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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Troisième session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 17 septembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Politique fiscale

M. Jean-Pierre Gorges

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Politique industrielle

M. Jean Grellier

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Violences en Guadeloupe et en Martinique

M. Bruno Nestor Azerot

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Charte de la laïcité à l’école

M. Thierry Braillard

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Politique fiscale

M. Marc-Philippe Daubresse

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Dépenses de santé

Mme Véronique Massonneau

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Lutte contre la délinquance

M. Christian Estrosi

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Emploi des jeunes

Mme Christine Pires Beaune

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Politique fiscale

M. Yves Jégo

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

CICE et entreprises agricoles

Mme Catherine Vautrin

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Politique environnementale

M. Bertrand Pancher

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Conditions d’accès à la nationalité française

M. Didier Quentin

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Réforme des retraites

M. Michel Issindou

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Fiscalité de l’artisanat

M. Jean-Pierre Barbier

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme

Titularisation des auxiliaires de vie scolaire

Mme Françoise Dubois

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

2. Accès au logement et urbanisme rénové

Explications de vote

M. François de Rugy

M. Jacques Krabal

M. André Chassaigne

M. Christophe Borgel

M. Jean-Marie Tetart

M. Michel Piron

Vote sur l’ensemble

3. Transparence de la vie publique

Explications de vote communes

M. Guy Geoffroy

M. Yannick Favennec

M. François de Rugy

M. Joël Giraud

M. Marc Dolez

M. René Dosière

Vote sur l’ensemble (projet de loi)

Suspension et reprise de la séance

Vote sur l’ensemble (projet de loi organique)

4. Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière - Procureur de la République financier

Présentation

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale commune

M. Philippe Vigier

M. Éric Alauzet

Mme Annick Girardin

M. Nicolas Sansu

M. Dominique Raimbourg

M. Étienne Blanc

M. Pascal Popelin

M. Jacques Bompard

M. Dominique Lefebvre

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Politique fiscale

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Gorges.

M. Jean-Pierre Gorges. Monsieur le Premier ministre, les feuilles se ramassent à la pelle. Je ne parle pas de l’automne et des feuilles mortes, mais bien des feuilles d’impôts que reçoivent les Français et qui préparent l’hiver économique de la France, une sorte de glaciation fatale. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)



Faute de procéder aux nécessaires baisses de dépenses, vous continuez d’augmenter les impôts des ménages. Dès votre arrivée aux manettes, vous avez ouvert le robinet de la dépense : embauches dans la fonction publique, cadeaux catégoriels non financés. Et maintenant, les Français trinquent : baisse du plafond du quotient familial pour 1,3 million de foyers, suppression des réductions d’impôts pour enfants scolarisés à 5 millions de ménages, fiscalisation des avantages familiaux. Vous vous en prenez systématiquement aux familles. Le Président de la République parle de pause, alors que l’année 2014 sera encore plus douloureuse d’un point de vue fiscal. Mais où vit-il ?

En tant que maire de Chartres, je peux témoigner qu’il est possible de développer sa ville sans augmenter les impôts. Ce pacte de stabilité fiscale sera au cœur des engagements de notre famille politique. Il est vrai que les députés socialistes de Paris et de bon nombre de villes de France ne peuvent pas en dire autant.

Comme vous anticipez déjà votre défaite aux élections locales (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), vous vous empressez de les garrotter en leur faisant supporter les dépenses non compensées comme les rythmes scolaires.

Ma question est simple : quand cesserez-vous de prendre les Français pour des idiots en faisant croire à une pause fiscale alors que vous maniez en permanence l’assommoir fiscal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, vous parlez avec une parfaite science et une grande maîtrise de l’augmentation de la pression fiscale. Il est vrai que vous avez soutenu pendant cinq ans un gouvernement qui avait quelque expertise en ce domaine. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Faut-il rappeler, en effet, que vous avez voté 20 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les Français en 2011 et 12 milliards en 2012 ? Et vous l’avez fait en favorisant les plus riches des Français tandis que vous taxiez les plus pauvres.

Mme Bérengère Poletti. C’est incroyable d’entendre cela !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour illustrer mon propos, je prendrai quelques exemples concrets. En 2011, vous avez décidé d’arrêter l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu et vous avez supprimé la demi-part pour les veuves (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC), ce qui explique que, cette année, des Français payent l’impôt sur le revenu alors qu’ils font partie des plus pauvres. Ces injustices que vous aviez décidées (Protestations sur les bancs du groupe UMP), nous allons les corriger dans le budget pour 2014 en procédant à la réindexation de l’impôt sur le revenu, en mettant en place une décote pour que cette pression fiscale, ce matraquage fiscal qui tapaient toujours sur les mêmes têtes, s’arrête. (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Luc Reitzer. Et les frais de scolarité ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous parlez, monsieur le député, de la dépense publique. En cette matière encore, vous avez une belle science : vous avez augmenté la dépense publique de 170 milliards d’euros entre 2007 et 2012.

M. Philippe Meunier. C’est faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En moyenne, les dépenses de l’État ont augmenté de 2 milliards par an (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP),

M. le président. Mes chers collègues, nous n’allons pas pouvoir continuer la séance comme cela !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …alors que nous allons présenter, nous, pour 2014, un budget qui affichera une diminution des dépenses nettes de l’État de 1,5 milliard d’euros.

Avec un tel bilan, comment osez-vous afficher une telle arrogance ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Comment parvenez-vous à nous donner des leçons chaque semaine (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), alors que nous sommes dans la maîtrise de la dépense publique, que nous avons la volonté de faire en sorte que la justice fiscale s’impose ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Politique industrielle

M. le président. La parole est à M. Jean Grellier.

M. Jean Grellier. Ma question s’adresse à Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif.

Monsieur le ministre, jeudi dernier à l’Élysée, vous avez lancé avec le Président de la République et plusieurs de vos collègues « la nouvelle France industrielle ». Devant de nombreux acteurs de l’entreprise, des partenaires sociaux et des représentants de diverses institutions, vous avez présenté trente-quatre grands projets industriels.

Ils ont été retenus à l’issue d’un travail de plus d’une année, s’appuyant sur les pôles de compétitivité ainsi que sur les comités stratégiques de filières du Conseil national de l’industrie.

Chacun de ces projets est piloté par un chef d’entreprise impliqué au sein du secteur concerné et capable de fédérer toutes les structures concourant à passer du stade de la conception recherche à celui de son industrialisation.

Ces trente-quatre projets concernent trois grands secteurs : la transition écologique et énergétique, l’économie du vivant et les nouvelles technologies pour une souveraineté numérique.

Monsieur le ministre, depuis quinze mois, vous avez dû affronter de nombreuses difficultés d’entreprises et y faire face en tentant de lutter contre le déclin industriel de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est l’objectif également de la proposition de loi qui sera examinée demain par notre Assemblée pour redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel, en accompagnant la reprise des sites rentables et en encourageant l’actionnariat de long terme.

La nouvelle France industrielle que le Président de la République intègre dans une troisième révolution industrielle, engage notre pays dans la reconquête de son industrie : s’appuyant sur la richesse de son histoire, elle est résolument tournée vers son avenir.

Pouvez-vous indiquer, monsieur le ministre, à la représentation nationale, la stratégie que vous allez mettre en œuvre pour faire aboutir ces trente-quatre projets ? Quelles sont pour vous les conditions nécessaires à une forte mobilisation de tous les acteurs, sans sectarisme ni exclusive, qui permettront à la France de relever ces grands défis ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, nous avons perdu en dix ans 750 000 emplois industriels…

M. Jean-Louis Costes. Et ça continue !

M. Arnaud Montebourg, ministre. ...et notre base productive est aujourd’hui rétrécie dans des proportions préoccupantes. Le choix que nous avons fait est de concentrer nos ressources, nos moyens technologiques, notre intelligence humaine, notre offre industrielle, nos moyens publics, nos capitaux privés sur trente-quatre points forts de notre industrie, de manière à conquérir des marchés et à créer des emplois sur notre territoire.

Les évaluations auxquelles nous avons procédé nous font penser qu’en l’espace de dix années, nous pouvons retrouver 479 000 emplois, représentant 18 milliards d’exportations supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



Ce sont des évaluations aléatoires, mais nous souhaitons concentrer nos forces. Alors, nous avons demandé à l’industrie de faire ces projets : nous avons demandé à des dirigeants industriels de les mettre en œuvre et nous avons décidé d’ordonnancer tout le monde : les pôles de compétitivité, les syndicats, les industries, le Gouvernement et l’État.





Par exemple, sur cette nouvelle frontière technologique qu’est le véhicule sans chauffeur, les Américains sont en train d’avancer : nous avançons de notre côté. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il en va de même pour les dirigeables ou encore l’avion électrique dont le prototype sera bientôt présenté. Ce sont là de nouveaux chantiers, de nouvelles frontières et tous les territoires se sont impliqués dans leur réussite.





Argent public, capitaux privés ; recherche publique, recherche-développement privée ; vision collective, initiative privée : c’est cela, la nouvelle France industrielle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)



Violences en Guadeloupe et en Martinique

M. le président. La parole est à M. Bruno Nestor Azerot.

M. Bruno Nestor Azerot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur Manuel Valls et je voudrais y associer mes collègues Jean-Philippe Nilor et Alfred Marie-Jeanne.

Depuis le début de l’année 2013, douze homicides ont été enregistrés en Martinique, dont dix par armes à feu et par des jeunes. En Guadeloupe, trente-sept homicide. Ces quarante-neuf meurtres aux Antilles constituent un traumatisme pour ces sociétés insulaires, cela dans le plus grand silence des médias.

Je vous sais gré, monsieur le ministre, d’avoir indiqué votre « ferme volonté de lutter contre cette insécurité » en vous rendant prochainement en Guadeloupe et en Martinique. En effet, élus de terrain d’outre-mer confrontés à cette violence de masse, nous avons le sentiment d’être bien seuls, pas suffisamment accompagnés et même oubliés dans nos efforts. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

On parle beaucoup de la violence qui sévit dans d’autres territoires, mais peu des Antilles. Sur le terrain pourtant, élus, policiers et gendarmes, éducateurs et travailleurs sociaux ne cèdent pas et font honneur à leur mission en engageant un travail immense pour juguler des phénomènes de violences.

Une mobilisation majeure de l’État est indispensable, car la Guadeloupe et la Martinique ont aussi droit à la protection de l’État. Des réponses concrètes, immédiates et durables, sont attendues par nos populations. Nous avons besoin de l’engagement, ici et maintenant, d’une vraie politique, préventive et répressive, globale, de lutte contre ces phénomènes violents de société qui touchent prioritairement nos jeunes, surarmés – et telle est la question.

C’est pourquoi nous déposerons – avec votre appui, nous n’en doutons pas – une demande de commission d’enquête sur la question du trafic des armes à feu aux Antilles. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Nous avons toujours dit que nous tiendrions sur les questions de sécurité un discours de vérité.

M. Patrice Verchère. Ça ne suffit pas !

M. Manuel Valls, ministre. La situation dans les Antilles, vous avez raison, est malheureusement, depuis bien longtemps, des plus difficiles. Je me rendrai dans quelques semaines en Martinique, en Guadeloupe et à Saint-Martin, où la situation est difficile et où le trafic de drogue cause des ravages.

Depuis la fin juin 2013, un plan d’action conçu par Victorin Lurel est mis en œuvre en Martinique et en Guadeloupe. Les forces de l’ordre se sont réorganisées pour occuper davantage le terrain : il faut aller encore plus en profondeur. Le Premier ministre l’a annoncé à l’occasion de son déplacement, des renforts d’effectifs ont été programmés pour la Martinique comme pour la Guadeloupe. Une zone de sécurité prioritaire est mise en place sur les cinq quartiers de Fort-de-France ainsi qu’à Pointe-à-Pitre et aux Abymes.

Il faut toujours progresser, identifier les difficultés, améliorer le travail fourni. Une mission gendarmerie-police va faire un certain nombre de propositions.

La question spécifique des armes à feu, avec des campagnes citoyennes, mérite un engagement du Parlement, comme vous le proposez, mais aussi du Gouvernement. La Guadeloupe, la Martinique et de manière générale les Outre-mer ne peuvent pas être oubliés, ne peuvent pas passer au second plan de l’actualité : leur situation appelle l’attention du Gouvernement et de l’État. Monsieur le député, nous nous rencontrerons avant même mon déplacement : vous pouvez compter sur notre engagement pour assurer la sécurité et l’ordre dans vos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Charte de la laïcité à l’école

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Braillard. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, vous avez dévoilé voici quelques jours la première Charte de la laïcité à l’école. Comme vous l’avez justement expliqué, la crise que les Français traversent et leurs interrogations quant à leur identité – avec toutes les dérives que nous connaissons depuis des années – sont liées en grande partie au fait que nous ne connaissons plus assez nos valeurs, qu’elles ne sont pas assez partagées, qu’elles ne « font » plus mémoire, lien ou projet. Face à cette fatalité, nous nous devons de réagir.

Aussi tenons-nous à vous féliciter, tant en ce qui concerne la qualité rédactionnelle de cette Charte que l’excellente initiative de son affichage dans les écoles. Cela s’inscrit d’ailleurs dans l’esprit de la loi d’orientation et de programmation du 9 juillet 2013 pour la refondation de l’école de la République, qui avait déjà posé, suite à l’un de nos amendements, le principe de l’apposition de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 dans les établissements scolaires publics et privés sous contrat.

Vous le savez, monsieur le ministre, nous, députés radicaux de gauche et apparentés, sommes extrêmement attachés à la laïcité qui, d’une certaine façon, est dans notre ADN. Il s’agit d’une valeur très actuelle, d’un rempart visant à maintenir une neutralité absolue face aux influences des religions sur les institutions publiques et, en premier lieu, sur l’école, creuset où se forge la liberté de conscience et où doit se faire l’intégration républicaine.

Monsieur le ministre, comment comptez-vous procéder afin que des cours de laïcité soient mis en place pour que les élèves en connaissent la signification et l’histoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. La refondation de l’école de la République repose sur trois points principaux : tout d’abord, de nécessaires moyens dont nous avons d’ailleurs constaté pendant cette rentrée combien ils ont contribué à soulager certaines situations ; ensuite, des réformes de fond faisant de l’enseignement primaire une priorité, favorisant la pédagogie, le développement du numérique ainsi que la formation des maîtres ; enfin, les valeurs qui nous réunissent, celles de la République, notamment celle exprimée par l’article premier de notre Constitution définissant notre pays comme une République indivisible, démocratique, sociale et laïque. Nos textes communs confient à l’école, dont c’est la vocation, le soin de transmettre ces valeurs. Il faut instruire, oui, éduquer et transmettre les valeurs de la République !

Il est difficile de reprocher à notre jeunesse de les ignorer lorsque nous ne les enseignons plus, ne les transmettons plus et, parfois, ne les respectons plus. Il appartient donc à l’école, comme la représentation nationale l’a souhaité, d’éduquer et de transmettre les valeurs dont, en premier lieu, la laïcité. Ce n’est pas là une valeur visant à diviser ou à blesser. Elle respecte bien évidemment la liberté de conscience de chacun et, surtout, elle la permet et la protège.

C’est dans cet état d’esprit qu’un certain nombre de groupes ont travaillé depuis plusieurs mois pour que cette Charte soit lisible par tous les élèves, du cours préparatoire à la terminale, et pour qu’elle fasse l’objet d’une pédagogie, les établissements recevant d’ailleurs un accompagnement en la matière.

L’éducation à la laïcité sera accompagnée de l’enseignement moral et civique que vous avez souhaité, là encore, depuis le cours préparatoire complémentaire jusqu’à la terminale, ainsi que d’une formation des enseignants dans les nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Je crois que, sur un tel thème, nous pouvons tous nous rassembler. En tout cas, tous les élèves de France ont besoin que nous les rassemblions autour de nos valeurs communes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et GDR.)

Politique fiscale

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le Premier ministre, votre ministre du budget, avec l’arrogance qui le caractérise (Protestations sur les bancs du groupe SRC), n’a pas répondu à la question posée par notre groupe concernant la prétendue pause fiscale sur laquelle le magicien François Hollande s’est exercé à un beau tour de passe-passe dimanche soir.

M. Cazeneuve ne nous parle que du passé. Mais quand donc allez-vous nous dire la vérité sur votre budget et sur les impôts à venir ? Quand donc allez-vous admettre que vous allez instaurer une taxe sur les assurances complémentaires santé qui touchera 13 millions de salariés ? Quand admettrez-vous que vous vous apprêtez à mettre un terme à des réductions d’impôts dont bénéficient les familles modestes et nombreuses ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)Quand donc admettrez-vous que, contrairement à ce que vous affirmez, il n’y aura pas de pause fiscale en 2014 ?

Le Président de la République, à propos de la fiscalité, a dit que c’était « beaucoup » et que c’était même « devenu trop », mais il a aussi assuré qu’il aurait pu faire beaucoup plus. Bref, ce sera moins que si cela avait été plus ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Mais, en fin de compte, et sans même parler des entreprises – vous avez en effet touché à la fiscalité dans le domaine du bâtiment et des services à la personne, lesquels concernent essentiellement des emplois français non délocalisables –, les ménages paieront l’an prochain 12 milliards au lieu de 10 milliards ! Vous continuez donc à augmenter la fiscalité !

Vous n’êtes même pas d’accord entre vous. Les rouges (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) disent : « Attention, attendez, plus de matraquage fiscal ! », les roses parlent du concours Lépine de la nouvelle taxe sur l’aspartam, sur les cigarettes électroniques (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) et les verts s’interrogent : « Pas de fiscalité sur le diesel ? ».

Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous donc de vous moquer des Français qui, eux, sont marron dans cette affaire ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, je vais reprendre tous les arguments que vous avez développés et je vais y répondre précisément. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)



Vous avez évoqué l’augmentation du quotient familial mais, monsieur Daubresse, nous ne l’aurions pas augmenté si vous ne nous aviez pas laissé une branche famille en déficit de 2,5 milliards ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous ne l’aurions pas augmenté si vous n’aviez pas supprimé des places en nombre dans les crèches (Protestations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Yves Censi. C’est faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … et si nous n’avions pas dû en créer 270 000 afin de permettre aux familles d’assurer la garde de leurs enfants dans des conditions convenables ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous n’aurions pas pris la décision que nous prenons s’agissant des complémentaires santé si nous n’avions pas voulu les généraliser pour tous les contrats collectifs, mesure de justice que, vous, vous n’avez jamais prise !

M. Michel Herbillon. Parlez du présent au lieu de parler du passé !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous n’aurions pas eu à prendre les mesures que nous avons prises sur les niches fiscales auxquelles vous avez fait référence si nous n’avions pas été obligés de financer les bourses pour les étudiants – que vous aviez promises et que vous n’aviez pas budgétées – à hauteur de 150 millions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Ça patine ! Ça patine !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Puisque vous voulez la vérité sur le budget pour 2014, nous offrirons 100 000 bourses supplémentaires aux jeunes Français, notamment à ceux qui sont issus de familles modestes et moyennes et que le gouvernement précédent a oubliés !

Si vous n’aviez pas décidé de désindexer le barème de l’impôt sur le revenu, nous n’aurions pas dû le réindexer ! Voilà la vérité de notre action, monsieur Daubresse ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Bien entendu, vous ne pouvez pas le reconnaître parce que ce qui caractérise votre démarche et vos questions, c’est la mauvaise foi et le sectarisme (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) D’ailleurs, monsieur Daubresse, permettez-moi de vous dire une chose : si, parmi les vingt taxes que vous avez inventées en cinq ans, vous en aviez inventé une sur la mauvaise foi, votre assiette serait large, votre taux élevé et vous seriez imposé sur la fortune ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR).

Dépenses de santé

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, lors de sa récente intervention télévisée, le Président de la République a indiqué que l’une des priorités budgétaires de la France pour l’année à venir serait de contenir les dépenses de la Sécurité sociale. Le Président a parlé d’économies, et chacun voit bien que chez nos concitoyens, des interrogations se font jour. Car si l’objectif de réduction des dépenses publiques rencontre généralement l’assentiment de chacun, dès lors que sont posées concrètement les questions des postes budgétaires concernés, les choses changent.

C’est dans ce contexte que, ce matin, les Français se sont réveillés en entendant que la Cour des comptes préconisait de supprimer le remboursement des frais d’optique par la Sécurité sociale, pour les faire supporter par les seules mutuelles.

M. Jean-Luc Reitzer. Son président est socialiste, alors…

Mme Véronique Massonneau. Outre le fait que tous les Français ne bénéficient pas d’une mutuelle complémentaire, cette proposition a de quoi surprendre, parce qu’elle entretient un doute sur la prise en compte effective des objectifs de santé dans les perspectives budgétaires de financement de la Sécurité sociale. Le constat de la Cour des comptes est juste : moins de 200 millions de frais d’optique sont supportés aujourd’hui par la Sécurité sociale, contre plus de 3,5 milliards par les mutuelles ! Mais en ne traitant la question que de manière comptable, réglera-t-on vraiment le problème ? On peut en douter.

La santé est aussi un secteur économique, avec ses logiques propres : celle des laboratoires pharmaceutiques, qui ont fait du démarchage une source de leur développement commercial ; celle aussi des industries d’équipements qui, par leurs circuits de distribution et leur politique tarifaire, pèsent lourdement sur le budget de la santé.

Réduire les dépenses de santé ne peut se résumer à une succession sans fin de déremboursements ou de transferts de charges vers l’assurance privée : cette ambition n’aura de sens que si nous sommes en mesure d’identifier ces logiques économiques perverses et de lutter concrètement sur ce terrain.

Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer quelle est la stratégie du Gouvernement sur ce point ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée Véronique Massoneau, vous avez raison de souligner que l’assurance maladie et la politique de santé sont au cœur du pacte social, et que nous devons veiller à ce que celui-ci soit maintenu, préservé et renforcé.

M. Franck Gilard. Il n’y a pas de pacte social ! C’est du racket !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je tiens d’abord à vous rassurer, en vous rappelant que les préconisations de la Cour des comptes ne sont pas des annonces du Gouvernement. Celui-ci s’est engagé dans un effort sans précédent de rétablissement des comptes de l’assurance maladie. Contrairement à la droite, qui a laissé filer les déficits (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) alors même que nous étions en période de croissance...

M. Jean-Luc Reitzer. Bien sûr ! C’est évident !

Mme Marisol Touraine, ministre. …nous avons engagé la stabilisation des dépenses de santé, et même leur réduction, puisque nous avons réalisé 2,7 millions d’économies l’année dernière. D’ailleurs, la Commission des comptes de la Sécurité sociale confirmera dans quelques jours l’engagement du Gouvernement en la matière. Cet effort d’économies s’est fait sans aucun déremboursement, sans aucune franchise supplémentaire et sans aucun forfait à la charge de nos concitoyens, ce qui prouve que la responsabilité peut aller de pair avec l’exigence sociale. De ce point de vue, je veux dire fermement qu’il n’est pas question pour le Gouvernement de procéder au déremboursement des lunettes et des produits d’optique, comme cela a été indiqué par certains observateurs.

M. Jean-Luc Reitzer. Cela va venir !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les prix des lunettes sont trop élevés et nous devons faire en sorte qu’ils diminuent, en faisant pression sur ceux qui les fabriquent. Mais ce n’est pas en faisant se retirer l’assurance maladie du remboursement du prix des lunettes que nous parviendrons à garantir une santé de qualité à l’ensemble de nos concitoyens. Nous avons la volonté de renforcer le socle de notre Sécurité sociale et nous le ferons pour l’ensemble des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Christian Jacob. Voilà une explication bien compliquée !

Mme Catherine Vautrin. On ne comprend rien.

Lutte contre la délinquance

M. le président. La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Estrosi. Au nom des députés de Nice Éric Ciotti et Rudy Salles (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC)…et en mon nom propre, je souhaite poser une question à Mme la garde des sceaux.

Madame la garde des sceaux, depuis votre arrivée au pouvoir, vous n’avez pas cessé d’envoyer des signes de mansuétude à la délinquance. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Pascal Popelin. C’est honteux !

M. Christian Estrosi. Guidée par un véritable dogmatisme, vous vous entêtez à expliquer à qui veut l’entendre que la prison est un danger pour la société. Vous avez une obsession négative à l’égard de la prison : cela ne peut pas être l’essentiel d’une politique pénale. Ce n’est pas la prison qui crée le délit ou le crime ; Pour nous, l’auteur de la récidive ou de la première infraction est avant tout le malfaisant qui transgresse la loi.

Après le drame de Marignane, un autre drame s’est noué la semaine dernière, cette fois dans ma ville. Un honnête commerçant, un bijoutier, a vu sa porte forcée, il a été maltraité et tabassé, s’est retrouvé tuméfié, touché à la fois dans son intégrité physique et morale. Condamné à mort avec un fusil à pompe s’il n’ouvrait pas son coffre pour livrer son butin, il a eu un geste de désespéré. Je tiens, une fois de plus, à lui témoigner mon soutien moral (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)

M. Yann Galut. Avait-il le droit de tuer ?

M. Christian Estrosi. …et c’est vers lui et vers tous les commerçants de France que je veux me tourner. Le malfrat qu’il a touché était quatorze fois multirécidiviste. Je veux d’ailleurs saluer la visite républicaine que M. le ministre de l’intérieur a faite ce matin à Nice, pour dire aux commerçants de la ville combien il était préoccupé et concerné par leurs signes d’inquiétude.

Madame la garde des sceaux, supprimer les peines planchers contre les multirécidivistes, supprimer les tribunaux correctionnels pour les mineurs et remplacer des peines de cinq ans d’emprisonnement par des peines de probation, c’est faire de l’incitation à la violence.

M. le président. Merci, monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi. Je vous demande tout simplement de retirer votre texte.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés… (Mêmes mouvements)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …monsieur le député Christian Estrosi, nous sommes tous émus par la succession d’agressions et de drames qui touchent particulièrement certains territoires et certaines catégories de citoyens.

M. Alain Marsaud. Toute la France !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais, comme à l’accoutumée, vous en faites étalage et tapage. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. C’est vous qui êtes dans la provocation !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous savez parfaitement que le projet de loi contre la récidive ne concerne que des délits punissables au maximum de cinq ans de prison, mais vous faites l’amalgame avec un vol avec arme, qui constitue un crime, pour lequel la peine encourue est de vingt ans de réclusion criminelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Pascal Popelin. Bravo !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez appartenu à un Gouvernement qui a parasité les drames, en dissimulant à chaque fois son impuissance derrière un texte de loi…

M. Patrick Balkany. Quelle honte que ces propos !

M. Franck Gilard. Vous devriez démissionner, madame !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et qui a réduit les effectifs dans la police, la gendarmerie, et la justice, ainsi que dans les autres administrations, supprimant ainsi la présence de l’État dans de nombreux territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Et aujourd’hui, vous tenez de tels propos ?

Votre attitude et vos propos sont antirépublicains, monsieur le député (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) parce que vous mettez en danger l’État de droit ! Vous donnez des leçons, alors que vous nous avez laissé une situation désastreuse, calamiteuse, qui met en péril la sécurité des Français. Ce sont les lois confuses, complexes et contradictoires que vous avez adoptées qui s’appliquent aujourd’hui ! Ce sont ces lois qui mettent en péril la sécurité des Français, et c’est contre leurs effets que nous luttons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-François Lamour. Mais enfin ! Nous sommes dans l’hémicycle !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous allons le faire avec détermination, et vous verrez, d’ici la fin du quinquennat, quels sont nos résultats ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Jean-Luc Reitzer. Cette réponse est scandaleuse !

Emploi des jeunes

M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi et de la formation, pour le troisième mois consécutif, le nombre de jeunes demandeurs d’emploi en catégorie A diminue. Après une baisse de 0,5 % en mai, de 0,3 % en juin, la baisse est de 0,8 % en juillet. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cette inversion de la courbe du chômage des jeunes, confirmée par l’INSEE qui vient de publier des chiffres identiques concernant le chômage au sens du Bureau international du travail, est une réalité. C’est une excellente nouvelle.

M. Franck Gilard. Ne lui laissez pas dire n’importe quoi !

Mme Christine Pires Beaune. La lutte contre le chômage des jeunes, première des priorités de la politique de l’emploi du Gouvernement, est donc pleinement engagée. Il nous faut saluer la mobilisation des petites et grandes entreprises, des associations, des collectivités, des partenaires sociaux, des services de l’État, de Pôle Emploi en particulier, qui ont su se saisir des outils mis en œuvre par le Gouvernement. Contrats d’avenir, contrats de génération, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, interventions de la Banque publique d’investissement : tous ces dispositifs montent en puissance, et les résultats commencent à se faire sentir.

M. Philippe Meunier. Quel humour !

Mme Christine Pires Beaune. En prenant ainsi toute leur part de ce combat visant à donner toute sa chance à notre jeunesse, les acteurs socio-économiques répondent pleinement à l’appel lancé en ce sens par le Président de la République, conformément à son engagement.

Plus largement, si l’inversion de la courbe globale du chômage n’est pas encore acquise, une très nette inflexion se confirme mois après mois.

M. Philippe Meunier. Où avez-vous vu cela ?

Mme Christine Pires Beaune. Parallèlement, le rebond de croissance – plus 0,5 % au deuxième trimestre 2013 – marque une reprise économique, certes encore fragile, mais bien réelle.

Ces signaux multiples sont très encourageants et constituent autant de prémices d’un retournement. Si les Français reprennent doucement confiance face à la crise, la politique volontariste menée par le Gouvernement n’y est pas étrangère.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre afin de consolider ces premiers résultats prometteurs qui viennent valider la cohérence et l’efficacité de la politique menée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, lorsque cette nouvelle majorité a été élue, il y a un an, lorsque ce gouvernement s’est mis en place, le chômage des jeunes dépassait les 25 %. Un jeune de moins de 25 ans sur quatre était au chômage, et c’était sans doute le résultat le plus grave de la politique qui avait été menée par la précédente majorité.

M. Jean-Luc Reitzer. Le contraire m’eût étonné !

M. Michel Sapin, ministre. Lorsqu’un quart d’une génération est sans perspective, sans avenir, sans pouvoir construire sa propre vie et son propre devenir, c’est non seulement le jeune sans emploi, mais aussi sa famille, son quartier et tous ceux qui sont autour de lui qui sont atteints.

Nous avons voulu mettre en place des outils nouveaux, comme vous l’avez souligné, avec l’appui de cette majorité et même au-delà car le combat contre le chômage des jeunes peut être largement partagé. Vous avez rappelé la liste de ces outils.

Les emplois d’avenir sont une grande réussite aujourd’hui. Tous les jours, chaque jour, plus de 500 jeunes trouvent une solution grâce à eux, et pas seulement dans des associations ou des collectivités locales : des entreprises prennent des initiatives et courent le risque de donner leur chance à des jeunes qui ont du talent. Chez chaque jeune à la recherche d’un emploi, il y a un talent caché, et c’est ce que nous avons voulu mettre en valeur pour permettre à chacun de réussir.

Les contrats de génération sont en train de démarrer. Dans les entreprises, les négociations sont en cours, elles sont prometteuses. Dans les petites entreprises, où l’habitude de faire travailler ensemble les plus jeunes et les plus anciens, ces contrats sont en train de réussir.

Vous l’avez dit, madame la députée : l’inversion de la courbe du chômage des jeunes est une réalité. C’est l’avant-garde de la bataille contre le chômage, c’est le signe précurseur de l’inversion de la courbe du chômage en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique fiscale

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Yves Jégo. Monsieur le Premier ministre, je suis désolé, ma question va sans doute encore faire perdre ses nerfs à votre ministre du budget ! Et comme je le connais bien, je sais que quand il perd ses nerfs, c’est qu’il est en difficulté. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Aujourd’hui, ce sont les Français qui perdent leurs nerfs, et cela se traduit tous les jours dans les sondages et dans les urnes. Ils perdent leurs nerfs d’abord parce qu’ils constatent que votre majorité a pratiqué la plus grosse ponction sur leur pouvoir d’achat qui ait eu lieu depuis des années en supprimant les avantages fiscaux attachés aux heures supplémentaires à 9 millions de familles dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)



Ce sont les Français qui perdent leurs nerfs en constatant – et le chiffre est incontestable, monsieur le ministre – que vous avez, par vos décisions et non pas celles du Gouvernement précédent, prélevé 50 milliards d’euros d’impôts supplémentaires sur la France. C’est le plus gros prélèvement depuis la Seconde Guerre mondiale, et il met notre pays à genoux.

M. Lucien Degauchy. Rendez les sous !

M. Yves Jégo. Ma question est simple, monsieur le Premier ministre. Au-delà de la polémique des énervements des uns et des autres ou du bilan du gouvernement précédent, à quoi a servi cet effort des Français ?

A-t-il eu des effets durables sur le chômage ? Non. Et ce ne sont pas les quelques emplois d’avenir qui peuvent changer la donne.

A-t-il servi à réduire le déficit de notre pays qui devait, selon François Hollande, être de 3 % et qui sera de 4,1 % ? Non.

A-t-il servi à réduire la dette, qui va exploser à 95 % du produit intérieur brut ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Yves Jégo. Ce sont bien vos décisions qu’il faut maintenant juger. Monsieur le Premier ministre, quand accepterez-vous de reconnaître que vous vous êtes trompé de stratégie ? Quand accepterez-vous de changer de politique ? Quand rétablirez-vous les avantages pour les Français modestes ? Et quand cesserez-vous d’augmenter les impôts ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jean-Luc Reitzer. Cela va encore être de notre faute !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur Jégo, je vous remercie infiniment de votre question, à laquelle je réponds avec un incommensurable plaisir. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Elle m’offre l’occasion de rappeler un certain nombre de vérités face à quelques approximations qui ont jalonné votre question.

M. Jean-Luc Reitzer. L’héritage ! L’héritage !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Tout d’abord, vous parlez des déficits. Si vous prenez la séquence des déficits nominaux qui ont jalonné le précédent quinquennat, vous vous rendrez compte que la moyenne de ces déficits a été de 5 %. Vous m’invitez à donner les chiffres actuels, je le fais bien volontiers, car ils sont bien meilleurs !

En 2011, le déficit public était de 5,3 %. Après les mesures correctives que nous avons prises en 2012 suite au rapport de la Cour des comptes, il était de 4,8 %. Aujourd’hui, en 2013, il sera de 4,1 %, et en 2014 de 3,6 % C’est-à-dire que nous sommes dans une séquence continue de diminution des déficits.

M. Patrick Balkany. Expliquez-le aux Français !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous qui les avez fait augmenter pendant si longtemps, vous considérez désormais que, si les déficits ne diminuent pas aussi vite qu’ils grandissaient lorsque vous étiez au pouvoir, cela veut dire qu’ils augmentent. Et bien non, je dois vous dire qu’ils diminuent.

M. Philippe Meunier. Répondez sur les heures supplémentaires !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous parlez ensuite de la pression fiscale. Dois-je vous rappeler, monsieur Jégo, avec beaucoup de calme et d’amitié, qu’en 2011 vous avez prélevé 20 milliards d’euros, sans vergogne, sur les Français. En 2012, vous avez prélevé, sans vergogne, sur les Français, 12 milliards d’euros.

M. Philippe Meunier. Menteur !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et vous l’avez fait dans des conditions telles que vous avez systématiquement appelé à contribution les plus faibles de nos concitoyens, en multipliant les avantages au profit des plus riches, à l’instar de la réforme de l’impôt sur la fortune, qui a matérialisé votre politique fiscale pendant la dernière année du quinquennat. Alors monsieur Jégo, je garde mon calme pour vous répondre que la mauvaise foi ne peut valoir argument ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

CICE et entreprises agricoles

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Catherine Vautrin. Madame la garde des sceaux, vous qui en appelez à une attitude républicaine, il serait parfaitement républicain de répondre sur le fond aux questions des parlementaires plutôt que de choisir la polémique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Bloche et M. François Brottes. C’est ce qu’elle a fait !

Mme Catherine Vautrin. Par ailleurs, mes chers collègues, la réalité fiscale de notre pays mérite mieux que de la condescendance ou qu’un bon mot du ministre du budget. Finalement, la douloureuse, ce sont les Français qui doivent l’assumer, ce sont les Français qui la paient.

Parmi ces Français figurent les agriculteurs : c’est la raison pour laquelle ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture. Les revenus agricoles décrochent très sérieusement en 2013. Dans la Marne, le revenu à l’hectare passera de 700 euros en 2012 à 420 euros en 2013, soit une baisse de 40 %. Ce n’est pas l’héritage qui est en cause, mais la chute des cours et surtout l’augmentation des charges dont le Gouvernement est responsable.

Monsieur le ministre, vous aviez promis le crédit d’impôt compétitivité emploi, ou CICE, pour améliorer la compétitivité des entreprises. Malheureusement, le nombre d’entreprises éligibles à ce dispositif est aujourd’hui réduit à portion congrue : les exploitations agricoles et viticoles relevant du régime forfaitaire en sont exclues, les sociétés de personnes n’en bénéficient pas pleinement, tandis que les coopératives attendent depuis le mois d’avril la position de la Commission européenne et le relais du Gouvernement.

Concrètement, monsieur le ministre, que faites-vous de vos engagements ?

M. Lucien Degauchy. Rien !

Mme Catherine Vautrin. À quand une mise en œuvre du CICE ? À quand, enfin, un peu d’écoute pour le monde rural ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Antoine Herth. Bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Madame la députée, vous avez été évoqué deux points – je ne parlerai pas de l’introduction de votre question – concernant l’agriculture.

Vous avez évoqué la situation de la Marne et cité des chiffres sur le revenu à l’hectare.

Mme Catherine Vautrin. Ma question portait sur le CICE !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Sachez que vous avez à votre disposition les derniers chiffres publiés par le ministère de l’agriculture sur les différents revenus agricoles : selon ces statistiques, la Marne n’est sûrement pas le département où les difficultés sont les plus grandes. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Christian Jacob. C’est la meilleure !

M. Philippe Meunier. Ce n’est pas une réponse !

M. Antoine Herth. C’est comme cela que vous répondez à la question ?

M. Christian Jacob. Ça ose tout et c’est à cela qu’on les reconnaît !

Mme Catherine Vautrin. En tout cas, monsieur le ministre, ces difficultés existent bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Par ailleurs, vous avez évoqué les questions de la compétitivité et de l’application du crédit d’impôt compétitivité emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Allons, mes chers collègues !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Lorsque cette mesure sera mise en œuvre en 2014, 1,5 milliard d’euros seront destinés à l’agriculture et à l’industrie agroalimentaire. S’agissant des exonérations sur le travail occasionnel, le Premier ministre a indiqué à Rennes que les 500 millions d’euros inscrits au budget de cette année seront maintenus l’année prochaine. La compétitivité est donc bien prise en compte : elle est en marche alors que dans la situation que nous avions trouvée, elle était fortement dégradée.

Nous devrons également débattre des questions posées par la politique agricole commune,…

Mme Catherine Vautrin. Ma question concerne le CICE !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …des équilibres qu’il faudra trouver et des aides qu’il faudra distribuer. Nous aurons l’occasion d’y revenir, pour déterminer la façon dont nous pourrons redistribuer de manière plus juste. J’ai souvent été interrogé par les députés des régions d’élevage : il faudra faire en sorte que l’élevage soit la priorité de cette politique agricole sans déséquilibrer les grandes régions céréalières. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Vautrin. Et le CICE ?

Politique environnementale

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le Premier ministre, en à peine un an, vous avez réussi l’exploit incroyable de faire détester l’écologie aux Français. En à peine un an, vous avez trahi l’écologie ! Jamais nous n’avions connu un tel fiasco : démantèlement du grand ministère mis en place en 2007, valse à trois temps des ministres de l’environnement, effondrement des économies d’énergie, des énergies renouvelables, du logement, de la biodiversité, abandon des grands projets d’infrastructures, report de tous les grands textes annoncés en début de mandat sur la transition énergétique, le ferroviaire et la biodiversité. Vous avez tout raté !

Même dans le domaine de la fiscalité, qui constitue pourtant votre grande spécialité, les Français ont compris que la fiscalité écologique ne se résumerait qu’à une taxe de 3 milliards d’euros pour le budget de l’État.

Monsieur le Premier ministre, pour être acceptée, la fiscalité écologique ne doit pas être punitive mais incitative (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI), à condition d’en indiquer le sens, comme nous l’avions fait notamment lors du Grenelle de l’environnement.

Vos atermoiements sur la mise en place d’une contribution climat énergie sont à l’image de votre politique environnementale : reculades, amateurisme, cafouillages et, finalement, abandon de tout. À quelques jours de la conférence environnementale, tous les engagements du Président de la République, sans exception, sont restés lettre morte.

Un député du groupe SRC. Quelle modération !

M. Bertrand Pancher. Monsieur le Premier ministre, après avoir démobilisé l’ensemble des acteurs, conscient que vous êtes allé beaucoup trop loin, allez-vous enfin répondre à l’oukase d’une partie de votre majorité ? Allez-vous enfin retrouver la voie de la raison ? Si vous ne savez pas faire, venez nous voir : nous vous donnerons des conseils pour que vous réussissiez enfin ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Philippe Briand et M. Bernard Deflesselles. Vas-y Gaston ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député Bertrand Pancher, tout le monde connaît – moi le premier – vos convictions écologiques. Vous êtes parmi les parlementaires qui avez ces convictions, qui les défendez et qui disent qu’il y a urgence. Et c’est vrai : il y a urgence ! Songez que depuis le 20 août, si nous en avions eu la possibilité, nous aurions dû changer de planète, puisque l’humanité a épuisé l’ensemble de ses ressources depuis huit mois.

M. Christian Jacob. Avez-vous des ministres de rechange ?

M. Yves Censi. Avant, c’était Batho qui répondait !

M. Gérald Darmanin. Ils se font tous virer !

M. Philippe Martin, ministre. Malheureusement, je suis obligé de vous confirmer que nous n’avons pas de planète de rechange et qu’il faut donc changer de système.

M. Philippe Briand. Coupez la lumière !

M. Philippe Martin, ministre. Changer, c’est ce que nous faisons depuis un an (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI), contrairement à ce que vous dites, monsieur Pancher. Depuis un an, nous avons pris la feuille de route que le Président de la République nous a donnée, qui consiste à faire de la France la nation de l’excellence en matière environnementale. C’est ce que nous faisons : contrairement à ce que vous dites, les ONG admettent que 75 % des engagements pris lors de la première conférence environnementale ont été tenus.

M. Christian Jacob. Et Mme Batho, elle en pense quoi ?

M. Philippe Martin, ministre. La deuxième conférence environnementale se tiendra dans quelques jours. Vous y participez déjà, comme vous avez participé à la première.

Monsieur Pancher, ce Gouvernement n’est pas celui qui met sous le tapis les débats fâcheux comme celui de l’énergie : il organise le débat national sur la transition écologique.

M. Xavier Bertrand. Et le diesel ?

M. Gérald Darmanin. Et le gazole ?

M. Philippe Martin, ministre. Ce Gouvernement n’est pas celui qui met en place la taxe carbone, qui était une taxe punitive et a été censurée par le Conseil constitutionnel. Il commence à verdir la fiscalité de notre pays : c’est une première en France.

M. Christian Jacob. Cela ne fait pas rire Mme Batho !

M. Philippe Martin, ministre. Enfin, monsieur Pancher, ce Gouvernement n’est pas celui d’un président qui commence par le Grenelle de l’environnement et les prix Nobel et qui termine en disant que « l’environnement, cela commence à bien faire » !

En matière d’écologie, la transition avance. Là aussi, c’est le changement : il faudra vous y habituer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Conditions d’accès à la nationalité française

M. le président. La parole est à M. Didier Quentin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Didier Quentin. Monsieur le Premier ministre, vous venez de publier deux décrets visant à assouplir les conditions d’accès à la nationalité française.

M. Jean-Luc Laurent. Et c’est très bien !

M. Didier Quentin. On ne peut s’empêcher d’y voir des arrière-pensées car, comme vous le savez, le Président de la République n’aura pas de majorité au Congrès pour remplir l’un de ses engagements, à savoir faire adopter le droit de vote des étrangers non-communautaires avant les élections municipales de mars 2014.

M. Razzy Hammadi. Aucun rapport !

M. Didier Quentin. Alors, monsieur le Premier ministre, vous contournez cet obstacle en réduisant par décret les critères, avec un objectif de 100 000 naturalisations par an.

M. Julien Aubert. Un objectif électoral !

M. Didier Quentin. S’il nous semble légitime que le droit de vote s’acquière par la nationalité, encore faut-il ne pas accorder celle-ci de manière trop laxiste. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP et GDR.)



C’est ainsi que le questionnaire sur notre culture et sur les valeurs de la République, dont parlait tout à l’heure M. le ministre de l’éducation, a été supprimé ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Même le fait d’avoir été clandestin n’est plus un obstacle. Vous risquez donc de créer un nouvel appel d’air pour l’immigration illégale

M. Jean-Luc Laurent. N’importe quoi !

M. Didier Quentin. Pour nous, députés du groupe UMP, la naturalisation est l’aboutissement d’un parcours d’intégration dans notre pays, à l’image de ce qui se fait dans de grandes démocraties comme les États-Unis et le Royaume-Uni. La nationalité se mérite. Elle ne doit en aucun cas être bradée !

Alors, monsieur le Premier ministre, plutôt que d’assouplir les conditions d’accès à la nationalité française, ne vaudrait-il pas mieux conduire une politique d’immigration responsable en fonction de nos capacités d’accueil, d’intégration et de cohésion nationale ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur Quentin, la baisse de 30 % des naturalisations en 2011 et 2012 a été accomplie sans débat, sans circulaire, sans décret, par des instructions orales données directement aux préfets. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez changé en catimini ce qui était la réalité de ce pays ; nous, nous avons publié des circulaires, sans modifier les critères – car, effectivement, on ne brade pas la nationalité française.

Mme Bérengère Poletti. Si, c’est ce que vous faites !

M. Manuel Valls, ministre. Ce faisant, nous avons renoué avec ce qu’est l’histoire de la France, une histoire à laquelle vous n’auriez jamais dû tourner le dos. Jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)



Oui, nous pensons qu’accueillir de nouveaux Français est une fierté pour notre pays, à condition que les droits et les devoirs soient compris par chacun. Nous considérons que ceux qui aujourd’hui deviendront français sont aussi une fierté pour la France.

M. Philippe Meunier. Vous n’êtes pas là pour nous donner des leçons de morale, monsieur Valls !

M. Manuel Valls, ministre. Alors, monsieur le député, celui qui vous parle, qui a été lui-même naturalisé à dix-huit ans parce qu’il a appris à devenir français, parce qu’il aime ce pays, parce qu’il aime ses valeurs, considère que d’autres, à condition qu’ils fassent le même chemin – ce qui prend seize ans en moyenne – peuvent devenir français. C’est une force et un atout pour notre pays.

Monsieur le député, par ce type de question, par ce type d’insinuations (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP), vous tournez le dos à votre famille politique, vous tournez le dos à ce qu’est la France moderne, vous apportez des voix à ceux qui ont une conception triste et rabougrie de la nationalité. Nous, nous pensons qu’être français est une fierté, une chance pour notre pays, une chance pour la République, une chance pour la France. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC, dont plusieurs députés se lèvent,sur de nombreux bancs des groupes écologiste, RRDP et GDR - Protestations sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Issindou. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, nos prédécesseurs, en 1945, ont mis en place un formidable système de solidarité entre générations : la retraite par répartition.

Près de soixante-dix ans plus tard, ce système, malgré une succession de réformes, est en danger. La toute dernière, celle de 2010, présentée comme décisive est inefficace et injuste car elle pénalise, par le report brutal de l’âge légal, ceux qui ont commencé à travailler tôt. Dès juillet 2012, le Gouvernement a réparé cette injustice.

Le projet de loi que le conseil des ministres adoptera demain redonnera confiance à l’ensemble des Français car votre projet de loi est équilibré et juste.

Équilibré, car il demande à tous – actifs, employeurs, retraités – un effort financier progressif et modéré, et à moyen terme, un allongement, tout aussi progressif et modéré, de la durée de cotisation.

Votre projet est surtout juste, et, c’est le cœur de votre réforme, car il comprend la réparation de nombreuses inégalités et de belles avancées sociales. La prise en compte, pour la première fois, de la pénibilité de certains métiers,…

M. Yves Censi. Ce n’est pas la première fois !

M. Michel Issindou. …l’attention particulière portée à ceux qui en sont aujourd’hui les victimes – je pense aux femmes, aux travailleurs à temps partiel, aux handicapés, aux jeunes, aux seniors, aux agriculteurs, ou encore, aux chômeurs – sont des progrès majeurs.

M. Lucien Degauchy. Ce n’est pas vrai !

M. Michel Issindou. Voilà ce qui fait toute la différence avec la réforme de 2010 !

De plus, en instaurant un dispositif de surveillance et en rendant le système plus simple et plus lisible pour les assurés, vous sécurisez le système dans la durée. Pour la première fois une réforme des retraites intègre la question de l’usager face au système.

Oui, madame la ministre, votre réforme est une vraie réforme, juste, équilibrée, structurante et durable. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

Pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les grands objectifs que vous poursuivez à travers ce projet de loi, notamment sur la démarche de simplification ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, oui, notre système de retraites doit être sauvé car il est au cœur du pacte social mis en place dans notre pays à la Libération. Chacun selon ses moyens, selon ses possibilités, doit apporter sa contribution pour que, demain, les jeunes générations puissent compter sur un système de retraites par répartition, un système solidaire, comme les anciennes générations ont pu le faire.

Demain sera présenté au conseil des ministres un projet de loi ambitieux et courageux qui constitue une véritable réforme de structure.

Pour la première fois, la durée de cotisation devient le critère principal de référence. Dans le même temps, nous disons avec force que la durée de cotisation prise en compte ne peut être la même selon que l’on a eu une carrière professionnelle facile ou non, selon que l’on a connu ou non le chômage, selon que l’on a exercé des métiers à temps partiel ou non.

Pour la première fois, de façon forte, résolue, novatrice, se mettra en place un dispositif permettant de prendre en compte la pénibilité, le travail à temps partiel, les carrières heurtées.

Mais nous entendons aussi – vous avez raison de le souligner, monsieur le député – l’aspiration des Français à un système plus lisible, plus transparent, plus compréhensible. C’est ainsi que nous allons mettre en place un compte individuel de retraite qui permettra à chaque Français de connaître l’ensemble de ses droits, pour l’ensemble des régimes auxquels il aura contribué.

Dès 2016, chaque Français pourra faire sa demande de liquidation de retraite autour d’un compte unique qui traitera à la fois les régimes complémentaires et les régimes de base. Nous ferons en sorte que les retraites soient, dans leur ensemble, versées de manière simplifiée à chaque Français.

Vous le voyez, monsieur le député, nous sommes engagés dans une réforme de justice, de transparence, une réforme forte pour l’avenir de notre système social. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Fiscalité de l’artisanat

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Barbier. Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre du budget. Monsieur le ministre, je constate que vos réponses concernant la fiscalité déclenchent des sourires sur le banc du Gouvernement, mais les Français n’ont pas le cœur à rire. Les feuilles d’impôts sont arrivées, et la France gronde, la France qui se lève tôt, celle qui travaille, celle qui entreprend, celle qui fait la richesse de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est vrai également pour l’artisanat, avec ses 3 millions d’actifs et près de 900 000 entreprises. Pour la deuxième fois de l’année, les artisans – la première entreprise de France – étaient dans la rue, et pas pour défendre des avantages acquis : ils se sont décidés à manifester parce qu’ils n’ont plus le choix.

Monsieur le ministre, depuis un an, en procédant à un matraquage fiscal sans précédent, vous avez bloqué tous les secteurs de l’économie. Dans les mots, c’est la pause ; dans les faits, la purge fiscale continue. Avec le projet de taxation de l’excédent brut d’exploitation des entreprises, c’est un véritable coup de poignard que vous vous apprêtez à donner à l’investissement.

Les conséquences sont déjà dramatiques : dans le bâtiment, un recul d’activité de 4 % en 2013, 20 000 emplois menacés, 10 000 emplois détruits en 2012, une hausse sans précédent des cessations d’activité. Pour sauver leurs entreprises, les artisans du bâtiment demandent, entre autres, que le Gouvernement renonce à l’augmentation de la TVA de 7 % à 10 % au 1er janvier. Cette hausse générerait encore une destruction de 11 000 emplois.

Monsieur le ministre, vous qui semblez savoir ce qu’est le ras-le-bol fiscal, sortez de cette fausse compassion électoraliste ! Sauvez les artisans ! Aidez les Français à mieux vivre de leur travail ! Stoppez cette fièvre fiscale : c’est maintenant ou jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le député, je m’étonne de votre question : vous vous intéressez soudainement au secteur de l’artisanat. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais qu’avez-vous fait, sous le quinquennat précédent, pour encourager la création de ces activités ? Qu’avez-vous fait pour soutenir ce secteur pourvoyeur d’emplois ? Qu’avez-vous fait pour valoriser ces métiers auprès des jeunes ? Force est de constater que vous n’avez pas fait grand-chose en la matière.

Depuis notre prise de fonction, nous avons encouragé et accompagné toutes les entreprises, notamment celles du secteur de l’artisanat, avec le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, sans oublier que ce secteur pourvoyeur d’emplois bénéficie largement du crédit d’impôt compétitivité emploi.

Avec plusieurs membres du Gouvernement, nous avons pris diverses mesures pour lutter contre les préoccupations de ce secteur. (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Lesquelles ?

M. le président. Laissez répondre la ministre !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Ainsi, concernant le travail illégal, nous avons combattu, dans le cadre du plan de lutte interministériel, le détachement de salariés étrangers. Nous avons proposé diverses réformes pour équilibrer les différents régimes. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Nous avons pris un certain nombre de mesures concernant le logement et la rénovation thermique, qui bénéficieront très directement à ce secteur.

Mesdames et messieurs de l’opposition, au lieu de polémiquer sur ces questions importantes pour nos territoires, (Mêmes mouvements)…

M. le président. Un peu de calme !

Mme Sylvia Pinel, ministre. …vous feriez mieux de travailler avec l’ensemble des parlementaires de la majorité pour trouver des solutions pour le logement, pour la rénovation thermique, pour les marchés publics.

C’est cela qu’attendent les artisans de notre pays ; c’est cela qu’attendent les Français : un peu plus de consensus au moment où la crise économique frappe durement le secteur du bâtiment ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Titularisation des auxiliaires de vie scolaire

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dubois, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Françoise Dubois. Ma question s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion ; j’y associe ma collègue Martine Carrillon-Couvreur.

Madame la ministre, vous étiez au Mans fin juin pour la clôture du Congrès de la Fédération des associations pour adultes et jeunes handicapés – les APAJH –, dédié cette année à l’accessibilité universelle. À cette occasion, vous avez signé une convention cadre avec la Fédération des APAJH pour faire progresser la scolarisation des élèves en situation de handicap.

Début septembre, les enfants et les personnels pédagogiques ont fait leur rentrée ; une rentrée plus sereine, notamment pour les milliers d’auxiliaires de vie scolaire – les AVS – qui exercent la mission d’accompagnants de près de 226 000 élèves en situation de handicap, dont 2 350 dans la Sarthe.

Les AVS jouent un rôle important, pour ne pas dire fondamental, dans le quotidien de ces enfants, mais aussi dans celui de leurs professeurs. Récemment, le Gouvernement a annoncé que 28 000 AVS se verraient offrir un CDI après six ans de pratique.

Parallèlement, il a créé les conditions d’une véritable reconnaissance de leur métier et de leurs compétences en mettant en place une formation et un diplôme d’État.

Nous vous félicitons tous de l’adoption de ces mesures, et je partage le soulagement des familles, des enseignants et évidemment des AVS, qui se trouvaient jusqu’à maintenant en situation précaire.

Le combat pour l’inclusion des élèves en situation de handicap est un objectif primordial pour notre pays. L’école reste l’un des derniers bastions de l’égalité républicaine, qui fait honneur à nos institutions et à notre devise.

Pour notre école et nos enfants, un grand pas a donc été réalisé cet été.

Pourriez-vous, madame la ministre, détailler ces mesures, nous préciser le calendrier de celles qui n’ont pas encore été mises en œuvre, et éventuellement nous dire quelles pistes seront explorées pour aller encore plus loin en faveur de l’inclusion des élèves en situation de handicap dans nos écoles ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la députée Françoise Dubois, madame la députée Martine Carrillon-Couvreur, nous avons plutôt reçu de bonnes nouvelles lors de cette rentrée scolaire, notamment concernant les auxiliaires de vie scolaire.

Que faisons-nous ? Nous sortons de la précarité 28 000 assistants d’éducation, 28 000 personnes qui, partout en France, avaient des contrats précaires – trois ans, renouvelables une fois, puis c’était terminé ! (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.) Maintenant, nous allons leur proposer un contrat à durée indéterminée avec l’éducation nationale. Cette mesure entrera en vigueur l’année prochaine. Pour les personnes dont le contrat arrive à terme cette année, nous leur proposons un prolongement d’une année, afin qu’elles ne soient défavorisées. Mieux : nous reconnaissons un métier, puisque nous créons un diplôme d’État d’accompagnement de vie scolaire, lequel permettra de suivre un tronc commun avec une option en matière de scolarisation

M. Christian Jacob. Mme la ministre est venue dans l’hémicycle en baskets : quelle image de marque cela donne-t-il !

M. Patrice Verchère. On est au Parlement !

M. Lucien Degauchy. Elle fait de la publicité pour Adidas !

M. Guy Geoffroy. On va venir en jogging !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. Nous reconnaîtrons la valeur des acquis de l’expérience pour ceux qui ont travaillé. Ce faisant, nous accompagnons mieux les élèves en situation de handicap, nous les respectons, nous créons une synergie dans l’équipe éducative.

Comme le disait tout à l’heure le ministre de l’éducation nationale, l’école de la République accepte enfin tous ses enfants, quelles que soient leurs différences.

Je poursuivrai avec un autre chantier : celui de l’accompagnement des personnes en situation de handicap hors milieu scolaire. Je suis en train d’y travailler avec les collectivités territoriales.

Madame la députée, vous le savez, ce dossier, en dépit de l’insistance des familles, de la peur des parents et de la volonté des associations, est resté sur le côté pendant des années. Eh bien, nous, nous l’avons repris ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La séance des questions est terminée.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)



Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente



Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Accès au logement et urbanisme rénové

Vote solennel

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (nos 1179, 1329, 1286).

Explications de vote

Mme la présidente. Je rappelle que chaque orateur dispose de cinq minutes.

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Madame la présidente, madame la ministre de l’égalité des territoires et du logement, madame la rapporteure de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, chers collègues, nous devons à la vérité de le reconnaître, il nous arrive, qui que nous soyons, quel que soit le banc sur lequel nous siégeons, de nous demander si l’œuvre législative à laquelle nous nous consacrons sera, au final, bien utile et aux conséquences bien concrètes pour les Français.

Il nous arrive même de nous demander si les textes que nous examinons, que nous amendons et, au final, que nous adoptons, changeront réellement le cours des choses et si nos travaux ne peinent pas, finalement, à répondre aux besoins de nos concitoyens. Il y a aussi des occasions d’être fiers du travail accompli, satisfaits de voir les engagements que nous avons pris devant nos concitoyens lors des élections être mis en oeuvre. Ce vote, madame la ministre, est une de ces occasions.

Le texte dont nous avons débattu et que nous avons amélioré ensemble traduit un engagement fort de la majorité tout entière : la question du logement est enfin érigée au rang de priorité nationale par un Gouvernement dès le début de son mandat. Après un décret en faveur de l’encadrement des loyers à la relocation et un texte sur la mobilisation du foncier public en faveur du logement social, après des ordonnances pour régler certains problèmes urgents, ce texte permet de résoudre, enfin, des problèmes trop longtemps laissés en souffrance.

Je veux parler, bien sûr, du problème du niveau des loyers qui n’avait cessé de croître, notamment dans les grandes villes, sans réaction politique, du problème des cautions pour les locataires ou des assurances contre les impayés de loyer pour les propriétaires et, enfin, de celui de l’urbanisme. Nous avons pu, au cours d’une discussion dont je veux saluer l’esprit constructif – hormis, il faut bien le dire, l’épisode électoraliste parisien de dernière minute de Mme Kosciusko-Morizet, laquelle a d’ailleurs déjà déserté ces bancs – adopter des dispositions pratiques qui permettront de clarifier, d’assainir et de sécuriser les relations entre propriétaires et locataires.

Je veux, bien évidemment, parler du dispositif d’encadrement des loyers pour éteindre l’inflation disproportionnée constatée sur certains territoires, mais aussi de la mise en place de la garantie universelle des loyers. Cette mesure a concentré les critiques d’éditorialistes qui ne l’ont sans doute pas lue : elle est une avancée vers plus d’équité et de justice dans l’obtention d’un logement pour les locataires et vers plus de sécurité pour les propriétaires, notamment les petits propriétaires. Elle fera l’objet de larges concertations. Elle est contractuelle, un mot si souvent utilisé en politique, mais si rarement mis en œuvre.

Oui, nous sommes fiers de cela, comme nous sommes satisfaits de l’adoption d’amendements que nous avions travaillés, notamment sur la pratique des ventes à la découpe, sur les excès des meublés touristiques en zones tendues, sur les modes d’habitat participatif ou encore sur les baux ruraux. Mais ce texte ne se limitera pas aux rapports entre locataires et propriétaires. Il favorisera également concrètement la rénovation thermique des logements qui est l’un des enjeux essentiels de la transition énergétique. Oui, ce texte est profondément écologiste par la modernisation et la vision stratégique des règles et règlements en matière de foncier, d’urbanisme et d’aménagement qu’il met en œuvre.

La question qui se pose sur nos territoires est simple : comment concilier production de logements, bien vivre et protection de la nature et de l’environnement comme les terres agricoles ? Cesser de voir la ville grignoter la campagne est un enjeu en termes de déplacement, d’environnement, mais aussi et surtout de qualité de vie.

Je veux, aujourd’hui, saluer le travail de la ministre Cécile Duflot tant sur le fond de ce texte que sur l’esprit dans lequel il a été élaboré. Vous avez pris, madame la ministre, le temps de la concertation en mettant autour de la table tous les acteurs du changement attendu en matière de logement : professionnels de l’immobilier, professionnels de la construction, bailleurs sociaux, milieux associatifs, collectivités locales et parlementaires. Le dispositif législatif sur lequel nous nous prononçons aujourd’hui est le fruit de ces discussions et de ces compromis dynamiques.

Vous avez d’ailleurs appliqué la même méthode tout au long du débat en restant ferme sur les grandes dispositions, sur les piliers de ce texte, mais toujours constructive sur les amendements qui pouvaient être apportés. Parce que c’est cette écologie que nous entendons porter, au moment de voter ce texte, les députés écologistes ne boudent pas leur plaisir. Oui, ce texte apporte des changements concrets dans la vie des Français. Oui, ce texte met en œuvre les engagements qui constituent le socle du contrat politique de notre majorité.

C’est donc avec enthousiasme que le groupe écologiste votera ce texte dans quelques instants. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. Joël Giraud. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe RRDP.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames, messieurs, accession à la propriété, hébergement d’urgence, logement social, réforme de l’urbanisme et de l’urbanisme commercial, réforme des professions immobilières, lutte contre l’habitat indigne, encouragement à la construction, mise en place d’une garantie universelle des loyers, régulation des loyers, amélioration des rapports entre propriétaires et locataires, lutte contre la dégradation des copropriétés dégradées ou encore engagement de la transition écologique dans les territoires : voilà le programme de travail que vous nous avez proposé, madame la ministre !

Ce fut un travail sérieux et passionnant au cours duquel chacune des sensibilités politiques de notre nation a pu s’exprimer sur cette question prioritaire du logement et des enjeux qui touchent directement le quotidien de millions de nos concitoyens et, en particulier, les plus fragiles d’entre eux. C’est, tout d’abord, cette atmosphère de travail parlementaire constructif qui fut la nôtre tout au long de nos débats que je tiens à honorer. Permettez-moi de vous dire ma satisfaction d’avoir pris ma modeste part à l’élaboration minutieuse d’un projet de loi majeur avec les députés investis sur ces sujets.

Nous avons réfléchi ensemble aux meilleures solutions pour améliorer notre politique du logement et de l’urbanisme, ce dont témoigne le nombre considérable d’amendements adoptés à l’unanimité. De plus, des députés de l’opposition ont salué des propositions qu’ils attendaient depuis très longtemps, à l’exemple de l’amendement n786 de notre collègue Pascale Got voté, lui aussi, à l’unanimité. Au-delà de nos différences politiques, la politique est belle quand elle s’inscrit dans une volonté de répondre à l’intérêt général.

C’est une belle illustration de la morale de la fable de Jean de la Fontaine Le vieillard et ses enfants : « Toute puissance est faible à moins que d’être unie. » Oui, nous avons montré, à l’occasion de ces débats, une unité qu’il nous faudrait prolonger bien au-delà.

M. Jean Glavany. Très bien !

M. Jacques Krabal. Je veux aussi remercier les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Ils ont concouru à la bonne tenue de nos débats. Je tiens également à vous féliciter, madame la ministre, pour votre écoute – cela a été souligné précédemment, mais veux le redire – et pour votre souci d’associer toutes les parties prenantes. Vous avez toujours pris soin de considérer les contributions de chacun et nous vous devons, en grande partie, d’avoir aujourd’hui un projet de loi équilibré. Équilibre, l’un des mots-clés que vous avez utilisé ; équilibre entre propriétaires et locataires, équilibre de la responsabilisation de chacun d’entre eux et aussi des assureurs ; équilibre encore quand vous montrez que donner des droits supplémentaires n’est pas incompatible avec une exigence de devoirs.

De manière générale, le texte qui est soumis à notre vote cet après-midi est un beau modèle de production législative collective. En plus des amendements adoptés en commission, pas loin de 300 amendements supplémentaires ont été adoptés en séance publique, dont plus d’une trentaine était proposés par l’opposition. Sur les 70 amendements présentés par les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, 13 ont été votés et enrichissent aujourd’hui le projet de loi.

Nous avons été particulièrement sensibles à votre coopération, puisque vous avez repris la proposition de loi de notre collègue Jean-Noël Carpentier cosignée par l’ensemble des députés de notre groupe. Transformée en amendement pour l’occasion, elle mettra un terme aux pratiques scandaleuses de division de logements pavillonnaires en locaux d’habitation indigne par des marchands de sommeil sans scrupule. Cette situation réclamait des mesures fortes et urgentes pour construire, restaurer et améliorer le sort de ceux qui souffrent de la crise économique et sociale.

Avoir un logement digne est évidemment une nécessité humaine fondamentale, une nécessité qui assure les conditions d’une vie décente, une nécessité de réguler les prix des loyers et d’arrêter aussi la spéculation immobilière. Vous avez choisi, madame la ministre, de prendre ces mesures énergiques et audacieuses qui font clairement dans le bon sens afin de poursuivre le changement dans la justice de notre politique du logement et de l’urbanisme. Au nom des députés RRDP, je tiens à vous manifester notre soutien unanime, ce qui est rare en ces derniers temps !

Certes, il nous reste encore une marge de progression pour la deuxième lecture sur plusieurs sujets : SCOT, déplacements doux, certains aspects territoriaux de l’urbanisme défendus par Paul Giaccobbi pour la Corse, ou bien encore l’urbanisme en montagne et le logement des saisonniers qui tiennent à cœur à Joël Giraud, président de la commission permanente du Conseil national de la montagne. Je pense aussi à la garantie universelle des loyers, à la prévention des expulsions comme à la sécurisation des bailleurs et aux outils pour favoriser la construction.

Même si nous devons faire preuve d’humilité sur ce sujet du logement qui n’a pas trouvé de solution satisfaisante depuis plus de 60 ans, nous sommes convaincus que l’immense majorité des mesures contenues dans votre projet, madame la ministre, participera concrètement à une amélioration réelle des conditions de logement de nos concitoyens. Pour toutes ces raisons, les députés du groupe RRDP voteront avec enthousiasme votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, mesdames, messieurs, à l’issue de ce débat approfondi sur le projet de loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, il nous faut, hélas, bien dresser un constat : le compte n’y est pas. Les députés du Front de gauche ont pu mesurer, dans les travées de la Fête de l’Humanité, ce week-end, combien les attentes du peuple de gauche et du peuple de France sont fortes en matière de logement. Les familles sont prises à la gorge. Les dépenses pour se loger n’en finissent pas d’augmenter. Elles ont doublé en deux décennies. Nos concitoyens n’ignorent pas que l’ampleur de la crise du logement nécessite des décisions fortes.

À ce titre, ce projet de loi offre, certes, des perspectives, mais je les qualifierai de plus que mitigées. Il marque une occasion manquée : l’encadrement des loyers. Sur tous les bancs, nous constatons que les hausses des loyers ont été irrationnelles ces dernières années. C’est la raison pour laquelle il faut les faire baisser. Le texte se limite, pour l’essentiel à en prendre acte et, de fait, à les valider. Nous pensons que le dispositif d’encadrement qui nous est présenté n’aura pas d’effet bénéfique pour le pouvoir d’achat. Il ne concerne que le parc privé et que les zones tendues. Il est dépourvu de contrôle et de sanctions. Il comporte des trous au travers desquels certains seront ravis de passer.

Ainsi, il suffira pour un bailleur de prévoir des travaux pour échapper à tout encadrement ; le plus grave étant sans doute l’instauration d’un plancher pour les bas loyers. En effet, le projet de loi interdit les faibles loyers en zone tendue. Les personnes, souvent des personnes âgées, qui bénéficiaient d’un tarif correct parce qu’elles habitaient le même logement depuis des années verront donc leur loyer grimper brutalement. Il est, en somme, à craindre que ce dispositif, au lieu de faire baisser les loyers, ce que nous souhaitons, comme vous, madame la ministre, ait l’effet inverse. En instaurant un plafond supérieur de 20 % au loyer médian, il incitera de fait les propriétaires à atteindre ce chiffre.

Toutefois, ce projet de loi comporte aussi des avancées réelles. Je pense à la réglementation des professions de l’immobilier ou à la préfiguration de la garantie universelle des loyers. Les attaques démesurées de la droite contre ces mesures nous prouvent qu’elles sont progressistes. En effet, la GUL mutualisera les risques d’impayés, ce qui est bénéfique pour les propriétaires, et elle permettra la suppression du cautionnement, très inégalitaire.

Le volet territorial de ce projet de loi, disons-le tout net, est inacceptable. Aux côtés de nombreux élus locaux, les députés du Front de gauche sont de ceux qui refusent que l’intercommunalité se fasse à coup de matraque.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. André Chassaigne. Aussi, les plans locaux d’urbanisme intercommunaux ne doivent pas devenir obligatoires.

M. Sylvain Berrios. Très bien !

M. André Chassaigne. Sur ce point, la loi ALUR est dans la continuité de la funeste loi sur les métropoles, ce coup de force mené ici même en juillet. Si des communes souhaitent élaborer un PLU à l’échelle intercommunale, cela doit se faire démocratiquement, dans le volontariat et la concertation.

M. Marc Laffineur. Très bien !

M. André Chassaigne. Autre point de friction, le désengagement de l’État dans l’application du droit des sols, ADS, à l’image d’ailleurs de la suppression progressive de l’ATESAT, assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, que les élus locaux connaissent bien.

M. François Sauvadet. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Ce nouveau transfert de compétence non compensé constituera une lourde charge pour les intercommunalités comptant plus de 10 000 habitants et les communes rurales.

Certes, les députés du Front de gauche ont pu obtenir des avancées au cours des débats, notamment grâce au sens du dialogue de Mme la ministre, que je salue. Ainsi, les bailleurs marchands de sommeil ne pourront plus délivrer de congé pour échapper à la procédure d’insalubrité ou de péril. C’était une suggestion de nos amis de Droit au logement. En outre, sur proposition de ma collègue Jacqueline Fraysse, le délai de préavis de départ des allocataires de l’AAH, l’allocation pour adulte handicapé, sera raccourci à un mois au lieu de trois. Par ailleurs, les délais avant expulsion octroyés par le juge pourront aller jusqu’à trois ans au lieu d’un.

Nous nous réjouissons donc de l’adoption de plusieurs de nos propositions, mais le texte a également connu des infléchissements néfastes. Je pense notamment à l’amendement du rapporteur M. Goldberg sur les pénalités d’impayés. Les locataires qui ne parviennent pas à payer leur loyer dans les délais devront acquitter une pénalité pouvant désormais atteindre le tiers de celui-ci. À l’heure où les loyers atteignent des niveaux records et où le pouvoir d’achat de nos concitoyens connaît une baisse d’une ampleur inédite depuis trente ans, cet amendement ressemble à un coup de Trafalgar aussi injuste qu’inacceptable.

Pour ces raisons, les députés du Front de gauche s’abstiendront sur ce texte.

M. Marcel Rogemont. Courage, fuyons !

M. André Chassaigne. Notre vote est un appel à faire évoluer la loi au Sénat dans le sens de la justice, et je pense notamment aux plans locaux d’urbanisme intercommunaux et à nos propositions sur l’indemnisation des locataires victimes de faux congés. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, je fais d’ores et déjà annoncer le scrutin dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Christophe Borgel, pour le groupe SRC.

M. Christophe Borgel. Nous connaissons tous la situation du logement dans notre pays : rareté des biens, envolée des prix sur le marché de l’immobilier conduisant à un taux d’effort souvent insupportable pour les primo-accédants. Pour les plus de 6 millions de ménages locataires du parc privé, le loyer acquitté chaque mois est souvent la première contrainte qui pèse sur leur budget.

Le projet de loi ALUR, Accès au logement et urbanisme rénové, est un texte volontariste et équilibré pour un secteur où l’on a trop longtemps laissé le désordre se développer.

Il est équilibré dans les rapports entre propriétaires, locataires, professionnels de l’immobilier et pouvoirs publics. Avec la garantie universelle des loyers, la réduction et l’encadrement des frais d’agence, la clarification de la rémunération des syndics, la prévention des expulsions, la possibilité de faciliter les démarches de demande de logement social et la lutte contre l’habitat indigne, nous faciliterons l’accès au logement.

Ce texte est volontariste pour redonner toutes les marges de manœuvre aux pouvoirs publics dans la lutte contre les marchands de sommeil qui profitent de la très grande précarité de certains de nos concitoyens.

Il est équilibré et volontariste en faveur d’un urbanisme rénové. Je ne prendrai qu’un seul exemple, celui du PLUI, sujet sur lequel il y avait une volonté d’avancer sur tous les bancs de cette assemblée mais qui avait été laissé en jachère. Ce projet de loi prévoit les évolutions nécessaires pour atteindre cet objectif, mais les parlementaires ont introduit la souplesse indispensable vis-à-vis des communes.

Ce texte est volontariste lorsqu’il organise la transparence dans l’attribution des logements sociaux, volontariste et innovant lorsqu’il aborde l’habitat participatif.

C’est un texte qui redonne sa place à chacun, aux propriétaires, aux locataires, aux pouvoirs publics. Quoi que certains aient pu en dire, ce texte sécurisera certes les locataires mais aussi, bien souvent, les propriétaires. Loin de la caricature d’un projet anti-propriétaires, il nous est proposé un texte visant à réguler le marché du logement, afin de permettre aux locataires de trouver un logement plus facilement et à meilleur coût, tout en respectant la volonté bien légitime des propriétaires qui ont investi dans un logement, d’en retirer les fruits. Il trace une ligne qui ne suit pas une logique stéréotypée, à l’emporte-pièce, du petit locataire contre le grand propriétaire, du copropriétaire contre le syndic, bref des bons contre les méchants.

C’est un texte longuement mûri, fait dans la concertation.

C’est un texte qui a eu l’audace de s’atteler à la partie du logement privé, trop souvent délaissé par le législateur.

C’est un texte qui n’a pas la prétention de résoudre à lui seul la crise du logement de ce pays. C’est une pièce dans un ensemble, obligation de construire des logements sociaux, plan d’investissement pour le logement, plan de rénovation énergétique des logements.

C’est un texte qui réforme profondément et intelligemment, sans braquer les uns contre les autres, à l’image du travail qu’opposition et majorité ont effectué ensemble en commission et dans l’hémicycle. Le Parlement a eu toute sa place pour l’examiner, il a pu tirer parti de ses prérogatives et, notamment, celle d’amender. Rappelons que 500 amendements ont été adoptés en commission et 250 en séance. Je crois pouvoir dire que nous avons eu pour l’essentiel un grand débat parlementaire.

Chacun a pu se féliciter de la grande qualité des discussions en commission et en séance. Le Gouvernement a été à l’écoute de sa majorité, et pas seulement. L’opposition, constructive et intelligente dans ce débat, a su trouver l’oreille de nos rapporteurs, que je salue tous les deux, et du Gouvernement.

Face à la crise du logement, et en dépit des divergences qui subsistent entre nous, le rendez-vous qui s’imposait n’a pas été manqué. C’est pourquoi, chers collègues, au nom du groupe SRC, qui votera en faveur de ce texte, je vous appelle à transformer l’essai en votant ce projet de loi ALUR. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour le groupe UMP.

M. Jean-Marie Tetart. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, avec ce projet de loi, je revis les débats sur la refiscalisation des heures supplémentaires. Nous répétions à longueur de séance qu’elle ne relancerait pas l’emploi, réduirait le pouvoir d’achat des salariés, fragiliserait les petites entreprises, mais nous provoquions sarcasmes et sourires dans vos rangs, madame la ministre, rangs dopés par vos certitudes de majorité fraîchement élue et sûre d’elle. Un an après, Thierry Mandon avoue que ces mesures n’étaient pas appropriées, inspirant ainsi le Président de la République qui, dimanche soir, n’a pas dit autre chose. Cela n’a pas servi de leçon !

Pendant le débat ALUR, nous avons opposé notre bon sens à vos utopies, notre pragmatisme à vos illusions, la vie réelle à l’idéologie, sans résultat, enfermés que vous êtes dans les mêmes certitudes, mais la tension grandissante sur le secteur du logement dans notre pays vient moins de la situation des rapports locatifs que de l’échec de la politique du logement.

Peut-on croire que la chute de construction de logements à 330 000 par an au lieu des 500 000 promis par François Hollande détende le marché de la location ? Peut-on sérieusement croire que vos lois Duflot 1, 2 et 3 donnent les bons gages, les bons signes aux investisseurs institutionnels ou particuliers pour qu’ils s’engagent avec confiance dans la construction de logements locatifs ? Non, et votre projet de loi n’en prend pas le chemin.

Il stigmatise et oppose une nouvelle fois des Français à d’autres Français. Il stigmatise une catégorie de Français, les propriétaires, une profession, les agents immobiliers, que vous voulez mettre au pas. Ne les stigmatise-t-on pas, quand on les accuse de n’être mus que par l’appât du gain ? Peut-on condamner ainsi toute une branche professionnelle ? Les comportements minoritaires inacceptables avaient d’ailleurs été identifiés et vous avez repris les propositions du projet de loi Lefebvre, qui les avaient ciblés, mais ces comportements minoritaires sont pour vous le prétexte pour changer le modèle économique de cette profession, sans souci des conséquences en termes d’emploi, pour l’enfermer dans des procédures codifiées, jusqu’à la façon de faire un état des lieux !

Plus contreproductive encore, votre volonté de faire entrer le logement locatif privé dans la sphère de l’économie administrée. Comment pouvez-vous vous en défendre quand vous encadrez pour longtemps les loyers et que vous augmentez avec tant d’imagination les charges obligatoires des propriétaires ? Entre charges obligatoires et produits encadrés, vous fixez le revenu maximum autorisé pour un propriétaire, sur la base d’une observation des loyers sur un périmètre donné vous autorisant à déterminer un loyer médian de référence qui ne tient aucun compte dans un même immeuble des différences d’équipement ou de situation.

Avec l’encadrement des loyers, quel intérêt pour un propriétaire d’améliorer le confort de son logement s’il ne peut ensuite appliquer que l’IRL ? Vous découragez l’investissement locatif et vous signez la dégradation progressive du parc locatif privé existant.

Vous voulez aussi administrer la question des impayés de loyer, qui ne représentent que 2 % à 2,5 % des loyers, régulés en quelque sorte dans la très grande majorité des cas par les cautionnements qui prolongent les solidarités familiales ou sociales. Ces solidarités, la garantie universelle des loyers veut les renvoyer au rang des archaïsmes détestables.

Vous créez une agence publique, une construction administrative budgétivore, qu’on espère efficace en dédommagement des propriétaires mais qu’on devine timorée pour recouvrir les loyers impayés auprès des locataires défaillants. Vous emmenez ainsi le secteur locatif dans une trajectoire déresponsabilisante avec, à terme, une augmentation de la sinistralité, donc des cotisations. Bref, l’air de rien, vous créez un nouvel impôt pour financer une posture idéologique.

Au final, c’est une loi qui augmente de manière démesurée et caricaturale les devoirs et contraintes des propriétaires et les droits des locataires. Mais, non sans cynisme, vous tenterez sans doute de convaincre les propriétaires que toutes les contraintes et charges imposées le sont pour leur bien. Je ne suis pas certain que l’argument fasse mouche.

Votre projet de loi est aussi en totale contradiction avec l’affichage d’une volonté de simplification administrative et normative. Votre projet accumule ainsi documents types en tous genres, allant, écoutez bien, jusqu’à l’état des lieux type qui sera défini par décret en Conseil d’État.

Madame la ministre, l’appui que nous apportons à vos propositions relatives à la lutte contre l’habitat indigne, aux copropriétés dégradées, à l’évolution des règles de gestion des copropriétés ne peut compenser notre opposition totale à la façon dont vous imaginez l’évolution des rapports entre propriétaires et locataires et aux menaces que vous faites peser sur le parc locatif privé.

Vous avez décrété l’état d’urgence pour le logement. Nous partageons ce diagnostic de l’urgence. Nous vous en attribuons la responsabilité et nous dénonçons votre stratégie pour la corriger. Elle est dommageable pour notre pays et pour les Français. C’est pourquoi nous ne voterons pas ce texte. Nous espérons seulement que, comme pour la défiscalisation des heures supplémentaires, l’un d’entre vous pourra déclarer dans quelque temps « nous nous sommes sans doute trompés ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe UDI.

M. Michel Piron. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de l’examen de ce projet de loi ALUR, quatrième texte dans le domaine du logement en moins d’un an, annoncé depuis plusieurs mois comme la grande loi sur le logement du quinquennat.

Grande, elle l’est certes par son ampleur, puisque nous sommes passés de 84 articles dans le texte initial à 153, soit 324 pages. De l’aveu même du président Brottes, ce sera donc l’un des records dans l’histoire de la Ve République. Malheureusement, cette profusion de normes est inversement proportionnelle à la force des réponses que le Gouvernement apporte à la crise sans précédent qui frappe le secteur du logement et de la construction. Selon les estimations les plus optimistes, notre pays devrait finir l’année avec environ 330 000 logements construits, 120 000 de moins qu’en 2012 et 170 000 de moins que les 500 000 unités promises par le Président de la République.

Le principal défaut de ce projet de loi, c’est donc son décalage manifeste avec la gravité de la crise actuelle.

M. Benoist Apparu. Tout à fait !

M. Michel Piron. Pour les députés du groupe UDI, seule une augmentation massive de l’offre de logement peut y remédier, et nous ne pouvons que déplorer que ce projet de loi ne permette pas la construction d’un seul logement supplémentaire à court terme.

Nos débats n’en ont pas moins été constructifs et, pour en revenir au contenu de ce projet de loi pointilliste, nous considérons qu’il alterne les pires erreurs et le meilleur.

Commençons par ce qui nous va bien.

L’instauration d’un PLU intercommunal nous semble aller dans le sens de l’histoire de l’urbanisme. Son instauration, demain, constituera, n’en doutons pas, une avancée considérable, non seulement pour rétablir le lien entre logement, zones d’activité et mobilité, mais aussi pour permettre de mieux aménager le territoire.

Nous nous félicitons également que le Gouvernement ait choisi de s’attaquer au sujet de l’urbanisme commercial, même si la défiguration des entrées de ville risque de se poursuivre. Sur ce sujet, il est nécessaire d’aller beaucoup plus loin et nous n’aurons pas trop de deux lectures pour parfaire ce texte, sauf à accepter son inefficacité programmée.

S’agissant des copropriétés dégradées, madame la ministre, nous nous réjouissons que vous ayez repris les recommandations du rapport Braye, pour relever ainsi un défi qui sera, avec l’hébergement d’urgence, l’un des plus difficiles de la politique du logement dans les prochaines années. Nos amendements, qui visent à élargir l’éventail des sanctions à l’égard des marchands de sommeil et prévoient d’en reverser le produit au budget de l’ANAH, seront de nature à renforcer votre politique.

Mais votre texte peut être porteur aussi des pires erreurs, en dépit – et même à leur encontre – d’intentions louables. Les bonnes intentions ne suffisent pas à faire de bonnes politiques et votre dispositif d’encadrement des loyers en est l’exemple le plus significatif. S’il reflète une préoccupation partagée – limiter la flambée des loyers dans les zones tendues comme l’Île de France –, il n’en demeure pas moins économiquement absurde et socialement dangereux.

Économiquement absurde, car vous découragerez l’investissement locatif et accélérerez les dégradations du parc privé en mettant un coup d’arrêt aux travaux de rénovation, qui ne pourront être répercutés dans le prix du loyer. Socialement dangereux, car ce sont les ménages les plus riches qui seront les premiers bénéficiaires des baisses de loyers, tandis que les ménages les plus modestes verront leur loyer augmenter pour atteindre le niveau médian, même minoré.

Nous rejoignons la volonté de mettre en place un outil capable de limiter les inégalités d’accès au logement tout en rassurant les propriétaires sur les risques de loyers impayés. Si le groupe UDI soutient le principe de la garantie universelle des loyers – la GUL –, qui avait présidé à l’instauration de la garantie des risques locatifs – GRL – par Jean-Louis Borloo en 2006, nous sommes opposés au dispositif envisagé car il ne nous semble pas en mesure de répondre à cette question essentielle : comment mutualiser sans déresponsabiliser ?

La GUL ne sera mise en place qu’en 2016, après la création d’une agence chargée de sa préfiguration. C’est donc un chèque en blanc que vous nous demandez de signer, et nos propositions visant à sécuriser le dispositif par une gestion assurantielle et l’émergence d’un tiers de confiance nous semblent avoir été ignorées. En raison de l’encadrement des loyers, que nous récusons, et de la GUL, telle qu’elle est proposée, notre groupe n’est donc pas convaincu par ce texte, en première lecture du moins. Nous verrons si des modifications interviennent en deuxième lecture.

Les autres dispositions de ce texte revêtent une importance inégale et nous regrettons que vous ayez trop souvent fait le choix de stigmatiser les propriétaires et les professionnels de l’immobilier, au lieu de les associer pleinement à la résolution de la crise du logement. Si les pratiques abusives de quelques-uns nécessitent d’être mieux régulées, elles ne sauraient jeter l’opprobre sur l’ensemble d’une profession déjà fragilisée. Enfin, le groupe UDI a tenu à vous alerter sur le nombre de nouvelles normes – un festival – que contient ce texte.

Vous l’aurez compris, notre appréciation est différenciée. Les dispositions bienvenues ne sauraient masquer l’absence de réponse à la nécessité d’accroître l’offre de logement. C’est pourquoi, à ce stade, nous nous abstiendrons sur ce projet de loi très largement perfectible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI ; Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants553
Nombre de suffrages exprimés509
Majorité absolue255
Pour l’adoption312
contre197

(Le projet de loi est adopté.)

3

Transparence de la vie publique

Votes solennels

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur le projet de loi relatif à la transparence de la vie publique (n1335) et le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique (n1334).

Explications de vote communes

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe Union pour un Mouvement Populaire.

M. Guy Geoffroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc arrivés à la dernière étape d’un marathon bien chaotique, le vote par notre assemblée – seule contre tous, mais elle a le dernier mot – de deux textes, dont vous reconnaissiez vous-même, monsieur le ministre, qu’ils devraient s’appeler les « lois Cahuzac ».

M. Nicolas Bays. Les lois Guéant !

M. Guy Geoffroy. À moins d’un sursaut de la part de quelques membres de la majorité, ils seront votés, et à travers eux, vous aurez commis au moins trois fautes.

À l’égard de nos concitoyens, d’abord. Après l’affaire Cahuzac, vous avez voulu leur faire croire que grâce à ces deux projets de loi, tout serait réglé. Vous leur avez menti : l’affaire Cahuzac, ce n’est ni la turpitude d’un élu dans l’exercice de ses fonctions ni le fait – tout scandaleux qu’il soit – qu’un ministre en charge de la lutte contre la fraude fiscale soit le champion de cette fraude. Non, l’affaire Cahuzac, c’est un homme, appelé à exercer des responsabilités publiques, qui a perdu ses repères, s’est trahi lui-même, a trahi la confiance des siens et celle des électeurs. Vous avez annoncé à nos concitoyens que grâce à ces lois, il n’y aurait plus jamais d’ « affaire Cahuzac ».

M. Nicolas Bays. Les lois Sarkozy !

M. Guy Geoffroy. La deuxième faute, monsieur le ministre, vous l’avez commise à l’égard des élus de la République. Croyant vous sortir du guêpier de l’affaire Cahuzac aux yeux d’une opinion que vous vouliez brosser dans le sens du poil, vous avez adressé un message de défiance, de mépris et d’irrespect à leur égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez voulu qu’ils soient les parias de l’affaire Cahuzac ; vous avez voulu les montrer du doigt et faire d’eux les boucs émissaires de ce que vous n’aviez pas su gérer au sein de votre Gouvernement et de votre majorité.

Je veux dire ce que vous n’avez jamais dit : 99,9 % des élus de la République sont des femmes et des hommes tout entiers tournés vers le bien public ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Par ces textes, et je veux le dire à nos concitoyens, monsieur le ministre, vous donnez d’eux une image déformée, injuste et imméritée.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Guy Geoffroy. La troisième faute que vous ayez commise, monsieur le ministre, l’a été à l’égard de la démocratie. Au motif de la transparence, au travers d’une déclaration de patrimoine qui sera édulcorée aux yeux de nos concitoyens et d’une déclaration d’intérêts – vaine à partir du moment où vous créez le statut officiel de délateur de la République – vous détruisez les fondements de la démocratie représentative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



Le texte sur le non-cumul, d’autres que vous avez concoctés, les tripatouillages électoraux auxquels vous avez participé, tous vont dans le même sens : faire en sorte que ce soient les partis qui gouvernent la France et non plus le peuple, au travers de ses représentants. Les « lois Cahuzac », monsieur le ministre, sont des lois contre la transparence ; elles sont néfastes pour notre démocratie ; elles sont inutiles et dangereuses pour la République. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP, avec beaucoup de détermination, refuse de les voter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe UDI.

M. Yannick Favennec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, au cours des trois lectures, nous avons largement détaillé nos arguments ; je limiterai donc mon intervention aux raisons principales qui fondent notre refus de voter ce texte.

Si ce projet de loi comporte quelques avancées, elles sont bien insuffisantes au regard des nombreuses erreurs, voire des graves défauts, qu’il contient. Un projet de loi n’est acceptable que s’il remplit les objectifs que se sont fixés ses auteurs. En l’espèce, quels étaient-ils ? Au lendemain de l’affaire Cahuzac, vous disiez, monsieur le ministre, vouloir restaurer la confiance de nos concitoyens envers les élus. Vous affirmiez votre intention de renforcer la démocratie et de redonner du crédit à la parole publique. Au lieu de cela, vous avez rejeté la faute d’un seul sur la grande majorité des élus, notamment par des obligations déclaratives qui, si elles ne s’accompagnent pas de moyens renforcés de prévention des conflits d’intérêts, ne nous prémuniront en rien d’une nouvelle affaire.

Pourtant, loin de nous enfermer dans une posture d’opposants systématiques, nous avons été les premiers à reconnaître la nécessité de voter une loi améliorant la transparence de la vie publique et de renforcer la prévention des conflits d’intérêts. Nous n’avons jamais nié qu’il était temps de mettre fin à des situations dont la démocratie s’accommodait mal.

C’est pourquoi nous approuvons certaines mesures relatives aux incompatibilités entre l’exercice d’un mandat et les activités privées, comme le conseil ou certaines fonctions dans des entreprises ayant intérêt avec l’État. Je pense aussi aux quelques dispositions qui ont enrichi le texte au cours des différentes lectures, comme la publication de la réserve parlementaire ou l’extension des contrôles sur le patrimoine des exécutifs locaux. Mais au-delà de ces rares motifs de satisfaction, vos propositions, monsieur le ministre, ne sont pas à la hauteur de nos attentes.

Rendre les déclarations des élus consultables en préfecture ne présente aucun bénéfice ni pour le législateur, ni pour la justice, ni pour nos concitoyens, ni même pour notre démocratie. Le vrai sujet n’est pas l’exhibition du patrimoine, mais le contrôle de son évolution. C’est pourquoi nous sommes favorables à la création d’une haute autorité, dotée de moyens de contrôle et d’investigation suffisants.

Mais l’option de la consultation en préfecture ne va pas au bout de sa logique. Soit l’on considère que la question est l’évolution du patrimoine et des moyens de contrôle de la haute autorité, et dans ce cas, la publication est inutile, soit l’on privilégie la publication du patrimoine, et dans ce cas, il faut avoir le courage d’aller jusqu’au bout et, notamment, de soumettre les candidats aux mêmes règles que les élus, ainsi que nous le proposions par voie d’amendement.

Autre erreur, et non des moindres, la protection des lanceurs d’alerte. À travers cette mesure, vous instaurerez des délateurs en puissance, qui seront source de déstabilisation et de pressions en tous genres.

Enfin, dernière erreur, pour nous fondamentale : l’interdiction pour tout parlementaire de commencer à exercer une activité professionnelle qui n’était pas la sienne avant le début de son mandat. Vous auriez pu saisir l’occasion de renforcer l’égal accès aux fonctions publiques électives, notamment en prévoyant, au-delà d’un premier mandat, l’interdiction pour un parlementaire, issu de la fonction publique et se faisant réélire, de réintégrer la fonction publique. Au lieu de cela, vous avez introduit une disposition qui sera à coup sûr préjudiciable à l’oxygénation et au renouvellement de la classe politique.

Parce que nous refusons d’être les complices d’une opération de diversion et que nous considérons que la confiance repose d’abord et avant tout sur la capacité des élus à respecter leurs engagements, nous nous abstiendrons majoritairement sur ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission et rapporteur, chers collègues, au moment où nous nous apprêtons à adopter la loi sur la transparence de la vie politique, je voudrais appeler votre attention sur un fait : depuis le début de cette année, douze personnalités politiques – de droite comme de gauche – ont fait l’objet de condamnations dans des affaires de délinquance financière ou de probité. Ce chiffre vient rappeler l’urgence qu’il y a à nous doter d’un cadre juridique plus ferme, qui anticipe et sanctionne ce type de dérives. Il y va de la légitimité et de la crédibilité de l’action publique. Il y va également de la restauration du contrat de confiance qui devrait lier les élus et les citoyens.

L’histoire se souviendra qu’en 2010, au moment de l’affaire Woerth-Bettencourt, la droite n’avait pas jugé nécessaire de légiférer dans le sens d’une plus grande transparence de la vie politique, contrairement à un engagement qui avait été pris (Protestations sur les bancs du groupe UMP),…

M. François Sauvadet. L’affaire n’est pas jugée ! C’est scandaleux !

M. François de Rugy. …puisqu’une commission sur la lutte contre les conflits d’intérêts avait été réunie à cette époque. Elle retiendra également qu’en 2013, suite à l’affaire Cahuzac, notre majorité aura su réagir. Monsieur le ministre, mes chers collègues, un élément de ce texte toutefois nous déçoit : il s’agit, vous le savez, de la question de la publication du patrimoine des élus. Le Gouvernement et le Président de la République, après avoir pris un premier engagement, ont reculé – cet engagement était d’ailleurs inscrit dans le texte que le Gouvernement avait lui-même présenté. La disposition – ubuesque selon nous – de publication non publiable ne saurait rester en l’état. Tout d’abord, parce qu’elle fait entrer dans le champ pénal la divulgation de tout ou partie des déclarations, ce qui constitue, ni plus ni moins, une restriction du droit existant. Ensuite, parce qu’elle semble juridiquement contestable au regard de notre jurisprudence et du droit européen. Enfin, parce qu’elle recrée malheureusement les conditions d’un climat de suspicion généralisé que ce texte devait initialement permettre de dissiper.

Concernant l’encadrement du lobbying, nous ne sommes pas parvenus à harmoniser les dispositifs de contrôle dont nous disposons aujourd’hui, en plaçant sous la responsabilité de la Haute autorité le registre des représentants d’intérêts. Le risque de confusion des intérêts privés et de l’intérêt général n’est pas tolérable et met en péril l’esprit même de la République. A l’avenir, nous devrons impérativement et sans aucun doute revenir sur ces deux points. Mais le texte que nous votons aujourd’hui constitue indiscutablement un progrès. En nous soumettant au printemps dernier le projet le plus ambitieux qu’un pouvoir en place ait jamais proposé sur ces questions de transparence et de lutte contre les conflits d’intérêts,…

M. François Sauvadet. C’est de la désinformation ! Des mensonges !

M. François de Rugy. …le Gouvernement nous a donné les moyens d’obtenir des avancées concrètes dont nous lui savons gré. La clarification des incompatibilités professionnelles et l’interdiction, pour un parlementaire, de présider une autorité administrative indépendante ou un établissement public national permettront de renforcer la lutte contre les conflits d’intérêts. Je voudrais également dire quelques mots sur la protection des lanceurs d’alerte – disposition tant critiquée par certains de nos collègues de l’opposition.

M. François Sauvadet. C’est une honte !

M. François de Rugy. Protéger celles et ceux qui signalent une situation anormale devrait faire l’unanimité parmi nous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Cette disposition existe déjà dans notre législation, pour protéger les simples témoins ou ceux que l’on appelle les repentis. Pourquoi ce qui serait valable dans le cas de la lutte contre la délinquance ne le serait-il pas quand il s’agit de délinquance financière et politique ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)



Enfin la création d’une Haute autorité, dotée de moyens importants, garantira un cadre légal et institutionnel à la transparence de la vie politique. La transmission des déclarations d’intérêts, qui seront en libre accès – ce que j’approuve parfaitement – et même en open data grâce à un amendement écologiste adopté par le Sénat, assurera aux citoyens une plus grande visibilité et une plus grande transparence de l’action publique.





Je suis par ailleurs ravi de retrouver dans ce texte un meilleur encadrement des dons – cela devrait vous parler, mes chers collègues de l’opposition (Protestations sur les bancs UMP) –…



M. Julien Aubert. Nous sommes un grand parti, nous !

M. François de Rugy. …et des rattachements aux partis politiques, dispositif présent dans une proposition de loi que j’avais portée en 2010, une année après que la majorité UMP l’eut refusée à mes collègues socialistes.

Enfin, des amendements écologistes et socialistes adoptés au Sénat ou à l’Assemblée nationale viennent encadrer les instruments financiers à la disposition des parlementaires que sont l’indemnité de représentation et de frais de mandat et la réserve parlementaire. Ces mesures constituent de réelles avancées qui transformeront en profondeur l’exercice de la fonction politique. Le groupe écologiste les soutiendra en votant ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Nous voilà arrivés au terme de l’examen du projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique. Des centaines d’heures de discussion autour de ce texte, né sous des auspices peu propices, nous ne retiendrons que de bien légères améliorations ou corrections. Nous retiendrons surtout ce sentiment de grande confusion et de précipitation qui risque malheureusement de fragiliser nos institutions et notre démocratie au moment même où il aurait fallu montrer notre capacité à réformer et à moderniser dans la sérénité et la transparence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)



Ce débat aura eu le mérite de montrer qu’il n’y a pas d’un côté les gentils pour la transparence et de l’autre les méchants contre la transparence,…

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Joël Giraud. …et qu’il faut toujours se méfier des donneurs de leçon. Si la transparence est une exigence démocratique et citoyenne nécessaire, elle ne peut exister sans cohérence. Il en va de notre responsabilité de parlementaires de veiller à ce que les textes que nous rédigeons, discutons et votons soient en cohérence avec notre Constitution et avec nos droits les plus fondamentaux. Le principe de la repentance pour autrui ou de l’autoflagellation ne peut être le moteur du travail parlementaire.

M. Antoine Herth. Excellent !

M. Joël Giraud. Parce que l’un des membres du Gouvernement a fauté, menti et trahi, il faudrait instaurer de la méfiance et faire peser une présomption de culpabilité collective sur tous les élus de la nation ?

M. Dominique Dord. Très bien !

M. Joël Giraud. De l’antiparlementarisme servi sur un plateau par les représentants de la nation eux-mêmes ! Et de l’autoflagellation au masochisme, il n’y a qu’un pas.

Sur le fond, je veux relever plusieurs points du texte avec lesquels nous sommes en désaccord. Tout d’abord, la composition de l’Autorité de contrôle dont ne feront partie que deux personnalités qualifiées – contrairement aux préconisations du rapport Jospin – est révélatrice de la persistance de la défiance envers les parlementaires. Avec mes collègues du groupe, engagés depuis toujours pour la séparation des pouvoirs, nous espérons que ce texte marqué par l’excès de zèle et l’émotion ne se retournera pas contre ceux qui l’ont écrit, défendu et voté. Cette méthode révèle une défiance envers les parlementaires qui ne peut que nourrir et exacerber la montée des populismes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) 

Nous soutenons fermement l’idée qu’il nous faut nous engager dans la voie de la transparence de la vie publique. Nous avions, dès la fin des années 1970, déposé une proposition de loi en ce sens et cosigné avec nos collègues socialistes une proposition de loi en 1994. Auditionnés par la commission Sauvé en 2010, nous avions préconisé le renforcement des obligations déclaratives des élus et des pouvoirs de contrôle de la commission pour la transparence financière de la vie publique. Nous n’avons pas attendu le coup de projecteur de l’affaire Cahuzac pour nous exprimer.

Nous voudrions pouvoir reconnaître sur le fond les quelques avancées du texte concernant le meilleur contrôle des obligations déclaratives et le renforcement du rôle de la commission, mais nous regrettons profondément les déséquilibres qu’il induit, jugés dangereux et contraires au respect de la liberté et de la vie privée des élus. Oui à la transparence, non à la démagogie et à l’hypocrisie ! Aucune obligation de déclaration de patrimoine, aussi exhaustive soit-elle, ne pourra jamais garantir l’intégrité des élus, car elle pourra toujours être mensongère. Cela aurait dû être la grande leçon de l’affaire Cahuzac ! C’est pour cette raison précise que nous avons défendu, durant toute la discussion, le principe d’une publication au Journal officiel en cas de déclaration incomplète ou mensongère. Nous regrettons que cette position n’ait pas été suivie.

Notre dernier point de désaccord concerne la protection des lanceurs d’alerte. Cette question importante figure dans le texte relatif à la fraude fiscale, qui est à l’ordre du jour de notre assemblée. Sa rédaction, au sortir des travaux du Sénat, nous paraît plus acceptable : aussi ne pouvons-nous que déplorer le manque d’articulation entre les deux textes. L’introduction d’un nouveau concept, à savoir le renversement de la charge de la preuve, nous fait craindre des effets pervers sur lesquels s’interroge également Jean-Pierre Sueur, le rapporteur du texte au Sénat et président de la commission des lois. La sagesse aurait été de revoir notre copie afin que nous n’ouvrions pas la porte à la culture de la dénonciation et de l’approximation qui se fera au détriment de la justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et UDI.)

Vous aurez compris, monsieur le ministre, que malgré l’estime que nous portons à votre action, les députés radicaux de gauche et apparentés voteront, dans leur grande majorité, contre ces textes. Nous le ferons à regret, avec le sentiment que, dans notre combat pour la transparence de la démocratie et la déontologie, il y aura eu un rendez-vous important manqué, mais avec la certitude qu’il y va de notre démocratie parlementaire. Légiférer dans de telles conditions et dans la confusion de l’urgence médiatique ne peut donner de bons résultats.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Joël Giraud. Tel est le sens de notre vote, que nous voulons responsable. Nous espérons être entendus afin que l’élaboration des prochains textes de cette importance puisse se faire dans des conditions plus satisfaisantes et surtout plus dignes. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, à l’occasion de cette lecture définitive, notre groupe confirme l’appréciation positive portée sur ces deux projets de loi qui instaurent de nouvelles règles et procédures destinées à garantir l’exercice impartial des charges publiques.

M. Jean Glavany. Très bien !

M. Marc Dolez. Tout d’abord, l’introduction d’une définition claire et précise de la notion de conflit d’intérêts constitue une avancée notable, qui offrira une base juridique solide à l’élaboration d’une véritable politique de prévention des conflits. Ensuite, la généralisation et la précision du contenu des déclarations d’intérêts et de patrimoine favoriseront l’efficacité des dispositifs proposés. S’agissant notamment des déclarations de patrimoine des membres du Parlement et des présidents d’exécutifs locaux, le droit de consultation en préfecture ouvert à tout citoyen constitue le point d’équilibre qui permet de concilier transparence et respect de la vie privée. Nous soutenons également la création de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique qui aura un rôle essentiel et qui constituera la pierre angulaire du mécanisme de contrôle, puisqu’elle contrôlera systématiquement les déclarations lors de leur dépôt. Elle se verra dotée d’un pouvoir d’injonction, en cas de déclaration tardive ou incomplète, et pourra, dans ces cas, demander à l’administration fiscale d’exercer son droit de communication.

Nous sommes satisfaits que le débat parlementaire ait permis de renforcer les pouvoirs de cette Haute autorité, mais nous soulignons à nouveau la nécessité de lui attribuer tous les moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Nous approuvons aussi les dispositions du projet de loi organique qui renforce les règles d’incompatibilité professionnelle applicables aux parlementaires. Enfin, nous soutenons le durcissement des sanctions pénales applicables aux élus, avec des peines d’inéligibilité pouvant aller jusqu’à dix ans. Pour conclure, les députés du groupe GDR considèrent que la mise en place de ces dispositifs de prévention, de contrôle et de sanction favorisera la transparence de la vie publique (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et contribuera à retisser les liens de confiance avec nos concitoyens. C’est pour toutes ces raisons qu’ils voteront en faveur de ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDRplusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. René Dosière. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur et président de la commission des lois, mes chers collègues, voici un texte qui aura suscité, ici et là, beaucoup de démagogie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Or la guerre contre la démagogie est la plus dure de toutes les guerres, disait déjà Charles Péguy. C’est pourquoi il est utile de rappeler les progrès apportés par ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pour la première fois, les conflits d’intérêts entrent dans notre législation et des dispositions sont prises de sorte à ce que 9 000 élus nationaux et locaux et responsables publics évitent toute interférence entre l’intérêt général et les intérêts privés.

S’agissant des parlementaires, certaines activités sont désormais interdites – celles relatives au conseil, à la médiation ou à l’arbitrage notamment. Quant aux patrimoines, ils seront désormais vérifiés, contrôlés et rendus publics dans le respect de la vie privée : l’enrichissement indu sera sanctionné.

M. Christian Jacob. Et vos droits d’auteur ?

M. René Dosière. Celui de chacun des candidats à l’élection présidentielle sera vérifié et rendu public. Concernant le financement de la vie politique, il est mis un terme au détournement de la législation qui favorisait le développement des micro-partis.

M. Christian Jacob. Faites ce que je dis, mais pas ce que je fais !

M. René Dosière. Un plafonnement global et annuel des dons est désormais fixé. Enfin, la réserve parlementaire sera intégralement rendue publique. Voilà quelques aspects importants de ce grand texte de modernisation et de moralisation de notre vie politique. Mes chers collègues, compte tenu de la globalisation de l’économie mondiale et de la construction chaotique de l’Union européenne, les Français peuvent comprendre que les résultats des politiques gouvernementales soient contrastés ; en revanche, ils n’acceptent pas que les responsables publics – et en particulier leurs élus – ne soient pas exemplaires dans leur comportement public…

M. Christian Jacob. La gauche est bien placée pour parler de cela !

M. René Dosière. …et réclament plus de modestie dans leur train de vie.

C’est pourquoi ces textes, initiés par le Président de la République…

M. Philippe Meunier. Qui a nommé Cahuzac !

M. René Dosière. …et mis en œuvre par vous, monsieur le ministre des relations avec le Parlement avec le concours efficace de notre rapporteur, président de la commission des lois, constitue une avancée significative dans la république exemplaire souhaitée par le chef de l’État. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

C’est donc avec enthousiasme que le groupe SRC votera ces projets de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble (projet de loi)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants514
Nombre de suffrages exprimés487
Majorité absolue244
Pour l’adoption291
contre196

(Le projet de loi est adopté.)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Je rappelle que l’adoption de ce projet de loi organique nécessite la majorité des membres composant l’Assemblée, soit 289 voix.

Le scrutin public se déroule dans les salons voisins de l’hémicycle. Il est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale et ouvert pour une durée de trente minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Vote sur l’ensemble (projet de loi organique)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants554
Nombre de suffrages exprimés529
Majorité absolue289
Pour l’adoption324
contre205

(Le projet de loi organique est adopté.)

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Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière

-

Procureur de la République financier

Nouvelles lectures (discussion générale commune)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (nos 1293, 1348, 1343) et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier (nos 1294, 1349).

La Conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, nous sommes en nouvelle lecture de deux textes sur lesquels, il y a quelques semaines, la commission mixte paritaire n’a pas abouti. Ces deux textes d’une extrême importance ont été conçus et rédigés pour répondre aux exigences posées par le Président de la République au mois d’avril, lorsqu’il a indiqué très clairement la nécessité d’apporter des réponses fortes à toutes les dérives de l’argent, et de lutter contre toutes les atteintes à la probité. Cette rédaction a été fortement améliorée lors de la navette parlementaire : d’abord à la commission des lois et en séance publique à l’Assemblée nationale, puis au Sénat où il a été transformé partiellement par la commission des lois et en séance publique.

Ces deux textes sont d’une inspiration claire et forte qui considère les enjeux auxquels sont confrontées nos démocraties à une période extrêmement difficile pour l’ensemble des citoyens : montrer des autorités et des institutions exemplaires parce que l’autorité de la République repose justement sur son exemplarité, ainsi que l’avait indiqué le Président de la République. Il est inconcevable que, pour des raisons d’affairisme et pour des choix de corruption active ou passive, des personnes qui exercent une responsabilité publique puissent s’affranchir, se placer au-dessus ou en dehors de la loi commune et échapper à sa rigueur.

Nous avons surtout tenu à apporter une réponse globale. Les différents pouvoirs exécutifs et législatifs ont déjà, au cours de l’histoire, été confrontés à la nécessité de revoir la loi et de modifier le code pénal, de façon à répondre à des atteintes à la probité. En général, les réponses apportées ont consisté à renforcer les sanctions pénales ou à créer de nouvelles incriminations, de façon à parvenir à appréhender l’ensemble des phénomènes délictueux et, d’une certaine façon, à courir après l’ingéniosité de ceux qui commentent ces actes délictueux.

Cette fois-ci, nous avons choisi d’apporter une réponse globale. La rédaction que vous avez affinée de ces deux projets de loi a permis d’améliorer l’effectivité et l’efficacité des sanctions. Avec cette réponse globale, nous voulons en effet intervenir et être efficace dès la détection des infractions jusqu’à l’exécution de la sanction.

Lors de cette navette parlementaire qui a bien enrichi les textes – je reconnais volontiers qu’ils ont nettement gagné en consistance – certaines dispositions ont été adoptées conformes. Je vais les rappeler sommairement et saluer à cette occasion le travail de très grande qualité effectué par vos rapporteurs qui ont pris le temps d’auditionner des magistrats spécialisés, des juges d’instructions et des procureurs. Ils ont entendu et analysé des points de vue divergents et ils ont écrit avec la plus grande précision les différentes dispositions de ce projet de loi organique et ce projet de loi ordinaire.

Parmi ces dispositions adoptées conformes, il y a notamment le renforcement très net des amendes : celles de 30 000 euros passent…

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. …à 2 millions d’euros !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …sans pitié à 2 millions d’euros. Celles de 75 000 euros passent à… 500 000 euros ! Les chiffres sont vertigineux (Sourires) 

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ils voulaient aller jusqu’à 20 millions d’euros !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est vous qui avez interrompu le processus, monsieur le président.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Merci de le reconnaître !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. C’est le laxisme de M. le président Carrez !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Merci, madame la rapporteure, je compte que ce soit inscrit au compte rendu de séance de l’Assemblée.

Le renforcement de ces peines d’amende a donc été très substantiel, en prenant en considération les produits attendus de ces infractions. Une autre disposition importante consiste à renforcer la répression la fraude fiscale complexe qui peut être accomplie en bande organisée, au moyen de comptes bancaires à l’étranger, d’entités basées à l’étranger et de manœuvres particulières telles que la falsification. Cette fraude fiscale complexe est plus sévèrement punie puisque ses auteurs encourent une peine de sept ans d’emprisonnement ou de 2 millions d’euros d’amende. Certaines sommes font rêver les ministres qui ont subi du gel et du "surgel"…

Une autre disposition extrêmement importante concerne la protection des repentis : une réduction de peine est accordée à ceux qui se repentent d’avoir participé à la commission de ces infractions. Il est entendu et clair dans les rapports, notamment ceux de votre assemblée, qu’il s’agit essentiellement de prendre en compte le fait que ces infractions sont souvent commises par des réseaux très organisés qui utilisent des circuits occultes et qui mettent en œuvre des opérations financières extrêmement complexes, dans des pays réticents à coopérer, voire inertes. Notons que parfois, le système juridique et judiciaire de ces pays est tellement différent du nôtre que l’exécution de l’entraide pénale ou des commissions rogatoires internationales est rendue plus difficile ou demande plus de temps. Il est certain que ces dispositions permettront d’obtenir des informations qui permettront à ces repentis de contribuer au démantèlement de ces réseaux.

Une autre disposition votée conforme et extrêmement importante consiste à élargir le champ de compétences, et donc de saisine par l’autorité judiciaire, de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, au blanchiment de la fraude fiscale complexe. Cette disposition permet à l’autorité judiciaire de saisir cette brigade qui est composé d’officiers de police judiciaire spécialisés, qu’il s’agisse de fonctionnaires de la police, de la gendarmerie ou de la douane ou de l’administration. Il s’agit d’une avancée significative dont nous devons prendre la mesure.

Le débat n’est pas clos et je ne sais pas s’il le sera prochainement mais il est important de prendre la mesure de cette disposition qui permet de mieux coordonner l’action de l’autorité judiciaire – donc la politique pénale – et celle de l’administration fiscale. Il est d’ailleurs prévu de renforcer la publicité des travaux de la commission des infractions fiscales. Ces dispositions vont faciliter une plus grande cohérence des politiques pénale et fiscale. Un dispositif d’échanges réciproques devrait permette une saisine plus pertinente de l’autorité judiciaire. Le ministre du budget, Bernard Cazeneuve, et moi-même, nous nous sommes engagés à publier une circulaire d’application commune qui tiendra compte évidemment des observations des parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Une autre disposition importante adoptée conforme concerne la possibilité de confisquer l’entier patrimoine. Il s’agit d’appliquer aux personnes morales de mesures qui s’appliquent actuellement aux personnes physiques – le prononcé d’une peine complémentaire de saisie de l’entier patrimoine et l’exécution judiciaire en valeur des contrats d’assurance-vie – ce qui contribuera à l’effectivité de l’exécution de la sanction prononcée par les juridictions.

D’autres dispositions n’ont pas été adoptées conformes par le Sénat, dont une extrêmement importante et dont le rejet a changé la nature même et la cohérence entre le projet de loi ordinaire et le projet de loi organique.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. C’est dommage !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En supprimant la création du procureur national financier, le Sénat a choisi, d’une certaine façon, de décapiter l’édifice que nous avions mis en place : la loi ordinaire et ses mesures pour une répression plus efficace et plus fine des infractions ; la loi organique qui permettait la création de ce parquet, en transposant les dispositions dans l’ordonnance du 22 décembre 1958.

C’est par l’adoption d’un amendement présenté par le président Jean-Jacques Hyest que le Sénat a supprimé ce parquet financier national, donné à la juridiction interrégionale spécialisée, la JIRS, de Paris une compétence sur les affaires qui concernent au moins deux JIRS et renforcé la compétence du tribunal de grande instance de Paris et du parquet de Paris.

Votre commission, mesdames et messieurs les députés, a choisi de rétablir le procureur financier national ; je vous en remercie d’autant que vous en avez profité pour enrichir les dispositions concernées en tenant compte des travaux de la commission des lois du Sénat. Il était effectivement indispensable de rétablir les dispositions instaurant ce parquet financier national, pour qu’il exerce les compétences prévues et annoncées par le Président de la République, sur toutes les atteintes à la probité, qu’il s’agisse de la prise illégale d’intérêts, de la corruption, du favoritisme, du détournement de fonds publics ou de ce qu’on appelle le pantouflage. Le procureur financier national a également une compétence en matière de fraude fiscale complexe, complexe en raison de sa dimension internationale et des méthodes utilisées, et une compétence en matière de fraude à la taxe à la valeur ajoutée.

La compétence du procureur financier est concurrente, ce qui apporte une sécurité dans les procédures. Cela signifie effectivement que, lorsqu’une procédure qui aurait été ouverte par une autre juridiction est reprise par le parquet national, cela n’annule pas les actes accomplis antérieurement. Cette compétence concurrente offre donc une véritable garantie.

L’indépendance du procureur, qui avait suscité des interrogations, est également garantie. Je rappelle simplement l’engagement qu’a pris le Gouvernement – il a même essayé d’en faire l’objet d’une réforme constitutionnelle – de respecter l’avis du Conseil supérieur de la magistrature en matière de nomination des magistrats du ministère public. Notre pratique est conforme à cet engagement, même si la réforme constitutionnelle n’a pas été adoptée. « Pas encore », ai-je presque envie de dire, car je sais quelle est la pugnacité de votre assemblée, qui l’avait adoptée en première lecture. L’indépendance du procureur financier national est garantie, comme celle de tous les procureurs de la République et de tous les magistrats du ministère public, par sa nomination à la suite d’un avis conforme. Je rappelle que, dès le 31 juillet 2012, j’ai ouvert à la transparence toute la hiérarchie du ministère public. De même, j’ai ouvert au Conseil supérieur de la magistrature la totalité des dossiers des magistrats, ce qui lui permet de vérifier que la proposition faite par le garde des sceaux est bien conforme au parcours, au profil et aux états de service des magistrats en concurrence sur un même poste.

Le procureur financier national sera donc l’objet des mêmes garanties. Il occupera son poste durant sept ans, comme les autres procureurs de la République. C’est pour inscrire cela dans notre droit que nous avons présenté ce projet de loi organique qui modifie l’ordonnance du 22 décembre 1958.

Le procureur financier doit évidemment disposer de moyens dédiés. Le Gouvernement s’y est engagé. Dès 2014, une trentaine de postes seront créés ; ils sont inscrits dans le projet de loi de finances pour l’an prochain. Cela nous permettra de respecter les dispositions de l’article 22 du projet de loi, et ce parquet national prévu par le texte pourra fonctionner dès le mois de février 2014.

Reste un point rejeté par le Sénat : la possibilité pour les associations de se constituer partie civile. Les dispositions qui concernent les repentis et les lanceurs d’alertes et la possibilité pour les associations de se porter partie civile relèvent de la même logique, procèdent du même souci de créer les conditions de la dénonciation des faits délictueux visés. C’est dans cette logique, mais aussi en tirant les enseignements de la pratique et de la jurisprudence de la Cour de cassation que le Gouvernement a souhaité que les associations puissent se porter partie civile ; sur ce point, votre commission des lois avait d’ailleurs amélioré le projet du Gouvernement en première lecture.

Il ne s’agit pas, pour les pouvoirs publics, de répondre à une demande quelconque des associations : c’est une demande fondée et légitime, c’est aussi l’objet d’une recommandation d’organismes internationaux tout à fait officiels, comme l’OCDE. Lorsque, au mois d’octobre 2012, vous vous en souvenez, j’ai rendu public l’avis du Gouvernement sur le rapport de l’OCDE sur la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, je m’étais engagée non seulement à inscrire dans notre code pénal ses préconisations visant à donner cohérence et efficacité à la lutte contre ces infractions mais aussi à permettre aux associations de se constituer partie civile. Le Sénat, considérant que les associations pourraient déclencher l’action publique et estimant que cette disposition comportait des risques, a souhaité récuser cette possibilité.

Affirmons-le avec force : ces inquiétudes ne sont pas fondées. Elles sont tout à fait concevables, certes, mais elles ne sont pas fondées, parce que, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation dans la procédure relative aux biens mal acquis suscitée par une plainte de Transparency International que le parquet avait d’abord rejetée, pourront se porter partie civile les associations dont l’objet social est la lutte contre la corruption, et ce dans quatre cas précisément définis, dont la corruption, le trafic d’influence et le blanchiment. Ces associations auront fait l’objet d’un agrément, dans des conditions tout à fait transparentes fixées par un décret en Conseil d’État.

Les inquiétudes ne sont donc pas fondées. Ces associations sont des personnes morales tout à fait essentielles dans la lutte contre la corruption et contre les atteintes à la probité. En effet, dans ces situations, très souvent, il n’y a pas de victime identifiée ou identifiable ; la victime, c’est, globalement, la société. Il est important qu’il y ait des personnes morales qui fassent œuvre sociale et juridique en luttant contre les atteintes à la probité et en déclenchant ainsi l’action publique.

Votre commission a choisi de rétablir cette disposition, ce dont le Gouvernement la remercie très vivement, et le texte a, à nouveau, été enrichi. Merci, mesdames et messieurs les députés, de votre travail de très grande qualité, éclairé par toutes les personnalités – professionnels et universitaires – qui ont réfléchi à ce problème, que vous avez sollicitées. Nous avons, je crois, toutes les raisons de nous satisfaire du texte présenté aujourd’hui à l’Assemblée nationale. C’est donc avec confiance que j’attends l’examen des articles et des amendements.

Nous aurons quelques discussions, dont certaines pourront être délicates ; je pense notamment aux amendements qui concernent les avocats. Nous allons en tout cas enrichir encore le texte, et je suis sûr que nous disposerons, à l’issue de cette nouvelle lecture, d’un texte de très grande qualité qui manifeste très clairement la volonté résolue de la puissance publique de lutter contre ces infractions et qui crée les conditions d’une politique publique efficace de lutte contre toutes les atteintes à la probité, contre toutes les corruptions, qui sont absolument, profondément, terriblement et définitivement insupportables pour des citoyens qui traversent en ce moment une période difficile, dont ils ne savent pas forcément quand elle se terminera. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Yann Galut, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Nous examinons aujourd’hui, en nouvelle lecture, le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier. Comme l’a rappelé Mme la garde des sceaux, nous n’avons pas réussi à nous mettre d’accord avec nos amis du Sénat en commission mixte paritaire à la fin du mois de juillet dernier. Il revient donc en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, où il avait été adopté à la fin du mois de juin dernier.

Avant d’en venir à la présentation du texte adopté par la commission des lois, je veux rappeler, très brièvement, quelques éléments de contexte.

Faut-il encore le répéter ? Je crois que, grâce à notre travail collectif, de plus en plus de nos concitoyens en ont conscience : la fraude fiscale représente entre 40 et 80 milliards d’euros par an qui échappent aux caisses de l’État. Précisons, puisque cela m’a été demandé à plusieurs reprises, que ce que nous appelons l’évasion fiscale est le fait de concitoyens qui déposent leur argent dans des paradis fiscaux, et non pas de nos 2,5 millions de compatriotes qui habitent légalement à l’étranger. Mon collègue Pouria Amirshahi y a, une nouvelle fois, insisté auprès de moi, ainsi qu’Axelle Lemaire qui était intervenue à plusieurs reprises sur cette question. Il faut bien distinguer l’évasion fiscale, qui est le fait de Français qui se soustraient à l’impôt, et nos nombreux concitoyens qui vivent à l’étranger et paient leurs impôts, soit dans leur pays de résidence soit en France, selon les dispositions applicables.

Cette précision faite, je veux le répéter très solennellement : dans la période économique difficile que nous traversons, et malgré le budget de justice que présentera M. le ministre Bernard Cazeneuve dans les prochains jours, il n’est plus acceptable, au vu de l’état de nos finances publiques, que l’on se soustraie à l’impôt. Il faut, je le crois, saluer la volonté du Gouvernement de s’atteler à cette priorité qu’est la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Avec ce texte, dont je vous appelle à rétablir les dispositions supprimées par le Sénat, nous allons enfin donner à la justice et aux services de police et de douane les moyens d’enquête qui leur permettront d’être à la hauteur de l’enjeu. Nous allons aussi durcir la législation en vigueur, afin que ces délits ne soient plus considérés, ce qui était parfois le cas, comme accessoires, annexes, tolérables. Aujourd’hui, il ne peut plus y avoir de tolérance pour l’évasion fiscale dans notre pays.

On en prend conscience non seulement en France mais aussi au niveau international. Vous le savez, le Gouvernement français a donné des impulsions fortes, notamment à l’OCDE, au mois de novembre 2012, lors du Conseil européen du 22 mai 2013, où le Président de la République avait insisté pour que cette question de la fraude fiscale soit à l’agenda européen, ou encore lors du G8 du mois de juin 2013, où tous les États se sont engagés sur la voie de l’échange automatique d’informations, qui est l’une des solutions pour lutter contre la fraude fiscale au niveau européen et mondial.

La lutte contre la corruption est un autre domaine dans lequel des évolutions internationales très positives sont en cours. Ainsi, la déclaration finale du dernier G20 tenu à Moscou au début du mois réaffirme l’importance capitale de la lutte contre le fléau de la corruption, et prône l’adoption au sein de l’OCDE de règles internationales plus contraignantes pour les États. Je sais, madame la garde des sceaux, que vous y êtes particulièrement attachée.

Dans ce contexte international favorable à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et contre la corruption, la France doit, comme je l’ai indiqué, donner plus de vigueur, plus d’efficacité à son droit interne. En renforçant les sanctions pénales, en donnant des moyens supplémentaires à nos forces de l’ordre, nous pourrons éradiquer ce fléau.

J’en viens maintenant au texte adopté par la commission des lois.

Avant de présenter rapidement les modifications qu’elle a adoptées, je veux souligner le fait que, sur un grand nombre de dispositions du projet de loi, les positions de l’Assemblée nationale et du Sénat ont convergé. Nos positions sont effectivement les mêmes pour trente des soixante-trois articles du texte, notamment en ce qui concerne l’aggravation des peines du délit de fraude fiscale aggravée et la création du délit de fraude fiscale en bande organisée, l’application du statut de repenti en matière de corruption, de blanchiment et de fraude fiscale, la possibilité de porter les peines encourues par les personnes morales à 10 % de leur chiffre d’affaires en matière correctionnelle et 20 % en matière criminelle, l’aggravation des peines encourues pour les faits de corruption, la création d’un délit d’abus de biens sociaux aggravé, la protection des lanceurs d’alerte à l’article 9 septies, dont le Sénat a approuvé le principe, même s’il en a un peu modifié la portée ; je vous proposerai d’y revenir.

Mentionnons également les articles sur les saisies et confiscations, tous adoptés conformes ; la création d’un registre des trusts, disposition introduite à l’initiative de notre collègue Éric Alauzet ; l’encadrement de la politique transactionnelle de l’administration fiscale ; enfin, l’encadrement des prix de transfert, dispositif que notre assemblée avait voté à l’initiative de Sandrine Mazetier et de Karine Berger.

Par ailleurs, le Sénat a complété le projet de loi par dix-sept nouveaux articles destinés à renforcer les moyens d’action des administrations fiscale et douanière, dont certains sont parfaitement compatibles avec le texte adopté par l’Assemblée nationale. La commission a conservé ces articles, le cas échéant en améliorant leur rédaction.

Cependant, et sans remettre en cause l’utilité ni l’importance des articles votés par le Sénat, nos deux assemblées avaient adopté des attitudes très éloignées sur les articles qui constituaient le cœur des textes proposés par le Gouvernement puis adoptés par l’Assemblée nationale. Cela explique l’échec de la commission mixte paritaire. Pour moi, les textes adoptés par nos deux assemblées divergent principalement sur quatre points.

La première divergence porte sur l’article 1er, qui prévoit la possibilité pour les associations de lutte contre la corruption de se constituer partie civile. Le Sénat l’a supprimé, invoquant une possible privatisation de l’action publique. Sa position me paraît difficilement compréhensible, s’agissant de faits dont la dénonciation est rarissime car ils ne font pas de victimes directes – ou alors des victimes qui s’ignorent. De plus, la défiance exprimée à l’égard des associations anticorruption existantes me paraît totalement infondée, car elles accomplissent un travail de très grande qualité pour sensibiliser l’opinion publique au phénomène de la corruption et pour promouvoir la probité des agents publics et des élus. La commission a donc très logiquement rétabli l’article 1er tel qu’il avait été adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.

La deuxième divergence – qui est importante, vous l’avez souligné, madame la ministre – porte sur la création du procureur de la République financier. Le Sénat a rejeté cette création, et l’a remplacée par une extension des compétences du parquet et du tribunal de Paris. Le défaut de la solution adoptée par le Sénat est qu’elle ne répond ni à la nécessité d’une autonomie des moyens dédiés à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, ni au besoin d’incarnation de la lutte contre cette délinquance, à la différence du texte proposé par le Gouvernement et adopté par notre assemblée.

Il ne s’agit pas, ici, de personnifier de façon excessive une fonction judiciaire, comme notre collègue M. Fenech l’a dit en commission, mais de faire du procureur financier le responsable national de la lutte contre la fraude fiscale complexe et la grande délinquance économique et financière, et de lui permettre d’être l’interlocuteur privilégié des autorités judiciaires européennes et du futur Procureur européen. La commission des lois a donc rétabli le texte de l’Assemblée nationale instituant ce procureur financier, en reprenant toutefois une modification opérée par la commission des lois du Sénat, concernant les modalités de désignation des magistrats.

La troisième divergence porte sur la possibilité de recourir aux techniques spéciales d’enquête en matière de fraude fiscale en bande organisée et de grande délinquance économique et financière, ainsi qu’en matière d’abus de biens sociaux aggravé. Le Sénat avait supprimé l’article 16 qui prévoyait cette possibilité. La commission des lois a rétabli cette possibilité, qui est indispensable pour que la justice puisse agir efficacement contre une délinquance qui s’est considérablement complexifiée et internationalisée.

Enfin, la quatrième divergence entre l’Assemblée nationale et le Sénat portait sur la possibilité pour les administrations fiscale et douanière de se fonder sur des preuves d’origine illicite dans le cadre de redressements ou d’enquêtes administratives. Le Sénat avait fortement restreint la portée du texte adopté par l’Assemblée nationale, au point de le priver d’une bonne partie de son intérêt. Sur la proposition de Mme Mazetier au nom de la commission des finances, la commission des lois a rétabli la rédaction de l’Assemblée nationale pour ces différents articles.

Voilà, mes chers collègues, très brièvement présenté, le contenu des deux projets de loi qui vous sont aujourd’hui soumis. Je vous demande de les adopter, pour poursuivre et consolider les efforts accomplis depuis plus d’un an à l’initiative du Président de la République et du Gouvernement, en vue de redresser nos comptes publics et de rétablir la justice fiscale dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, après l’intervention de Mme la garde des Sceaux, le rapporteur de la commission des lois, Yann Galut, a exposé avec son efficacité habituelle le cheminement de ce texte et les raisons pour lesquelles la commission mixte paritaire du 23 juillet dernier a échoué. C’est en raison de cet échec que nous sommes réunis aujourd’hui pour examiner ces deux textes en nouvelle lecture. Je m’intéresserai singulièrement au projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, sur lequel la commission des finances s’est penchée.

Au fil de nos travaux, en commission puis en séance, de nombreuses dispositions portant sur des sujets relatifs aux finances publiques ont été introduites dans ce texte. Le centre de gravité du texte s’est déplacé, et sa composante relative à la lutte contre la fraude fiscale s’est beaucoup renforcée. C’est pourquoi la commission des finances ne pouvait se désintéresser de cette nouvelle lecture.

Au cours de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, nous avons introduit de nombreuses dispositions. Je ne peux les énumérer toutes ; Mme la garde des Sceaux et Yann Galut y ont d’ailleurs fait référence à l’instant. Il me semble cependant utile de rappeler quelques avancées très importantes. Il me semble également utile de signaler que ces avancées ont pour point commun d’accroître l’information du Parlement, c’est-à-dire la capacité des représentants du peuple – que nous sommes – à juger de l’efficacité des mesures que nous votons, et surtout de l’effectivité de leur mise en œuvre par l’administration.

D’abord, nous avons adopté plusieurs dispositions pour améliorer la transparence de l’engagement des poursuites pénales en matière de fraude fiscale. La composition de la Commission des infractions fiscales a ainsi été diversifiée, avec l’introduction de magistrats de la Cour de cassation, mais aussi de personnalités qualifiées désignées par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat – donc, d’une certaine manière, par nous-mêmes. En outre, la commission des infractions fiscales publiera désormais un rapport d’activité qui fera l’objet d’un débat parlementaire. L’information et les possibilités d’action des parlementaires sont donc accrues.

Par ailleurs, à mon initiative, nous avons prévu la remise au Parlement, par l’administration fiscale, d’un rapport sur les informations transmises par la justice dans le cadre de l’article L. 101 du Livre des procédures fiscales, afin de renforcer et d’améliorer les relations entre la justice et l’administration fiscale. Cette intention a été affichée et réaffirmée par Mme la garde des Sceaux, comme par M. le ministre du budget, en première lecture comme au cours des travaux ultérieurs sur ce texte.

Ensuite, s’agissant de la politique transactionnelle, nous avons défini de façon claire et explicite les conditions dans lesquelles l’administration fiscale peut transiger, et surtout les conditions dans lesquelles elle ne peut pas le faire. Aussi étrange que cela puisse paraître s’agissant de finances publiques, cela ne relevait pas du domaine de la loi, ce qui autorisait des pratiques très disparates d’un point à l’autre du territoire national. Par exemple, le nombre de transactions conclues varie dans un rapport de un à quarante entre la Loire-Atlantique et les Alpes-Maritimes. C’est évidemment en totale contradiction avec les principes d’égalité devant la loi, d’égalité devant la sanction et d’égalité devant l’impôt, qui forment le socle de notre pacte social. Cette disparité était si grande que certains ont pu écrire récemment, cet été, dans une tribune de presse, que « l’épaisseur du carnet de chèques permet de transiger avec Bercy là où le vulgum pecus connaît les affres de la justice ». Eh bien, désormais c’est fini, ce ne sera plus le cas, et les parlementaires seront là pour y veiller.

La portée de la disposition prévue dans le projet de loi à propos de la recevabilité des preuves avancées par l’administration fiscale, quelle que soit leur origine, a été accrue : son champ d’application est étendu aux douanes. Les modalités de transmission des preuves ont été assouplies, et le champ des actes d’investigation que ces preuves pourront permettre d’accomplir a été élargi, avec l’accord du Gouvernement.

Je ne reviendrai pas sur l’importante disposition que Mme la garde des Sceaux a rappelée tout à l’heure dans son propos liminaire : le statut de repenti fiscal, qui permet d’éviter une peine de sept ans de prison. Ce statut ne permet cependant pas d’éviter toute peine de prison, et certainement pas les sanctions fiscales qui punissent la fraude. Cette disposition permettra de démanteler des filières extrêmement sophistiquées et opaques. C’est une très grande avancée : je remercie le Gouvernement de nous avoir accompagnés sur ce chemin.

Nous avons en outre adopté de nombreuses mesures permettant d’améliorer l’efficacité du contrôle fiscal ou de combler ses failles. J’évoquerai, à l’initiative de plusieurs groupes de la majorité, l’amélioration du contrôle des prix de transfert, par exemple par la modification – introduite par un amendement du groupe SRC – des obligations de documentation incombant aux entreprises. J’évoquerai également le renforcement de l’efficacité des contrôles fiscaux inopinés et la modernisation du droit de visite des douanes en matière de perquisitions informatiques. Il me faut aussi mentionner le contrôle de la délivrance des numéros individuels d’identification de TVA intracommunautaire, mesure introduite au moyen d’un amendement très astucieux, très intelligent et très efficace du groupe GDR, que Nicolas Sansu a défendu – je tenais à lui en rendre hommage. Je citerai enfin l’alourdissement des sanctions pour non déclaration de trusts – amendement important défendu ardemment par Éric Alauzet au nom du groupe écologiste.

S’agissant de la lutte contre les paradis fiscaux, je rappellerai également qu’à l’initiative – cette fois-ci – du Gouvernement nous avons introduit une disposition faisant de l’absence d’échange automatique d’informations un critère permettant de considérer un État ou un territoire comme non coopératif. La France est ainsi arrivée en position de force au dernier G20 – qu’évoquait tout à l’heure Yann Galut – à Saint-Pétersbourg, où la lutte contre la fraude fiscale a fait l’unanimité. Vous aurez remarqué que peu de sujets faisaient l’unanimité lors de ce dernier G20 ! Lors de ce sommet, la France a pesé pour que l’échange automatique de données devienne désormais la norme, en lieu et place des échanges à la demande.

Le Sénat a adopté ces différentes mesures soit de façon conforme, soit en y apportant des améliorations. Plus rarement, il y a apporté des restrictions. Pour les dispositions concernées par ce dernier cas de figure, nous sommes revenus en commission au texte de l’Assemblée nationale. C’est particulièrement vrai de la question – pour nous centrale – de la recevabilité des preuves pour l’administration fiscale et les douanes. On peut dire que c’était notre principal point de désaccord : le Sénat avait fortement restreint la portée du texte que nous avions adopté, au risque de le priver en grande partie de son efficacité. Les articles 10 à 10 quater ont donc été rétablis dans leur rédaction issue de nos travaux.

Nous avons également modifié en commission, en nouvelle lecture, des dispositions relatives à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, en indiquant de façon explicite que les rapporteurs généraux et les présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat auront accès, dans le cadre de leurs missions de contrôle, aux informations dont dispose l’ACPR. Là encore, il s’agit d’une augmentation des pouvoirs du Parlement. Dans ce domaine, je crois que nous n’en avons jamais assez – d’ailleurs, dans aucun domaine nous n’avons assez de pouvoirs.

Enfin, le Sénat a introduit une dizaine d’articles nouveaux visant à améliorer les moyens et les procédures en matière de lutte contre la fraude fiscale. Nombre d’entre eux apportent d’utiles améliorations aux dispositifs existants, notamment s’agissant des logiciels dits permissifs.

À l’issue de travaux ayant duré plusieurs mois, il me semble que nous sommes parvenus à un texte qui comporte de nombreuses avancées et améliore sensiblement nos outils de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Il n’épuise pas, bien sûr, le sujet : d’autres dispositions, notamment en matière d’optimisation fiscale des entreprises, devraient trouver leur place dans le projet de loi de finances. Je sais que beaucoup de groupes – en tout cas, plusieurs groupes de la majorité – feront des propositions dans ce sens.

Je salue la conviction et l’énergie de tous les groupes de la majorité, mais aussi de certains collègues de l’opposition, aussi déterminés que nous à trouver des solutions efficaces contre ce fléau – même si nous ne sommes pas toujours d’accord quant aux moyens proposés. Je remercie le Gouvernement pour son écoute et pour son respect du travail parlementaire, dont témoigne le nombre d’amendement et d’articles additionnels adoptés avec avis favorable du Gouvernement. Je tiens aussi à rendre hommage à Yann Galut, dynamique rapporteur de la commission des lois (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC)

M. Pascal Cherki. Excellent !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. …et au dispositif performant qui a vu les deux commissions des lois et des finances aller au fond de leur sujets respectifs et travailler de concert – et, je crois, avec succès – à l’amélioration de ce texte ambitieux. Ce dispositif doit beaucoup à nos administrateurs et administratrices : je tiens à les remercier.

Des débats restent ouverts, mais l’essentiel est acquis. La nasse se resserre. Jamais la France n’a été dotée d’un tel arsenal de lutte contre la fraude fiscale complexe, jamais elle n’a été aussi bien armée pour aborder en position de force les négociations européennes et internationales qui s’imposent. Nombre de fraudeurs se sont d’ores et déjà signalés pour se mettre en conformité avec le droit, à l’invitation explicite de Bernard Cazeneuve avant l’été,…

M. Yann Galut, rapporteur. Invitation déterminée et déterminante !

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. …c’est-à-dire avant que les dispositions du projet de loi que nous examinons en nouvelle lecture ne s’appliquent dans toute leur rigueur. C’est la preuve que nous faisons œuvre utile et efficace, une œuvre que je vous invite à poursuivre au cours de cette nouvelle lecture. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion générale commune

Mme la présidente. Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Philippe Vigier pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Je remercie Mme la présidente, Mme la garde des Sceaux, M. le ministre, M. le président de la commission des finances, et M. le rapporteur général du budget. Je salue les rapporteurs Yann Galut et Sandrine Mazetier, dont je souligne à mon tour l’engagement.

Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre une nouvelle fois du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier. Ce texte, qui aurait dû faire consensus, a pourtant profondément divisé le Parlement, comme vous l’avez rappelé.

M. Christian Eckert. Pas tant que ça ! Vous l’avez voté !

M. Philippe Vigier. Ainsi aucun accord n’a-t-il pu être trouvé avec nos collègues sénateurs en commission mixte paritaire à l’issue de la première lecture. Ils ont considéré, tout comme le groupe UDI d’ailleurs – vous le savez bien, cher Yann Galut –, que la création d’un procureur de la République financier n’était absolument pas opportune et risquait plus de déstabiliser la justice que de la servir. Ce ne sont pas mes propos, ce sont les leurs.

Nous savons que la création de ce procureur de la République financier a grandement posé problème au Gouvernement, qui a dû reporter la présentation de ce volet du texte à la suite de l’avis défavorable du Conseil d’État. C’est donc par le biais d’une lettre rectificative que le procureur de la République financier avait finalement fait son apparition, ce qui témoigne de la confusion du Gouvernement et de la préparation précipitée de ces textes.

Le Gouvernement a donc dû revoir ses ambitions à la baisse, mais le dispositif demeure bancal à nos yeux, tout comme l’a souligné le Sénat en le sanctionnant.

Premièrement, il est évident que ce procureur, contrairement aux déclarations du Gouvernement, ne sera pas plus indépendant qu’un autre, nommé selon les mêmes modalités. Vous le savez très bien, madame la ministre, il sera placé sous l’autorité du procureur général de Paris, alors même qu’il disposera d’une compétence nationale.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui ! C’est la loi !

M. Philippe Vigier. Ensuite, nous désapprouvons la création de ce qui n’est ni plus ni moins une nouvelle usine à gaz, comme je vais essayer de vous le démontrer.

Nous le savons, face à une délinquance multiforme où délinquance économique et financière, fraude fiscale et criminalité organisée sont totalement imbriquées, la réponse ne peut être la division et l’éparpillement des autorités chargées des enquêtes et de la poursuite.

Nous craignons également une déstabilisation de la justice, entraînée par une déperdition de l’information, éclatée entre les deux parquets, et un risque de conflits entre eux.

Face à la capacité d’adaptation permanente des fraudeurs – qui a été soulignée durant l’examen de ce texte –, il paraît évident que la justice doit être réactive. La dispersion est la pire des solutions.

Naturellement, les députés du groupe UDI soutiennent sans réserve – vous le savez bien, madame et monsieur les ministres – l’objectif de lutte contre la fraude fiscale. C’est d’ailleurs pourquoi nous avons voté pour ce texte en première lecture qui contient de nombreuses avancées.

Je pense notamment à la création d’un statut du repenti, cher au rapporteur Yann Galut, et adopté à l’initiative de la rapporteure pour avis Sandrine Mazetier, ou au renversement de la charge de la preuve en matière de blanchiment.

M. Christian Eckert. Ah !

M. Philippe Vigier. Je pense également au renforcement du régime répressif de la fraude fiscale et des capacités de contrôle de l’administration fiscale, à l’extension du champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale au blanchiment de fraude fiscale ou à la création d’une circonstance aggravante pour les fraudes les plus graves.

Nous aurions toutefois préféré que l’ensemble des groupes politiques ait été associé en amont à la préparation de ces textes et que ces consultations permettent de dégager des consensus larges, plutôt que de devoir débattre sur des projets de loi de circonstance, élaborés à chaud par ceux-là même qui, quand ils étaient dans l’opposition, raillaient tant la propension de la précédente majorité à agir de cette manière.

M. Hervé Morin. Il n’est jamais bon de légiférer à chaud !

M. Philippe Vigier. Mais nous considérons que la fraude fiscale, préoccupation forte de nos concitoyens, doit être combattue avec fermeté, et punie avec sévérité. Oui, le climat des affaires entretient et renforce la défiance de nos concitoyens vis-à-vis des responsables politiques.

Avec la crise, le chômage, la diminution du pouvoir d’achat, les Français n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois. Ils comprennent donc mal qu’un arsenal juridique plus fort ne soit pas déployé contre la fraude fiscale. Dans ce contexte, le projet de loi permet d’apporter un certain nombre d’avancées.

En ce sens, nous appelons de nos vœux la moralisation de la vie publique et le renforcement de la lutte contre la fraude, même si, reconnaissons-le, ces thèmes ne sont pas nouveaux.

La majorité précédente, rappelons-le – c’est à nous de le faire –, avait déjà pris des mesures très importantes dans cette direction. Elle avait ainsi créé une police fiscale dotée de pouvoirs de police judiciaire, obligé les banques établies en France à communiquer des informations, créé un fichier national des évadés fiscaux, renforcé la coopération intra-européenne contre les fraudes « carrousel » à la TVA.

Bien entendu, il nous apparaît essentiel de muscler encore la lutte contre la fraude fiscale et de faire preuve de la plus grande fermeté à l’encontre de ceux qui ont triché volontairement. Nous souhaitons que, dans le respect des droits fondamentaux, soient renforcés les moyens de la justice, de la police et de l’administration fiscale contre la fraude et les réseaux de blanchiment – vous y faisiez référence tout à l’heure, madame la ministre.

Il conviendrait par ailleurs d’adapter les procédures de lutte contre les fraudes patrimoniales et les fraudes à la TVA et de renforcer le régime répressif de la fraude fiscale.

Selon Bercy, la fraude fiscale représenterait un manque à gagner de 50 à 70 milliards d’euros par an pour l’État. C’est inacceptable. Or, la lutte contre cette fraude ne permet aujourd’hui de récupérer que 16 milliards par an, ce qui veut dire que nous avons devant nous de considérables marges de progression.

Nous devons donc faire mieux : nous devons garantir que plus personne ne passe entre les mailles du filet. De ce point de vue, le texte que vous nous proposez n’est pas assez ambitieux. Il nous paraît notamment crucial de ne pas laisser Bercy décider seul des suites à donner aux fraudes massives. Nous sommes ici au cœur d’un sujet important : le fameux « verrou de Bercy » évoqué par certains.

Nous le savons, la fraude fiscale, à la différence des autres délits, ne peut être poursuivie d’office par le procureur de la République, lequel ne peut déclencher l’action publique que si l’administration fiscale a préalablement déposé plainte.

Afin de renforcer la lutte contre la fraude fiscale, il est indispensable que le procureur financier soit au moins informé des procédures transactionnelles et les valide, au-delà du pouvoir discrétionnaire du ministre – que nous ne contestons pas – et du rôle de la commission des infractions fiscales.

Je ne pense pas que le rapporteur y soit particulièrement opposé – je crois avoir bien lu et entendu ses déclarations récentes – mais, sur ce point, nos collèges sénateurs ont, eux, agi : ils ont adopté en commission des lois un amendement du rapporteur - socialiste, faut-il le rappeler ? - atteignant cet objectif. On était donc tout près de trouver une solution qui satisfasse l’ensemble des bancs de l’Assemblée.

Notre collègue Henri Emmanuelli avait lui-même soulevé ce problème lors de l’examen du texte en commission et souhaité que celui-ci nous permette de lutter contre la propension de notre administration à reculer devant les contentieux fiscaux les plus importants et à leur préférer les transactions. Il avait alors formulé une proposition simple que je reprends à mon compte : pourquoi ne pas instituer un montant à partir duquel nous pourrions transmettre au procureur les transactions, après avis de la commission concernée ?

Le mécanisme serait simple : lorsque le montant d’une affaire relevant du contentieux fiscal dépasserait un certain seuil, nous pourrions considérer qu’il n’appartient plus à l’administration de décider seule, mais que le procureur doit au moins être consulté pour avis, voire seulement pour information.

Cela me permet d’évoquer les amendements et sous-amendements que je défendrai au cours de la discussion. Voyez que la ténacité est au rendez-vous…

Madame et monsieur les ministres, nous déplorons votre position sur ce point. Tout le monde aurait à y gagner. La représentation nationale – en la personne du président de la commission des finances et en celle du rapporteur général – serait, chaque année, informée des transactions concernées, et pourrait s’assurer du respect du seuil défini par la loi.

C’est pourquoi nous redéposons aujourd’hui un amendement en ce sens, comme nous l’avions fait en première lecture. Son rejet nous paraîtrait incompréhensible, car il est de nature à muscler l’arsenal que vous avez mis en place et dont on a souligné les avantages – je ne peux pas le dire autrement. Cela serait en contradiction avec les objectifs de transparence et d’indépendance de la justice que nous partageons tous.

L’indépendance de la justice doit être l’un des piliers de la lutte contre la fraude, afin que plus aucun citoyen ne puisse penser que certains seraient protégés – je pense notamment à la grande délinquance.

Les députés UDI soutiennent sans réserve, j’y insiste, l’objectif de lutte contre la fraude fiscale. La « République exemplaire », promise à de nombreuses reprises par le Président de la République, ne doit plus seulement être une promesse de campagne. Elle doit se traduire dans les faits, être une exigence absolue, partagée par tous les bancs de l’Assemblée : droite, gauche, et centre. Elle doit se nourrir également de l’apport de toutes les forces politiques. Telle est, en tout cas, la vision du groupe UDI.

C’est pourquoi j’espère que vous aurez à cœur, à l’occasion de cette nouvelle lecture, d’écouter à nouveau le groupe UDI. Nous tenterons de vous convaincre afin que ce texte, majeur pour notre démocratie, puisse recueillir l’assentiment le plus large possible de la représentation nationale, et en particulier de l’Assemblée nationale.

M. Hervé Morin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, la lutte contre la fraude et la grande délinquance financière est un enjeu crucial, tant du point de vue de la restauration de nos comptes publics que de celui de l’exigence morale.

Face aux limites de l’augmentation de l’impôt et de la baisse de la dépense publique, la lutte contre la fraude constitue une voie prometteuse. Un travail important a été mené grâce à ce projet de loi, mais aussi grâce à la loi de réglementation des activités bancaires.

Il doit permettre, d’une part, d’assurer l’égalité devant l’impôt. En période de crise moins que jamais, les plus aisés ne peuvent se soustraire à la solidarité nationale. D’autre part – comme je l’indiquais précédemment –, il s’agit d’ouvrir une troisième voie entre la hausse d’impôt et l’austérité. C’est pourquoi, il est essentiel que les dispositifs mis en place dans cette loi soient mis en œuvre rapidement.

Les écologistes se félicitent des nombreuses avancées que comporte ce texte. Je ne rappellerai que certaines d’entre elles : le renforcement des moyens d’investigation de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, la lutte pour la transparence des trusts – n’est-ce pas, madame Mazetier ? –, ces montages juridiques opaques par lesquels transitent 80 % des flux illicites au niveau mondial. Ces montages, par lesquels l’argent s’évapore et à travers lesquels trop d’entreprises tentent d’échapper à leurs responsabilités

Ainsi l’Erika avait-elle été affrétée par une société des îles Bahamas, appartenant à un trust géré par un cabinet juridique panaméen. La transparence, c’est mettre un terme à l’impunité des entreprises qui se dédouanent de leur responsabilité sociale et environnementale.

Autre grande avancée : la protection des lanceurs d’alerte, ces personnes qui permettent à l’administration d’avoir accès à des informations sur des cas de fraude fiscale, comme l’a fait courageusement Hervé Falciani, ancien informaticien de la banque HSBC. Un salarié qui décide, de manière désintéressée, de porter à la connaissance d’instances fiscales des données permettant de révéler une fraude fiscale sera maintenant protégé.

Enfin, nous espérons que cette lecture nous permettra de rétablir l’allongement de trois à six ans de la durée de prescription. C’est d’ailleurs l’objectif des deux seuls amendements déposés par le groupe écologiste. Je n’ai pas souhaité déposer à nouveau celui préconisant d’indiquer sur la feuille d’impôt que l’on ne détient pas de comptes à l’étranger.

S’il est facile d’« oublier » de déclarer un compte à l’étranger, il l’est moins de déclarer mensongèrement qu’on n’en a pas. Je précise, au passage, que l’ancien ministre du budget a invoqué cet argument – qui ne pèse peut-être pas lourd juridiquement – dans sa défense. Il a dit : « Je n’ai pas déclaré que je n’avais pas de compte à l’étranger. » Il y a donc une nuance sensible entre ces deux façons de faire. Mais je ne relancerai pas le débat en déposant à nouveau cet amendement.

Les premiers effets de cette loi se font déjà sentir. Sous la pression, sous la menace de sanctions graves, certaines personnes ont fait le choix de mettre fin à leurs pratiques d’évasion fiscale. Ainsi, le budget de notre pays sera-t-il allégé en 2014 de 2 milliards d’euros d’impôt ou de réduction de la dépense. Certes, le montant reste modeste au vu des dizaines de milliards qu’évoquait Yann Galut, mais c’est un premier pas qui devra être suivi d’autres.

Nous attendons avec impatience les propositions du Gouvernement qui seront soumises à notre Assemblée en fin d’année dans l’objectif, cette fois, de lutter et de mettre fin à ce qu’il est convenu de nommer pudiquement l’évasion fiscale et qui concerne les entreprises.

Les exemples sont malheureusement nombreux et nourrissent la presse quotidienne. Ikea, grâce à des investissements défiscalisés et à des redevances versées en contrepartie de l’usage de la marque, a économisé 60 millions d’euros d’impôts en France en 2011. Les quatre grandes entreprises du numérique en France paient un peu moins de 1 % d’impôt, pour un chiffre d’affaires de 8 milliards d’euros et un bénéfice de 800 millions, soit un impôt de 37 millions d’euros. Starbucks n’aurait jamais payé d’impôts sur les bénéfices depuis son arrivée en France. En 2009, quand les entreprises du CAC 40 ont accepté de déclarer leurs bénéfices et impôts en France, un quart d’entre elles n’avaient pas payé d’impôts sur les bénéfices. J’ai le regret de devoir citer parmi elles de grandes entreprises françaises : Total, Danone, Essilor, Schneider, Suez Environnement, ArcelorMittal.

M. Yann Galut, rapporteur. Eh oui !

M. Éric Alauzet. Je ne les jette pas sur la place publique. Il s’agit seulement d’un appel au sursaut citoyen.

Ce combat contre les paradis fiscaux et juridiques, nous sommes fiers que la majorité parlementaire le porte de manière déterminée, aux côtés du Gouvernement.

Je ne veux pas dessiner un nouveau mirage ni faire croire que la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale représenterait la solution à tous nos problèmes de comptes publics. Il s’agit de montrer le gain potentiel, la nécessité de s’y engager et notre détermination à le faire.

Nous empruntons aujourd’hui une nouvelle voie pour permettre la restauration des comptes publics tout en limitant les efforts demandés aux plus modestes mais aussi aux classes moyennes, en assurant la transition écologique et en soutenant les secteurs économiques qui lui sont attachés.

Comme j’ai voulu placer mon intervention dans le cadre de la restauration des comptes publics, permettez-moi d’aborder les enjeux sociaux et écologiques liés à ce texte.

Si la dépense publique doit être sans cesse questionnée, les excès de réduction ont mis les pays du sud de l’Europe dans une situation catastrophique. La communauté internationale, l’Europe ont réagi et lâché du lest. Ainsi, la France s’est donné deux années supplémentaires pour ramener son déficit à 3 % du produit intérieur brut. Si nous voulons garantir des services publics de qualité, il nous faut relâcher la pression. On oublie trop souvent que ces services ont permis non seulement de freiner les effets néfastes de la crise en France, mais aussi de préserver du naufrage les ménages touchés par la crise. La bataille contre la fraude fiscale est donc éminemment sociale.

Parallèlement, nous devons soutenir plus que jamais la transition écologique, qui constitue l’une des rares chances qui nous soient offertes de préparer l’économie de demain. Le Gouvernement a rétabli le budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie pour 2014 alors qu’il était annoncé en baisse, mais il faut aussi préserver, dans le budget, les politiques qui contribuent à lutter contre le changement climatique, à préserver la biodiversité ou encore la sécurité alimentaire, qui a payé un lourd tribut aux réductions budgétaires les années précédentes.

Par ailleurs, vous le savez, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, nous restons très réticents face au projet d’augmentation de la TVA de 7 à 10 % pour les services ou investissements qui constituent des besoins essentiels pour nos concitoyens et qui ont, de plus, une valeur écologique. Je parle des services du logement, de l’eau, des déchets, des transports, du bois énergie.

M. Pascal Cherki. Quel rapport avec le texte ?

M. Éric Alauzet. Vous avez raison, bien entendu, de prendre en compte l’impact du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui va améliorer la compétitivité dans les entreprises et qui pourra, dans certains cas, compenser ces réductions, mais cela ne vaut pas pour les services publics en régie. Il faudra donc regarder cette affaire de très près.

Une mention spéciale pour la rénovation des logements privés, cœur de métier des artisans, et qui peut mettre des millions de personnes à l’abri de la précarité énergétique : il est essentiel que la rénovation des logements bénéficie de la TVA réduite à 5 %. Le président de la République a entrouvert la voie, dans son interview télévisée de dimanche dernier, en annonçant un crédit d’impôt pour la rénovation thermique et en déclarant qu’il était possible d’aller plus loin sur la TVA qui lui est applicable.

S’agissant de l’impôt, il reste sans doute quelques marges de manœuvre pour augmenter les recettes de l’État, notamment en travaillant sur les niches fiscales anti-écologiques et en renforçant la progressivité de l’impôt afin de mettre à contribution les revenus les plus élevés.

Il faut reconnaître que les augmentations pratiquées depuis notre arrivée au pouvoir ont pu avoir, ici ou là, des effets pervers sur les classes moyennes. Je pense en particulier au blocage du barème de l’impôt, qui a pesé sur la tranche à 15 % en particulier, ou à la défiscalisation des heures supplémentaires qu’il fallait, bien entendu, supprimer, mais avec des compensations. Là encore, le Président de la République a apporté des réponses à ces questions lors de son interview télévisée.

Ainsi, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, dans cette période de crise où le souci premier de la majorité et des écologistes est la justice sociale, cette loi revêt une importance toute particulière. Lutter contre l’évasion fiscale est l’une des solutions principales pour retrouver une marge de manœuvre financière.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste apporte son soutien à un texte, qui, nous l’espérons, marquera le début de la fin de l’évasion fiscale. J’en profite pour remercier les rapporteurs, Sandrine Mazetier et Yann Galut, ainsi que vous-mêmes, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, pour avoir été attentifs à nos demandes et avoir permis ce débat riche et productif. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Annick Girardin. Madame, monsieur les rapporteurs, je tiens tout d’abord à vous remercier pour le travail que vous avez accompli sur ce sujet hautement important.

Notre assemblée est saisie, en nouvelle lecture, du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier. Ces textes, faut-il le rappeler, font partie du train de mesures annoncées par le Président de la République lors de son allocution télévisée du 10 avril dernier, mesures transformées immédiatement en projets de loi et adoptés en conseil des ministres le 24 avril.

Comme les deux projets de loi relatifs à la transparence de la vie publique que la représentation nationale vient de voter définitivement il y a quelques instants, ces deux textes ont révélé de larges divergences entre les deux chambres, divergences que l’examen au pas de charge n’a pas permis de surmonter.

Là encore, la commission mixte paritaire, réunie à l’Assemblée nationale le 23 juillet, n’est pas parvenue à établir un texte commun sur les dispositions de ces deux textes restant en discussion, l’opposition étant particulièrement tranchée sur la création du procureur de la République financier, que le Sénat a rejetée pour lui préférer une extension des compétences du parquet et du tribunal de grande instance de Paris, ou encore sur le droit des associations de lutte contre la corruption à se porter partie civile. Sur ces deux points, madame la garde des sceaux, je le dis d’emblée : les députés du groupe RRDP partagent la position de la haute assemblée.

Nous avons déjà eu l’occasion de rappeler que la suppression du monopole dont bénéficie aujourd’hui le ministère public pour l’exercice des poursuites pour faits de corruption et trafic d’influence impliquant un agent public d’un État étranger ou d’une organisation internationale nous laissait extrêmement dubitatifs, et constituait un dangereux aveu. Quant au futur procureur de la République financier, nous ne sommes pas plus convaincus. Dès le départ, cette disposition, ajoutée précipitamment par lettre rectificative treize jours après le dépôt du texte, a rencontré notre scepticisme, pour ne pas dire notre hostilité, à l’instar de la quasi-totalité des magistrats qui ont eu à s’exprimer sur cette question.

En effet, comme le président de la conférence des procureurs généraux, nous estimons que la création du procureur financier va à l’inverse de la logique de transversalité qu’impose la lutte contre la délinquance financière, souvent liée au grand banditisme et au crime organisé, voire au terrorisme. En outre, l’organisation juridictionnelle qui en résultera apparaît problématique, et des conflits de compétence ne manqueront pas d’apparaître entre juridictions spécialisées en matière économique et financière. Je fais mienne l’appréciation de notre collègue sénateur Nicolas Alfonsi : une telle réforme méritait une plus grande réflexion.

Cependant, puisque l’Assemblée a le dernier mot, il est plus que probable que le procureur de la République financier verra le jour. Dans ce cas, le principe de réalité doit l’emporter : ce nouveau magistrat, rattaché au parquet de Paris, devra bénéficier des moyens nécessaires pour lutter contre la grande délinquance financière. Le renforcement des outils dont il disposera, en particulier le recours aux techniques spéciales d’enquête, devra lui permettre, souhaitons-le, d’exercer efficacement ses fonctions.

L’élargissement du champ d’application de règles dérogatoires, en particulier par rapport au régime du droit commun de la garde à vue, ne peut nous laisser insensibles. La possibilité que l’intervention de l’avocat soit différée pour une durée maximale de quarante-huit heures n’est pas anodine. J’avais eu l’occasion d’exprimer certaines préventions ici même en première lecture.

En matière de blanchiment, le renversement total de la charge de la preuve qu’impliquait la version de l’article 2 bis adoptée initialement par l’Assemblée nationale posait clairement un problème constitutionnel au regard du principe de présomption d’innocence. La rédaction qui nous est maintenant proposée, qui subordonne ce renversement à une condition préalable, liée aux conditions de réalisation de l’opération dont il faudra établir qu’elles ont pour objet de cacher sa véritable finalité, est-elle convaincante ? La complexité des montages financiers constituera une sorte d’indice d’illicéité. Les juridictions financières, les agents de TRACFIN et les enquêteurs judiciaires sauront, espérons-le, tirer profit de ce nouveau dispositif.

Enfin, s’agissant de la possibilité pour le fisc et les douanes de se fonder sur des preuves d’origine illicite dans le cadre de redressements ou d’enquêtes administratives, et plus généralement à propos de ce qu’il est convenu d’appeler le « verrou de Bercy », les débats ont été particulièrement denses. Des désaccords entre la commission des lois et la commission des finances du Sénat, l’une désireuse d’encadrer cette possibilité d’utiliser des preuves illicites en rétablissant le filtre du passage par un juge, gardien des libertés individuelles, l’autre souhaitant au contraire élargir cette possibilité, il pouvait et il devait en ressortir un point d’équilibre, point d’équilibre qui avait été exprimé par le ministre du budget, au banc du Sénat le 18 juillet. La précaution émise par le rapporteur de la commission des lois était légitime, le souci de celui des finances compréhensible. Il s’en était remis à la sagesse de l’assemblée sénatoriale, et l’amendement de notre collègue Marc, rapporteur général de la commission des finances du Sénat, à l’article 10 n’avait pas été adopté.

Aujourd’hui, le rapporteur nous propose de revenir au texte de l’Assemblée tel qu’il résultait des amendements de la rapporteure pour avis de la commission des finances. Nous souhaitons que le débat qui va s’engager soit serein et que chacun garde à l’esprit aussi bien la nécessaire protection des droits et libertés individuels que la recherche de l’efficacité administrative, les deux n’étant évidemment pas incompatibles. Réduire le débat à un seul d’entre eux nous renverrait à l’époque de la justice retenue. Nous n’en sommes plus là. L’un n’exclut en effet pas l’autre.

Enfin, j’évoquerai le dispositif de protection des lanceurs d’alerte. Vous savez que ce dispositif nous met très mal à l’aise, pour reprendre les mots de mon collègue Alain Tourret en commission. Si l’amendement de notre collègue Goasdoué, qui tend à insérer un régime de protection générale des lanceurs d’alerte dans le code du travail et dans le statut général de la fonction publique, a été rétabli dans son intégralité alors que le Sénat avait limité cette protection aux seuls témoignages devant les autorités judiciaires ou administratives, la précision selon laquelle l’infraction pénale concernée ne pourrait qu’être un crime ou un délit et non une simple contravention a été heureusement conservée, mais les interrogations que vous avez exprimées devant le Sénat, madame la garde des sceaux, restent entières. Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires instaure, dans son article 3, une garantie visant à protéger l’agent public qui se fait lanceur d’alerte. Pourquoi, dès lors, maintenir le II de l’article 9 septies ?

En somme, nous aurions pu mieux légiférer en faisant preuve d’un peu moins de précipitation. Tout en étant, bien entendu, d’accord sur l’extrême nécessité de lutter contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, nous restons dubitatifs à ce stade et souhaitons que le débat qui va s’engager dissipe nos doutes et nous permette de voter, in fine, ce texte. Les errements consacrés par le temps sont difficiles à détruire. Mais il faut absolument revenir à une législation plus longtemps débattue, et donc plus légitime. N’oublions jamais que c’est la procédure d’examen et d’adoption d’une norme qui fonde sa valeur intrinsèque, avant même son contenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Madame la présidente, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière doit nous permettre de reconquérir une véritable justice fiscale, condition première de notre pacte républicain. C’est en ce sens que les députés du Front de gauche et l’ensemble du groupe GDR ont pleinement pris leur part au débat et à l’enrichissement de ce texte.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. C’est vrai !

M. Nicolas Sansu. Et même si nos deux chambres n’ont pu se mettre d’accord en commission mixte paritaire, ce qui retarde quelque peu la mise en œuvre des dispositions, il faut noter que la qualité de l’écoute, et des rapporteurs, et des ministres, a permis des avancées notables.

Aux mesures qu’il contenait initialement – aggravation des peines en cas de fraude fiscale, création d’un délit de fraude fiscale en bande organisée, possibilité de recourir à tout type de preuve, y compris illicite – sont venues s’ajouter des mesures essentielles comme l’allongement du délai de prescription de trois à six ans, une meilleure protection des lanceurs d’alerte, ainsi que des mesures contre les trusts, ces entités juridiques qui permettent de dissimuler les bénéficiaires des placements offshore.

Nous saluons également comme des avancées le renforcement de l’efficacité des contrôles fiscaux inopinés, la possibilité offerte aux douanes de recourir à des experts, l’amélioration du contrôle des prix de transfert, par la modification des obligations de documentation incombant aux entreprises, l’extension de l’obligation de déclaration des valeurs supérieures à 10 000 euros, à l’or et aux cartes prépayées, l’introduction de l’échange automatique d’informations comme critère d’inscription des pays sur la liste des États et territoires non coopératifs.

Nous nous réjouissons également de l’adoption d’amendements que nous avions proposés, tel celui sur la prévention de la fraude aux carrousels de TVA ou celui qui facilite les poursuites en matière de blanchiment. Ils permettent d’élargir l’éventail des instruments de poursuite et de sanction. Nous avons également eu la satisfaction de voir plusieurs des amendements de nos collègues sénateurs adoptés. La plupart reprenaient les préconisations de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France, conduite en 2012. C’est ainsi que des avancées ont été enregistrées en matière de sanction du blanchiment ou de lutte contre les logiciels dits « permissifs ».

Trois dispositions majeures – possibilité pour les associations de se constituer parties civiles, possibilité de recourir aux techniques spéciales d’enquête, création du procureur de la République financier – sont rétablies et nous nous en réjouissons.

Si ces avancées sont consolidées dans le texte qui nous est proposé, nous n’approuvons pas l’initiative de la commission, qui a jugé bon de supprimer l’article qui ajoute la comptabilité analytique des implantations de l’entreprise dans chaque État ou territoire aux obligations de documentation qui incombent aux grandes entreprises afin de justifier de leur politique de prix de transfert dans le cadre de vérifications de comptabilité par l’administration fiscale. Nous ne sommes pas opposés à ce que nous réfléchissions ensemble à une meilleure rédaction de cet article en loi de finances, mais rien ne nous semble justifier sa suppression.

Cette remarque m’invite à évoquer les quelques insuffisances du texte et les initiatives qui peuvent être prises dans le cadre législatif. Dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, de nombreuses avancées doivent aujourd’hui s’inscrire dans le cadre européen et international. La capacité de coopération internationale se heurte toutefois à d’importants obstacles, dès lors que l’on franchit le stade des déclarations d’intention. D’une part, en effet, les multinationales et les acteurs financiers les plus puissants font pression sur les gouvernements afin de leur arracher des régimes fiscaux dérogatoires. D’autre part, la coopération internationale se heurte aux divergences entre les systèmes fiscaux nationaux qui sont la traduction de la concurrence fiscale, de sorte que l’on ne voit quelle issue nous pourrions trouver en dehors d’une harmonisation exigeante des normes fiscales européennes.

M. Jacques Bompard. Tout à fait !

M. Nicolas Sansu. L’OCDE plaide de son côté pour une mise en œuvre d’ici deux ans d’un plan d’action s’articulant autour de quinze mesures techniques. Elles visent, de l’aveu de son secrétaire général, Angel Gurria, à remédier aux lacunes d’un système de règles internationales qui, pour beaucoup, datent de près d’un siècle et qui, à l’instar des règles relatives à la prohibition de la double imposition, permettent aujourd’hui de fait à certaines entreprises de bénéficier d’une double exonération. Les ministres des Finances du G20 se sont engagés « à lutter contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices » et à promouvoir « un modèle vraiment mondial d’échanges automatiques d’informations multilatéraux et bilatéraux ». Aucun calendrier n’a toutefois été fixé : cela pourrait nous conduire à douter de la volonté réelle des instances internationales, enferrées dans leurs dogmes néolibéraux.

La France doit donc continuer à peser de tout son poids dans les négociations internationales et auprès de ses partenaires européens pour obtenir des avancées concrètes. Mais elle peut encore améliorer, comme je l’indiquais, sa propre législation et faire preuve de davantage d’audace.                

C’est pourquoi nous souhaitons, comme d’autres, que le présent projet de loi offre plus de souplesse au plan procédural. Le monopole du ministre du Budget sur les poursuites consécutives à des signalements en matière de fraude fiscale n’est pas satisfaisant dans la situation que nous connaissons, où la dérive de la finance s’est considérablement accélérée et complexifiée.

Si nous comprenons les raisons qui motivent la volonté légitime de l’administration fiscale de récupérer les sommes à travers des transactions, nous ne devons pas oublier que l’administration fiscale peut être tentée de reculer devant les gros contentieux, au profit de transactions, comme cela a été dit en commission des finances. Une telle démarche n’est pas satisfaisante au regard du discours de fermeté qui doit être le nôtre aujourd’hui.

Permettez-moi également de pointer une contradiction : la mise en œuvre du texte ne s’accompagne d’aucun moyen nouveau en termes de personnels et, compte tenu du rôle joué par la technologie, de peu de moyens matériels. On ne peut prétendre lutter toujours plus efficacement contre la fraude et se féliciter par ailleurs du recul des crédits du ministère des Finances, lequel a déjà perdu plus de 15 % de ses effectifs en dix ans. Oui, c’est vraiment une faiblesse, au regard de la volonté affichée.

Mes chers collègues, la fraude et l’évasion fiscales sont des sujets évidemment essentiels. Comme je l’indiquais en première lecture, ils ne sont pas le produit d’une déviance de certains particuliers ou de certaines entreprises, c’est le cœur même du système capitaliste financier actuel.

M. Pascal Cherki. Très juste !

M. Nicolas Sansu. Toutes les multinationales, toutes les banques ou presque ont recours aux centres offshore pour échapper à l’impôt ou proposer aux plus fortunés de le faire.

Si l’on ajoute à la fraude proprement dite les techniques d’optimisation agressive de certaines grandes entreprises, au moyen notamment de la manipulation des prix de transfert, ce seraient 60 à 80 milliards qui s’évaporeraient sous l’effet de la fraude ou de l’optimisation. Pour l’Europe, le Parlement européen estime à 1 000 milliards d’euros les sommes qui font défaut dans les caisses des pays de l’Union.

Faire cesser ce vol organisé à grande échelle, c’est faire œuvre de salubrité publique. C’est la raison pour laquelle nous voterons le présent texte, même si la lutte contre ce fléau économique est loin d’être achevée. Car ce que traduit l’ampleur de l’évasion fiscale, c’est le gigantesque mécanisme de confiscation des richesses que suppose une économie fondée sur la rente et sur l’exigence de retours sur investissements de l’ordre de 15 %.

Libérer les entreprises, les salariés, la société, les collectivités publiques du joug de la rente et liquider celle-ci plutôt que de nous laisser asphyxier par elle, telle doit être aujourd’hui notre ambition collective. C’est la seule voie qui permette d’allier efficacité économique et justice sociale.

À l’heure où les libéraux dénoncent le coût du travail, il n’est pas inutile de rappeler en effet ce que coûtent à notre économie les dividendes versés aux actionnaires, ce que représente le coût du capital. Thomas Piketty, que beaucoup connaissent bien sur ces bancs, a constaté que la rente du capital – intérêts, dividendes, loyers, plus-values – rapporte, en net, sur le long terme près de 5 % par an et dépasse durablement la croissance économique, qui plafonne autour de 1 % l’an. Diviser aujourd’hui par deux les dividendes libérerait 120 milliards d’euros pour les investissements productifs, créerait de l’emploi, permettrait de financer la protection sociale et de diminuer le déficit de l’État.

Nous savons tous qu’une grande part des intérêts et dividendes versés par les entreprises aux prêteurs et aux actionnaires ne renvoie à aucun service économique rendu. Une étude réalisée par les économistes du centre lillois de recherche sociologique et économique a montré que les exigences des actionnaires et des investisseurs institutionnels en termes de rentabilité imposent un surcoût systématique de 70 % aux projets d’investissement.

C’est à ce gigantesque gaspillage de richesses, source de dégâts sociaux et environnementaux, source d’une explosion des inégalités, que nous devons mettre un terme. Vous pouvez compter sur notre détermination à rester mobilisés dans les mois et les années qui viennent pour faire reculer les pratiques financières prédatrices, dont l’évasion et l’optimisation fiscales ne sont qu’un aspect. Dans cet esprit, les députés du Front de gauche et tous les membres du groupe GDR voteront ces projets de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques mots au sujet de ce texte empreint de qualités.

C’est tout d’abord un texte démocratique, parce qu’il rend possible l’intervention des associations qui ont pour finalité la lutte contre la corruption et la fraude fiscale. C’est dire qu’il permet l’intervention des citoyens en dehors de toute opération publique, de toute intervention gouvernementale : il fait porter un regard citoyen sur des opérations fiscales qui sont un coup de couteau dans le pacte social qui nous lie tous.

C’est un texte démocratique également parce qu’il prévoit un compte rendu de la commission des infractions fiscales. Ce qui est reproché habituellement à l’administration fiscale – son opacité – est de ce fait atténué par le regard que les parlementaires pourront porter sur ces transactions. Ainsi ne pourront-ils se dire que l’on ramène dans les filets les petits poissons tandis que les gros poissons transigent.

C’est par ailleurs un texte efficace : il prévoit évidemment l’apport d’informations, car il n’y a pas de répression sans information. A cet égard, la protection des lanceurs d’alerte et des repentis est organisée.

C’est aussi un texte habile, puisqu’il étend des dispositions procédurales extrêmement efficaces et contraignantes en prévoyant la création d’un délit de fraude fiscale en bande organisée. Cela n’a l’air de rien mais permet d’ouvrir des enquêtes approfondies, de mettre en place des écoutes téléphoniques, de prévoir des gardes à vue…

C’est à cet égard un texte efficace parce qu’il tranche définitivement la question de la preuve en permettant que serve de preuve tout document fondé, quand bien même son origine serait frauduleuse.

C’est un texte fondateur, puisqu’il met en place un procureur financier qui devra trouver comment articuler son action avec celle du procureur de Paris, mettre en œuvre cette compétence concurrente et faire en sorte que cette concurrence soit un gage d’efficacité et non de discorde.

C’est un texte enfin qui est réaliste : on a su éviter un débat théorique sur la question du verrou fiscal et sur le point de savoir si les poursuites devaient être réservées au procureur ou si au contraire l’administration fiscal devait y trouver sa place. Nous savons tous aujourd’hui que l’efficacité est plutôt du côté de l’administration fiscale ; nous savons aussi que, certes, la publicité et le caractère contradictoire sont du côté de la justice, mais que les moyens de la justice ne sont pas au niveau de ceux du fisc, ce que nous regrettons tous aujourd’hui. Néanmoins, il est réaliste d’apprécier la situation comme on l’a fait.

La métaphore halieutique ayant été employée très fréquemment, je dirai qu’à l’évidence il s’agit avec ce texte d’un filet, d’un chalut de grande qualité. Il reste maintenant à armer le chalutier pour ramener sur la terre ferme les poissons qui avaient cru pouvoir s’échapper. Notre collègue Éric Alauzet estimait qu’ensuite il faudrait s’attaquer à l’évasion fiscale pour prendre de plus gros poissons, en particulier ceux qui profitent de la fiscalité numérique. Peut-être que le bruit du chalutier qui s’approchera rendra les gros poissons citoyens : c’est ce que nous pouvons tous espérer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Sur ces textes qui nous sont soumis en deuxième lecture, les débats qui se sont tenus au Sénat ont été particulièrement instructifs. Le groupe UMP se félicite de la sagesse des sénateurs qui ont conservé l’essentiel du texte relatif à la lutte contre la fraude fiscale, mais qui, partageant l’avis de l’UMP, ont écarté la création du procureur financier.

S’agissant de la lutte contre la fraude, il faut saluer le long cheminement qui, depuis les années 1970, a permis, afin de lutter contre la fraude fiscale, d’améliorer les dispositifs du droit fiscal – qui, je le rappelle, dans notre droit est un droit autonome –, mais aussi les dispositifs de procédure pénale.

Le jeu politique veut parfois que, dans l’opposition, on n’accepte pas certaines mesures pour des raisons de posture. On en voit deux exemples dans ce texte – mais je ne voudrais pas remuer le couteau dans la plaie !

C’est d’abord l’excellente disposition prise sous l’autorité d’Éric Woerth dans le Gouvernement Fillon de créer cette brigade nationale de répression de la fraude fiscale. Alors que l’administration fiscale était démunie de moyens judiciaires, on lui en donnait : des commissions rogatoires, l’accès à des dispositifs de suivi et d’écoute, une meilleure coordination avec l’administration des douanes, une meilleure entente avec les parquets…

À l’époque, l’opposition avait voté contre. Aujourd’hui, vous proposez de faciliter le fonctionnement de cette brigade en se passant de l’avis de Bercy pour sa saisine : c’est une très bonne chose et le Sénat l’a maintenue.

Second exemple de mesure sur laquelle nous avons divergé à une époque : l’importance des sanctions pénales – montant des amendes et peines d’emprisonnement. En l’état, dans le cas d’une fraude avec circonstances aggravantes – utilisation de comptes à l’étranger, manoeuvres diverses, autant de points que vous avez détaillés, madame la garde des sceaux –, les peines encourues sont de cinq ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amendes. Vous proposez de les porter respectivement à sept ans et 2 millions.

Mme Nathalie Nieson. Très bien !

M. Étienne Blanc. Vous acquiescez, chère collègue mais, l’important, c’est de savoir ce que la justice fait des textes que nous lui confions.

M. Gilles Carrez. Écoutons la suite !

M. Étienne Blanc. Les commissions des finances et des lois ont ainsi lancé des recherches afin de savoir comment les magistrats utilisent les textes. Nous nous sommes aperçus que seulement deux ou trois personnes sont à ce jour incarcérées…

M. Gilles Carrez. Une seule, dont on dit qu’il s’agit d’un ancien inspecteur des impôts.

M. Étienne Blanc. Je n’osais pas le dire devant M. le ministre du budget et des comptes publics.

Seules deux personnes, me semble-t-il, sont en fait incarcérées. De la même manière, aucune peine maximale n’a jamais été prononcée contre ce genre de délinquant, et Dieu sait que quelques uns ont été attrapés, fort heureusement d’ailleurs !

Votre politique est faite d’affichage et de posture, de velléités et de pétitions de principe.

M. Gilles Carrez. C’est sympathique…

M. Étienne Blanc. Vous donnez un peu plus de champ et de liberté aux magistrats, mais je ne suis pas sûr que cela changera profondément la situation.

Reste un point, qui a été très discuté au Sénat : la possibilité que l’article 1er donne à des associations agréées de se constituer parties civiles. Nos collègues sénateurs ont refusé ce dispositif et je crois qu’ils ont soulevé là une vraie question à laquelle je souhaite, madame la garde des sceaux, que vous répondiez précisément durant notre discussion.

Dans un certain nombre de domaines, je songe par exemple au droit de l’urbanisme, d’aucuns se plaignent aujourd’hui des excès et des dérives d’associations qui utilisent la possibilité qui leur est offerte de saisir, en l’occurrence, la juridiction administrative. Je crois même, d’ailleurs, que dans des textes à venir vous envisagez de réduire les possibilités qu’ont ces associations d’agir contre un permis de construire et de retarder parfois ainsi – le maire que je suis peut le certifier – une construction de logements sociaux.

Avec ce projet, vous allez permettre à des associations de déposer une plainte et d’initier la procédure pénale en matière de fraude fiscale. Or, c’est un domaine dans lequel historiquement et traditionnellement on a voulu protéger les contribuables, qu’ils soient particuliers ou entreprises, par un dispositif autonome du droit fiscal et par des procédures très spécifiques. Et vous, vous ouvrez le champ pénal, et vous le confiez à des associations ! Il serait bienvenu en la matière de poser des garde-fous…

M. Gilles Carrez. Il a raison.

M. Étienne Blanc. …pour éviter que dans x années nous ne constations un détournement de procédure car ce qui est vrai dans le domaine de la construction peut l’être aussi dans le domaine fiscal et porter de graves atteintes à des libertés individuelles par le détournement de cet objectif louable qu’est la lutte contre la fraude fiscale. S’agissant de cet article 1er, nous devons donc faire preuve, comme le Sénat, d’une grande prudence.

Vous le savez, mon groupe est très opposé à la création du parquet financier pour toute une série de raisons.

Tout d’abord, vous arguez de la nécessité d’une autonomie plus grande du parquet dans ce domaine. Cela signifie-t-il que le procureur de Paris ne dispose pas d’une telle autonomie ? Il l’a, y compris dans le domaine fiscal, y compris pour lutter contre la grande délinquance économique !

En outre, si vous aviez vraiment souhaité une autonomie complète, il aurait alors fallu créer une juridiction spécialisée comme en Espagne, en Italie ou dans d’autres pays. Tel est le bout du bout du raisonnement sur l’autonomie, or, vous vous arrêtez à mi-chemin. Je ne suis pas sûr que l’argument de l’autonomie soit probant.

Vous dites également que la lutte contre la fraude fiscale doit être incarnée et que lorsqu’un procureur en sera chargé, le fraudeur aura beaucoup plus conscience des risques qu’il prend. Cela signifie-t-il, par exemple, que la lutte contre le terrorisme doit aussi s’incarner sous les traits d’un procureur dans le cadre d’un parquet spécialisé ? Faudrait-il créer autant de procureurs spécialisés qu’il y a de sujets difficiles à traiter sur le plan judiciaire ? Je ne le crois pas, et cet argument ne tient pas.

Enfin, je crains que vous ignoriez toujours ce qu’est la réalité de la lutte contre la fraude fiscale. Les Groupes d’intervention régionaux – GIR – constituaient une bonne réponse. En effet, la fraude fiscale se découvre souvent au cours d’une enquête concernant des faits plus banals de carambouilles, d’escroqueries, d’abus de confiance. Les investigations que mène un parquet dans le cadre d’un GIR, en s’associant donc avec d’autres services, permettent alors de découvrir la fraude fiscale.

Je crains que la spécialisation du procureur de Paris, même si vous allez dire que cela ne concernera que les affaires les plus importantes, ne prive la puissance publique de moyens permettant de lutter réellement contre la fraude fiscale. Ces affaires étant souvent complexes et transversales, la spécialisation ne me semble pas une bonne chose.

En disant cela, madame la garde des sceaux, je ne répète ni plus ni moins que ce qu’ont dit tous les magistrats du parquet qui ont été auditionnés dans cette maison et au Sénat.

M. Gilles Carrez. C’est vrai.

M. Yann Galut, rapporteur. Vous auriez dû assister aux auditions !

M. Étienne Blanc. Je ne connais ni syndicats, ni associations, ni magistrats connus et réputés qui aient défendu cette proposition de création d’un parquet financier.

M. Yann Galut, rapporteur. Si vous étiez venu, vous auriez constaté que cela n’est pas exact !

M. Étienne Blanc. Je n’en ai pas entendu, monsieur le rapporteur. En revanche, j’ai reçu beaucoup de courriers, j’ai lu avec grande attention les considérations des syndicats à ce propos, quelle que soit leur tendance, et je n’ai pas trouvé de défenseur puissant de la création d’un parquet financier – mais sans doute êtes-vous plus instruit que moi dans ce domaine.

Vous le savez, madame la garde des sceaux, une lutte plus efficace contre la fraude fiscale suppose de renforcer les moyens de police, d’investigation et de surveillance. J’entends déjà votre argument selon lequel le Gouvernement précédent les a diminués.

Mme Nathalie Nieson. C’est vrai !

M. Étienne Blanc. Ce n’est pas vrai dans tous les domaines, y compris dans ce secteur-là où les services ont bénéficié de moyens puissants, modernes et nouveaux.

Enfin, et je terminerai par là, la politique de lutte contre la délinquance doit être cohérente, madame la garde des sceaux.

J’ai appris que vous aviez confié à un magistrat connu, M. Nadal, une mission sur l’avenir du ministère public et que vous lui aviez notamment demandé de travailler sur l’option d’un rapprochement des parquets généraux avec les parquets sièges de cour d’appel. Cela signifie, selon moi, que votre politique consiste d’un côté à lutter contre des infractions par la fusion et le regroupement des moyens judiciaires et des parquets et, de l’autre, à opérer une sectorisation en renforçant l’autonomie dans le domaine fiscal. J’y vois là, mais vous me répondrez sans doute, une certaine incohérence de la politique de la chancellerie dans la lutte contre la fraude comme, hélas, dans bien d’autres domaines où la cohérence ne compte pas forcément au nombre des vertus cardinales de votre ministère.

C’est la raison pour laquelle le Groupe UMP votera contre ce texte,…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quelle tristesse, sur un sujet pareil !

Nous survivrons…

M. Étienne Blanc. …même si nous sommes d’accord s’agissant des moyens de lutte contre la fraude et de leur renforcement. En revanche, nous pensons qu’avec la création de ce parquet financier, vous ne travaillez pas dans le bon sens et que cette action sera contre-productive au regard de l’objectif que vous poursuivez.

M. Gilles Carrez. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, ces projets de loi sont justes, nécessaires et efficaces.

Ils sont justes, parce que la fraude fiscale est un vol à l’encontre des finances publiques. C’est un vol contre tous les Français, contre tous ces contribuables qui accomplissent leur devoir fiscal sans louvoyer, même quand cela leur demande des sacrifices.

Pendant trop longtemps, d’autres gouvernements, et quoi qu’on en ait dit, se sont rendus complices de ces agissements en détournant le regard. Nous voulons aujourd’hui lutter contre la délinquance fiscale et économique avec autant de fermeté que celle que nous employons à nous mobiliser contre les actes de violence et les atteintes aux biens.

Tel est le sens de ces textes ambitieux.

Je m’étonne que ceux qui pourfendent le prétendu laxisme du Gouvernement en matière de sécurité trouvent aujourd’hui autant de prétextes – et l’on vient encore d’en entendre – pour s’opposer à des dispositions qui mériteraient un consensus républicain.

M. Yann Galut, rapporteur. Très bonne remarque !

M. Pascal Popelin. Nos collègues de l’opposition, une fois de plus, n’ont pas réussi à se départir d’une posture par trop partisane, même si j’ai bien noté le ton modéré des orateurs d’aujourd’hui, les autres n’étant pas là…

Bien sûr, ils affirment qu’ils sont d’accord quant au principe du renforcement de la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance financière. Mais, concrètement, ils sont réticents à l’idée de toute modification de la législation visant à permettre de mener cet objectif à bien.

Nous proposons d’alourdir le système de sanction à l’égard des délits de fraude, de renforcer les moyens d’investigation et de détection à la disposition de l’administration et ils estiment, comme ils l’ont dit en commission, que l’arsenal juridique d’aujourd’hui est largement suffisant alors qu’il n’a produit que peu d’effets.

Nous proposons des dispositifs complets, s’attaquant à toutes les racines du problème, à la hauteur de la technicité et de l’inventivité dont font preuve les délinquants fiscaux et ils dénoncent des mesures par trop complexes, illisibles pour nos concitoyens, voire attentatoires aux libertés individuelles.

En plaidant en faveur du statu quo, je crains que la droite ne trahisse son attachement à un système qui, en l’état, protège des délinquants dont les contribuables qui payent les impôts sont les premières victimes.

Mme Annick Girardin. En effet.

M. Pascal Popelin. Améliorer notre arsenal de lutte et de sanction contre la fraude fiscale n’est pas seulement juste, c’est aussi nécessaire. Cette dernière prive chaque année l’État de plusieurs dizaines de milliards d’euros – 60 à 80 milliards selon les estimations. De tels ordres de grandeur, pour nos concitoyens, peuvent rendre difficile la mesure de l’enjeu. Mais la discussion budgétaire que nous nous apprêtons à engager au cours des prochaines semaines offre, en ce sens, un éclairage éloquent. Pour poursuivre la remise sur la bonne trajectoire, pour redresser les finances publiques de la France, après une décennie et en particulier un quinquennat d’errements graves, il faut réduire le déficit de l’État de 20 milliards en 2014. Dans ce contexte, nul besoin d’être un fin analyste financier pour comprendre tout l’intérêt qu’il y a à cesser de laisser le produit de la fraude s’évanouir dans les paradis fiscaux.

Enfin, il est efficace de légiférer dans ce domaine. En un an, nous avons déjoué tous les pronostics d’échec que l’opposition s’était empressée d’annoncer. On nous prédisait un coup d’épée dans l’eau. Plus d’un millier de contribuables se sont spontanément signalés au fisc, dès l’annonce d’un risque plus grand d’être pris et de sanctions plus lourdes. Comme je ne crois pas à une manifestation spontanée de générosité envers nos finances publiques et le Gouvernement qui a aujourd’hui la redoutable charge de les redresser, j’en déduis que c’est la peur du gendarme qui a permis de récupérer en quelques mois des sommes déjà supérieures aux montants recouvrés par l’administration fiscale au cours de ces deux dernières années.

On arguait aussi de l’isolement de la France dans ce combat, augmentant par là même le risque de phénomène d’évaporation. Le processus de coopération à l’échelle européenne et mondiale pour faire partout reculer la délinquance économique et financière est pourtant bien engagé, comme en attestent les conclusions de tous les sommets internationaux qui se sont tenus dans la période récente.

L’initiative du chef de l’État sur ce sujet était présentée comme la preuve de sa naïveté voire de son incompétence. Sa détermination à amener nos partenaires sur la voie d’une action coordonnée a pourtant été décisive. Il a ainsi fait la preuve que le volontarisme politique n’est pas une douce rêverie.

Voilà pourquoi, même si les uns et les autres avons bien conscience que beaucoup reste à faire pour mettre un terme à cette forme de délinquance en col blanc, ces projets de lois, qui constituent de bons outils pour progresser, bénéficient du soutien du Groupe socialiste, républicain et citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut, rapporteur. Excellente intervention !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, par ce projet de loi, le Gouvernement affirme sa volonté de lutter contre la fraude fiscale.

M. Christian Eckert. Eh oui !

M. Jacques Bompard. Qui ne le voudrait pas ? Ce texte présente cependant un certain nombre de lacunes, qui sont, à mon avis, le fruit d’une méconnaissance de la situation réelle.

M. Christian Eckert. Mais non !

M. Jacques Bompard. De ce fait, les objectifs poursuivis, qui sont tout à fait louables, ne seront certainement jamais atteints, et ce texte loi va seulement venir grossir l’immense collection de lois inutiles que possède la France.

Comme souvent, sauf quand il s’agit de voyous ou d’immigrés clandestins,…

M. Christian Eckert. On dirait Fillon !

M. Jacques Bompard. …le Gouvernement a choisi la répression pour remédier au problème. En introduisant des circonstances aggravantes pour les fautes les plus graves, le texte du projet de loi prévoit des peines allant jusqu’à 2 millions d’euros d’amende et sept ans d’emprisonnement. Il y a effectivement de quoi faire réfléchir ceux qui seraient tentés par la fraude…

Mme Annick Girardin. C’est précisément le but du texte !

M. Jacques Bompard. Mais pour appliquer ces peines, encore faut-il que les véritables coupables soient confondus. Vous prévoyez certes la création d’un Office central de lutte contre la corruption et la fraude fiscale – une sorte de police fiscale – auquel vous donnez de nouveaux moyens, comme les techniques spéciales d’enquête ou l’utilisation de preuves obtenues illégalement. Mais que pouvez-vous espérer de ces méthodes, si vous n’orientez pas davantage votre action sur l’aspect international ?

Si en France l’arsenal de lutte contre la fraude fiscale est assez complet au niveau individuel, il n’en va pas de même concernant les entreprises internationales. En effet, dans le cas de fraudes massives, vous savez bien que le combat doit se faire d’abord et avant tout sur le plan international. Or je ne vois pas dans votre texte d’armes véritables, témoignant de votre volonté de lutter contre la fraude internationale. S’agissant par exemple de l’escroquerie au crédit d’impôt, on peut se demander si les lampistes ne seront pas sévèrement poursuivis et les gros fraudeurs, comme souvent, oubliés.

Ce combat contre la fraude fiscale nous amène à nous poser la question de l’efficacité de notre système fiscal. La France est championne du monde en fiscalité : le taux de prélèvements obligatoires atteint chez nous un niveau confiscatoire. Avec ce matraquage fiscal, aggravé sans relâche et avec beaucoup d’imagination par le pouvoir, la France est hors-jeu face à la concurrence fiscale de nos voisins européens. À titre d’exemple, selon la Commission européenne, la France possède le taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés le plus élevé d’Europe. Comble de l’injustice, les PME sont imposées en moyenne à hauteur de 22 % de leurs bénéfices, alors que les multinationales du CAC 40 ne le sont qu’à hauteur de 8 % en moyenne. Cherchez l’erreur ! Non seulement votre politique provoque l’exil fiscal des grandes entreprises, celles qui peuvent le faire le plus facilement,…

M. Christian Eckert. Il y a un héritage !

M. Jacques Bompard. …mais elle incite même à la fraude les entreprises restées sur le territoire national.

Les contribuables – et c’est cela le plus grave – ont de plus en plus la conviction que l’État les spolie et les vole et que l’impôt est injuste. Comment s’étonner alors que la fraude fiscale se généralise ?

M. Christian Eckert. Et voilà ! Cela va être de notre faute !

M. Éric Alauzet. C’est scandaleux !

M. Jacques Bompard. La France est perdante sur tous les fronts : d’une part, les recettes fiscales diminuent, d’autre part, la France perd des emplois du fait des délocalisations fiscales. Par ailleurs, ce projet de loi ajoute encore trente-deux pages de loi au corpus immense que possède notre pays. Le but de ce Gouvernement, comme des précédents d’ailleurs, est d’ensevelir les citoyens sous un flot de normes. Comment se porte une démocratie dont les habitants, et même les spécialistes, ne peuvent pas connaître, car cela est impossible, leurs propres lois ?

Le meilleur moyen de lutter contre la fraude fiscale est d’abord l’exemplarité, à tous les niveaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre, dernier orateur inscrit.

M. Dominique Lefebvre. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, la fraude fiscale et la grande délinquance financière mettent en cause la légitimité de l’impôt et sapent donc l’un des fondements de notre république. Lutter contre la fraude fiscale est à la fois un impératif social, une exigence démocratique et une nécessité économique, surtout dans cette période de crise des finances publiques. Je suis donc d’accord avec notre collègue Philippe Vigier, qui appelait au rassemblement sur tous les bancs de nos deux assemblées. Je constate que ce n’est pas encore tout à fait le cas, je le regrette et j’espère que nous y parviendrons au terme de cette nouvelle lecture.

Comme mes prédécesseurs, je veux saluer la grande convergence de vues qui s’est exprimée entre notre assemblée et le Sénat. Elle s’est traduite par un nombre important d’articles votés conformes – plus de la moitié – et par des ajouts de nos collègues sénateurs qui enrichissent le texte et le confortent, notamment en matière de renforcement des moyens d’action des administrations fiscales et douanières. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui engrange donc ces acquis.

Mais le Sénat a aussi fortement restreint la portée du texte sur certains points, au risque de le priver de toute son efficacité, que ce soit en matière de recevabilité des preuves pour l’administration fiscale et les douanes, de recours aux techniques spéciales d’enquête, ou de possibilité offerte aux associations de lutte contre la corruption de se porter partie civile, ou que ce soit, bien évidemment, par la suppression du procureur financier de la République.

Mes chers collègues, la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière doit poursuivre trois objectifs qu’il nous appartient de conjuguer de la manière la plus efficace et la plus transparente possible. Le premier, c’est bien évidemment de prévenir la fraude fiscale et la grande délinquance financière quand cela est possible et, quand ce n’est pas le cas, de se donner les moyens de les poursuivre plus efficacement. Les dispositions que les sénateurs ont supprimées portaient sur ces possibilités de poursuite, qu’il nous faudra donc réintroduire. Le deuxième objectif consiste à renforcer les sanctions applicables, pas seulement pour dissuader, mais aussi pour mieux proportionner – car il s’agit d’une exigence démocratique – la sanction au préjudice subi par la société. Je crois qu’un large consensus existe sur ce point. Le troisième objectif, enfin – les députés de la commission des finances partagent ce souci avec le ministre du budget –, est de faire rentrer le plus efficacement et le plus rapidement possible dans les caisses de l’État les sommes détournées.

Je me félicite donc que la commission des lois ait réintroduit, parfois d’ailleurs à l’initiative de la commission des finances, des dispositions votées par notre assemblée en première lecture. Comme les rapporteurs, je les juge indispensables à la cohérence, à l’équilibre et à l’efficacité de ce dispositif de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière que nous entendons renforcer.

J’estime par ailleurs que notre texte est arrivé à un bon équilibre, s’agissant des relations entre l’administration fiscale et la justice. Il se matérialise par de nombreuses dispositions, et notamment par l’obligation qui est faite à l’administration fiscale d’informer la justice des suites données aux informations transmises par cette dernière. À travers ces dispositions, introduites à l’initiative de notre collègue Sandrine Mazetier, nous améliorerons les relations entre la justice et l’administration fiscale et nous renforcerons la transparence des poursuites pénales engagées en cette matière

Continuer à opposer l’administration fiscale et la justice et évoquer, comme certains de nos collègues l’ont fait, ce qu’on appelle communément, mais injustement, le « verrou de Bercy », c’est non seulement inutile, mais même dangereux, notamment au regard du troisième objectif que j’ai rappelé, à savoir récupérer le plus vite possible, et en totalité, les sommes soustraites. Je pense que nous devrons en rester au dispositif adopté en première lecture.

Chers collègues, nous avons tous conscience des ravages que peuvent causer la fraude et l’évasion fiscales : elles constituent une difficulté dans la crise des dépenses publiques que nous connaissons, mais posent également un problème vis-à-vis de nos concitoyens. Nous savons qu’il est nécessaire de lutter plus efficacement encore contre ces pratiques qui privent les finances publiques des ressources nécessaires et minent notre cohésion sociale. Nous savons aussi la difficulté de la tâche et nous devons avoir en permanence à l’esprit cet adage de Georges Pompidou : « La fraude est à l’impôt ce que l’ombre est à l’homme ».

Nous ne devons pas nous priver de ce texte, qui n’est qu’un texte parmi d’autres, après ceux que nous avons adoptés dans le cadre de la loi de finances rectificative en 2012 et dans le projet de loi de finances de 2013, et avant les dispositions que nous adopterons, notamment en matière d’optimisation fiscale, dans le projet de loi de finances pour 2014, à la suite des travaux de la Mission d’information parlementaire confiée à nos collègues Pierre-Alain Muet et Éric Woerth.

Bien qu’il soit pratiquement impossible de vouloir l’éradiquer, gageons ensemble que l’adoption de ce projet de loi permettra de resserrer l’étau sur les fraudeurs et les délinquants financiers et qu’il rendra ainsi service à notre république. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d’abord vous remercier pour la qualité de vos interventions et pour votre contribution au débat, qui a permis, au moment où nous abordons la nouvelle lecture de ce texte important – puisqu’il témoigne de la volonté du Gouvernement et des pouvoirs publics de s’engager dans la lutte contre la fraude fiscale – d’apporter sur ce texte des éclairages utiles et enrichissants.

Je voudrais d’abord insister, pour répondre à un certain nombre d’orateurs, sur le fait que le Gouvernement est déterminé à engager à tous les échelons, à tous les niveaux, la lutte contre la fraude fiscale. Il a été évoqué tout à l’heure la nécessité de nous armer au plan international et européen. L’action du Président de la République, les initiatives qu’il a prises, et qui ont été relayées dans les instances européennes et internationales par le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, auront contribué à pousser un certain nombre de feux utiles pour renforcer l’efficience de notre action.

Je pense notamment à la volonté de mettre en œuvre au sein de l’Union européenne des conventions automatiques d’échange d’informations. Elles ne prévalent pas encore aujourd’hui, parce qu’un certain nombre de pays de l’Union européenne résistent à communiquer à leurs partenaires européens les informations dont ils disposent concernant la localisation de comptes de ressortissants européens à l’étranger. Nous devons généraliser ces conventions automatiques d’échange d’informations et convaincre les pays européens qui ne le sont pas encore de l’intérêt qu’aurait l’Europe à apparaître, sur le plan international, comme exemplaire. Il n’y aura pas de grand marché intérieur, fonctionnant de façon optimale, si nous ne parvenons pas à mettre en place ces conventions automatiques d’échange d’informations.

Nous souhaitons également que l’Europe puisse être à l’initiative de l’élaboration d’une liste des États et territoires non coopératifs, c’est-à-dire une liste des paradis fiscaux, qui témoignerait de la volonté de l’Union européenne de ne rien concéder à ces montages opaques qui font appel à ces paradis, eux-mêmes opaques, pour aider les contribuables, personnes physiques ou entreprises, à échapper à l’impôt. Nous voudrions aussi que l’Union européenne, forte de cela – des interrogations se sont posées à ce sujet et je veux vous assurer de notre détermination – ait l’ambition de faire signer des conventions de type FATCA avec les pays tiers de l’Union européenne, de manière que les fraudeurs, constatant la détermination de la communauté internationale à agir, acquièrent progressivement la conviction qu’ils ne pourront échapper à la sanction s’ils continuent à vouloir d’eux-mêmes se dispenser de l’impôt, en contravention avec le droit. C’était mon premier point, et je voulais y insister.

Mon deuxième point – et je tiens à remercier les deux rapporteurs, Sandrine Mazetier et Yann Galut, pour l’importance du travail qu’ils ont accompli en ce domaine – porte sur la détermination de l’administration de Bercy et de l’administration de la justice d’agir ensemble, afin qu’il n’existe entre elles aucun interstice, à l’intérieur duquel le fraudeur serait susceptible de se frayer un chemin. Nous ne devons pas lui offrir cette opportunité de défausse ou d’échappée belle.

Nous aurions tort d’opposer, d’une part, l’administration de Bercy à l’administration de la justice et, d’autre part, de vouloir priver la justice des moyens qu’elle peut légitimement demander pour poursuivre plus efficacement les délits que nous voulons sanctionner par cet texte. Je voudrais insister sur deux points.

D’abord il n’y a pas de raison d’opposer l’administration de Bercy à celle de la justice. Contrairement à ce que j’ai entendu à la tribune tout à l’heure, il n’y a pas d’un côté une administration efficace, qui veut poursuivre les fraudeurs pour récupérer immédiatement ce que le contribuable indélicat doit à l’administration, et de l’autre une justice inefficace qui témoignerait d’une forme de complaisance à l’égard de ceux qui auraient enfreint la loi. Cela ne correspond pas à la réalité : c’est la raison pour laquelle Mme la garde des sceaux et moi-même avons souhaité articuler nos efforts, mais aussi nos administrations, contre la grande tradition française qui consiste à les opposer l’une à l’autre. Il n’y a pas de verrous à Bercy, pas plus qu’il n’y a d’écrous dans l’administration de la justice. Il est vrai qu’il y en a (Sourires),

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quelques milliers…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …mais il n’y a pas d’écrou qui fermerait la porte aux dossiers que nous envoyons de Bercy et qui doivent faire l’objet d’une sanction pénale méritée. Il ne faut pas opposer nos administrations. À Bercy, il n’y a pas de verrous, mais une catapulte, qui envoie vers l’administration de la justice l’ensemble des dossiers qu’elle doit traiter. Comme des interrogations se sont exprimées sur ce sujet, j’ai indiqué dès le début de nos débats que nous devions améliorer la transparence quant aux conditions de traitement des dossiers d’infraction fiscale. Je trouve tout à fait normal que le Parlement soit saisi annuellement des conditions dans lesquels l’administration fiscale a eu à traiter les dossiers de fraude fiscale dont elle a eu à connaître.

Non seulement il est légitime que le Parlement ait à connaître des dossiers d’infractions fiscales que nous avons eu à traiter, mais nous devons également, dès lors qu’il existe des suspicions sur de possibles transactions et sur une possible opacité qui aurait pu les entourer, rendre chaque année un rapport au Parlement qui lui permettra de connaître le nombre de transactions effectuées, les conditions dans lesquelles elles ont été opérées, et le volume de fonds qui auront été récupérés par l’État au terme de ces transactions.

Elles ne sont rien d’autre que l’application par l’administration fiscale du droit voté par le Parlement et qui conduit l’administration fiscale, après que la fraude a été constatée, que l’impôt dû a été établi, que les pénalités dont le contribuable est redevable l’ont également été, à appliquer le droit voté par la souveraineté nationale, afin que celui qui doit à l’État une somme dont il a voulu se dispenser l’acquitte enfin dans des conditions transparentes, conformes à la législation. C’est la raison pour laquelle nous devons absolument fournir ces éléments à la représentation nationale annuellement, et ce dispositif sera un progrès à cet égard.

Ensuite, il arrive souvent que la commission des infractions fiscales ait à statuer sur les dossiers que nous lui transmettons avant que ceux-ci ne soient transmis à la justice, pour que la justice passe.

Des interrogations se posent sur le rôle de la commission des infractions fiscales. Il faut aussi, sur ce sujet, que la transparence prévale. Et nous nous sommes montrés ouverts, non seulement sur la composition de cette commission, mais aussi sur la possibilité de faire la transparence sur les décisions qu’elle prend et sur les critères à partir desquels elle les prend.

Il ne serait pas absurde d’ouvrir cette commission des infractions fiscales à des magistrats, afin que ceux-ci puissent aussi servir de lien entre l’administration fiscale et la justice pour fluidifier ce travail et articuler nos interventions.

Par ailleurs – second point sur lequel je voulais insister –, nous devons absolument tout mettre en œuvre pour que la justice ait les moyens de fonctionner. La création du parquet financier et les moyens qui lui seront alloués ont fait l’objet – sans trahir de secret – d’une discussion budgétaire entre la garde des sceaux et moi-même au moment de l’élaboration de son budget. Cela est de nature à permettre à la justice de mieux fonctionner et de disposer de moyens dont elle ne disposait pas jusqu’à présent. Et même si tout n’est pas affaire de moyens, on ne peut pas reprocher à la justice de ne pas faire aussi bien qu’elle pourrait le faire si elle disposait des outils pour bien faire.

La création de ce parquet, notre détermination à lui donner tous les outils dont il a besoin pour élucider les infractions de fraude fiscale les plus complexes et pour dénouer les montages les plus abscons – qui conduisent parfois des sociétés ou des personnes physiques à recourir à des trusts, des sociétés écran ou des paradis fiscaux pour échapper à l’impôt –, tout cela implique des moyens d’investigation et d’élucidation.

C’est la raison pour laquelle, monsieur Étienne Blanc, contrairement à ce que vous avez dit, nous avons voté la création de la police judiciaire d’enquête fiscale. Vous pourrez vérifier dans les archives des débats que cette police judiciaire d’enquêtes fiscales avait fait l’objet d’un amendement cosigné par Gilles Carrez et Didier Migaud à une époque où, sur des questions d’intérêt général, l’opposition et la majorité étaient capables de travailler ensemble. Les choses ont un peu changé depuis. Cet amendement porté conjointement par le rapporteur général de l’époque et le président de la commission des finances avait permis à l’Assemblée nationale, tous groupes confondus, de voter un texte d’intérêt général.

Si cette démarche, qui fut celle d’une autre époque, alors que l’opposition n’était pas la même, pouvait inspirer l’ensemble des composantes de l’Assemblée nationale lorsqu’il s’agit de questions d’intérêt général, le Gouvernement ne s’en fâcherait pas et accepterait ce concours utile avec beaucoup de satisfaction, car il s’agit de lutter ensemble contre la fraude fiscale.

D’ailleurs, comme vous l’avez constaté, monsieur Étienne Blanc, nous essayons de renforcer les moyens de lutte contre la fraude fiscale à travers la mobilisation d’outils qu’ont évoqués les rapporteurs : des moyens d’investigation supplémentaires, parfois intrusifs, à l’instar de ceux qui sont mobilisés sur les enquêtes judiciaires les plus complexes. Tout cela va dans le bon sens et doit nous permettre d’être plus efficaces.

Je voudrais profiter de cette séance pour évoquer la première qui nous a rassemblés autour de ce texte et pour rendre compte devant la représentation nationale, conformément aux engagements que j’avais pris alors, des conditions dans lesquelles s’opère la régularisation de ceux qui ont oublié au cours des dernières années de s’acquitter de leur devoir de citoyen en payant leurs impôts.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. Nous avons connu une épidémie d’amnésie !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’avais indiqué que nous souhaitions un dispositif extrêmement cadré, tout à fait transparent et dont la représentation nationale pourrait avoir à connaître des développements. J’avais notamment indiqué qu’il n’était pas question pour nous d’autoriser des contribuables qui avaient oublié de l’être par indélicatesse à venir devant l’administration fiscale par le truchement de leurs conseils, qui leur garantissaient l’anonymat.

Nous avions indiqué qu’il n’était pas question de mettre en place des structures spécifiques pour les VIP, destinées à accueillir dans des conditions câlinothérapeutiques qui ne se justifiaient pas des citoyens ayant oublié de payer leurs impôts. Non, c’est devant les services, dans des conditions de droit commun, et en aucun cas autrement que devait s’opérer cette mise en conformité au droit.

Nous avions également indiqué qu’il ne saurait y avoir de pouvoir discrétionnaire de l’administration fiscale à l’égard de ces contribuables, appliquant des tarifs particuliers selon leurs parcours et leur identité. La représentation nationale a voté des amendes et des peines, elles doivent s’appliquer dans les conditions de droit commun. J’ai d’ailleurs rendu public devant l’Assemblée nationale le barème qui s’appliquerait à ceux qui, dans les conditions de droit commun, devant les services existants, viendraient en toute transparence, sans anonymat, se régulariser devant l’administration fiscale.

M. Christian Eckert. C’est une première !

M. Pascal Cherki. Quel changement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D’ailleurs, je répète à ces contribuables qu’il est préférable qu’ils viennent maintenant, parce que la seule cellule que nous leur promettons n’est pas de régularisation s’ils ne viennent pas ! Il est temps de venir, ils peuvent encore le faire. Les résultats sont là : la circulaire a été prise le 21 juin dernier, le jour de l’été.

Mme Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis. Le jour de la fête de la musique !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le jour de la fête de la musique également, mais nul n’est venu avec tambours et trompettes ! (Sourires.) Les choses se font généralement discrètement. Nous avons donc pris cette circulaire le 21 juin. Depuis, nous avons précisément reçu 1 605 dossiers.

M. Yann Galut, rapporteur. C’est énorme !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Sur ces 1 605 dossiers, 420 ont été présentés à nos services au cours des quinze derniers jours. Nous avons ainsi, en huit semaines, reçu plus de dossiers qu’au cours des deux dernières années. Et le rythme des dépôts s’accélère.

J’avais entendu dire, avec Mme la garde des sceaux, que dès lors que nous mettions la transparence en place d’un côté et la sévérité de l’autre par ce texte de loi, nous ferions fuir tous ceux que plus de mansuétude aurait conduit à nous rejoindre. Il était d’ailleurs tellement évident que la mansuétude était plus efficace que certains avaient même préconisé des lois d’amnistie. Et comme l’amnistie pouvait éventuellement ne pas suffire pour ceux qui s’étaient égarés, il avait même été envisagé, pour ceux qui rapatriaient leurs avoirs et qui les réinvestissaient dans des entreprises,…

M. Pascal Cherki. De les rembourser !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …des conditions fiscales particulières qui étaient une forme de remerciement de l’État à l’égard de ceux qui avaient fraudé. Comme pour remercier les fraudeurs de la délicatesse de leur geste !

M. Christian Eckert. Quel scandale !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous avons mené une tout autre stratégie. Elle a consisté à mettre en place la transparence et, pour le cas où elle ne suffirait pas à convaincre, la sévérité. Parce que par le droit, par le travail du législateur, il est important, pour reprendre une formule du Président de la République « que la République rattrape ceux qui ont eu tendance à l’oublier. »

C’est ce que nous voulons faire avec ce texte, nous voulons faire en sorte que ceux qui ont oublié de payer leurs impôts, c’est-à-dire d’intégrer dans leur esprit le principe républicain d’égalité devant les charges publiques, voient la République se rappeler à eux. C’est le sens de ce texte.

Vos propos ce soir, très riches et très pertinents, ont témoigné que vous y adhérez. Je forme le vœu que notre débat sur les amendements soit l’occasion de l’enrichir encore car je sais que cela est possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite d’une nouvelle lecture du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron