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Commission des affaires sociales

Mardi 15 mars 2016

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 33

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition de M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM), et de M. Emmanuel Roux, directeur général de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) et président de l’association des complémentaires santés, sur le rapport relatif à la mise en place du tiers payant, en application de l’article 83 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 15 mars 2016

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales procède à l’audition de M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM), et de M. Emmanuel Roux, directeur général de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) et président de l’association des complémentaires santés, sur le rapport relatif à la mise en place du tiers payant, en application de l’article 83 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous sommes réunis aujourd’hui pour entendre M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés et de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, et M. Emmanuel Roux, directeur général de la Fédération nationale de la Mutualité française et président de l’association des complémentaires santé, sur le rapport conjoint de l’assurance maladie obligatoire et des complémentaires santé « sur les solutions techniques permettant la mise en place du tiers payant généralisé ». C’est donc au nom de l’ensemble des régimes obligatoires d’assurance maladie – régime général, régime social des indépendants (RSI) et régime agricole (MSA) – et de l’ensemble des organismes d’assurance maladie complémentaires
– institutions de prévoyance, mutuelles et sociétés d’assurance – que nous allons entendre M. Revel et M. Roux, ce dernier étant accompagné de deux vice-présidents de l’association des complémentaires santé.

Ce rapport conjoint découle de la volonté du législateur, puisqu’il intervient en application de l’article 83 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016. Au-delà de l’obligation formelle qu’il satisfait ainsi, je pense que chacun d’entre nous mesure l’importance de ce travail. Il s’agit en effet de concilier une mesure sociale forte – la généralisation du tiers payant – avec le maintien de conditions d’exercice satisfaisantes pour les professionnels de santé, et, in fine, de préserver ce qu’il est convenu d’appeler le temps médical de ces derniers, étant précisé que ce temps « médical » ne concerne pas les seuls médecins. Je rappelle, en effet, que le tiers payant généralisé est d’ores et déjà pratiqué non seulement par les médecins, mais aussi par divers auxiliaires médicaux
– masseurs kinésithérapeutes, infirmiers, etc.

L’exercice est complexe. Nous sommes impatients de vous entendre, messieurs, sur les solutions proposées sur ce sujet éminemment politique.

Mais avant de vous écouter, je souhaite la bienvenue à notre nouveau collègue, Renaud Gauquelin, suppléant de Mme Hélène Geoffroy, nommée secrétaire d’État à la Ville.

M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM). L’article 83 de la loi de modernisation de notre système de santé prévoit que les régimes obligatoires et les organismes complémentaires élaborent un rapport présentant les solutions techniques permettant la mise en place, au profit de l’ensemble des bénéficiaires de l’assurance maladie, du mécanisme du tiers payant, simultanément sur la part couverte par les régimes obligatoires d’assurance maladie et sur celle couverte par les organismes d’assurance maladie complémentaire. Nous avons remis ce rapport à la ministre chargée de la sécurité sociale le 19 février dernier, après l’avoir présenté aux professions de santé lors d’une réunion à la CNAMTS, en présence des représentants des régimes obligatoires cosignataires – régime général, RSI, MSA – et de ceux de l’association regroupant les trois familles de complémentaires.

La loi fixe un cadre juridique et un calendrier prévoyant que le tiers payant devient progressivement un droit pour tous les assurés sur la part obligatoire. Le tiers payant se mettra en place en deux grandes étapes. Première étape : le 1er juillet 2016, date à partir de laquelle les professionnels de santé pourront pratiquer le tiers payant avec les assurés en ALD/maternité, et ce jusqu’au 1er janvier 2017, date à laquelle le tiers payant deviendra un droit pour chaque patient couvert à 100 % par l’Assurance maladie. Deuxième étape : le 1er janvier 2017, date à laquelle les médecins pourront proposer le tiers payant à tous leurs patients, avant qu’il ne devienne un droit pour tous les Français, pour la partie remboursée par la sécurité sociale, en novembre 2017. Compte tenu de la décision du Conseil constitutionnel du 21 janvier 2016, l’application du tiers payant sera laissée à l’appréciation des professionnels de santé de ville pour la part complémentaire, étant entendu que les organismes complémentaires seront tenus de le proposer dans le cadre des contrats responsables.

Qu’il constitue un droit ou une faculté, le déploiement du tiers payant se fera dans des conditions respectueuses des attentes et des exigences exprimées par les professionnels de santé dans le cadre de la concertation voulue par la ministre au premier trimestre 2015. Ces exigences sont de deux ordres. Première exigence : une garantie claire du paiement. Deuxième exigence : la rapidité et la simplicité de la pratique du tiers payant, sans perte de temps médical, que ce soit au stade de la consultation ou au stade du suivi post-consultation.

Nous ne partons pas de rien : le tiers payant est déjà largement pratiqué, même si son utilisation varie fortement selon les professionnels de santé, les AMO et les AMC pratiquant le tiers payant depuis de nombreuses années. Les pharmaciens et les biologistes ont des taux de prise en charge en tiers payant – sur la part obligatoire et la part complémentaire – qui avoisinent les 100 %, les infirmiers et les kinésithérapeutes des taux de prises en charge de 65 %. En revanche, pour les médecins généralistes et les spécialistes en secteur 1, le taux de prise en charge en tiers payant est respectivement de 35 % et de 37 %.

Bien que le tiers payant soit déjà largement répandu et fonctionne plutôt bien, ce fonctionnement doit et peut être amélioré. La généralisation du tiers payant exige donc des améliorations s’appuyant sur trois principes, présentés dans ce rapport.

Premier principe : au-delà des engagements formels, apporter des solutions opérationnelles permettant de corriger ce qui doit l’être. Cela passe par des modifications de règles, par exemple sur les rejets et les délais ; des changements de normes techniques, sur les flux d’information ; ou encore la mise en place de services nouveaux, pour la vérification des droits et la gestion des difficultés.

Deuxième principe : déployer ces solutions sur l’ensemble du champ des régimes. Tous les régimes obligatoires doivent partager les mêmes règles et proposer les mêmes services aux professionnels de santé. La même logique prévaut du côté des organismes complémentaires.

Troisième principe : tenir compte de la diversité des organisations des professions de santé. Certaines pratiquent le tiers payant de longue date, comme les pharmaciens, et se sont déjà organisées diversement. Nous devons respecter ces choix d’organisation, notamment d’équipements informatiques.

Je vais maintenant insister sur les points saillants de ce rapport, c’est-à-dire les améliorations indispensables à la généralisation du tiers payant pour la part obligatoire, sachant qu’Emmanuel Roux abordera la part complémentaire. Bien évidemment, nous avons veillé à établir des points de convergence entre la part obligatoire et la part complémentaire en proposant, soit par des solutions techniques identiques, soit par des solutions cohérentes et coordonnées.

Premier point : la garantie de paiement. Le professionnel de santé doit être assuré du paiement de son acte et de sa consultation. Le taux de rejet des actes réalisés en tiers payant est aujourd’hui variable d’une profession à l’autre ; il se situe, selon les mois, entre 1 % et 1,5 %. Ce niveau de rejets est certes faible, mais nous devons le réduire. Nous avons identifié deux familles de rejets.

La première tient à un problème de facturation du professionnel de santé, lié soit à la cotation de l’acte, qui semblerait contestable – ce qui est assez rare –, soit à l’envoi multiple d’une facturation par le professionnel de santé à l’organisme payeur, qui relève d’erreurs techniques. Pour réduire cette première famille de rejets, nous nous emploierons à régler ces problèmes techniques et à mieux accompagner les professionnels de santé dans la compréhension des règles de cotation.

La deuxième famille de rejets tient aux droits des assurés. Nous proposons de la supprimer. Premier cas de figure : une carte Vitale non à jour – l’assuré a changé de régime, par exemple. Ce rapport propose le paiement par le régime obligatoire sur la base des droits en carte, que ces droits soient à jour ou pas. Deuxième cas de figure : le non-respect du parcours de soins par l’assuré, qui représente 30 % des rejets. Nous considérons que cette cause ne doit plus conduire à des rejets et que la participation supplémentaire doit être demandée directement auprès de l’assuré.

Ces nouvelles règles, que les professionnels de santé estiment importantes, seront opérationnelles à compter du 1er juillet 2016.

Nous apporterons un service supplémentaire : la mise en place d’un service de vérification des droits des assurés en ligne, le dispositif ADR (acquisition des droits). Il s’agit d’un téléservice qui permettra aux professionnels de vérifier en temps réel les droits des assurés et de facturer sur la base de ces droits dûment vérifiés. En effet, des assurés peuvent avoir une carte illisible ou ne pas avoir leur carte Vitale, d’autres peuvent ne pas avoir eu le temps de mettre à jour leur carte, par exemple après l’obtention de la CMUC ou leur admission en ALD. D’où l’intérêt de ce dispositif de vérification en ligne, qui sera déployé à compter du 1er juillet 2016. Nous l’avons présenté aux professionnels de santé et sommes en train de le tester : il intégrera automatiquement, dans un délai d’une seconde, les droits tels qu’ils sont actualisés dans les référentiels des régimes.

Deuxième point : les délais de paiement rapides. Les assurances maladie obligatoires et complémentaires s’engagent auprès des professionnels de santé à respecter des délais de paiement contraignants. Aujourd’hui, lorsque les professionnels de santé transmettent leurs données par flux électroniques – qui représentent 95 % des feuilles de soins –, le délai moyen de paiement se situe entre 3 et 5 jours ouvrés. Nous sommes également attachés à payer rapidement pour les feuilles de soins papier, pour lesquelles le délai moyen en tiers payant est en moyenne de quinze jours.

Troisième point : la simplicité du suivi des paiements. Actuellement, les normes d’information sont diverses d’une profession de santé à l’autre : les pharmaciens peuvent suivre le paiement feuille de soins par feuille de soins, alors que les médecins ont un retour acte par acte – ce qui complexifie les choses s’il y a plusieurs actes par consultation. En conséquence, les AMO et AMC généraliseront la norme Noémie 580, déjà utilisée avec les pharmaciens, d’abord aux médecins, au 1er juillet 2016, puis à tous les professionnels de santé d’ici à la fin de l’année. L’exploitation de cette norme par les logiciels des professionnels de santé permettra donc d’automatiser le suivi détaillé des factures. D’autre part, l’utilisation d’une norme commune permettra aux éditeurs de logiciels des professionnels de santé de proposer un rapprochement simplifié et automatique avec les références du virement bancaire. Ces solutions seront offertes quelles que soient les organisations : le professionnel pourra, soit choisir d’être autonome dans la gestion de sa facturation et le suivi de ses paiements, soit s’adosser à une structure intermédiaire, par exemple un organisme concentrateur tiers (OCT), qui gérera pour son compte les flux de facturation et le suivi des paiements.

Enfin, quatrième point : la mise en place d’un dispositif d’assistance aux professionnels de santé. Il s’agira d’un point de contact unique (téléphone, mail) chargé d’aider le professionnel à diagnostiquer l’origine d’un problème rencontré. Ce dispositif d’accompagnement et d’appui sera mis en œuvre pour les régimes obligatoires dès le second semestre 2016 pour l’étape du tiers payant ALD/maternité. L’engagement des AMC dans la mise en place de cet outil dépendra de la réalité des besoins exprimés par les professionnels de santé.

En conclusion, vous l’avez compris, nous sommes face à un calendrier tendu pour être au rendez-vous du 1er juillet 2016. Mise en œuvre des nouvelles règles de rejet, déploiement de l’outil de vérification des droits en ligne, extension de la norme Noémie 580 aux médecins, mise en place d’une plateforme d’assistance, mise à jour des logiciels médecins par les éditeurs grâce à un cahier des charges déjà publié. Autant de solutions qui permettront de simplifier le tiers payant et, ainsi, de préserver le temps médical des professionnels de santé.

M. Emmanuel Roux, directeur général de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) et président de l’association des complémentaires santé. Élaboré conjointement par les régimes obligatoires et les organismes complémentaires, ce rapport exprime leur unité de vue. Ainsi, tous les organismes complémentaires parlent d’une seule voix à l’ensemble des acteurs du tiers payant – professions de santé, opérateurs du tiers payant, éditeurs de logiciels.

Nous nous sommes efforcés de proposer un socle de services cohérent entre l’assurance maladie obligatoire et les organismes complémentaires, en réponse aux questions et aux attentes des professions de santé telles qu’elles ont été exprimées lors de la concertation menée en 2014 et en 2015.

En dépit de la décision du Conseil constitutionnel du 21 janvier 2016 censurant le caractère obligatoire du tiers payant sur la part complémentaire qui a modifié le contexte juridique, les organismes complémentaires considèrent que le fond du sujet reste inchangé, et ce pour plusieurs raisons.

D’abord, la réglementation applicable aux complémentaires, en matière de contrats responsables – antérieure à la décision du Conseil constitutionnel – leur impose de proposer dans ces contrats à l’ensemble des assurés une solution de tiers payant au 1er janvier 2017.

Ensuite, la question de l’avance de frais se posera inévitablement aux organismes complémentaires une fois le tiers payant pratiqué sur la part obligatoire. Face à la demande des professionnels de santé de ne pas avoir à gérer la complexité potentiellement induite par l’existence de deux flux de paiement distincts, il est de la responsabilité des complémentaires de proposer une dispense d’avance de frais sur l’intégralité de la rémunération du professionnel de santé.

Enfin, le dossier du tiers payant s’inscrit dans un mouvement plus vaste de modernisation de l’exercice de la médecine, en lien avec le développement des nouvelles technologies.

Ainsi, la décision du Conseil constitutionnel ne change rien aux objectifs des organismes complémentaires : elle n’entame pas notre détermination, elle renforce même notre volontarisme car nous allons apporter la preuve que le tiers payant peut être pratiqué intégralement, à la fois sur la part obligatoire et la part complémentaire.

Pour l’élaboration de ce rapport, nous avons été guidés par trois grands principes.

D’abord, des engagements forts en matière de garantie de paiement. Nous avons entrepris un important travail pour développer les services en ligne, afin que la prise en charge des paiements soit assurée dans un délai rapide. Nous prenons également des engagements sur les délais de paiement. Même si le délai de paiement est de nature contractuelle, nous avons conscience de la nécessité de garantir des délais extrêmement courts. Nous prenons en outre des engagements visant à faciliter le suivi à la fois de la facturation et du paiement. Dans cet objectif, l’aménagement des normes permettra au professionnel de santé de visualiser un flux unique de paiement des parts AMO et AMC.

Ensuite, le déploiement de nouveaux services à partir de l’existant. Nous nous inscrivons dans une démarche d’amélioration du tiers payant pour convaincre l’intégralité des professions de santé de le pratiquer.

Enfin, la liberté de choix des professionnels de santé. Les solutions techniques ne contraindront pas le professionnel de santé dans ses choix d’organisation : soit il optera pour une gestion autonome, soit il recourra ou continuera de recourir à un intermédiaire technique et/ou financier.

Sur la base de ces principes, le socle de services concerne la totalité du tiers payant. Afin d’automatiser la garantie de paiement, les complémentaires développent des services en ligne via l’outil IDB (Identification des droits des bénéficiaires). Nous développons également des outils communs aux complémentaires, évitant ainsi d’externaliser leur complexité, avec la mise en place d’un portail unique qui permettra aux professions de santé, grâce à la signature d’un contrat-type, de pratiquer le tiers payant avec l’ensemble des complémentaires.

Ce socle de services s’appuie sur le système de facturation SESAM-Vitale, d’où l’importance d’améliorer les outils existants. Beaucoup d’investissements ont été réalisés ces dernières années pour pratiquer le tiers payant. Sans doute faut-il apporter des améliorations et, sur ce sujet, les complémentaires sont totalement parties prenantes des travaux menés actuellement.

Ce socle de services repose sur des outils de suivi des factures qui permettent de réconcilier les informations. M. Revel a évoqué la normalisation commune aux AMO et aux AMC des libellés des références de virement. Cet élément de lisibilité est indispensable.

Enfin, ce socle de services repose sur un dispositif d’assistance aux professionnels de santé. Certes, l’incertitude née de la décision du Conseil constitutionnel ne permet pas aux complémentaires d’anticiper les investissements nécessaires à la mise en place de l’assistance. Néanmoins, nous sommes totalement d’accord avec la nécessité d’un point de contact unique pour les professionnels de santé qui sauront ainsi vers qui s’orienter en cas de difficulté.

Ainsi, les organismes complémentaires mettront en place des solutions dans une parfaite articulation avec celles de l’assurance maladie obligatoire.

Forts de notre volontarisme, les travaux engagés par l’association des complémentaires se concrétiseront au second trimestre 2016 par la publication d’un cahier des charges pour développer les services en ligne, l’ouverture d’un portail à l’ensemble des complémentaires au 1er janvier 2017, le démarrage dès cette année d’une discussion avec l’ensemble des professions de santé sur un contrat technique de tiers payant, et l’harmonisation des attestations papier de tiers payant qui sera finalisée fin 2017.

En conclusion, en dépit des incertitudes actuelles, les organismes complémentaires auront à cœur de progresser en 2016 à un rythme permettant de mettre en place le tiers payant dans un calendrier synchronisé avec celui des régimes obligatoires.

Mme Bernadette Laclais. Le groupe Socialiste, républicain et citoyen salue ce rapport conjoint et le chemin parcouru. Le rapport est dense ; il fait notamment état du fait que le fonctionnement du tiers payant peut être amélioré. Les délais actuels sont raisonnables, l’inquiétude des médecins portant davantage sur la réconciliation des flux entre les actes réalisés et les paiements reçus.

Monsieur Revel, l’échéance est-elle identique pour les quatre points d’amélioration dont vous avez fait état ? Le système de vérification des droits en ligne sera-t-il mis en œuvre en même temps que les autres outils techniques d’aide aux professionnels ?

Face à l’inquiétude des syndicats de médecins – lourdeur administrative, double facturation –, quel message pourrait les rassurer ?

Quel sera le coût de la mise en œuvre du tiers payant généralisé ? Les solutions proposées permettraient-elles d’alléger ce coût ?

La nouvelle convention médicale prévoit-elle des aides aux professionnels de santé pour la mise en œuvre des dispositifs ?

Monsieur Roux, le dispositif proposé d’un contrat technique de tiers payant avec l’ensemble des complémentaires ne s’avérera-t-il pas lourd et compliqué pour les professionnels ?

Enfin, comment seront calculées les pénalités en cas de non-respect des délais ou de dysfonctionnement ?

M. Jean-Pierre Door. Je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles le groupe Les Républicains s’est fortement opposé à la généralisation obligatoire du tiers payant. Nous sommes ici pour mesurer les conséquences de cette décision.

Saisi par les parlementaires de l’opposition, le Conseil constitutionnel a invalidé une partie du dispositif du tiers payant généralisé, au motif que les garanties nécessaires – respect d’un délai, versement d’une pénalité en cas de non-respect de ce délai – n’étaient prévues que pour la part obligatoire. Ainsi, comme l’ont remarqué les syndicats de médecins, devant la complexité du mécanisme, et alors que le rapport laisse reposer les risques techniques et financiers sur les médecins pour la part complémentaire, le tiers payant intégral ne se fera pas – en tout cas, pas en l’état actuel des choses.

Mon intervention portera donc sur la part obligatoire.

Monsieur Revel, ce rapport se veut équilibré, prudent, tout en essayant de rassurer. Il évite consciencieusement le sujet qui fâche, autrement dit le financement. L’article 83 de la loi prévoyait pourtant que le rapport devait évaluer la faisabilité opérationnelle et financière des solutions techniques appropriées. Combien cette réforme – que nous jugeons inutile car non ciblée – va-t-elle coûter ? Et qui va payer ? Je rappelle que le groupe Les Républicains n’est pas opposé à la mise en place d’un tiers payant dès lors qu’il est ciblé sur les personnes en difficulté ou sur certaines catégories de patients. Est-il vrai que le coût de la procédure représenterait 3 euros à 3,50 euros par acte pour le professionnel de santé ?

Ce rapport retient la mise en œuvre d’une garantie de paiement pour les médecins. C’est bien la moindre des choses. Il s’agit bien de la fameuse garantie totale que la mission IGAS (Inspection générale des affaires sociales), dont un rapport sur le tiers payant est souvent cité par Mme la Présidente, préconisait de ne pas retenir, en raison des risques de fraudes associés à cette possibilité et de la complexité potentiellement induite par une récupération de minorations auprès de l’assuré. A-t-on mesuré toutes les conséquences de cette garantie totale ?

Ce rapport n’aborde pas la question de la récupération des franchises. La loi fixe un mécanisme de récupération. Mais comment allez-vous procéder concrètement, monsieur le directeur général ?

La question du délai maximum et des pénalités afférentes n’est pas non plus traitée. Des estimations ont-elles été réalisées ?

Si les délais moyens de paiement semblent assez bien maîtrisés, force est de constater qu’ils sont inégaux selon les caisses et les régimes. Il est faux de dire que ces délais ne seront pas un sujet.

Autre sujet non abordé : les conséquences en termes d’inflation. Notre présidente va encore me dire qu’il n’y aura pas de conséquence. Ce n’est pas tout à fait vrai. Le rapport IGAS précité indique que la seule étude disponible porte sur des données très anciennes et très partielles, si bien que sa recommandation n° 5 vise à réaliser une étude sur les conséquences financières de la généralisation du tiers payant, un tiers payant dont il recommandait une généralisation non obligatoire.

Enfin, ce qui a facilité la mise en œuvre du tiers payant dans les pharmacies, c’est le recours massif à des intermédiaires – organismes concentrateurs techniques, sous-traitants pour la gestion des rejets –, ainsi que la mise à jour rapide du parc de logiciels. Tout cela a un coût. Nous ne trouvons rien dans ce rapport sur la répartition éventuelle de ce coût. Les médecins seront-ils obligés de payer ? L’Assurance maladie prendra-t-elle en charge des surcoûts ?

Monsieur le directeur général, je suis bien conscient que vous devez mettre en application une disposition votée par le Parlement. Vous ne pourrez probablement pas répondre à toutes ces interrogations, car cette décision politique a été très mal prise au départ. Il est cependant de notre devoir, en tant que parlementaires de l’opposition, de pointer les risques inhérents à la généralisation du tiers payant obligatoire.

M. Gérard Sebaoun. J’imagine que la négociation AMO/AMC n’a pas été un long fleuve tranquille.

Vous indiquez que la solution technique au paiement est bien engagée, en soulignant trois notions-clés : rapidité, simplicité et sécurité du paiement. La majorité y souscrit totalement, étant favorable au tiers payant.

Le rapport indique que 75 % des professionnels de santé utilisent la télétransmission. J’ai moi-même pu constater l’extrême lenteur avec laquelle l’informatique est entrée dans les cabinets médicaux. À cet égard, la convention prévoit-elle une incitation financière ?

En outre, ce rapport insiste sur le fait que « toute forme de délégation de gestion ne doit ni générer de risque supplémentaire, ni altérer la qualité du système de gouvernance ». Pourriez-vous développer ce point ?

Enfin, concernant le secteur 2, le contrat technique proposé par les complémentaires suscite l’inquiétude des médecins. Comment pouvez-vous les rassurer ?

M. Bernard Perrut. L’application du tiers payant sera progressivement généralisée sur la part obligatoire et, suite à la décision du Conseil constitutionnel, elle sera laissée à l’appréciation des professionnels de santé de ville pour la part complémentaire.

Vous avez évoqué la diversité d’organisation des systèmes de gestion, le besoin de développer des solutions nouvelles afin de répondre aux besoins de chaque professionnel de santé. Je rappelle que le tiers payant généralisé ne doit pas s’accompagner d’un alourdissement des tâches administratives pour le professionnel de santé, qui ne doit pas non plus supporter un risque financier. Cela suppose un paiement rapide, un suivi simple et un dispositif d’accompagnement, d’où vos engagements afin d’éviter les rejets de paiement en cas de carte Vitale non à jour ou de non-respect du parcours de soins par l’assuré. Il est donc très important de mettre en place un service de vérification en temps réel des droits des assurés.

Je m’interroge toutefois sur le coût de tous ces dispositifs, y compris pour le professionnel de santé. La récupération des franchises est également un sujet. Alors que l’hébergement d’un fichier de toutes les caisses existantes devra être réalisé, on imagine la lourdeur d’un tel travail. Cette énorme machine que vous allez mettre en œuvre suscite de grandes inquiétudes. Avez-vous des réponses rassurantes à nous apporter ?

M. Michel Liebgott. S’agissant des complémentaires, qui ont accès aux spécialités et aux cotations des actes, les médecins ont pointé le risque d’une augmentation des cotisations pour des patients « à risque », c’est-à-dire en fonction des pathologies ? Qu’en pensez-vous ?

M. Gérard Bapt. Monsieur Door, le tiers payant n’a jamais été obligatoire. Il est généralisé, mais la loi ne prévoit pas de sanction pour les professionnels qui ne l’appliqueraient pas – ce qui laisse supposer un mode volontaire.

Je félicite M. le directeur général de la CNAMTS pour les chiffres parus dans la presse aujourd’hui, qui montrent que le déficit du régime général de sécurité sociale a reculé en 2015 par rapport à celui de 2014, et est inférieur aux prévisions inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale. Monsieur Door, vous m’aviez reproché comme rapporteur du PLFSS de présenter un budget de la sécurité sociale insincère : il était bien sincère, puisque les objectifs ont non seulement été atteints mais dépassés.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Votre rapport indique que la garantie de paiement sera liée à l’identification de l’assuré par sa carte Vitale. Cela signifie-t-il que, sans cette carte, il sera impossible d’obtenir le tiers payant. Pouvez-vous nous confirmer qu’il sera toujours possible de remplir une feuille de soins pour le patient sans carte Vitale ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. Les députés qui ont défendu la généralisation du tiers payant, considérant qu’il s’agit d’une avancée sociale majeure, n’ont jamais nié le fait qu’un certain nombre de questions techniques se poseraient.

Concernant le dispositif normalisé d’interrogation des droits pour les complémentaires, votre rapport indique que l’objectif que se fixent les AMC est de mettre en place le téléservice IDB pour environ 90 % de leurs assurés dès la fin de l’année 2017. Ce chiffre correspond-il aux contrats responsables ?

Les conseillers informatiques services (CIS) des caisses primaires d’assurance maladie, qui accompagneront sur le terrain les professionnels de santé, seraient particulièrement utiles aux centres de santé, au sein desquels des dispositifs mutualisés de gestion administrative sont mis en place. Les CIS sont-ils en nombre suffisant pour être efficaces dans leurs missions ?

Les usagers ont été peu évoqués. Quels dispositifs d’information ont prévu l’AMO et l’AMC pour les patients, qui doivent eux-mêmes pouvoir se repérer dans un système de santé éminemment complexe ?

Mme Chaynesse Khirouni. La mise en application de la généralisation du tiers payant suscite de fortes inquiétudes chez les médecins généralistes. En effet, lors de la mise en œuvre du tiers payant intégral par les caisses primaires d’assurance maladie sur la base de l’option « médecin référent » de la convention spécifique des médecins généralistes, ils avaient constaté la difficulté à recouvrer la part AMC car les CPAM n’étaient pas en mesure de renseigner les cartes Vitale sur les droits correspondants aux mutuelles.

Dans votre rapport, vous rappelez que certains professionnels de santé – pharmaciens, biologistes – ont des taux de prise en charge en tiers payant qui avoisinent les 100 %. Est-il possible de transposer aux médecins généralistes cette expérience ? Et si oui, à quelles conditions ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je voudrais revenir sur le risque inflationniste évoqué par Monsieur Door. D’abord, certaines personnes bénéficient déjà de la dispense d’avance de frais grâce au « tiers payant social ». Ensuite, je pense que nos concitoyens ont autre chose à faire que d’aller voir des médecins pour rien – ils ont des activités, certains cherchent un emploi – et que les médecins, dont beaucoup sont déjà surchargés de travail, ont autre chose à faire que de recevoir de faux malades. En conséquence, je ne crois pas au risque inflationniste de la généralisation du tiers payant. Une augmentation – à la marge – des consultations chez les médecins ne signifierait-elle pas que le tiers payant généralisé permet à des gens de se soigner alors qu’ils ne faisaient pas jusqu’à présent ?

Monsieur le directeur général, j’aimerais avoir des éclaircissements sur les causes de rejets liés au non-respect du parcours de soins. Y aura-t-il un rejet pour les consultations en accès direct, par exemple chez les ophtalmologistes et les gynécologues ? De la même manière, une consultation chez un médecin autre que le médecin traitant fera-t-elle l’objet d’un rejet ?

M. Nicolas Revel. En ce qui concerne les échéances, je vous confirme que tout converge vers le 1er juillet 2016. D’ores et déjà, les délais de paiement en feuilles de soins papier ont été ramenés à 22 jours pour un petit nombre d’organismes dont les délais étaient probablement un peu longs – la moyenne actuelle étant inférieure à 15 jours. Pour le reste, la réconciliation des flux et le suivi des paiements, les éditeurs pourront proposer la mise à jour logicielle pour le rendez-vous du 1er juillet, sur la base du cahier des charges que nous avons publié. Du reste, les éditeurs font plusieurs mises à jour chaque année. Il existe un précédent, le tiers payant ACS, devenu un droit au 1er juillet 2015, pour lequel une mise à jour des logiciels SESAM-Vitale a été réalisée grâce à la publication d’un cahier des charges. J’attire votre attention sur la diversité des éditeurs qui équipent les professions de santé : certains facturent chaque mise à jour, d’autres proposent un forfait annuel – aux professionnels de santé de décider s’ils veulent activer ou non une mise à jour disponible. D’ailleurs, un certain nombre de professionnels de santé n’ont pas encore effectué leur mise à jour pour le tiers payant ACS – ce que nous ne maîtrisons pas, même si nous avons à cœur d’inciter les professionnels de santé à faire cette mise à jour, grâce aux conseillers informatiques services.

Sur les messages à diffuser, nous avons d’ores et déjà informé les représentants syndicaux sur ce que nous allons faire. Au cours des prochaines semaines, nous allons diffuser une information en direction de toutes les professions de santé sur les outils développés par la CNAMTS en nous efforçant d’être non pas rassurants mais clairs et précis. Nous avons également prévu d’informer les assurés concernés par l’étape du 1er juillet 2016. De même, nous avons prévu d’améliorer l’information à destination des assurés qui peuvent bénéficier de l’ACS – dispositif pour lequel le non-recours reste important –, avec une campagne de communication qui va démarrer dans les prochaines semaines.

Le coût pour le professionnel de santé est difficile à évaluer. En effet, d’une part, le tiers payant existe déjà – nous nous inscrivons dans une logique d’amélioration – et, d’autre part, des règles de rejets vont réduire les coûts, car nous allons réduire les rejets – les délais de paiement étant neutres financièrement. Restent deux coûts potentiels. Le premier est lié à la mise à jour logicielle, difficile à calculer car extrêmement variable d’un éditeur à l’autre et d’une profession à l’autre. Chaque année, les éditeurs procèdent à plusieurs mises à jour des logiciels dont ils équipent leurs clients, mais les coûts correspondants sont normés, sans variation selon le contenu de la mise à jour.

Le second coût est lié au choix éventuel du recours à des organismes concentrateurs tiers ou à des structures intermédiaires. Notre rapport indique que les prix de ces offres OCT selon les professions de santé et le volume de factures à gérer peuvent varier entre 12 euros et 25 euros hors taxes par mois. Dans ces conditions, y aura-t-il un coût ? Cela dépendra des cas. Ce coût sera-t-il important ? Je n’en suis pas certain, car la mise à jour logicielle sera réalisée une fois et le choix d’un concentrateur tiers sera laissé à la libre appréciation des professionnels de santé. Le coût de 3 euros par consultation avancé par certains, notamment par des centres de santé, est tout à fait contestable : je le récuse absolument.

S’agissant d’éventuelles incitations financières, j’attends que la question me soit posée dans le cadre des discussions qui s’engagent avec les médecins libéraux. Si cette demande est formulée, nous l’examinerons. Cet accompagnement n’aurait d’ailleurs rien de nouveau : nos conventions avaient prévu des aides à l’équipement informatique des professionnels de santé lors du passage à la télétransmission.

Je ne peux vous répondre sur les pénalités liées au délai. En effet, comme le prévoit la loi de modernisation du système de santé, c’est un décret qui fixera un délai de paiement pour l’AMO, assorti de pénalités en cas de paiement tardif.

Par ailleurs, nous allons faire évoluer le recouvrement des participations et franchises. Actuellement, nous les recouvrons à plus de 95 % par un prélèvement sur des flux de remboursement direct à l’assuré. Au fur et à mesure de la généralisation du tiers payant sur la part obligatoire, cette possibilité de recouvrement direct se réduira pour devenir, à terme, nulle. Nous allons donc déployer dès cette année des moyens de paiement diversifiés : paiement en ligne, prélèvement bancaire, règlement par chèque ou par tout autre moyen comme les TIP. Ainsi, nous appellerons progressivement le montant des participations et franchises dues, en veillant à ne pas mettre en difficulté des assurés par l’appel de sommes trop élevées.

Vous l’avez rappelé, 25 % des professionnels de santé ne disposent pas d’un équipement informatique. Or le code de la sécurité sociale pose le principe de la télétransmission. Va-t-on créer une incitation pour assurer le respect de cette obligation ? Je n’en suis pas sûr. Ce point sera abordé lors des prochaines discussions, sachant que ce pourcentage se réduit à la faveur d’un phénomène générationnel.

Nous avons à cœur de voir les solutions que nous proposons déployées par l’ensemble des régimes, y compris les régimes en délégation de gestion, dont certains ont évolué vers des systèmes d’infogérance avec l’Assurance maladie. Ainsi, nous pourrons d’autant plus les aider à se doter des mêmes règles de gestion que nous les aidons à gérer la production et les flux de remboursement.

Je ne reviens pas sur la réduction du déficit de la sécurité sociale en 2015, qui est en effet est une bonne nouvelle.

Même en l’absence de carte Vitale, le tiers payant est actuellement possible ; ce qui se joue, c’est la garantie de paiement. Face à un patient sans carte, le professionnel pourra consulter le téléservice pour vérifier les droits et, ainsi, émettre une facturation la plus fiable possible, mais sans garantie de paiement. La carte Vitale est en effet un élément d’identification de l’assuré et de fiabilisation de la facture.

Ce matin même, j’ai participé à une réunion des conseillers informatiques services qui s’est tenue au Mans. Ces conseillers informatiques services, appréciés des professions de santé, ont un rôle important à jouer dans l’accompagnement des professionnels de santé libéraux comme des centres de santé. Leur nombre me semble suffisant. Notons que la convention d’objectifs et de gestion prévoit la maîtrise des effectifs de l’Assurance maladie : nous ferons donc avec les moyens dont nous disposons.

Quant à la transposition de la pratique des pharmaciens, notons qu’il y a une grande différence entre l’activité d’une officine et celles des médecins généralistes. C’est un volume d’actes de dispensation très important qui a conduit les pharmaciens à s’adosser à des organismes concentrateurs tiers, que la profession a d’ailleurs contribué à structurer. D’ores et déjà, 8 300 médecins – donc une minorité – ont choisi de recourir à un OCT. Je ne suis pas certain que la majorité des médecins fera ce choix, beaucoup d’entre eux considérant pouvoir gérer le tiers payant à partir des outils que nous déploierons.

Enfin, le non-respect du parcours de soins représente à peu près 30 % des rejets liés au tiers payant. L’essentiel de ces rejets tient à l’absence de déclaration d’un médecin traitant, y compris pour des consultations de spécialistes en accès non direct – dans ce cas, le taux de remboursement par l’AMO est de 30 % et non de 70 %. Actuellement, si le médecin facture et appelle le paiement des 70 %, il y a donc rejet, ce que nous devons modifier. Nous l’avons fait pour les bénéficiaires de l’ACS depuis 2015 : le médecin est remboursé de la totalité de la part AMO, et la majoration du ticket modérateur est récupérée directement auprès de l’assuré. Cette évolution sera étendue à l’ensemble des assurés d’ici à la fin de l’année 2016 – les patients en ALD, pris en charge à 100 %, n’étant pas concernés par cette question du non-respect du parcours de soins.

M. Emmanuel Roux. Le contrat-type commun des AMC que nous proposerons aux médecins dès cette année simplifiera la mise en œuvre du tiers payant, en permettant à ces derniers de ne pas signer des contrats avec toutes les complémentaires. Ainsi, le tiers payant pourra être pratiqué par les 95 % d’organismes complémentaires représentés par l’association – nous mènerons des démarches pour amener les 5 % restants à adhérer. Nous n’envisageons pas à ce stade un contrat interprofessions car des dispositifs de tiers payant existent déjà, notamment avec les pharmaciens. Je précise qu’il s’agira d’un contrat technique : il ne portera que sur les éléments nécessaires au déploiement du tiers payant, dans le respect des principes et des règles garantissant les conditions d’exercice des médecins libéraux, issus notamment de la loi du 27 janvier 2014. La loi interdit aux complémentaires de toucher à l’exercice même de la pratique médicale.

Les complémentaires sont régies par un statut juridique très particulier, puisqu’elles sont soumises à la réglementation de l’assurance, laquelle vient d’être totalement modifiée par la directive européenne « Solvabilité II » qui impose aux organismes d’assurance de maîtriser le risque assurantiel, c’est-à-dire leur capacité à honorer leurs engagements vis-à-vis des assurés. Cela concerne les règles de constitution des fonds propres, mais aussi des règles de gouvernance, notamment un encadrement strict des délégataires de gestion. Nous avions jugé important de porter à la connaissance des pouvoirs publics cette dimension de notre activité. En effet, avait été évoquée dans le débat du tiers payant la possibilité de confier l’intégralité des opérations de tiers payant à un seul acteur, or cette solution se heurterait à des obstacles juridiques liés à la capacité d’un organisme d’assurance à contrôler une gestion déléguée.

Enfin, la mention dans le rapport de la mise à disposition par les AMC du téléservice IDB pour 90 % de leurs assurés dès la fin de l’année 2017 n’exclut pas un objectif de 100 %. Nous rendrons opérationnel le dispositif IDB pour l’ensemble de nos assurés, c’est-à-dire pour l’ensemble des professions de santé. Ce taux de 90 % s’explique par l’incertitude quant au déploiement du tiers payant chez les professions de santé compte tenu de la dimension facultative de la pratique, mais également par le fait que notre association ne fédère que 95 % des complémentaires.

Mme la présidente Catherine Lemorton. En mars 2012, M. Van Roekeghem, prédécesseur de M. Revel, avait évoqué la récupération, au cas par cas, de 314 millions d’euros de franchises. Cette somme a été récupérée en partie, les personnes en difficulté s’étant adressées à leur centre de sécurité sociale – dans ma propre circonscription, des retraités aux revenus mensuels de 800 euros s’étaient retrouvés avec des factures atteignant 150 euros. Nous avons donc réussi à régler le problème avec discernement. On peut supposer, Monsieur Door, que les futurs bénéficiaires du tiers payant, hors tiers payant social, seront solvables. Je pars du principe que la majorité de nos concitoyens sont honnêtes et utiliseront les moyens présentés par M. le directeur général pour s’acquitter de leurs franchises.

M. Jean-Pierre Door. Le montant des franchises a atteint la somme de 700 millions d’euros en 2013.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le montant total s’élève à 850 millions d’euros chaque année. Je parlais de 314 millions d’euros d’ardoise, c’est-à-dire de factures cumulées.

M. Jean-Pierre Door. Alors comment se fait-il que, depuis quatre ans, vous n’ayez pas supprimé des franchises si nocives ? C’était un engagement du Président de la République…

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ça n’a jamais été un engagement du candidat Hollande !

M. Jean-Pierre Door. Alors dépêchez-vous de régler ce problème. C’est le rapport de l’IGAS, au titre de sa recommandation n° 5, qui a souligné ce risque d’inflation.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, mesdames, messieurs.

La séance est levée à dix-huit heures quarante.

Présences en réunion

Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 15 mars 2016 à 17 heures

Présents. – M. Élie Aboud, M. Alexis Bachelay, M. Gérard Bapt, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, M. Gérard Cherpion, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Renaud Gauquelin, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Marie-Thérèse Le Roy, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré

Excusés. – Mme Valérie Boyer, M. Dominique Dord, M. Richard Ferrand, M. Henri Guaino

Assistait également à la réunion. – Mme Fanélie Carrey-Conte