mais à apporter un éclairage nouveau en prenant comme point de départ, non pas le coût du travail, mais les besoins de financement de la branche famille. Ce rapport illustre ainsi la façon dont j’ai vécu mon travail de parlementaire pendant vingt-deux mois et, alors que mes fonctions de parlementaires prendront fin demain soir, je tiens à remercier l’ensemble des parlementaires de la commission des affaires sociales avec lesquels j’ai pris beaucoup de plaisir à travailler.

Mme Bérengère Poletti. Je tiens tout d’abord à remercier M. Jérôme Guedj pour son travail au sein de la MECSS et de l’Assemblée. Mon propos reprendra en grande partie les réflexions que notre collègue Pierre Morange, qui ne pouvait être présent ce matin et s’en excuse, a exprimées dans une contribution, en tant que coprésident de la MECSS.

Montrée en exemple dans le monde entier, la politique familiale de la France est reconnue comme étant une politique efficace pour le bien des familles et de leurs enfants. Jusqu’à présent, elle permettait une redistribution horizontale des ressources selon la taille des familles qui faisait consensus. Mais ce consensus est en train de voler en éclat.

Et de fait, la situation de notre pays change comme en témoignent l’asphyxie de nos entreprises face au coût du travail et à la complexité du droit, le chômage battant des records historiques, la déshérence de notre tissu industriel et le poids de la dette. Dans ce contexte, le financement de la branche famille doit être renouvelé et réinventé.

Pour mémoire, la part cumulée des prélèvements sur l’activité dans le financement de la branche famille reste très importante, puisqu’elle s’élève à 80 %. De plus, il faut constater « l’effet ciseaux » qui résulte de la croissance importante des charges liée à l’augmentation des prestations et l’évolution modérée des recettes : cette évolution aboutit à une fragilisation du financement de la branche famille, la Cour des comptes évoquant dans son rapport d’étape un « financement brouillé » et la « difficulté de soutenabilité » de la politique familiale.

En clair, les entreprises s’acquittent chaque année de 35 milliards d’euros de cotisations familiales, ce qui représente 62 % du financement de la branche famille, le reste provenant de la contribution sociale généralisée (CSG) et de divers impôts et taxes. Malgré ces ressources, la branche famille affiche un déficit de 2,8 milliards d’euros qui devrait être contenu à 3,2 milliards d’euros en 2014.

Dans ce contexte, le rapport qui nous est aujourd’hui présenté, ne répond pas aux enjeux actuels.

Premièrement, ce rapport ne tranche pas la question de l’affectation d’une recette pérenne et dynamique à la branche famille, pas plus d’ailleurs que le Premier ministre ne l’a fait, lors de sa déclaration de politique générale, alors qu’il a annoncé une baisse importante des cotisations patronales famille.

Si ces annonces sont suivies d’actes : nous disons « chiche » !

Mais considérant les habitudes prises par cette majorité en matière de politique familiale, on ne peut que s’interroger : le ciblage des baisses de charges sur les cotisations famille signe-t-il un nouveau désengagement de l’État envers les familles ?

La réforme des allocations familiales effectuées dans le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 représente un effort de 1,5 milliard d’euros pour les familles des classes moyennes.

Le Premier ministre a tenu à rassurer l’Assemblée en assurant que la branche famille se verrait attribuer de nouvelles sources pérennes. Lesquelles ? Comme le reste des baisses de cotisations et impôts, les baisses de cotisations familiales risquent d’être financées par l’emprunt et la dette. Dans ce contexte, le rapport évacue l’attribution d’une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – qui constitue une recette dynamique et durable – à la branche famille, alors que c’est une réforme pertinente et recommandée par plusieurs économistes auditionnés par la MECSS : M. Christian Saint-Étienne, M. Louis Gallois et même la Cour des comptes.

Deuxièmement, ce rapport ne propose pas non plus de pistes de réformes concrètes pour améliorer le rapport coût-efficacité de la branche famille et n’évoque aucune mesure d’économies ou de rationalisation budgétaire.

Pourtant, de nombreux rapports, notamment celui de notre ancien collègue Yves Bur, ont plaidé, pour une rationalisation des dépenses, dans le respect des principes d’universalité et de solidarité des prestations.

En outre, je rappelle que le Premier ministre, M. Manuel Valls, a annoncé que, dans le cadre du plan d’économies de 50 milliards d’euros, la poursuite de la modernisation de la politique familiale devrait permettre de réaliser 0,8 milliard d’euros d’économies et que les caisses de sécurité sociale devraient dégager 1,2 milliard d’euros d’économies, grâce à la dématérialisation et à une meilleure articulation entre les différents organismes.

Dans ce cadre, la MECCS a fait par le passé plusieurs propositions en matière de rationalisation des dépenses touchant aux systèmes d’information ou à la mise en place d’un guichet unique.

Troisièmement, ce rapport ne contient aucune proposition pour améliorer la compétitivité de notre économie, alors même que cette problématique est cruciale aujourd’hui et qu’elle est profondément liée à celle du coût du travail, comme en témoignent les orientations du Gouvernement en matière de baisse du coût du travail.

Clairement, nous avons affaire à un rapport inachevé : pourtant, une réflexion stratégique est aujourd’hui indispensable, à la fois pour améliorer la compétitivité de la France mais aussi pour assurer des sources de financement plus pérennes et plus dynamiques à la branche famille et optimiser et rationaliser ses dépenses.

C’est pourquoi le groupe UMP votera la publication de ce rapport, en précisant que nous sommes contre ses conclusions.

M. Jean-Patrick Gille. Je souhaite, à mon tour, insister sur la qualité des travaux et regretter le départ de notre collègue Jérôme Guedj. Je me félicite que notre commission se penche sur ces sujets et que la question de la réforme du financement de la protection sociale ne soit pas uniquement traitée par la commission des finances.

Depuis les années 2000, le financement de la branche famille est fragilisé et cette branche se retrouve déficitaire alors que ce n’était pas inéluctable. La question centrale qui se pose est celle-ci : les cotisations patronales doivent-elles être gardées pour financer la branche famille ? Après avoir longtemps défendu ce principe, je pense que les arguments en faveur de cette solution sont faibles, au regard des exonérations de prélèvements mis en place comme le crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). De mon côté, je préfère un financement assuré par la contribution sociale généralisée (CSG), ce qui permettrait d’élargir l’assiette en incluant une partie du patrimoine, associé à une réflexion sur le quotient familial. Je ne préconise pas pour autant de créer une fiscalité propre à la famille. Par ailleurs, la gestion continuera d’être assurée par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

Mme Jacqueline Fraysse. Dans un contexte où les choix économiques du Président de la République sont fort éloignés de ceux de son programme présidentiel, j’ai craint que ce rapport ne se limite à une reprise et une justification du credo gouvernemental qui assure que la réduction du coût du travail améliore la compétitivité et favorise l’emploi. Je me réjouis qu’un travail sérieux ait été mené : il met à mal toutes ces idées dominantes et démonte des vérités dites indépassables qui servent des intérêts.

Trois points doivent être relevés. Le premier est le rappel opportun, dans un contexte de mise en cause de notre modèle social, de la réussite de notre politique familiale qui, avec un taux de fécondité important, permet le renouvellement des générations et un taux d’emploi important de femmes avec enfant. Les entreprises sont les premières à bénéficier du renouvellement de la force de travail et du taux d’emploi des femmes. Le deuxième est la participation des entreprises au financement de la branche famille, tout en le relativisant puisqu’elle représente un dixième du coût de la politique familiale. Enfin, le rapport dénonce cette corrélation, trop vite établie, entre une baisse des cotisations sociales et les créations d’emploi. Depuis des années, les projets de loi de financement de la sécurité sociale ont accordé 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales aux entreprises, sans que pour autant le chômage ait diminué. À l’heure où le Gouvernement cherche 50 milliards d’euros d’économies, il serait bien inspiré de se pencher sur ces exonérations accordées sans discernement, reconduites chaque année sans qu’aucune amélioration ne soit constatée sur le front de l’emploi. Néanmoins, je regrette que le rapport n’évoque pas la limitation du coût du capital pour le rééquilibrer avec le coût du travail. Cette dernière expression est d’ailleurs paradoxale, car on oublie que le travail produit de la richesse. Les économistes distinguent un surcoût du capital, estimé à 100 milliards par an, ce qui se fait au détriment des salariés, de la recherche et de l’investissement productif. Cette situation doit être corrigée, c’est pourquoi, le groupe GDR propose une proposition de loi relative à la modulation des contributions des entreprises qui sera examinée le 22 mai prochain. Elle répond, en partie, aux préoccupations du rapporteur qui souhaite des contreparties de la part du patronat face à ces exonérations. Je salue, de nouveau, ce travail sérieux qui permet de faire avancer la réflexion et le groupe GDR votera la publication du rapport.

M. Denys Robiliard. Je souhaite moi aussi saluer l’implication dans sa fonction de député de notre collègue Jérôme Guedj et je dois dire que nombreux sont ceux qui regrettent son départ !

Pour en revenir au rapport dont nous débattons, je tenais à saluer la qualité de ce travail qui dresse un tableau très complet des différentes options pour financer la branche famille. De plus, le document qui nous est soumis se lit avec plaisir, sa rédaction est de grande qualité tout en étant précise.

Je voudrais faire deux observations suite aux différentes interventions. Mme Bérengère Poletti a rappelé un rapport précédent présenté par M. Yves Bur qui a été longtemps rapporteur pour la loi de financement de la sécurité sociale. Ses préconisations étaient très différentes de celles du rapport de M. Guedj car pour lui la rationalisation de la gestion allait de pair avec une baisse du niveau des prestations. L’objectif de notre rapporteur est bien différent, il s’agit de trouver des modes de financement pérennes pour conforter la politique familiale.

Il faut garder en mémoire certaines données chiffrées significatives. La moyenne des prestations familiales par enfant en France est plus faible que dans plusieurs pays européens. En revanche, les sommes consacrées à la politique familiale sont beaucoup plus conséquentes que celles de nos homologues européens puisqu’elles atteignent 4,1 % du PIB contre 2,6 % pour la moyenne des pays européens. En effet notre politique familiale est particulièrement diversifiée et va bien au-delà des prestations familiales comme l’illustre, par exemple, le quotient familial.

Certains graphiques présentés dans le rapport sont particulièrement parlants et illustrent parfaitement l’efficacité de la politique familiale, notamment pour encourager l’activité professionnelle des femmes. Le taux d’activité des femmes sans enfant est plus faible en France qu’en Allemagne mais pour les femmes ayant un enfant le taux d’activité atteint 76 % en France contre 73 % en Allemagne et la différence s’accroît pour les femmes avec deux enfants : 69 % en France et 65 % en Allemagne et pour les femmes ayant trois enfants ce taux atteint 50,4 % en France et 42 % en Allemagne.

Ce rapport éclaire très bien les différentes options possibles pour financer la politique familiale. Actuellement notre système présente un paradoxe qui le fragilise : il est financé à 80 % par des ressources assises sur les revenus salariaux alors qu’il finance des prestations universelles. Il est sans doute pertinent que les employeurs continuent à financer ces dépenses mais il faudrait alors considérer que les cotisations tant patronales que salariales sont un salaire différé. Dans ces conditions, si nous optons pour une baisse des cotisations, cette baisse devrait être en partie au moins redistribuée aux salariés puisqu’il s’agit d’un salaire indirect.

Ce rapport me paraît tout à fait pertinent car il invite à engager une réflexion de fond sur notre fiscalité pour trouver de nouveaux modes de financement de la politique familiale. Nous devons réfléchir à la mise en place notamment d’une CSG progressive avec un prélèvement à la source. D’autres solutions se dégageront peut-être, il faut examiner toutes les possibilités sans a-priori.

Mme Valérie Boyer. Le groupe UMP est d’accord pour la publication de ce rapport mais nous estimons que ce travail est inachevé car il ne tire pas toutes les conséquences de ses constatations et ne propose pas de sources de financement suffisamment pérennes.

Ce rapport devra faire figurer en annexe la contribution de M. Pierre Morange qui constitue une réflexion importante sur le financement de la branche famille.

M. Jean Patrick Gille, président. Je vous rassure sur ce point, la contribution de Pierre Morange figurera bien dans le rapport. Je vous invite à passer au vote pour autoriser la publication de ce rapport.

*

La commission autorise, à l’unanimité, le dépôt du rapport d’information sur le financement de la branche famille en vue de sa publication.

La séance est levée à douze heures trente.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du jeudi 30 avril 2014 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Gérard Cherpion, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Dominique Dord, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, M. Gilles Lurton, M. Laurent Marcangeli, M. Hervé Morin, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Christian Paul, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, Mme Barbara Romagnan, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Véronique Besse, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Richard Ferrand, M. Michel Liebgott, Mme Gabrielle Louis-Carabin, Mme Véronique Louwagie, M. Jean-Philippe Nilor, M. Bernard Perrut, M. Jonas Tahuaitu, M. Francis Vercamer

Assistaient également à la réunion. – Mme Fanny Dombre Coste, Mme Monique Rabin