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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du lundi 07 juillet 2014

SOMMAIRE

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Agriculture, alimentation et forêt

Discussion générale (suite)

M. Frédéric Roig

M. Guillaume Larrivé

M. Jean-Pierre Le Roch

M. Nicolas Dhuicq

M. Yves Daniel

M. Édouard Courtial

M. Dominique Potier

M. Jean Lassalle

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement

Discussion des articles

Article 1er

M. Nicolas Dhuicq

M. Joaquim Pueyo

M. Patrice Verchère

Mme Marie-Lou Marcel

Mme Annie Genevard

M. André Chassaigne

M. Guillaume Larrivé

M. Dominique Potier

Amendement no 132

M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques

Amendements nos 253 , 254 , 539 , 538 , 536 , 263 , 540 rectifié , 1299 rectifié (sous-amendement) , 257 , 542 , 258 , 259 , 1150 , 262 , 837 , 264 , 368 , 260 , 261 , 680 rectifié

Suspension et reprise de la séance

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 1318 , 252 , 102 , 209 , 318 , 434 , 840 , 1207 , 1270 , 137 , 1044

Article 2

M. Jean Lassalle

Amendements nos 133 , 1 , 50 , 841 , 843 , 265

Article 3

M. William Dumas

M. Jean Lassalle

Amendements nos 51 , 316 , 1046 , 1300 rectifié , 499 , 498 rectifié , 500 rectifié , 691 , 1303 , 268 , 384 , 1211 , 267 , 494 , 1304 rectifié , 708 , 79 , 1152 , 731 , 1302 , 1153 , 1316 rectifié , 52 , 642 , 644 , 53 , 1045

Article 4

M. Nicolas Dhuicq

Amendements nos 3 , 54 , 1159 , 1160 , 845 , 55 , 1154 , 526 , 56 , 848 , 678

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Agriculture, alimentation et forêt

Deuxième lecture (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par le Sénat, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (nos 1892 rectifié, 2066, 2050)

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de trois heures quarante-six minutes pour le groupe SRC ; cinq heures quarante et une minutes pour le groupe UMP ; une heure vingt-sept minutes pour le groupe UDI ; trente-neuf minutes pour le groupe écologiste ; vingt-trois minutes pour le groupe RRDP ; trente et une minutes pour le groupe GDR et douze minutes pour les députés non inscrits.

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Frédéric Roig.

M. Frédéric Roig. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, monsieur le rapporteur, chers collègues – peu nombreux pour l’instant, mais je ne doute pas que chacun aura dans quelques instants rejoint l’hémicycle –, nous sommes réunis pour débattre d’un projet de loi essentiel concernant l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui permettra de renforcer la vitalité de nos territoires.

Notre agriculture doit aujourd’hui relever un défi extraordinaire. Les agriculteurs vont devoir maintenir un niveau de production élevé pour pouvoir continuer à nourrir nos populations, tout en s’adaptant à de nouvelles normes environnementales et en préservant la qualité des produits. Notre alimentation dépend de ce savoir-faire, alors même que la profession rencontre un certain nombre de difficultés.

Il y a plus de soixante ans, George Orwell écrivait : « Nous pourrions bien nous apercevoir un jour que les aliments en conserve sont des armes bien plus meurtrières que les mitrailleuses. » Cette mise en garde doit demeurer à notre esprit, afin d’éviter les catastrophes sanitaires et alimentaires et de développer une agriculture agro-écologique. Il faut que la production de notre alimentation respecte les contraintes environnementales et sanitaires, tout en veillant à être viable économiquement pour l’ensemble des acteurs de la filière.

Le projet de loi vise à protéger la forêt, à soutenir le secteur alimentaire et nos agriculteurs, autant de facteurs clés pour le développement rural.

Dans ma circonscription de l’Hérault, je rencontre de nombreux agriculteurs qui font preuve d’une volonté sans faille pour adopter des pratiques agricoles raisonnées, mettre en place des appellations d’origine contrôlée – AOC – et des indications géographiques protégées – IGP – dans la production de vins, de viandes, de légumes, de fruits, de miels, d’olives ou de fromages. Ma commune de Pegairolles-de-l’Escalette a le privilège de compter trois productions faisant l’objet d’une AOC, le Roquefort, le Pélardon et, tout récemment, l’excellent vin Coteaux du Languedoc-Terrasses du Larzac. Il faut encourager ce travail d’appellation d’origine contrôlée et d’indication géographique protégée, ainsi que tous les labels de qualité. Marquer l’origine et la qualité des produits améliore l’information du consommateur et le protège de dérives, tout en renforçant l’économie agricole des terroirs. Les produits proposés sont à la fois de grande qualité et respectueux de l’environnement.

L’agropastoralisme est également vertueux pour notre environnement. Reconnaître la qualité du travail effectué, c’est aussi reconnaître certaines techniques particulières. Ainsi, les paysages du territoire des Causses et Cévennes, qui est le mien et qui vient d’être classé au patrimoine mondial par l’UNESCO, ont-ils été forgés par l’agropastoralisme. Il y a là un bel exemple à suivre. Ma collègue Frédérique Massat a évoqué tout à l’heure les problèmes de régulation et de protection des troupeaux. L’article 18 bis du projet de loi constitue un enjeu important pour la protection contre les animaux nuisibles comme le loup.

Il faut également penser aux modes de distribution en circuit court, qui permettent de réduire le nombre d’intermédiaires dans la distribution et de disposer de produits agricoles de qualité. La vente directe, les marchés paysans, les boutiques paysannes, les marchés et les commerçants détaillants pour le semi-court, sont autant de formes de circuits courts qui inciteront peut-être la grande distribution à d’autres pratiques commerciales, sans compter que ce système permet de sauvegarder nos savoir-faire et nos emplois, tout en rassurant les consommateurs.

Ce projet de loi encourage les pratiques responsables et apporte de premières réponses aux agriculteurs. Il crée notamment le groupement d’intérêt économique et environnemental – GIEE. Un collectif d’agriculteurs désirant s’engager dans l’agro-écologie bénéficiera ainsi d’un accompagnement dans la transition vers des systèmes de production beaucoup plus innovants et compétitifs.

Le texte prévoit aussi un suivi environnemental des produits phytosanitaires. Des polémiques se sont fait jour à ce sujet mais sur nos territoires, vous l’avez rappelé en commission, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, les produits phytosanitaires sont déjà régulés. Cessons donc de susciter des fantasmes, au risque d’inquiéter la population. Tout cela est aujourd’hui maîtrisé et les réponses que vous avez apportées en commission et que vous rappellerez dans le débat à venir conforteront l’esprit du dispositif.

La formation et l’installation des jeunes agriculteurs sont un autre enjeu essentiel. Vous avez, monsieur le ministre, comme certains de mes collègues, évoqué les problématiques foncières. L’accès à la propriété foncière est aujourd’hui un problème pour les agriculteurs. Je suis convaincu que par l’installation progressive, au travers notamment de l’apprentissage, des solutions pourront être trouvées.

Il est important aussi de préserver nos paysages et nos espaces. Une gestion optimale et harmonieuse de la forêt, notamment du bois-énergie, y participe : il faut la rendre possible. Ce sujet a fait l’objet d’un amendement du président Brottes en commission. Les exemples de développement d’exploitations agricoles et forestières intégrées à leur milieu, tel que le projet consistant sur le plateau du Larzac à débroussailler des buis sur des pâtures, à les valoriser en précompost et amendement pour les sols, en source d’énergie, en aliments protéiné, et même pour des applications sanitaires et pharmaceutiques, doivent être mis en lumière et encouragés.

Permettez-moi également d’évoquer le rôle important que jouent les chasseurs sur nos territoires, souvent les premiers, avec les agriculteurs, à préserver l’environnement et à alerter.

Avant de conclure, je voudrais évoquer brièvement le problème de la gouvernance d’Internet et de l’attribution des noms de domaine.

Le processus en cours de délégation des noms de domaine .wine.vin, sans protection des indications géographiques protégées ni des appellations d’origine contrôlée, va créer des difficultés considérables de traçabilité pour le consommateur et risque, pour la filière viticole, de remettre en question tous les signes de qualité. Il serait possible de commercialiser un excellent vin de Pic Saint-Loup avec un site internet www.Pic Saint-Loup. vin. Impensable ! Je sais, monsieur le ministre, le combat que vous avez engagé avec l’ensemble du Gouvernement, en adressant dès le 5 juin un courrier au commissaire européen concerné.

Vous l’aurez compris, ce projet de loi est une étape essentielle, très attendue pour l’économie rurale et l’agriculture. Nous continuerons à nous mobiliser pour défendre les femmes et les hommes qui œuvrent dans notre pays pour offrir à nos concitoyens une alimentation de qualité tout en pratiquant une agriculture toujours plus soucieuse et garante de notre environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’avenir de notre agriculture passe-t-il d’abord par de nouvelles règles et de nouvelles procédures franco-françaises, c’est-à-dire une nouvelle loi et une nouvelle batterie de décrets d’application et de circulaires administratives ? Faut-il vraiment ajouter quelques dizaines, si ce n’est quelques centaines, de pages supplémentaires aux milliers de pages des normes législatives et réglementaires sous le poids desquels ploient déjà nos agriculteurs ?

Je ne suis pas convaincu que cela soit la meilleure méthode pour atteindre l’objectif qui doit être le nôtre. Notre objectif, ce doit être de reconnaître et d’encourager les efforts qui sont faits par les agriculteurs français pour produire de manière compétitive, en répondant à l’exigence de qualité exprimée par les consommateurs et en respectant notre patrimoine naturel.

Car chaque jour, dans chacune de nos régions, la « ferme France » se bat pour faire face à une ouverture croissante des marchés mondiaux et à une compétition européenne toujours plus intense, dont nos voisins, l’Allemagne et les Pays-Bas bien sûr, mais aussi la Belgique et l’Irlande, entendent bien tirer profit. Nos agriculteurs sont confrontés à l’instabilité des prix, à la fin des quotas prévue pour 2015, à des réglementations européennes toujours plus strictes, à des normes environnementales toujours plus exigeantes, et à une diminution de leurs revenus – de plus de 20 % l’an passé. Aussi, ce que les agriculteurs attendent d’abord des pouvoirs publics, du Gouvernement comme du Parlement, c’est une attitude pragmatique et offensive, pour leur permettre de se battre à armes égales, au sein d’une économie agricole extrêmement compétitive.

Nous devons, pour cela, agir vite, en utilisant trois leviers, international tout d’abord, européen ensuite, national enfin.

Le premier levier, c’est bien sûr celui des négociations internationales. Je vous appelle, monsieur le ministre, à préciser aujourd’hui, devant l’Assemblée nationale, l’état des négociations engagées par la Commission européenne avec les États-Unis d’Amérique pour préparer l’éventuel volet agricole du traité de libre-échange transatlantique. Nous devons pouvoir débattre, ici, concrètement et précisément, du mandat donné à la nouvelle Commission Juncker, car ce traité peut aboutir au meilleur comme au pire. Il peut être une menace s’il diminue les normes sanitaires. Il peut être une chance s’il nous renforce face à la Chine, au Brésil, à la Russie, en faisant prévaloir un principe de réciprocité des échanges. Le Gouvernement a, sur ce sujet, un devoir de transparence devant le Parlement, donc devant l’ensemble des Français.

C’est également un levier international, monsieur le ministre, que vous devez utiliser pour défendre efficacement notre viticulture. Je vous appelle tout particulièrement à faire respecter les viticulteurs français dans les instances opaques où se décide aujourd’hui l’attribution des noms de domaine sur internet. Si vous ne faites rien, n’importe qui, n’importe où, pourra exploiter demain l’adresse Chablis.wine ou Irancy.vin ! C’est inacceptable. Monsieur le ministre, vous devez faire entendre la voix de la France agricole et viticole sur la scène internationale.

Le deuxième levier qu’il faut utiliser, c’est celui de la marge de manœuvre qui nous est laissée pour appliquer les normes européennes. Prenons garde à ne pas sur-transposer et à ne pas sur-contraindre, car ce serait étrangler les agriculteurs français !

La nouvelle PAC, que vous avez acceptée à Bruxelles, doit désormais être mise en œuvre dans l’intérêt des exploitations agricoles de notre pays.

Je reste très peu convaincu, pour ma part, par la majoration appliquée aux cinquante-deux premiers hectares premiers hectares. Les exploitations de zones intermédiaires comme la Bourgogne vont être perdantes, qu’il s’agisse de grande culture ou de polyculture élevage, puisque la rentabilité à l’hectare étant moindre que dans d’autres régions, les exploitations y ont des tailles supérieures à la moyenne française. Si vous confirmez cette dotation ciblée sur les premiers hectares, il me semble souhaitable qu’elle soit limitée à 5% de l’enveloppe du premier pilier.

Il est nécessaire, de même, que la « transparence » s’applique à tous les actifs, quelle que soit la forme sociétaire choisie par l’agriculteur.

Évitons par ailleurs d’appliquer, en France, une définition trop restrictive des surfaces à intérêt écologique – SIE. Au moment où 30 % du budget du premier pilier fait l’objet d’un verdissement, pourquoi ne pas retenir les jachères mellifères dans le nouveau dispositif ?

J’ajoute qu’il est très important que la directive « Nitrates » soit mise en œuvre de manière raisonnable. Chacun reconnaît désormais que des efforts sont encore indispensables pour mieux préserver la qualité de l’eau, mais les mises aux normes nécessaires pour la gestion des effluents d’élevage ne doivent pas être une charge financière déraisonnable pour les éleveurs, notamment pour ceux qui sont en fin de carrière.

J’en viens au troisième levier. Quelques mesures de bon sens, au plan national, peuvent être prises pour améliorer concrètement la situation de nos exploitations agricoles. C’est le sens des amendements que nous soutiendrons lors de cette deuxième lecture.

Nous voulons une meilleure reconnaissance des actifs agricoles, permettant de flécher les aides vers les agriculteurs exerçant réellement cette profession.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Guillaume Larrivé. Nous tenons à préserver une vraie politique d’installation liée à la compétence professionnelle et non à la recherche d’on ne sait quels objectifs quantitatifs bureaucratiques sans lien avec la réalité du monde agricole. Ce nécessaire respect de la compétence professionnelle, c’est aussi la reconnaissance du rôle indispensable des établissements d’enseignement technique agricole, dont le maillage territorial doit être préservé.

Nous souhaitons, de même, que la ressource foncière soit gérée de manière équilibrée, en surface comme en qualité. Il y a bien sûr des conflits d’usage, on le sait, qu’il faut arbitrer au cas par cas, dans chacun de nos départements, selon une logique d’aménagement du territoire respectant toutes celles et tous ceux qui y vivent. Les exploitations agricoles ne doivent pas être une variable d’ajustement systématique. C’est pourquoi la voix des agriculteurs doit être entendue, non seulement lors de l’élaboration des schémas de cohérence territoriale – SCOT –, mais aussi lorsque ceux-ci auront été approuvés. Il est légitime que les commissions qui succéderont aux CDCEA puissent toujours donner leur avis sur les plans locaux d’urbanisme.

Nous tenons aussi à ce que le statut du fermage ne soit pas fragilisé. La généralisation à tout le territoire des baux à clauses environnementales serait une erreur. Prenons garde, enfin, à ne pas inventer de nouvelles contraintes qui affaibliraient encore l’équilibre économique des exploitations. Ainsi, chacun est désormais d’accord pour que l’utilisation des produits phytosanitaires soit raisonnée et raisonnable. Mais plutôt que d’interdire toute application dans un périmètre uniforme, au risque de réduire encore la surface agricole utile, il vaut mieux favoriser les bonnes pratiques, comme le plantage de haies qui empêchent la dérive des produits.

De même, la protection souhaitable de l’animal ne doit pas donner lieu à une créativité juridique débridée et improvisée, qui fragiliserait, demain, le monde de l’élevage comme celui de la chasse.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

M. Guillaume Larrivé. Le mieux est l’ennemi du bien.

Permettez-moi de faire à cet égard une dernière remarque en évoquant à cette tribune une question majeure d’efficacité mais aussi d’équité sur laquelle je tiens à interpeller le Gouvernement.

Au moment même où vous fragilisez les petites retraites agricoles en reportant de six mois la revalorisation annuelle des pensions,…

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Guillaume Larrivé. …voilà qu’a été inventé, à l’occasion de la réforme des retraites, un système parfaitement absurde, celui du compte personnel de prévention de la pénibilité, qui va affaiblir l’ensemble de la profession agricole. Vous avez créé une machine infernale qui sera payée, non seulement par une surcotisation alourdissant le coût du travail, mais aussi par des coûts de gestion bureaucratique inédits. Ce n’est pas raisonnable. Les agriculteurs sont excédés, nous le voyons bien dans nos départements, par le poids des contraintes administratives, et vous allez en rajouter !

M. Thierry Benoit. C’est vrai !

M. Guillaume Larrivé. Aussi, monsieur le ministre, j’appelle le Gouvernement à faire preuve d’audace et à saisir cette seconde lecture du projet de loi d’avenir pour renoncer, dès maintenant, à cette absurdité qu’est le système de pénibilité.

Plutôt qu’un affichage de belles intentions, le monde agricole attend de vous une vision claire et une action solide. C’est ce à quoi nous vous invitons. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch.

M. Philippe Le Ray. Ça va, c’est un Breton ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Le Roch. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le projet de loi définit avec force les contours de notre modèle agricole français, en affirmant l’ambition d’une double performance économique et environnementale. L’examen par le Parlement a été l’occasion d’un débat animé et d’un travail constructif qui a abouti au texte que nous examinons aujourd’hui.

Constructif, car il a permis d’aborder sans tabou l’ensemble des difficultés que peuvent rencontrer nos agriculteurs. À ce titre, permettez-moi de saluer l’écoute et l’ouverture dont vous avez fait preuve, monsieur le ministre, à l’occasion de nos débats ; cela a permis de nombreuses avancées. Constructif, ensuite, car le texte est aussi résolument tourné vers l’avenir, en proposant des solutions innovantes pour promouvoir une agriculture qui n’oppose plus environnement et développement économique mais en fait deux vecteurs d’une même performance.

Avant de concentrer mon propos sur les dispositions en faveur de l’enseignement et de la recherche agricoles, j’ai choisi de souligner deux sujets qui ont fait l’objet d’avancées pour cette deuxième lecture.

Le premier concerne l’utilisation des produits phytosanitaires. La qualité sanitaire des productions agricoles et alimentaires sera renforcée par des mesures conduisant à une utilisation plus ciblée des produits phytopharmaceutiques. À ce titre, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté un amendement proposé par le rapporteur Germinal Peiro permettant de faciliter le dispositif de mise sur le marché des préparations naturelles peu préoccupantes. Cette disposition vient compléter les nouveautés déjà introduites en première lecture pour développer le biocontrôle.

Le second sujet est relatif à la situation des salariés des chambres d’agriculture. Plusieurs amendements, initiés par mon collègue Hervé Pellois, ont permis d’apporter des réponses sur différents axes : clarification des règles de représentativité au plan national comme au plan local, définition des conditions d’exercice d’un dialogue social de qualité au sein de ces établissements, articulation du statut du personnel des chambres d’agriculture avec le code du travail. Des avancées ont été actées en collaboration avec le Gouvernement, et le dialogue se poursuit.

J’aurais pu vous parler également de l’installation des jeunes agriculteurs, qui constitue un enjeu fondamental, mais nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion de la discussion des articles.

Je souhaite à présent vous faire part des avancées concernant l’enseignement agricole et la recherche. Le projet répond à trois enjeux fondamentaux. Tout d’abord, il faut, aujourd’hui comme à l’avenir, nourrir les habitants de notre planète, en prenant en compte le facteur démographique, l’indépendance alimentaire de notre pays – tout en confortant la capacité de celui-ci à exporter –, mais également la diminution des terres disponibles.

Mes chers collègues, dès lors que l’on admet que, demain, il faudra produire autant, voire plus, mais autrement, il est indispensable de faire de l’enseignement agricole la clef de voûte des politiques publiques destinées à favoriser la double performance économique et environnementale. Ainsi, les dispositions des articles 26 et 27 permettent la mobilisation de l’ensemble des opérateurs de la formation et de la recherche agricoles dans cette transition agroécologique.

Ce projet de loi d’avenir permet également de matérialiser l’ambition d’un enseignement agricole comme levier de promotion sociale, d’insertion professionnelle, particulièrement par l’alternance, et de développement des territoires. Il convient d’évoquer à ce titre le dispositif d’acquisition progressive des diplômes de l’enseignement agricole. Il faut ensuite citer la possibilité donnée au ministre de l’agriculture de créer une voie d’accès spécifique aux écoles d’ingénieurs pour les bacheliers professionnels ayant suivi une classe préparatoire.

Le troisième et dernier enjeu est la création d’un grand pôle agronomique national, l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France, qui permettra de répondre à de nombreux enjeux majeurs que les établissements ne sont pas en mesure d’affronter seuls. Il conciliera les politiques de site soutenues par chaque école et la mise en œuvre d’orientations stratégiques nationales. Atteindre une taille critique est la condition sine qua non pour accroître la reconnaissance internationale de l’excellence de la marque France.

Mes chers collègues, le redressement de notre pays ne pourra se faire qu’en investissant dans l’intelligence. Le modèle agricole français qui nous est proposé est également un projet de société. Il est indispensable de redonner aux agriculteurs leur place au cœur de notre société en leur proposant les outils adaptés pour répondre aux exigences sociales, économiques et environnementales d’aujourd’hui et de demain. C’est tout l’objet de ce texte, que je vous appelle à soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues députés de la nation, la deuxième lecture de ce texte intervient en un moment tout particulier pour notre pays, sur le plan national comme sur le plan international.

Sur le plan national, tout d’abord, il ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre, que la majorité des exploitants agricoles vivent en zone rurale, ni qu’ils résident sur le territoire de communes qui voient leurs budgets baisser brutalement comme jamais cela ne s’est vu sous la Cinquième République : 4 % de baisse de dotation globale de fonctionnement pour les communes et les intercommunalités en zone rurale, même lorsqu’elles ont fusionné, malgré la carotte promise par l’État et jamais transmise sur beaucoup de territoires. Et ce en attendant un plan d’économies de 11 milliards d’euros au nom du dogme de la dette toute puissante et de l’incapacité du Gouvernement à permettre aux Françaises et aux Français de travailler librement, donc de créer les richesses qui seules permettront d’abaisser la charge de la dette. Vous êtes dans une fuite en avant délétère vers la destruction des dernières richesses de ce pays et de nos territoires par une fiscalisation outrancière.

Sur le plan national toujours, nous sommes dans une période dans laquelle vous jouez, en quelques heures, un jeu de bonneteau redécoupant les régions de France. Les nouvelles régions ne correspondront à rien de notre histoire, à aucune des régions que, sagement, l’Ancien Régime avait su préserver, au moins jusqu’à il y a deux siècles. Découpage des régions, destruction des zones rurales, destruction des services publics, distribution de quelques prébendes, dans un plan de 40 millions d’euros à destination des centres-bourgs de zones rurales, pour lesquels les parlementaires ne sont pas consultés, pas plus que les sous-préfets ou préfets de département ; tel est le paysage dans lequel nous évoluons.

Sur le plan international, votre projet de loi, monsieur le ministre, intervient au moment où la politique agricole commune résultant de l’accord tacite entre la République fédérale d’Allemagne et la France voit la partie destinée au premier pilier baisser et où un système d’aides au premier hectare, que nos chers concurrents et amis allemands ont adopté il y a dix ans, va amplifier la destruction et la déstructuration de l’agriculture productrice française. Nous ne sommes plus les premiers producteurs de protéines animales sur le continent européen ; nous allons bientôt, avec ce système de l’aide au premier hectare, passer derrière la République fédérale d’Allemagne.

En outre, mon intervention a lieu après des événements plus à l’Est, alors que le président Poutine a proposé de sortir du système tout puissant du dollar et invité son partenaire la Chine à signer des traités fort intéressants : au moment où le plus grand échange gazier se fait hors zone dollar entre la Chine et la Russie.

L’Ukraine, terre à blé, a vu de nombreux capitalistes, y compris français, acheter de grandes terres. Or, au moment où nous débattons, les produits ukrainiens ne sont plus taxés par l’Union européenne. Bizarrement, il est interdit d’importer des produits de Crimée, mais les produits ukrainiens peuvent entrer librement. L’Ukraine étant un grand producteur historique de céréales, je m’inquiète une fois de plus de ce collage du gouvernement français aux politiques anglo-saxonnes.

C’est dans ce contexte international particulièrement troublé que vous avez choisi de défendre un projet de loi qui veut, selon les mots du Président de la République, simplifier largement la vie de nos exploitations agricoles. Vous cédez à vos alliés environnementalistes, dits écologistes, dominants idéologiquement,…

M. Thierry Benoit. Eh oui !

M. Nicolas Dhuicq. …qui imposent au Gouvernement leur vocabulaire, leur vision du monde, leur organisation, et qui vont faire en sorte que les dernières grandes exploitations exportatrices françaises seront encore plus handicapées que leurs concurrentes allemandes. Je ne parle pas des produits transformés, du nombre d’abattoirs qui partent en République fédérale d’Allemagne. Les Pays-Bas, le Luxembourg, la Belgique, le Danemark perdent leurs abattoirs, la France aussi. Accessoirement, la destruction des laboratoires départementaux accélérera ce processus. Vous savez quelles difficultés connaissent les zones rurales pour maintenir ces abattoirs. Ce qui se met en place progressivement pour les protéines animales arrivera aussi pour nos céréaliers.

C’est pourquoi je pense que votre texte n’est pas un texte opérationnel. C’est un texte profondément idéologique. Bien entendu, il va avantager les zones de montagne, les territoires ayant de petites surfaces d’exploitation, mais ce ne sont pas ces territoires qui sont les locomotives du pays et qui peuvent apporter au produit intérieur brut les quelques milliards d’euros d’exportations dont nous avons besoin pour maintenir quelques richesses dans ce pays.

Voilà le plan général dans lequel nous évoluons. Malgré votre sourire sympathique, monsieur le ministre, je continue de penser que votre texte ne sera pas positif pour nos exploitations agricoles.

Nous allons aborder ces prochaines soirées plusieurs sujets importants. Nous intervenons dans un contexte où le Sénat, dans sa grande sagesse – nonobstant l’attitude du ministre de l’intérieur dans la soirée de mercredi dernier, que j’ai trouvée personnellement déplorable, car c’est la première fois que j’entends un ministre de l’intérieur de la Cinquième République mépriser à ce point la seconde chambre – et à juste titre, avait pris en compte les destructions occasionnées par le loup, qui est, contrairement à ce qui est souvent répété par erreur, un animal non pas de montagne mais de plaine.

L’article 18 bis a malheureusement été largement remanié. J’espère que nous y reviendrons et que vous saurez écouter la voix de votre collègue de Poitou-Charentes, aujourd’hui ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui a semble-t-il quelque sens politique, et a entendu l’appel des éleveurs de ce pays. Car, ainsi que le disait tout à l’heure une collègue socialiste, en plus du loup et de l’ours, nous avons également à nous préoccuper des vautours.

En effet, l’Europe, avec la sagesse que nous lui connaissons, a comme vous le savez interdit à nos confrères espagnols de laisser ces oiseaux dévorer les carcasses. Or, le vautour des Pyrénées, contrairement au vautour royal d’Afrique, que nos compatriotes ont toujours en tête, n’est pas uniquement un charognard ; il a depuis fort longtemps des habitudes alimentaires différentes. Alors que ces vautours étaient bien sagement de l’autre côté de la frontière et faisaient leur office de nettoyeurs de carcasses, l’interdiction de Bruxelles, qui agit toujours très intelligemment, a pour résultat qu’ils franchissent la frontière et s’attaquent maintenant à nos troupeaux.

M. Thierry Benoit. C’est vrai !

M. Nicolas Dhuicq. Cela serait anecdotique si l’on n’avait pas constaté le désespoir des éleveurs et le taux de suicide dans la profession agricole, en particulier chez ces derniers. Vous comprendrez donc que ces questions n’ont rien d’anecdotique, monsieur le ministre !

Je fais partie de ceux qui ont la faiblesse de penser que depuis des lustres les paysans ont toujours su respecter leurs terres. S’ils ont été amenés à utiliser la chimie, c’est parce que notre pays, qui s’appelle encore la France, jouit encore de l’indépendance et de la sécurité alimentaires. C’est la raison pour laquelle je vous interpelle, monsieur le ministre. C’est la raison pour laquelle j’ai évoqué l’Ukraine et le découpage des régions. Si notre pays perd son indépendance et sa sécurité alimentaires, je suis persuadé qu’il deviendra l’esclave de puissances étrangères et que le niveau de vie des Françaises et des Français baissera. Je suis convaincu que notre agriculture a besoin d’une autre politique, d’une politique qui respecte les agriculteurs, qui leur permette de travailler, qui leur redonne la confiance que le pays leur doit.

Alors que, au début du siècle dernier, un ménage ouvrier dépensait plus de 80 % de ses revenus pour se nourrir, le coefficient budgétaire de l’alimentation a considérablement baissé, d’un facteur supérieur à dix. Nous devons rappeler les uns et les autres ici que tous les grands pays du monde subventionnent leur agriculture ; le Japon, les États-Unis, la République fédérale d’Allemagne, via ses länders, qui triture les lois européennes à cette fin.

Monsieur le ministre, je crois aux paysans de ce pays. Il est absolument nécessaire que nous ayons une grande politique de l’agriculture. Nous devons laisser ouvertes les possibilités de transformation des produits alimentaires pour permettre à notre pays de créer de la valeur ajoutée, car je n’oublie pas que l’agroalimentaire est l’une des dernières sources de recettes en exportation pour notre nation. Et je souhaite que les paysans de ce pays puissent continuer à travailler et à vivre dans leur pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. Mon cher collègue Nicolas Dhuicq, je suis heureux que vous croyiez en nous, les paysans !

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 8 janvier dernier, je prenais la parole en discussion générale à l’occasion de la première lecture de ce projet de loi. Nous n’avons pas chômé entre-temps, comme l’ont rappelé un certain nombre d’orateurs. Ainsi, le texte que nous examinons aujourd’hui est le fruit de nombreux débats, rencontres, et discussions, que nous avons eues entre nous pour commencer, mais également et surtout avec les acteurs du terrain et le ministère, que je tiens à remercier.

Ces échanges de qualité ont été rendus possibles grâce à la profonde cohérence de ce texte, qui met l’agro-écologie au centre de tout. S’appuyer sur la biodiversité et l’environnement pour améliorer la rentabilité de l’exploitation, voilà pour moi aussi l’enjeu fondamental de ce projet de loi.

L’agro-écologie n’est pas qu’une composante de l’agriculture, elle est l’agriculture. C’est d’une telle évidence que nous avons eu tendance à l’oublier ces dernières années. Or, pour la première fois, un projet de loi l’affirme clairement, et c’est ce qui fait sa force et sa richesse.

Il était en effet plus que temps de corriger cette opposition grossière entre performance économique et performance écologique : ces notions n’ont de sens qu’à partir du moment où elles sont en interaction. Car la terre, pour donner le meilleur d’elle-même, a besoin d’un environnement sain – il en va de même pour nous, mes chers collègues.

Vous me permettrez à ce titre d’évoquer rapidement plusieurs annonces ou décisions prises récemment qui montrent qu’on accorde sans cesse plus de crédit à cette synergie. Considérant que la santé est un droit pour tous, je suis le premier à m’en réjouir.

Présentée à la fin du mois d’avril dernier par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, la stratégie nationale contre les perturbateurs endocriniens a par exemple pour objectif de réduire l’exposition de la population et de l’environnement à ces molécules encore méconnues mais soupçonnées d’être dangereuses pour la santé. La recherche sur ces substances sera encouragée et l’information à destination des citoyens développée. De plus, il s’agira de porter ce sujet au niveau européen, pour avoir un véritable débat. Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, notre gouvernement fait de la prévention l’un de ses maîtres mots et je l’en félicite.

Plus proche du sujet qui nous intéresse aujourd’hui, il y a eu, au début du mois de juin, l’adoption de la loi relative à l’interdiction de mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié, grâce à une initiative du groupe socialiste à l’Assemblée nationale. Depuis 1998, la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON 810 était permise en Europe, alors même que l’Autorité européenne de sécurité des aliments estime qu’il présente des risques environnementaux. Au nom du principe de précaution, le Parlement a donc décidé de se saisir de la faculté pour les États de l’UE d’interdire sur leur territoire un OGM par ailleurs autorisé par l’Union.

J’en viens à présent au projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui ne règle pas tous les problèmes. Des différences d’appréciation persistent. Le nombre d’amendements est là pour en témoigner. Ceux que j’ai déposés, comme bien d’autres, ne manqueront pas de susciter le débat, que ce soit sur les périmètres d’intervention pour la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains, le « micro-pastillage » avec les aménagements des maisons d’habitations des agriculteurs en zone A des plans locaux d’urbanisme, le stockage des terres par les SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, ou encore les modalités d’acquisition de terrains destinés à la construction, aux aménagements industriels ou à l’extraction de substances minérales. Je n’entrerai pas dans le détail de mes propositions ici, car l’occasion m’en sera donnée plus tard.

Je voudrais pour conclure mon intervention citer La Rochefoucauld : « Un peu de bon sens en politique, est plus utile que beaucoup de finesse ». Il me semble que nous ne devons pas perdre de vue ce bon sens sur deux points.

Premièrement, en première lecture de ce texte, puis plus récemment lors de l’examen en seconde lecture du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, j’ai soulevé la difficulté pour les CUMA, les coopératives d’utilisation de matériel agricole, d’obtenir des permis de construire pour des bâtiments d’entretien et de maintenance du matériel. Ces dernières favorisent pourtant une moindre consommation de l’espace agricole, et leur raison d’être est la mise en commun de tous les moyens propres à faciliter ou à développer leur activité et à améliorer la performance économique et écologique des exploitations. Je suis heureux de voir que le Gouvernement s’est engagé à traiter cette question dans un décret d’application de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové dite loi ALUR. Je suivrai avec un intérêt tout particulier les engagements pris en séance.

Deuxièmement, pour notre autonomie en protéines, on ne peut déshydrater que des produits agricoles, mais cette activité est pour le moment considérée comme strictement industrielle. De fait, les installations nécessaires à sa réalisation ne peuvent être construites en zone agricole, alors que c’est le lieu d’où provient la matière première et où la production est consommée. Quand on connaît les enjeux actuels liés à l’économie circulaire et au développement des circuits courts, il me semble qu’il y a là une réflexion à poursuivre.

Ces deux questions ne sont que quelques exemples des idées semées pendant tout le temps d’élaboration de ce projet de loi. Nombreuses et foisonnantes, toutes n’ont pu être reprises. Cela ne veut pas dire qu’elles ne germeront pas un peu plus tard. Je ne vous apprendrai pas, mes chers collègues, que pour faire une bonne récolte, plusieurs saisons et plusieurs moissons sont souvent nécessaires.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques paysans présents sur ces bancs peuvent vous rassurer : la récolte sera bonne demain, car la loi sera votée avec un nombre important de voix. L’agriculture participera ainsi au redressement de la France par son économie sociale et écologique, pilier de ce beau projet d’agro-écologie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Édouard Courtial.

M. Édouard Courtial. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, force est de constater que, malgré les lois successives, la situation des agriculteurs, en particulier des éleveurs, ne s’est pas améliorée.

M. Guillaume Larrivé. Hélas !

M. Édouard Courtial. La crise, la mondialisation, la concurrence grandissante des pays émergents et de certains de nos voisins européens ont sévèrement affecté notre secteur agricole. La France est passée, en quelques années, du deuxième au cinquième rang mondial pour les exportations agroalimentaires, derrière les États-Unis, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Brésil. Certes, notre agriculture affronte de nouveaux concurrents redoutables, mais nous ne profitons pas suffisamment des marchés des pays émergents, qui, eux, parviennent à pénétrer les marchés européens.

Nous avons un potentiel énorme, largement sous-exploité, et lorsqu’il ne l’est pas, notre offre est inadaptée parce que mal organisée. Nous sommes donc face à un immense gâchis. Nous avons un terroir, un savoir-faire, des produits, une valeur ajoutée incomparables, mais nous sommes incapables de valoriser notre offre. Toute notre énergie doit être mobilisée par la reconquête des parts de marchés.

Or, votre projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, monsieur le ministre, est verbeux, interminable, et sans portée normative.

En effet, le projet du Gouvernement a été très largement amendé en première lecture, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Malgré l’objectif inscrit à l’article 1er de renforcer la compétitivité des filières, l’ensemble du projet de loi ne traduit aucune vision économique de l’agriculture. Aucune disposition ne permet au secteur agricole de se moderniser, d’innover, de développer son activité et de décrocher des parts de marché à l’étranger.

Bien au contraire, de nombreuses dispositions vont complexifier durablement le quotidien des agriculteurs : augmentation du nombre de déclarations ; réforme du fonctionnement des interprofessions, qui risque de conduire à des blocages au niveau de la prise de décision ; modification des critères relatifs au contrôle des structures et à l’assujettissement au régime des non-salariés agricoles ; limitation de la délivrance des antibiotiques ; encadrement de la publicité commerciale sur les produits phytopharmaceutiques, etc.

Par ailleurs, le projet de loi a pour ambition de « repeindre en vert l’agriculture », de développer le concept d’agro-écologie en imposant de nouvelles dispositions.

Reprenant les arguments développés par les députés UMP, les sénateurs ont heureusement remis en cause la généralisation du bail environnemental. Ainsi, tout bail pourra inclure des clauses environnementales, mais uniquement pour maintenir des pratiques vertueuses préexistantes.

Nous avons tout de même un motif de satisfaction, qui mérite presque votre attention, monsieur le ministre : à l’issue de la première lecture, un répertoire des actifs agricoles a été créé.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Grâce à qui ?

M. Édouard Courtial. La reconnaissance du vin, des boissons spiritueuses et des bières issues des traditions locales comme parties intégrantes du patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France est une bonne chose.

Mais, dans le même temps, vous faites une nouvelle fois preuve d’idéologie. Vous bouleversez la composition des conseils d’administration des SAFER : vous supprimez la représentation des fédérations départementales de chasseurs et vous imposez la présence d’au moins deux représentants des associations agréées de protection de l’environnement… tout cela est pathétique !

Je regrette donc, monsieur le ministre, que ce projet de loi ne soit pas à la hauteur des enjeux de l’agriculture. En outre, depuis dix-huit mois, le Gouvernement et la majorité mettent à mal ce secteur : suppression de la « TVA compétitivité » que nous avions mise en place et qui aurait pu bénéficier à 94 % des entreprises du secteur agricole ;…

M. Philippe Le Ray. Très bien !

M. Édouard Courtial. …baisse significative des crédits budgétaires en lois de finances concernant les aides à l’installation, les aides à la modernisation des exploitations, les aides en faveur du redressement des exploitations en difficulté ; hausse des charges en raison de la réforme du dispositif d’exonération des cotisations patronales pour l’emploi de travailleurs saisonniers agricoles.

Ce projet de loi passe donc à côté des véritables préoccupations des agriculteurs. Il est animé davantage par une idéologie que par le souci de répondre aux défis auxquels ces derniers sont confrontés.

Il ne répond pas à la question cruciale de l’avenir et du rôle de l’agriculture française dans un monde ouvert et compétitif. La logorrhée législative du Gouvernement ne trompe personne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre, votre texte élude les problèmes que rencontre notre agriculture. Vous ne faites qu’imposer au monde agricole des normes nouvelles. Comment permettre à notre agriculture de rendre notre pays souverain ? Comment armer notre agriculture pour qu’elle puisse lutter à égalité avec ses concurrents européens et ceux des pays émergents ? Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ne répond pas à ces questions ; il vient ajouter un pavé supplémentaire à l’enfer des bonnes intentions socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le dimanche est un temps pour faire le vide, mais aussi pour faire le plein, le plein d’esprit et de matière, de culture et de nature. J’ai donc parcouru ma terre, mon territoire, pour m’emplir d’émotions avant de prendre la parole devant vous. Je me suis souvenu de mon grand-père, qui parlait des socialistes en agriculture comme de « partageux ».

M. Stéphane Le Foll, ministre. Eh oui !

M. Dominique Potier. Vous connaissez aussi le terme, dans l’ouest de la France.

M. Philippe Le Ray. Pas en Bretagne !

M. Dominique Potier. Ces « partageux » ont inventé la coopération, les offices agricoles, puis, plus tard, les GAEC et les parcours d’installation. Ils ont innové en technologies, sur les marchés, en manières de produire et de commercialiser.

Je me suis souvenu aussi de mon père, qui avait été en son temps champion de labour. Il m’a appris que pour tracer droit le premier sillon – le plus important – il ne fallait pas regarder la roue du tracteur, mais, dans nos régions de polyculture élevage, prendre un repère : un arbre – une « infrastructure écologique » dirait-on aujourd’hui – ou un piquet de parc. Il faut, à l’horizon, un repère, pour tracer droit.

Dans la grande tradition des partageux en milieu rural, dans la grande tradition de ceux qui savent voir loin, nous traçons avec ce projet de loi un sillon bien droit, et je l’espère, fertile.

Notre objectif est de créer de la prospérité. J’ai entendu dans les rangs de l’opposition proférer des mots-valises, des mots creux parfois, tels « compétitivité » ou « attractivité », et je voudrais que l’on parle davantage de « prospérité ». Jusqu’au XIIsiècle, « prospérité » signifiait « vivre bien », « être bien ». Puis, en se pervertissant, le terme a fini par désigner, au XVIIsiècle, le fait d’accumuler des biens. Retrouvons son sens initial. La prospérité, dans une politique agricole, doit contribuer à une renaissance rurale. Une renaissance mise à mal par les signaux difficiles, délicats et déchirants qui nous sont parvenus des dernières élections, tant municipales qu’européennes, sur fond de désespérance dans une partie des régions dites périphériques.

Nous avons, dans ce domaine-là aussi, une obligation de résultat. En milieu rural, la renaissance de la production implique une régénération – une nouvelle génération, une nouvelle façon de produire. Nous avons découvert lors des débats en première lecture, où les députés du groupe SRC se sont révélés force d’inspiration et de proposition – sur les questions notamment de phytopharmacie et de foncier – que cette prospérité tenait à l’équilibre.

L’équilibre de notre écosystème, d’abord : à quoi bon produire dans n’importe quelle condition, si c’est au prix de la disparition des pollinisateurs, de la dégradation des réserves en eau et de celle de la biosphère ? L’équilibre économique, ensuite : à quoi bon maintenir le revenu des agriculteurs, au prix de leur disparition progressive – ce que l’INRA a constaté sur les trois dernières décennies ? À quoi bon rêver d’une planète où la nourriture fait trois fois le tour du monde avant d’atterrir dans les assiettes… lorsqu’elle atterrit – un sixième de la population mondiale souffre de la faim, quand un autre sixième est obèse ?

Avec Olivier de Shutter, nous pouvons reprendre la trace des grands inspirateurs de l’agriculture, comme Edgar Pisani, qui nous rappelle inlassablement que pour nourrir 9 milliards d’habitants en 2050, il faudra toutes les agricultures du monde.

Oui, pour l’agriculture, l’équilibre est une force, la condition de la prospérité. C’est le temps des moissons ; c’est aussi celui des semailles, qui se préparent juste après les récoltes. Nous pouvons dire que si la loi a été bonne et riche, quelques zones restent en friche, qu’il nous faut aujourd’hui ensemencer.

Je pense à l’agroécologie, à la planète et au foncier. Je veux rappeler que la proportion de 50 % des agriculteurs en agroécologie en 2025 – le cap que vous avez fixé, monsieur le ministre – suppose une réforme de la PAC en 2020 qui aille plus loin dans l’écoconditionnalité et dans la maîtrise de la phytopharmacie. Pour la planète, nous aurons besoin de retrouver le sens des planificateurs, de garantir la souveraineté alimentaire, de promouvoir le droit du vivant, d’ériger de nouveaux droits qui s’imposent aux formes du néolibéralisme.

Quant au foncier, il n’y a pas d’agroécologie sans paysans, et il n’y aura pas de paysans sans maîtrise du foncier. La loi a quelques manques, que nous n’avons pas su résoudre. Le phénomène sociétaire, la financiarisation, ou encore le travail par entreprise, risquent de mettre à mal les dynamiques d’installation et d’agroécologie que nous voulons promouvoir. Il faudra reprendre ce chantier, un chantier pour demain.

Permettez-moi, pour finir, de citer celui qui n’est pas seulement l’homme des mines de Carmaux, mais aussi un paysan de génie : Jaurès. Il a été assassiné il y a un siècle, en partie parce qu’il voulait éviter que 2,4 millions de Français ne laissent leur vie, une partie de leur corps ou de leur âme dans cette guerre qui nous a déchirés, de la Somme aux tranchées des Éparges, près de chez moi, et jusqu’à Verdun : « Il y a un intérêt de premier ordre, national aussi bien que républicain, à élever la condition des paysans. Il faut les mettre dans de telles conditions de travail et de propriété qu’ils puissent tirer le meilleur parti possible de la terre de France. Ils n’ont rien à attendre des conservateurs, de tout ce monde de hobereaux ou de bourgeois réactionnaires » – nous dirions aujourd’hui, de libéraux. « Ce que les vrais démocrates demandent pour les paysans, c’est un ensemble de réformes précises, pratiques, d’une justice éclatante. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je suis heureux de participer à ce débat. Lors de la première lecture de ce texte, j’effectuais une autre « mission ». Elle m’a permis de me rendre compte combien ce problème tenait au cœur de nos compatriotes.

J’ai vu la dépouille des 750 000 emplois industriels, et les larmes que leur disparition a fait couler. J’ai vu le désespoir de ceux qui ne croient plus que la France est égale pour tous. J’ai vu des hommes pleurer au soir de leur vie, parce que, alors qu’il s’était toujours trouvé un frère, un beau-frère, au moins un cousin pour reprendre l’exploitation, malgré et au-delà de toutes les guerres qu’a connues notre pays, ils seraient ce coup-ci les maudits, les fossoyeurs de ce qu’avait été le berceau de tant de générations.

J’ai été surpris, car ceux-là n’étaient pas, comme je m’y attendais une fois de plus, installés en zone de montagne, cette agriculture dont Mme la députée de l’Ariège, présidente de l’ANEM, l’Association nationale des élus de la montagne, a parlé de manière exceptionnelle tout à l’heure à la télévision et je ne vois rien à retirer de ses propos. Monsieur le ministre, si vous pouvez faire ce qu’elle a annoncé, cela changera bien des choses : ainsi le paysan – souvent une femme d’ailleurs – qui souhaite reprendre l’exploitation familiale se sentira-t-il à nouveau responsable et aura-t-il le sentiment de tenir un peu de destin entre ses mains. Ainsi cela évitera-t-il à mon frère de bientôt cinquante-cinq ans, qui exerce un travail formidable sur une AOC pourtant connue, élève 400 brebis et travaille vingt heures par jour de ne pas gagner, et loin de là, le SMIC. Et combien comme lui ?

Non, j’ai trouvé en pleine zone céréalière, ce que je n’aurais jamais imaginé : des hommes, qui, bien que cousus d’or – ils ne l’ont pas démenti – sont désespérés, car ils n’ont pas trouvé de successeur. J’ai rencontré un trader, qui m’a expliqué, sur le ton de la confession, comment il avait acheté, en guise de placement, des milliers d’hectares, avant de « laisser un peu la paix à la France » et de se tourner vers la Pologne et la Roumanie où ils sont meilleur marché.

Mais ce que j’ai entendu de ce texte m’a encouragé – je n’en suis pas, loin de là, à la première loi sur l’agriculture !

Chemin faisant, j’ai traversé votre Bretagne, alors tendue comme un arc, dans son destin hésitant. Et j’ai vu la sagesse d’hommes d’exception, qui ont su prendre la bonne décision quand il était encore temps. Mais surtout, j’ai vu ceux qui avaient fondé une très grande partie de l’histoire de notre pays, à terre, sans espoir de lendemain, combattus par ceux-là mêmes qu’ils attendaient comme défenseurs.

Je me suis dit que si nous étions inspirés – et j’ai de l’espoir en regardant votre texte –, si nous pouvions orienter différemment l’action des préfets et des DDTM, les Directions départementales des territoires et de la mer, au lieu de leur donner cette mission incroyable de pourchasser les paysans, tels les derniers des contrôleurs, alors qu’ils ont été pendant des décennies à leurs côtés pour les aider, cela changerait bien des choses.

Je me suis dit que si l’on allait plus loin encore, si nous donnions un visage de responsabilité, de conscience universelle, de conscience du terrain, à ces hommes et à ces femmes, épris de liberté, mais qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts, si nous leur donnions un nouvel élan, peut-être arriveraient-ils à convaincre leur fils, plus souvent devant internet et ses jeux étranges que sur le tracteur.

C’est un élan, un souffle qu’il faut donner, un futur partagé. Une formidable histoire en renaîtra. Pour ma part, je la verrais un peu moins « verte », un peu moins doctrinaire, un peu plus partagée, avec cette vieille idée que nous sommes en train d’oublier, la gestion en bien commun.

Monsieur le ministre, ce texte est un petit pas de plus – plus grand, peut-être, qu’on ne le croit – sur cette route qui devrait nous permettre de reconstruire, et c’est sans doute la dernière chance, une agriculture et une paysannerie dignes de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Chassaigne. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement. Je voudrais répondre à l’ensemble des interventions, mais surtout aux deux dernières.

Monsieur Lassalle, il ne s’écrira jamais une histoire unique de l’agriculture. Les histoires sont multiples. Malgré les difficultés, il faut toujours être capable de se projeter. La mise en place de l’indemnité viagère de départ, dans les années 1970, les grands remembrements, qui ont restructuré le paysage et l’agriculture, le passage du cheval au tracteur ont été des bouleversements majeurs. Comme vous, à l’époque, j’ai rencontré des agriculteurs désespérés. Le père Briolet, dans mon village, ne s’est jamais remis du remembrement ; il ne s’est jamais remis de l’idée qu’il avait perdu une de ses terres, non loin de là, à Chansort. Et il en est mort. J’ai cela en tête aussi !

Ces grandes évolutions ont bel et bien existé dans l’histoire. L’on fait comme si l’on découvrait aujourd’hui les difficultés, comme si l’agriculture n’en avait jamais connu auparavant. Soyons sérieux : nous sommes tous ici issus de ce territoire, de ce terroir, de cette ruralité. Tout le monde se souvient de l’histoire difficile de l’agriculture.

Et si chaque étape de l’histoire a eu sa responsabilité, celle de la modernisation de l’agriculture, celle du développement de la production agricole après la guerre, celle de la restructuration de l’agriculture, quelle est la nôtre aujourd’hui ? Qu’avons-nous à faire ? Nous pouvons bien sûr parler de ce qui se passe dans le monde, mais ce qui est certain, c’est que nous avons la responsabilité – regardez ce qu’il se passe avec le réchauffement climatique – de combiner la production agricole avec l’enjeu environnemental.

Le débat autour de l’agro-écologie, au-delà des débats techniques, porte un message pour demain : non pas un message pessimiste par lequel tout serait fini, mais un message d’avenir, de continuité de l’activité agricole.

J’en profite pour souligner les paradoxes des députés UMP – il est dommage que M. Courtial soit parti car son intervention était symptomatique. N’a-t-il pas, pour sa part, reproché à notre texte d’être fumeux et pas normatif quand d’autres prétendent que ce texte, normatif à l’excès, imposerait toujours plus de règles aux agriculteurs ? Il faudrait savoir !

Au cours du débat relatif aux GIEE, les groupements d’intérêt économique et environnemental, combien de fois nous avez-vous demandé de poser des règles plus claires pour que la situation soit plus carrée, moins floue, jusqu’à ce qu’André Chassaigne intervienne pour rappeler que l’essentiel se tenait peut-être dans ce qui n’était pas bien défini. Oui, l’essentiel y est !

M. Philippe Le Ray. Cela dépend de ce que l’on y met.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais arrêtez donc d’être contradictoires ! Si vous voulez des normes, dites-le, mais ne vous plaignez pas ensuite !

M. Philippe Le Ray. Un cadrage n’a rien à voir avec des normes.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Votre position n’est pas cohérente. Elle ne l’est pas davantage avec les mesures que vous avez votées il y a quelques années à l’occasion du Grenelle de l’environnement, avec le principe de précaution, comme l’a rappelé François Brottes.

Là est l’enjeu, Jean Lassalle : combiner la production agricole avec l’environnement. Et justement, nous n’avons pas choisi, dans ce texte, d’ajouter des normes, mais de recréer des dynamiques collectives.

L’agriculture a été un enjeu majeur de mutualisation, de coopération, de collectif. M. Potier l’a rappelé. L’agriculture a été tout cela et nous devons le retrouver. C’est l’une des conditions que nous devons inscrire dans le texte pour redresser la situation. Nous devons avoir cette ambition pour l’agriculture française, j’en suis persuadé.

Vous parlez de compétitivité. C’est vrai, dans la loi, cette notion ne s’inscrit pas dans un article. Je n’ai jamais vu d’article disposer que la compétitivité s’atteignait de telle ou telle manière. C’est plus compliqué que cela. Beaucoup d’éléments entrent en considération, le principe étant que le produit doit trouver un débouché. Voilà comment être compétitif. Une petite exploitation qui a un débouché sera compétitive. Une grande qui n’en a pas ne l’est pas. C’est la même chose pour les entreprises. Le débat autour du pacte de responsabilité a fait émerger des éléments de compétitivité qui profitent aussi à l’agriculture. D’ailleurs, je le précise à l’Assemblée, une partie du pacte de responsabilité sera anticipée pour les coopératives agricoles, qui n’ont pas pu bénéficier du crédit d’impôt compétitivité emploi.

La compétitivité est un enjeu global mais aussi stratégique. Je tiens à votre disposition un recueil, « Stratégies de filières : pour une agriculture compétitive au service des hommes ». Ce n’est pas le ministre qui l’a produit mais FranceAgriMer en collaboration avec le ministère de l’agriculture. Le document définit, pour chaque filière, ses forces, ses faiblesses, ses enjeux, les mesures à prendre immédiatement, à court terme et à moyen terme. Ces stratégies, que l’agriculture doit mener pour être présente sur le marché national, européen et international, ont été établies parallèlement à la discussion de ce projet de loi. Prenons le cas des céréales : le problème du taux de protéines dans les céréales, qui est un enjeu stratégique, y est bien entendu abordé. Toutes les filières de FranceAgriMer ont travaillé et établi des fiches de stratégie pour favoriser leur compétitivité, comme la filière cidricole, en Ille-et-Vilaine. Ce n’est pas le ministre, ni l’Assemblée nationale qui se substitueront aux professionnels.

Je tiens ce document à votre disposition pour que vous cessiez de prétendre que cette loi n’obéirait qu’à une idéologie même s’il est bien évident qu’il y a une idéologie. « L’impossible doit nous servir de lanterne », nous a rappelé André Chassaigne. Certaines utopies doivent être vécues parce qu’elles incitent les hommes à changer, à discuter, à s’organiser. C’est grâce à cela que ce débat, qui peut paraître fumeux à certains, contient les ferments de ce qui peut construire un avenir à l’agriculture. Là est l’enjeu du débat.

Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit autour de la situation internationale, qu’il s’agisse de l’Ukraine, de la Russie, de la zone dollar, de la zone euro. Nous pourrions en discuter en effet, car beaucoup de connexions existent entre l’agriculture à l’échelle européenne et l’agriculture à l’échelle mondiale. Nous devons continuer à soutenir l’agriculture. Ce fut l’enjeu d’un débat européen car, même si le budget a baissé d’environ 2 % pour la France, il a baissé de 7 % pour l’Allemagne ! Ne l’oublions pas.

M. Philippe Le Ray. Et ils ont doublé leur production.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Certains d’entre vous prétendaient tout à l’heure que les autres pays n’appliquent pas les mêmes règles, que leurs avantages sont plus nombreux, que les Länder sont plus aidés. Ce n’est pas vrai. Si nous nous sommes battus pour un budget européen dédié à la politique agricole commune, c’est parce que nous partageons cette idée toute simple qu’il faut soutenir l’agriculture.

Je suis allé en Afrique du Sud visiter les systèmes de production laitière : aucune aide, et des fermes qui comprennent entre 5 000 et 15 000 vaches – je vous renvoie à nos débats sur les fermes à « 1 000 vaches », qui n’en comptent en réalité que 500 ! Eh bien, le lait se vend entre 43 et 44 centimes le litre contre 34 ou 36 centimes en France. Le capital à investir est si énorme qu’il faut des ateliers dont la taille pose des problèmes d’ordre sanitaire et économique. Voilà pourquoi il faut aider l’agriculture. Voilà pourquoi, dans le soutien que l’on apporte à l’agriculture, nous devons tenir compte de la production mais aussi de tout ce qui est lié à l’histoire des terroirs, d’où la logique des indications géographiques protégées que nous devons défendre dans les négociations internationales. C’est cela aussi qui fait la force de notre projet. C’est cela aussi l’enjeu que nous devons relever.

S’agissant de la filière du lait, l’après quotas est un vrai débat qui se pose à l’échelle européenne. La France est aujourd’hui le pays qui pose la question pour savoir comment réguler demain. Il ne s’agit pas de revenir aux quotas, puisque nous ne le pourrons pas, mais de nous poser un certain nombre de questions pour ne pas nous laisser aller à ce raisonnement trop simple : si des débouchés s’offrent à l’échelle internationale, on produit, et si les débouchés diminuent, la production reviendra à l’échelon européen. Peut-être mais que se produira-t-il alors ? Nous sommes justement en train de le négocier, sous la présidence italienne.

Ce débat, au-delà des discussions et des divergences qu’il suscite, prend l’agriculture dans sa globalité, en tenant compte de ses dimensions économique, environnementale, sociale et collective. Notre enjeu est de mettre en œuvre ces combinaisons et ces convergences.

Après les débats que nous avons eus en première lecture et ceux qui se sont tenus au Sénat, nous devons encore aujourd’hui progresser et améliorer ce texte. Mais, de grâce, pas de faux débat ni de faux procès ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Article 1er

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, quels que soient votre talent oratoire et les courants empathiques qui peuvent circuler entre certains parlementaires doués pour manier le verbe et émouvoir à juste titre, tant la situation du pays est difficile, nous sommes dans un monde ouvert dans lequel de grandes entreprises capitalistiques rachètent la première des matières premières du futur : la terre arable. Les Chinois mènent une politique colonialiste et expansionniste dans tout le Pacifique et toute l’Afrique de l’Est. Nous sommes chassés par les États-Unis d’Amérique de la partie ouest de l’Afrique. Dans le même temps, l’Union européenne et l’OTAN poursuivent leur politique folle d’annexion vers l’Ukraine.

Je reste persuadé que cette affaire concernera à terme l’agriculture car l’Ukraine, historiquement, reste le grenier à blé de l’Europe de l’Est. En vous parlant, je pense non seulement à toutes les agricultures que vous avez citées, mais surtout à nos locomotives exportatrices, productrices de céréales et de protéines végétales.

Nous trouvons, de ce côté de l’hémicycle, que votre projet de loi obéit à la logique d’un monde qui serait parfait, irréel, dans lequel des frontières, des limites, seraient posées entre la plaque continentale européenne et la plaque continentale nord-américaine.

Or, en ce moment même se négocie un traité de libre-échange entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne, dont on ne sait pas bien, lorsque l’on lit les documents en anglais et en français, quelles en sont les dispositions. De surcroît, les Parlements nationaux ne devraient pratiquement pas être consultés, si ce n’est pour ratifier ce qui aura déjà été décidé par des experts car, rappelons-le, des gens remarquablement intelligents et brillant, extrêmement formés, décident pour l’ensemble des peuples.

Une fois encore, votre projet de loi compliquera, comme l’ensemble des textes de ce gouvernement, la vie des exploitants agricoles malgré les bonnes intentions que l’on peut entendre ici ou là. Nous allons ainsi passer sans doute encore du temps à discuter du GIEE dont on ne sait pas exactement ce qu’il définit. Il serait plus simple de revenir à la raison et que le Gouvernement laisse les exploitants de ce pays créer des richesses, supprime l’inflation normative et leur rende la confiance. Ce sont eux qui connaissent leur travail, ce sont eux qui travaillent la terre, ce sont eux qui ont accompli d’infinis progrès pour limiter la quantité d’intrants dans le sol.

J’entends des discours qui m’inquiètent considérablement car, malgré vos bonnes intentions, nous sommes en pleine dérive normative, laquelle cède à des mots-clés, qui sont des mots creux.

Mme la présidente. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Nous arrivons au terme de l’examen de ce texte, qui est le fruit d’un long travail partenarial. Je tiens à exprimer ma satisfaction sur les dispositions de ce projet de loi, notamment celles de l’article 1er qui vise à prévenir les crises alimentaire, énergétique, climatique et sanitaire. Cet article rappelle que le projet de loi, soucieux de justice sociale et protection de l’environnement, a l’ambition de reconnecter les populations et les productions de leurs territoires notamment grâce au soutien qui sera apporté aux circuits courts et à l’éducation alimentaire.

Les dispositions de cet article sont cohérentes avec les problématiques actuelles de développement : réorientation de l’agriculture vers l’agroécologie, en lien avec la nécessaire transition écologique et la préservation de la biodiversité. Cette orientation agroécologique répond parfaitement aux attentes des citoyens qui demandent la garantie d’une alimentation saine, allant de pair avec une agriculture respectueuse du milieu naturel. Inventer de nouvelles méthodes de culture, transformer les systèmes de production pour une meilleure autonomie et réduire l’emploi des produits phytosanitaires sont, à mon avis, les prochains défis du monde agricole.

Par ailleurs, les évolutions portées par cet article apparaissent, aux yeux de certains encore, comme des contraintes. Nous l’avons entendu à plusieurs reprises ici. Nous devons les transformer en éléments positifs. La loi d’avenir laisse place à une agriculture diversifiée, en s’attachant à promouvoir les spécificités territoriales – le bocage comme les zones de montagne – qui valorisent les productions et augmentent leur valeur ajoutée.

À cette fin, ce texte instaure un outil phare, le groupement d’intérêt économique et environnemental, dont les agriculteurs devront se saisir. Il doit permettre au monde agricole de formaliser des démarches collectives, de s’engager avec sérénité vers de nouvelles pratiques tout en maîtrisant ses capacités de production.

Rien ne devrait être plus performant, sur le plan économique, écologique et social, que le développement d’une production adaptée à chaque terroir. Cependant, pour faire face à l’industrialisation et à une tendance à l’uniformisation, l’agriculture aura besoin de soutiens publics, orientés prioritairement vers les projets ancrés dans les territoires. Dans mon département de l’Orne par exemple, l’agriculture, qui est principalement orientée vers l’élevage et la production laitière, ne pourra garder son identité qu’à cette condition.

L’heure est venue de produire autrement pour faire face aux deux enjeux que sont la souveraineté alimentaire et la santé publique, mais également pour assurer l’équilibre de nos territoires et de notre maillage rural. Le monde agricole doit pouvoir être fier d’être l’artisan de cette évolution, et il est impératif de le soutenir. Tel est l’objet du texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Verchère.

M. Patrice Verchère. L’article 1er définit les principes généraux de la loi. Il est plein de bonnes intentions et rappelle des évidences pour la plupart incontestables. Je pense néanmoins qu’il y manque deux principes, et d’abord celui qui consisterait à cesser de surtransposer les directives et la réglementation européennes. Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous savez – et cela ne date pas d’hier –, que nos agriculteurs, du fait des normes propres à la France, se trouvent bien souvent en distorsion de concurrence avec leurs voisins européens – et je ne parle même pas de nos concurrents extérieurs à l’Union…

Le second principe qu’il conviendrait d’inscrire dans ce texte, et qui découle d’ailleurs du premier, est celui de la réciprocité. Il s’agit d’exiger des normes équivalentes aux nôtres pour les produits agricoles importés. En effet, les produits français – et cela va bien au-delà des seuls produits agricoles –, subissent une concurrence inéquitable, parce qu’ils se doivent de respecter des normes et des réglementations spécifiques à notre pays. Parfois excessives, ces normes et réglementations peuvent aussi être nécessaires à la protection des consommateurs et de notre environnement. Pourquoi laissons-nous entrer autant de produits, et notamment des produits agricoles, qui ne respectent en rien nos lois et notre réglementation ?

J’aurais aimé, monsieur le ministre, que les deux principes que je viens d’évoquer soient inscrits dans votre loi, afin de soutenir nos agriculteurs. Il ne s’agit pas de les protéger de manière excessive de la concurrence des produits importés, mais de leur permettre de se battre avec les mêmes armes que leurs concurrents. Il y va de l’avenir de notre agriculture, de notre économie et de notre souveraineté nationale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article définit les objectifs de la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation, précise le rôle du programme national pour l’alimentation, énonce les objectifs de la politique d’installation en agriculture et dispose que la politique agricole et alimentaire doit tenir compte des outre-mers et des territoires de montagne. Il place la politique de pêche maritime et d’aquaculture au sein de la politique de l’alimentation et renforce les exigences qui pèsent sur l’État en matière de politique forestière.

Cet article 1er met à jour les principes généraux de la politique agricole, alimentaire et sylvicole, telle que définie par la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999. Y sont ainsi révisés, mais aussi rénovés et élargis, les objectifs généraux de la politique d’installation, auxquels nous sommes tous particulièrement attachés. L’article 1er réaffirme ainsi son soutien à la création et à la transmission d’entreprises agricoles, aussi bien dans le cadre familial qu’en dehors de celui-ci, et promeut la diversité des systèmes de production sur notre territoire. Les systèmes de production qui allient performance économique et performance environnementale, comme c’est le cas de l’agroécologie, sont promus et encouragés.

Par ailleurs, cet article définit les objectifs prioritaires du programme national pour l’alimentation, autour de la justice sociale, de l’éducation alimentaire, de la jeunesse et de l’ancrage territorial. Enfin, les principes généraux de la politique forestière, inscrits au livre Ier du code forestier, sont complétés pour souligner l’importance d’une gestion durable et multifonctionnelle des forêts françaises.

C’est dire tout l’intérêt que revêt cet article, aussi bien au regard de notre agriculture, que de l’attente de nos agriculteurs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je voudrais revenir sur le terme « compétitivité », qui a suscité des propos tout à fait contradictoires du côté gauche de l’hémicycle.

M. Chassaigne nous a expliqué qu’il se réjouissait qu’entre la première et la deuxième lecture, le mot compétitivité ait quasiment disparu de l’article 1er.

M. André Chassaigne. J’y reviendrai !

Mme Annie Genevard. Vous avez dit – je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, cher collègue ! – préférer à la notion de compétitivité l’idée de production de richesse, de production de qualité, de partage de la valeur ajoutée… Ce sont là des conceptions tout à fait conformes aux nôtres, d’une part, et qui ne sont absolument pas antinomiques avec le terme de compétitivité, d’autre part.

Quant à M. Potier, qui a également fustigé le terme « compétitivité », n’est-il pas un peu mal à l’aise en songeant que le rapport commandé par le Président de la République à Louis Gallois portait sur la compétitivité de l’économie française, que le CICE n’est rien d’autre qu’un crédit d’impôt compétitivité emploi (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP) et que le Président de la République nous invite à réfléchir au choc de compétitivité ? Tout cela est quand même un peu cafouilleux !

La compétitivité – et je reprends là une définition qui a été donnée dans un excellent article de L’Expansion – est un terme emprunté au domaine sympathique du sport. La compétitivité est la capacité à soutenir une compétition sportive avec des compétiteurs venus de l’ensemble de la planète. Eh bien, c’est exactement à cela que nous voulons inviter nos entreprises, y compris nos entreprises de l’économie agricole !

Du reste, que vous a dit le ministre ? Il a vanté l’action de FranceAgriMer, qui détient selon lui les clés de la compétitivité de l’agriculture ! Alors cessons ces débats idéologiques : la compétitivité n’est pas un mot libéral, ni un gros mot. Elle consiste simplement à faire en sorte que nos entreprises agricoles puissent soutenir la compétition mondiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’aurais pratiquement pu partager les propos d’Annie Genevard, mais, comme par hasard, les derniers mots qu’elle a prononcés ont quasiment réduit à néant tout le reste de son intervention, puisqu’elle a terminé en parlant de compétition mondiale.

M. Lionel Tardy. Est-ce un gros mot ?

M. André Chassaigne. Non, ce n’est pas un gros mot, mais cela montre la différence, et même la divergence qui existe entre nous : une divergence idéologique, voire culturelle. Cette différence est apparue très nettement aussi dans les propos de Nicolas Dhuicq : votre conception de la compétitivité est uniquement liée, comme le disait ce dernier, à l’idée de la locomotive exportatrice. Cette conception, vous l’avez héritée d’économistes de la fin du XVIIIe et du début du XIXsiècles et vous ne l’avez pas quittée…

M. Philippe Le Ray. Des économistes prémarxistes, en tout cas !

M. Guillaume Larrivé. Vive Stuart Mill !

M. André Chassaigne. …qu’il s’agisse d’Adam Smith, avec la main invisible du marché, ou de David Ricardo, avec les avantages comparatifs. Cela revient à considérer que l’agriculture française et l’agriculture européenne ne peuvent vivre, survivre et se développer qu’en pratiquant les prix les plus bas possibles, afin d’être compétitives au niveau mondial.

Mme Annie Genevard. Mais non !

M. André Chassaigne. En disant cela, vous restez scotchés à une analyse économique dépassée.

M. Philippe Le Ray. Merci pour la leçon !

M. André Chassaigne. C’est comme si je citais un texte de Karl Marx décrivant l’industrie anglaise du milieu du XIXsiècle et que je le prenais, non pas comme un guide pour la réflexion ou pour l’action, mais comme quelque chose d’intangible !

Vous en restez à une conception économique absolument conservatrice…

M. Patrice Martin-Lalande. Je crois qu’en la matière vous venez de remporter la médaille d’or !

M. André Chassaigne. …et très destructrice pour notre agriculture et pour notre planète. Le ministre a très bien expliqué – et je ne ferai pas aussi bien que lui –, que la compétitivité que nous condamnons, c’est la compétitivité à la David Ricardo ou à la Adam Smith, qui bousille tout sur son passage ! À l’heure actuelle, on ne peut pas avoir une politique agricole française qui ne tienne pas compte de ses dégâts potentiels sur la planète, sur l’environnement, et sur le devenir de notre agriculture. On ne peut pas concevoir l’agriculture sans tenir compte de la qualité de ce que l’on produit, de la nécessité d’avoir une montée en gamme et des produits de qualité.

M. Philippe Le Ray. On n’a jamais aussi bien mangé qu’aujourd’hui !

M. André Chassaigne. On ne peut pas penser l’agriculture française sans prendre en compte les pays du Sud. Car, avec l’évolution des biotechnologies, on va développer des produits super-performants qui vont effectivement pouvoir rivaliser au niveau international, mais qui vont massacrer, comme cela a été le cas pendant des décennies, l’agriculture du Sud.

Il est nécessaire d’avoir une approche beaucoup plus globale, beaucoup plus nuancée, et en définitive beaucoup plus progressiste, de l’agriculture.

Je ne comprends pas que vous soyez toujours victimes de ce qu’un philosophe a appelé – pardonnez-moi l’expression – une « crampe mentale ». Il faut essayer de se dégager de tout cela et de prendre en compte les conditions actuelles de la planète, de la société, de ceux qui vivent sur cette planète, et l’avenir des générations futures.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je ne voudrais pas être désagréable, mais je me permets de rappeler que la loi, en principe, ordonne, permet ou interdit. La loi n’est pas faite, monsieur le ministre, pour écrire des généralités aimables, pour indiquer qu’on est favorable à une alimentation sûre, saine, diversifiée et de bonne qualité…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous voulez que l’on parle de la loi Grenelle ?

M. Guillaume Larrivé. Il est vrai que sous d’autres législatures, des lois verbeuses ont été votées, mais il n’est peut-être pas nécessaire de reproduire des turpitudes passées… L’objet de la loi n’est pas d’écrire que l’eau bout à 100 degrés. Or ce que vous avez écrit tient au mieux de l’exposé des motifs. Vous allez, une fois encore, inscrire dans la loi des dispositions qui n’ont rien de normatif et qui sont, pardonnez-moi de le dire, extrêmement verbeuses.

Je voudrais également rappeler que la langue de la République est le français. Or on trouve dans votre texte des mots comme « écosystémique » ou « biocontrôle » qui, pour moi qui ne suis spécialiste ni d’agronomie, ni de technique agricole, sont parfaitement incompréhensibles – je vous le dis comme citoyen et comme député.

Mme Annie Genevard. Absolument !

Mme Marie-Noëlle Battistel. Vous n’avez pas dû faire trop d’efforts pour les comprendre !

M. Guillaume Larrivé. Je trouve vraiment regrettable que vous vous payiez ainsi de mots. Vous ne rendez pas service à ceux qui nous ont précédés dans cette assemblée et qui essayaient, eux, d’écrire la loi en français.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Madame Genevard, je vous renvoie à mon discours : j’ai seulement dit que la compétitivité était un mot-valise, qui pouvait être un mot creux ou un mot porteur de significations mortifères ou insignifiantes. J’ai seulement essayé, comme le ministre, et comme mon collègue et ami André Chassaigne – et je ne pourrai pas faire mieux que lui – de donner un contenu à ce que pouvait être le défi d’une nouvelle croissance en agriculture. C’est mieux que des mots-valises : il s’agit d’y mettre de vrais contenus.

Mme la présidente. Nous en arrivons à la discussion des amendements.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n132.

M. Lionel Tardy. Cet article me pose un problème, non pas quant à son contenu, mais quant à sa forme : il s’agit à mes yeux d’un article bavard. Il liste les objectifs de la politique agricole dans un livre préliminaire du code rural. Pour être franc, et comme beaucoup de mes collègues, je n’en vois pas l’intérêt. La loi, tout comme les codes qu’elle modifie, ne doit pas être une déclaration de bonnes intentions. Les modifications qu’elle apporte doivent être opérationnelles et avoir des conséquences concrètes. Or ce n’est pas le cas ici, même si les objectifs qui sont énumérés dans ce texte sont largement partagés. Chaque gouvernement est libre de définir sa politique, mais celle-ci n’a pas à être inscrite dans un code.

La situation a empiré au Sénat : je comptais vingt-neuf alinéas inopérants dans le texte initial et j’en compte désormais quarante-huit ! Aucun de ces alinéas n’aura de portée normative. Cet amendement propose donc tout simplement de les supprimer.

Et que dire du fameux concept d’agroécologie, qui repose sur du vide et qui laisse penser que jusqu’alors, agriculture et respect de l’environnement étaient deux mondes séparés, alors que le respect de l’environnement est souvent la priorité des agriculteurs ? Il n’est pas aisé de créer un concept et de définir du vide, mais le résultat est brillant… À l’heure où se met en place une mission d’information sur la simplification législative, je crois qu’il ne faut pas se complaire dans de belles paroles, qui participent à l’inflation législative tant décriée. Ce n’est pas parce qu’un projet de loi est de programmation ou d’avenir qu’il faut y intégrer ce qui ressemble plus à un discours de vœux qu’à des articles de loi.

M. Guillaume Larrivé. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.

M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques. Alors que M. Larrivé a souligné la richesse du vocabulaire de cet article 1er, M. Tardy veut la supprimer !

M. Lionel Tardy. Nous avons dit la même chose…

M. Germinal Peiro, rapporteur. Vous avez quand même noté un effort de clarification dans la rédaction que le rapporteur a proposée, et qui a été retenue par la commission. Toutes les lois agricoles comprennent un article qui définit et actualise les grands objectifs de la politique agricole. Il n’est pas inutile de poser le cadre de l’action publique pour les années à venir. Et tel est l’objet de cet article 1er.

(L’amendement n132, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n253.

M. Nicolas Dhuicq. Voici un amendement auquel devrait se rallier notre excellent confrère André Chassaigne au vu des évolutions qu’il évoque. Je ne veux pas être désagréable en rappelant un certain Vladimir Ilitch et la politique extensive qui a été menée plus à l’est, et dont la terre garde malheureusement le souvenir.

M. Patrice Martin-Lalande. Ainsi que des millions de morts !

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, vous avez essayé d’intégrer, au fur et à mesure de nos débats, la dimension internationale du problème alimentaire. Je propose plutôt d’accoler le terme « mondiale » au terme « européenne », car à mon sens, européen signifie déjà international. L’article de loi porte sur les dimensions « internationale, européenne, nationale et territoriale », je propose que l’on emploie le terme de « mondiale », car cela prend bien en compte le fait que nous sommes dans une situation explosive dans laquelle les affamés du Sud risquent de remonter détruire notre cher confort et d’affamer nos ventres bien pleins.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. M. Dhuicq propose de remplacer « internationale » par « mondiale ». Cela ne change pas fondamentalement le texte, et pour tout dire, cela n’apporte rien. Avis défavorable.

(L’amendement n253, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n254.

M. Nicolas Dhuicq. Je prends la balle au bond : ce qui vient d’être dit est assez significatif, car cela montre bien que certains dans l’hémicycle ne font plus de différence, tant l’idée de nation a disparu de leur vocabulaire, entre ce qui est européen et ce qui est national. Je reste solidement fixé à l’idée de nation protectrice et je considère qu’il y a donc une différence entre ce qui est mondial et ce qui est international, car l’Europe, c’est déjà l’international. C’est en particulier le cas pour notre premier concurrent, la République fédérale d’Allemagne, qui gagne d’énormes parts de marché et dont je redoute l’adaptation depuis dix ans au projet de loi que vous évoquez.

L’amendement n254 remet en cause le dogme dioxy-carboné des modifications climatiques. Je considère, comme d’autres personnes, que le climat est un système compliqué, chaotique. Soyons attentifs aux mots et au sens que l’homme donne à quelque chose qu’il ne peut pas contrôler, qu’il ne peut pas totalement prévoir ni expliquer par les modèles mathématiques contemporains, qui est infiniment complexe et qui a un aspect local. C’est pourquoi je propose que l’on écrive « changements climatiques » au pluriel, parce qu’il n’y a pas un changement climatique.

On voit avec les conséquences du phénomène El Niño, qui va arriver cette année, que les effets des modifications climatiques ne sont pas les mêmes selon l’endroit de la planète où l’on se trouve. Je préfère donc le pluriel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Une fois encore, le rapporteur considère que cet amendement n’apporte rien de plus. Nous vivons tous sur la même planète, monsieur Dhuicq, et nous parlons du changement climatique qui nous concerne tous. Avis défavorable.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Et la terre tourne, monsieur Dhuicq !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Ce débat semble extrêmement léger, mais pour moi il est profondément idéologique. Il montre bien la pensée dominante dans laquelle sont tombés aujourd’hui des esprits qui étaient autrefois des esprits libres, c’est-à-dire des esprits français. Nous vivons sur la même planète, mais nous ne ressentons pas les mêmes effets. La preuve en est que nous avons des visions de la construction européenne et des conceptions de la nation qui sont différentes.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Et des conceptions du climat aussi !

(L’amendement n254 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n539.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Cet amendement est satisfait, puisque l’alinéa en question dispose que la politique agricole doit chercher à augmenter la valeur ajoutée des filières. Je propose donc à M. Chassaigne de le retirer.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je le retire, madame la présidente.

(L’amendement n539 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n538.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je suis d’accord sur l’objectif, mais j’émets néanmoins un avis défavorable et je propose à M. Chassaigne de retirer cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je le retire.

(L’amendement n538 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n536.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Monsieur Chassaigne, je vous rappelle que les règles d’étiquetage sont régies par le droit communautaire. Il est donc impossible de garantir, dans la loi française, l’information du consommateur. Je suis au regret d’émettre un avis défavorable et je vous propose de retirer cet amendement.

Mme la présidente. L’amendement est-il maintenu, monsieur Chassaigne ?

M. André Chassaigne. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n536, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n263.

M. Nicolas Dhuicq. Notre excellent collègue Guillaume Larrivé a rappelé fort justement, dans son intervention sur l’article 1er, le fait que la loi est là pour normer, organiser, et prévoir le réel. Or nous vivons dans un système dans lequel, pour permettre à ceux qui croient aux interdits alimentaires de pratiquer une consommation liée à leurs convictions et leurs croyances, la loi se trouve appliquée de manière minoritaire par rapport à la dérogation.

Nous avons bien deux systèmes d’abattage dit « rituel » des animaux – je n’aime pas le terme de rituel, car il me semble peu respectueux. L’un est ultra-dominant démographiquement et industriellement, car il s’adapte très bien au grand capital puisque l’étourdissement est sauté – et lorsque l’on gagne du temps on gagne de l’argent, comme le sait bien notre collègue Chassaigne.

On demande à nos éleveurs, à nos exploitants et aux consommateurs de recevoir une flopée gigantesque d’informations, sauf sur le mode d’abattage des animaux. Et ce mode d’abattage commence à poser de sérieux soucis, y compris de nature sanitaire.

Nous l’avons bien compris, et nous le verrons ce soir, nous vivons dans un environnement qui ne cesse d’évoluer. Les bactéries se sont adaptées aux antibiotiques, et en particulier Escherichia coli qui sait parfaitement échanger extrêmement rapidement du matériel génétique et de l’information, et nous craignons de voir apparaître un système avec des épidémies toxi-alimentaires. La viande d’abattage rituel est faite pour des consommations auxquelles nous ne sommes pas habitués de ce côté-ci de la Manche, à savoir consommer notre bœuf de préférence saignant.

Ces questions sanitaires sont des questions majeures, monsieur le ministre. Lors de la précédente législature, j’avais déjà interpellé votre prédécesseur par une proposition de loi qui est devenue un amendement à un projet de loi sur la consommation. Le système ne pourra pas durer, nous ne pourrons pas continuer à voir l’étourdissement, lié au bien-être animal, devenir minoritaire dans le mode d’abattage des animaux. L’abattage rituel devient largement dominant : il représente plus des deux tiers de la volaille, plus des deux tiers des ovins et un quart à un tiers des bovins.

Je sais bien qu’il y a une filière à soutenir qui exporte en grande partie vers les pays du Golfe et la Turquie, je respecte les convictions de chacun et chacune, mais je m’interroge sur la présence et la puissance de la loi lorsqu’elle devient minoritaire et que la dérogation qui ne respecte pas le bien-être animal et les questions sanitaires devient majoritaire et pose un problème éthique.

À force de nous boucher les oreilles et de fermer les yeux, nous aurons des systèmes de rejet et de révolte dans ce pays qui vireront au communautarisme. Nous avons là un problème majeur que je continuerais à soulever : il n’est pas normal que l’abattage rituel soit dominant dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Monsieur Dhuicq, je vous laisse la responsabilité de vos propos. Je pense que vous faites erreur lorsque vous dites que l’abattage rituel est dominant dans notre pays, vous êtes totalement dans le faux, ce n’est pas sérieux de dire cela.

Je voudrais d’abord aborder la question sanitaire. Laisser penser que, suivant la méthode d’abattage, la qualité sanitaire des viandes ne serait pas la même n’est pas sérieux non plus, monsieur Dhuicq. Aucun État, en tout cas pas la République française, ne peut permettre que l’on mette sur le marché des produits dont la qualité sanitaire ne serait pas avérée. Cet argument ne tient pas.

Je vous rappelle que sur ce sujet de l’abattage, le président de la commission des affaires économiques, M. Brottes, avait organisé une table ronde il y a quelques mois afin d’essayer de faire la lumière sur cette affaire qui, cela ne vous aura pas échappé, a été exploitée politiquement. Je ne pense pas que cela soit votre souhait et que ce soit dans ce sens que vous avez soutenu cet amendement, mais vous savez quelle exploitation politique est faite de cette affaire.

M. Nicolas Dhuicq. Ce n’est pas une raison !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Il faut en revenir à des choses simples : la qualité sanitaire des produits qui sortent des abattoirs est irréprochable dans notre pays, sauf à mettre en cause le fonctionnement des abattoirs et les contrôles qu’effectuent les directions des services vétérinaires.

Je rappelle également, comme je l’ai dit précédemment, que l’étiquetage relève exclusivement de la réglementation européenne.

Gardons-nous, dans un pays d’élevage, de soulever des questions quand, en vérité, les problèmes réels ne se posent pas. Peut-être que quelques-uns fantasment avec ces questions d’abattage, et notamment d’abattage rituel, mais ce n’est pas la généralité dans notre pays. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce sujet a été très bien exposé par le rapporteur, et j’ai le même avis sur l’amendement. Je tiens à ajouter deux points. Oui, il existe une réglementation européenne, et la dérogation européenne vaut parce qu’il y a une règle européenne sur l’étourdissement. Et vous ne pouvez pas dire que la dérogation est devenue majoritaire, ce n’est pas vrai.

M. Nicolas Dhuicq. Si !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Deuxièmement, sur ce sujet, les religions sont les religions, et selon les cas et les religions, l’abattage rituel peut être prévu. Laïcs que nous sommes, dans notre république laïque, nous respectons la liberté de conscience et la liberté religieuse. Cela vaut jusque dans ces principes, lorsqu’ils s’appliquent. Nous devons les respecter tout en organisant, et c’est pourquoi nous avons aussi fait des efforts dans ce domaine, afin d’organiser les choses et éviter qu’elles ne se fassent d’une manière qui n’est pas contrôlée. C’est pourquoi les abattages qui se faisaient parfois dans des endroits qui n’étaient pas contrôlés se font maintenant dans des abattoirs. C’est ainsi que cela doit se passer. Réglementer, surveiller, organiser, mais respecter. Cela fait aussi partie du débat laïc.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je suis désolé de vous contredire mais il existe une dérive. Peu importent les pourcentages, je vous affirme qu’il existe une dérive, c’est-à-dire qu’il y a beaucoup plus d’animaux qui sont tués de façon rituelle qu’il n’en est consommé.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ils sont exportés !

M. Jacques Lamblin. M. Dhuicq n’a pas dit que les produits qui sortent des abattoirs n’étaient pas de qualité, il a simplement dit, à juste titre, que les risques que l’on encourrait par l’abattage rituel étaient supérieurs au risque de contamination lors d’un abattage réglementaire, sanitaire.

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est faux !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. On ne peut pas laisser dire cela !

M. Jacques Lamblin. C’est une vérité que vous ne pouvez pas nier.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Sur quelle base vous fondez-vous ?

M. Nicolas Dhuicq. Nous allons vous expliquer !

M. Jacques Lamblin. Sur quelle base ? J’ai quelques compétences techniques. C’est mon métier, tout simplement.

Mme Annie Genevard. Il est vétérinaire !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Cela ne prouve rien !

M. Jacques Lamblin. Cela ne prouve rien, je vous l’accorde, mais j’ai un peu de crédibilité sur ce sujet-là.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. De l’arrogance, surtout !

M. Jacques Lamblin. Je voudrais aborder un autre aspect du problème. Vous disiez il y a quelques secondes que dans un pays d’élevage, il fallait faire attention avant de s’attaquer à ces problèmes. Un sujet émerge actuellement dans la société occidentale, et tout particulièrement dans la société française, c’est la notion d’animal comme être sensible. D’ailleurs, l’un des vôtres a récemment fait passer un amendement sur la notion d’animal, être sensible, je crois qu’il s’agit d’un ancien ministre de l’agriculture.

Au-delà de la sensibilité de l’animal, il y a la notion de souffrance animale. Aujourd’hui, en Occident, et plus particulièrement en France, beaucoup d’hommes et de femmes estiment que la souffrance animale est intolérable et se détournent donc de la consommation de viande ou de produits animaux.

Mme Marie-Hélène Fabre. C’est aussi parce que la viande est chère !

M. Jacques Lamblin. Pour le moment, cette réalité est encore minoritaire, sinon marginale. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une tendance sociale très forte.

Nous ne devons pas nier ce problème mais, au contraire, essayer de nous y attaquer calmement. Pourquoi y a-t-il une dérive ? C’est simple : pour une raison financière. Il est beaucoup plus pratique de faire passer les animaux par la même filière que de s’efforcer de distinguer ceux qui doivent subir un abattage rituel de ceux qui peuvent subir un abattage sanitaire normal : pour simplifier les choses, on met donc tous les animaux dans le même circuit ! Ce n’est pas acceptable.

Vous l’avez évoqué : on refuse d’engager le débat sur ce sujet parce que l’on craint qu’aborder ce thème ne suscite une dérive politique…

M. Nicolas Dhuicq et M. Philippe Meunier. Voilà !

M. Jacques Lamblin. …que ni vous ni moi ne souhaitons, bien sûr. Il est vrai qu’il y a un risque de dérive politique, mais ce n’est pas parce que ce risque existe qu’il ne faut pas aborder ce sujet, qui est important. La souffrance animale est prise au sérieux par un nombre croissant de nos concitoyens, et nous aurions tort d’ignorer cette réalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. On ne peut pas laisser dire des choses pareilles !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, notre collègue Dhuicq soulève là un vrai sujet. Il y a quelques mois, nous avons reçu en commission des affaires économiques l’un des principaux responsables des abatteurs de France, qui qualifiait ce sujet de sensible et délicat, comme le rapporteur et le ministre l’ont dit eux-mêmes.

L’exposé sommaire de l’amendement n263 fait référence à une étude de la direction générale de l’alimentation :…

M. Nicolas Dhuicq et M. Philippe Meunier. Voilà !

M. Thierry Benoit. …c’est donc quelque chose de sérieux. Cette étude de 2007 comportait des données statistiques, que vous contestez, monsieur le ministre. Je souhaite donc simplement savoir quelles sont aujourd’hui, en 2014, les véritables données. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Mon amendement vise à informer le consommateur librement, et non de marquer au fer rouge quelque culte que ce soit. À ce sujet, il existe outre-Atlantique d’éminents docteurs de la loi, en quelque sorte, qui considèrent que les interdits alimentaires ne font plus partie du culte : il y a des débats sur ce sujet, en particulier dans la communauté juive.

Vous savez bien, mes chers collègues, que les communautés musulmane et juive se caractérisent par des évolutions démographiques opposées mais symétriques ; il en est de même pour les questions de production. Vous savez également qu’il existe des enjeux d’exportation vers des pays qui veulent consommer de la viande halal, c’est-à-dire de la viande licite, et non des aliments haram, c’est-à-dire interdits.

Ma proposition ne concerne que l’étiquetage. Comme nous sommes laïques, nous n’interviendrons pas directement dans les cultes, que nous ne différencions pas : nous indiquerons simplement sur l’emballage si l’animal a été étourdi ou non avant d’être saigné.

Comme mon excellent collègue Lamblin l’expliquerait mieux que moi – j’avais l’habitude de soigner d’autres mammifères (Sourires) –, lorsque l’on tranche les quatre vaisseaux principaux d’un animal, il se produit des faux anévrismes tandis que des régurgitations œsophagiennes peuvent envahir la carcasse. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Vous pouvez lever les yeux au ciel : c’est la réalité ! Depuis dix ou quinze ans, l’antibiothérapie intensive s’est développée, même si elle est combattue : aussi, les souches d’escherichia coli sont de plus en plus pathogènes et résistantes. Il s’agit donc, à terme, d’un enjeu de santé publique, associé à celui de l’information du consommateur.

Si, à force de ne pas vouloir aborder les questions de fond comme celles-ci, nous ne disons ni ne faisons rien, alors tous ceux d’entre vous qui ont peur aujourd’hui de légiférer – comme au Parlement européen, d’ailleurs, puisque tous les eurodéputés français, du Front national à la gauche, ont refusé la mesure que je proposais – verront arriver le pire. À force de rester inactifs, nous serons confrontés au communautarisme, au repli, à la destruction de la République et de la laïcité.

L’aliment est une arme redoutable. Nous nous définissons par ce que nous consommons et ingérons. Les interdits alimentaires ne sont pas forcément liés à des questions sanitaires : ils proviennent de la première préoccupation des humains, celle de se différencier du groupe voisin.

Aujourd’hui, de nombreux vétérinaires commencent à tirer la sonnette d’alarme. Je propose simplement d’informer le consommateur.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Nicolas Dhuicq. De grâce, entendez ce que je viens de dire ! Si nous repoussons le problème une fois de plus, nous devrons faire face, les uns et les autres, à d’infinies difficultés, et nous serons alors confrontés à la récupération politique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Pompier pyromane !

M. Philippe Le Ray. C’est une question de transparence !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Messieurs les députés, c’est justement la manière dont vous présentez ce débat, comme vient de le faire M. Dhuicq qui semble être un expert, qui suscite des difficultés.

Aujourd’hui, certains affirment que manger de la viande pose un problème, à la fois en termes de réchauffement climatique et de bien-être animal.

Dans un certain nombre de religions, on ne consomme pas la totalité de l’animal. Or, quand un animal est abattu, il est complet : on n’a pas encore créé de moitié de bœuf – d’un côté les pattes arrière et de l’autre les pattes avant ! Ainsi, une partie de l’animal peut aujourd’hui être consommée sous la forme d’une viande halal ou kasher, tandis qu’une autre partie de ce même animal est consommée sous la forme générale. Si vous voulez modifier cette règle, vous devez accepter que, dans le débat sur l’animal, les sujets soient mêlés. Je le répète : respecter un rite implique aussi de l’organiser, de le contrôler et de faire respecter les règles sanitaires qui sont les nôtres.

M. Nicolas Dhuicq. Mais pas de l’imposer aux autres !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il n’y a aucune raison de transiger sur la question sanitaire.

Ce soir, je vous ai écouté parler et alimenter tous ces débats sur la consommation de viande. Mais je suis ministre de l’agriculture, et je pense aux éleveurs et aux professionnels. En parlant comme vous le faites, vous ne permettez pas de poser clairement le débat, ni de le pacifier. Au contraire, vous inquiétez les consommateurs, et vous suscitez d’autres questions. Pourquoi manger de la viande ? Pourquoi tuer des animaux ? Et le processus s’enclenche…

Chacun a sa responsabilité. Pour ma part, j’assume la responsabilité de faire respecter la loi, la liberté de conscience et la liberté d’accomplir ses rites. En respectant la loi, les conditions sanitaires de l’abattage doivent être parfaitement contrôlées : c’est ce que nous faisons,…

M. Nicolas Dhuicq. Non !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …et c’est ce que nous continuerons à faire.

(L’amendement n263 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n540 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement n1299 rectifié.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement.

M. André Chassaigne. Il est important de rappeler dans ce projet de loi l’exigence de développer l’aide alimentaire aux plus démunis. Il y a un peu plus d’un an, les différents présidents de groupe de notre assemblée ont reçu, à l’initiative du président Bartolone, les quatre grandes associations françaises qui prennent en charge l’aide alimentaire : les Restos du cœur, le Secours populaire, la Croix rouge et les Banques alimentaires. Nous avions alors eu un échange très intéressant, à une époque où l’Europe envisageait de se retirer de l’aide alimentaire – elle avait même quasiment acté cette décision. La mobilisation de tous les groupes de notre assemblée et de toutes les associations a permis de maintenir le Fonds européen d’aide aux plus démunis, le FEAD, dont la clé d’entrée est justement l’aide alimentaire.

Cette aide alimentaire concerne directement le présent projet de loi, à travers les questions de la lutte contre le gaspillage et de la collecte de denrées auprès d’industries alimentaires ou de grandes surfaces, par exemple.

Il faut donc rappeler l’exigence d’apporter une aide alimentaire aux plus démunis. On estime qu’en France, environ 4 millions de personnes viennent aujourd’hui chercher de l’aide auprès des associations de notre pays. Il serait donc tout à fait regrettable de ne pas ajouter ce point dans le projet de loi, d’autant que l’article 1er, que le rapporteur a très bien réécrit, énumère les grandes actions et les grands objectifs de notre politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation : il convient donc d’y ajouter l’objectif du développement de l’aide alimentaire aux plus démunis.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n1299 rectifié.

M. Germinal Peiro, rapporteur. L’objectif d’apporter une aide alimentaire aux plus démunis, rappelée par André Chassaigne, peut être retenu : je donne donc un avis favorable à cet amendement, sachant que le sous-amendement n1299 rectifié vise à reprendre les derniers propos de M. Chassaigne en remplaçant « de développer l’aide alimentaire » par « d’apporter une aide alimentaire ».

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n540 rectifié et le sous-amendement n1299 rectifié ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Effectivement, l’amendement de M. Chassaigne pourrait faire l’unanimité, y compris sur les bancs de l’opposition. Le prédécesseur de M. Le Foll, Bruno Le Maire, s’est d’ailleurs battu avec beaucoup d’énergie pour que l’Union européenne maintienne son engagement en la matière.

Cependant, j’aimerais avoir l’avis du ministre sur cette question : est-il judicieux d’inscrire dans la loi française le fait que cette aide alimentaire doive relever des compétences communautaires ? Il se peut que la question se repose très rapidement au niveau européen – il me semble en tout cas que c’était le sens de l’arbitrage sur nous avions obtenu. Les Allemands, notamment, considèrent que l’aide alimentaire doit relever de la politique de chaque État membre et ne doit pas faire l’objet d’une politique européenne ; à tout le moins, elle ne doit pas être un sous-produit de la politique agricole mais plutôt, s’il le fallait, un sous-produit d’une politique sociale européenne. Nous sommes d’accord sur le principe, monsieur le ministre : ma question porte simplement sur l’opportunité de l’inscrire dans la loi française. Cela risque de nous poser des problèmes demain…

M. André Chassaigne. Mon amendement précise que cette politique se déploie « notamment » dans un cadre européen renforcé !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’aide alimentaire n’est plus inscrite dans la politique agricole commune : c’est d’ailleurs ce qui avait valu, à l’époque, à Bruno Le Maire d’obtenir un prolongement jusqu’en 2013. Cette aide aux plus démunis, que nous avons négociée dans le cadre des perspectives financières pluriannuelles, est désormais inscrite au budget du Fonds social européen. Le seul lien qu’elle puisse avoir avec la politique agricole concerne la mobilisation des stocks – d’ailleurs, à l’échelle nationale, « l’amendement Jean-Michel Lemétayer », comme je l’appelle, a permis de défiscaliser une partie des dons de lait afin que les agriculteurs français puissent participer directement à l’aide alimentaire. À l’échelle européenne, en tout cas, l’aide alimentaire a basculé de la PAC vers le FSE.

À mon sens, l’aide aux plus démunis est aujourd’hui une politique européenne qui peut être complétée au niveau national. Je ne vois donc aucune objection à ce qu’elle soit inscrite dans la loi.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Permettez-moi d’apporter une précision : la loi Coluche permet une défiscalisation lorsqu’un agriculteur fait un don en nature. C’est très peu pratiqué, mais certaines associations, telles que les Restos du cœur, demandent que cela puisse se développer davantage.

(Le sous-amendement n1299 rectifié est adopté.)

(L’amendement n540 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. André Chassaigne. À l’unanimité !

M. Patrice Martin-Lalande. Bravo à l’auteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n257.

M. Nicolas Dhuicq. Le présent amendement vise à supprimer l’alinéa 27 de l’article 1er.

Tout cela est bel et bien et serait une belle leçon de sciences naturelles. Il ne manque plus que le mouvement brownien des particules…

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ça arrive !

M. Nicolas Dhuicq. …et la question des enzymes ou des cytomembranes pour arriver jusqu’au bout !

L’alinéa 27 présente une succession d’éléments naturels qui n’ont pas à être inscrits dans la loi. Je propose donc de supprimer cet alinéa bavard.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. L’agroécologie est le fil conducteur du texte présenté par le Gouvernement, vous ne pouvez qu’en convenir, cher collègue. Vous le déplorez du reste. (Sourires.)

Vouloir supprimer l’alinéa qui définit l’agro-écologie, reconnaissez avec moi que cela n’a pas beaucoup de sens. Avis défavorable donc.



M. Nicolas Dhuicq. Si !

(L’amendement n257, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n542.

M. André Chassaigne. Au regard des arguments présentés par M. le ministre tout à l’heure, je le retire.

(L’amendement n542 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n258.

M. Nicolas Dhuicq. L’amendement vise à supprimer la seconde phrase de l’alinéa 28.

Monsieur le ministre, votre texte, et le rapporteur vient de le rappeler, essaie d’obéir à une cohérence interne tout à fait logique. Comme ma vision est différente de la vôtre, cela ne vous aura pas échappé, …

M. Stéphane Le Foll, ministre. Non.

M. Nicolas Dhuicq. …je ne vois pas au nom de quoi vous favorisez les produits de biocontrôle par rapport aux produits phytosanitaires. En matière de santé humaine ou animale, nous menons une lutte permanente contre les microbes. C’est en quelque sorte la lutte entre l’épée et le bouclier. Je crains qu’avec le texte tel qu’il est écrit, nous soyons dans une vision totalement idéaliste, qui empêche l’arrivée sur le marché de produits efficaces et testés. Je ne vois pas pourquoi les produits de biocontrôle – dont je comprends mal la définition – seraient privilégiés par rapport aux autres.

L’invasion d’espèces extérieures au biotope d’origine, l’arrivée de nouvelles molécules d’origine végétale ou animale bouleversent les équilibres et font parfois plus de mal que de bien. On a le cas avec le réchauffement des mers et où certains microbes ou organismes voyageant beaucoup plus vite qu’auparavant vont envahir les écosystèmes existants.

Avec ce que vous proposez dans la seconde phrase de l’alinéa 28, on arrivera à l’effet inverse de ce que vous voulez obtenir : diminuer les intrants et favoriser les moyens de luttes dits biologiques par rapport aux moyens de lutte chimique.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais oui.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je veux rappeler à M. Dhuicq que cet alinéa s’inscrit dans le droit-fil du Grenelle 1 et 2, adoptés sous la précédente majorité. L’une des finalités était de rechercher des produits de substitution aux pesticides et d’accélérer la diffusion de solutions alternatives. Ce n’est ni plus ni moins ce qui est dit à propos des organismes de biocontrôle. Avis défavorable, donc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’argument du rapporteur sur le Grenelle de l’environnement est tout à fait pertinent.

Que représente le biocontrôle ? Soixante-dix à soixante-quinze PME françaises, en plein développement avec 15 à 20 % de croissance. Quels sont ses objectifs ? Premièrement, utiliser des molécules actives ou de la matière active d’origine végétale ou naturelle. Deuxièmement, développer des biostimulants pour renforcer les défenses des végétaux et des animaux. Troisièmement, utiliser des parasites ou des phéromones pour lutter contre les problèmes affectant les plantes.

L’objectif – vous l’avez dit vous-même – est d’aller le plus loin possible dans la substitution des phytosanitaires par ces mécanismes et produits de biocontrôle. Vous qui êtes médecin, vous connaissez le phénomène de la résistance aux antibiotiques. À force d’utiliser des antibiotiques à tout-va, on a fini par créer des résistances. Et si l’on ne change pas le système, il finira par trouver ses propres limites.

L’anticipation consiste à recourir à des alternatives. La conclusion de votre intervention, monsieur le député, était tout à fait cohérente. Nous ne sommes pas d’accord, mais au moins, c’est clair. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, quel que soit votre talent oratoire, vous ne m’avez pas convaincu.

Prenons l’exemple de l’acide acétylsalicylique. Aujourd’hui, on ne pourrait pas le mettre sur le marché tant les règles en matière de tests sont devenues complexes, y compris pour les médicaments à destination humaine. Pourtant, c’est une molécule qui sauve de nombreuses vies. Il s’agit en outre d’une molécule naturelle ; nous n’inventons pas grand-chose car nous reprenons les éléments que la nature a créés – si l’expression peut être employée – et nous les utilisons à notre profit.

Vous avez parlé de phéromones ; il s’agit bien de synthétiser des molécules, c’est-à-dire de faire appel à l’intelligence de l’homme par le biais de la chimie ou du génie génétique. Pour ma part, je reste beaucoup plus inquiet quant aux effets sur l’environnement de l’introduction de molécules dites d’origine naturelle et non synthétique que certaines molécules synthétiques. Je ne suis absolument pas convaincu par votre argumentaire ; le diable se cache dans les détails et nous risquons de fortes déconvenues.

(L’amendement n258 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n259.

M. Nicolas Dhuicq. Il est défendu – je ne veux pas gâcher le plaisir d’être ensemble ! (Sourires.)

(L’amendement n259, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n1150.

Mme Michèle Bonneton. Le présent amendement tend à intégrer aux objectifs de la loi le développement et la réalisation d’outils agricoles par des initiatives participant au transfert de connaissances et savoir-faire techniques. Ces initiatives contributives présentent plusieurs avantages. Elles permettent de produire des outils à un coût beaucoup moins élevé que ceux que l’on trouve dans le commerce ; de mettre au point des outils souvent mieux adaptés, qui répondent mieux aux besoins des agriculteurs ; enfin, de resserrer les liens entre les agriculteurs, de mutualiser et de développer des coopérations, dans l’esprit de la loi.

(L’amendement n1150, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n262.

M. Jean-Pierre Decool. L’ancrage territorial faisait partie des trois objectifs initiaux du futur Programme national pour l’alimentation annoncé par le ministre de l’agriculture, à côté de la justice sociale et de l’éducation alimentaire de la jeunesse, auquel a été ajoutée la lutte contre le gaspillage alimentaire. Cet objectif majeur doit subsister dans la loi.

L’ancrage territorial de la politique publique de l’alimentation est essentiel car il participe au maintien des producteurs et des emplois sur l’ensemble du territoire national, y compris dans les zones défavorisées. Il permet d’affirmer le lien fort qui existe entre agriculture, agroalimentaire et alimentation.

Il s’agit donc d’un objectif tout à fait parlant pour les producteurs agricoles et les coopératives, qui recouvre des réalités diverses – développement de filières territorialisées, signes de l’identification de la qualité et de l’origine, partenariats locaux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Nous sommes d’accord pour mentionner l’ancrage territorial. Je vous invite, monsieur Decool, à relire la deuxième phrase de l’alinéa : « Pour assurer l’ancrage territorial de cette politique, il précise les modalités permettant d’associer les collectivités territoriales à la réalisation de ces objectifs. » Sur le fond, nous sommes d’accord, mais notre désaccord, léger, porte sur la place de cette expression dans la phrase. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. Maintenez-vous l’amendement, monsieur Decool ?

M. Jean-Pierre Decool. Eu égard à la précision apportée par le rapporteur, je le retire.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Merci.

(L’amendement n262 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n837.

M. Thierry Benoit. Par cet amendement, nous proposons la remise par le Gouvernement d’un rapport faisant un état des lieux du gaspillage alimentaire. Début 2012, le Parlement européen a adopté une résolution visant à réduire de moitié le gâchis de denrées d’ici à 2025. Le Gouvernement français s’est fixé cet objectif en juin 2013, dans le cadre d’un Pacte national. À ce jour, nous ne disposons d’aucunes données ni de diagnostic complet.

Tel est le sens de cet amendement qui vise à faire un état des lieux précis, par filière, et à actionner, enfin, le levier de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Sur le fond, monsieur Benoit, nous sommes en phase. La lutte contre le gaspillage alimentaire est une nécessité et une préoccupation, laquelle ne concerne d’ailleurs pas seulement notre pays. Je vous rappelle qu’un Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire a été lancé en juin 2013 par le Gouvernement et que la première journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire a été organisée le 16 octobre 2013. Laissons cette expérience prospérer avant d’en tirer un bilan et d’aller, éventuellement, au-delà. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le député, dans la continuité du travail de Guillaume Garot sur la lutte contre le gaspillage, un appel à projets sera lancé demain, intitulé : « Et vous, quelle sera votre action anti-gaspi le 16 octobre ? » Dès demain, cet appel sera publié demain – je l’annonce ce soir devant la représentation nationale. Il y aura des rendez-vous, des engagements de l’ensemble des acteurs concernés. Nous pourrons en discuter de manière claire et transparente. Inscrire votre demande de rapport dans la loi dès aujourd’hui ne me paraît donc pas utile. Je suis défavorable à l’amendement, mais favorable à l’objectif poursuivi.

Mme la présidente. Maintenez-vous l’amendement, monsieur Benoit ?

M. Thierry Benoit. Je le maintiens.

(L’amendement n837 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n264.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement propose de préciser que les débats en région seront organisés à travers une collaboration entre le conseil économique, social et environnemental régional et le Conseil national de l’alimentation, en cohérence avec les avis déjà rendus en la matière.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Il est bien précisé à l’alinéa 34 que le CNA participe à l’élaboration du programme national pour l’alimentation. Le projet de loi ne remet aucunement ce rôle en cause. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n264 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n368.

M. Jean-Pierre Decool. Même défense que l’amendement précédent.

(L’amendement n368, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n260.

M. Nicolas Dhuicq. La fin de l’alinéa 37 me paraît superfétatoire puisqu’il est précisé « dans un cadre familial et hors cadre familial », ce qui recouvre toutes les situations. Comme nous sommes tous favorables à l’objectif de « favoriser la création, l’adaptation et la transmission des exploitations agricoles », nous pouvons supprimer cette mention.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je dirai avec un peu de malice à M. Dhuicq que ce qu’il dit n’est pas faux, du moins cette fois-ci. Cependant il nous paraît important de préciser « dans un cadre familial et hors cadre familial ». Certes, cette mention recouvre tout mais les mots ont un sens, vous le savez bien.

M. Nicolas Dhuicq. Justement !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Installer des gens dans un cadre familial ou hors cadre familial renvoie à des situations spécifiques à l’agriculture. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n260 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n261.

M. Nicolas Dhuicq. Défendu.

(L’amendement n261, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement n680 rectifié.

M. Jean-Michel Clément. Par cet amendement, je reviens sur les zones humides. Il s’agit d’intégrer dans la loi une référence à leurs spécificités juste après l’évocation de celles des zones de montagne. Pourquoi ? Tout simplement parce que la préservation des zones humides a fait l’objet d’une définition précise dans la loi de 2012, codifiée à l’article L. 211-1 du code de l’environnement, qui affirme le principe selon lequel la préservation et la gestion durable des zones humides sont d’intérêt général.

Dans cet esprit, on comprendrait mal pourquoi la politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation ne tiendrait pas compte des spécificités de ces zones alors qu’elle entend tenir compte de celles des zones de montagne.

Dans la dernière livraison du document relatif aux GIEE qui fait suite à l’appel à projets CASDAR 2013, plusieurs projets liés aux zones humides ont été retenus. J’en prendrai un au hasard : la valorisation de l’élevage dans le marais de Brouage en Charente-Maritime. « La préservation des zones humides passe par le maintien de l’élevage mais les contraintes qui pèsent sur ces milieux rendent cette activité de moins en moins attractive pour les agriculteurs de ces secteurs », lit-on. Suit une reconnaissance du projet présenté par un groupe de trente-trois agriculteurs et soutenu par la chambre d’agriculture de Charente-Maritime, le ministère soulignant pour finir : « En outre, la démarche n’a pas vocation à rester centrée sur le marais de Brouage. La problématique de maintien de l’activité d’élevage dans les zones humides concerne également les autres secteurs géographiques comparables de ce département ».

J’y vois là une reconnaissance explicite du fait que l’élevage est une composante de la préservation des zones humides. Cet amendement correspond donc parfaitement à l’esprit et à la lettre de cette loi consacrée à l’avenir de l’agriculture.

Mme Delphine Batho. Il a raison !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je partage le souci de M. Clément pour la préservation des zones humides dans notre pays. Toutefois, je considère que l’on ne peut pas mettre sur le même plan zones humides et zones de montagne. Il peut y avoir des zones humides dans les zones de montagne.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Absolument !

M. Germinal Peiro, rapporteur. En outre, comme vous le savez, une loi spécifique à la montagne a été adoptée.

Si l’on ajoute une référence aux zones humides, pourquoi ne pas intégrer également les zones et les pelouses sèches des Petits Causses et des Grands Causses, les zones sablonneuses des Landes, et d’autres encore pour allonger le catalogue ? Monsieur Clément, je suis désolé de vous faire ici la même réponse qu’en première lecture, mais je n’ai pas changé d’avis.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Je persiste dans ma vision des choses, qui se fonde tout simplement sur le droit. Les zones humides, à la différence des autres zones, sont clairement définies, et par la loi et par le code de l’environnement. C’est la raison pour laquelle j’ai défendu cet amendement. S’il n’y avait pas de définition, cet ajout participerait de la loi bavarde souvent dénoncée par M. Dhuicq : on risquerait de voir se développer tout et n’importe quoi pour d’autres sites. Mais ce n’est pas le cas, la définition de l’article L. 211-1 du code de l’environnement est même limpide.

Pour préserver les zones humides, il faut passer par l’élevage. Reconnaître le rôle de l’élevage dans ces zones, c’est aussi les encourager. Si les 10 000 hectares de marais autour de Rochefort sont emblématiques de la biodiversité, c’est bien parce qu’il y a toujours de l’agriculture. Ni plus ni moins. Sans agriculture, ce serait la friche et ce que nous voulons, ce ne sont pas des friches mais une économie performante. Et je ne parle pas de la qualité des produits labellisés issus de ces zones.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Je regrette que le Gouvernement et la commission n’adhèrent pas à la proposition de M. Clément. Les zones humides se situent un peu partout, et pas seulement en montagne. Elles ont une action remarquablement efficace sur la biodiversité : point n’est besoin qu’elles occupent une très grande surface pour jouer un rôle important pour son maintien voire son développement. Or ces zones humides sont en danger à peu près partout, du fait essentiellement de l’évolution des pratiques culturales. Toute mesure visant à les préserver représente un intérêt, tout particulièrement pour vous qui affirmez – vieille antienne – que la biodiversité est un grand sujet.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Je demande une suspension de séance, madame la présidente.

M. Thierry Benoit. Un petit réglage avant d’arriver à la sagesse !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinquante-cinq, est reprise le mardi 8 juillet 2014 à zéro heure cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Monsieur le ministre, votre collègue en charge de l’écologie est en train de faire voter, dans un autre texte de loi, des dispositions sur la biodiversité. Comment allez-vous assurer la coordination entre les dispositions de ces deux lois ?

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, je ne veux pas abuser de votre patience mais j’ai le sentiment que nous aurions mieux fait de suspendre encore un peu la séance afin que l’amendement qui est prévu puisse parvenir jusqu’à vous. C’est pourquoi je demande de nouveau une brève suspension de séance.

Mme la présidente. Monsieur le président, je vous confirme qu’effectivement rien ne m’est parvenu.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure sept, est reprise à zéro heure quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Mes chers collègues, je suis saisie d’un amendement n1318 du Gouvernement.

Monsieur le ministre, je vous propose de nous le présenter.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame la présidente, suite au débat que nous venons d’avoir sur les zones humides, je vous propose l’amendement n1318 ainsi rédigé : « Après l’alinéa 44, insérer l’alinéa suivant : «VII. – La politique en faveur de l’agriculture et de l’alimentation tient compte des spécificités des zones humides, en application de l’article L. 211-1 du code de l’environnement.» », l’article L. 211-1 définissant ce que sont les zones humides.

J’imagine que s’il y a des débats concernant les zones humides dans une autre commission, monsieur Herth, il s’agit de la biodiversité. Ici, il s’agit de rappeler que dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation, ces zones ont des spécificités.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Je retire mon amendement au profit de celui du Gouvernement.

(L’amendement n680 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je remercie le Gouvernement d’avoir pris en compte cette spécificité dans un paragraphe spécifique, parce que le mélange avec les zones de montagne me posait un problème : on comparait ce qui n’était pas comparable.

En revanche, monsieur le ministre, il faudra qu’on sache un jour qui arrête définitivement le périmètre des zones humides. On en trouve partout, dans les SCOT, dans les PLU : à chaque fois, il peut y avoir débat, parce que la preuve doit être faite qu’il s’agit vraiment d’une zone humide. Malheureusement, il y a une définition peut-être trop précise dans la loi, avec un cumul de critères ; quand on est sur le terrain, en cas de contestation, on va d’expertise en contre-expertise. Il faut que, à un moment, quelqu’un siffle la fin de la récréation. Normalement, c’est le préfet.

Cela n’a rien à voir avec l’amendement que vous déposez. Je dis juste que, sur la définition de ce périmètre, les choses ne sont pas stabilisées.

(L’amendement n1318, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n252.

M. Nicolas Dhuicq. Il est défendu.

(L’amendement n252, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 102, 209, 318, 434, 840, 1207 et 1270.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n102.

M. Lionel Tardy. Il n’y a aucune raison que la régénération des peuplements forestiers soit un objectif prioritaire par rapport à la conservation de la faune sauvage et à la sauvegarde de la biodiversité.

Dans cet esprit, la rédaction du nouvel article L. 121-1 du code forestier doit être équilibrée pour que la relation entre la faune sauvage et la forêt apparaisse clairement.

Il s’agit aussi de mettre le code forestier en harmonie avec l’article L. 452-4 du code de l’environnement.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n209.

M. Nicolas Dhuicq. Nous examinons une série d’amendements qui visent à trouver un équilibre entre la production forestière et l’intérêt cynégétique. Vous le savez, monsieur le ministre, il y a des zones de grand gibier où peuvent naître des conflits entre forestiers et chasseurs, en particulier dans ma région. Nous considérons qu’il est important que les deux catégories puissent continuer à exister et à s’exprimer. Sans la faune, il n’y aurait pas aujourd’hui de forêt et l’inverse est également vrai. Mon amendement vise donc à trouver un équilibre entre chasseurs et producteurs de bois.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Non ! La rédaction du projet est meilleure.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande, pour soutenir l’amendement n318.

M. Patrice Martin-Lalande. Il n’y a pas de droits d’auteur sur cet amendement. La rédaction de ce nouvel article doit être corrigée, pour que la relation équilibrée entre la faune sauvage et la forêt puisse apparaître clairement. Cet amendement vise à mettre le code forestier en harmonie avec le code de l’environnement, dont les termes ont été bien pesés, puisqu’il évoque « la présence d’une faune sauvage riche et variée » en même temps que « la pérennité et la rentabilité économique des activités sylvicoles ».

L’objectif à atteindre est bien, indissociablement, de protéger la faune sauvage et de respecter la capacité d’accueil du biotope, en équilibre avec les peuplements forestiers.

Il faut aussi rappeler que les schémas de gestion cynégétique fixent les règles relatives à l’équilibre agro-sylvo-cynégétique, dans chaque département et à l’échelle des unités de gestion cynégétique. Ces schémas, qui incluent tous les dispositifs existants – plan de chasse, plan de gestion, prélèvement maximum –, ne doivent pas se borner à agir de manière correctrice, face aux dégâts constatés, mais être conçus comme des outils de prévention, en vue de réguler le plus tôt possible les effectifs des grands ongulés.

La loi ne doit pas afficher comme prioritaire la régénération forestière, au détriment de la biodiversité, au titre de laquelle la France a des obligations européennes et internationales, notamment dans le cadre de Natura 2000. J’en sais quelque chose, comme président du comité de pilotage de la Sologne, qui est le premier site terrestre « Natura 2000 ».

Il est bien inclus dans les objectifs européens que cet équilibre doit être trouvé. Je pense qu’il faut le rappeler aussi dans la loi française.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n434.

M. Jacques Lamblin. Ces amendements identiques visent à substituer au mot « régénération » celui de « préservation ». J’appelle votre attention sur ce point : le mot « préservation » contient la possibilité de régénération, ce qui n’est pas vrai dans l’autre sens.

Par ces amendements, nous souhaitons que des dispositions soient prévues pour qu’en matière de biodiversité, d’équilibre de la faune en forêt, on cherche à garder ce qu’on a, au lieu de devoir restaurer ce qu’on a pu perdre. Bien souvent, les dispositions de ce texte tendent à favoriser le retour à un monde perdu, alors que nous cherchons, nous, à préserver ce qui existe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n840.

M. Thierry Benoit. Ce même amendement avait été déposé par quatorze députés : c’est signe, monsieur le ministre, qu’il y a là un vrai sujet, dont je vous ai fait part pendant la discussion générale.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Cela fait vingt ans que c’est comme ça !

M. Thierry Benoit. Écoutons-nous. Des signaux ont été adressés en première lecture aux défenseurs de la faune sauvage et nous pensons que les forêts peuvent remplir leur double fonction, économique – que vous défendez ici – et écologique – que défendent fermement certaines associations locales. Voilà le sens de cet amendement, en complément des arguments exposés par mes collègues.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n1207.

M. Gilles Lurton. Il a été largement défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n1270.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Nous abordons un débat de fond et nous sommes au moins d’accord sur un mot : « équilibre ».

Le problème, nous le connaissons parfaitement. Quand il y a trop de grands cervidés, la forêt a du mal à se régénérer, les jeunes pousses étant mangées, et les forestiers ont du mal à replanter, dans la mesure où les plantations sont saccagées par ces grands cervidés. C’est cela, la réalité. Depuis des décennies, on voit s’affronter l’intérêt des forestiers qui veulent pouvoir replanter et celui des chasseurs qui veulent des cervidés pour leurs loisirs du samedi et du dimanche.

Que recherchons-nous, les uns et les autres ? C’est l’équilibre sylvo-cynégétique, c’est-dire l’équilibre par lequel la forêt pourra se régénérer, les forestiers pourront faire leur métier et les chasseurs trouveront assez de cervidés pour pratiquer leur loisir.

M. Patrice Martin-Lalande. Il faut l’égalité entre les deux notions.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Pour moi, l’alinéa 54 tel qu’il est rédigé, faisant référence à « la régénération des peuplements forestiers dans des conditions satisfaisantes d’équilibre sylvo-cynégétiques » me paraît parfaitement équilibré. Il prévoit et la nécessité de la régénération de la forêt, et la nécessité de l’équilibre sylvo-cynégétique, de façon que les activités des uns n’entrent pas en contradiction avec celles des autres.

Je vous signale, mes chers collègues, que dans le titre sur la forêt, on va introduire au niveau régional des commissions de concertation entre les forestiers et les chasseurs. De la même façon, dans les départements où il y a des sangliers, un équilibre doit être trouvé entre l’activité agricole et la prolifération des sangliers, pour ne pas en arriver à ce qui s’est passé dans mon département, où les jeunes agriculteurs sont allés labourer la pelouse de la fédération départementale de la chasse, parce que manifestement la régulation ne se faisait pas. (Sourires.)

Il faut que nous restions modérés. Nous connaissons les recommandations et les avis des uns et des autres, nous les avons auditionnés. Sachons garder la mesure et conservons la rédaction de l’alinéa 54. Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, en vous indiquant, monsieur le député, qu’il ne reste que six minutes de temps de parole aux députés non-inscrits mais beaucoup d’amendements, dont vous êtes signataire à examiner

M. Jean Lassalle. Dois-je vous faire remarquer, madame la présidente, sans outrepasser les règles, que jusqu’à maintenant, je ne vous ai pas rebattu les oreilles… (Sourires.)

Mme la présidente. C’était simplement pour vous indiquer que vous aurez moins de temps pour défendre vos amendements. Mais vous vous exprimez quand vous le voulez, monsieur Lassalle.

M. Jean Lassalle. Tant pis. Vous présidez très bien. Quand vous estimerez que j’ai assez parlé, vous m’arrêterez. Depuis un an, je ne pense vraiment pas avoir hanté l’hémicycle.

Je pense, mes chers collègues, que nous devrions faire preuve d’un peu plus d’allant. La fonction économique et le rôle écologique doivent être liés sans qu’il y ait suprématie d’un objectif sur l’autre. Mais il y a suprématie depuis trente ans. Nous sommes devenus fous furieux : on a tout protégé, tout sanctuarisé, du moins chez moi, à tel point que les arbres sont en train d’entrer dans les cuisines, puisqu’ils ne sont plus coupés. D’ailleurs, ils ne valent plus rien. Quant aux animaux dont vous parlez, il y a trop peu de chasseurs pour les réguler et ils prolifèrent.

M. Lionel Tardy. Et les loups ?

M. Jean Lassalle. Je pense donc que le curseur, monsieur le ministre, doit plutôt glisser dans l’autre sens, pour montrer que l’agriculteur, le chasseur, le berger, celui qui vit dans la nature, est aussi quelqu’un qui aime cette nature et qui est parfaitement capable de voir avec le préfet ce qu’il convient de faire.

Mais bloquer systématiquement le développement de nos forêts et de nos campagnes comme on l’a fait avec les directives sur l’habitat et d’autres encore, je ne pense pas que cela soit de bonne politique.

Je tenais simplement à le dire sans savoir exactement si j’ai outrepassé mon temps de parole dont, si vous m’y autorisez, j’userai à nouveau.

M. Thierry Benoit. Très bien ! Avez-vous entendu la voix de la montagne, monsieur le ministre ?

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je m’exprime en tant qu’ancien rapporteur de la loi d’orientation forestière de 2001.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Voilà qui pose son homme ! (Sourires)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Chacun, à un moment ou à un autre, peut faire part de son expérience !

Il se trouve que je connais par cœur, au moins depuis cette période-là, les plumes qui ont écrit l’amendement que vous défendez tous. Permettez-moi de vous rappeler que le Fonds forestier national existait encore qui, notamment, finançait en partie la régénération des forêts.

La gauche alors au pouvoir l’a supprimé en supprimant la taxe payée par les scieurs et la deuxième transformation qui le finançait. La filière, alors, a retrouvé un peu d’air.

Aujourd’hui, les financements dédiés à la régénération de la forêt sont devenus extrêmement rares. Il faut donc que nous puissions veiller à cette régénération, naturelle ou non, dans un certain nombre de massifs – pas forcément en montagne, où il est très difficile d’aller chercher des arbres et du bois et où, faute de collecte, la sylviculture est peu pratiquée.

M. Jean Lassalle. Il est très bon !

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le président.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’en termine, madame la présidente, et vous avez raison d’appeler mon attention : l’exposé de la vie législative de la forêt ne doit pas être trop long !

Pour que l’équilibre sylvo-cynégétique qui est au cœur de nos préoccupations depuis cette époque soit satisfaisant, il faut permettre au gibier de se déployer et à la forêt de se régénérer. C’est cet équilibre-là que défend l’article.

L’essentiel, pour que les peuplements soient préservés – un collègue l’a dit tout à l’heure – c’est qu’ils puissent se régénérer. L’article décrit la stricte vérité. Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, chers collègues ! Tel qu’il est, le texte est très bien. Nul besoin de l’amender !

M. Thierry Benoit. On dirait qu’il l’a écrit !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je voudrais appeler l’attention de la représentation nationale sur le fait que, depuis quatorze ans bientôt, les plans de chasses ont évolué et que, dans certains massifs forestiers de ma circonscription, les cervidés vont disparaître d’autant qu’un autre ami à quatre pattes et aux oreilles pointues dont on parlera prochainement s’y promène.

C’est un fait : le nombre de chasseurs diminue, or la chasse n’est pas qu’un loisir, c’est aussi une passion, en particulier dans certains milieux populaires, qui ne prennent pas de vacances et qui économisent leur argent afin de chasser pendant les périodes de congé.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas aux cervidés qu’ils s’attaquent.

M. Nicolas Dhuicq. Venez chez moi, monsieur le rapporteur : je vous assure que dans certains secteurs les cervidés sont en train de disparaître parce que les forestiers le veulent. C’est pourquoi nous attirons l’attention de la représentation nationale sur ces amendements qui s’imposent et qui, selon moi, visent explicitement à défendre la chasse.

(Les amendements identiques nos 102, 209, 318, 434, 840, 1207 et 1270 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n137.

M. Nicolas Dhuicq. Il est défendu.

(L’amendement n137, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n1044.

Mme Annie Genevard. Je propose de compléter l’alinéa 56 par les mots : « , par l’accompagnement en formation des nouveaux métiers du bois, par l’incitation à l’usage du bois dans la construction. »

Cet amendement vise ainsi à stimuler la formation et à encourager le recours à ce matériau dans la construction.

M. Thierry Benoit. Très bien ! C’est une bonne proposition !

Mme Annie Genevard. J’ai relu attentivement l’alinéa 52 et les suivants : je crois que ces deux idées n’y figurent pas. Il me semble donc qu’elles ne sont pas redondantes avec le texte tel qu’il est.

M. Thierry Benoit. Très bien ! Avis favorable ! (Sourires)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je vous rappelle, madame Genevard, que le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions favorisant l’usage du bois dans la construction par rapport à d’autres matériaux d’où l’impossibilité, pour nous, d’en faire état dans la loi alors que j’avais moi-même proposé une telle mention.

Mme Annie Genevard. Quid de la formation ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. C’est pour cette simple raison qu’il n’est pas possible de retenir votre amendement, ce que je regrette. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Nous pourrions alors le rectifier.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. La minorité constructive est toujours là, prête à rendre service ! (Sourires) Nous proposons de ne retenir que la première partie de l’amendement – « , par l’accompagnement en formation des nouveaux métiers du bois » – et de supprimer la seconde – « , par l’incitation à l’usage du bois dans la construction. »

Cela nous paraît pouvoir convenir au rapporteur, au ministre et à l’auteur originel de cet amendement.

Mme la présidente. Il s’agit donc de supprimer la deuxième partie de l’amendement de Mme Genevard et de ses cosignataires.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je salue la proposition de M. Benoit à laquelle je donne un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Sagesse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je remercie M. Benoit pour son intervention.

Monsieur le rapporteur, j’ai ici la lettre d’information des communes forestières de Franche-Comté dans laquelle il est question d’un programme national de la fédération nationale des communes forestières intitulé « Cent constructions publiques en bois local ». L’incitation à la construction en bois local est donc bien conforme à la réglementation.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Les communes peuvent en décider ainsi.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’obligation législative d’utiliser du bois dans la construction a été remise en cause par le Conseil constitutionnel. Nous n’y reviendrons donc pas. En revanche, des communes peuvent prendre des initiatives dans la construction.

Demain, des matériaux extrêmement performants à base de bois seront disponibles, mais c’est un autre sujet. Malheureusement, en l’état, il n’est pas possible d’inscrire dans la loi l’obligation d’utiliser du bois dans la construction.

Mme la présidente. L’amendement 1044 rectifié est donc ainsi rédigé : « , par l’accompagnement en formation des nouveaux métiers du bois. »

(L’amendement n1044 rectifié est adopté.)

M. Thierry Benoit. Bravo Annie !

Mme Annie Genevard. Merci Thierry !

(L’article premier, amendé, est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Tant que je dispose d’un peu de temps de parole et quoique je ne sache pas si je m’exprime à l’article idoine, comme nous venons de parler des forêts, des pâturages et des biens communaux, je souhaite dire à M. le ministre – qui le sait – et à M. le rapporteur – qui fait un excellent travail – que les territoires de montagne ne sont plus entretenus, ce qui est à mon avis – quoique aucun climatologue n’en tienne compte – à l’origine des grandes catastrophes que nous connaissons aujourd’hui.

Partez du sommet d’une montagne où coule un petit ruisseau puis descendez jusqu’à la Loire ou à la Seine ! Nous n’avons plus le droit de toucher au lit du gave ou du fleuve, qui monte jusqu’à ce que la place vienne à manquer pour que l’eau s’écoule, surtout lorsqu’elle s’abat violemment comme nous venons de le voir à l’intérieur du Pays Basque où elle a tout dévasté.

En même temps, la loi sur l’eau interdit que l’on coupe la végétation autour des cours d’eau. Or, dans ma jeunesse – je ne dois pas être le seul – je nettoyais avec ma famille le bord du gave car nous avions besoin de bois pour nous chauffer – même si ce n’était pas souvent le meilleur. Les cours d’eaux n’étaient pas canalisés mais naturels. On y voyait, au fond, les jolies pierres et l’eau s’écoulait tranquillement. Lorsque le niveau montait, pas de dévastation ni de coûts faramineux, les choses se passaient au mieux, même s’il pleuvait fort.

Ce n’est peut-être pas à cet article que je devrais le dire, monsieur le ministre…

M. Stéphane Le Foll, ministre. En effet.

M. Jean Lassalle. …mais je sais que vous me comprendrez : il faut faire un effort. Les paysans sont prêts à le faire s’ils sont à nouveau confortés dans ce rôle et si des jeunes peuvent se réinstaller. Sans que cela coûte les yeux de la tête, on pourra alors retrouver une manière d’être dans nos campagnes qui n’entraînera pas forcément la dévastation des villes chaque fois que l’eau s’accumule un peu plus qu’à l’accoutumée.

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 2.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n133.

M. Lionel Tardy. Malheureusement, ce texte est comme beaucoup d’autres assez riche en comités Théodule ; cela devient une habitude.

En l’occurrence, nous discutons du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire.

Selon le « jaune » budgétaire, il se réunit bel et bien et, à première vue, a une autorité potentielle sur deux missions : une commission, en son sein, est chargée de donner son avis sur la reconnaissance des organisations de producteurs, une autre gérant la certification environnementale. Or, ces missions sont réglementaires.

Je suis, en revanche, plus que sceptique s’agissant des missions législatives. Que ce soit dans la version actuelle ou dans celle qui sera réécrite par ce texte, l’essentiel des missions consiste, je cite « à veiller à la cohérence de différentes politiques et éventuellement à donner des avis. »

Veiller à la cohérence n’engage à rien et ne veut pas dire grand-chose ; on peut également douter d’avis qui seront facultatifs.

Cet amendement propose donc de supprimer ce Conseil, en tout cas, son versant législatif.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. M. Tardy propose d’abroger l’assise législative du CSO. Je ne rappellerai pas l’importance de cet organisme dans le fonctionnement de notre République et j’émets un avis défavorable à l’adoption de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le CSO s’est réuni l’année dernière quatre fois au ministère de l’agriculture à propos de la réforme de la politique agricole commune. Aujourd’hui, il est constitué, il fonctionne, il est représentatif des professionnels de l’agriculture et des organisations citoyennes mais, également, des différents acteurs de la filière agro-alimentaire.

L’inscription dans la loi de son assise législative lui donne une force et nous obligera à le consulter, ce qui n’a pas toujours été le cas.

Nous devons conforter un organisme qui nous permet de piloter les grands enjeux et les grands choix de la politique agricole. Le CSO doit être maintenu et je suis donc défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je m’oppose une fois de plus à l’inscription systématique de tous ces comités dans la loi. Ils fonctionnent aujourd’hui très bien sur le plan réglementaire qui est le leur et je ne vois pas quelle force supplémentaire leur serait conférée par une inscription dans la loi, en particulier s’agissant d’un comité dont les avis sont uniquement consultatifs et facultatifs.

Vous savez très bien que lorsque l’on voudra supprimer un comité de ce type, il faudra en passer par la loi, or, on ne trouve jamais le bon support législatif et ces comités perdurent pendant alors des années.

Il importe de continuer à faire le ménage. Dans le « jaune » budgétaire figurent plus de 500 comités et on s’interroge sur le fonctionnement de bon nombre d’entre eux. Arrêtons de les inscrire dans la loi, laissons-les dans le domaine réglementaire et cela fonctionnera très bien ainsi !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Germinal Peiro, rapporteur. M. Tardy fait peut-être une confusion : le CSO était déjà inscrit dans la loi. En l’occurrence, nous avons simplement complété et modifié sa composition. Je crois que vous faites erreur.

M. Lionel Tardy. Je ne veux pas qu’il soit inscrit dans la loi.

M. Germinal Peiro, rapporteur. C’est votre opinion.

M. Lionel Tardy. Absolument.

(L’amendement n133 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n1.

M. Nicolas Dhuicq. Cet amendement, comme d’autres qui vont suivre, vise à rappeler que cette loi concerne l’agriculture. Vous rajoutez les régions. Nous proposons, dans cet amendement rédigé par Jean-Frédéric Poisson, de les supprimer, pour deux raisons.

La première raison est évidente : nous allons peut-être attendre la semaine prochaine pour savoir quels seront leur taille et le redécoupage définitif. La seconde raison, c’est que nous sommes profondément convaincus que cela affaiblira le poids des professionnels.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Défavorable.

La commission a considéré que l’amendement de M. Dhuicq arrivait au mauvais moment.

Comme vous le savez, monsieur Dhuicq, les régions avaient déjà la compétence économique. Désormais, elles en auront une autre puisqu’elles pourront intervenir dans la gestion des aides de la politique agricole commune, et notamment du deuxième pilier. C’est pourquoi refuser au même moment de les faire représenter au CSO  ne nous paraît pas convenable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je suis d’autant plus inquiet en pensant aux dérives à venir de la politique agricole commune. Car en confiant cette compétence aux régions, nous créerons une asymétrie de plus entre nous et la République fédérale d’Allemagne, dont les Länder sont infiniment plus puissants que nos régions.

M. Jean Lassalle. Ce n’est pas faux !

(L’amendement n1 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 50 et 841.

La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n50.

M. Alain Leboeuf. Notre amendement propose de compléter l’alinéa 3 par les mots « des interprofessions reconnues du secteur agricole et agroalimentaire ».

Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture reconnaît aux interprofessions qui remplissent les règles de représentativité fixées par l’OCM unique une véritable légitimité et un rôle prioritaire dans l’organisation des filières, condition incontournable de la performance économique de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

Au vu de cette reconnaissance, il apparaît logique et indispensable que les interprofessions de ce secteur soient représentées au sein du Conseil supérieur d’orientation et de coordination de l’économie agricole et alimentaire.

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n841.

M. Thierry Benoit. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. On ne peut pas faire entrer toutes les interprofessions dans le CSO. Je rappelle, en revanche, que toutes les filières de l’agriculture et de la pêche y sont représentées en nombre. Rajouter aujourd’hui la représentation des interprofessions ne nous paraît pas acceptable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 50 et 841 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n843.

M. Thierry Benoit. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. M. Benoit propose d’ajouter la prestation de services dans le CSO.

La commission émet un avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Je vais retirer cet amendement, pour satisfaire le rapporteur et le ministre !

(L’amendement n843 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n265.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Défavorable.

(L’amendement n265 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. La parole est à M. William Dumas, inscrit sur l’article.

M. William Dumas. Cet article définit les groupements d’intérêt économique et environnemental. Nos collègues sénateurs ont enrichi cette définition en revêtant ces groupements d’une dimension sociale.

Il détermine les conditions de reconnaissance des projets pluriannuels constitués d’actions ayant un double objectif de performance économique et environnementale par des groupements qui seront reconnus comme GIEE. Il vise ainsi à faciliter les actions en commun.

En effet, dans notre pays, il y a des micro-régions et des agricultures de types divers. Les GIEE permettront d’initier une forme d’organisation de l’agriculture traditionnelle, inciteront au regroupement et à l’accompagnement des agriculteurs dans le cadre d’une organisation doublée d’une animation. Cela leur permettra de concilier leurs connaissances environnementales et agronomiques avec une véritable approche économique.

J’estime que c’est une avancée très intéressante, qui contribuera à la réussite de notre agriculture.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, qui dispose d’une minute quarante-six.

M. Jean Lassalle. Et deux dixièmes ! (Sourires.)

Si je puis me permettre, madame la présidente, vous présidez remarquablement bien. C’est un très grand honneur pour le député que je suis de m’exprimer sous votre présidence ! (Rires.)



M. Thierry Benoit. Ce n’est pas dans le texte !

M. Jean Lassalle. Ce groupement d’intérêt économique et environnemental et sociétal – puisque le Sénat a ajouté cet aspect – est plutôt une bonne idée. C’est le côté « sociétal » que j’aime bien, d’autant que, si nous parlons de la pêche, nous pourrions aussi parler de montagne. On compare souvent les bergers et les marins. Il est vrai que ce sont eux qui sont le plus exposés à la beauté de la nature et à son côté indicible et terrifiant.

Lorsque vous voguez sur la mer jolie, dans une petite embarcation, que vous soyez seul ou pas, vous êtes très heureux. De la même façon, lorsque vous cheminez en montagne, au milieu de vos troupeaux, vous voyez l’azur, le calcaire, le granit qui se détachent du ciel. Vous avez l’impression que ce monde ne s’arrêtera jamais.

Or trente-cinq minutes plus tard, le ciel devient de plomb. Si vous êtes en mer, votre petite embarcation est fracassée, et c’est terrifiant. Si vous êtes en montagne, vous entendez l’étrange bourdonnement des abeilles et vous pouvez avoir 200 brebis qui sont à terre.

C’est pourquoi je pense qu’il est bon d’encourager ces groupements d’intérêt, notamment sur le plan sociétal. Avant tout, il faut de l’économique, mais pas trop d’environnemental. Là, allons-y piano ! On a beaucoup forcé depuis trente ans et on a vu ce que cela a donné. Ce n’était pas très bon : beaucoup de loups, d’ours, de vautours et très peu de bergères ! (Rires et applaudissements sur divers bancs.)

Mme la présidente. Le temps de parole pour les députés non inscrits est désormais épuisé.

M. Jean Lassalle. Ce n’est pas juste !

Mme la présidente. Je rappelle que les amendements qui ont été déposés par des députés non inscrits seront mis aux voix sans débat. Le rapporteur et le ministre donneront l’avis de la commission et celui du Gouvernement afin d’éclairer l’Assemblée. Aucune autre intervention ne sera admise sur ces amendements.

M. Jean Lassalle. Je ne vous en veux pas pour autant, madame la présidente !

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen des amendements.

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 51, 316 et 1046, visant à supprimer l’article 3.

La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n51.

M. Antoine Herth. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n316.

M. Nicolas Dhuicq. Cet article est le cœur de la loi. Tout le monde, ici, est attaché à la défense de notre environnement, et les agriculteurs les premiers. Nous estimons donc que cet article est superfétatoire. Il ne fait que lister les objectifs que devrait avoir toute entreprise, qu’elle soit agricole, industrielle ou artisanale. Dans le même temps, il invente des mots. Lorsque l’on crée des néologismes, c’est parce qu’on ne sait plus quelle est la réalité. Je pense qu’à force de s’extraire de la réalité, on finira par détruire notre agriculture.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n1046.

Mme Annie Genevard. Les agriculteurs ont exprimé un argument auquel j’ai été sensible et, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je voudrais vous en faire part.

Ils ont vu dans le GIEE quelque chose qui va à l’encontre de ce qui fait l’esprit même des agriculteurs, qui consiste à embarquer tout le monde dans le même mouvement. Les avancées dans le domaine de l’agriculture ont toujours procédé par mouvements massifs. Il fallait emmener tout le monde vers des actions collectives, vers des objectifs partagés.

Or le GIEE introduit une distinction entre ceux qui s’associeront à cette démarche et ceux qui ne s’y associeront pas. Il y a quelque chose d’antinomique à l’esprit même de ce qu’ont toujours fait les agriculteurs en matière d’actions collectives.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Défavorable.

Ces amendements proposent de supprimer l’article 3, qui concerne la création des GIEE.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Défavorable.

(Les amendements nos 51, 316 et 1046, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n1300 rectifié.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement concerne la méthanisation, qui est aujourd’hui réservée aux exploitations disposant de méthaniseurs. Or les exploitations agricoles peuvent participer à la méthanisation, sans avoir forcément un méthaniseur.

Voilà pourquoi cet amendement est important. Il s’agit, après l’alinéa 1, d’insérer l’alinéa suivant : « à la fin de la quatrième phrase de l’article L. 311-1, les mots : « de ces exploitations » sont remplacés par les mots : « d’exploitations agricoles ».

S’agissant des GIEE et des agriculteurs qui en feraient, ou non, partie, je rappelle que les coopératives d’utilisation du matériel agricole, créées pour mutualiser ce matériel, existent depuis soixante ans. Il y a des agriculteurs qui sont dans des CUMA, d’autres non. Cela n’a jamais empêché personne d’être ou de ne pas être dans une CUMA. Eh bien, ce sera la même chose pour les GIEE ! C’est ce qu’il faut dire aux agriculteurs quand ils vous posent la question.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Favorable à l’amendement du Gouvernement.

(L’amendement n1300 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n499.

M. Philippe Le Ray. La question des GIEE est effectivement le cœur de cette loi. Dans un premier temps, on peut facilement se laisser séduire par les GIEE, pour de nombreuses raisons dont nous avons déjà débattu en commission et en séance publique. Vous souhaitez maintenir cette forme de groupement, mais d’autres formes sociétaires existent en agriculture, qui permettent de tout faire. Je ne comprends toujours pas pourquoi vous voulez créer ces GIEE, d’autant que vous ne voulez absolument pas les cadrer. Au moins, cadrez-les ! Faute de quoi, on verra tout et n’importe quoi.

Je vous propose un amendement très simple, qui a pour objectif, comme pour les CUMA – que vous venez de défendre – de définir qu’au moins quatre agriculteurs soient nécessaires pour créer un GIEE. Vous n’imaginez sans doute pas un GIEE avec deux agriculteurs et une collectivité. Ce serait ridicule et totalement à l’opposé de vos objectifs, qui sont inscrits, notamment à l’alinéa 5.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Monsieur Le Ray, nous avons déjà évoqué ce sujet à plusieurs reprises. Vous dites qu’il y a des formes sociétaires qui permettent de faire la même chose qu’un GIEE. Je vous l’accorde, mais ce sont des formes sociétaires.

Nous allons permettre à des agriculteurs qui ne sont pas dans la même société de se regrouper. Si vous voyez l’intérêt du GIEE pour  les formes sociétaires, vous devez comprendre son intérêt pour des gens qui ne sont pas associés.

Ensuite, pourquoi limiter le GIEE à quatre exploitants agricoles ?

M. Philippe Le Ray. Ce n’est qu’un minimum !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Pourquoi serait-ce mieux que deux, plus une collectivité ? Vous savez le faible nombre d’agriculteurs qu’il y a aujourd’hui en France. Dans mon canton, il y a une commune sans agriculteur du tout. On verra dans notre pays des communes où il restera deux ou trois agriculteurs, parfois un seul. Pourquoi deux agriculteurs et une collectivité ne suffiraient-ils pas à faire un GIEE ?

Nous aurions tort, me semble-t-il, de nous enfermer dans la loi. Vous vous plaignez sans arrêt qu’il existe trop de normes et que tout est trop cadré, monsieur Le Ray, et vous en rajoutez ! Je suis sûr que cela va à l’encontre de ce que vous pensez au fond de vous-même. Avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. N’en rajoutons pas !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray.

M. Philippe Le Ray. Merci, monsieur le rapporteur, de me mettre en garde contre ce que je pense au fond de moi-même. À propos des GIEE, il n’a absolument pas été question de leur statut, de leur responsabilité fiscale et sociale, de leur cadrage financier et de leur prise de risque financière. Ce sont tout de même des sujets importants qui sont beaucoup plus délimités dans le cas des CUMA. Si je propose un minimum de quatre agriculteurs, on aura bien compris que c’est surtout pour défendre ce dont nous allons parler tout de suite.

(L’amendement n499 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n498 rectifié.

M. Philippe Le Ray. Dans le même esprit, cet amendement propose de limiter la participation des collectivités à une seule par GIEE.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Pourquoi ?

M. Philippe Le Ray. Parce que la clause de compétence générale va être supprimée dans les collectivités.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Rien n’est fait, ni dans les communes ni dans les intercommunalités !

M. Philippe Le Ray. Certes, mais visiblement vous souhaitez le faire. Il serait donc judicieux, afin d’assurer la cohérence du cadre des GIEE qui comporteront manifestement moins de quatre agriculteurs, de limiter la présence des collectivités à une seule.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Les arguments sont les mêmes que ceux qui ont été opposés à l’amendement précédent. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n498 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n500 rectifié.

M. Philippe Le Ray. Toujours dans le même esprit de cohérence, je propose la limite de deux associations à caractère environnemental et reconnues d’utilité publique. J’ai ajouté ce dernier élément à la suite des remarques de la commission et pour éviter la présence dans les GIEE d’associations opportunistes ou d’associations de Noël qui se déclareraient juste avant leur création.

M. Thierry Benoit. Bref, tout et n’importe quoi !

M. Philippe Le Ray. Il s’agit toujours d’assurer une large présence des agriculteurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. J’ai moi-même présenté un amendement précisant que les exploitants agricoles doivent être majoritaires dans les GIEE. Vous vous en souvenez, monsieur Le Ray, mais j’ai l’impression que vous vous faites le champion des normes. C’est absolument incroyable ! Vous tenez à tout cadrer !

M. Philippe Le Ray. C’est tout de même mieux !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Simplification !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Allons ! Même raisonnement que précédemment. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n500 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l’amendement n691.

Mme Marie-Lou Marcel. Il vise à associer la région, nouvelle autorité de gestion des fonds européens, à la sélection des projets des groupements d’intérêt économique et environnemental. C’est pourquoi je propose d’insérer à l’alinéa 7, après les mots « par le représentant de l’État dans la région », les mots « en concertation avec le président du conseil régional ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. L’idée de la concertation avec le président du conseil régional est très intéressante, à tel point que je l’ai reprise en la précisant. Je vous propose, au lieu d’une « concertation avec le président du conseil régional », la formulation « après avis du président du conseil régional ». Je vous demande donc, madame Marcel, de bien vouloir retirer votre amendement au profit du suivant présenté par la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. En raison des explications qui viennent d’être données, je retire l’amendement.

(L’amendement n691 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 1303, 268, 384 et 1211, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 268, 384 et 1211 sont identiques.

La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement n1303.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je viens de le présenter, madame la présidente. Il s’agit de compléter l’alinéa 7 par les mots « après avis du président du conseil régional ».

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Got, pour soutenir l’amendement n268.

Mme Pascale Got. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement n384.

M. Dominique Potier. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n1211.

Mme Jeanine Dubié. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je demande à mes collègues de retirer leurs amendements au profit de celui que j’ai présenté.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Je retire mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. De même.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Je retire le mien également.

(Les amendements identiques nos 268, 384 et 1211 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Puisque l’avis de l’excellent rapporteur prévaut et compte tenu de l’attitude de nos collègues de l’opposition, je tiens à dire que je m’insurge contre ce choix qui procède de la vision présidant à la réforme des collectivités.

M. Germinal Peiro, rapporteur. C’est pour la semaine prochaine, ça !

M. Nicolas Dhuicq. Quelle que soit la qualité du duc d’Aquitaine, cosignataire de l’un des amendements, je m’insurge contre une vision féodale et totalement bruxelloise de la construction de la France qui détruit la nation, les départements et les communes. On fait intervenir ici les régions sous prétexte qu’elles sont l’interface avec la PAC, mais je ne vois pas au nom de quoi on demanderait l’avis d’un président de conseil régional. Cela ne me semble pas démocratique. Je m’insurge contre cette politique délétère pour l’unité de la nation.

M. Jean Lassalle. Je suis d’accord !

(L’amendement n1303 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n267.

M. Jean-Pierre Decool. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n267 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n494.

M. Philippe Le Ray. J’insiste sur la notion de cadrage et propose de « limiter les frais de gestion du groupement d’intérêt économique et environnemental à 10 % maximum des aides directes redistribuées aux agriculteurs qui en sont membres ». On a bien compris ce qui est en train de se passer, tant et si bien qu’on ne sait pas exactement ce qui va découler de la loi. Les GIEE risquent d’être des fourre-tout comportant un certain nombre d’administratifs qui y prendront tranquillement place. Pour ma part, je tiens absolument à ce que les aides publiques demeurent attribuées aux agriculteurs, surtout lorsqu’il s’agit de compenser la baisse des prix ou de faire la promotion de produits dans les territoires. Il est donc sage de proposer une limite maximale de 10 % des aides directes redistribuées aux agriculteurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je ne répéterai pas ce que j’ai dit à M. Le Ray sur sa volonté d’encadrement, qui devient obsessionnelle. Je lui rappelle simplement que les agriculteurs sont majoritaires dans les GIEE. En ce qui me concerne, je fais confiance aux agriculteurs et à leur bon sens. À eux de savoir quel pourcentage de frais de gestion ils consacreront à leur fonctionnement.

M. Dominique Potier. Bien sûr !

(L’amendement n494 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement n1304 rectifié.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Il s’agit de préciser que c’est bien la mission de capitalisation et de diffusion des résultats des GIEE qui est coordonnée par les chambres d’agriculture et non celle d’animation. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Favorable.

(L’amendement n1304 rectifié est adopté et l’amendement n492 deuxième rectification tombe.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l’amendement n708.

Mme Marie-Lou Marcel. Sa justification est celle de l’amendement n691. Il propose de compléter l’alinéa 18 par les mots « par le représentant de l’État dans la région et le représentant du conseil régional ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. En raison de l’adoption de l’amendement précédent instaurant l’avis du président du conseil régional, une telle précision me paraît inutile. Je demande donc le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Je retire l’amendement.

(L’amendement n708 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement n79.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Favorable.

(L’amendement n79 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n1152.

Mme Brigitte Allain. Les GIEE présentent l’intérêt de développer l’agroécologie, mais leur impact sera d’autant plus efficace qu’ils fédéreront des projets systémiques locaux. Le Sénat a restreint la pratique de l’échange des semences entre agriculteurs aux seuls GIEE. Cette disposition risque de les détourner de leurs finalités et de détourner les subventions aux GIEE de leur objectif initial. L’amendement propose donc de revenir à la rédaction initialement adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je souhaite apporter une précision à Mme Allain. Les échanges de semences sont toujours possibles dans le respect de la réglementation sanitaire. Si nous les avons introduits dans les GIEE, c’est au nom de l’entraide qui n’incluait pas auparavant les échanges de matériau. Nous en avons donc élargi la signification en y incluant les échanges de semences. Très sincèrement, comme je l’ai dit lors de la première lecture, cela ne me gêne pas, à titre personnel, que des agriculteurs s’échangent des semences.

Ils peuvent d’ailleurs le faire à condition de respecter le règlement sanitaire. En effet, notre attention a été attirée sur le danger de la propagation des maladies chez les végétaux. Si la commercialisation des semences dans notre pays est contrôlée à ce point, c’est précisément pour éviter une telle diffusion. L’extension du domaine de l’entraide hors du cadre des GIEE, que je croyais possible, ne l’est pas en réalité. C’est pourquoi je suis obligé d’émettre un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n1152 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n731.

M. Antoine Herth. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n731 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n1302.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il s’inscrit dans le débat initié par Thierry Benoit sur la question des aides aux GIEE, dont il faut en effet bien dire qu’elles sont destinées à la production agricole.

M. Philippe Le Ray. D’où l’intérêt de limiter les frais de gestion !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Les aides économiques majorées utilisées pour créer des groupements d’intérêt économique et environnemental ont pour but de développer la production agricole dans le cadre de leurs relations avec les collectivités, avec les associations et avec plusieurs exploitations, de deux à on ne sait combien. L’amendement précise, comme vous le souhaitez, monsieur Benoit, la nécessité de soumettre ces aides à un objectif ciblé et fléché.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Quand surgit un progrès, il faut le souligner ! Entre la première lecture et l’actuelle, à propos des groupements d’intérêt économique et environnemental, deux points sont apparus. Ce que vous venez d’ajouter, monsieur le ministre, est le fruit des travaux de la commission sur la notion de production agricole. En outre, l’alinéa 24 selon lequel « les critères déterminant la majoration des aides publiques privilégient les exploitants agricoles » est un élément déterminant.

Ces deux éléments confortent  le groupe UDI dans l’idée que les GIEE sont acceptables par le monde agricole.

(L’amendement n1302 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n1153.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à souligner la préférence donnée par les soutiens publics aux méthaniseurs collectifs, utilisés par plusieurs agriculteurs à la fois. La pérennité d’un méthaniseur collectif est en effet mieux assurée, dans la mesure où les investissements mais aussi les risques sont partagés entre les associés. Cette proposition va dans le sens de l’esprit de collaboration qui doit prévaloir entre agriculteurs faisant partie d’un GIEE.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. La méthanisation ne présente que des avantages, et ceux-ci sont encore supérieurs quand elle s’effectue dans un cadre collectif. Je donne donc un avis favorable à l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n1153 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n1316 rectifié.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement renforcerait le rôle du réseau des chambres d’agriculture en favorisant la capitalisation des expériences à l’échelle régionale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Avis favorable.

(L’amendement n1316 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 52, 642 et 644.

La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n52.

M. Antoine Herth. Je ne défendrai pas cet amendement en détail, le rapporteur et M. Potier en ayant tous deux déposé un identique. On ne peut que regretter que ce projet de loi ne fasse pas l’objet d’une troisième lecture car il semble qu’à force de répétition, la majorité se laisse finalement convaincre par le bon sens de l’opposition.

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement n642.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Cet amendement, soutenu par de nombreux groupes, vise à revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale. Nous ne souhaitons pas ouvrir de brèche dans un dispositif mis en place par le Front populaire en 1936 et qui visait à contrôler la production de céréales dans notre pays, en particulier de blé, qui sert à faire le pain. Le contrôle comme la connaissance du marché nous apparaissent toujours comme des éléments primordiaux de la politique agricole. (Très bien ! sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement n644.

M. Dominique Potier. Vive le front populaire ! Vive le GIEE ! Et vive l’échange amical de petites quantités de semences dans un cadre d’entraide ! De tous ceux qui ont déposé ces amendements identiques, je pense être le premier à avoir demandé la suppression de la dérogation qu’avait introduite le Sénat. Je me réjouis que cette proposition aujourd’hui nous rassemble.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Favorable bien sûr.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Sagesse.

(Les amendements identiques nos 52, 642644 sont adoptés et l’amendement 732 tombe.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 53 et 1045.

La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n53.

M. Antoine Herth. Il paraît sage que le GIEE fasse d’abord l’objet d’une expérimentation afin de mieux cerner le dispositif.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Allons, de l’audace !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n1045.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Décidément, le GIEE passe mal à l’UMP ! Je le regrette, mais on ne peut pas s’en tenir à une expérimentation. Les GIEE doivent se mettre en place car ils favoriseront le travail collectif des agriculteurs. Or, l’un des maux dont souffrent ceux-ci dans notre pays est l’isolement.

M. Thierry Benoit. En effet.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Le GIEE leur permettra de rompre cet isolement. Avis défavorable donc.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 531045 ne sont pas adoptés.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. M. Dhuicq est inscrit sur l’article 4.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, vous vous souvenez sans doute que j’ai appelé votre attention sur le problème de l’azote dans les zones de pente, en particulier dans mon secteur en Champagne-Ardennes. Je crains que ce type d’article ne complique encore les choses. J’espère que vous pourrez me rassurer ce soir.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 3 et 54.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n3.

M. Nicolas Dhuicq. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n54.

M. Philippe Le Ray. Nous avons longuement débattu en commission de cet amendement important. C’est dans un souci de simplification que nous proposons de supprimer les alinéas 1 à 6. Les agriculteurs font déjà les déclarations annuelles et il faut de toute façon éviter toute dérive dans l’utilisation de ce type de données.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Sans vouloir rallonger les débats, je rappelle tout de même que l’objectif est de substituer l’azote organique disponible et produit sur le territoire national à l’azote minérale importé. Pour bien piloter cette substitution et parvenir à savoir si elle s’effectue bien, il faut disposer d’une évaluation. C’est pourquoi on demande une déclaration aux distributeurs d’azote, pas aux agriculteurs.

(Les amendements identiques nos 354 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n1159.

Mme Brigitte Allain. Il convient d’introduire dans la loi la possibilité pour l’autorité administrative de fixer un plafond maximal d’épandage d’azote, minéral et organique, par hectare, en fonction des situations locales et de leur évolution.

Aujourd’hui, la seule limite existante, à savoir cent soixante-dix kilos par hectare, concerne uniquement l’azote contenu dans les effluents d’élevage, c’est-à-dire l’azote organique. Aucune limite n’existe pour l’ épandage d’azote minéral, alors que son incidence sur la vulnérabilité des cours d’eau est tout aussi importante.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. L’idée du texte est bien de fixer un plafond maximal total de l’azote épandu. Mais cela relève de plans d’action pris par arrêtés préfectoraux. Cette disposition n’a donc pas à figurer dans la loi. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n1159 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n1160.

Mme Brigitte Allain. Le projet de loi introduit la possibilité de mettre en place un système de déclaration. Cet amendement tend à faire de cette possibilité une obligation. Il est en effet important de connaître les flux d’azote, notamment minéral, entre régions et entre pays, dans l’objectif d’en réduire la consommation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Nous avons déjà évoqué ce sujet, madame Allain, et je vous avais dit qu’à notre sens, il fallait laisser une marge de manœuvre aux préfets pour apprécier l’opportunité de la mise en œuvre d’un tel dispositif. C’est pourquoi je donne un avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je continue de m’interroger sur les zones de pente, parfois à 10 %, de Champagne. J’ajoute que rien n’indique que ces doses d’azote soient toxiques pour la santé humaine. On cherche depuis des années à limiter les apports d’azote et privilégier les circuits courts. Mais je veux rappeler ici qu’il n’est pas mauvais pour la santé humaine de consommer un peu d’azote et que les limites que nous posons ne reposent sur aucune donnée scientifique établie.

(L’amendement n1160 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n845.

M. Thierry Benoit. Afin de lever toute ambiguïté, cet amendement vise à préciser que les déclarations annuelles n’auront à être établies que par les personnes qui détiennent « et commercialisent » à titre professionnel des fertilisants azotés. En deuxième lecture comme en première lecture, vous êtes toujours amené, monsieur le ministre, à préciser que les agriculteurs ne sont pas concernés. C’est donc bien qu’il y a une ambiguïté que cet amendement lèverait en insérant les mots « et commercialisent ». Cette précision permettrait à tout un chacun de comprendre que seuls sont concernés par la déclaration annuelle ceux qui font le négoce de produits azotés. Ce serait une garantie de simplification pour les agriculteurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Sur le fond, je suis tout à fait d’accord. J’ai toutefois une inquiétude sur la rédaction proposée. Je préférerais entendre l’avis du ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous avons bien précisé que les agriculteurs n’avaient pas à faire de déclaration. Le seul obstacle qui nous arrête par rapport à la rédaction que vous proposez est qu’il peut exister des échanges gratuits d’azote entre opérateurs et que ces flux d’azote-là échapperaient ainsi à toute mesure du volume d’azote minéral utilisé.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Dans ce cas, pourquoi ne pas remplacer « et commercialisent » par « et négocient, y compris à titre non onéreux » ? Nous pourrions rectifier l’amendement. Il s’agit de préciser que les agriculteurs ne seront pas concernés ; je pense que c’est possible.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Il s’agit d’une simple question de rédaction car nous sommes d’accord sur le fond. Si nous parlons des « personnes qui détiennent et commercialisent », nous excluons celles qui détiennent et ne commercialisent pas. Je pense donc qu’il vaudrait mieux écrire « qui détiennent ou commercialisent », pour prévenir cette exclusion. Est-ce que ce serait convenable, monsieur le ministre ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui, et le Gouvernement l’accepte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Le « ou » est en effet important, d’autant plus que la cession à titre gratuit est prévue plus loin dans la phrase de cet alinéa : « cédées à titre gratuit ou onéreux dans la zone ».

Mme la présidente. Souhaitez-vous procéder à cette rectification, monsieur Benoit ?

M. Thierry Benoit. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Je vais donc mettre aux voix l’amendement n845 rectifié, dont le texte est le suivant : « À l’alinéa 5, après le mot : "détiennent", insérer les mots : "ou commercialisent" », et qui a reçu un avis favorable de la commission et du Gouvernement.

(L’amendement n845 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n55.

M. Philippe Le Ray. La rédaction des alinéas 5 et 6 n’est pas des plus claires. Il est question des « personnes qui détiennent à titre professionnel », mais de quels professionnels s’agit-il ? Il est question de « fertilisants azotés », mais quels types de fertilisants azotés : minéraux ou organiques ? Enfin, l’alinéa 6 évoque « toute autre personne », et j’ai envie de demander : Qui ? Dès lors que cette rédaction n’est pas très claire, notre amendement vise à ce que nous soyons prudents pour l’avenir, et en tout cas que nous évitions que ce type de déclaration puisse être utilisé demain pour établir une taxe.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Cet amendement a déjà été déposé en première lecture et mon avis n’a pas changé. L’établissement d’une taxe n’est pas l’objet de cet article.

M. Philippe Le Ray. On en a vu d’autres !

M. Germinal Peiro, rapporteur. En outre, on ne peut contraindre à l’avance la construction du budget de l’État. Avis défavorable.

(L’amendement n55, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n1154.

Mme Barbara Pompili. La méthanisation est une voie d’avenir pour l’énergie et peut également constituer un complément de revenu intéressant pour les agriculteurs ; c’est pourquoi nous la soutenons. Il faut cependant veiller à ce qu’elle ne devienne pas une activité principale, au détriment de l’élevage ou de la culture pour la production de nourriture humaine ou animale. Cet amendement permet de s’assurer que, dans le cadre des GIEE, cette dérive sera évitée. Il s’agit de tirer les enseignements de l’exemple des agrocarburants, qui a amené au développement de cultures dédiées, en encadrant le type d’apport qui peut être fait dans un digestat par l’interdiction de l’introduction de produits agricoles alimentaires. Toutefois, il faut être réaliste et prévoir des cas exceptionnels ; il est ainsi proposé de permettre des dérogations dans des conditions déterminées par décret.

Plus généralement, la méthanisation doit être déconnectée des questions agricoles. Cela nous ramène au sujet, que je connais bien puisque cela se situe dans ma région, de la fameuse ferme des mille vaches, appelée par M. le ministre, un peu abusivement à mon sens, ferme des cinq cents vaches. Il s’agit d’un de ces excès qu’il faut absolument encadrer par la loi. Les producteurs de biogaz nous disent eux-mêmes qu’ils sont embêtés par cette ferme, qui nuit à leur réputation, alors qu’ils considèrent que la méthanisation ne doit pas être faite pour cela.

J’avais déposé, mais trop tard, un amendement pour encadrer la taille des méthaniseurs, afin de rendre beaucoup moins intéressante financièrement, pour un industriel, la création d’un immense méthaniseur, qui, au-delà d’une certaine taille, ne serait plus considéré comme agricole mais comme industriel. Nous n’avons malheureusement pu le défendre, et le Gouvernement n’a pas souhaité le reprendre ; nous y reviendrons très certainement dans la loi sur la transition énergétique. D’une manière générale, j’appelle votre attention sur le fait que cette bonne initiative qu’est le développement de la méthanisation ne doit pas conduire à des aberrations telles que cette ferme, un modèle que personne ne défend. La présente loi permet quelques avancées, notamment sur le foncier, pour éviter ce genre de fermes, mais elles sont insuffisantes. Nous avons besoin d’une législation et d’une réglementation qui empêchent les fermes de mille vaches et le développement de cette agro-industrie que nous refusons tous. Le présent amendement, sur les cultures dédiées, est un premier pas en ce sens.

M. Jean Lassalle. Il est certain que la ferme est mal vue dans la région !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Plusieurs sujets ont été évoqués par Mme Pompili. Que la méthanisation doive utiliser des déchets agricoles, des effluents d’élevage, des déchets de collectivités, et autres, et non des cultures dédiées, je suis d’accord sur le principe. Il convient en effet d’encourager cette méthanisation agricole et non d’utiliser des céréales à l’intérieur des méthaniseurs.

M. Dominique Potier. Très bien !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Cela étant dit, je considère que cela relève de la loi sur la transition énergétique.

La ferme des cinq cents vaches, madame Pompili, ce n’est pas le modèle français, mais ne soyons pas non plus de doux rêveurs. Chez nos voisins allemands, il existe des fermes de mille vaches.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Et plus !

M. Germinal Peiro, rapporteur. De même, le ministre a rappelé cet après-midi qu’il existait en Afrique du Sud des fermes ayant entre 5 000 et 15 000 vaches. La semaine dernière, je me trouvais avec d’autres députés en Azerbaïdjan pour participer à la session d’été de l’OSCE ; l’ambassadeur de France nous a demandé si nous connaissions des agriculteurs dynamiques, parce que l’Azerbaïdjan a déjà quatre fermes de mille vaches et cherche des agriculteurs pour en créer d’autres.

Il faut accepter l’idée que, dans un monde ouvert la production agricole est mondialisée. Même si ce modèle n’est pas le nôtre, au cas où le projet des cinq cents vaches aurait été présenté, non par un industriel, mais par cinq agriculteurs d’un canton rural regroupés pour créer un atelier commun et bénéficier ainsi de meilleures conditions de travail, d’une plus grande efficacité économique, nous aurions peut-être dit oui. Prenons donc garde aux condamnations trop rapides.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il y a deux sujets, la méthanisation et les cultures intermédiaires. Ne pas recourir à des productions végétales à destination de l’alimentation humaine ou animale pour faire de la méthanisation, cela fait partie des objectifs fixés réglementairement dans le plan EMA que nous avons mis en place avec Delphine Batho. La méthanisation doit recourir à des cultures intermédiaires et non à des cultures dédiées, il ne doit pas y avoir de substitution.

Nous cherchons, par le biais des couvertures de sol et des cultures, à développer la méthanisation. Le mettre dans la loi nous obligerait, comme l’amendement le signale d’ailleurs, à prévoir des dérogations, et cela deviendrait bien plus complexe. Il faut rester sur notre ligne : le développement de la méthanisation – l’ADEME estime que nous pourrions produire 40 % du gaz que nous consommons aujourd’hui par méthanisation – se fera de manière réglementaire, et c’est déjà le cas sur des cultures intermédiaires. Comme je l’ai déjà dit, en plaisantant, plutôt que d’aller chercher du gaz de schiste à 1 500 mètres de profondeur, nous ferions mieux de commencer par valoriser le gaz lié à la matière organique.

M. William Dumas. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est un objectif majeur, essentiel.

Au sujet des cinq cents ou mille vaches, quel est le problème ? Il est question d’un investisseur qui investit dans le lait. Légalement, personne ne peut empêcher quelqu’un d’investir dans l’agriculture ; il y a d’ailleurs des gens qui apportent de l’argent pour aider les agriculteurs à s’installer ou à investir. Le problème, avec un investisseur capitaliste, c’est qu’un jour il peut investir et le lendemain retirer ses fonds. Surtout, avec les gros systèmes, la question qui se pose est celle de leur pérennité et de leur transmission.

M. Thierry Benoit. Exactement !

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est bien le problème de l’Afrique du Sud, que j’ai évoqué, avec des structures de 5 000 à 15 000 vaches. Le capital est tellement important qu’il faut beaucoup d’argent pour pouvoir investir. Notre choix est à l’inverse. Nous essayons de favoriser des agriculteurs chefs d’exploitation, avec le souci de la pérennité et de la transmission. Si nous développons les GAEC, c’est justement parce que ces structures peuvent avoir, collectivement, deux cents ou trois cents vaches, mais avec cinq ou six agriculteurs, comme c’est le cas dans l’Ouest. C’est ce qui permettra la pérennisation de l’activité agricole. Quant à la question environnementale et à celle du bien-être, elles sont réglées par les objectifs que nous fixons aujourd’hui : méthanisation, azote, bien-être animal partout réaffirmé.

Le débat est donc là. Un investisseur, cela peut être très bien à un moment t, mais à t+1, s’il se retire, que reste-t-il de l’agriculture ? Plus rien, alors que nous avons au contraire besoin de pérenniser l’activité agricole. C’est pourquoi notre choix est d’avoir des agriculteurs, des éleveurs, des paysans, qu’on les appelle comme on veut ; c’est ce qui fera la pérennité de l’agriculture.

M. Jean Lassalle. M. le ministre est lucide !

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Nous sommes tout à fait d’accord avec ce que vient de dire M. le ministre : nous voulons des projets qui visent à développer les territoires et qui soient menés par des paysans, des agriculteurs ayant une vision plutôt que par des industriels.

Monsieur le rapporteur, s’agissant de l’argument selon lequel le nombre de bovins dans l’exploitation serait limité à cinq cents, il est un peu faible, et cela ne nous ferait sourire s’il n’y avait de quoi nous faire pleurer. La ferme et le méthaniseur sont calibrés pour mille vaches. Actuellement, il y a en effet 500 vaches sur l’exploitation. Mais il suffit que l’industriel récupère des terres pour demander une autre autorisation, laquelle sera, selon les dires mêmes du préfet, accordée, puisque la loi l’autorise. Or, les associés ont annoncé qu’ils disposaient de ces terres. Tout cela n’est donc qu’une question de temps : les cinq cents vaches seront bientôt mille. Cessons donc de jouer sur cette donnée, ce jeu sémantique n’a pas vraiment de sens.

Quant à l’amendement lui-même, je ne le retirerai pas, car je considère qu’inscrire dans la loi l’interdiction de la mise en culture de cultures dédiées et prévoir des exceptions me paraît plus logique : nous rappelons ainsi que, même si cela peut exister, notamment quand les déchets sont insuffisants pour alimenter le méthaniseur, cela doit rester exceptionnel ; mais je laisse ce sujet aux spécialistes.

Concernant le bien-être animal et la santé environnementale, vous pouvez nous dire qu’en Azerbaïdjan ou je ne sais où il y a des fermes de mille vaches, de dix mille vaches, de quinze mille vaches…

M. Germinal Peiro, rapporteur. En Allemagne ! De l’autre côté du Rhin !

Mme Barbara Pompili. Peu importe ! Nous défendons un modèle agricole, nous voulons le développer et montrer que c’est un bon modèle. Que l’on me dise qu’il existe des horreurs ailleurs ne m’incite pas à accepter qu’on les laisse faire ici. On pourrait alors se résigner à accepter beaucoup d’autres choses qui se passent ailleurs au seul titre qu’elles existent ! Il me semble au contraire qu’il doit y avoir une volonté politique de lutter contre ces aberrations qui ne servent personne, et surtout pas les agriculteurs et les paysans.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Le Ray.

M. Philippe Le Ray. Je souhaite réagir aux propos de ma collègue. Il y a une réelle différence entre nous, mais je ne reviendrai pas sur l’ensemble du débat.

J’aimerais simplement ajouter qu’il ne faut absolument pas limiter la taille des méthaniseurs ; ce serait une aberration. Il faut prendre les projets comme ils viennent, à condition d’utiliser nos produits et nos sous-produits. À cet égard, il ne faut pas seulement compter sur l’élevage, car les produits issus de l’élevage sont très peu méthanogènes.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. À l’instar du ministre, je pense qu’il ne faut pas inscrire cela dans la loi.

Le rapporteur ayant établi une comparaison avec l’Allemagne, il me semble qu’une troisième question se pose quant à cet amendement : celle de la concurrence des produits agricoles.

Mme Barbara Pompili. Tout à fait ! Il a raison !

M. Yves Daniel. J’ai d’ailleurs posé la question voilà quelques jours en commission des affaires européennes. En Allemagne, des exploitations font de la méthanisation à partir de cultures énergétiques et ont pour principal revenu le produit de la méthanisation. Le produit agricole devient ainsi un produit secondaire, vendu à bas prix, qui vient alors concurrencer les produits agricoles. Si une telle interdiction n’est pas inscrite dans la loi, il faudra traiter cette question à l’échelle européenne.

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

Mme Barbara Pompili. Exactement !

(L’amendement n1154 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n526.

M. Alain Leboeuf. Je propose dans le présent amendement de supprimer les alinéas 9 à 15, qui concernent les clauses environnementales insérées dans les baux.

Celles-ci doivent rester l’exception et être impérativement liées à des zonages. La loi ne doit pas, au travers de ces règles, induire des inégalités de traitement entre les citoyens selon que l’exploitant serait locataire ou propriétaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Cet amendement vise en réalité à revenir sur les baux environnementaux.

Tout d’abord, je voudrais rappeler à mes collègues du groupe UMP que c’est sous une majorité de droite, alors que M. Dominique Bussereau était ministre de l’agriculture, que le bail environnemental a été créé.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Antoine Herth était là !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je l’ai rappelé à M. Le Fur en première lecture et il s’en souvenait parfaitement ; il avait seulement oublié quelques conditions. Ce bail environnemental n’a pas été créé uniquement dans les zones Natura 2 000, ainsi que le pensait M. Le Fur. Il a été créé dans des zones beaucoup plus étendues : tout le littoral, toutes les zones vulnérables, tous les parcs naturels régionaux, etc.

M. Thierry Benoit. Les zones naturelles sensibles !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Quant aux clauses environnementales qui ont été énumérées, elles sont extrêmement sévères : le bailleur peut imposer d’aller jusqu’à la culture biologique. Tel est le système que vous avez mis en place. Pour ma part, je vous avouerai que je défendais la position du ministre et du Gouvernement, qui prévoyaient de l’étendre, car j’avais dans l’idée que ce serait une façon de faire progresser l’agro-écologie.

Cependant, en y regardant de plus près, on constate que, depuis 2006, la situation n’a pas beaucoup évolué dans les zones précitées. En revanche, le monde agricole a très mal reçu le dispositif, parce que les preneurs craignaient de se trouver dans une situation impossible où le bailleur leur imposerait des clauses. On a également affirmé que c’était un moyen de revenir sur le statut du fermage. On m’a même soutenu au cours d’une réunion qu’il s’agissait de revenir au temps des seigneurs, qui imposaient leur loi aux manants ; on a tout entendu ! C’était véritablement caricatural !

Nos collègues sénateurs ont semble-t-il trouvé une solution, certes très en recul par rapport au projet de loi, mais équilibrée et qui paraît convenir à tous : le bailleur, au moment de la conclusion ou du renouvellement d’un bail, ne pourra imposer comme clause environnementale que ce qui se pratique déjà sur la terre louée. Nous faisons le pari du long terme : à mesure que de nouvelles méthodes agronomiques et culturales se diffuseront dans notre pays, les pratiques évolueront.

Je vous propose d’en rester au texte adopté par les sénateurs ; l’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n526 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n56.

M. Antoine Herth. Puisque mon nom vient d’être à l’instant, je tiens à défendre cet amendement. Il y a une différence liée non pas à la surface mais aux règles du jeu qui ont été fixées en 2006 pour le bail environnemental.

En 2006, le bail environnemental était systématiquement adossé à un territoire défini faisant l’objet d’une protection, ce territoire bénéficiant par ailleurs d’un cahier des charges défini, le plus souvent, après enquête publique et garanti par l’autorité publique. En d’autres termes, les clauses environnementales susceptibles d’être insérées dans un bail rural ne pouvaient pas sortir de l’imagination du propriétaire du terrain ; elles correspondaient à ce que le débat public avait considéré comme bénéfique pour le territoire en question. C’est la grande différence entre le bail environnemental de 2006 et la généralisation que vous aviez prévue en première lecture et qui a été modifiée par le Sénat, et l’objet du présent amendement est de le réaffirmer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Pour les mêmes raisons que sur l’amendement précédent, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n56 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n848.

M. Thierry Benoit. Nous proposons par cet amendement de valider le principe du bail environnemental dans les conditions précitées, « pour garantir sur la ou les parcelles mises à bail le maintien de ces pratiques ou infrastructures », mais nous ajoutons une clause importante : « sous réserve de ne pas déstructurer, déséquilibrer ou fragiliser le projet économique de l’exploitation agricole, dans le cas suivant ».

Le bail environnemental peut être négocié par le bailleur lorsqu’il y a un nouveau repreneur, par exemple un jeune exploitant. Celui-ci aura réalisé une étude prévisionnelle d’installation et étudié les conditions économiques et techniques de viabilité de son projet à partir des terres qu’il envisage d’exploiter. Cet amendement vise donc à permettre de garantir, notamment aux jeunes agriculteurs, la viabilité du projet économique tout en respectant votre volonté d’élargir la clause de généralisation du bail environnemental.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Tout d’abord, je rappelle à M. Benoit que la conclusion d’un bail est la conclusion d’un contrat ; les deux parties doivent donc s’accorder pour que celui soit signé.

Ensuite, contrairement à ce qui a été fait en 2006 dans les zones que j’ai évoquées tout à l’heure, le bailleur ne peut imposer comme clause environnementale que ce qui se pratique déjà sur l’exploitation ; c’est ce que prévoit le texte issu du Sénat. Dans ces conditions, je ne vois pas comment le projet économique en serait déstructuré, déstabilisé ou fragilisé.

Enfin, l’application de ces clauses par le bailleur est non pas une obligation mais une faculté. J’ai déjà à plusieurs reprises mis en garde contre la possibilité que cela se retourne contre les agriculteurs : aujourd’hui, on loue de moins en moins ses terres aux agriculteurs parce qu’on craint de ne jamais les récupérer. Dans les grandes propriétés, on préfère s’installer plutôt que de louer. Conservons donc l’équilibre du Sénat entre les droits du preneur et ceux du propriétaire bailleur.

Mme la présidente. Monsieur Benoit, l’amendement n848 est-il maintenu ?

M. Thierry Benoit. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n848 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement n678.

M. Jean-Michel Clément. Permettez-moi de réagir en quelques mots au débat qui vient d’avoir lieu. Le rapporteur a raison : entre la liberté contractuelle, l’immixtion d’un propriétaire dans la gestion d’un fermier ou la possibilité de refuser de louer pour ne plus voir certaines contraintes appliquées, le compromis a été trouvé.

Le présent amendement vise à revenir à la rédaction antérieure à l’insertion d’un tel dispositif pour des raisons de sécurité juridique. Un nouveau cas étant envisagé, je souhaite revenir aux termes « lors de leur conclusion ou de leur renouvellement », qui me paraissaient plus adéquats.

(L’amendement n678, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Vote solennel sur le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 ;

Questions à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, consacrées à l’énergie ;

Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mardi 8 juillet 2014, à deux heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly