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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 16 juillet 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Projet de loi de finances rectificative pour 2014

Seconde partie (suite)

Article 5 quater (suite)

Amendement no 99

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Amendements nos 37 , 58 , 78

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 44 , 61 , 42 , 80 , 97 , 45 , 88 , 98 , 106 , 104 , 85 , 40

Suspension et reprise de la séance

Article 5 quinquies

M. Thierry Mariani

M. Éric Woerth

M. Charles de Courson

M. Daniel Fasquelle

M. Olivier Faure

M. Christian Jacob

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Rappel au règlement

M. Olivier Faure

Article 5 quinquies (suite)

M. Patrick Ollier

M. Dominique Lefebvre

Mme Eva Sas

M. Jean-Pierre Decool

M. Philippe Vigier

M. Michel Piron

Mme Monique Rabin

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances

M. Frédéric Lefebvre

Rappel au règlement

M. Gérald Darmanin

Article 5 quinquies (suite)

Amendements nos 131 , 49 , 72

Article 5 sexies

Amendement no 86 rectifié

Articles 5 septies à 5 quindecies

Article 5 sexdecies

Amendement no 69

Article 5 septdecies

Article 5 octodecies

Article 6

Article 7

Article 8

Seconde délibération

Article 5 bis

Amendement no 1

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Claude Bartolone

2. Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Rappel au règlement

M. François Sauvadet

Présentation

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Motion de rejet préalable

M. Hervé Gaymard

M. Bernard Cazeneuve, ministre

M. Carlos Da Silva, rapporteur

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Marc Dolez

M. Hugues Fourage

M. Marc Laffineur

M. François Sauvadet

M. François de Rugy

Motion de renvoi en commission

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Bernard Cazeneuve, ministre

M. Carlos Da Silva, rapporteur

M. Alain Tourret

M. Marc Dolez

M. Sébastien Denaja

M. Étienne Blanc

M. Michel Piron

M. Paul Molac

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de finances rectificative pour 2014

Nouvelle lecture (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances rectificative pour 2014 (nos 2109, 2124).

Seconde partie (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles de la seconde partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n99 à l’article 5 quater.

Article 5 quater (suite)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n99. La parole est à M. François André pour le soutenir.

M. François André. Cet amendement fait suite à ceux que je défendais hier soir avant que notre séance ne soit levée – nuitamment. Il concerne le versement transport, dont le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire a exonéré la totalité des entreprises du secteur. Il en résulte un manque à gagner très important pour les autorités organisatrices de transport, dont pâtira le financement des transports publics, dont nous avons eu l’occasion de mesurer, au cours d’autres débats, combien notre pays et nos collectivités ont besoin.

Cet amendement vise donc à rétablir quelque peu la situation, en limitant l’exonération aux associations et fondations d’utilité publique. Il permettra aussi de sécuriser les règles de financement du versement transport pour les collectivités et les autorités organisatrices de transport.

M. Guy-Michel Chauveau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour donner l’avis de la commission.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission a donné un avis défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons qu’à l’amendement n46 dont nous avons débattu hier soir.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Le Gouvernement considère qu’il faut s’en tenir à l’équilibre du texte adopté en première lecture. Cet amendement réserverait de fait l’exonération aux associations d’utilité publique à but non lucratif répondant à trois critères de gestion, de bénévolat et d’absence de participation des usagers. Le Gouvernement donnera un avis favorable à des amendements ultérieurs mais celui-ci restreint plutôt le champ de l’exonération, ce à quoi nous sommes défavorables.

(L’amendement n99 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 37, 58 et 78.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n37.

M. Marc Le Fur. Nous avons été alertés sur une disposition du texte initial du projet de loi de finances rectificative. Extrêmement pénalisante pour les associations, les fondations et tous ceux qui s’investissent notamment dans le monde du handicap, cette disposition va à l’encontre d’une tradition constante en matière de versement transport, dont ces structures étaient en effet jusqu’à présent exonérées, conformément d’ailleurs à la logique de la loi de 2005, qui devrait nous rassembler. Or, cette exonération va être supprimée. Nous en avons été alertés par l’UNAPEI, par l’UNIOPSS, par la Fédération des APAJH et l’ensemble du monde du handicap. Ce qui se passe en ce moment dans cet hémicycle est extrêmement grave.

D’un côté, le Gouvernement nous présente un projet de loi très fumeux sur l’économie sociale et solidaire, tandis que de l’autre, il prend des dispositions allant à l’encontre de la logique de ce secteur. Ainsi ces associations, ces coopératives ne sont pas éligibles au crédit d’impôt compétitivité emploi, ce qui représente pour elles un préjudice considérable. Vous les excluez des aides dont bénéficient les entreprises de structure capitaliste mais les assujettissez en revanche, comme les autres, au versement transport. Vous ne pouvez pas avoir un double discours, l’un que vous tenez à l’occasion de débats très théoriques sur l’économie sociale et solidaire, l’autre, très négatif, que vous tenez en d’autres occasions et qui vous conduit à porter gravement préjudice aux associations et aux fondations, notamment celles qui s’investissent auprès du monde du handicap.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n58.

Mme Jeanine Dubié. Cette disposition, adoptée en première lecture à l’initiative de nos collègues Yves Blein et Régis Juanico, modifie les dispositions relatives à l’exonération du versement transport dont bénéficient certaines associations et fondations. Cette mesure va à l’encontre des nouvelles bases d’exonération proposées récemment au Sénat aux articles 7 et 40 AFA du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, en cours de navette.

Une ambiguïté doit aussi être levée. Les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux sous tarification publique ne verront pas leur financement augmenter mécaniquement à hauteur de la charge nouvelle résultant pour eux de ces nouvelles dispositions. En effet, l’enveloppe nationale, régionale ou départementale qu’ils reçoivent est opposable : leur budget est encadré par les autorités de tarification. Ou bien ils ont un budget moyen à la place ou bien encore leurs tarifs sont plafonnés et ils sont soumis à la convergence tarifaire. Tout plaide pour que ces établissements continuent d’être exonérés de versement transport dès lors qu’il s’agit d’associations ou de fondations œuvrant dans le secteur sanitaire, social et médico-social. J’ajoute qu’aucune concertation n’a eu lieu avec les parties alors même que le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire est toujours en cours de navette.

L’objet de l’amendement n58 et de l’amendement n97 à venir, si vous m’autorisez, monsieur le président, à le défendre en même temps, est de ramener le secteur sanitaire, social et médico-social dans le périmètre de l’exonération. Cela est d’autant plus nécessaire que les établissements et services concernés sont pénalisés par leur non-éligibilité au CICE.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n78.

M. Frédéric Lefebvre. Permettez-moi de sortir un instant du sujet, monsieur le secrétaire d’État. Nous avions évoqué en première lecture de ce PLFR la question des bourses pour les élèves scolarisés à l’étranger. Je sais que mon collègue Thierry Mariani a défendu hier un amendement important à ce sujet. J’en parle car je rentre de Washington…

Plusieurs députés du groupe SRC . Ah !

M. Frédéric Lefebvre. …où j’ai pu mesure l’inquiétude de nos compatriotes à la veille de la rentrée scolaire. Je souhaitais m’en faire l’écho dans l’hémicycle à l’occasion de l’examen de ce texte en nouvelle lecture.

Pour en revenir à l’amendement en question, déjà excellemment défendu, j’ajouterai seulement que chacun a visiblement cru que l’assujettissement des structures sanitaires, sociales et médico-sociales à la taxe transport – on l’appelle versement transport, mais ce n’est rien d’autre qu’une taxe, un impôt – serait compensé par une augmentation corrélative de leurs recettes. C’est oublier que les budgets de ces structures sont sous enveloppe nationale, régionale ou départementale limitative. Tous ces acteurs s’en trouveront donc immédiatement pénalisés dans leur action au profit de nos compatriotes. C’est pourquoi il serait sage que nous décidions, ensemble, de rétablir l’exonération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a étudié ces amendements au regard des trois critères cumulatifs ouvrant droit à exonération du versement transport : but non lucratif, reconnaissance d’utilité publique, exercice d’une activité à caractère social. C’est sur ce troisième critère qu’en 2002, la Cour de cassation a cassé les exonérations pouvant bénéficier à des établissements au motif que ce critère « d’activité à caractère social » n’était pas systématiquement reconnu pour certains établissements, notamment d’accueil de personnes âgées. Avec le texte aujourd’hui proposé, le Gouvernement souhaite une clarification afin de lever toute ambiguïté. Dans certaines régions, certains établissements seraient exonérées qui ne le seraient pas dans d’autres, au motif que la clarification nécessaire n’était pas jusqu’à présent totalement opérée. C’est au regard à la fois de la jurisprudence de la Cour de cassation et de la clarification apportée par le Gouvernement que notre commission a rejeté ces amendements.

Je comprends bien les arguments d’un certain nombre d’associations qui nous disent : « nous ne bénéficierons plus des mêmes exonérations qu’avant ». Mais il faut préciser qu’elles n’en bénéficiaient que dans certaines régions, pas partout. En effet, en France, il y avait une disparité de traitement.

J’espère que ces éléments vous permettront de comprendre plus précisément notre position. Ils ne donnent pas totalement raison à votre amendement : c’est pourquoi la commission s’est prononcée défavorablement à ces amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage entièrement l’analyse très précise faite par Mme la rapporteure générale. L’article 5 quater a pour but de sécuriser des exonérations dans un contexte assez compliqué. Vous vous saisissez de cette opportunité pour aller au-delà, et demandez d’étendre le champ de l’exonération. Cette demande peut être considérée comme légitime ; toujours est-il que les tarifs pratiqués dans ces maisons pour personnes âgées ou handicapées sont fixés soit par les départements, soit par l’État, exceptionnellement par les régions. Le ministère des affaires sociales, saisi de ce sujet, a confirmé qu’il est tenu compte de ces tarifs. Mme la rapporteure générale faisait référence il y a quelques instants à une décision de justice : si cette jurisprudence entraînait des évolutions, il est évident que le tarif d’hébergement en tiendrait compte, sans quoi elles pourraient être perçues comme pénalisantes.

Le Gouvernement n’est donc pas favorable à ces amendements identiques qui étendraient outre mesure le champ de l’exonération, contrairement à l’esprit de l’article 5 quater.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le ministre tient des propos rassurants, tandis que la rapporteure générale tient des propos confus !

Mme Sophie Dessus et Mme Marie-Hélène Fabre. Oh !

M. Marc Le Fur. Pour ma part, un certain nombre de gens m’ont alerté. Ce sont des personnes crédibles : les responsables de la Croix-Rouge, de l’UNAFEI, de l’UNIOPSS, de la FNARS. Toutes ces associations sont investies dans le monde du handicap et sont très inquiètes de ce qui prépare. Cela nous rappelle d’ailleurs que vous avez déclaré grande cause nationale pour cette année l’engagement associatif. Paradoxalement, vous risquez de porter préjudice à ce type d’activité. Je crois qu’il serait bon de revenir à la situation antérieure, de ne pas appliquer le versement transport au monde associatif, en particulier à ceux qui s’engagent en faveur des personnes handicapées.

Il ne faut pas multiplier les difficultés pour ce type d’associations. Je vous rappelle, de plus, qu’elles ne bénéficient pas du CICE, non plus que les coopératives – cela vous rappellera peut-être d’autres débats, monsieur le secrétaire d’État ! Il faut en finir avec le double discours : d’un côté, vous tenez des propos sympathiques à l’égard du monde associatif, de l’autre, vous prenez des dispositions fiscales qui ont pour effet de les banaliser et vous faites peser sur elles les mêmes contraintes fiscales que sur les entreprises.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Excusez-moi, chers collègues du groupe UMP, mais ma position sur ce sujet est diamétralement opposée à la vôtre. Quel est le fondement de toutes ces exonérations ? Plus vous exonérez, plus ceux qui ne sont pas exonérés payent, car le coût du transport ne varie pas ! Nous sommes dans une situation de pénurie budgétaire et tous les membres de cette Assemblée sont d’accord pour dire qu’il faut développer les réseaux de transports publics dans les agglomérations : est-ce donc bien le moment de faire des exonérations ?

Une autre difficulté apparaît dans nos débats : où faire passer la limite ? Pourquoi les uns seraient-ils exonérés, et pas les autres ? En concédant des exonérations, vous allez susciter des hostilités entre les uns et les autres !

Vous avez tous lu l’alinéa 15 de cet article 5 quater. Il prévoit déjà de nombreuses exonérations. Les autorités compétentes peuvent même, par délibération, élargir le champ de ces exonérations – tenez-vous bien – aux « associations à but non lucratif affiliées à une association reconnue d’utilité publique ». Qu’est-ce que cela veut dire, une association « affiliée » ? Les associations n’ont pas de filiales ! Cela signifie que toute association payant une cotisation de dix euros à une fédération est considérée comme affiliée et peut bénéficier de l’exonération, sous réserve d’une délibération de l’organisme compétent. Écoutez, cela n’est pas raisonnable !

Le vrai combat, ce n’est pas d’étendre le champ des exonérations, mais de le réduire, voire de supprimer ces exonérations qui sont dénuées de fondement ! Je suis désolé de perturber la belle harmonie de ce débat où tout le monde est d’accord pour augmenter toujours un peu plus le nombre de bénéficiaires des exonérations, au détriment des autres assujettis. Les entreprises, les hôpitaux… tout le monde paye ce versement transport !

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Tout d’abord, je voudrais dire à notre collègue Marc Le Fur que s’il avait bien suivi les discussions du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, il saurait que nous avons adopté quinze mesures favorables à la vie associative. Ce texte est actuellement examiné par une commission mixte paritaire.

M. Marc Le Fur. Et le CICE ?

M. Régis Juanico. J’y viens !

Nous avons ainsi adopté des mesures de sécurisation financière, juridique, administrative, des mesures de simplification, de reconnaissance de l’engagement associatif et du bénévolat. Nous avons aussi pris des mesures fiscales, comme la baisse de la taxe sur les salaires, qui représente 350 millions d’euros pour les associations qui emploient moins de vingt salariés. Yves Blein et moi avions souhaité faire un geste sur la question du versement. C’était un amendement de nature fiscale : il valait donc mieux prendre cette mesure dans le cadre d’un PLFR. Il faut bien voir que cette mesure vise à mettre fin à une situation d’insécurité fiscale.

Que se passe-t-il depuis 1971 ? Les associations reconnues d’utilité publique à vocation d’utilité sociale sont exonérées, sous certaines conditions, du versement transport. Les associations affiliées aussi sont exonérées, sans que la nature du lien d’affiliation soit précisément définie. Cette absence de définition a entraîné des contentieux ces dernières années, notamment à cause de l’interprétation de l’URSSAF. Des associations ont subi des pénalités, qui les ont mises en situation de redressement financier.

Cet article de clarification a pour objectif de mettre fin à une situation d’insécurité fiscale qui pénalise les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Il précise donc le périmètre de l’exonération dont bénéficient ces associations : d’une part, les associations reconnues d’utilité publique seront de droit exonérées du versement transport ; d’autre part, les associations affiliées pourront être exonérées sur décision des autorités organisatrices de transport.

D’un côté, le GART – groupement des autorités responsables de transport – et les AOT – autorités organisatrices de transport – nous disent : ces exonérations représentent pour nous un manque à gagner car elles diminuent nos recettes. Il faut cependant dire qu’elles n’ont jamais perçu ces recettes : il y avait une exonération de fait. D’un autre côté, les associations s’inquiètent. J’espère que nous pourrons travailler avec le Gouvernement, sur la base de l’amendement que j’ai mentionné, pour clarifier complètement la situation d’ici le 1er janvier 2015 et rassurer tout le monde.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Je comprends bien les arguments avancés par mes collègues.

Monsieur le ministre, vous avez dit que les enveloppes budgétaires seront réajustées. Je ne peux pas le croire ! Prenons, par exemple, pour ce qui concerne l’aide aux personnes âgées, le renouvellement des conventions tripartites. Ces conventions durent cinq ans ; à la fin de cette période, elles doivent être renouvelées, et revues par l’ARS et les conseils généraux. Aujourd’hui, on ne compte plus le nombre d’établissements dont on ne peut pas renouveler la convention tripartite, tout simplement parce que les crédits de médicalisation, les dotations des ARS ne sont pas suffisants. En attendant de trouver les fonds nécessaires pour renouveler la convention tripartite de ces établissements, on continue à signer des avenants pendant une ou deux années. Je pense qu’il était utile de préciser ce point.

Pour ce qui concerne le champ du secteur public et de la vie associative, je crois que nous devons nous méfier. Certes, il y a eu une amélioration : l’exonération de la taxe sur les salaires a été portée à 20 000 euros, de manière à compenser le fait que le CICE ne s’applique pas au secteur non lucratif. Cependant, pour les grosses associations, cette mesure ne compense pas du tout la différence de traitement par rapport au secteur lucratif. Le PLFRSS va encore accroître cette différence de traitement, car les réductions de charges sociales patronales prévues pour les salaires entre 1 et 1,6 SMIC ne s’appliqueront pas au monde associatif ni au secteur public.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je comprends tout à fait l’argument développé par notre collègue Charles-Amédée de Courson. Je rappelle cependant ce que j’ai dit il y a quelques instants : nous sommes dans le cadre d’enveloppes limitatives, de budgets moyens à la place, de tarifs plafonds et de convergences tarifaires.

C’est pour cela, monsieur le ministre, que nous avons besoin de précisions supplémentaires par rapport à ce que vous avez dit tout à l’heure. Nous ne sommes pas assurés que l’État rendra le système plus souple. De plus, une autre difficulté se pose avec la question de la dépense sociale : vous le savez, vous qui êtes chargé des comptes publics. Il ne faut donc pas raconter d’histoires à nos compatriotes – je ne dis pas que vous le faites, bien au contraire.

Ce sujet est important, car il concerne des services rendus à la population. Cette taxe pose question – j’ai bien compris l’argument développé par Charles-Amédée de Courson à cet égard. Nous devons savoir comment seront traités les organismes concernés, car les crédits correspondant sont inclus dans des enveloppes limitatives, et soumis à des plafonds. Nous avons besoin de clarté sur ces points.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je serai bref. Il faut dire que nous sommes en pleine incohérence, si ce n’est en pleine schizophrénie ! Depuis dix ans, des centaines d’amendements ont été déposés pour augmenter le versement transport. Depuis dix ans, il n’y a pas eu de séance consacrée à l’examen d’un texte budgétaire sans que l’un de nos collègues ne dénonce la multiplication des niches fiscales. Or que se passe-t-il sur ce sujet ?

Le versement transport n’est pas suffisant, à l’heure actuelle, pour couvrir le développement des transports publics, qui est extrêmement coûteux. Les transports publics sont tous, en effet, structurellement déficitaires. Il faut donc protéger à tout prix la recette qu’assure le versement transport.

Revenons-en à la finalité de ce prélèvement. Pourquoi avons-nous mis en place le versement transport ? Nous avons tenu le raisonnement suivant : puisque l’employeur profite indirectement des transports publics grâce auxquels ses salariés se rendent à leur travail, il doit contribuer à leur financement.

M. Olivier Faure. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Comme Charles de Courson l’a dit il y a un instant, les montants qui ne seront pas payés par les bénéficiaires d’exonérations seront payés par les entreprises qui sont, elles, assujetties. Pourtant, nous dénonçons tous, sur tous les bancs de cet hémicycle, le caractère excessif des charges qui pèsent sur les entreprises. Je crois que nous devons toujours conserver à l’esprit la finalité du versement transport : il sert à financer le fonctionnement des transports collectifs. Nous sommes tous d’accord avec le développement de ces transports collectifs : il faut donc préserver ces recettes.

Frédéric Lefebvre a très bien posé la question : si cela entraîne des coûts pour telle ou telle catégorie, alors il faudra les compenser par ailleurs, notamment au niveau du prix de journée.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je confirme ce que j’ai dit tout à l’heure, puisque vous le mettez en doute.

La fixation des prix de journée par les départements, par l’État, n’est pas une opération simple. Les différents acteurs dialoguent pour prendre en compte les coûts réels afférents à la prestation, dans un souci global de maîtrise de la dépense.

Si certains établissements appliquent de façon plus rigoureuse les règles, non pas à cause d’une décision nouvelle, mais parce que des jugements les ont interprétées dans un sens plus strict, il est évident que des problèmes se poseront. Tel est le fond du problème. Je pense que les établissements concernés pourront faire passer ce message. Les élus des départements comprendront ces difficultés, et en tiendront compte. Le ministère des affaires sociales me l’a confirmé. L’application plus rigoureuse du droit par l’administration entraîne des déséquilibres : le ministère en a conscience.

L’article 5 quater, lui, répondait à un autre souci. L’élargissement du champ n’est pas l’objet de cet article, et posera d’autres problèmes : sur ce point, je vous engage à lire les quotidiens sortis cet après-midi.

(Les amendements identiques nos 37, 58 et 78 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n44.

M. Marc Le Fur. Cet amendement traite du même sujet que les précédents : l’exonération du versement transport pour les associations qui s’investissent dans le monde du handicap.

Vous soutenez qu’en exonérant certains on fera payer davantage les autres, mais cet argument ne tient pas, car une telle affirmation vaut pour l’ensemble des dispositifs fiscaux.

M. Marc Goua. Eh oui !

M. Marc Le Fur. Chaque fois qu’on réduit la pression fiscale sur une catégorie, on peut tenir le même propos.

Par ailleurs, le monde du handicap sera redevable du versement transport alors même qu’il n’en bénéficie pas. En effet, ce sont souvent les associations d’aide aux personnes handicapées qui assurent elles-mêmes le transport de celles-ci, en permettant notamment à celles qui peuvent travailler dans des ateliers protégés ou des structures associatives de rejoindre leur lieu d’activité.

Une fois de plus, je considère que cette économie réalisée au détriment des associations, en cette prétendue année du bénévolat, est malvenue. De toute façon, vous gérez très mal cette affaire depuis le début. Votre gestion du CICE, en particulier, a été très mal perçue par le monde associatif. J’ai d’autres exemples encore, monsieur le secrétaire d’État : les exonérations dont bénéficiaient certains territoires pour le monde associatif disparaissent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Puisqu’il s’agit du même sujet et du même débat, l’avis du Gouvernement est également défavorable.

(L’amendement n44 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir l’amendement n61.

M. Régis Juanico. Je souhaite tout d’abord répondre à nouveau à mon collègue Marc Le Fur sur la question du CICE.

Je ne peux pas laisser passer l’argument de l’équité fiscale et sociale. En effet, dans le rapport que Laurent Grandguillaume, Yves Blein, Jérôme Guedj et moi-même avons rédigé sur la fiscalité du secteur non lucratif, nous avons démontré, de manière étayée, qu’il n’y avait pas de distorsion de concurrence significative entre, d’une part, le secteur non lucratif, qui ne bénéficie pas du CICE, d’autre part, le secteur lucratif, qui en bénéficie.

Que changera la présente disposition ? Jusqu’à présent, les associations du secteur médico-social bénéficiaient d’une exonération du versement transport du fait d’une tolérance ; rien n’empêche aujourd’hui les autorités organisatrices de transports de reconduire cette démarche, comme l’expliquait le Gouvernement voilà quelques instants. Il n’y aura donc pas de grand changement.

Quant à l’amendement n61, il vise à corriger une erreur rédactionnelle afin de redonner à ces alinéas toute leur portée normative. Il s’agit en particulier de permettre à toutes les associations non reconnues d’utilité publique, mais qui respectent les critères de l’exonération de droit, d’entrer dans le périmètre des associations coordonnées ou soutenues par une association ou une fondation reconnue d’utilité publique. C’est notamment le cas de grands réseaux associatifs comme la Ligue de l’enseignement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement tient à remercier les auteurs de l’amendement, qui permet non pas l’extension proposée dans les précédents amendements mais une coordination : les têtes de réseau des établissements exonérés pourront l’être également. L’avis est donc favorable.

M. Dominique Lefebvre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. J’aimerais simplement répondre à notre collègue Régis Juanico.

Quelle est la perte pour les associations ? L’an dernier, en ne bénéficiant pas du CICE, elles ont perdu l’équivalent de 4 % de la masse salariale.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Elles n’ont rien perdu !

M. Marc Le Fur. Cette année, elles perdent l’équivalent de 6 % de la masse salariale – je considère ici la masse salariale calculée au titre du CICE, j’en conviens – et ce sera la même chose l’an prochain ; vous le voyez, la perte est considérable !

Vous affirmez avoir limité celle-ci au moyen d’un abattement de la taxe sur les salaires, puisque c’est le bricolage que vous avez imaginé.

M. Alain Fauré et M. Dominique Baert. Ce n’est pas du bricolage !

M. Marc Le Fur. Cependant, quand nous rencontrons les associations et que nous travaillons avec leurs comptables, ces derniers nous démontrent très précisément que la perte est importante. Au mieux, ce que vous faites avec la taxe sur les salaires correspond à un facteur 1 quand la perte est d’un facteur 2. N’allez donc pas dire, monsieur Juanico, que vous avez réparé votre sottise initiale !

Si, au lieu d’appliquer le CICE, vous aviez maintenu la solution que nous avions adoptée lorsque nous étions aux affaires, c’est-à-dire la baisse des charges, celle-ci aurait bénéficié à l’ensemble des entreprises tant capitalistes qu’associatives ou coopératives. Nous aurions alors évité une grande difficulté, dont vous ne parvenez pas à vous dépêtrer.

(L’amendement n61 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 42, 80 et 97.

La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n42.

M. Frédéric Reiss. Nous proposons pas cet amendement, qui concerne toujours le même sujet, d’ajouter après l’alinéa 25 de l’article 5 quater l’alinéa suivant : « a bis) Elles sont assurées par un établissement privé non lucratif visé aux b et c de l’article L. 162-22-6 du code de la Sécurité sociale ou par un établissement social ou médico-social visé par l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, géré par une association ou une fondation remplissant les conditions posées au a et qui ne bénéficie pas du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, visé à l’article 66 de la loi n2012-1 510 du 29 décembre 2012 de finances rectificative pour 2012 ; ».

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n80.

M. Frédéric Lefebvre. Puisqu’il a été largement débattu sur le fond, je considère que cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n97.

Mme Jeanine Dubié. Il a été défendu.

(Les amendements identiques nos 42, 80 et 97, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n45.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu.

(L’amendement n45, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 88, 98 et 106, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 98 et 106 sont identiques.

La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n88.

M. Frédéric Lefebvre. Nous avons évoqué tout à l’heure les contentieux ; le présent amendement vise à insérer des dispositions transitoires pour les contentieux en cours.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n98.

Mme Jeanine Dubié. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n106.

M. Frédéric Reiss. Il est défendu.

(L’amendement n88, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 98 et 106, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n104.

Mme Jeanine Dubié. Il est défendu.

(L’amendement n104, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 85 et 40.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n85.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je laisse la parole à l’un des auteurs de l’amendement n40 pour rappeler l’objet de ces amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n40.

M. Éric Alauzet. Une incertitude relative demeure quant à l’impact des modifications de l’exonération de versement transport sur un certain nombre d’associations ; je pense notamment au secteur médico-social. Nous proposons donc par cet amendement que le Gouvernement remette au Parlement avant la fin de l’année un rapport sur l’impact de cette décision sur les associations.

Permettez-moi d’ajouter que je ne suis néanmoins pas insensible aux arguments que M. Charles de Courson a développés, même s’il ne s’agissait pas des mêmes caisses. Sur ces questions-là, chacun doit être responsabilisé. La responsabilisation et la transparence imposent à chacun de payer son écot, quitte à trouver des dispositions permettant d’équilibrer la balance au bout du compte pour que chaque association puisse mener son activité dans de bonnes conditions. Nous avons pu constater dans les collectivités locales que l’eau et le chauffage étaient gratuits pour les associations, même si cela a tendance à changer. Il faut vraiment remettre de l’ordre dans tout cela.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission ayant adopté un amendement identique, elle est évidemment favorable à celui qui vient d’être présenté. Pour toutes les raisons qui ont été évoquées au cours de ce débat, il importe en effet que le Gouvernement délivre un bilan d’étape après la mise en œuvre de la présente mesure de manière à clarifier son impact, même si le délai que nous proposons est assez court.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est sensible à ces arguments et toujours soucieux d’apporter toutes les précisions possibles. Son avis sur ces amendements identiques est donc favorable.

(Les amendements identiques nos 40 et 85 sont adoptés.)

(L’article 5 quater, amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Sur la base de l’article 58, alinéa 3 du règlement, je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 5 quinquies

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, inscrit à l’article.

M. Thierry Mariani. Je salue le retour des députés socialistes. C’est un plaisir de se retrouver ! (Sourires.) Hier, la suspension a été plus longue – j’espère que vous aurez trouvé cette fois un accord !

Également inséré par voie d’amendement, le présent article affecte une nouvelle fois le secteur touristique. En effet, il vise à créer une taxe régionale de séjour, affectée à l’Île-de-France, d’un montant de deux euros, dont le produit serait fléché sur le financement des transports.

Certes, la nécessité d’améliorer le système des transports en Île-de-France implique de trouver de nouveaux financements. Cependant, la taxe de séjour ne peut pas constituer l’unique réponse à ce problème ! Même si le débat est légitime, je regrette vivement la précipitation dont fait preuve une fois de plus votre majorité.

M. Dominique Baert. Au moins, elle fait quelque chose !

M. Thierry Mariani. De surcroît, l’absence de concertation fait que les dispositifs proposés sont préjudiciables au secteur touristique français. Une concertation aurait permis d’établir le lien entre la fiscalité des hébergements touristiques et la contribution au besoin de financement des transports en Île-de-France.

Par ailleurs, j’appelle votre attention sur les difficultés d’ordre technique qu’impliquerait l’article instaurant une taxe sur les hébergements touristiques de la région Île-de-France. En effet, le recouvrement de cette taxe de « contribution transports » reposerait sur l’ensemble des communes d’Île-de-France. Or la plupart des communes ne sont pas classées comme communes touristiques et leurs hébergements touristiques n’appliquent pas la taxe de séjour communale. Le recouvrement de cette nouvelle taxe par des communes ne disposant pas des outils adéquats pourrait s’avérer très compliqué.

Au lieu d’adopter un compromis élaboré sur un coin de table, il semblerait plus sage de prendre le temps de la concertation et de réexaminer en profondeur la réforme de la fiscalité des hébergements touristiques – c’est d’ailleurs l’engagement qu’a pris le ministre des affaires étrangères lors des Assises du tourisme. J’espère que le vote d’aujourd’hui sera identique à celui d’hier soir, sur un sujet comparable.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je pense qu’il faut remettre la discussion, même si je conviens qu’il existe des problèmes de financement en Île-de-France, et plus généralement sur l’ensemble du territoire. Créer une taxe régionale additionnelle à la taxe de séjour – une surtaxe, ce qui effraie – dans un environnement fiscal et social chargé doit se faire avec une visibilité sur les conséquences éventuelles sur la compétitivité de l’industrie touristique.

Mais en réalité, ce débat n’a rien à voir avec la taxe de séjour. Il s’agit d’un problème, bien plus global, de financement de nos infrastructures.

Enfin, il existe un risque que cette surtaxe régionale ne s’étende par capillarité à toute la France, ce qui rendrait les choses encore plus compliquées. Pour toutes ces raisons, je soutiendrai l’amendement de suppression, qui invite à réfléchir sur les moyens de mieux financer les équipements en Île-de-France et, plus généralement, en France.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet article additionnel a été adopté en première lecture, à l’initiative de notre collègue Olivier Faure, malgré l’hésitation du Gouvernement qui s’en était remis à la sagesse de l’Assemblée.

Pourquoi faut-il supprimer cet article ? Personne ne conteste qu’il existe un sous-investissement dans les transports collectifs franciliens. Mais vouloir faire payer les touristes, en particulier les touristes étrangers ou français non domiciliés en Île-de-France, est aberrant ! Je rappelle que le troisième alinéa précise que sont exonérés les Franciliens, ce qui constitue une rupture d’égalité complète ! Chers collègues, réfléchissons aux moyens de mieux financer les transports parisiens, mais n’allons pas taxer une nouvelle fois les touristes non-résidents !

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Créer une taxe supplémentaire serait une très mauvaise idée. Vous ne pouvez pas d’un côté déclarer sur des chaînes télévisées que vous aimez et soutenez les entreprises et de l’autre, en catimini, leur imposer une taxe de plus, surtout dans un secteur aussi important que celui du tourisme qui représente 7 % du PIB et plus de 2 millions d’emplois. Il mérite autant d’attention que les autres secteurs de l’économie française d’autant plus qu’il est fragile. L’hôtellerie suppose des investissements très importants et beaucoup de personnels. M. de Rugy nous citait hier soir l’exemple d’une chambre d’hôtel parisienne fort coûteuse mais cela ne signifie pas que l’hôtel soit très rentable. Peugeot et Citroën ont construit des voitures qui coûtaient très cher mais qui leur ont fait perdre aussi beaucoup d’argent. Prenons garde à ce raisonnement simpliste.

Il est en revanche certain que les hôtels ont déjà dû subir le doublement de la TVA, la pression des agences de réservation en ligne, les OTA, comme Booking et Expedia, la concurrence à Paris de Airbnb. S’il faut trouver de l’argent, pourquoi ne pas faire payer ces opérateurs étrangers ou ces acteurs nouveaux sur le marché qui ne paient rien aujourd’hui ?

Un rapport a été remis à la commission des finances. Nous diligentons avec Pascale Got une mission au sein de la commission des affaires économiques sur ce sujet. Prenons le temps de tout mettre à plat dans un secteur d’activité économique qui est en plein bouleversement aujourd’hui et très fragile.

Je peux vous assurer, pour être souvent en contact avec eux, que les hôteliers ont très mal pris l’annonce de cette taxe supplémentaire alors qu’ils subissent déjà la crise économique, l’alourdissement de la fiscalité et surtout la pression des opérateurs en ligne car ils leur prennent l’essentiel de la valeur ajoutée qu’ils pourraient retirer de leurs hôtels.

Il serait urgent de mettre ce sujet entre parenthèses, d’aller au bout des rapports parlementaires. La sagesse commanderait de voter les amendements de suppression qui ont été déposés.

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. En effet, quel immense dommage pour l’industrie touristique que de subir une pression de l’ordre de 20 centimes pour les Formule 1 et jusqu’à 5 euros pour les palaces, pour des touristes qui ont déjà financé à hauteur de plusieurs milliers d’euros leurs billets d’avion et l’ensemble de leur séjour ! Il est bien évident qu’il serait préférable de faire payer d’autres acteurs, les usagers par exemple, n’est-ce pas ?

Vous n’avez pas compris qu’il faudra bien trouver cet argent à un moment ou à un autre. Il sortira soit de la poche des touristes, étrangers ou français, soit de celle des usagers. Pour le moment, les contribuables franciliens subventionnent les transports des touristes étrangers et français. Je ne parle pas seulement des transports que l’on utilise tous les jours, mais des TGV, de tous les trains de France et de Navarre qui arrivent dans cette région, des avions qui atterrissent à Orly ou Roissy. Les transports en Île-de-France ne sont pas seulement un enjeu francilien mais un enjeu national. Chacun doit prendre sa part de l’effort.

Je comprends bien tout ce qui vient d’être dit et je sais que les hôteliers sont mécontents. Peut-être devrions-nous prendre encore un peu le temps de discuter mais prenons garde à ne pas changer complètement l’assiette car il ne faudrait pas qu’au détour du retrait ou de la suppression d’un article, l’on exonère de toute charge le secteur de l’hôtellerie pour reporter demain l’effort sur l’usager du parking ou des transports en commun. D’autres mouvements pourraient alors naître et se révéler moins supportables. Nous devons tenir compte de l’acceptabilité sociale du coût des transports en Île-de-France et ailleurs.

Vous nous demandez de prendre du temps. Nous en prenons depuis longtemps. La mission Carrez date de 2009 et l’amendement que j’ai déposé avec un autre collègue de notre groupe en reprend les conclusions. Voilà cinq ans, en réalité, que nous réfléchissons, que nous nous répétons mais que rien ne se passe.

Je veux bien que le Gouvernement s’engage aujourd’hui mais qu’il le fasse clairement, sur une date, la loi de finances initiale pour 2015, et sur le fait que le financement ne reposera pas exclusivement sur le contribuable ou l’usager francilien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur Faure, l’objectif d’une telle disposition ne serait-il pas de faire fuir les touristes ? (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais voyons, cela vous gêne-t-il à ce point que j’intervienne à ce sujet ?

M. le président. La parole est à M. Jacob et à lui seul.

M. Christian Jacob. Monsieur Faure, vous venez vous-même de déclarer qu’au prix où les touristes étrangers paient les chambres, ils ne sont plus à quelques euros près. Or, tous les hôteliers, quelle que soit la ville où ils se trouvent, cherchent à louer leurs chambres une nuit de plus, pour créer de l’activité et de l’emploi. Quand l’Île-de-France se retrouve en concurrence, chez les tour-opérateurs, avec Rome, Londres ou Barcelone, les négociations se font à la marge. C’est ainsi que l’on parvient à conquérir des parts de marché supplémentaires.

M. Olivier Faure. Mais c’est pareil chez eux !

M. Jean-Luc Laurent. Et les transports sont plus chers à l’étranger.

M. Christian Jacob. Par ailleurs, en Île-de-France, des sites touristiques peuvent se trouver à 45 kilomètres de la première gare de RER, à 70 kilomètres de la première gare du Grand Paris. Comment allez-vous expliquer que vous faites payer aux touristes une taxe supplémentaire pour financer des transports qui n’existent pas et qui n’existeront jamais ?

M. Olivier Faure. Ce n’est pas vrai ! C’est pour la Seine-et-Marne !

M. Christian Jacob. Monsieur Faure, vous venez de découvrir la Seine-et-Marne avec une circonscription dans laquelle vous êtes parachuté ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Olivier Faure. C’est honteux !

M. Christian Jacob. Venez habiter en Seine-et-Marne, vous découvrirez alors ce beau département et vous pourrez parler de ces sujets !

M. Olivier Faure. Moi, j’y vis, pas vous !

M. Christian Jacob. Le troisième site le plus visité d’Île-de-France, que je connais bien, se trouve à 45 kilomètres de la première gare RER et 70 kilomètres de la première et hypothétique gare du Grand Paris ! C’est cela, la réalité !

M. Olivier Faure. Honteux ! Zéro !

M. Christian Jacob. Dès lors, vous ne pouvez pas vouloir faire payer davantage les touristes, qui sont une source d’emplois pour les Franciliens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. Et vous l’applaudissez !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Compte tenu de la longueur des discussions de la nuit précédente et de cet après-midi, je voudrais donner immédiatement la position du Gouvernement même s’il est sain et normal que le Parlement débatte.

Le Gouvernement a entendu les demandes relatives au financement même si un certain nombre de sujets doivent encore être travaillés, en particulier celui des opérateurs, auquel aucun amendement, pour le moment, ne permet de répondre.

M. Daniel Fasquelle. C’est vrai.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Par ailleurs, une phase de concertation peut encore se poursuivre. Elle a déjà eu lieu entre des parlementaires et les représentants de la profession dans le cadre des travaux préparatoires. Au vu des réactions de ces derniers jours, il conviendrait de la poursuivre.

Le Gouvernement confirme sa volonté de revisiter, en concertation avec le Parlement, la taxe de séjour, ses modalités de recouvrement et son assiette, dès la loi de finances initiale pour 2015, sur la base des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle et de ceux conduits par les différents groupes.

S’agissant de la question très générale du financement des infrastructures de transport, nous avons largement débattu cette nuit du produit du péage de transit, dans notre pays, en particulier en Île-de-France.

M. Henri Emmanuelli. Ailleurs aussi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement s’engage, à la suite du Premier ministre qui s’est exprimé ce matin en conseil des ministres et devrait faire un communiqué, à prendre, dans le cadre de l’examen de la loi de finances initiale pour 2015 les dispositions nécessaires pour assurer le financement annuel de 140 millions d’euros des infrastructures de transport parisiennes.

M. Henri Emmanuelli. Et les autres ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai confirmé cette nuit que nous proposerions des mesures pour compléter le financement de l’AFITF, qui n’est assuré que jusqu’à la fin de cette année. La ministre des transports s’est exprimée à ce sujet et le Gouvernement apportera des précisions et des dates en loi de finances initiale.

Voilà les engagements que le Gouvernement comptait prendre devant vous : dégager 140 millions d’euros en loi de finances initiale grâce à différents financements auxquels a réfléchi, en particulier, la mission d’évaluation et de contrôle du Parlement.

Ces précisions permettront, non pas de clore le débat, car le Parlement reste libre de discuter et le Gouvernement se tient à sa disposition, mais de le situer dans un contexte où les engagements sont clairement pris et datés. Je ne défendrai pas à nouveau l’amendement de suppression qui vous sera proposé.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure, pour un rappel au règlement.

M. Olivier Faure. Je voudrais revenir sur les propos de M. Jacob pour un fait personnel.

M. Patrick Ollier. Les faits personnels ont lieu à la fin de la séance !

M. Olivier Faure. J’essaierai de relever le débat et de ne pas me montrer aussi démagogique que vous, monsieur Jacob. Il y a une différence entre nous : ce matin, j’ai pris le RER, pas vous. Je sais donc de quoi je parle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Par ailleurs, si vous aviez pris la peine de réviser le sujet, monsieur Jacob, vous auriez compris la différence entre les mesures que vous avez prises lorsque vous étiez aux affaires et celles adoptées l’an passé sous le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Entre le Grand Paris et le nouveau Grand Paris, il y a non seulement ce grand réseau express auquel vous venez de faire référence et qui ne desservira pas Provins mais aussi la rénovation de tout le réseau existant. Nous avons besoin de 140 millions chaque année pour financer le nouveau Grand Paris qui comprendra le grand métro express mais aussi la rénovation du réseau actuel. Aujourd’hui, vous êtes tous simplement en train de tirer sur tous ceux qui vous ont fait confiance jusqu’à présent.



Article 5 quinquies (suite)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. S’agissant de la procédure, monsieur le président, je ferai simplement remarquer que les faits personnels doivent être signalés en fin de séance.

M. le président. Il s’agissait d’un rappel au règlement, monsieur Ollier.

M. Patrick Ollier. Non, il ne s’agissait pas d’un rappel au règlement !

M. le président. Que celui ou celle qui n’a jamais détourné un rappel au règlement de son objet lui jette la première pierre…

M. Patrick Ollier. Vous avez le droit d’interrompre les députés et de les remettre à leur place, monsieur le président.

M. le président. Voici un sage conseil, monsieur Ollier : je vous invite donc à poursuivre votre intervention.

M. Patrick Ollier. Ce débat m’étonne. Je constate que ceux qui vocifèrent contre les points de vue exprimés par MM. Jacob et Fasquelle n’ont aucune connaissance réelle des activités touristiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Launay. M. Ollier, lui, sait tout !

M. Patrick Ollier. Ma ville abrite un modeste site, celui du château de la Malmaison. Figurez-vous qu’il existe dans les communes de la première couronne parisienne des activités touristiques qui conduisent les élus à se battre auprès des opérateurs afin que les groupes venus du monde entier restent une nuit supplémentaire dans leur ville. Quel bonheur pour le gérant d’une petite hôtellerie familiale d’Île-de-France qui accueille un groupe de trente personnes pour une nuit de plus !

Il ne faut donc pas traiter l’activité touristique avec tant de distance et de mépris. Je comprends parfaitement que l’on veuille financer les moyens de transport, et je suis prêt à faire confiance au Gouvernement et au Premier ministre lui-même (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) qui, comme vous l’avez écrit, déclarait ceci le 9 juillet dernier : « Les engagements pris par le Gouvernement dans le cadre de la feuille de route du nouveau Grand Paris des transports seront tenus ». Vous venez d’ailleurs d’annoncer que les 140 millions d’euros seraient au rendez-vous.

Je préfère dès lors accorder ma confiance au Gouvernement qui a effectué les calculs de financement, plutôt que d’imaginer des subterfuges qui n’ont aucun rapport avec le fondement…

M. le président. Je vous remercie, monsieur Ollier.

M. Patrick Ollier. Je conclus, monsieur le président.

M. le président. Vous m’avez suggéré de faire respecter le règlement, et c’est ce que je fais : votre temps est écoulé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Ollier. Pourquoi m’imposer ce respect à moi et non pas aux autres ? La règle doit s’appliquer à tous ! Votre attitude est inadmissible, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Je commencerai par m’adresser à nos collègues qui siègent à la droite de l’hémicycle : après la nuit dernière, je suis de nouveau sidéré par l’inconséquence, l’irresponsabilité et, pour tout dire, la démagogie dont vous faites preuve. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) La mission parlementaire a démontré que la taxe de séjour est obsolète depuis longtemps. Or, en dix ans, vous n’avez rien fait. S’agissant du financement des infrastructures de transport en Île-de-France et au plan national, comme l’a montré le débat sur le SNIT, vous avez pris des engagements qui n’étaient pas financés. Arrivés aux responsabilités, nous prenons des mesures qui permettent de restaurer la compétitivité de la France et de réaliser ces objectifs.

Mme Marie-Christine Dalloz. En réenchantant le rêve ?

M. Dominique Lefebvre. J’ai entendu vos propos, monsieur le secrétaire d’État. La majorité parlementaire écoute le Gouvernement. Elle comprend qu’il estime nécessaire de conduire le dialogue avec les professionnels du tourisme à son terme et qu’il faut traiter les problèmes encore en souffrance, y compris grâce aux amendements que nous avons déposés en deuxième lecture sur le secteur numérique, par exemple.

Sous réserve de précisions complémentaires, je crois comprendre de vos propos que le Gouvernement entend lui aussi sa majorité parlementaire. Les questions qu’elle pose sont les suivantes : le financement des travaux d’infrastructure du Grand Paris Express seront-ils garantis à hauteur de 140 millions d’euros en loi de finances pour 2015 ? Vous vous y êtes engagé et nous vous faisons confiance.

La fiscalité des séjours sera-t-elle réformée ? À vous entendre, j’ai cru comprendre qu’elle serait réformée sur la base des travaux de la mission parlementaire et des propositions que la majorité socialiste formalisera dès le début du mois de septembre, en lien avec vous.

La troisième question nous sépare complètement de la droite de l’hémicycle : est-il normal que l’activité touristique participe aux côtés du contribuable national et de l’usager et du contribuable régionaux au financement d’infrastructures qui font l’attractivité du pays ? Notre réponse est oui, et je souhaite que vous le confirmiez. Ce n’est sans doute pas la seule source de financement, mais elle doit être mobilisée.

M. Christian Jacob. Les deux minutes de temps de parole sont écoulées !

M. Dominique Lefebvre. Nous devons trouver les moyens d’y parvenir…

M. le président. Je vous remercie, monsieur le député.

M. Dominique Lefebvre. … dans des conditions qui sont compatibles avec le développement du tourisme en Île-de-France.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Je commencerai par remercier M. Faure d’avoir proposé cette mesure et, surtout, par rendre hommage à son engagement sans faille auprès des Franciliens pour améliorer les transports publics du quotidien. De ce point de vue, j’estime que les propos tenus par M. Jacob étaient tout à fait déplacés. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Je tiens à rappeler l’absolue nécessité d’améliorer les transports en Île-de-France. Pour ce faire, nous avons besoin de moyens supplémentaires, avant tout afin d’améliorer le réseau existant. Dans la circonscription voisine de la mienne, six personnes ont payé de leur vie le vieillissement du réseau. C’est bien en Île-de-France, à Brétigny, que s’est produit un accident mortel dû au vieillissement du réseau et au manque d’investissements depuis plusieurs années. Il est urgent de reprendre les investissements consacrés au renouvellement du réseau.

D’autre part, nous avons besoin de moyens complémentaires pour que chacun puisse être transporté dans des conditions satisfaisantes, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui en Île-de-France.

Pourquoi cibler le secteur touristique ? Parce qu’il bénéficie directement du réseau de transport. La mesure proposée est tout à fait raisonnable, et nous la soutenons pleinement.

J’entends les engagements pris par M. le secrétaire d’État et nous veillerons à ce qu’ils soient tenus dans la loi de finances pour 2015. Je rappelle que le Président de la République a fait des transports du quotidien une priorité qui, je le crois, fait l’unanimité. Il faut désormais consacrer des moyens concrets à l’amélioration, à l’entretien et au développement du réseau : c’est une priorité absolue pour les Franciliens et pour l’ensemble des Français !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Nous avons consacré une part importante de ce débat à ces nouvelles taxes. Je veux bien admettre qu’il faille financer les infrastructures routières, mais je vous invite à envisager ce débat par un prisme différent. Alors que les familles françaises ne vivent pas dans l’opulence, je vous suggère de coller à la réalité du terrain : lorsqu’une famille prépare ses vacances, que fait-elle ?

M. Henri Emmanuelli. Ses valises ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Decool. Elle s’accorde un budget. Cela vous fait rire ? C’est pourtant le quotidien. Face à de nouvelles taxes, ce sont d’autres prestations qui ne pourront plus être proposées, notamment aux enfants. Je ne verse pas dans le sentimentalisme…

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Non, cela va de soi !

M. Jean-Pierre Decool. Je vous invite simplement à faire en sorte que la taxe ne tue pas la taxe. En tout état de cause, je m’opposerai dans l’intérêt des familles à la création de toutes ces nouvelles taxes !

M. Jean-Paul Bacquet. Quelle intervention !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. S’il existe un point sur lequel nous sommes tous d’accord, monsieur le secrétaire d’État, c’est le financement des infrastructures. Je commencerai par dire un mot du tourisme : il s’agit d’un secteur particulièrement performant, même si je reconnais que la comparaison avec d’autres capitales européennes ne plaide pas en faveur de Paris. Pour autant, ne sommes-nous pas ici pour conforter le succès de ce qui marche ? Ne devons-nous pas préserver le secteur touristique qui est un extraordinaire créateur d’emplois et de richesses dans la balance des paiements ?

Ensuite, M. Faure, que j’ai écouté avec beaucoup d’attention, nous dit vouloir instaurer une taxe dont les Franciliens seront exonérés. J’appelle votre attention sur un point : chacun sait qu’il n’existe plus de contrat de plan dans les régions de France. En matière de mobilité, l’enfant perdu desdits contrats, il existe dans chaque région des besoins considérables. Si l’on adoptait votre amendement, monsieur Faure, ces besoins croîtraient encore davantage dès demain, et vous ne pourrez pas empêcher les régions d’en faire état ! Vous devez comprendre que si 40 milliards sont nécessaires en Île-de-France, quelque cinq milliards le seront en Aquitaine et cinq autres dans la région Centre.

Enfin, l’UDI n’a pas changé : en 2011, lorsqu’une taxe sur les parcs d’attractions a été proposée au détour du budget, nous avons été de ceux qui l’ont refusée au motif que l’on ne procède pas ainsi à des réformes qui rapportent quelques dizaines de millions d’euros dans l’improvisation.

M. Henri Emmanuelli. Cela ne vous a pas empêché de voter le budget !

M. Philippe Vigier. Il faut donc absolument s’opposer à l’amendement présenté par M. Faure.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je commencerai pas une observation sur l’alinéa 3 de l’amendement portant article additionnel après l’article 5, qui indique que « la taxe de séjour régionale est établie sur les personnes qui ne sont pas domiciliées » en Île-de-France. La plaidoirie de M. Faure confirme que nous avons là un concentré de ce qu’est la centralisation payée par la province. Que répondrez-vous demain lorsqu’une taxe sera instaurée dans telle ou telle région en en exonérant les habitants ?

M. Pierre Lellouche. À Saumur, par exemple !

M. Michel Piron. Que répondrez-vous si l’Aquitaine lève une telle taxe en excluant les Aquitains ? Et la région Rhône-Alpes ? Quelle est donc cette manière de légiférer à l’échelle nationale en exonérant les utilisateurs franciliens d’une taxe qui ferait financer les transports d’Île-de-France par l’ensemble de la province ?

M. Alain Chrétien. C’est le retour de l’octroi !

M. Michel Piron. Il me semble que c’est choquant pour la représentation nationale. Un tel jacobinisme est non seulement exacerbé, mais aussi parfaitement aveugle à l’intérêt national !

M. le président. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Tout à l’heure, M. Jacob a donné le ton en essayant de nous diviser.

M. François Rochebloine. C’est déjà fait !

M. Alain Chrétien. Vous vous en chargez très bien tout seuls !

Mme Monique Rabin. Dans notre groupe politique, la province ne s’oppose ni à Paris ni à l’Île-de-France, et vice-versa.

M. Daniel Fasquelle. Il n’y a que les frondeurs qui s’opposent au Gouvernement !

Mme Monique Rabin. Si nous adoptons l’amendement du Gouvernement, ce que je vous encourage à faire, alors nous agirons ensemble pour trouver les solutions adaptées. Le débat a révélé que ces solutions doivent constituer un triptyque. Je rappelle qu’il s’agit d’une économie de 50 milliards d’euros, et que nous butons sur un montant de moins de 100 millions. Nous devrions donc aboutir à une solution.

Ledit triptyque concerne d’abord les transports, qui devraient être une priorité absolue de notre majorité de gauche. Comme l’a indiqué M. Faure lors de la dernière loi de finances, son amendement, inlassablement représenté, est un amendement d’appel. Il aboutira ; peut-être pas s’il ne s’appuie que sur la seule taxe de séjour, mais il aboutira car nous avons tous une responsabilité vis-à-vis de la région Île-de-France.

Le deuxième volet concerne les activités économiques. Il est important d’associer davantage les professionnels du tourisme. Certains d’entre nous ont eu le privilège de discuter avec eux dans le cadre de la MEC : j’ai rencontré des personnes responsables qui convenaient que la taxe de séjour n’avait pas augmenté depuis dix ans et que c’était anormal, mais qui souhaitaient participer à son évolution. Il faut tenir compte des forts besoins qui existent dans les secteurs les plus touristiques comme Paris, la Côte d’Azur ou encore Biarritz.

M. le président. Je vous remercie, madame la députée.

Mme Monique Rabin. Attendez : le troisième point du triptyque (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) concerne la question sociale.

M. le président. Votre temps de parole est écoulé, madame Rabin.

Mme Monique Rabin. Mais la politique familiale, ça compte !

M. Jean-Luc Laurent. Eh oui !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je suis très étonné par la vivacité de cette discussion qui, au contraire, devrait être consensuelle. En 2009 et en 2010, nous nous sommes tous mis d’accord pour jeter les bases du financement du réseau du Grand Paris. Le premier principe que nous avons posé, je le rappelle, était le suivant : le Grand Paris devait être payé exclusivement par la région Île-de-France, et il était hors de question de demander quelque financement que ce soit à la province, y compris à l’État sous forme de dotation budgétaire.

Dans ces conditions, nous avons imaginé plusieurs sources de financement. Il a tout d’abord été demandé une surtaxe aux ménages, monsieur Piron. Depuis quatre ans, sous la précédente majorité donc, chaque habitant de l’Île-de-France a, sur sa feuille annuelle de taxe d’habitation, une taxe complémentaire appelée taxe spéciale d’équipement. On a aussi demandé un effort particulier aux entreprises, par le biais de la taxe sur les bureaux. Et, dans le rapport que j’avais fait à l’époque, j’avais souligné qu’il convenait également de trouver un financement à partir des hébergements, dans la mesure où la qualité des transports en Île-de-France est un élément fondamental de l’attractivité touristique de notre région. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. François de Rugy. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Si nous n’avions pas mis en avant le prolongement du RER au-delà de Marne-la-Vallée, le projet Disney se serait installé à Barcelone ou à Londres. C’est dire à quel point les transports sont essentiels. (Mêmes mouvements.)

Éric Woerth et Monique Rabin ont engagé un travail d’une grande qualité, et je leur fais confiance. Lorsque les tensions seront apaisées sur ce sujet difficile, nous devrons, dans l’équité, trouver des financements. Je compte sur nos collègues pour faire des propositions que nous pourrons discuter plus sereinement à l’automne prochain, à l’occasion de l’examen de la loi de finances pour 2015. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)



M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Un pour, un contre !

M. le président. Mes chers collègues, nous n’en sommes pas encore aux amendements. Le règlement prévoit que tous les députés qui le souhaitent peuvent s’inscrire sur les articles, pour une durée de deux minutes.

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le président, je serai bref, car j’interviendrai ensuite sur mon amendement de suppression. Je voudrais juste souligner notre capacité, dans cet hémicycle, à transformer en problème droite-gauche une question qui pourtant ne nous oppose en rien sur le plan politique, comme le prouvent les dernières interventions de nos collègues, comme Gilles Carrez ou Monique Rabin, qui a d’ailleurs conduit un rapport avec M. Woerth.

Nous pourrions donc discuter de manière apaisée sur cet important sujet de prospective. Il n’est pas absurde, je le dis d’autant plus facilement que j’ai été en charge du tourisme, de se poser la question de la hausse des taxes de séjour. Mais il faut d’abord associer à la démarche le ministre en charge de la question, Laurent Fabius, ce qui n’est pas le cas. Il a d’ailleurs réagi publiquement pour le dire. Il faut ensuite y associer les professionnels du tourisme, et Dieu sait que cela n’a pas été le cas ! Il faut aussi que les parlementaires, de droite comme de gauche, qui travaillent dans cet hémicycle y soient associés.

Il faut, enfin, se poser la question de l’affectation de la taxe. S’agissant, par exemple, de la liaison Roissy-Paris, on peut se demander s’il faut une contribution des touristes à ce mode de transport. Mais ce qui est inacceptable, c’est de partir à la recherche de recettes de poche, sans se poser la question de l’affectation et de l’équilibre d’un secteur aujourd’hui florissant dans notre pays.

M. le président. Nous en arrivons aux amendements.

Sur les amendements identiques nos 131, 49 et 72, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour un rappel au règlement.

M. Gérald Darmanin. Monsieur le président, mon rappel se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement. J’observe que nos collègues de gauche semblent s’énerver devant votre façon de présider.

M. Michel Vergnier. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Gérald Darmanin. En tant que membre du groupe UMP, je veux leur dire, notamment à M. Emmanuelli, qui vociférait contre vous, monsieur le président, que la présidence, même lorsqu’elle n’est pas du même bord politique que le sien, doit être respectée.

M. Dominique Baert. C’est M. Ollier qui a été le plus désagréable !

M. Gérald Darmanin. M. Ollier s’est vu rappeler le règlement. Il faut aussi le rappeler à nos collègues de la majorité.

Article 5 quinquies (suite)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 131, 49 et 72, tendant à supprimer l’article 5 quinquies.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n131.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement a déjà été présenté. Je pense avoir apporté à l’ensemble des parlementaires toutes les précisions qu’ils attendaient.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n49.

M. Frédéric Lefebvre. Voici une nouvelle preuve que nous n’avons aucune raison de nous opposer violemment dans ce débat : j’ai déposé un amendement de suppression il y a quelques jours, et le Gouvernement a déposé le même à son tour ! Cela montre que nous pouvons tous nous retrouver sur ce sujet.

J’ai entendu M. Faure évoquer la question du tourisme dans notre pays et comparer les tarifs des transports à Paris et en région parisienne avec ceux d’autres capitales touristiques européennes. Mais nous devons aussi nous interroger sur la compétitivité de Paris par rapport à d’autres capitales sur des questions comme l’ouverture des grands magasins le dimanche, par exemple. Voilà un sujet majeur pour les acteurs du tourisme !

Aujourd’hui, toutes ces questions doivent être mises sur la table. Le Gouvernement et les parlementaires doivent y réfléchir avec les acteurs du tourisme. Ce n’est qu’après une telle discussion que nous pourrons aboutir à une solution équilibrée qui soit favorable à la fois aux acteurs du tourisme et à ceux des transports. Je ne doute pas que chacun d’entre puisse alors s’y rallier.

Mais nous n’en sommes pas là. C’est pourquoi il est indispensable de supprimer ce dispositif, adopté un peu hâtivement, avec l’accord du Gouvernement, en première lecture.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n72.

M. Charles de Courson. Nous sommes pour la suppression de l’article 5 quinquies. Nous devons réfléchir d’ici à la prochaine loi de finances au financement de toutes les régions de France en matière de transports collectifs – car l’Île-de-France n’est pas la seule région à en avoir !

M. François Rochebloine et M. Philippe Vigier. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission n’a pas examiné cet amendement proposé par le Gouvernement. Compte tenu des engagements qui ont été pris en termes de délais pour la prochaine loi de finances, à l’automne prochain, et des montants qui ont été précisés par le Premier ministre et par le secrétaire d’État chargé du budget, j’émets un avis favorable.

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le ministre, le groupe SRC prend acte de votre engagement à réformer dans la loi de finances pour 2015 la fiscalité touristique et à inscrire les sommes nécessaires à la réalisation du réseau de transports francilien, à hauteur de 140 millions d’euros. Nous prenons également acte du fait que la fiscalité touristique fera partie des modes de financement de ce réseau.

Pour permettre à la concertation avec le monde professionnel, lequel doit aussi balayer devant sa porte, comme cela a été dit, de s’achever, nous acceptons de reporter ce débat à la loi de finances pour 2015. Le groupe SRC vous fera part de ses propositions dès le début du mois de septembre.

M. Olivier Faure. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Monsieur Lefebvre, vous avez critiqué la manière dont nous nous opposions à cette surtaxe, mais vous vous êtes tiré vous-même une balle dans le pied : il a fallu, hier soir, une mobilisation totale sur les bancs de droite et du centre pour aider le Gouvernement à éviter une augmentation de la taxe de séjour, que vous vouliez faire passer, je le rappelle, de 1,5 à 8 euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Charles de Courson. C’est vrai !

M. Jean-François Lamour. En gros, vous avez voulu associer la réforme de la taxe de séjour, qui est nécessaire, comme Mme Rabin et M. Woerth l’ont démontré dans leur rapport, et le financement d’un réseau de transports, sujet évoqué depuis de nombreuses années par Gilles Carrez.

M. Jean-Marc Germain. Vous ne prenez jamais les transports en commun !

M. Jean-François Lamour. Mais vous y avez ajouté, et c’est là votre erreur, le renflouement des caisses de la Ville de Paris, car il manque 400 millions d’euros à Mme Hidalgo pour boucler son budget. Il ne faut pas vous étonner que l’on s’y oppose et que l’on ne puisse pas sereinement parler d’un sujet crucial pour Paris, pour la métropole et pour la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Marc Germain. Prenez donc le RER de temps en temps, on en reparlera !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 131, 49 et 72.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants109
Nombre de suffrages exprimés102
Majorité absolue52
Pour l’adoption92
contre10

(Les amendements identiques nos 131, 49 et 72 sont adoptés et l’article 5 quinquies est supprimé.)

Article 5 sexies

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n86 rectifié.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Favorable.

(L’amendement n86 rectifié est adopté.)

(L’article 5 sexies, amendé, est adopté.)

Articles 5 septies à 5 quindecies

(Les articles 5 septies à 5 quindecies, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

Article 5 sexdecies

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n69.

M. Charles de Courson. Comme vous le savez, mes chers collègues, les hausses très importantes de l’impôt sur le revenu ont entraîné, pour certains contribuables, non seulement d’être assujettis à l’IR, mais aussi de ne plus être exonérés de choses comme la taxe d’habitation ou la redevance par exemple. La majorité a mis en place un dispositif, mais trop limité en la matière.

Notre amendement propose donc que toutes les personnes qui sont devenues imposables du fait des mesures nouvelles augmentant l’assiette, dont les trois principales sont la suppression des allégements sociaux attachés aux heures supplémentaires, la suppression de l’exonération d’IR sur les majorations de retraite ou de pension pour charges de famille et la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé, conservent leur exonération antérieure de taxe d’habitation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable. Le Gouvernement est même fortement hostile à l’amendement de M. de Courson, qui d’ailleurs propose le contraire de ce que, je crois, il désirait.

M. Dominique Lefebvre. Ça lui arrive souvent !

M. Dominique Baert. C’est un acte manqué !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il réserve en effet la prolongation de l’exonération aux seuls foyers qui seraient nouvellement imposables. Le Gouvernement, quant à lui, propose que ceux qui ont bénéficié de la mesure en 2014 au titre des revenus de 2013 continuent à en bénéficier en 2015 au titre des revenus de 2014, en plus de ceux qui deviendraient imposables. L’amendement de M. de Courson est donc plus restrictif que l’article du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Si j’ai bien compris, monsieur le secrétaire d’État, la mesure proposée par cet article est temporaire. Le problème ressurgira donc dans un an. Pourriez-vous, avant que nous ne passions au vote, le confirmer à la représentation nationale ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement proposera bien sûr une mesure pérenne dans le cadre de la loi de finances initiale. La mesure mise en place ici vaut pour 2014, au titre des revenus de l’année 2013.

(L’amendement n69 n’est pas adopté.)

(L’article 5 sexdecies est adopté.)

Article 5 septdecies

(L’article 5 septdecies est adopté.)

Article 5 octodecies

(L’article 5 octodecies est adopté.)

Article 6

M. le président. La commission a supprimé l’article 6.

Article 7

(L’article 7 est adopté.)

Article 8

(L’article 8 est adopté.)

Seconde délibération

M. le président. En application de l’article 79 alinéa 6 du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 5 bis.

Article 5 bis

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n1.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je tiens à vous rassurer d’emblée, mesdames et messieurs les députés : cette seconde délibération est d’ordre technique et ne remet pas en cause une décision prise par votre assemblée, comme c’est parfois le cas. Le service de la séance, et je le remercie pour sa vigilance, a décelé à l’article 5 bis tel qu’il a été adopté par votre assemblée une erreur matérielle qu’il nous appartient de corriger.

Cet article donc substitue à l’écotaxe le péage de transit des poids lourds. Il prévoyait qu’un seul et même décret précise les critères de seuil d’assujettissement et la liste des routes concernées. Mais lorsque nous avons, après avoir longuement débattu de la question, précisé le seuil d’assujettissement dans la loi, nous avons du même coup fait disparaître la mention du décret – auquel il est d’ailleurs toujours fait référence plus avant dans le texte ! Afin de corriger cette erreur matérielle, il suffit de rédiger l’alinéa 8 comme suit : « Un décret fixe la liste des routes et autoroutes mentionnées au 1° du I ». Qu’on me pardonne si je n’ai pas été parfaitement clair !

M. Dominique Baert. C’est très clair !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comme nos débats touchent à leur fin, je remercie l’ensemble des parlementaires ainsi que la présidence et les services de l’Assemblée de la qualité du travail qui nous a occupés de longues heures et je vous propose, mesdames et messieurs les députés, d’adopter en seconde délibération l’amendement n1.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission, bien évidemment, n’a pas examiné cet amendement mais pour toutes les raisons évoquées par M. le ministre, j’émets un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Nous n’allons pas rouvrir le débat de la nuit dernière.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pourquoi pas ? C’est dommage !

M. Guillaume Larrivé. Néanmoins, cette seconde délibération, sur un amendement de correction, ne fait que souligner à nouveau toutes les difficultés que vous avez, monsieur le ministre, à vous extraire de la question de l’incompétence négative, que ceux qui viendront à nous lire interpréteront comme il se doit.

(L’amendement n1 est adopté.)

(L’article 5 bis, amendé, est adopté.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2014.

M. Frédéric Lefebvre. Je m’abstiens !

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Claude Bartolone.)

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est reprise.

2

Délimitation des régions et modification du calendrier électoral

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat.

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral (nos 2100, 2120, 2106).

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de trente heures.

Chaque groupe dispose des temps de parole suivants : huit heures vingt pour le groupe SRC, douze heures vingt-cinq pour le groupe UMP, trois heures trente-cinq pour le groupe UDI, une heure cinquante-cinq pour le groupe écologiste, une heure cinquante-cinq pour le groupe RRDP, une heure cinquante pour le groupe GDR, les députés non inscrits disposant de quarante minutes.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour un rappel au règlement.

M. François Sauvadet. Je m’étonne des conditions dans lesquelles nous abordons ce débat et je les déplore.

M. Marc Dolez. Absolument !

M. François Sauvadet. Nous commençons maintenant, en fin d’après-midi, nous nous interromprons ce soir le temps d’un texte de commission mixte paritaire, nous reprendrons ensuite… Il s’agit de conditions de travail incroyables pour un parlement moderne et un gouvernement qui se veut respectueux de ses travaux. Et nous apprenons même que la carte que nous aurons à examiner, depuis une réunion du groupe socialiste, n’est plus celle qui a été présentée initialement ! Je m’insurge, monsieur le président, contre ces conditions de travail. Ce ne sont pas celles d’une démocratie respectueuse du travail parlementaire. Je tenais à le signaler avant que M. le ministre ne s’exprime sur ce sujet gravissime pour le pays. La France n’est pas un jeu de Lego ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. Je vous ai entendu, monsieur Sauvadet. Je vous fais néanmoins observer que l’ordre du jour n’a pas été modifié à la dernière minute. Il est possible que la Conférence des présidents ait fait une erreur, ce dont je prends ma part de responsabilité, mais l’ordre du jour est stabilisé depuis maintenant plusieurs…

Plusieurs députés du groupe UMP . Heures !

M. Alain Chrétien. Minutes !

M. le président. Jours ! À présent, chers collègues, je donne la parole à M. le ministre de l’intérieur.

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous abordons cet après-midi l’examen d’un texte dont le député Sauvadet a eu raison de dire qu’il est important.

M. Jacques Myard. Catastrophique !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il concerne l’avenir de nos collectivités territoriales et a fait l’objet de nombreuses interventions médiatiques, de toutes les sensibilités. Il importe donc d’en aborder l’examen avec le souci partagé de la sérénité. Il s’agit en effet d’un texte important, portant réforme de l’organisation de nos régions, qui s’inscrit dans le cadre d’une réforme très large destinée à réorganiser nos collectivités territoriales. La préoccupation qui le sous-tend confère à la réforme son sens profond et constitue simultanément sa cohérence.

Le premier point sur lequel j’insisterai est le point essentiel : le sentiment de relégation que connaissent un certain nombre de nos territoires. On y sent depuis des années, par-delà les alternances politiques et les sensibilités présidant au gouvernement de notre pays, que les collectivités sont mal armées pour faire face aux défis de demain.

Des territoires ruraux craignent de se trouver abandonnés, et la diminution des emplois publics au sein de l’administration déconcentrée de l’État au cours des dernières années a considérablement accentué ce sentiment. La puissance publique, qu’elle soit locale ou d’État, se trouve dans une sorte d’aporie, ce qui cause une crainte sourde, qui s’exprime parfois avec violence dans les territoires : la crainte de l’abandon et de la relégation, la crainte de ne pouvoir profiter des atouts qui mènent au développement, à l’emploi et à la croissance. Cette crainte de la relégation, nous devons l’avoir à l’esprit comme une exigence, comme une question sérieuse et lancinante à laquelle nous nous devons d’apporter une réponse. Et tel est précisément l’objectif de la réforme territoriale dans laquelle nous sommes engagés.

Le deuxième point sur lequel je voudrais insister est l’extraordinaire complexité du tissu de nos collectivités territoriales. De nombreuses collectivités exercent aujourd’hui des compétences semblables ou connexes à celles de l’État. Plusieurs niveaux de collectivités exercent par ailleurs des compétences qui se superposent, si bien que la lisibilité de l’ensemble n’est pas accessible à l’entendement du plus grand nombre. Face à ce paysage local, nos concitoyens aspirent à une simplification. Ils nous le disent, lorsque nous nous rendons dans les territoires qui nous ont fait confiance : ils expriment un extraordinaire besoin de comprendre, un extraordinaire besoin de simplification, un besoin fort d’efficacité.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas le cas avec ce texte !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Outre la nécessité de renforcer les services publics pour éviter la relégation et de simplifier le paysage de nos collectivités, il importe également, et c’est mon troisième point, de donner à nos collectivités locales la puissance qui leur sera nécessaire pour faire face aux enjeux de demain. L’expression « millefeuille territorial », d’ailleurs galvaudée, signifie pour nombre de Français que la complexité du tissu local et l’incapacité à mutualiser les frais de fonctionnement privent nos collectivités de la possibilité d’investir dans les infrastructures qui feront la compétitivité de l’économie de demain et dans les filières d’excellence qui font la croissance dans nos territoires.

Peur de la relégation, enchevêtrement des compétences et complexité du paysage local, nécessité de mieux armer nos collectivités locales pour qu’elles investissent dans le développement économique et créent les conditions de la croissance qui fera les emplois de demain, telles sont les raisons pour lesquelles nous avons voulu engager cette réforme territoriale. Celle-ci constitue effectivement, comme l’a dit François Sauvadet dans son rappel au règlement, une urgence et une nécessité, et elle appelle un débat profond, sérieux, respectueux de la sensibilité de chacun et des points de vue qui s’exprimeront dans cet hémicycle. C’est dans cet esprit de respect, et avec la volonté de faire aboutir cette réforme en trouvant, avec vous tous, un bon point d’équilibre, que le Gouvernement aborde ce débat.

Depuis que le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a indiqué le chemin, en disant que cette réforme devait être mise sur le métier et aller à son terme, certains incitent le Gouvernement à prendre son temps. Il faudrait des études supplémentaires et des concertations multiples, il faudrait qu’à la faveur de symposiums, d’états généraux, de concertations longues et de Grenelle à répétition, nous puissions conclure qu’il est encore temps d’attendre et qu’il n’est pas nécessaire de décider aujourd’hui. Je suis pourtant convaincu que chacun de vous, sur quelque banc qu’il siège, a bien conscience de l’urgence. Le Gouvernement a décidé de ne pas attendre davantage. Il a décidé de décider.

M. Gérald Darmanin. Superbe !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il a décidé de mettre sur le métier une réforme qu’il ne présente pas pour solde de tout compte, à prendre ou à laisser, mais comme une proposition dont il revient au Parlement de s’emparer, pour faire vivre et donner corps à une réforme ambitieuse.

Quelle est cette réforme ? Quel est son contenu ? Quels sont les grandes orientations, les grands principes, les grandes idées qui structurent le projet que nous présentons devant l’Assemblée nationale et le Sénat pour moderniser nos collectivités territoriales et nos services publics dans les territoires ?

Premièrement, nous avons la conviction qu’il est nécessaire de créer des régions fortes. Nous ne faisons pas une réforme parce que c’est à la mode, ou pour faire la démonstration que nous sommes modernes ; ni parce que la réforme serait la condition de la réalisation des économies dont, du reste, nous avons grandement besoin. Non ! Si nous décidons de créer ces grandes régions, c’est parce que nous avons la conviction que, dans l’Europe actuelle et compte tenu de ce que sont les atouts de nos territoires, ces grandes régions donneront à nos filières d’excellence et aux infrastructures dont nous avons besoin l’opportunité de croître et de prospérer.

Beaucoup de choses ont déjà été faites, au cours des dernières années,…

M. Jacques Myard. Malheureusement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …sous l’impulsion de gouvernements de sensibilités différentes et il est toujours important, lorsqu’on veut réussir une réforme, de reconnaître ce qui est imputable à chacun, avec la plus grande honnêteté. Il n’est pas nécessaire de vociférer, monsieur Myard : vous conviendrez que, dès lors que nous convoquons l’honnêteté et non la politique dans ce qu’elle a de pire, il nous est possible de tomber d’accord.

M. Jacques Myard. Pas là-dessus !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Lorsque le gouvernement précédent, ou plutôt le pénultième, a décidé de mettre en place les pôles de compétitivité, pour assurer, dans les territoires où il existait des filières d’excellence, des centres de recherche et de transferts de technologie, le passage de l’innovation et de la recherche fondamentale vers nos industries, afin de les faire monter en gamme et d’améliorer leur compétitivité, il a fait œuvre utile. Lorsqu’il a estimé que ces pôles de compétitivité justifiaient que les régions se rassemblent, pour que nous disposions de territoires adaptés à nos ambitions industrielles, favorables au développement de la recherche et de l’innovation, il a eu raison.

Nous nous proposons de parachever cela, en rendant possible, dans la loi, le rassemblement et la fusion de régions. Nous voulons créer les conditions d’une mutualisation de leur fonctionnement et leur donner des marges de manœuvre pour investir davantage. Nous avons la volonté résolue de moderniser notre territoire, non pas, je le répète, par une sorte de sacralisation de la réforme, mais parce que nous voulons apporter la démonstration que, dans ce mouvement des territoires, une extraordinaire opportunité est offerte à notre économie de se moderniser, de conforter ses atouts, de faire monter en gamme ses productions et d’assurer la compétitivité de nos territoires, qui ont besoin de connaître la croissance et l’emploi pour donner à chacun de ceux qui y vivent la chance d’accéder à un avenir.

M. Jacques Myard. C’est archifaux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tel est l’esprit de cette réforme : créer des régions dont la dimension permette à notre pays de rassembler ses atouts pour gagner la bataille de la croissance, de l’emploi et de la compétitivité.

M. Jean-Pierre Vigier. Ce n’est pas gagné !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Lorsque nous rassemblons par exemple les régions Auvergne et Rhône-Alpes, nous donnons une chance supplémentaire au grand projet Clara, le Cancéropôle Lyon-Auvergne-Rhône-Alpes, de compter davantage en France et en Europe et d’amplifier ses résultats et nous affirmons ainsi nos atouts en matière scientifique et médicale.

M. Hervé Gaymard. Bien sûr…

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il en est de même lorsque, autour du pôle Fibres, à Épinal, nous créons les conditions d’une coopération plus large entre les régions de l’Est de la France. Il en est de même lorsque nous rassemblons les Normandie. Il y a dans cette salle, je les vois, des élus normands.

M. Alain Tourret. Oui ! Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous donnons au pôle automobile Mov’eo une chance de développer les équipementiers du secteur automobile qui ont souffert de la crise et d’assurer un transfert de technologies entre les centres de recherche et les industries.

M. Jacques Myard. Et que faites-vous de l’intérêt national ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Notre préoccupation n’est pas identitaire. Elle n’est pas de sacraliser la réforme pour la réforme. Notre préoccupation est simple : avoir des régions de dimension européenne pour créer les conditions de la compétitivité, de l’emploi et de la croissance. Nous faisons là un acte fort en faveur de la modernisation de notre pays. Nous le faisons avec conviction, et avec la volonté de rassembler le plus grand nombre d’entre vous autour de cet objectif. Nous le faisons d’abord et avant tout, par-delà toute autre considération, avec le souci de l’intérêt général. Lorsqu’un pays est confronté à une crise aussi profonde que celle que nous connaissons depuis tant d’années, il est du devoir d’un gouvernement qui veut l’en faire sortir de présenter des projets qui rassemblent…

M. Jean-Pierre Vigier. Ce n’est pas gagné !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …par-delà les différences qui existent entre les bancs de cet hémicycle, des projets qui créent les conditions de la modernisation du territoire et donc de la sortie de crise.

M. Jacques Myard. C’est un retour en arrière !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous entreprenons aussi cette réforme parce que nous regardons ce qui se passe partout ailleurs en Europe. Les régions françaises comptent en moyenne 2,6 millions d’habitants, alors que les Länder allemands en comptent environ 5,2 millions et les régions italiennes, à l’exception des régions à statut particulier, un peu plus de 4,5 millions.

M. Jacques Myard. C’est faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Lorsque nous aurons réalisé cette réforme, nos régions seront dans la moyenne des autres pays de l’Union européenne. Et, même si la taille n’est pas tout, nous aurons donné à nos régions une chance d’être fortifiées et confortées en Europe.

M. Jacques Myard. Des petits au Gouvernement ! Nous sommes au moins d’accord sur ce point !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. C’est vrai, la taille n’est pas tout. Jacques Myard et moi le pensons, et nous avons raison ! (Sourires.)

D’autres atouts sont susceptibles de conforter des dynamiques, dans les territoires comme dans cet hémicycle. Ceci étant, dans le rapport qu’il a fait avec Yves Krattinger, Jean-Pierre Raffarin a insisté sur le fait que, si la taille n’est pas tout, elle doit néanmoins être traitée. C’est ce que nous faisons aussi à travers ce texte, et il importe de le faire, compte tenu des contraintes qui existent à l’échelle européenne. Faire de grandes régions : tel est notre premier objectif.



Nous devons, deuxièmement, clarifier les compétences des collectivités locales. Tel est l’objectif du texte que Marylise Lebranchu et André Vallini présenteront devant vous dans quelques semaines. Cette clarification des compétences est une nécessité pour assurer une gestion plus souple des personnels dans les collectivités territoriales, pour faire en sorte que les doublons et les enchevêtrements ne soient plus la règle mais l’exception, et pour que l’organisation territoriale soit plus lisible pour les citoyens.



Nous voulons, troisièmement, faire monter en puissance les intercommunalités, dans la continuité de ce qui a été accompli au cours des trente dernières années par le biais notamment de textes de loi présentés par les ministres Jean-Pierre Chevènement et Pierre Joxe. Ces textes furent importants pour le développement de l’intercommunalité : grâce à eux, l’émiettement communal a cédé la place à des articulations et à des mutualisations qui ont permis au tissu communal d’investir davantage dans les services publics dont le pays avait besoin. En portant le seuil de l’intercommunalité à 20 000 habitants, nous créons des moyens nouveaux de mutualisation alors que la Cour des comptes vient de pointer l’augmentation des frais de fonctionnement des intercommunalités, à laquelle nous devons réagir. Donner aux intercommunalités un seuil nouveau et les moyens de mutualiser davantage leurs frais de fonctionnement, c’est une des conditions pour réussir les investissements dont le pays a besoin.



Nous voulons, enfin, faire monter en puissance l’administration déconcentrée de l’État dans les territoires, car le sentiment de relégation qui s’exprime, notamment en milieu rural – j’en ai parlé avec un certain nombre d’entre vous, de toutes sensibilités – est lié à la crainte de voir l’État s’effacer davantage encore. Chacun, élu ou citoyen, a bien conscience que la réforme de l’administration territoriale de l’État et la révision générale des politiques publiques ont conduit l’administration déconcentrée de l’État à une aporie. Cela donne aux citoyens le sentiment d’un éloignement des services publics et accroît considérablement la crainte de la relégation.



Si nous avons de grandes régions, nous devons avoir une administration déconcentrée de l’État au plus près des territoires, au niveau départemental. Nous devons le faire non pas en confortant l’administration déconcentrée de l’État au plan départemental en prenant des pouvoirs aux collectivités locales qui ont bénéficié de la décentralisation, car ce serait une forme de recentralisation dont personne ici ne voudrait, mais en faisant en sorte que les pouvoirs de l’administration déconcentrée de l’État et ses moyens, au plus près des territoires, soient assurés par un transfert de moyens et de compétences de l’État central vers l’État déconcentré.



Nous devons le faire en donnant davantage de pouvoir au préfet. Nous devons le faire en donnant davantage de place aux logiques et aux impulsions interministérielles. Nous devons le faire en introduisant davantage de souplesse dans la gestion des effectifs locaux. Nous devons aussi le faire en améliorant la fongibilité entre les budgets gérés localement par les préfets, afin de répondre au mieux aux attentes des territoires dont vous êtes les représentants ici en même temps que vous êtes les représentants de la nation, puisqu’un certain nombre d’entre vous exercent des responsabilités locales.



M. Jean-Pierre Vigier. Combien de temps encore ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous êtes donc parfaitement conscients de la nécessité d’éviter la relégation notamment des milieux ruraux en créant des conditions favorables à une administration déconcentrée, c’est-à-dire à des services publics plus forts, plus présents, davantage à la disposition des territoires qui ont besoin des moyens de leur développement.

C’est lorsque nous aurons mené l’ensemble de ces chantiers, d’ici à la fin du quinquennat, que se posera la question des conseils départementaux. Voilà la cohérence de la réforme, sa force, ses articulations, son ambition. Si le Premier ministre a indiqué dans son discours de politique générale que la question des conseils départementaux ne se poserait pas avant l’horizon 2020, c’est précisément parce qu’il existe un rythme, une logique, un phasage de la réforme territoriale que nous engageons.

M. Philippe Vigier. Habile !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela doit nous conduire à n’envisager le rôle des conseils départementaux qu’après que la réforme se sera stabilisée, de manière à s’assurer qu’aucune décision ne sera prise unilatéralement sans que vous ainsi que les grandes associations d’élus n’y soyez associés.

M. Serge Grouard. C’est une bonne nouvelle !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. En effet, cela viendrait accroître les fractures et la relégation qu’un certain nombre de territoires redoutent.

Nous avons donc une ambition, une cohérence, une méthode qui ne laisse rien au hasard et donne toute la place au dialogue et à la concertation avec la représentation nationale et les territoires.

M. Marc Dolez. Ça, il faut oser le dire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. S’il est un sujet sur lequel nous devons et nous pouvons coproduire une réforme, c’est bien celui de la réforme territoriale, parce qu’il y a urgence, parce que notre pays est en crise et parce que nous pouvons souhaiter ensemble assurer les conditions du redressement. Pour toutes ces raisons, il existe une place pour coproduire ce dont notre pays à besoin, dans l’urgence. Voilà le sens de ce que nous voulons faire.

Je voudrais, mesdames et messieurs les députés, revenir sur les débats qui ont traversé l’espace public, qui ont été parfois vifs dans les médias, et répondre à un certain nombre d’interrogations précises qui méritent une réponse.

S’agissant tout d’abord de la carte… (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Gérald Darmanin. Laquelle ?

M. Olivier Marleix. Celle du PS ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. La carte que nous avons présentée au Sénat. Vous ne pouvez pas dire que cette carte n’était pas celle dont vous rêviez et réagir ainsi lorsque nous proposons de la modifier après vous avoir écouté ! Il faut savoir si vous souhaitez de la concertation, de la coproduction, du dialogue pour aboutir à une réforme qui rassemble le plus grand nombre dans cet hémicycle, ou si vous souhaitez rendre cette réforme impossible, comme les précédentes qui n’ont d’ailleurs jamais eu lieu, en faisant jouer les seules logiques de la politique dans ses formes et ses travers les plus classiques.

Nous, nous souhaitons écouter tous ceux qui sont dans cet hémicycle et qui peuvent apporter des ajouts et des modifications à notre copie, précisément parce qu’une réforme comme celle-ci aura d’autant plus de force qu’elle aura été coproduite et qu’elle fera vivre les compromis les plus forts.

Bref, nous avons présenté une carte au Sénat. Elle ne vous convenait pas. Mais existe-t-il une carte parfaite, qui épouse les contours et les logiques de la géographie, les méandres des fleuves, la beauté des montagnes, la richesse des prairies et des plaines, tout en répondant aux exigences de l’économie et des identités ? Si cette carte avait existé, pensez-vous, mesdames et messieurs les députés, qu’elle aurait échappé à l’entendement de ceux qui sont soutenus par la partie gauche de l’hémicycle et critiqués sans fin par la partie droite de l’hémicycle ?

M. François Sauvadet. Ce n’est pas la bonne méthode !

M. Christian Jacob. C’est une question de compétence, pas d’entendement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. En politique, il est d’usage de considérer ceux qui font partie de la majorité et s’emploient à réussir des réformes qui n’ont jamais abouti comme moins bien armés intellectuellement pour les concevoir que ceux qui n’y sont jamais arrivés. Et bien non, ce n’est pas comme cela que les choses se passent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Nous avons présenté une carte qui pouvait être débattue et qui, nous le savions, n’était pas parfaite. Nous sommes entrés au Sénat avec l’humilité de ceux prêts à discuter avec tous ceux qui sont disposés à faire réussir la réforme. C’était notre méthode, c’était notre ambition et j’espère qu’au terme de ce débat, ce sera notre réussite.

À ce point de mon propos, je veux remercier le président de la commission des lois, qui a permis que les débats aient lieu au sein de sa commission sans jamais occulter le moindre sujet qui méritait d’être abordé. Je veux également remercier le rapporteur Carlos Da Silva, qui a fait un travail absolument remarquable, ainsi que l’ensemble des parlementaires du groupe socialiste et tous ceux qui ont apporté leur contribution, de tous les groupes. Ils nous ont permis d’aborder ce débat avec des pistes nouvelles qui, nous l’espérons, seront autant de portes ouvertes sur des solutions, pour une réforme réussie.

En ce qui concerne la carte, le rapporteur a fait son travail en écoutant tous les membres de la commission des lois et tous les parlementaires qui se sont rapprochés de lui, toutes sensibilités confondues, pour qu’un équilibre soit trouvé. Cet équilibre fait écho aux interrogations que j’ai vu poindre dans la presse de la part de parlementaires de tous bords.

Tout d’abord, il a été proposé dans un premier amendement de rapprocher le Limousin de l’Aquitaine. Puis, d’autres parlementaires se sont exprimés, et nous les avons entendus. Ils sont d’ailleurs dans cet hémicycle. Ils souhaitaient que l’on rapproche aussi la région Poitou-Charentes de cet ensemble. N’est-ce pas M. Bussereau, n’est-ce pas Mme Batho ? Si un amendement est présenté dans cette intention, le Gouvernement l’examinera avec bienveillance, si une majorité permettant d’atteindre ce but se dégage. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Quéré. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. De la même manière, un certain nombre d’amendements ont été présentés, à la fois par la majorité et l’opposition, afin de faire émerger une région Grand Est, qui peut aussi avoir sa cohérence. Le Gouvernement est prêt à répondre favorablement à des amendements de ce type, présentés dans un souci d’intérêt général puisqu’ils émanent de tous les bancs et qu’ils permettraient de dégager un compromis.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’ai également entendu qu’il pourrait y avoir un rapprochement entre le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Si les conditions sont réunies pour que cela se fasse, le Gouvernement regardera la chose de façon positive.

M. Gérald Darmanin. L’avez-vous dit à Martine Aubry ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous ne sommes pas là pour penser à court terme, pour satisfaire untel ou untel, sur tel ou tel territoire. Il y a autant de points de vue sur une carte que de territoires depuis lesquels on la regarde. Dans chaque territoire, ayons l’honnêteté de le reconnaître, des élus, des configurations politiques, des équations notabiliaires peuvent conduire à exprimer une opinion plutôt qu’une autre.

M. Maurice Leroy. Il y a des barons et des baronnies !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Chaque opinion qui s’exprime peut donc avoir sa légitimité et être entendue. Mais si nous voulons réussir la réforme, il importe d’être capables, ici, au sein de la représentation nationale, avec un Gouvernement attentif, bienveillant et à l’écoute, de prendre en compte les seules logiques d’intérêt général pour faire émerger la meilleure carte possible de nos débats. C’est la volonté qui anime le Gouvernement au moment où s’engage le débat sur cette réforme territoriale. Et c’est parce que je suis convaincu que nous pouvons partager cette ambition que je suis également convaincu que nous parviendrons à un compromis sur les options qui se présentent à nous, après que le Gouvernement aura entendu chacun et trouvé le juste équilibre avec vous afin de donner de la force à cette réforme.

D’autres sujets ont été évoqués, et je ne souhaite pas les occulter. Le premier d’entre eux concerne la possibilité, pour les petits départements qui deviendront membres de grandes régions, de se voir représentés justement. Un amendement a été présenté au Sénat tendant à porter à cinq le nombre minimum de représentants de ces petits départements dans les grandes régions. Cela permettrait d’assurer leur représentation et de lutter contre la crainte de relégation, notamment des départements ruraux.

Lorsque cet amendement a été présenté au Sénat, j’en ai compris la motivation, mais j’en ai regretté l’inconstitutionnalité. En effet, on ne peut pas rompre la continuité démographique sur laquelle le Conseil constitutionnel s’est exprimé dans de nombreuses décisions.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. C’est inexact.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Sur ce sujet, il ne faut pas nous mettre dans la situation de voir ce texte retoqué par le Conseil constitutionnel en acceptant des amendements ou en introduisant des dispositions législatives qui pourraient sembler opportunes mais qui ne seraient pas conformes aux règles constitutionnelles. C’est la raison pour laquelle nous considérons avec faveur l’amendement présenté par le rapporteur et un certain nombre de parlementaires tendant à ramener à deux le nombre de représentants des départements ruraux aux conseils régionaux.

M. Olivier Marleix. Deux élus ? Monsieur est trop bon !

M. Alain Chrétien. Deux élus pour 5 000 kilomètres carrés ! Où est la proximité ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous atteindrions ainsi le but d’assurer leur juste représentation sans remettre en cause les règles de droit constitutionnel auxquelles nous devons résolument nous conformer.

Nous devons également intégrer à notre réflexion la question du droit d’option – il ne faut occulter aucun sujet en abordant un débat aussi important que celui dont nous avons à connaître aujourd’hui. Sur cette question, le Sénat a adopté un amendement rendant possible l’exercice de ce droit d’option par un territoire sans que soit pris en compte le souhait de la collectivité qu’il souhaite quitter. Mais nous avons souhaité, dès lors que ce droit d’option est ouvert, qu’à la fois la collectivité de départ, la collectivité qui souhaite partir et la collectivité d’accueil puissent délibérer, et qu’elles se prononcent à la majorité qualifiée. Le rapporteur souhaite que la discussion se poursuive et nos débats seront l’occasion d’évoquer cette question au fond, d’en mesurer l’opportunité, les limites et l’intérêt. Une fois de plus, le Gouvernement est désireux que, sur ce sujet comme sur d’autres, le débat puisse aller à son terme.

Mesdames et messieurs les députés, je ne voudrais pas être trop long. Nous avons de longues heures de discussion devant nous. Je conclurai donc en quelques mots. Le Gouvernement s’est engagé dans une réforme territoriale ambitieuse. Elle a ses phases, sa cohérence et sa méthode, qui tient dans la détermination à faire en sorte que ce qui a été longtemps étudié par des gouvernements successifs et multiples puisse enfin voir le jour : une modernisation de l’architecture de nos collectivités territoriales, dont notre pays a besoin pour se moderniser et assurer le développement de son économie.

Nous voulons le faire dans le plus grand respect des prérogatives du Parlement, dans l’écoute la plus attentive des idées, des interrogations, des souhaits exprimés par tous les groupes de cet hémicycle – un certain nombre d’entre eux se sont déjà exprimés.

M. Jacques Myard. Ça va être un beau bazar !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Enfin, nous voulons le faire avec le seul souci de l’intérêt général, de l’intérêt de notre pays qui a besoin, pour retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi, d’assurer la modernisation de ses territoires pour que ceux-ci puissent investir de nouveau, saisir toutes leurs chances, valoriser tous leurs atouts. C’est parce que nous considérons que cela est possible, que cela est souhaitable et qu’il y a suffisamment de forces et d’idées dans cet hémicycle pour trouver le bon compromis, permettant de faire la réforme forte dont le pays a besoin, que nous abordons ce débat avec confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jacques Myard. Le sacrifié !

M. Carlos Da Silva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le président de la commission des lois, mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues, alors que s’ouvre devant notre assemblée le débat sur le projet de loi relatif à la délimitation des régions et aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, partons du constat que rappelait le ministre : notre organisation territoriale est devenue trop complexe, trop lourde, trop peu lisible pour nos concitoyens, nos associations et nos entreprises. Nous en sommes tous convaincus, même si nous n’arrivons pas à le dire ensemble, tant notre culture politique est celle de l’affrontement. Les interpellations notamment de Jacques Myard au ministre de l’intérieur en sont l’illustration parfaite.

M. Alain Chrétien. Fait personnel !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Pourtant, depuis trente ans, la décentralisation a profondément modifié l’architecture de la France et transformé la société. Concilier l’unité de l’État avec la puissance des régions et l’exercice de la démocratie locale, tel est le principe qui a guidé ce processus au cours des trente dernières années. Cette avancée majeure fait désormais partie des acquis auxquels nous sommes toutes et tous attachés. Au fond, elle fait partie des biens communs de notre République.

Pourtant, quand nous avons voté l’acte I de la décentralisation, le TGV commençait tout juste à circuler, Internet et le téléphone portable balbutiaient, les Français se déplaçaient moins, les métropoles régionales étaient moins puissantes, et le nombre d’étudiants bien inférieur. Partout, aujourd’hui, sur le territoire national, se rencontrent le local et le global. Les entreprises ont besoin d’interlocuteurs puissants pour parler formation et financement.

M. Jean-Pierre Vigier. Elles ont aussi besoin de proximité !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Les Français veulent pouvoir investir dans les entreprises de leur territoire. La mondialisation a bouleversé mais aussi renforcé nos dynamiques locales et nos fondamentaux économiques, et pas seulement en Île-de-France. Nous avons plus qu’hier une économie régionalisée, une agriculture régionalisée, des universités régionalisées, et des chambres de commerce elles aussi régionalisées. La République décentralisée, telle que la prévoit la Constitution, va donner à cette France-là les moyens de son développement. Aussi, le Président de la République a voulu engager vigoureusement cette nouvelle phase et poursuivre ce travail par une décentralisation approfondie, lisible et simplifiée.

En cette période de crise et de transformation du monde qui appelle d’immenses réformes, il est légitime que les élus commencent par se réformer eux-mêmes. Nous devons montrer l’exemple, penser l’intérêt du pays selon une vision de son avenir plus que de son passé. S’il faut respecter les identités locales – toutes les identités – il ne faut pas craindre de les allier pour être plus forts encore. Le Roussillon n’a rien perdu à travailler avec le Languedoc, la Provence avec les Alpes, le Béarn et le Pays basque avec l’Aquitaine, le Nord avec le Pas-de-Calais. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Furst. Qu’est-ce que vous en savez ? Vous êtes un expert ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je l’ai dit, et le ministre l’a rappelé : il s’agit d’une réforme territoriale de grande ampleur, portée par plusieurs textes qui donnent aux territoires les moyens de se renforcer. Car renforcer les territoires, c’est renforcer les Français, c’est renforcer notre cohésion nationale, c’est renforcer notre capacité à agir.

M. Jean-Pierre Vigier. Pourtant, vous divisez !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Ces textes s’inscrivent dans la continuité des travaux réalisés depuis plusieurs années par des élus de tous les bancs du Parlement. Ils visent à donner au pays des métropoles fortes, des régions fortes, capables d’assurer le développement, la structuration et la modernisation de tous les territoires. Ils permettront d’accompagner la montée en puissance des intercommunalités pour garantir l’équilibre, la proximité et la solidarité, au plus près de nos concitoyens. Enfin, le projet de loi qui sera débattu à l’automne clarifiera les compétences des collectivités, pour une plus grande lisibilité et une meilleure efficacité de l’action publique,...

M. Éric Straumann et M. François Sauvadet. C’est par là qu’il aurait fallu commencer !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …pour que chacun de nos concitoyens sache qui décide, qui finance, qui est responsable, …

M. Jean-Pierre Vigier. Ce n’est pas gagné !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …pour lutter, aussi, contre la relégation de nos territoires ruraux, dont les populations ont parfois le sentiment que l’État les a abandonnées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, ne commencez pas à crier, nous avons de longues heures devant nous !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …et pour supprimer les doublons, sources de dépenses inutiles, et les décisions contradictoires, sources d’impuissances à agir.

M. François Sauvadet. Cela ne va pas s’arranger !

M. Éric Ciotti. Vous tuez le monde rural !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Pourtant, comme l’a souligné M. Sauvadet dans son rappel au règlement, rarement la procédure parlementaire avait été aussi détournée, pour malmener un projet de loi indispensable à l’avenir de notre pays. C’est le fait d’une partie des sénateurs, hostiles à tout changement.

M. Éric Straumann. Qui préside le Sénat ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je tiens d’ailleurs à saluer le volontarisme des groupes socialiste et écologiste du Sénat, qui ont lutté contre des alliances de pure circonstance. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Car cette réforme, mesdames et messieurs, ne crée pas une carte pour la gauche ou pour la droite, mais une carte pour les Françaises et les Français,…

M. Laurent Furst et M. Éric Straumann. C’est une carte pour le PS !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …une carte pour faire entrer pleinement la République et la France dans le XXIsiècle.

M. Jean Lassalle. C’est totalement faux !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Oui, il s’agit d’un moment clé dans la vie de notre République, un moment qui nous concerne tous. Depuis des années, les Français font des efforts et comprennent bien les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Ils savent la nécessité d’adapter notre organisation territoriale pour être mieux armés et préparés aux enjeux d’aujourd’hui. Ils veulent des résultats visibles, réels et rapides. Nous n’avons aucunement le droit de baisser les bras. Les Français attendent de leurs élus qu’ils agissent avec détermination, discernement et courage, qu’ils aient l’audace de prendre les grandes décisions qui amélioreront durablement le fonctionnement de notre pays, qu’ils aient une vision de l’avenir. Nous connaissons la valeur du lien qui existe entre les habitants et leurs élus : c’est précisément ce que le Président de la République et le Gouvernement nous donnent la possibilité de réaliser.

Comme Hugues Fourage le rappelait lors de nos débats en commission, le découpage actuel des régions, réalisé par décret il y a plus de quarante ans, avait déjà suscité des mécontentements. Aujourd’hui, c’est le Parlement qui débat, et c’est une avancée démocratique suffisamment importante pour être soulignée. Si chacun peut avoir envie de défendre sa vision du territoire – nous sommes tous élus d’un territoire auquel nous sommes profondément attachés – n’oublions pas que nous sommes avant tout des élus de la nation.

Depuis 1981, les services publics transférés aux échelons de proximité ont été considérablement améliorés. Pensons aux collèges et aux lycées ! Cette amélioration est, je le sais, un objectif prioritaire pour chacune et chacun des élus que nous sommes. Car si la République est une idée, une histoire, des valeurs et un destin communs, elle est aussi une architecture, des services publics et des élus.

Les Français ont voulu le changement…

M. Alain Chrétien. Ils l’ont, mais en pire !

M. Laurent Furst. Maintenant, ils veulent le changement du changement !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …et l’amélioration de leur quotidien. Il est de notre responsabilité de leur apporter ce changement. Rien ne serait pire que de se résigner et baisser les bras face aux difficultés que nous rencontrons tous, citoyens et élus.

Le ministre de l’intérieur le rappelait : nous avons besoin de régions fortes, auxquelles seront conférées davantage de responsabilités. Donner plus de pouvoirs aux élus locaux, c’est leur donner des moyens, des marges financières et politiques pour agir. C’est ainsi que nous ferons reculer l’abstention et que nous lutterons contre le délitement de la démocratie et le populisme.

M. Éric Straumann. Au contraire, vous faites le lit du FN !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Face à la crise civique que nous traversons, l’État doit plus que jamais prendre ses responsabilités.

Ce que nous disent nos concitoyens, c’est : que de temps perdu ! Que d’hésitations et de reculs ! Que d’atermoiements ! (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.) Depuis vingt ans, Édouard Balladur, Didier Quentin, Jean-Jacques Urvoas, Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger ont tous tracé des perspectives pour simplifier et clarifier l’organisation de notre territoire, réduire le nombre de collectivités et renforcer ces dernières.

M. Maurice Leroy. Il faut supprimer la clause de compétence générale !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Tous appellent à une évolution de la taille des régions. C’est pourquoi le Président de la République a proposé de réduire significativement leur nombre, en leur confiant davantage de responsabilités et de moyens d’action pour améliorer la qualité de vie de nos concitoyens.

Toutes les personnes que j’ai entendues au cours des auditions que j’ai menées pour la commission des lois, tous les conseilleurs régionaux m’ont dit leur attachement à leur région et le travail engagé depuis des décennies en faveur du transport, du développement économique, de la solidarité, du tourisme, du logement. Beaucoup de choses ont été faites par les régions, malgré la faiblesse de leur budget et l’absence de moyens réglementaires.

M. Guy Geoffroy. À quelle heure commencerons-nous à parler du texte ? Que donnent les dernières négociations au sein de la gauche ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. J’ai aussi entendu de nombreux doutes et des analyses contradictoires, mais il est manifeste que l’addition des bonnes volontés individuelles n’a pas permis jusqu’ici de construire un projet d’ensemble. C’est à l’État qu’il revient de prendre ses responsabilités.

J’ai souhaité rencontrer le plus grand nombre d’élus, de présidents de région, de représentants des principales forces politiques. Avec Olivier Dussopt, qui sera le rapporteur de la commission des lois sur le projet de loi redéfinissant les compétences des régions et des départements, nous avons réuni des démographes, des historiens et des acteurs du monde économique.

M. Éric Straumann et M. Jean-Pierre Vigier. Ils ne sont pas d’accord avec les gens du terrain !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Tout le monde a compris qu’il fallait agir, à gauche, à droite, quoi qu’en dise l’opposition, et au centre. Notre réflexion s’est construite et doit continuer de se construire dans l’échange, dans la concertation, dans le débat qui aura lieu dans les prochaines heures et les prochains jours. Ce débat sera parfois rude, mais il nous permettra, je n’en doute pas, d’aboutir à des propositions concrètes dont la mise en œuvre est enfin rendue possible par le Gouvernement.

Le Président de la République et le Gouvernement avaient fixé une limite et un principe : réduire le nombre de régions en respectant l’équilibre existant. Aussi, après son passage au Sénat, qui a rendu une page blanche, comme le ministre l’a rappelé,…

M. Guy Geoffroy. Il va falloir renvoyer les sénateurs à leurs chères études !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …la carte initiale du Gouvernement a été retravaillée. Avec la commission des lois, j’ai fait ce choix pour relancer le débat. Les parlementaires s’en sont saisi et j’ai la conviction qu’un bon compromis peut se dégager. Après la discussion générale, j’aurai l’occasion et l’honneur de proposer, au nom de la commission des lois, une nouvelle carte et un nouveau dispositif.

M. Jean-Frédéric Poisson. Jusqu’à quand ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Cette nouvelle carte comporte treize régions. Grâce à la disponibilité du Gouvernement, particulièrement à celle du ministre de l’intérieur, et au travail de la commission, cette carte me semble plus aboutie que la carte initiale.

M. François Sauvadet. C’est une carte dessinée par et pour les élus socialistes !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. La commission des lois a également souhaité donner aux régions la possibilité de fusionner encore, nous en débattrons, et permettre un découpage plus fin, au niveau du département, quand les conditions d’intérêt général sont clairement réunies.

M. Guy Geoffroy. Il faudrait réviser la Constitution !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Dans l’optique d’une plus juste représentation, la commission des lois a enfin souhaité prévoir un nombre suffisant d’élus régionaux pour accomplir les missions qui leur seront confiées par le texte que nous examinerons à l’automne.

Dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, nous mesurons aussi combien les Français et leurs élus sont attachés à leurs communes, à leurs départements, à leur patrimoine régional.

M. Jean Lassalle. Eh oui !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Ce projet de loi respecte cette richesse.

M. Guy Geoffroy. Non, il appauvrit les territoires !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Pour autant, gardons-nous de hisser les cultures locales en paravents du refus du changement.

M. Laurent Furst. Vous les tuez !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Le principe qui nous lie est celui de l’unité de la République, qui fait sa force et doit continuer de prévaloir. Cette unité sera renforcée par la puissance nouvelle des régions. Et permettez à un enfant de la République, un élu qui a fait le choix de la nationalité française de vous le dire : rien ne doit nous détourner de l’idée que la République est une et indivisible.

M. Éric Straumann. Dans ce cas, proposez une carte de France avec une seule région !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Mesdames et messieurs les députés de la nation, je ne connais qu’une France : elle va de Brest à Colmar, de Dunkerque à Perpignan, de Cherbourg à Bonifacio, de la Guadeloupe à la Nouvelle-Calédonie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne connais qu’un drapeau et qu’une écharpe, celle que, toutes et tous dans cet hémicycle, nous sommes fiers de porter.

M. Gérald Darmanin. Parlez plutôt du texte !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Pour autant, ces dernières années, a émergé le couple intercommunalité-région. L’intercommunalité est appelée à devenir, dans le respect de l’identité communale, la structure de proximité et d’efficacité de l’action locale.

M. François Sauvadet. Avec quels moyens ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Aujourd’hui, il existe sur le territoire national une quinzaine de pôles autour de grandes universités, de bassins d’emplois, d’entreprises puissantes et en réseau, à l’échelle de la France, de l’Europe et du monde. La loi sur les métropoles a pris acte de cette évolution. Les métropoles disposent d’une puissance financière et de compétences essentielles pour assurer le développement de tout le territoire : elles doivent pouvoir conjuguer leur puissance avec celle des régions.

Comme l’écrivait Jean Viard dans une tribune consignée par nos collègues Alain Rousset et Michel Destot, « les campagnes, les montagnes, la mer ont besoin et ont droit à des projets et à des moyens. […] La qualité de vie des villes moyennes, des bourgs et des villages doit être intégrée à la nouvelle vitalité locale. Ils sont souvent dynamiques et créatifs. »

M. Christian Jacob. Pourtant, vous les saignez !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. De même, parce qu’elle couvre près de 90 % de notre territoire, la ruralité fera l’objet d’une attention toute particulière, pour garantir la meilleure représentation de toutes nos communes…

M. Jean Lassalle. Elles sont déjà mortes !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …et de l’ensemble de la population. Mais acceptons, mes chers collègues, que nous ayons besoin d’une organisation moins coûteuse, plus lisible, plus efficace, et que la transformation des départements, dont nous parlerons bientôt, constitue une nécessité première. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.) Une transformation progressive, pas un effacement brutal !

Mesdames et messieurs les députés, cette réforme n’a rien de velléitaire. Tous les éléments sont maintenant réunis pour la rendre effective et mettre enfin en œuvre cette avancée. Elle est perfectible, et notre travail dans cet hémicycle consiste précisément à la rendre aussi conforme que possible à nos objectifs. À nous, élus, de prendre les décisions qui s’imposent. Le Premier ministre a appelé de ses vœux un débat parlementaire constructif où chacun, sur tous les bancs, prendra ses responsabilités. Ce grand mouvement, qui est à présent en marche,…

M. Gérald Darmanin. C’est le sens de l’histoire ?

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …est indispensable pour l’avenir de notre pays. Nous ne faisons pas cette réforme pour aujourd’hui ni pour les prochaines élections régionales, mais, je le crois, pour le prochain demi-siècle.

Plusieurs députés du groupe UMP . Carrément !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. C’est à cette hauteur-là que doit se placer notre débat. Mesdames et messieurs les députés, il est maintenant temps d’agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. François Sauvadet. Du déménagement du territoire ! (Sourires.)

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. De quoi allons-nous débattre tout au long des jours et même des mois qui viennent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), puisque la discussion sur la délimitation des futures régions est intimement liée au second projet de loi sur les compétences locales ?

M. Jean-Frédéric Poisson. On ne vous le fait pas dire !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Nous allons tout simplement, mes chers collègues, devoir trancher la controverse séculaire sur l’organisation territoriale de notre pays.

M. Jean-Frédéric Poisson. Séculaire, en effet !

M. Guy Geoffroy. Il prend de la hauteur !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Depuis trop longtemps, le modèle territorial français présente la particularité de faire coexister deux niveaux d’organisation : d’un côté, le couple conseils généraux-communes, né de l’Ancien Régime et de la Révolution ; de l’autre, le couple régions-intercommunalités qui n’a cessé de monter en puissance au cours des cinquante dernières années.

M. Laurent Furst et M. Olivier Marleix. Notion technocratique.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Ces deux niveaux d’organisation territoriale s’empilent, se chevauchent, fragmentant les pouvoirs locaux sans que jamais notre pays n’accepte de renoncer à un seul d’entre eux, au point de former un ensemble indigeste, illisible, aux coûts de coordination particulièrement élevés.

Ce constat dépasse-t-il les frontières partisanes ? La réponse est oui ! Pourtant, la simplification de notre modèle territorial se heurte à tant de résistances, à tant de conservatismes… Les gouvernements successifs n’ont cessé de repousser l’heure des choix.

M. Alain Chrétien. Et la loi de 2010 ? Vous aviez un projet. C’est vous qui êtes conservateurs.

M. le président. Monsieur Chrétien, s’il vous plaît.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Ce que le Président de la République et le Premier ministre disent à la représentation nationale et aux Français à travers le projet de délimitation des régions et celui de réforme des compétences locales, y compris l’avenir des conseils généraux à l’échéance de 2020, c’est que le temps de la décision est arrivé. Parce que notre pays ne peut se payer le luxe de repousser sans cesse les réformes structurelles dont il a besoin pour préparer son avenir.

M. Guy Geoffroy. Vous défaites ce qui va bien !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. S’en prendre à cette réforme, mes chers collègues, c’est refuser un défi essentiel pour notre pays. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Sauvadet. Non !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Permettez-moi de penser que le rôle d’une opposition crédible, d’une opposition constructive, d’une opposition positive, je me tourne là vers nos collègues de l’UMP (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Alain Chrétien. Laissez la loi de 2010 !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. …consisterait, s’agissant d’une réforme qui engage autant l’avenir, non à multiplier des postures qui ne sont qu’un théâtre d’ombres mais à contribuer à produire le consensus national dont notre pays a besoin…

M. Luc Belot. Très bien !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. …sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres. (Mêmes mouvements.)

M. Laurent Furst. Le consensus, vous ne l’avez jamais recherché !

M. le président. Je vous en prie, chers collègues. Vous disposez de douze heures vingt-cinq pour vous exprimer !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. L’opposition prétend que le débat sur la carte des régions se fait sans lien avec le débat sur les compétences.

M. Laurent Furst. Eh oui.

M. Guy Geoffroy. Pour l’instant, on ne voit rien.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. C’est faux, et c’est un mauvais procès. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Le projet de loi sur la délimitation des régions et celui sur les compétences locales ont été présentés, en respectant l’unité de temps et de lieu, en Conseil des ministres, le 18 juin dernier, avant d’être déposés le jour même au Sénat. Je vous propose de consulter le site internet du Sénat : vous y trouverez le texte sur les compétences locales. (Mêmes mouvements.)

Plusieurs députés du groupe UMP . Nous sommes à l’Assemblée nationale ici !

M. Marc Le Fur. Vous êtes rapporteur, pas Premier ministre !

M. Pierre Lequiller. Oui, nous sommes à l’Assemblée nationale !

M. Laurent Furst. Pas au parti socialiste !

M. le président. Un peu de calme, chers collègues. Nous avons de nombreuses heures de débat devant nous. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Pourquoi cette simultanéité ? Parce que tout l’enjeu consiste à donner la taille critique à nos régions, précisément pour leur permettre d’accueillir des compétences nouvelles.

J’ajoute que nos collègues de l’opposition devraient y regarder à deux fois lorsqu’ils déplorent que la réforme soit déclinée en deux textes. Ils devraient se souvenir que la réforme des collectivités territoriales de 2009 et 2010…

M. Alain Chrétien. Vous l’avez abrogée.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. …ne reposait pas sur deux textes, ni même sur trois, mais sur quatre ! Et ils voudraient maintenant que nous débattions d’un monolithe législatif ! Le tronçonnage en quatre textes d’une réforme ne semblait pas les choquer à l’époque !

M. Jean-Frédéric Poisson. Parce que c’était le bon ordre.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. J’en viens à la procédure accélérée, dont je rappelle qu’elle figure à l’article 45 de notre Constitution, pour dire à nos collègues de l’UMP, car je les écoute, que lorsqu’ils ont cru bon de raccourcir le mandat des conseillers régionaux et des conseillers généraux à respectivement trois et quatre ans, au lieu de six, le ministre de l’intérieur de l’époque avait, lui aussi, recouru à la procédure accélérée. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Luc Belot. Eh oui !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Le Sénat avait alors réclamé deux lectures et le gouvernement avait refusé. Le gouvernement de Manuel Valls, lui, par la voix de son ministre de l’intérieur, a garanti deux lectures pour le présent projet de loi, dans le souci d’assurer un débat approfondi entre les deux chambres.

M. Gérald Darmanin. Et la commission, elle en pense quoi ?

M. Guy Geoffroy. C’est un sujet pour la commission du développement durable !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Deux lectures, mes chers collègues… mais encore fallait-il que le Sénat se saisisse de cette opportunité ! Et force est de constater que la Haute assemblée a choisi de nous transmettre une copie blanche.

Plusieurs députés du groupe UMP . Qui est majoritaire au Sénat ?

M. Laurent Furst. Rappelez-moi le nom du président du Sénat !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Comment le comprendre, de la part de l’assemblée chargée de représenter les collectivités territoriales de la République ?

M. Gérald Darmanin. Alors que vous êtes majoritaires au Sénat !

M. Laurent Furst. En effet !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Comment comprendre la volonté de nos collègues sénateurs d’améliorer la carte des futures régions proposée par le Gouvernement pour finalement ne rien améliorer, ne se prononcer sur rien ou presque, et jouer, d’une certaine façon, la politique de la chaise vide ?

Le projet de loi présenté par le Gouvernement a été dénaturé, vidé de sa substance, privé de sa cohérence. (« Bonne idée ! » sur les bancs du groupe UDI.)

Le rôle de la commission saisie pour avis, tout comme celui de la commission des lois, était de lui redonner tout son sens et toute sa portée.

M. Luc Belot. Exactement.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. L’article 1er posait les bases d’une nouvelle carte de quatorze régions, regroupées bloc par bloc, avec des améliorations possibles. Notre commission a rétabli la carte du Gouvernement, considérant que les débats devaient se poursuivre en commission des lois, puis en séance. Et nous y sommes !

Le dialogue avec l’exécutif a permis d’aboutir,…

M. François Sauvadet. Un dialogue exclusif entre le Gouvernement et le parti socialiste.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. …vous le savez, à un nouveau point d’équilibre, autour de treize régions. C’est la proposition que nous porterons, avec le rapporteur saisi au fond et le président du groupe SRC.

Dans ce contexte, la commission de l’aménagement du territoire a introduit deux modifications, pour mieux respecter et faire respecter la volonté des territoires, mais aussi décrisper, dépassionner la discussion sur la carte des régions, qui n’est pas et ne peut pas être une fin en soi.

M. François Sauvadet. La carte du PS.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. D’un côté, notre commission a réintroduit la procédure de fusion des régions, que le Gouvernement proposait au contraire de supprimer. En effet, la carte des régions qui sortira de nos discussions ne conclura pas pour l’éternité le débat sur les frontières territoriales.

M. Laurent Furst. Ça, c’est vrai.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. S’il se trouve des régions prêtes à se regrouper, dans les prochaines années, différemment de la carte qui ressortira de nos débats, rien ne justifierait de les priver de base juridique pour y parvenir.

M. Christophe Borgel. Absolument.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. D’un autre côté, notre commission a souhaité assouplir le droit d’option des départements, en supprimant la consultation référendaire mais en fixant deux limites. La première est de ne pas abaisser les majorités qualifiées requises par le code général des collectivités territoriales. La deuxième est que le droit d’option ne puisse s’ouvrir qu’une fois la carte des régions stabilisée et les élections régionales passées, soit après le 1er janvier 2016 et avant l’échéance de 2020, celle de la suppression des départements, c’est-à-dire des conseils généraux.

M. Jean-Luc Laurent. Hélas.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Autre sujet majeur : l’inquiétude des départements ruraux sur leur poids et leur représentation dans les futurs grands ensembles régionaux. Nous avons sur ce point repris la position de la commission des lois. Le ministre l’a rappelé : avec cinq conseillers régionaux garantis par section départementale, la proposition sénatoriale posait un sérieux problème de constitutionnalité. Nous avons donc tranché en faveur d’une garantie de deux conseillers régionaux par section départementale. Cela nous semble une solution équitable.

M. Marc Le Fur. Pour le conseil d’administration des collèges, cela va être pratique !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Enfin, la commission de l’aménagement du territoire vous propose d’insérer dès ce projet de loi une série de dispositions visant à franchir un nouveau pas vers la maturité démocratique des futurs ensembles régionaux. Lorsque nous aurons fait le choix de diviser par deux le nombre de régions, de renforcer leurs compétences avec le second projet de loi et, je le souhaite, de garantir leur autonomie financière dans le cadre d’une loi de finances, une question essentielle se posera : quels contre-pouvoirs opposer aux exécutifs régionaux ?

En commission des lois, nous avons souhaité reproduire ce que nous faisons dans les assemblées parlementaires : confier les présidences des commissions régionales des finances et du contrôle budgétaire à l’opposition.

M. Gérald Darmanin. Merci Nicolas Sarkozy.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a également proposé que les groupes représentés dans les commissions régionales le soient obligatoirement à proportion de leur poids politique dans les assemblées. Tel n’est pas le cas aujourd’hui et les exécutifs régionaux n’ont aucune obligation de représenter les sensibilités à proportion de leur poids politique. Nous vous proposons de revenir sur cette anomalie.

M. Laurent Furst. Vous préparez votre avenir !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Un peu de sérieux, cher collègue !

La commission de l’aménagement du territoire a enfin souhaité que le débat soit engagé sur la question essentielle du mode de scrutin. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous estimons que le mode de scrutin actuel doit perdurer pour la prochaine élection régionale : nous n’allons pas changer les règles du jeu.

M. Marc Le Fur. C’est la seule élection à laquelle vous n’avez pas touché !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Mais nous proposons d’engager le débat, car les ensembles régionaux vont devenir plus vastes alors que, avec le mode de scrutin proportionnel existant et considérant l’expérience des régions actuelles, on observe déjà une difficulté d’incarnation des politiques régionales dans les territoires. Nous souhaitons que la discussion soit engagée par le Gouvernement sur un scrutin mixte.

C’est dans cet état d’esprit, mes chers collègues, que la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné le projet de loi dont nous engageons, cet après-midi, la discussion. Notre ambition est de donner à la réforme voulue par le Président de la République toutes les chances de réussir, pas pour lui-même mais pour notre pays ; de permettre aux régions d’atteindre la taille critique pour recevoir de nouvelles compétences et souffrir la comparaison avec nos voisins européens. Et nous voulons le faire sans trembler, en visant un objectif : l’intérêt général, c’est-à-dire l’efficacité et la lisibilité de l’action publique locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, décidément, nous n’étions pas au bout de nos surprises : il y a tout juste un an, jour pour jour, nous pensions avoir fait le tour du parcours chaotique de la réforme territoriale sous François Hollande, qui emprunte à la fois à Dickens et à Balzac.

M. Pascal Popelin. Expliquez-nous cela.

M. Hervé Gaymard. En effet, la gauche au pouvoir, cela commence toujours par Les Grandes Espérances, et cela finit toujours par Les illusions perdues. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Les grandes espérances, souvenez-vous, ce n’est pas si vieux. C’était d’abord la critique sans relâche et sans concession du quinquennat précédent.

M. François Sauvadet. C’est vrai.

M. Hervé Gaymard. Le conseiller territorial était l’abomination de la désolation ; la fin de la clause générale de compétence était une insulte aux valeurs de la République ; le gel des dotations aux collectivités territoriales était une forfaiture, alors pourtant que la crise faisait chuter les recettes de l’État.

Ce fut ensuite l’ivresse des grands commencements : un grand colloque à la Sorbonne, des déclarations définitives du Président de la République, les présidents de l’association des régions de France et de l’association des départements en pâmoison… Bref, l’avenir était radieux.

Puis, tout a commencé à partir en vrille, défiant d’ailleurs les lois de la physique d’une façon assez étrange puisque la gauche concentre tous les pouvoirs : la présidence de la République, Matignon, l’Assemblée nationale, le Sénat, la quasi-totalité des régions, les deux-tiers des départements, et jusqu’en mars dernier la plupart des grandes villes et des villes moyennes.

M. Laurent Furst. C’est fini !

M. Hervé Gaymard. C’est ainsi, mes chers collègues, que l’on passe des grandes espérances aux illusions perdues. Le Sénat a refusé d’examiner le texte adopté en conseil des ministres, qu’il estimait être un monstre législatif. Le Gouvernement a donc décidé de le tronçonner, de le ventiler…

M. Serge Grouard. « Façon puzzle » !

M. Hervé Gaymard. …– l’amateur de Michel Audiard que vous êtes, monsieur le ministre, appréciera – en trois textes : une loi sur les métropoles et certaines compétences régionales, une loi sur les départements et les régions et une loi sur le bloc communal. Sans compter une réformite aiguë des modes de scrutin – cantonales, sénatoriales… – comme s’il n’y avait pas mieux à faire alors que notre pays est plongé dans une crise économique et sociale sans précédent ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Hervé Gaymard. Finalement, la loi sur les métropoles a été adoptée dans les conditions chaotiques que l’on sait. On attendait donc la suite avec gourmandise… et on n’a pas été déçu. Des projets de loi ont été transmis au début de l’année au Conseil d’État, dans lesquels on pouvait relever des propositions que nous avions d’ailleurs faites l’année dernière, par exemple visant à faire de la région l’autorité organisatrice de droit commun aux côtés de l’État en matière de transport ou à lui rattacher les collèges. On pouvait noter également, tenez-vous bien, le renforcement des compétences sociales du département, et notamment le transfert du travail protégé pour les personnes handicapées, qui relève aujourd’hui de l’État.

Puis vinrent les élections municipales (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), le changement de gouvernement et cette déclaration de politique générale du Premier ministre qui opère un véritable tête-à-queue par rapport à tout ce qui avait été asséné précédemment. Qu’on en juge : les départements sont supprimés, alors que le Président de la République venait d’en faire un éloge appuyé ; la clause de compétence générale est supprimée, alors que le Gouvernement l’avait rétablie dans une loi publiée au Journal officiel en janvier dernier ;…

M. Olivier Marleix. Incroyable !

M. Hervé Gaymard. …les dotations aux collectivités locales, pour la première fois dans l’histoire de leurs relations avec l’État, connaissent une chute vertigineuse.

M. Sébastien Denaja. Vous aviez prévu de les augmenter ?

M. Hervé Gaymard. Enfin, on redécoupe sur un coin de table, nuitamment, à l’Élysée, dans l’affolement et l’improvisation, les régions françaises au point de ne plus être capables de les dénombrer exactement.

À ce stade de mon propos, je vous invite, mes chers collègues, à avoir une pensée pour tous ces socialistes, électeurs, militants, élus, qui ont cru en François Hollande, et tous ces ministres qui sont aujourd’hui dans le désarroi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Sébastien Denaja. Et nous, toute notre compassion va aux militants de l’UMP ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Denaja, laissez M. Gaymard poursuivre !

M. Hervé Gaymard. Aujourd’hui, ils votent des motions, s’insurgent, font des sit-in. On a même entendu parler de grève de la faim, mais on n’y est pas encore… Nous savons bien que tout ce qui est excessif peut devenir insignifiant !

Mais je voudrais surtout que ce débat démocratique nous donne le temps de poser calmement les questions que doit affronter la France en matière d’organisation territoriale, afin d’y apporter les meilleures réponses. Dans le chaos actuel, qu’a provoqué le Premier ministre, il n’est peut-être pas inutile de suivre la sage pensée de Pascal : « Quand tous vont vers le débordement, nul n’y semble aller. Celui qui s’arrête fait remarquer l’emportement des autres, comme un point fixe ».

Vidons d’abord, monsieur le ministre, deux vaines querelles : « qui est le plus réformateur ? » et « qui a pris position dans quel sens et dans quel camp ? ».

M. Pascal Popelin. Ah !

M. Hervé Gaymard. Vous n’avez pas le monopole de la réforme. Nous non plus. Vous avez refusé la réforme visionnaire du général de Gaulle en 1969. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Une grande partie de la droite aussi !

M. le président. Écoutez ce cours d’histoire, s’il vous plaît !

M. Pascal Popelin. Il est bien mauvais !

M. Hervé Gaymard. Vous avez fait la décentralisation en 1982, dont le chemin avait été pavé par Raymond Barre et Marc Bécam deux ans plus tôt. Nous avons fait celle de 2004, acte II de la décentralisation, puis celle de 2010, qui a créé les métropoles et le conseiller territorial et a permis aux régions ou aux départements de se regrouper.

Mme Cécile Untermaier. Ils n’y sont jamais parvenus, preuve de l’inefficacité de cette réforme !

M. Hervé Gaymard. Vous avez abrogé cette réforme utile et astucieuse et, depuis 2012, vous êtes à la peine. N’épiloguons pas. Cela pourrait durer longtemps.

Vous trouverez, bien sûr, des positions contrastées dans l’opposition.

M. Hugues Fourage. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Hervé Gaymard. J’en trouverai sans peine dans la majorité, car même le Président de la République et le Gouvernement ont varié. Et puis, chacun sait depuis La Fontaine qu’il y a des rats des villes et des rats des champs ! Il ne sert à rien de s’envoyer des citations à la figure. Cela pourrait durer longtemps.

Je voudrais toutefois apporter une précision, car vous citez souvent, il y a quelques minutes encore, monsieur le ministre, le rapport Raffarin-Krattinger comme l’un des soubassements de votre texte, ce qui relève à proprement parler de l’abus de confiance.

M. Sébastien Denaja. Et qui relève de la corruption active ?

M. Hervé Gaymard. Les deux sénateurs proposent certes de grandes régions, mais dans leur hypothèse les départements sont maintenus.

M. François Sauvadet. Et voilà !

M. Hervé Gaymard. Or vous les faites disparaître ! J’ajoute que le sénateur Krattinger a lui-même pris position contre le texte que vous défendez aujourd’hui. Ne faites donc pas, monsieur le ministre, de nos deux sénateurs les « malgré nous » de votre réforme territoriale ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Cela étant posé, que penser de ce texte soumis à notre approbation et pourquoi convient-il d’adopter cette motion de rejet préalable pour enfin se mettre à travailler sérieusement et utilement ? Il y a au moins trois raisons. Premièrement, sa méthode d’élaboration est inacceptable. Elle relève du coup de communication plutôt que de la bonne législation. Deuxièmement, ce texte repose sur des idées fausses. Troisièmement, c’est une loi technocratique de recentralisation, qui va à l’encontre de ce qu’attendent les Français, c’est-à-dire la proximité et l’humanité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous connaissons bien les raisons qui ont conduit le Premier ministre à faire ce coup d’éclat : il avait besoin d’une réforme. D’abord, pour paraître réformateur et ensuite pour faire croire à ceux qui regardent de près les comptes publics de la France qu’il prenait les choses en main. Réformer le code du travail est hasardeux. Personne ne croit plus à la réforme fiscale, après deux années d’assommoir fiscal.

M. Jean-Pierre Vigier. C’est sûr !

M. Hervé Gaymard. Va donc pour le redécoupage des régions et la suppression des départements ! D’autant que de premiers sondages, puisque Matignon gouverne beaucoup avec les sondages, étaient plutôt favorables, même s’ils ont beaucoup évolué depuis. Vous pensiez donc qu’il s’agirait d’une promenade de santé. Prenez garde à ce que cela ne devienne votre Vietnam ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Sophie Dessus. C’est limite !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Quelle comparaison lamentable !

M. Sébastien Denaja. Trop de formule tue la formule !

M. Hervé Gaymard. « Réformez, réformez vous dis-je ! », comme on pourrait entendre dans une comédie de Molière. Sauf qu’on est plutôt à l’Opéra-comique quand on proclame « marchons, marchons ! » et que l’on fait du surplace ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Tout cela a donc été conduit dans une hâte approximative et, aujourd’hui, personne n’est satisfait de ce redécoupage régional. Et quand le groupe socialiste, comme hier matin, tient lieu de commission des lois, cela peut contenter certains, sur tous les bancs d’ailleurs, mais ravive d’autres frustrations, comme l’ont montré les réactions de Mme Aubry ce matin.

M. Jean-Pierre Vigier. Effectivement !

M. Hervé Gaymard. Beaucoup de députés du groupe UMP feront des propositions alternatives. Écoutez-les, monsieur le ministre, comme vous devrez écouter les députés de votre majorité, qui font d’ailleurs parfois les mêmes. Ne restez pas rivés sur des positions dogmatiques : entendez ce que vous disent les populations, les élus qui les représentent, qui ne sont pas négligeables, et les acteurs économiques et sociaux.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Hervé Gaymard. Il n’y a pas de honte à changer d’avis. Il est inutile de se braquer. En 1789-1790, quand les départements ont été découpés, ce n’est pas la solution géométrique abstraite de Sieyès, dont le rapporteur se nommait déjà Thouret, déjà avocat et déjà normand, …

M. Hugues Fourage. Il est bien conservé ! (Sourires.)

M. Hervé Gaymard. …mais la solution pragmatique qui a été retenue. Le débat parlementaire a été vif et la discussion avec les acteurs locaux serrée. Combien fallait de départements : quatre-vingt-un, comme le pensaient Sieyès et Thouret, cent vingt, comme le souhaitait Mirabeau ? Une quarantaine, comme le voulaient ceux qui voulaient rééquilibrer, déjà, la toute puissance de Paris ? Finalement, le choix du nombre et des contours a été guidé par le pragmatisme, c’est-à-dire l’esprit de géométrie recadré par la vie réelle des citoyens.

La même désinvolture a prévalu pour fixer les dates des élections départementales et régionales. Vous les avez d’abord repoussées d’un an, de mars 2014 à mars 2015. Puis vous avez voulu repousser les élections régionales d’une année supplémentaire et, semble-t-il, ne plus faire d’élections départementales, les élus étant voués à disparaître comme le département.

Vous vous êtes avisé entre-temps qu’il y aurait peut-être un petit problème constitutionnel. Vous avez donc opté pour septembre 2015. Maintenant vous proposez décembre 2015. Peut-être le calendrier législatif, si nous prenons du retard, vous imposera-t-il de les organiser quand même en mars 2015 ? Qui sait, tant l’improvisation est reine, sur des sujets aussi importants !

Pour paraphraser Anatole France, le parti socialiste gouverne mal, mais se défend bien.

Mme Sophie Dessus. Encore une citation !

M. Patrick Mennucci. La dix-huitième !

M. Hervé Gaymard. Vous êtes obsédés par les changements de mode de scrutin. Le Président de la République l’a encore illustré dans son intervention du 14 juillet : qu’importe le chômage, vive la proportionnelle et le droit de vote aux étrangers ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La deuxième critique, monsieur le ministre, est que le soubassement de votre projet de loi est constitué de trois idées fausses : il existerait un nombre optimal de régions pour atteindre la mythique « grande région européenne » ; moins de régions et la suppression des départements entraîneraient des économies considérables ; les territoires de la France devraient être gérés uniformément.

La taille moyenne des régions est un indicateur qui, en réalité, n’a pas grand sens. En France, elle n’est d’ailleurs pas inférieure à celles des États d’une dimension comparable, et beaucoup de nos régions sont plus vastes et plus peuplées que celles de beaucoup d’États européens.

M. Marc Le Fur. Bien sûr !

M. Hervé Gaymard. Je rappellerai aussi que vingt États américains ont moins de 3 millions d’habitants. Et surtout, ce qui fait la force de l’économie allemande, ce ne sont pas les budgets des Länder, c’est tout simplement le fait que, depuis un siècle et demi, les petites et moyennes entreprises industrielles sont soutenues par un tissu bancaire local, à travers les Kreissparkassen et les Raiffeisen ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Cessons de croire que la taille du budget des régions aurait une incidence sur l’activité économique et l’emploi : c’est une sorte de jacobinisme décentralisateur qui est forclos.

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Hervé Gaymard. Depuis que l’on découpe les territoires, c’est-à-dire depuis la fin du XVIIIsiècle, la question toujours posée, souvent mal résolue, a été la suivante : comment concilier les vieilles démarcations politiques et historiques et les divisions géographiques et naturelles ? La délimitation des subdivisions et l’organisation de l’espace s’ignorent : du Moyen-Âge au XVIIIsiècle finissant, les divisions territoriales, irrégulières et enchevêtrées se superposent. Vauban le rappelle dans ses Oisivetés : « l’élection de Vézelay est de la province de Nivernais, de l’évêché d’Autun, de la généralité et ressort de Paris ; et la ville de Vézelay du gouvernement de Champagne ». À la fin de l’Ancien régime, et surtout sous la Constituante avec la création du département, une synthèse paraît possible entre la nature, la raison, l’uniformité et, l’efficacité. Le département est donc le triomphe d’une pensée géographique qui depuis s’est enracinée.

Soyez donc bien prudent, monsieur le ministre, dans ce redécoupage qui n’a souvent n’a pas grand sens et qui comportera nombre d’effets pervers, dont je vous fais le crédit que vous les avez mal anticipés, faute d’étude d’impact sérieuse, comme l’ont relevé nos collègues du Sénat.

M. Hugues Fourage. L’étude d’impact a été validée par le Conseil constitutionnel !

M. Hervé Gaymard. S’agissant des économies, aucun gestionnaire d’expérience ne croit aux chiffres, d’ailleurs à géométrie variable, que vous avez évalués et lancés dans la nature.

Plusieurs députés du groupe UMP . Bien sûr !

M. Hervé Gaymard. Bien sûr, moins d’élus, quelques fonctions d’ingénierie fusionnées produiront quelques économies. Mais vous oubliez les dépenses occasionnées par le coût de la non-proximité dans des espaces ingérables (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI)

M. Jean Lassalle. Très juste !

M. Hervé Gaymard. …ainsi que le coût de la mise en place de la réforme, qui n’a pas fini, mes chers collègues, de déstabiliser des services qui fonctionnent pourtant à la satisfaction générale.

M. Serge Grouard. C’est vrai !

M. Hervé Gaymard. En réalité – et vous le savez, mais vous n’osez pas le dire –, les économies réelles passent par une réduction des services rendus à la population. Nous suggérons donc que, d’ici la deuxième lecture, la commission des finances, à laquelle pourraient se joindre tous les députés intéressés, fasse un travail sur le contexte budgétaire et fiscal de cette réforme, car cet aspect majeur pour le présent et pour l’avenir est complètement absent de nos débats, ce qui constitue un très grave déni.

Je voudrais dire également que notre attachement à l’unité et à l’indivisibilité de la République signifie que nous sommes opposés au fédéralisme,…

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Hervé Gaymard. …qui est contraire au génie de notre histoire, mais ne signifie pas que la France doit être gérée uniformément.

M. Jacques Myard. Exactement !

M. Hervé Gaymard. Ne sous-estimez pas les dérives fédéralistes que peuvent induire une douzaine de grandes baronnies. Une décentralisation franche et responsable ne doit pas remettre en cause l’autorité de l’État stratège.

M. Patrick Ollier. Très bien !

M. Hervé Gaymard. Il faut par ailleurs rompre avec une vision jacobine qui doit être définitivement forclose. Ce qui est vrai en milieu urbain et métropolitain ne l’est pas en milieu rural et montagnard, comme l’illustrent les amendements, partagés sur tous les bancs, proposés par l’Association nationale des élus de la montagne. Qu’il s’agisse de la taille minimale des intercommunalités ou de la pertinence d’un échelon départemental ou bidépartemental dans les grandes régions, nous avons entendu, en commission et à l’instant même, monsieur le ministre, certaines ouvertures dans vos propos. Ce que nous voudrions, ce sont des assurances. Les territoires ruraux et montagnards, qui ne sont pas et qui ne seront jamais à proximité d’une métropole, ne doivent pas être délaissés.

M. Jean-Pierre Vigier. Exactement !

M. Hervé Gaymard. C’est un cri qui monte de tous nos territoires, et que vous devez entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et quelques bancs du groupe UDI.)

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Hervé Gaymard. Enfin, votre loi, monsieur le ministre, est une loi technocratique qui recentralise.

Un député du groupe UMP . Absolument !

M. Hervé Gaymard. François Mitterrand doit se retourner une deuxième fois dans sa tombe ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) Eh oui, mes chers collègues !

M. Patrick Mennucci. Laissez-le donc où il est !

M. Hervé Gaymard. L’année dernière, Manuel Valls avait supprimé son cher canton de Montsauche, par cette loi électorale absurde de scrutin binominal qui, au passage, ne devrait d’ailleurs servir qu’une seule fois – tout ça pour ça !

Aujourd’hui, c’est son œuvre la moins discutée qui est atteinte. En agrandissant les régions et en supprimant les départements, vous mettez fin à la proximité,…

M. Jean-Frédéric Poisson et M. Marc Le Fur . Absolument !

M. Hervé Gaymard. …et vous reconstituez dans ces grands ensembles une administration quasi étatique, qu’on appellera régionale, qui ne sera plus pilotée par des élus émanant du terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. Hervé Gaymard. Il est vrai, mes chers collègues, qu’il y a aujourd’hui trop d’élus territoriaux. C’est pourquoi nous en réduisions le nombre de moitié avec le conseiller territorial. (« Eh oui ! » sur divers bancs du groupe UMP.) Or à l’époque, vous poussiez des cris d’orfraie !

M. Guy Geoffroy. Il est toujours temps d’y revenir !

M. Hervé Gaymard. La présente loi en supprime 80 %, et certains départements, comme le Cantal, n’auront qu’un élu – voire deux avec le pourboire que vous leur donnerez – parmi cent cinquante, pour couvrir tout le département ! Ce n’est tout simplement pas possible, et je ne suis pas sûr que le travail en chambre improvisé qui a conduit à cette loi ait anticipé tous les effets pervers de cette funeste réforme.

Monsieur le ministre, nous voulons une réforme territoriale, car nous savons bien que la France du XXIsiècle ne peut pas être gérée comme celle du XIXsiècle, sur laquelle de nouvelles structures se seraient empilées décennie après décennie. Cette réforme, nous l’avions adoptée avec la loi du 15 décembre 2010 créant le conseiller territorial, créant les métropoles et permettant les regroupements de collectivités. Dès votre prise de pouvoir, vous avez abrogé cette loi, alors que si vous ne l’aviez pas abrogée, elle serait en application depuis le mois de mars dernier,…

M. Patrick Mennucci. Eh oui ! C’est justement pour cela que nous l’avons abrogée !

M. Hervé Gaymard. … et nous n’aurions pas à nous réunir aujourd’hui !

M. Alain Chrétien. C’est un véritable gâchis !

M. Hervé Gaymard. Nous sommes dans un état d’esprit constructif, mais nous ne pouvons accepter l’improvisation et encore moins la fébrilité. Nous ne pouvons pas davantage accepter la logique du passage en force ; et pourtant, c’est l’impression que nous ressentons aujourd’hui.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas une impression : c’est une certitude !

M. Hervé Gaymard. C’est pourquoi cette question préalable, mes chers collègues, n’est pas de pure forme. Elle revêt même une certaine gravité, car nous sommes attristés de tant de désinvolture sur un sujet aussi important.

Il est temps d’agir dans la concertation et avec volontarisme. Vos annonces syncopées et sinueuses déstabilisent les fonctionnaires territoriaux qui font un travail remarquable. Elles provoquent l’attentisme des exécutifs locaux, dont le secteur du BTP est le premier à souffrir.

M. Jean Lassalle. Tout à fait !

M. Hervé Gaymard. Si cette motion était adoptée, le Gouvernement devrait d’urgence se remettre au travail pour écouter vraiment tout ce que les acteurs lui disent. Si d’aventure elle était rejetée, cette première lecture, comme vous le savez, monsieur le ministre, ne signe pas la fin du parcours. M. Vallini a indiqué que la deuxième lecture aurait lieu en octobre au Sénat puis à l’Assemblée Nationale. Nous avons été très satisfaits d’entendre cette précision car, nourrie par les déclarations du Premier ministre il y a quelque temps, la rumeur enflait d’une procédure expéditive, fin juillet ou début août. D’ici là, c’est-à-dire d’ici octobre ou novembre, nous verrons si le Gouvernement est réellement dans un état d’esprit constructif, pour élaborer non pas un texte de compromis minimaliste, mais un projet partagé pour construire la France des territoires de demain. Aujourd’hui, à la vérité, nous en sommes loin, très loin. C’est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à adopter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP . Excellent !

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député Gaymard, vous venez de faire une intervention…

M. Jean-Pierre Vigier. Brillante !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …qui est une contribution utile au débat, comme toutes les interventions qui ont lieu dans cet hémicycle. Pour ma part, j’ai toujours tendance à considérer, lorsque nous sommes en débat les uns avec les autres, qu’il faut attacher le plus grand prix aux arguments développés, même par ceux dont on ne partage pas les orientations. Mais je voudrais tout de même tenter de comprendre le cheminement qui est le vôtre : d’abord, j’ai entendu dire à plusieurs reprises, depuis le début de cette législature et notamment à l’occasion des débats budgétaires, que le Gouvernement ne faisait pas suffisamment d’économies. Or il propose d’en réaliser 50 milliards, alors que votre organisation politique prétend qu’il faudrait en faire 100,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça recommence !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …et vous prétendez que pour parvenir à ces 100 milliards d’économies, il faudrait adopter des réformes structurelles. Or, quand le Gouvernement se propose d’engager une série de réformes structurelles, vous prenez la parole pour expliquer que ce ne sont pas les réformes qu’il faut faire ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Le Gouvernement ne propose rien du tout !

M. Alain Chrétien. C’est du bidouillage, tout ça !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous considérons pour notre part que les réformes structurelles, dont il a été beaucoup question au cours des dix dernières années mais qui n’ont jamais été faites, nous, nous les faisons, pour pouvoir faire les économies qui n’ont pas été faites ! Je vous rappelle quand même, monsieur Gaymard, vous qui parlez d’économies et de nécessité de redresser les comptes de notre pays – vous avez grandement raison de le dire ! –, qu’au cours du quinquennat précédent, la dépense publique a augmenté de 170 milliards d’euros,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Et voilà, c’est reparti !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …170 milliards d’euros d’augmentation de la dépense publique sans qu’à aucun moment vous n’ayez engagé la moindre réforme structurelle permettant de redresser les comptes de notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Deuxième point sur lequel je voudrais insister, vous affirmez que la réforme que nous présentons ne serait pas la bonne, alors même que vous, vous en auriez fait une de parfaitement pertinente qui constituerait un solde de tout compte tant elle était pertinente. La réforme que vous avez adoptée, vous l’avez vous-même évoquée, était la réforme du conseiller territorial.

M. Hervé Gaymard. Elle prévoyait également des fusions !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cette réforme du conseiller territorial, qui avait sa cohérence et sa logique, consistait à mettre en place un homo politicus un peu hybride (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), qui dirigeait à partir des départements les régions, sans qu’à aucun moment les régions et les départements ne se trouvent modifiés dans leurs compétences, et sans qu’il soit touché à l’organisation du tissu communal et intercommunal. Par conséquent, la grande réforme tectonique, pertinente, structurelle, que vous avez engagée a consisté à créer une nouvelle catégorie d’élus sans qu’à aucun moment l’organisation des collectivités territoriales s’en trouve modifiée ni que soient engagées des réformes permettant la modernisation de nos collectivités. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Comme vous êtes très satisfaits, je dirai même totalement autosatisfaits de ce que vous avez fait, à savoir créer une nouvelle catégorie d’élus sans rien changer à l’architecture des collectivités locales, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.),…

Mme Valérie Pécresse. Mais non !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …je comprends que vous nous reprochiez de changer beaucoup de choses à l’organisation des collectivités territoriales de manière à pouvoir engager notre pays dans des réformes dont il a grandement besoin. Tel est le deuxième élément de réponse que je voulais vous apporter.

Mme Valérie Pécresse. C’est de la mauvaise foi !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Non, ce n’est pas de la mauvaise foi : c’est la réalité ! La mauvaise foi, c’est ce que j’ai entendu dans le discours de M. Gaymard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Non, monsieur !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vous donne là des réponses extrêmement précises dont je comprends qu’elles vous irritent, mais qui correspondent à la réalité de ce que vous avez fait.

M. Alain Chrétien. Nous avons supprimé la clause générale de compétence avant vous !

M. le président. Monsieur Chrétien, s’il vous plaît !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Cela doit être effectivement comparé, au moment où nous abordons ce débat, non pas à nos intentions, non pas à nos discours, mais à la réforme que nous vous proposons et qui est une vraie réforme de l’organisation des collectivités territoriales en France.

Troisième argument évoqué par M. Gaymard, qui mérite absolument d’être approfondi et creusé : d’une part – car l’argument est double –, nous nous inspirerions de propositions de réformes soutenues par MM. Raffarin et Krattinger, affirmant ainsi que ces réformes sont celles qui président à la présentation de notre texte…

M. Alain Chrétien. Ne parlez pas à leur place ! Ils ne sont pas d’accord !

M. le président. Monsieur Chrétien, ce n’est pas un exercice de démocratie participative !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député Chrétien, je vais tellement peu parler pour eux que je vais tout simplement les citer,…

M. Alain Chrétien. Ils ne vont pas être contents !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …ce qui apportera d’ailleurs la démonstration que c’est M. Gaymard, et non moi, qui leur a fait dire le contraire de ce qu’ils pensent !

Effectivement, monsieur Gaymard, je vous confirme que je ne considère pas que la réforme proposée par M. Krattinger et par M. Raffarin…

M. Alain Chrétien. Faites-les venir ! Je les connais bien, mieux que vous !

M. le président. Monsieur Chrétien, cela suffit !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …soit la réforme qui inspire notre projet. Bien entendu, nous avons lu la totalité des rapports qui ont été rédigés lors des précédentes législatures, sans jamais d’ailleurs donner naissance à de vraies réformes structurelles puisque vous ne les avez jamais décidées ; mais nous avons lu ces rapports, et voilà ce que dit Raffarin concernant l’organisation des régions – c’est le contraire de ce que vous avez prononcé à cette tribune – : « L’essentiel, c’est de construire…

M. Christian Jacob. Vous pourriez dire « Monsieur le Premier ministre » !

M. Pierre Lequiller. Un peu de respect !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Jacob, j’ai écouté avec beaucoup de respect M. Gaymard, je comprends que ce que je vous dis soit extraordinairement irritant, mais je demande en contrepartie le même respect que celui dont j’ai témoigné à l’égard de M. Gaymard lorsqu’il s’est exprimé : lorsque l’on respecte ses interlocuteurs, la politique y gagne, alors qu’elle perd beaucoup dans la vocifération. Je sais que vous aimez les vociférations, mais moi non !

L’essentiel, dit le Premier ministre Raffarin, c’est de construire des régions de taille européenne – écoutez, monsieur Gaymard, ce que dit M. Raffarin ! – ; ce n’est pas leur nombre mais leur taille qui reste l’objectif.

M. Alain Chrétien. Tout en conservant les conseillers généraux ! Vous ne dites que la moitié des choses !

M. le président. Monsieur Chrétien, cela suffit ! Vous interviendrez dans le cadre du temps de parole accordé à votre groupe !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Voilà ce que dit le Premier ministre Raffarin ! Il dit l’exact contraire de ce que vous avez affirmé ici ! Je pense que si la taille n’est pas la seule question qui se pose lorsqu’on veut faire une réforme territoriale importante et pertinente, on ne peut pas négliger l’effet des économies d’échelle qu’engendrent des rassemblements de collectivités territoriales, surtout lorsque l’on veut faire des économies structurelles. Vous demandez constamment des économies structurelles en proposant de réaliser deux fois plus d’économies que celles que nous faisons ; eh bien nous, nous faisons les économies que vous n’avez pas faites, et nous les faisons en posant sur le métier des réformes structurelles dont vous n’avez jamais eu l’audace au cours des dernières années ! Voilà ce que je voulais vous dire en réponse aux déclarations que vous avez faites concernant les ambitions du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, je voudrais terminer par la question des économies, parce que c’est un point important.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ah ? On n’en avait pas parlé ?

M. Alain Chrétien. Combien ? 15 milliards ? 25 milliards ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous proposez encore une fois de faire le double de ce que nous voulons faire, mais sans jamais dire où nous devrions les faire et en critiquant systématiquement les efforts que nous consentons pour rétablir les comptes publics – efforts auxquels nous sommes tenus en raison de la situation dans laquelle nous avons trouvé le pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Oui, les rassemblements de collectivités locales, cela fait des économies structurelles ! Pourquoi ? Parce que lorsque nous décidons de regrouper des régions – quiconque est de bonne foi peut le reconnaître aisément –, nous rassemblons des fonctions support, nous rassemblons des directions de ressources humaines, nous rassemblons des directions financières, nous rassemblons des directions techniques, et ces rassemblements permettent de redéployer des personnels à l’occasion des départs en retraite. En réalisant ainsi des économies de fonctionnement, en mutualisant le fonctionnement, nous dégageons des marges de manœuvres permettant de faire de l’investissement.

M. Hervé Gaymard. Tout cela, c’est l’épaisseur du trait ! La vraie économie consiste à réduire les dépenses d’intervention !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Par ailleurs, monsieur Gaymard, la politique d’achats groupés que nous avons initiée au sein de l’appareil d’État depuis dix-huit mois nous a permis de réaliser 2 milliards d’économies, parce qu’elle est beaucoup plus dynamique que celle qui prévalait jusqu’à présent.

Vous passez votre temps à critiquer ce que nous faisons en matière de redressement des comptes publics et de réformes structurelles, alors que vous avez creusé les déficits et que vous avez été incapables, au cours des dernières années, d’initier la moindre réforme structurelle permettant à notre pays de se moderniser et de se redresser. En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas dans le commentaire mais dans l’action, nous sommes dans la détermination, dans la résolution. Si vous avez fait le choix de l’immobilisme, faites-le seuls ! Nous sommes déterminés à réussir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Mes chers collègues, je vais donner la parole à M. le rapporteur et je vous demande de l’écouter dans un silence qui ne soit pas seulement relatif.

M. Alain Chrétien. Cela va être dur !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Monsieur le ministre Gaymard, le ministre de l’intérieur a dit l’essentiel.

Je laisserai de côté vos formules et comparaisons hasardeuses, l’abus de confiance d’un côté, le Vietnam de l’autre, et j’essaierai de me concentrer sur une partie du cœur de votre argumentation qui, si j’ai bien compris, tient en trois points essentiels.

Premièrement, vous estimez que nous ferions cette réforme dans l’urgence. Mais qui, dans cet hémicycle, peut vous croire…

M. Laurent Furst. Les Français !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. …quand on sait que la loi relative à l’administration territoriale de la République permet, depuis 1992, la fusion de collectivités et qu’aucun exécutif ne s’y est engagé ? Cela fait donc vingt-deux ans que la réflexion a lieu ; il était donc sûrement temps d’agir.

Deuxièmement, vous considérez que notre grande faute serait que la carte élaborée par le Gouvernement a connu des évolutions depuis trois semaines. Mais comment demander, d’un côté, un débat, que le Parlement travaille et, de l’autre, déposer une motion de rejet préalable qui, si elle était adoptée, nous empêcherait de travailler ? Il y a là une incohérence, non pas politique, mais tout simplement logique qui m’est incompréhensible.

Troisièmement, il y a là une grande différence politique que le ministre a développée. Si nous croyons aux économies, nous croyons aux économies de structures, alors que vous, et vous l’avez dit à la tribune, vous croyez à la suppression de services rendus à la population.

M. Patrick Ollier. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Je vous le dis, monsieur Gaymard, ce n’est pas notre option politique et je ne crois pas que ce soit l’option politique des populations, et notamment de celles qui vivent en milieu rural et que vous prétendez défendre.

Pour toutes ces raisons et celles évoquées à l’instant par M. le ministre de l’intérieur, je souhaite que votre motion soit rejetée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Dans les explications de vote, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les propos d’Hervé Gaymard. Il a fait référence à Dickens et à Balzac dans une chronologie un peu inversée mais c’était volontaire. Il a cité Les grandes espérances de Dickens. On pourrait aussi citer Les temps difficiles, c’est-à-dire ceux que vous nous avez laissés. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mais ce ne sera pas l’essentiel de mon propos.

Après dix-huit mois d’atermoiements, le Gouvernement, ou plutôt le groupe socialiste, nous propose un découpage, un projet de loi, en dissimulant ce qu’il en sera des compétences. Je ne peux pas suivre le rapporteur lorsqu’il considère comme exemplaire le fait que les deux textes ont été adoptés le même jour en conseil des ministres, événement tout de même assez peu important ; et il y a tronçonnage de cette réforme territoriale entre les structures, dont nous débattons, et les compétences, dont nous ignorons beaucoup de choses.

Il y a dans vos propos, monsieur le ministre, dont je reconnais la bonne foi, et dans ceux du rapporteur, quelques ouvertures minimales, trop minces, et parfois proposées avec des points d’interrogation. Par exemple, alors que le Sénat, à l’initiative de Michel Delebarre et de Jacques Mézard, a voté par 331 voix contre une le droit d’option sans majorité particulière, le rapporteur a prévu des votes à la majorité qualifiée dans chacune des assemblées délibérantes des trois collectivités. Il s’agit là d’un recul considérable qui vise à rendre ce dispositif illusoire et inopérant. Il serait bon que le texte évolue sur ce point pendant les débats. De même, une évolution sur le nombre de membres de la section départementale dans les conseils régionaux serait nécessaire. Je ne crois pas, pour ma part, que la jurisprudence du Conseil constitutionnel s’y oppose, et je rappelle que, depuis la révision de 2008, le dernier alinéa de l’article 4 de la Constitution insiste sur le pluralisme nécessaire des partis et de leurs représentations dans les différentes instances élues. Or si le Cantal ne disposait que d’un siège – ou deux grâce à la miséricorde du rapporteur –, on ne pourrait pas dire qu’il s’agit là d’une représentation extrêmement pluraliste. S’il y a de très grandes régions avec, noyés dans un très vaste aréopage de conseillers régionaux, un ou deux représentants d’un département, on ne peut pas dire que cela aille dans le sens de la proximité ni de la représentation efficace du territoire.

J’aurai l’occasion de m’exprimer plus longuement tout à l’heure dans le cadre de la discussion générale. Mais d’ores et déjà je veux dire que nous ne sommes pas du tout hostiles à la régionalisation. Je crois que Pierre Mendès France a été l’un des premiers, dans La République moderne, en 1962, à préconiser les conseils régionaux. Bien sûr, les ministres radicaux ont coopéré avec François Mitterrand et Gaston Defferre pour les lois de décentralisation qui nous paraissent essentielles, car il est primordial de transférer le pouvoir de l’administration d’État aux élus locaux. Or je vois dans ce texte, quoi qu’en ait dit le ministre avec talent et sans doute conviction, un très fort mouvement de recentralisation.

M. Étienne Blanc. Bien sûr !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. On insiste beaucoup sur l’administration d’État qui sera renforcée au plan départemental pendant que les ex-conseils généraux seront dévitalisés, comme cela a été dit. Je pense que c’est l’État qui revient, à la différence de ce qui se passait en 1982, et cela ne nous paraît pas souhaitable.

Enfin, s’agissant du rattachement de la région Poitou-Charentes à l’Aquitaine qui était souhaité par beaucoup et notamment par l’un d’entre nous qui a déposé un amendement sur ce point, il serait bon que le Gouvernement ne fasse pas référence aux seuls amendements du groupe socialiste et qu’il n’oublie pas qu’il y a parfois, sur le même sujet, des amendements identiques du groupe RRDP. Car, on me l’assure, la majorité serait pluraliste. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. S’il en avait eu la possibilité, notre groupe aurait déposé une motion de rejet préalable pour plusieurs raisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Premièrement, nous considérons qu’il est incohérent et dangereux pour la République de nous faire avaliser dans la précipitation et l’improvisation un nouveau cadre régional avant même de débattre de la répartition des compétences (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), avant même de savoir si les régions auront de nouvelles compétences et avant même de débattre des conséquences induites par la suppression annoncée des départements.



M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Marc Dolez. Deuxièmement, et plus fondamentalement encore, nous sommes opposés à une réforme territoriale d’ensemble dont ce texte est le premier volet, réforme territoriale qui va se traduire par un big bang institutionnel, par un séisme territorial de grandes régions, de grandes intercommunalités, la suppression des départements et, à terme, la mort des communes, un séisme territorial qui portera atteinte au pacte même de la République.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Marc Dolez. Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure dans votre propos introductif, ce big bang territorial n’apportera pas de réponse au sentiment de relégation ou d’abandon, il ne fera que l’amplifier et l’aggraver au prix d’une mise en concurrence de plus en plus féroce entre les territoires.

M. Jean Lassalle et M. Olivier Marleix. Très bien !

M. Marc Dolez. Troisièmement, nous considérons que ce débat est tellement important pour l’avenir de la République qu’il mériterait un grand débat national conclu par un référendum (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Pour toutes ces raisons qui lui sont propres, vous l’aurez compris, le groupe GDR votera la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et UMP.)



M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Hugues Fourage. Monsieur le ministre Gaymard, j’ai eu l’impression que votre exercice de style était une figure imposée de patinage…

M. Alain Gest. En matière de patinage, vous en connaissez un rayon !

M. Hugues Fourage. …c’est-à-dire que vous deviez faire, tout au long de votre discours, un certain nombre de citations.

Et, comme je pense que vous êtes montagnard et un peu skieur, je dirai que vous étiez assez souvent dans le zig et dans le zag. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Vous étiez dans le zig en ce qui concerne la clause générale de compétence – on l’enlève, on ne l’enlève pas –, et dans le zag s’agissant des dotations de l’État que certains membres de votre groupe veulent diminuer très fortement. En fait, tout cela n’est pas très sérieux.

J’ai eu le sentiment profond que vous énonciez à la tribune vos propres turpitudes pour « faire bien », et pour essayer de retarder une nouvelle fois la réforme de la France, des régions et de l’État.

Mme Laure de La Raudière. Vous, vous ne savez pas où vous allez !

M. Hugues Fourage. Vous nous avez accusés d’être dogmatiques. Le ministre de l’intérieur a cité un certain nombre de rapports, notamment le rapport de M. le Premier ministre Balladur, qui concluait qu’il fallait diminuer de vingt-deux à quinze le nombre de régions.

M. Marc Le Fur. Mais ce ne sont pas les mêmes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Monsieur Le Fur !

M. Hugues Fourage. Monsieur Le Fur, ne vous inquiétez pas : j’y reviendrai.

C’est un ancien Premier ministre de votre majorité qui dit qu’il faut réformer les régions et en diminuer le nombre. Il y a eu discussion. Où est donc notre dogmatisme à ce niveau-là ?

Votre intervention était empreinte de beaucoup de mauvaise foi, notamment sur l’étude d’impact dont vous avez dit qu’elle était insuffisante.

M. Hervé Gaymard. Il n’y a rien dans l’étude d’impact !

M. Hugues Fourage. Dois-je vous rappeler que le Conseil constitutionnel l’a validée et qu’elle n’a posé aucun problème ?

Tout au long de votre discours, vous avez distillé ici ou là des idées fausses et vous jouez sur les peurs, à la fois – paradoxalement – sur la peur pour les services publics et sur la crainte de la recentralisation, du retour de l’État dans les départements… Oui, le retour de l’État dans les départements est absolument nécessaire, car cela permettra le retour des services publics et des services à la population.

M. Patrick Devedjian. C’est la disparition des élus !

M. Hugues Fourage. Et dans le même temps vous revenez sur des peurs vieilles de deux cents ans. La question des baronnies existe toujours. Il ne faudrait pas avoir des régions fortes en face d’un État fort.

Dans le même ordre d’idées, vous agitez la peur de l’État fédéral.

M. Patrick Devedjian. Ce ne sont pas des baronnies, mais des duchés que vous créez !

M. Hugues Fourage. Le rapporteur l’a dit fort bien, tout à l’heure : il est hors de question de rompre l’unité de la République. Il faut avoir des régions fortes, mais ne pas entrer dans le fédéralisme.

Vous étiez en rétropédalage, ce qui n’est pas bon en période de Tour de France. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous regardiez dans le rétroviseur, au lieu d’avoir une vision dynamique. Moi, je crois à la réforme, je crois au mouvement, et puisque vous avez fait des citations, je vais vous en donner une autre, de Saint-Exupéry : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin. » Le chemin, c’est la réforme, c’est le mouvement, c’est ce que nous voulons faire. Nous allons donc repousser votre motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laffineur, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc Laffineur. Avant d’exposer les explications de vote du groupe UMP, je voudrais répondre à M. le ministre.

Monsieur le ministre, vous nous avez beaucoup parlé du rapport du sénateur Krattinger et du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, au sujet des grandes régions. Mais vous avez oublié de dire qu’il proposait, précisément pour faire de grandes régions, de garder les départements, afin de conserver des élus de proximité !

Vous nous parlez de faire des économies de structure. Votre gouvernement n’y croit pas, d’ailleurs, puisque Marylise Lebranchu a écrit à tous les fonctionnaires territoriaux pour leur expliquer qu’il n’y aurait pas de diminution d’emplois dans les collectivités locales. Et nous pensons même qu’il y aura des augmentations d’effectifs, parce que les régions seront tellement grandes que vous devrez ouvrir des bureaux dans les départements pour pouvoir fonctionner. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Ce ne seront donc plus des élus qui représenteront la région, mais des fonctionnaires. Et il y aura une re-centralisation, une technostructure nouvelle qui se mettra en place, ce qui entraînera de nouvelles dépenses.

Dans l’étude d’impact, vous ne nous avez jamais montré qu’il y aurait une diminution d’effectifs et des économies.

Vous nous avez parlé du conseiller territorial, qui serait un « élu hybride ». Excusez-moi, mais vous avez inventé de nouveaux cantons désignant deux élus à la fois : cela n’existe dans aucun pays au monde, seule la France le fait, seuls vous l’avez voulu, et d’ailleurs vous y croyez si peu que, maintenant, vous voulez les supprimer.

M. Pascal Popelin. Vous ne savez pas quoi dire !

M. Marc Laffineur. La vérité, c’est que votre texte résume très bien la cacophonie dans vos rangs, l’indécision du Président de la République et du Gouvernement depuis deux ans. Au mois de janvier, le Président de la République, dans ses vœux en Corrèze, explique que le département est absolument indispensable et qu’il n’est nullement question de le supprimer. Et puis vient la Bérézina des élections municipales : arrive un nouveau Premier ministre, qui nous explique que la clause de compétence générale qui avait été rétablie par lui-même – puisque c’est lui qui, en tant que ministre, avait défendu ici cette réforme – allait être supprimée. Il déclare qu’il va supprimer les départements, créer de grandes régions, mais que les élections régionales et départementales auraient bien lieu en 2014, pour lancer la réforme ensuite. Et puis, quinze jours après, le 2 juin, on nous annonce la suppression des départements, de nouvelles régions…

Je prendrai l’exemple frappant des Pays-de-la-Loire. Le 2 juin, au matin, nous apprenons par un coup de fil de l’Élysée (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) que la région des Pays-de-la-Loire va être regroupée avec les régions Centre et Poitou-Charentes. À 14 heures, on nous dit que ce sera uniquement avec le Centre. À 17 heures, on nous dit : « Non, c’est avec la Bretagne ! » Et à 21 heures, le Président de la République annonce que la Bretagne et les Pays-de-la-Loire resteront seuls…

Vraiment, quelle cacophonie ! Depuis, une nouvelle carte a été dessinée par la commission des lois, dont je ne partage pas les choix, mais qui a fait ce travail. Et puis, hier, c’est le Parti socialiste qui se réunit…

M. Sébastien Denaja. Les députés socialistes !

M. Marc Laffineur. … et qui dessine une nouvelle carte, faisant fi du travail réalisé par la commission. On voit bien là ce que vous pensez du travail des parlementaires.

M. Patrice Verchère. Et cela peut encore changer !

M. Marc Laffineur. Vous le voyez, nous sommes pour une réforme : c’est la raison pour laquelle nous avions créé le conseiller territorial. Il allait de pair avec la fusion des régions et des départements, ce qui amenait à de véritables économies et diminuait de façon très importante le nombre des élus.

Vous, vous faites quelque chose de précipité, sans aucune concertation, sans aucune étude d’impact en matière sociale, économique ou financière. Bien entendu, le groupe UMP votera cette motion qui a été brillamment défendue par Hervé Gaymard : nous souhaitons qu’elle soit votée pour que nous puissions re-débattre calmement, tranquillement, d’une véritable réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. François Sauvadet. Une motion de rejet préalable, c’est un moment important dans une assemblée. Le sujet est d’envergure et l’adoption d’un texte nous engagerait, vous avez dit pour cinquante ans, en tout cas pour de nombreuses années. Il s’agit de reconfigurer l’exercice des mandats locaux, c’est ce qui nous est proposé aujourd’hui.

Cette motion de rejet préalable est d’abord l’expression d’un profond malaise, ressenti ici sur tous les bancs, mais aussi dans l’opinion. Imaginez que le matin vous ayez la perspective d’être dans une région, et que le lendemain vous vous retrouviez dans une autre. Nous avions l’impression que le travail pouvait commencer sérieusement, et nous y avons pris part en commission ; et voilà qu’après le travail en commission, et avant même que nous examinions le texte, on nous dit que le Parti socialiste, dans une recherche de consensus avec le Gouvernement…

M. Jean Launay. Le groupe SRC !

M. François Sauvadet. … a préparé une nouvelle carte qui serait soumise au débat. Et j’ai lu ici ou là que c’est cette carte qui serait imposée au pays, par la seule volonté du Parti socialiste.

Monsieur le ministre, il y a un vrai problème de méthode dans tout cela. La recherche de consensus ne se fait pas dans un dialogue exclusif entre un parti majoritaire et un gouvernement qui en est l’émanation. La recherche d’un consensus, elle se fait avec l’ensemble des acteurs du territoire. Nous l’avons dit, nous sommes disponibles pour la réforme.

M. Pascal Popelin. Alors, ne votez pas la motion de rejet préalable !

M. François Sauvadet. Mais pas n’importe comment, pas pour une réforme conduite à la hussarde !

Il y a un an, vous nous disiez avoir une vision pour l’avenir des territoires. Mais il y a un an, ici-même, le 16 avril, le ministre de l’intérieur – votre prédécesseur, devenu Premier ministre –, après une réforme qui avait divisé par deux le nombre des cantons, et alors que nous exprimions des inquiétudes sur l’avenir du monde rural, prétendait sécuriser l’avenir d’une démocratie locale de proximité. Un an plus tard, on nous raconte qu’on veut supprimer les départements ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

C’est à n’y rien comprendre ! Une réforme, elle doit être inspirée par une vision de la France. La France, c’est un grand pays. Quand vous nous parlez de « régions à taille européenne », il ne faut pas ignorer que la Bourgogne, à elle seule, est plus grande que la Belgique.

La question de fond qui nous est posée aujourd’hui, c’est qu’on ne peut pas conduire une réforme de structure, définir un redécoupage, sans nous dire en même temps quels seront les moyens qui lui seront consacrés, avec des objectifs clairs et des critères d’évaluation. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

C’est d’ailleurs ce qu’avait proposé Jean-Christophe Fromantin. Pas des découpages sur un coin de table : il faut plutôt définir des critères objectifs qui permettent aux métropoles de jouer pleinement leur rôle tout en garantissant l’avenir de pans entiers du territoire qui se sentent aujourd’hui abandonnés. Les territoires ruraux sont particulièrement inquiets.

Vous nous dites : « Les intercommunalités vont faire. » Mais moi, j’ai été président de l’une d’elles. Dans certains secteurs, il faut rassembler cent communes. Elles n’ont même pas les moyens de faire face aujourd’hui ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Pour faire des économies, monsieur le ministre, encore faut-il avoir des ressources. Et dans le contexte que nous connaissons, je puis en porter témoignage, les communes et les communautés de France sont exsangues, comme les départements. Alors, faisons un effort partagé.

Vous nous dites qu’on pourra faire des économies de personnel. Franchement, il faut être sérieux. J’ai été ministre de la fonction publique.

M. Jean Glavany. Avec quel succès !

M. François Sauvadet. Sur les 85 000 personnes employées par les conseils régionaux, les trois quarts sont des agents TOS qui travaillent dans les lycées. Il va bien falloir les conserver !

La vraie question, ce sont tous les doublons. C’est la réforme de l’État. Monsieur le ministre de l’intérieur, nous avons 442 000 agents qui travaillent pour Pôle Emploi ou dans les territoires, et parmi eux 25 000 dont on sait qu’ils font doublon entre le rôle de l’État et celui des collectivités. Vous ne vous êtes pas engagé dans cette réforme.

Et puis, monsieur le ministre, quand vous nous dites que vous allez réimplanter l’État dans les territoires, j’ai l’impression que vous voulez remplacer les élus par des préfets. Très bien ! Mais personne ne peut croire que cette réimplantation se fera dans le contexte de crise que nous connaissons. L’État doit faire des économies, d’abord à sa tête ; pour les réimplantations, permettez-moi d’en douter. On vient, dans les territoires, de supprimer l’ATESAT, l’assistance technique fournie par l’État, qui était l’ingénierie mise à la disposition des communes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Je le redis : nous sommes disponibles. Il n’y a pas d’un côté les anciens et de l’autre les modernes. Il n’y a pas de ruraux ancrés dans leur territoire, ceux que vous décrivez parfois de manière profondément blessante comme étant des barons. Ce n’est pas le sujet.

Le sujet, c’est : quelle France voulons-nous pour demain, avec davantage d’efficacité. Oui à de grandes régions, discutons-en, mais pas sur un coin de table, pas dans un dialogue exclusif entre le Parti socialiste et le Gouvernement.

M. Dominique Baert. Nous débattons dans l’hémicycle ! C’est cela, la démocratie !

M. François Sauvadet. Moi, je me demande dans quelle démocratie nous vivons aujourd’hui. Franchement, faire une réforme d’une telle ampleur, le soir, en plein mois de juillet…

M. Sébastien Denaja. On peut travailler à 19 heures en juillet !

M. François Sauvadet. Pour mener le moindre projet en France, il faut faire une enquête publique, mais pour une réforme d’une telle ampleur, tout se passe à huis clos et le peuple est médusé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Ce n’est pas comme cela qu’on prépare l’avenir d’un pays. En tout cas, je souhaite que nous puissions reprendre le débat sérieusement. Le groupe UDI y est prêt, il l’a montré. Mais enfin, quand même, il y a un vrai problème de méthode dans ce gouvernement. (Mêmes mouvements.)



M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. J’ai été un peu surpris en entendant M. Gaymard. Je pensais qu’il allait nous exposer la vision de son groupe, ou à défaut la sienne, d’une loi de décentralisation. Il a formulé beaucoup de critiques, ce qui est parfaitement son droit : il est dans l’opposition. Mais il aurait fallu en contrepartie des propositions.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le conseiller territorial !

M. François de Rugy. Nous, nous avons proposé une carte, par exemple. Il faut prendre des risques, à un moment donné : il faut tout de même avancer des propositions. Voyez-vous, dans notre carte, il y avait par exemple l’idée d’un région Savoie : je pensais que vous nous en parleriez. Si vous l’aviez proposée, nous vous aurions soutenu, sans aucun problème.

La réalité, c’est que vous n’avez pas de propositions à faire sur ce sujet. (Exclamations  sur les bancs du groupe UMP.)

Et lorsque vous avez eu l’occasion de faire quelque chose, pendant dix ans, cela a débouché sur une simple petite manipulation pré-électorale : c’était le conseiller territorial.

Vous avez un argument : celui de l’accélération du calendrier, qui est réelle et que, pour notre part, nous saluons. Vous trouvez que ça va trop vite. Je voudrais, comme vous l’avez fait vous-même, vous proposer un petit retour en arrière dans l’histoire : c’est toujours intéressant.

Il y a eu une expérience de redécoupage dans notre pays en 1789. Il fallait faire une carte : celle des départements. À l’époque, on parlait de « décrets » pour les textes soumis à l’Assemblée nationale constituante : la réforme, adoptée en décembre 1789, a été mise en œuvre en mars 1790. En trois mois, il y a eu une carte. Eh bien, cela fait deux cent vingt-cinq ans qu’elle tient.

M. Guy Geoffroy. La vôtre ne tiendra même pas la semaine !

M. François de Rugy. Vous voyez qu’il faut parfois savoir marquer une accélération. Pourquoi ai-je cité cet exemple ? Parce que, comme souvent, cette carte n’est pas sortie de rien en trois mois. Il y avait eu des tentatives, sous l’Ancien Régime, de procéder à des réformes territoriales. J’ai regardé ce qui avait été fait à l’époque. Par exemple, Turgot avait publié un rapport en 1775, pour créer différents niveaux : des municipalités, des districts, des provinces, déjà ! On voulait discuter de la répartition de l’impôt, de l’entretien des chemins et même d’œuvres d’intérêt paroissial.

Et puis cela fut abandonné en 1776, Turgot ayant été « démis ». Puis, Necker proposa l’institution d’assemblées provinciales – qui furent d’ailleurs créées – et il y eut Calonne, Loménie de Brienne et, dans une lignée un peu comparable… les rapports Raffarin, Krattinger ou Balladur.

Je ne sais pas qui, historiquement, pourrait jouer le rôle de qui, mais on constate qu’alors, déjà, des idées avaient émergé, que des rapports avaient été rédigés et que cela a finalement abouti à la création d’assemblées provinciales – y compris élues, en 1787, et qui ont même siégé un an plus tard. Elles n’ont eu qu’une seule session, car en 1789 est intervenue la convocation des États généraux, et c’est alors que la création des départements a été engagée.

M. Guy Geoffroy. À quelle heure ? (Sourires)

M. François de Rugy. Vous ironisez à propos de l’évolution de la carte, mais vous savez que lors du vote du mois de décembre 1789, l’Assemblée nationale constituante, se donnant ainsi une marge, avait fixé un nombre de départements situé entre 75 et 85. Finalement, 83 départements ont été créés.

C’est un peu au même travail que nous nous livrons aujourd’hui. Je ne sais pas si les résultats auxquels nous aboutirons dureront 225 ans…

M. André Chassaigne. Méconnaissance de l’Histoire !

M. François de Rugy. …mais plaçons-nous au moins dans une perspective : la carte doit être tracée avec attention et elle peut l’être rapidement.

C’est pourquoi le Groupe écologiste votera bien évidemment contre cette motion de rejet préalable – tout comme d’ailleurs contre la motion de renvoi en commission à venir : nous voulons en effet débattre de cette loi et examiner cette carte ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

M. Jacques Myard. Un peu de courage !

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants172
Nombre de suffrages exprimés171
Majorité absolue86
Pour l’adoption70
contre101

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, lors de votre intervention devant la commission des lois il y a quelques jours, monsieur le ministre, vous avez voulu qu’émergent de votre propos un certain nombre d’expressions phares, dirais-je, telles des pierres blanches censées baliser le déroulement de votre raisonnement.

Je me suis permis de les récolter et je vais m’en servir comme d’une trame générale durant cette motion de renvoi en commission, qui constitue une manière de réponse à l’intervention que vous avez faite alors et que vous avez reprise cet après-midi.

À propos de cette réforme, vous avez évoqué une cohérence globale, la force économique des régions, la montée en puissance des intercommunalités, une clarification des compétences et de la lisibilité pour les citoyens, la concertation et le débat. Vous avez terminé la première partie de votre propos par ces mots : « Les Français attendent une réforme des territoires. »

Je vais reprendre ces différents aspects un par un et je terminerai, monsieur le président de la commission des lois, par quelques remarques de forme sur la méthode et le programme de travail auxquelles, j’en suis certain, vous serez sensible.

La « cohérence globale », monsieur le ministre, était la formule phare de votre intervention en commission. Vous l’avez d’ailleurs rappelée tout à l’heure ainsi que dans votre réponse à notre collègue Hervé Gaymard.

De cohérence, en réalité, il n’y en pas dans ce texte.

Nous assistons aujourd’hui à la discussion du énième projet sur la réforme des collectivités, des institutions, des modes de scrutin.

M. Alain Gest. Absolument !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous avons assisté, cela a été rappelé, à la suppression du conseiller territorial et à celle de la limitation des clauses de compétences générales dont nous assistons maintenant au rétablissement. Nous avons subi la nouvelle formule du mode de scrutin cantonal, au point que les élections départementales de 2015 auront tout l’air d’une oraison funèbre pour les conseils généraux avant que leurs obsèques ne soient célébrées en 2020.

L’hiver dernier, nous avons adopté cinq statuts différents pour les métropoles. Curieusement, le projet de loi que vous présentez aujourd’hui ne reprend en réalité aucune de ces considérations. C’est même l’inverse puisque vous proposerez – non dans ce texte mais un peu plus tard – la suppression d’une assemblée départementale dont vous avez modifié voilà quelques mois le mode de désignation ainsi que, paraît-il, un accroissement des compétences intercommunales dont personne ne connaît le contenu et sur lequel nous devrons revenir.

Cerise sur le gâteau – cela a été rappelé par un certain nombre de collègues jusqu’ici : nous examinons des périmètres territoriaux avant de savoir exactement ce dont ces territoires seront chargés.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous parlez d’un renforcement des pouvoirs de l’État avant de nous dire comment ils seront renforcés, où et pour quoi faire. En réalité, nous travaillons à l’aveuglette avec une méthode dont le seul caractère n’est pas tant la cohérence que l’erratisme.

D’une certaine manière, les régions basculent d’un jour à l’autre d’un territoire à l’autre et d’un regroupement à l’autre au gré non de votre « cohérence initiale », monsieur le ministre – je la cherche encore – mais de l’évolution des rapports de force internes au seul Parti socialiste.

La réalité de cette préparation, c’est celle-ci. Au bout du compte, hors en s’asseyant sur la complexité interne propre à votre famille politique, il n’est pas possible de déceler la moindre cohérence dans ce projet.

Quant à la force économique des régions, monsieur le ministre, permettez-moi d’en douter.

Votre pétition de principe, c’est que de grosses régions sont de meilleurs intervenants économiques que des petites. Pour le prouver, vous vous appuyez sur l’exemple des pays voisins, comme s’ils ne comptaient pas en leur sein des régions plus petites qui constituent pourtant de véritables intervenants économiques de poids.

Là encore, cela a été rappelé : la taille ne fait rien à l’affaire. C’est bien l’articulation intelligente entre les collectivités, quelle que soit leur taille, l’attention de l’État aux décisions des élus et à leurs projets, la capacité d’écoute des assemblées régionales actuelles aux territoires tels qu’ils sont constitués aujourd’hui, qui font le dynamisme économique d’une région et d’un territoire, et pas simplement le fait de regrouper artificiellement et arbitrairement des territoires qui, parfois, n’ont rien à voir entre eux, hors leur proximité.

Cette articulation, monsieur le ministre, ne figure que d’une manière dans votre projet : la juxtaposition de territoires existants. C’est cela qui constitue le cœur de votre réforme.

Votre conception de l’efficacité ne repose pas sur l’attention réciproque des territoires les uns à l’égard des autres mais sur la volonté d’un alignement sur le modèle européen.

J’en profite pour dire que cette espèce de frénésie d’alignement sur ce que font nos voisins est curieuse : en effet, la tradition française – M. de Rugy l’a très bien rappelé tout à l’heure – est fondée sur le régime issu de la Révolution articulant l’organisation territoriale sur le triptyque commune, département, État. Nous sommes en train, paraît-il, de passer à une autre organisation : intercommunalité, région, Europe.

Je ne suis pas réputé pour avoir des accointances fédéralistes prononcées et c’est pourquoi le modèle qui se profile ne me convient pas tout à fait, c’est peu de le dire.

M. Nicolas Dhuicq. À nous non plus ! C’est une catastrophe !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour autant, la puissance des régions est une chose ; le maintien des communes et des départements en est une autre. En matière d’organisation territoriale, on pourrait éventuellement entendre votre volonté de composer des régions immenses si, monsieur le ministre, vous étiez cohérents avec votre propre projet.

En fait, la force des territoires telle que votre réforme les propose ne provoquera, à terme, que leur affaiblissement en raison de la disparition des départements et de la recentralisant des décisions qui en résultera.

Vous avez aussi évoqué, monsieur le ministre, la montée en puissance des intercommunalités, mais j’aimerais bien savoir laquelle. Dans le texte que vous proposez, en effet, elle n’est qu’hypothétique et son contenu inconnu. La pertinence de cette montée en puissance, en l’état, ne peut être appréciée puisque personne n’en connaît le contour réel.

Quel sera l’impact, à terme, de la suppression des conseils généraux sur les intercommunalités et les groupements de communes ? Comment pourrons-nous faire face au transfert déjà annoncé de la distribution et de l’organisation de l’aide sociale sur le territoire vers les intercommunalités…

M. Alain Chrétien. Avec 11 milliards en moins !

M. Jean-Frédéric Poisson. … alors que, selon l’INSEE, les dépenses du RSA sont couvertes en moyenne à 70 % seulement par l’État dans les départements ?

M. Étienne Blanc. Exactement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Les intercommunalités devront-elles faire face toutes seules – par l’auto-financement ou par l’emprunt – à l’accroissement prévisible, pour quelques années au moins, des dépenses sociales ?

Comment voulez-vous que nous considérions comme sérieux un débat qui s’engage aujourd’hui sur les régions alors que, dans le même temps, vous nous dites que le transfert des aides sociales des départements aux intercommunalités sera l’une des conséquences du texte qui sera adopté par le Parlement ?

Et si c’était là le seul sujet, cela irait encore à peu près ! En fait, l’impact réel, à terme, de la suppression des conseils généraux – si nous allons jusque-là – est parfaitement inconnu et personne n’est capable de nous en donner un seul élément.

J’ajoute, et cela a été très bien dit par notre collègue François Sauvadet tout à l’heure, que la perspective d’économies de frais de fonctionnement à partir de la réduction des effectifs de fonctionnaires territoriaux est illusoire.

M. Jacques Myard. Totalement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela n’existe pas hors des discours de tribunes et de façade dont nous sommes abreuvés depuis quelques mois.

La question se pose également, s’agissant de la montée en puissance supposée des intercommunalités, d’une éventuelle modification des compétences obligatoires et facultatives. Avouez que, si vous voulez faire des intercommunalités le premier pivot de la proximité dans les départements, cela n’est pas une question anodine !

Or la seule orientation réelle que vous proposez – non pas même dans le texte mais dans votre discours – est le relèvement des seuils de population, sans doute à 20 000 habitants, pour constituer, demain, les intercommunalités. Dans certains départements, monsieur le ministre, il faudra faire un peu de chemin pour les trouver. Vous transposerez alors sur le plan local les problèmes que vous aurez créés à cette occasion sur le plan départemental.

Vous évoquez, ensuite, la clarification des compétences et la lisibilité. Je suis désolé de vous répéter que, sur ce plan-là, aucun texte nous donnant quelques précisions que ce soit n’est encore arrivé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Vous parlez de réforme de l’État sans nous dire laquelle. Vous assurez que le rôle de l’État sera renforcé au sein des départements alors qu’un certain nombre d’entre nous, sur tous les bancs, considérons qu’il est parfois un peu trop présent où il ne devrait pas l’être et un peu trop absent où il devrait être présent. S’il s’agissait simplement de renforcer sa présence sur un plan local, très franchement, un débat serait nécessaire.

J’apprends avec bonheur que vous comptez augmenter à nouveau les effectifs de la fonction publique d’État dans les départements. Avec quels moyens budgétaires, le cas échéant, le feriez-vous ? Je crois que cela peut utilement alimenter notre débat.

Cette clarification des compétences, cette lisibilité, c’est une farce ! Lorsque l’on imagine, à l’image du débat sur la carte territoriale, ce que pourrait être la réflexion du groupe SRC sur la répartition des compétences, et compte tenu qu’il faut trois, quatre ou cinq navettes pour obtenir un début de commencement de réflexion structurée, nous n’aurons pas voté le texte avant longtemps !

Vous considérez également, monsieur le ministre, que l’élaboration de ce projet a été marquée par la concertation et le débat. Oui, c’est sûr, la concertation et le débat internes au Parti socialiste.

M. Claude Sturni. Entre copains !

M. Jean-Frédéric Poisson. Elle n’a d’ailleurs pas manqué d’être médiatisée. Comme le disait très justement notre collègue Hervé Gaymard, le Parti socialiste gouverne mal mais se défend bien. J’ajouterais qu’il parle aussi très bien, ses conversations internes étant publiques.

Je ne vois pas que le débat ait eu lieu ailleurs et c’est un problème, monsieur le président de la commission des lois, parce que le vrai lieu de discussion, sur ce genre de sujets, c’est la commission.

M. Claude Sturni. Très juste !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ou alors, quelque chose m’a échappé dans la réforme du Règlement intérieur que nous avons adoptée en 2008. S’il est un lieu où s’élabore désormais le texte examiné en séance, c’est bien en commission ! Nous aurions donc aimé profiter des échanges internes du groupe SRC afin de comprendre ses motivations et, éventuellement, d’amender un peu son projet voire, pourquoi pas, d’y contribuer. Si vous m’invitez, monsieur Borgel, j’y ferai bien volontiers un saut mais je doute que vous le fassiez !

Au lieu de la concertation annoncée, nous avons eu une espèce de prise d’avis partiel au sein du groupe SRC et du Parti socialiste, et encore, lorsque j’entends les déclarations de Mmes les maires de Lille ou de Chaumont cet après-midi qui, visiblement, ne sont pas contentes de leur sort, vous n’avez même pas réussi à mener cette concertation-là à terme. C’est dire l’impossibilité dans laquelle vous êtes de l’élargir au-delà des frontières de votre propre famille politique.

Compte tenu de la méthode de découpage que vous avez adoptée, il n’y a là rien d’étonnant car, en définitive, à part la production d’une carte des régions qui résulte des activités de l’atelier de gommettes de l’Élysée, une après-midi, avec des ciseaux à bouts ronds et un tube de colle…

M. Hervé Gaymard. Très bien !

M. Claude Sturni. Excellent

M. Jean-Frédéric Poisson. …je ne vois pas quel débat vous pourriez proposer au pays sur cette question.

Vous avez terminé votre déclaration, monsieur le ministre, en disant que notre pays attendait une réforme des territoires. Pour tout vous dire, je ne suis pas sûr que notre pays l’attende autant que cela. Il attend d’abord davantage d’efficacité de la part des collectivités locales. Nos concitoyens souhaitent éventuellement comprendre qui fait quoi, mais pas nécessairement dans tous les domaines. Leur préoccupation est de savoir à quelle heure passe le bus, plutôt que de savoir qui le fait rouler ! Le problème n’est pas celui de la réforme des structures, mais de la performance des services, ce qui n’est pas exactement la même chose (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l’UMP.)

En réalité, la réforme que souhaiterait la population n’est probablement pas celle que vous proposez. Les conséquences de votre texte sont prévisibles : en premier lieu, une recentralisation régionale, cela a déjà été largement évoqué, perceptible dans ce texte et dans celui qui le suivra – et dont nous eussions préféré qu’il le précédât. Vous nous annoncez qu’à cette recentralisation politique régionale s’ajoutera une recentralisation administrative départementale. Moi qui vis dans un territoire rural, je puis vous dire que, cher Hervé Gaymard, que, même pour les territoires situés près d’une métropole, il y a tout à craindre d’une telle mécanique.

Votre réforme telle qu’actuellement proposée – je ne fais pas de procès d’intention sur la suite, que nous ne connaissons pas, et sans doute pour partie, vous non plus d’ailleurs ! – provoquera à l’évidence un affaiblissement de l’État. Comment pouvez-vous imaginer de constituer des territoires aussi importants que les régions que vous proposez sans avoir parallèlement recentré l’État sur des compétences essentielles ? Comment pouvez-vous imaginer de nous demander d’adopter une telle carte des régions sans avoir reconfiguré les relations entre ces territoires et l’État, en tant qu’acteur des politiques territoriales mais pas seulement ? Il y a là une incohérence qui enclenchera mécaniquement un affaiblissement.

Une autre conséquence de votre texte sera l’éloignement des centres de décision. C’est évident. Allez expliquer à un Belfortain – ce territoire m’est cher – qu’il devra aller partager une parcelle de décision avec quelqu’un qui se trouve à quatre cents kilomètres de chez lui ! Même s’il existe un bon réseau de communications entre Nevers et Belfort, tous les Belfortains ne vont pas à Nevers tous les jours, non plus que la réciproque. Le schéma que vous nous proposez ne repose sur aucun principe cohérent d’organisation territoriale. Il ne s’articule pas même autour des métropoles dont vous avez vous-même déterminé le statut, le complexifiant d’ailleurs à loisir. Vous avez inventé des statuts différents pour les territoires mais n’allez même pas au bout de votre propre logique : voilà ce qui est incompréhensible.

Je tiens à vous rassurer, monsieur de Rugy : des propositions ont été faites au sein du groupe UMP sur l’article premier ; elles se situent dans la logique développée par le Gouvernement, que nous prenons en définitive à sa propre incohérence. Puisqu’il souhaite organiser de grandes régions, qu’il le fasse vraiment, et avec une organisation territoriale cohérente, donnant vraiment aux régions le moyen d’entrer dans la compétition mondiale, puisque c’est ce qu’il prétend vouloir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je reviens un instant sur le thème évoqué tout à l’heure des menaces qui pèsent sur la ruralité. Nous en venons à un point important de la réforme, incomplètement développé – et pour cause ! –, la suppression des départements. C’est une idée fausse que d’imputer au seul échelon départemental la responsabilité de la complexité territoriale.

M. Yannick Moreau. Absolument !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous tenez cette idée pour acquise, vous réfugiant derrière le rapport Balladur. Mais, même de ce côté-ci de l’hémicycle, monsieur le ministre, nous ne sommes pas obligés d’être d’accord avec les propositions du rapport Balladur. Vous partez du principe qu’il faudrait simplifier et que pour simplifier, il faut prendre acte de l’évolution de cette organisation intercommunalités-régions-Europe qui sera celle de demain, qui conduit à abandonner au passage les départements et à affaiblir l’État, je l’ai dit.

Vous ne souhaitez pas modifier les frontières des départements ; vous ne souhaitez pas non plus en réalité modifier celles des régions puisque vous les assemblez, sans en modifier les contours ; vous prenez acte des frontières régionales actuelles et refusez l’idée d’une organisation territoriale adaptée à la diversité de nos territoires. C’est là, de mon point de vue en tout cas, une vraie faiblesse. Conséquence ultime de votre méthode, le département, tenu pour seul responsable de toute la complexité, doit disparaître.

Monsieur le ministre, vous aurez constitué vos régions, pour l’instant au nombre de treize – j’ai toutefois compris que ce nombre pouvait évoluer puisqu’il évolue encore en ce moment au moins une fois par semaine, si bien qu’il nous faudra attendre le vote définitif du texte, sans doute par cette Assemblée, pour le connaître exactement – mais les principes mêmes qui vous ont guidé vous ont conduit à ne pas poser les questions qui auraient pourtant dû l’être au fond, pour que la méthode adoptée soit saine et apaisante.

Ces questions, quelles sont-elles ? Ne faudrait-il pas réfléchir préalablement à ce qu’est, en ce siècle, la force de l’État ? Comment celle-ci doit-elle s’incarner ? Avec quels moyens et pour quelles missions ? Comment, dans la nouvelle organisation territoriale, penser autrement la notion de proximité ? Cette notion doit-elle se décliner de la même façon dans un territoire urbain et dans un territoire rural ? Quelle est la capacité réelle des régions à s’ouvrir sur le monde ? Avec quels outils, quels atouts territoriaux, quels moyens et pour quel type de compétences ? Comment articuler les économies à réaliser dans les collectivités territoriales, étant entendu qu’il faut en faire ? Sur ce sujet, c’est une farce, monsieur le ministre, que de nous expliquer un jour que l’on réalisera 12 milliards d’économies sur le fonctionnement des régions, un autre jour 25 milliards, et ce quand la totalité des budgets de fonctionnement des régions n’est que de 18 milliards ! Franchement, si votre réforme permet de faire deux tiers d’économies dans les régions, je m’en inspirerai car cela pourrait m’être utile dans la collectivité que j’ai l’honneur de diriger.

Toutes ces questions étaient antérieures au débat sur l’organisation territoriale et à toutes les préoccupations de découpage. Nous aurions pu avoir ici un débat sur les compétences des collectivités, et par suite logique, un débat sur la place de l’État.

M. François Sauvadet. Tout à fait.

M. Jean-Frédéric Poisson. Or, ce débat, nous l’aurons après, alors que la carte des territoires aura déjà été bouclée – en tout cas pour un temps, au moins pour quelques jours. Avouez qu’on prend le problème complètement à l’envers ! Si ce n’était pour des raisons de calendrier électoral, si ce n’était par crainte de prendre une nouvelle déculottée aux élections territoriales prévues en mars 2015…

Plusieurs députés du groupe UMP . Ils l’auront quand même, la déculottée !

M. Jean-Frédéric Poisson. …et s’il n’y avait pas la volonté de reporter de quelques mois le scrutin, vous auriez certainement fait débattre le Parlement des compétences d’abord, comme la cohérence l’aurait exigé. Vous ne l’avez pas fait, pour les raisons que j’ai indiquées. Mus par une préoccupation électoraliste, vous avez inversé ce qui aurait été une méthode de bon sens.

Nous aborderons bien sûr ces questions un jour ou l’autre car vous ne pourrez en faire l’économie, y compris au sein de votre propre groupe. Mais nous les aborderons alors que les territoires auront déjà été constitués, au travers donc du prisme des régions déjà constituées et des départements en voie de disparition. Et nous ne nous interrogerons pas sur ce qui aurait pu être, à savoir une remise à plat de l’organisation territoriale. François Sauvadet l’a dit tout à l’heure, je me permets de le dire à mon tour au nom du président de notre groupe et de son porte-parole sur le sujet, Hervé Gaymard, nous étions nous aussi ouverts à un débat de fond sur la réforme territoriale, mais à la condition qu’il soit correctement posé.

Plusieurs députés du groupe UMP . Tout à fait.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais ce qui se passe maintenant est tordu dans toutes les acceptions du terme. C’est pourquoi nous ne pourrons pas vous accompagner dans cette voie et voter votre texte.

Je reviens sur les premières conséquences qu’aura votre réforme. L’État va s’affaiblir ; la notion de proximité, qui n’a pas été repensée, va disparaître, ce qui bien sûr menace les territoires éloignés des centres de décision, alors même que ces territoires seront plus nombreux, les régions étant plus grandes et les départements ayant disparu – il est déjà difficile pour eux de se faire entendre, mais quand ils seront encore plus éloignés, cela deviendra carrément impossible.

Autre conséquence : l’incapacité des régions à penser réellement leur articulation avec les métropoles, que votre texte ignore totalement, de manière d’ailleurs assez curieuse puisque c’est vous qui les avez créées. En réalité, de tout cela s’ensuivra une fragilisation généralisée des territoires.

M. François Sauvadet. Il a raison.

M. Jean-Frédéric Poisson. On en arrivera à une organisation territoriale qui ne permettra sans doute pas de maintenir la qualité de service au bénéfice des populations, alors que c’est leur première demande.

Nous sommes dans une apparence de simplification, une apparence de plus grande lisibilité, une apparence d’organisation induisant des économies, une apparence de puissance régionale, une apparence de débat. Mais tout cela n’est que décor de « village Potemkine » ! Il n’y a pas plus dans votre texte de réforme territoriale efficace que de beurre en broche, comme le dirait un commerçant de la rue centrale de Rambouillet, que je salue d’ici. (Sourires)

Pour terminer, monsieur le président de la commission des lois qui n’est pas dans l’hémicycle mais qui m’entend sûrement, les modalités de discussion de ce texte en commission ont été surréalistes. Je ne rappellerai pas la brièveté du délai entre la mise à disposition des députés du texte adopté par le Sénat et l’heure limite de dépôt des amendements. Je rends d’ailleurs ici hommage au rapporteur qui a dû travailler dans ce calendrier très serré, sans parler d’un certain climat politique sur lequel je ne m’appesantis pas mais dont je sais qu’il a réchappé, ce qui est assurément une preuve de compétence. Ce délai, pour un sujet d’une telle importance et d’une telle complexité, est proprement inacceptable pour la commission des lois : il en va de son respect même en tant qu’institution.

En outre, cette procédure accélérée n’en a que le nom. Nous venons d’assister à l’invention d’une nouvelle procédure parlementaire, l’engagement de « la procédure accélérée ralentie ». Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour ne pas avoir à respecter le délai exigé de six semaines entre le dépôt d’un projet de loi sur le bureau de l’une des deux assemblées et son examen par cette assemblée. Mais, voyant que cela coinçait, il a tenté de rassurer, nous disant : « Dormez, braves gens, il est deux heures, tout va bien ! Il y aura une deuxième lecture dans chaque assemblée. »

M. Guy Geoffroy. On prend des libertés incroyables avec le Règlement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je dois avouer que nul n’avait pensé à cette « procédure accélérée ralentie » lors de la réforme du règlement de notre assemblée il y a quelques années.

Ensuite, nous avons eu trois versions successives de l’article premier. On me rétorquera sans doute que c’est la marque des droits et la preuve de la force du Parlement. Certes, mais admettez que sur un tel sujet, on apprécierait un peu de stabilité afin de savoir qui pense quoi, à quel moment et pour quoi faire.

M. Nicolas Dhuicq. Et qui décide.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est peut-être encore compliqué de savoir qui décide. En tout cas, cela m’échappe. Mais tout le reste aurait grandement facilité notre travail de réflexion.

Que dire enfin du saucissonnage du texte ? Nous débattons de ce texte en juillet. Certes, les Français travaillent bien en juillet et le Parlement est encore ouvert. Mais nous en débattons à la fin de cette session extraordinaire et non au début, cela n’aura échappé à personne. Enfin, nous aurons la chance, cher Guy Geoffroy, d’examiner ce soir le texte de la CMP sur le projet de réforme pénale, au beau milieu de l’examen du présent texte.

M. François Sauvadet. Quelle organisation, ou plutôt quelle désorganisation !

M. Jean-Frédéric Poisson. Enfin, pour couronner le tout, je l’ai déjà dit, le débat interne au groupe socialiste tient lieu de séance de la commission des lois. Au-delà des sourires que cela peut provoquer, je vois là un problème institutionnel…

M. Serge Grouard. Tout à fait.

M. Jean-Frédéric Poisson. … parce que, dans l’esprit du règlement de notre assemblée, c’est la commission qui prépare le texte examiné en séance, pas les groupes.

M. Jacques Myard; et M. Guy Geoffroy . Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis le premier à être capable, le cas échéant, d’alimenter le débat dans mon propre groupe. Mais ce que vous faites là est quand même fort de café !

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous demande d’adopter, sur la forme et sur le fond, cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur le député, je suis toujours intéressé d’entendre les députés de l’opposition exposer leurs critiques car on n’est jamais convaincu en politique d’avoir raison.

M. Jacques Myard. Autoconfession !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Non, monsieur Myard. Comme disait Edgar Faure évoquant Turgot : « Avoir toujours raison, c’est un grand tort. »

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Monsieur Myard, laissez parler le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il est des gens qui ont toujours raison. Il en est d’autres qui se demandent s’ils ne peuvent pas trouver dans les arguments d’autrui une source d’inspiration utile. J’appartiens à cette catégorie-là : je ne suis pas sûr d’avoir toujours raison.

M. Jacques Myard. Ah ! Ah !

M. le président. Monsieur Myard, un peu de calme, je vous prie.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Mais M. Poisson, lui, est absolument certain d’avoir raison…

M. Jean-Frédéric Poisson. Qu’est-ce que vous en savez ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. …à tel point qu’il développe chacun de ses arguments avec une outrance d’ailleurs destinée à dissimuler des contre-vérités.

M. Guy Geoffroy. Je suis certain, moi, qu’il a raison.

M. le président. Monsieur Geoffroy, écoutez la réponse du Gouvernement.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je vais donc reprendre ces contre-vérités les unes après les autres.

Vous soutenez cette motion de renvoi en commission au motif que ce texte traduirait une volonté de recentralisation.

M. Guy Geoffroy. Parce qu’il n’est ni fait ni à faire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il y aurait volonté de recentralisation si certaines compétences, aujourd’hui exercées par les collectivités locales aux termes des lois de décentralisation, avaient vocation à l’être demain par l’État. Pouvez-vous, monsieur Poisson, me citer un exemple de compétence aujourd’hui exercée par les collectivités et qui, une fois ce texte adopté, le serait par l’État ? J’aimerais me rasseoir pour vous écouter répondre à cette question.

M. Guy Geoffroy. Comment pourrions-nous répondre ? Nous n’avons pas le texte sur les compétences.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si vous trouviez une seule compétence aujourd’hui exercée par les collectivités qui le serait demain par l’État, je pourrais éventuellement comprendre votre raisonnement. Mais vous n’en trouverez pas une seule.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je n’ai pas le texte !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si, vous l’avez.

M. Jean-Frédéric Poisson. Non, je ne l’ai pas.

M. le président. Monsieur Poisson, calmez-vous !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Si vous ne l’avez pas, nous allons vous le transmettre. Je comprends, monsieur Poisson, que cela vous agace car ce que je vous dis est très précis.

Le texte relatif aux répartitions des compétences a été examiné en conseil des ministres il y a de cela plusieurs semaines et déposé sur le Bureau du Sénat le 18 juin dernier. Vous devez donc avoir des collègues qui sont tout à fait en situation de vous communiquer le texte, qui existe et est accessible. Lorsque l’on est de bonne foi, on parle de choses qui existent, dont on a pu avoir connaissance, en faisant preuve de la plus grande rigueur possible.

Vous connaissez tant le texte relatif aux régions que le texte relatif aux répartitions des compétences. On a le temps de mener ce débat : on va passer des heures ensemble. Si vous parvenez, au cours de nos échanges, à trouver une seule disposition législative qui témoigne de la volonté du Gouvernement de transférer à présent à l’État des compétences qui sont exercées par les collectivités locales, je dirai, devant la représentation nationale, que vous avez raison et que je me suis trompé. Mais cette disposition, vous ne la trouverez pas.

M. Jean-Frédéric Poisson. On verra ce qu’en pense le parti socialiste !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ce que vous dites est animé par la volonté exclusive de polémiquer. Il n’est pas une seule disposition, dans les textes que nous présentons à la délibération de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui procède d’une volonté de recentralisation.

Lorsque vous dites que le confortement de l’administration de l’État au plan départemental traduit une volonté de recentralisation de l’État, il s’agit d’une seconde contre-vérité. Ce que nous voulons faire au plan départemental, c’est de la déconcentration, c’est-à-dire un transfert de compétences de l’administration centrale de l’État vers les administrations déconcentrées pour assurer, précisément, la proximité.

Si nous voulons demain de la proximité dans les territoires, il est important que nous engagions une politique de déconcentration, qui se fera au terme d’une revue des missions et de l’élaboration d’une charte de la déconcentration, que nous souhaitons élaborer en plus étroite liaison avec les territoires.

M. François Sauvadet. Bon courage !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous n’avons donc, je le répète, aucune volonté de recentraliser : c’est une contre-vérité que vous avez professée à maintes reprises dans votre propos.

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Nous n’avons aucune intention d’altérer la proximité, puisque ce que nous voulons faire, c’est, au contraire, transférer des missions de l’État central vers l’État déconcentré, pour assurer davantage de proximité.

Par ailleurs, vous dites qu’il est absolument indispensable de mettre davantage de cohérence dans le dispositif, et que le texte du Gouvernement en serait grandement dépourvu.

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. J’ai expliqué à plusieurs reprises ce que nous voulions faire, et je vais à nouveau m’y employer de façon à la fois synthétique et précise pour que vous puissiez, chaque fois que vous utilisez ce type d’arguments, avoir la même réponse. C’est en effet dans la pérennité et la répétition des réponses, toujours identiques, que se manifeste la cohérence d’une politique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Sauvadet. Là réside le problème !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Monsieur Poisson, lorsqu’un gouvernement sait ce qu’il veut faire et qu’il présente une réforme, il est capable à tout moment de redire quelles sont ses intentions. Aussi, je vous réaffirme nos intentions, telles qu’elles sont exprimées par les textes.

Nous voulons de grandes régions. Vous prétendez que cela réduira la proximité. Tout dépendra non seulement de la manière dont on organisera les autres collectivités territoriales, mais aussi, dans une grande mesure, de la façon dont on définira, en liaison avec les régions nouvellement constituées, la répartition des services régionaux sur les territoires, afin d’assurer des équilibres territoriaux entre les différentes villes constitutives des régions nouvelles.

Vous avez démontré que vous n’étiez pas dépourvu d’imagination car, malgré les contre-vérités que vous avez proférées, il y avait quelque brio dans la manière dont vous avez exposé les choses.

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci, j’y suis sensible !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Lorsque l’on a votre intelligence, votre brio et votre imagination, on est capable de concevoir, et c’est la raison pour laquelle vous le concevrez, que l’on puisse installer dans la capitale régionale un certain nombre de services, et dans d’autres villes et d’autres métropoles de la région, d’autres services publics, de manière à assurer des équilibres territoriaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Dhuicq. Et donc engager des dépenses supplémentaires !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Aussi faut-il, monsieur Poisson, pour arriver à atteindre ce but, ne pas être engagé, comme vous l’êtes, dans une entreprise de démolition systématique (Mêmes mouvements) et essayer, ne serait-ce qu’un instant, d’accepter d’engager une démarche constructive dans l’intérêt du pays, pour essayer de dépasser quelque peu l’intérêt de nos familles politiques et faire en sorte que prévale l’intérêt général du pays. Nous sommes convaincus que cela est possible, qu’il est possible, avec de grandes régions plus performantes économiquement, de réussir le pari de la proximité.

M. Serge Grouard. Vous maniez le paradoxe !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Enfin, il est un dernier point que je souhaiterais aborder. Vous indiquez que cette réforme ne serait pas acceptable, parce qu’elle arriverait, telle un jaune d’œuf sur une toile cirée, d’on ne sait où, parce qu’elle n’aurait pas fait l’objet d’un débat suffisant au Parlement. Mais, monsieur Poisson, vous étiez parlementaire lors de la dernière législature, même si c’était par intermittence (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Guy Geoffroy. C’est disgracieux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous êtes intervenu sur les sujets les plus importants.

Je me souviens très bien, que, lors de la précédente législature, on a vu arriver un Président de la République un soir, sans préavis, pour expliquer à des millions de Français, sans en avoir informé personne, que, du jour au lendemain, il allait supprimer la taxe professionnelle. Puis un texte ni fait ni à faire a été présenté devant le Parlement (Mêmes mouvements), qui a été totalement récrit par Gilles Carrez, alors rapporteur général, qui était désespéré par l’incongruité et l’improvisation qui avaient présidé à cette décision du Président de la République.

M. le président. Monsieur Myard, cela suffit !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous qui vous exprimez aujourd’hui, mesdames, messieurs les parlementaires de l’opposition, on ne vous a jamais entendus, à l’époque, exprimer la moindre critique car, à cette époque, lorsque l’on appartenait à la majorité, on appliquait docilement ce que le Président de la République avait décidé. (Mêmes mouvements. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pascal Popelin. C’est vrai !

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. On a de la mémoire, monsieur Poisson !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Eh bien, lorsque l’on appartient à la majorité actuelle et que le Gouvernement présente un texte, on coproduit, on discute, on essaie d’amender et d’améliorer, avec l’ouverture d’esprit qui doit dominer aussi dans la relation avec l’opposition. Mais, malheureusement, un certain nombre d’entre vous êtes animés par la volonté de détruire à tout prix ce que nous proposons, en faisant preuve d’un sectarisme qui n’a pas lieu d’être car, dans la crise que connaît actuellement notre pays, nous devons être capables de dépasser les frontières traditionnelles pour essayer de construire des compromis utiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Florent Boudié, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Cher collègue Poisson, je vais essayer à mon tour de répondre à quelques-uns des arguments que vous avez bien voulu développer dans le cadre de cette motion de renvoi en commission, si toutefois vous m’accordez la même attention que celle dont j’ai fait preuve en vous écoutant.

Votre premier argument consiste à dire que cette majorité, ce gouvernement ou le précédent auraient dû régler toute – je dis bien : toute – l’organisation territoriale, les élections, les cartes, les compétences, en un seul et unique texte.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je n’ai pas dit ça !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Comment cet argument peut-il tenir, ne serait-ce qu’une fraction de seconde ? D’abord, si cela avait été possible, monsieur Poisson, d’autres majorités, avant la nôtre – je pense aux majorités successives issues de deux élections présidentielles – auraient, peut-être, déjà accompli ce travail : cela n’a pas été le cas.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne m’avez pas écouté !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Vous faites aussi référence à ce que vous appelez – pour ma part, je n’y arrive pas encore – l’acte II de la décentralisation, à propos de la loi du 13 août 2004, en particulier des dispositions conférant des responsabilités nouvelles aux départements.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je n’en ai pas parlé !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Si, vous en avez parlé, en disant que, les départements disposant maintenant de nouvelles responsabilités, il ne faut pas les supprimer, dans la mesure où ils constituent la collectivité de référence. Vous le savez, cette loi du 13 août 2004, qui a conféré la responsabilité de la gestion du RMI – aujourd’hui RSA – au département n’était, au fond, qu’une loi de délestage, qui n’a pas transféré les moyens correspondants aux compétences, ce qui a conduit à l’asphyxie des départements et ce qui a contribué, en creux, à renforcer la responsabilité et le champ d’action des régions et des intercommunalités.

Aujourd’hui, la réalité de l’action départementale sur le territoire national, en tout cas pour l’essentiel, consiste à exécuter des décisions qui ne sont pas prises au niveau de l’assemblée départementale, exception devant être faite des départements riches.

M. François Sauvadet. N’importe quoi !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. La réalité, c’est que nos textes, qu’il s’agisse de la loi qui a renforcé le rôle des métropoles ou du projet de loi en discussion, qui sera accompagné à l’automne du texte sur les nouvelles compétences des régions, ne font que prendre acte d’un mouvement que les majorités précédentes avaient initié.

Ensuite, vous dites qu’il faut renvoyer en commission parce que nous n’avons pas eu le temps de travailler ; vous avez d’ailleurs rendu un hommage, que j’espère sincère, au travail que j’ai moi-même réalisé. Cher collègue Poisson, j’ai reçu tous les conseils régionaux de France. J’ai souhaité qu’à chaque fois les quatre principaux groupes politiques de chacun d’eux soient entendus, et qu’ils puissent me transmettre par écrit ce qu’ils n’avaient pas eu le temps de m’indiquer lors des auditions. Je l’ai dit à cette tribune, mais peut-être pas de façon suffisamment audible, tant j’ai été interrompu, notamment par les vociférations du collègue Myard. (Sourires.)

M. Jacques Myard. Qu’y a-t-il ? (« Assis ! » sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Carlos Da Silva, rapporteur. J’en ai tiré deux convictions. La première est que tous les conseillers régionaux auditionnés, ou la quasi-totalité d’entre eux, ont affirmé qu’il fallait une réforme, des régions plus grandes et plus de moyens. Mais, lorsqu’ils s’exprimaient sur la région qu’il convenait de définir, de la somme des bonnes volontés individuelles ne parvenait pas à résulter une bonne volonté générale, ou nationale. Il convenait donc que l’État, le Gouvernement agisse, et le fasse vite.

Pourquoi vite ? Parce qu’à défaut, les forces contraires, celles qui veulent s’opposer à la réforme, en coalisant les « non », la négation, la volonté de refus, s’imposeraient à nous. Par ailleurs, cette vitesse n’a pas empêché que plus de cent amendements soient déposés devant la commission, ce qui, de mon point de vue, signifie que les parlementaires, de l’opposition comme de la majorité, ont eu le temps de faire leur travail.

Par ailleurs, mon cher collègue Poisson, vous êtes souvent l’orateur de votre groupe sur les questions d’organisation territoriale et je me souviens d’interventions extrêmement précises de votre part lors du débat sur le nouveau dispositif de l’élection départementale. Je me souviens aussi précisément de vos interventions sur l’émergence de la métropole du Grand Paris. Et, chaque fois, à cette tribune, vous disiez que vous étiez, pour votre part, des réformateurs, que vous vouliez travailler à l’amélioration de l’organisation territoriale, mais pas comme cela, que le débat était mal introduit.

Il y a, là aussi, une forme d’incohérence de votre part : vous nous dites que l’on fait trop de lois, mais ce sont autant de portes d’entrée que vous pouvez utiliser. Pourtant, à chaque fois, vous nous dites que ce n’est pas la bonne porte d’entrée : aussi ne savons-nous plus quelle porte d’entrée vous proposer pour que vous preniez part, comme vous le souhaitez, à ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Laurent Furst. On souhaiterait que vous preniez la porte de sortie !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. Votre dernier argument, mon cher collègue Poisson, est celui de l’évolution de la carte. Vous avez souhaité, notamment dans le cadre de votre plaidoyer en faveur du travail de la commission des lois, que le Parlement ait plus de pouvoirs. Vous reconnaissez que le Gouvernement, qui a proposé une carte, laisse le Parlement débattre. Je tiens à le dire le moins de fois possible, mais je veux l’exprimer avec force : on ne peut à la fois tenir ce discours et déclarer que ce n’est pas la bonne méthode, se plaindre que la carte change chaque semaine, affirmer que c’est intenable, que l’on est soumis à une forme de pression et que l’on ne sait plus où l’on va.

Monsieur Poisson, reprenons les choses dans l’ordre. Une carte a été examinée en conseil des ministres. Dans le cadre d’une alliance politique contre-nature et improbable au Sénat, unissant des élus du parti communiste et de votre formation politique, cette carte a été supprimée, rasée, blanchie. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)

M. André Chassaigne. C’est au ras des pâquerettes !

M. le président. Monsieur Chassaigne, s’il vous plaît !

M. Carlos Da Silva, rapporteur. C’était la première étape. Puis, en ma qualité de rapporteur de la commission des lois, j’ai auditionné l’ensemble des régions. La seule évolution qui faisait consensus était le fait que le Limousin devait rejoindre l’Aquitaine.

Deuxième évolution, monsieur Poisson : j’entends les débats et je lis les amendements, y compris ceux que les collègues de votre groupe déposent en commission des lois pour faire évoluer la carte, et j’en tiens compte. Ce qui fait consensus, cher collègue Poisson, c’est que la Champagne-Ardenne rejoigne l’Alsace et la Lorraine (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP), c’est que la Picardie aille avec le Nord et le Pas-de-Calais, et que le Poitou-Charentes s’unisse à l’Aquitaine et au Limousin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Bref, monsieur Poisson, je crois que nous avons suffisamment travaillé en commission pour pouvoir à présent débattre dans l’hémicycle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Seul M. Valls peut faire du Valls !

M. André Chassaigne. C’est de la mayonnaise que vous avez montée !

M. le président. Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le président, monsieur le ministre, depuis 1981 nous avons manqué toutes les occasions de réforme des territoires : en 1997 avec la gauche, en 2002 avec la droite, en 2012 alors que nous avions tous les pouvoirs. Enfin, en cette année 2014, la réforme s’annonce, la réforme se précise, la réforme va se faire.

La réforme est donc pour aujourd’hui, pour maintenant, mais comme toujours se tient le débat entre les Anciens et les Modernes, et il faut avoir bien du courage, monsieur le ministre, pour affronter le syndicat des barons locaux, tous plus conservateurs les uns que les autres !

C’est donc toute la carte des territoires qu’il faut revoir, tant elle est devenue obsolète, source d’impuissance, d’inertie et d’immobilisme. Les collectivités territoriales se sont empilées les unes sur les autres, toujours plus, jusqu’à l’absurde, créant des doublons et des surcoûts, les collectivités territoriales ayant même refusé jusqu’au principe de la révision générale des politiques publiques.

Cette réforme est courageuse ; elle marquera la France pour les décennies à venir. La carte a été opportunément modifiée avec la fusion du Poitou-Charentes et de l’Aquitaine, que je soutiens ; mon ami Michel Crépeau, dont la voix désormais éteinte a longtemps retenti dans cet hémicycle, me disait toujours que ces deux régions devaient marcher ensemble, que La Rochelle devait marcher avec Bordeaux.

M. Olivier Falorni. Bien sûr !

M. Alain Tourret. Je félicite donc ceux qui ont amendé le texte en ce sens.

M. Olivier Falorni. Très bien !

M. Alain Tourret. Cette réforme permettra également à la Normandie d’être enfin réunifiée, de retrouver sa force d’entreprise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Cette région sera le port et l’ouverture de l’Île-de-France ; la Normandie, toute la Normandie, rien que la Normandie ! Ce rapprochement, pour lequel je lutte avec Hervé Morin depuis plus de vingt années, sera enfin possible.

Aujourd’hui, c’est un peu la nuit du 4 août, la fin des privilèges locaux, un nouveau souffle pour la France.

M. Yannick Moreau. N’importe quoi !

M. Alain Tourret. Voilà pourquoi je ne voterai pas cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le ministre, vous avez dit voilà quelques instants, et c’est tout à votre honneur, que vous n’étiez pas toujours certain d’avoir raison. Je vous félicite pour cette attitude et cette ouverture au doute. J’ai néanmoins le sentiment que les arguments qui ont été avancés depuis tout à l’heure dans cet hémicycle ne vous ont pas encore tout à fait convaincu de douter du bien-fondé de votre réforme.

C’est la raison pour laquelle je me permets de vous inviter à regarder de près la très longue liste des vœux et motions qui ont été adoptés dans le pays par les départements, les régions et les associations d’élus. Ils montrent à l’évidence qu’une concertation approfondie s’impose avant toute décision. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Bien sûr !

M. Marc Dolez. Notre assemblée, monsieur le ministre, rendrait service au Gouvernement en adoptant cette motion de renvoi en commission parce qu’elle pourrait lui donner le temps d’engager cette réflexion et de prendre les initiatives nécessaires. Telle est la première raison pour laquelle nous allons voter cette motion.

D’autre part, même si, dans l’état actuel des choses, nous nous faisons peu d’illusions sur la possibilité d’améliorer la copie initiale du texte, le renvoi de ce dernier en commission aurait aussi pour intérêt de permettre un examen conjoint des deux projets de loi que le Gouvernement a adoptés le 18 juin dernier. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. Charles de La Verpillière. C’est l’évidence même !

M. Marc Dolez. Nous pourrions ainsi discuter des compétences avant de nous prononcer sur le cadre. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDRUMP.)

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Sébastien Denaja. Le Président de la République a pris l’initiative d’une réforme majeure qui revêt, et je le dis sans aucune grandiloquence, une importance historique.

M. Charles de La Verpillière. N’exagérons rien !

M. Sébastien Denaja. Il me semble que François de Rugy a eu raison de dire tout à l’heure qu’il n’y a pas eu un tel débat dans l’enceinte de l’Assemblée nationale depuis 225 ans.

M. Nicolas Dhuicq. En 1914, c’était autre chose !

M. Sébastien Denaja. Que l’Assemblée nationale soit saisie de la question de la délimitation de circonscriptions administratives est en effet inédit ; mais peut-être auriez-vous préféré un décret…

Au lieu de se féliciter et de se réjouir qu’au lendemain même de la fête nationale, 225 ans plus tard, nous soyons saisis d’un tel débat, le groupe UMP se répand en une longue plainte, regrettant d’être appelé à travailler un 15 juillet. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. Ça suffit !

M. Sébastien Denaja. Cela ne me paraît ni sérieux ni respectueux des Français qui nous regardent. Pour le dire sur un ton plus léger, je sais, chers collègues, que vous aspirez tous à venir ces prochains jours vous reposer sur les plages de ma circonscription, à Sète ou, pour les moins frileux, au Cap d’Agde, mais je crois que nous avons le devoir ce soir de prendre nos responsabilités.

M. Yannick Moreau. C’est ridicule !

M. Sébastien Denaja. Puisque nous avons eu droit à la défense de « la Normandie, rien que la Normandie », qu’il me soit permis de faire référence aux plages de Sète et au Cap d’Agde !

M. Guy Geoffroy. Ce n’était pas nous, c’était M. Tourret !

M. Sébastien Denaja. Les Français seraient particulièrement choqués que nous, députés, qui sommes élus directement par le peuple, fuyions nos responsabilités, alors que la chambre qui est censée représenter les collectivités territoriales a déjà refusé de prendre part au débat. Or c’est ce que vous nous proposez, à coup de motions de procédure. Vous nous proposez en réalité le statu quo

M. Guy Geoffroy. Non ! Nous voulons prendre notre temps !

M. Sébastien Denaja. … alors que nous, nous voulons le mouvement, nous voulons réformer le pays. C’est la raison pour laquelle nous allons commencer par repousser votre motion de procédure. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Le groupe UMP votera bien évidemment cette motion de renvoi en commission.

Monsieur le ministre, vous avez, avec ce talent oratoire parfaitement reconnu qui est le vôtre, tenté de démontrer que cette réforme était cohérente, qu’elle avait du sens. En réalité, vous avez, tel un apiculteur, manié avec beaucoup d’aisance l’enfumoir. Je vais à présent m’employer à vous démontrer que nous ne pouvons avoir confiance ni en vos propos ni dans le texte que vous nous avez présenté.

M. Pascal Popelin. C’est un a priori !

M. Étienne Blanc. Le raisonnement du Gouvernement et de votre majorité consiste à commencer la réforme territoriale par une grande carte des régions en nous promettant monts et merveilles pour la suite, qui traitera l’intercommunalité, les départements et les compétences de ces différentes collectivités.

Mais, monsieur le ministre, comment voulez-vous que l’on vous croie ? Voilà bientôt deux ans que votre Gouvernement et vous n’avez respecté aucun des engagements que vous avez pris ! Vous avez interpellé tout à l’heure M. Hervé Gaymard sur ce que pensait le groupe UMP et sur ce qu’il proposait, mais on peut vous retourner ces questions : peut-on aujourd’hui vous faire confiance quant aux engagements que vous prenez sur la suite de cette réforme, dont le premier volet est une carte ? En aucun cas !

Monsieur le ministre, puisque vous avez demandé au groupe UMP de vous faire une proposition, en voici une : écoutez simplement ce que vous dit l’Association des maires de France, qui regroupe des élus de toutes tendances politiques. Elle vous dit que vous faites une erreur parce que vous commencez cette réforme à l’envers. Elle vous dit d’écouter d’abord et avant tout les élus locaux, qui vous demandent d’aborder les questions de compétences, de fiscalité, d’auto-financement des collectivités territoriales, et qui veulent comprendre le sens d’une réforme qui change profondément la France.

Monsieur le ministre, la motion de renvoi en commission qui a été défendue par Jean-Frédéric Poisson ne dit ni plus ni moins que cela : vous commencez une réforme essentielle pour l’avenir de la nation à l’envers. Vous ne ferez pas cette réforme contre les communes, les communautés de communes et les départements. Vous ne ferez pas cette réforme contre les territoires. Vous avez été autiste face à l’expression des élus locaux, c’est une évidence. Il est peut-être encore temps de revoir votre carte, mais il est plus que temps de revoir le fondement même de votre réforme. C’est la raison pour laquelle vous devez renvoyer ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yannick Moreau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet dont nous discutons est-il important ?

Plusieurs députés du groupe SRC . Oui !

M. Michel Piron. Il est à nos yeux essentiel, puisqu’il a pu être qualifié par un certain nombre d’entre nous, et non des moindres, comme « la mère des réformes structurelles ». Que disait le rapport Balladur sur ce sujet ? La même chose, sous le titre suivant : « Il est temps de décider ». C’était en mars 2009.

Pour autant, le sujet est-il aujourd’hui bien posé ? On peut tout de même s’interroger, et c’est ce que viennent de faire un certain nombre de collègues, sur le fait d’avoir séparé la question des périmètres de celle des compétences.

M. Alain Gest. Parfaitement !

M. Michel Piron. Je vous ai bien entendu rappeler tout à l’heure, monsieur le ministre, que le texte sur les compétences était à notre disposition, puisqu’il a été présenté en conseil des ministres après avoir été soumis au Conseil d’État. Mais, ne l’oublions pas, ce texte sur les compétences n’est pas voté ; c’est un projet de loi et il ne sera tranché définitivement qu’à l’automne prochain.

Si l’on considère que la question des périmètres doit être déduite de celle des compétences, que ces deux questions sont indissolublement liées, alors, reconnaissons-le, la méthode qui a été employée ne peut être considérée comme satisfaisante. Il eût été largement préférable d’inscrire dans un seul et même texte les compétences et les périmètres ; un tel texte n’aurait d’ailleurs pas comporté un nombre d’article trop important, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Quant à la question lourde, très lourde, du rôle de l’État, qui, du fait du transfert de compétences consécutif à la réforme des collectivités territoriales – non seulement régions et départements, mais aussi intercommunalités et communes – ne saurait demeurer inchangé, si vous l’avez évoquée, monsieur le ministre, au travers de la possibilité d’une déconcentration revue et corrigée, elle n’est pas non plus tranchée.

Alors, bien sûr, comme vous l’avez dit, nous allons en discuter longuement lors de la discussion générale et au cours de l’ensemble de ce débat qui va nous occuper les prochains jours. Cependant, monsieur le ministre, j’ai bien écouté votre présentation de tout à l’heure : vous avez dit qu’il arrivait parfois à la politique d’avoir quelques mauvaises manières et que, si l’on pouvait s’exonérer des postures, on en serait sûrement plus heureux. J’aurais aimé vous répondre alors « à tout péché, miséricorde », car le moins qu’on puisse dire, en effet, c’est que sous la législature précédente, nous en avons vu et entendu, des postures…

Je conclurai en vous assurant que le groupe UDI n’adoptera pas une telle attitude ; il n’y aura de sa part ni posture ni chèque en blanc.

M. Hervé Gaymard. Qu’allez-vous voter ?

M. le président. La parole est à M. Paul Molac pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. J’ai quelque difficulté à comprendre nos collègues du groupe UMP. Pour notre part, nous faisons des propositions ; certes, elles agacent parfois un peu. Par exemple, lors du débat sur les élections cantonales, je me souviens avoir dit qu’on avait le choix entre une structure administrative de la fin du dix-huitième siècle, la commune, le département, et une structure de la fin du vingtième siècle, les établissements publics de coopération intercommunale et les régions, et que, finalement, on ne choisissait pas. Il semblerait que l’on s’oriente aujourd’hui vers un choix, ce qui est très intéressant.

Hervé Gaymard a déclaré qu’il ne fallait pas être fédéraliste. Je suis désolé, mais lorsque l’on regarde les pays qui nous entourent, ils sont tous fédéralistes !

Plusieurs députés du groupe UMP . Et alors ?

M. Paul Molac. Quant à la France, la façon dont elle est organisée en fait déjà un État fédéral. Voyez les collectivités d’outre-mer ! Regardez le statut de la Nouvelle-Calédonie ! Et celui de la Corse ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je sais bien que la France s’arrête pour vous à la métropole. Mais moi, j’ai de l’ambition, et je trouve que le fédéralisme est une très bonne chose. La France est un peu en retard par rapport au reste de l’Europe, mais elle y viendra, comme tout le monde ! (Mêmes mouvements.)



M. Jean-Jacques Bridey. Très bien !

M. Paul Molac. Après, on nous dit qu’il ne faut pas de jacobinisme. Entre le fédéralisme et le jacobinisme, j’ai choisi mon camp et j’invite le groupe UMP à faire de même : on ne peut pas rester entre les deux !

J’aurais bien aimé que l’on fasse des propositions, par exemple sur l’Alsace, la Savoie. Pourquoi pas des collectivités à statut particulier, sur un certain nombre de points ? Voilà des choses intéressantes, n’est-ce pas, chers collègues d’Alsace ?

Le groupe des écologistes votera contre cette motion de renvoi en commission. Nous voulons discuter de ce projet de loi puis passer à l’examen de l’autre projet. J’ai craint, un moment, d’être le seul à avoir lu ce dernier, mais vous m’avez rassuré, monsieur le ministre ! Ce deuxième texte est un projet de régionalisation, avec des schémas prescriptifs pour les régions et peut-être même, ce qui est à mes yeux très important, l’ouverture du pouvoir réglementaire.

Il reste à discuter un certain nombre de points. J’ai entendu dire que ce n’était pas la capacité financière des Länder qui faisait leur intérêt : je suis désolé, mais je vous rappelle qu’ils peuvent investir dans leurs PME dix à trente fois plus que ne le peuvent les régions françaises ! C’est tout de même autre chose.

Nous devrons encore débattre des moyens – l’autonomie fiscale et les dotations – et du rôle de l’État, avec la péréquation. Mais je vais trop vite, cela aura toute sa place dans le deuxième projet. Pour le moment, nous voulons passer à l’examen du texte. Nous voterons donc contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants132
Nombre de suffrages exprimés131
Majorité absolue66
Pour l’adoption44
contre87

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi relatif à l’individualisation des peines et à la prévention de la récidive ;

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la délimitation des régions.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly