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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Troisième session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 10 septembre 2013

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Ouverture de la session extraordinaire

M. le président. En application des articles 29 et 30 de la Constitution, je déclare ouverte la session extraordinaire convoquée par décrets du Président de la République des 23 et 30 août 2013.

2

Accès au logement et urbanisme rénové

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (nos 1179, 1329, 1286).

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps global de trente heures attribué aux groupes.

Chaque groupe dispose du temps de parole suivant : 8 heures 20 minutes pour le groupe socialiste, républicain et citoyen, 12 heures 25 minutes pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, 3 heures 35 minutes pour le groupe Union des démocrates et indépendants, 1 heure 55 minutes pour le groupe écologiste, 1 heure 55 minutes pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, 1 heure 50 minutes pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, 40 minutes pour les députés non inscrits.

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le président, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, je me présente à cette tribune avec un sentiment d’urgence et de gravité. Je suis devant vous avec la conviction que nous aurons, ensemble, l’un de ces débats qui déterminent une part de l’avenir d’un pays.

En effet, ce qui nous occupera n’est pas un simple amoncellement de mesures techniques visant à parer au plus pressé. Ce n’est pas davantage un texte qui souffrirait la médiocrité des sempiternelles batailles politiciennes, où les postures attendues l’emporteraient sur la volonté de réfléchir ensemble aux solutions bénéfiques pour notre pays.

Que l’opposition ne critique pas ce texte, animée par une volonté de destruction, mais avec le souci constant de son amélioration, que la majorité ne le soutienne pas par réflexe mais par conviction, voilà les vœux que je formule.

M. Bruno Le Roux. C’est ce que nous ferons !

Mme Cécile Duflot, ministre. Ce qui est en jeu, en discussion, en gestation, c’est la situation de millions de femmes et d’hommes qui veulent pouvoir se loger dignement et mettre leur famille à l’abri des difficultés de l’existence. Je veux le dire ici paisiblement, mais avec solennité : nous avons un devoir de réussite.

Pour préparer ce texte, le Gouvernement a travaillé avec une ligne directrice permanente : la défense de l’intérêt général. À l’heure où ce débat s’ouvre, je n’appelle pas à l’unanimité – chacun sait ce qu’elle peut avoir parfois de stérilisant –, mais je plaide pour que l’esprit de chapelle n’entrave pas notre intelligence collective. Je sais que des spécialistes des questions du logement siègent sur tous les bancs de cette assemblée. Nous avons besoin de toutes les compétences ; nous avons besoin de toutes les vigilances.

Je l’ai dit : de la manière dont nous choisirons de répondre ou non à la crise que nous traversons dépend une part de l’avenir de notre pays. La question du logement est en effet de celles qui fondent le lien social, de celles qui, déterminant les trajectoires individuelles, influent sur notre communauté de destin, de celles qui font que la promesse républicaine conserve ou non un sens qui rassemble, qui transcende les clivages, les appartenances, les replis pour forger le sentiment de participer d’une même nation.

La violence de la crise du logement touche donc à nos fondamentaux. Si nous échouons durablement à l’endiguer, le délitement de la cohésion sociale prendra de l’ampleur, parce que les questions du logement, et plus généralement les questions résidentielles, concernent chaque habitant de notre pays.

Au cœur du pacte républicain, l’aménagement du territoire, l’urbanisme, le logement occupent en effet une place particulière ; souvent, la question sociale se présente d’abord comme une question spatiale. En d’autres termes, le cadre de vie est générateur d’inégalités nouvelles. La première d’entre elles est bien souvent celle de l’accès au logement, devenu le baromètre de toutes les injustices et discriminations. Vous le savez bien, vous qui êtes interpellés chaque jour dans vos permanences : l’angoisse face aux questions de logement est aussi importante que la peur du chômage.

La réalité, c’est que notre pays est confronté à une fracture résidentielle d’une telle ampleur qu’elle constitue une bombe à retardement. Les inégalités de statuts, de revenus, les discriminations liées à l’origine ou à l’âge sont autant de facteurs qui déterminent le parcours résidentiel de chacun : c’est une réalité ancienne. Mais dans un contexte de crise économique majeure, la violence de cette fracture est telle que beaucoup ont la sensation que le progrès social en berne se double pour eux d’une assignation à résidence. Le désespoir qui en découle est un facteur de dislocation de l’idée républicaine, laquelle a besoin, pour vivre, de s’appuyer sur la réalité d’un socle de droits communs inaliénables, dont le droit au logement est l’un des éléments majeurs.

L’enjeu qui nous anime aujourd’hui est donc bien de rétablir une égalité d’accès au logement, la fracture résidentielle étant une composante majeure de la fracture sociale. Selon l’endroit où l’on habite, le type de logement où l’on réside, selon que l’on soit propriétaire ou locataire, selon que l’on ait un toit au-dessus de sa tête, tout simplement, ou que l’on ne bénéficie d’aucun abri durable, l’on ne vit pas la crise du logement de la même manière. Nous avons le devoir d’agir pour chacun.

Ce qui qualifie cette crise, c’est sa violence, et tout autant sa durée. Pour faire face à une crise qui dure, je suis convaincue qu’il est nécessaire de poser la question des responsabilités. Il ne s’agit pas de désigner un coupable, de stigmatiser une profession ou de chercher un bouc émissaire, mais bien de comprendre que le mal logement n’est pas une fatalité.

Ne cherchons pas d’échappatoire. On ne peut ici, comme le font trop facilement certains à tout sujet, critiquer l’Europe et l’imposition de nouvelles règles. On ne peut ici se borner à incriminer la mondialisation et ses conséquences économiques. La réalité, c’est que la crise du logement est une tragédie dont nous sommes les principaux acteurs. Des décennies de laisser-faire ont aggravé les difficultés rencontrées par les habitants de notre pays pour se loger.

Nous avons, en effet, une responsabilité collective. Nous ne pouvons l’ignorer. Une lame de fond, aussi insidieuse que destructrice, traverse notre pays. Les égoïsmes locaux et les logiques nauséabondes de l’entre-soi se développent. La rétention foncière, les pratiques abusives, l’oubli du destin commun dans les copropriétés sont autant de visages du péril qui vient.

À rebours de cette pente, nous devons impérativement retrouver le chemin du volontarisme : dans le domaine du logement comme dans bien d’autres, l’État peut agir, la puissance publique peut intervenir. L’État ne peut pas tout faire, mais nous ne pouvons rester sans rien faire. Il est faux de dire que rien n’est possible. L’action politique bénéficie de marges de manœuvre. Nos décisions façonnent le réel autant qu’elles s’y adaptent. Voilà pourquoi j’espère de vous imagination, sincérité, responsabilité, vigilance – et même turbulence, au besoin. Il nous faut mobiliser les forces qui doivent l’être et bousculer les immobilismes qui nous enchaînent, plus sûrement que des entraves.

En défendant l’esprit et le détail d’un texte qui tourne le dos aux approches précédentes, je prends devant vous ma part de responsabilité. Je ne l’ai pas fait par souci de rupture ou d’originalité, mais par recherche d’efficacité. J’ai voulu que les enjeux économiques, sociaux, écologiques et, au final, civiques, soient traités de concert, dans une approche globale qui ne cède rien aux modes libérales et aux effets dévastateurs de l’illusion dérégulatrice.

M. Jean Glavany. Très bien !

Mme Cécile Duflot, ministre. Face à la pénurie actuelle, le premier levier d’action est bien évidemment celui de la construction. Aucun d’entre vous n’ignore les promesses du Président de la République. Aucun d’entre vous n’ignore la détermination du Gouvernement à agir vite et puissamment pour concrétiser ces promesses. Autour de dispositifs intelligents et efficaces qui se mettent en place, c’est une bataille collective qui est menée, par l’État, le mouvement HLM, Action Logement et les acteurs privés réunis.

Rien n’est gagné ; la pénurie nous contraint à redoubler d’efforts, humblement. Mais je veux saluer la synergie qui a été créée, et je me félicite de voir que la résolution à développer l’offre de logement est chevillée au corps de tous les partenaires. Les lois, votées ces derniers mois, sur la mobilisation du foncier public et sur l’habilitation à légiférer par ordonnance ont constitué une première réponse. Elles définissent de nouveaux outils pour relancer la construction et augmenter l’offre de logement. Elles étaient nécessaires pour faire face à l’urgence et créer les conditions d’une relance. Elles commencent, chacun s’accorde à le dire, à produire leurs effets.

Mais en attendant que ces logements soient construits, encore faut-il pouvoir accéder au parc existant, s’y maintenir, changer de logement lorsque les conditions de vie évoluent. C’est le sens et la fonction du projet de loi ALUR que de répondre à cette nécessité, de manière transversale. Il n’est plus question en effet d’aborder les enjeux du logement de manière fragmentaire et partielle. Il n’est plus question d’opposer stérilement régulation et production, parc existant et construction neuve.

À la crise du logement, qui frappe si durement nos concitoyens, nous devons apporter une réponse globale et cohérente. C’est l’objectif de notre projet de loi, qui traite l’ensemble des maillons de la chaîne du logement. De l’hébergement au parc locatif privé, du logement social aux questions d’urbanisme, c’est sous le même prisme, à travers une philosophie de progrès social que nous souhaitons étudier ces enjeux indissociables.

Oui, je parle bien de progrès social, car il doit redevenir notre horizon politique. C’est un droit de pouvoir imaginer que nos enfants vivront mieux que nous. C’est une boussole pour l’action, un viatique pour agir vite, un impératif positif pour toute majorité politique élue sur un projet de transformation.

Je concède bien volontiers que ce texte, dans sa lettre ou dans son esprit, ne court guère le risque d’être taxé de conservatisme.

Je rappellerai simplement que la légitimité de notre majorité ne s’est pas construite sur une volonté de statu quo mais bel et bien sur une promesse de changement. C’est à ce changement que le projet de loi Accès au logement et urbanisme rénové donne corps dans les domaines de l’urbanisme et du logement.

Notre projet ne sera pas une couche législative supplémentaire. Il ne participera pas à l’inflation législative dont nous condamnons les excès.

M. Benoist Apparu. Pas du tout ! (Sourires.)

Mme Cécile Duflot, ministre. Sa transversalité sera la condition de sa pérennité. Au travers de ce projet, nous inscrivons les politiques du logement dans un cadre juridique suffisamment stable pour qu’elles soient pérennes.

Plus que jamais, nous avons besoin d’un socle législatif équilibré et renouvelé. Face aux évolutions actuelles et aux mutations de notre société, nous devons anticiper et agir, revenir sur les textes fondateurs pour les adapter à notre temps. Oui, la loi de 1970 sur les professions immobilières, celle de 1965 sur les copropriétés, comme celle de 1989 sur les rapports locatifs avaient largement besoin d’être revisitées.

À cette fin, j’ai inscrit l’élaboration de ce projet de loi dans le long terme. Fruit d’un travail important et d’une large concertation, il puise son inspiration dans de nombreux travaux parlementaires, dont je remercie les auteurs. L’ensemble des parties prenantes et des acteurs de la politique du logement ont également été associés à sa rédaction.

Nous avons souhaité tourner le dos au confort du huis clos. Parce que la justice et la légitimité n’ont rien à perdre à la transparence, nous avons mené un travail véritablement collectif à toutes les échelles : démarche collaborative sur les attributions de logements sociaux, ateliers sur l’habitat participatif, mission de concertation sur les rapports locatifs, groupes miroirs avec les parlementaires, dialogue permanent et régulier avec les personnels de l’immobilier dont nous avons repris nombre de propositions issues de leur livre blanc.

Par son mode d’élaboration, ce texte témoigne que la démocratie participative n’est pas seulement une conviction, c’est aussi un moyen d’action. À mes yeux, c’est à cette méthode qu’il doit sa solidité. Que celles et ceux qui ont contribué à sa naissance soient convaincus que leur apport a été précieux, que l’intelligence collective qui s’en dégage est davantage que la somme de nos intelligences individuelles. (« Oh là là ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Ce projet de loi s’est également construit sur une idée forte : le logement n’est pas une marchandise. Mon rôle, ma priorité en tant que ministre de l’égalité des territoires et du logement est justement de rappeler que le logement, avant d’offrir un possible rendement, avant de constituer un placement, est tout simplement un bien de première nécessité.

Pour la majeure partie de nos concitoyens, le logement représente une sécurité, un abri, le siège de nos espoirs, la forteresse que l’on souhaite inexpugnable pour protéger les nôtres et, plus prosaïquement, un point de départ qui détermine nos conditions d’existence, la réussite éducative, la santé, l’insertion professionnelle.

L’ambition d’affronter la crise du logement, depuis la maîtrise du foncier jusqu’à la sécurisation des parcours résidentiels, est immense, je le sais, mais sur cette route sur laquelle je vous invite, la seule ligne directrice est la volonté d’assurer la dignité de chacun, par l’effectivité du droit de tous à disposer d’un logement digne et abordable.

S’il fallait résumer l’objectif de ce projet de loi, je dirais simplement que nous souhaitons rouvrir par le logement un horizon de justice sociale. Voilà pourquoi je veux à la fois enrayer la mécanique de l’exclusion et améliorer l’accès au logement ainsi que la prise en charge des plus démunis.

Depuis trop longtemps, les secteurs de l’hébergement et du logement fonctionnent comme deux mondes distincts, étrangers, qui ne communiquent pas, ou du moins pas assez. Cette séparation condamne les personnes les plus en difficulté, qui n’ont pour quotidien que des allers et retours entre la rue et les centres d’hébergement. Cette situation ne pouvait durer, aussi le Gouvernement a-t-il édicté un « plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale », lequel acte des engagements très ambitieux pour favoriser le retour et l’accompagnement vers le droit commun des personnes les plus exclues.

Pour mettre en œuvre les décisions prises à cette occasion, le projet de loi vise à faciliter les parcours de l’hébergement vers le logement. Cela ne se fera pas en un jour, et pas seulement grâce à ce projet de loi, mais notre approche a le mérite de construire des ponts entre les secteurs de l’hébergement et du logement, favorisant ainsi l’insertion durable des plus démunis dans un logement digne et adapté.

Vouloir affronter la crise et l’urgence sociale impose également de s’investir significativement pour améliorer la sécurisation des ménages, prévenir et anticiper les ruptures. Le projet de loi contient déjà des articles visant à traiter le plus en amont possible les impayés et à renforcer le rôle des instances chargées de coordonner la prévention des expulsions. Je le sais, nombre de parlementaires, conscients de l’urgence sociale, souhaitent que nous travaillions ensemble au renforcement de ces articles. Je suis particulièrement disposée à le faire.

Nous devons, plus profondément encore, protéger de manière plus structurelle nos concitoyens contre les vicissitudes de la vie. En période de crise, cette question se pose avec d’autant plus d’acuité. Le chemin qui mène à l’expulsion n’est pas si long, le décrochage peut être brutal et amorcer la chute dans un engrenage infernal. Or, l’expulsion est un effondrement, une humiliation, une blessure terrible pour celui qui la subit.

En la matière, rien ne sera possible sans que ne soient offertes des sécurités supplémentaires, aux propriétaires comme aux locataires. Cette question nécessitait une avancée législative à la hauteur de l’enjeu. Le dispositif de la garantie universelle pour le logement, qui vise à protéger propriétaires et locataires contre les accidents de la vie, a été pris dans cet esprit. Nous reviendrons sur le détail de cette mesure mais je veux d’ores et déjà en défendre le concept. C’est une mesure de progrès social, une mesure de protection, une mesure de sécurisation. Je vous invite à la rendre possible pour que naissent de nouveaux rapports locatifs, plus harmonieux parce que plus sûrs, plus sereins parce que plus équilibrés.

À ce stade, je le dis sans esprit de polémique mais avec détermination, je ne souffrirais pas que des pseudos obstacles techniques privent des millions de Français de cette avancée considérable. Ne soyons pas sourds à l’angoisse de ceux qui craignent que les conséquences de la maladie ou de la séparation ne les plongent dans de grandes difficultés en les jetant dans le cycle dangereux des dettes locatives.

Entendons également la colère légitime des propriétaires confrontés à des situations inextricables. Soyez bien rassurés, si vraiment vous étiez inquiets, je ne suis animée d’aucune forme de naïveté. Je ne dirai pas ici qu’il n’existe pas de locataire de mauvaise foi, je ne ferme pas les yeux sur les difficultés du bailleur confronté à un locataire qui ne paye pas son loyer, je dis seulement que nous devons faire l’effort collectif de tout mettre en œuvre pour éviter ces situations et permettre aux ménages de rester dans leur logement.

La situation est claire.

Nous avons un objectif : en rassurant les propriétaires, celui de restaurer la confiance pour remettre sur le marché les biens vacants en nous donnant les moyens de lutter contre toutes les discriminations, en particulier celles dont les jeunes sont victimes.

Nous avons un outil, celui d’un système responsabilisant où le locataire est accompagné dès le premier impayé, où les allocations logement sont versées en tiers payant au premier impayé pour éviter la spirale de l’endettement, où les locataires qui ne parviennent plus à payer sont accompagnés vers un nouveau logement. Celui d’un système d’aides au profit des bailleurs qui proposent un logement décent, qui les indemnise en cas d’impayé.

Contrairement à ce que l’on a pu lire, la garantie universelle pour le logement ne sera en rien un nouveau monstre technocratique recrutant des fonctionnaires à tour de bras au mépris de tout réalisme budgétaire. Au contraire, elle sera un dispositif innovant d’une grande adaptabilité, régulé par un établissement d’État à la structure légère, qui s’appuiera avant tout sur les acteurs privés pour accompagner les propriétaires et les locataires en moralisant les pratiques, en professionnalisant le traitement des impayés et l’accompagnement social.

La République se doit de prévenir, de prémunir, de protéger : tel est l’esprit de la garantie universelle pour le logement et je vous engage vivement à lui donner vie afin de doter notre pays d’un outil essentiel à son destin.

Dans le même état d’esprit, j’ai tenu, car c’est une obligation républicaine, à lutter du même élan contre la discrimination face au logement et contre l’habitat indigne. De quoi est-il question, dans les deux cas ? D’un abus, de l’usage arbitraire d’une situation dominante.

Discriminer, c’est incriminer, accuser celui qui subit la discrimination de ne pas être digne du droit dont on le spolie. C’est exclure, renier, rejeter, salir, trahir le contrat social qui nous lie et reléguer la fraternité au rang des bons sentiments inutiles. C’est en réalité porter un coup mortel au pacte républicain.

Cette même logique anime les marchands de sommeil qui érigent l’inacceptable en norme et l’indignité en résidence, possédés par l’appât d’un gain aussi facile qu’illégitime.

Parce que nous ne pouvions laisser faire, nous proposerons des mesures pour lutter concrètement contre ces deux cancers que sont les discriminations et l’habitat indigne.

Je compte sur la sagesse de cette assemblée pour les transformer en droit et leur donner la vigueur d’un consensus républicain. Nulle conscience sur ces bancs ne saurait demeurer assoupie quand il s’agit de combattre la scélératesse d’actes qui salissent ceux qui les commettent mais aussi le pays qui les tolérerait.

Nous devons protéger les plus faibles, prévenir la chute et offrir un meilleur cadre de vie à l’immense majorité de nos concitoyens qui souffrent de la dureté de la période.

Les chiffres sont sans appel. Ces dernières années, une paupérisation latente a touché le parc locatif privé. Les locataires ont été les grands perdants de la décennie de flambée des prix. Ils ont dramatiquement souffert de la spéculation immobilière qui frappe notre pays. Oui, aujourd’hui, ce sont bien eux qui supportent les taux d’effort les plus importants.

Dois-je ainsi rappeler qu’en 2010, ils dépensaient plus de 26 % de leurs revenus pour se loger, soit 8 % de plus que l’ensemble des ménages ?

Dois-je ainsi rappeler qu’un locataire, qu’une famille sur cinq dépense plus de 40 % de ses revenus pour se loger ?

En zone tendue, l’accès au parc locatif est devenu un véritable parcours du combattant, au cours duquel les locataires subissent une situation sur laquelle ils n’ont pas de prise et se voient contraints d’accepter des niveaux de loyers et de garanties excessifs. Les pratiques abusives s’ajoutent à cet état de fait, faisant de cette crise objective une crise de confiance et du vivre ensemble.

Face à cette situation, certains, je le sais – ils se sont largement fait entendre ces derniers jours –, préfèrent se complaire dans l’immobilisme, cacher leur impuissance en invoquant les lois aveugles du marché ou tout simplement nier la réalité.

M. Philippe Le Ray. Ils ne sont pas nombreux !

Mme Cécile Duflot, ministre. Ce n’est pas ma position et je suis convaincue qu’il n’y a pas de fatalité. Sans attendre les effets de la relance de la construction qui est à portée de main, nous devons dès à présent mieux encadrer et réguler ce secteur. C’est une impérieuse nécessité et une attente légitime de nos concitoyens.

Le dispositif pérenne d’encadrement des loyers que ce texte propose est une réponse intelligente et innovante à cette attente.

L’examen du texte par votre commission des affaires économiques a d’ailleurs permis de consolider ce mécanisme, qui doit être suffisamment contraignant pour être efficace et suffisamment souple pour que nous n’entrions pas dans une logique de prix administrés que personne ne souhaite.

J’entends naturellement monter les critiques. Elles ont leur place en démocratie. Encore faut-il parfois en dévoiler les soubassements idéologiques.

Mon projet découragerait soi-disant l’investissement locatif et toucherait au portefeuille des petits propriétaires. Comme si les décisions des investisseurs sérieux reposaient sur les possibilités d’excès qu’autorise le marché, comme si les bailleurs composaient les couches les plus modestes de la population !

Rappelons que le patrimoine moyen des propriétaires bailleurs est plus de trois fois supérieur à celui de l’ensemble des ménages et que près de deux tiers des logements locatifs privés appartiennent à des propriétaires dont le niveau de vie est supérieur à celui de 80 % de la population. Notre projet de loi répond avant tout à un impératif de justice sociale.

La faiblesse des arguments de fond laisse alors la place aux arguties de forme. Notre projet serait contreproductif, l’encadrement des loyers ferait baisser le loyer des « riches » mais pas celui des pauvres car seuls les premiers paieraient des loyers excessifs.

C’est totalement faux ! Les personnes modestes paient en moyenne des loyers, rapportés au mètre carré, plus élevés que le reste des ménages car elles se logent, dans de mauvaises conditions, dans des logements de plus petite superficie. De surcroît, les personnes aisées sont, dans leur grande majorité, propriétaires de leur résidence principale.

On affirme même parfois, ultime paradoxe, que l’encadrement des loyers serait inflationniste. C’est un comble ! Un dispositif d’encadrement des loyers ne saurait être porteur en lui-même d’une hausse des loyers ! Bien au contraire, en entraînant la baisse des loyers les plus élevés, il provoquera en cascade un mouvement de désinflation globale.

De tous ces points, bien sûr, nous aurons à débattre : je souhaite que cela se fasse dans la clarté afin que chaque habitant de ce pays puisse appréhender la réalité des positions défendues par les uns et par les autres.

Enfin, en guise, non pas de conclusion, mais pour éclairer le débat qui s’ouvre, je voulais vous dire un mot sur les enjeux urbains et fonciers qui constituent une part primordiale du projet dont nous allons discuter.

La ministre de l’égalité des territoires et du logement que je suis, l’écologiste et la femme de gauche que je demeure plus que jamais ne pouvaient être que très préoccupées par ces questions qui façonnent notre territoire, et partant de là, notre vivre ensemble, notre expérience quotidienne de la vie en société et son impact tant sur la cohésion sociale que sur l’environnement.

J’ai donc voulu, avec vous, saisir à bras-le-corps ces enjeux.

En janvier dernier, vous avez voté un texte qui favorisait la cession des terrains de l’État aux collectivités et aux bailleurs pour y construire du logement, et en particulier du logement social et du logement accessible.

Le foncier est rare, cher et précieux. Nous le savons, sa disponibilité est l’incontournable condition pour construire là où sont les besoins et pour faire en sorte que le droit au logement ne soit plus ni une utopie ni une incantation, mais bel et bien une réalité.

Nous avons commencé par une loi de mobilisation du foncier public parce que la disponibilité du foncier est une condition nécessaire pour répondre à la crise du logement. Mais elle n’est pas suffisante : elle doit être combinée à une maîtrise de ce foncier, une maîtrise intelligente pour laquelle les élus ont besoin d’outils plus efficaces. En portant aujourd’hui le projet de loi ALUR, c’est un droit de l’urbanisme rénové que je vous présente, un régime de planification réformé, simplifié et résolument modernisé.

Les communes et les intercommunalités doivent disposer de l’ingénierie foncière la plus efficace pour répondre aux besoins spécifiques de chaque territoire, ce qui veut dire disposer des moyens qui leur permettront au mieux de concrétiser leurs stratégies de développement et de mettre en œuvre des projets d’aménagement ambitieux, intégrés.

L’aménagement de notre territoire, notamment sa dimension urbanistique, est en effet un enjeu politique qui se trouve au confluent de la question de la géographie sociale, de la question environnementale, des questions économiques et de la question sociale. L’urbanisme, c’est l’espace vécu, ressenti, parfois subi.

Ces dernières années, par choix ou par renoncement, les ménages se sont essentiellement tournés vers la périphérie des villes. Aujourd’hui, ce sont plus de 80 % de la population et des emplois qui trouvent place dans l’espace périurbain et, nous le savons malheureusement bien, la périurbanisation est synonyme de consommation excessive de nos espaces naturels.

Pourtant, l’urbanisation galopante n’est pas une fatalité. Un autre modèle urbain est indispensable, mais il ne pourra émerger sans un changement d’approche. Tirons les leçons de l’intelligence écologique accumulée depuis de longues années : rien de ce qui détruit indûment des espaces naturels ne saurait être considéré comme durablement profitable à l’intérêt général.

Nos terres naturelles, forestières et agricoles doivent être préservées. Elles sont devenues un bien précieux qui nécessite d’être protégé, un bien commun dont la préservation constitue un devoir républicain à part entière. Il est temps de mettre un terme résolu à l’artificialisation des sols. Nous devons être ambitieux en engageant une mutation de notre habitat au sens large, autrement dit de nos quartiers, de nos villes, de nos territoires.

Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové donne à voir une façon nouvelle de penser, de fabriquer et, au final, d’habiter la ville. C’est une vision à long terme, bien sûr. Le tournant écologique ne se réalisera pas en un jour, mais je prends ma part de cet aggiornamento dans le champ ministériel dont j’ai la charge : la ville durable doit voir le jour et elle le verra.

Elle porte en elle les prémices de la transition énergétique, préalable à une transition écologique plus globale de l’ensemble de nos territoires. Elle dépendra largement de nos stratégies de développement mises en œuvre à travers les politiques d’aménagement et d’urbanisme et de notre capacité à construire plus tout en construisant mieux, c’est-à-dire là où sont les besoins.

Les documents de planification seront demain plus que jamais essentiels à cette démarche de transition écologique des territoires à laquelle nous travaillons. C’est pourquoi ils doivent gagner en sécurité juridique, en lisibilité, et remplir les objectifs qui leur sont assignés à chaque échelle du territoire.

C’est dans ce sens que sera renforcé le schéma de cohérence territoriale. Il assurera demain l’intégration de l’ensemble des politiques d’aménagement à l’échelle du bassin de vie. Le plan local d’urbanisme traduira les objectifs du SCOT au niveau opérationnel.

Si le SCOT définit des espaces naturels à préserver, le PLU organise leur protection jusqu’à l’échelle la plus fine, celle des parcelles, en classant les espaces boisés, en adaptant le zonage et son dispositif réglementaire, en formulant des orientations d’aménagement et de programmation spécifiques ou encore en organisant la maîtrise de l’étalement urbain par la densification des zones déjà bâties.

Cette organisation spatiale de nos territoires sera d’autant plus pertinente qu’elle aura associé à son élaboration l’ensemble des communes à l’échelle intercommunale. Je tiens à saluer le travail de conviction qui a été accompli par la commission des affaires économiques au mois de juillet et qui a permis l’adoption unanime du PLU intercommunal.

Je sais les réticences que suscite encore cette évolution et je m’emploierai à lever les craintes, les doutes et les objections qui demeurent. Mais je suis convaincue de l’opportunité que constitue un tel outil – envisagé dès 1976 – pour nos territoires, qui seront aménagés de manière plus cohérente et plus durable.

L’échelle intercommunale est celle qui permet de considérer la réalité du fonctionnement d’un territoire, la manière dont il est vécu et pratiqué. Nous le savons, les habitants de notre pays ne travaillent plus là où ils vivent ni là où ils se divertissent. Nous devons donc bousculer les pratiques en place pour embrasser la réalité de notre société.

S’il est donc nécessaire que les documents de planification dépassent une échelle communale qui n’est plus vraiment à même de comprendre la manière dont nos concitoyens habitent leur territoire, c’est aussi une chance à saisir pour mettre en œuvre des politiques plus efficaces.

L’intercommunalité est une échelle pertinente pour coordonner les politiques d’urbanisme, d’habitat et de déplacement dans leur caractère transversal. Elle est aussi celle qui permet la mutualisation des moyens, détail non négligeable dans un contexte où les finances publiques nous imposent d’être économes.

L’intercommunalité comme espace de mutualisation des moyens est aussi le lieu de l’émulation collective, de l’imagination et de l’intelligence communes : celui où les savoir-faire, les ingénieries peuvent se rencontrer.

Enfin, elle représente le meilleur niveau pour que s’exprime une véritable solidarité entre les collectivités.

J’ai parlé de transition écologique des territoires et de lutte contre l’étalement urbain, mais j’ai aussi parlé de crise du logement et de la nécessité qu’elle impose de construire davantage. Nous faisons face aujourd’hui à une crise environnementale et à une urgence sociale. Les réponses à ces enjeux ne sont pas incompatibles. La densité urbaine, qui permet de construire là où les besoins en logements se font sentir sans mobiliser les espaces non urbanisés, devenus rares et précieux, est la solution à cette équation.

Tout le monde est d’accord avec l’objectif, mais la pratique montre qu’on considère toujours les espaces naturels, les champs, les forêts, comme vides, comme des variables d’ajustement de l’urbanisation. En recentrant la construction dans les cœurs de ville par des mesures de densification, nous pourrons répondre à la demande des Français en matière de logement, tout en préservant les ressources naturelles et leur richesse. Il nous faudra, pour cela, démontrer qu’une densité urbaine qui fera des quartiers de demain des espaces plus agréables à vivre et plus solidaires est possible. Pour que la proximité ne soit pas la promiscuité, il faut partir des besoins exprimés par les habitants, anticiper, imaginer de nouveaux usages, conjuguer les formes urbaines et la nature en ville, pour gagner en qualité de vie.

Voilà, entre autres choses, ce que je tenais à vous dire en ouverture de notre discussion qui s’annonce – j’en suis sûre – passionnante. J’en appelle à un débat franc, sans arrière-pensée, sans crainte de la confrontation, mais sans peur du consensus.

Notre pays ne peut pas renoncer face à la crise du logement : c’est à nous, c’est à vous qu’il revient de lui donner les moyens d’affronter la dureté de cette période. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, chacun de nous connaît ici cette fameuse phrase de Sénèque : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas ; c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles ». (Murmures sur les bancs du groupe UMP – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Le Ray. Il ne faut pas exagérer !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Eh bien, à cet instant, au nom de la commission des affaires économiques, je me félicite que le Gouvernement, vous en particulier, madame la ministre, ayez choisi de vous attaquer résolument à un des facteurs qui minent notre cohésion sociale : je veux parler du mal-logement. En effet, pour nombre de familles de notre pays, et pas seulement les plus modestes, le droit essentiel de se loger dignement, à un coût abordable, hors d’une précarité qui est un frein à toute qualité de vie et qui, lorsque l’on est parent, compromet l’épanouissement des enfants, ce droit essentiel à valeur constitutionnelle est loin de correspondre à la réalité de leur vie.

C’est pour cela que ce Gouvernement et cette majorité ont engagé depuis près de dix-huit mois nombre de réformes afin de développer une offre de logements socialement accessibles et équitablement répartis sur le territoire, c’est-à-dire construire, là où sont les besoins, des logements abordables et adaptés à l’ensemble des ménages.

Puis, je l’ai déjà dit dans cet hémicycle, notre pays se complaît depuis trop longtemps dans l’oxymore d’une crise qui dure dans le domaine du logement alors qu’une crise, par nature, ne devrait pas durer. C’est aujourd’hui un défaut structurel qui pèse sur la compétitivité de notre pays.

Quantité de familles sont obligées de partir des centres-villes du fait de la rareté d’une offre socialement accessible. La ghettoïsation de notre pays par le haut dans certains quartiers aisés qui se replient sur eux-mêmes handicape notre équilibre social, démographique et économique. La seule loi de l’offre et de la demande entraîne certaines déviances, condamnées par les grandes organisations de professionnels de l’immobilier. Enfin, et c’est sans doute le principal, pour beaucoup, nos concitoyens engagent une partie très importante, trop importante et bien supérieure en proportion par rapport à d’autres pays européens, de leurs revenus pour se loger.

En fait, il y a sans doute deux manières d’aborder ce sujet : la première est de penser que les intérêts des différents acteurs s’opposent, ceux des locataires et des propriétaires, par exemple, ou encore ceux des copropriétaires et des syndics, voire ceux des acheteurs, des vendeurs et des professionnels de l’immobilier. Il reviendrait dans ce schéma de pensée à chacun dans cette assemblée de choisir son camp et de le défendre au mieux.

Mon sentiment n’est pas celui-là et c’est pour cela que je défends ce projet de loi qui recherche un nouvel équilibre entre les acteurs, un nouvel équilibre profitable à tous ceux qui se refusent de profiter indûment de la crise du logement.

Les titres I et II de ce texte – dont j’ai la responsabilité – revisitent en profondeur trois lois importantes de notre législation : la loi Mermaz-Malandain de juillet 1989 sur les rapports locatifs, qui reprenait d’ailleurs nombre de dispositifs engagés par Roger Quilliot en 1982 ; la loi sur la copropriété du 10 juillet 1965 qui fixe les rapports entre copropriétaires et syndics ; enfin, la loi de janvier 1970, dite « loi Hoguet », régissant l’exercice des professionnels de l’immobilier.

Trois caractéristiques se dégagent de la démarche engagée par ce projet : la protection et la prévention, la médiation et la réparation, la responsabilisation et l’innovation.

La protection et la prévention, c’est l’encadrement et la transparence sur le montant des loyers, la prévention des expulsions et l’efficacité dans le traitement des copropriétés dégradées.

Chacun le sait ici, la situation actuelle conduit parfois à des niveaux de loyers irrationnels au regard des caractéristiques des logements. Cet enrichissement sans cause de certains bailleurs doit être endigué, sans pour autant attaquer leurs droits les plus élémentaires, au premier rang desquels le droit constitutionnel de propriété.

L’objectif poursuivi est de faire reculer des loyers exagérément élevés sans justification valable.

Sur la base d’observatoires des loyers, le préfet déterminera un niveau de loyer médian de référence, ainsi qu’un loyer médian de référence majoré, dans la limite de 20 % au-dessus du loyer de référence. Le propriétaire devra justifier le montant du loyer qu’il demande par rapport à la réalité du marché.

S’agissant de la lutte contre les copropriétés dégradées, des dispositifs de protection et de prévention se sont largement inspirés des rapports du président de l’ANAH, Dominique Braye, et de mon collègue et ami Claude Dilain, sénateur.

La prévention des difficultés des copropriétés est engagée par des mesures simples et efficaces visant à améliorer l’information des futurs acquéreurs, telle que la création d’un registre d’immatriculation des copropriétés afin de mieux les connaître et mieux cibler les politiques publiques, en matière de rénovation thermique et énergétique tout particulièrement. Par ailleurs, l’instauration généralisée d’un compte séparé pour les sommes et valeurs reçues par le syndic au nom et pour le compte du syndicat de copropriétaires est engagée. Il s’agit d’une mesure importante et d’une véritable avancée, à mes yeux, en termes de transparence. Voilà pour la protection et la prévention.

La responsabilisation et l’innovation concernent principalement les professionnels. L’article 9 du projet de loi modernise plusieurs points de la loi Hoguet qui sert de cadre à la réglementation des professions immobilières. Il formule tout d’abord une exigence accrue de qualification pour l’exercice de toute profession immobilière en élargissant le champ des personnes soumises à réglementation. Il renforce ensuite la déontologie applicable à ces professionnels par la création d’instances dédiées, en particulier un conseil national de la transaction et de la gestion immobilières et des commissions de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières.

Enfin, la médiation et la réparation concernent à la fois les bailleurs, les locataires et les copropriétaires. Vous vous en doutez, mes chers collègues, je dirai un mot de la garantie universelle du logement dont on parle beaucoup ces derniers jours. Partons du constat. Sur ce sujet, il est le suivant : l’échec, au moins relatif, de la garantie des risques locatifs et l’inefficacité de la garantie des loyers impayés. À compter de 2016, une fois le projet de loi voté, une garantie universelle du logement, financée à parts égales par les locataires et les propriétaires, permettra d’assurer l’ensemble des bailleurs en cas d’impayés. Ne pas se réduire à un simple système assurantiel mais déployer en même temps des actions d’accompagnement social visant à prendre en charge le plus en amont possible les cas d’impayés, telle est la vraie nouveauté apportée par le dispositif.

Il mettra fin par ailleurs à une profonde inégalité qui sépare aujourd’hui deux candidats locataires dont les structurations de revenu sont identiques, celui qui dispose d’un parent, d’un ami ou d’une famille susceptible de se porter caution et celui qui n’en dispose pas. Ils se trouvent en effet en situation d’inégalité aussi marquée qu’inextricable, quels que soient leur niveau de revenu, leur âge ou leur implication professionnelle.

Le deuxième objectif du projet de loi sera évidemment de rassurer les propriétaires, en particulier les petits propriétaires, ceux qui ne passent pas par un professionnel de l’immobilier, louent de gré à gré et se trouvent aujourd’hui bien démunis en cas d’impayé de loyer. Bien sûr, l’article 8 sera l’occasion de discuter des modalités de mise en place d’un tel dispositif.

La lutte contre l’habitat indigne fait également l’objet d’un dispositif important formulé en termes de médiation et de réparation. Si des innovations intéressantes en la matière figurent dans le projet de loi, il existe selon moi des amendements susceptibles d’améliorer le dispositif. Mes collègues co-rapporteurs et moi-même en proposons un certain nombre. J’appelle en particulier le Gouvernement à envisager un certain retour à la centralisation des services d’hygiène et de santé afin de passer des conventions avec les villes réellement en difficulté. Prévention, réparation et médiation gouvernent aussi l’expulsion et l’hébergement. Mme la ministre en a beaucoup parlé à l’instant, aussi serai-je bref.

En consacrant juridiquement le rôle des services intégrés de l’accueil et de l’orientation, les SIAO, en fusionnant les plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion avec les plans départementaux pour le logement des personnes défavorisées, le projet de loi conforte des outils indispensables à la prise en compte intégrée des questions d’hébergement et d’habitat.

Par ailleurs, les efforts de mise en cohérence apparaissent également dans l’extension des compétences des comités régionaux de l’habitat aux questions d’hébergement ainsi que dans une plus grande articulation des fonds de solidarité pour le logement avec les différents dispositifs instaurés par le projet de loi.

C’est en qualité de co-rapporteur au nom de la commission des affaires économiques que je tiens à rappeler le sérieux avec lequel nous avons examiné le texte : 90 auditions, trois jours entiers d’examen en commission, plus de 1 000 amendements étudiés dont une partie non négligeable votés, en particulier les nombreux amendements que mes collègues co-rapporteurs et moi-même avons proposés afin de préciser certains éléments indispensables ou d’enrichir le texte de dispositifs nouveaux.

J’en citerai deux auxquels je tiens particulièrement : le rétablissement d’un fonds de prévoyance pour les travaux de copropriété et l’élargissement des attributions du bureau central de tarification à l’assurance habitation.

Je tiens également à remercier très sincèrement pour la qualité des débats l’ensemble des députés, de la majorité comme de l’opposition, qui ont participé avec sérieux au travail de notre commission. J’espère bien entendu qu’il en sera de même ici. Enfin, je me félicite que le Gouvernement ait accédé à ma demande d’un examen en procédure normale. Je m’adresse ici plus spécifiquement à M. le ministre des relations avec le Parlement, cher Alain Vidalies : un examen normal du projet de loi, comportant donc deux lectures dans chaque assemblée, convient à un texte aussi dense tout en laissant la possibilité d’améliorer ou de préciser certains dispositifs. Répondre à l’ensemble des préoccupations abordées par le projet de loi n’est sans doute pas aisé, madame la ministre. Ainsi vos détracteurs sont-ils bien en peine de proposer d’autres chemins à prendre !

M. Philippe Bies, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Eh oui !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Pour conclure par là où j’ai commencé, c’est parce que nous osons aujourd’hui nous engager sur plusieurs sujets difficiles que nous aurons demain la satisfaction d’avoir facilité la vie de très nombreux habitants de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le Gouvernement a planché cet été sur la France de 2025. En matière de logement, l’objectif est clair : l’accès au logement doit devenir une évidence. Il faut en finir avec ce problème qui empoisonne la vie quotidienne de nombreux Français des classes moyennes et populaires.

Après les mesures d’urgence déjà prises et les premières réformes structurelles engagées depuis un an, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové a pour ambition de revisiter en profondeur notre politique du logement et de l’urbanisme afin de donner aux collectivités locales, aux bailleurs, aux promoteurs, aux aménageurs et aux associations les moyens d’agir plus vite et mieux. Comme chacun l’a constaté, le texte est dense, très dense, plutôt ardu et parfois très technique.

M. Benoist Apparu. Pas du tout ! (Sourires.)

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Il a demandé beaucoup de travail et concerne beaucoup d’acteurs, qu’avec Daniel Goldberg nous avons pris la peine de rencontrer tous en une centaine d’auditions menées en juin, en juillet et encore ces derniers jours.

Ensemble, nous avons tout particulièrement uni nos efforts sur le sujet de l’habitat indigne, car les territoires dont nous sommes issus, la Seine-Saint-Denis et le Nord, sont directement concernés par ce problème. Nous avons en outre estimé, avec plusieurs de nos collègues également très concernés, qu’il y avait clairement matière à améliorer et enrichir le projet de loi initial. En matière de lutte contre l’habitat indigne, ma conviction est confirmée par les experts que nous avons auditionnés : l’arsenal juridique est finalement assez complet mais son application au quotidien demeure extrêmement complexe, voire hasardeuse. Il ne s’agit donc pas de tout révolutionner mais de veiller à améliorer et appliquer les textes existants. Des progrès ont été trouvés, d’autres sont encore prévus pour nos séances et je compte bien y contribuer.

À propos de l’habitat participatif, je veux dire ici ma satisfaction des innovations proposées. Je sais, pour les avoir souvent rencontrés, qu’elle est partagée par les collectivités et les acteurs associatifs investis dans ce domaine. Des précisions importantes pour généraliser et diffuser ces projets citoyens ont été retenues en commission des affaires économiques et je ne doute pas que le débat parlementaire nous invitera à en ajouter d’autres.

Après ces quelques incursions dans les titres couverts par mon co-rapporteur, j’en arrive aux troisième et quatrième titres du projet de loi.

Construire plus et mieux, comme nous le souhaitons tous, c’est d’abord une question d’ambition et de moyens financiers, mais c’est aussi une affaire d’organisation. Le titre III a vocation à améliorer le fonctionnement du monde du logement. Une large concertation sur l’attribution des logements sociaux, dont chacun connaît et reconnaît le manque de lisibilité et de transparence, a été engagée. Je peux en témoigner pour y avoir participé activement, les dispositions du projet de loi sont fidèles aux premières conclusions de la concertation. Elles posent les premiers jalons d’une transparence accrue et d’une meilleure information des demandeurs pour aider les territoires aujourd’hui moins avancés ou plus complexes à progresser et à trouver des solutions adaptées, grâce en particulier au nouveau plan partenarial d’information des demandeurs et de gestion de la demande.

La commission des affaires économiques a d’ores et déjà adopté plusieurs amendements et arrêté par exemple la création d’un comité d’orientation à même de suivre le fonctionnement du système national d’enregistrement. Nous avons aussi décidé la publication du bilan annuel des attributions des bailleurs ou encore des mesures pour faciliter l’hébergement d’urgence des victimes de violence conjugales. D’autres amendements intéressants seront discutés en séance, par exemple pour traiter la situation spécifique des couples qui se séparent. On le sait bien, derrière chaque demande de logement et chaque attribution se trouvent des hommes et des femmes dans des situations humaines et sociales parfois complexes. Nous aurons à cœur de les traiter dignement, j’en suis sûre.

Le second champ d’organisation, c’est celui des acteurs du logement social dont il faut simplifier la vie et sécuriser les pratiques, en particulier vis-à-vis du droit européen, et rendre la gouvernance plus efficace. Je sais que la grande majorité des mesures recueillent l’assentiment des acteurs que sont l’Union sociale de l’habitat, les entreprises publiques locales, Action logement, les associations de maîtrise d’ouvrage d’insertion ou encore la caisse de garantie du logement locatif social

M. Benoist Apparu. À voir !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Le travail en commission a permis de faire adopter des amendements de précision et de sécurisation juridique et d’autres ne manqueront pas d’être discutés en séance. Nous aurons en particulier à examiner un amendement du Gouvernement visant à la création de l’Agence nationale de contrôle du logement social issue de la fusion de la MIILOS et de l’ANPEEC.

M. Benoist Apparu. Très bien !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Nous n’avons malheureusement pas eu le loisir de travailler à cette idée dès le mois de juillet mais le débat parlementaire peut maintenant s’ouvrir. Pour avoir auditionné les principaux acteurs concernés, je pense que les choses vont dans le bon sens et renforceront l’efficacité et la cohérence, même si quelques ajustements sont encore possibles.

Enfin, le dernier titre de ce projet de loi bien volumineux porte sur la modernisation des instruments de planification et d’urbanisme. Un peu aride, le sujet est néanmoins déterminant pour répondre concrètement aux objectifs de construction fixés par le Président de la République, aux attentes des professionnels et à notre volonté d’engager la transition écologique de nos territoires urbains comme ruraux. Pour aménager notre territoire de façon équilibrée et cohérente, pour construire là où se trouvent les besoins, il nous faut des documents d’urbanisme régulateurs et modernes. Le SCOT sera demain plus que jamais le document garant de la cohérence des politiques publiques sur un territoire. Les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales devront s’y conformer. Son rôle intégrateur vis-à-vis des autres schémas est conforté. Pour donner à ce pas important toute sa force, il nous faut emporter l’adhésion de ceux qui ont beaucoup travaillé à des schémas et plans vertueux comme de ceux qui s’en sentent encore éloignés et qui ont peur d’aller trop loin et trop vite par rapport à la capacité d’absorption de leur territoire. Des amendements ont été adoptés en commission pour trouver le bon équilibre sur ce point comme sur le plan local d’urbanisme intercommunal.

M. Marcel Rogemont. Enfin ! Enfin !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Cette idée fait beaucoup parler d’elle. Ce n’est pourtant pas une nouveauté, au contraire, c’est même l’aboutissement d’un processus lancé par la loi Chevènement en 1999 et poursuivi par la loi Grenelle en passant par la loi SRU. Le Président de la République l’avait dit pendant sa campagne : « Pour avancer sur la question du foncier et du logement, il faudra avancer sur le PLU intercommunal ».

M. Benoist Apparu. C’était vrai aussi pour les présidents de droite !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Au cours des nombreuses heures d’auditions de l’AMF, l’APVF, l’AdCF, l’AMGVF, l’ACUF, l’ARF et tant d’autres, et des débats en commission des affaires économiques, ma conviction selon laquelle le PLU intercommunal est une nécessité s’est encore renforcée. C’est, non pas un mal nécessaire, mais au contraire une avancée véritablement positive.

M. Michel Piron. Très bien !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Pour répondre à ceux qui s’en inquiètent encore, nous avons travaillé en commission à des aménagements en distinguant bien deux choses : d’une part le transfert de la compétence d’urbanisme vers l’intercommunalité, qu’il n’est pas question de remettre en cause, d’autre part le processus d’élaboration du PLU entre l’intercommunalité et les communes, qui lui peut toujours être amélioré.

M. Philippe Le Ray. Il faudrait surtout augmenter le nombre de délégués !

M. Sylvain Berrios. Supprimez les communes, ça ira plus vite !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. À propos du transfert de ladite compétence, une vaste majorité s’est dégagée pour arrêter une fois pour toutes un tel principe mais aussi pour mieux envisager tous les cas de figure. Nous avons en particulier été attentifs à la situation spécifique des communes qui ne sont dotées d’aucun document d’urbanisme et qui sont donc soumises au règlement national d’urbanisme. Nous avons aligné leur régime sur celui des communes déjà couvertes ou en cours de couverture.

Ces dernières bénéficiaient dans le texte initial d’un délai de trois ans pour aller au bout de l’élaboration ou de la révision de leur PLU communal. Pour les communes non couvertes, nous avons introduit ce même délai de trois ans, afin qu’elles ne passent pas sans transition du RNU au PLU intercommunal, et puissent engager une réflexion communale avant l’élaboration intercommunale.

Pour ce qui est de l’élaboration du PLU intercommunal, il y a, au-delà de l’importante articulation entre communes et intercommunalité, la question des délais. Car faire un PLU intercommunal, c’est toujours long, souvent passionnant, mais parfois fastidieux et coûteux.

Nous avons donc œuvré par amendement afin de parvenir à des délais plus cohérents entre eux et plus cohérents avec les échéances démocratiques locales à venir, qui marqueront forcément le point de départ de nombreux projets communaux et intercommunaux.

Par ailleurs, dans l’esprit du texte initial et dans le respect des points de vue exprimés tant par les associations de protection de l’environnement que par les représentants de la profession agricole, ou encore les notaires, les architectes, les urbanistes, plusieurs amendements ont été adoptés en commission des affaires économiques pour renforcer la prise en compte de la biodiversité dans les documents d’urbanisme.

Je veux dire quelques mots de l’urbanisme, d’abord pour appeler votre attention sur plusieurs dispositions relatives à l’urbanisme opérationnel : préemption, zones d’aménagement concerté, zones d’aménagement différé, lotissements, projets d’intérêts majeurs, statut des géomètres, sont autant de nouveautés destinées à lever les freins de la construction et à mieux accompagner collectivités et opérateurs. Quelques amendements viendront aussi sur ces sujets. Je ne les détaille pas, afin de pouvoir aborder rapidement le thème de l’urbanisme commercial. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Si, en matière de lutte contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, le logement est évidemment un enjeu majeur, la question de l’aménagement commercial l’est tout autant. Dans ce domaine, une proposition fait consensus, à défaut de faire l’unanimité, celle de l’implantation des drives, qui sera désormais mieux encadrée.

Les autres propositions d’urbanisme commercial restent ouvertes. La commission des affaires économiques y avait déjà beaucoup travaillé, en toute collégialité, lors de la législature précédente, et je me réjouis que son travail puisse enrichir le débat autour du présent projet de loi. L’amendement du président Brottes a permis de lancer la discussion en commission en avançant quelques grandes orientations. Nous nous étions promis d’y retravailler ici en séance pour pouvoir substituer au rapport demandé au Gouvernement des propositions plus immédiates et opérationnelles. C’est ce à quoi s’attache l’amendement que présentera le Gouvernement. Sans doute cet amendement ne permet-il pas, comme le pensent certains, de traiter tous les problèmes, mais il répond, en tout cas, aux attentes exprimées depuis longtemps pour inscrire l’urbanisme commercial dans le droit commun de l’urbanisme grâce à des autorisations qui seraient instruites tout à fait en parallèle.

Pour conclure, chers collègues, je veux vous dire combien je suis convaincue que ce texte répond à ce que beaucoup d’entre nous ont depuis longtemps réclamé, c’est-à-dire une vraie régulation pour le logement, parce que c’est un bien de première nécessité, et une vraie régulation pour l’urbanisme, nos territoires constituant notre bien commun. Le chemin menant à la résorption de la crise du logement est un long chemin qui rend modestes ceux qui contribuent à le tracer et qui rend patients ceux qui ont à l’emprunter. Sur ce long chemin, ce texte constitue une étape majeure, que je vous invite à franchir ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écolo et RRDP.)

(Mme Laurence Dumont remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bies, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Philippe Bies, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, voulu par le Président de la République, porté par le Gouvernement, est assurément un texte ambitieux. Il démontre, si besoin était, que le logement est toujours une priorité pour le Gouvernement et sa majorité. En un an, nombreuses ont été les mesures engagées pour répondre à l’urgence. Je n’en referai pas ici l’inventaire, mais force est de constater que la volonté nationale est désormais au diapason des politiques souvent ambitieuses mises en œuvre dans les territoires.

Après avoir répondu à l’urgence, nous voilà sur le point d’examiner un texte qui doit permettre de réformer en profondeur notre politique du logement en proposant une stratégie globale, cohérente, durable, destinée non seulement à réguler les dysfonctionnements du marché, à protéger les propriétaires et les locataires, mais aussi à accroître l’effort de construction de logements.

Ce projet de loi tire, par ailleurs, les leçons de la crise d’un modèle de développement probablement à bout de souffle. Il propose de rénover un urbanisme qui est, aujourd’hui encore, le reflet de ce vieux modèle qui consomme toujours plus d’espace, repousse l’agriculture loin des lieux de consommation, génère des dépenses inutiles, provoque aussi parfois le repli sur soi, le rejet de l’autre, et vient ajouter à l’injustice sociale et à l’injustice environnementale.

Alors que la commission des affaires économiques a examiné le texte au fond, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a décidé de se saisir pour avis du seul titre IV du projet de loi, qui entre le plus directement dans le champ de ses attributions. Les discussions entre les membres de la commission, ainsi que les amendements qu’elle a adoptés, sur lesquels je reviendrai, ont été inspirés par le souci de vérifier le caractère applicable des dispositifs proposés et d’en enrichir éventuellement l’économie, notamment au regard d’une meilleure prise en compte des objectifs environnementaux et écologiques dans les documents d’urbanisme.

À ce sujet, je rappelle que le titre IV du projet de loi se donne pour objectif principal de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols. L’alternative à l’étalement urbain, c’est la densité, ou plutôt l’intensité urbaine, consistant en un mélange des fonctions – habitat, activités, loisirs – en un lieu. Je ferai mienne ici une réflexion de Roland Castro, dans la préface de l’ouvrage d’Éric Hamelin et Olivier Razemon, La tentation du bitume : « L’indispensable densification de nos villes invite à concevoir des formes d’habitat qui répondent aux modes de vie contemporains en conciliant les avantages de l’habitat collectif et de la maison individuelle, l’un et le commun, la proximité des services, des réseaux de transports, et la qualité des espaces extérieurs »

Ainsi, il n’y a pas qu’une densité, et le choix ne doit pas se faire qu’entre le pavillon individuel ou la tour. Il y a différentes manières de la décliner en fonction du contexte urbain et environnemental, c’est-à-dire en prenant impérativement en compte les enjeux liés à la biodiversité. C’est ce point de vue que j’ai souhaité, en tant que rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, faire prévaloir lors des débats en commission des affaires économiques. Ainsi, j’ai proposé des dispositions pour reconnaître les espaces de continuité écologique et le coefficient de biotope par surface qui concerne, lui, les espaces à construire ou déjà construits.

Ces deux dispositions, déjà expérimentées au niveau local, n’ont pu être intégrées à ce projet de loi. Sans doute faut-il encore en préciser certaines notions afin de les rendre totalement opérationnelles et de les introduire, je l’espère, dans la future loi sur la biodiversité. Je souhaite que nos débats publics permettent au Gouvernement de prendre des engagements sur ce point.

Mais si nous voulons accélérer les projets de construction maintenant – et nous le devons – nous ne pouvons plus attendre pour proposer, à côté de la densité ou de l’intensité urbaine, la biodiversité, une ville en nature ! Cette notion constitue aussi un élément d’acceptation par nos concitoyens. Il est vrai qu’aujourd’hui, même sans la loi, des territoires utilisent déjà des outils. Les inscrire dans la loi, c’est faire œuvre de pédagogie pour en convaincre d’autres et c’est reconnaître les bonnes pratiques existantes, comme nous nous apprêtons à le faire pour l’habitat participatif.

Œuvrer à limiter l’étalement urbain, d’une part, et faire revenir la nature en ville, d’autre part, ont donc constitué des préoccupations des groupes de la majorité et de plusieurs parlementaires de toutes tendances, et je me félicite qu’une partie de nos idées et contributions se retrouve dans le texte aujourd’hui mis en débat.

Nous avons ainsi pu faire adopter plusieurs amendements affirmant la prise en compte de la biodiversité dans le code de l’urbanisme. Je pense à l’inscription des enjeux de biodiversité dans les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme ; à la possibilité d’utiliser l’outil « emplacement réservé », que connaissant bien les élus locaux, dans les documents d’urbanisme pour les espaces nécessaires aux continuités écologiques ; à l’extension du régime juridique appliqué aux terrains cultivés, aux espaces non bâtis nécessaires au maintien de ces mêmes continuités écologiques ; ou encore à l’amélioration de la concertation, en élargissant aux représentants des associations de protection de l’environnement la liste des acteurs à consulter pour l’élaboration des plans de déplacements urbains.

Plusieurs autres orientations du projet de loi ont fait, devant les deux commissions, l’objet de débats intéressants et constructifs, que nous reprendrons certainement ici. Je pense notamment au « SCOT intégrateur », seul document auquel le PLU sera désormais opposable. Il s’agit aussi de la généralisation des PLU intercommunaux qui, si elle peut susciter certaines réserves, est dans la logique de l’évolution de nos territoires.

Cette réflexion à l’échelon intercommunal et, plus largement, de « bassin de vie », appelle en toute logique la mise en place d’une véritable vision stratégique de l’aménagement à l’échelle régionale. Sur ce dispositif à trois étages – PLUI, SCOT, schéma régional –, il me semble que nous pouvons aller plus vite et plus loin et que ce texte pourrait nous en fournir l’occasion.

M. Marcel Rogemont. Bien sûr !

M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Cependant, les délais de mise en conformité des documents d’urbanisme avec les nouvelles dispositions, notamment en ce qui concerne la mise en compatibilité du PLU, la date butoir pour l’élaboration d’un SCOT ou encore les délais de passage du POS au PLU, méritaient de prendre en compte les réalités du terrain. Les débats devant les deux commissions ont permis de faire évoluer certains délais, ce dont nous pouvons collectivement nous satisfaire.

Plusieurs mesures d’encadrement de l’urbanisme commercial ont aussi trouvé leur place dans ce texte. Il s’agit notamment de la suppression des zones d’aménagement commercial, dont devrait, à mon sens, découler la suppression des documents d’aménagement commercial et l’intégration du commerce dans le cadre normal du schéma de cohérence territoriale. Il s’agit encore de la remise en état des friches commerciales dans les territoires couverts par un SCOT ou de l’intégration des drive dans le champ des autorisations d’aménagement commercial, afin de les soumettre à autorisation d’exploitation commerciale. Sur tous ces aspects, le projet de loi comporte des avancées importantes, qui doivent être saluées.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi ALUR est un texte riche, à la fois précis et ouvert sur un ensemble considérable de sujets : les rapports entre propriétaires et locataires, la garantie universelle des loyers, les professions immobilières, la prévention des expulsions, l’habitat participatif, la lutte contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées, les instruments de la politique du logement, ou encore la modernisation des instruments de planification et d’urbanisme.

N’en déplaise à certains lobbies et aux conservateurs – qu’ils siègent dans cet hémicycle ou qu’ils dirigent certains organes de presse –, ce texte mérite tout notre soutien, car il est bien évident qu’il constituera l’un des projets de loi les plus importants de la présente législature et qu’il réorientera en profondeur certaines composantes de notre droit pour plusieurs années.

Mais il doit être aussi un formidable instrument de lutte contre les inégalités sociales et environnementales. En effet, les premières victimes de ce modèle de développement à bout de souffle auquel je faisais référence au début de mon propos, dont l’étalement et le cloisonnement urbains ne sont que les traductions spatiales, ce sont les plus modestes d’entre nous, ce sont aussi les premières victimes de la crise écologique, de la précarité énergétique et bien souvent ceux qui sont les plus exposés aux risques technologique, industriel, sanitaire, ceux qui ont à parcourir chaque jour de plus en plus de kilomètres entre leur domicile et leur travail parce que la ville n’est plus en capacité de les loger.

Montrons-nous, mes chers collègues – et ce projet de loi nous en donne l’occasion – à la hauteur de ce double enjeu social et environnemental. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure Audrey Linkenheld, monsieur le rapporteur Daniel Goldberg, monsieur le rapporteur Philippe Bies – vous à qui je rends un hommage particulier, car vous avez assisté à l’intégralité des travaux des deux commissions –, mes chers collègues, nous sommes ici pour examiner un texte d’une importance considérable – c’est du lourd, comme on dit à la cantine ! (Sourires.)

Et je ne parle pas seulement de la taille du texte, madame la ministre – vous ne le savez peut-être pas, mais je crois que nous avons battu, avec ce projet de loi, un record de volume dans l’histoire de la Ve République

M. Benoist Apparu. C’est sans doute ce que l’on appelle le choc de simplification !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Non, c’est parce que nous traitons les choses de manière globale et avec une cohérence parfaite, monsieur Apparu ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)



Si ce texte est considérable, c’est aussi et surtout par son contenu, un vrai contenu, utile, nécessaire, indispensable.

Car en plus d’être lourd, ce texte, mes chers collègues, est un texte concret – ce n’est pas du baratin, monsieur Apparu ! C’est un texte qui va vraiment changer les choses dans le quotidien de beaucoup de Français, un texte qui se préoccupe réellement des plus fragiles – je pense par exemple aux mesures qui concernent l’accès au logement social et qui en feront un système plus juste et plus transparent de lutte contre l’habitat indigne, notamment en donnant enfin un coup d’arrêt aux activités des marchands de sommeil.

Avec l’encadrement des loyers dans les zones tendues, c’est-à-dire dans les zones où les prix sont élevés à cause du déséquilibre entre l’offre et la demande – je tiens à apporter cette précision car ce dispositif est encore mal compris, mais notre débat permettra certainement de l’éclairer –, c’est l’ensemble des locataires qui vont être protégés. Trop nombreux sont ceux qui, à cause de la flambée des loyers, éprouvent des difficultés à se loger. Il était temps de faire quelque chose !

Aujourd’hui, chacun le sait – les propriétaires ne peuvent l’ignorer –, co-louer et sous-louer en toute opacité devient la seule solution pour s’en sortir.

Avec la GUL – la garantie universelle des loyers ou la garantie universelle du logement : même si, à mon sens, l’un n’empêche pas l’autre, nous devrons choisir, madame la ministre et peut-être y aura-t-il un amendement gouvernemental à ce sujet – ce sont aussi les propriétaires qui seront protégés contre les impayés, tandis que les locataires seront prémunis contre les abus de demandes de cautions multiples. Qui peut ignorer ces exigences outrancières de la part de certains propriétaires, qui demandent la caution du grand-père, de la grand-mère, de la tante, de l’oncle, du frère, de la soeur, et caetera ?

M. Benoist Apparu. Allons jusqu’à supprimer la caution !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Tout cela est insupportable. Il ne s’agit pas de favoriser l’irresponsabilité ou le laxisme des locataires malveillants – cela existe – car l’Agence nationale se substituera avec force, le cas échéant, à des propriétaires fragiles ou impuissants face aux impayés injustifiés. Le caractère universel de la garantie signifie que le risque est porté par tous et est couvert pour tous, du moins, bien évidemment, pour les personnes de bonne foi. Vous avez pensé à tout le monde, madame la ministre : ce souci d’équilibre vous honore.

Les différentes mesures visant à introduire plus de transparence dans la gestion des activités immobilières vont redonner du souffle aux professionnels, qui n’en manquent d’ailleurs pas, et offrir des garanties plus claires aux vendeurs comme aux acquéreurs.

La création du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières va permettre l’instauration de règles déontologiques – il en manquait – que nous attendons tous et qui profiteront sans aucun doute aux professionnels sérieux qui souffrent actuellement, pour l’ensemble ou la quasi-totalité d’entre eux, des pratiques inacceptables de certains « charlatans ». J’aurais pu utiliser d’autres mots, mais celui-ci me paraît admissible dans notre hémicycle. D’autres diraient : « voyous, bandits, coquins ».

M. Marcel Rogemont. Il l’a dit quand même !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Moi, je dis : « charlatans » (Sourires). Nous savons tous combien il est difficile de trouver un logement, en particulier dans une ville que l’on ne connaît pas, quand on n’a pas l’habitude de mener ce genre de recherches. La mobilité subie – en raison, on le sait, des mutations professionnelles – place bien souvent le couteau sous la gorge de la personne cherchant un logement. Votre texte, madame la ministre, vient ainsi lutter contre l’abus de faiblesse dont sont victimes ces locataires.

Votre projet de loi engage aussi la modernisation de l’harmonisation des documents d’urbanisme (Sourires).

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Eh oui !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le chemin législatif, d’ici la lecture définitive, finira par trouver le bon équilibre pour que les cohérences territoriales, il est vrai indispensables, ne tournent pas le dos à la responsabilité des maires et de leur conseil municipal. Et je salue, à ce stade, votre capacité d’écoute à l’égard des parlementaires s’agissant du plan local d’urbanisme intercommunal. L’urbanisme est un sujet qui soulève toujours des débats passionnés, en particulier, mais pas seulement, dans notre assemblée. Madame la ministre, je pense que vous ne serez pas déçue au Sénat non plus lorsque le sujet y sera examiné : il faut donc lui laisser un petit peu de matière pour que le débat qui s’y tiendra ne soit pas complètement fermé

C’est aussi la raison pour laquelle je veux remercier le Gouvernement d’avoir accepté d’élargir le champ de cette réforme, notamment en voulant bien faire suite à ma demande de ne pas manquer une fois de plus l’occasion qui nous est fournie de travailler sur la question de l’urbanisme commercial. L’amendement que va nous proposer le Gouvernement, à la suite de mon amendement d’appel, comporte de réelles avancées pour renforcer le code de l’urbanisme en la matière, et vous nous prouvez une fois de plus que ce Gouvernement tient ses engagements. On va en effet pouvoir commencer à travailler sur le sujet. Si rien n’avait été proposé, on n’aurait pu le faire. Mon amendement d’appel avait évidemment vocation à faire bouger les lignes : je prends donc bonne note du mouvement qui s’engage. Il ne s’agit pas de s’engager dans une course de vitesse, l’essentiel étant que l’on bouge.

Enfin, je voudrais saluer ici – je le dis sans flagornerie – l’excellent travail fait en commission. Les débats y ont été particulièrement riches et nous le devons en partie à la qualité du travail titanesque – j’insiste sur ce mot, qui n’est pas trop fort – fourni par les deux co-rapporteurs et leurs collaborateurs. En effet, contrairement à ce que pourrait laisser entendre le terme de projet de loi, nous avons pris le temps de débattre et de discuter en profondeur des dispositions qui nous étaient soumises. Même si le soleil de juillet nous invitait à la distraction, nous avons été nombreux à mener le travail jusqu’à son terme.

À ce propos, je me demande quels arguments M. Saddier va pouvoir déployer à l’appui de la motion de renvoi en commission qu’il va présenter tout à l’heure. J’imagine qu’il doit être en train de la préparer dans son bureau. Je veux lui dire – il doit s’en rappeler – qu’il a participé à une séance de travail sur sept : aussi je comprends qu’il demande, par ce renvoi en commission, à bénéficier de séances personnelles de rattrapage pour accomplir un travail qu’il n’a pu effectuer à nos côtés (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Nous avons mené un long travail pour aboutir, au final, à un texte qui a déjà, avouons-le, fière allure (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Marcel Rogemont. On va changer de ton !

M. Benoist Apparu. Madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à l’occasion de sa campagne électorale – chacun, ici, s’en souviendra –, François Hollande avait pris des engagements très importants en matière de logement. Le principal, me semble-t-il, – vous me corrigerez, madame la ministre, si mes souvenirs me trompent – était de produire, dès la première année de son quinquennat, 500 000 logements, dont 150 000 logements sociaux : j’imagine que nous aurions tous pu partager cet engagement, quel que soit le banc que l’on occupe dans cet hémicycle. En effet, le constat posé par l’actuel Président de la République était le bon : nous souffrons cruellement de l’insuffisance de la production de logements dans notre pays. Malheureusement, le bilan n’est pas au rendez-vous.

M. Marcel Rogemont. Vous voulez parler du bilan de vos dix ans ? C’est sûr !

M. Benoist Apparu. En 2011, monsieur le député, je dois vous rappeler que nous avions produit, en France, 435 000 logements. Si je ne m’abuse, en 2012, nous en avons fait 90 000 de moins, soit 345 000. Cette baisse persistera en 2013, qui connaîtra probablement une production de l’ordre de 300 000 logements, et ce chiffre devrait demeurer identique en 2014 (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC).

M. Marcel Rogemont. Ce sont les conséquences des décisions de 2010 !

Mme Laurence Dumont. C’est la génération spontanée !

M. Benoist Apparu. Autrement dit, la production de logements dans notre pays est en chute libre. Tel est le premier bilan de ce Gouvernement en matière de logement.

Mme Julie Sommaruga. Qui a baissé les aides à la pierre ?

M. Benoist Apparu. Vous me direz, madame la ministre, à juste titre, que la crise économique est évidemment l’une des explications de cette faiblesse de la production. Si cet argument est incontestable, je crains que ce ne soit pas la seule explication valable. En effet, vous avez pris toute une série de mesures qui vont à l’encontre de la production de logements dans notre pays. Le texte que nous examinons s’inscrit hélas dans le droit fil de la politique que vous menez depuis un an et demi : il risque, de notre point de vue, d’affaiblir encore les capacités de production de logements de notre pays. Pourtant, comme l’avait si bien noté François Hollande dans sa campagne électorale, la seule façon de lutter contre l’augmentation des loyers et, plus généralement, des prix de l’immobilier dans notre pays, est de produire des logements, et non pas de s’attaquer à la conséquence du problème, à savoir le niveau des prix. Pour ce qui nous concerne, nous faisons donc de la production de logements la pierre angulaire d’une politique visant à permettre à chacun de se loger en fonction de ses revenus.

Mme Ericka Bareigts. Voilà qui est nouveau !

M. Benoist Apparu. Or, je me répète, vous avez engagé une politique qui va malheureusement à l’encontre de cette obligation pour nous tous. Je vais, si vous le voulez bien, en citer quelques exemples. Tout d’abord, au risque d’être légèrement caricatural, je dois dire que ce Gouvernement considère malheureusement le propriétaire comme un méchant (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Bien évidemment, tout ce que vous avez fait depuis que vous êtes arrivés au Gouvernement est inspiré par ce principe. Permettez-moi de citer deux exemples : vous avez travaillé très longuement sur la réquisition – soit sur des mesures dirigées contre les propriétaires – et sur la lutte contre les expulsions. Vous allez même, de fait – j’y reviendrai tout à l’heure – interdire les expulsions dans notre pays. Par l’ensemble des mesures que vous adoptez, vous allez décourager investisseurs et propriétaires.

Je veux également vous dire qu’en matière de fiscalité, vous avez accompli des choses admirables, y compris tout récemment. La décision du Gouvernement d’autoriser les conseils généraux à augmenter les droits de mutation à titre onéreux va évidemment fragiliser, non seulement la construction de logements neufs, mais également et surtout la fluidité des marchés du logement dans l’ancien.

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas cela, l’enjeu.

M. Benoist Apparu. Pourquoi le faites-vous ? Tout simplement parce que, face aux difficultés de financement, en particulier des prestations sociales, au lieu de réduire les dépenses, vous augmentez comme d’habitude les impôts donc, notamment, les droits de mutation à titre onéreux.

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellent !

M. Benoist Apparu. Vous avez également pris des positions assez surprenantes sur la TVA, madame la ministre, ou plutôt est-ce le fait de vos collègues de l’économie et des finances et du budget.

M. Marcel Rogemont. Elle fait partie du Gouvernement et en est donc solidaire !

M. Benoist Apparu. S’agissant de la TVA, qu’avez-vous fait ? Vous l’avez réduite sur le logement social et l’avez augmentée sur la réhabilitation et la production de logements neufs. Autrement dit, vous baissez la TVA affectant le secteur censé, en période de crise, jouer un rôle contra-cyclique, en offrant une production de logements qui compense la faiblesse de la production privée, par la production de logements sociaux. En sens inverse, nos artisans, en particulier dans le secteur du bâtiment, vont subir une augmentation de la TVA sur la réhabilitation.

De la même façon, la production de logements neufs souffrira d’une augmentation de la TVA lorsque vous la ferez passer à 20 %, voire, à entendre le rapporteur général du budget, M. Christian Eckert, davantage. Ce n’est pas en augmentant la fiscalité, via la TVA et les droits de mutation à titre onéreux que vous faciliterez la production de logements dans notre pays.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien entendu !

M. Benoist Apparu. J’en viens maintenant au projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre.

M. Christophe Borgel. Ah, quand même !

M. Benoist Apparu. Je voudrais m’arrêter, si vous le voulez bien, sur ses trois dispositions principales : la garantie universelle des loyers, la question de l’encadrement des loyers et le PLUI, cher au président Brottes.

L’encadrement des loyers constitue à mes yeux une mesure contreproductive qui va pénaliser la production de logements dans notre pays.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. Benoist Apparu. Pourquoi ? Parce que vous traitez la conséquence du problème, et non pas sa cause. Pourquoi les prix augmentent-ils à Paris et en Île-de-France ? Parce que nous connaissons, depuis un certain nombre d’années, un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements.

M. Marcel Rogemont. Notamment depuis les dix dernières années.

M. Benoist Apparu. Parce qu’il existe ce déséquilibre, notamment à Paris et en Île-de-France, nous connaissons évidemment une augmentation des prix de l’immobilier et, par conséquent, une hausse des loyers. Or, lorsque vous traitez la question du montant des loyers, vous examinez les conséquences du problème et non pas sa cause.

M. Christophe Borgel. C’est un peu répétitif…

M. Benoist Apparu. Si je suis répétitif, vous savez comme moi que la pédagogie est l’art de la répétition.

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas de la pédagogie, c’est du psittacisme !

M. Benoist Apparu. Oui, je vais continuer à me répéter : tant que vous traiterez les conséquences des problèmes au lieu de traiter leurs causes, vous ne réglerez pas la question des coûts de l’immobilier à Paris et en Île-de-France.

Mme Annick Lepetit. Et que proposez-vous ?

M. Benoist Apparu. J’en viendrai aux propositions dans quelques instants.

Deuxième élément : si cette mesure était neutre, elle serait à la limite discutable. Malheureusement madame la ministre, en envoyant à nouveau un message de cette nature aux investisseurs et aux propriétaires – qui sont, vous le savez bien, les seuls à construire les logements dont nous avons besoin –, vous allez les désinciter à investir sur le marché locatif. Je prendrai un exemple très récent. À Paris, vous le savez, les investisseurs dits institutionnels – banques, assurances et grandes foncières – étaient propriétaires de 24 % du marché locatif privé dans les années 1990.

M. Marcel Rogemont. C’est vrai.

M. Benoist Apparu. Ce chiffre est aujourd’hui de 3 %. Pourquoi les investisseurs institutionnels ont-ils quitté le marché du logement ? Tout simplement parce qu’ils ont trouvé dans d’autres secteurs une rentabilité plus importante, notamment dans l’immobilier d’entreprise. Ce qui s’est passé avec les investisseurs institutionnels, vous allez le reproduire avec les investisseurs individuels, privés, qui tiendront malheureusement le même raisonnement. À vouloir dégrader la rentabilité locative de l’investissement immobilier locatif, vous allez faire fuir les investisseurs et les propriétaires, qui sont les seuls à pouvoir produire les logements dont nous avons besoin en Île-de-France.

Mme Annick Lepetit. Vous n’avez rien fait pour les faire revenir !

M. Benoist Apparu. C’est la raison pour laquelle l’encadrement des loyers est une mesure qui nous semble contre-productive.

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument ! Bonne démonstration !

M. Benoist Apparu. Si vous me le permettez, je voudrais m’arrêter quelques instants sur la garantie universelle des loyers.

M. Marcel Rogemont. Au moins, à court terme, c’est positif : nous allons faire construire des logements !

M. Benoist Apparu. Si vous souhaitez que nous comparions les bilans des logements qui ont été construits, une fois encore, monsieur le député, il n’y a aucun problème. Je crains malheureusement que les chiffres que vous affichez actuellement ne soient pas à la hauteur des logements que nous avons construits, y compris dans le logement social. Je vous rappelle qu’en 2011, 120 000 logements sociaux ont été construits alors qu’à l’époque de Lionel Jospin vous en faisiez 40 000 et que cette année à peine 100 000 ont été livrés. De grâce, épargnez-nous vos leçons : votre bilan en la matière n’est pas à la hauteur de ce que nous avons fait.

M. Marcel Rogemont. Arrêtez donc avec ce débat-là !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous pouvez garder vos leçons pour vous !

M. Benoist Apparu. Je reviens à la garantie universelle des loyers.

Madame la ministre, vous nous présentez un nouveau dispositif qui prend la suite de deux dispositifs de garantie des risques locatifs qui ont été mis en place précédemment : la « GRL1 » et la « GRL2 ». Quelle était l’idée initiale portée à l’époque par les partenaires sociaux du 1 % logement, c’est-à-dire à la fois le MEDEF et les organisations représentatives des salariés, notamment la CFDT ?

La CFDT soulignait à juste titre la difficulté à se loger dans les zones tendues pour les salariés en contrat précaire – salariés en CDD, en intérim ou jeunes travailleurs. Ces derniers ont en effet réellement du mal à accéder au marché du logement privé : lorsque vous vous présentez à un propriétaire avec un CDD, votre dossier se retrouve évidemment en dessous de la pile. Le CDI aura toujours, en termes de garantie, la préférence des propriétaires.

C’est pourquoi la CFDT avait imaginé un dispositif, que nous avions soutenu, visant à rassurer le propriétaire en lui garantissant que son loyer lui serait versé quoi qu’il arrive. Telle est l’origine des dispositifs de garantie des risques locatifs. C’est d’ailleurs ce que reprend à son compte non pas l’exposé des motifs du texte mais l’étude d’impact qui accompagne ce dernier. C’est l’objectif poursuivi par l’ensemble de ces dispositifs.

Malheureusement, ni la « GRL1 » ni la « GRL2 » n’ont fonctionné. Le premier dispositif avait été mis en place par Jean-Louis Borloo ; j’avais eu l’honneur de mettre en place le second. Mais ni l’un ni l’autre n’ont produit les résultats escomptés. Ils ont même entraîné des effets opposés à ceux qui étaient recherchés. Que s’est-il passé concrètement ?

En zone dite détendue, les propriétaires ont trouvé intérêt à ces produits de garantie : l’existence d’une assurance pour les salariés précaires leur permettait en effet d’élargir leur clientèle potentielle. Ils ont donc souscrit un contrat, pas tant pour s’assurer du paiement du loyer que pour être sûrs de trouver un locataire.

En zone tendue, les résultats n’ont pas été à la hauteur des attentes, parce que, en tout état de cause, quoi qu’il arrive, un propriétaire – à tort ou à raison, je n’émets ici aucun jugement – qui a le choix entre une personne qui présente des garanties d’emploi en CDI et une personne qui est en CDD optera toujours pour la sécurité, même s’il est assuré. Le propriétaire souhaite non seulement que le loyer soit versé mais aussi que sa vie soit simplifiée. Il préférera donc éviter d’avoir à faire appel à son assureur, par exemple.

C’est ce qui explique pourquoi ces dispositifs n’ont malheureusement pas fonctionné. Le nouveau dispositif que vous nous présentez, madame la ministre, la garantie universelle des loyers, subira par conséquent le même échec et ne répondra pas à vos attentes.

En outre, à la différence des GRL, il présente un risque financier particulièrement lourd pour l’État et, surtout, crée de fait un nouvel impôt. En effet, si j’ai bien compris le fonctionnement de votre dispositif – mais puisque celui-ci évolue assez régulièrement, au gré des arbitrages, je ne suis pas certain d’avoir consulté la dernière mouture –, vous allez supprimer la caution personnelle – sauf à ce que les deniers bruits qui courent dans le secteur du logement soient véridiques, mais vous nous l’expliquerez, madame la ministre, si tant est que les arbitrages aient déjà été faits en la matière –, vous allez supprimer la garantie des loyers impayés et la garantie des risques locatifs.

Le dispositif sera donc financé par une taxe représentant 1,5 % ou 2 % du loyer annuel et portant sur 100 % des contrats locatifs, qui sera acquittée à parts égales par les propriétaires et les locataires. En d’autres termes, vous instituez un impôt Duflot de 2 % touchant l’ensemble des contrats locatifs et ce, je le rappelle, pour traiter 3 % d’impayés. Les 97 % des locataires qui paient rubis sur l’ongle leur loyer seront donc soumis à une taxe de 1 %, de même que les 97 % des propriétaires qui perçoivent leur loyer à la fin du mois sans difficulté.

M. Edouard Philippe. Punition générale !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est merveilleux !

M. Benoist Apparu. L’ensemble du dispositif repose par ailleurs sur une garantie de l’État pour tous les impayés, lesquels risquent malheureusement d’exploser – ce n’est heureusement pas une certitude – parce qu’un certain nombre de locataires, de bonne foi, compte tenu de leurs difficultés, auront alors moins de scrupule à choisir de ne plus payer leur loyer sachant que leur propriétaire pourra se tourner vers le fonds de garantie. C’est le risque réel que présente le dispositif que vous êtes en train d’élaborer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Le Ray. Exactement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Benoist Apparu. Telles sont, madame la ministre, les raisons pour lesquelles nous sommes résolument défavorables à la garantie universelle des loyers.

Le troisième point de votre texte de loi, un point évidemment essentiel, concerne le plan local d’urbanisme intercommunal.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ah ! Voilà qui est drôle !

M. Benoist Apparu. À titre personnel, madame la ministre – je le précise car je ne suis pas tout à fait convaincu d’être suivi par la totalité de mes collègues de l’UMP sur ce point –, j’y suis favorable et je vous remercie d’avoir réintroduit dans ce texte une telle évolution, pour ne pas dire révolution,…

M. Marcel Rogemont. J’attends votre proposition !

M. Benoist Apparu. Monsieur le député, de grâce, relisez votre histoire ! Michel Piron, ici présent, et moi-même avons présenté trois fois le PLUI ; qui s’y est opposé ? Le parti socialiste !

M. Marcel Rogemont. Vous aussi !

M. Benoist Apparu. Qui s’y est opposé ? Le président Brottes, ici présent, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et nous avons été battus dans cet hémicycle comme en commission par la majorité du groupe socialiste et, il est vrai, une grande partie du groupe UMP…

M. Jean-Frédéric Poisson. Quel revirement spectaculaire, monsieur Brottes !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est parfaitement exact !

M. Benoist Apparu. Vous avez le droit de changer d’avis et d’être favorable aujourd’hui à ce à quoi vous vous opposiez hier, mais, de grâce, ne nous donnez pas de leçon en la matière.

M. Marcel Rogemont. Moi, j’étais pour !

M. Benoist Apparu. Pour ma part, je considère, je le confirme, que l’urbanisme doit être traité à une échelle intercommunale, puisque c’est à cette échelle que s’organise la vie de nos concitoyens. Voilà encore quelques années, la planification s’effectuait de manière logique à l’échelle communale parce que c’était celle des habitants de nos communes : ces derniers commerçaient, pratiquaient leurs loisirs dans la commune où ils vivaient. Aujourd’hui, en revanche, toutes les fonctions urbaines qui concernent la vie de nos concitoyens – le commerce, l’habitat, les transports – se déploient à l’échelle intercommunale.

M. Jean-Frédéric Poisson. Pourquoi pas un PLU national ? (Sourires)

M. Benoist Apparu. C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je suis favorable au PLU intercommunal.

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas moi !

M. Benoist Apparu. Telles sont, madame la ministre, les positions qu’un certain nombre de mes collègues du groupe UMP et moi-même allons défendre au sujet des trois mesures principales de votre texte tout au long de ce débat.

Avant de clore mon propos, je conclurai sur le choc de simplification que vous engagez avec ce texte de 250 pages\’85 J’avoue avoir souvent écouté les déclarations du Président de la République. À l’occasion de nombreux rendez-vous médiatiques qu’il a proposés aux Français, il s’est engagé avec force conviction dans un choc de simplification pour l’ensemble des domaines administratifs, notamment – il le citait à chaque occasion – celui du logement.

Madame la ministre, je crois que vous détiendrez le record de la VRépublique : trois textes de loi en un an, dont le dernier est un texte magistral de 250 pages.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est le talent !

M. Benoist Apparu. J’imagine que c’est sans doute cela que vous appelez un choc de simplification.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est en effet un choc !

M. Benoist Apparu. Il est vrai que si vous prenez le pavé de 250 pages dans la figure, cela peut être un gros choc, mais en termes de simplification, je ne suis pas convaincu que les engagements du Président de la République soient respectés.

Madame la ministre, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à souhaiter la simplification des normes et je vous ai entendue à plusieurs reprises, à l’instar du Président de la République, appeler celle-ci de vos vœux. Je crains malheureusement que les trois rendez-vous législatifs que vous nous avez proposés ne permettent pas cette simplification. Je crains en outre – j’en suis même convaincu – que le texte que vous nous présentez aboutisse non pas à une simplification mais à une complexification tant de l’urbanisme que du logement, à une administration de l’ensemble de ces politiques publiques. Je crains, là encore, que les résultats que vous attendez de l’entrée en vigueur de votre texte ne soient malheureusement pas au rendez-vous.

Au-delà de ces critiques importantes, essentielles, je voulais revenir quelques instants sur un certain nombre de propositions que le groupe UMP formalise depuis plusieurs semaines voire plusieurs mois en matière de logement.

Je m’arrêterai notamment sur ce qui me paraît être le principal écueil de ce texte de loi. Les problématiques du logement en France sont essentiellement centrées sur la question des zones dites tendues ; la bande méditerranéenne qui va de Marseille à Menton en passant par Antibes, commune chère à M. Leonetti, l’Île-de-France et, en son sein, Paris. Ce sont sur ces territoires en particulier que nous devons concentrer notre dynamique de construction de logement.

Or le présent texte ne répond pas à cette demande.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Toujours les mêmes travers !

M. Benoist Apparu. Il n’y a malheureusement dans ce texte aucune mesure spécifique pour Paris et l’Île-de-France alors que vous êtes vous-mêmes, madame la ministre, une élue parisienne et que vous devez donc être au fait de cette problématique.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas sûr !

M. Jean Leonetti. Il faut changer de maire !

M. Benoist Apparu. C’est pourquoi certains parlementaires parisiens – je pense notamment à Jean-François Lamour, ici présent, et à Nathalie Kosciusko-Morizet – et moi-même avons présenté ce matin un amendement visant à insérer un titre V dans votre projet de loi, un nouveau chapitre pour présenter des mesures spécifiques pour traiter de la question primordiale du foncier à Paris et en Île-de-France.

Je souhaite que ces mesures appellent votre attention, madame la ministre. J’imagine que nous aurons un débat sur ces questions et je ne doute pas un instant que vous accepterez bon nombre des amendements que nous proposons, qui sont des amendements de bon sens en matière de construction de logements.

Telles étaient les remarques que mes collègues du groupe UMP et moi-même souhaitions formuler au sujet de ce texte. Vous l’aurez noté, à l’exception, pour ce qui me concerne, du PLUI, je crains malheureusement que ce texte ne produise des effets inverses de ceux qui étaient escomptés. Je crains également que l’engagement électoral du Président de la République de produire 500 000 logements par an dans notre pays ne soit, comme d’autres, pas tenu. Je crains que ce texte ne se traduise, comme d’autres, que par une fiscalité alourdie et une augmentation des dépenses.

Ce Gouvernement nous y habitue d’ailleurs depuis quelques semaines, et même depuis quelques mois. Une fois encore, nous sommes convaincus que vous faites fausse route. C’est pourquoi, bien évidemment, nous nous opposerons à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le député, dans la défense de votre motion de rejet préalable, vous développez des arguments qui peuvent apparaître contradictoires. Vous êtes notamment revenu longuement sur la garantie universelle des loyers, qui semble faire débat. À ce sujet, vous avez eu raison de rappeler que ce qui a inspiré une partie de ce dispositif, c’est la GRL et ses limites, que vous avez bien pointées. L’une d’entre elles est son absence d’universalité : parce qu’il se concentre sur certaines populations, le dispositif stigmatise les bénéficiaires de la garantie et son équilibre financier est ainsi rendu précaire. Par ailleurs, l’organisme chargé de la distribution de la garantie a rencontré des difficultés pour trouver des assureurs susceptibles de se mobiliser pour délivrer ce type de dispositif.

À l’inverse, un certain nombre de ceux qui s’opposent à la garantie universelle des loyers disent qu’il n’est pas nécessaire de la mettre en œuvre puisqu’il existe la GLI et la GRL, lesquelles fonctionnent très bien.

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

Mme Cécile Duflot, ministre. Vous non, mais d’aucuns le disent.

M. Jean Leonetti. M. Caresche dit lui aussi que le texte est mauvais !

Mme Cécile Duflot, ministre. On voit bien que les motivations, pour ce qui est de s’opposer à la garantie universelle des loyers, sont totalement contradictoires.

S’agissant du nombre de logements – j’en viens à ce point qui est essentiel –, l’argument principal contre l’encadrement des loyers et le retour à une politique de régulation consiste à dire que le seul moyen de faire baisser les loyers est d’améliorer l’offre.

Vous vous êtes d’ailleurs félicité des bons résultats obtenus en matière de construction, notamment pendant l’année 2011. Or a-t-on pour autant constaté, au cours de cette année, une baisse des loyers ? La réponse est évidemment non. Au contraire, la hausse des loyers à la relocation a été importante.

M. Jean Leonetti. C’est normal, il y a forcément un décalage !

Mme Cécile Duflot, ministre. Force est donc de constater que l’augmentation de l’offre n’est absolument pas corrélée au niveau des loyers.

M. Benoist Apparu. Je n’ai rien dit de tel !

Mme Cécile Duflot, ministre. Pas aujourd’hui, mais vous avez eu l’occasion de dire que l’encadrement des loyers ne traite que le symptôme et pas les causes.

M. Jean Leonetti. C’est inutilement polémique et politicien !

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas sérieux !

Mme Cécile Duflot, ministre. Mais sur ce point, vous avez raison, monsieur Apparu. C’est d’ailleurs exactement ce que j’ai dit.

J’ai dit, en effet, que la régulation était nécessaire, mais qu’elle n’épuisait en aucun cas la question. Voilà d’ailleurs pourquoi l’engagement du Gouvernement a porté, dans un premier temps, sur le problème de l’offre, en agissant sur la libération du foncier, notamment public, sur la capacité à recréer de la densité, sur le raccourcissement des délais de recours et surtout sur la fin des recours mafieux contre les permis de construire.

Mais pourquoi ne pourrait-on pas, afin de traiter la maladie d’un patient, lui donner, en même temps qu’un traitement de fond, du paracétamol contre la fièvre ? Eh bien, ce qu’il nous faut faire en matière de loyers, c’est précisément traiter la fièvre immédiatement. Pourquoi ? Parce que la conséquence directe en est la difficulté de se loger.

M. Marcel Rogemont. Très bon argument !

M. Benoist Apparu. Si vous prescrivez un médicament qui augmente la maladie, il y a tout de même un problème !

Mme Cécile Duflot, ministre. L’offre de logement – à cet égard, nous maintenons l’objectif élevé de 500 000 logements par an – n’est donc pas incompatible avec la régulation des loyers ; les deux se cumulent. Ce sont deux objectifs que nous nous sommes fixés : il s’agit à la fois d’améliorer l’offre – ce qui passe notamment par une augmentation de la production de logements – et d’encadrer les loyers.

M. Benoist Apparu. Les deux sont contradictoires !

Mme Cécile Duflot, ministre. Non, ce n’est pas contradictoire. C’est même au contraire le gage d’une efficacité décuplée. Quoi qu’il en soit, l’immobilisme a été favorisé par un discours idéologique…

M. Guy Geoffroy et M. Jean-Frédéric Poisson. Parole de spécialiste !

Mme Cécile Duflot, ministre. …qui consistait à dire que le seul problème était l’offre. Ce discours a simplement servi de justification au fait de ne rien faire, alors même que la hausse des loyers était considérable, en valeur absolue mais aussi par rapport aux revenus. En effet, vous avez pu constater, puisque ce projet de loi a donné lieu à de nombreuses publications dans la presse, l’augmentation très importante depuis dix ans, et plus encore depuis trente ans, du poids des loyers par rapport aux revenus des habitants de notre pays.

Nous voulons mettre fin à cette situation : l’augmentation de cette dépense contrainte qui pèse sur le pouvoir d’achat et sur la qualité de vie n’est pas inévitable. L’encadrement des loyers est tout à fait possible. D’autres pays européens se sont d’ailleurs engagés dans cette voie, sans oublier ceux qui n’avaient jamais renoncé à des dispositifs de ce genre.

Enfin, j’ai entendu avec plaisir ce que vous avez dit sur la dimension intercommunale des plans locaux d’urbanisme. C’est un débat que nous avons mené – j’en profite pour saluer le président de la commission des affaires économiques – de manière très responsable.

M. Henri Jibrayel et M. François Pupponi. Tout à fait !

Mme Cécile Duflot, ministre. C’est un travail partagé. Nous avons la volonté de lever les difficultés que certains ont pu connaître – comme je l’ai dit, les premiers projets en la matière datent de 1976. Tel est l’état d’esprit qui anime la majorité, y compris dans le dialogue avec l’opposition : il s’agit de faire en sorte que, sur des questions qui touchent à l’intérêt général et à l’exercice des responsabilités de l’ensemble des collectivités, nous puissions avancer de manière résolue et constructive. Voilà pourquoi je crois que votre motion de rejet préalable n’est pas adaptée à la situation. Au contraire, l’urgence commande de voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Nous venons d’entendre M. Apparu défendre sa motion de procédure. C’est un grand classique : en début de mandat, on voit souvent l’ancien ministre essayer d’apporter la contradiction au nouveau.

M. Jean Leonetti. Cela vous arrivera bientôt ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François de Rugy. On verra !

D’ailleurs, M. Apparu était ministre délégué, ce qui constitue une petite différence puisque, dans le gouvernement actuel, il y a une ministre du logement de plein exercice. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Dans le précédent gouvernement, il y avait un grand ministère de l’écologie qui englobait le logement !

M. François de Rugy. C’est un signal politique fort que le Président de la République et le Premier ministre ont voulu donner afin de faire comprendre que le logement est une priorité de ce gouvernement et de notre majorité.

M. Benoist Apparu. Combien de ministres de l’écologie y a-t-il déjà eu dans ce gouvernement ?

Mme la présidente. Monsieur Apparu, je vous en prie !

M. François de Rugy. Je vous le dis sincèrement, monsieur Apparu, je m’attendais à ce que vous mettiez votre bilan en regard des projets et des premières mesures qui ont été prises depuis 2012. Je suis d’ailleurs assez surpris que vous ayez semblé vous plaindre qu’il y ait eu trois textes sur le logement depuis quinze mois. Eh bien, nous, nous nous réjouissons qu’il y ait déjà eu trois textes sur ce qui constitue une priorité pour les Français, pour leur vie quotidienne et pour leur avenir. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)



Nous nous félicitons que les engagements pris devant les Français par le Président de la République et par nous, en tant que candidats, avant que nous devenions députés, aient été tenus, et ce, pour certains – je pense notamment à l’encadrement des loyers à la relocation –, dès le début du mandat.

M. Benoist Apparu. Et les 500 000 logements par an, où sont-ils ?

Mme la présidente. S’il vous plaît, mon cher collègue !

M. François de Rugy. Cela fait plus d’un an qu’a été pris le décret Duflot – c’est ainsi qu’on l’appelle – sur l’encadrement des loyers à la relocation. On peut donc en mesurer les premiers effets. Or la presse a été obligée de reconnaître que, depuis un an, dans les zones tendues, dans les grandes villes, il y a bien eu une modération dans la progression des loyers. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



Je pensais, monsieur Apparu, que vous alliez nous parler de votre slogan de 2007. En effet, voyez-vous, j’ai été comme vous élu député en 2007, même si, à l’époque, j’étais dans l’opposition. Or je me souviens très bien de ce slogan : « une France de propriétaires ».

Où est-elle donc passée, monsieur Apparu, pendant les cinq ans où vous étiez au Gouvernement ? (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Elle est partie avec Mme Boutin !

M. Benoist Apparu. Et vos 500 000 logements par an, où sont-ils ?

M. François de Rugy. Surtout, je me souviens que le pays cité en exemple par M. Sarkozy était l’Espagne. Votre prédécesseur au poste de ministre du logement, Mme Boutin, qui s’exprimerait sans aucun doute sur ce texte si elle était encore députée, avait même fait un voyage – oserai-je dire un pèlerinage ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – en Espagne, tant ce pays était la référence pour ce qui était de faire en sorte que tout le monde devienne propriétaire. La réussite fut telle que la crise en Espagne vint précisément de la spéculation immobilière. Vous devriez vous en souvenir. Vous devriez aussi vous souvenir qu’au moment de son élection à la présidence de la République, M. Sarkozy voulait instaurer en France des crédits hypothécaires qui ressemblaient furieusement aux subprimes. Heureusement que la France ne s’est pas engagée dans cette voie !

Par ailleurs, je voudrais souligner que, lorsque le précédent gouvernement a fait une loi sur le logement, l’acronyme de ce texte était « MOL ». Celui du présent texte est « ALUR ».

M. Dominique Baert. Eh oui ! Maintenant, ça a de l’allure !

M. François de Rugy. C’est tout un symbole. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.) Mais, au-delà de ce symbole, on peut dire que l’action menée depuis quinze mois en faveur du logement a de l’allure, alors que la vôtre était particulièrement molle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. C’est absolument lamentable !

M. Sylvain Berrios. Voilà un argument puissant, qui fait avancer le débat !

M. François de Rugy. En effet, quel est votre bilan en la matière ? Il est très concret pour les Français : explosion du montant des loyers et des prix pour l’accession à la propriété. Mme la ministre l’a dit à l’instant : la part consacrée au logement dans le budget des ménages a fortement augmenté pour les locataires du secteur privé comme pour les accédants à la propriété – car il devient de plus en plus difficile d’accéder à la propriété, malgré l’allongement de la durée des prêts.

Au moment de la crise de 2008, on pouvait penser que, de ce point de vue, à quelque chose malheur serait bon – en l’occurrence, que les prix chuteraient. Or les mesures que vous avez prises à l’époque ont fait en sorte – et c’est un comble – que les prix restent très élevés dans les zones tendues. Voilà la situation dont nous avons hérité. Il est donc plus que jamais nécessaire d’agir.

Je finirai en vous répondant sur la garantie universelle des loyers, qui sera un point très important de nos débats. Vous avez dit que vous y étiez résolument défavorables. Cela ne m’étonne pas de vous !

Les choses sont très simples et les gens savent parfaitement – qu’ils soient locataires ou propriétaires bailleurs – qu’aujourd’hui le système repose sur l’assurance privée. Si l’on veut se prémunir contre les risques d’impayés de loyers, on souscrit une assurance privée.

M. Benoist Apparu. C’est faux !

M. François de Rugy. Vous préférez le système d’assurance privée à un système collectif mutualisé…

M. Sylvain Berrios. C’est le retour du collectivisme !

M. François de Rugy. …qui permet de couvrir tout le monde et de protéger en particulier les petits propriétaires, que vous devriez pourtant défendre, contre les risques de loyers impayés.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jean-Noël Carpentier. Notre débat commence bien ; il est clair. De fait, il y a deux visions : d’un côté, une vision ultralibérale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), …

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Eh oui !

M. Jean-Noël Carpentier. …caractérisée par le laisser-faire, et, de l’autre, une vision qui consiste à tenter de réguler, pour répondre au problème de la spéculation foncière, c’est-à-dire, monsieur Apparu, pour améliorer le quotidien de millions de nos concitoyens.

Nous n’arrivons pas sur un terrain vierge. Pendant dix ans, vous avez contribué à la dégradation de la vie quotidienne des Français en matière de logement.

M. Henri Jibrayel. Ils ont ruiné le pays !

M. Jean-Noël Carpentier. Pour le coup, l’héritage que nous avons à gérer existe bel et bien. Hausse des loyers, baisse du pouvoir d’achat et destruction du logement public en France : voilà votre bilan. Eh bien, oui, nous devons donc reconstruire, et ce dans une situation économique extrêmement difficile. Avec ce projet de loi, nous allons tenter d’y parvenir. Bien sûr, il n’y aura pas de recette miracle (« Ah ? » sur les bancs du groupe UMP), nous n’y arriverons pas en claquant les doigts, mais nous, nous attaquons au problème, en veillant au quotidien des Français.

En vérité, monsieur Apparu, vous avez adopté une posture extrêmement politicienne qui va également être celle de votre groupe tout au long de ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous n’espérez qu’une seule chose : que la situation de nos concitoyens ne s’améliore pas, pour pouvoir dire : « Vous voyez, ça ne marche pas. » Vous dénigrez systématiquement les évolutions positives. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Jean-Noël Carpentier. Cette posture n’est pas très républicaine, et pas très responsable. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) Aujourd’hui, il y a urgence à traiter les vraies questions. Le groupe RRDP votera donc contre votre motion.

Mme la présidente. Mes chers collègues, essayons de faire baisser la tension dans l’hémicycle.

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Je ne parlerai pas du fond du débat, car j’interviendrai assez longuement à l’occasion de la discussion générale, en fin d’après-midi. Je me contenterai donc d’expliquer le vote des députés du Front de gauche et, plus largement, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Nous ne voterons pas cette motion de rejet préalable. Pour quelles raisons ?

Comme vous le savez, à la suite de la réforme de notre règlement, la motion de rejet préalable reprend pour l’essentiel deux anciennes motions de procédure : l’une qui tendait à démontrer l’inconstitutionnalité d’un projet de loi et l’autre, que l’on appelait « question préalable », qui visait à démontrer qu’il n’était pas opportun de discuter.

Sur la question de l’inconstitutionnalité, aucune démonstration n’a été faite que le texte qui nous est soumis est inconstitutionnel.

M. Benoist Apparu. Rassurez-vous, je n’ai même pas essayé !

M. André Chassaigne. Bien au contraire, on pourrait, en s’appuyant sur le préambule de notre Constitution, considérer que la question du logement est vraiment constitutionnelle et qu’il faut légiférer dans ce domaine.

Ensuite, en ce qui concerne ce que l’on appelait auparavant la question préalable – autrement dit, il n’est pas opportun de discuter du texte –, vous vous êtes en fait appuyé sur un seul argument. Selon vous, le texte ne traite que la conséquence du problème ; or il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande et, par voie de conséquence, il ne faudrait pas discuter ce projet de loi. Chacun sait pourtant – je le dis sans intention de polémiquer – qu’il y a vraiment urgence. Il suffit pour s’en convaincre de regarder quelle est aujourd’hui la situation de milliers et même de millions de personnes qui sont mal logées et qui connaissent les pires difficultés.

M. Benoist Apparu. Tout à fait d’accord !

M. André Chassaigne. C’est un réel problème. Il n’est donc pas possible de dire qu’il n’y a pas de décisions urgentes à prendre.

M. Benoist Apparu. Des décisions, oui, mais pas celles-là !

M. André Chassaigne. Cela est d’autant plus vrai que votre bilan, depuis 2002, explique justement en grande partie les difficultés que connaissent aujourd’hui des millions de personnes.

Pour ma part, je considère donc au contraire qu’il y a urgence à légiférer et à étudier ce projet de loi, en dépit du fait que, pour les députés du Front de gauche – j’aurai l’occasion de le dire –, il présente certaines insuffisances. Quoi qu’il en soit, de nombreuses mesures de ce projet de loi vont dans le bon sens.

M. Marcel Rogemont. Écoutez-le ! Le bon sens est près de chez vous !

M. André Chassaigne. Il est donc temps de passer à l’examen du texte. Pour ces raisons, je ne voterai pas cette motion de rejet préalable.

Mme la présidente. Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons les explications de vote sur cette motion. La parole est à Mme Julie Sommaruga, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Julie Sommaruga. Sans grande surprise, l’opposition veut que nous rejetions un texte indispensable, et retarder ainsi la lutte contre la crise du logement. Or il y a urgence. Le logement définit notre quotidien, il est la première condition d’une vie sécurisée. Il constitue un enjeu économique et écologique majeur et surtout un défi pressant, car trop nombreux sont nos concitoyens qui en sont privés, vivent dans des conditions indignes ou paient des loyers exorbitants.

Il y a urgence car pendant dix ans, la droite a échoué sur ce dossier, et a aggravé la crise, en laissant 3,6 millions de Français mal-logés et 3,8 millions de ménages dans la précarité énergétique. Le constat qu’a dressé notre collègue Benoist Apparu tout à l’heure, c’est bien le bilan de dix années de politique de droite.

M. Marcel Rogemont. Très bien !

Mme Julie Sommaruga. Face à l’urgence de la situation, le Gouvernement, en la personne de la ministre Cécile Duflot, a déjà agi. Aujourd’hui, nous amplifions et nous inscrivons dans la durée nos efforts avec la loi « ALUR ». Cette loi apporte enfin une réponse globale et cohérente aux dérèglements des marchés immobiliers. Et, n’en déplaise à l’opposition, elle assure un équilibre indispensable entre la sécurisation des propriétaires et la protection des locataires.

Permettez-moi de donner quelques exemples de ces mesures tant attendues, auxquelles la droite va pourtant s’opposer, persistant dans ses certitudes idéologiques. Il en va ainsi de l’encadrement des loyers – bien que le candidat Sarkozy ait déclaré en 2012 que le modèle allemand était intéressant –, de la garantie universelle des loyers, de la réduction et l’encadrement des frais d’agence, de la clarification de la rémunération des syndics, de la prévention des expulsions, de la lutte contre les marchands de sommeil, de la possibilité de faciliter les démarches de demande de logement social, de la lutte contre l’habitat indigne et de l’aide au développement des nouvelles formes d’habitat.

Finalement, la droite est cohérente puisqu’elle s’apprête à voter contre tout ce qu’elle n’a jamais voulu faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Excellent !

Mme Julie Sommaruga. Et puis, une motion de rejet préalable se fonde normalement sur des arguments constitutionnels. Or ils n’ont pas été évoqués.

Mes chers collègues, parce qu’il y a urgence et que ce texte apporte des réponses efficaces à la crise, le groupe SRC votera évidemment contre cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Gérard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bernard Gérard. Monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, très franchement : quelle horreur que ce texte ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il est totalement contre-productif. Après avoir cassé tout ce que nous avions fait, notamment le dernier texte qui permettait d’augmenter le COS pendant une durée déterminée pour s’adapter aux problèmes de la dépendance, des familles recomposées ou autres, vous vous engagez aujourd’hui dans une attaque en règle contre la production de logements dans notre pays. Car n’en doutez pas : votre politique engendrera un texte qui ne permettra pas la construction de logements supplémentaires dans notre pays.

En fait, votre texte se fonde sur la théorie du bouc émissaire. Boucs émissaires les propriétaires et boucs émissaires les syndics. Vous n’avez pas de mots assez durs pour condamner cette profession, certes perfectible. Mais votre texte menacera 10 000 emplois dans le secteur des syndics de copropriétés : ils sont venus nous le dire, ils vous l’ont dit, vous ne les avez pas écoutés.

Boucs émissaires également les maires, dépossédés de leurs pouvoirs au profit des intercommunalités et de votre conception de l’économie administrée.

M. Marcel Rogemont. Vous n’avez pas écouté M. Apparu !

M. Bernard Gérard. Ce texte est à rejeter. Il ne fait que susciter l’inquiétude chez les bailleurs, chez les promoteurs, chez les investisseurs, chez les professionnels, et même chez les locataires, dont les loyers augmenteront – pour les plus modestes – avec votre concept de loyer médian. Il provoquera l’augmentation des loyers les plus bas.

Et que dire de la garantie universelle des loyers, non financée, infinançable car indéfinie ou infinie ! C’est l’irresponsabilité organisée, financée par tous puisque pour quelques pour cent de défaillances, cent pour cent des bailleurs et des locataires vont mettre la main à la poche comme l’a dit très justement notre collègue Benoist Apparu. Le réflexe pavlovien du Gouvernement est de créer de l’impôt, d’inventer des taxes et des contraintes.

Votre texte est idéologique, nous le combattrons et nous soutiendrons la motion de rejet présentée par notre collègue Benoist Apparu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. En entendant certaines interventions, on se demande s’il ne suffit pas d’écrire un texte pour changer d’un seul coup l’avenir du logement. J’entendais vanter le fait qu’il y ait déjà eu trois textes, je ne suis pas certains que les résultats soient toujours au bout du trait d’encre. C’est un peu plus complexe que cela.

Je me contenterai d’indiquer la position de l’UDI sur un texte qui comprend une foule de dispositions : quatre-vingt-quatre articles, auxquels se sont ajoutés un certain nombre d’autres articles dus à l’activité parlementaire.

Quatre points méritent d’être retenus. S’agissant tout d’abord du PLUI, j’y suis totalement favorable. Ma position ne surprendra pas ceux qui se souviennent des débats sur ce sujet en 2010. Je sais que ce débat traverse les partis. Nous considérons majoritairement que c’est une avancée tout à fait importante qui mérite d’être soutenue.

S’agissant de l’urbanisme commercial, j’attends de connaître la rédaction mot à mot du texte car il s’agit de réconcilier deux principes que la Cour européenne a accepté de concilier : l’aménagement du territoire et la liberté du commerce et d’installation. Des compromis ont été trouvés, notamment en Allemagne, mais la rédaction du texte qui nous a été proposée dans un premier temps devant être eurocompatible, j’attends de savoir si nous allons nous inspirer de la dernière version du texte que nous avions énormément travaillée lors du premier passage devant l’Assemblée, et surtout de la version sénatoriale qui avait l’aval de la Commission européenne. Nous attendons donc d’y voir plus clair.

S’agissant de l’encadrement des loyers, pour des raisons qui ont déjà été exposées, nous y sommes tout à fait défavorables. Nous pensons que cet outil va complètement à l’encontre des objectifs visés. Le loyer médian à Paris étant de quelque vingt-quatre ou vingt-cinq euros le mètre carré, nous pourrons dire que ce sont ceux qui sont capables de payer entre quarante et cinquante euros qui vont voir leurs loyers baisser.

M. Jean-Pierre Le Roch. Et les étudiants !

M. Michel Piron. Inutile de vous dire que ce ne sont pas les ménages pauvres, mais les plus aisés qui peuvent payer les loyers les plus élevés, alors que les ménages les plus pauvres, qui ne peuvent supporter que des loyers très bas, risquent de voir leurs loyers augmenter. Nous sommes donc hostiles à cette mesure.

S’agissant de la garantie universelle, dont vous avez rappelé qu’elle était née sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, tout est dans le réglage de son fonctionnement. Comment mutualiser sans déresponsabiliser ? Il faut responsabiliser non seulement le locataire, mais aussi le propriétaire et l’assureur afin que le recours et la mise en paiement de tous ceux qui peuvent payer soient effectifs. Nous attendons donc d’en savoir beaucoup plus sur ces réglages. Nous n’avons pas d’hostilité de principe à la garantie universelle, bien au contraire, car le logement n’est pas un bien ordinaire et qu’il fasse l’objet d’une garantie universelle ne nous choque pas. En revanche, cette garantie ne doit surtout pas équivaloir à une CMU universelle, car ce serait véritablement catastrophique. Le débat devra avoir lieu, et compte tenu de nos attentes, nous serons dans une position d’abstention en attendant de disposer de précisions supplémentaires.

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de rejet préalable

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants287
Nombre de suffrages exprimés281
Majorité absolue141
Pour l’adoption106
contre175

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un Mouvement Populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est incroyable !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Incroyable. Vous nous avez manqué en juillet, monsieur Saddier. Nous allons faire le match retour du bonus-malus !

M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens d’abord à remercier mes collègues du groupe UMP qui ont souhaité, dans le souci d’une vision globale et de cohérence, que ce soit un commissaire de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire qui défende cette deuxième motion, après la brillante intervention de mon collègue Benoist Apparu, le logement étant aussi un élément de l’aménagement du territoire.

Cela me permet de rappeler à l’éminent président de la commission des affaires économiques qui, chaque fois qu’il voit mon nom inscrit à la liste des interventions, oublie que je n’en suis plus membre même si j’ai été très heureux d’en faire partie. J’ai bien évidemment assisté à l’ensemble des travaux de la commission du développement durable sur ce texte, j’étais même porte-parole, en qualité de whip.

M. Benoist Apparu. Il serait bon que le président Brottes s’excuse !

M. Martial Saddier. Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le président de la commission, qu’une tradition de cette maison veut que lorsqu’une commission accueille un autre commissaire, ce soit par des salutations et des bienvenus plutôt qu’en le montrant du doigt. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. M. Bies était là tout le temps, lui, c’est un homme sérieux !

M. Martial Saddier. Et puisque vous avez poussé le détail jusqu’à vous soucier, devant l’ensemble de mes collègues et dans le Journal officiel, de mon agenda, je vous transmets les salutations de votre collègue Sophie Errante, députée PS, puisque lorsque vous interveniez, j’assistais avec elle à une audition par la mission d’information affichage environnemental, au nom de la commission du développement durable. Nous y travaillons ensemble, avec le ministère de l’environnement.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mais elle ne propose pas un renvoi en commission !

M. Martial Saddier. Sans compter que comme vous et beaucoup de nos collègues, nous nous sommes levés de bonne heure ce matin pour avoir le plaisir de travailler pour la France, je me permets de le rappeler, monsieur le président Brottes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



Une nouvelle fois, notre rentrée parlementaire démarre sur les chapeaux de roues. Au menu, quatre-vingt-quatre articles, essentiellement techniques, qui ont trait aux rapports entre propriétaires et locataires, aux copropriétés dégradées, à l’hébergement, aux documents de planification. Nous n’aurons qu’un peu plus de trente heures pour en débattre, temps programmé oblige.

Au vu de la complexité des dispositions inscrites dans ce monstre législatif, cela n’augure pas vraiment d’un travail parlementaire sérieux, de qualité et de fond. Pour une fois que la procédure d’urgence n’a pas été engagée – nous avons suffisamment déploré son utilisation au cours de la première année de législature pour le souligner aujourd’hui –, nous aurions souhaité que le Gouvernement prenne enfin le temps et permette à l’Assemblée nationale de travailler dans des conditions optimales.

Permettez-moi tout d’abord de revenir sur le calendrier imposé par le Gouvernement. Après la présentation du projet de loi en conseil des ministres, le 26 juin dernier, les membres de la commission du développement durable saisie pour avis se réunissaient à partir du 17 juillet pour examiner les quatre titres concernant la modernisation des documents de planification et d’urbanisme. Évidemment, c’est principalement sur ces points que va porter mon intervention.

Une semaine plus tard, c’était au tour de la commission des affaires économiques – que je salue – de travailler sur ce texte. Quel dommage d’examiner ainsi, à la va-vite, un projet de loi pourtant qualifié d’historique sur le site internet du Gouvernement, et d’acte II de la politique du logement de votre majorité.

Ce calendrier très resserré, estival, vous en conviendrez, mes chers collègues, est peu propice à un travail parlementaire efficace.

Nous avons eu moins d’un mois pour étudier, analyser et comprendre 876 pages comportant l’exposé des motifs, les 216 pages d’études et d’études d’impact, ainsi que les dispositifs. Vous le savez bien, madame la ministre, notre assemblée et les parlementaires ne disposent pas des mêmes moyens d’analyse que les services de votre ministère. Vous avez eu beaucoup plus de temps pour le préparer, et c’est bien normal. Il est donc nécessaire que nous puissions travailler dans les meilleures conditions possibles et que nous disposions d’assez de temps pour étudier les textes que vous nous soumettez, c’est pour cela que je vais tenter de vous convaincre de retourner devant les commissions concernées.

De plus, sur les presque 1 000 amendements déposés en commission des affaires économiques, dont la plupart sont issus de votre majorité, 576 ont été adoptés. Preuve irréfutable que la concertation avec la majorité, même parlementaire, était largement insuffisante, et mal préparée.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Preuve que nous avons travaillé en commission !

M. Martial Saddier. Ce projet de loi n’est absolument pas abouti, et vous auriez dû, madame la ministre, prendre davantage de temps pour mieux préparer votre copie et nous proposer un examen au cours de l’automne plutôt que de l’inscrire de manière précipitée à l’ordre du jour de cet été. Il est donc impératif que nous puissions retourner en commission afin de poursuivre nos travaux et continuer à améliorer et finaliser ce texte.

Par ailleurs, il est assez étonnant que la commission des lois n’ait pas été elle aussi saisie pour avis. En effet, le règlement de notre assemblée précise, en son article 36, que cette commission est notamment compétente pour tous les textes qui ont trait au domaine des collectivités territoriales.

Or, même si la presse et le grand public se focalisent sur l’encadrement des loyers ou sur la garantie universelle, de nombreuses dispositions que nous examinons aujourd’hui ont un impact direct ou indirect pour les communes et les groupements de communes. Avec mes collègues du groupe UMP, nous sommes donc convaincus qu’il aurait été – et qu’il est encore – indispensable, pour une parfaite analyse du texte, que les commissions, notamment celle des lois, puissent également travailler et se prononcer sur ce texte.

Au-delà du calendrier très serré qui nous est imposé, les députés du groupe UMP ont du mal à comprendre la coordination entre la multitude de projets qui nous sont soumis – et même déjà annoncés – portant sur les thématiques du logement et de l’urbanisme. Outre la réforme de la décentralisation, découpée en trois volets dont un projet concernant les métropoles que nous avons examiné en juillet dernier, le présent projet de loi porte sur l’urbanisme et le logement, thématiques qui devraient également être intégrées dans le grand texte sur la transition énergétique que nous attendions cet automne mais qui semble constamment repoussé.

Depuis le début de la législature en juin 2012, une pléthore de textes et de mesures réglementaires ont déjà été adoptés sur ces deux thématiques : l’encadrement par décret de l’évolution des loyers à la relocation dans les trente-huit plus grandes agglomérations, la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social – texte que nous avons examiné à deux reprises, la première loi ayant été déclarée inconstitutionnelle –, le plan d’investissement pour le logement du 21 mars 2013, la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les projets de construction, le plan Campus pour le logement étudiant. Une fois toutes ces dispositions adoptées, y aura-t-il une réelle cohérence et une réelle articulation entre elles ? La réponse est, tout simplement, non. C’est tout simplement impensable et impossible ! Nous courrons réellement le risque de nous retrouver face à des mesures multiples, complexes et difficiles à mettre en œuvre les unes par rapport aux autres, voire qui s’annulent ou qui se contrarient.

De plus, madame la ministre, il est étrange de trouver déjà dans votre projet de loi des mesures relatives à l’artificialisation des sols alors que le comité pour la fiscalité écologique travaille encore sur ce sujet et que des dispositions devraient être intégrées dans le futur projet de loi sur la transition énergétique et le futur projet de loi d’avenir agricole. Votre méthode, qui consiste à privilégier une grande loi embrassant des thématiques très diverses et particulièrement sensibles, telles que la réforme de la profession d’agent immobilier ou de syndic, ou le PLU intercommunal, ou qui seront également intégrées dans d’autres textes législatifs, ne nous semble donc absolument pas pertinente.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous vous le disons simplement et sincèrement : vous allez geler les loyers. Vous allez geler les constructions. Vous allez geler les rénovations en gelant les loyers des propriétaires.

M. Jean-François Lamour. C’est la glaciation !

Mme Anne Grommerch. L’ère glacière ! (Sourires.)

M. Martial Saddier. Geler la rénovation, c’est geler le chantier de la rénovation thermique du bâti ancien dans notre pays : c’est donc un défi que vous lancez au réchauffement climatique. Bref : à travers ce texte, vous allez créer la pénurie, et donc atteindre l’objectif inverse de ce que vous recherchez.

Décevant sur la forme, votre projet de loi l’est également sur le fond. Comme la commission du développement durable a été saisie pour avis sur le titre relatif à la modernisation des documents de planification et d’urbanisme, je m’attarderai davantage sur cette partie du texte. Mais je reviendrai tout d’abord brièvement sur certains arguments déjà développés brillamment par mon collègue Benoist Apparu concernant le volet « logement », qui méritent que l’on s’y attarde de nouveau. Sur ce thème, il faut bien l’avouer, votre projet de loi présente de nombreuses lacunes qui nécessitent que nous retournions tout de suite travailler en commission.

Tel qu’il est rédigé aujourd’hui, votre texte aura inévitablement pour conséquence de remettre en cause tout un modèle économique pour faire cesser une minorité de mauvaises pratiques. Vous allez geler la construction dans notre pays à cause de 3 à 5 % de mauvais propriétaires. Si nous sommes, comme vous, convaincus qu’il faut lutter contre les abus et renforcer l’encadrement de certaines pratiques, concernant par exemple les marchands de liste, nous ne sommes cependant pas tout à fait d’accord avec vous sur les moyens pour y parvenir. C’est le moins que l’on puisse dire !

Pourquoi créer de tels déséquilibres entre les propriétaires et les locataires ? Pourquoi vouloir jeter systématiquement le discrédit sur l’ensemble des propriétaires et sur l’ensemble des professionnels de l’immobilier, alors que les pratiques abusives ne sont l’apanage que d’une petite minorité ? Pourquoi chercher à les décourager en leur imposant des mesures de plus en plus contraignantes et complexes, alors que le Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble du Gouvernement se sont soi-disant engagés, il y a quelques mois déjà, sur un grand choc de simplification ? À la lecture de ce texte, c’est plutôt d’un choc de complexification qu’il faudrait parler : création d’observatoires locaux des loyers, création d’une Agence de la garantie universelle des loyers, augmentation des charges administratives des professionnels. En bouleversant ainsi tout le modèle économique de la profession de l’immobilier, je doute fortement que vous parveniez à répondre efficacement à la crise du logement actuelle et à tenir les engagements du Président de la République de construire 500 000 nouveaux logements.

Toutefois, il faut bien le reconnaître, madame la ministre, votre texte présente quelques mesures plutôt consensuelles pour améliorer la situation des locataires : renforcement des sanctions en cas de rétention abusive du dépôt de garantie, action en diminution de loyer en cas de sous-estimation de la surface habitable, allégement de la solidarité en cas de colocation, réduction du délai de préavis en zone tendue, mise en place d’une grille de vétusté. Autant de dispositions que notre majorité avait déjà adoptées, en partie, dans le cadre du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs présenté à l’époque par Frédéric Lefebvre. Nous en prenons acte.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Vous allez donc voter en faveur de tous ces dispositifs ?

M. Martial Saddier. Dommage, néanmoins, que votre texte préfère privilégier davantage, en matière de logement, les grandes mesures complexes plutôt que de mieux sanctionner les abus.

Un retour en commissions du développement durable et des affaires économiques nous semble d’autant plus inévitable et indispensable que les dispositions concernant la modernisation des documents de planification et d’urbanisme sont insatisfaisantes. Nos travaux en commission l’ont largement démontré : votre projet de loi aura pour conséquence de réduire considérablement les moyens des maires, qui sont les leviers de la construction de logements dans notre pays.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. Martial Saddier. De plus, quid de la ruralité ? Quid des espaces agricoles ? Quid, monsieur le président Brottes, des zones de montagne auxquelles je crois que vous êtes, comme moi, très attaché ? Quid des zones du littoral ? Autant de thématiques totalement absentes au cours de cette première année de législature, et de nouveau absentes dans le cadre d’un débat qui concerne l’ensemble du territoire national.

Votre majorité s’intéresse uniquement aux zones urbaines denses, et ce texte en est une nouvelle fois la parfaite et entière illustration. Je me permets de vous le rappeler, madame la ministre : faciliter le développement et l’installation de yourtes dans nos campagnes n’est pas du tout la priorité des habitants de ces territoires, même s’il convenait peut-être de régler le problème. Votre désintérêt – ce n’est pas vous que je vise personnellement, madame la ministre, je parle du désintérêt de ce Gouvernement – pour ces territoires est d’autant plus flagrant qu’aucune disposition de votre projet de loi n’intègre explicitement les spécificités, par exemple, des territoires de montagne. J’en veux pour exemple le périmètre du schéma de cohérence territoriale qui, selon l’article 58, devra désormais inclure le périmètre d’au moins deux EPCI à compter du 1er juillet 2014. Mes chers collègues, une telle mesure est totalement inapplicable et injustifiable…

Mme Claude Greff. C’est méconnaître le pays que de proposer une telle mesure !

M. Martial Saddier. …pour une grande partie du territoire national, dans les zones de montagne – mais pas seulement : je pense aussi au bord de la mer, aux zones de littoral –,…

Mme Claude Greff. Bien sûr !

M. Martial Saddier. …en raison de leurs handicaps naturels liés au relief, à la présence de cols d’altitude séparant deux vallées, avec des bras de mer et des cols d’altitude parfois fermés six mois sur douze.

Mme Claude Greff. Il faut sortir de Paris, madame la ministre !

M. Martial Saddier. Elle méconnaît également la loi montagne du 9 janvier 1985, qui offre la possibilité d’adapter toute disposition de portée générale aux spécificités des territoires de montagne. Que dire de l’engagement des élus et de l’engagement financier des collectivités territoriales quand un texte abroge purement et simplement et jette l’ensemble des travaux des SCOT actuellement en vigueur ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Martial Saddier. De surcroît, la rédaction actuelle des trois principales mesures touchant l’urbanisme commercial, les SCOT et le PLU intercommunal nous impose impérativement un retour sur les bancs des commissions des affaires économiques et du développement durable.

Bien qu’il soit mentionné dans votre projet de loi, l’urbanisme commercial n’est abordé qu’a minima et tend à un durcissement des règles. S’il est vrai que l’adoption en commission des affaires économiques d’un amendement de M. Brottes a quelque peu amélioré la rédaction initiale du texte, cela reste nettement insuffisant. Cet amendement s’est en effet inspiré de la proposition de loi sur laquelle avaient travaillé, sous la précédente législature, nos collègues Patrick Ollier et Michel Piron,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Pas seulement !

M. Martial Saddier. …mais dont l’examen n’avait pu être achevé en raison du calendrier parlementaire.

Je vous ai associé avant, monsieur Brottes. Quand vous travaillez, je le reconnais !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est tellement rare !

M. Martial Saddier. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! C’est ballot de vous dénoncer, monsieur le président Brottes ! (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est tellement rare que vous reconnaissiez mon travail !

M. Martial Saddier. Suite aux inquiétudes de nombreux députés exprimées lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie en juin 2008, cette proposition de loi souhaitait intégrer l’urbanisme commercial dans l’urbanisme de droit commun et ainsi redonner aux élus la maîtrise de l’aménagement commercial. Trois principes avaient donc été retenus : un nouveau modèle d’autorisation respectant les règles définies au niveau du SCOT puis déclinées par les PLU ou le PLU intercommunal, une réduction du seuil de déclenchement de la procédure d’autorisation de la commission départementale d’aménagement commercial actuellement fixé à 1 000 mètres carrés de surface de vente, et une prise en compte de la typologie des commerces dans le nouveau modèle d’autorisation.

Avec mes collègues du groupe UMP, nous saluons donc l’amendement de François Brottes sur l’aménagement commercial car il s’inspire directement de cette proposition de loi. Toutefois, nous regrettons fortement que cet amendement n’aille pas aussi loin que le texte que notre majorité avait proposé. Pourquoi se limiter à demander au Gouvernement un rapport sur l’applicabilité d’une réforme de l’urbanisme commercial qui s’articulerait autour du SCOT en distinguant les commerces selon quatre grands types ? Qu’en est-il réellement du seuil des 1 000 mètres carrés de surface commerciale dont aucune modification n’a été pour l’instant, semble-t-il, introduite dans cet amendement ?

Nous sommes tous d’accord sur un point : l’urbanisme commercial a besoin d’être réformé. Mais, madame la ministre, votre projet de loi, bien qu’amendé sur ce point, n’est assurément pas abouti. Nous aurions dû profiter de l’occasion qui s’offrait à nous, à travers l’examen de ce texte, pour introduire une véritable réforme de l’aménagement commercial sur la base des travaux déjà réalisés lors de l’examen de la proposition de loi de Patrick Ollier, et ne pas nous limiter à la simple remise d’un rapport sur cette thématique dans les trois mois qui suivront la promulgation de cette loi.

Face aux questions que je viens de soulever et afin d’approfondir nos travaux, ce sujet justifierait à lui seul, mes chers collègues, que nous retournions tout de suite en commission, pour passer la soirée et la nuit sur l’urbanisme commercial, tant il s’agit d’un sujet important pour nos concitoyens, pour l’ensemble des élus locaux, pour le territoire et pour l’économie de notre pays.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr !

M. Martial Saddier. Nous devons pouvoir mettre à plat, calmement mais en allant au fond des choses, la situation du commerce tel que nous le connaissons aujourd’hui, confronté aux drives et aux demandes de drive qui arrivent de tous les côtés, ainsi qu’à la montée en puissance d’internet et des livraisons à domicile. Avouez, mes chers collègues, que ce seul sujet mériterait que nous retournions en commission pour travailler toute la nuit sur ce volet commercial.

Le renvoi en commission est d’autant plus justifié que les mesures qui visent à renforcer la couverture du territoire par les SCOT auront pour conséquence un durcissement à l’extrême des marges de manœuvre des territoires pour leur développement. Notre majorité avait voté d’importants textes sur l’urbanisme : la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement dite « Grenelle 1 », la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement dite « Grenelle 2 », et la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Ces trois textes ont notamment fixé la date du 1er janvier 2017 comme échéance pour la généralisation des SCOT. Quel n’a pas été notre étonnement de découvrir dans le projet de loi initial que le terme pour mettre en œuvre cette disposition serait finalement ramené au 30 juin 2015 ! À nouveau, comme toujours depuis que vous avez été élus, votre gouvernement fait le choix idéologique de supprimer sans aucune réflexion, sans connaître les effets que cela pourrait entraîner pour nos concitoyens, les mesures emblématiques que notre majorité avait mises en place.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. Martial Saddier. J’en veux pour exemple les hésitations et tâtonnements récents concernant un éventuel retour de la défiscalisation des heures supplémentaires. Alors, seront-elles défiscalisées ou non ? Le pays en a besoin, et nos concitoyens attendent cette mesure.

M. François Brottes, Président de la commission des affaires économiques et Mme Jacqueline Maquet. Hors sujet !

Mme Nathalie Nieson. Vous mélangez tout !

M. François de Rugy. Est-ce ce sujet que vous voulez renvoyer en commission ?

M. Martial Saddier. Et pourquoi pas ? Allons-y !

La remise en cause des délais prévus dans le Grenelle 2 en matière de SCOT en est également un exemple flagrant. Pourquoi vouloir subitement faire marche arrière et réduire le délai prévu pour la généralisation des SCOT, grand objectif de la loi Grenelle 2 ? Pourquoi changer ainsi les règles du jeu en cours de route, au risque de pénaliser les territoires, notamment les territoires ruraux situés en zone peu tendue ? Pourquoi ne pas avoir plutôt opté en faveur d’un bilan des trois années d’application des lois Grenelle afin d’y apporter, par la suite, les modifications éventuelles en vue d’améliorer le dispositif ? Serait-ce trop fort de reconnaître les avancées significatives du Grenelle 1 et du Grenelle 2 de l’environnement ? Vous préférez balayer tout ce qui a été fait avant vous.

Durcir ainsi les marges de manœuvre des territoires pour leur développement est d’autant plus incompréhensible que, en trois ans, tous les effets attendus du Grenelle 2 n’ont certainement pas pu être atteints en raison de la durée des procédures d’élaboration et de révision des documents d’urbanisme. Vous êtes, tout simplement, en train de casser l’élan généré par le Grenelle 1 et par le Grenelle 2 de l’environnement sur nos territoires.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Martial Saddier. Les travaux en commission du développement durable ainsi qu’en commission des affaires économiques ont certes assoupli votre projet de loi initial, notamment sur la question des délais, qui étaient totalement impossibles à tenir du fait d’une adoption probable de ce texte début 2014.

C’est ainsi, mes chers collègues, qu’un amendement proposé par la commission du développement durable visant à décaler de douze mois la date à laquelle les SCOT devront avoir été révisés pour intégrer les dispositions de la loi Grenelle 2 a été adopté en commission des affaires économiques. « Ouf ! » ai-je envie de dire.

Toujours sur la question des délais, le projet de loi initial prévoyait – c’était le pompon ! – que le délai pour mettre en compatibilité un PLU ou une carte communale avec un SCOT passe de trois ans à un an. Il suffit d’avoir participé une fois à l’élaboration d’un PLU pour savoir qu’il faut quasiment un an pour lancer toutes les procédures administratives nécessaires.

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Martial Saddier. Heureusement, le délai de trois ans va être réintroduit. Mais ce n’est pas suffisant.

M. Marcel Rogemont. La commission a fait un très bon travail !

M. Martial Saddier. Par ailleurs, je dois appeler votre attention sur un changement passé inaperçu. Le champ des conventions de mises à disposition des services de l’État est drastiquement réduit, preuve d’un nouveau désengagement de l’État dans les territoires ruraux.

Mme Nathalie Nieson. C’est vous qui osez parler de désengagement de l’État !

M. Martial Saddier. En effet, seules les communes de moins de 10 000 habitants membres d’un EPCI de moins de 10 000 habitants, ainsi que les communautés de moins de 10 000 habitants, pourront en bénéficier pour l’instruction des permis de construire et d’urbanisme. C’est une manifestation flagrante du désengagement de l’État, alors que dans le même temps vous réduisez de 15 milliards les dotations de l’État pour la fin de la législature.

Pour mettre en œuvre cette disposition, un délai totalement surréaliste avait été fixé : le 1er juillet 2014. Consciente que cette disposition ne pouvait pas s’appliquer aussi brutalement, la commission des affaires économiques a allongé ce délai, comme l’avait préconisé la commission du développement durable, le fixant au 1er juillet 2015. Nous tenons là une nouvelle preuve du caractère inabouti du texte, motif supplémentaire pour le renvoyer en commission.

J’en viens à une dernière modification importante qui affecte les délais de mise en œuvre issus de nos travaux en commission : l’amendement de notre collègue Jean-Marie Tetart, adopté en commission, donne un délai supplémentaire d’un an aux maires pour transformer un plan d’occupation des sols en plan local d’urbanisme alors que le projet de loi fixait un délai très court prévoyant que les POS non révisés et transformés en PLU avant le 31 décembre 2014 seraient considérés comme caducs.

Le délai que vous aviez fixé, madame la ministre, était extrêmement contestable car il méconnaissait totalement les contraintes de nos collectivités. Il était, en outre, intenable pour des raisons liées tant au calendrier parlementaire – l’adoption de votre projet de loi pouvant intervenir au mieux au début de l’année 2014 – qu’aux prochaines élections municipales puisque le jeu démocratique veut que les EPCI et les conseils municipaux prennent un peu de temps pour se remettre en route après une élection.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. Martial Saddier. À la vue de ces incohérences, déjà soulignées en commission, vous reconnaîtrez, madame la ministre, qu’un renvoi en commission de votre projet de loi s’impose à nous.

Enfin, je m’arrêterai quelques minutes sur les dispositions concernant le PLU intercommunal.

Avec mes collègues du groupe UMP, nous regrettons fortement que ces mesures aient été introduites dans un texte aussi dense. Elles auraient, nous en sommes convaincus, amplement mérité de faire l’objet à elles seules d’un texte spécifique.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est clair !

M. Martial Saddier. Aujourd’hui, il n’est question que de l’encadrement des loyers. Mais il faudrait que toutes les Françaises et tous les Français qui nous écoutent prennent conscience du fait que vous profitez de ce texte législatif pour modifier en profondeur leur vie quotidienne à travers les documents d’urbanisme. Il est clair que vous attaquez les maires et les communes de France à travers ce projet de loi.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très juste !

M. Marcel Rogemont. Que voulez-vous dire ?

M. Martial Saddier. Ces articles entraînent, en effet, des répercussions considérables pour nos collectivités et il aurait été essentiel de prendre le temps d’en débattre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le Gouvernement lance une vaste réforme de la décentralisation à l’occasion du plus grand tripatouillage électoral de l’histoire de la VRépublique : redécoupage et modification du mode de scrutin des cantons, abaissement du seuil d’application du scrutin de liste pour les petites communes et du scrutin proportionnel pour les sénatoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Il y a bien un lien entre ce que vous avez fait avant l’été et ce que vous êtes en train de faire : vous assassinez les territoires ruraux de notre pays.

M. Marcel Rogemont. Demandez des explications à Benoist Apparu !

M. Martial Saddier. De plus, rendre aujourd’hui obligatoire le PLU intercommunal n’est absolument pas pertinent alors que les évolutions des périmètres issus de la réforme des collectivités ne sont pas encore achevées et que les nouvelles modalités de fonctionnement des assemblées communautaires se mettent progressivement en place.

Mes chers collègues de la majorité, vous n’avez pas remis en cause le volet intercommunal de la réforme territoriale. Vous avez ainsi validé la date de juin. Et maintenant, vous proposez un texte qui s’appliquera avant que cette réforme soit totalement aboutie. Vous marchez sur la tête, excusez-moi de vous le dire.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. Martial Saddier. Les maires verront leurs pouvoirs profondément modifiés par ce projet de loi, ils seront dessaisis de leurs compétences en matière d’urbanisme. Comme vous le savez, madame la ministre, le PLU est la traduction d’un projet politique validé au moment des élections municipales. Il doit donc nécessiter une adhésion forte des élus. Or les articles 63 et 64 ont pour objectif de donner aux EPCI une compétence de principe en matière d’élaboration des PLU et de renforcer le PLU intercommunal en pratique. Le maire continuera de délivrer les permis de construire mais sa compétence sera liée puisqu’il devra respecter le PLU intercommunal.

Les députés du groupe UMP, très majoritairement, sont convaincus que la compétence d’urbanisme doit rester au cœur des compétences des maires.

M. Benoist Apparu. Demandez à M. Brottes ce qu’il en pense !

M. Martial Saddier. Premier interlocuteur des habitants de son territoire, acteur principal de la démocratie locale, le maire connaît mieux que quiconque l’histoire de sa commune, chaque rue, chaque ruelle, chaque intersection, chaque habitation. C’est le maire qui est le plus à même de comprendre les défis auxquels sa commune est confrontée. C’est le maire qui est le plus à même de définir une politique urbanistique pour son territoire. C’est le maire qui est le plus à même de faire vivre les gens ensemble. Et nous sommes là aussi pour donner aux maires la capacité de faire vivre ensemble nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Le vivre ensemble s’apprécie aussi à l’échelle du bassin de vie !

M. Martial Saddier. Un PLU intercommunal ne peut, selon nous, qu’être la traduction d’un projet politique partagé entre les communes. Il faut qu’il soit co-construit par la communauté et ses communes membres. C’est pourquoi imposer par la loi l’attribution de la compétence PLUI à l’ensemble des communautés d’agglomération et des communautés de communes, sans concertation, sans débat entre les élus et sans avis des conseils municipaux concernés, conduirait inévitablement à des situations de blocage sur le terrain. Reconnaissez-le, de telles situations sont inacceptables. Nous devons impérativement revenir en commission pour débattre de ces questions.

Il n’y a pas que sur les bancs de l’UMP que nous soutenons qu’il est primordial de s’inscrire dans une démarche volontaire et concertée en matière de transfert d’élaboration du PLU au niveau intercommunal. Lors de l’examen du projet de loi « Grenelle 2 », un amendement de certains de nos collègues UMP avait suscité un débat au sein de cet hémicycle sur ce sujet. Permettez-moi de citer quelques propos tenus ici à cette occasion : « En rendant obligatoire l’instauration au niveau intercommunal, nous rendrons tout simplement les SCOT inutiles ».

M. Benoist Apparu. Qui a osé dire cela ?

M. Martial Saddier. « Il faut une certaine maturation du territoire, des populations, des associations pour procéder à des mutualisations avant de se doter de compétences propres. C’est la pratique qui y mène et non l’application d’un texte de loi. C’est pourquoi nous irions droit à l’échec en instaurant l’obligation qui nous est proposée. »

M. Guy Geoffroy. C’est absolument sûr que c’est du Brottes !

M. Martial Saddier. « S’il n’y a pas de volonté au niveau communal, le transfert de compétence, même dans le schéma que vous avez bâti et qui est une vraie usine à gaz, ne se fera pas. » Ces propos n’émanaient pas de nos bancs. Bien au contraire, ils ont été tenus par deux députés du groupe SRC : François Brottes et Jean-Paul Chanteguet, aujourd’hui respectivement président de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est parfaitement exact !

M. Marcel Rogemont. Ils avaient raison à l’époque !

M. Martial Saddier. Enfin, les SCOT doivent se généraliser à l’horizon 2017. Ce document permet, à l’échelle d’un bassin de vie, de mieux appréhender les équilibres entre les espaces urbains ou à urbaniser et les espaces naturels, agricoles et forestiers à préserver. Est-il pertinent que l’ensemble du territoire national se dote à la fois de SCOT et de PLU intercommunaux, qui plus est si vous demandez que les périmètres des PLU intercommunaux correspondent à un seul EPCI à fiscalité propre ? Il faudra nous expliquer la différence entre un PLU intercommunal et un SCOT alors que le SCOT est limité au même périmètre que l’EPCI à fiscalité propre, lequel prend les compétences du PLU intercommunal. Parce que personne n’y comprend quoi que ce soit !

Pourquoi, alors que les territoires finalisent actuellement leur SCOT et mettent leur PLU en compatibilité avec les dispositions du Grenelle 2, imposer mécaniquement aux élus locaux l’élaboration généralisée d’un PLU intercommunal ?

Madame la ministre, vous ne pouvez pas inscrire dans un texte de loi que tout ce qui a été fait en matière de SCOT est abrogé dès lors qu’il y a un nouveau SCOT. Savez-vous combien coûte un nouveau SCOT en temps et en investissement d’ingénierie ?

Mme Claude Greff. Elle s’en moque !

M. Martial Saddier. Par ailleurs, l’article 65 réforme le régime des zones à urbaniser en permettant une évolution de ces zones tous les neuf ans, afin d’encourager la construction de logements. Bien que cet objectif soit légitime, la rédaction de cet article reste encore très contraignante, malgré les assouplissements issus de la commission des affaires économiques, notamment avec la suppression de l’automaticité du passage en zone naturelle. Les pouvoirs du maire sont à nouveau trop strictement encadrés en ce qui concerne la maîtrise de son territoire. Le changement de nature des terrains situés en zones à urbaniser pourrait également générer des conséquences non négligeables pour la valeur des terrains en termes de déclassement et des risques juridiques pour les collectivités territoriales qui seraient chargées de tels déclassements.

Comme l’encadrement des loyers créera la pénurie de logements et donc l’augmentation des loyers, l’encadrement trop strict du foncier à travers l’urbanisme créera la pénurie du foncier. Vous bloquerez ainsi les constructions de logements dans notre pays. Autrement dit, vous aboutirez à l’effet inverse de celui que vous recherchez.

Enfin, j’aimerais aborder une question que je soulève depuis plusieurs années dans cet hémicycle et en commission : le budget des collectivités territoriales dans notre pays est exclusivement alimenté par des prélèvements fondés sur la consommation d’espaces – impôt sur le foncier bâti, taxe d’habitation, taxe sur la valeur ajoutée, ce qui les encourage à consommer de l’espace.

M. Dominique Dord. C’est sûr que ce ne sont pas les dotations de l’État qui alimentent les collectivités locales !

M. Martial Saddier. Comme le souligne très justement mon collègue de Savoie, Dominique Dord, il y a une baisse substantielle des dotations des collectivités territoriales. Madame la ministre, je sais que vous pensez comme moi : tant que les espaces naturels riches en biodiversité, les trames vertes et bleues, les zones humides ne généreront pas de ressources financières pour les collectivités qui les protègent, nous ne parviendrons pas à assurer un équilibre entre préservation et aménagement du territoire.

M. Benoist Apparu. Excellente remarque !

M. Martial Saddier. C’est le sens de l’engagement des élus de la montagne, cher président Brottes. Il leur a permis, souvenez-vous, d’obtenir lors de la réforme des parcs nationaux que des hectares de cœurs de parcs nationaux génèrent un abondement de la dotation globale de fonctionnement pour les collectivités locales concernées. Ce sujet mérite à lui seul que ce texte soit immédiatement renvoyé en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



Un calendrier parlementaire trop resserré pour permettre un examen dans des conditions optimales de votre projet de loi ; un texte trop dense et trop technique ; une modification des règles en matière de logement qui va décourager les professionnels et les propriétaires ; l’absence de réponses durables à la crise actuelle du logement ; des documents de planification et des procédures trop complexes ; des moyens de plus en plus réduits pour les maires en matière d’urbanisme : voilà, en résumé le texte que notre assemblée doit examiner aujourd’hui.

Compte tenu de l’ensemble des arguments que je viens de vous exposer, les députés du groupe UMP, et au-delà les Françaises et les Français,…

M. Marcel Rogemont. Tenez-vous en aux députés de votre groupe ! Ne parlez pas pour les Françaises et les Français !

M. Martial Saddier. …sont convaincus qu’il nous faut poursuivre et approfondir le travail déjà engagé en commission du développement durable et en commission des affaires économiques et y associer la commission des lois, comme le permet le règlement de notre assemblée. C’est pourquoi, je vous invite, mes chers collègues, à voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est un moment de grande intensité que Martial Saddier, comme à son habitude, nous a fait vivre, entre frustration et schizophrénie, je ne saurais dire exactement. Il lui est devenu coutumier de défendre des motions de renvoi en commission sur des textes qui concernent une commission dans laquelle il ne siège pas.

M. Guy Geoffroy. Encore cet argument !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. De manière permanente s’entend.

M. Guy Geoffroy. Et alors ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Martial Saddier, travailleur de talent qui nous manque toujours quand il n’est pas là, avait ainsi défendu une motion tendant à renvoyer une proposition de loi sur l’énergie – un texte dont j’étais le rapporteur – devant la commission des affaires économiques, alors qu’il était membre de la commission du développement durable. Nous revivons donc un précédent, à cette différence près qu’à l’époque, il avait été présent à toutes les réunions de commission, ce qui n’a pas forcément été le cas pour le présent projet de loi. Je ne lui en veux pas, je ne le juge pas.

Mme Claude Greff. On travaille, nous, au moins ! On ne se contente pas d’appuyer sur un bouton !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je dis juste que (« Du calme ! » sur plusieurs blancs du groupe UMP) que si l’on défend une motion de renvoi en commission, c’est que l’on considère que le travail en commission a été mal mené, qu’il a été saboté, et que les débats n’ont pas permis à chacun de s’exprimer. Or je n’ai pas entendu M. Saddier formuler de tels reproches. J’ai même compris qu’il saluait l’adoption de certains amendements par la commission des affaires économiques et qu’il félicitait le Gouvernement pour son volontarisme en matière de réformes menées selon un calendrier dense.

M. Guy Geoffroy. Nous ne sommes pas sectaires, nous !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le Gouvernement a voulu en effet accélérer le changement, et le programme législatif est là pour en attester. Je comprends que lorsqu’on n’est pas partisan de ce changement, on se plaigne que les textes de loi se succèdent.

J’ai compris aussi, monsieur Saddier, que vous aviez des occupations par ailleurs : une séance sur sept…Mais les principaux orateurs de l’opposition sur ce texte étaient, avec M. Tetart, M. Apparu et M. Piron, qui sont l’un et l’autre des tenants inconditionnels du PLU intercommunal.

M. Benoist Apparu. Comme vous !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je comprends donc qu’il y ait de votre part une certaine gêne à être à leurs côtés.

Vous avez rapporté des propos que j’ai tenus. Ils ne sont en rien polémiques : je les assume. Je ne retire rien, votre citation est parfaitement exacte.

Si nous avons été très nombreux, pour ne pas dire unanimes, au sein du groupe majoritaire à voter ce texte, c’est que le Gouvernement nous a entendus.

Le PLUI proposé dans ce projet de loi et celui qui est issu des travaux de la commission n’ont pas le même périmètre, ni le même calendrier, ni la même gouvernance, ni le même mode de décision.

M. Benoist Apparu. Mais le résultat est le même !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’ai dit tout à l’heure, et je sais que vous avez écouté mon intervention avec attention, que nous allions vous donner satisfaction ; c’est pourquoi je ne comprends pas que vous ayez déposé cette motion de renvoi en commission.

Il y a deux lectures ; vous avez vous-même été ravi de cette disposition. Cela signifie que la commission des affaires économiques et sans doute aussi la commission du développement durable reverront ce texte. Il est renvoyé naturellement en commission puisqu’il y a deux lectures ! C’est fait pour cela, les deux lectures !

Ce n’est donc pas la peine de vous exciter et de déplorer en première lecture votre frustration de ne pas avoir pu participer aux travaux en commission – ce qu’encore une fois je ne conteste pas : libre à vous de l’avoir vécu ainsi !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas ça ! Pas vous, monsieur le président de la commission !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Examinons la manière dont nous avons travaillé, puisque c’est de cela qu’il s’agit : M. Tetart, qui est l’orateur du groupe UMP pour ce texte, et dont je veux saluer l’implication minute après minute dans la totalité de nos débats, a conclu nos travaux en me remerciant, ainsi que le Gouvernement et les rapporteurs, pour la qualité de nos débats.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. C’est vrai !

M. Martial Saddier. C’était une formule de pure courtoisie !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Aussi, lorsque j’ai découvert qu’une motion de renvoi en commission avait été déposée, les bras m’en sont tombés ! Quand j’ai vu que cela venait de M. Saddier, qui est coutumier du fait de demander des renvois devant une commission dont il n’est pas membre permanent, je me suis dit que c’était de la politique politicienne ! Je ne m’étais pas trompé, et personne ne se laissera abuser par cette démarche !

M. Benoist Apparu. Comme si vous ne l’aviez jamais fait !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je propose donc à la majorité de ne pas voter cette motion de renvoi en commission et d’accepter que ce débat aille à son terme, c’est-à-dire jusqu’à la deuxième lecture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Tout à l’heure, M. Apparu nous a dit, au début de son intervention, que le texte présenté par Mme la ministre était trop long. Puis, à la fin de son intervention, il nous a proposé d’ajouter un titre supplémentaire – un cinquième titre ! – pour faire plaisir à Mme Kosciusko-Morizet, qui n’est pas là mais dont il se charge de défendre les idées. Un cinquième titre, cela représente donc quelques dizaines de pages supplémentaires !

M. Jean-Frédéric Poisson. On aurait raccourci ce qui précède !

M. François de Rugy. À son tour, M. Saddier nous dit la même chose : ce texte est trop long, mais il nous propose néanmoins de l’allonger avec une « grande réforme de l’urbanisme commercial », au motif que nous n’en aurions pas suffisamment parlé !

Certes, votre motion de renvoi en commission a, pour une fois, tenté de démontrer qu’il fallait renvoyer ce texte en commission – c’est-à-dire le renvoyer à plus tard. Je ne sais ce qu’il en est chez vous, mais chez moi, on dit que « la rue du plus tard mène à la place du jamais » !

M. Benoist Apparu. Vous faites allusion à Notre-Dame-des-Landes ?

M. François de Rugy. Pourquoi pas…

Vous voulez donc renvoyer à plus tard l’examen du texte sur le logement.

Je me souviens que, tout comme moi, monsieur Saddier, vous étiez député lors de la précédente législature, de même que M. Apparu, qui fut d’abord député, puis ministre. Pour être honnête, vous avez dû souffrir énormément lors de la précédente législature ! En effet, rappelons-nous comme cela fonctionnait à l’époque : un fait divers le lundi soir donnait lieu à une déclaration martiale du Président de la République le mardi matin, suivie par la présentation d’un projet de loi en conseil des ministres le mercredi matin, le texte en question étant ensuite examiné en urgence par la commission le mercredi après-midi pour être enfin examiné en séance le mercredi soir !

M. Benoist Apparu. Vous faites référence à l’affaire Cahuzac ?

M. François de Rugy. Alors, depuis le début de l’actuelle législature, vous avez dû souffrir ! Car Mme Duflot a mis quinze mois pour consulter tout le monde, se concerter avec tout le monde, avant de présenter un projet de loi ; et si l’on avait un petit reproche à lui faire, je me permets de le lui dire en toute amitié, ce serait que, pour notre part, nous avons trouvé cela un peu long !

Nous aurions bien aimé en effet, et je le dis même si M. le ministre des relations avec le Parlement n’est plus là, que ce texte soit inscrit un peu plus tôt à l’ordre du jour parlementaire. L’opposition, elle, a trouvé cela trop long !

Plus sérieusement, les Français nous demandent de régler un certain nombre de problèmes, dont le diagnostic est bien connu, dont les remèdes sont aussi biens connus, mais néanmoins toujours différés !

M. Martial Saddier. Aucun argument de fond !

M. François de Rugy. Vous venez encore d’en donner un bon exemple, monsieur Saddier : « Le PLU intercommunal ? Il faut remettre à plus tard ! Le SCOT ? Attendre juin 2015, c’est déjà trop tôt ! »

Juin 2015 ? Nous sommes en septembre 2013 ! Monsieur Saddier, je sais que vous souhaitez que nous n’ayons aucun bilan à présenter aux Français en 2017 ; mais la ficelle est un peu grosse !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour cela, vous n’avez pas besoin d’aide !

M. François de Rugy. Pour notre part, nous voulons résoudre des problèmes que vous avez laissés en suspens ! Vous avez ainsi laissé en suspens l’augmentation des loyers. Je note d’ailleurs que vous n’avez pas parlé des loyers, mais de l’élection sénatoriale !

Je ne vais pas rallonger les débats…

M. Jean-François Lamour. Non, il ne vaut mieux pas !

M. François de Rugy. …mais il faudra que vous m’expliquiez, en dehors de l’hémicycle, en quoi le mode de scrutin sénatorial a un rapport avec les attentes des Français en matière de logement ! En ce qui vous concerne, on voit bien où sont vos priorités !

Je conclurai, monsieur Saddier, sur une note humoristique : je me souviens que vous aviez rendu un rapport qui a été immédiatement, comme il se doit, mis dans un tiroir et absolument pas suivi d’effets. Ce rapport intéressant portait sur les abeilles.

Vous connaissez comme moi La fable des abeilles, écrite par un penseur et philosophe auquel vous pourriez vous référer : il considérait que les abeilles étaient un modèle de division du travail. En effet, comme pour les abeilles, il y a des députés comme vous, et c’est normal, qui butinent sur d’autres textes, pendant que d’autres, les ouvriers et les ouvrières de cette commission, travaillent, examinent le texte, adoptent des amendements, et souhaiteraient maintenant que l’on en parle en séance et que votre motion de renvoi en commission soit par conséquent rejetée.

M. Martial Saddier. Ça ne vole pas haut !

Mme Claude Greff. Vous faites comme les abeilles : vous butinez !

Mme la présidente. Madame Greff, laissez parler l’orateur, s’il vous plaît !

La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

M. André Chassaigne. Je dirai tout d’abord, très tranquillement, au président François Brottes, que, pour ma part, je ne suis absolument pas choqué qu’un renvoi en commission soit défendu par le porte-parole d’un groupe, même si celui-ci n’a pas participé aux travaux de la commission.

Certes, l’on utilise toujours les mêmes artifices en guise de réponse : ce qui est défendu aujourd’hui par la majorité pouvait être défendu hier par la majorité précédente ; les arguments avancés peuvent toujours être retrouvés, quels que soient ceux qui sont aux manettes. Mais quoi qu’il en soit, il faut respecter les propos tenus par les uns comme par les autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Voilà un vrai député !

M. André Chassaigne. Deuxième élément : indiscutablement, nous en conviendrons tous ici même si nous avons les uns et les autres une approche différente et nuancée de ce texte, notre collègue Martial Saddier s’est fait l’écho de réelles difficultés. Il a une excellente connaissance des territoires ruraux, de la montagne, de l’intercommunalité,…

M. Martial Saddier. Merci !

M. André Chassaigne. …et je crois que, même si on ne les partage pas complètement, certaines inquiétudes qu’il a manifestées sont réelles.

Mme Claude Greff. Et légitimes !

M. André Chassaigne. J’aurai d’ailleurs l’occasion de les développer lors de mon intervention dans la discussion générale en fin d’après-midi, même si je n’irai pas forcément dans le même sens que celui emprunté par M. Saddier.

Quoi qu’il en soit, il est intervenu avec le brio qu’on lui connaît, et avec cette forme d’enthousiasme quasi mystique que peuvent avoir les porte-parole des milieux de la montagne et des territoires ruraux.

M. Benoist Apparu. Je crains la chute !

M. André Chassaigne. C’est d’ailleurs pour cette raison que je souhaitais citer Péguy : « Tout commence en mystique et finit en politique ».

Je ne voterai pas cette motion de procédure parce que je sais très bien qu’au final, le renvoi en commission signifie, pour vous, revenir sur des dispositions de ce projet de loi que pour ma part je trouve intéressantes. Je sais bien que par votre positionnement, que je qualifierai d’intrinsèquement conservateur, vous êtes opposés à la garantie universelle des loyers.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Eh oui !

M. André Chassaigne. Je sais bien que, pour l’essentiel, vous défendez – il faut le dire ! – des intérêts particuliers plus que le bien commun !

M. Benoist Apparu. Mais non !

M. André Chassaigne. Je sais bien que ce qui est proposé concernant la régulation des professions immobilières vous gêne pour différentes raisons.

Nous avons des divergences fondamentales sur l’analyse du texte mais, même si vous avez pu avancer par ailleurs des inquiétudes tout à fait légitimes, pour ma part, je crois qu’il faut passer à la discussion. J’ai d’ailleurs une intervention assez longue à faire, et je souhaiterais la faire avant la nuit !

M. Marc Dolez. Bravo !

Mme la présidente. Merci, monsieur le président Chassaigne. Nous ferons le maximum ; mais nous sommes en temps programmé, donc cela ne dépend pas de moi !

La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe SRC.

Mme Jacqueline Maquet. Madame la ministre, monsieur le député Saddier, chers collègues, après avoir siégé vingt-six heures trente en commission des affaires économiques en fin de session extraordinaire, jusqu’au 25 juillet, dans une ambiance de travail très constructive,…

M. Daniel Fasquelle. Dans des conditions déplorables !

Mme Jacqueline Maquet. … nous avons fourni un travail important avec l’examen de 1 125 amendements ; une centaine d’amendements de fond, émanant de tous les groupes, a ainsi été adoptée.

Les membres de l’opposition présents en commission ont d’ailleurs félicité l’animation de cette commission présidée par M. François Brottes – oui, monsieur Brottes, j’en suis témoin !

M. Benoist Apparu. C’est parce que nous sommes polis !

Mme Jacqueline Maquet. Enfin, après dix années de droite au pouvoir, dix années d’une politique du logement inadaptée aux besoins réels des Français, alors que des millions de Français – des millions ! – rencontrent des difficultés pour se loger dignement, ce texte s’inscrit dans la continuité de la politique menée depuis juillet 2012 pour l’accès au logement pour tous : une politique nécessaire et attendue.

Soulignons, comme notre collègue de Rugy, qu’il s’agit du troisième texte sur le logement : l’urgence est là, et nous devons la traiter. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi nous devrions renvoyer le texte en commission. Par conséquent, monsieur le député Saddier, nous ne voterons pas votre motion.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe UMP.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la ministre, chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier notre collègue Chassaigne pour avoir rappelé que, même dans cet hémicycle, l’opposition a le droit de déposer des motions de procédure et que, même en première lecture, nous avons le droit de demander le renvoi en commission. Je n’ai pas lu dans le règlement de l’Assemblée nationale que les motions de renvoi en commission étaient réservées à la deuxième lecture ; je trouve que l’interprétation directive de François Brottes est un peu particulière en l’espèce !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. La question est de savoir si l’on a bien travaillé en commission !

M. Jean-Frédéric Poisson. Par ailleurs, je trouve que la démonstration de notre collègue Saddier, que je remercie au passage d’avoir parlé des territoires ruraux comme il l’a fait, était implacable. À défaut de vous avoir convaincu de renvoyer ce texte en commission des affaires économiques et en commission du développement durable, je voudrais dire un mot de ce qui ne s’est pas du tout passé en commission des lois !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Nous parlons d’un renvoi devant la commission des affaires économiques !

M. Jean-Frédéric Poisson. J’en prends à témoin notre excellent collègue Dominique Raimbourg, ici présent, qui est vice-président de la commission des lois : quand on traite de sujets aussi importants pour les collectivités locales que les PLU intercommunaux, on aurait pu imaginer d’y passer quelques instants en commission des lois, fût-ce sur une partie du texte seulement ! Après tout, cela concerne un tout petit peu les pouvoirs des élus locaux des communes, et notamment des maires !

M. Martial Saddier. Absolument !

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la ministre, même si j’entends que la commission a apporté quelques modifications – à la marge, selon moi – à la notion de PLU intercommunal,…

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Elle est grande, la marge !

M. Jean-Frédéric Poisson. …les maires voient leurs pouvoirs parfaitement rognés par ce projet de loi. À quelques mois d’échéances électorales, ils nous font part de leurs inquiétudes concernant ces dispositions.

Je ferai simplement une remarque concernant les PLU intercommunaux : on peut imaginer qu’ils représentent l’avenir – pourquoi pas ? Mais si cela peut parfaitement se justifier dans certains territoires, cela ne se justifie pas du tout dans d’autres. La mécanique proposée dans ce texte est faite, comme d’habitude, à la toise et s’applique de manière parfaitement uniforme, sans tenir aucun compte des disparités territoriales : cela ne va évidemment pas avec l’organisation et l’identité de nos territoires.

Au bout du compte, on a su s’organiser çà et là, on a su se débrouiller, comme on a pu, d’ailleurs, avec l’architecture, parfois l’empilement, pour ne pas dire une sorte de superposition de couches glaciaires de textes relatifs à l’urbanisme.

Je pense notamment à l’Île-de-France, avec le SDRIF, les SCOT, les chartes des parcs naturels régionaux, les plans locaux d’urbanisme : nous sommes obligés de nous débrouiller avec tout cela et, très franchement, nous aurions pu aussi faire notre affaire, si nous le souhaitions, tout comme d’autres ailleurs qu’en Île-de-France pourraient le souhaiter, de documents d’urbanisme intercommunaux.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Et donc nous ne devrions toucher à rien ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Laissons à chacun le choix de se débrouiller avec son propre territoire ! Nous contestons parfaitement – beaucoup d’entre nous en tout cas – cette mécanique institutionnelle à la toise qui est ainsi mise en place par votre texte. En l’état actuel des choses, laisser se superposer différents documents d’urbanisme tels que ceux existant aujourd’hui, et en ajouter un nouveau, ne me paraît absolument pas compatible avec la vie des communes, ni avec les intérêts des habitants dans nos territoires.

Enfin, madame la ministre, un seul élément devrait justifier à lui seul le renvoi en commission. J’ai une question très simple à vous poser : êtes-vous en mesure, à cette minute – vous avez le droit de le faire, puisque vous pouvez prendre la parole à tout moment – de nous expliquer dans le détail le fonctionnement du cautionnement des loyers ?

Mme Claude Greff. Je suis sûre que non !

M. Jean-Frédéric Poisson. Êtes-vous capable de nous dire quels arbitrages ont été rendus sur le sujet des cautions ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il fallait venir en commission !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne suis pas membre de votre commission, monsieur Brottes, et la commission des lois était assez largement sollicitée au mois de juillet, comme vous l’avez remarqué, au point que notre président a écrit au président de l’Assemblée nationale pour lui demander d’alléger nos travaux ; je vous invite à vous rapprocher de votre collègue Urvoas. Les autres commissions travaillent aussi pendant que la vôtre siège !

Madame la ministre, si vous n’êtes pas capable de nous expliquer clairement le mécanisme qui régira le système des cautions, cet élément à lui seul, compte tenu de son rôle semble-t-il central dans votre texte, justifierait que la commission siège à nouveau pour traiter ce sujet. Voilà pourquoi, madame la présidente, chers collègues, nous voterons cette motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe UDI.

M. Michel Piron. Pour les mêmes raisons que celles que j’évoquais tout à l’heure, notre groupe s’abstiendra. Nous avons en effet beaucoup travaillé, mais je reconnais très volontiers le droit aux membres d’autres commissions de demander des précisions et des compléments dans le cadre de l’examen dans l’hémicycle.

Le temps réservé à l’ensemble des débats, compte tenu de l’ampleur du texte, ne sera pas trop long, j’en suis persuadé ! J’attends même de voir le déroulement des dernières heures pour savoir si nous pourrons aller réellement au fond des choses.

Je constate que deux lectures sont prévues, ce qui ne sera pas de trop. Toutefois, cela devrait largement nous permettre d’obtenir les réponses que nous attendons. En tout état de cause, nous nous prononcerons en fonction des précisions que nous aurons obtenues.

Je le répète, je suis de ceux qui restent très favorables au PLUI : j’étais pour hier et je le reste aujourd’hui. En revanche, nous sommes défavorables à l’encadrement des loyers pour des raisons que nous expliquerons ultérieurement car nous ne le croyons ni efficace, ni juste.

Enfin, s’agissant de la GUL, nous avons besoin de réponses précises sur l’urbanisme commercial.

Beaucoup d’autres sujets seront abordés en leur temps. Je le répète, en tout état de cause, nous nous abstiendrons dans l’attente de précisions.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui montre que la question du logement est enfin érigée au rang de priorité nationale par le Gouvernement. C’était l’un de nos engagements forts lors des élections de 2012 et nous le traduisons ici concrètement. Ce n’est pas le premier puisqu’un décret a été pris en faveur de l’encadrement des loyers à la relocation et qu’un texte sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement social a été adopté.

Le présent projet de loi, dit projet ALUR, permettra de clarifier, d’assainir et de sécuriser les relations entre propriétaires et locataires.

Parmi les nombreuses dispositions contenues dans ce projet et sur lesquelles ma collègue Michèle Bonneton reviendra tout à l’heure au nom du groupe écologiste, je retiendrai deux mesures qui auront un impact immédiat pour des millions de Français : l’encadrement des loyers et la création de la garantie universelle des loyers. Dans les deux cas, il s’agit d’un progrès social. Vous l’avez dit dans votre discours introductif, madame la ministre, ce sont des outils concrets pour maîtriser les loyers et sécuriser les rapports entre locataires et propriétaires. Ce sont donc des outils de solidarité.

Je veux d’abord saluer la méthode qui a conduit à l’élaboration de ce projet. Durant plusieurs mois, professionnels, bailleurs sociaux, associations, élus locaux et nationaux, les parlementaires que nous sommes, ont été associés aux travaux préparatoires. Ce souci permanent de la collégialité a permis de proposer une réforme vaste et ambitieuse qui touche à presque tous les sujets concernant la politique du logement.

À mes collègues de l’opposition qui considèrent que ce projet de loi est trop ambitieux, je répondrai que l’on peut toujours critiquer mais que nous avons trop souffert, par le passé, et quelles que soient les majorités, de textes partiels qui n’abordaient un sujet que par une entrée. Lorsque nous, parlementaires, proposions des amendements, on nous répondait que nous étions hors sujet et l’on nous renvoyait à d’autres textes.

Le présent texte est très vaste, il touche des sujets très variés sur les questions du logement, mais c’est une nécessité si l’on veut transformer la situation, si l’on veut à la fois traiter la question des locataires du secteur privé, des loyers, des relations entres locataires et propriétaires, des droits et des devoirs des uns et des autres. L’on sait aujourd’hui que c’est vital dans les zones tendues et il y en a dans presque toutes les villes de France, dans les grandes villes mais aussi parfois les petites, notamment sur la Côte d’Azur et dans d’autres zones touristiques.

Et puis, comment ne pas voir qu’il y a un lien fort entre la question du logement et celle de l’urbanisme ? Trop souvent, l’on ne traite que l’un des aspects.

Comme cela a été dit tout à l’heure, le travail en commission a mobilisé les députés de tous les groupes. Il a permis des échanges extrêmement riches et l’adoption d’amendements issus de tous les groupes. Nous avons encadré la vente à la découpe, sujet très prégnant dans certaines villes, notamment à Paris, afin de sécuriser les locataires et freiner les comportements spéculatifs – on sait que cette technique permet à des acquéreurs de spéculer sur la hausse des prix du logement. Nous avons également réformé le statut des espaces verts et introduit la prise en compte des enjeux de préservation et de reconquête de la biodiversité afin de faire entrer la nature dans la ville. Tout à l’heure, M. Saddier parlait de la biodiversité et de la nature ; je lui rappelle que ces sujets n’ont pas été oubliés dans ce texte. Nous les avons même introduits et renforcés par voie amendements. Laurence Abeille y reviendra lors de la discussion des articles.

M. Martial Saddier. Il faut que cela génère de la fiscalité pour les collectivités !

M. François de Rugy. Nous avons entériné le principe d’objectifs chiffrés de lutte contre l’artificialisation des sols pour stopper la désagrégation et le recul des terres agricoles au nom de la spéculation foncière. Là aussi, nous avons entendu dire, à de nombreuses reprises, que l’équivalent de la surface d’un département français disparaît tous les sept ou dix ans. On se contentait d’en faire le constat, mais on ne faisait rien alors qu’il existe des outils concrets pour avancer dans ce domaine. D’ailleurs, la loi solidarité et renouvellement urbains, adoptée dans les années 90 mais à laquelle les groupes de droite de l’époque s’étaient opposés, avait déjà constitué un progrès. Avec le recul, on avait pu voir que les schémas de cohérence territoriale et d’autres outils de ce type n’étaient pas suffisants.

Toujours en commission, nous avons facilité les dispositifs d’isolation thermique des bâtiments par l’extérieur, parce que nous savons que le secteur du logement constitue un levier essentiel pour la transition énergétique. Là aussi, ces questions touchent à la fois les propriétaires qui peuvent voir leur logement s’améliorer et donc prendre de la valeur dans la durée, et les locataires qui ont à la base un mauvais système de chauffage ou ceux dont les propriétaires ne font pas de travaux d’amélioration thermique. De tels dispositifs permettent également de créer des emplois chez les artisans du logement, ce qui est particulièrement important en ce moment.

M. Martial Saddier. Avec les loyers gelés, il n’y aura plus de travaux réalisés !

M. François de Rugy. Un mot s’agissant de la polémique lancée par certains et entretenue par d’autres à cette tribune et qui enfle depuis quelques jours au sujet de la garantie des loyers. Certains commentateurs dénoncent ce qu’ils appellent une CMU logement – comme si c’était infamant – ce qui inciterait, selon eux, au non-paiement des loyers. Nous pensons que c’est exactement le contraire puisque cette garantie permettra aux petits propriétaires – et ils sont très nombreux – d’assumer le risque d’une mise en location de leur bien sans avoir à demander des cautions solidaires parfois totalement irrationnelles, qui excluent un certain nombre de personnes du logement lorsqu’elles n’ont pas la possibilité d’accéder à un logement social, ce qui les amène à se tourner vers les marchands de sommeil. Là aussi, il faut faire converger l’intérêt des propriétaires avec celui des locataires. La garantie des loyers ne procède pas d’une logique de vases communicants, elle œuvre à plus de sécurité pour les locataires comme pour les propriétaires. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous préférons cette démarche à celle de l’assurance privée, à celle qui consiste à s’en remettre au système du marché qui a montré qu’il ne fonctionnait pas en matière de logement.

Ainsi, ce texte ambitieux, à forte portée sociale et écologique, rencontre le soutien franc et déterminé du groupe des députés écologistes. Pour autant, notre position ne sera pas celle d’un consentement aveugle. Elle sera pleinement collaborative et portera en elle, par voie d’amendements, une volonté d’amélioration du texte. Plusieurs amendements écologistes ont ainsi été retravaillés depuis l’examen du texte en commission pour continuer à moderniser le secteur et mettre en œuvre la transition écologique des territoires.

En particulier, nous pensons que ce texte peut encore être renforcé sur la facilitation des mécanismes de rénovation thermique, la création d’un nouveau droit de priorité locative, la modernisation des statuts de certains types de logement, à l’instar des foyers, la prise en compte des enjeux agricoles et de biodiversité dans les documents d’urbanisme ou encore l’encadrement de la vente à la découpe et de la « muséification » des centres-villes.

En définitive, le débat qui s’ouvre est une formidable occasion d’introduire plus de justice, de sécurité, et de cohésion dans le secteur du logement, tout en actionnant le levier de la transition écologique au profit des locataires et des propriétaires occupants.

Soyez assurée, madame la ministre, que les écologistes sauront être un partenaire constructif et une force de proposition tout au long de l’examen de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jean-Noël Carpentier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi sur le logement et l’urbanisme. Il est d’une grande importance tant les attentes sont grandes et tant il devient difficile de se loger dans notre pays. Le logement est une priorité pour nos concitoyens.

Avec ce texte, la majorité actuelle tient ses promesses sur l’un des thèmes sur lequel l’ancienne majorité avait été mise en échec, au point que Nicolas Sarkozy avait même cru bon d’expliquer que la proposition de la gauche visant à réguler les loyers s’inspirait d’une vision soviétique des choses.

Que l’on se souvienne pourtant de 2007 : Nicolas Sarkozy et la droite voulaient faire « une France des propriétaires ». Tout cela a fait pschitt. « Le laisser-faire et le laisser-aller », telle était la devise de la droite en matière de logement. Pour sa part, la gauche entend protéger nos concitoyens et permettre la construction de logements neufs tout en régulant le marché de l’immobilier.

Après la loi Duflot 1 qui a permis notamment de faire passer le seuil des logements sociaux à 25 %, le texte dont nous avons à débattre aujourd’hui s’inscrit dans une visée sociale évidente.

Alors, c’est vrai, dans certains milieux cela grogne. Mais aujourd’hui, même certains experts proches des doctrines néolibérales reconnaissent que l’autorégulation du marché du logement ne permet pas d’aboutir à une situation saine. Il manque des centaines de milliers de logements en France. Cette pénurie a abouti à un renchérissement permanent des prix et alimente la spéculation foncière. Cette augmentation constante se répercute directement sur le pouvoir d’achat des familles, qui doivent consacrer une part de plus en plus importante de leur budget à leur logement.

Nous le voyons tous, la crise du logement est telle que les pouvoirs publics ne peuvent rester l’arme au pied. Votre texte souhaite répondre à ces enjeux. Bien sûr, il n’y a pas de recette miracle, il n’y a pas de bâton magique qui nous permettra de tout modifier d’un seul coup et en quelques mois, mais au moins a-t-on bien l’ambition d’endiguer la situation que nous a léguée l’ancienne majorité de droite.

Parmi plusieurs mesures, votre texte propose notamment l’encadrement des loyers. Ne pas excéder de 20 % le loyer médian de référence ne peut franchement pas, mes chers collègues de l’opposition, faire exploser, comme vous le dites, le marché de l’immobilier ! J’aurais préféré, pour ma part, un encadrement encore plus strict dans les zones tendues.

On peut également se féliciter de la mise en place de la garantie universelle locative. Si cette mesure ne règle pas tous les problèmes de fond, au moins va-t-elle soulager immédiatement des millions de familles. Osons le dire, ce qui se passe actuellement est délirant. Par exemple, s’agissant des cautions, certaines agences exigent parfois que les revenus atteignent quatre fois le montant du loyer. Cela aboutit forcément à une exclusion du marché privé de nombre de nos concitoyens et, à vrai dire, à une profonde inégalité.

Aujourd’hui, cela ne touche pas que les plus démunis : un couple avec deux enfants, à Paris, ne peut pas accéder à la location sur le marché privé s’il n’a pas au moins 6 000 à 7 000 euros de revenu !

Soyons sérieux : même les ultra-libéraux doivent être en mesure de prendre conscience que le marché dérégulé conduit à des situations ubuesques et dangereuses. La GUL est une mesure utile et permettra certainement de mieux gérer aussi le difficile problème des impayés.

Pour conclure, permettez-moi, chers collègues, madame la ministre, de m’arrêter quelques instants sur les propositions d’amendement du groupe RRDP. Ils ont, madame la ministre, l’objectif d’enrichir le texte et comme d’habitude, vous le verrez, ils sont extrêmement pertinents !

Un amendement vise à contribuer à la lutte contre les marchands de sommeil. Il reprend notre proposition de loi visant à encadrer les divisions de l’habitat pavillonnaire, qui engendrent, dans certains quartiers, de l’habitat indigne. Aujourd’hui, vous le savez, certains propriétaires, avec des travaux sommaires, divisent des pavillons et louent toutes les surfaces disponibles : le garage, le grenier, le sous-sol, tout y passe, ce qui est à l’origine d’une sur-occupation et de filières locatives très souvent malhonnêtes. Notre amendement vise donc à remédier à cette situation en imposant un contrôle préalable à l’exécution des travaux.

Madame la ministre, je sais que vous êtes sensible à ce problème – la rédaction du projet de loi le démontre – et j’espère bien que nos débats aboutiront à une inscription dans la loi de notre proposition.

Concernant l’urbanisme commercial, nous nous satisfaisons également que l’esprit de notre proposition de loi concernant l’encadrement de l’installation des drives ait été repris dans votre projet de loi. Nous proposerons quelques améliorations encore, si c’est possible.

De même, madame la ministre, j’attire votre attention sur les amendements déposés par notre collègue Jacques Krabal à propos des SCOT, tout comme sur ceux qui visent à mieux protéger encore les droits des locataires.

Madame la ministre, nous avons entendu les attaques violentes contre ce projet de loi. Force est de constater qu’elles viennent essentiellement du côté de ceux qui tiennent à préserver des privilèges et des rentes de situation. Que l’opposition parlementaire mêle sa voix à cette contestation, cela la regarde. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais elle est mal placée pour donner des leçons, tant elle a conduit une politique injuste en termes de logement.

Votre texte de loi, madame la ministre, va dans le bon sens. Nous évaluons vos efforts, dans un contexte difficile, pour une politique du logement plus efficace et plus juste. Notre objectif commun, et c’est l’honneur de la gauche, c’est d’être auprès de nos concitoyens qui subissent la violence de la crise. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

M. André Chassaigne. Mon intervention sera, je m’en excuse, un peu longue : des contraintes en circonscription font que je ne pourrai pas rester jusqu’à la fin de l’examen de ce texte, ce que je regrette énormément, si bien que je balaierai différents points que j’aurais pu aborder dans la discussion des articles.

Cela fait maintenant près d’un an et demi que la droite a été battue. Ce projet de loi ALUR est en fait, selon mon calcul, le quatrième texte qui aborde la question du logement.

Aussi, compte tenu de l’urgence à apporter des réponses fortes, est-ce pour nous une satisfaction d’entrer enfin dans le vif du sujet. Face aux millions de mal-logés, voire de pas logés du tout, face à la tragédie de la crise du logement – je reprends votre expression, madame la ministre –, les députés du Front de gauche ont fait des propositions fortes dès juillet 2012. On nous expliquait à l’époque que les vraies réformes trouveraient leur place dans ce projet de loi ALUR. Qu’en est-il aujourd’hui ? Je voudrais d’abord réaffirmer qu’on ne réglera pas la crise du logement sans construire massivement, notamment dans le parc social. Pour loger les Français, il faut construire, construire, toujours construire !

M. Marc Dolez. Très bien !

M. André Chassaigne. Aussi soutenons-nous les objectifs gouvernementaux de construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Mais chacun sait désormais qu’ils ne seront pas atteints.

Comment le seraient-ils, quand les budgets ne sont pas à la hauteur ? En matière de logement comme ailleurs, les questions budgétaires sont le nerf de la guerre. C’est pourquoi la gauche se doit de revenir sur l’intégralité de la baisse des aides à la pierre décrétée sous la présidence Sarkozy.

Sur tous les bancs de cette majorité de gauche, nous nous accordons à constater que les dix années de la droite ont été sanglantes pour le logement social.

C’est une raison de plus pour inverser radicalement la tendance et faire rentrer dans le circuit les sommes qui en ont été sorties.

Légiférer sur le logement sans traiter des questions budgétaires et fiscales, même avec la meilleure volonté du monde, c’est nécessairement se cantonner à des mesures d’appoint, voire à des mesures superficielles.

M. Marc Dolez. C’est vrai.

M. André Chassaigne. C’est sans doute la raison pour laquelle la plate-forme « logement » des mouvements sociaux est si sceptique sur le contenu du présent texte. Pourtant, nous portons aujourd’hui avec vous, madame la ministre, une exigence partagée : tout faire pour rééquilibrer les rapports locatifs.

Dans les zones tendues, la pénurie de logements est telle que les locataires en arrivent à de graves extrémités pour obtenir un toit. En région parisienne, chaque bien mis en location donne lieu à un assaut de candidats. Les propriétaires font face à tant de demandes qu’ils obtiennent une situation de pouvoir très importante : ils peuvent exiger toujours plus d’engagements, de la part de locataires toujours plus contraints et désemparés.

Désormais, pour les étudiants, certains bailleurs exigent que les parents soient colocataires de leurs enfants. De cette façon, le parent apparaît  directement  sur  le  bail,  ce  qui  l’engage  à  payer immédiatement  tout  loyer  exigible.  

Aujourd’hui, des locataires sont contraints de constituer des dossiers avec de fausses fiches de paie, pour gonfler leurs salaires et ainsi augmenter leurs chances de signer le bail. De l’autre côté de la chaîne, les bailleurs n’hésitent plus à appeler les employeurs pour vérifier la nature des contrats de travail et le montant des salaires des candidats. Des agences immobilières font appel à des intermédiaires dans les banques afin de contrôler – en toute illégalité – le niveau des encours bancaires des impétrants. Les cas ne sont plus rares où ce sont les enfants qui doivent se porter caution pour leurs parents, car ceux-ci ne peuvent plus faire face à un loyer avec leur petite retraite. Certains adultes doivent retourner vivre chez leurs parents et certaines personnes âgées doivent aller s’installer chez les enfants. Voilà la réalité du marché de la location en zone tendue.

Mais ceux qui sont exclus de ce marché connaissent des situations encore plus dramatiques. Je pense à ceux qui dorment à l’hôtel faute de trouver un toit,…

M. Arnaud Richard. Exactement !

M. André Chassaigne. …à ceux qui tentent de s’en sortir dans les foyers d’hébergement saturés, à ceux qui sont cantonnés aux immeubles insalubres et dangereux, à ceux qui n’ont d’autre choix que de payer à prix d’or un marchand de sommeil, à ceux qui dorment dans des habitats provisoires et précaires, en mobil-home, sous tente, en squat. Et à ceux, enfin, de plus en plus nombreux, qui sont à la rue, alors même que des dizaines de milliers de logements et de bâtiments sont vacants.

Face à cela, la droite et certains lobbies prétendent que les locataires sont trop protégés en France. Comment accepter un tel discours ? Vous avez répondu avec des mots fermes et justes, madame la ministre. Comment en effet accepter ces protestations indécentes de grands propriétaires qui se victimisent, prétendant subir les oukases du Gosplan sitôt que le législateur tente d’arranger la situation ? Comment accepter le chantage de ceux qui dorment au chaud et qui menacent de laisser leurs appartements vacants s’ils ne peuvent pas en tirer un profit maximal ? Comment accepter l’arrogance d’une droite responsable en grande partie de la situation dramatique, et qui vient aujourd’hui donner des leçons ?

Ne soyons pas dupes de ces discours. IIs sont au service d’intérêts bien précis. Pour notre part, nous défendons l’intérêt du plus grand nombre, le bien commun, tout simplement. Aussi, ne pouvons-nous pas nous résoudre à l’impuissance organisée et aux mesures cosmétiques.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, pour constituer et finaliser ce vaste projet de loi, vous avez pris le temps de consulter et de concerter, ce que je salue. Pourtant, cette concertation n’a pas abouti à des choix suffisamment forts. Dans votre volonté louable de répondre à l’urgence, vous avez, de fait, trop sacrifié l’essentiel. Vous avez oublié, pourrait-on dire, l’urgence de l’essentiel. J’en veux pour preuve votre dispositif d’encadrement des loyers. Vous le savez, nous sommes partisans résolus d’un encadrement efficace des loyers. D’ailleurs, nous avions déposé deux propositions de loi dans ce sens lors de la précédente législature. Or, avec votre projet de loi, le compte n’y est pas.

Pour vous le démontrer, je voudrais citer le rapport. Page 23, il est dit : « Dans les zones tendues, le déséquilibre entre l’offre, restreinte, et la demande, forte, a généré une hausse exponentielle des loyers qui […] a conduit à des niveaux de loyers irrationnels, et parfois indécents au regard des caractéristiques des logements. » Or, cinq phrases plus loin, il est écrit à propos du dispositif d’encadrement mis en place : « L’objectif poursuivi n’est pas de faire baisser les loyers moyens. »

Pourquoi diable ne pas vouloir baisser les loyers, même moyens, s’ils atteignent des niveaux irrationnels ? Comment se satisfaire d’un tel manque d’ambition, à l’heure où la situation des ménages les plus modestes est véritablement désespérée ? Pourquoi annoncer un encadrement des loyers si celui-ci ne vise qu’un petit nombre de baux exorbitants, qualifiés d’exagérément élevés par vous-même, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques ?

Pour notre part, nous estimons qu’une baisse n’est pas souhaitable, mais indispensable. Les loyers sont trop élevés, vous le dites vous-même dans le rapport : 40 % des ménages dépensent pour se loger plus de 40 % de leurs revenus. C’est une véritable confiscation des ressources des familles, une déprédation du pouvoir d’achat populaire. Je rappelle que celui-ci connaît, ces derniers mois, une chute qui constitue un record depuis l’année 1984. Il ne faut pas se résoudre à prendre simplement acte de la hausse vertigineuse des loyers de la dernière décennie, et encore moins se contenter de l’avaliser en la gravant dans le marbre légal ! Il faut la combattre, cette hausse des loyers. C’est pourquoi nous proposons des amendements qui introduisent un encadrement plus rigoureux et, à nos yeux, plus efficace.

D’autre part, votre dispositif comporte de nombreuses possibilités de dérogation pour les bailleurs. Il ne s’applique que dans le parc privé. Il ne s’applique que dans les zones tendues. Il peut être contourné pour tout logement présentant des « caractéristiques exceptionnelles », ainsi que pour tout logement qui fera l’objet de projets de rénovation. Aucun contrôle n’est prévu. Aucune sanction n’est prévue. Le recours judiciaire permis au locataire n’aura quasiment jamais lieu, car comme vous l’établissez à la page 36 de votre rapport, « les locataires n’intentent que très peu d’actions en justice ».

Et pour cause ! Comment pourraient-ils le faire alors que les propriétaires peuvent si facilement faire pression sur un locataire gênant, au moyen du congé, par exemple ? Quel locataire, après les mois de galère que constitue la recherche d’un logement en zone tendue, osera se retourner contre le propriétaire qui a consenti à lui louer son bien ?

Marcel Aymé a eu cette phrase forte et tellement juste : « L’injustice sociale est une évidence si familière, elle est d’une constitution si robuste, qu’elle paraît facilement naturelle à ceux mêmes qui en sont victimes. » On retrouve cela dans les difficultés que pourraient avoir les locataires à se retourner contre les bailleurs.

Aussi, madame la ministre, comme les associations spécialisées, nous n’attendons pas – et je le dis sans vouloir faire un procès d’intention – des résultats tangibles de votre encadrement des loyers. Je le dis tranquillement, sans posture, parce que c’est ma conviction à la lecture du texte.

En autorisant un plafond supérieur de 20 % au loyer médian, il risque d’inciter les propriétaires à se rapprocher de ce plafond pour tirer le maximum de bénéfices de leurs surfaces louables. Tels sont en quelque sorte les effets contre-productifs, voire pervers, que pourraient avoir les mesures que vous proposez.

Le décret sur l’encadrement des loyers à la relocation n’évitera pas cette tendance, car son application est trop lacunaire.

De plus, il pourra être envoyé aux oubliettes lors de n’importe quel changement gouvernemental et les logiques hyper-inflationnistes pourront alors reprendre massivement. À tout le moins, j’y insiste, il faudrait donner à ce décret une valeur législative ; nous le proposerons par voie d’amendement.

Enfin, je ne parviens pas à m’expliquer les raisons qui vous poussent à instaurer un loyer médian minoré, c’est-à-dire à interdire les faibles loyers. J’ai beau retourner le problème dans tous les sens, cette mesure me paraît tout simplement incroyable. Alors que certains locataires, souvent des personnes âgées qui occupent leur logement depuis des décennies, ont réussi à conserver des loyers raisonnables, voilà que la loi invite les propriétaires à augmenter ceux-ci brutalement ! Très honnêtement, les bras m’en sont tombés. Peut-être vos réponses et vos explications vont-elles me les faire lever à nouveau, mais je dis les choses telles que je les ressens !

Quelle peut bien être la vertu d’une telle disposition ? Quelles seront ses conséquences, sinon une aggravation supplémentaire du marasme ? La loi se charge en quelque sorte de renchérir les rares logements qui ne l’avaient pas été par le marché ! Je défendrai des amendements visant à améliorer le texte sur ce point, car nous ne pouvons accepter une telle occasion gâchée en matière d’encadrement des loyers.

Je veux maintenant tempérer mon premier constat en apportant mon soutien à deux avancées importantes.

D’abord, le principe de la garantie universelle des loyers nous semble aller dans le bon sens. Supprimer la caution en mutualisant le risque d’impayé constitue une mesure d’égalité. Cependant, ce n’est pas aux locataires de financer cette garantie, mais aux bailleurs.

De surcroît, la GUL doit avoir pour effet d’empêcher les expulsions. Le risque d’impayé étant couvert, il n’est plus acceptable que des familles soient chassées de leur logement.

Je citerai ici le cas récent de l’expulsion d’une famille avec deux enfants, la veille de la rentrée scolaire, à Stains, dans la circonscription de mon amie Marie-George Buffet, alors que dix loyers sur douze avaient été versés. Si la GUL doit avoir une utilité, outre celle de mettre fin au système du cautionnement, c’est bien d’empêcher que de telles injustices se reproduisent !

D’autre part, je veux exprimer mon accord avec les dispositions visant à encadrer les professions immobilières. Si les dérives ne sont certes pas généralisées, elles sont néanmoins bien réelles. Il est donc indispensable d’y mettre un terme, en instaurant un cadre déontologique ainsi que des obligations de formation.

Nous avons été beaucoup interpellés, les uns et les autres, sur cette exigence de régulation, on nous a même fait du chantage à l’emploi, en allant parfois jusqu’à prétendre que réglementer les excès revenait à encourager le licenciement des employés. Au contraire, et je l’ai dit aux représentants de la profession que nous avons rencontrés, la création d’une ossature déontologique, loin de mettre en danger l’activité, aura pour effet de la sécuriser et de la pérenniser. C’est pourquoi, madame la ministre, ce chapitre constitue une réelle avancée.

S’agissant de la lutte contre les expulsions, nous sommes favorables au renforcement du rôle des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives grâce à des moyens budgétaires accrus.

En outre, nous proposons de donner une valeur légale au décret empêchant les expulsions des personnes prioritaires au titre du droit au logement opposable, ce dispositif étant actuellement mal appliqué. Suite à nos débats en commission, je crois qu’il est très important de discuter des logiques de ghettoïsation dont la loi DALO est porteuse. S’il faut évidemment reloger le plus rapidement possible les foyers prioritaires, il n’est pas concevable que ces familles soient toujours dirigées vers les mêmes communes, celles qui construisent le plus de logements sociaux. Ce serait en effet donner quitus aux municipalités, essentiellement de droite, qui fraudent la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain et refusent la mixité sociale.

M. Martial Saddier. C’est faux !

M. André Chassaigne. Cela revient aussi à concentrer les difficultés dans les communes de bonne volonté, qui doivent parfois gérer des flux très importants sans bénéficier des moyens financiers correspondants.

Nous le savons tous, la sanction financière prévue par la loi SRU à l’encontre des communes récalcitrantes ne suffit pas à réguler ces flux. Seule la construction de logements sociaux apportera une solution décisive et durable au problème.

S’agissant des copropriétés dégradées, les mesures proposées nous semblent également positives, bien qu’insuffisantes. Sur les conseils avisés de la municipalité de Grigny, qui a effectué un travail très important en coopération avec les associations et les riverains, nous ferons des propositions pour aller plus loin.

Je tiens à souligner que le problème de la dégradation ne concerne pas seulement le parc privé. C’est d’une politique de réhabilitation plus générale que nous avons besoin. Il faut donc renforcer les moyens financiers de l’Agence nationale de l’habitat et les adosser à d’autres ressources que le seul 1 % logement.

En ce qui concerne l’habitat indigne, réalité littéralement meurtrière de nos territoires, les élus du Front de gauche prendront une nouvelle fois l’initiative. Il est temps d’agir ! Dans de tels logements, le paiement des loyers doit être suspendu jusqu’à la réalisation des travaux de réhabilitation, soit l’exact inverse du mécanisme mis en place. L’article 3 du projet de loi prévoit en effet d’autoriser les propriétaires qui effectuent des travaux de rénovation à augmenter les loyers de façon limitée. Pourquoi ne pas, au contraire, permettre aux locataires de logements vétustes, insalubres et dangereux de ne pas s’acquitter de leur loyer tant que les travaux ne seront pas réalisés ? Une telle disposition équilibrerait utilement le texte.

S’agissant de l’hébergement d’urgence, chacun connaît le caractère extrêmement tendu de la situation sur tout le territoire, et le député du Puy-de-Dôme que je suis la connaît mieux que d’autres.

La semaine dernière, à Clermont-Ferrand, 360 personnes, dont 150 enfants, ont été jetées à la rue, l’association gestionnaire du « 115 » n’étant plus en mesure de payer l’hébergement de ces familles faute d’engagement financier suffisant de l’État. Je vous rappelle, madame la ministre, que nous nous sommes déjà rencontrés pour réfléchir ensemble à la résolution de cette scandaleuse incurie.

Alors que ces familles dormaient dans la rue, seize d’entre elles, sur vingt-trois, ont depuis obtenu du tribunal administratif de Clermont-Ferrand que le préfet du Puy-de-Dôme organise leur accueil dans des conditions matérielles décentes. Un tel épisode démontre assez clairement les failles considérables de l’organisation de l’hébergement d’urgence ainsi que les conséquences dramatiques du désengagement financier de l’État.

J’ai déposé un amendement, suggéré par le collectif des associations, afin de revoir entièrement le rôle des services intégrés d’accueil et d’orientation dans l’organisation de l’hébergement d’urgence dans notre pays. Ces derniers assument en effet une mission déterminante pour la bonne prise en charge des personnes sans abri ou mal logées.

Chers collègues, il est temps d’aborder un sujet qui fâche : le volet urbanistique du projet de loi (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), et en particulier la disposition qui divise profondément les deux groupes parlementaires dominants de cette assemblée : l’instauration du PLU intercommunal obligatoire.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. Martial Saddier. Nous y voilà !

M. André Chassaigne. Pour les élus communistes, républicains et citoyens que je représente ici, et donc pour les élus du Front de gauche, le PLUI peut être un bon outil. Nous n’avons pas d’opposition de principe aux intercommunalités de projet, dès lors qu’elles sont concertées et volontaires.

M. Jean-Louis Dumont. Ah !

M. André Chassaigne. Du reste, une telle démarche est déjà possible, et donne dans certains cas de bons résultats, notamment lorsqu’elle est relayée de bonne façon sur le plan communal, en suscitant une réelle concertation et en actionnant une dynamique citoyenne.

M. Martial Saddier. Nous sommes d’accord !

M. André Chassaigne. En revanche, il n’est pas acceptable que ce PLUI soit obligatoire.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Martial Saddier et plusieurs membres du Groupe UMP. Bravo !

M. André Chassaigne. Il n’est pas acceptable que les communes soient dessaisies d’office de leurs compétences. Il n’est pas acceptable qu’elles n’aient pas le choix ! Dans le droit fil de la réforme Sarkozy-Balladur de 2010 et du coup de force de l’été sur les métropoles, vous organisez l’intercommunalité avec un gourdin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



Nous estimons indispensable de laisser aux communes la liberté de décider du passage au PLUI, car un PLUI imposé ne pourra donner de bons résultats, des blocages pourront survenir dans sa mise en œuvre, et la gestion intercommunale en sera compliquée. De surcroît, il accélèrera la mise en concurrence des territoires.

M. Martial Saddier. Très bien !

M. André Chassaigne. L’urbanisme ne peut se concevoir sans la collaboration des élus et de la population, ni sans démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Dolez. Excellent !

M. André Chassaigne. Dans les intercommunalités hétérogènes, les communes qui connaissent le plus de difficultés ou celles qui accueillent le plus de logements sociaux seront trop souvent condamnées, en fonction de ceux qui seront aux manettes, à être les parents pauvres de l’agglomération. Avec ce type d’autoritarisme local associé à une vision conservatrice, les logiques de polarisation et de ghettoïsation ont de beaux jours devant elles ! Quel est le sens d’une décentralisation qui n’associe ni les maires ni les populations ? Quel est le sens d’une décentralisation qui réservera de fait l’urbanisme à des structures technocratiques ?

M. Marc Dolez. Très bien ! Il fallait le dire !

M. André Chassaigne. Sur ce point, tout comme sur votre funeste projet de loi concernant les métropoles, qui laissera des traces profondes s’il n’est pas considérablement amendé – comme s’apprête à le faire la chambre haute –, nous vous demandons solennellement de ne pas passer en force. Oui au PLU intercommunal, mais au PLU intercommunal volontaire !

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Martial Saddier. Bravo !

M. André Chassaigne. Le volet territorial de ce projet de loi est décidément très négatif. Prenons, par exemple, l’article 61. Il retire le bénéfice de l’ingénierie juridique et technique des services déconcentrés de l’État à toutes les intercommunalités qui comptent de 10 000 à 20 000 habitants, lesquelles devront donc désormais financer sur leurs fonds propres tout un pan de leur activité urbanistique et administrative.

M. Martial Saddier. Je l’ai dit !

M. André Chassaigne. C’est un désengagement en bonne et due forme, comme à la belle époque du sarkozysme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Pourquoi ? Quelle est la vertu d’une telle mesure ? Qui la demande ? L’objectif n’est-il que de réduire la dépense au détriment des élus et des populations ? Est-ce là, madame la ministre – et je le dis gravement –, votre vision de la décentralisation ?

D’ailleurs, je vous ai posé une question écrite le 1er janvier 2013, à laquelle vous m’avez répondu le 18 juin. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je note à ce propos qu’environ 60% des questions écrites ne reçoivent pas de réponse de la part de ce Gouvernement.

M. Martial Saddier. Redonnez-lui trente minutes !

M. André Chassaigne. Ce n’était d’ailleurs pas mieux avant !

J’avais appelé votre attention, madame la ministre, sur l’avenir des dispositifs « Application du droit des sols » et « Assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire » que les élus ruraux, notamment, connaissent bien. Lors d’un comité technique, vous aviez vous-même fait part de votre volonté d’en discuter. Las, les collectivités sont désormais amenées à exercer pleinement ces missions avec l’aide des intercommunalités. En fait, vous avez affirmé votre volonté politique d’arrêter l’instruction de l’ADS à titre gracieux et de ne plus conclure de conventions ATESAT avec les collectivités, ce qui a d’ailleurs fait l’objet de nombreuses réactions critiques, en particulier de la part des élus locaux.

Les suppressions d’effectifs dans ces deux domaines, disais-je dans ma question, sont programmées, et s’accélèrent même en 2013, dans la continuité des années précédentes. Après la mise en concurrence de l’ingénierie publique, contre laquelle toute la gauche s’est élevée, le Gouvernement décide donc de continuer la destruction de services qui assurent des tâches d’intérêt général au plus près des collectivités et des citoyens.

M. Martial Saddier. Destruction accélérée !

M. André Chassaigne. Vous m’avez répondu, madame la ministre, en prenant acte de ma question et en rappelant votre conviction. Je lis le début de votre réponse : « Le ministère de l’égalité des territoires et du logement a engagé une réforme des missions d’instruction des autorisations d’urbanisme et des missions d’ingénierie publique de l’État à destination des collectivités. Cette évolution concerne les missions ADS, dont bénéficient les collectivités de moins de 20 000 habitants, essentiellement pour l’instruction des autorisations d’urbanisme, ainsi que les missions ATESAT.

Et vous poursuiviez ainsi : « Le renforcement des compétences des collectivités, la consolidation des intercommunalités, la structuration de dispositifs d’ingénierie technique et financière au niveau intercommunal comme départemental ont modifié le partage des tâches entre l’État et les collectivités territoriales. La prise en compte de cette répartition nouvelle, conjuguée aux exigences de la modernisation de l’action publique, impose de repenser l’action de l’État dans les territoires. Le ministère de l’égalité des territoires et du logement a donc décidé de recentrer l’ADS sur des missions de solidarité vis-à-vis des communes fragiles, du fait de leur petite taille, membres d’intercommunalités de moins de 10 000 habitants. »

Votre réponse contenait déjà les éléments du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui. Vous avez de la suite dans les idées, c’est certain, mais l’orientation que vous avez choisie aboutit malheureusement à dépouiller l’État de ses compétences et de ses responsabilités, puisque ses compétences sont transférées à l’intercommunalité. Ce transfert de compétences, donc de charges, c’est ce que nous condamnons depuis des décennies, sur tous les bancs de la gauche ! 

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. André Chassaigne. On ne peut pas tenir des propos, d’une seule voix avec le reste de la gauche, quand on est dans l’opposition, puis faire le contraire de ce que l’on a dit lorsqu’on arrive au pouvoir !

M. Olivier Marleix. C’est un raisonnement honnête !

M. André Chassaigne. J’ai souvent cité l’Auvergnat Blaise Pascal : « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » Désormais, on pourra dire : « Vérité en deçà des élections, erreur au-delà. »

M. Martial Saddier. Très juste !

M. André Chassaigne. Cela a pour conséquence une perte de confiance dans la parole politique, dont on ne mesure pas les effets sur l’opinion publique.

M. Marc Dolez. C’est sûr !

M. André Chassaigne. Il faut en prendre conscience, mais en réalité nous le savons tous, par les échanges que nous avons avec les populations des territoires que nous représentons. C’est dramatique : certains élus locaux, certains élus ruraux sont blessés aujourd’hui…

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien ! Bonne analyse !

M. André Chassaigne. Quand on leur dit qu’il n’y aura plus d’instruction de permis de construire en sous-préfecture, ni service du droit des sols, ils sont blessés. Ils ont déjà eu beaucoup de mal à s’adapter à l’ouverture à la concurrence de l’ingénierie par la suppression de l’ingénierie publique, et on leur porte encore un nouveau coup. Je voulais y insister, car c’est une conséquence directe de votre projet de loi, qui mettra en œuvre - d’une manière tout à fait honnête, du reste - les idées exposées dans la réponse que vous aviez faite à ma question écrite. Mais je ne partage pas votre point de vue, et je tenais à le dire clairement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Voilà un élu proche du terrain !

M. André Chassaigne. La transformation obligatoire des plans d’occupation des sols en plans locaux d’urbanisme - cela a déjà été dit - traduit également une conception très autoritaire des relations entre l’État et les collectivités. Aujourd’hui, un certain nombre de POS sont d’ores et déjà élaborés comme des PLU et n’ont donc pas besoin d’évoluer.

Puisque nous en sommes au chapitre des sigles, la suppression des COS, les coefficients d’occupation des sols, nous semble elle aussi problématique, en ce qu’elle prive les collectivités d’un outil de maîtrise de l’aménagement. Vous savez, et vous l’avez bien compris en m’écoutant, que nous faisons du respect de la commune et de son droit des sols un point déterminant. C’est notre conception de la démocratie locale.

M. Marc Dolez. Absolument !

M. André Chassaigne. Nous l’avons exposée avec force cet été, durant l’examen du désastreux projet de loi créant les métropoles, et nous le réaffirmons aujourd’hui.

M. Marc Dolez. Excellent !

M. André Chassaigne. Après ce tour d’horizon, que j’ai effectué avec la volonté sincère de soutenir ce projet dans ce qu’il a de bon et de le critiquer dans ce qu’il a de mauvais, je voudrais évoquer ses manques et faire quelques propositions.

Je m’étonne d’abord de ce que le Gouvernement ne souhaite pas remettre en cause la loi Boutin, alors que nous avions combattu ensemble, à l’époque, ce texte de régression. Aujourd’hui, - les acteurs du logement le disent - le projet de loi Boutin se paie très cher sur le terrain. La casse du logement social est avancée, et il faut inverser la vapeur ! Pourquoi cette majorité, j’irai même jusqu’à dire : pourquoi notre majorité…

M. Martial Saddier. Ah !

M. André Chassaigne. …ne se saisit-elle pas du présent projet de loi pour sortir le logement social des logiques de marchandisation ?

Deux points en particulier devraient nous mettre tous d’accord. Je pense d’abord à la suppression des CUS, les conventions d’utilité sociale, moyen inventé par l’État pour classer le parc social par catégories. À terme, cette catégorisation servira à augmenter les loyers des logements sociaux qui sont en meilleur état ou qui sont les mieux situés. Je pense, deuxièmement, à la baisse des plafonds de ressource. La logique sarkozyste partait du constat que la demande de logements sociaux est largement supérieure à l’offre - vérité qu’a rappelée tout à l’heure M. Apparu. Mais au lieu d’augmenter l’offre par la construction, on a empêché les familles solvables d’accéder à ces logements ! Et ce tour de passe-passe a été habilement mis en musique : pourquoi, nous a-t-on dit, ne pas réserver le logement social à ceux qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire aux plus pauvres ? Le problème, c’est que ce raisonnement est simpliste et à courte vue, car le logement social ne doit pas être un filet de sécurité réservé aux cas extrêmes : il doit être la norme même de l’habitat !

Sortir le logement du marché devrait être notre projet commun. Au cœur d’une crise historique, c’est ce projet qu’il faut relancer ! Le logement social, s’il n’abrite que les plus modestes de nos concitoyens, contribuera à renforcer les logiques de ghettoïsation, au lieu de les briser. Sans mixité sociale, l’habitat public se dégrade plus rapidement, car les familles les plus pauvres n’ont malheureusement ni les moyens d’assurer l’entretien des communs, ni le temps de participer à la vie du quartier. Réserver le parc social aux plus pauvres, c’est réaliser le rêve thatchérien de prestations sociales réduites à la portion congrue et d’un accès volontairement rabougri et filtré au service public ; c’est participer à l’extension du domaine du marché.

Voilà pourquoi nous proposons d’augmenter de 10 % les plafonds de ressource. Voilà pourquoi il faut revenir sur l’expulsion des locataires solvables en cas de sous-occupation des locaux, souvent à la suite du départ des enfants ou du décès du conjoint - avec tout ce que peuvent avoir de dramatiques ces mesures d’expulsion pour des personnes âgées. Les familles qui ont été chassées du logement social sous la droite sont venues grossir les rangs des demandeurs dans le parc privé. La loi Boutin est profondément perverse, car elle nourrit l’hyperinflation des loyers. Ayons le courage de revenir sur les méfaits de dispositions législatives adoptées par la majorité précédente !

M. Marc Dolez. Bravo !

M. André Chassaigne. Madame la ministre, vous savez qu’il est dans l’ADN des communistes, et dans celui de leurs partenaires du Front de gauche, de promouvoir la démarchandisation du logement. Or, tel n’est pas vraiment le sens de votre action. Permettez-moi de revenir sur le dispositif de défiscalisation qui porte votre nom : le « Duflot ». À travers la France, sur les panneaux d’affichage, dans les boîtes aux lettres, dans la grande presse, sur Internet, il est difficile d’échapper au matraquage publicitaire réalisé par tous les acteurs lucratifs de l’immobilier autour du Duflot ! (Sourires.) Les promoteurs s’en lèchent les babines avec délectation, et pour cause ! Alors que nous cherchons désespérément de l’argent pour abonder les budgets, la défiscalisation Duflot coûtera peut-être encore plus cher à l’État que le Scellier, ce Scellier auquel Sarkozy lui-même avait dû renoncer parce qu’il coûtait trop cher ! Vous conviendrez que le Duflot n’a pas de véritable vocation sociale ; il est une aubaine pour ceux qui font du logement un objet de spéculation et d’enrichissement.

M. Martial Saddier. Il faut lancer une mission d’information sur le sujet, président Brottes !

M. André Chassaigne. Les sommes considérables allouées à l’investissement locatif, nous aurions pu les consacrer à l’agrandissement et à la rénovation de notre parc social. Madame la ministre, il est encore temps d’arrêter le Duflot et d’utiliser les sommes dégagées pour l’aide à la pierre.

Que dire de cette autre source de financement qu’est le livret A ? Lors des débats en commission, j’ai été le seul, me semble-t-il, à évoquer ce sujet, alors même que nous étions au cœur de ce que Mediapart a appelé très justement le « fric-frac de l’été ». Voici ce qu’écrivait alors la journaliste Martine Orange : « Les banquiers ont obtenu, à l’issue de leur rencontre avec François Hollande, de pouvoir garder pour eux une partie des sommes collectées par l’intermédiaire du livret A, et non de les remettre à la Caisse des dépôts. » Cela n’a rien à voir, évidemment, avec la une de Libération aujourd’hui… Ce pillage représenterait 25 à 30 milliards d’euros. Madame la ministre, ce n’est pas à vous que j’apprendrai que ces sommes permettent à la Caisse des dépôts et consignations de financer la construction de logement social, via notamment des prêts à très long terme. Offrir ces sommes à la finance, c’est permettre la spéculation et l’enrichissement sans cause, aux dépens du logement social. À quoi bon relever le plafond du livret A – mesure que nous avons votée avec enthousiasme – si cette manne est destinée, non à des causes utiles et constructives, mais à la voracité des banquiers ?

Parce que personne ici ne peut accepter un geste aussi contre-productif et aussi contraire aux valeurs de la gauche, j’ai déposé un amendement pour recentraliser la collecte de l’épargne populaire auprès de la Caisse des dépôts et consignations.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. André Chassaigne. Nous ferons, au cours de ce débat, de nombreuses autres propositions constructives. Parmi les plus emblématiques au vu de la situation de tension inédite, je voudrais citer la demande formulée par la Confédération nationale du logement, dont je souligne l’engagement quotidien, d’un gel des loyers, tous secteurs confondus, pendant trois ans.

Je citerai également la demande de l’association Droit au logement, qui demande une nouvelle fois, à l’approche de l’hiver, que les procédures de réquisition de logements vacants soient applicables et appliquées. Aujourd’hui, on compte 4,5 millions de mètres carrés de bureaux inoccupés en Île-de-France, dont 1,1 million dans la capitale ; quant aux logements, 17 000 faisaient l’objet d’un constat de vacance en 2007. En France, l’Insee a recensé près de 2,29 millions de logements vides, et leur nombre n’a jamais été aussi élevé. En commission, vous m’avez fait, madame la ministre, la réponse suivante : « La procédure de réquisition n’est absolument pas opérante sur les logements individuels, au regard de l’énergie considérable qu’il est nécessaire de déployer. Mieux vaut recourir à des méthodes incitatives vis-à-vis des propriétaires d’un ou deux logements. » Je ne vous fais pas de procès d’intention, mais faut-il craindre de votre part un début de renoncement ? Nous ne le souhaitons pas, et j’espère que vous nous répondrez sur ce point.

Nous proposerons également l’extension du délai avant expulsion accordé aux locataires en difficulté, ainsi que pour les prioritaires DALO. Nous proposerons - je pense que vous l’avez compris - le volontariat pour les plans locaux d’urbanisme intercommunaux…

M. Martial Saddier. Très bien !

M. André Chassaigne. …et la suppression des différentes mesures qui marquent un désengagement de l’État vis-à-vis de ses missions territoriales.

M. Martial Saddier. Très bien !

M. André Chassaigne. Chers collègues, vous l’avez compris, pour les députées et les députés du Front de gauche, la gauche est capable de mieux. Nous pouvons créer ensemble les convergences nécessaires à l’adoption d’avancées réelles. C’est en nous rassemblant sur des projets ambitieux que nous sortirons la gauche de l’ornière de l’ultralibéralisme. Au vu de l’importance que nos concitoyens accordent à la question du logement, qui est le premier poste de dépense des familles, ce projet de loi peut être - et doit être - le pivot attendu. C’est la raison pour laquelle les députées et les députés du Front de gauche, optimistes et combatifs, réservent leur vote en fonction du sort qui sera fait à leurs propositions et à leurs amendements.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Martial Saddier. C’est chaud !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Madame la présidente, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, après l’examen en commission, à la fin du mois de juillet, en session extraordinaire, des quatre-vingt-quatre articles du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, nous voici de retour à l’Assemblée pour continuer l’examen du projet de loi ALUR, qui a déjà été bien amendé, puisque c’est une centaine d’amendements de fond qui ont été adoptés, dans une démarche constructive avec le Gouvernement. Cet ambitieux projet de loi s’inscrit pleinement dans la feuille de route que s’est fixée le Gouvernement pour faire du logement une priorité. Il concrétise les vingt mesures du plan en faveur du logement, présenté le 21 mars dernier à Alfortville par le Président de la République.

Je rappelle qu’en matière de construction, l’objectif du quinquennat est fixé à 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. Depuis un an, toutes les lois votées par notre assemblée sur le logement vont dans ce sens. Nous avons déjà renforcé l’obligation de construction de logements sociaux, qui est passée de 20 à 25 %, la cession jusqu’à la gratuité des terrains de l’État, relevé le plafond du livret A, mis en place un dispositif d’incitation à l’investissement locatif, le Plan d’investissement pour le logement, encadré les loyers à la première location ou à la relocation en zone tendue, adopté le plan de rénovation énergétique des logements.

Nous avons également voté la loi autorisant le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin d’éliminer les freins aux projets de construction de logements, de répondre dans l’urgence à la crise que connaît notre pays avec ses 3,6 millions de mal logés, et de permettre l’accès au logement pour tous.

Le présent projet de loi est issu d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur et des parlementaires. Il s’organise autour de quatre titres. Les titres I et II sont consacrés à l’encadrement des loyers, à la prévention des expulsions – je serais très fière si nous parvenions à y mettre fin pour les locataires de bonne foi –, à l’encadrement des professions immobilières, à la lutte contre l’habitat indigne, aux copropriétés dégradées, à la réforme des syndics.

Grâce à un travail d’expertise important effectué ces dernières semaines, le groupe socialiste a déposé des amendements en commission afin d’améliorer certains dispositifs du texte. Comme je l’ai évoqué en introduction, une centaine d’amendements de fond ont été adoptés. Concernant la sécurisation des rapports locatifs, des amendements visant à améliorer l’information des locataires et à mieux les protéger au moment de la signature du bail ont été adoptés. D’autres amendements, dont l’objet est de mieux encadrer les ventes à la découpe, ont aussi été retenus.

Nous avons également amendé le texte afin d’éviter les effets d’aubaine et l’augmentation trop massive des loyers en dessous du loyer médian de référence. De même, l’information du locataire quant aux justificatifs de charges a été renforcée. Des amendements à la réforme des professions immobilières ont été adoptés : ils portent sur l’information apportée au client, la transparence des professionnels et la nature des sommes versées.

S’agissant de la lutte contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées, et toujours dans l’objectif d’une meilleure information, nous avons élargi la liste des documents qui doivent être fournis au moment de la promesse de vente. Un amendement permet de déléguer au maire les prérogatives du préfet en matière de police de santé publique.

En ce qui concerne les titres III et IV du projet de loi, il est nécessaire de faire évoluer, en les modernisant, les politiques publiques du logement. Les attributions de logements sociaux doivent être plus transparentes et plus simples, et le demandeur doit être beaucoup mieux informé. Le texte va dans ce sens. Je pense également que les demandes devraient être plus personnalisées, ce qui permettrait de mener une bonne politique de peuplement et de mixité sociale. Je me félicite que des amendements de la rapporteure visant à renforcer les droits à l’information des demandeurs aient été adoptés.

Sur la gouvernance ou le 1 % logement, les dispositions du texte sont intéressantes et vont dans le bon sens. Enfin, les mesures visant à améliorer le contrôle du secteur du logement social et la modernisation des organismes HLM sont également nécessaires.

Dans le dernier titre, qu’il s’agisse de planification stratégique, de modernisation des documents d’urbanisme, de lutte contre l’étalement urbain ou des politiques foncières, secteur dans lequel les règles complexes s’empilent, modernisation et simplification s’imposent. Plusieurs amendements majeurs ont été adoptés. Je laisse mes collègues spécialistes de ces questions le soin d’apporter des précisions. Il est important que ce texte soit adopté, car nous ne pouvons plus laisser s’accroître les inégalités d’accès au logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart.

M. Jean-Marie Tetart. Madame la présidente, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, après presque dix-huit mois de gouvernement, vous ne pouvez plus parler d’héritage. Et encore moins dans le domaine du logement !

En effet, vous avez multiplié les alarmes sur la situation du logement, vous avez décrété l’urgence et vous avez, par trois fois, fait adopter des mesures législatives, allant jusqu’à l’usage des ordonnances, modifiant ainsi le cadre dans lequel évoluent la production et la mise à disposition de logements. Pourtant, les résultats ne sont pas là et, malheureusement, ils ne le seront pas davantage demain. L’objectif, fixé par le Président de la République, est de 500 000 logements par an : une promesse de campagne, une déception de plus.

Après mes collègues Benoist Apparu et Martial Saddier, je rappellerai qu’entre avril 2012 et mars 2013, seuls 336 000 logements ont été mis en chantier, soit 18 % de moins qu’au cours des douze mois précédents, et tous les analystes s’accordent à dire que la production de logements en 2013 ne devrait pas excéder le nombre de 330 000.

Mais le plus inquiétant est la forte baisse des autorisations – les constructions de demain –, dans toutes les catégories de logements. Le recul observé au deuxième trimestre 2013 par rapport à la même période de 2012 est de près de 23 % pour la construction neuve, et de 12 % pour la construction sur bâtiments existants. Cela n’augure rien de bon pour 2014 ! Tout aussi alarmants sont les chiffres de la commercialisation, qui affichent sur les mêmes périodes de référence un recul de près de 22 %. Bref, tous les indicateurs sont préoccupants : 500 000 logements par an, ce n’est pas pour demain !

Nous l’avons dit et répété lors des débats précédents, cet échec a entraîné un ralentissement de l’offre, qui a provoqué une tension. Cette dégradation rapide de la production de logements depuis votre arrivée n’est pas seulement due à la crise – elle sévissait déjà sous le gouvernement précédent – mais aussi aux mauvais signaux que vous avez adressés aux investisseurs institutionnels et privés : réquisition des logements vacants, relèvement à 25 % du pourcentage de logements sociaux, annonce du blocage ou de l’encadrement des loyers – qui a très vite rendu attentistes les investisseurs – yo-yo fiscal de la TVA, sans compter, pour les entreprises du bâtiment, la refiscalisation des heures supplémentaires, et le manque de flexibilité dans la gestion des emplois…

Il faut ajouter à cela le renforcement des contraintes SRU, qui ont conduit dans l’impasse un certain nombre de villes, lesquelles ne devraient dès lors construire que du logement social, en quantités incompatibles avec l’état du foncier comme avec les documents d’urbanisme en vigueur. Et que dire des communes des parcs naturels régionaux, qui s’étaient attachées à un développement modéré, et qui se voient contraintes de se développer de façon massive et accélérée, en contradiction bien souvent avec les chartes qu’elles ont adoptées ? Face à une telle impasse sur la production de logements neufs, il faut agir – j’en conviens – sur la mise à disposition du parc privé existant, particulièrement en zone tendue.

Il faut éviter que l’inadaptation de la gouvernance des copropriétés n’entraîne une dégradation du parc existant ou un retard dans sa modernisation. Il faut prendre à bras-le-corps la situation des copropriétés dégradées et la lutte contre l’habitat indigne. Nous devons convenir qu’en son titre II, ce texte apporte des avancées crédibles sur le traitement de l’habitat indigne et des copropriétés dégradées.

Elles découlent en grande partie des propositions issues du rapport des sénateurs Dominique Braye, aujourd’hui président de l’ANAH, l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat, et Claude Dilain. Nous sommes aussi satisfaits des acquis des travaux de la commission dans ce domaine, comme la création d’un fonds de prévoyance obligatoire par copropriété ou les mesures qui contraignent l’action des marchands de sommeil dans les copropriétés dégradées ou dans l’habitat indigne. Par contre, nous restons réservés sur la complexification que ne manquera pas d’apporter le fichier du registre d’immatriculation des copropriétés.

Nous ne sommes pas davantage opposés aux dispositions du titre III. Vous constatez, chers collègues, que nous savons discerner et appuyer les mesures qui vont dans le bon sens. Mais l’accord avec l’essentiel des dispositions de ces deux titres ne peut cependant nous conduire à soutenir ce projet de loi.

M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. C’était trop beau !

M. Jean-Marie Tetart. Comme vous le savez, nous sommes totalement opposés à l’essentiel des dispositions du titre premier, qui déséquilibrent profondément la relation entre propriétaires privés et locataires, risquent de provoquer une dégradation de l’offre de logements locatifs privés et de faire replonger le parc dans un défaut d’entretien chronique.

Madame la ministre, vous avez dit en commission des affaires économiques comprendre notre opposition idéologique, avouant par là même que votre texte avait à voir avec l’idéologie, ce que laissent penser certaines de vos déclarations dans la presse. Alors que la France est en panne de construction, vous allez détourner de l’investissement locatif de nombreux Français – et ce ne sont pas de nouveaux avantages fiscaux qui y changeront quelque chose – parce que vous faites entrer le logement dans le champ de l’économie administrée !

M. Régis Juanico. Ben voyons !

M. Jean-Marie Tetart. Votre projet rompt totalement l’équilibre qui prévalait entre bailleurs et locataires. Vous imposez une négociation contractuelle, que vous enfermez dorénavant dans une codification stricte, qu’il faut respecter sous peine de sanction. Vous augmentez les droits des locataires et les contraintes des propriétaires. Vous ne laissez pas d’espace de liberté aux bailleurs, qui devront obligatoirement s’assurer contre les impayés de loyer. Vous ôtez aux parents la possibilité de se porter caution pour leurs enfants, empêchant ainsi la solidarité qui réglait la plupart des situations d’impayé dans le secteur privé.

En zone tendue, vous envoyez un message aux nombreux investisseurs institutionnels : le secteur du logement devra être évité. Ces grands investisseurs ont le choix, pas les petits propriétaires. Pour ces derniers, votre projet est source d’une grande inquiétude : ils ne sont plus certains de dégager une rentabilité suffisante pour constituer un indispensable complément de revenu.

Avec le plafonnement des loyers, vous imposez en quelque sorte une collectivisation du parc de logements privés locatifs : entre le plafonnement des recettes et les charges liées au foisonnement des dépenses et des contraintes que ce texte impose, vous déterminez un « revenu encadré » auquel peut prétendre le bailleur. Ce n’est pas le loyer qui est encadré, mais le revenu !

Dieu sait que les nouvelles charges sont nombreuses : cotisations à la garantie universelle des loyers ; trésorerie pour porter l’avance d’une assurance pour le compte du locataire ; frais d’état des lieux ; réduction à un mois du préavis du locataire, ce qui entraînera à coup sûr un temps sans locataire dans le cas d’une relocation en zone tendue, et j’en passe.

Les petits bailleurs privés découvriront très vite qu’il ne leur est plus possible d’assurer eux-mêmes leur gestion locative, tant ce texte la complexifie. En voulant sécuriser la relation bailleur-locataire par une codification des démarches et des documents, votre texte nourrira l’explosion procédurale.

Ce projet de loi traduit également la grande défiance que voue ce gouvernement aux agents immobiliers, aux syndics et, finalement, aux propriétaires, acteurs que vous accusez dans un journal du matin de n’être mus que par l’appât du gain. Une nouvelle façon de diviser les Français : locataires contre propriétaires, locataires contre agents immobiliers, propriétaires contre syndics.

Proclamant dès la première page du projet de loi que « tarifs injustifiés et excessifs, opacité, coûts de transaction trop élevés sont de mauvaises pratiques qui, tout en étant le fait d’une minorité, ont pu entacher et peser sur l’ensemble du secteur des professions immobilières », vous engagez une modification totale des conditions d’exercice, à même de remettre en cause le modèle économique. Votre texte propose une évolution à laquelle la profession sans nul doute s’adaptera, mais au prix de pertes d’emplois conséquentes dont le pays n’a pas besoin.

Vous auriez pu vous en tenir aux mesures du projet de loi Lefebvre, que vous reprenez d’ailleurs, et qui étaient aptes à corriger une grande partie des excès constatés. Mais non, vous voulez mettre cette profession au pas !

Ce texte est aussi la preuve que la volonté de simplification administrative et normative du Gouvernement n’est pertinente que pour les textes et procédures en place et qu’elle ne s’applique pas à ceux à venir. Comment comprendre autrement cette avalanche de documents-types qui va inonder le secteur ? Comment comprendre, à l’heure où l’on cherche des économies, que soit créé un nouvel organisme dont nous ne pouvons croire qu’il sera sobre en moyens de fonctionnement ? Pourquoi une garantie universelle et obligatoire des loyers en lieu et place des assurances facultatives actuelles et des cautions apportées par les familles, qui ne coûtaient rien ? Vous l’avez compris, nous sommes résolument contre la plupart des dispositions du titre premier, lequel, à lui seul, justifiait les motions qui ont été présentées.

Nous sommes particulièrement opposés à ces deux mesures phares que sont l’encadrement du loyer en zone tendue et la mise en place obligatoire de la garantie universelle des loyers. Elles sont doublement néfastes, puisqu’elles risquent de ne pas atteindre l’objectif qu’elles poursuivent. Ainsi, la méthode d’encadrement du loyer provoquera sans nul doute un alignement progressif des loyers à 20 % au-dessus du loyer médian, alignement qui, à son tour, augmentera ledit loyer médian. La suite du débat nous permettra de discuter encore de cette analyse, toute mathématique.

Le principe même de l’encadrement présente des risques en termes de dégradation de l’offre de logements locatifs et de la qualité des logements. D’ailleurs, si l’encadrement des loyers était aussi performant, pourquoi le gouvernement Jospin n’a-t-il pas prolongé le dispositif d’encadrement de la loi Mermaz de 1989 ?

Il est évident que, pour détendre les zones tendues, on n’a encore rien trouvé de mieux que de construire plus massivement et plus vite, ce qu’apparemment vous ne parvenez pas à faire !

Quant à la GUL, mise à la charge du bailleur en lieu et place des cautionnements volontaires, elle déresponsabilisera les locataires, conduira à une fiscalité accrue sur les loyers ou à un prélèvement supplémentaire sur Action Logement, et créera une nouvelle administration. Elle remboursera les loyers impayés, peut-être avec une franchise, peut-être avec un plafond, et très certainement avec les deux ! Mais sera-t-elle capable de recouvrer ensuite auprès du locataire les sommes dues à la caisse nationale ? Rien n’est moins sûr. Il y a fort à parier que le taux d’impayés augmentera et que les cotisations croîtront avec la sinistralité grandissante.

Madame la ministre, ne m’accusez pas, en disant cela, d’adopter une position idéologique. Il s’agit simplement de bon sens. Il semble d’ailleurs que votre majorité en ait aussi, puisque j’ai lu dans la presse que certains de ses membres s’opposent aussi à cette mesure qu’ils jugent coûteuse pour les finances publiques et déresponsabilisante pour les mauvais payeurs.

Nouvelle taxe, nouvelle administration, nouvel empilement réglementaire, tout cela pour un taux d’impayés de 2,5 à 3% ! N’aurait-il pas été plus simple d’aggraver les sanctions contre les tricheurs, de renforcer la solidarité avec les plus démunis, ces mauvais payeurs contraints mais de bonne foi ?

Quant au titre IV, il tente de répondre à l’objectif de construire 500 000 logements par an tout en respectant les contraintes de la transition écologique des territoires. Nous sommes évidemment d’accord pour réduire la consommation des zones agricoles et des zones naturelles par une mobilisation des friches industrielles et commerciales et par une densification de l’urbanisation. Nous approuvons le fait que la hiérarchie des documents d’urbanisme soit revue au profit du SCOT et que l’intercommunalité joue un rôle de premier plan dans la responsabilité de l’aménagement du territoire et de l’urbanisation mais nous ne l’approuverons qu’à condition que les PLU soient basés sur le volontariat.

Si ce n’était pas déjà le cas, et si les lois préparées par Mme Lebranchu ne l’ont pas encore fait, votre texte finira de convaincre les élus locaux que le temps des communes s’achève. Le passage brutal au PLU intercommunal envisagé dans ce texte est, sans doute, ce qui préoccupe le plus les élus locaux en cette rentrée. Il rencontre d’ailleurs l’opposition de l’association des maires de France, comme vous le savez.

Oui au PLU intercommunal pour les intercommunalités qui le décident ! Oui peut-être, aussi, au PLUI si le « I » est synonyme d’intégrateur.

Vous ne trouverez pas une majorité de députés, au sein de notre groupe, qui soutienne la création d’un PLU intercommunal à marche forcée. Vous pourrez en revanche rassembler une majorité de députés, sur tous les bancs de cette assemblée, pour approuver le principe d’un PLU intercommunal basé sur le volontariat. Qu’apporterait ce transfert obligatoire rapide s’il ne conduisait qu’à opposer des communes entre elles ou des communes à l’EPCI ? Un rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable appelle d’ailleurs à la plus grande prudence pour définir le champ de compétence, le mode de gouvernance, le contenu et le suivi de ces PLU intercommunaux.

Il recommande une période transitoire de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la compétence PLU pour les EPCI, afin que les communes et les intercommunalités débattent du lancement du futur PLU intercommunal et que puissent s’achever les documents d’urbanismes communaux engagés.

Pourquoi ne pas plutôt rendre obligatoire le lancement par les EPCI d’une démarche d’élaboration d’un PLU intercommunal en vue d’un transfert de compétences à l’issue du processus qui devra être contenu dans un délai maximum ? Cela ne vaudrait-il pas mieux que des PLU intercommunaux imposés qui ne seraient que la somme de PLU communaux, à laquelle le transfert immédiat de la compétence semble conduire ?

Il ne resterait qu’à fixer par décret le délai maximum. Ce ne serait que l’un des trop nombreux décrets auxquels vous nous avez renvoyés lors de nos débats en commission pour répondre à nos interrogations ou nos oppositions. Vous nous avez également promis, pour la séance, de nouvelles propositions, de nouvelles rédactions, de nouvelles justifications en contrepartie du retrait de certains amendements en commission.

Nous espérons de bonnes surprises mais je doute qu’elles soient suffisantes pour nous rallier à un texte qui finira de ruiner les chances d’une relance importante et diversifiée de l’offre de logement.

Le groupe UMP votera donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. La dernière fois que nous avons eu le plaisir de vous voir sur ce banc, madame la ministre, vous présentiez le projet de loi autorisant le Gouvernement à prendre des ordonnances pour accélérer les projets de construction.

Je vous avais alors apporté mon soutien, tant sur la méthode du recours aux ordonnances pour laquelle je plaidais déjà lors de la précédente législature que sur votre volonté de simplifier les normes et les procédures qui freinent les projets de construction.

Hélas, les textes se suivent et ne se ressemblent guère puisque vous revenez devant nous avec un ensemble législatif, et le mot est faible, de 108 articles et plus de 250 pages. Où est le « choc de simplification » ?

Lors de nos précédents échanges, j’avais attiré votre attention sur cette irrésistible propension de l’administration française à l’inflation normative, maladie technocratique qui nourrit la bureaucratie et s’épanouit au nom de ce que j’appellerais les « délires de la raison ».

Chacun sait combien, dans un pays centralisé comme le nôtre, il est extraordinairement compliqué de simplifier ! Plus précisément, dans le secteur du logement, les difficultés tiennent notamment à l’empiétement continu du champ législatif sur le domaine réglementaire. Je regrette ainsi qu’un nombre considérable de détails figure dans ce projet de loi sur autant de sujets qui devraient relever du décret ou de la circulaire.

Je ne saurais cependant vous jeter la pierre, madame la ministre, car si le texte est passé de 84 à 108 articles en commission, ce n’est évidemment pas du seul fait du Gouvernement. Quand je vois que nous nous apprêtons à discuter pas loin de 1 300 amendements, je reconnais volontiers que la créativité parlementaire n’est pas exempte de responsabilité en la matière.

Cette remarque liminaire pourra vous sembler purement formelle, mais elle ne l’est pas : l’empilement de normes – handicap, RT 2012, 2020, normes environnementales… – pèse de plus en plus lourd sur les délais et les coûts de construction. Ces douze dernières années, études à l’appui, si les coûts de construction ont augmenté de 50 %, les deux tiers de cette hausse sont imputables aux normes supplémentaires.

Il s’agit d’un véritable problème qu’il convient de poser à nouveau, car de sa résolution dépend certainement une partie de la réponse à la crise du logement. La crise du logement et de la construction est toujours bien présente malgré les chiffres de la période avril-juin qui avaient pu laisser entrevoir une éclaircie avec une augmentation de 9 % des mises en chantier.

Les derniers chiffres communiqués par le ministère le 27 août le confirment : si le nombre de mises en chantier enregistrées durant cette période progresse légèrement par rapport à la même période l’année précédente – plus 5,9 % –, il continue toutefois de dévisser lorsque l’on considère les douze derniers mois écoulés. Avec quelque 301 626 constructions de logements neufs entamées depuis août 2012, c’est une baisse - significative - de 13,4 % qu’il convient de souligner.

Il en va de même du volume de permis de construire recensés qui enregistre une nouvelle dégradation. Au cours des mois de mai, juin et juillet 2013, les permis déposés – 89 218 unités – accuseraient ainsi un repli de 22 % par rapport à la même période en 2012, en baisse de 11,8 % sur douze mois.

Avec une estimation proche de 330 000 logements construits en 2013 – 300 000 selon ce que l’on prend en compte –, nous restons très loin des 500 000 unités promises par le Président de la République. L’urgence reste la même pour ce secteur et pour l’emploi.

La crise ne date certes pas d’aujourd’hui et plusieurs facteurs expliquent le ralentissement de l’activité, mais certaines décisions que vous avez prises en ce début de quinquennat ont eu des effets dramatiques sur l’ensemble du secteur.

La principale, c’est évidemment l’augmentation du taux de TVA de 7 à 10 % au 1er janvier 2014, qui faisait suite, reconnaissons-le, à la hausse de deux points déjà intervenue en 2011.

La simple annonce de cette augmentation – un doublement en deux ans ! – a totalement déstabilisé le monde de la construction, qui affronte déjà difficilement la crise économique depuis cinq ans.

Au groupe UDI, nous n’avons cessé de vous demander de revenir sur cette mesure délétère pour les 4 millions de travailleurs du secteur du bâtiment et de la construction.

Vous avez consenti un premier effort sur le logement social, mais nous vous appelons à aller plus loin en abaissant à 5 % le taux de TVA pour les travaux de rénovation et d’efficacité énergétique, et à 10 % le taux de TVA sur le locatif intermédiaire et les logements conventionnés pendant deux ou trois ans.

Seul un soutien massif du Gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 serait de nature à apporter un peu d’air à court terme à ce secteur déterminant.

Vous le savez en effet, madame la ministre, la crise du logement porte atteinte au pouvoir d’achat des Français, à leur mobilité professionnelle, à l’épanouissement de leurs enfants, voire à leur santé. C’est aussi un levier majeur en termes de sécurisation et de lutte contre l’exclusion. Vous l’avez d’ailleurs dit : il s’agit là d’un véritable enjeu de société.

La réponse que vous y apportez à travers ce projet de loi ne nous semble pas adaptée à la virulence de la crise : ce sera la principale critique que nous porterons contre votre texte. Je peux à mon tour citer Sénèque, monsieur le rapporteur : « Il n’y a pas de bon vent pour celui qui ne sait où il va ».

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Exact !

M. Michel Piron. Oui, le groupe UDI insiste sur ce fait, la priorité des priorités consiste à accroître substantiellement l’offre de logements pour répondre aux besoins de nos compatriotes. Or, malgré un examen rigoureux, je n’ai pas relevé beaucoup de dispositions dans votre projet de loi qui permettront d’atteindre cet objectif – à l’exception du PLU intercommunal dont les effets ne se feront sentir que sur le moyen et long terme.

Votre texte n’en contient pas moins des mesures intéressantes et, pour vous être agréable, je commencerai par évoquer celles qui recueillent notre assentiment.

Mme Cécile Duflot, ministre. Chouette !

M. Michel Piron. Étant partisan d’une certaine constance dans la majorité comme dans l’opposition, je ne surprendrai pas ceux de nos collègues qui suivent nos débats sur le logement depuis plusieurs années en évoquant le PLU intercommunal, sujet parfois passionnel mais transpartisan, et qui anime nos discussions depuis fort longtemps.

Je me réjouis qu’il ait enfin trouvé sa place dans ce projet de loi et qu’il ait survécu à l’examen de la commission des affaires économiques, malgré les réflexes épidermiques que sa seule évocation provoquait naguère chez certains, et non des moindres.

Alors que 60 % des 36 500 communes françaises comptent moins de 500 habitants et 27 000 moins de 1 000 habitants, un tel outil mutualisant l’ingénierie me paraît pour le moins indispensable. Son instauration demain constituerait une avancée considérable, ne serait-ce que pour restaurer le lien entre logement, services, zones d’activité et déplacements, mais aussi pour améliorer l’offre foncière et favoriser la mixité sociale et fonctionnelle.

Si je peux comprendre qu’une telle révolution nécessite du temps et du dialogue entre les maires et l’intercommunalité, je m’interroge sur la distinction opérée entre communautés d’agglomération et communautés de communes, qui disposeront d’un délai de trois ans à compter de la publication de la loi.

À tout le moins, je souhaite que cette période soit mise à profit pour faire monter en charge la collaboration entre les collectivités et les intercommunalités tout en évitant la constitution d’une « compétence à trous » qui serait paralysante pour l’ensemble de la dynamique intercommunale. Je vous proposerai donc plusieurs amendements en ce sens.

S’agissant de la mise en place d’une garantie universelle des loyers à l’horizon 2016, nous ne pouvons que souscrire à son principe puisque votre GUL n’est autre que la fille de la « garantie des risques locatifs » lancée en 2006 par Jean-Louis Borloo.

La généralisation de cette garantie se justifie, tant pour répondre à la détresse de nos concitoyens qui ne disposent pas du cautionnement nécessaire pour se loger, ce qui créé une inégalité devant l’accès au logement, que pour soutenir les propriétaires dont les vies se retrouvent parfois précarisées par un investissement locatif qui se transforme en cauchemar, faute de paiement du loyer par le locataire.

L’essentiel de nos propositions ne portera donc pas sur le bien-fondé de votre dispositif, mais sur son financement, la responsabilisation des acteurs et les modalités de sa mise en œuvre.

En d’autres termes, nous devons répondre à la question suivante : comment mutualiser sans déresponsabiliser ?

Vous nous avez apporté quelques précisions sur ce point lors de nos travaux en commission, madame la ministre, et je salue le fait que le locataire et le propriétaire participeraient chacun pour moitié au financement de la garantie universelle des loyers. C’est une avancée importante en matière de responsabilisation.

Je considère cependant qu’il conviendrait en outre d’instituer un ticket modérateur, à l’image de ce qu’on fait les fondateurs de la sécurité sociale, en vue de maintenir une part de responsabilité, y compris pour celui qui rencontre des difficultés à un moment donné de sa vie.

Rien ne serait plus dangereux qu’une assurance à 100 %, qui pourrait inciter certains à ne plus payer leur loyer et d’autres à ne plus essayer de le recouvrer, ce qui irait à l’encontre des objectifs poursuivis par le dispositif et nécessite donc d’être précisé.

J’en viens maintenant à l’encadrement des loyers, et là, madame la ministre, je ne comprendrais pas que vous persévériez dans l’erreur. Nous admettons, au groupe UDI, la nécessité de réguler les augmentations brutales de loyers pour protéger les ménages modestes, tout particulièrement dans les zones tendues comme l’Île-de-France – des dispositions existent déjà. Mais, avec ce que vous annoncez, je crains que vous n’arriviez au résultat inverse de celui que vous recherchez. Certes, je ne conteste pas l’excellence de vos intentions, mais vous savez bien que l’enfer en est pavé !

Soyons plus précis : à la relocation ou au renouvellement du bail, les propriétaires des appartements loués à des tarifs supérieurs au seuil du loyer médian de référence majoré de 20 % devront consentir des baisses de loyer à leurs locataires, pour les ramener au niveau légal. Sauf que certains en bénéficieront plus que d’autres. Et, par définition, ce sont les locataires les plus aisés, ceux qui paient les loyers les plus chers, qui pourront bénéficier des baisses de loyer les plus importantes : peut-être moins 30 ou moins 35 % à Lyon, à Marseille et à Paris. Était-ce le but visé ?

Au contraire, les ménages les plus pauvres, qui ne peuvent supporter actuellement que des loyers inférieurs au marché, risquent de voir leur facture mensuelle augmenter à l’occasion du renouvellement du bail. Car le projet de loi ouvre bien ce droit au bailleur, même si, madame la ministre, vous avez pris la précaution de minorer le loyer médian de 30 %. Ainsi, partant d’une louable intention, l’encadrement des loyers pourrait avoir des conséquences sociales dangereuses à l’heure où notre pays traverse une grave crise du logement.

Quant à la possibilité, pour les collectivités territoriales et les EPCI, de créer des observatoires locaux des loyers à leur initiative, la disposition est intéressante, car elle permettrait de recueillir des données relatives aux loyers sur une zone géographique déterminée. À condition que les observatoires soient bien en mesure d’observer…

J’en viens au quatrième sujet qui, pour y avoir beaucoup travaillé, me tient particulièrement à cœur : celui de l’urbanisme commercial, qui a fait une réapparition surprise dans ce texte, au détour d’un amendement du président Brottes.

Si je me félicite que ce sujet soit à nouveau abordé ici, je tiens néanmoins à mettre en garde tous mes collègues sur l’extrême rigueur dont il convient de faire preuve dans la rédaction. La moindre brèche ouverte dans le dispositif peut avoir des conséquences désastreuses, comme ce fut le cas dans les premiers mois qui ont suivi le vote de la loi LME.

Quel est l’enjeu ? La difficile conciliation entre deux objectifs : l’aménagement du territoire, intégrant tous les aspects liés à la préservation de l’environnement et la liberté du commerce et du droit de la concurrence.

Pourtant, certains ministères continuent de croire en ce postulat : le droit de la concurrence interdirait toute régulation des installations commerciales.

L’arbitrage entre ces deux principes a donné lieu en Europe à des contentieux très lourds, jugés à plusieurs reprises par la Cour de justice européenne, notamment à propos de l’Espagne. Or la Cour de justice a parfois renvoyé dos à dos les parties, en reconnaissant une régulation conduite au nom de l’aménagement du territoire.

Nombre de nos voisins sont parvenus à établir cet équilibre – je pense notamment à l’Allemagne. Je vous proposerai donc un amendement qui reprend l’essentiel de la version, adoptée naguère par le Sénat, de la proposition de loi relative à l’urbanisme commercial que j’avais portée moi-même à l’Assemblée avec Patrick Ollier, sous la précédente législature. J’avais alors, avec l’ancien sénateur Dominique Braye, obtenu de Bruxelles des assurances quant à l’eurocompatibilité de ce texte.

J’ai vu que le Gouvernement avait également déposé un amendement sur cette partie du projet de loi. Nous aurons donc l’occasion d’y revenir dans le détail. Je forme le vœu que nous puissions nous retrouver sur un dispositif juridiquement solide, à même de conditionner les implantations commerciales au respect des exigences liées à l’aménagement du territoire.

Je ne m’étendrai pas longuement sur l’ensemble des autres dispositions du texte, d’importance très inégale, qui, souvent, ne posent pas de problèmes de fond. Mais, le diable se cachant toujours dans les détails, nous serons attentifs à ce que les mesures proposées ne viennent pas tétaniser davantage un marché qui a surtout besoin de souplesse.

Issu d’une famille politique qui a toujours fait primer le consensus sur la norme, je regrette simplement que nombre de dispositions du projet de loi accentuent les déséquilibres au profit du locataire. Si certaines pratiques abusives nécessitent que l’on y mette un terme, je déplore que le texte préjuge trop souvent de la culpabilité des propriétaires et des professionnels de l’immobilier. Nous avons besoin de ces derniers et de leur investissement. De ce point de vue, j’espère que nos discussions permettront de rééquilibrer le texte.

Je me félicite par ailleurs des dispositions visant à prévenir l’endettement et la dégradation des copropriétés – dispositions qui reprennent en grande partie le rapport Braye – ainsi que du renforcement de la lutte contre l’habitat indigne. La lutte contre les marchands de sommeil demeure une absolue nécessité. Dans ce domaine, nous avons, avec Jean-Christophe Lagarde, déposé quelques amendements qui vont dans ce sens.

Nous sommes également favorables aux dispositions visant à la densification.

Enfin, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir accepté, suite à mes amendements, l’abrogation de dispositions qui ne dataient que de 1783… (Sourires.)

Vous le voyez, madame la ministre : à la lecture de votre projet de loi, le groupe UDI est partagé entre la satisfaction de voir émerger certaines dispositions nécessaires et attendues, et le regret d’être confronté à un texte dont la profusion ne résoudra pas le problème majeur qui demeure en France : l’insuffisance de l’offre de logements pour satisfaire les besoins croissants de nos compatriotes.

Ce texte n’enrayera pas la crise du logement dans notre pays et le projet de loi de finances pour 2014 sera un rendez-vous autrement plus déterminant pour le secteur de la construction, qui attend des signaux puissants de la part du Gouvernement.

Le groupe UDI aborde toutefois cette discussion dans une démarche constructive, sans a priori, mais avec la volonté d’améliorer certaines dispositions de votre projet, tout en veillant à ne pas empiler toujours plus de normes dans un domaine qui souffre déjà trop d’une surréglementation contre-productive.

En clair, nous déterminerons notre vote final à la lumière des modifications qui interviendront tout au long de nos discussions, en fonction du sort qui sera réservé à nos nombreuses propositions que nous voulons, je le redis, constructives.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Ah !

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le projet de loi sur l’accès au logement et pour un urbanisme rénové complète deux autres textes votés a l’automne dernier, qui visaient à faciliter le transfert de biens publics pour construire des logements et à accélérer et simplifier par ordonnances les procédures pour faciliter la construction de logements et les démarches administratives dans ce domaine.

Le projet que nous allons examiner vise à atteindre l’objectif, fixé par le Gouvernement, de construire 500 000 logements par an – et non d’ici à 2017, comme je l’ai entendu encore ce matin à la radio. Cet objectif, madame la ministre, est très ambitieux, et difficile à transcrire dans les faits. Nous espérons que ce projet de loi y contribuera largement.

Ce texte vient donc compléter les mesures déjà votées : le passage à 25 % de la part de logements sociaux dans les communes où c’est nécessaire et l’aggravation des sanctions ; la mobilisation du foncier public pouvant aller jusqu’à une mise à disposition gratuite ; la réforme de loi SRU ; le plan d’investissement pour le logement ; les ordonnances destinées à raccourcir les procédures, à simplifier les normes, à déroger de manière limitée aux PLU pour construire dans les « dents creuses » et surélever modérément certains immeubles, à transformer des bureaux en logements ; mais aussi l’abaissement à 5 % le taux de TVA pour le logement social et la rénovation de 500 000 logements par an d’ici à 2017 ; enfin, la mobilisation dans le cadre du plan Campus pour le logement étudiant.

Construire des logements est une priorité clairement exprimée. Encore faut-il en faciliter l’accès, en agissant à la fois sur les loyers et les relations entre locataires et propriétaires. C’est ce que propose la loi ALUR, qui rééquilibre les relations entre bailleurs et locataires, en rassurant à la fois les uns et les autres et en régulant les professions de l’immobilier, tout en préservant le foncier.

Densifier en construisant du logement est une nécessité pour répondre aux besoins. Encore faut-il densifier intelligemment, c’est-à-dire en veillant à préserver des espaces de respiration – des espaces verts notamment – et en conservant toute sa place à la nature en ville.

Les grands enjeux de ce projet de loi sont importants et décisifs pour l’avenir du logement dans notre pays et les objectifs sont clairement définis. Je partage tout à fait ce qu’a dit mon excellent collègue François de Rugy, mais, pour ne pas alourdir nos débats, je ne le répéterai pas à cette tribune. Je ne dirai donc pas tout le bien que je pense de ce texte.

Le projet de loi propose d’encadrer les loyers dans les zones de tensions fortes entre l’offre et la demande, les niveaux de loyer étant devenus incompatibles avec le budget des ménages.

Il vise à réduire les éventuelles tensions entre locataires et bailleurs en simplifiant et en sécurisant leurs relations. Cette simplification passe par des règles simples, quasi élémentaires, comme la mise en place d’un formulaire type pour le bail, ainsi que pour l’état des lieux.

Il propose également de maîtriser les coûts du logement, car les marchés de l’immobilier ont connu des hausses de prix et de loyers sans précédent. Les frais payés par les locataires aux agents immobiliers seront plus transparents et plus ciblés, et l’activité des syndics sera mieux encadrée, au bénéfice des copropriétaires.

Il propose encore d’édicter des règles déontologiques claires aux professionnels et de s’engager dans la transition écologique des territoires. Cela nécessite de stopper l’artificialisation des espaces agricoles et naturels et passe par une densification intelligente des espaces déjà urbanisés en préservant les continuités écologiques, notamment en milieu urbain.

Ce texte veut donner aux intercommunalités la possibilité et les moyens d’élaborer les plans locaux d’urbanisme sur le périmètre des intercommunalités, ce qui paraît aujourd’hui l’échelle la mieux adaptée pour la construction de logements. Il tend à protéger les bailleurs, à faciliter l’accès au logement et à prévenir les expulsions en mettant en place une garantie universelle des loyers sur l’ensemble du parc privé – y compris pour les meublés. Tous les locataires et tous les propriétaires bailleurs – personnes physiques ou morales – bénéficieront de ce dispositif.

Votre texte, madame la ministre, a pour objectif de lutter contre l’habitat indigne, qui représente près de 500 000 logements. La politique d’hébergement vise au relogement des personnes, notamment en y associant les associations. Cela passe aussi par la détection en aval des impayés de loyers, en particulier par le renforcement des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives – les CCAPEX – et du service intégré d’accueil et d’orientation – le SIAO – ainsi que par l’effectivité du droit au logement opposable – le DALO.

Enfin, ce projet de loi envisage le développement de formes d’habitat alternatives comme l’habitat participatif ou encore les diverses formes d’habitat léger, mobile et démontable. C’est la première fois que ces types de logements sont reconnus par la loi, bien qu’ils soient appréciés et utilisés par un nombre toujours plus élevé de nos compatriotes.

Comme vous pouvez le constater, le contenu de la loi est vaste et vous avez pu comprendre dans mes propos que notre groupe soutenait fortement ce texte. Toutefois, nous avons déposé une série d’amendements.

Nous tenons particulièrement à ceux que nous proposerons s’agissant de la vente à la découpe, de la régularisation tardive des charges, de la création d’un droit de priorité locative, du remboursement sans délai des cautions lorsque les parties se sont accordées, de la cohabitation entre ville et nature - notamment par la création de zones urbaines vertes et l’introduction du coefficient de biotope par surface dans les documents d’urbanisme. En outre, des mesures permettant de contribuer à la transition énergétique par la rénovation thermique des bâtiments doivent être prises.

De même, nous souhaitons améliorer le nouveau statut de l’habitat coopératif en permettant l’apport en industrie sous forme de travail ou de connaissances professionnelles, avec les encadrements nécessaires pour éviter d’éventuels dérapages.

Nous voulons également protéger davantage ceux qui ont des habitations légères, notamment ceux qui font du camping à l’année, améliorer la vie dans les foyers de travailleurs migrants, inscrire un projet agricole et alimentaire dans les PLU.

Mais attention, chacun son rôle ! La loi ALUR devra mettre un terme à l’étalement urbain. La loi d’avenir agricole devra quant à elle travailler sur la gestion du foncier pour une agriculture durable. Nous comptons, madame la ministre, soutenir le texte, qui est à la fois ambitieux et novateur. Nous espérons que le débat permettra de l’enrichir de nos propositions afin que l’objectif de construction de logements soit atteint.

Mme Laurence Abeille. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, le projet de loi sur le logement et l’urbanisme qui nous rassemble aujourd’hui est clairement un texte massif. Ce n’est pas le président du comité de massif des Alpes ni celui de la commission permanente du conseil national de la montagne qui vous le reprochera, madame la ministre, si vous me permettez ce clin d’œil. (Sourires.)



Le texte touche en effet l’immense majorité de nos concitoyens dans leur vie quotidienne, et sur des sujets particulièrement sensibles. Il est une banalité que vous avez certainement trop entendue depuis le début de la discussion générale, mais permettez-moi d’insister et de la répéter : avoir un logement est évidemment une nécessité humaine fondamentale qui assure les conditions d’une vie décente. C’est pourtant encore aujourd’hui, dans notre France du XXIe siècle, un véritable problème pour un trop grand nombre de nos concitoyens, souvent d’ailleurs les plus défavorisés. Si paradoxal que cela puisse paraître au premier regard dans un pays développé comme le nôtre, la situation s’aggrave année après année malgré les diverses tentatives d’enrayer le phénomène.





Pour les millions de Français qui ne trouvent pas de logement ou dont la part de dépense consacrée au logement est trop lourde pour vivre dignement, la crise du logement est durement ressentie au quotidien. Le poids moyen des dépenses de logement dans le revenu des ménages est passé de 20 % à 28 % en quelques années, et l’on estime à plus d’un million le déficit de logements en France. Nous savons tous que le logement cristallise des angoisses intimes relatives au développement harmonieux de la famille, au chômage, à l’autonomie ou à la crainte du déclassement. Plus elle la crise du logement dure, plus elle s’accompagne dans l’opinion d’un sentiment d’impuissance des élus, au niveau local comme au niveau national.





Pourtant, nous tombons ici tous d’accord, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, sur le fait que le logement est au cœur de notre pacte républicain et constitue un besoin impérieux que nous avons le devoir de satisfaire. Pourtant, le droit au logement figure dans notre bloc constitutionnel, dans le préambule de la Constitution de la IVe République et dans la décision du 19 janvier 1995 du Conseil constitutionnel selon laquelle « la possibilité de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle ». Pourtant, toutes les grandes lois sur le logement proclament le droit au logement, de la loi Quilliot de 1982 selon laquelle « le droit à l’habitat est un droit fondamental » à la loi Mermaz de 1989 et à la loi Besson de 1990 « visant à la mise en œuvre du droit au logement ».





Malgré nos belles déclarations et nos grandes lois, le constat est implacable : nous ne parvenons pas à respecter ce devoir de solidarité minimale. Faut-il alors se résoudre à accepter cette situation comme une fatalité ? Je ne le pense pas, et j’ai de bonnes raisons de croire que votre projet de loi, madame la ministre, nous aidera à faire bouger les lignes.





Soyons lucides, mes chers collègues, et ne versons pas dans l’angélisme : le projet de loi n’est pas une baguette magique et la majorité de ses effets ne seront pas perceptibles immédiatement. Mais il comporte des mesures énergiques qui vont dans le bon sens, celui de la mise en œuvre de notre politique de changement dans la justice en matière de logement et d’urbanisme. Les plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les PLUI, peuvent poser certains problèmes dans des situations particulières et il faut entendre les mécontentements pour assouplir un peu le dispositif, mais il s’agit d’une modernisation globale nécessaire à notre République. Quant à la mise en place d’une garantie universelle locative, elle mérite des éclaircissements que vous ne manquerez pas de nous donner au cours des débats, madame la ministre.





Surtout, l’inscription dans la loi d’un devoir de solidarité mutuelle donnera les moyens à des millions de nos concitoyens, qui n’ont pas forcément de caution solide, de trouver un logement tout en protégeant les propriétaires contre le risque d’impayés. C’est un mécanisme « gagnant-gagnant », car il assurera une garantie aux propriétaires qui ont besoin de percevoir les loyers des logements qu’ils louent. La GUL, dont le mécanisme exact, en particulier le financement, n’est pas encore arrêté, permettra aux propriétaires de continuer à toucher les loyers en cas d’impayés. L’encadrement très souple des loyers, la simplification et la sécurisation de la location, la limitation des frais d’agence et de syndic, la réforme des professions immobilières et la lutte contre l’habitat indigne : autant d’objectifs que nous partageons et soutenons.





Nous avions besoin de ces mesures fortes pour mettre un terme à tous les abus dont souffrent les plus défavorisés. À la suite d’un long travail avec les experts, en vous inspirant des travaux parlementaires, vous avez eu assez de fermeté et d’audace, madame la ministre, pour bousculer les conservatismes et transcrire dans la loi de nombreuses propositions novatrices recommandées par les rapports sur le sujet. Cela dit, la copie reste perfectible et c’est ce qui rend notre travail de législateur passionnant. Nous vous proposerons plusieurs amendements au cours des débats pour améliorer votre texte. Permettez-moi de vous présenter rapidement ceux qui me tiennent à cœur.





Nous présenterons d’abord un amendement relatif à une catégorie de travailleurs qui compte beaucoup pour les lieux de tourisme, soumis à de fortes variations en fonction des périodes de l’année, à la mer comme à la montagne et même dans d’autres régions. Je sais que vous tenez à ces espaces qui donnent un charme particulier à notre pays, madame la ministre. Je parle, bien sûr, des travailleurs saisonniers, que vous semblez avoir un peu oubliés. Je vous proposerai un amendement pour réparer cet oubli et les inscrire pleinement dans l’article 1er, qui n’intègre pas les occupations de logement inférieures à huit mois. Vous comprendrez, madame la ministre, que proposer une solution aux saisonniers et aux pluriactifs, pour lesquels la mobilité est absolument indispensable, détermine l’emploi dans des régions entières, où le marché locatif est souvent très orienté vers le séjour touristique et non vers les salariés saisonniers. Il faut vraiment en finir, me semble-t-il, avec les camions aménagés et leurs cortèges de drames en hiver.





Je vous présenterai également, madame la ministre, plusieurs amendements relatifs aux parcs naturels et à la montagne. La rédaction actuelle du texte pourrait aboutir à des situations problématiques. Par exemple, le nouvel article L. 122-4-3 du code de l’urbanisme s’applique uniquement si aucune commune d’un parc n’est comprise dans un schéma de cohérence territoriale, ou SCOT. Or la charte du parc peut tenir lieu de SCOT. Cette situation est très rare et restrictive, car les périmètres de SCOT chevauchent partiellement les territoires classés parc naturel régional dans de nombreux cas. La situation des parties du territoire classées et non couvertes par un SCOT n’est donc pas réglée. Il faut également que les SCOT reprennent les dispositions et délimitations cartographiques des chartes des parcs. M. le président de la commission du développement durable s’est dit sensible à ces sujets, et j’espère que nous parviendrons ensemble à vous convaincre et à convaincre nos collègues d’adopter ces amendements.





Je défendrai ensuite quelques amendements visant à introduire des dérogations aux nouvelles règles d’urbanisme lorsqu’elles ne peuvent s’appliquer, spécialement en montagne en raison des fameux handicaps naturels, dans l’esprit de la non moins fameuse loi « montagne » de 1985 qui instaure une possibilité d’adaptation de toute disposition de portée générale aux spécificités des territoires de montagne. La notion de continuité territoriale est difficilement perceptible là où, malgré le réchauffement climatique, il existe entre deux cantons ou deux intercommunalités ou même au sein d’une intercommunalité un massif de 4 000 mètres d’altitude surmonté d’un glacier.





Enfin, sans rapport direct avec le projet de loi, je tenais également à vous faire part, madame la ministre, de la préoccupation des élus, des professionnels et des citoyens des zones de montagne qui ne sont plus incluses dans le zonage pour l’investissement locatif privé qui porte votre patronyme. Il faudra trouver des indicateurs précis et pertinents pour délimiter de telles zones et ne pas laisser sur le bord de la route des zones en tension comme la montagne. Le manque de logement dans le parc locatif privé y est criant et aboutit nécessairement à un renchérissement des prix, dû à la pression du tourisme - le seuil de 1 000 euros par mètre carré est dépassé depuis fort longtemps dans de nombreuses stations françaises - mais aussi aux risques naturels qui rendent le foncier rare, donc cher.





Je vous fais confiance, madame la ministre, pour affiner le dispositif que vous vous apprêtez à mettre en place afin de n’oublier aucune zone en tension. Je suis prêt, en qualité de président de la commission permanente du Conseil national de la montagne, à travailler sur ces sujets. Nous allons passer un peu de temps ensemble cette semaine et nous y reviendrons. Sachez d’ores et déjà que nous abordons les débats avec enthousiasme et que vous pourrez compter sur les députés du groupe RRDP pour vous aider à moderniser la politique du logement et de l’urbanisme, dans un souci de justice pour nos concitoyens.



Mme la présidente. La parole est à Mme Estelle Grelier.

Mme Estelle Grelier. Madame la présidente, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi que nous nous apprêtons à examiner propose des avancées importantes. J’en retiendrai deux relatives aux intercommunalités, ce dont vous ne serez pas surpris. Dans le domaine du logement, parmi les nombreux progrès que comporte le texte, je distingue l’amélioration de l’information du demandeur de logement social et le renforcement de la transparence des dispositifs d’attribution. En proposant de mettre en place le dossier de demande unique, le projet de loi permet une meilleure connaissance et un suivi plus efficace de la demande. Mais c’est surtout la mise en place du plan partenarial de gestion de la demande de logement social, confié aux communautés dotées d’un plan local de l’habitat, qui constitue à mon sens le point fort de la rénovation des politiques d’attribution.

Désormais, les intercommunalités, toujours en concertation avec les communes, car tel est leur mode de fonctionnement, peuvent mettre en place des politiques de peuplement mieux équilibrées et plus cohérentes avec leur projet de territoire. Sur ce sujet, le projet de loi reprend une partie, mais une partie seulement, des conclusions de la concertation sur les attributions de logements sociaux, menée à l’initiative de Mme la ministre au début de cette année, et à laquelle j’ai eu plaisir à collaborer. Souhaitons que d’autres étapes soient rapidement franchies, en particulier la gouvernance intercommunale de la politique d’attribution.

En matière de planification urbaine, le projet de loi propose de nombreuses dispositions, dont le caractère intercommunal du plan local d’urbanisme, qui revêt une dimension stratégique pour le devenir de nos territoires. La loi d’engagement national pour l’environnement de juillet 2010 a marqué une première étape en faisant déjà, dans le code de l’urbanisme, du PLU intercommunal la règle de principe et du PLU municipal l’exception. Mais le législateur s’est alors arrêté au milieu du gué. En modifiant le code général des collectivités territoriales, le texte veut systématiser le PLUI. Trois grands principes rendent nécessaire une telle évolution, à laquelle je souscris totalement tout en étant élue locale.

Le premier est le principe de réalité. L’échelle de planification doit être adaptée à l’échelle de fonctionnement de nos territoires. En milieu rural comme en milieu urbain ou périurbain, les problématiques de déplacement, de paysage, d’habitat, de commerce, d’agriculture, de biodiversité et d’environnement ne peuvent plus être traitées de manière satisfaisante à la seule échelle municipale.

Le principe de cohérence vient ensuite. Au fil des lois, le législateur a construit des communautés désormais responsables des politiques de développement économique, de déplacement, d’habitat ou encore de réseaux. Or le PLU est le seul document opposable aux tiers, et comporte une dimension stratégique majeure en matière de gestion des sols. Il doit donc être au service de ce qui peut et doit être décidé à l’échelle des bassins de vie. Son adaptation à l’échelon décisionnel est indispensable pour la cohérence des politiques publiques.

Le troisième principe est le principe de solidarité. Le partage de l’urbanisme à l’échelle de l’intercommunalité doit faciliter la cohérence et la solidarité au sein du bloc communal. Comment ne pas s’interroger lorsque l’on voit une commune réaliser seule un lotissement et ne se rapprocher qu’ensuite de sa communauté pour solliciter la desserte en bus, le ramassage des ordures ménagères, les réseaux d’assainissement etc. ?

Il faut donc se féliciter du changement d’échelle dans la planification de nos territoires et saluer l’implication et l’engagement de Mme la Ministre afin de promouvoir une telle évolution de la gouvernance de l’urbanisme. Bien sûr, celui-ci fait partie des sujets sur lesquels la sensibilité des élus locaux est vive. C’est une compétence symbolique à laquelle nous, élus locaux, sommes très attachés, légitimement me semble-t-il. Les décisions en matière de planification urbaine s’inscrivent durablement dans les territoires et sont des marqueurs importants des mandats locaux, d’où l’importance de faire vivre cette compétence si fondamentale pour le développement de nos territoires en la faisant évoluer.

Les observations nationales recueillies par l’association des communautés de France auprès des quelque 200 EPCI aujourd’hui compétents en matière d’urbanisme attestent que l’élaboration intercommunale du PLU s’opère dans une logique de concertation et de coresponsabilité entre communes membres et intercommunalité. Sur ce point, je tiens à saluer les travaux de Mme la rapporteure, soucieuse d’accompagner l’inter-communalisation du PLU par de nombreuses dispositions de nature à rassurer les communes. Il ne s’agit pas de les déposséder de leur compétence, mais bien de faire partager celle-ci au sein de leurs EPCI respectifs pour lui donner davantage de sens et de force. Ainsi, le projet de loi dispose que le PLU intercommunal est élaboré « en collaboration » avec les communes membres. L’utilisation du terme « collaboration », fort juridiquement, est un signal de poids envers les élus municipaux.

M. Marc-Philippe Daubresse. Tout cela, c’est de la théorie !

Mme Estelle Grelier. J’ajoute que, depuis 1966 déjà, les communautés urbaines ont préfiguré l’urbanisme intercommunal sans que pour autant ne disparaissent en leur sein ni les communes ni les maires. Faisons en sorte que nos échanges en séance, comme ceux qui ont eu lieu en commission des affaires économiques, dépassionnent le débat et lèvent certains malentendus au profit d’un urbanisme vraiment rénové. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Teissier.

M. Guy Teissier. Madame la présidente, madame le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, voici enfin venue l’heure d’examiner le texte à propos duquel nous espérions les uns et les autres trouver un consensus, dans la mesure où nous pouvions croire qu’il apporterait une réponse satisfaisante à la crise du secteur du logement dont pâtit un trop grand nombre de nos concitoyens.

En effet, la crise du logement reste une certitude, et nous aurions pu nous retrouver autour de l’intention louable de ce projet de loi, qui est de permettre l’accroissement de l’offre de logements dans des conditions respectueuses des équilibres des territoires, en maintenant une fiscalité stimulante et en prenant des mesures incitatives à la construction ou à la rénovation.

Malheureusement, au lieu d’apporter ce genre de réponse, ce texte porte le sceau d’une l’idéologie dominée par un esprit manichéen qui ruine les bonnes intentions, et qui se révélerait complètement contre-productif si le texte venait à être adopté en l’état.

Las, madame la ministre, vous vous êtes encore une fois laissée emporter par ce travers qui consiste à opposer les Français les uns aux autres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ainsi, en créant un déséquilibre entre bailleur et locataire, vous allez décourager de nombreux propriétaires et investisseurs. Vous ne répondrez donc pas à la crise du logement que nous connaissons mais, pire encore, vous risquez de l’amplifier.

Madame la ministre, j’ose le dire, ce texte est une véritable usine à gaz. Vous allez ralentir les projets de construction et faire fuir les investisseurs.

L’encadrement généralisé des loyers, que vous proposez, est digne d’une disposition de sinistre mémoire, la loi de 1948, à l’origine de la paupérisation des cœurs de ville, dont nous avons, aujourd’hui encore, tant de peine à nous remettre. Comme chacun le sait, les propriétaires ont beaucoup de mal, avec des loyers encadrés, à entretenir et à rénover leur parc locatif. En rigidifiant le marché locatif – c’est ce qui se produit à chaque fois que l’on veut réguler le marché –, on risque de détourner de ce secteur les investisseurs qui choisiront d’autres formes de placements.

Quant à la garantie universelle des loyers, il est à craindre qu’elle aboutisse à une déresponsabilisation des locataires et à une fiscalité accrue sur les loyers. Si son financement devait provenir d’une nouvelle taxation des propriétaires bailleurs, cela pourrait générer un frein à l’investissement locatif privé, voire aboutir à un désinvestissement. Par ailleurs, ce dispositif, qui fait reposer l’intégralité du risque d’impayés des loyers sur l’État, risque de se révéler un gouffre pour les finances publiques.

Madame la ministre, votre vision d’un monde binaire, qui vous conduit à stigmatiser les propriétaires – lesquels ne sont pas tous issus du grand capital, dois-je vous le rappeler ? –, conduit à une injustice économique, en créant une relation déséquilibrée entre les deux parties et en allant à l’encontre de l’esprit du projet de loi qui évoque la recherche d’un meilleur équilibre des rapports entre bailleur et locataire. Par ailleurs, imposer aux propriétaires la plus grande partie des honoraires de location risque de faire baisser la qualité du service qui est proposé. Si l’agent immobilier n’est payé que par le propriétaire, il sera amené à avantager ce dernier, devenu son seul client, au détriment du locataire. Supprimer le partage des honoraires, c’est consacrer et renforcer un déséquilibre entre bailleur et locataire.

En plus de sanctionner les propriétaires, ce projet de loi met à mal la profession d’agent immobilier, comme l’a souligné tout à l’heure notre collègue Tetart. Les professionnels s’inquiètent. Mécaniquement, la baisse de moitié des honoraires liés à la location va entraîner des pertes d’emplois. Est-ce bien le moment de perdre des emplois ? En faisant peser sur les seuls agents immobiliers une obligation de transparence sur le montant de leurs honoraires, le texte introduit une distorsion de concurrence et une inégalité de traitement tout à fait injustes entre les agents immobiliers et les autres professionnels qui interviennent dans la vente, la location et la gestion immobilière.

L’ensemble de ce texte dénote une volonté de tout étatiser, à l’image du bail type que vous proposez – ou voulez imposer –, qui me paraît incompatible avec la liberté contractuelle. Certes, il existe déjà des formulaires, mais il est important de laisser à chacun la liberté de les utiliser ou non. D’autre part, retirer aux professionnels cette compétence rédactionnelle en les cantonnant à une fonction administrative de saisie contribuerait à décrédibiliser le métier.

Enfin, alors que vous prétendez vouloir améliorer la gouvernance et la gestion de la copropriété, vous instaurez l’obligation d’ouvrir des comptes séparés par syndicat : encore une erreur qui ne tient compte ni de la surcharge de travail pour le syndic, ni de l’impossibilité pour les garants financiers d’exercer des contrôles exhaustifs, ni des frais bancaires que devront supporter les copropriétaires.

Pour finir, madame la ministre, votre projet de loi qui était pavé de bonnes intentions se révèle décevant. S’il apporte des réponses satisfaisantes sur certains points, notamment dans la lutte contre l’habitat indigne, il risque, sur d’autres points, de susciter le désarroi chez les propriétaires et d’entraîner de lourdes déconvenues pour les locataires.

Vous prenez le risque d’établir un grave déséquilibre entre bailleurs et locataires, de stigmatiser une profession et de décourager l’investissement locatif. En voulant étatiser le droit de louer, en voulant entraver la liberté d’entreprendre, en complexifiant comme vous le faites les règles et les procédures, vous n’apportez malheureusement aucune solution à la crise du logement dont souffrent aujourd’hui dix millions de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron