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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 08 juillet 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014

Explications de vote

Mme Jeanine Dubié

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Bernadette Laclais

M. Jean-Pierre Door

M. Francis Vercamer

M. Jean-Louis Roumegas

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

2. Questions à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, consacrées à l’énergie

M. Denis Baupin

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Mme Michèle Bonneton

Mme Ségolène Royal, ministre

M. Joël Giraud

Mme Ségolène Royal, ministre

M. Gabriel Serville

Mme Ségolène Royal, ministre

Mme Ericka Bareigts

Mme Ségolène Royal, ministre

Mme Sabine Buis

Mme Ségolène Royal, ministre

M. Julien Aubert

Mme Ségolène Royal, ministre

M. Martial Saddier

Mme Ségolène Royal, ministre

M. Franck Reynier

Mme Ségolène Royal, ministre

Mme Danielle Auroi

Mme Ségolène Royal, ministre

Mme Frédérique Massat

Mme Ségolène Royal, ministre

M. Jean-Yves Caullet

Mme Ségolène Royal, ministre

M. Guénhaël Huet

Mme Ségolène Royal, ministre

M. Guillaume Chevrollier

Mme Ségolène Royal, ministre

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

3. Agriculture, alimentation et forêt

Discussion des articles (suite)

Article 4 (suite)

Amendements nos 497 , 73

M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement

Amendements nos 76 , 720 , 1212 , 453 , 1213 , 849 deuxième rectification , 216 , 1161 , 1319 deuxième rectification , 1322 (sous-amendement)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

Articles 4 bis AA à 4 bis AC

Article 4 bis A

Amendements nos 1215 , 1214 , 1323 (sous-amendement) , 312 , 727 , 1137

Article 4 bis

Amendements nos 428 , 734 , 1320

Article 4 ter A

Article 4 quater

Article 4 quinquies

Amendement no 1305

Article 5

M. Nicolas Dhuicq

M. Dominique Potier

Mme Barbara Romagnan

M. Charles de Courson

M. Philippe Le Ray

Mme Annie Genevard

Amendements nos 4 , 57 , 113 , 150 , 1048 , 217 , 296 , 525 , 1060 , 1049 et 1050

Rappel au règlement

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Article 5 (suite)

Amendement no 377

Article 5 bis

Article 6

Amendements nos 335 , 337 , 339 , 341 , 569 , 373

Article 6 bis

Article 7

Amendement no 58

Article 7 bis

Article 8

Amendements nos 736 , 208 rectifié , 1301 (sous-amendement)

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Amendements nos 1326 , 5 , 60 , 1306 , 1162 , 574 , 1091 , 576 rectifié

Article 8 bis

Article 10

M. Nicolas Dhuicq

Amendements nos 6 , 61 , 987 , 571 , 640

Article 10 bis A

M. Jean-Pierre Decool

M. Thierry Benoit

Mme Michèle Bonneton

Amendement no 853

Suspension et reprise de la séance

Amendement no 1329

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 (nos 2044, 2061, 2058).

Explications de vote

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous nous apprêtons à voter en première lecture ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014. C’est seulement la deuxième fois qu’un collectif budgétaire rectificatif de la Sécurité sociale est soumis au Parlement, et c’est dans un esprit constructif, en tant que membres de la majorité, que les députés du groupe RRDP soutiendront dans leur grande majorité ce texte.

Si nous soutenons ce projet de loi, madame la ministre, c’est par sens des responsabilités et en ayant pleinement conscience des efforts demandés aux Français, puisque ce PLFRSS s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre des mesures du pacte de responsabilité et de solidarité. Il vise notamment à améliorer le pouvoir d’achat des catégories sociales les plus modestes, salariés ou retraités.

L’allégement des cotisations sociales prévu pour les entreprises et les salariés aux revenus modestes représente près de 9 milliards d’euros, dont un peu moins d’un tiers, soit 28 %, pour les salariés aux revenus modestes, et le reste pour les employeurs, les travailleurs indépendants et les exploitants agricoles. L’exonération des charges salariales en faveur des salariés les plus modestes participera à l’amélioration et à la préservation du pouvoir d’achat de ces derniers, ce à quoi nous sommes très favorables.

Dans le respect du principe de justice sociale, et par l’intermédiaire de son président Roger-Gérard Schwartzenberg, le groupe RRDP, comme il l’avait déjà fait lors de l’examen du texte sur la réforme des retraites, a fait connaître sa ferme opposition au report de la revalorisation des retraites égales ou inférieures à 1 200 euros qui devait intervenir le 1er octobre 2014. Nous avons été entendus et, même si ce seuil peut paraître insuffisant, il s’agit tout de même d’une avancée, car il était loin d’être acquis de prime abord.

Dans le même esprit, nous soutenons le maintien de la revalorisation des aides au logement, et notamment de l’allocation logement familiale pour ce qui concerne ce texte. L’exonération ou l’allégement des charges patronales doit contribuer à la création d’emplois, et nous approuvons sans réserve la disposition qui prévoit une évaluation, dans chaque branche professionnelle, de l’impact de ces mesures sur l’emploi et les salaires, dans le cadre de la négociation annuelle sur les salaires. Enfin, certaines coopératives agricoles non éligibles au CICE vont bénéficier d’une mesure compensatoire et, dès l’an prochain, de la suppression totale de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, alors que cette taxe ne sera supprimée que progressivement d’ici à 2017 pour les entreprises.

S’agissant de la réduction des dépenses publiques, comme l’a rappelé Mme la ministre, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse atteignait près de 21 milliards d’euros lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités en 2012. Il a été ramené à 15,4 milliards d’euros en 2013 et devrait atteindre 13,3 milliards avant la fin de l’année.

Je veux également revenir sur un amendement proposé par notre groupe et voté par l’Assemblée.

Cet amendement concernait l’article 56 de la loi n2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la Sécurité sociale pour 2014, qui organise un dispositif de mise en concurrence visant à sélectionner des contrats proposés par les organismes complémentaires de santé, à savoir des mutuelles, des instituts de prévoyance, ou encore des sociétés d’assurance, qui donneront droit à l’utilisation de l’aide à la complémentaire santé. Notre amendement visait à exclure de ce dispositif les contrats complémentaires santé qui ne permettraient pas l’adhésion de l’ensemble des bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, en imposant des limites à leur accès, notamment une limite d’âge. En votant cet amendement, l’Assemblée nationale a supprimé une disposition discriminatoire, et nous ne pouvons qu’en être satisfaits.

Avec ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, il nous faut être attentifs à ne pas pénaliser les plus modestes et les plus fragiles. Il est important de mener une politique sociale et solidaire et de répartir les efforts de la façon la plus juste qui soit, puisque la justice sociale ne se répartit pas de façon égale, mais bel et bien de façon équitable. Bien sûr, comme beaucoup d’entre vous, nous aurions aimé que les mesures d’amélioration du pouvoir d’achat aillent plus loin. Mais, confrontés à une situation économique difficile, force est de constater qu’il est de notre devoir de relever les finances publiques et de combler nos déficits, afin de laisser un pays aux finances saines à notre jeunesse d’aujourd’hui et aux générations futures. Il est de notre responsabilité de cesser de vivre à crédit en hypothéquant l’avenir de nos enfants.

Comme je l’ai dit en préambule, fidèle à la majorité gouvernementale, la majorité du groupe des radicaux de gauche et apparentés votera donc ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, joint à la loi de finances rectificative votée en première lecture la semaine dernière, met en application le pacte de responsabilité et de solidarité que notre groupe a rejeté. Il confirme l’étendue de la générosité du Gouvernement à l’égard des entreprises auxquelles il accorde, sans aucune contrepartie, sinon de vagues promesses, pour 41 milliards de largesses, sous forme de baisses d’impôts et d’exonération de cotisations sociales, ajoutées au crédit d’impôt compétitivité emploi.

Le premier problème est que ces largesses, accordées sans ciblage ni contrôle, ont déjà montré leur inefficacité économique. Le deuxième problème est que ces largesses offertes au patronat au nom de la compétitivité sont de l’argent public, qu’il va bien falloir trouver quelque part. Sur ce dernier point, le Gouvernement a fait preuve d’une grande discrétion. Mais nous n’avons pas d’illusions : s’il dépense aujourd’hui sans compter pour les entreprises, le Gouvernement saura appliquer les mesures d’austérité indispensables pour récupérer ces sommes auprès des citoyens. Le gros de la facture viendra plus tard, dès l’automne, avec la loi de finances et la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015. L’addition sera salée, n’en doutons pas, à la hauteur des largesses aujourd’hui accordées.

Dès à présent, comme un avant-goût, ce texte prévoit le gel des pensions pour la moitié des retraités. Mais soyez sans crainte ! Cette mesure ne s’applique qu’à ceux qui ont les moyens de payer, c’est-à-dire à ceux qui perçoivent plus de 1 200 euros de retraite par mois. Nous voilà donc rassurés !

Et encore avons-nous réussi, avec les députés socialistes dits « frondeurs » et certains écologistes, à faire obstacle au gel des pensions d’invalidité et des aides au logement !

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Et que faites-vous des autres élus socialistes ?

Mme Jacqueline Fraysse. Mais il aura fallu se battre pied à pied pour faire reculer un gouvernement qui se dit de gauche et qui proposait, toute honte bue, de pénaliser les familles percevant une aide au logement et les salariés ayant droit à une pension d’invalidité à la suite d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail.

M. Jean-Paul Bacquet. Pour qui vous prenez-vous pour parler ainsi ? Nous n’avons pas de sang sur les mains !

Mme Jacqueline Fraysse. Permettez-moi de dire que les députés socialistes et verts qui, avec nous, se sont opposés à ces mesures iniques, sont moins frondeurs que fidèles au programme de gauche sur lequel ils ont été élus et qui était également celui de François Hollande. C’est au nom de ces convictions que nous avons déposé des amendements pour supprimer ce gel des prestations sociales, ainsi que pour conditionner la distribution d’argent public aux entreprises et contrôler l’utilisation qu’elles en feront.

À quelques exceptions près, le Gouvernement les a tous rejetés. Il a notamment refusé de ne pas toucher aux pensions de retraite en défalquant le gain attendu de cette mesure, soit moins de 1 milliard d’euros, des 41 milliards accordés aux entreprises. Non, mesdames, messieurs les ministres, votre pacte n’est pas solidaire, car vous reprenez aux retraités l’aumône que vous avez consentie aux salariés. Il n’est pas davantage responsable, car l’effort à fournir pour le financer détruira plus d’emplois qu’il n’en créera, comme l’a montré la rapporteure générale socialiste, en révélant l’étude faite par le ministère des finances.

Ainsi, le diagnostic est sans appel : chômage record et croissance en baisse. C’est ce que confirme notamment la très pessimiste note de conjoncture qui vient d’être publiée par l’INSEE. Mais, face à tous ces travaux et études, le Gouvernement, dans un véritable déni de réalité, poursuit et accentue cette stratégie suicidaire qui conduit notre pays, son économie et ses citoyens, vers des difficultés aggravées. Il a confié les clés du navire au Medef, dont les dirigeants sont davantage préoccupés d’optimisation fiscale que de création d’emplois, mais dont les désirs sont désormais des ordres pour le Gouvernement, comme l’ont encore montré les nouveaux reculs sur la pénibilité et le temps partiel. Ce sont bien eux qui sont dans la surenchère dénoncée par le Président de la République en ouverture de la conférence sociale, et non les syndicats de salariés.

Non, les députés du Front de gauche ne cautionneront pas ces choix politiques catastrophiques. Ils voteront résolument contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. André Chassaigne. Bravo ! Excellent !

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Bernadette Laclais. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, le texte sur lequel nous allons nous exprimer par notre vote dans quelques instants constitue, avec le projet de loi de finances rectificative, une étape de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité sur lequel notre assemblée s’est prononcée à deux reprises, les 8 et 29 avril.

Chacune et chacun reconnaît l’importance et la signification du vote intervenu la semaine dernière sur le PLFR et de celui de cette semaine sur le PLFRSS. Les dispositions de ces deux textes ne doivent pas s’appréhender de façon séparée, mais en cohérence.

Ces textes – je tiens à le souligner et à en remercier les ministres et notre rapporteur, Gérard Bapt – marquent de nombreuses avancées issues du dialogue avec les assemblées qui s’est construit avec les groupes de la majorité pour rendre plus justes est plus lisibles les efforts nécessaires, sans pour autant y renoncer.

D’autres avancées auraient sans doute été possibles, mais il y a un moment où la décision doit intervenir et où la responsabilité doit prévaloir. Nous connaissons les faits : nous sommes confrontés à une situation de nos finances publiques très difficile en dépit des efforts déjà engagés, et à une perte de compétitivité de nos entreprises qui pénalise l’emploi et notre redressement économique et budgétaire.

Le déficit de l’État a été divisé par deux depuis 2010, et celui de la Sécurité sociale est passé de 21 à 13 milliards d’euros entre 2011 et 2013. Mais les efforts doivent se poursuivre. Comme le projet de loi de finances rectificative, le PLFRSS a pour objectif, en s’inscrivant dans la trajectoire de redressement de nos comptes, notamment sociaux, de redonner des perspectives à nos entreprises et à nos concitoyens qui vivent très durement la situation actuelle.

Je voudrais revenir quelques instants sur la stabilisation des prestations sociales, sujet qui a fait débat dans notre hémicycle, et on peut le comprendre. Ce n’est pas de gaieté de cœur que le Gouvernement le propose, et ce n’est pas de gaieté de cœur que les députés l’approuveront. Les échanges avec le Gouvernement ont néanmoins permis de rendre cet effort exceptionnel plus progressif.

L’absence de revalorisation des prestations ne concernera ni les ménages les plus modestes ni environ la moitié des retraités. Pourtant, je le dis sans détour, nous aurions préféré ne pas avoir à le faire. Mais avons-nous d’autres choix que celui du courage et de la détermination ? Je ne le crois pas. Il est sans doute plus facile de laisser courir les déficits ou d’appeler à voter les mesures populaires sans accepter de prendre part à l’effort pour sauvegarder notre modèle social. Si nous n’adoptions pas cette mesure de stabilisation, il nous faudrait alors accepter de laisser filer les déficits, au risque de devoir prendre des mesures encore plus difficiles plus tard ou d’accepter, comme d’autres pays européens l’ont fait, de voir reculer le périmètre du service public ou de supprimer certaines prestations.

Ce n’est pas le choix du Gouvernement, et nous le soutenons. Nous le soutenons parce que cet effort s’accompagne de mesures fortes en faveur du pouvoir d’achat pour les personnes ayant les plus bas salaires, qui viennent compenser l’effort demandé, avec la progressivité que j’ai rappelée. Mais nous le soutenons aussi parce que cette mesure n’a pas vocation à perdurer.

Baisse du coût du travail, baisse des impôts, justice dans les économies, voilà les trois piliers des textes que vous nous proposez et que nous voterons. Pas parce que le groupe socialiste se doit de soutenir le Gouvernement issu de sa majorité, encore que cela soit en soi une justification positive, mais parce que ces mesures ont fait l’objet d’avancées à notre initiative et parce que nous sommes convaincus que le redressement de nos comptes sociaux est une condition de la préservation de notre modèle social ; parce que nous sommes lucides et que nous savons que les entreprises ont besoin de rebondir. Il ne s’agit ni de cadeaux ni de gestes démagogiques, mais d’une vision réaliste de la perte de compétitivité de nos entreprises dans une économie mondialisée. Permettre aujourd’hui à celles-ci de se repositionner est un acte de confiance dans leur capacité demain à innover, à embaucher, à investir.

Déterminés, nous le sommes aussi à travailler collectivement pour redresser le pays dans un effort partagé, limité dans le temps, et qui préserve les ménages aux revenus les plus modestes. Beaucoup de nos concitoyens souffrent, nous ne l’oublions pas ; ils ont besoin de notre solidarité. Nous sommes convaincus, enfin, que la représentation nationale peut, comme nos compatriotes, se rassembler derrière cette volonté de redressement pour préserver le modèle social dont nous avons bénéficié et le faire partager aux générations futures avec la possibilité de conquérir de nouveaux droits. Mais envisager de nouveaux droits sans croissance et sans redressement, n’est-ce pas illusoire ?

Voilà, chers collègues, les raisons pour lesquelles notre groupe soutiendra cette loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, en espérant que les décisions prises aujourd’hui avec courage nous permettrons demain de renouer avec la croissance et de construire une société qui aura non seulement su préserver son modèle social, mais l’améliorera en vue de faire bénéficier ceux qui en ont le plus besoin de nouveaux droits. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, il y a deux ans, dans un élan de dogmatisme, vous supprimiez la TVA anti-délocalisation du gouvernement Sarkozy.

M. Pascal Popelin. Elle n’avait rien d’anti-délocalisation !

M. Jean-Pierre Door. Vous l’aviez supprimée les yeux fermés. Puis, en deux ans d’explosion du chômage, de destruction inégalée d’emplois et d’enlisement de la crise, vous avez eu le temps d’ouvrir les yeux. Aujourd’hui, vous demandez à l’Assemblée nationale de voter la première salve de mesures de votre pacte de responsabilité. Malgré le temps perdu, nous pourrions saluer le revirement du Gouvernement sur la question du coût du travail : l’amplification des allégements Fillon, la baisse des cotisations patronales familiales et les allégements de la C3S vont dans le bon sens.

Mais nous avons deux inquiétudes puissantes. La première est que nous doutons de la capacité du Gouvernement à tenir sa promesse en matière de financement. Sous la contrainte de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale et des amendements de notre rapporteur M. Bapt à l’annexe A, nous savons bien que vous allez compenser ces baisses de charges à l’euro près, parce que c’est la loi. Mais la question est de savoir comment vous allez le faire. Allez-vous augmenter la TVA ? Allez-vous augmenter la CSG ? Allez-vous taxer encore plus les Français ? Allez-vous tenir vos engagements en matière d’économies ? Ou alors, laisserez-vous ces baisses de charges peser sur les déficits, puis sur la dette que vous faites grossir ?

Oui, monsieur le ministre des finances, le doute est permis parce que vos promesses ne tiennent pas le choc de la réalité économique de la France. La courbe du chômage s’est-elle inversée ? La réponse est non. Allez-vous tenir votre objectif de réduction du déficit à 3,8 % du PIB ? La réponse est non.

Quand nous avons à maintes reprises posé la question des pistes de financement, M. le ministre du budget brandissait les tableaux d’équilibre comme une preuve qui se suffirait à elle-même. Nous avons donc le droit de nous inquiéter. L’annexe A mentionne 45 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour tous les régimes, à trouver d’ici à 2017. Quelles sont les pistes de financement ? Vous pourrez compter sur notre vigilance sur ce sujet lors de l’examen du PLFSS pour 2015.

Notre seconde inquiétude tient au fait que nous doutons de la capacité du Gouvernement à tenir les promesses de son propre pacte de responsabilité. Nous le savons : cette loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, à l’exception de son article 9, est une loi d’affichage. En effet, nul besoin d’inscrire dans une loi rectificative pour 2014 des baisses de charges ne prenant effet qu’en 2015, et non financées de surcroît.

C’est donc une loi d’affichage, mais qui n’affiche pas tout. Elle n’affiche pas l’extension de la baisse des cotisations famille pour tous les salariés gagnant jusqu’à 3,5 SMIC annoncée pour 2016, ni la disparition de la C3S en 2017. Nous avons bien compris, monsieur le ministre des finances, que vous attendez de voir avant de donner ; c’est d’ailleurs le débat des contreparties cher à la gauche du parti socialiste. Mais attention, les entreprises ont besoin de stabilité sociale et fiscale ! À force de ménager les frondeurs socialistes et de faire le grand écart entre eux et les entreprises, vous risquez de casser dans l’œuf une dynamique difficile à créer.

Voilà quelles sont nos inquiétudes. Mais nous avons également un regret, celui de voir, six mois après la promulgation de votre loi sur les retraites et malgré une opposition patente de l’ensemble des députés de notre groupe, réitérer le coup du gel des pensions. Vous vous livrez à une démonstration de force, mais nous avons bien vu que le Gouvernement était prêt à tout pour ce texte, quitte, dès la première minute, à mettre en réserve tous les votes ; quitte même à brandir les armes du vote bloqué et de l’article 49-3 de la Constitution.

Vous aviez l’occasion de poursuivre un effort structurel lors de la réforme des retraites, et vous préférez faire des économies de bouts de chandelle qui cassent le pouvoir d’achat des classes moyennes. Ce gel s’ajoute à la fiscalisation du bonus pour trois enfants qui concerne 3,8 millions de foyers sur lesquels on prélève la modique somme de 1,3 milliard d’euros.

Tout comme une partie de votre majorité, l’UMP ne l’accepte pas, même si vous faites du rétropédalage sur l’allocation logement famille. Où sont les réformes structurelles seules à même de résoudre l’évolution tendancielle des dépenses ? Votre projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale n’est ni plus ni moins qu’un chèque en blanc pour des entreprises qui grognent, qui ne vous croient pas. C’est pourtant aujourd’hui qu’elles ont besoin de mesures plus profondes et plus lisibles. C’est pourquoi, tout en ayant voté les articles 1, 2 et 3, qui prévoient des baisses des charges salariales et patronales, le groupe UMP votera contre l’ensemble de ce PLFRSS, car c’est une occasion ratée de restaurer la confiance des Français et des entreprises. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ! Cet adage populaire bien connu résume l’attitude du Gouvernement à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, et nous le déplorons.

Le Gouvernement est resté sourd aux propositions de l’UDI pour accélérer et amplifier les baisses de charges pourtant indispensables à la compétitivité de nos entreprises et au pouvoir d’achat des ménages. Il est resté sourd à nos propositions pour accélérer la réforme du financement de notre protection sociale, et faire reposer celui-ci sur des recettes alternatives aux recettes actuelles, assises sur le travail. Il est resté sourd à nos demandes de réformes structurelles, qui seules peuvent assurer sur le long terme l’équilibre des finances de notre protection sociale, à commencer par le domaine des dépenses de santé.

Frappé de surdité, le Gouvernement est également apparu débordé tout au long de l’examen de ce texte. Débordé par une partie de sa majorité qui ne partage pas ses choix, prétendument nouveaux, de politique fiscale, dont on est pourtant bien en peine de voir la première traduction concrète. Débordé au point d’empêcher, pendant tout une partie de l’examen du texte, l’Assemblée nationale de voter sur les articles dont elle discutait. La démocratie parlementaire a ainsi été suspendue tout un temps de nos débats, jusqu’à ce que la majorité veuille bien retrouver ses esprits et le Gouvernement ses soutiens. Les droits du Parlement ont ainsi, une nouvelle fois, été mis à mal, nouvel épisode d’un feuilleton dont les rebondissements n’ont pas manqué depuis deux ans.

Décidément, sur ce texte, le Gouvernement n’aura pas été exemplaire : ni sur la forme – nous venons de le voir – ni sur le fond. Ce texte devait en effet, en coordination avec le projet de loi de finances rectificative, traduire la mise en œuvre opérationnelle du pacte de responsabilité et de solidarité défendu par le Premier ministre au mois d’avril.

Mais en fait de responsabilité, que constate-t-on ? D’abord, une loi de financement dont l’équilibre repose sur une prévision de croissance de 1 % du PIB alors même que l’INSEE ne prévoit que 0,7 %. Ensuite, le texte se contente de renvoyer à plus tard l’ensemble des mesures de baisse de charges pourtant annoncées depuis plusieurs mois. Après avoir augmenté de 27 milliards d’euros le fardeau fiscal des entreprises, après avoir imposé les heures supplémentaires de plus de 9 millions de Français, vous sembliez en effet reconnaître ces erreurs qui hypothèquent le retour de la croissance.

Or l’ensemble de ces mesures d’allégement de cotisations salariales ou patronales ne sera applicable qu’au 1er janvier 2015.

Qui plus est, aucune indication n’est donnée quant au contenu des mesures d’économies qui seront réalisées pour compenser les recettes qui, compte tenu de ces allégements, feront défaut.

En réalité, avec ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, le Gouvernement fait l’aveu des erreurs de politique économique et fiscale qu’il a commises depuis deux ans.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Francis Vercamer. Mais il se conduit comme ces personnes qui imaginent que l’aveu de leurs défauts les dispense de s’en corriger.

Ce constat est d’autant plus regrettable qu’il s’accompagne de deux circonstances aggravantes.

D’une part, vous faites porter l’effort d’économies sur les classes moyennes, mais également sur les plus modestes,…

M. Maurice Leroy. Eh oui !

M. Francis Vercamer. …par le biais du gel des prestations sociales. C’est notamment vrai pour les retraités, qui se voient infliger dix-huit mois de gel de la revalorisation de leurs pensions.

D’autre part, vous différez les mesures structurelles qui sont en mesure de rétablir, sur le long terme, l’équilibre des comptes sociaux. Vous différez ces mesures qui sont pourtant les seules à pouvoir donner du sens aux efforts que vous imposez à nos concitoyens. Vous allez même jusqu’à supprimer des crédits pourtant indispensables à la modernisation des hôpitaux, alors même que bien des établissements attendent le feu vert de l’État pour investir dans la rénovation de leurs équipements et que cette modernisation serait, à terme, source d’économies.

Pour le groupe UDI, ce projet de loi n’est donc ni responsable ni solidaire. Il traduit le choix de la continuité, celui de la pression fiscale continue qui comprime l’activité économique, freine la croissance, pénalise les entreprises et empêche la création d’emplois. C’est la raison pour laquelle les députés du groupe UDI voteront contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe écologiste.

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues,…

M. Dominique Baert. Jusque là, ça va !

M. Jean-Louis Roumegas. …au moment même où se déroule la troisième conférence sociale, dans un climat de tension inédit, nous devons procéder au vote du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, sur lequel le Gouvernement n’aura pas su rassembler sa majorité.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Jean-Louis Roumegas. Au Palais Bourbon comme au Palais d’Iéna, c’est l’application du pacte de responsabilité, bien sûr, mais aussi une certaine méthode qui sont en cause.

Au terme de longs débats, tant au sein de nos commissions qu’en séance publique, le groupe écologiste constate qu’il n’a pas été possible de rééquilibrer un collectif budgétaire caractérisé par des allégements inconditionnels de charges accordés aux entreprises et par le gel des prestations sociales.

Pendant deux ans, nous avons soutenu une politique de réduction des déficits par la maîtrise de la dépense publique, par un accroissement des prélèvements supplémentaires, certes, mais dans une plus grande justice, ou par la lutte contre la fraude fiscale, qu’il faut encore intensifier. Cette politique était menée sans remettre en cause le niveau de protection sociale. Aujourd’hui, c’est autre chose : ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale donne un chèque en blanc aux entreprises sans aucune garantie de résultat, mais avec le risque d’un accroissement de la précarité et des inégalités.

Nous avons voulu rééquilibrer ce texte en soutenant des amendements visant à conditionner les allégements de charges aux efforts consentis par les entreprises, par exemple en matière de qualité des contrats de travail, ou à limiter les exonérations aux emplois à temps plein ou aux CDI. Nous avons voulu maintenir le principe de responsabilité des entreprises en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles. Nous avons voulu soutenir celles qui font des efforts en matière d’apprentissage. Mais vous avez rejeté toute idée de conditions ou de contreparties. Vous n’avez pas non plus entendu l’alerte de Mme la rapporteure générale de la commission des finances sur le solde global négatif en termes d’emplois, la réduction des dépenses publiques pour couvrir les baisses de charges qui risquent de supprimer bien plus d’emplois qu’elles n’en créeront.

Nous trouvons injuste le gel des prestations sociales pour financer les cadeaux aux entreprises – ce sont des cadeaux, puisqu’ils ne favoriseront ni l’investissement ni l’emploi. Le gel des pensions de retraite avait déjà fait débat, au sein de la majorité, lors de la discussion de l’article 4 du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, qui repoussait d’avril à octobre la revalorisation des pensions, que vous reportez aujourd’hui d’une année supplémentaire, soit un report total de dix-huit mois.

Certes, l’allocation de logement familiale est préservée, grâce à l’adoption d’un amendement commun du rapporteur et de notre groupe. Mais d’autres gels, portant sur les pensions d’invalidité ou les rentes d’accidents du travail, bloqués cette fois-ci par le Conseil d’État, risquent d’être introduits dans le prochain PLFSS.

Nous ne comprenons pas les annonces sur le gel des seuils sociaux, ni celle sur le report du compte pénibilité,…

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Jean-Louis Roumegas. …alors qu’il s’agit de la seule avancée sociale depuis le début du quinquennat, au mépris du dialogue social que vous revendiquez pourtant et que vous avez opposé bien injustement aux intermittents du spectacle. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Nous sommes inquiets pour les comptes sociaux. Vous vous êtes engagés à ce que l’État compense les pertes de recettes pour la Sécurité sociale, mais comment ? Nous ne le savons pas : la question a été renvoyée au budget pour 2015.



M. Maurice Leroy. Si vous voulez, on vous laisse entre vous !

M. Jean-Louis Roumegas. Nous ne pouvons que partager l’avis des usagers du système de santé, représentés par le Collectif interassociatif sur la santé, qui craint des coupes budgétaires dont les usagers paieront le prix fort.

Nous déplorons, encore une fois, que les vraies réformes soient encore repoussées. En matière de santé, toujours rien sur la prévention, sur la santé environnementale ou contre la surconsommation de médicaments ! On nous dira que le projet de loi de santé publique arrive, mais avec quel budget, puisque tous les crédits seront hypothéqués par les choix que vous proposez aujourd’hui ?

M. Maurice Leroy. Il n’y a pas d’ambiance dans la majorité ! On reviendra la semaine prochaine !

M. Jean-Louis Roumegas. Nous regrettons aussi la méthode employée et l’absence de préparation en amont avec toute la majorité. L’épisode de la réserve des votes, lundi dernier, a été un véritable affront au Parlement ; il révèle aussi le décalage entre l’exécutif et sa majorité. La discipline de vote est respectable, mais n’oubliez pas qu’elle ne vaut pas adhésion ! Les électeurs, eux, ignorent toute discipline.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste ne peut voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Philippe Gosselin. Votez contre !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants560
Nombre de suffrages exprimés506
Majorité absolue254
Pour l’adoption272
contre234

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente



Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Questions à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, consacrées à l’énergie

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions à Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, consacrées à l’énergie.

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse, sans droit de réplique.

Nous commençons par les questions du groupe écologiste.

La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Dans quelques semaines, nous aborderons l’examen du projet de loi sur la transition énergétique qui sera adoptée, je l’espère, dans les mois qui suivront. Il est cependant des questions qui ne peuvent attendre. Nous avons besoin, madame la ministre, de signaux pour renforcer et engager d’ores et déjà les actions en matière d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables.

D’abord, se pose la question des certificats d’économies d’énergie, donc de la troisième période de certificats. Comme vous le savez, pour la troisième période de certificats d’économies d’énergie, il a été prévu un quota de 660 terawatts-heure Cumac dont près d’un tiers sera amputé par le stock d’opérations de certificats d’économies d’énergie qui ont déjà été engagées. Nous souhaitons donc que l’engagement pris par le Gouvernement de 660 terawatts-heure Cumac intervienne en surplus de ce stock.

Ensuite, je souhaite vous interroger sur les tarifs du solaire. Je vous ai adressé une question écrite il y a quelques semaines sur le sujet. Le système mis en place prévoit une décroissance des tarifs accordés pour la production photovoltaïque, laquelle interviendra en fonction des projets annoncés et non en fonction des projets réalisés. Cela entraînera une diminution bien trop rapide des tarifs du solaire qui mettra en danger une industrie elle-même fragilisée. Nous souhaitons donc que le système soit révisé et que l’adaptation des tarifs se fasse en fonction des projets réalisés.

Enfin, ma troisième interrogation porte sur l’éolien. Aujourd’hui, il faut à peu près huit ans pour installer une éolienne en France quand il en faut quatre dans le reste de l’Europe.

M. Patrice Carvalho. Ça ne sert à rien. Ça coûte de l’argent.

M. Denis Baupin. Lors de l’examen du projet de loi, nous aurons l’occasion d’améliorer les choses et de simplifier la réglementation actuelle.

D’ores et déjà, je souhaite néanmoins appeler votre attention sur les exigences de plus en plus grandes de l’armée – problème qui se pose partout en France – quant à l’implantation des éoliennes.

Certes, il y a des spécificités et des nécessités que l’on ne peut nier s’agissant de la défense, mais les demandes de l’armée sont peut-être excessives. Aussi, je vous demande madame la ministre, de vous entretenir avec votre collègue, ministre de la défense, afin que les mesures préconisées par l’armée soient justement proportionnées aux besoins stratégiques.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Permettez-moi de vous remercier, monsieur le député, pour votre engagement quant à la montée en puissance du nouveau modèle énergétique français. Nous aurons l’occasion de débattre des questions que vous avez évoquées lors de l’examen du projet de loi de programmation de la transition énergétique.

S’agissant du dispositif des certificats d’économies d’énergie, le système est fondé sur l’obligation faite aux vendeurs d’énergie de faire réaliser des économies d’énergie en proportion de leurs ventes. Pour chaque quantité d’énergie vendue, on doit réaliser des économies d’énergie au prorata. Vous avez souligné la montée en puissance et la nécessité de réguler le rythme de ces certificats, je partage tout à fait votre point de vue. Nous sommes en train de rechercher des solutions techniques qui permettront de laisser une marge de manœuvre beaucoup plus importante sur le volume et l’utilisation de ces certificats d’économies d’énergie.

S’agissant des tarifs du solaire, vous avez raison de souligner le problème. La filière solaire et photovoltaïque a été gravement fragilisée par des modifications intempestives et répétées du tarif de rachat. Je veille attentivement à ce que la façon dont nous fixons ce tarif de rachat permette à cette filière en croissance, qui sera l’un des piliers de la loi de transition énergétique, de garder sa productivité pour que les opérateurs industriels continuent à y investir en toute confiance. Il faut en effet que nous puissions atteindre notre objectif de 40 % d’électricité provenant des énergies renouvelables.

Enfin, en ce qui concerne la durée d’installation et de construction de l’éolien off-shore et d’autres structures comme les méthaniseurs, dont la durée de construction est chez nous très supérieure à ce qu’elle est dans les pays étrangers, j’ai saisi le Conseil national de la transition écologique sur la nécessité de généraliser l’expérimentation de l’autorisation unique. En outre, j’ai bien l’intention d’inscrire dans la loi une telle généralisation qui permettra d’accélérer les procédures. Je considère qu’entre un projet et sa réalisation, il doit s’écouler deux ans au maximum et non huit ans comme c’est le cas actuellement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. La lutte contre le changement climatique est une priorité du Gouvernement. C’est un engagement très bénéfique pour l’avenir de la France. L’efficacité énergétique est une solution très pertinente dans la mesure où les techniques sont maîtrisées, donc rapides à mettre en œuvre. Elle présente aussi des avantages dans cette période de crise : baisser directement la facture énergétique des ménages ; relancer l’emploi artisanal autant qu’industriel, difficilement délocalisable ; réduire le déficit commercial de la France.

Concernant les travaux de rénovation énergétique des logements, le Gouvernement a annoncé que le crédit d’impôt pourrait atteindre 30 % de leur coût. De même, le prêt à taux zéro devrait être réactivé bien que les banques le jugent peu attractif, risqué et pas toujours facile à mettre en œuvre. De plus, il apparaît qu’il existe une grande variation quant au coût et à la qualité des travaux. Pourtant, de nombreuses entreprises ont fait l’effort d’appliquer le dispositif RGE – reconnu Grenelle environnement – qui définit le principe de l’éco-conditionnalité.

Madame la ministre, s’agissant de l’efficacité énergétique dans les domaines de la construction neuve et de la rénovation, que proposez-vous pour aller au-delà des aides actuelles, assurer l’avance de fonds et faciliter les démarches ? Envisagez-vous de mettre en place un contrôle plus rigoureux des travaux réalisés et des performances et d’introduire un système de prix harmonisé ? À quelle échéance ces mesures pourraient-elles se mettre en place ?

L’efficacité énergétique devrait conduire à des économies substantielles de consommation d’énergie électrique en France. Aussi, que prévoyez-vous comme besoins en puissance en énergie électrique pour la France à l’horizon de 2025 ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Merci, madame la députée, de vous mobiliser pour l’efficacité énergétique des bâtiments. En effet, 44 % de la consommation d’énergie en France est le fait du bâtiment. Sachant que l’énergie la moins chère est celle que l’on ne consomme pas, il est évident que la réussite de la transition énergétique passera d’abord par le lancement et l’accélération des chantiers d’isolation et de performance énergétique des bâtiments.

Le projet de loi lèvera plusieurs contraintes, et d’abord les freins à l’isolation du bâtiment en matière d’urbanisme. Désormais, plus aucun plan d’urbanisme ne pourra s’opposer aux travaux d’isolation, notamment s’agissant des façades. Ensuite, les travaux d’économies d’énergie seront obligatoires à l’occasion des ravalements de façades, des rénovations de toitures ou de l’aménagement de nouvelles pièces. Enfin, nous mettons en place des moyens d’accompagnement avant même l’adoption définitive de la loi. Cela a été précisé dans le cadre de la conférence bancaire et financière, et des mesures dans ce sens figureront dans la loi de finances pour l’année prochaine.

Nous prévoyons ainsi l’augmentation et la simplification des avantages fiscaux pour les particuliers qui pourront déduire jusqu’à 8 000 euros d’impôt pour une personne seule et 14 000 euros pour un couple, c’est-à-dire les plafonds actuels du crédit d’impôt de travaux d’isolation d’énergie avec un élément très fort de simplification : désormais, le bouquet de travaux ne sera plus obligatoire. Cet allégement fiscal sera ouvert même pour un seul type de travaux dans les habitations, et cela jusqu’à 30 % de l’investissement, soit une augmentation considérable du taux du crédit d’impôt.

Cet allégement fiscal sera applicable pour les travaux réalisés dès le 1erseptembre prochain jusqu’au 31 décembre de l’année 2015, cela pour accélérer les commandes aux artisans et à la filière du bâtiment.

Par ailleurs, nous relançons le prêt à taux zéro qui, comme vous venez de le dire, est figé. Dans le cadre de la conférence bancaire et financière, il a été décidé de le simplifier. La vérification de la conformité technique des opérations éligibles sera ainsi désormais confiée aux entreprises et non plus aux banques. Nous mettons ainsi en œuvre cette simplification que les entreprises attendaient depuis longtemps.

Enfin, la Caisse des dépôts met en place des prêts aux collectivités territoriales pour les travaux d’isolation du bâtiment et pour les bâtiments « énergie positive » sur une ligne de crédits de 5 milliards d’euros à hauteur de 5 millions par opération, remboursables sur une durée de vingt à quarante ans sans apport initial.

Mme la présidente. Nous en venons à une question du groupe RRDP.

La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Madame la ministre, ma collègue Jeanine Dubié, députée des Hautes-Pyrénées, et moi-même souhaitons appeler votre attention sur le potentiel de l’hydroélectricité et sur le rôle que doit jouer cette énergie renouvelable dans la transition énergétique.

L’hydroélectricité produit, dans le monde comme en France, près de 83 % de l’électricité renouvelable. Ses procédés industriels et ses matériels sont essentiellement français. Grâce à des barrages, elle constitue la seule technologie de stockage de masse de l’énergie électrique. Elle permet ainsi de faire face à différents types d’aléas comme les pics de consommation que nous connaissons régulièrement. Enfin, il s’agit d’une énergie décarbonée, respectueuse de l’environnement.

Pour que nous ne turbinions pas à l’envers, il est nécessaire que l’État et les collectivités s’engagent avec conviction et bon sens dans le développement de cette filière éminemment stratégique. L’excellent rapport de nos collègues Marie-Noëlle Battistel et Éric Straumann est instructif à ce titre : il propose des alternatives constructives et euro-compatibles à la libéralisation pure et simple des barrages que la France, seule en Europe, avait décidé de mettre en œuvre en 2008, au moment du renouvellement des concessions.

La question de la mise en concurrence est cruciale pour l’avenir de la filière. Les installations ne doivent pas devenir des installations hors-sol : elles sont étroitement liées à des ressources, à des investissements et des enjeux économiques et touristiques locaux et nationaux. Elles sont garantes aussi de notre indépendance énergétique.

L’expérience nous montre que la privatisation n’est pas l’outil le plus performant pour garantir dialogue et cohérence. Je sais avec quelle énergie ma collègue Marie-Noëlle Battistel travaille avec vos services à la mise en œuvre du meilleur scénario pour l’hydroélectricité française. À nous de retrouver l’esprit et l’audace de ces ingénieurs et investisseurs qui s’étaient engagés dans l’épopée de la houille blanche pour moderniser avec intelligence et créativité les installations. Je pense aussi au rôle que peuvent être amenées à jouer les petites installations qui concourent avec intelligence à l’autonomie énergétique et au développement économique des territoires ruraux et montagnards.

Ma question est simple : quelle sera la place de la filière hydroélectrique dans l’ambition que vous développez et comment allez-vous prendre en compte les conclusions du rapport parlementaire sur l’hydroélectricité qui préconise des solutions alternatives à la mise en concurrence des installations ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur Giraud, vous êtes un élu des Hautes-Alpes où le potentiel hydroélectrique est très important : je comprends votre préoccupation et je la partage. L’hydroélectricité est une filière très importante, deuxième source de production d’électricité après le nucléaire et première source d’énergie renouvelable électrique. Elle joue donc un rôle considérable dans la sécurité d’approvisionnement. C’est une filière où nous comptons plusieurs champions industriels énergéticiens : GDF, EDF, Alstom.

Le potentiel existant est déjà bien exploité, mais plusieurs opportunités de développement s’offrent à nous : en investissant dans les barrages existants pour en améliorer la performance ; en construisant des moyens de stockage d’énergie, en particulier les stations de transfert d’énergie par pompage ; en équipant de nouveaux sites de barrages de faible puissance. Un important travail a permis d’identifier l’année dernière les sites à potentiel compatible avec le classement des cours d’eau. Je vais prochainement les rendre publics et lancer les travaux y afférant.

Le renouvellement des concessions, sujet auquel je suis particulièrement sensible, va permettre, à la suite du rapport de Mme Battistel et de M. Straumann, de renforcer le contrôle public, de faire des investissements importants, de mieux associer les territoires. Le projet de loi que j’aurai le plaisir de vous présenter comprendra deux mesures structurantes : d’une part, le regroupement des concessions par vallée avec une seule date de renouvellement pour que la gestion soit unique et optimisée ; d’autre part, la création de sociétés d’économie mixte associant les collectivités riveraines et les électriciens privés. Je précise que seule la part privée sera mise en concurrence et à cet égard, nul doute que les entreprises françaises sauront se positionner de manière offensive lors des prochains renouvellements de concession.

Enfin, j’ai engagé des discussions avec la Commission européenne pour prolonger certaines concessions en contrepartie d’investissements importants.

M. François Brottes. Très bien !

Mme Marie-Noëlle Battistel. C’est indispensable !

Mme la présidente. Nous passons à une question du groupe GDR.

La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Madame la ministre, alors que nous allons très prochainement débattre du projet de loi sur la transition énergétique, j’aimerais revenir sur la question de l’approvisionnement en électricité du département de la Guyane qui se caractérise par de fortes disparités. Bien qu’étant un département continental, il est insulaire au regard de son approvisionnement en électricité, d’une part, et de la forte dichotomie entre communes du littoral et sites isolés de l’intérieur, d’autre part. La Guyane est également un territoire spécifique du fait des profondes mutations qui accompagnent son développement.

En outre, du fait d’une croissance démographique exponentielle, cette région atteindra dans les années à venir un seuil critique, entraînant le développement d’une industrie locale qui laisse entrevoir un doublement de la consommation d’électricité d’ici à 2030.

Enfin, la Guyane se démarque du reste du territoire national car elle est la première région de France où l’objectif du Grenelle de l’environnement d’un taux de 50 % de la production électrique issue des énergies renouvelables est déjà dépassé puisqu’il atteint 60 %.

Face aux défis qui s’annoncent, l’idée d’un deuxième grand barrage hydraulique semble faire son chemin. Or il faut bien avouer que le barrage de Petit-Saut n’offre pas un exemple probant de réussite puisque c’est le barrage le plus cher au monde au regard du rapport entre énergie produite et surface inondée.

Des alternatives à ce projet sont possibles : il est avéré que la biomasse et les petites centrales hydrauliques constituent des pistes de production électrique plus que jamais viables économiquement. Le potentiel des centrales sans ennoiement atteindrait ainsi les 100 Megawatts alors que la biomasse pourrait produire quelque 50 Mégawatts, ce qui est quasiment la puissance actuelle du barrage de Petit-Saut. Or dans ces secteurs, les projets sont nombreux, mais rares sont les réalisations.

Madame la ministre, je vous demande de bien vouloir nous éclairer sur la position du Gouvernement sur ce projet de deuxième barrage et sur les orientations que vous souhaitez retenir pour l’approvisionnement de la Guyane en énergies électriques.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le député, comme vous le savez, le conseil régional mène actuellement une étude sur l’opportunité de ce second barrage – j’ai d’ailleurs reçu récemment son président et plusieurs élus guyanais. Cette étude doit analyser non seulement l’intérêt énergétique, mais aussi la faisabilité économique et les impacts environnementaux auxquels vous êtes particulièrement sensible, préoccupation que je partage. J’attends ses conclusions avant de me prononcer. Si la construction de ce barrage est décidée, il faudra une nouvelle concession, à laquelle les dispositifs prévus dans la loi de programmation s’appliqueront afin de garantir une maîtrise publique de l’ouvrage associant les collectivités locales.

Mais nous devons également rechercher des alternatives à ce second barrage.

D’abord, il est possible d’exploiter un potentiel hydroélectrique avec de petits barrages. Plusieurs sites ont déjà été identifiés et des projets ont été déposés. Il faut que ce développement se fasse en cohérence avec la réflexion de la région sur le second gros barrage et que les citoyens puissent être associés, en toute transparence, aux choix qui seront faits eu égard à la masse des investissements à réaliser.

Ensuite, il faut souligner que la biomasse a un rôle particulier à jouer en Guyane, notamment le bois, dont la part dans le mix énergétique pourrait passer de 1,4 % aujourd’hui à 20 % à l’horizon 2020 – il y a là un potentiel de recherche et de développement à exploiter.

Je me rendrai à la fin du mois d’août en Guyane, à l’invitation des élus, et je vous propose que nous discutions de ces questions sur place.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe SRC.

La parole est à Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. La commission des affaires économiques de l’Assemblée nous a confié une mission d’information sur l’adaptation du droit de l’énergie aux outre-mer, travail qui s’inscrit dans la perspective de l’examen prochain du projet de loi sur la transition énergétique.

Les outre-mer sont des territoires fragiles du point de vue énergétique car ils constituent des zones non interconnectées au réseau électrique hexagonal et dépendent en grande majorité des énergies fossiles. La transition énergétique y prend un sens particulier et les impératifs de décarbonation du mix et de sécurité énergétique exigent de faire des outre-mer une avant-garde énergétique.

Si cette transition est une chance pour la France, elle représente un triple impératif pour les outre-mer : impératif de sécurité, impératif socio-économique, impératif environnemental dans des territoires où ces enjeux sont particulièrement cruciaux.

C’est dans les territoires ultramarins que se joue une partie de l’évolution du mix énergétique français avec un savoir-faire et une technologie qui ont des années d’avance. Ainsi, à La Réunion, la production d’électricité provient pour 37, 8% des énergies renouvelables et certaines entreprises y développent des produits d’avant-garde.

Néanmoins, malgré cette volonté d’avancer, nous sommes confrontés, madame la ministre, à un modèle qui patine et qui arrive au bout de sa logique budgétaire. Aujourd’hui, en outre-mer, les territoires ont la sensation que la législation en vigueur a pour objectif de freiner leur dynamique. C’est pourquoi nous devons nous poser la question de la gouvernance de la transition énergétique et en faire le chantier prioritaire dans les outre-mer.

Je souhaiterais d’ores et déjà nous mettre en garde, collectivement, contre la tentation de nous contenter d’expérimentations ponctuelles au détriment de la mise en œuvre d’une réponse globale. Êtes-vous d’accord, madame la ministre, avec l’objectif de promouvoir une excellence énergétique dans les outre-mer au service de l’emploi, du pouvoir d’achat et de l’environnement pour tous les ultramarins et non simplement quelques acteurs ?

Pour finir, j’appelle votre attention sur le fait que plusieurs milliers d’habitants de la Guyane – où je me suis rendue récemment ainsi qu’aux Antilles – se trouvent dans une situation alarmante. La question de l’universalité du service public de l’énergie est aujourd’hui posée : nous devons apporter une réponse à ces citoyens français.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Oui, madame la députée, les outre-mer, notamment les outre-mer insulaires, peuvent devenir l’avant-garde de la transition énergétique. Je partage votre conviction. Je vais réunir prochainement une conférence écologique avec l’ensemble des acteurs et des élus des outre-mer insulaires pour voir comment nous pouvons anticiper la transition énergétique et transformer le handicap insulaire en un formidable atout pour qu’ils se transforment en territoires à énergie positive, des îles durables pouvant mobiliser toutes les énergies renouvelables – soleil, vent, énergie thermique des mers.

Le hasard fait bien les choses : ce matin, la Commission européenne a rendu publics les noms des deux lauréats français qui ont gagné l’appel à projets relatif aux énergies renouvelables. L’entreprise DCNS a ainsi remporté un premier prix pour son projet Nemo, qui repose sur l’utilisation de l’énergie thermique des mers. Je me propose d’en faire une démonstration dans les outre-mer et de lancer à cette occasion un appel à projets portant sur l’ensemble des énergies renouvelables, qui permettrait aux outre-mer insulaires d’accéder à l’autonomie énergétique. Alors que le taux de chômage des jeunes est très élevé dans les outre-mer, nous tenons une formidable opportunité de créer de nouveaux emplois et de nouvelles formations professionnelles, de développer les industries et les services.

Les outre-mer peuvent constituer un laboratoire à taille unique pour anticiper la transition énergétique, ce qui permettrait de réduire la dépendance aux importations d’énergie, dont on sait le coût, de diminuer les coûts de production et de créer des emplois durables.

Je compte sur la mobilisation de l’ensemble des élus et des opérateurs économiques des territoires ainsi que de la population pour nous aider à configurer ce projet important et utile non seulement aux outre-mer, mais aussi à la métropole. Nous pourrons expérimenter en grandeur nature ce que peut représenter l’accélération d’une transition énergétique réussie.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Buis.

Mme Sabine Buis. Madame la ministre, mercredi 18 juin, vous avez présenté en conseil des ministres les grandes lignes du projet de loi de programmation pour un nouveau modèle énergétique français, qui doit être l’une des lois majeures du quinquennat de François Hollande.

Cette loi comportera des objectifs ambitieux tant pour le développement des énergies renouvelables, le progrès de l’efficacité énergétique, que pour la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité. Je me félicite que la France se dote de tels objectifs à un moment ou l’Europe, malheureusement, semble hésiter à le faire. Je me félicite également que ce texte encourage clairement le financement participatif des projets d’énergie verte, la réduction de la consommation d’énergies fossiles ou la lutte pour un air plus sain. Il doit aboutir à une véritable loi de sortie de crise, écologique, économique et sociale.

Vous inspirant des différentes initiatives déployées en région, vous avez souhaité, madame la ministre, généraliser par la loi des pratiques existantes affirmant le principe de la décentralisation énergétique et renforçant l’importance de la planification territoriale de nos besoins en énergie.

Les objectifs d’une action cohérente de l’État et des collectivités locales, associant les citoyens, les entreprises et les territoires, assurant la transparence et l’information de tous, permettant de faire évoluer la société vers l’efficacité et la sobriété énergétique, doivent être nos priorités.

Vous avez avancé l’idée d’une nouvelle citoyenneté énergétique. Sur ce point, les Français sont en attente. Le débat national sur la transition énergétique l’a largement démontré. Au-delà des objectifs et des mesures de financement, il faut aussi que cette loi fasse progresser notre démocratie, crée les espaces de dialogue et de concertation utiles.

C’est pourquoi je vous demande, madame la ministre, comment vous envisagez cette nouvelle gouvernance énergétique au niveau opérationnel ? Quelle place pour quelle collectivité ? Quel rôle pour les territoires ruraux ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Je vous remercie, madame la députée, pour cette question qui s’appuie sur les principes du chantier de la transition énergétique, à savoir la conviction que, très souvent, les territoires – régions, départements, intercommunalités, communes – sont en avance et ont déjà préfiguré ce nouveau modèle énergétique grâce aux projets d’excellence environnementale, aux investissements divers et variés, à la performance énergétique des bâtiments, etc. Comme vous l’avez souligné, et je vous en remercie, je me suis inspirée dans mon projet de loi de la généralisation de l’intelligence des territoires et donc de la mise en mouvement de ces territoires grâce à un partenariat intelligent entre l’État et les collectivités territoriales.

Ce partenariat prendra plusieurs formes : la transition énergétique sera tout d’abord inscrite dans les contrats de plan État-régions, ce qui permettra de cofinancer un certain nombre d’actions. Ensuite, et sans même attendre l’adoption de la loi, j’ai veillé à mettre en place divers moyens d’investissement, notamment ceux de la Caisse des dépôts qui sont mobilisables dès maintenant. Je vais m’adresser à tous les présidents d’intercommunalité pour leur indiquer qu’ils pourront mobiliser jusqu’à 5 millions d’euros par opération, remboursables sur vingt à quarante ans, à un taux de 2 %, sans apport initial, ce qui signifie que le retour sur investissement grâce aux économies d’énergie permettra de rembourser cet emprunt.

Enfin, les simplifications administratives permettront également aux collectivités locales d’investir beaucoup plus rapidement. Toutes les politiques contractuées par l’intermédiaire de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME – qui est le bras armé du ministère pour réaliser les opérations d’économies d’énergie, avec en particulier le doublement du Fonds chaleur, permettront aux entreprises dans les territoires de se structurer, de se consolider sous forme de réseaux d’entreprises engagées dans la transition énergétique avec le soutien des collectivités territoriales, dans le but d’accélérer la croissance verte et de créer des activités et des emplois.

Il sera donc très important que chacun soit au clair sur ses responsabilités, et notamment que les régions accompagnent par des actions de formation professionnelle tous ces nouveaux métiers liés à la montée en puissance du nouveau mix énergétique.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Madame la ministre, le 21 janvier dernier, le groupe UMP à l’Assemblée nationale lançait « L’autre débat sur la transition énergétique ». Cet autre débat, qui a eu pour objectif d’écouter les acteurs du secteur de l’énergie – les énergéticiens, les fédérations professionnelles, les associations ou encore les think tanks –, a duré six mois, au cours desquels près d’une centaine d’experts de près de quarante entités différentes ont été auditionnés.

Le 25 juin dernier, cet autre débat a présenté ses conclusions. De ces travaux, notre groupe a retenu dix propositions phares :

Diminuer la part du fossile dans le mix énergétique à 50 % en 2050 ;

Un objectif « zéro charbon sous cinq ans » ;

La sanctuarisation du potentiel nucléaire français, symbole d’une énergie sociale car protectrice du pouvoir d’achat ;

Fixer un objectif non contraignant de 20 % d’énergies renouvelables d’ici à 2030, en simplifiant les règles existantes, en laissant le marché arbitrer le prix des énergies, en privilégiant fiscalement les énergies vertes qui s’intègrent le plus harmonieusement au réseau existant de manière à limiter les perturbations de l’intermittence – je pense à la biomasse ou à la chaleur – ;

Dépasser la « guerre du schiste » en distinguant pétrole de schiste et gaz de schiste, pour faire du pétrole de schiste une énergie de transition en examinant son potentiel et en décidant de le mettre au service d’une stratégie bas-carbone, et ainsi, en cas d’exploitation, utiliser l’argent de ce pétrole de schiste pour financer la transition énergétique ;

Développer, dans le champ des transports individuels, une politique segmentée par type d’usage en réfutant le mono-technologique, comme le tout-électrique ;

Instaurer un bonus énergétique sur la taxe foncière, concomitamment à la création d’un service public du diagnostic énergétique qui serait rattaché au ministère des finances ;

Lutter contre les délocalisations qui ont un impact CO2 négatif en renforçant les entreprises énergo-intensives ;

Enfin, deux dernières propositions, notamment la création d’un commissariat à la transition énergétique.

Je souhaite, madame le ministre, connaître votre point de vue sur ces dix propositions.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Merci, monsieur le député, de vous engager dans la réflexion et les propositions constructives sur la transition énergétique. Je ferai en sorte de retenir autant que possible les propositions émanant de tous les bancs de cette assemblée, au-delà des clivages politiques. Certains des sujets que vous venez d’évoquer se retrouvent du reste dans le projet de loi, en particulier la montée en puissance des énergies renouvelables et les économies d’énergie.

Il reste malgré tout une différence – autant en parler franchement – sur la question des gaz de schiste : je ne pense pas que ce soit une bonne piste, dans la mesure où les États-Unis eux-mêmes en reviennent. La bulle spéculative existant sur la question de la recherche et de la production des gaz de schiste atteste du déséquilibre profond entre la lourdeur des investissements financiers et la rentabilité – indépendamment du fait que ces gaz de schiste sont des énergies fossiles et que l’objectif qui est le nôtre est précisément de réduire les émissions de gaz à effet de serre pour lutter contre le réchauffement climatique.

Sur tous les autres sujets, je ne vois pas de divergence profonde. Je me réjouis que notre débat parlementaire nous permette d’améliorer les propositions du Gouvernement, grâce aux amendements que vous voudrez bien présenter.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Madame la ministre, lors du conseil des ministres du 18 juin dernier, vous avez présenté les grandes lignes du projet de loi pour un nouveau modèle énergétique français. L’engagement des collectivités territoriales en faveur de la transition énergétique y apparaît comme un pilier, ces deux sujets étant complémentaires pour une vision réformatrice de notre pays.

Au cœur de ces deux thématiques, se trouvent les entreprises locales de distribution d’électricité, dites ELD. Au nombre de 150, réparties sur l’ensemble du territoire, elles représentent 5 % du marché de l’électricité, et je voudrais rappeler à la représentation nationale que la plupart d’entre elles sont centenaires. Accompagnant depuis 1946 les grandes mutations du secteur, proches des opérateurs historiques, elles ont su s’adapter aux règles imposées par l’ouverture des marchés depuis près de quinze ans, tout en continuant à assumer un vrai service public de proximité auprès de nos concitoyens.

Au regard des ambitions assignées aux territoires dans votre texte, les ELD ont de vrais atouts à faire valoir. De plus, le développement des intercommunalités a favorisé la mise en perspective de compétences où l’énergie est un facteur de premier ordre. À cet égard, vous avez évoqué le rôle central des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, en tant que guichet unique pour certaines interventions publiques. C’est une bonne chose, madame la ministre ! Les ELD qui disposent de certains statuts, sous forme de régie municipale, pourraient s’inscrire, sur la base du volontariat, dans le champ intercommunal par l’extension de leurs compétences au niveau d’un EPCI à fiscalité propre, dès lors que les élus locaux y sont favorables. Je souhaite que la possibilité d’une telle évolution puisse être examinée.

Malgré leur diversité de taille, de situation géographique et de portefeuille de clients, les ELD sont toutes porteuses d’un véritable projet de territoire. Madame la ministre, comment comptez-vous les intégrer dans votre projet de loi afin qu’elles puissent contribuer, par la voie de l’expérimentation notamment, à répondre aux demandes des territoires et des élus pour assurer, au plus près des besoins de nos concitoyens, l’avenir de l’énergie en France et des questions énergétiques ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le député, je connais bien en effet les ELD puisque deux d’entre elles se trouvent dans ma région, dans les départements des Deux-Sèvres et de la Vienne. Grâce à cette distribution de proximité, nous avons pu par exemple réaliser le projet TIPER avec une société d’économie mixte dans laquelle la région est partie prenante. Cela nous a permis de garantir sur trente ans le prix du rachat de l’électricité photovoltaïque en partenariat avec les collectivités territoriales, les entreprises du territoire et même les habitants. C’est vous dire à quel point je suis vigilante sur la protection de ces structures, qui ont été figées dans leur identité en 1946. L’opérateur national n’est donc pas menacé par ces entreprises locales de distribution, d’autant que celles-ci ont des obligations de service public puisqu’elles doivent garantir la péréquation des tarifs simples sur le territoire dont elles ont la charge.

Pour répondre à votre question, je suis tout à fait favorable à ce que ces entreprises locales de distribution puissent se regrouper, quelle que soit leur taille, afin de mutualiser leurs besoins même si les zones de desserte ne sont pas contiguës. S’il faut une disposition législative pour permettre cela, nous pourrons la prévoir dans la loi de programmation. Il est très important qu’un regroupement au niveau intercommunal soit possible dès lors que l’égalité de traitement est protégée dans l’ensemble du territoire concerné.

Il ne faudra toutefois pas que ce passage en intercommunalité remette en cause les fondamentaux de la distribution publique, bien évidemment, mais nous pourrons préciser cela, notamment dans le cadre des appels à projets sur les territoires à énergie positive. Les entreprises locales de distribution auront toute leur place, en particulier pour développer la citoyenneté énergétique, le financement participatif des citoyens à la production locale d’électricité dans le cadre d’un mix énergétique, permettant ainsi aux citoyens de reprendre la main – notamment dans les territoires ruraux, qui souffrent parfois, avec la valorisation des déchets issus de l’agriculture. Accéder à une énergie renouvelable et finalement gratuite, dans le cadre d’une économie circulaire et d’une réintroduction du produit des déchets vers le fonctionnement des exploitations agricoles : il y a là des opportunités d’expérimentation tout à fait intéressantes que j’ai l’intention de soutenir.

Mme la présidente. Nous passons à une question du groupe UDI.

La parole est à M. Franck Reynier.

M. Franck Reynier. Madame la ministre, nous aurons l’occasion, dans quelques semaines, d’entrer dans le détail du débat sur la transition énergétique, mais je souhaite vous interroger aujourd’hui sur les tarifs de l’électricité. Vous avez déclaré vendredi dernier qu’aucune décision n’était encore prise en matière de hausse des tarifs de l’électricité. Alors que certains parlaient d’une facture de rattrapage de trente euros en moyenne pour les particuliers et de quarante-cinq euros pour les professionnels, vous avez démenti toute hausse afin de préserver le pouvoir d’achat des Français.

Le 19 juin, vous aviez déjà annoncé un gel, au premier août, de la hausse de 5 % des tarifs de l’électricité et le Premier ministre, Manuel Valls, qui pensait certainement avoir le dernier mot, avait indiqué par la suite qu’il y aurait tout de même une hausse du prix de l’électricité à l’automne, mais d’une ampleur plus faible que 5 %. Difficile de suivre la position du Gouvernement sur ce sujet ! Alors que le Conseil d’État a partiellement annulé, en avril dernier, l’arrêté gouvernemental du 20 juillet 2012, vous pouvez comprendre notre étonnement après une telle annonce. Cet arrêté, pris par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, avait pour objectif de limiter la hausse des tarifs de l’électricité à 2 %.

Pour la Commission de régulation de l’énergie, cette hausse des tarifs aurait dû atteindre 5,7 % pour les particuliers. Votre prédécesseur, Philippe Martin, s’était pourtant risqué à annoncer une hausse de 5 % des tarifs en août 2013 et août 2014. Quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre quant à l’encadrement de ces tarifs ?

M. François Brottes. Attendez les conclusions de la commission d’enquête !

M. Franck Reynier. Il est devenu urgent de se pencher sur le sujet des tarifs de l’énergie. Alors que nous examinerons très prochainement le projet de loi sur la transition énergétique, pouvez-vous, madame la ministre, nous donner la position du Gouvernement sur les tarifs réglementés de l’électricité ? Les Français doivent être informés sur un sujet aussi important pour leur vie quotidienne.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le député, je vous remercie pour votre intervention qui me permet de répondre avec précision à la question que se posent tous les Français. Je souhaite, avec le Gouvernement, lutter contre la vie chère. L’augmentation automatique des factures d’électricité est vécue comme quelque chose de très brutal par les consommateurs et il était temps d’y mettre fin.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est ce que j’ai fait en annonçant l’annulation de la hausse prévue au 1er août prochain, le temps de comprendre le pourquoi et le comment de cette augmentation automatique ainsi que le processus de constitution des prix de l’électricité. Je publierai donc prochainement un décret – il est actuellement en consultation publique pendant quinze jours – qui réformera la structure du prix de l’électricité, en intégrant en particulier le cours des prix mondiaux et pas seulement le coût de production de l’électricité donné unilatéralement par l’opérateur électrique – et ce, au nom de la transparence de la constitution des prix. Une commission d’enquête a d’ailleurs été créée sur ce sujet à l’initiative de François Brottes : cela me permettra d’y voir plus clair sur la façon dont nous pouvons fixer certaines règles.

Malheureusement, la décision de 2012 a été annulée par le Conseil d’État. Il devait y avoir une augmentation de 5,7 % et le Gouvernement, pour protéger le pouvoir d’achat des Français, avait décidé de la fixer à 2 % : il faut donc rattraper 3,7 %. Ce rattrapage en une fois sera inférieur à la hausse initiale de 5 % : le consommateur bénéficiera d’une baisse de son coût d’électricité puisque j’ai annulé la hausse de 5 % pour ne retenir que 3,7 %. Mais pour annuler sur le long terme, il va falloir, contrairement à ce qui a été dit, étaler ce rattrapage. Celui-ci, calculé au plus juste, s’élève à 27 euros. Il ne se fera pas en une fois : je suis en train de négocier avec EDF pour obtenir un étalement sur dix-huit mois, ce qui ferait 1,50 euro par mois. Cela représente donc tout de même un gain de pouvoir d’achat puisque c’est loin de correspondre aux 5 % qui ont été annulés. Nous devrons ensuite faire le calcul de l’évolution au 1er octobre, mais il n’y a aucune raison de céder à la fatalité d’une augmentation systématique du prix de l’électricité car il appartient aussi à l’opérateur électrique de faire des gains de productivité, de maîtriser ses coûts de productions, ses investissements et son train de vie.

Au moment où les Français sont appelés à faire des économies, il n’y a aucune raison que les grandes entreprises publiques ne fassent pas de même afin de maîtriser le coût d’un service public majeur pour 50 millions de Français.

Mme la présidente. Nous en revenons à une question du groupe écologiste.

La parole est à Mme Danielle Auroi.

Mme Danielle Auroi. Madame la ministre, j’ai déjà eu l’occasion ici même de vous interroger sur la mise en œuvre concrète de la Communauté européenne de l’énergie que nous sommes nombreux ici comme outre-Rhin à appeler de nos vœux. Pour ce faire, il nous faut, bien sûr, nous donner les moyens budgétaires de lancer une réelle politique d’investissements. Mais il est essentiel que l’Union européenne ait aussi un rôle incitatif pour que chaque État membre puisse accompagner citoyens et collectivités vers une meilleure efficacité énergétique et l’utilisation des énergies renouvelables.

À ce titre, je voudrais rappeler le rôle crucial que jouent les agences locales de l’énergie et du climat, nées il y a vingt ans déjà de la volonté de la Commission européenne de soutenir la mobilisation des collectivités locales pour les citoyens. La Commission européenne vient d’ailleurs d’intégrer ces agences dans le dispositif de la convention des maires et de reconnaître ainsi le rôle majeur qu’elles peuvent jouer dans la mise en œuvre des plans Climat.

Le projet de loi que vous avez présenté en conseil des ministres le 18 juin dernier souligne la nécessité de donner aux citoyens, aux collectivités, aux entreprises et à l’État le pouvoir d’agir ensemble dans la même direction. Or ces agences, réunies depuis dix ans en fédérations, constituent des outils, pôles d’expertises qui rassemblent l’ensemble de ces acteurs pour accompagner la transition énergétique et les plans Climat des territoires. Elles fournissent des informations, des conseils, une assistance technique aux utilisateurs d’énergie – pouvoirs publics, citoyens, entreprises – et contribuent au développement des marchés d’énergie locale durable.

Madame la ministre, quel rôle ces agences, ces structures soutenues au niveau européen, peuvent-elles jouer dans la transition énergétique de la France ?

M. François de Rugy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Madame la députée, je vous remercie pour votre engagement sur tous les aspects européens de l’énergie, ainsi que sur la question du rôle des agences locales de l’énergie et du climat qui accomplissent un travail extrêmement utile. Ce sont des partenaires indispensables des pouvoirs publics qui peuvent aussi porter les différents appels à projet et la généralisation de la diffusion des bonnes pratiques sur l’ensemble des territoires. Je souhaite que le débat parlementaire puisse enrichir et définir le rôle de toutes ces agences parce que nous avons besoin de partenaires. Il est important de s’appuyer sur les forces vives qui sont représentées dans ces structures.

Dans le cadre de la politique européenne de l’énergie et du climat, nous devons, pour éclairer nos ambitions en matière de climat pour la future COP 2015, prendre en compte tous ces aspects et tous les partenaires. Les responsables de l’État, bien évidemment, mais aussi toutes les forces vives et toutes les agences auront toute leur place, en particulier pour porter l’Europe des projets. À cet égard, je me réjouis de voir que les lauréats de l’appel d’offres européen NER 300 sur l’énergie thermique des mers ont été désignés. DCNS, une entreprise française, figure parmi eux. C’est cette action environnementale proche des citoyens, concrète, que les Français appellent de leurs vœux. Je serai particulièrement vigilante à ce que les préoccupations que vous venez d’évoquer soient bien présentes dans le débat parlementaire que nous aurons.

Mme la présidente. Nous en revenons aux questions du groupe SRC.

La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Madame la ministre, dans le cadre de la transition énergétique et du travail législatif qui va s’engager dans quelques semaines, vous affirmez votre volonté de ne pas opposer les énergies les unes aux autres, principe de base que nous sommes nombreux à partager et qu’il faudra sans cesse rappeler dans nos travaux afin de ne pas réduire nos débats entre les pro, les anti, les ultra d’une énergie, quelle qu’elle soit.

La loi de programmation pour la transition énergétique vise cinq objectifs : réduire les émissions de gaz à effet de serre pour tenir l’objectif européen de baisse de 40 % d’ici à 2030 ; baisser de 30 % la consommation d’énergie fossile en 2030 ; réduire la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité en 2025 ; porter la part des énergies renouvelables à 40 % de l’électricité produite et 15 % des carburants utilisés ; diviser par deux la consommation finale d’énergie en 2050.

La diversification du mix énergétique fixant la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2025 est désormais inscrite dans la loi. Cette volonté politique affirmée par le Gouvernement, faisant suite à l’engagement du Président de la République, fera reposer le système électrique français sur deux outils : les énergies renouvelables et le nucléaire. Dernièrement, le Premier ministre a déclaré : « La filière nucléaire est une filière d’avenir pour notre pays. Elle incarne une part de notre génie industriel et c’est grâce au nucléaire que nous pourrons avancer en matière de transition énergétique. »

Ainsi, la maîtrise des coûts et le renouvellement des compétences font partie des principaux défis à relever pour la filière du nucléaire.

Pouvez-vous, madame la ministre, nous faire part des pistes de réflexion déjà engagées sur ces enjeux majeurs de la filière, qui se traduiront certainement par des investissements dans la recherche et le déploiement de compteurs et de réseaux intelligents ?

Concernant le compteur Linky, son déploiement en France, piloté par ERDF, doit aboutir à l’installation de 3 millions de compteurs d’ici à la fin de l’année 2016 pour atteindre 35 millions à l’horizon 2020. Pouvez-vous nous indiquer où seront fabriqués ces compteurs et les modalités de leur déploiement, ainsi que l’incidence économique induite sur notre pays ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Madame la députée, les récents rapports du Parlement et de la Cour des comptes sur l’énergie nucléaire mettent en évidence l’augmentation des coûts de la filière nucléaire qui s’explique notamment par une augmentation nécessaire des investissements, notamment en matière de sécurité. EDF a déjà engagé des programmes de maîtrise de ses coûts, mais nous devons au consommateur d’aller plus loin. Dans le prochain contrat de service public – c’est le premier élément de réponse entre l’État et EDF –, EDF devra s’engager sur des objectifs d’efficience.

Ensuite, pour les rendre plus incitatives, nous travaillons à l’amélioration des modalités de fixation du prix de l’accès réglementé à l’énergie nucléaire historique. Enfin, le Gouvernement a décidé de revoir en profondeur la méthodologie de calcul des tarifs réglementés de vente de l’électricité.

Dans l’attente de la définition de cette nouvelle méthode, le Gouvernement a décidé d’annuler l’augmentation des tarifs d’électricité de 5 % au 1er août 2014. Par ailleurs, la sûreté du parc électronucléaire reste, bien évidemment, notre première priorité. Je veillerai à ce que les investissements nécessaires pour assurer le maintien de ce parc au plus haut niveau de sûreté soient assurés.

En ce qui concerne le renouvellement des compétences dans la filière, vous savez que le nucléaire est la troisième filière industrielle française, après l’aéronautique et l’automobile. Il emploie environ 200 000 personnes avec des ingénieurs de très haut niveau, des techniciens, des ouvriers qui ont participé à la construction de notre industrie nucléaire. Nous devons protéger ces emplois et ces compétences, et veiller à leur mutation, en accompagnement du nouveau mix énergétique et de la montée en puissance des investissements d’EDF dans les énergies renouvelables. Cette entreprise est en effet également très performante dans les énergies renouvelables, comme le prouve d’ailleurs l’équipement du stade de Rio de Janeiro pour le Mondial de football, la centrale photovoltaïque sur ce stade étant une coproduction d’EDF.

Face à ces défis, nous nous assurerons que l’industrie s’organise et anticipe. Un comité stratégique de la filière nucléaire a dédié l’un de ses groupes de travail à la question de la formation et des compétences.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Madame la ministre, ma question s’articule autour des enjeux de la biomasse pour réussir la transition énergétique. Vous avez bien voulu d’ailleurs rappeler dans le projet de loi l’importance de la biomasse, et notamment de la biomasse forestière.

Comment envisagez-vous de gérer la concurrence sur cette ressource diversifiée et décentralisée, pour permettre aux projets d’aujourd’hui de se développer sans obérer les chances des projets de demain et pour optimiser l’usage de la ressource au cœur des territoires et mobiliser les citoyens autour de cet objectif ? Peut-on imaginer notamment que les avis des cellules biomasse s’inscrivent de façon plus prescriptive, voire plus contraignante, dans les procédures, par exemple les procédures ICPE ?

Compte tenu de l’importance de la biomasse forestière au cœur de cet enjeu, comment faire en sorte de garantir le renouvellement forestier en alimentant de façon pérenne le Fonds stratégique pour la forêt et le bois dont le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt prévoit la création ? Comment peut-on garantir le retour vers la forêt des moyens liés aux services qu’elle rend, comme la fixation du carbone ou la protection de la ressource en eau, ce qui permettrait ainsi de garantir son renouvellement ?

Enfin, je suis un peu étonné de la place faite au biogaz dans les solutions de mobilité transport. Elle me semble, en effet, un peu éclipsée par rapport à l’enjeu électrique qui, certes, est d’importance. Un rééquilibrage ou du moins la fixation d’objectifs ambitieux en faveur de cette ressource renouvelable découlant elle aussi de la biomasse n’est-il pas souhaitable dans la mesure où cette technologie est maîtrisée même si elle l’est insuffisamment sans doute par nos constructeurs français ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le député, je vous remercie pour votre question. J’ai réuni récemment 300 entreprises des bioénergies, dont la biomasse qui contribue grandement au développement des énergies renouvelables. La France est particulièrement bien positionnée puisque c’est un grand pays forestier et agricole. Notre pays compte des entreprises extrêmement performantes et ingénieuses dans ce secteur et j’entends les encourager fortement pour qu’elles investissent, développent leurs brevets et qu’elles soient parmi les meilleures au monde en ce qui concerne l’utilisation de la biomasse.

Nous avons vu qu’il pouvait y avoir des conflits sur l’utilisation du bois. Il faut donc structurer la filière bois pour bien savoir ce qui va au bois d’ameublement, au bois de construction. Les sous-produits du bois iront dans la biomasse et dans le chauffage au bois tiré de cette ressource naturelle.

Lors de cette rencontre, nous avons vu que nous pouvions augmenter de 40 % – c’est énorme ! – l’utilisation et le volume de production d’énergie, grâce à la biomasse issue notamment de nos forêts. Cela veut dire que nous devons adapter la gestion de la ressource forestière à cette nouvelle opportunité extraordinaire qui est source de création d’activité, d’emplois et de valeur ajoutée dans nos territoires ruraux et forestiers.

Les services rendus par la filière bois sont majeurs, notamment par son rôle de puits de carbone puisque 50 millions de tonnes de CO2 y sont stockés chaque année. Le projet de loi d’avenir pour l’agriculture déclare d’ailleurs d’intérêt général le stockage de carbone dans la forêt et les produits bois. La directive sur le système européen d’échange de quotas demande qu’un pourcentage minimal de 50 % des recettes tirées de la mise aux enchères des quotas soit utilisé pour faire face au changement climatique, et donc éventuellement réinvesti dans la filière bois.

Des projets de méthaniseurs se développent partout dans l’hexagone et je vais lancer un appel à projets pour la construction de 1 500 méthaniseurs de proximité sur l’ensemble du territoire, notamment dans les territoires ruraux. La production de biogaz devrait donc connaître un développement important dans les prochaines années pour atteindre 10 % du gaz naturel dans les réseaux en 2030.

Vous avez également évoqué la question du biogaz dans les transports. Il s’agit essentiellement du transport collectif, et notamment des bus. Mais cela ne vient pas en concurrence avec les véhicules automobiles électriques que j’entends puissamment encourager dans le cadre de ce projet de loi.

M. François de Rugy. Très bien !

Mme la présidente. Nous en revenons aux questions du groupe UMP.

La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Madame la ministre, l’un des objectifs de votre future loi sur la transition énergétique porte sur le développement des énergies renouvelables. Malgré cela, le Gouvernement a décidé de maintenir la décision de supprimer les barrages de Vezins et de La roche-qui-boit situés sur la rivière la Sélune dans le département de La Manche. Les raisons avancées pour justifier cette décision sont, d’une part la restauration de la qualité de l’eau ; d’autre part, la migration des poissons, et notamment des saumons. Bien évidemment, personne ne s’oppose à ces deux objectifs mais tout le monde sait qu’ils peuvent parfaitement être atteints sans l’arasement des barrages.

Par ailleurs, de nombreuses activités économiques et touristiques se sont créées depuis une trentaine d’années autour des lacs de Vezins et de La Roche-qui-boit. La suppression des retenues d’eau signifierait l’arrêt brutal et définitif de ces activités créatrices d’emplois alors que nous vivons une situation économique difficile. De surcroît, les barrages de la Sélune ont, depuis leur création dans les années 1930, une fonction d’écrêtement et il est plus que probable, pour ne pas dire certain, que la partie située en aval des barrages, c’est-à-dire la commune de Ducey avec ses 3 000 habitants et les communes limitrophes, subiront d’importantes inondations avec les conséquences dramatiques qui en résultent pour les populations.

Enfin, l’arasement des barrages entraînera inéluctablement l’arrivée massive de sédiments pollués dans la baie du Mont-Saint-Michel, site réputé non seulement pour son attrait touristique, mais également pour sa production d’huîtres et de moules.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, madame la ministre, avec l’ensemble des élus du sud Manche et au nom d’une très forte majorité de la population, de suspendre ce projet et de définir dans la concertation d’autres modalités pour respecter les engagements environnementaux européens de la France. Et je vous invite à venir sur place pour bien mesurer l’enjeu de ce dossier.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le député, je suis tout à fait d’accord pour venir sur place, dans ce magnifique département, le long de cette vallée de la Sélune qui est la troisième rivière de France à potentiel saumon, comme vous le savez. Elle fait également partie de la zone d’action prioritaire pour le plan de gestion de l’anguille et l’effacement des barrages de la Roche-qui-boit et de Vezins répond à l’engagement de rétablir la continuité écologique de ce fleuve côtier à très forte valeur ajoutée écologique.

Je comprends malgré tout vos préoccupations, mais comme vous le savez, la concession hydroélectrique étant arrivée à échéance, l’État a décidé de ne pas la renouveler et le préfet de la Manche a notifié cette décision.

Depuis, EDF a été mandatée pour gérer l’ouvrage jusqu’à son démantèlement, afin d’assurer la sécurité des autres ouvrages. Je souhaite que ce projet de démantèlement, auquel vous pouvez bien sûr être associé, soit aussi créateur d’activités et d’emplois. Ce projet de réhabilitation de la vallée permettra de concevoir un projet de valorisation écologique, touristique, environnemental, avec des créations d’emplois. Il s’agit de penser la mutation écologique de ces territoires : la restauration de leur valeur écologique leur donne une valeur ajoutée. C’est aussi une image de marque, une vitrine que la restauration de ce site exceptionnel et de son identité écologique exceptionnelle.

Voyons les choses de façon positive, envisageons le parti que nous pouvons tirer de cette transition, de cette mutation, pour créer et développer des activités d’avenir grâce à la reconquête paysagère de cet espace remarquable. Je souhaite qu’au plan environnemental, le principal enjeu, la maîtrise des sédiments, puisse être correctement géré : il faudra en effet se montrer très vigilant sur la méthode à utiliser pour la vidange des deux barrages.

S’agissant du risque d’inondation, les investigations conduites par mes services, que j’ai vérifiées avant de venir, ont permis de démontrer que l’effacement de ces ouvrages n’aura pas d’effets sur l’ampleur des crues. Nous devons surveiller, avec un observatoire lui aussi très vigilant, ce qui peut perturber l’équilibre de ce site remarquable qui mérite d’être valorisé et qui, j’en suis sûre, sera créateur d’activité économique et de développement touristique.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, l’évolution du prix de l’électricité donne lieu à un nouvel épisode d’une cacophonie gouvernementale dont nous sommes tous lassés. La hausse du prix de l’énergie est malheureusement inéluctable et le Conseil d’État vous impose de la répercuter. Voulant défendre le pouvoir d’achat en cette période de matraquage fiscal, vous refusez cette hausse. Le Premier ministre annonce, lui, une hausse modérée à l’automne et une réforme des modes de calcul.

Cette cacophonie n’est pas sans conséquences : vous avez provoqué une baisse vertigineuse de l’action EDF, pénalisant non seulement les petits actionnaires, mais aussi l’actionnaire majoritaire, l’État. Vous avez semé la confusion chez tous nos concitoyens sur ce sujet de vie quotidienne, je l’ai constaté dans ma circonscription en Mayenne, et vous avez montré une nouvelle fois l’incapacité du Gouvernement à fixer un cap clair sur un sujet majeur comme la politique énergétique.

La Commission de régulation de l’énergie répète depuis plusieurs années que ces hausses sont inéluctables. Il faut en effet faire face aux dépenses croissantes d’EDF, mais aussi au prix élevé des énergies renouvelables. On ne peut prôner la transition énergétique, dont le coût sera élevé, sans trouver les financements. Par ailleurs, on ne peut continuer à creuser la dette de notre pays, qui atteint 100 % de la richesse nationale.

Madame la ministre, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, nos concitoyens vous demandent de faire preuve de courage et de réalisme. Quelle est donc la position, claire, du Gouvernement sur la tarification de l’énergie électrique ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Monsieur le député, merci de me reposer la question à laquelle j’ai répondu tout à l’heure, ce qui va me permettre d’être un peu plus précise. Nous n’avons peut-être pas la même conception du courage. Je pense que le courage, c’est affirmer que ce que l’on nous dit « inéluctable », justement, ne l’est pas et que ce que l’on nous dit « impossible » peut devenir possible si on a une exigence de transparence et de vérité. Je pense en particulier à ce que des millions de Français paient régulièrement : leur facture d’électricité.

Comme tous les Français, ceux que vous avez rencontrés en ont assez des hausses « inéluctables » du prix de l’électricité sans aucune explication. Moi, j’ai donc décidé de faire la transparence sur le prix de l’électricité, pour que le consommateur ait le droit de comprendre ce qu’on lui demande. C’est la raison pour laquelle, en accord avec le Gouvernement, j’ai décidé d’annuler la hausse du 1er août, parce que moi-même je ne comprenais pas pourquoi on me disait qu’il était inéluctable d’augmenter aveuglément et régulièrement le prix de l’électricité, sans aucune explication.

M. Sylvain Berrios. La hausse est reportée à l’automne !

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous allons tout remettre à plat et faire en sorte de maîtriser ces hausses. Il faut lutter contre la vie chère tout en permettant à l’opérateur électricien de faire les investissements nécessaires pour la sécurité des centrales ou pour le développement des énergies renouvelables. Il aura aussi l’obligation de faire des progrès en matière de productivité, de maîtriser ses coûts de production, de maîtriser son train de vie, car les Français sont en droit de n’avoir à payer que ce qu’ils ont à payer pour la transition énergétique.

J’attends des Français qu’ils investissent dans la rénovation énergétique de leur logement. Or on ne peut augmenter le prix de l’électricité de façon aveugle tout en demandant aux Français, qui pourront le faire grâce à des allègements fiscaux, grâce au tiers payant, grâce à l’accès à des prêts à taux zéro, d’investir dans leur logement pour faire baisser leurs factures de chauffage et d’électricité grâce à ces économies d’énergie.

Voilà le sens de la transition énergétique et je souhaite que l’on sorte d’une écologie punitive, qui induit des impôts et impose des normes aveugles. C’est par une démocratie énergétique que nous pourrons associer tous les citoyens à cette transition qui fera progresser le pays tout entier.

Mme la présidente. Merci, madame la ministre. La séance de questions à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie est terminée.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente



Mme la présidente. La séance est reprise.

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Agriculture, alimentation et forêt

Deuxième lecture (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, modifié par le Sénat, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (nos 1892 rectifié, 2066, 2050).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de trois heures et huit minutes pour le groupe SRC, dont 134 amendements sont en discussion ; quatre heures et vingt-quatre minutes pour le groupe UMP, dont 716 amendements sont en discussion ; une heure et vingt minutes pour le groupe UDI, dont 46 amendements sont en discussion ; trente-six minutes pour le groupe écologiste, dont 29 amendements sont en discussion ; vingt-deux minutes pour le groupe RRDP, dont 32 amendements sont en discussion ; trente et une minutes pour le groupe GDR, dont 17 amendements sont en discussion. Il ne reste plus de temps pour les députés non inscrits, dont 16 amendements sont en discussion.

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n497 à l’article 4.

Article 4 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 497 et 73, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n497.

M. Philippe Le Ray. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, cet amendement doit nous permettre de donner un peu plus de progressivité dans les choix. On sait très bien que la préservation, qu’il s’agisse de l’eau, des paysages ou des sols, ne se fait pas en un jour, et la création d’infrastructures écologiques encore moins. À défaut d’une minoration du bail, je propose de donner un peu de souplesse aux contractants en prévoyant la mise en place progressive du bail à clauses environnementales.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n73.

M. Martial Saddier. J’associe Lionel Tardy à cet amendement. L’application limitée aux trois situations envisagées dans le projet de loi de la possibilité d’introduire des clauses environnementales dans les baux ruraux paraît préférable à une banalisation pure et simple du bail environnemental.

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.

M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement. Même avis.

(Les amendements nos 497 et 73, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n76.

M. Martial Saddier. Il est dans le même esprit que le précédent, et j’y associe également Lionel Tardy.

(L’amendement n76, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 720 et 1212.

La parole est à M. Philippe Le Ray, pour soutenir l’amendement n720.

M. Philippe Le Ray. Il vise à donner une certaine souplesse aux contractants, afin de favoriser l’essor de l’agro-écologie en réduisant le prix du fermage.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n1212.

Mme Jeanine Dubié. Il vise à sécuriser les contractants par la forme authentique du bail, qui permet de s’assurer de leur consentement éclairé grâce aux conseils d’un notaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Sur le bail environnemental, nous souhaitons nous en tenir à l’équilibre trouvé dans le texte. Je demande à Mme Dubié et à M. Le Ray de bien vouloir retirer leurs amendements. Sinon, avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Je retire mon amendement.

(L’amendement n1212 est retiré.)

(L’amendement n720 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 453, 1213, 849, deuxième rectification et 216, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 453 et 1213 sont identiques.

La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement n453.

M. Dominique Potier. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n1213.

Mme Jeanine Dubié. Il vise à clarifier le régime de transmission des baux ruraux.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n849, deuxième rectification.

M. Thierry Benoit. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n216.

M. Nicolas Dhuicq. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Avis favorable aux amendements identiques n453 et 1213.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 453 et 1213 sont adoptés et les amendements nos 849, deuxième rectification et 216 tombent.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n1161.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à permettre à un locataire, après avis du propriétaire, de mettre un bail à disposition d’une organisation à vocation agricole, la mise à disposition auprès des sociétés étant déjà possible. Il ouvre ainsi la possibilité à d’autres formes sociétaires issues de l’économie sociale et solidaire de bénéficier de l’apport d’un bail rural, ce qui répond à des demandes de plus en plus nombreuses de la part de collectifs, associations, sociétés coopératives participatives ou sociétés coopératives d’intérêt collectif souhaitant exploiter des terres ensemble.

Cette disposition pourrait par exemple bénéficier à l’association Terre de Liens, qui, grâce à l’épargne solidaire des citoyens, permet à des porteurs de projets d’acquérir une ferme et de commencer leur activité.

(L’amendement n1161, accepté par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n1319, deuxième rectification, qui fait l’objet d’un sous-amendement n1322.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement concerne la question des élections dans les tribunaux paritaires des baux ruraux. Un certain nombre de problèmes organisationnels se posent, notamment concernant les listes, en particulier pour les propriétaires. Nous proposons donc que les assesseurs soient désignés par le juge d’instance à partir d’une liste établie par le préfet sur proposition des organisations professionnelles agricoles représentatives au plan départemental et des fédérations départementales de la propriété privée rurale.

Cela est très important. Les tribunaux doivent garder leur rôle, mais les élections telles qu’elles sont organisées aujourd’hui, je le répète, suscitent de nombreux problèmes. Nous vous proposons donc une méthode plus efficace.

M. Marc Le Fur. Et pas très démocratique !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir le sous-amendement n1322.

M. Marc Le Fur. Je dois dire que j’ai été extrêmement surpris par cet amendement gouvernemental. Comprenons bien : les tribunaux des baux ruraux sont particulièrement importants. Sous le contrôle d’un magistrat professionnel, ils associent des représentants des propriétaires et des locataires. Ce contentieux fonctionne bien et ne soulève pas de problèmes particuliers, les propriétaires et les locataires désignant eux-mêmes leurs représentants, ce qui est dans l’ordre des choses.

Mais avec le dispositif proposé, c’est un magistrat qui les désignera ! Imaginez ! Les magistrats ont une sensibilité syndicale, et même maintenant, comme la presse nous l’a récemment appris, politique, et ce sont eux qui désigneront les représentants ! Ce n’est tout de même pas très convenable, sachant que propriétaires et locataires ont leurs propres diversités syndicales.

La logique veut que le principe de l’élection demeure. Nous sommes ici dans une assemblée élue et nous devons respecter les choix de nos concitoyens lorsqu’ils élisent directement leurs représentants, y compris au sein des divers tribunaux. Il s’agit là d’un sujet de fond qui devrait nous rassembler. Je suis donc très surpris par l’intention du ministre – mais peut-être s’agit-il d’une inadvertance : il nous le dira.

Je souhaite donc très clairement que le principe de l’élection soit maintenu. Non seulement il est bon mais, je le répète, ces tribunaux fonctionnent correctement, nous n’avons pas de retours négatifs. Je sais que cela n’est jamais simple de trancher, mais ces tribunaux fonctionnent !

Gardons le principe de l’élection, ne le modifions pas au détour d’un amendement gouvernemental qui, très étonnamment, apparaît au dernier moment, sans concertation, sans discussion en commission, sans que nous connaissions les avis des uns et des autres ! J’espère que notre ministre va revenir à des principes un peu plus convenables.

Mme la présidente. Sur l’amendement n1319, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Une question simple, monsieur le ministre : le gouvernement auquel vous appartenez imaginerait-il un seul instant de déposer un amendement supprimant le système de désignation des assesseurs dans les différentes organisations paritaires, ou dans les tribunaux traitant des questions sociales ? Serait-il imaginable, par exemple, que les assesseurs siégeant aux prud’hommes soient désignés et non élus ?

Ce qui est normal dans tous les autres cas doit l’être également pour les tribunaux des baux ruraux. Votre démarche, monsieur le ministre, ne constitue pas une amélioration de la démocratie mais une reprise en main inacceptable de la part du pouvoir central.

Je sais bien, monsieur le ministre, que vous n’appréciez pas beaucoup mes interventions…

M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais si !

M. Antoine Herth. …et encore moins le discours que j’ai prononcé au début de nos travaux, où je vous accusais de gouverner par le chaos. Mais ne vous sentez pas obligé de me donner systématiquement raison !

De grâce, monsieur le ministre, revenez à des sentiments plus constructifs et acceptez, au moins, le sous-amendement de Marc Le Fur.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Comme mes collègues, monsieur le ministre, cet amendement, qui n’a pas été examiné en commission et qui arrive, comme cela, en deuxième lecture, m’a beaucoup étonné.

J’ai lu très attentivement l’exposé des motifs, qui m’a choqué. Vous y expliquez en effet que des contentieux ont eu lieu. Mais supprime-t-on des élections politiques pour cette raison-là ? Cet argument ne tient pas.

Deuxième argument : le coût. Parlons franchement, monsieur le ministre : je vous rappelle que les assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux sont quasiment bénévoles. Quant au coût de l’élection, il s’élève à trois millions. Si des économies sont à réaliser, je ne crois pas que ce soit là qu’elles s’imposent.

Dernier argument, qui mérite des explications : après tout, dites-vous, il y a aussi des juges nommés dans d’autres juridictions spécialisées. Pourriez-vous nous dire lesquelles ? Sans compter que c’est complètement dérogatoire au droit commun.

Enfin, vous avez toujours dit que vous seriez le ministre de la concertation. Eh bien, selon les responsables de la Fédération nationale de la propriété privée rurale, dont les listes sont en général élues, il n’y en a pas eu. Aussi demandent-ils à toute la représentation nationale de maintenir le principe de l’élection des assesseurs, ce qui paraît de toute façon une disposition de bon sens.

Nous sommes d’accord avec les autres aménagements que propose votre amendement, monsieur le ministre, mais pas avec son alinéa 4. Comme je vous sais un homme sage, je suis persuadé que vous appellerez à voter le sous-amendement de M. Le Fur afin que le principe de l’élection soit maintenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre, nous vous disions hier lors de la discussion générale que cette loi ne préparait pas vraiment l’avenir pour l’ensemble des questions agricoles.

Les assesseurs sont désignés tous les six ans. Il est donc possible de prendre du temps afin de tirer les conséquences d’une situation dans laquelle la démocratie serait fragilisée. Si tel est bien le cas, en tout état de cause, ce serait une curieuse méthode que de décréter dans l’urgence la désignation des assesseurs plutôt que leur élection.

Je pense donc, monsieur le ministre, que nous avons toute latitude pour organiser la concertation avec la profession en veillant à ne pas politiser la justice agricole. Car, comme MM. Le Fur et de Courson l’ont dit, la désignation des assesseurs entraînerait de forts soupçons.

M. Antoine Herth. Des doutes !

M. Thierry Benoit. L’actualité la plus récente le laisse penser, même si chaque Français doit avoir confiance en la justice et dans les magistrats, évidemment. Mais je ne souhaite pas que nous politisions la justice agricole. Nous devons plutôt fortifier la démocratie, et de ce point de vue-là, le sous-amendement de M. Le Fur constitue un garde-fou contre le mauvais pas, contre l’erreur que vous vous apprêtez à commettre en procédant à la désignation d’office des assesseurs.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Sans abuser de votre patience, madame la présidente, je vous demande une petite suspension de séance.

Mme la présidente. Elle est de droit, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Sur le sous-amendement n1322, je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Le groupe RRDP lui aussi est surpris par cet amendement. Nous ne pouvons pas l’accepter, ni sur la forme, parce qu’il entraînerait une réforme fondamentale des tribunaux paritaires, sans concertation ni surtout discussion en commission, ni sur le fond. Dans un système démocratique, il est tout de même un peu gênant de remplacer un système d’élection par un système de désignation. Nous sommes donc pour le maintien de l’élection. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous aimerions effectivement entendre M. le ministre nous préciser que les élections resteront bien paritaires, que les listes seront proposées par la profession agricole et que le juge tiendra compte de façon proportionnelle des résultats réalisés aux élections démocratiques des chambres d’agriculture.

Si tout cela est entendu, nous sommes favorables au fait d’introduire de la modernité au service de la démocratie et nous soutiendrons cette réforme, que nous invitons nos collègues à approuver. Il s’agit d’une économie budgétaire. Cet argent servira à autre chose.

M. Antoine Herth. Ridicule !

M. Dominique Potier. Aucune démocratie, aucune représentativité ne sera mise en cause. Nous soutiendrons donc cette évolution une fois que le ministre nous aura apporté ces précisions.

Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur le ministre, et je vous prie de donner également l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ces élections, tout le monde sait combien il est difficile de les organiser, pour les syndicats et pour tous ceux qui en sont chargés. Il n’y a pas eu de liste dans de nombreux départements, en particulier pour les propriétaires. Il y a donc des difficultés dans un certain nombre de départements pour faire fonctionner ces tribunaux, nous vous dirons lesquels.

Le juge reste le juge. Il s’agit là des experts qui lui sont associés.

M. Marc Le Fur. Des assesseurs !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le système actuel a un coût, pour un résultat démocratique qui n’est pas prouvé puisqu’il y a des difficultés d’organisation. Avec cet amendement, c’est sur la base des résultats des élections aux chambres d’agriculture que les propositions seront faites et les experts désignés. On ne peut pas faire plus démocratique et plus clair.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. On entérine !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Permettez-moi, monsieur le ministre, de ne pas partager votre analyse. Vous utilisez deux arguments nouveaux, qui ne figuraient d’ailleurs pas dans votre exposé sommaire.

Vous nous expliquez d’abord que le système est difficile à organiser, qu’il y a des départements dans lesquels aucune liste n’a été déposée. Combien y en a-t-il ? Ils se comptent sur les doigts d’une main ! Et lors des dernières élections municipales, il y a eu des communes où il n’y avait pas de candidat : ce n’est pas pour cela que l’on a supprimé les élections municipales !

M. Philippe Vigier. Eh oui ! C’est pareil !

M. Charles de Courson. Second argument : il y aura une désignation par les juges au prorata des résultats des élections aux chambres d’agriculture. Mais il n’y a pas dans toutes les listes un représentant des propriétaires ruraux ! On voit des listes incomplètes, ou des gens qui ne sont pas élus.

Vous donnez au juge le pouvoir de nommer des juges. C’est totalement anti-démocratique. Avez-vous d’ailleurs saisi pour avis le Conseil d’État, pour savoir s’il n’y a pas un problème constitutionnel ? Car, si l’on commence avec les tribunaux des baux ruraux, pourquoi ne pas continuer avec les chambres consulaires ? Va-t-on aussi supprimer l’élection des juges consulaires ?

Avec cet amendement, nous mettrions le doigt, mes chers collègues, dans un engrenage qui nous amènerait là où le Gouvernement lui-même, je pense, ne veut pas aller. Soyons sages, prenons un peu de temps, organisons une concertation. Si le sous-amendement de M. Le Fur est adopté, nous voterons votre amendement, monsieur le ministre, qui permet un toilettage du texte, mais sinon, ce ne sera vraiment pas possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, avec ce sous-amendement, que nous soutenons, nous essayons de vous rendre service.

En ce moment même a lieu une grande conférence sociale. Le Président de la République nous explique combien le paritarisme, combien le dialogue social sont importants. Alors prenons un exemple simple, celui des conseils de prud’hommes : dans ma circonscription, il a été difficile d’organiser les élections, mais nous avons sensibilisé les différentes branches professionnelles et nous y sommes arrivés. Au final, il y a moins de 20 % de participation aux élections prud’homales. Mais je ne vous ai pas entendu proposer de les supprimer ! Pourtant, lorsque la majorité précédente voulait supprimer certains conseils, vous ne ratiez jamais une occasion de venir en parler dans la salle des Quatre colonnes.

Vous nous expliquez ensuite que les listes ne sont pas fiables. Pardonnez-moi, mais ce n’est tout de même pas très compliqué d’avoir des listes fiables. Et n’est-ce pas le meilleur gage d’équité qu’il y ait à la fois les bailleurs et les preneurs représentés en parité ? Il me semble que, pour la profession elle-même, c’est un gage de sécurité pour les jugements à venir. Je ne comprends donc pas.

Enfin, vous mettez en avant le fait qu’il n’y ait eu que 26 % de participation. Si j’étais un peu disgracieux, monsieur le ministre, je vous demanderais quel a été le pourcentage de participation aux élections européennes… Faudra-t-il un jour les supprimer parce qu’il n’y a pas suffisamment de votants ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Cela n’a rien à voir !

M. Philippe Vigier. C’est exactement la même chose ! Nous, nous avons la volonté que la démocratie passe à un moment ou à un autre par des élections, par le choix de ses représentants par la profession elle-même.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est le cas !

M. Philippe Vigier. Non, je parle de vraies élections, monsieur Brottes, pas d’une élection détournée, avec des représentants nommés sur des listes venant des chambres d’agriculture.

Nous souhaitons, comme le propose le sous-amendement Le Fur, conserver ce dispositif qui a très bien marché. Un jour de conférence sociale, quel mauvais signal on donne pour le paritarisme !

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le ministre, nous abordons, en deuxième lecture, un sujet qui jusqu’à présent n’avait pas soulevé de problème majeur. En règle générale, les amendements en deuxième lecture du Gouvernement concernent des problèmes qui ont été évoqués en première lecture. Souvent, c’est qu’on lui a demandé de retravailler une question, de trouver une nouvelle formulation. Ici, ce n’est absolument pas le cas : il s’agit d’un amendement qui sort du chapeau et qui remet en cause des fondamentaux.

Le statut du fermage, c’est un équilibre savant entre propriétaires et fermiers, qui a toujours donné lieu à de nombreux débats. L’on a abouti à un équilibre aujourd’hui, qui n’est, je crois, remis en cause par personne. En le mettant à bas en deuxième lecture, vous prenez des risques inconsidérés dans le but de régler peut-être quelques cas particuliers, qui vous ont été soumis par je ne sais qui, dans je ne sais quelles circonstances. En aucun cas, l’on ne peut procéder ainsi sur un sujet de cette importance.

Les conflits entre fermiers et bailleurs sont des conflits importants. On arrive aujourd’hui à les gérer dans le calme et la sérénité, et vous êtes en train de massacrer ce système. Vous portez aussi atteinte au statut du fermage, puisque ces magistrats, ou experts, ou assesseurs, comme vous voulez, qui seront désignés, auront forcément une approche différente.

Il serait sage de ne pas toucher au système actuel. S’il y avait un problème majeur, il aurait été évoqué en première lecture et l’une des deux assemblées vous aurait demandé d’y travailler. Ce n’est pas le cas. Il serait donc vraiment opportun de voter le sous-amendement de Marc Le Fur et d’en rester là. Il y aura d’autres textes si vous voulez vraiment vous attaquer au statut du fermage et aux difficultés qu’il peut générer.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas le sujet ! Tout de suite les grands mots !

M. Christian Jacob. Mais si ! De fait, c’est à cela que vous vous attaquez, personne ne peut imaginer le contraire.

Faisons preuve d’un peu de sérénité. Il y a un système qui fonctionne, n’allons pas y toucher n’importe comment. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Dans ce pays, tout le monde veut toujours simplifier, réformer, mais il ne faut surtout jamais toucher à rien.

M. Thierry Benoit. Pas dans l’urgence et l’impréparation !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Monsieur Jacob, vous arrivez dans ce débat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob. Je connais un peu ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Il connaît un peu !

M. Thierry Benoit. Il a d’autres responsabilités !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Permettez-moi de vous dire, monsieur Jacob, que si en 1999, vous étiez très présent, ce n’est pas le cas dans le présent débat, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais vous avez parfaitement le droit de vous exprimer ! Le problème, c’est que vous le faites à tort et que vous essayez de détourner le sujet. Il ne s’agit absolument pas de toucher au statut du fermage.

M. Marc Le Fur. Si !

M. Christian Jacob. De fait !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Vous êtes totalement hors sujet, vous êtes à côté de la plaque, excusez-moi de vous le dire.

M. Christian Jacob. Mais non !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Nous avons évoqué le statut du fermage à plusieurs reprises dans ce texte, et sur de nombreux bancs, des députés ont affirmé leur volonté de ne pas y toucher. En discutant du bail environnemental, par exemple, ou en évoquant les problèmes dus au fait que les propriétaires ne veulent plus louer leurs terres à des agriculteurs, nous n’avons jamais envisagé de toucher au statut du fermage ! Vos propos sont donc véritablement hors sujet.

Il ne s’agit pas dans cet amendement de changer le nombre d’assesseurs aux côtés du juge, ni de modifier leur composition, mais tout simplement de modifier la façon dont ils sont désignés. Vous connaissez une série d’organisations, monsieur Jacob, les commissions électorales dans les communes par exemple, pour lesquelles on ne procède pas à une élection : on propose des listes et l’administration fait un choix. Qu’est-ce qui vous gêne dans cette affaire ?

Ce que souhaite le Gouvernement, c’est simplifier. Le juge choisira sur une liste proposée par le préfet et fidèle aux propositions formulées par les organisations syndicales représentatives et les fédérations de bailleurs. De quoi avez-vous donc peur ? Ce sont les organisations syndicales représentatives qui feront des propositions au préfet, et le préfet fera un choix.

Nous allons arriver exactement au même résultat qu’aujourd’hui, en évitant deux écueils : le premier, c’est celui des départements où il n’y a pas de candidat, et le second, auquel nous devons tous être sensibles en ce moment, c’est celui du coût. Nous avons le choix entre organiser dans tout le pays des élections pour désigner deux assesseurs représentant les preneurs et deux assesseurs représentant les bailleurs, et les désigner en respectant la même représentation, syndicale ou professionnelle, et en évitant les coûts. Nous ne devrions pas hésiter.

En tant que rapporteur, je suis donc, je le répète, favorable à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je vous ai entendu deux fois parler d’experts, monsieur le ministre. Il ne s’agit pas d’experts, il s’agit d’assesseurs, donc de juges, qui sont momentanément des magistrats bénévoles et qui concourent au jugement. Ainsi, nous aurions des juges désignés par un autre juge, ce qui, à l’évidence, est totalement anticonstitutionnel. Un juge ne peut pas tenir sa légitimité d’un autre juge, qui coopterait ses collègues. Il la tient du suffrage.

Le statut du fermage, Christian Jacob l’a très bien expliqué, est quelque chose de compliqué, qui, on le sait, a longtemps divisé nos campagnes. Maintenant, les choses se sont apaisées. Gardons cette logique. Il y a déjà quelques remises en cause avec le bail environnemental : qu’au moins on ne remette pas en cause l’élément qui concourt à l’arbitrage en matière de fermage !

Enfin, oui, la démocratie a un coût. Je veux bien admettre que cela coûte quelque chose d’organiser des élections, mais si nous ne sommes pas, nous, porteurs de cette logique démocratique, si nous préférons une logique de cooptation, il y a quelque chose qui ne marche pas très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Clément.

M. Jean-Michel Clément. Nous parlons de la justice paritaire des baux ruraux. Historiquement, le tribunal paritaire des baux ruraux était une juridiction de proximité, dans le cadre des tribunaux d’instance, parce que la campagne était très largement habitée, par des fermiers et des propriétaires, et qu’une justice de proximité était nécessaire. Lorsque l’on a supprimé les tribunaux d’instance dans nos départements, l’on a supprimé en même temps les tribunaux paritaires des baux ruraux, et cela en prenant peu de précautions. La décision est tombée brutalement, et l’on a ainsi privé d’une justice de proximité ces bailleurs et preneurs qui connaissaient leur territoire.

Aujourd’hui, le tribunal paritaire est en général concentré au siège du TGI. Il traite des litiges liés au statut du fermage. Quand on examine le fonctionnement de ces tribunaux paritaires, il ne s’agit évidemment pas, comme l’a souligné le rapporteur, de s’attaquer à ce statut ! La question est d’abord de savoir comment sont désignés les juges. J’ai en effet été frappé par le fait que souvent, en mairie, il n’y a ni candidats ni électeurs à ces élections. Ce qui est aujourd’hui proposé, c’est d’assurer la représentativité des professionnels grâce à une référence qui sera celle des élections à la chambre d’agriculture. Je préfère cela au système actuel. Je préfère des personnalités compétentes, volontaires, désignées, qui seront investies dans leurs fonctions de juges consulaires.

(M. Marc Le Fur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Concernant le coût des élections, il s’agit de 30 000 euros par département, pour six ans : pour des économies, c’est risible ! Les élections se font par courrier : il y a bien longtemps qu’on a abandonné les scrutins dans les mairies, avec obligation pour les conseils municipaux de siéger. On met son bulletin dans l’enveloppe et on l’envoie par La Poste… On ne peut pas faire plus simple !

Ce scrutin est important, car le premier travail des tribunaux paritaires est la conciliation. Or les parties en conflit n’acceptent d’entrer dans un processus de conciliation que si elles font confiance au conciliateur. S’il existe un doute sur l’orientation ou les arrière-pensées de ceux qui sont chargés de la conciliation, les parties font appel. L’économie que vous voulez réaliser, monsieur le ministre, engendrera donc des dépenses considérables pour les plaignants qui voudront faire appel. Pour toutes ces raisons, je pense qu’il faut absolument adopter le sous-amendement de M. Le Fur.

Un dernier regret, monsieur le ministre : vous avez dit que vous nous communiqueriez la liste des départements qui connaissent des problèmes. Mais nous sommes en deuxième lecture et, à mon avis, vous venez de nous raconter un gros bobard. On ne verra jamais cette liste. Ou alors peut-être nous la montrerez-vous en CMP, mais ce sera trop tard.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n1322.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants70
Nombre de suffrages exprimés68
Majorité absolue35
Pour l’adoption33
contre35

(Le sous-amendement n1322 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1319, deuxième rectification.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants70
Nombre de suffrages exprimés70
Majorité absolue36
Pour l’adoption37
contre33

(L’amendement n1319, deuxième rectification, est adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Articles 4 bis AA à 4 bis AC

(Les articles 4 bis AA, 4 bis AB et 4 bis AC sont successivement adoptés.)

Article 4 bis A

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n1215.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L’amendement n1215, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 1214, 312, 727 et 1137, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 312, 727 et 1137 sont identiques.

L’amendement n1214 fait l’objet d’un sous-amendement n1323.

La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n1214.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de préciser que le rapport sur l’opportunité de créer une quatrième section du Fonds national de gestion des risques en agriculture contient des propositions sur des modalités complémentaires de financement de cette quatrième section.

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n1323 à cet amendement n1214.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Il s’agit d’une simplification rédactionnelle.

M. le président. Nous en arrivons aux trois amendements identiques, nos 312, 727 et 1137.

L’amendement n312 est défendu.

La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n727.

M. Antoine Herth. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n1137.

M. Jean-Pierre Decool. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je demande le retrait de tous les amendements au profit de celui de Mme Dubié, sous-amendé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(Le sous-amendement n1323 est adopté.)

(L’amendement n1214, sous-amendé, est adopté et les amendements nos 312, 727 et 1137 tombent.)

(L’article 4 bis A, amendé, est adopté.)

Article 4 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 428 et 734.

La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n428.

M. Antoine Herth. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n734.

M. Dino Cinieri. Alors que le fermier est légitimement protégé dans le cadre d’une reprise partielle en vertu de l’article L. 411-62, il ne l’est plus systématiquement, depuis 2006, en cas de reprise totale par un bailleur. La jurisprudence considère en effet que cette reprise totale au titre de l’article L. 411-58 peut s’exercer préalablement à l’application du contrôle des structures. Cet amendement prévoit de rétablir un équilibre, en permettant un examen par le tribunal paritaire des cas où l’exploitation du fermier serait gravement mise en péril par une reprise totale par un bailleur.

(Les amendements identiques nos 428 et 734, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n1320.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination, visant à déplacer les dispositions transitoires vers l’article 39.

(L’amendement n1320, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 4 bis, amendé, est adopté.)

Article 4 ter A

M. le président. La commission a supprimé l’article 4 ter A.

Article 4 quater

M. le président. La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 4 quater.

Article 4 quinquies

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n1305 de suppression de l’article 4 quinquies.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Afin de maintenir l’équilibre, dans le bail cessible, entre les bailleurs et les preneurs, je propose de supprimer cet article.

(L’amendement n1305, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 4 quinquies est supprimé.)

Article 5

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits à l’article 5.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. L’alinéa 3 de cet article me semble particulièrement inquiétant, par la manière dont il ferme les possibilités pour l’avenir. On parle de système « total » et, comme nous l’avons dit dans d’autres débats, la vie est tellement inventive qu’il me paraît difficile, et c’est particulièrement vrai en matière agricole, de vouloir fermer à ce point les choses. Imaginer que l’on puisse avoir la maîtrise totale d’un cycle est à mon sens préjuger défavorablement des progrès à venir. Cet article est très inquiétant.

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Ce que nous voulons entendre, monsieur le ministre, au sujet de l’article 5, c’est que vous menez un combat, certes plus d’ordre réglementaire que législatif, afin de reconnaître chaque actif travaillant dans un groupement agricole d’exploitation en commun comme un travailleur méritant reconnaissance et ayant droit aux diverses mesures soumises à conditions, notamment la surprime des cinquante-deux premiers hectares, et autres aides publiques. Nous n’entendons pas porter au niveau législatif des mesures du domaine réglementaire, mais nous espérons avoir votre engagement que l’ensemble des attentes très fortement exprimées dans toutes les régions seront satisfaites par votre combat qui a été héroïque à Bruxelles et qui doit se prolonger au plan réglementaire en France.

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Dans le même sens que Dominique Potier, je souhaite dire notre intérêt pour cette forme originale de société agricole, le GAEC, qui permet notamment un roulement dans la prise de congés et une amélioration des conditions de travail grâce à la mise en commun des exploitations individuelles. Ce principe de transparence était jusqu’à présent une tolérance de Bruxelles, qui comportait de nombreuses limitations. Aujourd’hui, il est inscrit dans le règlement de la PAC grâce à la volonté de la France et notamment à l’implication de notre ministre. Les retours que nous avons, sur le terrain, témoignent toutefois d’incertitudes sur la mise en œuvre des nouvelles règles de la PAC, notamment concernant l’interprétation de la notion de renforcement économique.

Le projet de loi indique que la contribution au renforcement peut provenir d’apports « en nature, en numéraire ou en industrie », mais deux cas de figure posent question. C’est l’objet d’un amendement du groupe socialiste que nous présenterons. Le premier cas concerne la transformation d’EARL entre conjoints en GAEC entre conjoints : ces GAEC sont-ils assurés de bénéficier de deux parts économiques, pour les deux conjoints chefs d’exploitation, alors qu’il n’y a qu’une seule part dans l’EARL initiale ? Je rappelle qu’avant 2010, il n’était pas possible de constituer des GAEC entre conjoints. Il s’agit d’une question d’égalité essentielle pour nous.

Second cas : un GAEC dont les associés font le choix d’être plus nombreux sans augmenter la taille de la société agricole, pour mieux partager le travail existant et éviter de capter du foncier inutilement, à la fois pour le maintien d’autres exploitations et pour l’installation de jeunes agriculteurs, pourra-t-il bénéficier d’autant de parts économiques que de chefs d’exploitation ?

Nous avons bien noté que cela relevait davantage du domaine réglementaire, mais nous souhaiterions être rassurés par la réponse du ministre.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Dès lors que le Gouvernement souhaitait une majoration pour les cinquante-deux premiers hectares se posait le problème de l’hétérogénéité des structures juridiques des exploitations. Pour un entrepreneur individuel, bien entendu, cela fonctionnait, mais quid des autres structures ? Le problème a été résolu avec les GAEC, et je ne doute pas que M. le ministre confirmera que c’est proratisé – mais proratisé non limité.

Chère collègue Barbara Romagnan, en ce qui concerne les conjoints, il n’y avait qu’une seule solution : divorcer. Il y a eu des divorces de structure, les conjoints continuant de vivre ensemble.

Mme Brigitte Allain. Oh !

M. Charles de Courson. Mais si ! Venez en Champagne, je vous montrerai.

Il reste un problème grave, monsieur le ministre : celui des EARL. Vous n’avez pas réussi à obtenir pour les EARL ce que vous avez obtenu pour les GAEC, la proratisation. Votre solution, c’est qu’il n’y a qu’à transformer les EARL en GAEC. Mais vous n’avez pas prévu pour cela un mécanisme fiscalement neutre ! Il faudrait compléter cet article pour donner une porte de sortie à ceux qui souhaitent transformer leur EARL en GAEC – à moins que vous n’ayez déjà un engagement de votre collègue du budget pour faire passer une solution dans la prochaine loi de finances… On aurait ainsi une situation plus équilibrée, on éviterait les divorces fiscalo-structurels et on pourrait essayer d’assurer la neutralité des structures au regard des règles européennes.

M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray.

M. Philippe Le Ray. Le sujet des sociétés est important, et nous en avons longuement discuté en commission. Monsieur le ministre, vous n’avez absolument rien réglé. Contrairement à ce que vient de dire Dominique Potier, plusieurs confusions apparaissent même : à propos du nombre d’actifs, ou encore du nombre de plafonds d’aides publiques potentielles, notamment de la PAC, lequel doit être en phase avec le nombre d’exploitations reconnues. On lit à l’alinéa 16 de l’article que les conditions et modalités d’agrément des GAEC et d’accès aux aides de la politique agricole commune sont précisées par voie réglementaire. Mais quelles sont ces voies réglementaires ? En commission, je vous ai proposé de déplafonner le nombre d’exploitations reconnues dans les GAEC au-delà de trois pour déplafonner les aides et les ramener à des parts économiques de moins de cinquante hectares. Vous avez refusé. J’attends votre réponse à ma question, monsieur le ministre, car elle est essentielle.

M. Dominique Potier. On est tous d’accord !

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, deux points nous semblent extrêmement importants dans cet article. Tout d’abord se pose la question de la transparence des GAEC, dont nous avons déjà amplement parlé. Nous espérons vraiment que vous allez nous donner des assurances au sujet de ce cas particulier que sont les EARL devenues GAEC entre époux et qui n’ont pas récupéré la part économique perdue dans le passage à l’EARL, qui était avant 2010 la seule forme sociétaire possible pour des conjoints. J’espère que nous n’arriverons pas aux extrémités évoquées par Charles de Courson : nous sommes des défenseurs de la famille et nous ne voudrions pas que la seule réponse à cette situation d’injustice soit le divorce de structure ! (Sourires.)

Le deuxième point est que l’article 5 propose de supprimer le comité d’agrément des GAEC. Cela nous semble contestable et dangereux. C’est contestable parce que, comme pour les coopératives dont il s’inspire largement, l’agrément est indissociable du GAEC et repose sur une co-responsabilité de l’État et de la profession agricole. C’est dangereux, au regard de la loi GAEC elle-même, parce que le pouvoir d’appréciation des critères d’agrément et de leur fonctionnement se fonde sur la présence de professionnels. Déférer cette responsabilité à l’autorité administrative nous semble vraiment regrettable. Nul mieux que les professionnels n’est à même de juger de la pertinence du GAEC et ils le font toujours avec un grand esprit de responsabilité. La suppression de ces comités d’agrément des GAEC est très préjudiciable et elle jette le soupçon sur la gestion actuelle, qui se fait avec beaucoup de sérieux, de rigueur et d’honnêteté. Dire que les choses seront plus simples en cas de litige est faux puisque les procédures administratives peuvent être beaucoup plus longues que ne le seraient d’autres voies règlements des contentieux. Nous espérons, monsieur le ministre, que vous pourrez nous donner des assurances sur ces deux points.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4 et 57, qui visent à supprimer l’article 5.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n4.

M. Nicolas Dhuicq. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n57.

M. Dino Cinieri. L’article 5 réforme les GAEC afin de les mettre en cohérence avec les mesures annoncées dans le cadre de la PAC, en particulier la surprime sur les cinquante-deux premiers hectares. Il risque d’accroître les différences entre les EARL et les GAEC, alors même que la loi d’orientation agricole de 2006 avait vocation à harmoniser les régimes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Il est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il est également défavorable. Quel changement y a-t-il eu concernant les GAEC qui nécessite, en particulier, que l’on modifie le système du comité départemental d’agrément ? C’est que, pour la première fois dans la négociation de la politique agricole commune, les GAEC sont reconnus comme des entités juridiques dans les textes européens. Par conséquent, c’est à l’administration d’en définir les critères. Nous avons bien précisé dans la loi que cela se ferait après une concertation avec les professionnels. Voilà ce qui a fondamentalement changé, madame Genevard ! J’ai fait ce choix historique de sécuriser les GAEC…

M. Dominique Potier. Bravo !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …car il faudra demain dans l’agriculture des chefs d’exploitation, hommes et femmes, pour pérenniser l’activité agricole. C’est l’alternative aux fameuses fermes de mille vaches dont nous parlions hier : loin de ces projets, nous proposons, nous, une tout autre vision.

Se pose parallèlement la question des cinquante-deux premiers hectares. La transparence des GAEC n’a plus le même enjeu qu’auparavant. Je ne rentrerai pas dans le débat sur le mariage et le divorce, comme nous y invitait Charles de Courson, mais je constate que les cinquante-deux premiers hectares sont un enjeu de la transparence. Nous discutons avec la Commission afin de pouvoir revenir sur des situations juridiques datant de l’époque où l’on ne pouvait pas être en GAEC avec son conjoint. Il me paraît en effet normal d’offrir la possibilité à ceux qui le souhaitent de revenir au statut du GAEC – ceux qui le souhaitent ! En effet, l’EARL a aussi pu être un choix pour des apporteurs de capitaux, ou pour des raisons de cotisations sociales ou des questions fiscales, et il ne faut pas remettre cela en cause. Je reste prudent, mais d’après les discussions que j’ai avec la Commission, il sera sans doute possible, pour ceux qui le veulent, de revenir à un GAEC alors qu’ils n’ont pas eu le choix à l’époque.

Deuxième point : dans le cas d’un apport économique, lié à une nouvelle part ou à un choix stratégique d’agrandissement, il sera possible de choisir le maintien en EARL ou le passage au GAEC, en bénéficiant des avantages y afférents. Cela se fait avec des arbitrages. Mais le fondement même de la négociation de la politique agricole commune et de cet article est d’instituer et de sécuriser le statut juridique du GAEC, parce que c’est avec ce statut que nous protégerons la part économique et l’actif agricole et que nous défendrons les paysans et les agriculteurs, comme nous le souhaitons tous sur ces bancs. Telle était la réponse de fond que je pouvais faire à ces amendements de suppression.

M. Dominique Potier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, vous avez répondu sur tous les aspects sauf sur un : la neutralité fiscalo-sociale de la transformation de l’EARL en GAEC.

M. Dominique Potier. Vous voulez le beurre et l’argent du beurre !

M. Charles de Courson. Pouvez-vous nous dire si vous avez un accord de votre collègue du budget ? C’est la dernière question qui reste à trancher.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur de Courson, vous avez évoqué tout à l’heure des cas où certains divorçaient pour optimiser des choix fiscaux. Je ne rentre pas dans ce débat, car je ne cherche pas à imposer quelque choix que ce soit. Au contraire ! Une fois que nous aurons sécurisé juridiquement le GAEC, chacun fera son choix en fonction des statuts fiscaux et sociaux des structures. La transparence des GAEC permet de bénéficier du paiement redistributif, mais les EARL ont elles aussi des justifications économiques, fiscales et sociales. Ce que nous voulons avant tout aujourd’hui avec les GAEC, c’est garantir qu’il y ait véritablement, à la tête des exploitations, des chefs d’exploitation agricole. S’agissant de la neutralité fiscale, je ne peux vous répondre. Tout ne peut pas être toujours positif ! Ce sont des choix qui appartiennent aux agriculteurs et je les en laisse libres.

(Les amendements identiques nos 4 et 57 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 113, 150 et 1048.

La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n113.

M. Jacques Lamblin. Il y a quelques minutes, monsieur le ministre, nous parlions du système paritaire des tribunaux des baux ruraux. La décision qui a été prise remet en cause sa légitimité. Et désormais, dans l’article 5, vous proposez de supprimer les comités d’agrément des GAEC, après avoir expliqué pourquoi cela était nécessaire. Je n’ai rien contre le fait que l’autorité administrative décide de donner ou non l’agrément. Néanmoins, il ne me semble pas pertinent de remplacer le comité paritaire tel qu’il existe aujourd’hui par un passage hâtif en CDOA devant quarante ou cinquante personnes. En effet, la qualité du conseil donné ne sera pas la même et nous prendrons beaucoup plus de risques. C’est pourquoi je propose de conserver les comités d’agrément, en dépit de vos explications.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n150.

M. Dino Cinieri. La formule actuelle consistant à confier l’agrément à un comité de spécialistes de huit personnes disposant des informations nécessaires donne toute satisfaction.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n1048.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu vos explications. Néanmoins, pouvez-vous nous dire quelles sont les garanties qui nous permettent de penser que l’avis des professionnels sera véritablement entendu ?

M. Dominique Potier. La confiance !

Mme Annie Genevard. Que se passera-t-il s’il est différent de celui de l’administration ? Il y aura une déperdition de décision de la part des professionnels, ils n’émettront qu’un avis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Il est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il est également défavorable. Madame Genevard, que se passe-t-il aujourd’hui dans un comité consultatif départemental ? Pour la première fois, juridiquement, les GAEC sont reconnus dans les textes européens : le droit européen considère que, selon le principe de subsidiarité, c’est à l’État et à l’administration de décider ce que doit être un GAEC. Nous le ferons par décret, avec le souci de la concertation avec les professionnels. Il va sans dire que c’est à l’administration que revient le dernier mot, comme c’est le cas aujourd’hui. Pourquoi toujours chercher à se poser des problèmes et à tout soupçonner ? Le comité émet un avis et c’est l’administration qui décide, comme l’exige le cadre européen dans lequel nous nous trouvons.

(Les amendements identiques nos 113, 150 et 1048 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 217, 296, 525 et 1060, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 217, 296 et 525 sont identiques.

La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n217.

M. Jean-Pierre Decool. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement identique n296.

M. Camille de Rocca Serra. Il est défendu.

M. le président. L’amendement identique n525 est défendu.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n1060.

Mme Annie Genevard. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray.

M. Philippe Le Ray. Je me permets de revenir sur une question tout de même essentielle et à laquelle je n’ai pas eu de réponse : celle de la reconnaissance du nombre d’aides plafonnées par GAEC en fonction du nombre d’exploitations. Jusqu’à maintenant, le plafond était de trois exploitations reconnues, quel que soit le nombre d’associés – on pouvait très bien avoir trois exploitations reconnues et huit associés. Demain, si cinq exploitations se regroupent, avec au minimum bien sûr cinq associés, le plafonnement des aides sera-t-il égal au nombre d’associés ? J’en ai discuté hier avec un de nos collègues de la majorité, et cette réponse est vraiment attendue.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le Ray, aujourd’hui, nous avons déplafonné le nombre des aides en fonction des associés membres du GAEC. Il y a toujours un maximum, mais la multiplication du plafond n’est plus limitée à trois. Il n’y a plus de plafond. La réponse est claire et nette.

M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray.

M. Philippe Le Ray. Vous évoquez le nombre d’associés, monsieur le ministre, mais la question porte bien sur le nombre d’exploitations reconnues au sein des GAEC. Dans le cas d’un GAEC comportant sept associés et trois exploitations, le plafond des aides sera-t-il multiplié par sept ? Pouvez-vous nous le confirmer ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Si le GAEC a sept chefs d’exploitation, il y aura sept parts. Chacun d’entre eux détient une part, en vertu du principe de transparence. Jusqu’ici, le plafond était multiplié au maximum par trois, avec au plus dix associés. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas : avec quatre chefs d’exploitation, il y aura quatre parts ; avec cinq chefs d’exploitation, cinq parts. Je vous laisse continuer le calcul… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Les amendements identiques nos 217, 296 et 525 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n1060 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 1049 et 1050, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Annie Genevard, pour les soutenir.

Au préalable, j’informe l’Assemblée que sur ces deux amendements, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Les scrutins sont annoncés dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Mme Annie Genevard. Par l’amendement n1049, je propose de supprimer, à l’alinéa 22, les mots : « du groupement », afin de renforcer la structure agricole dans des conditions définies par décret. À l’amendement suivant, les mots ainsi supprimés sont remplacés par les mots : « de la société agricole ». Cela permettrait de prendre en compte les GAEC issus d’EARL. En effet, le renforcement de la structure n’a pas forcément eu lieu au moment du passage de l’EARL au GAEC entre époux : il peut avoir eu lieu avant le passage à l’EARL. Ces deux amendements permettent de prendre en compte tout type de société. Sinon, je crains que l’on ne prenne pas en compte les GAEC entre époux issus d’EARL dès lors que leur structure n’aura pas été renforcée.

M. Philippe Le Ray et M. Dino Cinieri. Très juste !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Avis défavorable.

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais pourquoi ?

Mme Annie Genevard. Expliquez-vous !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je répète que, pour la première fois, le GAEC et les termes légaux qui s’y rapportent seront conformes au droit européen. Je ne veux pas faire vivre à mes successeurs les apurements que j’ai à assumer aujourd’hui. Les termes de cet article conviennent puisqu’ils figurent dans le droit européen, je pense en particulier au mot « groupement ». Pour une fois qu’on sécurise le critère juridique du GAEC français à l’échelle européenne, ce qui permettra éventuellement à d’autres pays de l’utiliser, alors qu’il ne figurait que dans des annexes, je vous demande de ne pas présenter des amendements qui marquent des suspicions quant à leur avenir. Cet article est parfaitement cohérent avec l’engagement du Gouvernement de les sécuriser juridiquement au niveau européen. C’est pourquoi je ne peux pas être favorable à vos amendements, madame la députée.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Juste un mot, monsieur le ministre : qui peut le plus peut le moins ! Tout GAEC étant une société agricole, je ne vois pas où serait le risque d’adopter mes amendements.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Monsieur le ministre, j’aimerais que vous répondiez à la question posée par Mme Genevard : lorsqu’une EARL entre époux qui ne regroupait pas deux exploitations se transformera en GAEC, y aura-t-il bien application de la transparence en matière d’aides, et non un traitement différent des autres GAEC, entre père et fils ou entre deux voisins par exemple ? Je pense que cette question est légitime, indépendamment du vote sur l’amendement.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Romagnan, qui a d’ailleurs posé la même question dans son intervention liminaire.

Mme Barbara Romagnan. Prenons l’exemple d’une EARL constituée à l’époque où les couples n’avaient pas le choix de s’installer en GAEC, et représentant donc une part économique. Si cette EARL se transforme en GAEC, pourra-t-elle alors comprendre plusieurs parts économiques ?

M. le président. Autrement dit, le couple bénéficiera-t-il d’une majoration des aides jusqu’à cent quatre hectares et non cinquante-deux ?

La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Nous parlons ici non seulement des EARL qui se transformeraient en GAEC entre époux, mais aussi de celles qui l’ont déjà fait et qui aujourd’hui n’ont qu’une seule part économique. Leur historique sera-t-il pris en compte, ce qui suppose d’intégrer l’hypothèse du renforcement de la structure avant l’EARL, et donc antérieurement au GAEC entre époux ? C’est pour éclaircir ce point que je proposais de substituer les mots « société agricole » au mot « groupement » parce que cela induirait de prendre en compte et le GAEC, et l’EARL.

M. Thierry Benoit. Elle a raison !

M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray.

M. Philippe Le Ray. Monsieur le ministre, vous nous disiez tout à l’heure que le nouveau régime des GAEC permettra de déplafonner des aides, c’est-à-dire qu’il y aura autant d’aides que d’associés. Les amendements de Mme Genevard donnent dès lors plus de cohérence au dispositif et vont totalement dans le sens que vous avez indiqué. Le fait d’être marié ne change rien. Parmi les associés de GAEC, il arrive même parfois qu’il y ait plusieurs couples.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oh la la ! (Sourires.)

M. Philippe Le Ray. Vous ne pouvez donc qu’appliquer aussi aux EARL qui deviennent GAEC la logique que vous nous avez exposée.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le ministre, il s’agit seulement de s’assurer que dans une exploitation dirigée par un couple, s’il y a bien deux revenus tirés de l’exploitation, quel que soit l’historique, ils puissent être reconnus comme deux unités économiques.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Le GAEC est une vraie coopérative : on y est à part entière, sans autre revenu, en y travaillant à temps plein. Je crois que nous sommes tous d’accord pour défendre ce statut particulier et pour qu’il y ait une transparence, que chaque travailleur soit reconnu comme un actif détenteur de droits parfaitement légitimes.

Mme Annie Genevard. Ce n’est pas le cas !

M. Dominique Potier. Quelle que soit l’histoire parfois compliquée des installations en EARL ou en GAEC, avec ou non apport en industrie ou bien en capital, j’entends l’engagement du Gouvernement. Il a fallu du courage pour obtenir de Bruxelles que le GAEC soit reconnu dans sa transparence. Il y a dix ans, c’était impensable. C’est donc une victoire française. J’entends que le ministère met tout en œuvre sur le plan réglementaire et dans le cadre des négociations communautaires pour qu’on puisse rebattre les cartes au sein de chaque département et reconnaître la transparence totale des GAEC qui seront issus de nouvelles générations. Si M. le ministre le confirme très clairement, tous les amendements peuvent être retirés et c’est dans la confiance que nous le soutiendrons dans ce combat historique.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’importance du sujet est telle, l’organisation juridique des GAEC, que poser toutes ces questions est légitime. Mais il faut tout de même rappeler que l’enjeu, défini au niveau européen, est la sécurisation des GAEC. Pour répondre encore une fois à votre question, madame Genevard, la philosophie de notre dispositif est que si deux personnes travaillent dans une exploitation et apportent de ce fait la preuve qu’il s’agit bien d’une exploitation avec deux parts, celle-ci passera de l’EARL au GAEC. Je ne vais pas le répéter dix fois. Mais chacun connaît aussi des EARL qui ont été crées pour d’autres raisons. Il faudra voir au cas par cas s’il y a véritablement deux parts, autrement dit deux UTH – unité de travail humain – sur l’exploitation, pour en assurer le fonctionnement. Dès lors, si c’est une EARL qui fait le choix de passer au GAEC pour bénéficier du paiement redistributif, cela se fera.

Mme Clotilde Valter. Très bien !

Mme Brigitte Allain. C’est clair.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Monsieur le ministre, je ne sais comment reformuler la question… Vous en revenez chaque fois à l’exemple d’une EARL qui se transformerait en GAEC, alors que nous vous demandons ce qu’il en est du GAEC à une unité économique qui veut devenir un GAEC à deux unités économiques ! Nous voudrions avoir une assurance sur ce point. Mes amendements ne jettent pas le soupçon, ils visent simplement à ouvrir la possibilité réglementaire de prendre en compte les GAEC entre époux, qui ne bénéficient aujourd’hui que d’une part économique parce qu’ils sont issus d’une EARL qui en a perdu une au moment de sa constitution.

Plusieurs députés du groupe SRC. Il a déjà répondu !

M. Dominique Potier. Vos amendements sont satisfaits !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. J’aimerais aussi savoir, monsieur le ministre, si, pour les transformations antérieures, le régime des deux parts économiques va s’appliquer, ou si c’est seulement pour les transformations à venir.

M. Dino Cinieri. Bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je veux bien prendre le temps nécessaire, mais on me pose toujours la même question.

L’enjeu juridique et économique, c’est que deux personnes donnent lieu à la prise en compte de deux parts, qu’il s’agisse, historiquement, d’une EARL ou d’un GAEC.

Mme Clotilde Valter. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. On peut me demander ce qui se passe quand elles sont deux, trois ou quatre, ou m’interroger sur la situation antérieure ou postérieure : il n’en demeure pas moins que j’ai déjà répondu de la manière la plus claire qui soit.

Mme Clotilde Valter. Exactement !

M. Dominique Baert. Comme toujours !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1049.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants48
Nombre de suffrages exprimés47
Majorité absolue24
Pour l’adoption14
contre33

(L’amendement n1049 n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mon rappel se fonde sur l’article 58 de notre règlement. Sans vouloir vous obliger, monsieur le président, il serait souhaitable, lorsque le débat a été un peu long, de rappeler l’avis de la commission et du Gouvernement avant de mettre aux voix un amendement.

M. le président. Cela ne me semble pas nécessaire, dans la mesure où tout le monde suit attentivement nos débats. Mais je vais quand même accéder à votre demande. (Sourires.)

Article 5 (suite)

M. le président. L’amendement n1050 a été repoussé par la commission et le Gouvernement. Je le mets aux voix.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants49
Nombre de suffrages exprimés48
Majorité absolue25
Pour l’adoption14
contre34

(L’amendement n1050 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement n377.

Mme Barbara Romagnan. La dernière réponse de M. le ministre était claire ; elle rend donc inutile le maintien de cet amendement.

(L’amendement n377 est retiré.)

(L’article 5 est adopté.)

Article 5 bis

(L’article 5 bis est adopté.)

Article 6

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement n335.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Amendement de précision rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n335 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement n337.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Même chose.

(L’amendement n337, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement n339.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Idem.

(L’amendement n339, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir l’amendement n341.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n341, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n569.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Le Conseil d’État a annulé un arrêté du précédent ministre chargé de l’agriculture rendant obligatoire, dans le secteur des fruits et légumes, le versement, par des producteurs non membres, de cotisations à une association d’organisations de producteurs reconnues en application de la réglementation européenne. Un décret en Conseil d’État aurait en effet dû être pris sur ce sujet.

Le présent amendement prévoit de valider ces cotisations dans un but d’intérêt général. En effet, le développement d’un contentieux dans ce domaine pourrait entraîner des risques considérables pour l’organisation des filières concernées des fruits et légumes, en mettant en difficulté des associations d’organisations de producteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Favorable.

(L’amendement n569 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daniel, pour soutenir l’amendement n373.

M. Yves Daniel. Nous proposons de compléter l’article 6 par l’alinéa suivant :

« VI. – Au dernier alinéa de l’article L. 2152-1 du code du travail, après la première occurrence du mot : « maritime », sont insérés les mots : « ainsi que celles des coopératives d’utilisation de matériel agricole ». »

Une erreur matérielle dans le code du travail aboutit en effet à ne pas appliquer aux coopératives d’utilisation de matériel agricole, les CUMA, contrairement à ce que prévoyait la déclaration du 12 décembre 2013 signée par leur fédération, la règle selon laquelle la mesure de la représentativité des organisations d’employeurs pour l’agriculture est appréciée au niveau national et de façon descendante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Avis favorable à la correction de cette erreur.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n373 est adopté.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Article 6 bis

(L’article 6 bis est adopté.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n58.

M. Dino Cinieri. Il est nécessaire de fixer dans la loi un délai maximum pour que le médiateur rende sa délibération sur tout litige relatif à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat ayant pour objet la vente ou la livraison de produits agricoles ou de produits alimentaires destinés à la revente ou à la transformation. Ce délai ne peut excéder deux mois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n58 n’est pas adopté.)

(L’article 7 est adopté.)

Article 7 bis

(L’article 7 bis est adopté.)

Article 8

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n736.

M. Dino Cinieri. Au nom du parallélisme des formes, il est proposé de retenir, pour le secteur de la forêt et des produits forestiers, la même rédaction que celle prévue à l’alinéa 2 de l’article 8 pour la production agricole, de façon à intégrer les organisations professionnelles et les organismes les plus représentatifs selon leurs spécialités – notamment l’Office national des forêts et les communes forestières.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je suis d’accord avec l’esprit de l’amendement, mais j’en demande le retrait au bénéfice de l’amendement n208 rectifié de Mme Got, plus précis.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Je le retire.

(L’amendement n736 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n208 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement n1301.

La parole est à Mme Pascale Got, pour soutenir l’amendement.

Mme Pascale Got. Le but de cet amendement est de permettre la création d’une filière spécialisée au sein de France Bois Forêt, de façon à mettre un terme à une question qui a connu de nombreux aléas et à renforcer le poids économique et financier de la filière forêt-bois.

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n1301 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n208 rectifié.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement à condition de supprimer les mots : « ou d’une zone géographique », par coordination avec l’article L. 632-1 du code rural, selon lequel les sections spécialisées pouvant être créées au sein des organisations professionnelles ne sont compétentes que pour des produits, et pour éviter une éventuelle régionalisation de l’interprofession.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Sur l’amendement et le sous-amendement, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse de l’Assemblée. En effet, la filière bois-forêt a besoin de se structurer. Je comprends qu’un des grands bassins forestiers français, spécialisé dans la production du pin maritime, souhaite se doter d’une organisation spécifique, mais cette volonté ne doit pas conduire – je le dis clairement – à remettre en cause l’organisation globale de l’interprofession quant aux grands choix stratégiques que doit faire la filière, notamment à l’égard de l’industrie de la transformation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je souhaite à la fois appuyer les propos du ministre et souligner l’importance du sous-amendement. En supprimant la référence à une zone géographique, on évite en effet que la constitution de sections spécialisées ne conduise à un démantèlement de l’interprofession et à sa réorganisation par région, bassin ou massif. Il s’agit bien de donner de la force à l’interprofession nationale en lui permettant de s’appuyer sur des branches spécialisées importantes, et non de favoriser une forme d’irrédentisme à l’échelle régionale, ce qui reviendrait au contraire à l’affaiblir.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Pour avoir été rapporteur du texte qui instituait, en 2001, l’interprofession bois-forêt, je souhaite manifester mon intérêt pour la démarche de Mme Got et de ses collègues. Il est en effet nécessaire de pousser plus loin une mutualisation restée insuffisante depuis la création de l’interprofession. Pour autant, cela ne doit pas se traduire par un démantèlement de l’ensemble.

Notre forêt est très diverse ; c’est à la fois un atout considérable et une faiblesse, ou du moins une source de fragilité. De nombreuses essences manquent d’une filière industrielle spécifique pour être transformée. Or, faute d’une structuration industrielle suffisante, nous nous faisons avoir : nos grumes sont transformées à l’étranger avant de nous être revendues après transformation, le tout au détriment de notre balance commerciale.

Une des causes de ce phénomène est l’insuffisante structuration de l’interprofession, même si, dans ce domaine, nous avons connu des progrès. Il en est ainsi entre la forêt privée et la forêt publique, dont les représentants, désormais, se parlent – et je salue au passage le président de l’Office national des forêts. En revanche, toutes les régions de France n’ont pas appliqué de façon satisfaisante les dispositions législatives relatives au régime forestier. Mais je n’insiste pas sur ce point, de crainte de perturber un climat consensuel.

Pour autant, ceux qui suivent nos débats doivent savoir que nous serons vigilants. Si l’application de cette disposition nouvelle, destinée à renforcer la mutualisation, venait à déraper et conduire à un démantèlement de l’interprofession, nous saurions reprendre notre stylo et modifier la loi de façon à y mettre bon ordre.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il est important que les personnes concernées, qui suivent attentivement nos travaux – de même que nous suivons fidèlement les leurs –, entendent ce message.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je souhaite exprimer une crainte, voire une réticence. Quand on légifère, il faut se montrer attentif aux conséquences des modifications que l’on apporte à la loi.

Il y a d’abord le problème des interprofessions. On évoque cette question à chaque loi agricole, systématiquement, et toujours avec un objectif : que les filières puissent se structurer pour être efficaces, avec une seule interprofession. C’est un combat qui remonte à des décennies.

M. Philippe Armand Martin. Il a raison !

M. André Chassaigne. On sait, dans le domaine agricole, quelles furent les grandes difficultés de certaines filières pour se structurer. Elles y sont arrivées, et sont parvenues à organiser leur propre interprofession, y compris en mettant en place au sein de celle-ci des sections spécialisées. Et c’est justement parce que la décision de mettre en place de telles sections spécialisées était prise au sein des interprofessions que celles-ci peuvent fonctionner et remplir pleinement leur rôle.

M. Philippe Armand Martin. Oui !

M. André Chassaigne. On a vu, par exemple, les difficultés rencontrées au niveau des fruits et des légumes ; elles ne sont d’ailleurs pas encore complètement surmontées. S’il existe, par exemple, au sein de l’interprofession des fruits et légumes, une section spécialisée consacrée à la pomme de terre, qui mène une action spécifique, mais cela a été décidé au sein de l’interprofession. Incombe-t-il au législateur d’imposer aux interprofessions une organisation interne, au risque de réduire à néant tous les efforts menés, toutes les actions volontaristes entreprises pour arriver à une unité des interprofessions ?

Soyons-y attentifs. Est-ce que la décision qui sera prise aujourd’hui, même tempérée par le sous-amendement du rapporteur, n’exposera pas demain l’interprofession du porc, par exemple, au risque d’être brisée, atomisée par une section…

M. Stéphane Le Foll, ministre, M. Germinal Peiro, rapporteur et M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. On ne parle que du forestier !

M. André Chassaigne. Attendez, attendez ! Méfions-nous ! Méfions-nous des effets induits, parce que vous ouvrez la boîte de Pandore, et, ensuite, toutes les interprofessions seront concernées. Certains voudront, par exemple, créer, au sein de l’interprofession du porc, une section des éleveurs de porcs bretons.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Un exemple pris au hasard !

M. André Chassaigne. Je prends cet exemple en regardant le président Le Fur.

Même s’il n’est question, en l’occurrence, que du secteur forestier, soyons attentifs à ce que la porte que l’on ouvre pour le secteur forestier n’expose pas demain d’autres interprofessions au même problème.

M. Dino Cinieri. Il a raison !

M. André Chassaigne. C’était le premier point que je voulais soulever. Vraiment, j’y insiste.

M. le président. Merci, cher collègue.

M. André Chassaigne. J’ai du temps devant moi, monsieur le président, nous sommes dans la procédure du temps programmé.

M. le président. Nous vous écoutons, monsieur le président Chassaigne.

M. André Chassaigne. Vous essayez de me déstabiliser, et, moi, je suis très facilement déstabilisé. (Rires sur de nombreux bancs.)

M. le président. Personne n’en doute, cher collègue.

M. André Chassaigne. Deuxièmement, je voudrais revenir sur les propos particulièrement pertinents qu’a tenus le président de notre commission des affaires économiques. J’ai sous les yeux un avis du Conseil économique, social et environnemental sur la valorisation de la forêt français. Une chose est très claire, qui a déjà été dite, et je sais que c’est un cheval de bataille ancien du président Brottes. Je ne lis qu’un extrait : « Au niveau des professionnels [… ], l’existence de deux interprofessions, FBF pour l’amont et FBIE pour l’aval, constitue indiscutablement un handicap. » Je passe toute une partie de l’explication donnée. Le Conseil économique, social et environnemental « appelle à développer les échanges et les concertations entre elles. Il s’agit en effet, à l’instar de ce qu’ont réussi certains secteurs agricoles, de renforcer, dans l’intérêt national, la cohésion entre toutes les parties concernées afin qu’elles recherchent des solutions communes plutôt que de s’affronter ou de s’ignorer. » Il y a eu beaucoup de progrès qui ont été faits au niveau de ces interprofessions forestières. Ainsi ont-elles cosigné – j’ai apporté le document concerné – des propositions pour la revalorisation de la forêt.

On recherche le regroupement des deux interprofessions, c’est un combat qui est mené, ça demandera du temps, mais elles s’écoutent, elles construisent ensemble. Peut-être est-ce ce que souhaite depuis si longtemps le président Brottes, peut-être qu’un jour on arrivera à un résultat. Vous comprenez cependant que, si on commence déjà, à l’intérieur d’une des deux interprofessions, à atomiser en ouvrant, par une décision législative, de l’extérieur de l’interprofession, la possibilité une section pour telle ou telle catégorie… Ici, ça va être le pin sylvestre ; ailleurs, ce sera le bois d’Auvergne, ou je ne sais pas encore quoi… Il y a un risque réel. À l’heure où il est nécessaire d’uniformiser, on met le doigt dans une forme d’engrenage d’atomisation.

Je voulais appeler votre attention sur cela. Je sais très bien comment cela se passe. Un amendement est déposé, on voudrait le satisfaire, mais on hésite. D’ailleurs, le fait que le ministre s’en remette à la sagesse de l’Assemblée est révélateur de ses possibles hésitations. Peut-être suis-je donc en train de dire tout haut des choses qu’il pense, mais je ne sais pas, je ne suis pas dans sa tête. En tout cas, je voulais vous alerter sur ce problème. Il ne s’agit pas, pour moi, de m’opposer à notre collègue, mais il y a vraiment un risque réel.

M. Philippe Armand Martin. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Tout d’abord, je vous rassure, monsieur Chassaigne : il s’agit de la seule filière bois.

En outre, l’amendement déposé n’arrive pas comme ça, il s’inscrit dans un contexte particulier : il faut renforcer cette filière, faciliter la discussion et mutualiser. La mutualisation est importante pour cette filière. Nous avons besoin d’une filière nationale la plus large possible, la plus représentative possible. Je crois que cet amendement va y contribuer. Je veux d’ailleurs me féliciter de la réflexion menée avec le rapporteur pour avis et également le président de la commission des affaires économiques. Nous avons ainsi pu parvenir à un consensus qui devrait, monsieur Chassaigne, répondre à votre préoccupation.

Et j’ai bien entendu ce qu’a dit le président Brottes : effectivement, nous facilitons un rapprochement, mais nous devrons également juger cela avec le recul que donne l’expérience. La porte n’est pas fermée.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. M. Chassaigne tient toujours des propos frappés au coin du bon sens, mais ce qu’il doit entendre dans les propos que nous tenons, c’est que la condition sous-jacente à cet amendement est que tout le monde cotise. Dès l’instant où on élargit l’assiette des cotisants, on peut renforcer la mutualisation de l’interprofession. S’il y avait un échec sur cet aspect-là, ce serait un coup pour rien, mais ce n’est pas du tout dans nos intentions.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je compléterai très rapidement les propos de notre collègue Chassaigne, qui se déstabilise aussi vite que Jean-Pierre Brard naguère ; saluons-le à nouveau.

Je partage les inquiétudes exprimées parce que, comme je le disais hier, nous sommes dans un monde ouvert, un monde de concurrence. Nous avons donc besoin d’interprofessions fortes pour faire face à une concurrence internationale extrêmement forte, y compris sur le continent européen. Je redoute que des puissances extérieures, des intérêts extérieurs puissent, via des sections, pénétrer une interprofession française et la grignoter de l’intérieur. Ce scénario n’est pas pure illusion, quand on sait, par exemple, quel est l’état de tension qui existe entre l’agriculture allemande et l’agriculture française.

Nous n’avons donc pas intérêt à nous immiscer à ce point dans les affaires des professions. Après tout, c’est à elles de s’organiser, et nous sommes dans un monde où la concurrence est très forte.

M. Philippe Armand Martin. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. Je souhaite répondre au président Chassaigne.

Vous vous doutez bien, cher collègue, que, dans ce monde de la forêt et du bois, tout le monde s’est parlé, tout le monde s’est entretenu de cette question, qui ne date pas d’hier, comme cela a été dit par plusieurs collègues, plusieurs ministres, et le président Brottes.

La suppression de la référence géographique met définitivement fin aux inquiétudes que nourrissait l’éventualité d’un démantèlement par morceaux, par régions.

M. Philippe Armand Martin. Je ne vois pas pourquoi !

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. Je l’ai dit tout à l’heure, je le répète.

Maintenant, j’en viens à l’aval et à l’amont, et cela répondra un peu également à notre collègue Dhuicq. Le fait qu’il y ait FBIE et FBF, l’un pour l’industrie à l’aval, l’autre pour l’amont et la première transformation, est aussi lié au fait que la filière bois n’est unique que dans nos propos, mes chers collègues. Il y a des filières, des produits, issus de multiples essences, et des industries très différentes. Personnellement, j’ai bon espoir. Cette disposition ne concerne qu’un produit dont 70 % des producteurs sont d’accord pour estimer qu’il justifie la création d’une section spécialisée. Il ne s’agit pas que n’importe qui lève la main, il s’agit de quelque chose d’important. Dès lors qu’elle permet, précisément, une structuration interne de l’interprofession de l’amont, elle permettra de nouer avec l’industrie des liens beaucoup plus pertinents que quelque chose qui englobe des produits très différents. Je forme un vœu, j’ai un espoir : non seulement ce ne sera pas une fragilisation mais, si nous conduisons cela correctement et de façon vigilante, comme l’a dit François Brottes tout à l’heure, cela peut même être un outil de renforcement des liens entre l’aval et l’amont.

M. Philippe Armand Martin. Non !

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis. Nous l’espérons tous.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je ne veux pas prolonger le débat, mais, quand même, la réalité, c’est quoi ? Il y a, au sein de France Bois Forêt, des divergences entre certains propriétaires producteurs de pins maritimes qui, pour différentes raisons, comme une mésentente ou diverses raisons historiques, ne paient pas leurs cotisations à l’interprofession. Ils exigent en quelque sorte, pour rentrer dans l’interprofession, que leur spécificité soit reconnue en amont. Ils conditionnent leur entrée dans l’interprofession à la possibilité de constituer une section spécialisée. C’est cela, le fond du problème.

D’ailleurs, vous avez bien répondu, monsieur le président Brottes, en indiquant que cela permettrait d’élargir l’assiette des cotisations. C’est donc bien fait pour que certains qui n’y sont pas encore entrent dans l’interprofession. Telle est la réalité, il faut le savoir.

J’insiste quand même. Pour ma part, je ne voterai ni l’amendement ni le sous-amendement, parce que je pense qu’ils créent un précédent. Cela peut ouvrir une porte pour l’ensemble des interprofessions, et, demain, on pourra invoquer une spécificité et faire de la création d’une section spécialisée une condition à son entrée dans l’interprofession.

Disons les choses clairement, honnêtement, car telle est la réalité. Ensuite, chacun décide en son âme et conséquence, mais je voulais quand même que vous preniez la mesure de certaines conséquences. Vous avez vous-même senti le problème, monsieur le président Brottes, puisque vous avez dit que, si cela fonctionne mal, on sera capable de reprendre le stylo et de revenir sur cette disposition.

M. Philippe Armand Martin. C’est aberrant !

M. André Chassaigne. Ou alors votons-nous quelque chose d’expérimental ? Je ne crois pas que ce soit la bonne solution. Alors disons clairement de quoi il s’agit.

(Le sous-amendement n1301 est adopté.)

(L’amendement n208 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n1326 du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement a pour objet de préciser comment est appréciée la représentativité en fonction des professions qui constituent l’interprofession. Par exemple, le commerce de détail ne doit pas être pris en compte dans une interprofession qui s’arrêterait au commerce de gros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, je ne suis pas du tout rassuré par cet amendement gouvernemental, qui vient de débarquer. Avouons qu’il est assez sibyllin. J’aimerais quelque explication de texte plus précise, mais vous allez certainement en donner une.

Cet amendement me semble effectivement s’inscrire exactement dans la même perspective que ceux dont nous venons de débattre. Sont ainsi mentionnés « les deux tiers de ces opérateurs ou de leur chiffre d’affaires », « les volumes pris en compte ». Je ne parle pas l’araméen ancien, mais j’ai l’impression que vous avez des scribes qui ont beaucoup travaillé cette nuit.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous savez, monsieur le député, que si nous avons négocié les règles européennes et si nous avons fait reconnaître les interprofessions françaises à l’échelle européenne, cela entraîne, en retour, des obligations.

La définition des critères de représentativité dans les interprofessions est donc un enjeu majeur. Dans certains domaines, nous devons être très précis – j’ai cité tout à l’heure un exemple, mais j’en ai d’autres en tête, comme les organismes stockeurs, ou les céréales.

Seules les professions directement concernées doivent être prises en compte pour apprécier la représentativité de l’interprofession ; sans cela, les interprofessions risquent d’être contestées, d’avoir des problèmes de légitimité. Voilà l’objet de cet article : nous ne voulons pas laisser penser qu’il y a un loup quelque part, au contraire, nous voulons clarifier les choses.

(L’amendement n1326 est adopté et les amendements nos 889, 655, 890, 59 et 200 tombent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n5.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement tend à maintenir la règle de la majorité simple dans les élections mentionnées à l’alinéa 10 de l’article 8 de ce projet de loi.

(L’amendement n5, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n60.

M. Antoine Herth. C’est un amendement important, dont nous avons parlé en commission. Par ce projet de loi, vous proposez à l’Assemblée de fixer des critères de représentativité pour assurer l’équilibre et le bon fonctionnement des interprofessions. Vous voulez fixer ces critères a priori dans la loi. Or nous ne pouvons pas savoir dès maintenant si les critères que vous avez choisis sont les bons : il reste donc un doute. C’est pourquoi nous devrions prévoir un mécanisme permettant, à l’avenir, d’apprécier ces critères au regard du fonctionnement des interprofessions.

Cet amendement vise ainsi à donner à l’État – c’est-à-dire à vous, monsieur le ministre – la possibilité de reconsidérer et de rectifier après coup ces équilibres, pour garantir le bon fonctionnement des interprofessions. C’est un amendement de bon sens qui permet d’introduire un peu de souplesse dans le texte. Il nous évitera probablement d’examiner à nouveau cette question à l’occasion de l’examen d’un texte législatif portant sur cette thématique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je considère que nous devons en rester à l’équilibre du texte que nous avons trouvé. Je vous rappelle, monsieur Herth, que les interprofessions sont d’ores et déjà largement ouvertes au pluralisme syndical, y compris celles qui souffraient de blocages importants. Le seuil a déjà été abaissé à 70 % : il me semble que l’on peut en rester là. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je le répète : nous évoluons dans un cadre européen. Le statut des interprofessions est reconnu et défini à l’échelle européenne. Nous ne pouvons donc pas fixer a posteriori des critères qui ne correspondraient pas à la définition européenne des interprofessions que nous avons obtenue. Je pense que cette structuration est importante – je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit André Chassaigne tout à l’heure à propos de l’enjeu de la structuration.

Ces critères doivent donc être quantifiables, objectifs : on ne peut pas les soumettre à des appréciations qui seraient contestables, d’autant plus que, comme vous le savez, derrière les interprofessions, il y a la question de l’extension des cotisations volontaires obligatoires. Ces enjeux sont très importants : la clarté est donc nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je comprends bien vos arguments, monsieur le ministre : je ne les conteste pas. Je propose simplement, par cet amendement, d’insérer dans le projet de loi l’alinéa suivant : « l’État peut adapter ces seuils en cas de refus avéré d’une ou plusieurs organisations syndicales d’intégrer l’interprofession. »

Il s’agit tout simplement, dans le cas où une organisation voudrait faire du blocage, de permettre à l’État de débloquer la situation pour que les interprofessions fonctionnent. Cet amendement n’est donc pas contraire au droit européen : il vise à mieux l’appliquer en droit français.

(L’amendement n60 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n1306.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle.

(L’amendement n1306, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour soutenir l’amendement n1162.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à exonérer les petites fermes des cotisations volontaires obligatoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Nous avons déjà évoqué ce sujet en commission. Nous considérons que dans la plupart des cas, les petits producteurs sont déjà exonérés de CVO. En effet, la CVO n’est pas collectée dans les cas où les frais de perception sont plus élevés que le produit de la cotisation elle-même. La commission est donc défavorable à cet amendement, car il est déjà satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(L’amendement n1162 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n574.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement touche aussi à l’organisation des interprofessions. Il vise à permettre aux interprofessions d’exiger des intérêts de retard en cas de paiement tardif ou de non-paiement des CVO. Il s’agit là d’un enjeu important en termes d’organisation.

(L’amendement n574, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Berthelot, pour soutenir l’amendement n1091.

Mme Chantal Berthelot. Cet amendement est justifié par la situation particulière des outre-mer. Je rappelle qu’en première lecture, le Sénat a fait une proposition.

Par cet amendement, nous souhaitons limiter ce dispositif, et surtout permettre la transmission de données concernant les CVO. Cela permettrait aux interprofessions d’outre-mer de jouer leur rôle – qui consiste, comme plusieurs orateurs l’ont rappelé tout au long des débats sur cet article 8, à conforter les filières.

(L’amendement n1091, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n576 rectifié.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement vise à faire un peu de nettoyage juridique. Il s’agit d’abroger certaines dispositions législatives concernant des organisations interprofessionnelles créées par la loi ou le règlement, et de clarifier l’état actuel du droit en confirmant l’abrogation de certaines dispositions.

J’ajouterai quelques mots à propos d’un tout autre sujet : le CICE, à l’intention de M. Benoit. J’ai annoncé hier des mesures spécifiques en faveur des coopératives, des mesures anticipant la suppression de la C3S – contribution sociale de solidarité des sociétés. Ces mesures ont été adoptées, et ont d’ailleurs été saluées par Coop de France.

M. Thierry Benoit. Très bien.

(L’amendement n576 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Article 8 bis

M. le président. L’article 8 bis a été supprimé par la commission.

Article 10

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, inscrit sur l’article.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, je vous rappelle que notre discussion intervient en un moment très particulier. En effet, vous savez bien qu’en ce moment même, les têtes pensantes de la Commission européenne travaillent à un traité de libre-échange entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne. La lecture des documents relatifs à ce traité ne laisse pas de susciter une certaine inquiétude. Les documents rédigés en anglais sont très instructifs par le fait même qu’ils manquent de la précision propre à la langue française. Le continent européen, qui est le premier pour les entreprises de services, pourra se ravitailler en matières premières et en produits énergétiques aux États-Unis. Parmi ces produits énergétiques, d’ailleurs, j’inclus le gaz de schiste liquéfié. Non rentable sur le continent américain, il nous sera vendu, à nous Européens, à un prix supérieur à celui que M. Schröder pourrait obtenir de Gazprom pour le gaz russe.

Plus sérieusement, la France a une particularité : ses terroirs, ses appellations d’origine contrôlée. Nous avons mis en place des mécanismes de protection de ce patrimoine culturel et immatériel qui constitue notre identité propre. Or l’article 10 de ce projet de loi donne incidemment au Gouvernement la possibilité de modifier profondément cet équilibre. C’est une espèce d’article-balai qui m’inquiète profondément. L’avenir de notre patrimoine gastronomique, viticole et agricole national est en jeu. Je crains que ces décisions du Gouvernement, de la Commission européenne et du Conseil de l’Union européenne, reviennent à ouvrir les portes de notre continent aux entreprises américaines, qui finiront par détruire notre identité.

Cet article pose ainsi une question très profonde. Il donne trop de puissance au Gouvernement, à qui je ne fais absolument pas confiance pour défendre les intérêts et le patrimoine de la Nation.

M. le président. Nous en arrivons aux amendements à l’article 10.

Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 6, 61 et 987.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n6.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est désormais habituel dans cette enceinte : le Gouvernement demande régulièrement à l’Assemblée nationale l’autorisation de légiférer par ordonnances, ce qui est parfois un peu surprenant. C’est tout à fait conforme à la Constitution, là n’est pas la question, mais nous n’étions pas habitués à cette manière de procéder. Cet après-midi, certains de nos collègues ici présents et moi-même étions à une réunion de la commission spéciale pour l’examen du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises. Ce projet de loi comprend près d’une quarantaine d’habilitations à légiférer par ordonnances : vous voyez que cela devient une mauvaise habitude.

L’article 10 de ce projet de loi demande au Parlement d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur des sujets très importants, qui auraient, de notre point de vue, mérité un débat dans cet hémicycle. Il s’agit entre autres de la constatation des infractions et sanctions et de la gouvernance de l’INAO. Je crois que ces sujets auraient mérité des échanges dans cet hémicycle tout autant que beaucoup d’autres que nous traitons dans cette loi.

C’est pourquoi je propose de supprimer purement et simplement cet article habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances sur ces sujets.

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour soutenir l’amendement n61.

M. Antoine Herth. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n987.

M. Dino Cinieri. L’article 10 habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances pour modifier de nombreuses dispositions du code rural, notamment en ce qui concerne les IGP, et les labels et spécialités traditionnelles garanties. Ces mesures méritent que le Parlement soit saisi au fond et puisse débattre, d’autant plus qu’une mission d’information de la commission des affaires économiques, dont la rapporteure est Mme Marie-Lou Marcel, travaille actuellement sur les signes d’identification de l’origine et de la qualité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Même avis qu’en première lecture : défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 6, 61 et 987 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n571.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Cet amendement vise à supprimer la restriction aux livres V et VI du code rural du champ de l’ordonnance de mise en conformité au droit de l’Union européenne.

Nous devons transcrire en droit français les évolutions du droit européen, au moyen de ces ordonnances. Sans changer, sur le fond, les choix opérés en matière de procédures, d’indications géographiques protégées et d’appellations d’origine protégées, cet amendement vise simplement à accélérer la transposition du droit européen. Il n’y a là rien qui remette en question les choix opérés pour les IGP et les AOP.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je reconnais le professionnalisme et l’élégance de M. le ministre mais, si l’objectif est de ne pas se limiter aux seuls livres V et VI du code rural et de la pêche maritime et d’y rectifier les erreurs matérielles, pourquoi ne pas inclure les livres I et III ? Plutôt que de supprimer les livres V et VI, il s’agirait plutôt d’ajouter les livres I et III.

En outre, il semble y avoir un lien entre le présent amendement et les négociations en cours sur le traité de libre-échange, qui risque d’entraîner, en Europe et particulièrement en France, une ouverture sans limite à la mondialisation et à la concurrence internationale, sans aucune protection de nos produits. À travers cet amendement, c’est bien le modèle culturel français qui est en jeu. Les citoyens qui nous écoutent doivent savoir qu’il donne au Gouvernement le pouvoir de modifier seul l’ensemble de la partie législative du code rural, en se soumettant complètement aux diktats anglo-saxons imposés par Bruxelles.

(L’amendement n571 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n640.

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’amendement proposé autorise le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions législatives du code général des impôts applicables dans le domaine des alcools et le domaine viti-vinicole, autres que les seuls régimes de sanction, afin de les simplifier et d’assurer leur cohérence avec les dispositions du code rural et de la pêche maritime.

S’agissant des propos tenus à l’instant, j’indique qu’il ne faut pas compliquer le débat en imaginant un lien avec le traité transatlantique. Le débat sur celui-ci porte bien sur les marques et les indications géographiques protégées, non sur la possibilité de transposer par ordonnances le droit européen. La négociation porte sur les règles européennes que nous devons défendre contre les États-Unis, sur le choix stratégique et juridique de l’Europe plutôt que celui des États-Unis. Ne voyez donc pas dans cet amendement, qui prévoit une transposition par ordonnance du droit européen, des sous-entendus qui renverraient à la négociation internationale ! Cela n’a rien à voir ! Les règles, les enjeux et la bataille sur les indications géographiques protégées restent les mêmes !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. De nombreux Français ont exprimé récemment leur désaccord avec ces raisonnements. De nombreux peuples européens ont exprimé leur souhait de défendre leur identité, leur patrimoine, leur culture. Nous devons arrêter de nous couper du peuple et défendre en priorité la culture française. Pour ma part, je connais la civilisation européenne, mais j’ignore ce qu’est la culture européenne. Mais je sais que mon pays a une tradition particulière dans le domaine du vin, et j’attends des ministres de la République française qu’ils portent la voix de la France avant toute chose, que ce soit au niveau européen ou mondial.

M. Thierry Benoit. Le vin, la bière et les cidres !

M. Nicolas Dhuicq. Je ne veux plus me soumettre à ces diktats bruxellois permanents.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Hors sujet !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous voyez partout un complot international, notamment anglo-saxon, et vous dites qu’il n’existe pas d’histoire ou de culture européenne.

M. Nicolas Dhuicq. Je parlais de civilisation, c’est différent !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Prenons l’exemple du vin. Où est apparue sa production, à l’origine ? Le vin est d’abord une production européenne, devenue française par la suite. D’ailleurs, le présent projet de loi prévoit de reconnaître l’appartenance du vin au patrimoine de la France.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est un point essentiel, qui ne sera sûrement pas remis en question par ce dont nous discutons aujourd’hui ! Bien au contraire, nous revendiquons cette identité ! Néanmoins, j’affirme également qu’il existe une histoire européenne. Je ne rappellerai pas que nous avons la démocratie en partage, ce dont nous sommes fiers.

Certes, cette histoire a pris des formes différentes et doit désormais s’inscrire dans un projet respectueux des principes démocratiques. Pour autant, les Européens ont bien un patrimoine commun ! Quelles sont les origines, par exemple, de la révolution industrielle, de l’accès des paysans à la propriété, des exploitations familiales ? Il s’agit bien d’une histoire européenne, liée d’ailleurs à la révolution industrielle. Tout cela fait bien partie d’un patrimoine commun. Après quoi, dans cette histoire européenne, chacun doit revendiquer et défendre sa propre histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n640 est adopté.)

(L’article 10, amendé, est adopté.)

Article 10 bis A

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, premier orateur inscrit sur l’article.

M. Jean-Pierre Decool. L’article 10 bis A complète le code rural et de la pêche maritime en ajoutant le vin, les boissons spiritueuses et les bières au patrimoine culturel, gastronomique et paysager protégé de la France.

Permettez-moi de saluer l’ensemble des élus, toutes tendances politiques confondues, de la commission des affaires économiques ayant accepté de traiter de façon égalitaire le vin, les spiritueux et la bière.

En tant que président du groupe d’étude sur la filière brassicole, j’avais déposé, avec soixante-seize collègues, la proposition de loi n2 085 visant à inscrire la bière au patrimoine culturel et gastronomique protégé en France. La bière est mentionnée comme partie intégrante du repas gastronomique des Français, lequel est désormais inscrit par l’UNESCO sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l’humanité.

Tous les départements français sont maillés aujourd’hui d’un réseau de brasseurs, y compris en Outre-mer. Près de cinq cent quatre-vingts brasseurs sont répertoriés dans notre pays. La filière brassicole française contribue également au dynamisme de l’économie française, avec près de 65 000 emplois et un chiffre d’affaires estimé à 2 milliards d’euros.

De surcroît, 70 % de la bière consommée en France sont produits en France. En outre, les cafés, emblématiques de l’art de vivre français aux yeux de nos compatriotes comme à ceux des touristes, survivent aujourd’hui grâce à la bière, qui représente 37 % de leurs revenus.

De même, la bière, produite à partir d’ingrédients d’origine naturelle, a donné naissance de longue date non seulement à la filière du houblon mais aussi à celle de l’orge au malt. Première exportatrice de malt, la France en assure 20 % du commerce mondial.

Ces réalités objectives sont souvent contestées par des personnes qui entretiennent une confusion entre la nécessaire lutte antialcoolique, visant à protéger la santé publique, et les apports positifs de la consommation modérée de bière. Rappelons qu’en moyenne le Français est le vingt-sixième consommateur de bière sur les vingt-huit pays européens.

Je vous demande donc aujourd’hui de bien vouloir confirmer les dispositions adoptées par la commission des affaires économiques afin que le vin, les spiritueux et la bière soient inscrits au patrimoine culturel et gastronomique de notre pays, patrimoine qu’il convient de protéger. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Puisque vous êtes breton, monsieur le président, vous allez certainement être sensible à mon propos. Je voudrais prolonger les débats que nous avons eus en commission et qui nous ont conduits à valoriser, en leur conférant une portée universelle, le vin, la bière, les traditions des terroirs viticoles, les savoir-faire ancestraux, parfois séculaires, de nos territoires.

Je m’interroge sur des produits comme le cidre et le poiré, qui sont issus de nos traditions ancestrales, notamment en Normandie et en Bretagne. Puisque nous sommes Européens, je mentionne également la région des Asturies, en Espagne, qui produit également du cidre. Il est presque aussi bon que le nôtre, je dis bien « presque » !

Mon amendement, sur lequel nous devons travailler ensemble, vise à introduire la notion de produits issus de la fermentation et de la distillation. Cela permettrait d’englober l’ensemble des produits, y compris les cidres et les poirés.

Il y a deux possibilités : nous pouvons introduire dans le texte les cidres et les poirés, ou on y intègre la notion de fermentation et de distillation, ce qui inclut également tous les produits issus de la macération ou des infusions. Cela permet donc de couvrir un large périmètre. C’est important car cela permet de défendre le patrimoine culturel, les traditions locales, la transmission de savoir-faire traditionnels, qui peuvent trouver également des applications industrielles. C’est cohérent avec les travaux conduits par les gouvernements successifs sur les notions d’appellation d’origine protégée et d’indication géographique protégée. Tel est le sens de l’amendement n853 à l’article 10 bis A. J’appelle donc l’attention, l’indulgence et la bienveillance de mes collègues sur ce sujet.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. M. Benoit souhaite élargir le champ des produits mentionnés à l’alinéa 2, mais veillons toutefois à ne pas écarter de beaux produits provenant de traditions locales comme les spiritueux issus de macération, qui ne sont pas inclus dans l’amendement proposé.

M. Thierry Benoit. Si !

Mme Michèle Bonneton. Non, les spiritueux ne sont pas tous issus de la distillation, certains sont issus de la macération.

M. le président. Nous en venons aux amendements.

La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n853.

M. Thierry Benoit. Il vient d’être défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je ne peux pas être favorable à cet amendement. J’en comprends l’intention, mais en réalité, il rétrécit le périmètre défini par la commission, au lieu de l’élargir. Si nous adoptons cet amendement en l’état, deux notions seront supprimées : les terroirs viticoles et les traditions locales. Ce n’est pas acceptable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Lorsque nous avions discuté au Sénat de l’amendement portant sur la reconnaissance dans le patrimoine national de la viticulture et des paysages qui lui sont liés, j’avais envisagé la possibilité que s’ouvre ensuite un débat sur tous les produits connexes, qui sont également constitutifs de ce patrimoine : le cidre, l’armagnac, le calvados, l’hydromel, le chouchen, la chartreuse, la bière… Je connais bien le Nord et l’Est de la France, mais la bière évoque d’autres pays !

En définitive, il faut trouver la bonne formulation pour caractériser ce grand patrimoine gastronomique français, …

M. Thierry Benoit. Une voie de passage !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …, qui révèle tant de l’identité de nos terroirs. Dès lors, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée nationale. Si le ministre devait choisir, il sèmerait la controverse parmi les bancs, ce dont il s’est bien gardé jusqu’ici ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson et M. Nicolas Dhuicq. Cela s’arrose !

M. Jean-Frédéric Poisson. Le rapporteur change-t-il d’avis ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Non !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Vous nous aidez peu, monsieur le ministre ! Je comprends les explications du rapporteur. Pour ma part, je défends le cidre, au même titre que les vins et les bières. Le cidre comprend les poirés. Le compromis à trouver serait donc d’ajouter le cidre. C’est quasiment un amendement rédactionnel, monsieur le rapporteur ! (Rires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un amendement de précision !

M. Thierry Benoit. Une suspension de séance serait nécessaire pour trouver un compromis avec le ministre, car nous sommes une minorité constructive !

M. le président. Avant de faire droit à la demande de suspension de M. Benoit, je donne la parole à M. le rapporteur.

M. Germinal Peiro, rapporteur. J’écoute toujours M. Benoit avec grande attention. Si on arrive à trouver une rédaction telle que le grand oublié de ce que l’on a voté en commission puisse être rétabli, à savoir le cidre, j’y suis tout à fait favorable.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. Nos travaux sont suspendus pour cinq minutes.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Je vais vous donner lecture de l’amendement n1329, déposé par la commission et son rapporteur, tel qu’il a été rédigé, chacun y ayant apporté sa contribution :

« à l’alinéa 2, après le mot : « viticoles », insérer les mots : « les cidres et poirés, ». Je crois que cette rédaction répond aux objectifs de tous.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. M. le Fur est le seul président avec lequel on peut se poirer. (Sourires).

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Je veux remercier le ministre et le rapporteur, ainsi que vous, monsieur le président Le Fur, qui avez participé à la coconstruction de cette subtilité qui permet d’intégrer des produits nobles, et de graver dans le marbre les vins, les bières, les cidres, les poirés et produits spiritueux. Il s’agit de notre patrimoine culturel français dont nous sommes fiers.

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo, député de l’Orne.

M. Joaquim Pueyo. Je voudrais remercier pour leur bienveillance à la fois le Gouvernement et le rapporteur, et à m’associer aux propos de l’auteur de l’amendement no 853. Les cidres et les poirés constituent un très beau savoir-faire, et cela va mettre du baume au cœur de tous les producteurs qui font des efforts pour élaborer des produits de qualité.

M. le président. Au vu de cet accord, je propose à M. Benoit de retirer, bien sûr, l’amendement n853, au bénéfice, chacun l’aura compris, de l’amendement n1329.

(L’amendement n853 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Naturellement, je voulais avoir l’assurance que la bière soit bien retenue. En tout cas, après cette ode à la bière, je remercie tous les membres de la commission, dans un premier temps, et Mme Bonneton, qui avait accepté un sous-amendement, et aujourd’hui, dans un second temps, tous les membres de l’Assemblée qui ont accepté cette belle proposition patrimoniale et culturelle.

(L’amendement n1329 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

(La séance est levée à dix-neuf heures vingt-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly