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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Troisième session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 16 septembre 2013

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à 16 heures.)

1

Simplification des relations entre l’administration et les citoyens

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens (nos 1276, 1342).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le Président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, le texte que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui au nom du Premier ministre a pour objet plusieurs réformes structurelles qui, je l’espère, resteront dans l’histoire de notre administration. Nous avons effectivement pour ambition de donner un nouveau souffle au modèle français. Si certains doutent de la capacité de la France à s’adapter au monde, ils oublient peut-être que notre État de droit a mis l’égalité au cœur de son mode de fonctionnement. Nos administrations fonctionnent avec le souci permanent de répondre à nos attentes citoyennes et républicaines, de répondre à tous les citoyens où qu’ils se trouvent sur notre territoire.

Dans un monde qui bouge, le temps est venu d’adapter notre droit, sans risque pour nos libertés. Le Président de la République a décidé de faire de la réforme de l’État et du choc de simplification deux de ses principaux combats ; c’est son expression. La demande des Français à l’égard de l’État et de la puissance publique reste forte. Lors de mes déplacements dans tout le pays, je mesure comme vous à quel point nos services publics sont efficaces et organisés, pour faire face au quotidien comme aux plus grandes catastrophes. Il reste que l’adaptation aux nouveaux usages du numérique, par exemple, ne s’est pas faite partout et dans toutes les administrations de la même manière. Et les relations avec les administrations sont le fait de textes de lois parfois dispersés, parfois disparates. Plus grave, les entreprises comme les citoyens ont parfois l’impression de se perdre dans le maquis hallucinant des demandes et formulaires, alors que tout pourrait être plus simple, plus rapide et plus efficace.

Ce que les citoyens mesurent en fait assez mal, c’est l’origine des pesanteurs : elles sont souvent le fait de droits et de protections successives. Il en va ainsi de l’échange de données entre les administrations. La protection de la vie privée et les règles du droit des fichiers empêchent le partage des fichiers au nom de la protection des droits individuels, peu le savent. Aussi faut-il, pour parvenir à simplifier, prendre des précautions légales et procédurales. C’est tout l’objet des différentes habilitations que le Gouvernement vous demande aujourd’hui.

Nous vous proposons d’engager trois réformes structurelles profondes. D’abord, nous allons accélérer l’utilisation du numérique en généralisant le droit, pour les citoyens, de saisir toute administration par la voie électronique, y compris, par lettre recommandée. Ensuite, nous vous proposons de mettre en place un droit de saisine des autorités administratives par voie électronique, y compris en l’absence de téléprocédure dédiée. Enfin, nous allons donner aux échanges électroniques la valeur qu’ils ont acquise, de fait, dans notre société : la valeur de correspondances actées. Évidemment, nous mettrons, permettez-moi l’expression, des garde-fous contre les demandes abusives ; c’est tout l’intérêt du recours aux ordonnances.

Service-public.fr, e-bourgogne, e-megalis en Bretagne sont autant d’exemples, pris au hasard (Sourires.), qui inspirent le projet. Les administrations n’auront plus le choix et devront faire leur révolution numérique, et se conformer au droit qui placera la communication électronique au même niveau que la communication épistolaire.

Dans certains domaines, nous en profiterons pour rendre possible la communication des avis de l’administration au cours de l’instruction d’un dossier. L’idée est ici de donner aux usagers l’occasion d’améliorer leur projet et d’anticiper une décision défavorable. Il s’agit donc de renforcer la transparence de l’élaboration de la décision administrative et de limiter les risques contentieux. Trop de nos concitoyens, trop d’acteurs entrepreneurs pensent, parfois, que cette décision est forcément un abus de droit.

Pour encadrer l’ensemble de ces relations entre citoyens et administrations, nous souhaitons l’élaboration d’un code relatif aux relations entre le public et les administrations. Remis sur le métier 18 décembre 2012, lors du premier comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, ce code, destiné au public et centré sur la seule question de ses relations avec les administrations, rassemblera les grandes lois relatives aux droits des administrés, ainsi que plusieurs règles dégagées par la jurisprudence. Il s’agit, aussi, de toiletter des dispositifs isolés qui dérogeraient sans raison à la règle générale. Il fera donc l’objet d’une seconde ordonnance.

Deuxième réforme structurelle, nous souhaitons généraliser la règle de l’accord tacite de l’administration. Aujourd’hui, le silence de l’administration vaut rejet implicite. Dans la plupart des cas, le Gouvernement souhaite renverser le principe : le silence vaudra accord. Ce travail mérite que l’on identifie toutes les procédures d’autorisation et que l’on élabore la liste des exceptions : par exemple, les autorisations en matière de santé publique, de défense, de sûreté nucléaire ou de protection des droits individuels seront évidemment exclues. Il n’y aura donc pas de risque qu’un médicament soit mis sur le marché faute de réponse de l’administration. Seront aussi exclues les demandes à caractère financier ; vous imaginez bien évidemment pourquoi. Cela demande toujours beaucoup de temps.

Nous mènerons les concertations nécessaires. Les élus, en particulier ceux des collectivités locales, doivent pouvoir mesurer ensemble l’avancement des travaux ainsi que la légitimité des demandes d’exclusion du dispositif. Ce travail collectif doit aussi être mené avec des parlementaires. Ce ne sera toutefois pas l’objet d’un rapport annuel de plus : je voulais le préciser au président Urvoas (Sourires.), que le vice-président Le Bouillonnec supplée ce soir. En revanche, nous en parlerons.

Nous l’avons appelée la dernière ordonnance pour laquelle nous vous demandons l’habilitation aujourd’hui « dites-le nous une seule fois ». Ce programme fait partie des chantiers prioritaires définis par le Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique, le CIMAP, du 18 décembre 2012. Il vise à diminuer considérablement le nombre de sollicitations des entreprises par les différentes administrations. Aujourd’hui, une petite entreprise est obligée d’envoyer 3 000 informations par an à l’administration. Il faut que ce chiffre soit, demain, divisé par deux ou trois.

La réussite de ce programme repose sur l’harmonisation des définitions des données demandées aux interlocuteurs de l’administration et sur la mise en place de systèmes d’échanges de données au cas par cas qui préservent les droits et les garanties individuels. J’ai bien noté, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les parlementaires, en particulier monsieur Guy Geoffroy, que vous vous en souciez particulièrement, et j’espère avoir répondu à votre préoccupation.

Ce gouvernement n’est pas le premier à avoir eu l’idée de cette réforme. L’ancienne majorité avait tenté un programme baptisé « armoire numérique sécurisée de l’entreprise » ; ceux qui avaient la chance de siéger à l’époque s’en souviennent sans doute. Malheureusement, ce dispositif reposait sur le principe d’un stockage généralisé des fichiers auxquels auraient eu accès les différentes administrations. Il s’est révélé impossible à mettre en place, en raison du risque que ces échanges généralisés faisaient peser sur la protection des droits individuels et de l’absence de chef de file réellement identifié pour conduire les différents chantiers. Le Gouvernement a donc décidé de reprendre l’objectif, mais de limiter le programme à du partage de données au cas par cas. Il a confié cette responsabilité au secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, ou SGMAP.

Le premier objectif est d’éditer, d’ici la fin 2013, une première version d’un annuaire de 100 données redondantes, qui précise leur définition, leur libellé, les administrations qui les collectent, celles qui les utilisent et la nature des secrets qui les protègent. À cette fin, le SGMAP a entamé une analyse précise du contenu des 1 000 formulaires recensés concernant les entreprises, pour identifier les 100 données les plus redondantes. Les premiers résultats confirment l’intérêt du chantier. Par exemple, une entreprise doit communiquer son chiffre d’affaires à l’administration plus de quinze fois par an et ses effectifs plus de dix fois.

Il existe, bien sûr, et vous le savez, des obstacles à lever, qui relèvent de la loi. C’est précisément l’objet de l’habilitation. Par exemple, l’ordonnance permettra d’harmoniser les notions d’effectifs et de chiffre d’affaires pour ce qui concerne les personnes morales, ainsi que les notions de nom ou d’adresse des personnes physiques. Elle établira aussi la liste, donnée par donnée et administration par administration, pour lesquelles l’échange sera possible. Cette liste sera bien évidemment soumise à la CNIL ; nous y tenons comme vous.

Enfin, pour limiter les tracasseries administratives, le Gouvernement souhaite généraliser, pour certaines pièces, le principe de la déclaration sur l’honneur, par exemple pour les pièces justificatives fournies avec la déclaration d’impôts. Citons le Kbis et le certificat d’immatriculation au registre des sociétés. Dès lors que la loi autorisera la consultation des données recueillies par l’une des administrations demandeuses, l’autre pourra se contenter d’une déclaration sur l’honneur.

Mesdames et messieurs les députés, la complexité du monde appelle des procédures pour protéger les citoyens et leurs droits fondamentaux : c’est le propre d’un État de droit. La complexité restera mais elle sera portée par l’administration ; elle ne sera plus supportée ni par le citoyen ni par l’entreprise. Les trois réformes structurelles profondes que nous vous proposons de lancer aujourd’hui n’auront pas d’effet immédiat, elles seront progressives. Nous en ferons ensemble la promotion, car elles répondent aux souhaits de tous, et, malheureusement, les éditorialistes qui en appellent régulièrement à des réformes structurelles les passent sous silence. Les réformes les plus structurelles ne sont pas forcément les plus médiatiques.

Le texte porté par mon collègue Pierre Moscovici qui vise à simplifier les procédures applicables aux entreprises, l’autre texte que je porte sur la réforme de la commission consultative d’évaluation des normes et le texte d’aujourd’hui forment le trépied juridique du fameux choc de simplification. Il ne suffit pas d’en appeler à simplifier : dans un État de droit, la simplification doit se faire dans le respect des droits individuels et des libertés, mais aussi dans le souci de l’égalité et de la protection des plus vulnérables. Simplifier n’est pas simple. Le Parlement doit y prendre sa part de responsabilité en veillant à ce que les droits fondamentaux soient préservés. C’est pourquoi, mesdames et messieurs les députés, pour ces trois ordonnances majeures, j’ai l’intention, comme je vous l’annonçais tout à l’heure, de mettre en place un groupe de travail composé d’élus et de chefs d’entreprise, et je vous propose de revenir devant la commission des lois, à mi-parcours, pour faire le point sur leur avancée.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je l’ai souvent dit ici, l’action publique du XXIsiècle doit être plus efficace, plus proche des citoyens et moins coûteuse. Elle doit soutenir le changement et le progrès, et non bloquer les initiatives et les volontés d’avancer. Le présent projet aura aussi pour effet d’améliorer la réactivité des services administratifs en charge de veiller au respect des procédures.

Ces simplifications, demandées par le Président de la République le 28 mars 2013, sont au cœur de la logique de l’amélioration de la compétitivité hors coûts ; cette compétitivité passe par d’autres facteurs que le seul coût du travail, contrairement à ce que j’entends trop souvent dire. Services d’accueil des personnes et des entreprises, rapidité et facilité d’installation, portabilité des données : toutes ces choses, prises isolément, comptent peu mais, mises bout à bout, elles forment un maquis rédhibitoire d’empêchements de tourner en rond. La semaine dernière, un hebdomadaire a publié, comme on dit, un « marronnier » sur le sujet, présentant une personne dépassée par des piles et des piles de papier à remplir.

La force de notre État, c’est d’avoir su et de savoir toujours et encore s’adapter. La force de nos services publics, c’est aussi de s’adapter sans cesse. Par cette habilitation générale, nous proposons au pays des réformes structurelles majeures, qui auront des conséquences réelles sur la vie quotidienne de tous.

Je souhaite que les plus jeunes d’entre nous, qui seront bientôt citoyens, comprennent qu’à partir de ce jour nous ferons attention à ce que, dans leur vie future, ils soient protégés et leur liberté garantie, que l’État de droit soit au rendez-vous et que leur vie soit plus simple. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Hugues Fourage, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission, mes chers collègues, « trop de normes », « trop de complexité » : voilà deux reproches récurrents adressés à notre administration. La majorité a donc souhaité faire de la simplification un axe majeur de sa politique. L’objectif est d’aboutir, selon les mots du Président de la République, à un « choc de simplification ».

Trop de normes pèsent sur nos collectivités territoriales : un Haut conseil des normes devrait être prochainement mis en place pour simplifier leur action. Nos entreprises sont soumises à trop de complexité administrative : la commission des lois examinera ce mercredi un projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. Ce processus de simplification est une urgence absolue, au risque, autrement, d’asphyxier les entreprises ou de paralyser l’action publique, devenue trop complexe. Il n’est que temps de les aider à améliorer leur compétitivité hors coûts. La modernisation de l’action publique est essentielle à la construction d’un modèle français alliant solidarité et compétitivité.

J’insiste sur un point : la simplification ne doit pas être comprise comme une mesure de déréglementation ou de dérégulation. Elle est au contraire l’occasion d’assurer une meilleure régulation. Une société a besoin de normes claires, comprises et acceptées par tous ; mais, comme l’a écrit Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ».

Notre collègue Thierry Mandon, dans son rapport Mieux simplifier : la simplification collaborative, propose même une démarche de simplification. Constatant les résultats mitigés des programmes de simplification des cinq dernières années en direction des entreprises, il propose une nouvelle méthode d’action, la méthode collaborative, qui associerait le Parlement et la Cour des comptes, reposerait sur un pilote unique et donnerait lieu à une programmation triennale et à une véritable politique de communication.

La démarche de simplification n’est pas nouvelle, vous l’avez rappelé, madame la ministre. Le Parlement y a déjà largement contribué au cours des deux dernières législatures. La nouvelle impulsion donnée à cette politique publique essentielle se concrétise cependant par le fait que le Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique est présidé par le Premier ministre lui-même, traduisant ainsi, tant le soutien à cette démarche administrative, que son caractère résolument interministériel.

Le présent projet de loi est la première pierre de ce vaste ensemble. Il comporte six articles, alors que, dans sa version initiale, déposée au Sénat, il n’en comptait que trois. L’enrichissement du texte au cours du processus parlementaire est donc indéniable.

Le projet déposé au Sénat comportait donc trois articles. L’article 1er prévoit l’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de simplification administrative. Il s’inspire directement de la décision 21 du Comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 2 avril 2013 concernant « des mesures concrètes pour alléger les procédures et faciliter les démarches des citoyens ».

Trois points font l’objet de simplification. Il s’agit, tout d’abord, de faciliter les échanges avec l’administration par voie électronique. La commission des lois a choisi, à l’initiative du Gouvernement, de permettre des échanges électroniques en courrier recommandé.

Il s’agit, ensuite, de définir les conditions dans lesquelles peuvent être communiqués aux demandeurs – et bien aux seuls demandeurs – les avis préalables recueillis sur leurs demandes, avant que les autorités administratives aient rendu leur décision, notamment pour modifier leur demande en cours d’instruction.

Il s’agit, enfin, d’élargir les possibilités de recours aux technologies permettant aux organes collégiaux des autorités administratives de délibérer ou de rendre leur avis à distance, dans le respect du principe de collégialité. Cette mesure est de nature à faciliter l’usage des technologies de l’information, qui doit permettre des gains de temps mais aussi de coûts.

La rédaction proposée pouvant laisser penser que les organes délibérants des collectivités territoriales pourraient être concernés, la commission des lois a, sur mon initiative, exclu explicitement cette possibilité. Il n’est pas envisageable, en effet, qu’un conseil municipal se tienne par visioconférence.

L’article 2 prévoit l’habilitation du Gouvernement à adopter un code relatif aux relations entre les administrations et le public. À ma demande, la commission a d’ailleurs inversé ces termes pour bien montrer que l’administration est au service du public. Cette inversion met en œuvre un nouveau rapport de confiance entre le public et l’administration.

La commission a également adopté un amendement du Gouvernement lui permettant de renforcer la sécurité juridique dans le futur code relatif aux relations entre les administrations et le public.

L’article 3 prévoit l’habilitation du Gouvernement à modifier le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui, en dépit de deux précédentes habilitations législatives, n’a pu être modifié dans les délais.

Un ajout majeur a été apporté au Sénat, qui a adopté en séance publique un amendement substantiel du Gouvernement. L’article 1er A propose en effet de renverser le principe traditionnel selon lequel le silence de l’administration vaut décision implicite de rejet. Certes, ce principe fait déjà l’objet de nombreuses exceptions. Mais ce que propose cet article, c’est bien une « révolution administrative » annoncée par le Président de la République en mai dernier : le silence de l’administration sur une demande vaudra désormais décision d’acceptation.

Bien évidemment, des exceptions à ce principe sont prévues, afin d’éviter tout dévoiement du dispositif. Par ce même dispositif, il est en outre procédé à une amélioration des procédures d’accord ou de rejet implicites, pour plus de clarté et de sécurité juridique, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives à l’abrogation ou au retrait.

À l’initiative du Gouvernement, la commission a permis, au sein d’un nouvel article 2 bis, de prendre par voie d’ordonnances les dispositions destinées à la réalisation du projet « Dites-le nous une fois ». La vocation de celui-ci est de systématiser les échanges d’informations entre administrations afin d’éviter que les mêmes informations soient demandées plusieurs fois aux citoyens et aux entreprises. Cette démarche s’inscrit dans le prolongement des dispositions que la commission des lois avait proposées au cours de la dernière législature, à l’instigation de son président d’alors, notre collègue Jean-Luc Warsmann.

Enfin, à l’initiative du Gouvernement également, la commission a adopté un nouvel article 4, qui transpose une directive applicable aux réfugiés et bénéficiaires de la protection fonctionnelle afin de leur permettre de bénéficier de la possibilité de se voir délivrer une carte de « résident longue durée » de l’Union européenne.

Comme vous pouvez le constater, chers collègues, ce projet de loi fait œuvre utile et je ne doute pas que l’opposition, qui a pourtant voté contre en commission,…

M. Guy Geoffroy. Pour des raisons que nous avons expliquées !

M. Hugues Fourage, rapporteur. …pour des raisons techniques, approuvera finalement aujourd’hui cette ambitieuse réforme administrative au service de nos concitoyens, de nos entreprises, pour un nouveau modèle français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, alors que l’administration constitue la représentation la plus visible de l’État et joue à ce titre un rôle fondamental, nos concitoyens expriment souvent une défiance certaine à son égard.

Le Défenseur des droits s’en fait lui-même l’écho, dans son rapport annuel pour 2012, publié en juin dernier, en indiquant notamment que, parmi les réclamations reçues, dans bien des cas, « ce n’est pas tant un droit qui aurait été lésé, mais une information qui n’a pas été délivrée ou une aide, voire un conseil, qui n’a pas été consentie ».

Des pratiques bureaucratiques encore répandues, le déficit d’information sur les procédures administratives, ou encore l’inadéquation des structures d’accueil peuvent expliquer cette défiance. À vrai dire, les difficultés rencontrées au quotidien par les citoyens dans leurs rapports avec l’administration ne sont pas nouvelles et notre législation, à partir des années 1970, a entrepris d’y remédier : loi de janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, loi de juillet 1978 créant la Commission d’accès aux documents administratifs, loi de juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, loi d’avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration.

En dépit de ces avancées notables vers la transparence et la simplification des procédures, notre administration demeure aux yeux de beaucoup de citoyens trop opaque et complexe. Rééquilibrer les rapports entre l’administration et les citoyens est aujourd’hui une exigence démocratique qui permettra de renforcer la crédibilité de l’administration, donc de l’État, auprès des citoyens.

Avant d’aborder le fond de ce projet de loi, je veux rappeler – cela ne vous étonnera pas, madame la ministre – l’opposition de notre groupe à la procédure des ordonnances de l’article 38 de la Constitution. Nous sommes en effet hostiles à cette procédure qui permet au Gouvernement de légiférer à la place du Parlement et prive celui-ci de ses prérogatives. Nous sommes aussi opposés à une certaine banalisation de cette pratique, qui concerne des domaines de plus en plus larges et bien souvent loin d’être purement techniques.

Cela étant précisé, nous partageons les objectifs de ce texte, qui vise à faciliter le dialogue entre les administrations et les citoyens, à simplifier les démarches administratives, à rendre plus efficace l’action administrative, qui sont donc de nature à redonner confiance à nos concitoyens.

S’agissant, tout d’abord, de l’adaptation aux évolutions technologiques et de l’instauration d’échanges avec l’administration par voie électronique, nous y sommes favorables dans la mesure où cela pourra simplifier ces échanges. Nous insistons cependant sur une difficulté majeure et récurrente des relations entre l’administration et les citoyens, à savoir la déshumanisation du traitement des réclamations par les services publics. Il faut toujours garder à l’esprit que derrière les procédures administratives il y a des hommes et des femmes.

M. Matthias Fekl. C’est vrai !

M. Marc Dolez. Si la généralisation de l’informatisation des procédures a permis de véritables progrès de l’administration en matière de gestion des réclamations courantes, en revanche, comme le souligne le Défenseur des droits, « pour les cas ’’en dehors des clous’’, les procédures informatiques préformatées peuvent s’avérer devenir des obstacles difficilement surmontables tant pour les usagers des services publics que pour les gestionnaires en charge de leur traitement. De même, la mise en place de plates-formes téléphoniques facilite certes la gestion d’une grande partie des demandes des usagers des services publics, mais ne permet pas de traiter les cas particuliers. » J’ajoute que la réduction de la fracture numérique reste un impératif pour que l’ensemble des citoyens puissent réellement accéder à ces nouveaux outils de communication.

Concernant la codification des règles qui régissent les relations entre les citoyens et l’administration, nous soutenons la démarche du Gouvernement qui tend à créer un code orienté, avant tout, vers le citoyen. En revanche, comme ce code ne sera pas édicté à droit constant, il nous paraît difficile de le valider en amont alors que son contenu pourra être étendu par le Gouvernement.

Nous approuvons, par ailleurs, l’inversion du principe du « refus tacite » qui prévaut aujourd’hui au profit d’une généralisation de la règle de « l’accord tacite » de l’administration en cas de silence de sa part. Cette disposition incitera probablement l’administration à accélérer ses délais de réponse et renforcera la transparence des procédures administratives.

Je souhaite enfin aborder deux amendements du Gouvernement, qui ont été adoptés en commission. Le premier concerne le principe « Dites-le nous une fois » qui facilitera les démarches des citoyens en ce qu’il systématisera les échanges d’informations entre administrations afin que les mêmes informations ne soient pas demandées plusieurs fois. Comme le souligne à juste titre le rapporteur, cette méthode a déjà été retenue par l’administration fiscale dans le cadre de la mise en œuvre de la télé-déclaration de revenus où aucune pièce justificative n’est demandée au déclarant.

Le second amendement transpose la directive adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 11 mai 2011. Nous soutenons pleinement cette disposition qui consolide les droits des bénéficiaires d’une protection internationale et sécurise leur droit au séjour en leur conférant un titre de dix ans.

Même si nous déplorons le recours aux ordonnances, nous adhérons pleinement à la finalité d’un texte qui tend à restaurer la confiance de nos concitoyens à l’endroit de l’administration. C’est pourquoi les députés du Front de gauche voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon.

Mme Elisabeth Pochon. Dans le cadre du choc de simplification voulu par le Président de la République, le Gouvernement a présenté un nouveau projet de loi l’habilitant à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens.

Le Sénat l’a examiné et voté à l’unanimité après quelques modifications apportées en première lecture le 18 juillet 2013.

Ce texte nous est aujourd’hui soumis. Il réclame particulièrement notre attention parce qu’il doit répondre aux attentes importantes de nos concitoyens.

Nous sommes tous concernés. Dans nos permanences parlementaires, nous sommes témoins des véritables parcours du combattant que doivent mener nos concitoyens dans leurs démarches avec l’administration. Particuliers et entreprises y perdent beaucoup d’énergie et d’efficacité.

Le fait n’est pas nouveau. L’évolution des rapports entre l’administration et ses usagers est un long processus engagé dans la seconde moitié des années 1970 dont l’objectif défini alors était d’« apporter à l’amélioration de la qualité du service rendu aux citoyens une attention quotidienne ». De subordonné ou assujetti à l’administration, l’usager est devenu citoyen.

Des textes importants, portés par les diverses majorités – création d’un médiateur de la République, ouverture de l’accès aux documents administratifs, développement de l’administration électronique – ont permis d’améliorer ces relations mais la France reste toujours la championne de la paperasserie administrative !

Ce fardeau nous place au 126ème rang mondial sur 144 pays, selon un rapport de 2012-2013, présenté lors du Forum économique mondial de Davos. L’expression familière « ce n’est qu’une simple formalité », synonyme de simplicité, ne s’applique plus guère à notre administration ! Le processus de simplification des relations entre administration et citoyens reste inachevé.

Ce projet de loi répond à des attentes, des enjeux et surtout une volonté politique très affirmée. Il s’agit toujours de répondre aux critiques récurrentes sur l’inefficacité supposée des rouages administratifs, les lenteurs de l’administration et son coût.

Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault réaffirme sa volonté de réformer en profondeur l’État en appliquant son programme de modernisation de l’action publique, dite MAP, venue remplacer la RGPP du Gouvernement précédent, qui ne nous laisse pas que des bons souvenirs.

Dès le 18 décembre 2012, un comité interministériel de modernisation de l’action publique – CIMAP – s’est réuni et a fixé comme axes prioritaires la simplification de l’action administrative et l’accélération de la transition numérique.

Il s’agit de freiner des pratiques pénalisantes et coûteuses pour les usagers mais aussi de faciliter la gestion des entreprises. Les caps sont fixés : faciliter les démarches, notamment des plus précaires, simplifier et accélérer les procédures, rendre l’administration plus efficace et plus à l’écoute des Français, favoriser la croissance, la compétitivité et l’emploi en améliorant la réactivité des services de l’État.

Ce texte propose des avancées majeures, une orientation, un état d’esprit. Il est la traduction législative des orientations du CIMAP et rénove le processus de décision de l’administration en inversant le principe de droit selon lequel le silence valait rejet. Désormais, le principe d’accord tacite sera principe de droit commun. De minoritaire il devient la règle, même si des exceptions subsistent. Ce texte traduit l’engagement que le Président de la République avait pris en mai 2012. Le silence de l’administration pendant deux mois vaudra approbation. Si l’administration n’a pas répondu à une demande au bout de ce délai, elle sera considérée comme acceptée, sauf cas particuliers. Cette décision majeure, qui recomposera les relations entre le public et l’administration, implique que les modes de fonctionnement de l’administration évoluent. Des délais assez longs ont d’ailleurs été prévus pour accompagner ces transformations.

L’article 1er habilite le Gouvernement à instaurer dans un délai de douze mois, par ordonnance, le recours à la voie électronique pour les usagers qui le souhaitent. Il s’agit pour les autorités administratives d’adapter les relations avec le public aux évolutions technologiques. Cette pratique a déjà été expérimentée dans les pays anglo-saxons, voire dans certaines régions françaises.

Il est également prévu de communiquer à la personne les avis préalables recueillis par l’administration. Cela permettra aux usagers d’améliorer leur projet et de prévenir une décision défavorable, ainsi que de gagner en temps et en efficacité mais aussi de limiter les risques de contentieux. L’élargissement du recours aux nouvelles technologies permettra par ailleurs aux autorités administratives de délibérer à distance.

L’article 1er bis pose les fondements de l’échange dématérialisé : il définit les conditions, en particulier les garanties de sécurité et de preuve pour les usagers dans leurs échanges avec les administrations. C’est une véritable révolution !

Enfin, le programme « Dites-le nous une fois », chantier prioritaire défini par le CIMAP pour les particuliers vise à réduire le nombre d’informations et de pièces justificatives demandées à l’usager dans le cadre de ses démarches administratives.

Ce qui a changé, c’est que le Gouvernement a souhaité que ce programme soit piloté. La majorité précédente avait tenté d’en faire de même, mais faute de crédits, l’engagement en était resté à l’effet d’annonce.

Un secrétariat général pilotera ce programme. L’analyse des formulaires les plus demandés aux entreprises et aux particuliers est déjà engagée pour cibler les redondances. Il faudra lever des obstacles, harmoniser des données, permettre l’accès à des données au cas par cas – la liste sera fournie par l’administration et soumise à la CNIL. Il sera enfin possible de substituer des déclarations sur l’honneur à la production de pièces justificatives. Il s’agit là d’une nouvelle approche des citoyens : celle d’un État qui leur fait a priori confiance.

Ce texte diffère par sa méthode : pas de catalogue mais une lutte à mener contre la dispersion des règles dans un pays où, paradoxalement, il n’existait pas de code relatif aux relations entre l’administration et le public. La France fait figure d’exception parmi les pays européens.

L’article 2 pose le fondement de la rédaction d’un code centré sur les procédures des relations entre l’administration et le public. Les règles sont en effet dispersées entre trois grandes lois et une jurisprudence abondante. La codification permet une mise en ordre du droit qui profite à tous les citoyens. Quand le code est réussi, les usagers s’y retrouvent. Cela permettra de toiletter les dispositifs isolés. Nous pourrons nous référer pour cela au code européen de bonne conduite que le médiateur européen a établi. S’il n’a pas de caractère contraignant, il fournit tout de même tous les éléments pour réussir ce travail.

J’en viens au recours aux ordonnances pour accélérer les réformes. Nous comprenons l’urgence à agir : le Président de la République a évoqué « des blocages importants dans notre société, des délais de prise de décision trop longs, des textes qui prennent énormément de temps de débat au Parlement ». Mais nous entendons aussi les critiques sur le risque de court-circuiter le débat parlementaire. Les commissaires aux lois ont travaillé avec le ministère pour être associés aux prochaines étapes. Le chantier est en cours et nous avons obtenu d’y participer.

Je voudrais enfin saluer un amendement du rapporteur qui tend à inverser les termes du titre du projet de loi. La portée symbolique de cette modification pourrait exprimer l’esprit de la loi qui nous est présentée. Les députés de la majorité sont conscients de l’urgence et de la nécessité de réussir cette réforme de l’État afin d’améliorer le service rendu aux usagers dans toutes ses composantes, en allégeant les tracas du quotidien, et de contribuer à faire de La France une vieille nation moderne, un État plus simple, plus rapide, plus efficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Nous examinons un texte que vous-même, madame la ministre, avez souhaité inscrire dans ce que vous avez appelé la continuité républicaine. Nous y sommes en effet, les précédentes interventions en ont témoigné : ce texte s’inscrit dans un mouvement déjà engagé par le passé. On accuse souvent le législateur, en particulier le député et parfois à juste titre, de logorrhée. Eh bien, je crois utile de dire qu’en matière de rénovation des relations entre citoyens et administration, comme de simplification, nous avons encore beaucoup à faire même si la pierre que vous nous proposez d’apporter aujourd’hui à l’édifice n’est pas ridicule.

La complexification du droit, à laquelle ont contribué malgré eux les mouvements successifs de décentralisation, comme les évolutions culturelles et technologiques, rend nécessaire une adaptation constante et sans cesse renouvelée des relations entre les citoyens usagers de nos services publics et l’administration.

Il n’est pas anodin, d’ailleurs, qu’au titre des exigences constitutionnelles, la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ait prévu en son article 15 que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Rappelons que 1973 a marqué l’avènement d’un médiateur de la République, 1978 celui de l’accès aux documents administratifs, 1979 la motivation des actes administratifs, puis un certain temps s’est écoulé, peut-être nécessaire pour que ces grandes soient digérées, avant l’acte majeur qu’a constitué la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration : nous y sommes à nouveau aujourd’hui.

Plus récemment enfin, sous la précédente législature, et bien que la majorité actuelle nous en ait fait hier de constants reproches, l’ancien président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, a permis que soient adoptées, en 2007, 2009, 2011 et 2012, quatre lois de simplification dont Étienne Blanc était le rapporteur.

Toutes ces lois poursuivaient à la fois l’objectif de simplification, au sens d’amélioration de la transparence, et d’efficacité pratique. À ce titre, ce projet de loi s’inscrit pleinement dans cette logique. Et une fois n’est pas coutume, mes chers collègues, le groupe UMP salue l’ambition du Gouvernement en la matière.

Sur le fond, de quoi s’agit-il ?

En premier lieu, d’approfondir la dématérialisation des relations entre l’administration et les administrés en permettant aux usagers de saisir par voie électronique ou par téléprocédure l’administration.

Le succès de la déclaration de revenus par internet, choisie par plus de 13 millions de Français en 2013 montre combien la dématérialisation est déjà une réalité, combien elle a de l’avenir, mais aussi combien notre administration peut s’adapter rapidement et efficacement aux nouvelles technologies.

Ainsi, une fois voté, l’article 1er permettra au Gouvernement, dans l’année qui suivra la publication de cette loi, de prendre par ordonnance des dispositions définissant les conditions dans lesquelles s’exerce le droit du public de saisir par voie électronique les administrations de l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les organismes chargés d’une mission de service public, ainsi que le droit de leur répondre par la même voie.

Cette avancée ne doit cependant pas nous faire oublier que le « tout numérique » n’aura vraiment de sens que le jour – que nous espérons le plus proche – où tous nos concitoyens y auront accès. La fracture numérique reste encore aujourd’hui une réalité dans certaines parties de nos territoires, et pas obligatoirement dans les plus retirés ou les plus ruraux : il y a des territoires urbains où cette fracture existe encore.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Guy Geoffroy. Par ailleurs, l’article 1er contient une autre disposition qui pourrait s’avérer plus révolutionnaire que la consécration législative de l’administration électronique : la fin du principe de non-communicabilité des documents préparatoires, autrement dit – cela peut être extrêmement utile, en particulier pour limiter les risques contentieux – l’autorisation de communiquer les avis donnés par une autorité au cours de l’instruction d’un dossier. Cette mesure est pertinente et loin d’être anecdotique.

Le deuxième axe du projet de loi consiste à habiliter le Gouvernement à codifier les relations entre le public et les administrations. Nous avons beaucoup de chemin à faire et nous recollons au peloton en position moyenne. Avec nous, il y aurait désormais dix-huit pays de l’Union européenne, sans compter d’autres pays d’Europe qui ne sont pas dans l’Union, qui se seraient lancés dans cette nécessaire aventure.

C’est en vain qu’une première entreprise de codification avait été envisagée en 1996, puis abandonnée, faute de contours assez précis. Nous avons aujourd’hui, avec l’expérience et le recul, une meilleure capacité à mesurer ces contours. Nous pourrons nous en tenir à un code centré sur l’usager dans ses relations avec l’administration.

La tâche n’en sera pas moins complexe, puisque le projet de loi prévoit une habilitation qui ne soit pas qu’à droit constant, comme il est d’usage.

La tâche ne sera pas simple, car le Gouvernement sera en effet habilité non seulement à codifier l’existant, mais également à apporter aux règles existantes les modifications nécessaires. C’est sans doute un peu audacieux, mais certainement pas inutile. Nous gagnerons, dans la procédure, entre le Parlement et le Gouvernement, ainsi qu’au sein des instances de notre administration, beaucoup de temps ; et cela, en tant que tel, est déjà une simplification procédurale et administrative.

Le troisième volet, c’est cet important article introduit au Sénat par voie d’amendement du Gouvernement, qui prévoit que, désormais, en principe, le silence de l’administration pendant plus de deux mois vaut accord tacite. C’est une évolution très importante qui devra être mise en œuvre avec beaucoup de prudence, sans oublier qu’il n’y a pas moins de 500 procédures aujourd’hui concernées par l’accord tacite. Il faudra donc vérifier au préalable que nos administrations auront les moyens réels de se plier à cette nouvelle règle, que la nouvelle méthode ne sera pas trop pourvoyeuse de contentieux, enfin, qu’elle ne soit pas vidée de sa substance par des dispositions diverses et variées comme nous savons parfois en produire après avoir voulu simplifier…

Venons-en, d’une certaine manière, à la forme.

Le groupe UMP a émis en commission des lois, la semaine dernière, plusieurs réserves sur lesquelles il me paraît important de revenir.

Vous n’avez cessé, sous la précédente législature, de nous clouer au pilori lors de l’examen des propositions de loi de simplification au motif qu’elles constituaient des lois « fourre-tout », sans queue ni tête. Que penser, donc, de la transposition de la directive modifiant le statut de résident longue durée dans l’Union européenne, qui vient s’ajouter à ce texte ? L’on pourrait penser qu’elle n’y a pas sa place. C’est le bonjour du berger à la bergère (Sourires.) que nous vous adressons, madame la ministre, chers collègues de la majorité, en souhaitant que vous n’abusiez pas trop de ce genre de procédure ! Cela étant, nous finissons par saluer, pour une fois, votre recours à la procédure d’urgence. Cela nous aura évité qu’en deuxième lecture, vous n’ajoutiez à nouveau quelques cavaliers législatifs…

M. Matthias Fekl. Il ne peut pas s’en empêcher (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. Quant à l’article 2 bis nouveau, il nous a conduits, en commission, à formuler des questions et, en l’absence de réponses, à émettre, un vote pour certains d’abstention, pour d’autres d’opposition.

Alors que l’on s’inquiétait en commission des contours de cette habilitation et du respect des libertés publiques et personnelles, Mme la ministre nous a répondu que cette disposition, qui s’appuyait sur un travail mené à l’initiative de M. Jean-Luc Warsmann, avait été adoptée par l’ancienne majorité dans les mêmes termes, mais que, faute de publication d’une ordonnance, l’habilitation du Gouvernement était tombée.

Vous ne m’en voudrez pas de vous contredire, madame la ministre, en vous faisant remarquer que, non seulement la rédaction du dispositif n’était pas tout à fait la même, mais aussi que l’article 4 de la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit du 17 mai 2011 renvoyait les modalités d’application à un décret en Conseil d’État.

La loi du 22 mars 2012 avait bien prévu une habilitation, mais, comme le précise d’ailleurs la note relative à cet article que le ministère a bien voulu nous transmettre à la fin de la semaine dernière, cette loi ne concernait qu’un échange de données relatives aux seules entreprises.

La simplification des démarches des personnes physiques, que votre habilitation concerne, au-delà des données des entreprises, était l’objet de l’article 4 de la loi de mai 2011, qui renvoyait, lui, à un décret en Conseil d’État, lequel n’a jamais été pris.

Vous ne m’en voudrez pas non plus à ce sujet de noter, par pure « continuité républicaine », que Mme Escoffier, alors sénatrice, était cosignataire d’un amendement de suppression de l’article en question, au motif qu’il était pour le moins paradoxal qu’une loi de simplification fustigeant l’empilement des normes s’affranchisse des limites du domaine de la loi, et surtout, que sa rédaction demeurait beaucoup trop imprécise.

Vous l’avez compris, ce n’est pas de la malice de ma part…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, vice-président de la commission des lois. Si, si, un peu ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. C’est simplement la volonté de préciser la nature de nos interrogations auxquelles vous avez, pour l’essentiel, répondu. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP, après une réflexion sage et approfondie, apportera son soutien à ce texte qui fait avancer la cause de la simplification et de la clarification des relations de nos concitoyens avec leur administration. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes en présence d’un projet de loi dont les objectifs semblent, au-delà des convictions partisanes, à même de tous nous rassembler.

La qualité comme la lisibilité de la norme juridique ont un effet direct sur la vie quotidienne de nos concitoyens, comme sur la compétitivité et l’attractivité de notre pays.

Plus largement, lorsque la loi de la République et le langage de l’administration deviennent l’affaire des seuls spécialistes, c’est bien la crédibilité de la norme juridique elle-même qui est en cause. Au-delà, c’est le sentiment de proximité du citoyen envers l’État et la confiance que celui-ci place dans les pouvoirs publics qui s’en trouvent affectés.

De ce fait, l’amélioration des relations entre l’administration et les citoyens doit évidemment demeurer l’une de nos préoccupations majeures, avec pour objectif d’impliquer davantage le citoyen dans le processus administratif et de faire du service public un service qui soit réellement « à destination » du public.

Ces constats ont été faits bien avant l’examen de ce projet de loi. Ce texte s’inscrit en effet dans la continuité d’une longue entreprise de simplification, amorcée dans les années soixante-dix, jusqu’à la récente loi du 22 mars 2012 concernant l’allégement des démarches administratives.

De ces nombreuses lois, nous retenons tout particulièrement la loi de 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Il y a treize ans, cette loi a permis de lever un certain nombre d’obstacles sur l’opacité, parfois fantasmée, de l’action administrative. Elle aura surtout permis d’inscrire dans la loi le principe, que nous connaissons tous aujourd’hui, selon lequel le silence de l’administration vaut décision de rejet.

Ces différents textes ont permis aux usagers du service public de mieux contrôler les décisions prises à leur égard. Ils ont donné la possibilité à nos concitoyens de contester les actes administratifs. Ils ont surtout renforcé le dialogue avec les administrations et facilité la compréhension du public envers les actes administratifs.

Pour autant, malgré des avancées certaines, le processus d’amélioration des relations entre l’administration et les citoyens est encore loin d’être achevé. Depuis une quinzaine d’années, le traitement des demandes, qu’il s’agisse notamment d’une carte d’identité, d’un passeport ou d’un permis, a certes évolué vers plus de rapidité, mais des contraintes demeurent.

Le droit ne cesse de se complexifier et nous devons veiller à ce qu’il demeure accessible à l’ensemble de nos concitoyens. Il reste ainsi beaucoup à faire pour que le citoyen devienne, plus qu’un simple administré, un acteur à part entière des relations administratives.

C’est donc avec conviction, mes chers collègues, que les députés du groupe UDI adhèrent à cette volonté de simplifier les relations entre l’administration et les citoyens. C’est là, du reste, une exigence à même de tous nous rassembler ici, dans la ligne de cette décision du Conseil constitutionnel, qui, saisi en 1999 d’un texte aux objectifs similaires, avait reconnu à l’accessibilité du droit sa qualité d’objectif à valeur constitutionnelle.

M. Matthias Fekl. Absolument !

M. Michel Zumkeller. Le premier objectif de ce texte est de faciliter le dialogue entre les administrations et les citoyens par la généralisation du recours aux nouvelles technologies de l’information et l’adoption d’un code des relations entre l’administration et le public.

La création d’un code spécifique aux relations entre les citoyens et l’administration devrait être l’occasion de simplifier ces relations et de faire en sorte qu’elles prennent la voie de la dématérialisation, codification qui répond à ce fameux objectif du Conseil constitutionnel.

Les nouvelles technologies de l’information sont devenues une des voies privilégiées de la simplification administrative. Indéniablement, l’instauration d’un droit de saisine de l’administration par la voie électronique va dans le bon sens.

En outre, la mise en œuvre du projet « dites-le nous une seule fois » devrait permettre de systématiser les échanges d’informations entre administrations.

Ensuite, la rénovation des processus décisionnels de l’administration est également une avancée louable : elle rompt avec le principe de non-communicabilité des documents préparatoires à une décision administrative et instaure le début d’un véritable dialogue entre le citoyen et l’administration.

Enfin, le Gouvernement a introduit par voie d’amendement au Sénat une disposition qui va inverser le sens du silence de l’administration pour en faire une décision positive par principe. Il s’agit là, nous le croyons, d’un véritable gage de confiance pour nos concitoyens.

N’oublions pas pour autant que nous sommes en présence d’un projet de loi qui habilite le Gouvernement à prendre des mesures par voie d’ordonnance.

Ainsi que l’avait fait remarquer le groupe UDI-UC au Sénat, le choix du recours aux ordonnances résonne toujours comme une promesse : les mesures prises peuvent parfois s’avérer être en deçà des espérances nourries. Le recours aux ordonnances comporte toujours le risque que le Gouvernement n’utilise pas les habilitations qui lui ont été accordées par le législateur.

Rappelons que si, en vertu de l’article 38 de la Constitution, nous pouvons ratifier les ordonnances, ces dernières échappent à notre contrôle. Aussi peut-il être considéré comme regrettable que les mesures que nous examinons aujourd’hui ne fassent pas l’objet d’un véritable projet de loi. Nous serons donc particulièrement vigilants quant à la mise en œuvre effective de ces mesures.

Mes chers collègues, il est de notre responsabilité d’améliorer les relations entre l’administration et les citoyens, de faire du droit administratif un droit du dialogue et du consentement, vers toujours plus de compréhension, de dialogue et de participation. En dépit de ces légères réserves, le groupe UDI soutiendra ce projet de loi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Vice-Président de la commission des lois et M. Hugues Fourage, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Elisabeth Pochon a déjà parlé au nom du groupe SRC au sujet de cet important projet de loi qui répond au constat que nous faisons tous sur la complexité normative, administrative, parfois propre à la France, même si elle se répand aussi dans d’autres pays européens et ailleurs dans le monde.

Cette complexité, nous la constatons tous les jours dans nos permanences où des citoyens, parfois complètement désorientés, voire en plein désarroi, viennent nous rencontrer pour demander de l’aide et des informations parce qu’ils ne s’y retrouvent plus dans les procédures qui leur sont opposées.

La difficulté et la complexité pénalisent aussi les entreprises et leur compétitivité. En outre, un tel constat est dressé année après année dans les rapports du Conseil d’État, de la Cour des comptes et du Conseil constitutionnel, qui a donné valeur constitutionnelle à l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité du droit. Depuis les années soixante-dix, de nombreux textes ont tenté d’améliorer les choses : le médiateur de la République, la commission d’accès aux documents administratifs, la motivation des actes administratifs et, en 2000, la loi DCRA ou « droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration ». Malgré cela, la complexification du droit et des structures administratives s’est accrue, dans le cadre d’un mouvement général de complexification de la société et d’augmentation du nombre d’instances émettrices de normes.

Tel est le contexte dans lequel le projet de loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance nous est aujourd’hui proposé. Il procède de très nombreux enjeux : des attentes de nos concitoyens, que j’ai évoquées, des enjeux de compétitivité, à l’heure où nous devons redresser notre pays, et aussi des enjeux de réforme de l’État et de l’administration. L’objet n’est pas d’agir contre l’administration ou contre le service public et ses agents, mais au contraire d’adapter en permanence l’État et l’administration publique dans notre pays. Cela est d’ailleurs conforme à l’une des grandes lois du service public, les fameuses lois de Rolland, parmi lesquelles figure, aux côtés de l’égalité et de la continuité, l’adaptabilité des services publics. C’est de cela aussi dont il est ici question.

Le texte comporte des avancées importantes en matière d’administration électronique, de dématérialisation et d’échange d’informations. « Dites-le nous en une seule fois », c’est presque aussi beau que « dites-le avec des fleurs » ! (Sourires.) En réalité, cela résoudra un problème de la vie quotidienne des Français et des administrés qui n’auront plus à fournir en permanence les mêmes données, ce qui peut provoquer l’exaspération.

L’accord tacite est aussi une véritable révolution silencieuse qui, dans la vie quotidienne de nos concitoyens et le travail des administrations, aboutira à des avancées importantes.

La codification, enfin, sert aussi l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité. Le code sera un outil extrêmement important à l’usage bien sûr des spécialistes et des praticiens mais aussi de nos concitoyens, qui y trouveront plus simplement les procédures importantes.

Par-delà ces avancées, quelques points me semblent devoir être relevés. Tout d’abord, je suis d’accord avec mes collègues Marc Dolez et Guy Geoffroy sur un point très important. Il faut sans conteste des avancées en matière d’administration électronique et il faut en tirer toutes les conséquences en matière d’adaptation de nos administrations à la e-administration, mais il faut aussi garder à l’esprit que celle-ci est pour certains une hantise. Autant l’administration électronique équivaut pour beaucoup de citoyens à des modernisations et des simplifications, autant elle peut devenir pour d’autres un obstacle irrémédiable, parce que soit ils ne maîtrisent pas eux-mêmes l’outil informatique et sont ainsi complètement désarçonnés et éloignés du service public, soit ils sont victimes, pour des raisons territoriales ou sociales, de la fracture numérique. Un Gouvernement et une majorité de gauche doivent en permanence garder cela à l’esprit. Cela vaut pour les territoires ruraux comme pour les autres et il faut y prêter attention.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Matthias Fekl. Notre conception de la modernisation et de la réforme de l’État refuse la simplification pour elle-même, par idéologie, et la suppression de normes et d’administrations pour le pur plaisir de déréguler. Nous voulons au contraire une simplification, une réforme et une modernisation ayant pour objectif d’adapter l’administration aux nouvelles exigences de notre société et de mieux assurer le service public, dans une période de rareté de l’argent public et de la ressource budgétaire, afin que chaque euro alloué soit un euro utile, sans renoncer pour autant à la finalité d’un degré très élevé de protection et de service pour nos concitoyens et les usagers du service public. C’est ce que l’on appelle, selon un terme un peu barbare, l’internalisation de la complexité. Une société complexe, présentant un degré d’administration élevé, n’échappe pas à la complexité. Ce qui importe, c’est que nos concitoyens n’aient pas à la subir et qu’elle reste derrière les guichets de l’administration française, afin qu’ils soient accueillants, transparents et efficaces.

C’est ce que j’avais proposé dans un rapport sur l’immigration. Rendre les guichets plus accueillants et développer la e-administration sont des leviers extrêmement importants de transparence et d’efficacité du service rendu. Enfin quel sera le rôle du Parlement dans tout cela ? La simplification et la réforme de l’État, sujets souvent très techniques, semblent relever par excellence du Gouvernement. Nombreux sont ceux ici qui ne sont pas de fervents supporters des ordonnances. Mais, sur des sujets techniques et relevant de l’urgence, un tel recours me semble légitime. En revanche, nous avons à inventer et peut-être à réinventer ensemble le rôle du Parlement dans la réforme de l’État et dans l’évaluation des normes et de la complexité administrative. L’entrée en vigueur de la loi sur le non-cumul des mandats aboutira à un Parlement reconfiguré, qui aura comme tel de nouvelles missions.

Parmi celles-ci, le contrôle et l’évaluation seront essentiels. Contrôle de l’action du Gouvernement, évaluation des politiques publiques : le Parlement – l’Assemblée Nationale mais le Sénat certainement aussi – devra évoluer vers un grand pôle d’évaluation des politiques publiques. Il lui appartiendra, par l’expertise et la capacité à percevoir les attentes de nos concitoyens, de proposer en permanence des innovations et d’évaluer les normes que l’on vote. Le Parlement doit voter la norme mais il doit aussi parfois s’abstenir de la voter ou signaler son absence de pertinence pour répondre à un défi donné. Telle est l’évaluation par le Parlement qui était chère au président Warsmann et qui l’est aussi à Jean-Jacques Urvoas. Il y a là des pistes à explorer. Voilà, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire du projet de loi en faveur duquel votera, comme cela a été dit avant moi, le groupe auquel j’appartiens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je soulignerai d’abord, comme c’est l’usage, l’excellent travail de M. le rapporteur : vous avez eu raison d’expliciter les raisons de notre engagement, la solidarité et la compétitivité. L’objectif de normes comprises et acceptées, qui appelle une meilleure régulation, nous rassemble et devrait être atteint partout. Vous avez rappelé le travail de Thierry Mandon et avez fait à l’ordonnance une allusion discrète, que Marc Dolez a reprise.

Nous n’aimons pas le recours aux ordonnances et le Gouvernement n’y est pas favorable, mais un tel défi nous l’imposait, comme tous, sur tous les bancs, l’ont rappelé. Il nous faut conduire une vraie concertation, c’est pourquoi nous atténuerons, si vous me permettrez ce terme qui ne ressortit pas au vocabulaire juridique, le choix de procéder par ordonnance. Nous nous sommes en effet engagés, comme je vous l’ai dit une nouvelle fois tout à l’heure, à travailler bien évidemment avec les parlementaires mais aussi avec les collectivités territoriales. Une telle démarche n’est pas systématique et, au fond, il sera davantage mené pour une ordonnance que pour beaucoup de projets de loi, même si les commissions saisies au fond garantissent l’existence d’une procédure parlementaire précise.

Nous aurons aussi à discuter de projets de loi de ratification et le Parlement pourra dès lors regarder de près ce qui s’est fait. J’entends votre demande sur ce point, Marc Dolez, comme d’autres, de ne pas faire descendre d’une marche le rôle du Parlement et j’y réponds globalement. Nous serons précis lors de l’examen des lois de rectification et des modifications seront bien évidemment apportées si nécessaire. Le choix de l’ordonnance nous est dicté par le caractère particulier du sujet. Nous nous engageons en outre à adapter les ordonnances le plus rapidement possible à partir de la concertation et aussi de la participation du public.

J’entends l’objection, qui est juste et même justifiée : quand on est parlementaire, par essence et par goût du droit, on ne peut apprécier la démarche par ordonnance. Je ne m’en excuse pas, car je ne pense pas que l’on pouvait faire autrement, mais j’espère au moins vous apporter les garanties que vous attendez.

Vous avez été le premier, Marc Dolez, à rappeler les difficultés de la e-administration et du numérique. Vous avez raison, il faut faire extrêmement attention à ce qu’un progrès ne soit pas excluant. Beaucoup de progrès l’ont été dans notre histoire, ne serait-ce que la conduite d’une automobile, qui a exclu ceux qui ne pouvaient pas le faire, d’autant plus qu’on avait tout bâti à partir de cet engin. Tout peut être excluant. Je dis souvent aux agents de la fonction publique, dont j’ai l’honneur d’être la ministre, à quel point jamais l’ordinateur et la technologie ne pourront remplacer le contact humain. Nous devons donc disposer d’agents en nombre suffisant pour régler des cas particuliers, comme l’a rappelé Élizabeth Pochon tout à l’heure. Il existe des situations particulières et jamais l’ordinateur ne saura les prendre en compte. Je ne ferai allusion ici à aucun des petits incidents qui ont émaillé par exemple la paie d’un certain nombre de fonctionnaires de l’État\’85

Nous avons besoin d’un tel contact. Vous avez appelé notre attention, mesdames et messieurs les orateurs, sur le code et la codification. Celle-ci n’est à mes yeux qu’un outil et ne fige rien. C’est d’ailleurs ce qui en rend l’usage difficile. J’ai moi-même estimé, en d’autres temps, qu’il ne fallait pas codifier un certain nombre de sujets, par exemple le statut des fonctionnaires et tout ce qui en dépend. Je suis très prudente car il ne faut pas que le code fige les choses. En revanche, s’il évolue bien et si on pense toujours à y inscrire précisément chaque élément nouveau, il devient un outil de référence pour qui veut faire appel à l’administration. C’est donc bien pour des raisons de principe que nous choisissons la codification.

Je mets de côté, Élizabeth Pochon, ce qui a été dit sur le « dites-le nous une fois », car tout le monde est d’accord et je ne vais pas y revenir à chaque instant. Outre la difficulté du numérique, vous avez rappelé à raison le parcours du combattant. Les usagers sont des citoyens et réciproquement. L’oublier produit de tels parcours qui amènent l’usager à considérer l’État non comme l’incarnation de la nation, de la République et de la communauté nationale mais comme un partenaire avec lequel il n’aurait pas de contrat ou bien un contrat de droit privé. Il faut être extrêmement attentif à ne pas gâcher la rencontre avec les citoyens par un certain nombre de démarches. En outre, la simplification est pour nous aussi le moyen d’améliorer la compétitivité et d’accélérer la création d’emploi. Vous évoquez, monsieur Geoffroy, la continuité républicaine mais vous nous indiquez que le texte précédent n’était pas le même que l’actuel. J’admire votre sens de la précision !

M. Matthias Fekl. Légendaire ! (Sourires.)

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je vous remercie de l’excellent travail que vous avez mené, y compris en commission, car il nous a permis d’avancer. Nous sommes en effet dans la continuité, mais élargie, car il ne s’agit pas des seules entreprises mais des usagers quels qu’ils soient.

Vous avez vous aussi parlé du numérique, comme Élizabeth Pochon et M. le rapporteur tout à l’heure. Quand nous dresserons le bilan de la télédéclaration des impôts, il faudra regarder quelles sont les personnes qui se sont trompées de bonne foi, par accident ou par impossibilité. Voilà des points intéressants de l’évaluation des politiques publiques.

Vous avez rappelé mes propos anciens selon lesquels la simplification n’a ni queue ni tête, mais à l’époque nous n’avions pas suffisamment de précisions. Vous voyez, monsieur Geoffroy, on regrette parfois ce qu’on a dit !

N’y voyez pas plus malice que je n’en ai vu moi-même dans vos propos. En tout état de cause, c’est un bon exemple de ce que l’on peut faire en matière de simplification.

Je vous remercie d’avoir fait évoluer la position que vous exprimiez lors de nos travaux en commission, et me félicite de constater que le travail que nous avons accompli afin de répondre aux interrogations a été non seulement lu, mais apprécié à sa juste valeur – de cela, je vous sais également gré.

Vous avez rappelé le droit de saisine, monsieur Zumkeller, et insisté sur le principe selon lequel le silence de l’administration vaudra désormais décision d’accord – une disposition dont je suis assez fière. Il ne me paraît pas inutile de rappeler les circonstances ayant conduit à introduire ce principe dans la loi – une petite leçon d’histoire est toujours profitable. Il y a quelques mois, le Président de la République a réuni le Premier ministre, l’ensemble des préfets et des préfets de région, ainsi que le ministre du redressement productif et moi-même, afin d’évoquer un certain nombre d’enjeux relatifs à l’emploi et à l’accès au RSA, mais aussi les difficultés auxquelles se trouvaient confrontés particuliers et entrepreneurs dans leurs rapports avec l’administration. Les préfets nous ont rapporté que nos concitoyens se plaignaient de manière récurrente des difficultés qu’entraînait le fait d’attendre trop longuement une décision de l’administration. Le Président de la République, à qui j’ai proposé d’étudier la solution consistant à inverser le sens du silence de l’administration pour lui donner valeur d’accord, a saisi la balle au bond – étant précisé qu’il était clair pour chacun de nous qu’il faudrait faire preuve de vigilance, afin que cette disposition ne génère pas des exagérations, des erreurs ou même des fautes de la part de l’administration. Comme vous l’avez souligné, il est essentiel que nous fassions en sorte que les notions de dialogue et de concertation prennent une place prépondérante dans les rapports entre nos concitoyens et leur administration.

Vous avez dit, monsieur Fekl, que la complexité administrative était souvent vue comme une spécificité française, et je conviens avec vous que cette idée est communément répandue. Cependant, j’ai eu le plaisir, récemment, de faire remarquer aux représentants d’un grand groupe privé, dont les activités se rapportent exclusivement au secteur numérique, qu’il était pour le moins paradoxal, pour une société de cette nature, de demander à ses clients de se déplacer dans ses locaux pour y signer un contrat en trois exemplaires – une pratique qui, selon moi, décourageait un grand nombre de clients potentiels, et montre bien que la complexité n’est pas l’apanage du service public !

Vous avez également souligné l’adaptabilité des services publics, une idée que je défends depuis que je remplis les fonctions qui m’ont été confiées : oui, nos services publics sont adaptables, et les agents du service publics ont eux-mêmes envie d’être aussi performants que possible. On vient de tester, dans un département, un dispositif permettant aux entreprises de ne plus avoir à chercher à quel service administratif adresser leurs factures : celles-ci sont adressées à un guichet unique qui se charge de les vérifier, ce qui fait qu’elles sont désormais toutes réglées en seize jours seulement. L’agent chargé de cette tâche, âgé de plus de 55 ans et ayant d’abord eu un peu de mal à maîtriser un outil informatique qui lui était peu familier, a tiré une légitime fierté d’avoir réussi à surmonter ses difficultés, et je suis sûre que tous nos agents éprouveront le même sentiment de fierté lorsque ces procédures se généraliseront.

Enfin, vous avez évoqué la future internalisation de la gestion de la complexité – un objectif qu’à mon sens, nous devons tous poursuivre. La complexité administrative existera toujours, parce qu’elle n’est que le reflet de l’extrême complexité humaine, et il reviendra donc aux agents du service public de l’aplanir afin que les usagers, particuliers et entrepreneurs, n’aient pas à en pâtir. Un exemple me conforte dans l’idée que nous avons choisi la bonne méthode : confrontés eux aussi à la complexité humaine, les médecins ne pratiquent pas autrement que le Gouvernement n’a décidé de le faire : ils font des ordonnances ! (Rires.)

M. Hugues Fourage, rapporteur. On ne l’a pas vue venir, mais elle est bien bonne, madame la ministre !

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er A

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n2.

M. Hugues Fourage, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Favorable.

(L’amendement n2 est adopté.)

(L’article 1er A, amendé, est adopté.)

Article 1er

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n4.

M. Hugues Fourage, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je salue le sens de la précision du rapporteur, monsieur le président, et suis favorable à cet amendement.

(L’amendement n4 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n3.

M. Hugues Fourage, rapporteur. C’est également un amendement de précision.

(L’amendement n3, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n5.

M. Hugues Fourage, rapporteur. Coordination.

(L’amendement n5, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n6.

M. Hugues Fourage, rapporteur. Coordination.

(L’amendement n6, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 2 bis

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n7.

M. Hugues Fourage, rapporteur. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je salue à nouveau le sens du détail du rapporteur, et suis favorable à cet amendement.

(L’amendement n7 est adopté.)

(L’article 2 bis, amendé, est adopté.)

Article 3

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n8.

M. Hugues Fourage, rapporteur. Rédactionnel.

(L’amendement n8, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n9.

M. Hugues Fourage, rapporteur. Amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je suis favorable à cette utile précision.

(L’amendement n9 est adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote.

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté à l’unanimité.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote par scrutin public sur le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové ;

Vote par scrutin public sur les projets de loi organique et ordinaire relatifs à la transparence de la vie publique.

Nouvelles lectures du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-sept heures vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron