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Commission des affaires sociales

Mercredi 27 avril 2016

Séance de 9 heures 45

Compte rendu n° 46

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

– Information relative à la commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 27 avril 2016

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales procède à l’audition de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous devons procéder à la nomination d’un rapporteur sur la proposition de résolution n° 3518 de M. Patrice Carvalho et plusieurs de ses collègues du groupe GDR visant à la création d’une commission d’enquête sur la fibromyalgie. J’ai reçu la candidature de M. Carvalho, qui a, pour cette occasion, rejoint notre Commission. Il n’y a pas d’opposition ? Il en est ainsi décidé.

Nous examinerons cette proposition de résolution mercredi prochain à dix heures quarante-cinq.

Nous en venons à présent à l’audition de Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Madame la secrétaire d’État, bienvenue dans cette Commission au sein de laquelle vous avez été très active en tant que députée. L’objet de la présente audition est de dresser le bilan de l’action de votre secrétariat d’État, et ce en deux temps : tout d’abord, la politique du handicap – dont l’autisme, sur lequel vous avez fait des annonces il y a peu – puis la politique de l’exclusion.

Pour chacun de ces deux temps, nous commencerons par vous écouter, je donnerai ensuite la parole aux représentants des groupes puis aux députés qui le souhaitent.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Je vous remercie de m’avoir invitée pour débattre des deux sujets qui relèvent de mes compétences dans ce Gouvernement : les personnes handicapées et les situations d’exclusion.

Je connais l’attachement des députés de cette Commission aux problèmes rencontrés par nos concitoyens confrontés à des difficultés sociales ou liées au handicap. Dans ces deux domaines, la ligne du Gouvernement repose sur trois principes : la non-stigmatisation des publics, la participation directe des personnes à l’élaboration des politiques publiques les concernant, et l’égal accès aux droits. Appliqués au handicap, ils visent à rendre concrète la notion d’accessibilité universelle, que les associations définissent de façon très claire : le droit d’accéder à tout pour tout le monde. Cela implique l’ouverture aux personnes handicapées de la totalité de l’espace public, quel que soit le handicap. Ce principe a été inscrit dans la loi de février 2005 et incite les pouvoirs publics à prendre les mesures nécessaires en vue d’organiser la pleine participation des personnes handicapées à la vie en société.

Ces engagements, comme nos engagements internationaux, ont conduit le Gouvernement à réorienter les politiques publiques dans le domaine du handicap. Je vous présenterai nos actions sur quatre thématiques : l’accessibilité publique du bâti et du numérique, l’école, la réponse aux besoins spécifiques pour certains handicaps, dont l’autisme, et enfin l’emploi.

En matière d’accessibilité du bâti et de l’espace public, nous nous sommes attachés à rendre effective la disposition de la loi de 2015 visant à permettre à toutes les personnes handicapées de pouvoir entrer dans les mairies, les commerces, les lieux de culture, les cabinets médicaux. Alors que les gestionnaires d’établissements recevant du public avaient jusqu’au 1er janvier 2015 pour rendre accessibles leurs locaux, seuls 300 000 établissements, sur le million existant, étaient accessibles à cette échéance. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de simplifier les normes de mise en accessibilité et de créer le dispositif d’« agenda d’accessibilité programmée » ; au 1er mars 2016, on comptait un peu plus de 440 000 établissements dans ce dispositif par lequel ils s’engagent à effectuer des travaux dans des délais resserrés – trois ans maximum dans la majorité des cas. Il reste donc un peu plus de 250 000 établissements qui ne sont pas entrés du tout dans la démarche.

Ce qui s’est passé en matière d’accessibilité du bâti doit nous servir de leçon pour l’avenir, notamment s’agissant du numérique. Le projet de loi qu’Axelle Lemaire défend actuellement devant le Sénat entend faire du secteur public un exemple. Le texte crée à la charge des administrations des obligations d’accessibilité de leurs sites internet. Par ailleurs, la technologie doit être au service de l’accessibilité, et je pense en particulier à la disposition rendant les conversations téléphoniques accessibles aux personnes sourdes et malentendantes via une traduction simultanée et visuelle.

De même, les cartes des personnes handicapées, en papier, sont actuellement fabriquées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), ce qui leur prend beaucoup de temps, et il était urgent de rénover le système. Après plusieurs mois de concertation avec les collectivités locales et l’ensemble des acteurs, nous sommes parvenus à une disposition qui sera proposée dans la loi numérique. La fabrication de ces documents sera externalisée auprès de l’Imprimerie nationale, et il s’agira d’une carte unique « mobilité inclusion » au format carte bleue. Ce sera beaucoup plus pratique pour tout le monde.

L’accessibilité universelle signifie aussi que les personnes handicapées ne vivent pas à part. Le temps n’est plus où la seule réponse politique était la création de « centres pour handicapés ». Ceci est particulièrement vrai pour la scolarisation. Les parcours de scolarisation doivent être diversifiés en fonction des besoins de chaque enfant et il nous incombe de garantir les accompagnements nécessaires, que ce soit par les auxiliaires de vie scolaire (AVS), désormais appelés accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), ou par des professionnels du secteur médico-social.

Nous agissons avec la ministre de l’éducation nationale sur plusieurs plans. Depuis 2006, le nombre d’élèves handicapés scolarisés en milieu ordinaire a plus que doublé ; il s’élève à plus de 260 000 à la rentrée 2015. Plus de 86 000 personnes exercent les missions d’AVS, 58 000 sont en contrat aidé, 22 000 en CDD et, nouveauté, 6 000 en CDI. Ces AVS pourront accéder dès la rentrée 2016 à un diplôme d’État d’« accompagnant éducatif et social » que nous venons de créer.

Dans le cadre du troisième plan autisme, nous avons développé des classes adaptées en maternelle, les « unités d’enseignement en maternelle », qui accueillent chacune sept enfants autistes, avec un accompagnement spécialisé de quasiment un professionnel pour un enfant. Cent unités étaient inscrites au plan ; soixante sont déjà ouvertes et, devant la réussite du dispositif, nous avons finalement décidé d’en ouvrir 110 au total. Le nombre d’enfants et adolescents autistes scolarisés a progressé depuis 2008 de 12 000 à plus de 29 000. Chacun a bien conscience qu’il reste cependant des progrès à faire.

L’accompagnement des enfants et adultes en situation de handicap passe également par le développement de services médico-sociaux et, quand c’est nécessaire, par des places en établissement. La France compte 490 000 places de services et d’établissements, toutes catégories confondues. Il s’en crée environ 4 000 par an et le Gouvernement a souhaité faire de l’autisme une priorité pour ces créations de places. Le plan s’élève à 205 millions d’euros et permettra de créer plus de 3 600 places nouvelles pour les enfants et adultes autistes. Plus de 2 200 ont déjà été ouvertes.

En outre, les professionnels du secteur médico-social sont, depuis la rentrée 2015, amenés à intervenir de plus en plus en dehors des établissements : dans les écoles, à domicile, dans le milieu professionnel…

Les personnes handicapées sont près de 460 000 à être en recherche d’emploi. Leur taux d’emploi progresse de manière constante depuis plusieurs années mais demeure encore trop bas. La moyenne – ce sont des chiffres de 2013 – est de 3,3 % dans le secteur privé et de 4,9 % dans le secteur public, alors que l’obligation est de 6 % pour les entreprises de plus de vingt salariés et le secteur public. Le Gouvernement s’appuie sur la loi de 2005, qui fait de l’accès des travailleurs handicapés à l’emploi en milieu ordinaire un objectif, en invitant les partenaires sociaux à placer cette question au cœur du dialogue social et les entreprises à procéder aux aménagements nécessaires. Quand le dialogue social aboutit à la conclusion d’un accord agréé au titre de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés, le levier s’avère efficace : les entreprises qui ont de tels accords ont aussi un taux d’emploi de personnes handicapées plus élevé.

Ces accords sont encore rares. Pour lever les obstacles, une table ronde consacrée à la négociation collective sur le handicap a été organisée par la ministre du travail et moi-même au ministère du travail le 4 février. Étaient présents non seulement les partenaires sociaux mais aussi, pour la première fois, les associations représentant les personnes en situation de handicap. La feuille de route du ministère du travail issue de cette table ronde vous a été distribuée. Elle propose des solutions pour équiper les petites entreprises ainsi que pour inciter les entreprises à recourir à la négociation sur le sujet, notamment afin de remédier à une difficulté souvent signalée, à savoir que lorsqu’une entreprise atteint un taux d’emploi de personnes handicapées entre 4 et 6 %, elle dispose de moins d’argent pour adapter des postes.

La politique que nous menons en vue de la participation citoyenne des personnes handicapées s’appuie sur les orientations fixées par le Président de la République lors de la Conférence nationale sur le handicap de décembre 2014. Nous agissons à trois niveaux simultanément. Nous menons des réformes de fond visant à simplifier la vie des gens en modifiant l’organisation de notre système médico-social ainsi que les modalités de financement – une réforme de la tarification est en cours depuis deux ans. Nous prenons ensuite des mesures relatives à des situations spécifiques : j’ai parlé de l’autisme mais il y a aussi le polyhandicap, le vieillissement des personnes handicapées, le handicap psychique… Enfin, un plan d’action vise à garantir une réponse accompagnée pour tous, à la suite du rapport « Zéro sans solution ».

Le Président de la République a souhaité faire de la Conférence nationale du handicap un rendez-vous annuel. Le prochain rendez-vous aura lieu le 19 mai.

La solidarité de la nation envers les personnes en situation de handicap ne relève pas d’un modèle compassionnel ; c’est tout simplement la reconnaissance du principe que notre République est une et indivisible, que nous sommes tous égaux et qu’il convient de garantir la pleine citoyenneté de chacun. Ce sont ces valeurs qui conduisent notre action en vue d’une société toujours plus inclusive.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci. Je donne la parole aux représentants des groupes.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Plusieurs étapes importantes ont été franchies en quatre ans : comité interministériel du handicap, conférence nationale du handicap, et le point de départ qu’a été la décision d’inscrire un volet handicap dans chaque loi. La société inclusive implique une politique de longue haleine dans tous les domaines.

Nous sommes actuellement dans le troisième plan autisme. La circulaire du 17 juillet 2014 fixe le cadre national de référence pour le repérage, le diagnostic et les interventions précoces pour les enfants autistes. Sur ce point, les délais sont encore trop longs. Pour les familles, la question du diagnostic est essentielle. Le fait qu’elles restent longtemps sans la moindre indication leur est très préjudiciable. Que faire pour réduire les délais de diagnostic ?

Le nombre d’élèves handicapés scolarisés a été multiplié par deux mais la formation des enseignants suscite encore des inquiétudes. Au sujet de la formation des enseignants spécialisés intervenant dans les classes pour l’inclusion scolaire (CLIS), les unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) ou les autres classes spécialisées, et du soutien dans les services médico-sociaux, quelles sont les mesures prises pour répondre aux préoccupations ? Nous comptons 28 000 AEHS, dont 5 000 en CDI. Comment entendez-vous poursuivre la professionnalisation de ces personnels ? La réussite des enfants à l’école passe par cette professionnalisation.

Le décret du 2 avril 2009 pérennisant les dispositifs de partenariat entre les établissements médico-sociaux et l’éducation nationale tarde à s’appliquer et le nombre de signatures de conventions de coopération demeure faible. Dans quels délais ce décret pourrait-il être appliqué sur l’ensemble du territoire ?

En ce qui concerne les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP), dispositif issu d’une expérimentation lancée en 2013 dans six régions, auquel la loi santé a donné un cadre légal, combien de conventions ont-elles été signées depuis la généralisation de ces instituts ?

S’agissant de l’emploi, il faut que les procédures de demande et de renouvellement des reconnaissances de qualité de travailleur handicapé (RQTH) soient simplifiées. Je sais que vous avez pris des mesures à cet égard ; pouvez-vous nous en dire plus ?

Les handicaps sont divers. Au sujet des personnes en situation de handicap psychique, j’avais autorisé, dans le cadre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), la création d’un groupe de travail, lequel a rendu ses conclusions. Quelles réponses ont été apportées sur la base de ces propositions ?

Enfin, il convient de garantir un accueil protégé sans rupture pour les enfants polyhandicapés. Les associations sollicitent un plan national polyhandicap ; pensez-vous que ce soit possible ?

M. Gilles Lurton. Selon l’INSEE, près de deux millions d’actifs bénéficient d’une reconnaissance administrative de leur handicap, mais, si l’on y ajoute les personnes qui déclarent avoir un problème de santé depuis au moins six mois, rencontrer des difficultés importantes dans leur activité quotidienne ou avoir eu un accident sur leur lieu de travail dans l’année, le chiffre atteint près de dix millions de personnes. Or nous constatons une stagnation des droits de personnes handicapées. Près de dix ans après le vote de la loi sur le handicap, près d’une personne handicapée sur deux estime que son quotidien ne s’est pas amélioré depuis ce vote.

Le PLFSS a instauré la généralisation des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens pour les établissements sociaux et médico-sociaux dans le champ du handicap, mais les crédits prévus pour la création de places pour les personnes handicapées sont insuffisants.

L’emploi en milieu ordinaire reste par ailleurs très difficile ; de nombreuses personnes handicapées ne parviennent pas à trouver un emploi en milieu ordinaire malgré leurs capacités réelles à exercer les métiers.

Il n’y a pas non plus assez de places pour les handicapés mentaux nécessitant une prise en charge permanente en dehors du foyer familial, les gouvernements successifs n’ayant pas anticipé l’allongement de l’espérance de vie de ces personnes. Certaines sont obligées de partir en Belgique pour trouver des places d’accueil.

En outre, certains départements ont réduit les crédits en matière de handicap du fait de la baisse de la DGF et de l’étranglement que représente pour eux le RSA.

L’accessibilité de l’école reste très insuffisante. La loi pose le principe que les enfants handicapés doivent être accueillis dans les établissements de leur secteur. L’an dernier, 226 000 enfants handicapés étaient scolarisés en milieu ordinaire mais, pour les handicapés moteurs, moins de six écoles primaires sur dix sont accessibles. Et, l’accent étant mis sur les petites classes, la situation se dégrade dans les classes supérieures ; la sénatrice Claire-Lise Campion estime, dans son rapport, que seuls 40 % des collèges sont aux normes, et ce serait le cas de seulement 20 % des lycées selon un rapport de l’éducation nationale.

De nombreux AVS sont inquiets quant à leurs perspectives d’avenir. Nous souhaitons qu’ils puissent bénéficier d’une continuité dans leur carrière.

Les collectivités et les établissements recevant du public devaient, aux termes de la loi du 5 août 2015, rendre des agendas d’accessibilité programmée avant le 27 septembre, puis le délai a été prolongé au 30 décembre. Je souhaiterais que vous fassiez le point sur les demandes de dérogation. Vous vous étiez engagée, lors des débats parlementaires, à augmenter les effectifs pour faire face à l’afflux des dossiers, mais il semblerait que beaucoup de dossiers n’aient pu être examinés et que des dérogations aient été accordées tacitement.

M. Arnaud Richard. Le groupe UDI est particulièrement attaché à la lutte contre les discriminations et c’est pourquoi nous avons soutenu en avril 2013 la proposition de loi relative à l’égalité des droits et à l’intégration des personnes en situation de handicap, posant le principe selon lequel toutes les politiques publiques devaient être définies en prenant en considération la situation des personnes handicapées.

Serait-il possible d’accorder des prêts à taux zéro pour financer des travaux d’aménagement du domicile des personnes handicapées ? On ne peut que regretter que la majorité n’ait pas soutenu cette proposition.

M. Christophe Cavard. Les politiques du handicap sont aussi conduites par les départements. Quel est le bilan de la gestion des politiques départementales, notamment quant au fonctionnement des MDPH, sans oublier la question des coûts et des transferts ? La réalité, en termes de places disponibles, est préoccupante ; certains doivent parfois attendre deux ans pour en obtenir une.

Les commissions médicales réévaluent les taux d’invalidité, et c’est bien là leur fonction, mais ces décisions créent parfois un sentiment d’injustice chez les familles, quand elles ne voient pas évoluer l’état de la personne handicapée concernée. Cela peut conduire les familles à penser que ces commissions sont guidées par des considérations d’économies plus que par l’intérêt de la personne et de sa prise en charge.

Il existe par ailleurs un problème de transition entre la prise en charge du mineur, qui s’arrête à dix-huit ans, et l’étape suivante, à savoir la prise en charge du jeune adulte par d’autres établissements. Il s’agit notamment, là encore, un problème de places. Certaines entreprises spécialisées décalent leur recrutement, renvoyant les autres personnes vers des foyers occupationnels, voire dans les familles. Comment répondre à ces situations graves, pour des familles qui voient revenir chez elles leur enfant de dix-neuf ou vingt ans, sans perspectives ?

Mme Dominique Orliac. Vous avez annoncé le 21 avril un dispositif visant à aider les familles d’enfants autistes à prendre en charge les interventions non remboursées par la Sécurité sociale, afin de pallier, je vous cite, « l’insuffisance de prise en charge financière de certaines interventions du secteur libéral ». On ne peut que se réjouir de cette décision, qui représente une nouvelle approche du financement de politiques publiques.

Quel est votre avis sur les recommandations de prise en charge de l’autisme et des troubles envahissants du développement formulées en 2012 par la Haute Autorité de santé (HAS), et la question de l’approche psychanalytique ? La HAS classait cette approche comme non consensuelle et non recommandée, mais, en 2012, elle s’est refusé à la condamner dans le traitement de l’autisme, bien qu’elle soit fortement discréditée par la neurobiologie, et a donc fait machine arrière en ne retenant plus que la mention d’intervention non recommandée.

Le rapport de l’IGAS de mars dernier sur le fonctionnement des centres ressources autisme (CRA) pointe un manque de statistiques pertinentes en France, notamment sur le nombre de personnes concernées par l’autisme. Il souligne les disparités concernant la formation des professionnels ou encore le respect des bonnes pratiques, de même que, comme vous l’avez indiqué dans les médias, les difficultés pour établir le diagnostic, en particulier chez l’enfant. Avez-vous prévu de développer les liens entre les CRA, les MDPH et l’éducation nationale ?

Les annonces que vous avez faites concernant l’exode en Belgique de certains de nos concitoyens, faute de politiques nationales adéquates, témoignent de l’engagement du Gouvernement pour résoudre ce problème et venir en aide à ces patients et ces familles. Quelles ont été les avancées depuis lors ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. La parole est aux députés qui le souhaitent.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous recevons tous dans nos permanences des personnes qui se trouvent en grande difficulté en raison du manque de places dans les établissements et services d’aide par le travail (ESAT), les instituts médico-éducatifs (IME), les ITEP, et nous n’avons pas les réponses. Il existe des rapports en veux-tu en voilà sur tous ces sujets, mais comment les propositions et les moyens – notamment les 3 600 nouvelles places que vous avez évoquées – sont-ils déclinés en région ?

Comment, par ailleurs, les ARS, les conseils départementaux et la psychiatrie travaillent-ils ensemble ? J’ai déploré que la loi santé ne comporte qu’un seul article
– l’article 13 – sur la santé mentale, alors que les besoins sont immenses.

M. Philip Cordery. Les choses, depuis 2012, ont vraiment changé, notamment sur l’autisme et sur le sujet que je suis plus particulièrement : les personnes handicapées qui partent en Belgique. Un accord-cadre franco-wallon a été ratifié et vous avez créé en septembre dernier un fonds d’amorçage de 15 millions d’euros pour privilégier les solutions d’hébergement en France. Quels ont été les résultats de ce fonds ?

Pouvez-vous rassurer ceux qui souhaitent se rendre en Belgique sur le fait que l’on ne les empêchera pas de le faire ? Certaines MDPH refusent malheureusement les orientations vers la Belgique, même dans les cas où il n’existe pas d’offres adaptées en France. De même, s’agissant des jeunes Français autistes scolarisés en Belgique, leurs frais de transport continueront-ils d’être remboursés ?

En ce qui concerne la mise en œuvre de l’accord-cadre, pouvez-vous nous parler des conventions types pour les départements ? Enfin, quand aura lieu le prochain comité des ministres franco-belge pour aller plus loin dans la mise en œuvre de l’accord ?

M. Jean-Louis Costes. Nous sommes tous d’accord sur les objectifs à atteindre en matière d’autisme, mais la traduction sur le terrain prend beaucoup de temps, sans parler du fait que les ARS sont placées sous une contrainte budgétaire extrêmement forte.

Vous lancez une opération de communication en direction des entreprises mais, alors que cinq millions de personnes sont au chômage, où sont les créations possibles d’emploi pour les personnels en situation de handicap sinon dans les ESAT ? Or cela fait trois ans que nous réclamons, à l’occasion de chaque PLFSS, des places supplémentaires en ESAT, et vous n’en avez pas autorisé une seule. Au-delà de la communication, où sont les crédits d’État, où sont les crédits de la solidarité nationale ?

Mme Annie Le Houerou. J’ai présidé le comité national autisme du 21 avril 2016 faisant le point annuel sur le troisième plan autisme et je suis au sein de ce comité, depuis le début de l’année, les travaux engagés. Je vous transmets la satisfaction de l’ensemble des associations membres pour votre politique de l’autisme et je rends hommage à votre forte mobilisation sur le sujet. Les annonces que vous avez faites la semaine dernière, sur le packing ou encore la mise en place d’une plateforme d’accompagnement dont les prestations seront prises en charge par la solidarité nationale, sont saluées.

Je salue également votre méthode et l’implication des membres investis dans les groupes de travail qui œuvrent à la définition et à l’application des décisions : la création des unités d’enseignement en école maternelle, avec 110 classes prévues à la rentrée 2016 – c’est effectif, chaque département est pourvu –, la mission confiée à l’IGAS sur l’évaluation des CRA – toutes les régions seront désormais dotées pour remplir l’objectif fixé de diagnostic précoce des enfants –, la publication du guide autisme, le déploiement d’un vaste programme de formation des professionnels, des travailleurs sociaux et des parents d’enfants autistes, le changement des pratiques professionnelles, l’application des recommandations de la HAS de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) pour l’accompagnement des enfants et des adultes… Pouvez-vous nous assurer que vos décisions et propositions seront appliquées rapidement, sous l’impulsion des ARS et des départements ?

D’autres enfants que les enfants autistes, souffrant de handicaps divers, sont accueillis dans des classes ordinaires. Il existe un réel problème de formation et d’adaptation de l’offre des AESH. Les besoins sont souvent couverts aujourd’hui par des emplois vie scolaire (EVS), emplois aidés : dans les faits, les accompagnements ne sont pas tous assurés par du personnel formé. Le statut proposé d’AESH doit être ouvert à tous et le nombre de postes adapté à la réalité des besoins. Ce vrai métier doit être reconnu à la hauteur des exigences de ces postes.

Enfin, la reconnaissance de l’emploi accompagné doit assurer le plein exercice de la citoyenneté pour les personnes handicapées. Êtes-vous prête à soutenir les propositions faites en ce sens par notre assemblée dans le cadre de la loi travail ?

M. Daniel Fasquelle. Je copréside le groupe d’étude sur l’autisme avec Gwendal Rouillard.

Il existe un décalage entre le discours officiel et ce que vivent les familles. Je ne mets pas en cause la bonne volonté des uns ou des autres, mais une étude de 2014 du Collectif autisme montre que 44 % des autistes en France sont victimes de mauvais traitements ou de carences de soins, et la France a été pointée du doigt le 4 février par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, qui a constaté des cas de maltraitance à l’égard des enfants autistes. Des avancées ont eu lieu : trois plans autisme, la loi de 2005, l’autisme déclaré grande cause nationale en 2012, les recommandations de la HAS en mars 2012, mais cela ne va pas assez vite ni assez loin.

Que peut-on faire pour améliorer le dépistage ? Plus un enfant est dépisté tôt, plus il est pris en charge efficacement. Il faut que l’autisme soit détecté entre un et trois ans, car 70 % des enfants bien pris en charge peuvent alors acquérir un niveau de langage fonctionnel dès sept ou huit ans.

Quand va-t-on interdire la psychanalyse en France, dont on sait qu’elle est absolument inefficace dans le traitement de l’autisme ? Des moyens considérables sont mobilisés pour financer des traitements psychanalytiques, alors qu’on manque de moyens pour financer les traitements efficaces basés sur les méthodes éducatives et comportementales. Dans ma commune, nous avons créé avec les parents, qui étaient désespérés, une école parentale pour enfants autistes, afin de financer quelques professionnels et faire appel à des bénévoles, et des enfants qui n’avaient fait aucun progrès pendant des années en ont fait de fulgurants en quelques mois.

Un autre combat : il faut que ces enfants soient accueillis en milieu scolaire ordinaire, car 80 % sont encore exclus de l’école. Une partie d’entre eux sont dans des IME, mais ces instituts ne sont pas convenablement outillés pour les prendre en charge. La loi de 2005, c’est malheureusement la réalité, n’est pas appliquée concernant les enfants autistes, et les progrès du troisième plan sont encore très insuffisants.

À supposer que l’on ouvre des établissements supplémentaires, nous n’avons pas les personnels formés, car les universités et les autres établissements d’enseignement français forment encore à la psychanalyse. Il faut dresser la liste des établissements qui continuent d’imposer des formations en décalage avec les recommandations de la HAS.

Il y a encore aujourd’hui des cas de maltraitance d’autistes adultes, enfermés dans des conditions indignes. Parmi les pratiques inacceptables, il en est une que nous dénonçons depuis longtemps : le packing. Cela fait quatre ans que la HAS en demande l’interdiction, et ce n’est toujours pas fait. Pouvez-vous nous assurer que 2016 donnera le coup d’arrêt au packing ?

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Dans ma circonscription, nous avons accueilli une unité d’enseignement en maternelle, et je confirme que c’est un outil extraordinaire qui permet l’évolution des enfants dans de très bonnes conditions. Je suis ravie que vous ayez décidé d’en accroître le nombre.

Quelles mesures entendez-vous prendre pour l’accueil des personnes handicapées vieillissantes ? Enfin, que peut-on faire pour améliorer l’accueil des personnes en situation de handicap dans le monde du travail ?

M. Frédéric Barbier. S’agissant de l’autisme, nous avons tous conscience de la douleur des familles face à la temporalité des dépistages, qui souvent ne sont pas conduits dans des délais qui permettraient aux enfants atteints d’évoluer favorablement. Si le dépistage est amélioré, le nombre de cas constatés augmentera forcément : quels moyens pensez-vous mettre en œuvre pour accompagner ces enfants, soit à domicile soit en institution ? Il existe aujourd’hui 490 000 places en établissements pour personnes handicapées ; 158 000 pour les enfants, tous handicaps confondus, et 17 000 seulement pour l’autisme. En Isère, 450 enfants autistes sont en attente de place.

À l’été 2015, le département de l’Isère a été mis en demeure par décision de justice de placer des enfants dont la mère supposait qu’ils étaient autistes. Les associations de familles se sont mobilisées, à grand renfort de tapage médiatique, et le département a été traité de tous les noms. Que les familles s’insurgent contre une décision de justice, je peux le comprendre, mais je comprends moins, madame la secrétaire d’État, les positions que vous avez prises. Quand vous avez déclaré, en contestant le diagnostic réalisé au cours de la procédure judiciaire, que vous étiez choquée par la décision de justice et mobilisée pour que cette mère retrouve ses enfants au plus vite, vous avez mis le département dans une situation très difficile, alors qu’il n’était en rien responsable. Que ferez-vous pour que les départements ne soient plus pris en otage entre les différents services de l’État ?

M. Gérard Bapt. Le traitement de parturientes pour épilepsie, notamment par l’acide valproïque, est susceptible de produire entre 30 et 40 % de troubles du développement neurocognitif du fœtus, pouvant aller jusqu’à l’autisme. Il est donc très important que le plan autisme inclue un volet préventif prévoyant l’information des parturientes concernant les traitements médicamenteux, dont les antidépresseurs, comme elle se fait pour le tabac et l’alcool.

La Conférence environnementale 2016, qui s’est tenue ces deux derniers jours, a pointé un risque chimique souvent méconnu. En 2014, aux États-Unis, les chercheurs ont mis en évidence, sur de larges cohortes, le lien entre les troubles du développement neurocognitif et la distance entre le lieu de vie des parturientes et des champs agricoles traités par pesticides. Ne serait-il pas opportun d’élargir à ces facteurs de risque nouvellement connus l’étude pharmaco-épidémiologique actuellement menée par l’Agence du médicament et la CNAM, de manière à endiguer ce que l’on appelle déjà aux États-Unis l’épidémie d’autisme ?

M. Bernard Perrut. Les équipes diagnostiquant les troubles de l’autisme chez l’enfant ne sont pas réparties de manière homogène sur le territoire et, dans certains secteurs, les familles ne savent pas vers qui se tourner. Que plus d’un an puisse s’écouler entre la demande et la restitution du bilan n’est pas acceptable. Comment réduire ce délai, et avec quels moyens ?

Les associations réclament des aides financières complémentaires en raison de l’insuffisante prise en charge des interventions des professionnels libéraux. Nous avons tous rencontré dans nos permanences des parents à qui la prise en charge de leur enfant peut coûter plusieurs milliers d’euros par mois, non remboursés. Quels moyens allez-vous dégager à cet égard ?

Vous avez créé des classes spécifiques, mais leur nombre semble bien dérisoire comparé aux besoins, l’autisme touchant un enfant sur cent. Seulement 29 000 enfants autistes bénéficient d’une forme de scolarité ; c’est encore trop peu. Parmi les 260 000 enfants avec handicap accueillis à l’école, certains autistes ne sont pas encore reconnus comme tels.

Enfin, que de difficultés pour l’insertion professionnelle des autistes adultes ! Quelles mesures entendez-vous prendre ? Il y a peu de prévisions en la matière dans le troisième plan autisme.

Mme Monique Orphé. En février 2015, je vous ai rencontrée et alertée sur la situation des personnes handicapées à la Réunion et le nombre insuffisant de structures médico-sociales dans ce territoire. Le taux d’équipement, toutes structures confondues, pour des enfants de moins de vingt ans est de sept places pour mille, contre dix dans la métropole. La Réunion fait partie des régions ayant le plus faible taux d’équipement. Le taux pour les adultes handicapés de vingt à soixante ans est encore plus mauvais : 4,5 places pour mille adultes, contre neuf places en métropole, très loin derrière le Limousin et ses dix-sept places pour mille adultes. Beaucoup de ces adultes handicapés restent à la charge de parents parfois très âgés. Le plan de rattrapage entre 2006 et 2009 n’a pas été à la hauteur. Obtenir une place en structure d’accueil reste un parcours du combattant pour les parents, et avoir un accompagnant formé pour les enfants scolarisés n’est pas du tout aisé. Depuis notre rencontre, quels moyens ont été déployés pour réduire cette inégalité ?

M. Rémi Delatte. L’agenda d’accessibilité programmée a relancé le mouvement de mise en accessibilité des établissements mais son bilan est mitigé. Vous évoquez 250 000 dossiers non déposés à ce jour : quelles en sont les raisons ? En outre, 440 000 dossiers déposés n’ont fait l’objet que d’un examen sommaire, avec des dérogations accordées peut-être hâtivement. Comment prévoyez-vous de créer une mobilisation plus significative ?

S’agissant de l’autisme, la prise en charge relève essentiellement en France de la psychiatrie. Or la recherche a mis en évidence des causes d’origine organique. Ne convient-il pas dès lors de s’orienter vers davantage de pluridisciplinarité en la matière ?

Mme Luce Pane. Le volet de l’insertion, dont le pilotage est pris en charge par les départements, n’est pas à la hauteur, comme cela a été souligné dans un rapport de notre collègue Christophe Sirugue. Si les dépenses d’allocation ont augmenté, les dépenses d’insertion ont quant à elles baissé, malgré une hausse des montants accordés depuis dix ans. Où en est la réflexion en vue d’une meilleure articulation des efforts d’insertion en faveur de nos concitoyens en situation de handicap ?

M. Dominique Dord. Je m’interroge sur l’opportunité de ce bilan, alors que la législature doit encore durer un an. Avez-vous des informations sur une éventuelle dissolution ?

Vous n’avez pas dit un mot sur les aidants familiaux. Beaucoup de familles font l’effort de garder avec elles des personnes handicapées – elles ne peuvent parfois pas faire autrement. Y a-t-il des perspectives concrètes d’augmentation du nombre de places dans les centres de vacances, pour gérer la question du répit des aidants ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. C’est à notre demande que Mme la secrétaire d’État se présente devant notre Commission ce matin. Les ministres n’ont pas l’habitude de s’imposer dans une Commission : c’est la séparation des pouvoirs, monsieur Dord.

M. Philippe Noguès. Une enquête sur le respect de la loi par les MDPH, menée par quatre associations regroupant des familles concernées par le handicap, avance des chiffres inquiétants. Ainsi, 51 % des personnes interrogées indiquent que leur MDPH ne respecte jamais ou très rarement le délai de quatre mois qui lui est imparti pour statuer sur une demande ; 70 % déclarent que leur MDPH ne transmet jamais le plan personnalisé de compensation quinze jours avant la commission d’évaluation ; enfin, 71 % indiquent que leur MDPH ne motive pas ses décisions, alors que c’est obligatoire. Comment une famille peut-elle comprendre une décision non motivée et être en mesure de former un recours ? Madame la secrétaire d’État, comment s’assurer que les MDPH respectent leurs obligations légales ?

Quelles sont, ensuite, les garanties apportées par le Gouvernement sur le maintien de la dyspraxie dans le champ de compétences de la MDPH, lorsque les familles la sollicitent ? Plusieurs associations de parents m’ont contacté pour connaître les mesures prévues d’ici à la fin de la législature concernant notamment l’actualisation du guide-barème, le plan d’accompagnement personnalisé – qui a pour effet de sortir les personnes du champ de la MDPH –, ou encore l’accès de ces familles au diagnostic, aujourd’hui souvent difficile.

M. Arnaud Viala. Je souscris à vos propos sur la considération que la société doit aux personnes handicapées. Simplement, derrière les mots, les réalités sont diverses. La loi sur l’accessibilité des espaces publics pose un certain nombre de problèmes aux petites collectivités, notamment en milieu rural, dont le relief est parfois escarpé et où le coût de la mise en accessibilité des bâtiments est donc très élevé, alors que par ailleurs les dotations de l’État diminuent significativement. Cela fait courir le risque à ces collectivités d’être stigmatisées comme ne souhaitant pas se mettre en conformité avec la loi alors qu’il ne s’agit pas du tout de cela. Nous avons besoin d’aides spécifiques ou que la loi soit adaptée.

Le numérique risque d’introduire une nouvelle forme de discrimination, car les territoires ne sont pas également pourvus en la matière : les nouvelles facilités que vous prônez pour les personnes handicapées nécessitent que les capacités d’accès numérique soient suffisantes, notamment pour la vidéo.

Les établissements ont besoin d’être modernisés. Je vous solliciterai au sujet d’un établissement parapublic en particulier : nous ne savons pas comment l’accompagner financièrement.

Enfin, je vous ai alerté le 29 octobre 2015, dans la discussion du PLFSS, sur le financement des MDPH. Je répète que, si le financement n’est pas accru, on court là aussi le risque de discriminations territoriales.

M. Renaud Gauquelin. Depuis dix ans, la France a engagé des investissements novateurs en matière de handicap, et une accélération a même lieu depuis deux ou trois, sous votre impulsion.

Le dépistage précoce de l’autisme est la clé du succès. Nous avons à notre disposition les moyens scientifiques ; il faut à présent assurer une bonne répartition et une bonne formation des intervenants. Par ailleurs, il n’est pas normal que les parents d’un enfant autiste doivent dépenser de leur poche des sommes déraisonnables pour des dépassements d’honoraires.

La trisomie 21 est un exemple de handicap en cours de disparition, du fait du dépistage anténatal. Grâce aux soins, des trisomiques atteignent aujourd’hui l’âge de soixante ou soixante-dix ans, ce qui était autrefois impensable. Qu’en fait-on quand les deux parents ont disparu ? Ni l’hôpital psychiatrique ni l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ne peuvent être, me semble-t-il, la solution.

Mme la présidente Catherine Lemorton. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Je me réjouis d’autant plus de sa présence dans notre Commission, monsieur Dord, que, sous la précédente législature, aucun ministre n’était venu présenter un bilan de son action.

Mme la secrétaire d’État. Chaque année depuis le lancement du troisième plan autisme, un bilan a lieu lors du comité national autisme, aux alentours du 2 avril, journée mondiale de l’autisme.

La priorité du troisième plan autisme est d’organiser le diagnostic précoce, mais certains diagnostics peuvent être simples et d’autres s’avérer très complexes. Un diagnostic d’autisme n’est pas un diagnostic de grippe ou de septicémie ; cela ne se fait pas en une seule consultation.

L’organisation actuelle repose sur les CRA, et il existe à cet égard des disparités. C’est pourquoi Marisol Touraine et moi-même avons demandé à l’IGAS de travailler sur le sujet. L’inspection a remis son rapport, dont les propositions seront examinées avec les associations représentatives et le comité de suivi du plan autisme d’ici à mai ou juin.

Une voie d’amélioration possible consiste à faire en sorte que les CRA soient réellement des centres de second recours en cas de diagnostic complexe et à développer des équipes de proximité dans chaque département. C’est déjà le cas dans certains territoires, mais cela reste encore très inégal.

La question de la structure de ces CRA a fait couler beaucoup d’encres, car certains sont rattachés à des hôpitaux et d’autres non. Sur le diagnostic, ma position est qu’il y a besoin des médecins, ne serait-ce que parce que certains examens, tels que les IRM, ne peuvent être faits qu’en milieu sanitaire. D’autres compétences nullement médicales sont également nécessaires. Je suis très attachée également au rôle des familles et des personnes autistes elles-mêmes dans la gouvernance et la composition des CRA, qui doivent assurer la formation des professionnels mais aussi des familles. À la fin de l’année 2016, 5 000 aidants familiaux auront été formés par les CRA. Grande nouveauté, c’est la première fois, en France, que l’on forme réellement des familles au handicap de leurs proches ; cela devra être poursuivi bien au-delà du troisième plan autisme. Les CRA sont aussi chargés de former et sensibiliser l’ensemble des professionnels – du médico-social, de la santé, des MDPH ou de l’éducation nationale. Le rapport de l’IGAS montre que plus de 30 000 professionnels ont déjà été, selon leur métier, formés ou sensibilisés. Encore ne s’agit-il que d’une estimation basse, qui ne prend pas en compte tous ceux qui ont été formés par ailleurs, par les organismes de formation, puisque c’est une priorité pour le médico-social. Ce sont donc bien des dizaines de milliers de personnes qui ont été formées, depuis le début du troisième plan autisme, aux nouvelles méthodes et à l’accompagnement par des méthodes éducatives et comportementales conformes aux recommandations de la Haute Autorité de santé.

En matière de scolarisation, les unités d’enseignement maternel sont une initiative pour l’instant sans équivalent ailleurs dans le monde. Il importe donc de l’évaluer, même si l’impression est bonne : les familles sont contentes, les enfants se mettent à parler et les professionnels sont satisfaits. Après évaluation, nous verrons comment étendre le dispositif. Il faudra que les enfants qui ne rejoignent pas une classe « ordinaire » puissent continuer leur scolarité au-delà de l’âge de six ans. Tous les enfants avec autisme n’ont pas besoin du même accompagnement dans leur scolarité. Un enfant atteint d’un syndrome d’Asperger ne doit pas être accompagné comme un enfant autiste qui ne parle pas et présente des déficiences. Estimés par les différents professionnels et par les MDPH, ces besoins différents justifient toute cette palette de dispositifs : auxiliaires de vie scolaire, professionnels du médico-social
– parce que certains enfants sont accompagnés par des services d’éducation spécialisée et d’aide à domicile (SESSAD) –, classes spécialisées.

De nombreux enfants sont aussi accompagnés par des professionnels indépendants, dont les prestations ne sont pas remboursées par la Sécurité sociale tout bonnement parce que ce ne sont pas des professionnels de santé, par exemple des éducateurs spécialisés choisis par les parents. Nous avons travaillé un an avec les associations pour résoudre ce problème et j’ai proposé, lors du comité national autisme, un dispositif, que nous avons construit collectivement : des sortes de plateformes, adossées à des établissements ou des services médico-sociaux existants, avec lesquelles des professionnels indépendants pourront passer convention, après quoi les parents pourront avoir accès aux prestations de ces derniers. Et si les parents sont attachés à un certain professionnel, ils pourront le proposer à la plateforme. Les prestations jusqu’alors intégralement payées par eux-mêmes seront prises en charge par l’assurance maladie, grâce à des fonds des ARS, notamment financés par le plan autisme
– tous les montants prévus n’ont pas encore été dépensés. Il y a aussi des fonds qui ne sont pour l’instant pas programmés et les 15 millions d’euros du fonds d’amorçage visant à éviter les départs forcés pour la Belgique, puisque ces plateformes peuvent aussi permettre d’éviter cela. Ces plateformes sont une priorité ; la circulaire budgétaire adressée aux ARS l’indique.

Vous constatez, les uns et les autres, une certaine lenteur dans l’ouverture de places. Oui, l’ouverture d’établissements médico-sociaux prend du temps, mais certains d’entre vous ont voté la loi HPST et donc souhaité le recours à des appels à projets, procédure extrêmement lourde et très longue. Du dépôt des dossiers à l’ouverture d’un institut médico-éducatif (IME), cinq ans s’écoulent. Pour remédier à ces difficultés, j’ai demandé aux ARS de procéder, dans tous les cas où c’était possible, par extension de places. Nous en avons le droit, dans la limite de 30 % du nombre de places, et cela ne requiert pas d’appel à projets. J’ai aussi demandé aux ARS de privilégier les services, car ce qui compte c’est l’accompagnement des enfants en milieu ordinaire. Une certaine expertise est cependant nécessaire car il n’est pas question d’ouvrir de nouvelles structures qui ne soient pas conformes aux recommandations ; ARS et associations porteuses des projets doivent former leurs professionnels et veiller à ce que les services rendus répondent aux attentes légitimes des familles.

En situation de handicap, trouver un emploi, faire un CV, passer un entretien d’embauche est extrêmement compliqué ; c’est particulièrement vrai dans le cas d’un handicap qui pèse sur les relations sociales. Un certain nombre de pays travaillent déjà à la question, et, dans certaines filières professionnelles, les employeurs recherchent plus spécifiquement des personnes avec autisme, parce qu’ils savent qu’elles seront plus compétentes. J’ai confié une mission à un spécialiste de la question, Joseph Schovanec, qui connaît la situation à l’étranger et vit lui-même avec une forme d’autisme. Il doit me faire des propositions sur l’insertion dans l’emploi des personnes handicapées, en particulier des personnes avec autisme. Nous enregistrons progressivement des avancées. Ainsi, l’université de Rouen compte cinquante étudiants déclarés avec autisme.

J’en viens à la formation initiale de certains professionnels. J’ai demandé un audit sur la place de l’autisme dans les formations dispensées dans les écoles du travail social. L’analyse est en cours et des recommandations seront faites. Quant aux universités, la précédente majorité a voté leur autonomie. Ce sont donc les professeurs qui y décident des programmes. Cela étant, j’ai attentivement examiné le référentiel relatif à l’enseignement de psychiatrie pour les étudiants en médecine en cinquième ou sixième année – pas ceux déjà en cours de spécialisation. Tout est très bien abordé : les troubles envahissants du développement, les troubles du neurodéveloppement, dont l’autisme, leurs causes génétiques, environnementales, les causes encore inconnues, les accompagnements éducatifs nécessaires. Les maquettes de spécialisation, en particulier en pédopsychiatrie, suscitent plus d’interrogations. Leur refonte globale dans le cadre de la réforme des études médicales est l’occasion d’évoquer la question avec les professeurs de pédopsychiatrie qui travaillent sur le sujet ; c’est un travail en cours avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Une grande réforme des établissements et services d’aide par le travail est en cours, cohérente avec notre action en faveur de l’accès à l’emploi en milieu ordinaire. Il est exact, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, que nous n’avons pas ouvert de nouvelles places en ESAT. En revanche, un certain nombre de mesures ont été prises, qui ont pu vous échapper, car techniques au premier abord. Ainsi, à partir de 2017, c’est l’assurance maladie qui financera le fonctionnement des ESAT, non plus l’État. Dans le même temps, nous avons généralisé le recours aux contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens. Les ESAT ne sont pas « à part », il faut les intégrer à un parcours global. Or, actuellement, certains y restent quarante ans ! Ce n’est pas forcément la meilleure façon de faire, surtout qu’énormément de travailleurs en ESAT, suivant des formations et obtenant des diplômes, seraient partants pour travailler en milieu ordinaire, pas forcément pour toute la vie, mais peut-être pendant un temps, avec la possibilité de revenir ensuite en ESAT. Créons plus de mobilité. Un amendement déposé dans le cadre de l’examen du projet de loi travail vise ainsi à créer un droit au retour. Si jamais le handicap devient trop prégnant ou que l’état de santé se dégrade, le droit au retour permettra de retrouver une place en ESAT. De même, nous voulons développer l’accompagnement hors les murs, déjà pratiqué – des chantiers se tiennent en dehors des murs de l’établissement, permettant à certains travailleurs, qui n’ont pas le statut de salariés, de s’habituer au milieu ordinaire. L’idée, à terme, est bien de développer des services d’accompagnement en milieu ordinaire ; il n’en existe pas vraiment en France, et cela vaut non seulement pour ceux qui sont en ESAT et pourraient donc être accompagnés en milieu ordinaire à l’extérieur mais aussi pour bon nombre de travailleurs handicapés qui ne sont pas en ESAT et n’arrivent pas à être dans l’emploi, parce qu’ils ont besoin non pas d’une adaptation physique des postes mais d’un accompagnement humain, par exemple dans le cas de certains handicaps psychiques ou mentaux. Il ne faut pas forcément un accompagnement humain permanent, ce peut être une fois de temps en temps, lorsqu’il se passe quelque chose de particulier, et les entreprises peuvent aussi en avoir besoin. Nous négocions donc avec l’association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) et le fonds d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) pour développer ces prestations d’accompagnement dans l’emploi. Je souhaite qu’il y ait à la fois cet accompagnement développé par les professionnels des ESAT pour accompagner dans l’emploi ordinaire et aussi à l’extérieur, et un accompagnement par l’AGEFIPH et le FIPH pour ces travailleurs qui ne sont pas en ESAT et ont besoin d’un accompagnement humain.

Le nombre de places dédiées à l’autisme est effectivement insuffisant. C’est bien pour cela qu’il existe un plan autisme, que nous essayons de déployer le plus rapidement possible avec les extensions de places. Cependant, un certain nombre d’enfants et d’adultes avec autisme sont accompagnés dans des établissements ou des services qui ne sont pas étiquetés autisme, et ne proposent donc pas forcément l’accompagnement idoine. L’idée est d’améliorer cet accompagnement dans ces établissements. Le plan autisme inclut un montant de 38 millions d’euros consacrés à l’amélioration de la qualité de l’offre, avec un référentiel précis d’amélioration de la qualité ; les établissements s’évaluent, et obtiennent de l’argent des ARS en fonction de leur programme d’amélioration de la qualité de l’offre.

Se pose aussi la question du logement accompagné. Un certain nombre de personnes en situation de handicap sont très désireuses d’habiter un logement autonome, non pas un foyer de vie ou un établissement, à condition que ces logements soient effectivement accessibles et qu’elles soient accompagnées, car elles-mêmes ne sont pas suffisamment autonomes. Des formules se développent un peu partout, pas seulement avec des bailleurs sociaux, de logements adossés à des services d’aide à domicile et d’accompagnement à la vie sociale, notamment grâce à une mutualisation de la prestation de compensation du handicap (PCH). Nous encourageons cela et c’est l’un des sujets évoqués dans le cadre du groupe de travail avec les départements, sur la PCH, que je viens de mettre en place. Avec la ministre du logement, je veux donner une nouvelle impulsion à ces créations de logements accompagnés, y compris pour des personnes handicapées dont on pensait jusqu’à présent qu’elles devaient obligatoirement être en établissement. Des personnes atteintes de trisomie 21 peuvent ainsi habiter leur propre logement et ont un emploi en milieu ordinaire. Évidemment, cela ne pourra être le cas de tout le monde, mais ma responsabilité est de faire en sorte que les personnes puissent avoir le choix et bénéficier de ces dispositifs lorsque c’est physiquement possible.

Ce sont 1 500 enfants et 4 500 adultes français qui sont dans des établissements médico-sociaux en Belgique, adressés par des conseils départementaux. Il y a quelques mois, j’avais annoncé avec Marisol Touraine la fin des départs forcés en Belgique. Un fonds d’amorçage est doté de 15 millions d’euros. J’ai demandé à l’IGAS de suivre attentivement ce dispositif, qui passe par les ARS, les départements et les caisses primaires d’assurance maladie. Les ARS ont reçu une circulaire à la fin du mois de janvier, les caisses primaires d’assurance maladie recevront une lettre de la CNAM sous peu, où il sera bien précisé que ceux qui souhaitent continuer à aller en Belgique doivent le pouvoir.

Mettre un terme aux départs forcés requiert une importante organisation. Ont donc été ciblées les cinq ou six régions à l’origine du plus grand nombre de départs. L’organisation retenue est semblable à celle prévue pour ce que nous avons appelé « une réponse accompagnée pour tous » ; les MDPH changent un peu de mission, elles devront non seulement orienter mais aussi accompagner un peu plus les personnes. Cela se fera avec les ARS, l’éducation nationale et les établissements gestionnaires. Aujourd’hui, c’est le directeur de l’établissement médico-social qui décide souverainement des admissions. Sans doute est-ce légitime mais les personnes dont les situations sont les plus complexes, qui présentent les troubles de comportement les plus graves, sont bien souvent refusées par les établissements, qui estiment ne pas être en mesure de s’en occuper. C’est le cœur du problème. La démarche « une réponse accompagnée pour tous » doit permettre de le résoudre, mais cela suppose un changement fondamental des pratiques et prendra plusieurs années, je sais bien que les effets bénéfiques des actions que j’engage et des chantiers que j’ouvre se verront bien après que je ne serai plus secrétaire d’État au handicap. Mettons cependant des projets sur les rails pour que la situation des personnes s’en trouve améliorée.

Ceux d’entre vous qui sont conseillers départementaux savent qu’à peu près 30 % des enfants pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance présentent un handicap. La formation des différents professionnels aux questions posées par le handicap, en particulier par l’autisme, est sans doute insuffisante. Avec l’ensemble des parties prenantes, en particulier les ministères de la justice et des familles et de l’enfance, nous avons souhaité un véritable plan d’action aide sociale à l’enfance et handicap pour remédier à ces problèmes, à la fois en termes de formation des professionnels et en ce qui concerne les experts demandés par les tribunaux dans tel et tel cas. Ce plan d’action est maintenant annexé au troisième plan autisme – c’est la fiche n° 38. Il est donc tout à fait public, sera mis en œuvre rapidement et fera bien sûr l’objet d’un suivi.

En matière de maltraitance, Marisol Touraine et moi-même avons annoncé il y a quelques mois des inspections dans les hôpitaux de jour de pédopsychiatrie ; est notamment visée la pratique du packing. Elles commenceront cette année, et nous ferons un bilan à la fin de l’année. Par ailleurs, la circulaire adressée aux ARS comporte des éléments sur la maltraitance et précise bien que le packing est une forme de maltraitance. Il faut donc vérifier, lors de la signature des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM), que les établissements ne recourent pas à ces pratiques – cela paraît évident, mais il vaut mieux l’écrire.

En ce qui concerne la Dépakine, ou l’acide valproïque, l’IGAS a rendu un rapport et le fait que certains médicaments pris pendant la grossesse augmentent le risque de troubles envahissants du développement chez les enfants sera pris en compte dans les nouvelles recommandations diagnostiques de la Haute Autorité de santé – les recommandations actuelles datent de 2005. Une filière sanitaire de vigilance est également mise en œuvre et tous les prescripteurs sont informés par l’Agence nationale de sécurité du médicament.

En France, la recherche foisonne. Soyons-en fiers. Certains prétendent que la France a quarante ans de retard, c’est possible dans certains domaines, mais n’oublions pas que c’est l’équipe de Thomas Bourgeron, à l’institut Pasteur, qui a découvert les premiers gènes de l’autisme. Dans toute la France, des équipes travaillent sur ces sujets.

Vous m’avez interrogée sur les agendas d’accessibilité programmée (ADAP). Sur 440 000, 350 000 sont des ADAP proprement dits et 90 000 des demandes de prorogation, en général le fait de grosses structures, qui ont besoin de plus de temps, à cause des appels d’offres. Les demandes de dérogation sont, elles, sûrement bien inférieures – je pourrai vous donner des chiffres ultérieurement. Par ailleurs, le décret sur les sanctions sera publié dans les prochaines semaines. Pour l’instant, les gestionnaires d’établissements recevant du public peuvent encore déposer leur ADAP en préfecture sans amende : nous avons retardé la parution du décret pour qu’un maximum d’ADAP soient déposés. J’avais remobilisé les préfets sur cette question au début du mois de mars, et cela a marché, puisque plusieurs dizaines milliers d’ADAP ont été déposées en mars et avril. En mai ou juin, le décret sur les sanctions en cas de non-dépôt des ADAP sera publié ; 250 000 établissements recevant du public (ERP) sont concernés.

Nous avons été très attentifs à ce que la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) soit fléchée sur l’accessibilité. Pour ma part, j’inaugure tous les jours, dans de petites communes, l’accessibilité de la mairie ou d’autres structures, financée avec de la DETR.

Actuellement, nous travaillons avec Marisol Touraine à un plan santé outre-mer. Les discussions avec l’ARS sont intenses et nous avançons bien, mais je ne peux aujourd’hui donner des chiffres très précis.

Le polyhandicap fait effectivement partie de nos priorités. Il faut des établissements. J’ai donc demandé, dans cette circulaire budgétaire qui est l’occasion de préciser nos priorités aux ARS, qu’une attention particulière soit accordée aux établissements fléchés polyhandicap, attentifs à cette question en termes d’ouverture de places et de qualité. Je suis pour ma part favorable à un programme d’amélioration de la qualité de l’offre. Il faut des recommandations de l’HAS et l’ANESM sur l’accompagnement du polyhandicap et un programme d’amélioration de la qualité et de l’accueil des personnes polyhandicapées en services et en établissement. Nous sommes en train d’y réfléchir avec les associations, notamment l’UNAPEI (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis), qui a rendu un livre blanc et avec laquelle je travaille au quotidien.

Une question très précise a porté sur les ITEP. Le dispositif concerne six régions, 98 établissements et 5 000 jeunes.

Nous sommes également attentifs à la question des personnes handicapées vieillissantes, inscrites parmi nos priorités dans les circulaires budgétaires 2015 et 2016. Les ARS savent qu’elles doivent flécher prioritairement des crédits pour ouvrir des places pour les personnes handicapées vieillissantes. Il y a deux façons de faire : dans les EHPAD, ou dans des foyers médicalisées ou des structures handicap. Pour l’instant, nous demandons aux ARS de nous faire remonter l’ensemble des expériences. Nous collectons toutes les données pour reprendre les bonnes pratiques. L’idée est aussi de former des professionnels, car l’accompagnement de personnes handicapées vieillissantes est un peu particulier. L’ANESM a émis des recommandations à ce propos en 2014. En établissement handicap, il s’agit d’augmenter la médicalisation. Des personnes handicapées vieillissantes ont besoin du même accompagnement par des animateurs et des éducateurs, et d’une part supplémentaire de médicalisation. Je ne souhaite pas créer des dispositifs et des obligations spécifiques pour les personnes handicapées vieillissantes : je préfère laisser la place aux initiatives locales, en mobilisant les crédits appropriés. Voyons quelles bonnes pratiques doivent être diffusées, étant entendu que l’ANESM a déjà émis des recommandations.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci pour toutes ces réponses, madame la secrétaire d’État.

Nous passons à la seconde partie de cette audition, consacrée au bilan 2013-2015 du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale et aux perspectives 2016-2017.

Rappelons tout d’abord qu’un rapport de l’INSEE, passé quelque peu inaperçu, montrait, à la fin de l’année 2013, que si le revenu médian était resté le même dans notre pays, avec les politiques menées à partir du mois de juin 2012, les plus hauts revenus étaient un peu moins élevés, tandis que ceux qui se trouvaient en bas de l’échelle étaient un peu moins pauvres.

Mme Gisèle Biémouret. Je me félicite, madame la secrétaire d’État, des progrès enregistrés dans la lutte contre la pauvreté grâce à votre action. Pour la première fois, un véritable plan quinquennal de lutte contre la pauvreté a été mis en place, avec plus d’une centaine de mesures, dans tous les domaines qui intéressent les personnes en situation de précarité, un plan que le Gouvernement a choisi d’évaluer chaque année afin de garantir son efficacité.

Au bout de trois ans, le bilan est encourageant. Les avancées sont concrètes et nombreuses, 60 % des mesures prévues étant déjà réalisées. Le document qui nous a été adressé est éloquent et parle de lui-même, même s’il faut y ajouter les mesures annoncées il y a quelques jours pour lutter contre la précarité des jeunes et une grande part des mesures prévues par le projet de loi égalité et citoyenneté. L’engagement du Gouvernement en faveur de la solidarité est donc total. Sa politique marque aussi une rupture avec la stigmatisation et les discours sur l’assistanat, qui ont eu des effets ravageurs sur l’accès aux droits d’une partie de nos concitoyens et expliquent en partie l’échec du RSA activité. Cette rupture explique, à l’inverse, le succès de la prime d’activité. Le Premier ministre l’a rappelé à Mantes-la-Jolie : nous devons tous veiller à la réussite de ce plan et nous devons respecter les personnes en difficulté, il y va de notre cohésion sociale ; la question de la précarité est urgente.

Les perspectives pour les deux années à venir s’articulent autour de la nécessité de rénover nos moyens d’action par un accès effectif aux droits, doublé d’une simplification. J’en profite pour saluer le rapport de notre collègue Christophe Sirugue, dont je souhaite que les conclusions soient rapidement suivies d’effets. C’est un des enjeux du plan d’action en faveur du travail social présenté au mois d’octobre dernier, qui prévoit notamment de simplifier l’accès aux droits des personnes en recentrant l’action des travailleurs sociaux sur leur cœur de métier, l’accompagnement.

L’enjeu est aussi celui de la cohérence et de la complémentarité des politiques publiques dans les territoires concernés par le plan. Le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), qui a réalisé cette année, en amont du bilan de l’IGAS, un substantiel travail d’analyse, pose la question de la création d’instances territoriales de coordination des politiques sociales, en s’inspirant du modèle des ARS. Que pensez-vous, madame la secrétaire d’État, de cette proposition ?

En ce qui concerne l’accès à l’alimentation, l’Europe complexifie de plus en plus les règles que doivent respecter les associations qui interviennent dans ce domaine. Comment les aider et éviter le découragement des bénévoles ? Quelles initiatives prendre ?

Enfin, je sais que cela ne dépend pas de vous, madame la secrétaire d’État, mais l’inscription à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à lutter contre la discrimination en raison de la précarité sociale, adoptée le 18 juin dernier par le Sénat, serait un signe fort. Ce texte est attendu par l’ensemble des associations, en particulier ATD Quart monde.

M. Jean-Louis Costes. Madame la présidente, vous nous avez rappelé quelques chiffres de l’INSEE, et Mme la secrétaire d’État écrit dans son rapport que « la hausse du taux de pauvreté en France constatée entre 2008 et 2012 » – 2012, comme par hasard ! – « a été enrayée ». C’est une jolie affirmation, mais c’est faux. Avec ma collègue Gisèle Biémouret, nous menons une mission sur l’accès aux droits sociaux, et les intervenants auditionnés nous disent, chiffres à l’appui, que le nombre de personnes sous le seuil de pauvreté a augmenté
– légèrement, mais réellement. Je conteste donc formellement votre formule, madame la secrétaire d’État.

Deuxième point, au cours des dernières années, on a eu tendance à multiplier des politiques d’action sociales, d’aide sociale, diverses et variées. Aujourd’hui, malheureusement, un nombre croissant de nos concitoyens sont exclus de l’accès à ces dispositifs, pour de multiples raisons, qui ne sont pas forcément la faute d’un gouvernement ou d’un autre. Le système est tellement complexe…

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce que vous dites, monsieur Costes, n’est pas incompatible avec l’énoncé que vous avez tiré du rapport. On peut très bien avoir des gens en bas de l’échelle qui sont un peu moins pauvres, tout en ayant plus de gens en dessous du niveau de pauvreté. L’un n’empêche pas l’autre. Ces statistiques sont ce qu’on appelle des statistiques « tout venant ». Il n’y a rien de paradoxal là-dedans.

M. Jean-Louis Costes. Le nombre de gens qui, aujourd’hui, vivent dans ce pays en dessous du niveau de pauvreté a augmenté. Je me borne à vous donner cette information. Le taux de pauvreté a donc augmenté.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Ce que je viens de dire n’est pas incompatible avec ce que vous dites, cher collègue.

M. Jean-Louis Costes. Le rapport mériterait alors d’être plus précis, ou moins partisan.

Mme Véronique Massonneau. Merci, madame la secrétaire d’État, d’avoir fait un point d’étape aussi exhaustif.

Je voudrais des éclairages à propos du réseau des points conseil budget, dont vous avez lancé l’expérimentation à Metz avec vos collègues Christian Eckert et Martine Pinville. Visant à prévenir le surendettement et le malendettement des particuliers, ce dispositif est en place dans quatre régions pilotes. Dans ces lieux ouverts à tous, les particuliers peuvent bénéficier à tout moment de conseils personnalisés, confidentiels et gratuits. C’était bien nécessaire, quand on sait à quel point le surendettement peut devenir une spirale infernale et marquer le début d’une exclusion durable. Un premier bilan sera dressé au premier semestre 2017, et nous pourrons alors envisager d’éventuelles améliorations. Ce service a vocation à s’adresser à toutes les personnes qui le souhaitent, pour qu’elles puissent améliorer la gestion de leur budget, faire face à une situation financière difficile, anticiper un changement de situation familiale ou professionnelle ayant un impact sur leurs ressources ou leurs dépenses. Il s’agit donc de prévenir le surendettement et non d’intervenir après l’installation d’une situation financière critique.

Cependant, comment comptez-vous amener les personnes concernées à se rendre dans ces points relais ? Quelle information, quelle communication avez-vous prévu ? D’autre part, pour les personnes qui, en dépit des aides apportées, se retrouvent effectivement dans une situation de surendettement, quelles actions permettront de continuer à les prendre en charge ou de les aiguiller vers les structures compétentes ? Compte tenu de la multiplicité et de la complexité croissante de nos dispositifs d’aide au public, je suis convaincue que nous devons dans toute la mesure possible mettre en place des dispositifs globaux et des guichets uniques pour simplifier toutes ces démarches et améliorer l’accompagnement.

M. Arnaud Richard. Votre intervention, madame la secrétaire d’État, rend plus lisible le travail du Gouvernement. Elle permet d’objectiver les choses et de montrer qu’il est possible d’aborder ces sujets par-delà certains clivages.

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement s’était engagé à publier et à transmettre officiellement au Parlement un rapport annuel sur la situation de la pauvreté et de la précarité et sur leur évolution. Certes, le travail de l’IGAS et les efforts fournis cette année par l’INSEE sont remarquables, mais il serait bon que le Gouvernement rende ce rapport.

J’irai dans le sens de ma collègue Gisèle Biémouret. Votre document soulève un certain nombre de questions, notamment celle de la cohérence et de la complémentarité des politiques sociales. Ne pensez-vous pas nécessaire d’utiliser le modèle choisi par les ARS et de créer des instances territoriales de coordination ? Certes, nous avons déjà beaucoup d’instances de coordination, mais, en cette matière, les modes de financement, aujourd’hui, en tuyaux d’orgue, ont vraiment un effet négatif sur la coordination et l’accompagnement des publics fragiles, qu’il s’agisse de l’accès aux droits sociaux, du retour à l’emploi ou de l’accès à l’hébergement ou au logement – et je ne parle pas de la visibilité et de la lisibilité des mesures. L’accompagnement est un maître mot de la feuille de route que s’est donné le Gouvernement. C’est plutôt une bonne chose, et c’est nécessaire, mais il ne faut, à notre avis, pas simplement traiter les freins qualifiés de « périphériques », qui entravent l’accès à l’emploi, ni s’exposer au risque d’imposer, avec cet accompagnement, une forme de « mise sous tutelle ». L’accompagnement ne doit être ni imposé ni obligatoire.

Je me concentrerai particulièrement sur le logement. La situation des nuitées d’hôtel ne s’arrange pas dans notre pays. Leur nombre est passé de 20 000 en 2012 à 32 000 en 2014. La situation est très préoccupante. Sous cette législature comme sous la précédente, les problématiques budgétaires restent toujours les mêmes, et je ne vous le reproche pas, Madame la secrétaire d’État. Vous avez fait le choix, comme nous commencions à le faire, de renverser la tendance, avec ce plan triennal pour réduire le recours aux nuitées d’hôtel. Il ne produit pas tous ses effets mais il a le mérite d’exister et va plutôt dans le bon sens, suivant la logique que Mme Hoffmann-Rispal et moi-même prônions dans un rapport rendu à la ministre du logement de l’époque. Il s’agit de rompre avec la logique de l’urgence et de la précarité, pour accueillir de la manière la plus digne les plus démunis. Au-delà de l’aspect financier, extrêmement intéressant, cette substitution d’une logique à une autre est délicate et requiert un accompagnement très précis des bailleurs et des collectivités, au sein d’un nombre de plans départementaux qui existent dans notre pays et qui ne sont peut-être pas suffisamment bien utilisés. Je signale au passage que le système d’informations pour les services intégrés de l’accueil et de l’orientation (SI-SIAO) n’est pas un outil d’observation sociale performant. Le problème n’est pas nouveau, et des progrès sont enregistrés, mais il faudrait vraiment pouvoir, en cohérence avec les diagnostics territoriaux 360 degrés, sortir les gens des situations dans lesquelles ils se trouvent.

En ce qui concerne les publics les plus fragiles, le problème est que les loyers continuent d’augmenter, et que les revenus des demandeurs de logement social ne suivent pas, avec seulement 4 % du parc en logements PLAI (prêt locatif aidé d’intégration), malgré les efforts accomplis entre 2003 et 2014. Malgré les avancées, une plus forte mobilisation de l’État est nécessaire. Ne considérons pas que l’argent des communes suffira à alimenter ce fonds national des aides à la pierre qui prendra la suite du fonds national d’aide au développement de l’offre locative très sociale.

M. Robert Olive. Le logement suscite les plus vives inquiétudes chez les Français. Pour les personnes en situation de précarité, il est très difficile de se loger à un prix raisonnable, notamment dans les zones les plus tendues. Pouvez-vous nous dire ce qui est ou sera fait par l’exécutif pour l’hébergement des plus précaires ?

M. Christophe Cavard. J’appelle tout d’abord l’attention du Gouvernement sur le fait que, dans un certain nombre de départements, des élus de droite remettent en cause l’accès aux minima sociaux, notamment au RSA.

Quant à l’encadrement des loyers, madame la secrétaire d’État, il doit être mis en place bien au-delà de la seule région parisienne, sur toute la France. Il faut aussi faire le lien avec la rénovation énergétique du parc et permettre que les factures des locataires puissent bel et bien baisser.

Il serait bon, également, de pouvoir faire le bilan de l’application de la loi relative au droit au logement opposable (DALO). C’est un vrai problème dans la plupart des territoires. Je m’empresserai donc de solliciter Mme la ministre du logement.

Un certain nombre de nos politiques sociales dépendent fortement des collectivités territoriales. Aussi faudrait-il s’arrêter sur la question des partenariats avec celles-ci, qui font valoir un certain nombre de contraintes budgétaires qui pèsent sur la mise en œuvre de ces politiques. Je songe particulièrement aux conseils départementaux.

Mme Chaynesse Khirouni. Madame la ministre, la lutte contre l’exclusion et la précarité, l’accompagnement du handicap passent, entre autres, par des professionnels bien formés et des formations réalisées dans de bonnes conditions. Lorsque vous êtes venue à Nancy présenter votre plan d’action en faveur du travail social, nous avons pu débattre longuement avec les étudiants en formation à l’institut régional du travail social (IRTS) de Lorraine et les promotions d’assistants de service social et d’éducateurs spécialisés nous ont fait part de leurs grandes difficultés à trouver des stages de terrain pour valider leur formation. Les collectivités territoriales, les établissements publics et parapublics qui accueillent traditionnellement ces étudiants se montrent désormais réservés pour leur en offrir. Depuis la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche du 22 juillet 2013, tous les organismes d’accueil, à quelques exceptions près, doivent indemniser les stages d’une durée supérieure à deux mois. C’est une bonne chose pour les étudiants compte tenu des frais qu’ils engagent pour ces stages. Cependant, le manque de crédits affectés à l’indemnisation des stagiaires est avancé pour justifier la baisse du nombre de stages offerts par les établissements d’accueil, conseils départementaux, CCAS, établissements hospitaliers ou médico-sociaux. Certes, depuis 2014, le ministère a mis en place un fonds de transition afin d’aider ces organismes à accueillir des étudiants en travail social, mais chaque nouvelle promotion rencontre ces difficultés.

Quelles sont donc, madame la secrétaire d’État, les mesures prises pour régler ce problème à court terme, mais aussi, dans le cadre du plan d’action en faveur du travail social, pour aboutir à des financements pérennes ? Il s’agirait par exemple de se tourner vers le modèle de l’alternance, plus adapté, me semble-t-il, compte tenu de la spécificité de ces stages et de ces formations.

M. Gilles Lurton. Merci, madame la secrétaire d’État, pour le document qui nous a été remis ce matin, qui présente toutes vos propositions pour lutter contre l’exclusion et d’insertion et indique celles que vous comptez généraliser dans les prochains mois et années.

Je m’étonne cependant. Certaines mesures sont à peine expérimentées, voire ne le sont pas encore, par exemple, pour l’accompagnement des familles les plus vulnérables, la garantie contre les impayés de pensions alimentaires. Vous envisagez de la généraliser dès 2016-2017, mais nous l’avons instaurée dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2016 et je ne pense pas qu’elle soit déjà appliquée. De même, si je reconnais tout l’intérêt de la garantie jeunes, dont bénéficient certains dans ma circonscription, j’aurais souhaité disposer, avant sa généralisation, d’un bilan de son application.

M. Jean-Patrick Gille. Je suis désolé, madame la secrétaire d’État, je n’étais pas présent pour entendre votre propos liminaire…

Mme la secrétaire d’État. Il n’y en a pas eu !

M. Jean-Patrick Gille. Je voulais à mon tour vous interroger sur votre perception de cet outil dont s’est doté le Gouvernement pour lutter contre la pauvreté des jeunes : la garantie jeunes, mise en œuvre plutôt par le ministère du travail. Nous étions dans une phase d’expérimentation, mais quel est votre sentiment ? Comment envisagez-vous cette généralisation ? Elle n’est en tout cas pas hâtive car il y a urgence.

Je veux aussi appeler votre attention sur le modèle économique qui sous-tend la garantie, c’est-à-dire cet accompagnement pour un montant de 1 600 euros. Cela peut paraître beaucoup, mais cela ne l’est pas pour les missions locales, qui mettent le dispositif en œuvre. Il existait déjà un dispositif d’accompagnement renforcé, financé à hauteur de 1 500 euros, mais il ne comprenait pas cette phase d’accompagnement collectif de six semaines. Il ne faudrait pas que la généralisation contribue à assécher les autres dispositifs ; je pense notamment au fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes (FIPJ), qui permet de traiter des situations, finançant ici un permis de conduire, là une aide, et à toute une série d’aides dont bénéficiaient les associations sur le terrain.

Et quid du sort des mineurs isolés lorsqu’ils atteignent la majorité ? Ils ne sont alors plus pris en charge par les conseils départementaux. Finalement, ils peuvent être accompagnés dans le cadre de la garantie jeunes et percevoir l’allocation, mais ils ne peuvent ni travailler, ni entrer en formation. C’est un problème délicat.

Question beaucoup plus générale, quel est votre point de vue sur l’individualisation des minima sociaux ? Si on les regroupe, pour avoir un socle et des déclinaisons, la question va revenir, car certains minima sont familialisés, et pas d’autres.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Le plan pauvreté de ces dernières années marque une avancée que nous reconnaissons tous.

Mon département, sans doute assez pauvre, dans une grande région qui n’est pas non plus la plus riche, a beaucoup travaillé sur la mise en place expérimentale des points conseil budget (PCB), avec le concours d’une association, l’UDAF. Les équipes ont travaillé pendant des mois sur la formation des professionnels d’autres départements et le fonctionnement des PCB. Las ! Les efforts fournis n’ont pas été reconnus lors de la sélection des régions. Ce fut une déception pour des équipes qui avaient fait leurs preuves et recevaient des personnels venus de toute la France. Quelles raisons ont donc présidé au choix des régions retenues ? Nous aurions aimé un retour sur les efforts de ceux qui ont participé à la préparation de ces travaux. Comment vont évoluer ces points de contact ? Quelles seront les modalités de l’élargissement du dispositif à d’autres régions ? Mon département espère quelque reconnaissance.

M. Arnaud Richard. J’ai oublié de vous interroger, madame la secrétaire d’État, sur la garantie des loyers. La garantie universelle des loyers a disparu et a été créé le dispositif Visale. Qu’imaginez-vous pour les plus précaires ?

Quant au renforcement de la prévention des expulsions locatives, il me semble très important d’améliorer la coordination et d’identifier vraiment le pilote en matière de prévention des expulsions.

Par ailleurs, les commissions départementales consultatives des gens du voyage ne se réunissent pas suffisamment régulièrement. Elles méritent pourtant de jouer pleinement leur rôle.

Dernier point, entre ce plan de lutte contre la pauvreté, la réforme territoriale et la loi NOTRe, la numérisation ne risque-t-elle pas de restreindre l’accès des plus fragiles à leurs droits ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Quelques précisions. Nous auditionnerons Mme Biémouret et M. Costes sur l’accès aux droits dès que nous le pourrons, de même que notre collègue Sirugue, sur les minima sociaux.

Aujourd’hui, Mme la secrétaire d’État aurait pu ou dû faire une intervention liminaire. C’est moi qui en ai décidé autrement, pour que vous puissiez, chers collègues, poser les questions qui vous tiennent à cœur.

J’ai lu le rapport sur l’exclusion, et un point me semble avoir été oublié par le Gouvernement. Jusqu’au mois de janvier 2014, il fallait faire 200 heures par trimestre pour bénéficier d’indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, soit un temps partiel d’au moins 17 heures par semaine. Désormais, il ne faut plus que 150 heures par trimestre. Des salariés, en particulier des femmes, peuvent donc désormais bénéficier de ces indemnités en travaillant 12 ou 13 heures par semaine. N’oublions pas qu’il y a des salariés, notamment des salariées, qui survivent ainsi. La mesure prise – un simple arrêté rapidement signé par Jean-Marc Ayrault – leur permet d’éviter de basculer dans l’hyper-pauvreté.

Mme la secrétaire d’État. Tout d’abord, quelques chiffres. Le taux de pauvreté est la proportion de ceux qui vivent avec moins de 60 % du revenu médian, soit 1 002 euros par mois pour une personne seule et 2 104 euros pour une famille composée d’un couple avec deux enfants. Ce taux de pauvreté a augmenté depuis le début des années 2000, plus particulièrement au moment de la crise de 2007-2008, avant de régresser, selon l’INSEE, à 14 % de la population, soit un recul de 0,3 point par rapport à 2012. Nous n’aurons les chiffres de l’année 2014 qu’au mois de septembre 2016, le temps que les données, en particulier les données fiscales, soient collectées et analysées par l’INSEE – il faut un an pour les collecter et un an pour les analyser. Plus de 8,5 millions de personnes vivent aujourd’hui, en France, sous le seuil de pauvreté. Cela doit évidemment nous alerter. C’est beaucoup trop. Cependant, en Grande-Bretagne et en Allemagne, le taux de pauvreté est plutôt aux alentours de 16 % et n’y diminue nullement, nonobstant un taux de chômage d’environ 5 %. Ces pays comptent en fait énormément de travailleurs pauvres, qui ne travaillent que quelques heures par semaine.

Tous les ministères contribuent à ce plan de lutte contre la pauvreté que je porte avec Marisol Touraine ; vous avez pu le voir dans les données de synthèse que je vous ai fait parvenir. C’est la raison pour laquelle c’est le Premier ministre qui présente chaque année le bilan, après des évaluations faites par l’IGAS et aussi l’ensemble des associations à travers le collectif Alerte et le Comité national de lutte contre l’exclusion.

Ce plan repose sur un certain nombre de principes qui guident les politiques sociales du Gouvernement. Tout d’abord, la pauvreté n’est pas un statut, c’est un état temporaire. Aucune stigmatisation n’a donc sa place. Personne ne choisit de vivre avec le RSA, 524 euros par mois, personne n’y prend plaisir, personne n’a à s’excuser pour cela. Il faut respecter la personne et refuser une solidarité de compassion qui enferme dans une relation d’infériorité. Le plan de lutte contre la pauvreté passe aussi par la participation des personnes. Il faut donc associer les personnes en situation de précarité à la conception et au pilotage des politiques publiques de solidarité. C’est la meilleure façon d’assurer l’efficacité des actions engagées mais aussi la responsabilisation de chacun. C’est également la meilleure façon de rendre aux personnes la capacité d’être actrices de leur destin et d’aller de l’avant ; le plan de lutte contre la pauvreté ne consiste pas simplement en la revalorisation de minima sociaux. Le troisième principe, c’est l’égalité dans l’accès aux droits. Vous y avez d’ailleurs quasiment tous fait référence, et je m’en félicite. Reconnaissons la simple réalité : la pauvreté isole, elle écarte des réseaux traditionnels de solidarité, et les gens n’ont pas recours aux droits qui sont les leurs. La fraude aux prestations sociales ne représente que quelques centaines de millions d’euros. Le non-recours, lui, représente 10 milliards d’euros ! Sont surtout concernés le RSA activité et les APL, mais aussi la CMU. Cela s’explique par la stigmatisation mais aussi par la complexité des démarches.

Un certain nombre d’acteurs publics disent que c’est une question de droits et de devoirs, mais sans droits, je ne vois pas pourquoi on aurait des devoirs. C’est tout le travail du Gouvernement. Saluons, à cet égard, la réussite de la prime d’activité, que plus de 2,5 millions de personnes ont demandée et obtenue, ce qui est très au-delà de nos objectifs, et il faut que cela continue. Quand on crée une prestation qui ne nécessite pas forcément de se déplacer à la CAF et qui s’appelle « prime », cela marche beaucoup mieux que le RSA. Les bénéficiaires touchent en moyenne 176 euros par mois, montant très substantiel. Faisons connaître ce dispositif à l’ensemble de nos concitoyens.

Les inégalités, qui se mesurent grâce à l’indice de Gini, avaient connu une hausse très importante en 2010 – je ne fais là que constater un fait, chacun sait qu’une crise mondiale l’avait précédée. En 2013, elles ont en revanche connu la plus forte baisse depuis plus de vingt ans, le coefficient de Gini passant de 0,305 en 2012 à 0,291 en 2013. Aucun autre pays européen ne connaît une baisse de cet indice qui varie entre 0 – dans une situation de parfaite égalité des salaires, des revenus, des niveaux de vie – et 1.

Sur la question de l’accès aux droits, tout un travail de simplification a démarré, notamment avec la réduction du nombre de pièces justificatives demandées – le rapport de Christophe Sirugue évoque la question. Certaines ne sont ainsi pas exigées pour la prime d’activité, car la CAF est reliée à Pôle emploi et aux services fiscaux ; un certain nombre d’éléments tombent donc « tout cuits » dans ses ordinateurs. Il faudrait que toutes les administrations puissent échanger ainsi des données. En 2016, nous expérimenterons un coffre-fort numérique réunissant toutes les pièces justificatives, les administrations pouvant les échanger par ce biais, sous réserve de l’accord des intéressés. Nous avons aussi créé un simulateur. Celui qui permettait à chacun de savoir s’il avait droit à la prime d’activité ayant rencontré un vif succès. Nous en avons créé un plus global, qui indique à chacun quels sont les dispositifs auquel il a droit – RSA, APL, prime d’activité, CMU… – en fonction de sa situation. Cette vision globale est très appréciée par les bénévoles d’associations et les professionnels. Cet outil, jusqu’à présent en phase de test, sera mis à la disposition de tous en 2016, sans doute via le réseau des CAF.

Gisèle Biémouret m’a interrogé sur la proposition de loi déposée par Yannick Vaugrenard sur la discrimination en raison de la précarité sociale. Je représentais le Gouvernement lors de son examen au Sénat, et j’y suis extrêmement favorable. Son inscription à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale me serait agréable ; d’autres véhicules législatifs sont envisageables, notamment certains projets de loi.

Vous avez tous parlé du rapport Sirugue, qui évoque plusieurs scénarii, dont le premier comporte douze mesures de simplification. Le Premier ministre a souhaité qu’elles soient rapidement mises en œuvre, notamment l’allongement de la durée d’attribution de l’AAH, quand il s’agit d’un handicap irréversible. Nous allons nous y atteler dès maintenant. J’en profite pour évoquer le projet IMPACT (Innover et moderniser les processus MDPH pour l’accès à la compensation sur les territoires), expérimentation d’une simplification de toutes les procédures dans les MDPH, notamment avec la numérisation de tous les formulaires à remplir par les médecins. Cela simplifierait considérablement le travail administratif des agents, qui, aujourd’hui, recueillent des dossiers sur papier puis saisissent informatiquement les données. Il y a aussi la question des droits figés sur trois mois et la suppression quasi-totale des pièces justificatives. À plus long terme, une simplification globale des minima sociaux est prévue, avec un socle commun et des prestations complémentaires.

Suis-je favorable à l’individualisation des minima ? Tout d’abord, cette simplification nécessite un travail considérable. Pour ma part, je serai extrêmement vigilante : je ne souhaite pas qu’il y ait de perdants. Pour les bénéficiaires de minima sociaux, une variation de deux ou trois euros du montant mensuel perçu a des retentissements, et un retard d’un mois peut entraîner un drame humain.

Nous avons mis en place les PCB dans un certain nombre de régions. Cette expérimentation sera évaluée au premier semestre 2017. J’espère que nous pourrons ensuite étendre le dispositif à l’ensemble des régions – toutes les équipes pourront donc participer, notamment celles qui ont travaillé au projet depuis le début. L’idée est celle d’une collaboration entre l’État, les collectivités, les associations mais aussi les créanciers. Des PCB de niveau 1 proposeraient un accueil le plus neutre possible aux consommateurs rencontrant des problèmes de budget – une assurance impossible à résilier, des mensualités qui continuent d’être prélevées… Des conseils pertinents permettent de prévenir le surendettement. Un deuxième niveau, financé par les créanciers et accessible via les professionnels du niveau 1 ou les travailleurs sociaux, servirait, en cas de surendettement avéré, à négocier en direct avec les créanciers, avec un examen global de la situation des personnes concernées pour leur permettre de s’en sortir. Seront d’abord informés de l’existence de ces structures l’ensemble des professionnels du social, grâce à des dépliants, des mails. Une information sera également donnée aux populations via tous les points d’accueil sociaux : les CCAS, les conseils départementaux, l’ensemble des collectivités, etc.

Qu’en est-il de la cohérence de l’action sociale ? Tout d’abord, ce sont les départements qui jouent le rôle de chef de file en la matière. Notre souci constant, dans la réforme de l’État et dans la loi NOTRe, a précisément été de clarifier les compétences des collectivités et de renforcer le rôle de l’État au niveau départemental. Si de plus grandes régions sont créées, les services de l’État au niveau départemental doivent être renforcés et les compétences des collectivités clarifiées. Les départements sont donc vraiment les chefs de file. Cette question de la cohérence et de la complémentarité des politiques sociales au niveau départemental a été largement évoquée par les professionnels de terrain lors des états généraux du travail social. Actuellement, les schémas départementaux sont nombreux : pour l’insertion, le logement, etc. Dans le cadre du plan d’action pour le travail social, nous proposons qu’il y ait un seul schéma départemental des politiques sociales. Un schéma unique serait établi de manière cohérente par le département et l’État, qui porterait sur toutes les politiques sociales. Nous étudions les modalités avec l’ensemble des acteurs concernés. Bien sûr, il faut apaiser les inquiétudes de chaque secteur, qui s’inquiète de ne pas avoir un plan dédié, mais il s’agit d’assurer la cohérence entre les politiques, entre les différents financements, entre le niveau local et le niveau national. C’est dans cet esprit que nous avons construit le plan d’action pour le travail social.

Vous avez été nombreux à souligner que l’absence d’un point d’accueil unique crée des difficultés. Ainsi, une personne en situation de précarité, sans domicile, qui ne sait ni où dormir ni où manger, doit se rendre à la CAF, à la CCAS, à l’aide alimentaire, à la CPAM et raconter chaque fois sa vie. L’idée est de créer un premier accueil inconditionnel de proximité, qui ne soit pas un étage supplémentaire. En cohérence avec la loi NOTRe, les services de l’État et le conseil départemental travailleraient ensemble à flécher et labelliser des accueils inconditionnels et de proximité, à les créer éventuellement. Tout le monde serait accueilli, pas seulement les personnes en situation d’extrême précarité mais chaque personne qui a besoin d’un conseil dans le domaine social ou même médico-social.

Nous proposons également, dans le cadre de notre plan d’action, un référent de parcours. Quand la situation d’une personne est complexe, elle doit avoir affaire à des interlocuteurs professionnels de chaque domaine pour chaque question. Certains travailleurs sociaux jouent déjà ce rôle, mais il n’est pas clairement reconnu, et c’est un peu plus complexe à mettre en œuvre que le premier accueil. Une expérimentation est nécessaire, pour savoir exactement quel type de métier correspond à ces référents de parcours. L’idée est de ne pas obliger les personnes aux situations complexes à aller d’administration en administration ; le référent de parcours ferait ce travail pour leur permettre de rebondir et pour éviter qu’elles renoncent à leurs droits.

J’en viens à des questions plus ponctuelles.

Le dispositif de garantie des impayés de pensions alimentaires a été généralisé le 1er avril 2016. La ministre de l’enfance, des familles, des droits des femmes avait communiqué à ce propos. Il est donc mis en place dans toutes les CAF.

Quant à la garantie jeunes, huit à dix mois après l’entrée dans le dispositif, un jeune sur deux est en emploi. C’est vraiment un très bon résultat au regard du public concerné : des jeunes sans diplôme, sortis du système scolaire, sans formation professionnelle, qui n’ont pas de parents pour les soutenir financièrement, des jeunes dans des situations dramatiques, souvent en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), parfois à la rue. Rencontrez, dans vos missions locales, des jeunes qui ont bénéficié du dispositif : ils racontent que cela leur a tout simplement redonné une confiance en eux que trop d’échecs leur avaient ôtée.

Plusieurs questions ont porté sur les nuitées hôtelières et l’hébergement. En 2012, il y avait 82 000 places d’hébergement au total – nuitées hôtelières, nuitées en CHRS ou hors CHRS. Il y en a actuellement 112 000 ; 30 000 places ont donc été créées, bien plus que les 5 000 prévues par le plan de lutte contre la pauvreté. Cependant, il y a toujours des personnes à la rue, et les besoins restent importants. La priorité est de développer des places avec accompagnement car, en réalité, les nuitées d’hôtel sans accompagnement social mènent dans le mur. C’est la raison pour laquelle nous avions lancé l’année dernière, avec la ministre du logement de l’époque, Sylvia Pinel, le plan de résorption des nuitées hôtelières. Si leur nombre total a considérablement augmenté, dans le cadre de la création de ces places nouvelles, 4 000 ont tout de même été évitées grâce à ce plan et à la livraison ou l’ouverture de places en logement adapté ou accompagné. Depuis 2012, ce sont 80 000 places en logement accompagné – en maison relais, en foyer… – qui ont été ouvertes, une sorte de moyen terme entre l’hébergement d’urgence et le logement classique.

Pour la garantie des loyers, la situation est assez claire. Pour les étudiants, la garantie CLE (caution locative étudiante) est déjà en place. La garantie Visale – encore un nom impossible à retenir comme, à droite et à gauche, nous en donnons à tous nos dispositifs… –, dont bénéficient les salariés précaires, l’est également. Dernière avancée en date, la garantie universelle des loyers pour toutes les personnes de moins de trente ans a été annoncée récemment par le Premier ministre. Le champ de cette garantie s’étend donc petit à petit, en couvrant d’abord les publics qui en ont le plus besoin.

Les stages pour les étudiants en travail social se raréfiaient avant même que ne soit instaurée l’obligation de gratification. C’est un problème structurel, indépendant de la question financière, résolue, en tout ou en partie, par la création d’un fonds d’urgence qui a permis d’accompagner, en 2014 et en 2015, la mise en œuvre de l’obligation de gratification dans les établissements qui n’y étaient pas soumis auparavant. Ce fonds d’urgence est reconduit, pour un montant de 1,2 million d’euros en 2016. Petit à petit, l’obligation de gratification sera prise en compte dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, et donc dans le financement des structures, le fonds d’urgence devant rester en place jusqu’à ce que l’ensemble des contrats pluriannuels prennent la question en compte.

La question que se posent les étudiants, les formateurs et l’ensemble du monde du travail social, évoquée lors des états généraux du travail social, est celle de la forme et de la longueur des stages. Ils sont très longs, et un certain nombre d’étudiants et de formateurs y sont profondément attachés, mais les écoles du travail social sont actuellement en train de travailler sur ces stages. Doivent-ils vraiment durer six mois ou plus ? Ne vaut-il pas mieux que l’étudiant aille dans plusieurs formes différentes d’établissements ou de services ? Évidemment, ce ne seront jamais des stages très courts – dans le secteur du travail social, les stages doivent durer plusieurs mois –, mais la question de la durée n’en est pas moins l’objet de négociations. Bien sûr, aucune décision ne sera imposée arbitrairement d’en haut, et tout est soumis à une concertation, en lien avec les actuelles réformes de la formation au travail social. Pourraient ainsi être reconnus comme stages ces projets collectifs que les étudiants peuvent construire ensemble. Ainsi, la question de la gratification nous amène finalement à traiter du fond des études en travail social.

En ce qui concerne l’application de la loi DALO, je suis tentée de vous inviter à auditionner la ministre du logement. La question est évidemment prioritaire, mais la situation varie fortement selon les régions, et les préfets ont été de nouveau mobilisés sur la question du relogement des ménages prioritaires par la ministre du logement.

Je ne vous ai pas parlé du plan de prévention des expulsions. Je vous invite à vous reporter aux annonces faites il y a un mois par la ministre du logement. Tous les aspects sont traités. Savez-vous qu’une personne qui rencontre des difficultés pour payer son loyer se voit retirer son APL ? Cela ne fait pourtant qu’aggraver la situation ! Cela étant, la loi prévoit déjà qu’une expulsion ne doit pas avoir lieu sans proposition de relogement.

Quant à la numérisation, dans tous les domaines, elle est, en général, facteur de simplification. Ainsi, la prime d’activité a pu être demandée par beaucoup de jeunes et de personnes qui ne seraient pas venues dans une CAF. Pour les publics vraiment exclus, notamment les publics sans domicile, la question du numérique est tout à fait délicate. En CHRS, les gens n’ont pas d’ordinateur ni d’accès à internet. Nous travaillons donc beaucoup à développer la médiation numérique – Emmaüs également. Prévoyons un accompagnement du public dans les structures où toutes les demandes doivent être faites en ligne, et conservons la possibilité d’effectuer ses démarches sur papier. De même, nous avons travaillé avec la secrétaire d’État au numérique pour permettre à ceux qui rencontrent des difficultés de conserver un abonnement minimal à internet. Chercher un emploi ou une formation professionnelle, se réinsérer dans la société, est aujourd’hui extrêmement compliqué sans internet. Le numérique ne doit pas être facteur d’exclusion.

J’ai sans doute oublié des questions, mais je reste à votre disposition pour y répondre plus tard.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, madame la secrétaire d’État. Il était important que nous puissions faire le point. Et je vous renvoie, chers collègues, aux documents que nous a adressés Mme la secrétaire d’État, ils sont vraiment très clairs.

La séance est levée à douze heures quarante-cinq.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission a désigné M. Patrice Carvalho, rapporteur sur la proposition de résolution de M. Patrice Carvalho et plusieurs de ses collègues visant à la création d’une commission d’enquête sur la fibromyalgie (n° 3518).

Présences en réunion

Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 27 avril 2016 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Pierre Aylagas, M. Alain Ballay, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane-Laroussi, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Patrice Carvalho, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Philip Cordery, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Richard Ferrand, M. Renaud Gauquelin, M. Jean-Patrick Gille, Mme Joëlle Huillier, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Marie-Thérèse Le Roy, M. Céleste Lett, M. Michel Liebgott, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, M. Philippe Noguès, M. Robert Olive, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, Mme Luce Pane, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Pierre Ribeaud, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumégas, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Arnaud Viala, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Marie-Arlette Carlotti, M. Stéphane Claireaux, Mme Michèle Delaunay, M. Henri Guaino, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jonas Tahuaitu, M. Jean Jacques Vlody

Assistaient également à la réunion. – M. Daniel Fasquelle, M. François Vannson