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Commission des affaires sociales

Mercredi 30 mars 2016

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 37

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition des organisations représentatives des employeurs (MEDEF, CGPME, UPA) sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n° 3600) (M. Christophe Sirugue, rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 30 mars 2016

La séance est ouverte à seize heures vingt.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission procède à l’audition des organisations représentatives des employeurs (MEDEF, CGPME, UPA) sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs (n° 3600) (M. Christophe Sirugue, rapporteur).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous poursuivons notre marathon sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs en entendant la voix des instances patronales.

Comme nous, vous avez noté qu’il existe une version 1 et une version 2 du projet de loi et vous avez le sentiment de ne pas y avoir été associés. Nous avons donc au moins deux points communs.

Avez-vous été un tant soit peu associés à l’élaboration de ce projet de loi avant qu’il en soit fait état dans la presse ? Comme je l’ai dit hier à la ministre, jamais on n’a autant débattu d’un avant-projet de loi. C’est une première dans ma vie de parlementaire que de discuter d’un texte qui n’a pas encore été soumis au Conseil d’État.

M. Alexandre Saubot, président du pôle social du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). L’évolution du droit social et du code du travail fait l’objet d’échanges réguliers avec le Gouvernement. Nous savions qu’un projet de loi El Khomri était en préparation, notamment pour transposer le rapport Combrexelle. Mais l’avant-projet de loi, avant sa parution dans la presse, n’a pas fait l’objet d’une concertation complète et détaillée sur l’ensemble de ses dispositions. Certains des éléments qui le composent – la déclinaison du rapport Combrexelle, l’évolution du droit du licenciement – ont toutefois donné lieu à des discussions récurrentes avec le Gouvernement. Comme tout le monde, nous avons découvert, avec la version finale du projet, les arbitrages par rapport à la première version dont l’ambition résidait non pas tant dans les mesures prises séparément que dans la cohérence de celles-ci.

Je ferai deux remarques préliminaires. D’abord, il faut être conscient de la gravité de la situation économique de notre pays. Depuis trois ou quatre ans, on observe une divergence assez nette entre la croissance économique française et celle de ses grands voisins européens. Ce constat vaut également pour l’évolution du taux de chômage. Face à l’urgence économique et sociale, le monde patronal – mes voisins ne me contrediront pas – considère que des mesures ambitieuses et courageuses sont nécessaires pour inverser la situation et proposer aux entreprises un cadre plus adapté à la prise de risques et à la création d’emplois.

Les chiffres sont éloquents. Depuis 2012, la croissance française est sensiblement inférieure à la croissance moyenne de la zone euro. Quant au nombre de chômeurs sur les quatre dernières années, tandis qu’il augmentait en France de 600 000, il a baissé en Allemagne de 400 000 et de 800 000 en Angleterre. Cette situation atypique justifie, à tout le moins, de prendre certaines mesures.

Seconde remarque visant à lever toute ambiguïté, la réforme du code du travail ne peut pas être l’alpha et l’oméga d’une politique de l’emploi. Elle n’est qu’une brique de l’édifice, à côté de la réforme de la compétitivité qui, avec le pacte de responsabilité et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), vise à rapprocher la fiscalité française de la moyenne européenne, et du choc de simplification, dont les résultats sont malheureusement très limités sur le terrain. La construction normative et réglementaire, qui se poursuit, vient tous les jours compliquer la vie de nos entreprises, en particulier la « surtransposition » du droit européen que nous sommes les seuls à pratiquer. Certaines idées sont compréhensibles sur le plan philosophique mais nous sommes les seuls à vouloir les mettre en œuvre. En instaurant de nouvelles obligations sans en mesurer les conséquences sur l’emploi et sur la capacité de nos entreprises à se développer, on maintient ces dernières dans un environnement difficile.

Je le redis, la première version du texte traitait de manière assez cohérente des situations classiques que peuvent rencontrer les entreprises et proposait, de façon assez simple, des règles en matière d’emploi et de licenciement, économique ou individuel. Nos grands voisins européens connaissent ces dispositifs dont les effets sont incontestablement positifs sur l’emploi et neutres en termes de précarisation ou d’aggravation de la situation du marché de l’emploi.

Le débat né de la première version nous a paru assez surréaliste : le plafonnement des dommages et intérêts aux prud’hommes, et un régime clair du licenciement économique existent en Allemagne et dans d’autres pays européens ; le périmètre national pour apprécier les difficultés économiques de l’entreprise a été retenu dans tous les pays européens. Nous sommes le seul pays dans lequel cette appréciation porte sur un autre périmètre. L’Europe est certes un grand marché, mais avec des cycles économiques différents et des règles fiscales et sociales variables d’un pays à l’autre. La santé d’une entreprise présente dans trois ou quatre pays d’Europe est très rarement liée à des arbitrages de localisation ou d’optimisation, mais, comme on l’a observé ces dernières années, à la situation économique plus ou moins favorable dans chacun des pays. En termes d’attractivité pour les investisseurs, les spécificités françaises sont dissuasives.

La première version apportait des réponses au besoin de conquête de nouveaux marchés, avec les accords de développement de l’emploi. Ces accords traduisent la capacité à trouver dans l’entreprise des solutions pour être plus réactif et plus compétitif. Ils sont actuellement réservés aux entreprises disposant d’une représentation syndicale. Or 4 % seulement des entreprises françaises sont dotées d’une telle représentation. Cela signifie que 96 % des entreprises ne peuvent pas profiter de ce dispositif. Les solutions proposées gagneraient beaucoup à être enrichies pour tenir compte de cette réalité et de l’incapacité structurelle des syndicats à offrir une réponse à ces situations. Il ne faut y voir aucune tentative de contourner qui que ce soit. La grande majorité des entreprises françaises travaille très bien avec leurs représentants syndicaux, mais elles sont peu nombreuses à disposer d’interlocuteurs pour le faire.

Le retrait des dispositions relatives au plafonnement de l’indemnité prononcée par le conseil de prud’hommes fait également partie de nos regrets. Dans la première version, un salarié ayant vingt ans d’ancienneté était susceptible de partir avec vingt-cinq mois de salaire si le licenciement était reconnu comme dépourvu de cause réelle et sérieuse. On peut considérer que ce n’est pas assez. Cependant, je ne connais aucun chef d’entreprise qui regarde ce montant avec détachement et qui le considère comme une incitation à licencier ou un blanc-seing pour faire ce qu’il veut, bien au contraire. Je ne connais aucun chef d’entreprise qui embauche en pensant à licencier. En revanche, nous le savons tous, le recrutement est une matière difficile : il arrive que le salarié se trompe d’entreprise ou que l’employeur se trompe dans le choix de son collaborateur. Lorsque cette incompatibilité est constatée, avoir de la visibilité évite à l’entreprise d’entrer dans une période d’aléa économique qui peut aboutir, en particulier pour les plus petites entreprises, à des situations compliquées. Les exemples sont nombreux d’entreprises mises en difficulté par des décisions du conseil des prud’hommes. A contrario, certaines décisions des conseils de prud’hommes sont peu généreuses. L’absence de barème crée une inégalité dans les conditions de départ, assez étonnante, qui doit nous faire réfléchir sur le fonctionnement de notre justice.

Autre pilier du projet de loi, la clarification des motifs de licenciement économique. La France a fait le choix, que certains regrettent, de s’inscrire dans une Europe ouverte et de jouer le jeu de la mondialisation. Dans ce monde ouvert, la croissance de l’activité n’est plus assurée, comme lors des Trente Glorieuses, pendant de nombreuses années. Dans les bonnes périodes, le chef d’entreprise doit penser sa capacité à réagir lorsque l’activité économique se contracte ou lorsque les commandes se tarissent. Dans ces circonstances, l’incertitude juridique et calendaire est un frein au développement des affaires ainsi qu’au recrutement.

La version initiale du projet de loi présentait une opportunité de réduire la dualité actuelle du marché du travail en offrant la perspective aux personnes qui sont au chômage ou dans des contrats précaires d’accéder plus facilement au Graal que peut être le CDI.

À notre grand dam, la faculté pour les PME de se saisir de certains outils – mesure unilatérale, temps de travail des apprentis, et autres – a également été supprimée.

La seconde version a fortement réduit l’ambition de rapprocher le droit social français des standards européens que portait la première version. Tout nouveau recul, à travers l’examen de ce texte, serait perçu comme une grave erreur et une occasion manquée de donner une chance à notre pays d’entrer de plain-pied dans un environnement concurrentiel. Les entrepreneurs français aspirent seulement à bénéficier des mêmes règles que nos voisins et à travailler dans un monde ouvert, avec ni plus ni moins de boulets attachés aux pieds que leurs concurrents.

M. Pierre Burban, secrétaire général de l’Union professionnelle artisanale (UPA). La première version du projet de loi comportait un certain nombre de dispositions qui concernaient directement les TPE et les PME. L’UPA regrette vivement qu’elles aient été retirées dans le projet de loi qui a été déposé.

Nous sommes particulièrement critiques sur la philosophie du texte. Nous sommes d’accord pour assouplir et simplifier un code du travail très complexe et sédimenté. C’est la raison pour laquelle nous avons beaucoup travaillé dans le cadre de la mission Badinter et de la mission Combrexelle. Mais, dans le texte tel qu’il vous est présenté, la mise en œuvre des quelques dispositions qui demeurent apportant des assouplissements dans l’entreprise est conditionnée à la signature d’un accord d’entreprise.

Je conteste l’idée, ancienne et qui dépasse les clivages politiques, selon laquelle on peut régler tous les problèmes sans s’attaquer au cœur du sujet qu’est le code du travail, et contourner certaines dispositions par des accords d’entreprise. Je préfère vous le dire tout de suite, cela ne marchera pas.

Pourquoi ? Ce n’est pas moi qui le dis mais la Commission nationale de la négociation collective. La France compte, hors agriculture, 1 160 000 entreprises dont 98 % sont des entreprises de moins de cinquante salariés ; ces dernières emploient 53 % des salariés français. Les grands groupes de plus de 500 salariés ne représentent que 10 % du salariat. On semble parfois croire que la France n’est composée que de grands groupes, mais ce n’est pas la réalité. Chaque année, 40 000 accords d’entreprise sont signés – cela ne signifie pas 40 000 entreprises signataires puisqu’une même entreprise peut signer plusieurs accords. Admettons cependant que 40 000 entreprises négocient de tels accords, il n’en reste pas moins que 1 120 000 entreprises ne le font jamais et le chiffre est certainement plus élevé.

La solution du mandatement est une illusion. Les entreprises de moins de cinquante salariés n’ont pas envie d’y recourir et ne sont pas outillées pour le faire. Les accords demandent à être négociés par des spécialistes dont la quasi-totalité de ces entreprises sont dépourvues.

Nous ne sommes pas favorables au verrouillage des accords d’entreprise, tout en reconnaissant l’existence de besoins spécifiques selon la taille de l’entreprise. L’UPA n’a jamais milité pour le renversement de la hiérarchie des normes. Nous considérons que l’ordre public social doit continuer à relever de la loi. En revanche, certaines dispositions devraient relever de la branche, voire de l’entreprise. Pour les règles sur le temps d’habillage et de déshabillage, par exemple, la branche semble le niveau approprié. La branche doit définir ce que j’appelle l’ordre public de branche, c’est-à-dire déterminer les dispositions auxquelles il est possible ou pas de déroger. Autour de la table d’une branche, les acteurs sont responsables. Ce système pouvait apporter une respiration aux entreprises.

Le déverrouillage total – lorsque tous les sujets sont renvoyés à l’accord d’entreprise qui peut déroger à l’accord de branche – risque de poser des problèmes dans certains secteurs d’activité, en particulier le bâtiment. Dans ce secteur, les problématiques ne sont pas les mêmes pour l’artisanat, qui réalise 50 % de l’activité, et pour les « majors », qui représentent 30 % de celle-ci. Dans certains cas, il est nécessaire de fixer des règles de solidarité entre toutes les entreprises, quelle que soit leur taille. Nous restons attachés à ce principe.

Je caricature volontairement un peu. D’après un sondage que nous avons réalisé localement, les TPE et les PME considèrent que le texte ne les concerne pas. Non seulement le projet de loi n’est pas fait pour ces entreprises, mais l’article 19, dont il n’a pas été fait état devant la ministre lors de son audition hier, me semble-t-il, vise à revoir la représentativité patronale telle qu’elle a été modifiée par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

J’en profite pour répondre à votre question, madame la présidente. Le ministère du travail est traditionnellement un ministère qui discute avec les partenaires sociaux – c’est toujours vrai. Toutefois, la rédaction de ce projet de loi n’a pas donné lieu à une concertation spécifique. Tous les points qu’elle aborde ont été discutés de manière informelle. L’avant-projet nous a été présenté – et non remis – quelques jours avant sa publication dans Le Parisien.

L’article 19 revient sur la représentativité patronale alors que de nouvelles règles ont été fixées, voici quelques mois seulement, par la loi précitée, qui, elle, avait fait l’objet d’une concertation approfondie. Les organisations patronales n’avaient pas réussi à s’entendre sur un élément de pondération, mais elles avaient retenu le critère du nombre d’entreprises adhérentes pour mesurer la représentativité. Considérant que nous n’étions pas allés assez loin, le Gouvernement avait confié à Jean-Denis Combrexelle une mission. Les propositions législatives de son rapport sur la réforme de la représentativité patronale, qui était le fruit d’une large concertation, ont été reprises dans la loi.

Depuis 2015, le MEDEF ainsi que certaines fédérations représentant des grands groupes contestent les règles qui ont été arrêtées. Le décret d’application de la loi de 2014 a fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, fondé sur l’inégalité de traitement, qui a donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision du 3 février 2016, que les dispositions concernant la représentativité étaient conformes à la Constitution. À l’époque, le Premier ministre défendait la réforme au motif que de nombreuses organisations représentant des TPE et des PME risquaient d’être écartées.

Les dispositions de l’article 19 ne feront pas disparaître l’UPA mais elles en limiteront assurément le poids. Plus grave, elles priveront de représentativité de très nombreuses fédérations dans toutes les branches professionnelles qui représentent les TPE et PME. L’histoire des organisations patronales depuis 1945 est ainsi faite que certaines fédérations représentent plutôt des grands groupes, et d’autres plutôt des petites ou moyennes entreprises, quelques organisations de branche représentant tout le monde.

On ne peut pas, d’un côté, vouloir redynamiser la négociation sociale et, de l’autre, faire en sorte que les TPE-PME ne puissent plus avoir voix au chapitre dans les négociations au niveau des branches. Le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, souligne que ces dispositions n’ont fait l’objet d’aucune évaluation.

Le MEDEF et la CGPME ont signé un accord, que j’appelle occulte, car nous n’avons jamais pu en prendre connaissance. Pour justifier l’article 19, le Gouvernement prétend intégrer cet accord dans la loi. La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi prévoyait une concertation, qui devait prendre fin au plus tard le 15 novembre sur les évolutions possibles des règles de répartition des crédits et de gouvernance du fonds paritaire. La concertation a lieu le 16 novembre. Le président Crouzet n’a jamais dit que l’UPA ne voulait pas discuter.

Il nous semble que ce serait une erreur de changer le critère du nombre d’entreprises adhérentes servant à définir qui est autour de la table dans les négociations de branche ou interprofessionnelles. Puisque problème d’argent ou de répartition de sièges il y a, semble-t-il, l’UPA est tout à fait ouverte à la discussion sur ces sujets. Nous sommes prêts à examiner, par exemple, l’idée d’une répartition des crédits qui ne repose pas sur le nombre d’entreprises.

Il serait très grave que certaines fédérations ne soient plus représentatives et qu’elles ne s’assoient plus autour de la table de négociation. Cela posera un problème évident à de nombreuses branches professionnelles.

S’agissant des dispositions sur la modulation du temps de travail, nous notons qu’elles portent aujourd’hui sur neuf semaines, contre seize dans la première version.

Nous nous interrogeons aussi sur la réforme concernant la médecine du travail. La suppression de la visite d’aptitude ne nous semble pas une bonne chose, notamment pour les plus petites entreprises. Le code du travail impose au chef d’entreprise une obligation, non de moyens, mais de résultat. Or les artisans et les commerçants ne sont pas des médecins. Le fait qu’il n’y ait plus de visite d’aptitude va poser problème. Je pense même que cette suppression porte en germe la fin de la médecine du travail, qui trouvait son fondement précisément dans cette visite d’aptitude.

Certes, on a beaucoup fait pour améliorer la prévention, en s’inspirant notamment de ce qui existe dans les autres pays de l’Union européenne. Reste que je ne sais pas comment je vais expliquer aux artisans et aux commerçants qu’il leur faut cotiser sans pouvoir leur dire pourquoi.

M. Jean-Michel Pottier, vice-président de la CGPME, chargé des affaires sociales et de la formation. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu concertation : une concertation bilatérale a été organisée en décembre et en janvier. En revanche, la CGPME n’a eu connaissance du texte que le 18 février, une semaine après tout le monde et après que le rendez-vous a été reporté deux fois, c’est-à-dire le jour où la première version a été transmise au Conseil d’État, ce qui en dit long sur la prise en considération de l’appréciation de notre organisation. Autant dire que les carottes étaient déjà cuites…

Notre grande revendication, à la CGPME, est qu’un jour, le code du travail tienne compte de la réalité des TPE-PME, qu’il les distingue des grandes entreprises. Comme je le dis souvent, une petite entreprise n’est pas un modèle réduit de la grande. Nous avons eu un petit espoir puisqu’une fenêtre s’était ouverte dans la première version. Sans correspondre tout à fait aux propositions que nous avions faites, elle proposait trois ou quatre points intéressants.

Il y avait d’abord une disposition emblématique, que la loi Macron a failli nous accorder, mais qui a ensuite disparu : le plafonnement des dommages et intérêts, suite à un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou à un licenciement abusif, sachant que des licenciements sont classés dans la première catégorie pour de simples problèmes de forme. Nombreux sont les chefs de TPE-PME qui, par maladresse ou méconnaissance, se voient reprocher un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Et cela arrive – cela m’est arrivé – même lorsque l’employeur apporte la preuve de méfaits commis par le salarié, car le juge a un pouvoir d’appréciation. Il faudrait canaliser les choses, car ce pouvoir d’appréciation peut conduire à des situations catastrophiques pour l’emploi et pour l’entreprise. Quinze mois correspondant à vingt ans d’ancienneté, plus les indemnités légales conventionnelles, soit vingt-quatre à trente mois de salaire à la sortie, c’est, pour une TPE, purement et simplement mortel.

Autre point important pour nous, le licenciement économique après quatre trimestres consécutifs de baisse du chiffre d’affaires. Quand une TPE ou une PME subit une baisse de son chiffre d’affaires pendant quatre trimestres consécutifs, le licenciement se fait, en général, à la barre du tribunal de commerce. Il est trop tard ! Cela n’est peut-être pas vrai dans tous les cas, pour autant, c’est une réalité. Quand les employeurs, dans les TPE-PME, embauchent quelqu’un, c’est pour le garder. En cas de difficultés, ils font tout pour essayer de conserver leur personnel. Les TPE-PME ont-elles massivement licencié pendant la période de crise que nous vivons depuis 2008 ? Non. Le chef de TPE-PME n’utilise pas le licenciement comme un outil de régulation, simplement parce qu’il travaille au milieu de ses salariés. Leurs conditions de travail sont aussi les siennes ; il pousse le même caddie qu’eux au supermarché, pour faire ses courses. La qualité des relations humaines qu’il entretient avec ses salariés fait qu’en cas de problème, il ne pense pas au licenciement comme première mesure à prendre.

Il y avait deux dispositions intéressantes à conserver, qui ne relevaient pas, contrairement à ce qui a pu être dit, de la décision unilatérale de l’employeur : le forfait-jours, accessible dans les entreprises de moins de cinquante salariés, et la modulation du temps de travail. Il ne s’agissait que de la possibilité de proposer une modulation au salarié, celle-ci ne pouvant entrer dans les faits qu’après obtention de l’accord individuel du salarié. Là encore, on n’oblige personne ; on travaille ensemble, on discute, et on peut, de temps en temps, se mettre d’accord dans le cadre d’un intérêt partagé. Nombreux sont les salariés au forfait-jours qui veulent y rester ; tout aussi nombreux sont ceux qui voudraient bien y être parce que le système les intéresse. S’ils ont, par exemple, trois clients à voir sur différents chantiers, ils peuvent, s’ils le veulent, les voir dans la journée et rentrer chez eux. Le travail est terminé. Un forfait-jours, c’est beaucoup plus pratique, et de nombreux salariés le considèrent comme tel.

Au titre des mesures susceptibles d’améliorer le dialogue social, nous n’avons pas obtenu ce que nous réclamons depuis toujours : la possibilité d’avoir un dialogue social direct, mais encadré, au sein de l’entreprise. Les accords, dans les entreprises ne disposant pas de représentants syndicaux, seraient conclus avec les représentants élus du personnel. Ils seraient validés par un référendum dans l’entreprise et soumis à un contrôle de légalité par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), pour vérifier que personne n’a été abusé dans l’opération.

Outre ces garanties, déjà importantes, pour les deux parties, nous avons réfléchi à une garantie supplémentaire pour le salarié, qui serait, nous dit-on, moins capable dans une TPE-PME – je ne sais pas pourquoi – de résister à l’insatiable cruauté de son employeur. Nous proposons donc que ces salariés puissent accéder à une session de formation leur permettant d’avoir le même niveau de connaissance – bon nombre d’employeurs de TPE-PME pourraient, d’ailleurs, participer à cette session, dans la mesure où ils n’ont pas non plus forcément tous les éléments en leur possession.

Finalement, nous sommes devant une deuxième version assez désastreuse, qui fait naître, chez les chefs de TPE-PME, un sentiment d’exaspération que j’ai pu mesurer dans les territoires, ces dernières semaines. Une fenêtre s’était ouverte sur la prise en compte de la réalité de nos entreprises, mais elle s’est subitement refermée. Alors qu’on est en train d’élaborer un plan pour former 500 000 personnes supplémentaires, dans le même temps, on envoie à ceux dont on attend qu’ils créent de l’emploi un message qui les exaspère. C’est regrettable.

En fin de compte, que va-t-il rester dans le projet de loi ? Des charges supplémentaires financières et administratives liées à l’ouverture du CPA et aux nouveaux droits associés, charges dont on ne mesure pas les conséquences, en particulier au regard de la mise en œuvre complète du compte personnel de prévention de la pénibilité. Ce compte, c’est une arme de dissuasion massive pour les chefs de TPE-PME en matière d’emploi, un casse-tête épouvantable.

Reste, en outre, le problème de la distorsion de concurrence. Parce qu’elles ont des contreparties à donner dans la négociation et la possibilité de passer des accords d’entreprise, les grandes entreprises pourront négocier un coût du travail minoré par rapport aux petites et moyennes entreprises qui, elles, resteront au même point. Tout cela laisse un sentiment amer.

Il n’est pas trop tard pour améliorer les choses, reprendre certaines dispositions de la première version, voire les compléter par des propositions. La CGPME en fait tous les jours. Franchement, il est grand temps, dans ce pays, de prendre en compte la réalité que vivent les TPE-PME.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Merci, messieurs, pour votre présentation et pour les éclairages que vous nous donnez sur ce projet de loi. Pour ma part je m’en tiendrai au texte qui est en discussion à l’Assemblée nationale.

En ce qui concerne l’article 19 et la question de la représentativité, j’étais rapporteur du texte de la loi Rebsamen. À l’époque, on nous avait expressément demandé de laisser le soin aux organisations patronales de s’entendre entre elles, de ne pas inscrire dans la loi une disposition qui serait en contradiction avec leurs propres intérêts. J’entends que des accords ont été passés, mais pas entre toutes les organisations, selon le représentant de l’UPA. Je trouve toujours dommage que le législateur soit obligé de sanctionner un accord qui n’est pas unanime. Néanmoins, nous sommes ouverts pour avancer dans le sens d’une représentativité respectueuse de l’ensemble des organisations patronales.

Pour en revenir au fond, le texte a pour objectif de renforcer le dialogue social afin de trouver une adéquation entre l’accroissement de la compétitivité de nos entreprises et la préservation, voire l’amplification des droits des salariés. C’est à cet équilibre qu’il faut parvenir.

Pour ce faire, le texte propose des mesures qui constituent des avancées significatives. L’accord d’entreprise en fait partie. J’ai entendu la position de l’UPA. Elle ne me semble pas contradictoire avec le projet de loi, qui rappelle l’importance des accords de branche tout en faisant le pari de la confiance dans les partenaires sociaux à négocier au sein de l’entreprise pour trouver des accords majoritaires d’entreprise. Il s’agit d’assurer une forme de protection, au travers du supplétif ou des accords de branche, s’il n’y a pas d’accord d’entreprise. Cependant, il faut, en face, des contreparties. Or je n’ai pas entendu grand-chose sur le compte personnel d’activité, alors qu’il participe des éléments concourant à l’équilibre sans lequel le texte ne peut progresser.

Restent des difficultés, et des points qui méritent d’être précisés, en premier lieu, la clarification des motifs de licenciement. Aujourd’hui, le texte retient comme critère d’appréciation de la situation difficile de l’entreprise la durée : quatre trimestres, deux ou un, selon qu’on est sur l’ordre public, l’accord d’entreprise ou le supplétif.

Faut-il en retenir d’autres ? On peut comprendre que, pour certaines petites entreprises, un trimestre peut malheureusement suffire à les mettre en situation de fragilité, voire de fin d’activité. Je sais ce qui a été dit sur la distinction par la taille de l’entreprise, mais celle-ci vous paraît-elle un élément pertinent à retenir ?

En ce qui concerne l’ampleur de la difficulté économique, étant entendu qu’une baisse de 0,2 % peut être dramatique pour certaines entreprises mais pas forcément fragilisante pour les autres, quels pourraient être des motifs de licenciement qui ne porteraient pas seulement sur la durée ? Quatre mois, cela me paraît très long pour certaines entreprises.

J’en viens à la question du périmètre. J’entends l’argument de M. Saubot, selon lequel il y a, en Europe, des modèles différents du nôtre, et que nous sommes peut-être, de ce point de vue, une exception. Or la question du périmètre n’est pas neutre. J’ai, dans ma circonscription, un exemple qui illustre précisément ce que je crains. Il s’agit d’une entreprise locale, rachetée il y a près de deux ans par un groupe étranger qui avait promis des investissements. Or les investissements n’ont pas eu lieu et plus aucune commande n’a été donnée à l’entreprise locale, qui s’est retrouvée contrainte de licencier le personnel, puis les représentants syndicaux. Les licenciements ont été refusés par l’inspection du travail, qui n’a pas considéré que la situation économique était difficile. C’est là le type de situation que nous risquons d’avoir, c’est-à-dire une entreprise fragilisée, pas forcément volontairement, par un groupe parce qu’il peut y avoir des réalités propres au territoire. Comment anticiper, voire corriger ce type de difficulté ?

Je me demande s’il ne serait pas possible de faire une distinction entre des groupes qui n’ont qu’une même activité et qui peuvent se retrouver fragilisés par un retour de conjoncture, et une holding dont les activités sont diversifiées et qui pourrait être moins légitime à considérer qu’une entreprise, quelque part en France, est en situation fragile alors que l’ensemble du groupe pourrait être appelé à la solidarité. Ces considérations peuvent-elles constituer une piste de réflexion ?

Enfin, s’agissant des TPE-PME, une remarque m’a été faite, au cours des auditions, sur l’impossibilité de provisionner pour anticiper un risque de contestation ou la programmation d’un licenciement. Avez-vous, sur ce point, des éléments qui pourraient nous éclairer ?

Mme Monique Iborra. Nous avons bien compris, messieurs, que vos espoirs étaient déçus. Pourtant, lors des auditions que nous avons menées avec d’autres de vos représentants, ce texte ne paraissait pas aussi négatif que ce que vous nous décrivez aujourd’hui. Certes, nous vous demandons de nous dire ce qui ne va pas, mais il semble tout de même que ce projet de loi donne une souplesse qui n’existait pas auparavant.

Monsieur Burban, vous avez dit qu’il n’y avait pas grand-chose à négocier dans les entreprises de moins de cinquante salariés, et que la négociation au niveau de l’entreprise ne changerait rien. Selon vous, il faut se référer aux accords de branche, et on déroge ou on ne déroge pas. Dans ce cas, c’est la décision du chef d’entreprise qui prime sur toute autre négociation. Il est difficile de l’admettre.

La suppression de la visite d’aptitude va entraîner, dites-vous, la disparition de la médecine du travail. En tant que chef d’entreprise, en quoi cette suppression peut-elle vous gêner ?

Monsieur Pottier, vous avez fait des propositions que nous n’avions pas entendues jusqu’à présent, s’agissant notamment du référendum. Notre groupe est, en effet, très préoccupé par l’application de cette loi dans les petites et moyennes entreprises. Nous avons compris que les organisations syndicales tenaient à ce que le mandatement soit mis en place, arguant que ce dispositif avait bien fonctionné pour la mise en place des 35 heures.

Les accords de branche spécifiques adaptés aux TPE et aux PME pourraient-ils vous satisfaire ? Cette éventualité vous paraît-elle préférable au mandatement ?

M. Gérard Cherpion. J’ai le sentiment que l’article L.1 du code du travail n’a pas été respecté. Nous l’avons entendu tant ce matin que cet après-midi, en fin de compte, il n’y a pas eu d’ouverture de négociation, la ministre se référant à une demande qui aurait été faite dans le cadre du rapport Combrexelle. Lorsqu’on veut parler de dialogue social, il faut respecter la règle.

En ce qui concerne les retours en arrière de la version 2 par rapport à la version 1, avec la fin du barème des indemnités prud’homales qui, de contraignant, devient uniquement indicatif, on revient finalement à la loi Macron, avec un décret qui devrait être publié avant juillet 2016. Cela va être un véritable problème pour les petites entreprises. Dans des cas d’ancienneté importante, on atteint des sommes qui représentent plus de quinze mois de salaire. Nombre de petites entreprises sont déjà confrontées à ce problème. On a vu des dépôts de bilan liés à des condamnations par le conseil de prud’hommes. J’aimerais que vous alliez un peu plus loin dans votre explication.

En ce qui concerne le retour du monopole syndical en matière de négociation collective, la version 1 prévoyait de donner une place plus importante au dialogue social direct entre les salariés des TPE et les employeurs, avec, notamment, l’aménagement du temps de travail sur seize semaines, contre quatre actuellement, et neuf semaines dans la version qui nous est proposée aujourd’hui.

Seul M. Saubot s’est exprimé sur le problème du forfait en jours et du mandatement dans les entreprises de moins de cinquante salariés. J’aimerais que vous alliez plus loin dans votre analyse.

Vous n’avez pas exprimé votre position sur le recul des mesures de simplification de l’apprentissage et de l’alignement du temps d’apprentissage sur le temps du chantier, qui pourrait être modulé. Cet article, en effet, a disparu du texte.

Par contre, le compte personnel d’activité sort renforcé de la deuxième version. La question sera de savoir s’il intégrera le compte épargne-temps. Il faudrait aussi revenir sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. Enfin, le compte personnel de formation (CPF) a bien du mal à prendre son envol, comme le montre l’excellent rapport déposé récemment par deux parlementaires.

Vous n’avez pas évoqué l’introduction, par le 6° de l’article 1er du fait religieux dans l’entreprise, que le Gouvernement assure être à droit constant, reprenant la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) et de la Cour de cassation, mais qui cristallise un certain nombre d’inquiétudes. Est-ce vraiment le moment de présenter ce type de dispositions ?

S’agissant du licenciement économique, j’estime que le critère des quatre trimestres consécutifs de baisse du chiffre d’affaires est trop restrictif. Certaines entreprises risquent de mourir avant cette échéance. Il faut retenir une autre durée. Pensez-vous que le choix de deux trimestres serait pertinent ?

Enfin, d’autres points apparaissent préoccupants, tels le passage de la modulation du temps de travail de seize à neuf semaines et le fractionnement du temps de repos en fonction de l’astreinte dans le forfait en jours. Serait-il possible, selon vous, de revenir à la première version, sous réserve d’un accord de branche, en particulier dans les TPE et les PME ?

M. Arnaud Richard. Le groupe UDI est très satisfait que notre commission auditionne ce matin et cet après-midi les partenaires sociaux. Bien que nous soyons convaincus de la nécessité de réformer le code du travail, nous ne pouvons que désapprouver la méthode retenue par le Gouvernement. Ce texte n’a pas été discuté en amont dans le détail, et le diable se cache précisément dans les détails. Rédiger un texte aussi vaste, aussi important, avec autant de conséquences sur l’ensemble des partenaires sociaux sans appliquer le premier article du code du travail ne me paraît pas sérieux.

Ce cadre général posé, j’en viens à des questions plus précises.

Estimez-vous, messieurs, que ce projet de loi instaure de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, comme son titre extrêmement vendeur voudrait le suggérer ? En d’autres termes, est-il en mesure de créer des emplois ou permettra-t-il seulement de sécuriser les licenciements ?

Les TPE et les PME apparaissent comme les grandes oubliées. Quelles mesures les concernant auriez-vous souhaité voir figurer ?

Le Gouvernement entend développer, à travers cette loi, la culture de la négociation, mais il apparaît que les mesures liées au renforcement du dialogue social – augmentation des heures de délégation pour les délégués syndicaux, restructuration des branches – ne font pas consensus. Nous aimerions connaître vos différents points de vue sur ces sujets.

L’article 10 prévoit le renforcement de la légitimité des accords collectifs : pour être valide, un accord devra désormais être approuvé par des syndicats ayant recueilli au moins 50 % des suffrages. Dans le même temps, il ouvre la voie à la consultation des salariés à l’initiative des organisations syndicales. Êtes-vous satisfaits de ce nouveau dispositif ? Faut-il, selon vous, aller plus loin ?

Le Gouvernement envisage une réforme de la représentativité patronale à l’article 19 et prévoit une pondération selon le nombre de salariés. Quel regard celles des organisations qui ne se sont pas encore exprimées portent-elles sur ces dispositions ?

Le droit à la déconnexion a été introduit dans le projet de loi mais reste, à ce stade, extrêmement sommaire. Une place pleine et entière est laissée en ce domaine à la négociation d’entreprise. Avez-vous des propositions à faire pour mieux encadrer l’usage des nouvelles technologies et améliorer l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale ?

Concernant l’apprentissage, quelles seraient vos préconisations pour le développer et mieux intégrer l’apprenti dans la sphère professionnelle ?

Mme Dominique Orliac. Beaucoup de choses ont déjà été dites en amont sur ce projet de loi. Sortant d’une réunion à Matignon, Pierre Gattaz avait haussé le ton et dit sa déception devant les dispositions concernant les prud’hommes et la suppression unilatérale de mesures pour les PME, « grandes victimes de la version 2 du projet de loi », selon lui. Du côté de la CGPME, le constat est amer : son président, François Asselin, a déclaré que ce projet de loi n’allait rien changer dans la vie d’une entreprise patrimoniale et qu’il serait source de difficultés qui n’existaient pas avant. Enfin, les représentants de l’UPA ont dit avoir été entendus mais pas écoutés.

Y a-t-il, dans ce projet de loi, des points que vous considérez comme intéressants et positifs ?

J’aurais aimé avoir votre sentiment sur le compte personnel d’activité. Les organisations patronales avaient estimé que la mise en place du compte personnel de prévention de la pénibilité, entré en vigueur le 1er janvier 2015, posait problème – ce que je peux concevoir dans certains cas. Le délai pour l’entrée en vigueur du CPA, fixée au 1er janvier 2017, ne vous paraît-il pas trop court ?

L’article 8 ajuste les règles de révision des accords pour tenir compte de la réforme de la représentativité syndicale et patronale, avec une pondération selon le nombre de salariés. Il clarifie les conséquences de la dénonciation ou de la mise en cause d’un accord en vue de sécuriser tant les employeurs que les salariés concernés. Il ouvre également la possibilité de réviser des accords d’entreprise par la négociation dérogatoire, y compris dans les entreprises dépourvues de délégué syndical par le biais d’un salarié mandaté. Ces nouvelles dispositions sont-elles, selon vous, de nature à provoquer des difficultés pour les TPE et les PME ?

Je souhaiterais également avoir l’avis des représentants du MEDEF et de la CGPME sur la visite médicale à l’embauche, puisque M. Burban s’est déjà exprimé sur ce sujet.

M. Michel Liebgott. Vos interventions laissent apparaître une évidence : un fossé sépare les grandes entreprises des PMI et des PME.

Les grandes entreprises s’en sortent plutôt bien, grâce notamment au CICE que nous avons mis en œuvre. La situation des grands groupes le montre. Dans ma région, frontalière de l’Allemagne et du Luxembourg, je constate qu’ArcelorMittal, Tata Steel, ThyssenKrupp n’ont jamais aussi bien fonctionné. Elles embauchent alors qu’on laisse entendre que la croissance n’est pas encore de retour. En outre, de 2014 à 2015, le nombre d’emplois créés en France par des entreprises étrangères a augmenté de 30 %. Les entreprises d’une certaine importance ne me paraissent donc pas aujourd’hui être en difficulté, bien au contraire.

En revanche, se pose un problème pour les PMI et les PME.

Je constate, depuis ma circonscription voisine de l’Allemagne, des différences sensibles entre la conception très familiale des entreprises allemandes et la conception que nous avons en France. J’aimerais que vous m’éclairiez sur ces différences, d’un point de vue historique et prospectif.

Je suis surpris que vous refusiez la démarche du mandatement. Vous soulignez souvent que l’on se parle au sein de la petite entreprise, mais parler ne suffit pas, il faut qu’un dialogue social puisse déboucher sur des résultats concrets. Les échanges au sein d’une entreprise ne se résument pas aux relations amicales.

S’agissant des branches, leur nombre est sans doute beaucoup trop important en France, la comparaison avec l’Allemagne ne le montre que trop. Le projet de loi ne prévoit pas véritablement de définition pour la branche. Comment la définiriez-vous ? Comment imaginez-vous le fonctionnement des branches si leur nombre est ramené à deux cents ?

Enfin, je considère que vous avez tort de vous opposer au compte personnel d’activité. C’est un excellent dispositif, appelé à fonctionner non seulement à l’intérieur de l’entreprise mais également à l’extérieur. Il sera utile pour les salariés, qui seront appelés à souvent changer de métier dans les années qui viennent.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous partageons, messieurs, votre analyse sur la gravité de la situation de l’emploi dans notre pays et la nécessité d’établir un nouveau cadre plus adapté à la prise de risques des entreprises et à la création d’emplois.

Nous avons auditionné ce matin même les organisations syndicales. Inutile de vous dire qu’elles sont assez divisées et que leurs positions sont aux antipodes de celles que vous venez d’exprimer. Avec ce que nous entendons de part et d’autre, nous nous demandons à quel consensus il sera possible de parvenir, quel équilibre pourra être atteint pour répondre à l’ambition que cette loi affiche dans son titre.

Vous nous avez beaucoup parlé de la première version que vous trouviez intéressante, en particulier du point de vue des critères de licenciement. Vous aimeriez les voir évoluer en fonction de la taille et de la situation des entreprises. L’ancien ministre du travail nous a expliqué que la diminution du chiffre d’affaires devait se maintenir sur une période encore plus longue pour motiver des licenciements économiques ; j’imagine que vous aimeriez plutôt une évolution inverse.

J’ai cru comprendre que le mandatement constituait un vrai chiffon rouge pour vous. Vous avez pris soin de rappeler la très faible proportion d’entreprises pourvues de délégués syndicaux. Cela me semble faire partie des sujets sur lesquels vous ne voulez pas céder, comme les syndicats n’entendent pas céder sur d’autres.

S’agissant des accords-types, la ministre nous a expliqué que certaines organisations patronales y étaient assez favorables afin d’éviter les distorsions de concurrence à l’intérieur des branches. Il y aura, d’ailleurs, un énorme travail à effectuer pour réduire le nombre de ces branches.

Certains d’entre vous souhaitent conserver la visite d’embauche et l’avis d’aptitude pour ceux des métiers les plus exposés, car il y a un risque pour les entreprises. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Enfin, l’article 1er définit des principes essentiels sur lesquels devra se fonder une commission d’experts chargée de travailler à une nouvelle rédaction du code du travail. Auxquels de ces principes tenez-vous particulièrement ? Quels sont ceux que vous rejetez ?

M. Gérard Sebaoun. Le compte personnel de prévention de la pénibilité semble faire figure d’épouvantail. Je m’étonne que les organisations patronales en soient encore là après tous les débats que nous avons eus, les différentes missions qui ont été menées et les simplifications qui ont été apportées dans la loi.

Depuis la loi de 2010, je note que dans le BTP, où la prévention est essentielle compte tenu des forts risques d’accidents, un accord relatif à la prévention de la pénibilité et à l’amélioration des conditions de travail a été signé le 20 décembre 2011. Vous trouverez dans ses cent vingt pages l’ensemble des facteurs de risques que nous avons inscrits dans la loi. Nous dire qu’aujourd’hui les branches ne sont pas en mesure d’effectuer ce travail relève donc de l’intoxication, il n’y a pas d’autre mot. Je ne comprends pas ce combat d’arrière-garde. La pénibilité, messieurs, fait partie de la vie de vos salariés. Je sais que vous la prenez déjà en considération. Maintenant, il faut faire en sorte que les branches accomplissent ce nécessaire travail.

Ma deuxième question portera sur l’inaptitude. Le texte renvoie aux prud’hommes et à un expert près la cour d’appel ; le droit existant à l’inspection du travail et aux médecins contrôleurs régionaux. Il me semble que le droit actuel est suffisant ne serait-ce que parce que les prud’hommes ont déjà beaucoup à faire, et les experts en matière de médecine du travail près les cours d’appel n’existent pas.

M. Jean-Louis Costes. Messieurs, je vais vous poser une question que j’ai adressée ce matin aux représentants des organisations syndicales des salariés. Cette loi est présentée comme une remise à plat des relations sociales dans l’entreprise. Dans le secteur public, un principe général de laïcité s’applique. Ne serait-il pas temps d’appliquer ce principe au secteur privé pour résoudre certains problèmes dont nous avons pu avoir connaissance dans les années passées ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. Merci, messieurs, de nous permettre de saisir la diversité de vos positions, en particulier sur la question qui est au cœur de nos débats : l’inversion de la hiérarchie des normes.

Ma question s’adresse à ceux qui, parmi vous, sont favorables à la possibilité de déroger par accord d’entreprise à l’accord de branche dans un sens moins favorable pour les salariés. Comment, selon vous, éviter, dans un tel schéma, la concurrence au sein d’une même branche et les risques de dumping à la baisse sur, par exemple, la rémunération des heures supplémentaires ou le temps de travail ? J’ai la conviction que nous avons besoin, en ce domaine, d’éléments forts de régulation.

Par ailleurs, j’aimerais avoir votre avis sur la possibilité pour les organisations syndicales recueillant 30 % des suffrages de déclencher un référendum d’entreprise.

M. Gilles Lurton. Alors que nous n’en étions qu’à la première version de la loi, le Premier ministre avait clairement affirmé que ce texte était fait pour les TPE et les PME. « C’est là où il y a la peur d’embaucher, nous devons lever cette crainte » a-t-il déclaré il y a environ un mois. Je ne cesse de le dire depuis le début de ces auditions, une réforme du code du travail doit effectivement avoir pour objectif de créer les conditions propices à la redynamisation de l’emploi et à l’inversion de la courbe du chômage, qui doivent être notre préoccupation à tous. Quand je vous écoute, messieurs, j’ai plutôt le sentiment que cette loi ne concerne absolument pas les PME et les TPE.

Dans ces conditions, quel est l’intérêt d’une telle loi, qui ne comporte pas moins de cinquante-deux articles ? Quels sont les éléments qui, selon vous, seraient susceptibles d’intéresser les entreprises ? Quels points mériteraient d’être retenus pour leur faciliter la vie ?

S’agissant de la pénibilité, je ne partage pas l’analyse de M. Sebaoun. J’aurais voulu avoir votre avis sur les dispositions intégrant le compte personnel de prévention de la pénibilité dans le compte personnel d’activité. Le calcul de la pénibilité a posé de nombreuses difficultés depuis l’instauration du compte pénibilité dans la loi sur les retraites de 2013. Ces difficultés, mes collègues du groupe Les Républicains et moi-même les avions pressenties et nous les avions largement dénoncées au cours des débats dans l’hémicycle. La loi s’est d’ailleurs révélée inapplicable et le Gouvernement a dû confier une mission à Michel de Virville pour trouver une solution applicable dans les entreprises. Quels constats tirez-vous de l’application des dispositions relatives à la pénibilité dans les entreprises, notamment les TPE et les PME ?

M. Michel Issindou. Merci, messieurs, de vos propos francs et directs. C’est sur le même ton que je m’adresserai à vous.

J’aimerais vous faire part du décalage qui sépare les propos des chefs d’entreprise sur le terrain des discours que vous tenez dans cette enceinte. Vous avez des mots durs pour cette deuxième version du projet de loi, qui vous semble non seulement moins bonne que la première, mais de nature à aggraver la situation actuelle.

Les chefs d’entreprise que je rencontre se plaignent des complexités du code du travail, des lourdeurs à l’embauche, du poids des charges et des difficultés à trouver du personnel qualifié. Nous avons procédé à des allégements de charges à travers le pacte de responsabilité et le CICE. Les 41 milliards d’allégements de charges patronales ont d’ailleurs fait débat parmi nous. Nous avons mis en place, sous la responsabilité commune de l’État, des régions et des partenaires sociaux, une formation professionnelle de qualité, axée notamment sur les chômeurs.

Et après que nous avons consenti tous ces efforts, vous nous dites qu’ils ne serviront à rien. Comprenez notre déception ! J’aimerais que vous nous expliquiez comment faire.

Pour ce qui est de la médecine du travail, votre volonté de conserver la visite d’embauche est une double illusion, et vous le savez tous. Premièrement, seules 3 millions sont aujourd’hui effectuées sur les 20 millions qu’il faudrait faire passer, compte tenu du très grand nombre de contrats à durée déterminée. Nous n’avons plus la capacité de les mener à bien. Qui plus est, dans les quinze années à venir, le nombre de médecins du travail sera diminué par deux. Expliquez-moi comment faire face à une telle réalité ? Deuxièmement, ces visites ne protègent pas les entreprises, qui sont soumises à une obligation de résultat. D’ailleurs, la visite d’aptitude se conclut par 99 % de réussite, personne n’ayant intérêt à dévoiler ses problèmes de santé éventuels.

Le véritable intérêt de la médecine du travail, à laquelle je crois beaucoup, réside dans la prévention, comme vous l’avez souligné, monsieur Burban. Son rôle est de maintenir les salariés en bonne santé. Or conserver la visite d’embauche systématique se fera au détriment de la prévention et de la prise en charge des cas difficiles.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous avez raison de rappeler ces difficultés. Il m’est arrivé, en tant qu’employeur, de demander la visite d’un médecin du travail : elle est intervenue après la fin du CDD du salarié concerné, mais la note m’a quand même été envoyée !

M. Bernard Perrut. Nous sommes bien conscients que cette loi, quels que soient ses mérites, ne résoudra pas tout. Sur le terrain, nos commerçants, nos artisans, nos agriculteurs attendent beaucoup d’une réforme qui ne sera, à mon sens, pas suffisante.

S’agissant du compte personnel d’activité, vous indiquez qu’il nécessite une véritable réflexion, tant au regard de son contenu que de sa mise en œuvre, car les conditions ne sont pas toutes remplies. Quelle solution pourrait vous satisfaire ? Peut-on ajouter au compte personnel de formation un nouveau compte engagement citoyen ? J’aimerais avoir votre avis sur cette question.

Vous voyez dans le compte personnel de prévention de la pénibilité, le C3P, inclus dans le périmètre du CPA, une source d’incertitude forte pour les entreprises : contraintes, coûts administratifs, interprétation de critères obscurs susceptible de fragiliser les petites entreprises. Ne faudrait-il pas d’abord expérimenter le C3P avant de le généraliser ? Quelles sont vos préconisations en ce domaine ?

J’aimerais aussi vous entendre à propos de l’apprentissage pour savoir si les mesures qui le concernent vous paraissent suffisantes, s’agissant notamment de la simplification de la collecte et de la répartition de la taxe d’apprentissage.

Quelle est votre position sur l’expérimentation du contrat de professionnalisation pour le demandeur d’emploi ?

Enfin, que pensez-vous des nouvelles mesures relatives à la garantie jeunes ? Quelles seraient vos exigences pour qu’elle soit efficace en termes de formation et d’emploi afin de conduire les jeunes dans la voie qui semble la meilleure ?

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Merci, messieurs, pour vos interventions qui ont mis en lumière le fait que vos préoccupations divergeaient selon la taille des entreprises. Je partage les propos qu’ont tenus certains de mes collègues à propos des TPE et des PME qui n’ont pas les moyens des grandes entreprises, cela va de soi.

Monsieur Saubot, vous avez affirmé que ce texte ne réglerait pas le problème de l’emploi. J’ai toutefois le sentiment que la création d’emplois est la raison première qui a présidé à son élaboration. D’où ce toilettage du code du travail qui pose problème aux entreprises.

Je m’attarderai sur l’argument du risque de contentieux qui empêcherait les entreprises d’embaucher. Il est sûr que les délais de règlement des litiges sont beaucoup trop longs et qu’ils sont anxiogènes pour les chefs d’entreprise, mais aussi pour les salariés.

Selon vous, la détermination des indemnités de licenciement pourrait remettre en cause jusqu’à l’existence d’une entreprise. Or les juridictions prud’homales sont paritaires, vos organisations en font donc partie. Sauf erreur de ma part, le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation : il peut tenir compte de la réalité économique et sociale de l’entreprise pour déterminer les indemnités. Avez-vous des propositions pour améliorer le règlement de ces litiges autres que la systématisation des indemnités, solution qui n’est ni juste ni réaliste ?

Embaucher semble être vécu comme un risque. Peut-on imaginer un système assurantiel avec un fonds mutualisé pour couvrir les risques que vous invoquez ?

Enfin, comment voyez-vous le rôle des chambres consulaires en termes d’accompagnement et de conseil auprès de leurs membres, surtout lorsqu’il s’agit de petites et moyennes entreprises ?

M. Jean-Patrick Gille. Je suis troublé par vos positions. Il est malaisé de discerner une doctrine du patronat sur l’articulation entre le niveau de la branche et le niveau de l’entreprise, qui sera au cœur de nos discussions.

Je suis un peu déçu par vos réticences à propos du compte personnel d’activité. Elles sont sans doute liées au compte pénibilité, car il me semble que vous étiez initialement plutôt favorables au CPA. Pour ma part, je milite pour une voie audacieuse qui consisterait à intégrer un compte épargne-temps.

À propos de la représentativité, M. Burban n’a pas tout à fait tort. Il n’y a plus de pondération puisque le calcul est fondé à 20 % sur le nombre d’entreprises adhérentes et à 80 % sur le nombre de salariés. Je pense que nous aurons à préciser cette question, d’autant qu’elle est au cœur du débat sur l’articulation entre les grandes entreprises et les petites entreprises et sur le poids des branches. Tous ces sujets se tiennent. Il faut éviter un décrochage entre les différents niveaux d’entreprise. La solution n’est certainement pas simple. En outre, les autres secteurs d’entreprises, qui relèvent de ce que l’on nomme le multi-professionnel, ne se retrouvent pas dans les propositions faites.

Enfin, j’aimerais avoir votre retour sur des propositions peu évoquées mais qui sont importantes, car elles sont au cœur des débats qui agitent les Français et des enjeux liés du marché de l’emploi. Je veux parler de la lutte contre la fraude au détachement des travailleurs.

M. Bernard Accoyer. Le Gouvernement a reculé sur la barémisation des indemnités prud’homales. Cela implique un retour au barème indicatif de la loi Macron, dont les juridictions prud’homales feront ce qu’elles voudront. Il représente déjà, pour les petites entreprises, des montants très élevés, sources de grandes difficultés qui aboutissent parfois à leur mort.

Quelle est la position de vos organisations sur ce point ? Qu’attendez-vous des parlementaires en termes d’amendements ?

M. Richard Ferrand. Deux points m’étonnent particulièrement.

Voici quelques années, on nous expliquait que le problème principal rencontré par les entreprises, c’était le coût du travail : nous avons essayé d’apporter des réponses, notamment par le CICE et les quelque 40 milliards déjà rappelés par Michel Issindou. Certains ont même arboré un pin’s laissant entendre qu’il existait un lien automatique entre la baisse du coût du travail et la création de nombreux emplois. On connaît la suite.

Ensuite, on nous a dit qu’il fallait renforcer le dialogue social dans l’entreprise, ce que ce projet de loi s’efforce, je crois, de faire. Nous entendons vos réticences sur le mandatement, qui est pourtant monnaie courante dans le modèle allemand qu’on nous cite souvent en exemple. Là encore, je voudrais comprendre : peut-on, au sein du modèle allemand, effectuer de cette façon un tri sélectif ?

Je rappelle, par ailleurs, que le barème dont il est question ici ne concerne pas les indemnités de licenciement, mais les dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ou abusif. L’enjeu est plutôt, me semble-t-il, d’encadrer la qualification du caractère abusif d’un licenciement que de borner ce qui doit relever de la liberté des juges, c’est-à-dire l’ampleur de la réparation d’un préjudice. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs jugé, dans sa censure de l’article concerné de la loi Macron, que l’on ne peut pas faire varier le barème suivant la taille de l’entreprise.

Vous paraîtrait-il, messieurs, préférable que le conseil des prud’hommes fonctionne sur le mode de l’échevinage, c’est-à-dire qu’il soit présidé par un magistrat professionnel ?

Enfin, le projet de loi part du postulat que ce sont la complexité et la rigidité du code de travail qui découragent les chefs d’entreprise d’embaucher. Est-ce vraiment le cas ? Les dirigeants d’entreprise sont-ils à ce point inhibés ? Je précise ici que j’ai moi-même créé quelques entreprises, et que j’en ai dirigé toute ma vie.

M. Yves Censi. Monsieur Burban, l’exposé des motifs de ce projet de loi et tous les textes qui l’accompagnent font moult références aux changements de la société et de l’environnement économique, ainsi qu’à la complexité du code du travail. Mais je ne vois, dans le texte du Gouvernement, aucune mesure qui amènerait un changement profond – pour l’essentiel, il ne fait que confirmer la jurisprudence de la Cour de cassation. Le droit du travail est, en effet, pour l’essentiel jurisprudentiel : la complexité ne vient pas tant de la loi que de l’instabilité de la jurisprudence. Voyez-vous vraiment dans ce projet de loi un changement profond ? Ne se contente-t-il pas de confirmer une jurisprudence qui, devenue loi, fera à son tour l’objet d’une nouvelle jurisprudence, tout aussi instable, de la chambre sociale de la Cour de cassation ? Ce n’est pas un reproche que j’adresse à la Cour de cassation, mais enfin nous savons tous que c’est la justice qui est à l’origine de ces variations de la norme.

Par ailleurs, le projet de loi indique qu’en cas de conflits de normes, notamment entre accords d’entreprise et accords de branche, c’est la norme la plus avantageuse qui s’appliquera. Mais l’on entend aussi que le principe de faveur sera en réalité abandonné. Où est, d’après vous, la vérité ? Les juges ne vont-ils pas, une fois encore, fixer la norme, et rendre ce projet caduc ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je m’interroge, comme Kheira Bouziane-Laroussi, sur le rôle des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l’artisanat : sont-elles pleinement utilisées ? Remplissent-elles leurs missions au service des artisans et des commerçants – qui cotisent ?

S’agissant de l’article 19, comme la CGPME et l’UPA, je m’interroge : élue du territoire où est implanté Airbus, je peux vous assurer que la situation n’est pas la même dans cette très grosse société et dans les nombreuses PME sous-traitantes de la région. Si nous n’y prenons pas garde, il peut y avoir une inégalité des voix qui sont entendues.

L’article 29 va, me semble-t-il, plutôt dans le sens des PME – même si l’on pourrait, suivant la proposition d’un syndicat de salariés ce matin, porter le seuil de 50 à 250 salariés, par cohérence avec la définition des PME retenue par la loi de modernisation de l’économie. Cet article n’est-il pas un signal envoyé aux dirigeants des TPE et PME, qui pourront appliquer des accords-types spécifiques et les adapter à leur entreprise à travers un document unilatéral qu’ils porteront à la connaissance des salariés ? Ma lecture est-elle bonne ou mauvaise ?

M. Alexandre Saubot. Merci de ces nombreuses questions, auxquelles je vais essayer de répondre de façon synthétique.

En ce qui concerne, tout d’abord, les prud’hommes et le fameux barème, on ne peut pas nier la forte dualité de notre marché du travail : 80 % du stock de contrats composé des CDI, mais 80 % des embauches en CDD. C’est là l’un des effets de notre code du travail, même s’il n’est, bien sûr, pas la seule cause de ce phénomène ; dire le contraire, refuser de reconnaître là la peur du recrutement en CDI, c’est méconnaître les chiffres.

Il faut souligner, en outre, que ce barème intervient à la quatrième étape d’un licenciement : lorsqu’une entreprise est obligée – et c’est toujours dans des circonstances malheureuses, voire dramatiques – de se séparer d’un salarié, elle lui verse des indemnités légales, et le plus souvent aussi des indemnités conventionnelles. S’il y a discussion, transaction, début de négociation, alors l’entreprise lui verse souvent des indemnités supplémentaires. Ce n’est que si, une fois déterminées ces indemnités, le salarié allait devant les prud’hommes et que ceux-ci jugeaient le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, que le barème proposé par le projet de loi s’appliquerait. Il n’y a donc là aucune précarisation, aucune fragilisation ; il s’agit de clarifier et d’encadrer, afin que les uns et les autres puissent prévoir ce qui peut arriver en cas de recours devant le juge prud’homal. Dans de nombreux domaines, les dommages et intérêts sont encadrés, sans que cela pose de difficulté majeure ; des dispositifs de ce type existent dans de nombreux pays. Il y a eu beaucoup de désinformation sur ce sujet. Je redis donc qu’il s’agit seulement de clarifier et d’encadrer.

Aujourd’hui, cela a été dit, 80 % des annulations de licenciements par les prud’hommes se fondent sur des motifs de forme, c’est-à-dire des motifs complètement indépendants de ce qui s’est réellement passé dans l’entreprise. Nos propositions visent à faire prévaloir le fond sur la forme dans les décisions des prud’hommes : elles permettraient d’atténuer la peur de l’embauche et le sentiment d’injustice souvent éprouvé aujourd’hui.

La question de la nature des causes réelles et sérieuses a également été évoquée. Souvent, je viens de le dire, le juge s’arrête aux questions de forme ; mais il faut aussi souligner que le droit français confie au juge un pouvoir d’appréciation très large. Dans les faits, les prud’hommes essayent de réparer ce qu’ils perçoivent comme des injustices : la séparation étant le plus souvent à l’initiative de l’employeur, ils essaient de réparer le dommage. Les critères de licenciement individuels sont larges, et devraient la plupart du temps permettre au juge de constater la réalité du motif invoqué ; mais, souvent, celle-ci n’est pas reconnue, et la lecture de la loi qui a cours aujourd’hui conduit fréquemment à la condamnation de l’employeur.

Le barème était un vrai outil qui permettait d’aller au-delà de ces questions de forme et de clarification du droit, qui sont juridiquement très complexes : les réponses des experts et des avocats spécialisés aux questions qui leur sont posées sont très variées. La limitation des dommages et intérêts à des niveaux raisonnables et surtout clairs permettait de redonner de la visibilité. Le premier effet de ce dispositif aurait été de vider les tribunaux prud’homaux, puisqu’au moment de la discussion, le gain financier espéré de cette activité contentieuse aurait été mieux estimé. La probabilité de trouver un accord aurait augmenté ; l’on aurait infiniment moins sollicité les prud’hommes pour obtenir un supplément par nature extrêmement aléatoire, parfois très bon et parfois très mauvais.

Beaucoup de questions portaient également sur le licenciement économique et les critères qui permettent de l’apprécier. Le projet de loi, je le redis, ne fait que clarifier ou mettre noir sur blanc la jurisprudence actuelle.

Cela a été dit : quatre trimestres de baisse d’activité, dans la vie de beaucoup d’entreprises, surtout des petites, c’est beaucoup trop. En inscrivant dans la loi, pour des entreprises plus petites ou pour certaines catégories d’entreprises, des durées plus courtes, on se rapprocherait de la réalité économique et du fonctionnement des entreprises. Cela permettrait aux entreprises de réagir avant d’être en péril, comme elles le font dans leur activité économique.

En revanche, monsieur le rapporteur, nous sommes très réservés, voire franchement hostiles, à l’ajout de nouveaux critères – quantification, par exemple, de la baisse du chiffre d’affaires. On apporterait une rigidité qui n’existe pas aujourd’hui, et on réduirait encore la capacité des entreprises à démontrer une difficulté économique ! Mieux vaudrait retirer tous les critères du texte et en rester au droit actuel, quelque imparfait qu’il soit.

La médecine du travail a été évoquée à de nombreuses reprises. Le projet de loi prévoit, non pas de supprimer la visite d’aptitude, mais de la réserver aux situations où elle a une valeur de protection du salarié et de la responsabilité de l’employeur. Nous sommes favorables à cette mesure : il paraît raisonnable de considérer qu’un employé de bureau, assis toute la journée devant un ordinateur, ne rencontre pas les mêmes problèmes qu’un ouvrier travaillant en usine ou sur des chantiers, dont la condition physique et la capacité à faire le boulot sont essentielles. L’employeur a une responsabilité pour la période où ce salarié aura travaillé : nous sommes, dès lors, attachés à l’idée de disposer d’un point de référence au moment où débute la carrière dans l’entreprise. La mesure inscrite dans le projet de loi répond surtout à la pénurie actuelle de médecins du travail, à laquelle personne n’a apporté de réponse satisfaisante.

S’agissant de la responsabilité, nous sommes porteurs d’amendements en ce domaine : un chef d’entreprise qui a fait toute diligence pour organiser la visite ne doit pas se voir reprocher un retard ! Mme la présidente disait elle-même qu’elle avait connu un cas où une date de visite médicale d’aptitude avait été proposée trois mois après la fin du CDD. Nous sommes prêts à assumer toutes nos responsabilités, mais les obligations qui pèsent sur l’employeur doivent être raisonnables : un peu de clarification s’impose.

La question de la capacité des TPE et PME à se saisir des accords est revenue régulièrement ; elle est liée à celle du mandatement. Il faut le redire, le mandatement existe depuis une bonne quinzaine d’années, et il ne marche pas. Il n’a fonctionné que lorsque les 35 heures ont rendu obligatoire de négocier, dans chaque entreprise, un accord destiné à limiter les conséquences dramatiques de ce choc considérable qui s’est abattu sur l’économie française.

Nous ne parlons pas ici d’accords obligatoires partout, mais d’occasions données de faire des choses de façon plus intelligente et plus souple. J’ai entendu parler de moins-disant, de réduction des droits. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Ces accords doivent permettre aux entreprises non pas de faire la même chose en moins bien, mais de faire des choses qu’elles ne feraient pas si elles ne pouvaient pas s’adapter. Quel chef d’entreprise va proposer à ses salariés un accord prévoyant une majoration de la rémunération des heures supplémentaires de 10 % au lieu de 25 % si ce n’est pas pour explorer un nouveau marché, pour saisir une opportunité ? C’est dans ce type de circonstances qu’un accord pourra être obtenu. Imaginez une entreprise qui a une nouvelle affaire en Pologne, une opportunité aux États-Unis, mais qui fait face à une forte concurrence : les règles habituelles ne permettront pas de prendre ce business ; il faut alors donner de la souplesse pour aller chercher cette nouvelle activité. Les heures supplémentaires rémunérées à 10 % de plus, il ne faut pas les comparer à des heures supplémentaires rémunérées à 25 % de plus, mais à pas d’heures supplémentaires du tout, voire à pas de boulot du tout ! C’est ainsi que, dans la majorité des cas, se poseront les questions, puisque ces outils seront accessibles par accord au sein de l’entreprise.

Le mandatement ne fonctionnant pas, nous avons fait des propositions sur le dialogue social dans l’entreprise. À notre sens, syndicats ou pas, tous les systèmes qui fonctionnent – la comparaison avec nos voisins le montre – reposent sur la légitimité de l’interlocuteur du chef d’entreprise. Or la vraie légitimité passe par l’élection.

Il ne s’agit nullement pour nous d’engager quelque contournement des syndicats que ce soit, car il y a de la compétence chez eux, et nous avons besoin, sur des sujets complexes, d’interlocuteurs formés et compétents. Mais nous avons d’abord besoin d’interlocuteurs légitimes : quelle que soit la structure retenue, le chef d’entreprise doit discuter avec des salariés élus – syndiqués ou pas, peu importe, car ces élus pourront aller chercher du conseil et du soutien auprès des syndicats à chaque fois que c’est nécessaire.

Dans les plus petites entreprises, il n’y a pas d’élus : notre proposition – dont nous sommes prêts à discuter – est que les salariés désignent en leur sein un interlocuteur pour la négociation. C’est la meilleure solution ; on peut ensuite, comme l’a dit Jean-Michel Pottier, imaginer qu’un référendum ratifie l’accord.

De nombreux petits assouplissements, concernant par exemple les astreintes et les temps de repos, ont disparu du texte, comme l’a remarqué M. Cherpion. Pourtant, autoriser la modification de ces règles par un accord de branche ou d’entreprise permettrait aux entreprises de s’adapter à un monde qui change et où le temps de travail ne se calcule plus comme avant. Il s’agit, en fait, de ne pas obliger ces entreprises à vivre dans l’illégalité – illégalité subie, contrainte, et d’ailleurs parfaitement acceptée par les salariés concernés, dans des banques ou des assurances par exemple. S’il y a une surcharge ponctuelle dans un service, les salariés concernés ne pourront pas respecter les règles légales, tout le monde le sait : en accord avec eux, un dispositif est mis en place, et les salariés reçoivent une rémunération complémentaire, une prime, un soutien. Ces situations sont bien identifiées ; elles sont techniquement illégales, mais acceptées des salariés. Ensuite, l’inspection du travail passe derrière et aligne les gens : dans le monde d’aujourd’hui, on ne peut pas travailler dans le parfait respect des règles.

Il s’agit donc uniquement de permettre à un corps collectif – branche ou entreprise – de fractionner le temps de repos, et non de le réduire, ou bien de gérer autrement les astreintes. Ce sont de petites choses, mais qui pourraient apporter beaucoup à la qualité de la vie dans l’entreprise et au dialogue social. Ces mesures allaient dans le bon sens, et nous nous réjouirions qu’elles soient réintégrées dans le texte.

Il a aussi beaucoup été question du C3P. Je le redis avec une certaine solennité : avant la loi de 2014, les critères de pénibilité s’attachaient au poste de travail ; dans le dispositif de 2014, ces critères s’appliquent à la personne, qui se voit octroyer des droits.

Il y a dès lors deux problèmes : celui de la polyvalence, puisqu’il n’y a pas une seule entreprise – et c’est encore plus vrai des plus petites – qui sache dire ce que fait exactement tel employé à tel moment de la journée ; celui des droits créés, qui engendrent un appétit du salarié pour occuper le poste réputé pénible. Le lien entre l’appréciation théorique de la pénibilité d’une tâche et les conditions de travail ressenties par le salarié est en effet, notamment dans l’industrie mais pas seulement, tout à fait ténu : il y a donc des gens qui veulent occuper ou continuer d’occuper des postes pénibles, parce qu’ils y gagnent des points. Un tel dispositif décourage de surcroît la prévention.

Le monde patronal présent ici sera unanime, je crois, pour dire qu’il faut réfléchir à la pénibilité et à sa prévention, ne serait-ce qu’en raison de l’allongement de la durée de vie au travail. Mais le dispositif retenu fait courir un risque considérable à l’attractivité de notre pays et au fonctionnement de nos entreprises.

D’autres questions portaient sur l’ambition de la loi ou sur son manque d’ambition. À l’évidence, ce projet contient des dispositions intéressantes, même si elles concernent finalement peu d’entreprises ; d’autres nous inquiètent plus ou nous paraissent difficilement applicables. Dans mon introduction, j’ai voulu me demander si cette loi était à la hauteur de l’enjeu : 5,5 millions de chômeurs, un pays qui décroche par rapport à ses grands voisins. Sommes-nous capables d’apporter à cette situation des réponses équivalentes à celles qui l’ont été en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Royaume-Uni ? Sommes-nous prêts à utiliser des outils qui ont fait leurs preuves chez nos voisins pour endiguer enfin le fléau du chômage ? Voilà les questions que nous devons nous poser.

S’agissant du CICE, je rappelle qu’il concerne tout le monde. Je rappelle également que la baisse des charges de 2014 à 2017 ne permet que de revenir à la situation de la fin de 2010 : à 40 milliards d’augmentation des charges ont répondu 40 milliards d’allégements. Et l’on ne peut pas dire que notre situation économique était florissante en 2010.

Néanmoins, le CICE constitue à l’évidence un pas dans la bonne direction, reconnu et salué comme tel par l’ensemble des organisations patronales à de nombreuses reprises. Ce que nous demandons, que ce soit en matière fiscale ou plus largement juridique, c’est de pouvoir travailler dans un environnement équivalent à celui de nos concurrents allemands, anglais, italiens ou espagnols. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

S’agissant de l’apprentissage, nous soutenons pleinement l’idée de bon sens que si un apprenti mineur pouvait avoir le même temps de travail que son tuteur, on faciliterait considérablement le fonctionnement de ce dispositif. Il ne s’agit pas d’exploiter qui que ce soit, mais d’emmener un apprenti sur un chantier, par exemple : si tuteur et apprenti travaillent aux mêmes horaires, le binôme fonctionnera mieux. Nous ne demandons rien d’autre dans le cadre de ce projet de loi. Nous avons, par ailleurs, d’autres propositions pour une réforme en profondeur de l’apprentissage, mais cela dépasse le cadre fixé ici.

S’agissant enfin de la garantie jeunes, c’est un dispositif récent et dont l’efficacité a été très peu évaluée. Si je puis émettre un avis éclairé, il me semble que le seul critère de performance de ces outils devrait être celui du retour à l’emploi ; mais je n’ai pas l’impression que le recul soit suffisant aujourd’hui pour apprécier la pertinence de cette mesure.

M. Pierre Burban. Plusieurs questions portaient sur la question des accords d’entreprise, des accords de branches et de la hiérarchie des normes. Nous restons convaincus, par pragmatisme et absolument pas par idéologie, que l’accord de branche est indispensable à l’immense majorité des entreprises françaises. Permettre aux accords d’entreprise de déroger à ces accords de branche n’est pas forcément une bonne chose : nous considérons qu’il aurait été préférable que les assouplissements soient prévus par l’accord de branche.

Le mandatement peut évidemment poser problème, et d’abord un problème symbolique, puisqu’un syndicat envoie quelqu’un dans votre entreprise. Et, très concrètement, ce qui est facile à Paris ne l’est pas toujours ailleurs. Je peux vous l’assurer pour l’avoir constaté au moment des négociations des 35 heures. D’abord, il fallait que l’artisan trouve une organisation syndicale de salariés, ce qui n’est pas évident dans tous les départements ; ensuite, malgré mon affection et mon grand respect pour ces syndicats, je dois bien dire qu’elles ne répondaient pas toujours !

Par ailleurs, je me suis mal fait comprendre, je crois, ce qui veut dire que je m’explique mal. Croyez-vous que le PDG de Renault négocie lui-même tous les accords et connaisse le code du travail par cœur ? Évidemment non : il dispose d’experts ; il adhère, qui plus est, à une bonne organisation qui aide les services compétents au sein de Renault. Mais à un artisan, à un commerçant, même s’il a vingt ou trente salariés, on demande tout : c’est l’homme-orchestre ! Il doit être parfait : bon à la production, bon commercial, bon dans la relation avec ses fournisseurs… Doit-il en plus devenir un spécialiste du code du travail ?

Vous me direz qu’en obligeant ces entreprises à recruter quelqu’un pour gérer ces problèmes, on va créer des emplois. Mais c’est une illusion !

Prenons des exemples très concrets. Lors de l’instauration des 35 heures, la branche de la boucherie a voulu attendre, pour élaborer son accord de branche, qu’arrive l’échéance pour les entreprises de moins de vingt salariés. Les adhérents de la confédération, dont certains étaient des entreprises de plus de vingt salariés, ont protesté. Leurs cotisations devaient servir, précisément parce qu’ils ne disposaient pas des compétences nécessaires en interne, à ce qu’elle s’occupe de leur accord de branche.

Autre exemple, nous venons de renégocier un accord avec les syndicats de salariés. Il nous a fallu cinq mois et six réunions pour y arriver. C’est du boulot de négocier ! Cela ne fait pas partie du quotidien de toutes les entreprises de France. Ce n’est pas qu’il faille interdire la négociation, mais ce n’est pas la vraie vie, ne nous berçons pas d’illusions.

Si l’on ressent une forme d’exaspération chez les chefs d’entreprise, mais aussi chez le citoyen de base, c’est parce qu’ils ne voient pas les effets des lois votées. Les entreprises que nous représentons nous disent toutes que le code du travail est compliqué, mais elles n’ont pas le sentiment, pour l’instant, que ce projet de loi leur simplifiera la vie. Gare aux illusions ! Au bout du compte, ce sont les extrêmes et le mécontentement qui progressent.

S’agissant du critère de licenciement économique, Jean-Michel Pottier l’a dit, la condition de durée des difficultés rencontrées n’est pas du tout adaptée pour les plus petites entreprises. Au bout d’un tel délai, elles sont déjà devant le tribunal de commerce ! L’un des gros problèmes des TPE-PME est celui des fonds propres, et, globalement, de la trésorerie. Aujourd’hui, on ne peut provisionner que pour un risque avéré ; mais lorsqu’il est avéré, il est trop tard. Le président de l’UPA Jean-Pierre Crouzet a fait une proposition qui consisterait à envisager un mécanisme de provisionnement pour le risque de rupture du contrat de travail.

En ce qui concerne la laïcité, l’article 1er ne fait effectivement que reprendre la jurisprudence actuelle. Mais voir cela écrit noir sur blanc, c’est tout de même autre chose, et cela suscite beaucoup d’inquiétudes. Je ne suis pas mandaté pour le dire mais, on ne peut pas poser le principe de laïcité dans l’entreprise de la même manière que dans la sphère publique. Pour des raisons historiques et culturelles, la vie de certaines professions est ponctuée par des fêtes liées à la religion – songeons à la Saint-Honoré, par exemple. Nous sommes attachés au principe de laïcité, mais je pense qu’il faut examiner la question de manière approfondie.

Enfin, la lutte contre la fraude au détachement est une bonne chose. Il faut être très attentif à cette pratique, car, dans certains secteurs, il n’y aura bientôt plus que des salariés détachés – le mouvement est déjà bien engagé. Je sais bien qu’il est illusoire de l’envisager, mais il faut réviser la directive détachement de telle sorte que la protection sociale accordée au salarié soit celle du pays d’accueil et non plus celle du pays d’origine. Ainsi, le problème du détachement serait immédiatement réglé.

M. Jean-Michel Pottier. En ce qui concerne les critères du licenciement économique, je le répète, la pratique des PME n’est pas de licencier à tout-va, bien au contraire. On a vu, pendant la crise économique que, globalement, les chefs de TPE-PME ont tout fait pour conserver leur personnel. Certains ont même trop tardé à licencier et c’est le tribunal de commerce qui s’en est chargé.

Je l’ai dit tout à l’heure, en quatre trimestres, on se retrouve devant le tribunal de commerce. Retenir une telle durée ne sert donc pas à grand-chose.

Dès lors, quel autre critère retenir ? C’est extrêmement compliqué. Que fait un chef d’entreprise quand il a des difficultés ? Pour ma part, lorsque j’ai été condamné à payer 65 000 euros pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse, je ne me suis pas payé pendant six mois et j’ai remis de l’argent dans l’entreprise. De ce fait, si l’on avait pris comme critères la situation de la trésorerie et celle du compte d’exploitation, on aurait vu une amélioration. Aurait-on pu, pour autant, en déduire qu’il y avait ou non matière à licenciement économique ? Si j’avais voulu procéder à un licenciement économique, à tous les coups, le juge m’aurait condamné. Pourtant, la situation de l’entreprise ne s’est pas redressée pour des raisons économiques, c’est moi qui l’ai sauvée.

En ce qui concerne le mandatement syndical, nous avons l’expérience des 35 heures. Pourquoi le mandatement syndical est-il compliqué en France ? L’idée est communément répandue que les patrons de PME ne veulent pas entendre parler des syndicats. Mais croyez-vous que leurs salariés le veuillent ? Pas du tout ! D’ailleurs, dans 94 % ou 96 % des entreprises, ils ne sont pas syndiqués. Cette très faible syndicalisation tient au discours même des grandes organisations syndicales, un discours formaté pour la grande entreprise, où règne un climat de lutte et de conflit qui n’a rien à voir avec ce que vivent les salariés de PME au quotidien : ils travaillent ensemble avec leur patron et sont plus préoccupés de trouver des solutions communes que d’entretenir un conflit permanent.

Le leurre du dialogue social, c’est le privilège syndical : rien ne se fait si on ne passe pas par une organisation syndicale. Nous proposons une autre approche, avec des garanties multiples : un accord négocié avec un salarié élu, validé par référendum à la majorité qualifiée et soumis à un contrôle de légalité. Ce dernier, en détectant immédiatement si tel ou tel point du code du travail n’est pas respecté, permet de situer d’emblée un accord dans les clous. Je ne vois pas l’intérêt du rescrit social : il n’empêche pas le contrôle du juge et ne permet pas d’éviter les contestations puisque le rapport est contractuel. Ce n’est pas la même chose qu’en cas de rescrit sur une cotisation due par l’entreprise.

Nous proposons comme autre garantie un accès facilité à la formation pour les salariés élus d’une TPE-PME qui s’engagent dans une négociation, mais ce pourrait être intéressant également pour le chef d’entreprise. On pourrait même imaginer – mais cela n’engage que moi – que cette formation soit éligible de droit au compte personnel de formation. La qualité des acteurs et de leur dialogue serait ainsi garantie.

On parle toujours des indemnités prud’homales, mais il s’agit, en fait, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour un motif dit « abusif ». Nous l’avons dit, dans bien des cas, la forme l’a emporté sur le fond. Il y a peut-être là quelque chose à améliorer. Une autre piste d’amélioration consisterait à favoriser la conciliation, ce que ne fait pas le système actuel. Plutôt qu’une prime fiscale et sociale au jugement en dernier ressort, mieux vaudrait donner une prime à la conciliation le plus tôt possible. Inversons les choses.

Quant au plafonnement, si vous m’interrogez sur son intérêt, je vais raconter mon histoire de licenciement sans cause réelle et sérieuse pour la vingt-quatrième fois…

Aujourd’hui, le provisionnement est fiscalement impossible. Je vous livre une réflexion personnelle sur laquelle la CGPME n’a pas pris position. De même que les entreprises peuvent aujourd’hui se prémunir de la charge que représentent les indemnités de départ à la retraite, on pourrait imaginer d’avoir dans un même cadre fiscal cette possibilité d’une provision externe pour ce type de risque. Des expérimentations sont en cours et cette piste mériterait d’être creusée.

S’agissant de la visite médicale d’aptitude, si on ne la supprime que pour une partie du personnel, qui déterminera quels sont les postes dits « à risque » pour lesquels elle devra être maintenue ? Comme d’habitude, cela restera de la responsabilité de l’employeur ! S’il y a un manquement de la médecine du travail, c’est l’employeur qui en est responsable. Mme la présidente a fait part de son expérience, permettez-moi de vous raconter la mienne. Vous le savez, toute entreprise qui emploie plus de dix salariés doit faire établir par le médecin du travail une fiche d’entreprise dans laquelle celui-ci répertorie les risques et les moyens de protection collectifs ou individuels qu’il préconise. Des mois durant, j’ai réclamé cette fiche, j’ai envoyé deux lettres de relance à la médecine du travail, et, pour finir, après une descente de la patrouille, on m’a collé un avertissement parce que je n’avais pas de fiche d’entreprise ! Attention, donc, à tout cela. Je ne suis pas sûr que la suppression de la visite médicale d’aptitude soit de nature à offrir à l’employeur cette sécurité annoncée dans l’exposé des motifs du projet de loi.

La CGPME a toujours été très favorable aux accords types de branche ; nous l’avons dit à l’époque du rapport Combrexelle et nous n’avons pas changé d’avis. Seulement, aujourd’hui, le projet de loi prévoit que les accords devront être approuvés par une majorité de 50 %. Ce sera déjà difficile pour un accord de branche tout court, alors pour des accords types de branche, c’est-à-dire des accords pour les TPE-PME discutés avec des représentants syndicaux issus de la grande entreprise, cela risque de prendre vraiment beaucoup de temps. D’ici à ce que cela produise des effets, la prochaine législature sera terminée ! Nous soutenons donc l’esprit, mais pas cette condition de majorité de 50 %.

D’autant que ces accords types ne sont même pas fléchés dans cette deuxième version du projet de loi. Faut-il vraiment attendre des accords types de branche pour régler les problèmes d’aménagement du temps de travail ? Excusez-moi, mais, c’est en interne, entre le patron et les salariés de la TPE-PME, que cela se règle. On n’a pas besoin d’un outil complètement démesuré sur un sujet, du reste, consensuel. Quand il y a du boulot, on voit ensemble comment faire face au carnet de commandes ; quand il y a moins de commandes, on s’organise ensemble aussi. Pour une fois, ne pourrait-on nous faire confiance ? Au fond, c’est tout ce que nous demandons.

Sur le fait religieux, la CGPME voit une différence entre la jurisprudence et la transcription qui en a été faite dans le texte : la jurisprudence est en creux, alors que, dans le projet de loi, l’article est en relief. Il retient comme postulat qu’« il est possible de… sauf… », alors que la jurisprudence procède par la démarche inverse.

J’ai oublié de citer, parmi les améliorations possibles, la réduction du délai de contestation du licenciement, qui est de six mois en France. En Allemagne, il est de deux semaines ! Nous ne demandons pas qu’il soit raccourci à ce point, mais nous voudrions un début de sécurité juridique.

Pourquoi le compte personnel d’activité nous inspire-t-il quelque réticence ? J’ai demandé aux branches professionnelles pourquoi elles n’étaient pas en mesure, aujourd’hui, de faire des référentiels de branche. La première difficulté, c’est la confusion entre le poste de travail et l’individu, comme l’a dit Alexandre Saubot. Le compte de pénibilité s’adresse à l’individu et pas au poste. Le deuxième problème tient à la polyvalence qui caractérise l’activité des salariés dans les TPE-PME. Dans mon entreprise, il faudrait que je les équipe d’une caméra GoPro ! En fonction des nécessités de production, ils passent d’un travail répétitif sur une machine pendant deux heures à autre chose. J’invite les sceptiques à passer une journée dans mon entreprise. Qu’ils viennent avec le code du travail, les arrêtés et les machins et qu’ils m’expliquent à quel point tout cela est simple !

M. Gérard Sebaoun. Ce n’est pas le sujet !

M. Jean-Michel Pottier. Si !

Les branches professionnelles ont deux problèmes. Si elles édictent des référentiels, elles vont ipso facto faire basculer des salariés polyvalents des TPE-PME, qui ne sont pourtant pas exposés. De surcroît, la loi impose à la branche, dans le cadre du référentiel, de dénoncer les coupables, c’est-à-dire de désigner dans la branche tel pourcentage de salariés soumis aux facteurs de pénibilité. À moins de vouloir faire voler en éclats la branche professionnelle, il s’agit d’une injonction impossible à réaliser.

Puisqu’on ne veut pas nous croire, nous proposons de faire fonctionner le système à blanc pendant un an. On verra si c’est si facile que cela et si tous les problèmes sont résolus. On verra aussi combien cela va coûter et comment on va le financer – vous aurez aussi remarqué, en effet, qu’un décret relatif au financement du compte personnel d’activité a été annulé. On parle beaucoup d’allégements, mais, en l’occurrence, ce n’est pas du tout un allégement.

J’en termine par l’apprentissage. De ce point de vue, alors que nous allons bientôt atteindre les 100 000 jeunes qui n’auront pas bénéficié de contrat d’apprentissage depuis trois ans, le texte est d’une faiblesse insigne – comme sur la formation professionnelle. Il faudrait déjà pouvoir aligner, avec tout un luxe de précautions, le temps de travail de l’apprenti sur celui de son maître d’apprentissage. Ce serait quand même logique dans la mesure où ils partent ensemble dans la même camionnette sur un chantier ou participent à un même cycle de production. Si nous n’y arrivons pas, c’est bien dommage.

M. Alexandre Saubot. En ce qui concerne la laïcité, méfions-nous de toute mesure générale. N’imposons pas une laïcité qui n’aurait aucun sens aux entreprises qui se sont construites avec une vraie problématique religieuse, et utilisons, dans chaque entreprise, l’outil du règlement intérieur, en redéfinissant correctement sa valeur juridique et les effets qu’emportent son non-respect ou son refus par les salariés. Cela permettrait de régler le problème sans engager de nouvelles guerres de religion. Qui plus est, l’application au privé du dispositif en vigueur dans le public se heurterait à la liberté d’entreprendre et à des situations très diverses.

L’accord type ne pourra jamais couvrir l’intégralité des situations en matière d’organisation du temps de travail – puisque c’est ce dont il est surtout question. Il faudra des parties adaptées à la réalité de chaque entreprise. Même si la branche dessine un canevas ou un modèle d’accord, il faudra bien que l’entreprise remplisse de petites cases avec des éléments précis, et il faudra valider ce dispositif au sein de l’entreprise.

Cela m’amène à la validation de l’accord. La règle actuelle la conditionne à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles, et à l’absence d’opposition d’une ou de plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli 50 % des suffrages exprimés à ces mêmes élections. C’est le reflet de l’abstention, c’est-à-dire que, dans le système français, vous ne pouvez pas vous abstenir. Si vous exigez une majorité de 50 %, cela veut dire que vous inventez un système dans lequel l’entrée en vigueur d’un accord requiert l’accord, non de 50 % des votants, mais de 50 % des inscrits. La règle des « 30 % sauf si 50 % s’y opposent » avait essentiellement pour but de couvrir la problématique de l’abstention. Évidemment, si, demain, la validation d’un accord était obtenue à la majorité des membres d’un comité d’entreprise, d’une instance unique, la difficulté serait réglée. Nous retrouvons là des schémas qu’en tant que députés vous connaissez bien. La majorité des inscrits serait réservée à des situations très particulières.

J’ai oublié d’évoquer le périmètre retenu pour la définition du licenciement économique. Les dispositions prévues par le texte, à la suite du travail d’orfèvre fait par le Conseil d’État, permettent au juge de vérifier qu’il n’y a pas eu d’abus sans faire courir à l’entreprise de risque juridique majeur. Toucher au texte tel qu’il est rédigé rouvrirait la boîte de Pandore des menaces pesant sur l’attractivité de notre pays. Cela dissuaderait tous les groupes et toutes les entreprises qui l’envisagent de s’installer, revenir ou se développer en France, car le droit en vigueur est une grande source d’incertitude. Les chiffres montrent qu’il n’a pas bénéficié à notre pays. Nous étions les seuls, ces quinze dernières années, en Europe, à avoir un dispositif de ce type. A-t-il empêché quelque fermeture d’usine que ce soit ? A-t-il empêché que notre déclin industriel soit beaucoup plus marqué que celui d’aucun autre grand pays d’Europe ? C’est un dispositif repoussoir dont l’efficacité réelle sur les quelques situations critiques est marginale en termes de délai ou de coût. S’il a pu retarder l’échéance de six mois ou un an, avec un surcoût de quelques dizaines de milliers d’euros par tête à la clé, il n’a jamais empêché la moindre fermeture.

En revanche, croyez-moi, cela a décidé de nombreuses entreprises à ne pas s’installer ou se réinstaller en France. J’en veux pour exemple l’un de nos grands adhérents, dans le secteur de la métallurgie, qui a longtemps fabriqué des téléviseurs en France. Alors que toute sa production était partie en Chine et en Corée, le juge a décidé que cette société n’avait pas le droit de fermer son activité française de fabrication de téléviseurs, à l’évidence pourtant non rentable. Cette situation ne relevait pas d’une décision stratégique, mais était le fruit de l’évolution de la concurrence et du marché. Le jour où cette entreprise a été condamnée à plusieurs dizaines de milliers d’euros, elle a fait une croix sur la France comme territoire d’activité industrielle, et on ne l’a jamais revue. La décision procédait très clairement de notre droit, qui n’était pas attractif. Pour ce qui est d’éviter les abus et les pratiques scandaleuses, je répète que le texte issu des travaux du Conseil d’État est équilibré. Y toucher affecterait son efficacité économique et son message d’attractivité. Compte tenu du niveau du chômage dans notre beau pays, ce serait très dommage.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, messieurs, d’avoir répondu à toutes les questions et pour votre disponibilité.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.

Présences en réunion

Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 30 mars 2016 à 16 heures 15

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Marie-Arlette Carlotti, M. Yves Censi, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, M. Jean-Louis Costes, M. Jean-Pierre Door, M. Richard Ferrand, M. Renaud Gauquelin, M. Jean-Patrick Gille, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Marie-Thérèse Le Roy, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Dominique Orliac, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Jean-Louis Roumégas, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue, M. Arnaud Viala

Excusés. – M. Dominique Dord, M. Arnaud Robinet, M. Fernand Siré

Assistaient également à la réunion. – M. Yves Blein, M. Alain Calmette, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Sophie Dion, M. Olivier Faure, Mme Frédérique Massat