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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Troisième session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 10 septembre 2013

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante.)

1

Accès au logement et urbanisme rénové

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (nos 1179, 1329, 1286).

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Le temps restant pour la discussion de ce texte est de huit heures et six minutes pour le groupe SRC, dont 358 amendements restent en discussion ; onze heures et trois minutes pour le groupe UMP, dont 593 amendements restent en discussion ; trois heures et douze minutes pour le groupe UDI, dont 99 amendements restent en discussion ; une heure et quarante et une minutes pour le groupe écologiste, dont 61 amendements restent en discussion ; une heure et trente-huit minutes pour le groupe RRDP, dont 64 amendements restent en discussion ; une heure et quarante-sept minutes pour le groupe GDR, dont 63 amendements restent en discussion ; et quarante minutes pour les députés non inscrits.

Discussion générale (suite)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la ministre, je vous ai écouté tout à l’heure, pendant trente minutes, présenter votre projet de loi. Vous avez philosophé durant vingt minutes sur la question de savoir pourquoi il faut construire plus en France, objectif que, globalement, nous partageons tous, sur quelque banc que nous siégions, avant de parler pendant dix minutes de « comment il faut faire » pour construire plus, ce qui m’a laissé, je dois vous le dire, sur ma faim.

Madame la ministre, l’année dernière, à cette même époque, je vous avais donné rendez-vous pour constater la réalité des chiffres. Vous nous aviez promis d’infléchir la courbe descendante de la production de logements neufs. Vous nous aviez indiqué l’objectif du Président de la République de construire 500 000 logements par an, et je vous avais dit que nous n’y arriverions pas avec les outils que vous préconisez. Les chiffres sont éloquents, madame la ministre, puisque, depuis que vous êtes au pouvoir, le nombre de logements autorisés, c’est-à-dire ceux faisant l’objet de permis de construire, les logements de demain – ce n’est donc pas l’héritage – a baissé de 10,8 %, et le nombre de logements commencés a diminué de 12,8 %, pour atteindre 301 626 unités : on est donc très loin des 500 000 constructions attendues ! Cela veut dire que, pour tenir le pari du Président de la République, vous devriez construire, d’ici la fin du quinquennat, 700 000 logements par an.

Cette baisse s’explique essentiellement par le déclin historique, que vous avez accéléré, de l’accession à la propriété, tandis que la construction des logements sociaux stagne : vous en avez bâti 100 000 cette année alors que nous en avions réalisé 120 000 en 2011.

Il était pourtant possible d’atteindre cet objectif. Puis-je me permettre de vous rappeler humblement que, lorsque nous avons présenté le projet de loi de cohésion sociale sous le quinquennat de Jacques Chirac, nous nous trouvions déjà dans une situation économique préoccupante – le chômage atteignait 10,2 % – et que, malgré ce contexte défavorable, deux ans après la promulgation de la loi, nous avions triplé le financement du logement social, quintuplé le financement du logement très social et quadruplé l’accession sociale à la propriété ? Nous sommes ainsi passés, s’agissant des constructions neuves, de 310 000 logements – soit un niveau un peu supérieur à celui d’aujourd’hui – à 450 000 logements par an, tout en faisant passer le taux de chômage de 10,2 % à 7,6 %.

Bien entendu, sous l’effet des crises mondiales, nous sommes revenus à des étiages qui nécessitent des mesures fortes. Nous sommes évidemment d’accord sur le diagnostic, porté par tous les observateurs, d’un déficit de l’offre, d’une augmentation des prix et d’un manque criant de logements à des prix abordables dans les zones tendues. J’insiste d’ailleurs sur le fait que cela concerne les zones tendues car il n’y a pas un manque criant de logements frappant uniformément l’ensemble du territoire. Vous êtes ministre de l’égalité des territoires, mais égalité ne veut pas dire uniformité.

Tout se passe comme si le Gouvernement ne comprenait pas les causes de cette crise. La loi que vous nous proposez aujourd’hui donne le sentiment d’un parti pris idéologique que nous avions déjà dénoncé dans un précédent texte sur le foncier et le logement social : parti pris en faveur des locataires contre les propriétaires, parti pris contre les professionnels de l’immobilier, parti pris en faveur des intercommunalités contre les prérogatives des maires, en particulier en zone rurale. Ce texte est également marqué d’un a priori idéologique en faveur du logement social contre l’accession, pour la densification urbaine et la planification rigide contre la souplesse et l’initiative.

Cette vision partiale qui a présidé au choix de la méthode retenue ne permet pas de mettre à disposition les bons outils en matière de foncier, de fiscalité et de financement, qui sont les trois leviers majeurs sur lesquels une politique du logement doit s’appuyer. La politique que vous menez, madame la ministre, consiste à détruire les uns après les autres certains maillons, certains acteurs bien ciblés de la chaîne du logement qui sont pourtant indissociables les uns des autres.

Mme Julie Sommaruga. C’est faux ! C’est tout le contraire !

M. Marc-Philippe Daubresse. Nous l’avions déjà constaté avec votre projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, qui impose un système de rattrapage extrêmement contraignant, lequel aboutit in fine à un effet contraire à celui qui était recherché, c’est-à-dire à un blocage de la construction de logements dans nos communes. C’est non pas par la contrainte mais par l’incitation et la confiance que vous motiverez les maires. Or vous leur retirez tout pouvoir en matière d’urbanisme et de politique de peuplement au profit des intercommunalités.

Bien sûr, ceux qui, comme moi, sont des élus de grandes agglomérations connaissent le pouvoir de l’intercommunalité et l’intérêt de mener de manière coordonnée une politique d’urbanisme et de peuplement entre communes et intercommunalité. Mais nous ne devons pas raisonner de la même manière sur la totalité du territoire, a fortiori pas dans les zones où le marché du logement n’est pas tendu.

Le parti pris contre les professionnels de l’immobilier bouleverse le modèle économique de ce secteur d’activité. Récemment, la télévision nous expliquait que c’était un des rares secteurs dans lequel les embauches avaient repris. Avec les mesures que vous préconisez, vous allez - ce sont les professionnels qui le disent - détruire des dizaines de milliers d’emplois. Vous nous affirmez avoir écouté tous les acteurs de la chaîne du logement ; peut-être les avez-vous écoutés, mais vous ne les avez pas entendus.

Le texte prévoit la mise en place au 1er janvier 2016 de la garantie universelle des loyers. Pour ma part, je suis le ministre qui, en 2004, a proposé avec la CFDT la garantie des risques locatifs. Ainsi que M. Apparu l’a rappelé à juste titre, ce dispositif, en dépit des bonnes intentions qui l’avaient fait naître, a été un échec dans les zones tendues alors que sa mise en œuvre a donné de bons résultats dans les zones non tendues.

Il faudrait s’interroger sur les causes de cet échec. Vous préconisez d’établir une « sécurité sociale » du logement, de prélever une taxe sur tous les locataires et tous les propriétaires alors que seuls 3 % des locataires sont des mauvais payeurs de loyer. Vous souhaitez instaurer ainsi une garantie à la charge de l’État qui se substituera au cautionnement ; mais les curseurs ne sont pas tout à fait déterminés, tout cela reste dans le flou. Vous estimez que la charge pour le contribuable s’élèvera à 700 millions d’euros ; j’avais fait faire des études par mon ministère à l’époque et l’estimation était de 1 milliard d’euros. La vérité, c’est que vous ne maîtrisez pas cette charge. Vous ne savez pas quelle somme représentera la totalité des impayés parce que vous créez une machine infernale qui produira l’effet inverse de celui pour lequel elle a été pensée.

La mesure la plus spectaculaire de votre loi, l’encadrement des loyers via la création d’observatoires, n’est ni plus ni moins qu’un retour à l’après-guerre. Cette mesure n’a jamais fonctionné, pas même en Allemagne. C’est un mauvais signal envoyé aux investisseurs, qui vont voir chuter la rentabilité de leur investissement. Or il s’agit non plus de gros investisseurs institutionnels mais de petits propriétaires

Vous avez affirmé dans votre propos liminaire que les propriétaires étaient forcément des gros propriétaires aisés. Il vous suffirait de consulter le bilan annuel de l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, pour constater que plusieurs centaines de milliers de propriétaires bailleurs sont des petits propriétaires avec un faible pouvoir d’achat qui ont des difficultés à joindre les deux bouts et qui ont absolument besoin de leurs revenus locatifs pour vivre, voire pour survivre.

Voilà ce que je voulais vous dire en résumé. Outre la perte de pouvoir pour les maires du fait de la mise en place de PLU intercommunaux, votre réforme aura une conséquence directe. Plutôt que d’associer les acteurs de l’immobilier à votre politique en gagnant leur confiance, vous misez sur la défiance ; plutôt que d’inciter, vous contraignez. Vous auriez pu recourir à l’autofinancement en vous appuyant sur la vente de logements sociaux, ce qui vous aurait permis de relancer le secteur du bâtiment, mais parce que cette mesure se heurte à votre corpus idéologique, vous bloquez vos budgets, vous alourdissez les droits de mutation et la TVA.

Le résultat est donc prévisible : ce projet de loi sera néfaste pour tous les acteurs de la construction, coûteux pour les acteurs publics alors que nous sommes dans une période de contrainte budgétaire et de baisse du pouvoir d’achat, et contre-productif par rapport aux objectifs affichés.

Par conséquent, n’en doutez pas, madame la ministre, je reviendrai chaque année faire un salut à la tribune de cette assemblée avec les chiffres qui seront fournis par la base Sit@del2 pour montrer, année après année, que le meilleur camouflet à votre politique idéologique ce sont les chiffres, c’est la réalité qui, de toute façon, s’imposera à vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard.

M. Gilbert Collard. Madame le ministre, je vous ai vu arriver en courant tout à l’heure alors que j’étais assis à l’entrée ; j’espère que vous n’êtes pas essoufflée.

Votre loi paraît belle, elle fait de vous celle qui terrasse les propriétaires balzaciens et défend les pauvres locataires. L’ambition est belle, certes. Mais, voyez-vous, il existe des hommes et des femmes hypocrites comme il y a des lois hypocrites. Leur apparence est belle mais, à y regarder de plus près, elle cache une sacrée hypocrisie.

Mme Jacqueline Maquet. Cela veut dire quoi ?

M. Gilbert Collard. Je vais y venir. J’ai lu votre projet de loi ; il contient 84 articles. Je me suis intéressé à cette disposition que vous avez glissée, toute talquée, dans les alinéas 106 à 121 de l’article 58, – 58, comme l’année de la Constitution. Il s’agit de la législation relative aux points de retrait des achats au détail en grande surface commandés par voie télématique ; on appelle cela les drive, en « franglais ».

Je vois que vous saisissez ce à quoi je fais référence, c’est bien. Je vois que la communication passe du banc des rapporteurs à celui du Gouvernement, c’est excellent. Peu importe, du reste, que ces points jouxtent ou non une grande surface.

Nous sommes pour notre part attachés à la défense des petits locataires, mais aussi du petit commerce, en particulier du commerce de proximité. Nous pensons qu’il fait partie de la vie, de la vie écologique, des relations humaines.

Les grands groupes oligopolistiques de la distribution et leurs centrales d’achat tuent, assassinent, accablent les petits commerces et la petite entreprise. Ils ont des marges excessives. Or, sous prétexte d’encadrer ces surfaces, vous régularisez leur prolifération anarchique. Relisez l’article 58, et vous comprendrez ce que je veux dire. En janvier dernier, il y avait cinq ouvertures par jour. Depuis que votre projet est connu, il y en a huit par jour.

Vous avez fixé des limites de superficie en vous fondant sur des critères minimalistes laxistes : si vous n’aviez pas la volonté calfeutrée dans ce texte de servir le grand capital, vous auriez établi des critères plus rigoureux relatifs aux surfaces effectives du drive. La plupart de ces espaces d’activité feront moins de 1 000 mètres carrés. Ce seront de simples bâtiments de stockage temporaire, sans gondoles, sans caisses, sans clientèle, et on n’y arrivera pas en char à voile pour ce qui est de l’écologie ! En clair, votre loi vaut validation des drives existants, installés à la va-vite et qui défigurent le paysage.

Il est tout de même singulier qu’un ministre dit de gauche favorise de la sorte une nouvelle forme de commercialisation qui ne profitera qu’à la grande distribution. Vous le savez, un emploi créé par ces grands groupes entraîne la suppression de dix emplois existants dans le petit commerce traditionnel. Vous vouliez être, madame, la madone des locataires ; vous êtes la bienfaitrice des drives. Comme disait quelqu’un qui n’est pas mon ami, je ne salue pas les valets du capitalisme. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission des affaires économiques. Poujade, sors de ce corps !

M. Philippe Bies, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. C’est fini ?

M. le président. La parole est à Mme Suzanne Tallard.

Mme Suzanne Tallard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, mon propos portera sur le titre IV du projet de loi qui nous est soumis et dont la commission du développement durable a été saisie pour avis.

Je voudrais insister sur le point qui fait débat dans ce projet. Je constate comme vous que l’évolution profonde de nos territoires nous commande d’adapter nos outils de planification. C’est parce que les problèmes d’habitat, de déplacement, de développement économique, mais aussi de biodiversité et de protection de l’environnement, ne se cantonnent pas aux limites de nos communes que notre réflexion doit être menée à une échelle plus large, dans une recherche constante de cohérence.

Ainsi, le rôle intégrateur des schémas de cohérence territoriale, les SCoT, qui devront à terme couvrir l’ensemble du territoire, est renforcé. Le SCoT deviendra le document de référence unique auquel se rapporter lors de l’élaboration d’un PLU, permettant de simplifier ce travail et de renforcer la sécurité juridique.

Il n’en reste pas moins que la complexité juridique, l’urgence et la diversité des enjeux - la lutte contre l’étalement urbain, la satisfaction des besoins en logement, la maîtrise de l’aménagement commercial ou la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers - plaident pour le dépassement de l’échelle communale afin d’établir une meilleure planification stratégique en matière d’urbanisme.

L’intercommunalité est aujourd’hui l’échelle pertinente pour coordonner les politiques menées sur nos territoires dans les domaines dont nous parlons. Elle permet aux maires d’inscrire leur réflexion dans un territoire plus large en recherchant les convergences, les complémentarités et la cohérence de leurs politiques tout en prenant en compte les spécificités de chacune des communes.

L’élaboration d’un PLU à l’échelle intercommunale permet de mutualiser les coûts et d’élever le niveau des expertises, arguments auxquels les petites communes pourraient être sensibles.

J’entends la crainte exprimée par certains de mes anciens collègues - j’ai été maire jusqu’en octobre dernier - de voir l’identité de leur commune effacée et leur pouvoir de décision dilué.

Pour avoir participé à l’élaboration de nombreux PLU, j’ai pu constater que les objectifs généraux sont très proches d’une commune à l’autre. Parfois les projets d’aménagement et de développement durable sont même assez répétitifs. Les mutualisations, les convergences étaient évidentes et la prise en compte des particularités loin d’être insurmontable.

On peut comprendre que des élus de communes ayant dû reprendre tout le travail d’élaboration d’un PLU parce qu’un détail de procédure ou une illégalité, en touchant une toute petite partie, a contaminé l’ensemble de celui-ci et annihilé des années de concertation, soient réticents à l’idée de généraliser les PLUI.

J’aimerais donc appeler leur attention sur l’article 64, qui représente un véritable facteur de sécurité juridique compte tenu de la complexité en la matière et des conséquences d’une annulation.

Dans le prolongement des travaux de la commission du président Labetoulle et des ordonnances relatives au contentieux de l’urbanisme, il permet au juge d’annuler partiellement le PLU et de procéder à des régularisations a posteriori.

Nous avons étendu en commission la possibilité donnée au juge administratif de prononcer une annulation partielle chaque fois que celle-ci ne remettra pas en cause l’économie générale du document.

Il va de soi que l’élaboration de documents d’urbanisme à une échelle intercommunale ne peut être efficace que si le dialogue et la concertation sont réels et se prolongent, une fois les documents adoptés, non seulement avec les élus des communes mais également avec le public et les associations.

La coopération entre tous les acteurs est une nécessité.

C’est pourquoi nous avons voulu un débat annuel sur la politique d’urbanisme, afin que soient pris en compte les besoins nouveaux des communes et des habitants.

Avant de conclure, je voudrais saluer l’attitude du Gouvernement et son écoute. Le texte qui nous est soumis comporte des évolutions majeures et très positives en matière d’aménagement du territoire. Ces évolutions demandent du temps et de la souplesse afin de ne pas provoquer d’inutiles crispations ; elles doivent entrer en application après une concertation approfondie. Nous y avons été attentifs lors du travail en commission, notamment en prolongeant certains délais – nous y reviendrons au cours du débat.

Avec le projet de loi ALUR, de nouveaux outils opérationnels sont en place pour conjuguer développement et protection, réponse au besoin de logements accessibles, qualité de la vie et préservation de l’environnement. On dit de ce texte qu’il est technique. Je le considère pour ma part comme équilibré et heureusement volontariste. C’est pour cela que nous le soutiendrons, tout en ayant la ferme volonté de le faire évoluer au cours du débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner un texte de 108 articles dont la complexité et la technicité embrassent divers domaines de la politique du logement et de l’urbanisme.

Notre première impression à la lecture de ce projet de loi est celle d’un décalage profond entre, d’un côté, ce véritable festival normatif et, de l’autre, la virulence de la crise du logement que traverse notre pays, crise dont les derniers chiffres communiqués par votre ministère montrent qu’elle a même tendance à se pérenniser.

Selon les estimations les plus optimistes, 330 000 logements devraient être construits d’ici à la fin de l’année. Je ne vous ferai pas l’affront de vous rappeler les objectifs fixés par le Président de la République dans ce domaine.

Le besoin réel des Français en la matière – Marc-Philippe Daubresse l’a très bien dit –, c’est la production, la production et encore la production. Or, madame la ministre, le compte n’y est pas.

Malheureusement, je n’ai pas trouvé de dispositions dans ce projet de loi qui permettent d’atteindre cet objectif. Sur un sujet aussi grave, je vais essayer – vous me connaissez – d’avoir une approche nuancée de ce texte, mais c’est avec une profonde déception que nous abordons son examen, avec le sentiment que son volume est inversement proportionnel à la force de la réponse proposée.

S’il constitue, à nos yeux, un rendez-vous manqué avec la crise, votre texte n’en contient pas moins une mesure intéressante – la garantie universelle des loyers – et quelques mesures pertinentes sur l’hébergement d’urgence. Le groupe UDI ne peut que saluer votre dispositif de GUL, petite sœur de la GRL, la garantie des risques locatifs, créée par Jean-Louis Borloo dès 2006.

Espérons que cet outil permettra de limiter les inégalités d’accès au logement tout en rassurant les propriétaires sur les risques de loyers impayés. Mais il faudra la plus grande attention dans l’encadrement de ce dispositif afin de ne pas déresponsabiliser les parties et de ne pas aboutir à un effet inverse de celui qui était visé.

Jusqu’à présent, on a assez peu évoqué dans la discussion les plus fragiles de nos compatriotes – je veux parler de celles et ceux qui se trouvent à la rue, qui vivent en hébergement d’urgence ou même, pour certains, dans leur voiture. Je tiens à saluer, madame la ministre, le fait que vous ayez repris un certain nombre des propositions que nous avons faites avec Mme Hoffman-Rispal, votre suppléante, pour renforcer les commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, les CCAPEX, en instituant une saisine obligatoire ; renforcer également les services intégrés d’accueil et d’orientation, les SIAO, en intégrant leurs missions et leur organisation dans la loi ; simplifier enfin la programmation locale et territoriale, par la fusion de l’ensemble des plans départementaux existants et le renforcement des actions des fonds de solidarité logement.

On constate en fait, sur ce point, une certaine continuité par rapport aux principes et aux outils conçus dans le cadre de la refondation mise en œuvre précédemment par Benoist Apparu. Qu’en est-il cependant, madame la ministre de l’appréciation publique sur la situation de l’hébergement d’urgence, saturé par les déboutés du droit d’asile ?

À ce propos, votre texte ne fait pas justice, à mon sens, à l’accompagnement des personnes accueillies. La refondation prévoyait la mise en place d’un référentiel des coûts pour les structures d’accueil financées par l’État, politique publique qui coûte tout de même aux alentours de 1 milliard d’euros. Qu’en est-il de ce dispositif de rationalisation budgétaire ?

S’agissant de l’encadrement des loyers, nous considérons qu’il était opportun d’apporter une solution pour juguler les augmentations démentielles dans certains cas – je pense évidemment à des zones tendues comme l’Île-de-France.

Là encore, ce dispositif nécessite un cadre précis et une évaluation constante de ses conséquences sur le terrain, faute de quoi il risque de produire des effets inverses de ceux qu’il prétend viser. À cet égard, madame la ministre, je tiens à vous alerter sur les risques d’effets pervers qu’il présente.

La vision intercommunale de l’urbanisme va dans le sens de l’histoire et je me félicite de l’instauration, dans votre projet, du principe du PLU intercommunal. Ce dernier devra conduire, à mon sens, à prendre en compte au niveau intercommunal le taux de logements sociaux.

Ce PLU intercommunal permettra demain à nos territoires de mener des politiques cohérentes dans les domaines du logement, de l’urbanisme, de l’activité économique et de la mobilité. Tout au long de nos débats, notre travail devra consister à accompagner les communes et les intercommunalités concernées dans une logique de concertation sur les politiques d’urbanisme. Sur ce point, il n’y aura pas trop de deux lectures pour trouver une voie pertinente.

Les autres dispositions de ce texte sont d’importance inégale. Je regrette que vous ayez trop souvent fait le choix de stigmatiser les propriétaires et les professionnels de l’immobilier, au lieu de les associer pleinement à la résolution de la crise du logement, laquelle nécessite le concours de tous. Les pratiques abusives de quelques-uns ne sauraient jeter l’opprobre sur l’ensemble d’une profession.

Par ailleurs, nous considérons que vous auriez pu aller plus loin pour assurer la transparence sur les conditions d’attribution des logements sociaux, ainsi que prévenir et renforcer la lutte contre les copropriétés dégradées et les marchands de sommeil. Nous vous proposerons donc différents amendements visant à « muscler » ces parties du projet de loi, en complétant l’éventail des sanctions contre les marchands de sommeil ou encore, en donnant priorité aux plus modestes pour l’accès au parc locatif social.

S’agissant de la partie relative à l’urbanisme, je tiens à appeler particulièrement votre attention sur la profusion de normes nouvelles contenues dans ce projet. On est loin du choc de simplification réclamé à cor et à cri par les professionnels du secteur de la construction, qui ne demandent qu’un peu de souplesse pour être en mesure de construire plus de logements.

J’en reviens donc, comme je le disais d’entrée, à la nécessité d’augmenter considérablement l’offre de logements dans notre pays, à travers une mobilisation massive de tous les acteurs et un assouplissement des procédures qui paralysent nos constructeurs.

Malgré ses 108 articles et ses 250 pages, ce projet de loi n’aura pas l’effet escompté par les annonces de campagne. Nous sommes donc face à une occasion manquée et le groupe UDI ne pourra apporter son soutien à un texte qui passe à côté de l’essentiel.

Cela dit, nous vous donnons rendez-vous sur le budget, pour vous demander à nouveau, comme le groupe UDI ne cesse de le faire depuis des mois, de renoncer à augmenter la TVA dans le bâtiment au 1er janvier 2014. À défaut, la crise du logement, avec son lot de désespérance pour des millions de nos compatriotes, aura encore – malheureusement – de beaux jours devant elle. (Applaudissements sur certains bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le président, madame le ministre, chers collègues, après le mariage pour tous, la nationalité pour tous et la prison pour personne, voici le logement pour tous ! Avec vous, c’est plus facile : l’État providence, il est vrai multimilliardaire en dettes, peut promettre monts et merveilles. Une copropriété laissée à l’abandon par ses occupants ? Il viendra repeindre et remettre aux normes gratuitement. Des migrants venus sans moyens ? Il pourvoira gratuitement à leur logement et à celui de leur descendance. Des loyers trop élevés ? Il interdira aux propriétaires de dépasser un seuil fixé par l’administration.

Féerie que ce monde socialiste où tout est gratuit et rien n’est trop cher, puisqu’il suffit d’emprunter sur les marchés pour financer ou de dire stop pour que les prix s’arrêtent de monter !

Face aux échecs récurrents des politiques du logement, on aurait pu s’attendre à un renouvellement du diagnostic. Mais non, on ne change pas un raisonnement qui perd ! Pour vous, la crise du logement est uniquement une crise de l’offre ; on ne fait pas sortir assez de logements du sol. Il faut bétonner de plus belle, même si, au rythme actuel, l’équivalent d’un département français de terres agricoles est urbanisé tous les sept ans.

Les conséquences des politiques donnant la primauté à l’urbain contre le rural et celles des flux migratoires à bas niveau socio-professionnel sont encore une fois superbement ignorées. Permettez-moi de le rappeler, puisque personne ne le fait : selon vous, faire venir chaque année 200 000 individus, sans compter des dizaines de milliers de clandestins, arrivés pour la plupart sans rien, et leur garantir le droit au logement pour eux et leur famille, cela ne déséquilibre pas du tout le marché du logement. Aucun effet d’éviction de la demande domestique ; rien.

Je sais que la structure de la demande de logements, notamment sociaux, a connu de profondes mutations. L’accroissement global de la population, les facteurs sociologiques comme l’allongement de la durée de la vie, l’émergence des familles monoparentales, l’entrée plus tardive dans la vie active ou le vieillissement du parc social ont évidemment des conséquences lourdes. Mais ce sont des facteurs subis. L’immigration, quant à elle, a été sciemment décidée par les gouvernants depuis trente-cinq ans et vous refusez toujours d’en voir les conséquences pourtant évidentes.

Je regrette que, même en période de crise, nous soyons toujours les seuls à défendre l’idée selon laquelle la solidarité nationale doit bénéficier en priorité – je dis bien en priorité et non en exclusivité – aux Français.

Sans compter que votre politique d’aménagement du territoire, conduite main dans la main avec l’UMP, a amené à la désertification des zones rurales et à l’hypertrophie des zones urbaines. Désindustrialisation, mort organisée de l’agriculture, départ des services publics en milieu rural, carence de la couverture médicale : tout concourt à déséquilibrer le marché du logement en créant, d’un côté, les zones sous tension que sont les centres urbains et, de l’autre, des déserts ruraux au mieux reconvertis en banlieues dortoir.

Si je suis résignée face à votre politique, c’est qu’elle va toujours dans le même sens, malgré ses échecs : plus de réglementation, plus de textes souvent peu compréhensibles, plus de pouvoir à l’État et aux élus locaux et une action qui traite toujours les conséquences et non les causes – c’est vrai de l’encadrement des loyers comme de la garantie universelle.

Vous n’aimez rien tant que la chose publique. Un peuple dépendant de l’État pour son travail, pour sa santé, pour ses revenus, pour son logement : autant de garanties d’avoir des citoyens dociles et redevables au pouvoir. Décourager le logement privé et les bailleurs pour mieux imposer comme remède miracle le logement social, auquel les deux tiers des ménages sont éligibles, quel beau levier d’influence !

Entre l’impôt sur le revenu, les charges, les taxes foncières et les contraintes normatives, la rentabilité d’un logement mis en location dépasse rarement l’inflation. Ce n’est pas votre texte qui va améliorer les choses.

Je ne suis certes pas pour la confiance aveugle envers le marché et le privé, tant s’en faut, et je dénonce tout autant que vous la difficulté à se loger, la cherté des logements et le caractère scandaleux de certaines offres sur le marché. Mais l’État, s’il doit réguler, doit-il et peut-il pour autant tout prendre en charge et tout financer ? Les conséquences de la garantie universelle, par exemple, seront très probablement une déresponsabilisation et une hausse des impayés.

Quant au coût, vous le savez, il est très certainement sous-estimé dans votre projet : vous parlez de 700 millions aujourd’hui, quand de nombreuses personnes évoquent le double. Est-ce la méthode à retenir alors que vous cherchez péniblement quelques dizaines de millions d’économies dans les comptes pour retarder la faillite de nos finances publiques ?

Impossible pour la conscience d’extrême gauche qui habite toujours certains d’entre vous de mettre en place une mesure préventive et dissuasive.

La réalité est que, comme pour tout, il y a les bons locataires et les mauvais, les bons propriétaires et les mauvais. Les procédures de recouvrement sont à la fois longues, chères et incertaines, ce qui incite de nombreux bailleurs à ne plus louer leur bien. Dans le cas de particuliers, les impayés créent souvent des situations difficiles, voire de la précarité, notamment lorsque le bien loué a été acquis par emprunt ou constitue un complément de retraite.

Il serait souhaitable d’ajouter une meilleure information en amont des propriétaires, en créant par exemple un registre officiel des impayés locatifs, ouvert à l’ensemble des bailleurs. Il n’existe aujourd’hui que des initiatives privées, dont la consultation est souvent réservée aux professionnels de l’immobilier. Un registre national serait un outil mieux encadré, permettant de distinguer les personnes de mauvaise foi, coutumières de l’impayé, de celles qui connaissent des difficultés financières passagères.

Le Conseil d’État avait rappelé en 2004, à l’occasion d’un contentieux, les conditions imposées par la CNIL pour la validité d’un tel fichier. Il serait aisé de les reprendre.

Sur les logements sociaux, enfin, il aurait fallu profiter de l’occasion pour instaurer une véritable transparence. Mais chacun sait que le logement social, comme le montrent les affaires qui ont entaché la gestion de nombre d’offices HLM, est une boîte noire que certains élus aiment se garder pour monnayer leurs décisions et que certains partis ont utilisée pour leurs financements occultes.

Vous n’avez donc donné accès à personne au fonctionnement et au contenu de cette boîte noire, puisqu’il n’est prévu dans ce texte aucune publicité ni aucun accès à des informations permettant de comparer les dossiers des demandeurs et les attributions de logements. Le numéro unique est sans doute une idée intéressante, mais elle est malheureusement incomplète.

Alors que, au printemps, nous avons confié au Gouvernement le pouvoir de légiférer par ordonnances sur l’urbanisme, voici un texte supplémentaire qui ratisse large, de la reconnaissance de l’habitat participatif aux yourtes. Je m’interroge une nouvelle fois sur la force de la loi et son intelligibilité lorsque certains articles, notamment en matière de documents d’urbanisme, sont d’une telle complexité qu’ils en deviennent difficilement applicables pour beaucoup d’élus. Cela fera certainement le bonheur des bureaux d’étude, sans parler de l’opacité financière qui va avec. Mais, finalement, c’est presque à se demander si ce n’est pas ce que vous cherchez.

M. Gilbert Collard et M. Jacques Bompard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, ce texte d’ampleur s’inscrit dans la politique volontariste menée par le Gouvernement et sa majorité pour répondre à la crise du logement. Après les mesures pour lutter contre la hausse des loyers à la relocation, l’élargissement de la taxe sur les logements vacants, la loi de mobilisation du foncier ou encore les ordonnances sur les projets de construction, nous franchissons aujourd’hui une nouvelle étape, signe d’un engagement de longue date dans le combat mené par notre majorité.

Mieux se loger, mieux piloter les politiques publiques du logement et mieux urbaniser nos territoires, tel est le triptyque dont traite ce texte de quatre-vingt-quatre articles.

Lors d’un marathon estival de plusieurs jours, la commission des affaires économiques a déjà retravaillé et amélioré le texte, qui en est sorti renforcé. C’est l’occasion pour moi de saluer le travail de longue haleine de nos rapporteurs, et leur engagement pendant tout l’été, car eux n’ont pas eu de vacances.

Le texte étant particulièrement dense, je souhaite concentrer mon intervention sur le titre IV qui a trait à la modernisation des documents de planification et d’urbanisme. Pour le reste, j’approuve totalement toutes les dispositions de ce texte relatives à l’encadrement des loyers, à la garantie universelle et à la lutte contre les logements insalubres.

Le titre IV doit répondre à deux objectifs : moderniser les documents de planification et d’urbanisme et mieux les articuler entre eux pour qu’ils répondent aux enjeux de lutte contre l’étalement urbain et d’artificialisation des sols et permettent le développement d’une offre de logement plus dense.

L’urgence est réelle. Le rythme de l’artificialisation des terres progresse de façon inquiétante. Il faut se féliciter de la volonté gouvernementale d’endiguer ce phénomène par une réforme des règles d’urbanisme.

Selon moi, les réponses apportées face à l’urgence, dont nous partageons tous le constat, ne tiennent pas assez compte des réalités locales et tendent trop à uniformiser des pratiques sans les adapter aux spécificités de nos territoires.

Parmi ces spécificités, j’entends bien sûr celles de la montagne, qui ont été reconnues par la loi du 9 janvier 1985. Cette loi instaure, au nom de ces spécificités, le principe de l’adaptation des dispositions de portée générale. Je pense, madame la ministre, qu’elle doit être respectée dans sa lettre et son esprit.

Il s’agit d’abord du renforcement du SCoT, cet outil a fait ses preuves et permet une cohérence des politiques publiques territoriales. Renforcer la couverture du territoire en SCoT doit permettre de mieux penser la politique territoriale. Cependant les dispositions prévues dans le texte sont trop contraignantes et risquent d’entraîner une anémie locale, particulièrement dans les zones de rupture géographique telles que les zones de montagne. Ainsi il convient d’assouplir l’impossibilité d’ouvrir des nouvelles zones de construction pour les communes non couvertes par un SCoT. C’est l’objet d’un amendement que je défendrai.

De la même façon, l’inclusion d’au moins deux EPCI dans le périmètre de tous les SCoT n’est pas toujours possible en montagne en raison du relief et de handicaps naturels. Par conséquent, au nom de cette spécificité, il convient de modifier le texte.

Concernant la lutte contre l’étalement urbain, le texte initial prévoyait une préemption automatique des zones constructibles non couvertes au bout de neuf ans. Ce dispositif a été assoupli en commission suite à un amendement de la rapporteure.

On peut s’en féliciter. Cependant, il faut rester vigilant car le risque est grand pour les territoires de montagne que cette mesure ne paralyse toute possibilité de construction nouvelle dans des communes ou intercommunalités qui, souvent, ne bénéficient pas d’un rythme d’urbanisation régulier.

Dans les communes de montagne, l’émergence des projets peut prendre beaucoup plus de temps qu’en zone urbaine, et je sais que vous en avez conscience. Le relief, la nature des sols, les divers plans de prévention des risques et les zonages peuvent en être la cause. C’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’adapter les règles d’urbanisation aux réalités géographiques.

De la même façon, la suppression, à l’article 66, de deux dispositions dérogatoires du code de l’urbanisme ne me paraît pas pertinente. Ces dispositions strictement encadrées permettent, à titre exceptionnel, des constructions sur le territoire de communes sans enjeux fonciers et non dotées de documents d’urbanisme. Il faut maintenir ces exceptions, d’application d’ores et déjà très limitée, mais dont la portée est utile en termes de développement local. Il est essentiel que la spécificité des territoires de montagne soit intégrée dans ce titre IV.

Par ailleurs, l’assouplissement de la transformation automatique des PLU en PLUI votée en commission est un signe fort envoyé aux territoires ruraux et de montagne. Il faut que l’État continue d’accompagner ces territoires dans cette évolution majeure. Le délai supplémentaire accordé aux communautés de communes va dans le bon sens.

Enfin, je souhaite évoquer la taxe sur les logements vacants. Des avancées importantes ont eu lieu grâce à vous, notamment par l’abaissement du seuil à 50 000 habitants. Mais il faut aller plus loin dans la future loi de finances, et peut-être supprimer toute notion de seuil afin de permettre aux territoires ruraux et de montagne de la mettre en œuvre.

Voilà, madame la ministre, les points que je souhaitais soulever en début de discussion, tout en saluant les avancées de ce projet de loi ambitieux, innovant et courageux qui bouscule des situations acquises et spéculatives au profit de nos concitoyens qui vivent des situations dramatiques de non-logement de mal logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé.

M. Jean-François Copé. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les présidents et rapporteurs,…

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Madame et messieurs les rapporteurs !

M. Jean-François Copé. Pardon. Madame et messieurs, veuillez m’excuser.

La politique du logement a toujours constitué, pour les décideurs politiques, une marque de fabrique, de différenciation. Derrière ces décisions, ce sont des quartiers et des villes qui se transforment, et surtout des vies d’hommes et de femmes qui changent et s’améliorent.

M. Jean-Paul Bacquet. Jusque-là nous sommes d’accord !

M. Jean-François Copé. Je dois vous dire, madame la ministre, qu’après avoir lu votre texte comme tous mes collègues et amis du groupe UMP, je n’ai qu’une certitude : les mesures que vous imposez sont tellement démagogiques que vous allez aggraver les problèmes en matière de logement et certainement pas les résoudre.

M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Pour ce qui est de la démagogie, nous avons affaire à un connaisseur !

M. Jean-François Copé. Je déplore ce train de mesures, toutes plus idéologiques les unes que les autres. Plutôt que de viser l’efficacité, vous avez privilégié l’affichage politique. Ce sera dramatique pour les grands équilibres du logement en France.

Permettez à quelques acteurs de terrain de venir vous le dire. Bien sûr, vous n’allez pas y renoncer. Mais vous nous aurez au moins entendus et nous aurons pris date.

Alors qu’il faut provoquer un choc de l’offre et favoriser la construction de logements, vous vous en prenez à celles et ceux qui seraient en mesure de contribuer à ces objectifs, c’est-à-dire les propriétaires et les investisseurs. « La propriété, c’est le vol » devine-t-on en filigrane de vos propositions. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Qui parlait de démagogie ?

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Tout en nuance !

M. Jean-François Copé. Vous connaissez cette phrase célèbre de Proudhon. D’ailleurs, il l’a sans doute trouvée si stupide qu’il l’a ensuite corrigée pour dire que la propriété, c’est la liberté. J’ajouterai que c’est également une garantie contre un État collectiviste. Et les relents de ce que vous évoquez nous le rappellent.

Avec l’encadrement des loyers dans les zones tendues, allez-vous créer un logement de plus ? Non. Au contraire, l’encadrement des loyers va renforcer la pénurie de logements, car vous découragez l’investissement dans les biens locatifs. C’est la fausse bonne idée par excellence.

Avec le meccano administratif de la garantie universelle des loyers, allez-vous encourager l’investissement locatif ? Non. Vous allez créer une taxe de plus pour le propriétaire et le locataire. Au motif de régler les dysfonctionnements de 2 % du marché, vous allez taxer 100 % des propriétaires et des locataires.

J’ajoute que le bilan de cette première année n’est pas bon en matière de construction, puisque les mises en chantier de logements neufs ont reculé de 18 % par rapport aux douze mois précédents. Je ne souhaite pas que cette dégringolade se poursuive ; or toutes les mesures que vous proposez vont décourager les propriétaires et les investisseurs. C’est la raison pour laquelle, comme l’a parfaitement rappelé notre porte-parole Jean-Marie Tetard, l’UMP rejettera ce projet de loi.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Il était plus nuancé !

M. Jean-François Copé. Je veux dire aussi qu’il est un dispositif sur lequel vous aurez notre soutien : Il s’agit du dispositif visant à lutter contre l’habitat indigne. Si j’ai souhaité prendre la parole ce soir sur ce point précis, c’est parce que j’ai voulu porter témoignage devant notre assemblée.

Au passage, je veux dire ici devant celles et ceux qui ont mis tant d’acharnement à le supprimer que l’exercice conjoint d’un mandat exécutif local et d’un mandat parlementaire peut parfois prendre tout son sens dans des assemblées où l’idéologie a tendance à prendre le pas sur tout le reste.

En tant que maire de Meaux, j’ai toujours agi pour endiguer les pratiques indécentes de ceux que l’on appelle les marchands de sommeil, et en tant que législateur, il me paraît indispensable de prendre en compte le retour de ces expériences menées au niveau local.

Mme Véronique Louwagie M. Guillaume Chevrollier et M. Jacques Bompard. Très bien !

M. Jean-François Copé. La réalité est abrupte, mais nous ne devons pas craindre de l’affronter. Dans nos villes comme dans nos villages, les poches d’insalubrité persistent. Nous devons déclarer une véritable guerre à ceux qui tolèrent de faire vivre des familles dans des logements dont ils sont propriétaires et qui sont de véritables taudis. Il n’est pas acceptable que certains profitent de la misère d’autrui.

Dans le même temps, il ne s’agit pas de mettre à l’index tous les propriétaires. L’écrasante majorité d’entre eux sont des propriétaires responsables qui gèrent bien leur patrimoine immobilier, dans le respect de ses occupants.

Mais il nous faut être fermes à l’égard de ceux qui s’affranchissent des règles élémentaires de décence et qui louent très cher de véritables cagibis à des familles souvent désespérées, mettant ainsi en péril leur santé, et parfois même leur vie.

Je parle ici d’expérience. C’est un domaine dans lequel toutes celles et ceux qui exercent les fonctions de maire peuvent témoigner que la mobilisation doit être sans faille.

M. Jean-Paul Bacquet. Et de l’inefficacité de l’administration !

M. Jean-François Copé. Comme beaucoup d’autres, je n’ai jamais cessé de déployer des outils incitatifs pour aider les propriétaires à rénover leurs logements. Mais à l’inverse, il faut mettre les dispositifs les plus contraignants en place pour les propriétaires qui ne jouent pas le jeu.

M. Jean-Paul Bacquet. Et contraignants pour les préfets !

M. Jean-François Copé. De ce point de vue, les propositions que vous formulez dans le titre II méritent que l’on s’y attarde. Que l’EPCI puisse devenir, comme le propose l’article 41, l’acteur unique de la lutte contre l’habitat indigne est une bonne mesure. Les intercommunalités interviennent de plus en plus souvent de manière concrète dans la vie des Français, et il est parfaitement logique que le logement ait toute sa place au cœur de leurs actions. Il faut un pilote dans l’avion.

Mais il me semble que la majorité qualifiée pourrait avantageusement remplacer l’unanimité requise dans votre texte, qui est bien souvent source de blocage.

Il est de la responsabilité de chaque président d’intercommunalité de ne pas agir en autocrate, et dans ce domaine la majorité qualifiée permettra l’efficacité. J’ajoute que le respect de chaque commune, le travail étroit avec les élus quelle que soit leur sensibilité politique doit permettre de trouver à chaque fois des solutions.

Un établissement de coopération intercommunale pourra également bénéficier du transfert des pouvoirs de police spéciaux du préfet en matière de logement, mais à condition d’être délégataire des aides à la pierre. Cela pose problème. Comment exercera-t-il cette compétence en pratique ? La collectivité qui deviendra gestionnaire percevra-t-elles des compensations financières ?

Vu de la désastreuse expérimentation des rythmes scolaires, et l’arnaque financière qui est en train de se profiler, je préfère poser tout de suite les mauvaises questions.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est vrai !

M. Jean-François Copé. Voilà, madame la ministre, ce que je souhaitais vous dire ce soir. C’est à la fois un message d’alerte fort au Gouvernement sur des mesures que nous considérons comme très dangereuses pour l’avenir du logement en France si elles venaient à être mises en œuvre ; et un message de fermeté à l’égard de ces marchands de sommeil dont l’action doit être entravée.

Vous l’avez compris : je vous invite à profiter des discussions qui se profileront tout au long du titre II, et je prédis qu’il régnera alors un certain consensus entre gauche et droite, très temporaire mais tout de même réel. Pour le reste du texte, nous serons dans une opposition d’autant plus ferme que je crois vraiment que vous entraînez notre pays sur une bien mauvaise pente. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur et madame les rapporteurs, chers collègues, à première vue, le projet de loi comporte une bonne nouvelle : nous y observons un semblant de protection pour les propriétaires. En effet, en cas de loyer impayé, il leur donne quelques garanties.

Mais en réalité, il dresse les locataires contre les propriétaires, alors que les uns ont besoin des autres et réciproquement. La nécessaire complémentarité des uns et des autres ne doit pas devenir la guerre ; or je crains que cette dérive soit inscrite dans ce projet de loi.

Certes, nous l’avons dit, quelques petits pas sont faits en faveur des bailleurs. Mais ce qui leur est accordé d’un côté leur est retiré de l’autre. Dans le projet de loi, il est dit que les frais d’agence seront très allégés pour les locataires. Cependant, il faut bien que quelqu’un paie les honoraires ! Seuls coûteront au locataire l’état des lieux et les frais de contrat, qui seront partagés à part égale avec le bailleur ; le reste des frais d’agence sera donc payé par le propriétaire. Aussi les conséquences risquent-elles d’être importantes pour les agences immobilières, qui verront leurs clients les abandonner au profit d’annonces gratuites.

Les locataires mauvais payeurs seront encore plus surprotégés, et ce d’une manière totalement disproportionnée par rapport à ce qui est offert aux propriétaires de logements à louer. En cas d’impayés, une protection tangible leur sera accordée, alors qu’ils sont déjà quasiment inexpulsables de fait des logements qu’ils occupent.

La justice, c’est l’équilibre. Or vous créez de fait un impôt nouveau de 1,5 % pour tous les locataires au bénéfice de 3 % de mauvais payeurs, comme si les Français, déjà accablés de taxes en tous genres, avaient encore besoin d’un nouvel impôt !

Ainsi, le Gouvernement se plaint de la pénurie de logements en France, et pourtant il décourage les propriétaires de mettre sur le marché leurs logements vides ou d’investir. Certes, le projet de loi propose d’encadrer les loyers pour protéger les locataires. Mais est-ce que des propriétaires de biens à louer, qui subissent déjà de forts impôts sur les revenus fonciers et sont confrontés à des locataires inexpulsables, auront vraiment envie de louer ? Ainsi, à terme, ce sont aussi les locataires que vous pénalisez en provoquant artificiellement la pénurie des logements et, par suite, l’augmentation des loyers.

Surtout, le problème traité n’est pas le bon. Si les prix sont si élevés, ce n’est pas tant à cause d’une pénurie d’offre que de l’arrivée continue d’une population assoiffée de redistribution sociale qui vient grossir la demande sans discontinuer.

Le titre IV du projet de loi est encore plus révélateur de l’idéologie déconnectée du réel soutenue par le Gouvernement. Le texte parle de la construction d’habitats participatifs regroupant des « ménages mutualisant leurs ressources pour concevoir, réaliser et financer ensemble leur logement, au sein d’un habitat collectif ». Il accole à cet objectif des valeurs comme « la solidarité, la mixité sociale, l’habitat sain et écologique », ainsi que la mutualisation des espaces. Il y aura certes une certaine solidarité, mais non pas entre les différentes couches sociales – ne rêvez pas ! Ces habitats ne feront que renforcer un communautarisme allant à l’encontre de toutes les valeurs républicaines. Au contact de populations communautarisées, trop nombreuses et grandissant chaque jour, qui ne s’intègrent pas et qui rejettent les valeurs de la France, les familles françaises traditionnelles devront partir (Exclamations sur quelques bancs des groupes SRC),... comme c’est déjà le cas pour toutes celles dont la vie est rendue insupportable dans les cités.

M. Paul Molac. Quelle paranoïa !

M. Jacques Bompard. Le Gouvernement accélère donc le processus de ghettoïsation. Est-ce là la mixité sociale qu’il dit espérer ? Voilà les résultats du regroupement familial et d’une politique immigrationniste inconsidérée.

À plusieurs reprises, il est fait mention dans le texte de la lutte « contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées ». Certes, il faut combattre cela, mais à aucun moment il n’est évoqué le fait que ces habitats sont quelquefois dégradés par des populations qui ne prennent aucun soin de leurs habitations.

Ce projet réaffirme également la volonté de créer 150 000 logements sociaux supplémentaires par an alors que, selon les statistiques, 3 à 8 % des logements sociaux – selon les départements – sont inoccupés.

Le problème le plus grave concerne les sanctions à l’encontre des communes qui ne compteront pas 25 % de logements sociaux, et qui seront taxées si elles ne peuvent se plier à la loi. Voilà de quoi pénaliser encore plus les communes qui ont déjà du mal à s’en sortir ! Et comment pouvez-vous encore prétendre stimuler la construction de logements alors que vous faites tout pour décourager les propriétaires bailleurs ?

En fin de compte, ce projet de loi visant à « mettre en œuvre une stratégie globale, cohérente et de grande ampleur » se révèle désastreux pour les propriétaires et les locataires, tout en accélérant le communautarisme. Sont-ce là les buts réellement poursuivis par le Gouvernement, madame la ministre ?

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, dans la position qui est la mienne, ce sera un jeu d’enfant de gagner le concours du moins sectaire !

Justement, un de mes enfants me demandait dimanche sur quel sujet je travaillais en ce moment. Je lui ai répondu que je travaillais sur l’urbanisme. Puisqu’il me fallait définir l’urbanisme, j’ai affirmé qu’il s’agissait de l’art de la limite – la limite entre nous et notre voisin, entre l’espace public et l’espace privé, entre le pouvoir du puissant et le souci du plus faible, entre les goûts des uns et des autres, mais aussi entre l’impatience de l’époque et le respect de la génération future.

M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Dominique Potier. Cela, je crois que nous le partageons tous ! Et nous savons tous, par expérience et par conviction, que le coût de la planification n’est rien comparé à celui de l’absence de planification, et que nous devons, après des décennies de décentralisation heureuse, parfois joyeuse mais aussi parfois désinvolte et désordonnée, retrouver ce sens de la planification.

Tout cela, nous le partageons. La seule question posée aujourd’hui par ce bel et grand projet de loi est : à quelle distance faut-il fixer la limite ? Le temps est venu de rompre avec les limites du cadastre communal tel que nous le connaissons depuis la Révolution. Il est temps de rompre avec les limites de ce cadre communal du cadastre strict, parce que la vie a changé. Elle a changé à de multiples époques, mais ses mutations se sont accélérées – Fernand Braudel l’a décrit pour les siècles passés. Ces trente dernières années, nous avons vu la mutation de nos territoires, la mobilité des habitants et des citoyens ; nous avons vu naître un monde nouveau. Il faut désormais regarder la vie comme elle va, regarder le cours des ruisseaux comme le chemin des écoliers, regarder les trames vertes et bleues comme le maillage de nos parcs d’activités, regarder la vie comme elle va, regarder comment les citoyens, dans leur parcours de santé ou leur parcours résidentiel, épousent dans leurs mouvements le corps d’un territoire devenu intercommunal.

M. Jean-Paul Bacquet. Vous êtes un poète !

M. Dominique Potier. La vie est ainsi. La vie des citoyens, des hommes et des femmes, a changé d’échelle. C’est pourquoi il faut réformer l’échelle de décision.

M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Dominique Potier. Ne pas prendre ces changements en compte, c’est continuer le gaspillage de deux biens extrêmement précieux. C’est gaspiller le capital nature – le foncier alimentaire et le foncier biodiversité –, mais également un autre bien tout aussi précieux : l’argent public qu’un certain désordre contribue, par des compétitions vaines et stériles, à dépenser sur nos territoires par manque d’ordonnancement et de coordination.

Ne pas réformer et ne pas prendre aujourd’hui des décisions courageuses, c’est également continuer à laisser – ne soyons pas hypocrites, regardons les choses en face pour les petites communes ! – le marché immobilier et les bureaux d’études privés tenir les clés du futur. Oui, il nous faut aujourd’hui changer de cadre et accepter de penser l’urbanisme à une échelle différente.

Mais il y a une autre erreur que nous pourrions commettre : celle de créer un urbanisme intercommunal qui ne s’appuie pas sur la commune, sa proximité, sa sensibilité, sa capacité d’innovation à taille humaine. Mettre de la cohérence, ce n’est pas créer de l’uniformité partout. Je citerai ici Edgard Pisani, un grand serviteur de l’État s’il en est : « Il n’y a pas d’unité possible qui ne respecte la diversité, il n’y a pas de diversité viable pacifiquement qui ne soit en quête d’unité. »

Je refuse donc de choisir entre deux collectivités : la commune ou l’intercommunalité. Le PLUI, ce sera à la fois la commune et l’intercommunalité.

M. Philippe Bies, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Dominique Potier. C’est le sens des amendements que nous avons, dans la bonne humeur et le dialogue, réussi à porter pour trouver, avec le temps, le chemin de ce dialogue dans le bloc commune-communauté qui forme un territoire et constitue le duo gagnant des années qui viennent. Aux communautés de fixer le cadre, aux communes d’être le creuset d’un nouvel urbanisme. Je refuse les clivages et les caricatures qui font des unes les espaces vertueux et des autres les territoires des conservateurs. La réalité déjà en mouvement pour 3 000 communes et pour 8 % du territoire national, c’est l’intercommunalité en marche en matière d’urbanisme. Il est archaïque d’opposer ces deux échelles ; il est moderne d’additionner leurs intelligences au service de causes communes et de sortir des postures actuelles qui sont autant d’écueils.

Mes chers collègues, en dépassant les limites héritées de la Révolution, nous serons fidèles à son esprit dans l’expression du droit du sol et nous poursuivrons, en confiant le dessin du territoire à la coopérative des communes, une partie de la promesse républicaine qui consiste à faire de l’espace un bien commun. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous avez souvent blâmé la précédente majorité en l’accusant de vouloir aller trop vite dans ses réformes. Ce que l’on ne pourra pas reprocher à cette majorité-ci, c’est son excès de prudence vis-à-vis de la continuité du droit. Après avoir déboulonné le droit de la filiation, écorné les principes de bioéthique, écrasé nos concitoyens sous un matraquage fiscal sans précédent,…

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Sans précédent ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, sans précédent, madame !

…le Gouvernement s’attaque à refonder, dans le même texte, la loi de 1989 sur les rapports locatifs, le droit de l’urbanisme et des dispositions sensibles importantes relatives à l’expulsion, la planification et la gouvernance de l’accès au logement. En bref, en lieu et place de plusieurs textes sur chaque sujet d’envergure, il nous faut aujourd’hui débattre d’un pavé indigeste et mal construit.

Pourtant, il y a du bon dans ce projet et, pour une fois, pas seulement dans l’intention ! Ainsi en est-il de la lutte contre les marchands de sommeil : ce sujet fait largement consensus.

S’agissant de la modernisation des documents de planification et d’urbanisme, attention aux excès en la matière ! Madame la ministre, quelle place laissez-vous aux maires et aux conseils municipaux dans chaque commune pour décider de leur avenir ?

Vous avez indiqué devant la commission des affaires économiques que ces questions d’aménagement du territoire, d’urbanisme et de logement sont au cœur du pacte républicain, parce que la société s’organise nécessairement dans un espace de vivre-ensemble. Qu’en sera-t-il des concurrences locales dans le cadre de l’intercommunalité ? Par exemple, dans la circonscription du Haut-Jura où je suis élue, c’est le parc naturel qui définira le document d’urbanisme collectif. Dans plusieurs départements, dans plusieurs circonscriptions, une volonté farouche des élus sera nécessaire pour trouver des consensus ; je ne suis pas certaine que nous aurons réellement avancé en matière d’urbanisme.

M. Xavier Breton. Tout à fait !

Mme Marie-Christine Dalloz. Une fois n’est pas coutume, sur des sujets comme celui des marchands de sommeil que j’ai évoqué tout à l’heure, je suis pourtant d’accord avec vous. Oui, il faut des règles pour permettre à chacun de trouver sa place, décente et raisonnable. Mais pourquoi insister si lourdement pour priver les individus de leur liberté contractuelle ? Sommes-nous devenus collectivement et juridiquement des incapables pour que l’on encadre de manière systématique ici le contrat de bail, là l’ensemble des copropriétés de France ?

Sachons raison garder. Une garantie universelle des loyers, pourquoi pas ? Mais il faut également statuer sur le cautionnement, dont la sûreté est plus large que celle qu’offre la GUL. Ces deux garanties sont-elles exclusives l’une de l’autre ? Qui va finalement payer la GUL ?

Encadrer les loyers, sur le papier, c’est une trouvaille. Dans la réalité, c’est inique et ridicule. Ceux qui louent moins cher que le marché devront-il augmenter leur prix pour se positionner dans une fourchette arbitraire, que vous aurez définie ? Dans un même immeuble, un logement délabré et un autre refait à neuf devront-ils se louer au même tarif ? Proposez-vous du cas par cas, et son lot de création de postes de fonctionnaires ?

Il me semble que ce texte risque surtout de décourager bailleurs et investisseurs. L’encadrement des loyers est utopique.

Concernant les modifications profondes du droit de l’urbanisme, vous ne procédez pas à de réelles simplifications alors que vous vous en étiez fait les chantres.

Le code de l’urbanisme est peut-être le plus difficile à manier tant il a subi de réformes. Ce texte vient encore ajouter de la confusion. Dès lors, il est impératif de procéder à une analyse approfondie de l’ensemble de ses articles afin d’élaguer et éclaircir ce pan du droit extrêmement technique mais essentiel à l’organisation territoriale. On ne peut traiter cette question au travers d’un titre IV d’un projet comptant 86 articles.

Je tiens avant tout à vous dire, madame la ministre, que légiférer sur le logement ne revient en aucun cas à créer du logement social. Et ce qui pose problème aujourd’hui, c’est bien votre bilan en matière de logements sociaux.

Ce texte ne peut pas faire l’objet d’un consensus. Il comporte trop d’imprécisions, trop de dénis de la liberté contractuelle comme de la réalité économique et territoriale pour que nous puissions le voter en l’état. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Madame la ministre, à l’aune de nos discussions depuis le mois de juillet et du travail accompli en prévision de l’examen en séance publique, je suis particulièrement confiant dans le bon déroulement de nos échanges à venir et dans la capacité de votre texte à réaliser son ambition. Je vous en félicite par avance.

Ce texte est effectivement particulièrement ambitieux car il s’attaque, peut-être pour la première fois, à la question du logement et de l’accès à celui-ci dans sa plénitude : urbanisme, rapports locatifs, attribution de logements sociaux, encadrement des professionnels de l’immobilier, garantie des loyers, lutte contre les marchands de sommeil ou encore lutte contre l’habitat insalubre et indigne.

C’est sur ces derniers points que j’insisterai.

Des dizaines de milliers de Français sont en attente d’un logement social, parfois depuis près de dix ans, et nombre d’entre eux, en difficulté, finissent par tomber entre les griffes des marchands de sommeil. Ceux-ci les logent dans des immeubles insalubres, indignes et dangereux, à des tarifs prohibitifs. Il s’agit là d’un fléau que nous devons éradiquer afin de protéger nos concitoyens les plus fragiles.

Nous avons réalisé des avancées en commission, d’autres amendements viendront en séance, notamment pour venir élargir le droit de préemption des communes sur les cessions de parts de sociétés immobilières, forme d’organisation particulièrement appréciée des marchands de sommeil.

En matière de lutte contre l’habitat indigne et insalubre, je note la qualité de nos échanges sur les problématiques liées aux pouvoirs de police de l’habitat. Je veux souligner surtout la mise en place possible d’une autorisation et d’une déclaration préalable de mise en location sous certaines conditions, appuyée par deux amendements qui seront examinés en séance. Ces propositions sont le fruit d’un travail approfondi entre vos services, les rapporteurs, mes collègues Mathieu Hanotin et Jean-Luc Laurent et moi-même. J’invite l’ensemble de mes collègues à les soutenir.

Je défendrai également plusieurs amendements sur les politiques de peuplement et les procédures d’hébergement d’urgence. Nous devons être certains de pouvoir offrir à nos concitoyens des solutions d’hébergement ou de relogement dans des conditions satisfaisantes sur l’ensemble du territoire. C’est une tâche lourde et complexe, en particulier en zone tendue, mais cela doit être notre objectif et je sais que vous vous êtes engagée à le réaliser.

Cela étant, nous ne pouvons pas non plus accepter que certaines collectivités ou certains établissements publics à vocation sociale, par des mécanismes tels que la location d’hôtels en dehors de leur territoire de compétence, participent à la concentration de la misère dans les territoires les plus en difficulté de la République, au point que les communes concernées ne disposent plus des moyens de faire face aux besoins légitimes de leurs populations.

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

M. François Pupponi. Le cœur de l’égalité des territoires, c’est la solidarité entre ceux-ci, d’une part, et entre l’État et les territoires, d’autre part. Afin de réaliser l’ambition qui est la vôtre et la nôtre à travers ce texte, nous devons lutter contre ces phénomènes de concentration.

Je proposerai ainsi plusieurs amendements sur ces problématiques, en cohérence avec les grandes lignes du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine présenté par François Lamy, et je suis certain, madame la ministre, que vous manifesterez à leur égard un intérêt bienveillant. Avec plus de 250 amendements non-rédactionnels adoptés en commission, dont une partie non-négligeable issue des bancs de l’opposition, vous avez permis à la représentation nationale de prendre toute sa place dans la construction de ce texte et je vous en remercie.

Je tiens à noter particulièrement les échanges fructueux qui furent les nôtres autour de la problématique spécifique des règles d’urbanisme sous plan d’exposition au bruit à Roissy, problématique à laquelle vous avez apporté une solution attendue depuis plusieurs années.

Pour reprendre vos paroles, madame la ministre, je suis prêt avec mes collègues du groupe SRC à donner vie à ce texte ambitieux et nécessaire pour qu’enfin, l’accès à un logement digne et financièrement abordable soit une réalité pour tous dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite aborder deux points de cette loi si dense qui ont à voir entre autres choses avec la compétence qu’exercent aujourd’hui les maires en matière de logement, sujet à propos duquel ils sont sollicités quotidiennement par des habitants qui recherchent ou quittent un logement, construisent, rénovent ou agrandissent. Il en va de même pour l’urbanisme qui implique d’aménager, de zoner, de protéger, de valoriser, de réglementer. Tout cela absorbe une grande part de l’énergie des maires et, bien souvent, les passionne. Il y a peu de compétences qui exigent autant d’eux que le logement et l’urbanisme.

Qu’ils soient à la tête de petites ou de grandes communes, comportant des services dédiés ou non, la plupart des maires passent un temps fou à analyser finement les projets qu’on leur soumet ou qui émanent de leur conseil municipal. Un maire d’une commune de 1 500 habitants – rappelons que 87 % des communes comptent moins de 2000 habitants – m’a ainsi avoué qu’il y consacrait la moitié de son temps.

C’est que la chose est importante. On le sait, les maires sont des bâtisseurs. Ils sont aussi les meilleurs connaisseurs qui soient de leur territoire. Ce sont eux qui façonnent son visage et en forgent l’identité, compétences qui leur procurent une légitime fierté malgré les efforts consentis pour examiner les projets et débusquer les problèmes, notamment au plan de la réglementation et de l’acceptation du voisinage. Les maires ont ainsi le sentiment de faire œuvre utile quand le résultat est satisfaisant.

La gestion harmonieuse de l’espace communal est la première des responsabilités d’un maire. Comme le résume joliment l’orateur de notre groupe sur ce projet de loi, Jean-Marie Tetart, un PLU, ça se mérite.

Dans certaines communes rurales qui ont beaucoup perdu – écoles, services, commerces – ou beaucoup délégué à l’intercommunalité, l’urbanisme est l’une des dernières compétences qui donne aux maires le sentiment d’agir pour la commune et ses habitants. C’est pourquoi son transfert de plein droit aux intercommunalités suscite chez eux un tel rejet. Elle est vécue comme un signe de défiance et même de mépris à l’égard de la fonction de premier magistrat, beau terme que vous contribuez à vider de sa substance.

L’idée de ne penser l’urbanisme qu’à la seule échelle communale n’est pas non plus acceptable, j’en conviens. Les bassins de vie se sont dilatés, on vit ici, on travaille là. Envisager l’espace de façon plus large a sa pertinence, sur le plan des mobilités par exemple. Mais l’imposer autoritairement comme vous le faites n’est pas acceptable. Cela suscite des interrogations sur le plan du droit. Les communes sont des collectivités, pas les intercommunalités. Elles s’administrent librement. Toucher au droit du sol, c’est toucher à une compétence maîtresse.

Pour moi, le principe de l’intercommunalité consiste à faire mieux ensemble que ce que l’on ferait moins bien isolément. Est-on sûr que les choses seront mieux pensées et mieux organisées à l’échelon intercommunal ? Comme le souligne l’Association des maires de France, ce transfert obligatoire repose sur un dogme selon lequel l’intercommunalité serait nécessairement vertueuse à la différence de ses communes membres prises isolément, ce qu’aucune étude ne vient confirmer.

Vous avez, madame la ministre, justifié par les économies réalisées ce transfert automatique de la compétence liée aux PLU aux communautés. Un seul PLUI dégagerait des moyens pour exercer ces compétences. Permettez-moi d’exprimer le plus grand scepticisme.

Cet argument financier ne résiste par à l’analyse. Le coût d’un PLU, certes élevé, est aussi fonction du périmètre de l’étude. Un PLUI est nécessairement plus coûteux et plus complexe car il ne saurait consister en une addition de plusieurs PLU.

Vous affirmez que cela dégagera des moyens pour exercer cette compétence. Là on touche au fonctionnement, à des emplois qualifiés, donc coûteux et pérennes, quand la réalisation d’un PLU est ponctuelle et imputable à l’investissement. L’argument financier ne tient pas.

Vous affirmez par cette loi vouloir innover. J’aurais trouvé beaucoup plus innovant que vous suiviez le conseil du président de l’ordre national des architectes, Lionel Carli : il appelle à la prudence pour ne pas répéter les erreurs du passé grâce à un « diagnostic urbain, architectural et paysager ». Cet aspect est trop absent de votre projet de loi.

Le deuxième sujet que je souhaite évoquer concerne le rôle des maires en matière de logement social. Là encore, plusieurs dispositions inquiètent. Je trouve choquant l’éviction des communes. Les maires, simplement consultés pour avis, ne participent pas à l’élaboration du plan partenarial de gestion de la demande de logements sociaux. Ils sont exclus aussi du dispositif du comité d’orientation lié au système d’enregistrement de la demande. Les EPCI sont désignés compétents en matière d’habitat comme premier échelon de rattachement des offices publics de l’habitat.

Mais quand les problèmes surgissent dans des immeubles sociaux – problèmes techniques quand ceux-ci sont vétustes ou dégradés, problème de voisinage –, qui croyez-vous que l’on va chercher ? Le maire, madame la ministre, au titre des pouvoirs que la loi lui laisse encore. Comment voulez-vous que les maires acceptent d’être exclus de la programmation tout en se voyant attribuer la part congrue, la plus compliquée, de la gestion ?

Quant à l’amélioration des droits du demandeur, le dossier unique, la gestion centralisée sont des avancées. Mais méfions-nous du dogme de la transparence qui frappe à nouveau. Vous avez une vision trop technocratique d’une gestion informatisée qui placera le demandeur en situation permanente d’exiger ce sur quoi il sera informé en temps réel. Le maire, bon connaisseur de sa population, garant de l’équilibre souvent fragile des peuplements, doit avoir son mot à dire. Bien sûr, il est présent dans les commissions d’attribution, mais j’aurais souhaité que sa place soit renforcée tant son rôle est important.

Il sait apprécier la complexité des situations. Vous en avez convenu, madame la rapporteure, lorsque vous avez rejeté en commission un amendement relatif à l’anonymat du demandeur, qui serait l’étape ultime d’une gestion en aveugle infiniment dangereuse en ce sens que l’on substituerait des numéros de dossier aux personnes et aux situations humaines. Qui mieux que le maire tant de fois appelé à réparer des liens sociaux dégradés, fin connaisseur de la ville et de ses habitants, peut préserver la paix sociale ?

Cette loi, mes chers collègues, s’inscrit dans une liste qui s’allonge de textes portant atteinte aux communes, qui sont souvent les derniers services de proximité dans nos territoires. Par cette loi, vous dépossédez le maire d’une compétence qu’il exerce scrupuleusement et avec un dévouement exemplaire. Notre territoire y gagnera-t-il en qualité ? Rien n’est moins sûr. On a le sentiment que vous avez décidé de liquider un ordre ancien. Votre postulat est qu’un nouveau monde doit advenir dans lequel n’ont plus leur place les cantons à taille humaine, les communes, cellules de base de la société, privées progressivement de moyens financiers et de députés-maires ou de sénateurs-maires, seuls mandats pour lesquels les cumuls sont interdits quand à peu près tous les autres sont permis, notamment s’agissant des activités privées lucratives.

L’Association des maires de France dénonce l’accumulation de mesures visant à la suppression des communes. Les maires sauront sans doute vous le faire savoir, madame la ministre, lors de leur prochain congrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce texte qui nous occupe aujourd’hui est essentiel tant il apporte des réponses efficaces pour résoudre la crise du logement qui sévit en France après des années marquées par l’absence de régulation du marché de l’immobilier et l’absence de mesures pour enrayer la hausse continuelle et trop importante des loyers et des prix des logements.

Est-il utile de rappeler ce constat alarmant ? Pas moins de 3,6 millions de Français sont aujourd’hui mal logés, 1,7 million sont en attente d’un logement social, et 3,8 millions de ménages vivent en situation de précarité énergétique. Les dépenses de logement dans le parc privé explosent. Les loyers à la relocation ont été multipliés par deux dans les zones très tendues ; 495 000 ménages sont en situation d’impayés de loyer et environ 150 000 demandes de bailleurs pour défaut de paiement de loyers sont traitées chaque année. Voici la triste réalité du logement en France.

Aussi, pour permettre aux Français de se loger dignement, le Président de la République, dans la continuité de son action en faveur du logement menée dès juillet 2012, a-t-il présenté un plan en vingt mesures en faveur de l’investissement pour le logement.

Votre projet de loi ALUR, madame la ministre, s’inscrit pleinement dans cette feuille de route. Il concrétise l’idée que le logement n’est pas une marchandise comme les autres et que l’intervention de la puissance publique est donc non seulement légitime, mais nécessaire.

Il s’agit d’abord et avant tout de rétablir l’égalité d’accès au logement, de réguler le marché, de protéger les différents acteurs, et d’encourager les innovations et les nouvelles pratiques durables.

Après des débats intenses et constructifs en commission, une centaine d’amendements ont été adoptés afin de parfaire ces réformes tant attendues.

Les débats qui se poursuivent aujourd’hui permettront, j’en suis sûre, de poursuivre cette co-élaboration législative constructive entre le Gouvernement et le Parlement.

Nombre de mes collègues ont déjà parlé des trois premiers titres, relatifs au logement. Je souhaiterais, pour ma part, m’attarder sur le titre IV relatif à la modernisation de l’urbanisme, dans une perspective de transition écologique des territoires, et insister, en tant qu’élue d’un territoire de montagne, sur l’importance de ne pas négliger le monde rural quand on parle d’urbanisme.

Qu’il s’agisse de planification stratégique, de modernisation des documents d’urbanisme, de lutte contre l’étalement urbain ou de politique foncière, la modernisation et la simplification des règles deviennent nécessaires ; c’est pourquoi je me réjouis que le projet de loi intègre ce titre IV.

Les terrains viables en montagne sont rares, compte tenu de l’importance des espaces rendus inconstructibles par leur exposition aux risques naturels ou leur mise en réserve au profit de l’activité agricole, ou encore leur couverture par un régime spécifique de protection des espaces naturels.

La « loi Montagne » de 1985, à l’origine de quelques règles nationales d’urbanisme propres à la montagne telles que l’obligation de construire en continuité ou l’application d’une procédure spécifique pour les projets d’unités touristiques nouvelles, permet de tenir compte de ces spécificités. Cette mesure de protection reste toutefois diversement appliquée selon les interprétations des administrations locales.

Je me permets d’ailleurs de souligner certaines dérives qui vont à l’encontre de l’esprit du législateur de 1985, en interdisant parfois le développement durable et mesuré de petits villages ruraux et de montagne en lutte contre la désertification rurale et pour le renouvellement des générations. Ce texte peut y remédier.

Pour revenir à nos débats, des amendements ont été adoptés en commission afin d’améliorer l’article 58 relatif aux SCoT, article qui clarifie l’échelle d’élaboration du SCoT et renforce le principe d’urbanisation limitée en l’absence de SCoT.

Mais en séance, je veillerai à ce que l’on tienne davantage compte des zones très rurales et à ce qu’une dérogation soit accordée aux communes confrontées à une rupture géographique due au relief, pour lesquelles une ouverture de nouvelles zones à la construction reste sans incidence majeure sur les communes avoisinantes, sur l’environnement ou sur l’activité agricole.

Je m’attacherai également à préciser que l’inclusion d’au moins deux établissements publics de coopération intercommunale dans le périmètre de tous les SCoT, à compter du 1er juillet 2014, n’est pas toujours possible en montagne en raison de l’existence de handicaps naturels.

Par conséquent, une dérogation à ce principe, dans la mesure où la continuité territoriale de deux intercommunalités en montagne peut se voir contrarier par des contraintes naturelles liées notamment au relief ou la présence de cols d’altitude séparant deux vallées, doit être mise en place.

Autre point important à l’article 65, qui vise à lutter contre l’étalement urbain et la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers : en dépit des avancées obtenues en commission, j’attire votre attention, madame la ministre, sur la spécificité des territoires de montagne au regard du principe de péremption des zones d’urbanisation future n’ayant pas fait l’objet d’une ouverture à la construction dans un délai de neuf ans suivant leur inscription dans un plan local d’urbanisme. L’application systématique d’une telle règle produirait un effet de couperet et conduirait à paralyser toute possibilité de construction nouvelle dans les communes de montagne qui ne bénéficient pas d’un rythme d’urbanisation régulier.

Mais je suis sûre, madame la ministre, que ces points que je viens d’évoquer et que nous développerons à nouveau lors de la discussion des amendements seront entendus et intégrés pour parfaire ce projet de loi essentiel pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute.

Mme Valérie Lacroute. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, premier texte de cette session extraordinaire, le projet de loi relatif à l’accès au logement et à un urbanisme rénové, dit ALUR, qui nous est proposé aujourd’hui, est un long fleuve où l’on trouve mêlés 84 articles. En dépit de la volonté affichée, il ne répond pas à la pénurie de logements ni à la flambée des prix dans l’immobilier.

Le volet urbanistique, particulièrement touffu, nous laisse vraiment perplexes. Il suscite notre opposition, qui n’a fait que croître semaine après semaine lors des différents examens du texte en commission. De surcroît, il rajoute une couche de complexité à certains documents et procédures d’urbanisme.

Aujourd’hui, la défiance s’est installée dans l’opinion publique à l’endroit de votre gouvernement, toujours aussi peu audible. L’économie française ne va pas bien. Le début de l’amélioration n’est pas visible sur le terrain.

Ce projet de loi, même si certaines mesures vont clairement dans le bon sens, ainsi que l’ont rappelé tout à l’heure certains de mes collègues, suscite néanmoins de vives réactions de la part des élus locaux.

Votre texte, madame la ministre, manifeste un intérêt accru pour les zones urbaines denses. Il y a certainement urgence à répondre aux besoins des métropoles, confrontées depuis fort longtemps aux scandales des copropriétés et hôtels sociaux dégradés, aux marchands de sommeil et aux loyers exorbitants pratiqués dans les grandes villes ; mais il faut tenir compte des conséquences du transfert automatique de la compétence PLU aux communautés de communes et d’agglomération.

Elles seraient désastreuses pour les petites communes, dépossédées de leur aménagement rural. Sans le PLU, que restera-t-il comme compétences aux maires de nos communes rurales ? Bien peu de chose, malheureusement !

Cette mesure porte atteinte à la première des libertés et des responsabilités communales : la maîtrise du territoire municipal. En tant que maire, je ne peux accepter que le schéma de cohérence territoriale intégrateur devienne le seul document auquel le PLU soit opposable.

Je suis déterminée, comme bon nombre de mes collègues maires, à préserver 1’espace naturel et à refuser une urbanisation débridée donnant lieu à des constructions massives. La densification urbaine du PLU entraînera la division de maisons en lots, avec la création d’étages supérieurs pouvant nuire malheureusement à la qualité architecturale des opérations.

À terme, cette densification conforte la transformation déjà en cours de notre paysage urbain, à savoir la perte du caractère résidentiel de certains quartiers, transformés en ensembles collectifs. Une maison deviendra plusieurs appartements, un jardin deviendra un terrain constructible en centre-ville.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. C’est faux !

Mme Valérie Lacroute. Cette densification non maîtrisée par les communes, échelon le plus proche des habitants, sera-t-elle vraiment contrôlée par une intercommunalité ? Nous en doutons.

Il ne faut pas fragiliser les communes et les maires, qui constituent un point de repère important pour les habitants et assurent une proximité indispensable avec leur population.

Un PLU intercommunal ne peut être qu’un projet politique partagé entre les communes, quelle qu’en soit la population. Il doit être construit par la communauté de communes et ses membres. Chacun doit être pris en considération. Il y a manifestement dans ce texte un problème de démocratie locale.

Quant aux zones agricoles ou naturelles, elles doivent faire l’objet d’une vigilance toute particulière et ne pas être livrées à des aménagements d’éventuels terrains d’accueil des gens du voyage. Ces créations ne semblent pas opportunes aujourd’hui au regard des difficultés résultant des situations illégales déjà existantes malheureusement en zones urbaines. Ce serait une porte ouverte au mitage de ces secteurs aujourd’hui protégés.

Sur le grand chapitre du logement, la garantie universelle des loyers est tout sauf une bonne idée. L’on voit, bien évidemment, apparaître encore une taxe supplémentaire ; mais surtout, la création d’une nouvelle structure publique chargée de régler les loyers impayés deviendra rapidement une usine à gaz.

Au bout du compte, l’État choisira ses locataires. Or ce système totalement discriminatoire deviendra ultra-déficitaire dès sa mise en application.

Plutôt que de s’attaquer aux maux que connaît le secteur du logement, ce texte se contente de sanctionner les propriétaires et les professionnels de l’immobilier.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Tout en nuances !

Mme Valérie Lacroute. L’ensemble des mesures proposées tend à créer un déséquilibre et un climat de défiance vis-à-vis des propriétaires.

D’une manière générale ce texte ne prévoit aucune mesure permettant l’augmentation de l’offre de logements, et c’est bien là le problème. Madame la ministre, ce projet de loi manque d’ambition et ne permet pas de lutter contre la crise du logement.

En outre, il n’envoie pas de signal encourageant en direction du monde de la construction, qui attend pourtant la suppression de l’augmentation du taux de TVA dans le secteur du bâtiment, la baisse de la TVA sur les travaux de rénovation et surtout une mise en place d’un prêt énergie pour la rénovation des logements.

Si le bâtiment redémarre, vous le savez, madame la ministre, c’est toute l’économie française qui en bénéficiera avec une amélioration de l’activité et donc de l’emploi. Le bâtiment est inquiet et voudrait ne pas prolonger en 2014 la traversée du désert qu’il vit actuellement.

En ce qui concerne la lutte contre la précarité énergétique, le dispositif existant ne concerne que les propriétaires occupants. En milieu rural, ce sont les critères d’exigence des travaux, trop lourds, qui posent problème. Ceux qui pourraient bénéficier de ces aides ne les demandent pas car le reste à charge est extrêmement élevé. Le texte n’améliore rien sur ce sujet.

Ce projet de loi, étudié aujourd’hui « à toute allure », fera l’objet de toute notre vigilance. Vous pouvez compter sur la pugnacité de mes collègues du groupe UMP, qui sauront être force de proposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Carole Delga.

Mme Carole Delga. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, il arrive encore trop souvent d’entendre que le politique ne peut plus rien. Il est en effet devenu de bon ton, dans certains cercles de pensée, de répandre l’idée selon laquelle les institutions représentatives du peuple seraient désarmées et que les véritables lieux de pouvoir seraient ailleurs.

Je veux le dire clairement : cette vision de l’action politique relève avant tout du « déclinisme » idéologique. Il est de notre devoir de la combattre.

Pour cela, il n’y a pas mille façons de faire, il n’y en a même qu’une seule, qui est de prouver en agissant que l’élu sait jouer son rôle et mettre en mouvement la puissance publique pour améliorer la vie des citoyens qu’il représente. Décider ensemble pour l’intérêt général, c’est le sens même de l’idéal républicain.

Le texte dont nous commençons aujourd’hui l’examen permet justement de faire apparaître de manière claire et transparente l’ambition qui est celle de notre majorité : s’attaquer aux difficultés que rencontrent nos concitoyens afin d’y apporter des solutions fortes et durables.

Le logement est devenu une des premières préoccupations des Français, si ce n’est la première. Et pour cause : dans notre société, sans logement, impossible de trouver un emploi stable, impossible de fonder une famille, impossible de s’épanouir socialement.

Cela permet de mesurer toute l’urgence qu’il y a à agir en ce domaine, car une fois que l’on a dit que le logement est un bien essentiel, nous sommes obligés de constater qu’il est aujourd’hui de plus en plus difficile pour un très grand nombre de nos concitoyens d’accéder à un logement décent pour un coût raisonnable.

Les loyers ont fortement augmenté, sans aucun lien avec l’augmentation du pouvoir d’achat des locataires. Le résultat est que les dépenses de logement représentent une part toujours plus grande dans le budget des ménages, au point que certains sont parfois contraints de rogner sur les autres dépenses essentielles comme l’alimentation. Parallèlement, les pratiques abusives se sont multipliées sous l’effet du profond déséquilibre entre offre et demande qui existe dans les zones tendues. Aujourd’hui, le logement est devenu un sujet hautement anxiogène pour une majorité de Français.

Ce dont nous avons besoin, c’est donc de régulation. Je connais les fantasmes que ce mot réveille sur une partie de ces bancs. Soyons clairs, il s’agit de définir un cadre ferme, de poser des limites afin de contrer les dérives du système, il ne s’agit pas d’établir un contrôle global d’une administration tentaculaire. Nous devons agir pour réinsuffler de la confiance, pour redonner de la fluidité au marché. Nous devons démontrer que l’État a les moyens d’intervenir pour mettre de l’ordre lorsque cela est nécessaire.

C’est le sens, par exemple, du futur encadrement des loyers. Le seul marché s’est montré incapable de fixer des loyers cohérents avec les ressources des locataires. Il faut, certes, construire pour régler durablement la question de l’offre de logements, mais est-on condamné, en attendant, à laisser les prix s’envoler ? Cette majorité dit non car la justice sociale ordonne d’apporter une réponse rapide à une situation d’urgence.

Les débats que nous avons menés en amont et dans le cadre du travail en commission ont prouvé que l’on pouvait se fixer un objectif déterminé et ambitieux sans pour autant renoncer à convaincre dans le but de dégager un consensus. Je pense notamment aux échanges que nous avons pu avoir sur les futures évolutions des documents d’urbanisme. Étant élue d’un territoire rural et de montagne, je vous avoue avoir accueilli avec une certaine réserve les premières dispositions du texte relatives notamment aux plans locaux d’urbanisme. Mais, grâce au travail en commission, au travail des rapporteurs et à ce que vous proposez, madame la ministre, nous pouvons faire une avancée qui n’est pas un petit pas. Il convient de laisser le temps aux territoires de s’organiser et de s’approprier ces nouveaux enjeux. Il convient également de ne pas stigmatiser les communes rurales, car ce ne sont pas elles qui sont consommatrices de foncier.

Le transfert à l’intercommunalité de la compétence en matière d’élaboration du PLU se fera peut-être avec quelques difficultés, mais il se fera dans un esprit de concertation, et se fera aussi en donnant du temps au temps. Bien sûr, il est légitime de vouloir associer la commune quand on sait la place qu’elle occupe dans notre histoire politique. Mais au vu de la qualité des discussions que nous avons pu avoir jusqu’à présent, je sais que toute la majorité est attachée à dépasser les divergences pour donner à ce très beau texte tout le souffle qu’il mérite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové est l’un des éléments d’un dispositif gouvernemental beaucoup plus large et fondamental visant à nationaliser la politique du logement, à contraindre les différents acteurs et à imposer une vision exclusive de l’aménagement, de l’urbanisme et du logement.

En premier lieu, le Gouvernement a fait adopter la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social. Ce texte, qui comporte trente-trois articles, marque la volonté d’imposer à tous les acteurs du logement une vision du « tout logement social » en en portant le pourcentage minimal à 25 % et en quintuplant les amendes pour les communes.

En second lieu, la majorité de gauche a autorisé le Gouvernement à légiférer par ordonnances pour accélérer les projets de construction. Sous prétexte d’urgence, ces ordonnances donneront au Gouvernement tout pouvoir pour imposer ses choix sans débat parlementaire.

En troisième lieu, l’Assemblée nationale a adopté la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Sous couvert d’un objectif de modernisation, le Gouvernement a ainsi créé des métropoles, nouvelles structures supracommunales, budgétivores qui confisquent les pouvoirs des maires en matière d’aménagement, d’urbanisme et de logement.

Enfin, ce projet de loi, dit ALUR, cloue au pilori les propriétaires et les bailleurs, promet un bétonnage massif des zones urbaines denses et notamment des zones pavillonnaires et qui finit de mettre sous tutelle les maires.

Ce texte, comme tous les textes importants depuis le début de la législature, oppose les Français les uns aux autres : il oppose les propriétaires et les locataires ; il oppose les maires et l’État ; il oppose les acteurs locaux et les structures de contrôle parapubliques.

Ce texte est l’illustration de tous les travers du Gouvernement : un interventionnisme d’État sans limite caractérisé par l’affirmation du principe du « tout logement social », un collectivisme économique caractérisé par l’encadrement des loyers, une complexité administrative symbolisée par les quelque quatre-vingt-quatre articles de cette loi, un financement incertain qui repose à nouveau sur la création de taxes, et surtout une défiance à l’égard des élus locaux, et notamment des maires, par l’introduction des plans locaux d’urbanisme intercommunaux.

Désormais, avec ces quatre textes de loi, les pièces de votre puzzle sont au complet et votre volonté de recentralisation pourra être satisfaite.

Certes, ce texte comporte des éléments positifs. On a parlé de la lutte contre l’habitat indigne qui, je crois, fait consensus. Aussi, je ne m’y arrêterai pas. En revanche, je souhaite appeler votre attention sur les plans locaux d’urbanisme intercommunaux que vous appelez de vos vœux.

Vous avez indiqué, dans votre propos introductif, madame la ministre, que les documents de planification doivent dépasser l’échelle de la commune car celle-ci n’est plus vraiment à même de comprendre la manière dont nos concitoyens habitent leur territoire. Je suis l’élu d’une circonscription qui comprend trois villes de plus de 75 000 habitants. Chacune a opéré, avec l’assentiment des habitants, des politiques d’urbanisme très différentes. Il y a une ville dite du Front de gauche, une ville dirigée par l’un de vos collègues socialistes, et la ville de Saint-Maur dont je suis l’élu. Les densités de population sont très proches. Nous avons choisi des voies différentes. La compréhension de notre territoire ne peut pas être remise en cause, et celle des habitants non plus. C’est le choix des habitants, et il est caractérisé par l’action de leurs élus.

Selon vous, l’intercommunalité est le périmètre le plus pertinent. Mais de quelle intercommunalité parle-t-on en région Île-de-France, en tout cas en petite couronne ? Vous avez introduit en Île-de-France le principe de la métropole, ce qui signifie que l’adoption des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, en tout cas en petite couronne, sera en réalité subordonnée à la décision et au contrôle de la métropole de Paris. Il ne s’agit plus là d’une intercommunalité de proximité géographique, mais d’une intercommunalité subie et très éloignée des territoires qu’elle a à gérer. Cette métropole nouvellement créée, monstre technocratique ignorant tout des réalités géographiques, historiques et humaines des territoires, disposera des pleins pouvoirs en lieu et place des maires. À quel moment la coopération avec les maires, que vous appelez de vos vœux, cette organisation spatiale comme vous dites, qui sera pertinente parce qu’elle sera associée ou parce que vous y associerez les maires, prendra-t-elle toute sa valeur et toute sa force ? On peut se le demander en ce qui concerne Paris métropole.

Par le passé, dans les années soixante, nous avons connu un État centralisateur, bétonneur, tentant d’aménager en urgence des territoires franciliens. Nous connaissons le résultat, celui qui a conduit aujourd’hui à un urbanisme torturé et inhumain. Nous savons qu’il s’agit là de la source de tous les maux de notre société urbaine. Ne reproduisez pas les mêmes erreurs.

L’urbanisme, c’est l’arbre de vie de la France, de nos villes, c’est un message que l’on adresse aux Français et aux générations futures sur la façon dont nous envisageons de vivre ensemble, sur le choix d’un cadre de vie inspiré par l’histoire, la géographie des territoires, par la volonté des femmes et des hommes qui y vivent.

Avec cette loi vous donnez un message en faveur d’une France centralisée, collectivisée et uniformisée. Vous ne serez donc pas surpris si je m’y oppose avec force et détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Pellois.

M. Hervé Pellois. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové complète les nombreuses mesures déjà votées et entrées en vigueur depuis le début du quinquennat avec un même objectif : accroître l’effort de construction de logements tout en luttant contre l’étalement urbain. C’est surtout sur ce dernier thème que je m’attarderai.

La France s’est en effet fortement urbanisée au cours de ces deux dernières décennies. Les trois-quarts de la population vivent désormais en ville ou en périphérie. Cette évolution est marquée par un étalement urbain sans précédent. L’exemple du Morbihan, dont je suis l’un des élus, est à ce titre révélateur : chaque année, 1 500 hectares d’espaces agricoles sont urbanisés, soit la perte d’une trentaine exploitations agricoles en moyenne.

Les territoires artificialisés ont progressé de près de 40 % entre 1992 et aujourd’hui, avec toutes les conséquences qui en découlent en matière environnementale. Les parcelles constructibles bénéficiant de la meilleure situation voient leur valeur augmenter considérablement. Ce critère foncier conduit aujourd’hui les populations les plus jeunes et moins aisées à s’installer en périphérie, souvent en deuxième, voire en troisième couronne. Ce modèle, dans un contexte de hausse des prix du carburant, fragilise encore davantage les ménages les moins favorisés, tout en contribuant à la hausse des émissions de gaz à effet de serre.

Face à cette situation d’étalement urbain, les transports collectifs sont difficiles à organiser pour les collectivités locales et ne répondent pas aux besoins de déplacements des ménages.

Sur le plan économique, l’artificialisation des sols agit également à différents niveaux : perte de la production agricole ou forestière, diminution de l’attractivité du territoire et de la qualité du cadre de vie par la destruction d’espaces naturels.

Alors que la crise du logement sévit, l’aménagement doit, plus que jamais, être une affaire publique. Les documents d’urbanisme doivent encadrer les conditions d’exercice du droit de propriété. Ils doivent contribuer à anticiper et à réguler les conflits d’usage de l’espace. L’élaboration d’un projet urbain appelle en amont un projet agricole fort.

À travers ce texte de loi, le Gouvernement instaure les conditions d’un urbanisme qui réponde aux besoins des habitants. C’est une grande réforme du droit de l’urbanisme qui s’engage, tout d’abord pour construire des logements là où se situent les besoins. Le projet de loi ALUR prévoit notamment des mesures de densification en zone urbaine, il propose de supprimer la taille minimale de terrain et le coefficient d’occupation des sols, il vise à faciliter la subdivision des lots pour les lotissements, il entend moderniser et sécuriser le droit de préemption pour mobiliser les gisements fonciers, il fait du schéma de cohérence territoriale l’unique document de rang supérieur.

C’est une grande réforme du droit de l’urbanisme, pour lutter contre le mitage et freiner l’artificialisation des sols. Il prévoit d’encadrer le classement en zones 2AU, de limiter fortement la constructibilité dans les espaces naturels et agricoles, de renforcer l’ingénierie foncière par le développement d’établissements publics fonciers, d’agir sur les plans locaux d’urbanisme et de renforcer la maîtrise de l’aménagement commercial.

Pour autant, ce projet de loi doit favoriser la création de réserves foncières, notamment dans les villes et les périphéries en fort développement, où l’accès au foncier se prépare sur le long terme. ll faudra en tenir compte et ne pas déclasser les zones 2AU de manière systématique et trop rapidement.

Toute démarche d’urbanisme mêle des savoirs, des négociations de long terme et des situations géographiques multiples auxquels les élus sont très attachés et sensibles.

C’est une grande réforme enfin du droit de l’urbanisme, dans laquelle la participation des citoyens en amont des projets sera renforcée.

Le logement est à la fois l’un des domaines les plus familiers pour tout un chacun et un objet d’une grande complexité avec beaucoup de spécificités.

Cette richesse créative collective est un enjeu majeur pour l’attractivité des espaces : le caractère vivant de nos territoires dépend de ces concertations en amont.

Je tiens à saluer votre action, madame la ministre, l’action du Gouvernement pour la qualité de ce projet de loi, qui a su allier humanisme et urbanisme.

Les cadres de l’urbanisme sont en train de bouger. Le projet de loi ALUR préfigure une autre manière de construire et surtout de concevoir l’espace. Il bâtit les conditions de nouvelles utopies urbaines, construites en concertation étroite avec les habitants. C’est pourquoi, pour conclure, je reprendrai cette phrase de Robert Park, de l’école de Chicago : « En faisant la ville, l’Homme se change lui-même. » Plus modestement, en votant ce texte, nous participons à la rénovation de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Madame la ministre, je voudrais appeler votre attention sur une question qui n’est pas traitée dans votre projet de loi, mais qui est centrale, je veux parler de la réhabilitation de l’immobilier de loisir.

Cette question est centrale pour l’économie du tourisme, donc de l’emploi, à la mer comme à la montagne. Elle est centrale pour les artisans du bâtiment, qui connaîtraient ainsi un regain d’activité. Elle est enfin centrale pour le développement durable, car cette réhabilitation éviterait toujours plus de constructions dans des espaces vierges et éviterait le gaspillage thermique.

Depuis le début des années 1960, l’économie touristique des stations s’est organisée autour d’une offre d’hébergement professionnelle, que l’on peut distinguer en deux catégories : les lits professionnels dits « chauds » - hôtels, résidences de tourisme, clubs ou villages de vacances - qui sont bien commercialisés, et les lits diffus dits « froids », mis sur le marché de manière aléatoire, donc insuffisamment occupés.

L’hébergement professionnel, qui est le socle de l’économie touristique, connaît une érosion constante, due à plusieurs facteurs : la cessation d’activité pour certains établissements, qui ne peuvent supporter le coût d’une mise aux normes ; la vente à la découpe d’hôtels ou de résidences de tourisme, plus rémunératrice qu’une vente en bloc ; la fin de bail pour les propriétaires de logements dans des résidences de tourisme, qui ne sont plus soumis à l’obligation de location ; la sortie de dispositifs de location confiés à une agence immobilière.

L’érosion annuelle des lits chauds au profit des lits froids, en zone de montagne, est en moyenne de plus de 3 % et, sur certains sites, peut atteindre près de 5 %. Les constructions nouvelles compensent à peine cette perte de lits, mais chacun sait qu’il ne sera pas possible de continuer de construire indéfiniment, et que les volets clos donnent une image négative des zones touristiques et représentent une perte économique considérable.

En effet, en zone de montagne, où la saison d’hiver est composée de dix-huit semaines principales, un lit professionnel est occupé près de douze semaines, alors qu’un lit diffus ne le sera que cinq semaines, ce qui est destructeur d’emplois. La priorité doit donc être de réchauffer les lits « froids ».

On ne découvre pas le sujet, bien sûr. Depuis une quinzaine d’années, de nombreuses initiatives ont été engagées. Certaines démarches locales ont eu des résultats, le plus souvent limités. Au plan national, les opérations de réhabilitation de l’immobilier de loisirs mises en œuvre à partir des années 2000 n’ont pas eu les résultats attendus.

Il ne faut plus tarder à innover et à mettre en œuvre des dispositifs pérennes et efficaces. Madame la ministre, les élus et les professionnels de l’immobilier attendent beaucoup de l’État pour fédérer les énergies. De ce point de vue, trois axes pourraient être privilégiés.

Le premier serait de pérenniser le parc marchand, en soutenant les propriétaires, en expérimentant l’allégement fiscal pour les propriétaires loueurs ou en favorisant la transmission familiale des hôtels existants et en décrétant une pause sur les normes.

Le deuxième axe devrait être de favoriser et de fluidifier la rénovation immobilière, en généralisant l’octroi de surfaces supplémentaires de plancher pour faciliter l’autofinancement de la rénovation, en dispensant d’autorisation « Unité touristique nouvelle » les opérations de démolition-reconstruction, en développant un accompagnement technique et juridique des copropriétés, en mobilisant les capacités financières des acteurs économiques locaux directement intéressés par la fréquentation touristique, en recourant à l’injonction de ravalement de façades pour les copropriétés dégradées, en couplant rénovation énergétique et remise sur le marché.

Enfin, le troisième axe pourrait être la régulation et les qualification des lits neufs, en substituant progressivement à la construction de lits neufs de la rénovation et de la remise sur le marché volontariste, en favorisant la construction de lits à fort rendement, en renforçant le contenu et le contrôle du conventionnement au titre de l’article 42 de la loi Montagne, et enfin en généralisant une évolution législative qui permettrait de différencier les types d’hébergement.

Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, quelques pistes de travail. Il y a urgence. Tous les élus de la montagne et ceux du littoral, avec les professionnels du tourisme, sont à votre disposition pour travailler sur ce sujet : les nécessaires solutions n’ont que trop tardé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troallic.

Mme Catherine Troallic. Madame la ministre, mes chers collègues, c’est, en moins de dix-huit mois, le troisième texte qui nous est soumis pour répondre à la crise du logement. A droite, vous criez à l’inflation législative. A gauche, nous revendiquons une action législative ambitieuse. C’est la marque de l’engagement, de la détermination et de la volonté du Président de la République et du Gouvernement que de répondre aux attentes de nos concitoyens sur le logement.

Nous avons tous en mémoire les chiffres du dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre. Derrière ces chiffres, il y a des femmes et des hommes que nous rencontrons tous dans nos circonscriptions : victimes de loyers trop élevés, de logements dégradés ou surpeuplés. La crise du logement ne frappe pas que les plus modestes, mais aussi les classes populaires, et ne concerne pas que Paris, mais la plupart des grandes villes.

Oui, il y a des inquiétudes et des difficultés. Face à la crise, il faut redoubler d’efforts. Mes chers collègues de l’opposition, vous souhaitiez un plan de relance : j’aurais donc voulu vous entendre saluer notre action, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Il ne vous aura pas échappé que le premier axe développé par le Premier ministre dans son discours sur les investissements d’avenir était le logement. Ce n’est pas symbolique. Il s’agit de répondre aux attentes et aux besoins des Françaises et des Français. Il y a des engagements, nous les tiendrons.

Le troisième temps, c’est le texte que nous allons adopter dans les prochains jours. Ce projet de loi est en parfaite conformité avec nos engagements internationaux, notamment avec le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966, dont le protocole facultatif est récemment entré en vigueur. Madame la ministre, mes chers collègues, c’est l’honneur de la France, de mettre en conformité sa parole dans le monde avec ses actes dans le pays. Défendre les droits humains à l’extérieur comme à l’intérieur, c’est la crédibilité de la parole de la France dans le monde.

M. Lionel Tardy. Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons une nouvelle fois à débattre d’un texte extrêmement dense et large, qui veut s’attaquer à la fois aux rapports entre locataires et bailleur, au logement social ou encore à l’urbanisme, pour ne citer que ces sujets.

Le nombre d’amendements déposés – près de 1 300 – n’est donc pas surprenant. Un travail important à déjà été fait en commission des affaires économiques, fin juillet. Certaines parties du texte ont été complètement réécrites. Plusieurs amendements venant améliorer le texte dans le détail ont ainsi été adoptés, y compris des amendements venant de l’opposition.

Par exemple, les délais prévus pour la mise en œuvre de certaines dispositions concernant les documents d’urbanisme ont été revus, ce qui était une nécessité.

J’en profite pour saluer l’écoute et le respect dont a fait preuve la ministre vis-à-vis des parlementaires.

Nous allons donc traiter de changements majeurs et, comme je le dis régulièrement lors de l’examen de textes particulièrement denses, le diable réside dans les détails. J’estime pour ma part que ce projet de loi ressemble à un gigantesque fourre-tout dans lequel, disons-le tout de suite, quelques bonnes idées sont noyées au milieu de dispositions largement médiatisées, mais totalement déconnectées de la réalité.

J’en veux pour preuve les deux mesures les plus mises en avant : la garantie universelle des loyers et l’encadrement des loyers. Nous avons là deux magnifiques usines à gaz qui apportent plus de problèmes que de solutions. Contrairement à vous, madame la ministre, je doute que le remplacement de la caution personnelle rassure les propriétaires et les incite à mettre leur bien en location, bien au contraire.

Il en va de même pour l’encadrement des loyers, qui constitue une véritable atteinte à la liberté contractuelle.

Au-delà de l’artifice de communication, il y aura nécessairement des effets pervers. Il s’agit d’une fausse bonne idée, car cela favorisera les locataires déjà en place au détriment des entrants.

De façon générale, je crois que certains domaines se portent d’autant mieux lorsque l’État intervient de façon limitée. C’est le cas de l’immobilier.

M. Jean-Luc Laurent. Mais non !

M. Lionel Tardy. Je regrette que cette position ne soit pas partagée par tous et que le Gouvernement adopte une vision passéiste. Comme d’habitude, je me refuse à une opposition stérile et systématique.

Oui, il y a bien sûr des dispositions intéressantes et qui manquaient jusqu’alors, comme les dispositions visant à lutter contre les marchands de sommeil. Néanmoins, malgré sa taille, le texte souffre de plusieurs manques cruels. Sauf erreur de ma part, je ne vois aucune mesure susceptible de favoriser l’accession à la propriété.

Aujourd’hui, seulement 58 % des Français sont propriétaires de leur logement, bien loin de la moyenne européenne, qui est à 70 %. Et l’adoption de ce texte ne fera probablement pas varier ce chiffre.

Je souhaite également insister sur un objectif énoncé par la ministre : la construction de 500 000 logements nouveaux par an. Je crains que cet objectif soit mal engagé, car en parcourant le texte, je ne vois que très peu de dispositions pouvant permettre de l’atteindre.

Enfin, un autre aspect du texte, et non des moindres, a retenu mon attention.

Depuis que le Président de la République a annoncé un nécessaire choc de simplification, je m’efforce de vérifier, textes après textes, ce qu’il en est de son effectivité. Un choc, par définition, doit s’appliquer partout et non dans un seul domaine ou sur un seul projet de loi.

En l’occurrence, le projet ALUR ne s’inscrit pas du tout, à mon sens, dans le mouvement de simplification que l’on devrait observer. Au contraire, nombre de ses dispositions ajoutent de la complexité là où il n’en était pas besoin. J’aurai l’occasion d’y revenir lors de la discussion de mes amendements.

Dans certains cas, on sent un penchant inexpliqué pour la paperasse et les documents qui viennent s’ajouter à la moindre procédure, notamment, aux contrats de location et aux promesses de vente.

Je souhaite que la création d’un registre d’immatriculation des copropriétés ne passe pas inaperçue car, à l’instar du fichier positif, vous mettez en place un instrument disproportionné qui constitue un fichage massif.

En résumé, je regrette que le logement et l’urbanisme puissent servir de prétexte à un affichage politique au détriment de l’efficacité et de la nécessaire fluidité.

Tout en déplorant les trop nombreuses fausses bonnes idées contenues dans ce projet de loi, je me risque à espérer que notre examen permettra de l’améliorer afin qu’il « colle » le plus possible à la réalité du terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Fabrice Verdier.

M. Fabrice Verdier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’associe à mon intervention mon collègue Henri Jibrayel, retenu à Marseille.

La gauche avait promis d’agir fortement en faveur du logement. Bientôt, nous pourrons dire que la promesse a été tenue.

Se loger est devenu de plus en plus difficile et de plus en plus cher. Aujourd’hui, dans le parc privé, un ménage sur cinq consacre plus de 40% de ses ressources au logement. C’est pourquoi le texte que nous examinons est aussi nécessaire qu’approprié.

Depuis un an, le Gouvernement, avec l’appui du Parlement, n’a pas cessé d’agir : il a renforcé l’obligation de constructions de logements sociaux ; il a permis la cession jusqu’à la gratuité des terrains de l’État ; le plafond du livret A a été relevé ; un plan ambitieux de rénovation énergétique des logements a été lancé ; enfin, avec l’appui de M. Jibrayel alors rapporteur, nous avons permis au Gouvernement de légiférer par voie d’ordonnances afin d’accélérer la construction de logements.

Ce projet couronne tous les efforts qui ont été réalisés, il replace le logement au cœur des préoccupations du monde politique, il est mûr, audacieux et clair.

Il est également structuré autour de trois axes : une démarche de régulation – régulation des loyers, régulation écologique des constructions, régulation des professions de l’immobilier ; une logique de protection contre les abus des locataires comme des propriétaires ; enfin, une dynamique d’innovation via la simplification des démarches et le développement de nouvelles formes d’habitat.

Parmi toutes ses dispositions, je souhaite souligner qu’il apporte de vraies réponses à un problème préoccupant : le logement insalubre et les copropriétés dégradées.

Ces dernières représentaient 15% du parc en 2012, soit un million de logements. Pire, 5% à 15 % des copropriétés seraient à la limite de basculer, elles aussi, dans de sérieux problèmes.

De nombreux facteurs peuvent expliquer les dégradations de l’état d’une copropriété – accumulation des impayés, copropriétaires solvables qui refusent de payer pour un habitat en mauvais état… Alors, le bâtiment se détériore rapidement puis, faute d’être entretenu, les logements perdent de leur valeur et le cadre de vie se dégrade.

Je me réjouis que le projet de loi s’appuie sur les rapports de M. Braye, de M. Pierre Sallenave, directeur de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, et du sénateur Claude Dilain. Leur travail approfondi et leur expertise sont aujourd’hui récompensés par un chapitre entier du texte.

Par ailleurs, le chapitre III, en élargissant et en complétant efficacement l’arsenal juridique, permettra de faire reculer le logement insalubre.

Avec ce texte et ce seul texte, le Gouvernement nous propose aujourd’hui de mettre en place une politique forte et cohérente en faveur du logement sur toute la durée du mandat. C’est un projet mûri depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir. Comme tel, il est fidèle à nos objectifs et à nos valeurs. L’accès au logement pour tous dans la justice : telle est la préoccupation que traduit ce projet, dont je ne doute pas qu’il sera soutenu par une large majorité de la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Madame la ministre, partant du constat unanime que le logement est pour tous les Français un bien de première nécessité, vous avez indiqué, lors de la séance des questions au Gouvernement du 23 juillet dernier, que vous vouliez « donner accès à nos concitoyens à un logement compatible avec leurs revenus. »

Cette proposition d’adéquation est vertueuse, notamment au regard de la situation du logement dans notre pays, laquelle s’apparente à une opposition chronique entre, d’une part, une offre globalement suffisante dans les territoires ruraux et semi-urbains et, d’autre part, une offre inférieure aux besoins dans les grandes zones urbaines et, en particulier, en Île-de-France. C’est pourquoi votre proposition mérite d’être soutenue et encouragée.

Contrairement à vos propos du 23 juillet dernier, madame la ministre, nous souhaitons tous, que nous soyons – je vous cite – « assis sur les bancs de gauche comme de droite de cet hémicycle », réussir le défi d’offrir à tous les Français un accès au logement dans des délais raisonnables et à un prix convenable. Oui, madame la ministre, nous vous soutiendrons sans réserve sur cette voie nécessaire et vertueuse.

Hélas, votre projet de loi, dont l’esprit témoigne de votre  bonne volonté, ne peut en l’état produire qu’un effet contraire aux principes généreux revendiqués. Pour illustrer ces propos, je souhaite tout d’abord évoquer la garantie universelle des loyers. Ce nouveau contrat d’assurance contre les impayés de loyer risque de marginaliser les foyers modestes dans l’accession au logement en raison de son caractère obligatoire.

Dans les zones tendues, les propriétaires auront tout intérêt à continuer de privilégier les personnes dont les revenus sont élevés puisque le bénéfice de l’assurance n’est pas un avantage réservé aux seuls revenus modestes.

Certes, le nombre de loyers impayés ne cesse de croître ces dernières années, mais il demeure encore marginal puisqu’il est de moins de 5% par rapport aux paiements réguliers. Pourquoi donc vouloir imposer à 6,6 millions de logements une mesure qui ne concerne qu’une frange infime de ce parc ? Ce caractère obligatoire constitue un frein supplémentaire à l’encouragement de l’investissement privé dans la pierre alors que celui-ci est indispensable.

Alors même que les objectifs de construction ne seront pas atteints pour 2013 et que le marché de l’immobilier locatif est atone depuis de nombreux mois, la masse des capitaux privés mobilisés dans cette garantie universelle généralisée s’élèverait à 700 millions voire, aux dires de certains experts, jusqu’à 1,5 milliard.

Le concours de l’investissement public en soutien au programme public de constructions de logements serait beaucoup plus pertinent que la mobilisation inutile d’une telle somme.

En outre, dans le rapport contractuel qui lie le locataire à son bailleur, cette garantie universelle semble conforter le locataire dans un sentiment d’impunité ou de responsabilité minorée par la présence d’une assurance systématique.

La volonté affichée de renforcer les droits des locataires pour leur permettre un meilleur accès ou une prise en compte plus affirmée de leur situation personnelle constitue un gage nécessaire à l’amélioration de la fluidité du marché de l’immobilier. Mais mettre en place des règles coercitives et applicables de manière stricte et permanente ne peut qu’avoir un effet repoussoir pour l’ensemble des parties et risque de geler plus encore un marché qui traverse déjà des années difficiles et qui plonge de nombreux Français dans la précarité.

C’est en ce sens, madame la ministre, que la mise en place de nouveaux rapports locatifs sera perçue comme une nouvelle contrainte administrative sans même que l’intérêt de cette nouvelle création soit compris des bénéficiaires.

La clarté des dispositifs et une certaine souplesse sont indispensables à leur bonne compréhension et, in fine, à leur application immédiate et sans difficulté. En l’espèce, le carcan qu’est cette nouvelle mesure constitue un déséquilibre manifeste et important du rapport entre le locataire et le bailleur.

C’est pourquoi, madame la ministre, alors que nous allons examiner dans les jours à venir un texte important pour le logement dans notre pays, je vous demande de considérer un certain nombre d’amendements que mes collègues et moi-même proposons, avec pragmatisme, bienveillance et bon sens. Guidées par l’intérêt général, nos propositions visent à favoriser une meilleure lisibilité et efficacité de votre texte.

En prenant en compte le travail parlementaire, l’action du Gouvernement n’en sera que plus renforcée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le président, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, c’est la troisième fois que nous nous retrouvons pour débattre d’un projet de loi sur le logement après la loi de mobilisation foncière et la loi d’habilitation de ce printemps.

Ces trois textes ne sont le fruit ni d’un revirement, ni d’un acharnement politique, mais ils traduisent l’ampleur de la crise structurelle, à laquelle s’ajoutent les conséquences de la croissance zéro qui font d’ores et déjà de 2013 une année noire en termes de production.

Ces trois textes témoignent aussi de l’ampleur d’une crise du logement protéiforme.

Aujourd’hui,  avec  ce  projet  imposant  et important, la représentation nationale ouvre un champ qui avait été délaissé : celui des rapports locatifs. En effet, il avait été délaissé politiquement car l’affrontement gauche-droite a trop souvent porté sur le logement social, son financement et l’application de la loi SRU. Il avait été délaissé juridiquement et économiquement car ce secteur important de la chaîne du logement a été doublement abandonné aux lois du marché et au libéralisme, le marché n’ayant rien d’une paisible place de village où se rencontreraient l’offre et la demande, le propriétaire et le locataire.

L’empire du marché est aussi celui des rapports de force qui se traduisent dans le domaine des prix par une inégalité de situation entre le bailleur et le preneur en favorisant la plus grande sélectivité mais aussi, parfois, des abus dans le cadre de contrats pas toujours équilibrés voire pas toujours légaux. C’est cela la réalité que vivent encore trop de nos concitoyens.

Nous vivons au rythme de la crise du logement qui, si elle a ses victimes, a aussi ses gagnants et même ses profiteurs. Il ne faut en effet jamais oublier que la cherté des prix et la rareté des biens fabriquent également des gagnants. Mes chers collègues, la lutte des classes a bien changé mais elle est toujours vivace et tourne parfois à la lutte générationnelle au détriment de nos compatriotes les plus jeunes. Et voilà qu’enfin un projet de loi aborde cette question pour la hisser hors des fatales pages « société » des journaux où figurent celles et ceux qui sont les victimes de cette crise du mal logement.

Par-delà la technicité juridique ou économique, le logement en effet est toujours une question politique qui suppose des choix, une question conflictuelle que la bonne volonté ne suffit pas à résoudre.

Le projet de loi traite le cœur du sujet – le montant du loyer –, mais il traite aussi de nombreux aspects voisins en répondant à des comportements sans doute minoritaires mais inacceptables et qui constituent la réalité vécue par trop de locataires confrontés aux marchands de sommeil. Madame la ministre, il faut se donner les moyens d’agir contre eux, par exemple, en instituant un permis de louer.

Pendant quelques années, la politique du logement a vécu au rythme d’un slogan, « la France des propriétaires », slogan un peu fou – c’est le propre des slogans – qui faisait de l’accès à la propriété la pierre de touche de la politique du logement. Avec ce texte, nous nous intéressons à la France des locataires et nous le faisons avec une volonté ferme de régulation et d’intervention sur la formation des prix avec le système du « miroir de prix ».

J’accueille les propositions qu’il contient avec d’autant plus d’enthousiasme qu’elles constituent à mes yeux une première étape pour s’attaquer radicalement, c’est-à-dire à la racine, à la question de la formation des prix : le coût du logement, les coûts de construction mais, surtout, le coût du foncier et la plus-value immobilière.

Madame la ministre, nous avons du pain sur la planche et j’ai le sentiment que trois textes ne suffiront pas à régler l’ensemble de la question.

Mme Véronique Louwagie. Encore et encore !

M. Jean-Luc Laurent. Mais nous allons y travailler et le débat parlementaire permettra d’enrichir le projet comme cela fut le cas dans le cadre des travaux de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, telle était la promesse électorale du candidat Hollande. Aujourd’hui, force est de constater que nous sommes très loin du compte.

Le dispositif qui porte votre nom, madame la ministre, n’a pas la puissance de la loi Scellier, et les investisseurs institutionnels continuent de bouder le logement. La loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, qui a été votée en janvier, tarde manifestement à produire ses effets. Enfin, les professionnels du bâtiment ne cessent de tirer la sonnette d’alarme : les dépôts de permis de construire et les mises en chantier, en neuf ou en rénovation, ont baissé depuis votre arrivée aux affaires, et la perspective d’une hausse de la TVA dans le bâtiment est vécue comme une provocation. En somme, il a manqué ce choc de l’offre, qui seul aurait permis de répondre à la forte demande de logements en zone tendue et de faire baisser les prix.

Face au doute et à l’impatience exprimés par les Français et les professionnels du secteur, le Gouvernement annonçait depuis des mois une grande loi sur le logement, et la loi ALUR, que nous examinons cette semaine, serait cette grande loi. Pour être sincères, nous en doutons, car s’il comporte des avancées - que nous savons reconnaître - ce texte présente au moins quatre défauts majeurs.

S’agissant d’abord de l’accès au logement, le projet de loi commet l’erreur de désigner des boucs émissaires : les propriétaires bailleurs - dont je reparlerai - et les professionnels de l’immobilier et du logement, dont on a pourtant un si grand besoin pour créer et soutenir l’offre. Ensuite, elle ne résout que très partiellement, voire pas du tout, les problèmes soulevés dans tous les rapports, à savoir le logement des jeunes, l’insuffisance de logements intermédiaires, l’adaptation des logements aux différents âges de la vie, la mobilité dans le parc HLM, la vacance des logements - y compris des logements sociaux -, l’accession à la propriété et, plus généralement, le problème de la gouvernance de la politique du logement dans notre pays. S’agissant de l’urbanisme dit « rénové », le projet de loi ALUR fait fi de la variété des situations d’un territoire à l’autre et complexifie encore un peu plus les règles que les élus locaux ont déjà du mal à digérer.

M. Olivier Marleix. C’est sûr !

Mme Isabelle Le Callennec. Où est passé le choc de simplification ? Le texte tente de retirer aux maires, qui sont pourtant élus au suffrage universel et qui doivent rendre des comptes à leurs populations, le droit des sols. Le projet de rendre les plans locaux d’urbanisme intercommunaux de façon obligatoire ne manque pas de faire réagir les maires, quelle que soit leur sensibilité politique : vous ne pouvez pas ignorer leurs inquiétudes, voire leur opposition, madame la ministre.

Avec mes collègues de l’UMP, nous expliciterons tous ces points au cours du débat qui s’engage. Nous défendrons nos amendements, en espérant - une fois n’est pas coutume - qu’ils retiendront l’attention de nos collègues de la majorité.

En ce qui me concerne, je voudrais insister plus particulièrement sur les articles 3 et 8, relatifs aux rapports locatifs.

L’article 3 concerne l’encadrement des loyers dans les zones tendues, où sont créés des observatoires locaux des loyers. Quand admettrez-vous que l’encadrement des loyers est le plus mauvais signal donné aux propriétaires…

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Jamais !

Mme Isabelle Le Callennec. …qui hésitent déjà à louer leurs biens et qui risquent de les retirer du marché de la location, ou de ne pas faire les travaux d’amélioration nécessaires ?

M. Philippe Goujon. Très juste !

Mme Isabelle Le Callennec. En zone tendue, en vertu de la loi de l’offre et de la demande - même régulée - ce sont les propriétaires qui choisissent leurs locataires, et pas l’inverse. Ce n’est vraiment pas le moment de prendre le risque de gripper le marché de la location privée, qui représente près de 6,5 millions de logements ! Pour baisser les prix, il n’y pas de solution plus efficace que d’augmenter l’offre et de se donner les moyens de construire et de rénover.

L’article 8, quant à lui, met en place la garantie universelle des loyers à compter du 1er janvier 2016. Universelle, obligatoire, cette garantie se substituerait à la caution, qui est pourtant plébiscitée par les propriétaires et qui responsabilise les locataires. Elle serait financée par une taxe - une de plus ! - sur les revenus locatifs. Ce n’est pas acceptable.

En guise de conclusion, je voudrais vous faire part de ma déception, car ce n’est pas une « grande loi » sur le logement qui nous est soumise - on nous dit même qu’il pourrait encore y en avoir une autre - mais une loi très technique, qui rigidifie encore un peu plus la réglementation, qui corsète le système et qui vient modifier de nombreux dispositifs existants, sans même les avoir évalués. Je veux vous faire part également de mon inquiétude : cette loi ne va pas créer le choc de l’offre, mais probablement l’inverse, la pénurie.

Mon souhait, c’est que la politique du logement soit davantage territorialisée, que le financement du logement locatif soit remis à plat, et que l’on s’attache à répondre au défi qui est posé à notre pays, à savoir la mobilité professionnelle et géographique. La première préoccupation des Français reste l’emploi : ils veulent se loger à proximité de leur travail, payer un loyer raisonnable, qui corresponde à leurs revenus, vivre dans un logement adapté à leur situation familiale et à leur âge, et si possible accéder à la propriété. Ils ne sont pas compliqués, les Français, seulement dans l’attente de politiques publiques plus efficaces, moins complexes et moins coûteuses. Et idéalement, madame la ministre, avant 2025 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, la représentation nationale reprend aujourd’hui un chantier vaste et essentiel : celui du logement. Ce chantier touche à tous les domaines de l’action publique : l’économie, parce qu’il dynamise l’emploi, le social, parce qu’il assure la dignité des personnes, et la morale, parce qu’il garantit l’équité des relations entre bailleurs et locataires.

Le logement n’est pas un bien de consommation comme les autres : il s’agit d’un droit fondamental. Avoir un logement, ce n’est pas seulement avoir un toit, c’est avoir un foyer : un lieu où l’on vit, un lieu où l’on grandit, un lieu où l’on s’épanouit. Le précédent Gouvernement a pourtant abandonné ce droit aux griffes du marché et nos territoires souffrent de cet abandon…

M. Yves Daniel. Tout à fait !

Mme Ericka Bareigts. …les logements sont trop chers et en nombre insuffisant. Nous refusons de nous soumettre à la fatalité de cette logique et affirmons qu’il est de la responsabilité de l’État d’intervenir en faveur du logement. Le Gouvernement a pour ambition de contrôler les prix des loyers pour s’assurer que les bailleurs ne profitent pas d’un rapport de force qui leur est bien trop favorable dans certains cas. Ce que vous nous proposez, c’est de maîtriser les prix, d’informer les locataires et de garantir au bailleur le paiement de ses loyers : cette action, nous l’attendions.

Je ne suis pas maire, mais je suis de ceux qui croient qu’une députée engagée sur le terrain peut aussi être témoin des réalités du terrain.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Ericka Bareigts. Je voudrais vous faire partager certaines de ces réalités difficiles, que l’opposition tente de nier, ou de renier, depuis le début de cette discussion générale. Le territoire que je représente, l’île de la Réunion, est exigu : il mesure 2 500 kilomètres carrés, dont 1 000 sont aménageables, et accueille aujourd’hui plus de 800 000 habitants, auxquels s’en ajouteront demain 200 000 de plus : c’est dire l’enjeu qu’y représente l’aménagement du territoire !

À la Réunion, le marché immobilier a de toute évidence failli. La politique menée jusqu’à présent a abouti à une division par deux des constructions de logements sociaux : de 2 500 par an entre 1995 et 1999, on est passé à 1 100 par an entre 2005 et 2008. De plus, un rapport sénatorial de 2008 a démontré que le marché avait non seulement échoué à faire baisser les prix, mais qu’il avait aussi produit des logements inadaptés aux réalités locales, et en surnombre dans les zones de l’île qui en avaient le moins besoin. En l’état actuel des choses, les Réunionnais sont dans une impasse. Savez-vous que le foncier à bâtir à la Réunion est passé de 62 euros le mètre carré à la fin des années 1990 à 143 euros en 2006, soit près de 215 % de la moyenne nationale ? Cette hausse des prix du foncier implique inévitablement une augmentation des loyers.

Comment tolérer que les prix de l’immobilier soient si élevés, qu’il ne reste à certains ménages que 320 euros pour vivre après qu’ils ont payé leur logement ? C’est ce qui arrive aux 25 % de ménages réunionnais touchant moins de 500 euros par mois. Plus grave, le loyer médian passe de 310 euros par mois à 515 euros, selon que l’on est dans le secteur privé ou social. Aujourd’hui, les logements sociaux sont trop peu nombreux et le marché privé trop cher : pour s’en sortir, trop de familles sont obligées de se loger dans des logements inadaptés. En 2010, 22 % de la population réunionnaise vivait dans un logement trop petit pour ses besoins, contre 9,5 % dans l’hexagone. Et une fois sur quatre, il manquait au moins deux pièces. C’est bien la preuve de l’échec des politiques précédentes.

Trop de personnes obligées de se loger dans le secteur privé sont maintenant éloignées de l’emploi, de l’insertion sociale et de leurs besoins vitaux. Il est de nombreuses familles, dont les enfants vivront l’essentiel de leur vie dans un logement trop petit, qui n’est pas prévu pour les accueillir - or on sait l’importance que peut avoir un logement approprié pour la réussite scolaire. Et ne parlons ni de l’insalubrité, ni des marchands de sommeil !

L’opposition s’est souvent posée, ces derniers mois, en défenseure des familles et des enfants. Si Victor Hugo se demandait « où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? », je vous demande, pour ma part « d’où viennent tous ces enfants qui ne dorment plus la nuit ? »

C’est pour tout cela, madame la ministre, que vous avez raison de nous proposer d’agir en ce sens. Les Français l’attendent effectivement : 83 % d’entre eux, d’après un sondage réalisé, non pas aujourd’hui, mais en septembre 2012, affirmaient rencontrer des difficultés pour se loger. Les Réunionnais l’espèrent depuis bien longtemps. Alors, madame la ministre, faisons en sorte que nos familles et nos enfants puissent enfin retrouver de la dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Très bien !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Beau discours !

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Madame la ministre, je crois, je crains et j’espère tout à la fois que vous apprendrez à vos dépens que l’idéologie et les idées généreuses…

M. Olivier Marleix. Généreuses ?

M. Guénhaël Huet. …ne suffisent pas à faire un bon texte de loi. Il est certes nécessaire d’avoir de l’ambition, de dessiner un projet et de se donner les moyens de le mettre en œuvre, mais il est également nécessaire, dans un double souci d’équilibre intellectuel et d’efficacité pratique, d’avoir le sens des réalités pour faire une œuvre législative utile.

Votre projet de loi repose sur quatre grandes idées : favoriser l’accès de tous à un logement digne ; lutter contre l’habitat insalubre ; améliorer la lisibilité et l’efficacité des politiques publiques du logement ; moderniser les documents de planification et d’urbanisme. Les apparences sont donc séduisantes, mais les aspects positifs se limitent malheureusement à cela, ainsi, il est vrai, qu’aux dispositions relatives à l’habitat insalubre, qui méritent d’être soutenues.

Pour le reste, le texte que nous examinons aujourd’hui est beaucoup moins ambitieux que la loi sur le logement adoptée en 2009. Le projet de loi, madame la ministre, aurait pu être très utile, si le Gouvernement s’en était donné les moyens, mais ce n’est pas le cas, malgré ses 84 articles et ses 216 pages. Ce texte risque de modifier profondément les règles en matière de logement et d’urbanisme, au point de décourager les particuliers qui souhaiteraient se lancer dans l’investissement immobilier, et bouleverser l’exercice des professions immobilières.

En dépit de ces modifications, la crise du logement subie par de nombreux Français ne sera pas résolue. Répondre à la problématique de la crise du logement vécue par une grande partie de nos concitoyens : c’est bien cela dont il devrait être question. Mais le projet de loi n’y répond en aucune façon. Il n’améliorera pas l’accès au logement des Français, notamment des jeunes qui rencontrent d’importantes difficultés pour trouver un logement.

Ainsi, il met en place la garantie universelle des loyers, une mesure qui provoque la colère des professionnels de l’immobilier. Selon les projections, cette disposition, une fois mise en place, pourrait coûter plus d’un milliard d’euros par an à l’État. En ces temps de crise économique et de réduction des déficits publics, avouez que ce coût est exorbitant ! De surcroît, cette mesure induira inéluctablement une déresponsabilisation des mauvais payeurs et, probablement, en augmentera le nombre. Enfin, ce texte, même s’il semble instaurer certaines améliorations, ne permet pas aux locataires de se prémunir contre des propriétaires peu scrupuleux.

Sous le précédent quinquennat, le gouvernement avait lancé un plan de cession de foncier de l’État pour mettre en chantier 70 000 logements. Sous le précédent quinquennat, le gouvernement avait mis en place des crédits d’impôts, des prêts à taux zéro, un allégement de TVA et un pass foncier pour qu’un maximum de Français puissent devenir propriétaires. Sous le précédent quinquennat, le droit au logement opposable a été mis en œuvre, garantissant un logement à toute personne qui n’est pas en mesure d’accéder par ses propres moyens à un logement décent et indépendant ou de s’y maintenir. Sous le précédent quinquennat, en l’espace de deux ans, 100 000 places en centres d’hébergement d’urgence ont été créées. Sous le précédent quinquennat, environ 600 000 logements sociaux ont été construits.

Lors de la campagne présidentielle, beaucoup l’ont rappelé, le candidat socialiste avait affirmé que 500 000 logements seraient construits chaque année, dont 150 000 logements sociaux. Selon les projections, un peu moins de 100 000 logements sociaux seront construits en 2013. Nous sommes bien loin des objectifs annoncés par le Président de la République lorsqu’il était en campagne !

À force d’augmenter les impôts et de supprimer les niches fiscales concernant le logement, les coûts de production des logements, notamment sociaux, ont explosé, bloquant ainsi la construction de nouveaux logements.

Une autre stratégie était possible. Pourquoi, madame la ministre, restez-vous sourde aux appels répétés des professionnels du bâtiment, qui réclament une baisse des prélèvements obligatoires pour leurs entreprises et une politique d’incitation fiscale pour les travaux de rénovation et d’économie d’énergie ? Depuis juillet 2012, vous faites exactement l’inverse en multipliant les taxes nouvelles et en augmentant les taxes existantes. Certes, vous êtes en cela fidèle à la vieille doctrine socialiste qui revient à créer une taxe dès qu’un problème apparaît, mais vous êtes à contre-courant des réalités économiques.

La logique inéluctable de ce texte, c’est l’échec. Nous aurons malheureusement l’occasion de le constater, à travers la réalité et les chiffres, qui finiront une nouvelle fois par vous rattraper. Nous avons constaté cet échec en matière d’emploi, malgré toutes les promesses du Gouvernement. Les mêmes causes – l’idéologie et le déni de réalité – produiront les mêmes effets, et votre projet de loi, madame la ministre, ne réglera en rien la crise du logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Kléber Mesquida.

M. Kléber Mesquida. Madame la ministre, vous avez supputé dans vos propos liminaires que ce texte susciterait des débats turbulents et passionnés. Si l’on retrouve les engagements du Président de la République dans le volet logement, il n’en va pas de même dans le volet urbanisme. Les engagements de François Hollande au meeting de Dijon n’étaient pas à cet égard de la même tonalité que le texte.

L’article 58 prévoit une nouvelle rédaction qui stipule que le SCoT doit être compatible avec une charte de parc naturel régional. Il reconnaît donc la légitimité et la force qu’oppose la charte aux documents d’urbanisme. Or l’alinéa 70 indique que« lorsque aucune commune d’un parc naturel régional n’est comprise dans un SCoT, la charte de ce parc peut tenir lieu de SCoT ». A contrario, si sur le périmètre des parcs nationaux régionaux des SCoT ne couvrent que partiellement le territoire, les communes hors SCoT ne pourront pas modifier leurs documents d’urbanisme.

Dans le parc naturel régional du Haut-Languedoc, qui couvre sur deux régions 119 communes, il existe cinq SCoT en raison de l’étendue du territoire et des barrières topographiques naturelles. Une grande partie très rurale de ce territoire n’étant pas couverte, les communes seraient obligées d’élaborer un SCoT, alors qu’elles viennent d’élaborer une charte coûteuse en études, et dont l’approbation par décret ministériel prend quatre à cinq ans. Il existe en France 48 parcs naturels régionaux, et 20 en projet. Sur 15 000 communes non couvertes par un SCoT, 4 000 font partie d’un parc naturel. C’est pourquoi je proposerai un amendement afin que la charte puisse tenir lieu de SCoT. C’est ce que vous a demandé Jean-Louis Joseph, le président de la fédération nationale des parcs naturels régionaux.

Concernant le PLUI, le texte transfère d’autorité à l’intercommunalité la compétence du plan local d’urbanisme. La planification est la seule compétence restant à la commune, donc de la responsabilité du conseil municipal et non du seul maire. J’insiste, car votre loi supprimera la seule compétence structurante des communes.

M. Alain Marleix. Eh oui !

M. Kléber Mesquida. Au lieu d’alléger les procédures et les exigences des services de l’État qui demandent études sur études, s’ingénient à rallonger les coûts et les délais, vous apportez une complexification en transférant le tout à l’intercommunalité qui, dans certains cas je le crains imposera sa vision à la commune. Ne contraignez pas les communes, ne leur imposez pas de tutelle nouvelle, ne déclenchez pas des querelles de clochers !

J’ai entendu des collègues tenant des propos en faveur du PLUI, pour régler ainsi des problèmes dans leur propre intercommunalité. D’autres rétorquent que le maire signera toujours le permis de construire. Ceux-là n’ont pas compris que le permis de construire est un acte notarié, constatant le respect des règles du PLU, et que le plus déterminant pour la commune est la maîtrise du plan local d’urbanisme, non l’application du droit des sols.

J’ai été maire durant trente-cinq ans, président de l’intercommunalité et très longtemps responsable d’un service d’urbanisme de la DDE. Je sais donc de quoi je parle. Je proposerai un amendement prévoyant que le PLU sera transféré à la demande du conseil municipal. Je suis certain que nombre de communes, sur la base du volontariat, s’engageront dans cette voie.

Mme Véronique Louwagie. Très bien !

M. Olivier Marleix. Bravo !

M. Kléber Mesquida. Suscitons le volontariat, plutôt que d’imposer par la contrainte législative. À moins que l’objectif à terme soit, d’une manière masquée, la disparition des petites communes.

De plus, dans ces communes soumises au règlement national d’urbanisme, vous supprimez la possibilité d’une délibération motivée du conseil municipal pour déroger à la règle de constructibilité limitée. Il s’agit bien sûr de toutes petites communes qui n’instruisent qu’un ou deux permis de construire par an.

Par ailleurs, vous allez opérer un transfert de charges, en basculant l’instruction des permis de construire à l’intercommunalité, entraînant coût du recrutement et perte de technicité – un instructeur de permis de construire n’est opérant que s’il a à traiter entre 1 000 et 1 200 dossiers par an.

Madame la ministre, j’ai le sentiment que ce texte est, sous certains aspects, « communicide ». Il tend à faire disparaître les petites communes. Je l’ai déjà dit, et je me permets d’adresser un clin d’oeil à la rapporteure : Lille n’est pas la France, non plus que l’Île de France. La France est urbaine et rurale. Elle est diverse. C’est ce qui la rend si belle.

Je pressens que nos collègues sénateurs, plus proches des collectivités locales de par leur mandat, sauront trouver l’équilibre de la raison. Je prends le pari que si nous ne parvenons pas ici au consensus que vous avez appelé de vos voeux, les sénateurs, eux, réussiront. Ils sont unanimes sur la défense des collectivités et le respect de leur autonomie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la ministre, le projet de loi que vous nous présentez n’a d’ambition que dans son titre. À lire son exposé des motifs, pourtant, vous le souhaitez grandiose : il viserait à « mettre en œuvre une stratégie globale, cohérente et de grande ampleur destinée à réguler les dysfonctionnements du marché, à protéger les propriétaires et les locataires, et à permettre l’accroissement de l’offre de logements dans des conditions respectueuses des équilibres des territoires. » Rien de moins.

Pourtant, en 84 articles, aucune disposition ne semble en mesure de favoriser la construction et l’accès au logement en zone tendue. Plutôt que focaliser nos efforts sur ces territoires, vous proposez des mesures générales.

L’enjeu est pourtant de taille à Paris et en Île-de-France, qui concentre plus de 18 % de la population. Tendanciellement depuis vingt ans, la construction y baisse quand elle augmente au niveau national, alors que les besoins sont croissants. Et la municipalité actuelle à Paris n’a pas arrangé les choses : en préemptant à prix d’or des logements du parc privé pour en faire des logements sociaux, elle a fait croire aux Parisiens qu’elle leur offrait de nouveaux logements, quand elle organisait en réalité la fuite des classes moyennes hors de Paris. Il ne s’agit ni de nouveaux logements ni de nouveaux locataires.

M. Daniel Goldberg. Il s’agit bien de logements sociaux !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la ministre, la réponse à la crise du logement à Paris et en Île-de-France n’est à trouver ni dans le blocage des loyers ni dans ces affichages artificiels. La réponse est ailleurs : il nous faut impérativement relancer l’offre de logements. C’est dans ce but que je propose, avec Benoist Apparu et les députés de Paris de notre groupe – Bernard Debré, François Fillon, Claude Goasguen, Philippe Goujon, Jean-François Lamour –, des mesures volontaristes au service du développement du logement dans le territoire francilien.

Elles s’articulent autour de quatre axes : développer l’offre de logements pour les classes moyennes – celles qui fuient Paris aujourd’hui ; favoriser la création de nouveaux fonciers ; mettre en place plus d’équité dans le parc social ; améliorer la qualité des logements.

Nous faisons deux propositions pour développer l’offre de logements des classes moyennes. La première consiste à soutenir l’accession à la propriété. Pour une famille de classe moyenne en zone tendue, cela paraît inaccessible. Pourtant, cela se fait dans des communes autour de Paris, quelle que soit leur orientation politique : Ivry, Issy-les-Moulineaux, Nanterre.

M. Kléber Mesquida. Et à Longjumeau ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Cette question va bien plus loin qu’un débat politique, elle est presque philosophique. Savoir que l’on peut devenir propriétaire de son logement, cela change le regard que l’on porte sur sa ville. Nous devons donc sécuriser les opérations d’accession à prix maîtrisés lancées par les maires par des clauses anti-spéculatives. Un certain nombre d’aménagements législatifs sont nécessaires.

Nous pourrions aussi mettre en place une TVA réduite pour le logement intermédiaire en zones tendues, afin de raviver l’intérêt du prêt locatif intermédiaire (PLI), notamment chez les investisseurs institutionnels. Je sais, madame la ministre, que vous êtes sensible à cette suggestion.

L’autre difficulté des zones tendues, c’est le foncier, la matière première du logement. On ne pourra pas développer l’offre de logement sans libérer du foncier. Or, dans des zones comme Paris, le manque de foncier est tel qu’il nous faut faire appel à des solutions innovantes.

M. Jean-Luc Laurent. En quoi les vôtres le sont-elles ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Il existe trois moyens d’y parvenir. D’abord, la couverture du périphérique – un enjeu majeur des prochaines décennies. Cela ne se fera pas en un jour.

Mme Annick Lepetit. Nous ne vous avons pas attendue !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. L’enfouir, le couvrir, c’est libérer du foncier constructible pour y accueillir des logements et des bureaux, tout en réduisant les nuances sonores pour les riverains.

La transformation de bureaux en logements, ensuite. Beaucoup en parlent ; peu le font. Je vous propose, dans la suite des travaux que nous avions engagés avec Benoist Apparu, différentes dispositions pour pouvoir l’accélérer.

M. Jean-Luc Laurent. Il n’y a pas que des électeurs parisiens ici !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Enfin, la création d’un plan investissement d’avenir n°2, de 800 millions d’euros sur cinq ans, permettra d’accompagner des opérations innovantes, comme l’optimisation des entrepôts, dont certains pourraient être enterrés ou déplacés pour débloquer du foncier destiné au logement. Des initiatives existent, ici ou là, mais trop peu et elles doivent être accompagnées financièrement pour inciter les propriétaires à enclencher la vitesse supérieure.

Le troisième axe consiste à renforcer l’équité et la mixité dans le logement social. Nous avons besoin de logements sociaux. Ils répondent à la demande de nombreuses familles, de personnes âgées ou encore de travailleurs de la fonction publique. Mais il faut prévenir la création de ghettos par le regroupement des difficultés sociales. Nous proposons, dans les zones IRIS, un taux maximal de 30% de logements sociaux à l’échelle d’un quartier.

Renforcer l’équité, c’est aussi renforcer les sanctions en cas de sous-location du logement social et permettre au bailleur de demander le départ d’un locataire auteur de troubles de voisinage persistants.

Enfin, nous souhaitons apporter des réponses à l’amélioration de la qualité des logements. Aujourd’hui, beaucoup de copropriétés, faute de ressources suffisantes, abandonnent l’idée d’engager des travaux qui leur permettraient pourtant de baisser leur consommation énergétique ou de permettre l’accessibilité des logements. Comment financer les travaux ? En autorisant par exemple, au cas par cas bien sûr, et dans le respect du patrimoine, la surélévation de certains immeubles, pour ces deux motifs précis ou pour transformer des bureaux en logements.

Nous avions voté dans la loi de finances rectificative de 2011 un autre dispositif utile : l’éco-prêt à taux zéro collectif. Pourtant, en seize mois, vous n’avez pas été capable d’en publier les décrets d’application tant attendus par les associations de copropriétaires ! Il est temps d’agir.

Votre projet, madame la ministre, présente un angle mort : les zones dites tendues. Vous n’apportez pas de réponse structurelle à l’un des territoires les plus exposés à la crise du logement : la région parisienne. Seules des solutions innovantes peuvent nous permettre de relancer l’offre de logements. Tel est l’objet des amendements que nous vous soumettrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Le logement est un bien premier, ce qui confère à la société toute entière, aux élus et aux gouvernants en tout premier lieu, une très grande responsabilité dont nous avons ici tous conscience.

Je ne reviendrai pas sur le diagnostic catastrophique si bien décrit par nos différents rapporteurs, ni sur les chiffres, ni sur dix ans de reculades. Nous sommes aujourd’hui face à un texte de concertation, qui prend en considération propriétaires et locataires, un texte dense, intelligent en ce qu’il envisage les transversalités nécessaires entre logement, foncier, solidarités territoriales, préoccupations environnementales.

Il vient compléter les mesures d’urgences déjà prises, qui ont commencé de produire leurs effets : relèvement du plafond du livret A, renforcement des obligations en matière de logements sociaux, gratuité possible des terrains de l’État pour construire, plan d’investissement pour le logement.

Il trouvera aussi des échos dans d’autres textes au cours de la législature. J’espère en ces occasions, madame la ministre, travailler avec vous les spécificités de nos territoires exceptionnels, comme les grands espaces de marais, désireuse que nous innovions ensemble sur de nouvelles formes d’habitat et de construction dans le respect de la nature et de la faune.

Certains crient au dehors et ici – j’ai bien entendu M. Daubresse et Mme Maréchal – que ce texte est idéologique. Bien sûr ! D’ailleurs M. Copé fait de l’idéologie quand il essaie d’enfermer la majorité dans une posture d’hostilité à l’endroit des petits propriétaires ! Oui le logement social est un marqueur politique et Mme la Ministre pose largement son empreinte sur ce texte qui répond également à des aspirations anciennes de la gauche et du parti socialiste.

Le logement, bien premier, nécessite de l’audace, même si cela bouscule. Tout le monde doit pouvoir bénéficier d’un logement adapté en taille, en confort, et à un prix supportable. Il n’est pas normal qu’un locataire sur cinq du parc privé consacre 40 % de ses revenus à son loyer. Il faut donc intervenir. Interventionnisme, cet autre mot-clé de nos collègues UMP, n’est pas un gros mot. En Allemagne, dont se réclament si souvent nos collègues de droite, les loyers sont encadrés. Il en résulte que le mètre carré est loué à Munich neuf euros contre vingt-quatre à Paris !

La différence entre nous, c’est que la majorité précédente a dérégulé le marché. Si la dérégulation était bénéfique à l’ensemble de la société, cela se saurait. Au contraire, la situation s’est aggravée, la politique menée reposant essentiellement sur des mesures d’optimisations fiscales favorables aux seules ambitions lucratives des marchands de sommeil. Non, le logement n’est pas un bien comme les autres : il requiert de la solidarité.

Dans ce texte, la solidarité s’exprime de diverses manières : garantie des loyers ; solidarité des territoires en replaçant l’intercommunalité au cœur du dispositif ; impulsion nécessaire aux établissements publics fonciers ; action sur les logements vacants ; solidarité entre les communes au sein du bassin de vie ; préservation des terres agricoles et naturelles.

Le logement est témoin d’une société. Il doit refléter les évolutions de notre époque. J’apprécie le volet innovation du texte car il encourage la production de valeur collective. Il tient compte des mutations sociétales, en renforçant la concertation avec la population ou en permettant l’encadrement juridique offert aux expérimentations citoyennes qui émergent, comme l’habitat participatif.

Certes la loi ne suffira pas. Elle requiert des comportements exemplaires : on ne peut voter contre ce texte et verser des larmes de crocodiles sur la pénurie de logements, on ne peut non plus critiquer les logements sociaux – et malheureusement souvent ceux qui y vivent – et nous reprocher d’agir. Je dis cela parce que le logement social, qui n’est décidément pas un bien comme les autres, est trop souvent de la part d’une certaine droite vraiment décomplexée un enjeu électoral – on vient d’entendre un programme pour Paris – au même titre que l’insécurité ou la pression fiscale.

Le logement, madame la ministre, méritait cette loi. Je laisse le mot de la fin, à Fabien Brosset, auditionné pour le Mouvement rural de jeunesse chrétienne par le Conseil économique, social et environnemental sur le logement des jeunes : « C’est par le logement social qu’on s’insère sur un territoire, à la fois socialement et économiquement, ou qu’on ne s’insère pas… ». C’est pour les jeunes, c’est pour celui qui dort dans sa voiture, c’est pour les familles qui vivent à l’hôtel, c’est pour ceux qui vivent dans la précarité, c’est pour ceux qui n’ont rien que nous nous battons et que nous voterons ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Le texte que vous nous présentez, madame la ministre, empreint d’une vision archaïque des rapports entre locataires et propriétaires, n’est en aucun cas en mesure de résoudre la crise du logement, que vous allez aggraver au lieu de l’enrayer.

Mme Annick Lepetit. On va de Charybde en Scylla !

M. Philippe Goujon. Il répond encore moins aux difficultés spécifiques à l’Île-de-France et à Paris, où résident en zone tendue près de 20% de la population et où les problèmes de logement appellent une réponse particulière, que nous vous proposerons d’intégrer par voie d’amendement dans un nouveau titre V.

À Paris, le maire sortant avait promis de résoudre la crise du logement. Bilan de douze années de mandat : jamais on ne s’y est logé aussi difficilement et à un coût si élevé !

Il est vrai que, maire plutôt festif, il n’a jamais revendiqué d’être un maire bâtisseur…

Las, il faut bien distinguer la construction du financement de logements qui, quand il se limite à la préemption, revient bien souvent à n’afficher que des « logements virtuels », on pourrait dire : « fictifs ».

« Chasser » les résidents – le plus souvent appartenant aux classes moyennes – pour leur substituer une autre catégorie, à parc locatif constant, n’est pas la solution.

C’est ainsi qu’on organise, même sans le vouloir, la pénurie de logements du parc privé et qu’on favorise la spéculation immobilière.

Sous mandat socialiste, Paris a en effet construit deux fois moins de logements que sous la mandature précédente.

Et, entre 2001 et 2012, seule la moitié des 55 505 logements sociaux financés ont été réellement construits.

Résultat : le prix moyen du mètre carré à l’achat dépasse le record inégalé de 8 300 €, augmentation deux fois et demie fois plus rapide que le revenu des ménages, le niveau de loyer du parc privé atteignant, quant à lui, vingt et un euros par mètre carré, ce qui interdit son accès à tout ménage gagnant moins de 5 000 euros net par mois.

De tels prix qui bloquent l’achat comme la location dans le parc privé aux classes moyennes, n’ont abouti qu’à susciter un flux croissant de demandeurs de logement – 93 000 en 2001, 126 000 aujourd’hui – que l’offre sociale ne peut évidemment satisfaire, avec un taux de rotation de seulement 4 %.

Acheter son logement est désormais un rêve inatteignable pour la majorité des Parisiens mais la Ville se refuse à permettre l’accession sociale à la propriété. Pourtant, la vente ne serait-ce que d’1 % du parc HLM parisien, éminemment souhaitable, permettrait de faire entrer 500 millions d’euros dans les fonds propres des organismes sociaux.

Inventer du foncier pour faire baisser les prix et répondre au besoin de logements, c’est possible par la transformation de bureaux, la surélévation que vous avez supprimée, ou encore la couverture du périphérique.

Le blocage des loyers que vous avez instauré par décret il y a un an a accentué les réticences des propriétaires à mettre leurs biens en location, réduisant encore davantage l’offre de logements.

La garantie universelle des loyers risque d’aboutir aux mêmes effets, en conjuguant le double défaut de déresponsabiliser le locataire et de créer encore une nouvelle taxe.Il est vrai qu’en matière de taxes la gauche parisienne n’a rien à envier à la gauche de Gouvernement avec la création de la taxe foncière départementale par le maire de Paris qui s’est inévitablement répercutée sur les locataires.

L’encadrement des loyers, qui a abouti aux pires crises du logement en France, achèvera d’étouffer l’offre locative. Pendant le délai de mise en place des observatoires des loyers, qui n’est pas légalement encadré, vous allez même susciter un phénomène de hausse artificielle.

De plus, un tel observatoire, pour une ville comme Paris, où vous n’avez pas prévu le calcul du loyer médian à l’échelle de l’arrondissement, désorganisera le marché.

Pire encore, en prévoyant un loyer minimum de 30 % inférieur au loyer médian, vous empêchez les propriétaires qui voudraient passer une convention avec l’ANAH de réaliser des travaux d’amélioration de leur logement, en contrepartie d’un engagement de loyer social – qui s’élève à Paris à 6,50 euros le mètre carré, bien en dessous des 30 %.

En vérité, votre projet de loi, présenté à moins d’un an des municipales, est purement électoraliste, démagogique et surtout inefficace.

Mme Annick Lepetit. Oh !

M. Philippe Goujon. À Paris, il vise à pallier l’échec patent de la politique de logement de la municipalité, soulagée à l’idée que demain la métropole du Grand Paris gérera à sa place ces questions et reléguera ces difficultés au-delà du périphérique.

Il manque à Paris un encouragement à la relance de la construction privée, totalement absente du programme local de l’habitat, à moins de considérer que toute la population parisienne a vocation à être logée par la collectivité, faisant de la capitale la « ville des plus aidés et des plus aisés ».

Jamais en effet la construction privée n’a été aussi faible avec une baisse de la construction neuve de 13 % sur un an.

Favorables à la réalisation de logements sociaux, nous demandons simplement que celle-ci soit mieux répartie entre les arrondissements et les quartiers et qu’on cesse d’entasser les logements sociaux pour faire du chiffre.

Nous souhaitons aussi, en raison de l’état de vétusté de tant d’ensembles sociaux, que l’essentiel de l’effort budgétaire soit consacré à leur entretien et que les locataires indélicats ou les trafiquants qui gâchent la vie de leurs voisins soient sanctionnés ou expulsés.

Il n’y a pas qu’à Marseille qu’on deale dans les cages d’escalier !

La production de logements intermédiaires doit aussi être multipliée pour permettre d’y loger, dans un but de mixité sociale, les familles des classes moyennes. Paris, qui a pourtant atteint un niveau record d’un milliard d’euros de droits de mutation, n’a pas choisi de les moduler en faveur de l’installation de ces familles et le Gouvernement, au contraire, autorise les collectivités à les augmenter encore.

Enfin, comment voulez-vous être crédible, madame la ministre, quand votre propre arrondissement d’élection, le 11ème, dépasse à peine 11% de logements sociaux, alors que vous sollicitez tous les maires de France pour qu’ils aillent à 25% ! Commencez par faire un effort dans votre arrondissement.

Madame la ministre, alors que vous êtes élue de Paris et que vous auriez pu y briguer la mairie – mais il vous aurait alors fallu renoncer à votre ministère –, Paris est la grande oubliée de votre projet de loi qui n’y résoudra aucune difficulté, mais au contraire étranglera le marché locatif et y aggravera la crise du logement.

Purement idéologique, il ne parviendra pas à faire oublier aux Parisiens les échecs de la gauche municipale. Face au vide abyssal du projet de la candidate du parti socialiste, nous proposerons quant à nous, avec Nathalie Kosciusko-Morizet et les élus parisiens, dans un nouveau titre V, de vraies solutions pour résoudre les difficultés de logement des Parisiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Annick Lepetit. Tout en finesse !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Nous légiférons pour toute la France ! Paris n’est pas la France !

M. Christophe Borgel. Ce n’est pas un meeting !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. On va finir par mettre le chauffage de l’Assemblée nationale dans les comptes de campagne de Mme Kosciusko-Morizet !

M. le président. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Depuis un an, nous avons lancé une véritable refondation de la politique du logement en France. Le projet de loi qui va nous réunir toute cette semaine en constitue la pierre angulaire. Je voudrais rafraîchir la mémoire de certains de ceux qui m’ont précédée et qui, décidément, en ont peu.

Dès le mois d’août 2012, vous avez publié, madame la ministre, un décret encadrant les loyers à la relocation et à la première location. Puis, rapidement, nous avons adopté la loi renforçant les obligations de production de logement social et permettant la vente de terrains publics avec une décote. En juin dernier, nous avons voté une autre loi, dont j’étais rapporteure, autorisant le Gouvernement à procéder par ordonnances, afin d’aller vite et de faire sauter un certain nombre de verrous qui bloquent la chaîne du logement depuis trop longtemps.

Il y a derrière chacun de ces textes une seule et même cohérence, un objectif prioritaire que nous ne perdons jamais de vue : permettre à tous les Français de se loger décemment et à un prix abordable.

Si nous étions aussi impatients de pouvoir débattre de ce texte, madame la ministre, c’est qu’il concrétise enfin les positions que la gauche a défendues et continue de défendre dans cet hémicycle depuis plus de dix ans.

Prenons l’encadrement des loyers, par exemple, puisque c’est l’une des innovations majeures. Combien de fois l’avons-nous proposé par amendement lors des précédentes législatures ? Je me souviens d’une proposition de loi débattue en 2011 où la majorité d’alors refusait même d’en discuter. Quel temps perdu, mes chers collègues, au détriment du pouvoir d’achat et des conditions de vie de nos concitoyens !

Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi les députés de l’opposition sont, encore aujourd’hui, contre cette proposition qui, pourtant, fut reprise par leur propre candidat lors de la dernière élection présidentielle. J’ai en mémoire cette interview donnée par Nicolas Sarkozy au magazine Femme actuelle, dix jours avant le premier tour, où il expliquait qu’une fois réélu, il mettrait en place l’encadrement des loyers.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Eh oui !

Mme Annick Lepetit. Apparemment, ni son ancien ministre du logement ni sa porte-parole de l’époque, la députée-maire de Longjumeau, ne s’en souviennent…

Parmi le très large spectre de sujets abordés par ce texte, je voudrais évoquer deux d’entre eux qui concernent plus particulièrement Paris. Vous me le pardonnerez sans doute, car c’est ma ville et ma circonscription !

Le développement quelque peu anarchique, ces dernières années, de la location de meublés touristiques, principalement sur internet, pose problème. Ce n’est pas anecdotique puisqu’il s’agit de près de 25 000 logements qui sont détournés de leur vocation pour être loués à la semaine à des touristes, à des prix beaucoup plus élevés, ce qui a un effet inflationniste évident.

Les amendements déjà adoptés en commission et ceux dont nous débattrons en séance ne gêneront pas les habitants qui échangent leur logement quelques semaines par an, mais ils clarifieront la notion de changement d’usage pour limiter les abus de ceux qui en font un commerce.

Autre sujet concernant principalement la capitale : la vente à la découpe. Cela concerne plusieurs milliers de familles, poussées à quitter leur logement si le propriétaire de leur immeuble décide de le vendre par blocs et qu’elles ne sont pas assez riches pour en devenir acquéreurs. La mairie de Paris fait le maximum pour les soutenir, mais la législation existante n’est pas suffisante. C’est pourquoi, après avoir renforcé le texte en commission, nous continuerons en séance avec des amendements visant à mieux protéger les locataires les plus fragiles.

A l’heure où nous voulons faire revenir les investisseurs institutionnels dans le logement – et nous les ferons revenir même si, cet après-midi, Benoist Apparu a prétendu que nous n’y arriverions pas –, il est nécessaire de clarifier la situation des logements en vente à la découpe, aussi bien pour les personnes concernées aujourd’hui que pour éviter qu’elles ne soient encore des milliers à l’être dans quelques années.

Au final, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est la meilleure réponse apportée à la crise du logement. Nous aurons toute la semaine pour en convaincre, je l’espère, ceux qui en doutent encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Marleix.

M. Olivier Marleix. Madame la ministre, je tiens d’abord à souligner combien j’ai été stupéfait et indigné de lire ce matin, dans le journal Metro, les termes que vous avez employés en qualité de ministre du logement à l’égard des professionnels de l’immobilier. Selon vous, en effet, ces derniers « ne sont mus que par l’appât du gain ».

Mme Cécile Duflot, ministre. C’est faux !

M. Olivier Marleix. Ces propos sont édifiants et appellent, je crois, des excuses de votre part.

Pour le reste, je voudrais m’éloigner du débat parisien et me concentrer sur les dispositions de votre texte relatives à l’urbanisme.

J’évoquerai d’abord la confiscation du pouvoir communal – celui des conseils municipaux – de maîtriser et d’organiser le territoire de la commune, transféré autoritairement aux intercommunalités. Cela appelle plusieurs remarques.

Ce serait d’abord pour nombre de maires et de conseillers municipaux, quelle que soit leur étiquette politique, une sorte de trahison sur ce qu’est l’intercommunalité. Dans notre pays en effet, elle a toujours été une démarche de projet, volontaire et consentie, jamais un outil de dépossession brutale et autoritaire d’une compétence, ce que notre collègue Chassaigne a appelé cet après-midi « l’intercommunalité au gourdin ».

Ce serait ensuite une atteinte forte portée à la démocratie locale : une équipe municipale pourra voir les projets sur lesquels elle a été élue, rendus impossibles à réaliser, parce qu’elle n’aura plus la capacité de modifier son PLU. Cette ineptie, qui est une vieille idée de votre administration centrale, déjà proposée à plusieurs de vos prédécesseurs, est devenue d’autant plus irréaliste aujourd’hui que le format des intercommunalités a changé depuis la loi de 2010. À cinq ou dix communes, on peut sans doute faire un PLU intercommunal, mais à cinquante ou cent communes, vous obtiendrez un résultat exactement inverse à celui que vous recherchez puisque vous créez un machin d’une lourdeur administrative inouïe qui va, je crois, accélérer encore la baisse des permis de construire délivrés dans notre pays.

Comment ne pas évoquer aussi le coût d’une telle mesure – Kléber Mesquida l’a d’ailleurs fait tout à l’heure – puisqu’il doit y avoir 6 000 ou 7 000 PLU en France ? La carte de l’intercommunalité étant désormais quasiment achevée, il va falloir en élaborer pour nos 36 000 communes, faute de quoi tous les projets seront bloqués. Je vous demande – sans illusion – avec quelle compensation financière de l’État cela se fera…

Enfin, je signale une conséquence qui ne semble pas vous émouvoir, mais aujourd’hui, ce sont de petits cabinets de géomètres experts et d’urbanistes qui élaborent les PLU. Quand il s’agira de PLUI sur quatre-vingts communes, ils n’auront plus la capacité d’y répondre.

Il est étonnant, alors que le Gouvernement a mis sur les rails pas moins de trois projets de lois relatifs à la décentralisation, de trouver une disposition aussi fondamentale pour les libertés locales dans un quatrième texte !

Je voudrais également présenter deux remarques concernant l’article 58.

La première a pour objet de dénoncer la rigidité nouvelle que vous ajoutez concernant les SCoT, qui doivent désormais couvrir plus d’un EPCI. Là encore, vous semblez ignorer l’évolution de l’intercommunalité qui a suivie la loi de 2010.

A titre d’exemple, je viens d’inciter à la fusion, autour de Dreux, de six EPCI dans le périmètre d’un bassin de vie avec, comme perspective naturelle, la réalisation d’un SCoT. Demain, pour satisfaire à la loi, il faudra aller chercher un EPCI d’un autre bassin de vie, en espérant qu’il y en ait un qui ne soit pas déjà inclus dans un SCoT : sinon, je ne sais pas ce que nous pourrons faire.

Là aussi, madame la ministre, pourquoi cette méfiance envers les élus locaux qui aujourd’hui proposent les périmètres ? Encore plus surprenante, pourquoi cette méfiance envers les préfets qui, à ce jour, aux termes de la loi, arrêtent les périmètres ?

Ma seconde remarque a trait à l’amendement du président Brottes, qui vise à intégrer l’urbanisme commercial dans le droit commun de l’urbanisme. Sans revenir sur la forme rocambolesque de cet amendement, j’entends dire qu’il y aurait là un large consensus dans notre assemblée puisque M. Brottes reprendrait une proposition – UMP – du président Ollier.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Excellent président !

M. Olivier Marleix. Pour ma part, quel que soit le respect que j’ai pour mes éminents collègues et en dépit de la brillante référence qu’a prise le président Brottes, je n’y adhère pas. Sous couvert de simplifier, vous allez créer un grand désordre, avec une chaîne contentieuse qui ne sera pas plus simple et des notions compliquées à mettre en œuvre, comme cette idée de délimiter à la parcelle, dans les documents d’urbanisme difficilement révisables, l’implantation du commerce. Un tel dirigisme administratif porterait atteinte à la liberté constitutionnelle du commerce.

Et si de temps en temps on laissait se stabiliser le droit – je pense, par exemple, aux DAC, autrement dit les documents d’aménagement commercial, que personne ne sait encore vraiment comment rédiger – avant d’en rajouter, ce serait très bien !

Pour conclure, je citerai le Président Pompidou qui demandait – mais en d’autres termes ! – qu’on arrête d’ennuyer les Français. En lisant votre texte, madame la ministre, je pense très fort à lui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Feltesse.

M. Vincent Feltesse. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, qu’il me soit d’abord permis d’inviter notre collègue Marleix à relire plus précisément le journal qu’il a cité. Alors qu’il s’est dit, sur un ton polémique, avoir été horrifié…

M. Olivier Marleix. Non, indigné !

M. Vincent Feltesse. …par les termes que Mme la ministre aurait employés dans ce journal – il est vrai que M. Goujon l’avait mis en appétit, sans vouloir rappeler à l’époque, le mythe des chars russes sur la place de l’Étoile en 1981, qui était ridicule – le raccourci fait par notre collègue est stupéfiant. Je citerai en effet la phrase en question de la ministre : « Je resterais ferme si des lobbies poursuivaient le but plus ou moins avoué de laisser le marché tout gérer. Je connais trop bien leur capacité à détricoter l’intérêt général. Ils ne sont mus que par l’appât du gain. » Elle parle bien des lobbies, pas de l’ensemble des professions immobilières !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Donc, monsieur Marleix, vous défendez les lobbies !

M. Vincent Feltesse. J’apporterai pour ma part un bref témoignage. La communauté urbaine de Bordeaux, que je préside, dispose d’un PLU intercommunal depuis 2006. Alors que la plus grande commune est Bordeaux, avec 230 000 habitants, et que les plus petites communes – Saint-Vincent-de-Paul ou Saint-Louis-de-Monteferrand – ont moins de 1 000 habitants, je ne pense pas que nous ayons fait un monstre administratif. Au contraire, ces cinq dernières années, nous avons pu multiplier par deux et demi la production de logements et singulièrement de logements sociaux. Et cela, c’est du vécu, du concret !

M. Olivier Marleix. Ne changeons rien !

M. Vincent Feltesse. Pour prendre un peu de recul et de hauteur, au sens géographique du terme, je prendrai également l’exemple, près de Genève, dans une région qui n’est pas la mienne, du Mont Salève, que l’on appelle le balcon de Genève, d’où l’on voit, d’un côté, la Suisse, de l’autre, la France. Sans faire de comparaison entre les deux, cela permet surtout de voir les différents modèles urbanistiques, comment fonctionnent les entrées de ville, quelles sont les emprises agricoles. On se rend compte à cet égard combien notre pays, depuis quelques décennies, a commis un massacre collectif en matière de paysages et d’étalement urbain.

David Mangin a parfaitement analysé et décrit ce phénomène dans La Ville franchisée, où il explique trois de nos spécificités, et d’abord, l’urbanisme commercial qui est typiquement français. Nous avons deux fois plus de mètres carrés commerciaux par habitant en France qu’en Allemagne où le commerce de proximité est bien plus important. C’est là une prime au lotissement et à la voirie.

Nous avons la particularité d’avoir, ces dernières années, modelé un paysage qui s’est dégradé, qui n’est pas bénéfique au plan environnemental et qui, socialement, est nous explose à la figure. On le voit bien depuis quelques années, avec des populations qui se sentent complètement délaissées, exclues et qui se réfugient dans le vote extrémiste.

Avec le titre IV du projet de loi, il s’agit bien, en matière de rénovation de l’urbanisme, de mettre fin à cette situation et de réorienter notre modèle urbain qui ne fonctionne pas. Ce sera un travail de longue haleine, et tout ne sera pas parfait. Nous connaissons trop les lois sur l’urbanisme, et nous n’avons donc aucune naïveté en la matière. En tout cas, la volonté politique  de ce Gouvernement, de la ministre et de la majorité est très forte pour réorienter notre modèle urbain.

Au-delà de ce texte qui a déjà évolué en commission et qui continuera à évoluer, trois conditions doivent être réunies pour que nous réussissions cette réorientation.

La première est de tenir un discours politique et citoyen sur l’état de notre pays aujourd’hui, sans stigmatisation des populations périurbaines ou rurales. Il ne peut pas y avoir d’un côté le citadin que l’on loue pour consommer peu, de l’autre, la personne qui habite à quarante ou à cinquante kilomètres et que l’on stigmatise.

La deuxième condition est d’accompagner les communes et les intercommunalités en termes d’ingénierie. La déliquescence des services de l’État depuis plusieurs années fait que le rapport de force entre les maires et une forme de promotion immobilière a été totalement asymétrique. Ce travail d’ingénierie sera fondamental, tant au niveau de l’État – c’est le rôle, notamment, du Commissariat général à l’égalité des territoires – qu’à celui des territoires avec les départements.

Enfin, la troisième condition, même si nous avons un cadre global, nous devons avoir pour des territoires plus avancés en termes d’intégration – je pense notamment aux communautés urbaines – un droit à l’expérimentation pour certaines formes d’urbanisme. Il y a des pistes dans ce texte de loi, notamment en matière d’habitat coopératif, mais nous revendiquons aussi un droit à l’invention permanente. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Priou.

M. Christophe Priou. En qualité de maire de Guérande, permettez-moi tout d’abord de vous remercier, madame la ministre, ainsi que votre cabinet, pour l’accueil bienveillant que vous avez réservé aux arguments de la ville de Guérande en vue d’obtenir un classement de zonage favorable aux bailleurs sociaux et aux investisseurs. Cela nous sera fort utile pour la construction d’un écoquartier de 650 logements accessibles à tous et en particulier aux jeunes couples.

Mon intervention s’inscrira dans la lignée de celle de notre collègue Kleber Mesquida, à savoir pragmatique mais aussi technique, comme le texte peut l’être, et inspirée des remontées de certaines collectivités, conseils généraux, EPCI et communes, de droite comme de gauche d’ailleurs.

Le projet de loi prévoit que les territoires des SCoT et ceux des PLU intercommunaux, appelés à se développer, soient bien distincts et complémentaires. Pour autant, nombre d’EPCI ont arrêté leur périmètre de SCoT depuis dix ans. Les EPCI qui ne sont pas concernés par l’élargissement de leur périmètre devront ou pourront superposer un SCoT Grenelle et un PLU intercommunal.

A cet égard, l’article 63 du texte précise que les communautés d’agglomération seront de plein droit compétentes en matière de plan local d’urbanisme. Toutefois, des dispositions transitoires sont prévues. Les communautés d’agglomérations existantes, qui ne sont pas compétentes en matière de plan local d’urbanisme, le deviennent de plein droit à compter du premier jour du sixième mois suivant la date de publication de la loi. Une telle évolution modifierait le mode de gouvernance entre communes et EPCI. De nombreux EPCI sont aujourd’hui associés à l’élaboration des PLU, fournissant un porter à connaissance et émettant un avis sur les PLU qui doivent être compatibles avec le SCoT. Les communes doivent inscrire leur PLU dans des règles et contraintes réglementaires importantes.

Demain, les rôles seront probablement modifiés. L’EPCI aura l’initiative et le pilotage de l’élaboration du document d’urbanisme, ce qui n’est pas sans conséquence pour nos territoires, même avec une concertation renforcée sur les modalités de gouvernance de l’élaboration du PLU intercommunal. Nous notons que toutes les communautés d’agglomération de plus de 50 000 habitants ont désormais l’obligation d’élaborer un PLU intercommunal tenant lieu de PLH, qui s’insérera dans l’ensemble des documents du PLU intercommunal. Nombre d’EPCI ont un PLH en cours de révision. Adoptés pour une durée de six ans, ceux-ci arrivent à échéance dans bien des cas. Ainsi, il a fallu délibérer pour mettre en révision le PLH mais les intercommunalités n’ont pas pu finaliser leur élaboration dans l’attente de la transmission par les services de l’État du porter à connaissance. Ce dernier ne pouvait être rédigé avant la parution, le 24 juillet dernier, des décrets définissant les conditions d’application de la loi Duflot. Or ceux-ci modifient les obligations relatives à la loi SRU des communes des EPCI concernés, le rattrapage étant fortement accéléré. En outre, certaines d’entre elles voient leur objectif passer de 20 % à 25 % de logements sociaux. Voilà la réalité que nous vivons dans nos collectivités territoriales.

Étant donné le niveau de l’objectif assigné par la loi en termes de logements alors même que de nombreux SCoT prévoient une réduction de l’objectif global de production annuelle de logements, résidences secondaires comprises, l’élaboration d’une cohérence territoriale réaliste promet d’être fort compliquée. Le PLH est un volet du projet de territoire à mettre en cohérence avec les autres politiques sectorielles. Il semble difficile en l’état actuel du SCOT et des PLU communaux de trouver une solution permettant d’adopter un PLH conforme aux nouvelles obligations légales. Espérons que la mise en œuvre d’un PLU intercommunal comportant un volet habitat offre réellement de nouvelles perspectives.

J’en viens à l’article 65 et aux zones 2AU. Afin de limiter l’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation et de réduire le stock de zones à urbaniser, les zones à urbaniser n’ayant pas fait l’objet d’une ouverture à l’urbanisation dans un délai de neuf ans après leur création seront considérées comme des zones naturelles et feront donc l’objet d’une révision lors de leur ouverture à l’urbanisation. Une telle disposition, si elle était retenue telle quelle, sans tenir compte des paramètres inhérents à l’état de non-ouverture, risque de déclasser de nombreuses zones et de bloquer des projets importants alors que nous avons besoin de densifier pour éviter précisément le mitage du territoire et la déprise agricole.

Ces quelques brèves remarques sont loin de rendre compte de l’étendue des conséquences du projet de loi sur le SCoT, les PLU et le PLH. En effet, la volonté du Gouvernement de couvrir l’ensemble du territoire national par des établissements publics fonciers ou EPF vous a conduite, madame la ministre, à confier à certains préfets la création d’un EPF de périmètre régional.

Plusieurs départements du territoire national consacrent déjà des moyens conséquents, par le biais de leur établissement public foncier, à une démarche de protection des espaces agricoles, de préservation des espaces naturels sensibles et d’inventaire des modes d’occupation du sol. Le soutien au logement social s’inscrit aussi dans une politique d’aménagement durable de l’espace. La création d’EPF à l’échelle régionale, en réintégrant des agences foncières départementales, risque de casser les dynamiques locales en cours et de remettre en cause certaines prérogatives départementales. Dans une même région, les moyens et les besoins sont totalement différents d’un département à l’autre. Les outils départementaux existants répondent parfaitement aux problématiques de leurs territoires qui font face à des niveaux de pression foncière différents. Le texte ne me semble pas tenir compte de cette réalité de terrain et les conséquences seront loin d’être neutres. Les articles 68 et 69 méritent d’être actualisés.

Le texte tel qu’il est entraîne une multiplication des contraintes et des procédures, dont il me semble que notre pays en possède déjà un certain nombre. Ne risque-t-on pas de vitrifier le territoire par l’insécurité juridique, un droit mouvant, des délais extensibles et des planifications à n’en plus finir ? La rupture de confiance entre l’État et les collectivités locales ne fera donc que s’aggraver.

En conclusion, ce texte doit être fortement amendé pour répondre aux réels besoins de nos concitoyens en termes de logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le texte que nous examinons à partir d’aujourd’hui fera date. Plus encore qu’un projet de loi-cadre, il prend en compte les deux volets essentiels d’une politique cohérente en matière d’habitat, le logement et l’urbanisme.

L’accès au logement est un droit fondamental, érigé au rang des valeurs universelles auxquelles notre pays est fidèle depuis toujours. Mais accéder au logement ne signifie pas pour autant créer des situations de dépendance. Les rapports entre bailleur et preneur ne sont pas uniquement des rapports de droit et la remise en ordre de certaines pratiques était devenue urgente. Le projet de loi y répondra.

Par ailleurs, la lisibilité et l’efficacité des politiques publiques du logement sont très inégales sur notre territoire. Elles peuvent pourtant, lorsqu’elles sont bien pilotées, être très efficaces, car les contractualisations avec les collectivités locales peuvent en amplifier les résultats. Ainsi, sur le territoire où je suis élu, la conjugaison de l’action de l’ANAH et de la région Poitou-Charentes, qui a orienté sa politique en matière d’habitat sur l’efficacité énergétique, a permis de mener à bien, à l’échelle d’un bassin de vie de 35 000 habitants, une OPAH d’un montant de dix millions d’euros consacrés à des travaux non-délocalisables pour le confort de ses habitants. Mais je sais aussi que toutes les opérations de ce type ne connaissent pas le même succès.

Enfin, votre projet de loi, madame la ministre, s’attaque à une plaie ouverte, la consommation de l’espace, dont l’étalement urbain n’est pas le moindre des responsables. Reconnaissons que si le terme de « mille-feuille territorial » a pu être employé à propos des collectivités locales, en matière de zonage et d’urbanisme, les choses sont bien pires. Céder une parcelle de terre revient aujourd’hui à résoudre une équation à plusieurs inconnues. Les zonages se sont multipliés et superposés et les droits de préemption à purger n’obéissent pas tous aux mêmes contraintes de temps. En outre, tous les territoires ne sont pas allés au même rythme et nombre de communes rurales ne sont pas encore dotées de documents d’urbanisme. Enfin, l’artificialisation des sols continue. La France perd 75 000 hectares par an et bientôt 90 000 à ce rythme, soit 250 hectares par jour !

D’autres avant nous ont pris conscience de cette dérive. En Allemagne par exemple, un débat sur la stratégie de développement durable s’est tenu au Bundestag dès 1996, pour contenir cette consommation et passer de 120 ha par jour à 30 ha par jour à l’horizon 2020. Un premier bilan en 2008 laissait apparaître une réduction de 25 %, preuve que conduire une politique volontariste en la matière peut conduire à des résultats significatifs. Votre projet de loi, madame la ministre, est construit en ce sens.

Ajoutons qu’en matière de consommation d’espace, les problématiques environnementales et sociales se rejoignent. Quelques exemples suffisent à en prendre conscience. Nous assistons à un recul du nombre d’exploitations agricoles, dont deux ou trois par jour disparaissent. Les sols sont de plus en plus imperméabilisés par les infrastructures, les zones d’activités qui restent parfois longtemps vides, les lotissements et les zones commerciales qui s’étendent à l’entrée des villes, fussent-elles très petites. Pendant ce temps, les centres-villes et les centres-bourgs se vident.

Corollairement à un tel étalement, la consommation énergétique ne cesse d’augmenter malgré les efforts en matière d’économie d’énergie ou d’efficacité énergétique. Enfin, la ségrégation sociale peu à peu s’installe, les riches au centre-ville et les pauvres à la périphérie. Balzac, déjà, avait raison. Si la France est encore la première destination touristique, c’est aussi pour son patrimoine architectural et naturel. Nous devons veiller à préserver ces valeurs patrimoniales comme nous devons préserver la biodiversité, véritable indicateur de l’évolution de nos civilisations. Oui, il faut moderniser nos documents de planification communaux et intercommunaux. Oui, il nous faut couvrir tout le territoire de documents d’urbanisme. Oui, il faut donner au SCoT une force contraignante en confortant son rôle intégrateur. Le SCoT sera un outil, il ne sera jamais une fin. Il est normal qu’en période de mutation des échelles locales, un tel outil soit apparu dans le code de l’urbanisme pour tenter de résoudre une question que toutes les sociétés se sont posée : comment exister ensemble sans cesser d’être individuellement ?

C’est bien cette question qui effraie encore et explique que notre territoire ne soit pas encore couvert par ce type de document. Chaque outil est une chance pour la formation d’une identité locale. La finalité d’un SCoT est aussi de se donner un temps de réflexion méthodologique, une opportunité d’équilibre entre le triptyque territoire perçu/territoire voulu/territoire vécu. Une fois élaboré, selon une méthode librement consentie, il disposera d’une force d’intégration. Oui, il faut aussi développer les opérateurs fonciers et articuler leurs actions. Peut-être faudrait-il aussi centraliser l’exercice du droit de préemption sur un seul, qui interviendrait pour le compte de celui qui l’exercera, ce qui signifierait que tous les autres sont purgés. L’efficacité d’une politique, c’est aussi l’efficacité de sa mise en œuvre et de sa perception par les citoyens.

Votre projet de loi, madame la ministre, est porteur d’une ambition forte : concilier économie, social et environnement dans un domaine où les enjeux sont à la fois multiples et contradictoires. Vous y êtes parvenue. Mais je crois pour conclure que nous devrons aussi être ambitieux en matière de fiscalité en ce domaine, afin qu’elle soit juste. Les effets d’aubaine ou des régimes fiscaux privilégiés portent encore trop souvent atteinte au principe d’égalité devant l’impôt. Il nous faudra aussi y remédier. Cela étant, c’est avec confiance et détermination que nous abordons la discussion du texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé.

Mme Monique Orphé. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’absence de logement aggrave la précarité, favorise l’exclusion et amoindrit la dignité de l’individu. Si le droit au logement est un droit fondamental, beaucoup d’individus en sont privés. Je salue donc en premier lieu la détermination de ce Gouvernement de s’attaquer à un problème qui entraîne l’exclusion d’une partie de la population.

Le projet de loi résulte d’une démarche politique traduisant l’idée d’une société mobilisée pour que les questions de logement soient abordées sous l’angle de la justice sociale. À la Réunion, le problème du logement se pose dans un contexte différent de celui qui prévaut en métropole en raison des évolutions démographiques. En effet, depuis quarante ans, la population réunionnaise croît à un rythme deux à trois fois plus soutenu que la population métropolitaine. Au cours de cette période, la population a quasiment doublé et les besoins en logement ont été multipliés par quatre. La persistance d’intenses besoins de logement est d’ailleurs confirmée par les perspectives démographiques, qui prévoient un million d’habitants à l’horizon 2030.

Dès lors, le diagnostic est posé : 22 000 demandes de logement non satisfaites ; 80 % de la population éligible à un logement social ; 16 000 logements insalubres dont la moitié nécessiterait une amélioration lourde, voire une démolition ; 164 000 personnes vivant dans un logement considéré comme trop petit et se trouvant ainsi en situation de suroccupation, soit 22 % de la population réunionnaise et deux fois plus que la moyenne nationale.

Après une baisse de la construction de logements au cours des années 2000, la défiscalisation du logement social a permis une hausse de l’offre, mais celle-ci n’était pas à la hauteur des besoins recensés. En effet, seuls 4 500 logements neufs ont été construits l’année dernière, alors qu’il en faudrait 9 000 pour répondre à la demande et accueillir dans de bonnes conditions la génération future.

La Réunion est aussi un territoire où les inégalités sont criantes. 42 % de la population vit avec moins de 920 euros par mois, le revenu médian y est 1 500 euros, inférieur de 40 % à celui de la France métropolitaine, et le département connaît un taux de chômage de 30 % en moyenne et près de 60 % chez les jeunes. Le problème des ressources des ménages réunionnais est accentué par le montant des loyers, qui a augmenté de manière importante au cours des dernières années.

Si ces loyers dans le département sont inférieurs à ceux relevés à Paris et sa région, ainsi qu’à Aix-en-Provence et Grenoble, à l’inverse, ils sont supérieurs aux loyers observés dans les principales autres villes de province. Ainsi, 43 % des ménages doivent fournir un taux d’effort supérieur à 30 %.

Le poids des vulnérabilités sociales et le besoin accru de logement exposent donc les ménages réunionnais à d’importantes difficultés d’accès et de maintien dans un logement, voire au recours à des formes de logement inadaptées ou dangereuses, ce dont profitent les marchands de sommeil, les propriétaires bailleurs peu scrupuleux. Ces constats m’ont amenée à proposer ou à soutenir un certain nombre d’amendements.

D’abord, l’encadrement des loyers dans le secteur privé doit être étendu à l’outre-mer, notamment dans les grandes villes telle Saint-Denis de la Réunion. La rareté et le prix du foncier impactent considérablement le coût de sortie des opérations de logement, même sociaux.

Pour ce qui est du mode de calcul de l’aide au logement, certains bénéficiaires se retrouvent souvent en difficulté en cas de changement de situation professionnelle ou personnelle. Afin d’améliorer la prise en compte de la situation réelle de l’allocataire, nous devons réfléchir à un mode de calcul différent. C’est pourquoi un rapport sera demandé au Gouvernement sur les modalités de calcul de l’allocation.

Pour lutter contre les marchands de sommeil et prévenir l’insalubrité des logements, j’ai souhaité apporter deux améliorations au projet. Il s’agit d’abord de proposer une définition de la notion de « marchand de sommeil », puisqu’une telle définition n’existe pas – or, un cadre légal est nécessaire pour permettre aux tribunaux de statuer. Je souhaite également renforcer l’article 46, en permettant aux locataires bénéficiant des allocations logement de ne pas verser la part résiduelle du loyer au propriétaire, tant que celui-ci n’a pas procédé à la mise en conformité du logement.

Enfin, pour conclure, je veux souligner que 400 000 femmes ont été victimes de violences au sein de leur foyer. L’offre d’hébergement dédiée à ces femmes et les possibilités de relogement sont des clés indispensables dans le parcours de sortie des violences conjugales. En qualité de vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, j’ai souhaité proposer un amendement ouvrant la possibilité aux femmes victimes de violences conjugales de bénéficier d’une offre d’hébergement après un passage en hébergement d’urgence. Il est important de proposer des hébergements relais, permettant de faire le lien entre l’hébergement d’urgence et l’autonomie de ces personnes en termes de location, pour assurer une réintégration et libérer des places pour les situations d’urgence. Je souhaite que ces amendements reçoivent une adhésion la plus large possible au sein de cette assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dix ans de laisser-faire des précédents gouvernements nous ont conduits à une crise profonde du secteur du logement : dix ans de spéculation, dix ans de hausse des prix, dix ans ont eu pour conséquence 3,5 millions de personnes touchées par le mal-logement aujourd’hui en France.

Le Gouvernement a décidé de prendre à bras-le-corps le problème du logement, un problème complexe et multiforme qu’il faut traiter dans sa globalité. C’est ce que fait ce texte et je m’en félicite. Garantie universelle des loyers, prévention des expulsions, réforme du logement social, encadrement des loyers, lutte contre l’habitat indigne, sont autant de thèmes qu’il était nécessaire d’aborder pour enrayer la crise que nos concitoyens vivent au quotidien.

Il y a tout juste un an, un grand quotidien du soir titrait : « L’habitat indigne continue de tuer ». Dans ma ville, Saint-Denis, ce ne sont pas que des mots, mais une réalité : dans la nuit du 8 au 9 septembre 2012, trois personnes sont mortes dans l’incendie qui a ravagé leur immeuble. Les propriétaires de l’immeuble en question, des marchands de sommeil, ont sciemment mis en danger la vie de leurs locataires en laissant leur bien se dégrader. Dans le centre-ville de Saint-Denis, 38 % des logements sont indignes, et on compte encore 600 000 logements insalubres dans toute la France.

Pour qu’un drame comme celui de Saint-Denis ne se reproduise plus, la lutte contre l’habitat indigne est imposée par le Gouvernement comme une priorité. L’un des quatre grands titres de ce projet y est exclusivement consacré. La force des dispositifs proposés réside selon moi dans le fait de s’attaquer de manière globale au problème. Prévention, sanction, action, tel est le triptyque nécessaire de l’intervention publique dans le cadre de la résorption de l’habitat indigne.

En termes de prévention d’abord, le texte vise à anticiper la dégradation des logements. Il crée, par exemple, un registre national d’immatriculation des copropriétés afin de détecter, le plus en amont possible, celles qui sont susceptibles de se trouver en difficulté et, plus largement, de mieux connaître ces huit millions de logements.

En termes de renforcement des sanctions, le texte interdit aux personnes condamnées pour hébergement contraire à la dignité humaine l’achat de nouveaux locaux d’habitation. C’est une mesure salutaire, car il était insupportable de voir ces marchands de sommeil se partager pour une bouchée de pain les biens vendus par adjudication. Nous devrons être très vigilants pour que cette interdiction s’applique tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales. Le texte vise également à créer les conditions d’un acteur unique, afin de rendre plus efficaces les politiques menées en matière de lutte contre l’habitat indigne.

Mais il nous faut aller encore plus loin. Les collectivités ont besoin de nouveaux outils pour lutter efficacement contre l’habitat indigne. Avec François Pupponi et nos collègues du groupe socialiste, nous avons engagé un travail en ce sens, et nous proposerons, au cours du débat, plusieurs amendements allant dans ce sens. Parmi ces amendements, figure la proposition de mettre en place une autorisation préalable de mise en location, basée sur les critères de décence prévus par le décret de 2002. S’il est adopté, ce dispositif permettra aux communes qui le souhaitent d’exercer un contrôle en amont en empêchant la mise en location des logements ne correspondant pas aux critères de décence.

Évidemment, pour être efficace, cette obligation devra être assortie d’une sanction pour ceux qui ne la respectent pas. Nous devons absolument mettre fin à certaines situations que les élus locaux vivent au quotidien. Pas plus tard qu’avant-hier, j’ai visité un logement frappé par un arrêté d’insalubrité et de péril depuis 2003, mais que le propriétaire continue à louer, et dont il perçoit évidemment les loyers. Face à ce genre de situation, il apparaît nécessaire de renforcer les sanctions à l’égard de personnes se plaçant durablement en contradiction avec la loi.

Lorsqu’on met délibérément en danger la sécurité des personnes dans le seul but de s’enrichir, la réponse pénale doit être ferme, et correspondre à la gravité de l’acte. Les sanctions pénales à l’encontre des marchands de sommeil doivent être durcies. En ce sens, je proposerai de porter à dix ans l’interdiction d’achat d’un nouveau bien immobilier pour les actes les plus graves.

Madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite du travail que nous avons entrepris ensemble, en collaboration avec les différents acteurs de terrain. Nous examinons aujourd’hui un texte responsable et ambitieux. Il permettra, j’en suis convaincu, de contribuer grandement à l’amélioration des conditions de vie de nos concitoyens, en réaffirmant le droit à un logement décent pour tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Borgel, dernier orateur inscrit.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Excellent orateur !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. On nous a réservé le meilleur pour la fin ! (Sourires.)

M. Christophe Borgel. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, en écoutant nos collègues de l’opposition s’exprimer dans le cadre de cette discussion générale, je me suis dit que nous n’avions pas dû lire la même loi. À les entendre, le Gouvernement aurait fait une loi contre les propriétaires et contre la construction de logements, une loi favorisant les locataires de mauvaise foi qui ne paient pas leur loyer – et puisque ce n’est pas une caricature, on est prié de ne pas rire.

Bien évidemment, toutes les mesures prévues par cette loi correspondent à la description générale que je viens d’en faire. Ainsi, toujours à en croire nos collègues de l’opposition, il ne serait pas proposé d’encadrer les loyers pour endiguer la spéculation locative et soulager la part toujours croissante consacrée au logement dans le budget des ménages, l’objectif du Gouvernement étant de faire baisser les revenus locatifs des propriétaires. Il ne serait pas non plus proposé d’instaurer une garantie universelle des loyers pour encourager les propriétaires à louer leur bien plutôt que de le laisser vide, pour prévenir les expulsions des locataires en difficulté et permettre aux plus démunis un meilleur accès au logement. Non, votre objectif réel, madame la ministre, serait d’encourager les locataires à ne pas payer leur loyer, uniquement dans le but de réduire les revenus locatifs des propriétaires ! Et ce n’est sans doute que le souci de la perfection qui vous pousse à prendre des mesures visant à décourager l’investissement car, faisant fi des zones tendues et des locataires qui font la queue dans les cages d’escalier pour visiter un appartement à louer, vous voulez à tout prix empêcher les propriétaires de tirer un quelconque bénéfice de l’investissement qu’ils ont réalisé !

Mes chers collègues, soyons sérieux ! J’espère qu’après les mesures imposées de la discussion générale, la discussion des articles sera marquée par une plus grande précision des arguments avancés. Nous faisons tous le même constat : notre pays manque de logements, en particulier dans les zones les plus tendues. Les loyers se sont envolés, et ce n’est pas en se félicitant des baisses du moment qu’ils retrouveront des niveaux acceptables pour nos concitoyens, obligés de consacrer une part beaucoup trop importante de leurs revenus aux dépenses de logement.

Le raisonnement de nos collègues de l’opposition – qu’il s’agisse de M. Apparu ou de M. Copé – est simple : selon eux, c’est en renforçant l’offre que l’on résoudra le problème du coût du logement, que ce soit à l’achat ou à la location. C’est en construisant plus de logements et en pariant sur le fait que le marché se régulera tout seul que l’on réglera le problème de l’accès au logement et du coût du logement en France. L’histoire n’a pourtant pas vraiment mis en évidence cette capacité autorégulatrice du marché. Par ailleurs, alors que ce raisonnement théorique nous est servi depuis des années, les Français ne cessent, depuis tout ce temps, d’être confrontés à un problème bien pratique, celui consistant à trouver à se loger à proximité de leur lieu de travail, si possible à un loyer compatible avec leurs revenus.

Il nous faut agir le plus vite possible, c’est-à-dire maintenant, et c’est ce que vous vous proposez avec un certain nombre de mesures immédiates – encadrement des loyers, garantie universelle, équilibre entre locataire et propriétaire – et pour l’avenir – je pense aux mesures ayant vocation à favoriser la construction de logements dans notre pays. Je dois avouer que je ne comprends pas l’opposition que certains s’obstinent à voir entre la construction de logements et les mesures visant à réguler le marché du logement. Loin de la caricature d’un projet anti-propriétaires, il nous est proposé un texte visant à réguler le marché du logement, afin de permettre aux locataires de trouver un logement plus facilement et à meilleur coût, tout en respectant la volonté bien légitime des propriétaires, qui ont investi dans un logement, d’en retirer les fruits qu’ils en attendent.

Pour conclure, je reviendrai sur le sujet des copropriétés, un dossier qui me tient particulièrement à cœur dans ce débat. Des milliers de Français sont logés en copropriété, soit en tant que locataires, soit en tant que copropriétaires occupants, et je reconnais que la gauche a sans doute trop souvent négligé, trop concentrée sur le logement social, ce qui constitue l’un des aspects de la réalité du logement dans notre pays. Vous avez souhaité vous attaquer à ce dossier, madame la ministre, et je crois qu’il était effectivement nécessaire d’agir. Ainsi, des mesures sont proposées pour améliorer la transparence de la gestion – je pense aux dispositions du projet de loi relatives aux honoraires ou au compte séparé –, pour améliorer la solidité et l’image de la profession des syndics de copropriété – je pense au conseil national de la profession – ou encore pour remédier à la situation des copropriétés dégradées, qu’il s’agisse de celles, bien connues, de la Grande Borne, de Grigny ou de Clichy-sous-Bois, mais aussi de toutes celles situées dans l’habitat diffus des villes qui, sous l’effet d’une gestion à la petite semaine, se dégradent lentement depuis des années, jusqu’à constituer de véritables bombes à retardement en matière de logement.

Dans ce domaine comme dans d’autres, le texte proposé est équilibré. Mais, alors que nos collègues de l’opposition ne font que défendre les intérêts des propriétaires tout au long du texte, ils s’en détournent lorsqu’il est question des copropriétés, préférant prendre la défense des syndics de copropriété plutôt que de chercher à améliorer l’équilibre dans les rapports entre les copropriétaires et les syndics.

M. Philippe Goujon. Caricature !

M. Christophe Borgel. Enfin, madame la ministre, je veux souligner la qualité du travail accompli en commission avec les parlementaires en amont de ce débat, et appeler à ce que la première et la deuxième lecture du texte donnent lieu à des débats d’une aussi grande qualité, afin de parvenir aux améliorations qu’il reste à apporter au projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre. Mesdames et messieurs les députés, je souhaite moi aussi, pour reprendre la conclusion du dernier orateur, que la qualité du travail accompli en amont – et je remercie les parlementaires, quels que soient les bancs dont ils sont issus, qui l’ont soulignée – se retrouve lors du débat en séance publique. Je crois que, bien loin d’être une loi « fourre-tout » comme cela a pu être dit, le texte qui vous est proposé a vocation à répondre à la globalité des difficultés se posant en matière de logement.

Dans un grand nombre d’interventions, j’ai entendu, pratiquement toutes les deux phrases dans la bouche de députés de l’UMP – vous l’avez vous-même souligné, monsieur Borgel – le mot : « idéologie ». Je veux dire, d’abord, dans le prolongement de ce qu’a affirmé Mme Rabin, qu’il ne s’agit pas là d’un gros mot. Comme je l’ai rappelé lors de la présentation du texte, ce projet de loi assume sa vocation : celle de la régulation, celle du retour d’une forme de normalité dans le montant des loyers, celle de la mise en œuvre d’une politique de gauche qui considère que le logement est un bien de première nécessité. Je le dis avec tranquillité : si cela dérange et contrarie les défenseurs de la main invisible du marché, qui a surtout servi à remplir les poches des spéculateurs, c’est leur choix (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est même peut-être leur intérêt, mais ce n’est pas celui de la majorité. Soyons donc très tranquilles, ayons ce débat sereinement. Je ne me sens absolument pas insultée par ceux qui estiment que nous mettons en place des dispositifs qui rompent avec les méthodes de ces dernières années.

Je veux revenir sur plusieurs interventions ayant trait à l’encadrement des loyers. De manière assez drôle, la nouvelle offensive contre cet encadrement s’appuie sur le constat, qui repose sur des chiffres un peu biaisés, que la tendance serait désormais à la modération. Si tel est le cas, la preuve est faite qu’il n’est nul besoin d’encadrement !

Je rassure tout le monde : si les loyers baissent, l’encadrement des loyers aura pleinement atteint son objectif, puisqu’il ne sera plus nécessaire. L’objectif de ce Gouvernement est de faire en sorte que, non seulement les loyers n’augmentent plus, comme cela a été le cas au cours des dernières années, mais également qu’ils baissent. Si cette baisse a lieu d’elle-même, l’encadrement des loyers sera simplement une borne supérieure, qui aura peut-être vocation à servir un jour, ou peut-être pas. Mais il ne m’apparaît pas que la baisse des loyers pourrait dissuader de les encadrer. Au contraire, traiter le symptôme en s’attaquant aussi à la racine du mal n’est absolument pas une mauvaise chose : en matière médicale, cela se fait tous les jours. Pourquoi ? Parce que cela permet de soulager plus rapidement le malade et d’améliorer son bien-être.

M. Philippe Goujon. Cela a déjà été fait et cela a été une catastrophe.

Mme Cécile Duflot, ministre. S’agissant de la décision du Gouvernement de s’orienter vers l’encadrement des loyers, M. Apparu a expliqué que le sujet majeur concernait l’offre, que le Gouvernement précédent avait d’ailleurs énormément améliorée. J’aurais pu lui rétorquer très directement qu’au cours des dix dernières années, dans les zones tendues, les loyers ont augmenté de 40 %. Il y a donc une contradiction entre les deux positions.

J’ai entendu M. Daubresse donner beaucoup de leçons et faire des références à la situation lointaine de l’après-guerre. Or, je rappelle qu’à l’époque on trouvait très choquant que le montant des loyers représente plus de 10 % des revenus des locataires. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation qui n’a rien à voir avec cela. Nous devons donc être conscients qu’il est des situations anciennes qui n’étaient pas forcément plus mauvaises que celles que nous connaissons aujourd’hui.

M. Copé est allé plus loin en affirmant que la politique que nous menons allait mettre en difficulté encore davantage les locataires. Je n’ai pas eu l’impression que les dispositifs sur lesquels nous travaillons – M. le député Borgel a évoqué notamment l’encadrement des rémunérations des professions immobilières –, conduisent à ce que les locataires se sentent brisés ou martyrisés. J’ai au contraire ressenti une très forte attente en ce sens et la volonté que nous allions plus vite.

Mmes Dalloz et Le Calennec ont tenu, non sans emphase, des propos similaires, expliquant, en recourant davantage à des formules qu’à des objections réelles, que l’encadrement des loyers et le renforcement de la régulation constituaient une mauvaise politique.

Des doutes ont également été exprimés par MM. Richard, Tetart et Piron, qui se sont interrogés sur la part de souplesse – ou de rigidité – du dispositif. Je veux redire que nous avons beaucoup travaillé – et ce travail a été affiné en commission –pour que ce dispositif d’encadrement soit contraignant mais souple. Il ne s’agit pas d’administrer les prix mais d’établir une fourchette de prix. L’objectif est d’exercer une contrainte plus forte – en plafonnant les loyers à 120 % du loyer médian – dans les zones les plus tendues et dans celles où les loyers ont été les plus élevés.

M. Chassaigne a également fait part de ses inquiétudes, mais pour d’autres motifs.

M. André Chassaigne. Oui !

Mme Cécile Duflot, ministre. Il a d’abord souhaité que nous allions plus loin, mais je crois que le président Chassaigne est en quelque sorte un « M. Plus » (Sourires.) Cela ne m’inquiète donc pas ; au contraire cela me rassure, car c’est une source de stimulation quotidienne. Monsieur Chassaigne, vous avez également émis la crainte que ces dispositions puissent exercer un effet inflationniste sur les loyers les plus faibles. Je le redis : le dispositif a été renforcé, grâce à un abaissement du loyer plancher à 30 % en deçà du loyer de référence. De fait, plus de 95 % des loyers se situent au-dessus de ce plancher. L’heure me paraît d’ailleurs idéale pour nous livrer à ce type d’exercice mathématique : c’est un test de la vivacité intellectuelle des parlementaires et de la ministre ! On pourra en tout cas vérifier si son raisonnement était juste (Sourires).

Pour reprendre un exemple déjà cité, une personne âgée vivant depuis des années dans son logement, qui a réussi, par chance – puisqu’aucun dispositif ne le garantissait jusqu’à la publication du décret mentionné par Annick Lepetit – à échapper à l’augmentation de son loyer au renouvellement du bail, ne sera aucunement menacée par le dispositif proposé. En effet, l’encadrement du loyer se fera par application de l’IRL lors du renouvellement du bail : l’augmentation du loyer ne sera possible que si elle est réellement justifiée par la réalisation de travaux. Il fallait éviter qu’un mécanisme trop rigide – nous y reviendrons lors de l’examen de vos amendements – dissuade un propriétaire d’accomplir des travaux de confort ou de rénovation thermique dans un logement qui n’en avait pas fait l’objet depuis des années. Nous avons donc veillé aussi à cette souplesse, pour éviter un effet pervers que, j’en suis certaine, vous n’auriez pas souhaité.

J’ai bien entendu aussi, à l’inverse, Jean-Luc Laurent et Jacqueline Maquet expliquer à quel point, dans un certain nombre de territoires, ce dispositif était attendu et souhaité, y compris de la part d’élus locaux qui souffrent de ne pouvoir agir sur les loyers. Aujourd’hui, un élu local souhaitant éviter le départ de ses administrés, et se trouvant en présence d’un locataire ne sachant que faire face à une augmentation de loyer, se trouve assez démuni. L’encadrement des loyers permettra de juguler l’envolée des loyers, notamment dans les zones les plus tendues, en particulier les communes voisines de Paris.

À ce propos, j’ai trouvé cocasse, là encore, que la députée de Palaiseau, que je remercie d’être restée jusqu’à cette heure tardive, affirme que la question de Paris n’était pas traitée par ce texte. Pourquoi cela est-il cocasse ? Parce qu’une objection formulée de façon très claire dans cet hémicycle reposait sur le fait que le dispositif d’encadrement des loyers n’était pertinent que pour les zones tendues, c’est-à-dire exclusivement pour Paris, et que je faisais une loi qui ne s’adressait qu’à Paris. À présent, vous m’objectez que l’on oublierait Paris ! Quant à votre argument portant notamment sur la TVA sur le logement intermédiaire, le Président de la République lui-même a annoncé il y a environ deux mois qu’elle bénéficierait d’un taux réduit. Cette décision a donc déjà été prise.

Je reviendrai de manière très précise sur les dispositions relatives à l’encadrement des loyers. Mais au-delà de cet aspect très technique, je voudrais redire – et ce n’est sans doute pas un hasard si les termes utilisés par la majorité et l’opposition ont été à ce point différents – qu’il s’agit bien d’une volonté politique affirmée tendant au retour de la régulation.

Dans ce débat sur le montant des loyers, une situation spécifique a été évoquée par Mmes Bareigts et Orphé : celle de l’outre-mer, en particulier de la Réunion. Je veux que vous sachiez que mon collègue Victorin Lurel et moi-même sommes très conscients de l’extrême difficulté des territoires d’outre-mer en matière de logement. Nous travaillons à la mise en place de dispositifs adaptés qui permettent, tant sur la question du logement social que sur celle de l’encadrement des loyers et du soutien à la construction, dans des espaces parfois très contraints sur le plan des risques ou de la disponibilité foncière, d’apporter des réponses à la hauteur de l’enjeu. Évidemment, comme sur l’ensemble du territoire – je reviendrai également sur les zones de montagne, je le dis notamment à Mme Massat –, nous souhaitons mettre en œuvre des actions spécifiques dans les territoires connaissant une situation particulière – c’est ici la ministre de l’égalité des territoires qui s’exprime.

Un autre sujet a fait l’objet de nombreux débats : celui de la garantie universelle du logement. Nous y reviendrons là aussi abondamment. Le travail que nous avons accompli s’inspire également de ce qui s’est fait précédemment. À ce propos, je tiens à rendre hommage au travail mené par Jean-Louis Borloo et par d’autres pour mettre en place la garantie des risques locatifs. Pourquoi ? Parce qu’elle reposait sur le même constat que celui que nous avons établi : un certain nombre de candidats à la location souffrent d’une triple peine, constituée de loyers très élevés, de demandes de garantie très exigeantes et de revenus contraints. Cette situation aboutit à des blocages dans l’accès au logement, en particulier pour les jeunes. Le meilleur moyen de lever cette difficulté est d’instituer un dispositif mutualisant l’ensemble des risques, qui existent mais qui n’en demeurent pas moins faibles. J’ai entendu une objection intéressante, reposant sur le constat qu’il n’y a que 2,5 % d’impayés. Ce pourcentage est exact, ce qui signifie que les détracteurs de la GUL ne peuvent pas affirmer qu’elle coûtera des milliards d’euros en prétendant que le taux de sinistralité pourrait aller jusqu’à 8,5 %. Non, le taux de sinistralité des impayés de loyers est très faible, pour la simple raison que chacun s’assigne pour priorité de conserver un toit et donc de payer son loyer.

Toutefois, le meilleur moyen de couvrir le risque supporté par le propriétaire et de résoudre la difficulté d’obtention d’une garantie pour le locataire, est de faire en sorte que le risque soit partagé. Le fait de favoriser l’accès au logement constitue donc un bénéfice pour tous. Les choses sont parfois très faciles : un couple disposant de revenus significatifs n’aura aucune difficulté à accéder à un logement. Mais en cas de séparation, si l’une de ces deux personnes se retrouve au chômage, elle aura besoin de cette forme de solidarité que représente la garantie universelle du logement. Ce dispositif est donc sécurisant et, je le redis, bénéficie notamment aux jeunes, c’est-à-dire à la population ayant le plus de difficultés à accéder au logement.

Aussi je ne comprends pas les mots employés par M. Berrios, Mme Louwagie et M. Huet qui, sous couvert du qualificatif aimable d’idéologie généreuse, a affirmé que l’on participait de la déresponsabilisation des locataires. C’est le contraire. Vous comprenez bien qu’une propriétaire retraitée, habitant à Menton, utilisant les revenus de la location de son logement de deux pièces à Courbevoie comme complément de retraite, aura beaucoup plus de difficultés, en cas d’impayés, à mandater un huissier ou un avocat que de s’appuyer sur un dispositif permettant d’assurer beaucoup plus rapidement le recouvrement de sa créance. À l’inverse, un locataire de mauvaise foi, qui sait devoir faire face à un mécanisme organisé, disposant de moyens éventuellement plus coercitifs qu’un propriétaire éloigné, et qui n’a pas les moyens de recourir à un avocat, sera incité à payer plus rapidement pour éviter les poursuites liées au dispositif de garantie. Par conséquent, loin d’entraîner la déresponsabilisation, cela permet une responsabilisation mais aussi une protection.

En ma qualité de ministre du logement, je suis confrontée, comme d’autres, en particulier comme de nombreux élus locaux, à des situations de rupture qui, comme vous l’avez dit, monsieur Chassaigne, sont extrêmement dures, à des familles confrontées à plusieurs mois d’impayés. Vous avez évoqué la situation de Stains, et je me suis penchée sur le sort d’une famille habitant cette ville et ayant 9 000 euros d’impayés. Cela va très vite, 9 000 euros, et il est extrêmement difficile d’y faire face lorsqu’on dispose de revenus très limités. Si cette famille, dès le premier mois d’impayés, avait fait l’objet d’une intervention, on aurait pu mettre en place très rapidement un plan d’apurement, des aides permettant par exemple de faire face à une période de chômage.

Madame Orphé, vous avez évoqué la question des femmes victimes de violences. Je l’ai prise en considération depuis ma prise de fonctions, en lien avec ma collègue Najat Vallaud-Belkacem. Qui est en effet le plus vulnérable en matière d’expulsions ? Ce sont les femmes, se retrouvant seules, dans leur logement, après le départ du conjoint – qui, parfois, ne paie pas la pension alimentaire. Travaillant généralement dans le cadre d’un temps partiel subi – cas le plus fréquent chez les femmes –, elles pensent avant tout, le temps de sortir la tête de l’eau après le choc de la séparation, à nourrir leurs enfants ; Elles peuvent ainsi se retrouver dans une situation de blocage, avec huit ou neuf mois d’impayés. Dans ce type de cas, la vocation de la GUL est d’intervenir très tôt et de pouvoir aider ces femmes à constituer par exemple un dossier DALO, à se voir attribuer un logement social et à ne pas entrer dans l’engrenage des impayés de loyers qui peuvent ensuite conduire à l’expulsion. Voilà le rôle de protection que peut jouer la GUL vis-à-vis des expulsions.

A cet égard, monsieur Chassaigne – car nous avons entendu un certain nombre de parlementaires et de représentants d’associations sur le sujet –, nous prendrons soin d’accepter les amendements qui permettront d’enrichir les dispositifs de prévention des expulsions dès la mise en application de la loi et dans l’attente de la mise en œuvre de la GUL. Ce sujet est donc pris en considération.

Vous avez également mentionné des points positifs de ce dispositif, monsieur Chassaigne, à l’instar de Mme Troallic. Je remercie d’ailleurs cette dernière, parce qu’elle a très bien cerné l’état d’esprit général de la GUL, dont les objectifs sont au nombre de trois : la prévention des expulsions, la sécurisation des propriétaires et l’accès au logement des locataires qui aujourd’hui subissent nombre de contraintes de la part des propriétaires ou des intermédiaires immobiliers.

MM. Piron et Borgel ont évoqué les dispositions relatives à la copropriété. Or celles-ci sont bien nécessaires. Je m’empresse de rassurer tout le monde, en particulier un certain nombre de parlementaires de l’UMP : des travaux sur ce sujet ont été menés sur l’ensemble des bancs, ils ont fait l’objet de nombreux rapports depuis des années. Il s’agit donc non pas d’inventer mais simplement de mettre en œuvre des dispositions attendues que d’aucuns avaient considérées comme non prioritaires jusqu’alors mais qui permettront de débloquer beaucoup de situations.

Il en va de même – je regrette à cet égard l’ironie déplacée de Mme Maréchal-Le Pen – pour l’habitat léger, que Mme Bonneton a mis en valeur. Nous créerons un dispositif législatif adapté à cette réalité, celle de modes de vie différents acceptés par les élus locaux mais qui pour l’instant ne bénéficient d’aucun cadre.

Pour le volet de l’aménagement et de l’urbanisme, qui est également très important et qui suscite beaucoup de débats chez les parlementaires, je voudrais rassurer certains parlementaires - M. Mesquida, évidemment, mais aussi Mme Genevard ou M. Chassaigne. Nous n’avons pas pour objectif de fragiliser le rôle des communes, mais il est dans notre intention, comme cela a été précisé par des élus locaux engagés dans ces démarches - M. Feltesse, M. Potier, M. Pellois, Mme Grelier ou M. Bies - de montrer la force d’un travail intercommunal quand le bassin de vie, quand la logique des déplacements et de l’aménagement excèdent les limites communales.

Nous aurons évidemment ce débat, qui permettra d’entrer dans les détails du sujet. Je voudrais néanmoins préciser à Mme Lacroute, bien qu’elle ne soit pas présente à cet instant, qu’il était caricatural d’affirmer que l’objectif de ce projet de loi était de transformer les jardins en immeubles. Cette assertion est de plus totalement déplacée au vu de la discussion que nous avons eue en commission, où j’ai défendu devant vous l’articulation entre densité et préservation des espaces naturels et lutte contre l’artificialisation.

Mme Delga a souligné l’objectif double du volontarisme et du consensus. C’est vraiment l’état d’esprit avec lequel je souhaite avancer sur cette question au nom du Gouvernement : il doit y avoir un réel volontarisme, mais dans un esprit de respect et de consensus.

S’agissant de la lutte contre l’habitat indigne, il fait l’objet d’un quasi-unanimisme. Je remercie tous ceux qui ont travaillé sur ce sujet : M. Carpentier, qui a évoqué les questions de division de pavillon et de maison, qui sont très importantes, M. Verdier, M. Laurent, puisque la question du permis de louer, qui a suscité de nombreux débats et donné lieu à l’écriture de plusieurs rapports, fera l’objet d’une discussion ici.

Je salue en outre l’action de M. Pupponi. Nous avons évoqué le travail parlementaire et les fidèles qui sont présents jusqu’au milieu de la nuit ou qui ont été mobilisés pour les différents projets de loi. Lorsque nous avions eu un débat sur le cas particulier de certaines zones de bruit, M. Pupponi a rappelé que, grâce à un travail commun, nous avions trouvé des solutions à ce problème. Un certain nombre d’amendements qui ont été déposés sur ce texte soulèvent quelques difficultés spécifiques. Je vous propose que nous ayons la même démarche d’examen et de recherche de solution.

Monsieur Hanotin, j’avais pris un engagement important, et je le dis avec émotion puisque c’est le triste anniversaire de l’incendie de Saint-Denis : tout faire pour que ces accidents mortels que nous risquons tous les jours prennent fin, pour que les élus locaux ne soient plus dans l’angoisse d’une telle catastrophe. Les dispositions sur lesquelles nous nous sommes concertés grâce au travail des élus locaux, des parlementaires et des services de l’administration nous permettront de doter tout le monde des outils efficaces de lutte contre les marchands de sommeil, qui ne doivent plus trouver aucune terre d’accueil dans notre pays.

Un certain nombre de sujets un peu plus spécifiques ont été évoqués ; nous y reviendrons sans doute au cours du débat.

Arnaud Richard a fait référence à un certain nombre de propositions qu’il avait avancées avec Danièle Hoffman-Rispal : plusieurs d’entre elles sont reprises dans le présent projet de loi. C’est d’ailleurs de cette manière que je conçois le lien avec le travail des parlementaires : les rapports parlementaires ont vocation à nourrir le travail législatif. Vous retrouverez donc dans l’ensemble de ce texte de nombreuses propositions qui ont été à l’origine élaborées dans le cadre du travail parlementaire.

M. Priou a évoqué la question des établissements publics fonciers régionaux. Celle-ci nous a occupés à plusieurs reprises, et elle a vocation à nous occuper encore à l’avenir.

M. Giraud a quant à lui insisté sur la question des saisonniers : c’est un sujet très compliqué sur lequel nous continuerons de travailler.

Quant aux services ADS et ATESAT, ils sont de la compétence pleine et entière des communes, monsieur Chassaigne, et ce depuis 1982. Les dispositions du code de l’urbanisme qui confiaient à l’État le soin d’instruire des permis étaient des dispositions transitoires, et elles le sont depuis trente ans ; il faut désormais avancer. Nous y reviendrons au cours du débat, et je fournirai alors, si vous me le permettez, une réponse plus précise.

S’agissant des questions relatives à la montagne, pour répondre aux interventions de Mme Massat et de Mme Battistel, nous en sommes très conscients. La présence du Premier ministre à l’installation du Conseil national de la montagne signifiait bien la volonté du Gouvernement de prendre en compte les spécificités des zones de montagne.

J’indique en réponse à M. Gaymard que les problématiques qu’il a soulevées sont très intéressantes et très importantes : la dégradation de certains parcs d’immobilier de loisir, notamment en montagne, sont de vraies préoccupations. Nous y reviendrons sans doute au cours de la discussion parlementaire, mais je tiens à m’engager à avancer sur ce dossier, qui concerne des territoires au sein desquels les élus locaux sont parfois un peu désarmés.

Madame Lepetit, vous avez parlé de la question des meublés touristiques. C’est également un dossier sur lequel nous souhaitons avancer.

Enfin, je voudrais répondre à M. « la » député Collard, qui a évoqué la question des drive, qu’il est hors sujet, comme on l’écrit de manière expéditive sur certaines copies scolaires, puisqu’il n’y a aujourd’hui aucun encadrement en la matière. Je le dis devant le président Brottes, qui porte ce dossier avec beaucoup de volonté et de détermination. Après donc un premier pas, que ce dernier a reconnu, je sais qu’il attend du Gouvernement qu’il franchisse un deuxième, un troisième, voire un quatrième ou un cinquième pas.

En tout cas, cela va à l’encontre des propos de M. Collard, qui m’a qualifiée de « valet du capitalisme ». J’ai d’ailleurs été à la fois bolchevik et valet du capitalisme en une seule soirée ; c’est assez distrayant…

M. André Chassaigne. Bolchevik, c’est quand même mieux ! (Sourires.)

Mme Cécile Duflot, ministre. Je vous comprends, monsieur Chassaigne, et il est regrettable que vous ayez raté cet épisode !

Je voudrais en conclusion faire plusieurs clins d’œil. Le président Brottes a dit « c’est du lourd » ; il n’a parlé, je crois, que du projet de loi, et pas de la ministre, ce dont je le remercie. (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Si ce n’est de moi-même !

Mme Cécile Duflot, ministre. M. Laurent a déclaré que nous avions du pain sur la planche ; nous allons donc nous y remettre dès demain matin. Enfin, j’ai apprécié la formule de Mme Tallard, qui a dit que ce projet de loi était « heureusement volontariste ». Dans ces conditions, je pense que nous pouvons avec plaisir continuer d’être volontaristes au cours de ce travail parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Lecture définitive des projets de loi ordinaire et organique relatifs à la transparence de la vie publique ;

Suite du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 11 septembre 2013, à une heure cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron