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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 01 octobre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Politique du Gouvernement

M. Christian Jacob

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Croissance

M. Bruno Le Roux

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

France Ô

Mme Annick Girardin

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Budget 2014

M. Jean-Jacques Candelier

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Réforme des rythmes scolaires

M. Thierry Benoit

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Réforme des rythmes scolaires

M. Jean-François Copé

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Bilan de la Conférence environnementale

M. Jean-Paul Chanteguet

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Rapport du GIEC

M. François-Michel Lambert

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Politique fiscale

M. Laurent Wauquiez

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Gare de triage de Drancy

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Réforme des rythmes scolaires

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Viticulture

M. Thomas Thévenoud

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Traités européens

M. Gilbert Collard

M. Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères

Roms

M. Julien Aubert

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Rentrée universitaire

Mme Sandrine Doucet

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Chrétiens d’Orient

M. Claude Goasguen

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

2. Redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel

Explications de vote

M. Patrice Carvalho

M. Yves Blein

Mme Anne Grommerch

M. Thierry Benoit

Mme Michèle Bonneton

M. Jean-Noël Carpentier

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

3. Nomination d’un député en mission temporaire

4. Simplification et sécurisation de la vie des entreprises

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

M. Jean-Michel Clément, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Frédéric Roig, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Philippe Noguès, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Motion de renvoi en commission

M. Guillaume Larrivé

M. Jean-Michel Clément, rapporteur

M. Frédéric Lefebvre

M. Paul Molac

Discussion générale

M. Jean-Charles Taugourdeau

M. Michel Zumkeller

M. Thierry Mandon

Mme Jeanine Dubié

M. André Chassaigne

Mme Cécile Untermaier

M. Frédéric Lefebvre

M. Fabrice Verdier

M. Jacques Bompard

M. Jean-Marie Sermier

M. Paul Molac

Mme Anne-Yvonne Le Dain

M. Jean-Pierre Vigier

M. Guillaume Bachelay

Mme Marie-Anne Chapdelaine

M. Bernard Accoyer

Mme Colette Capdevielle

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de vous retrouver pour cette première séance de questions d’actualité. Je rappelle aussi à chacun que cette séance est filmée. Ayez à l’esprit que nos compatriotes nous regardent !

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, vous aviez juré que le matraquage fiscal que vous imposez aux Français ne concernerait que les 10 % de contribuables les plus fortunés. Vous nous avez menti ! Pour cette seule année, c’est plus d’un million de foyers qui vont devenir imposables. En promettant une pause fiscale en 2014, le Président de la République nous a lui aussi menti. La vérité, c’est qu’en 2014, vous allez prélever douze milliards d’euros d’impôts supplémentaires sur les ménages. Le Président de la République est devenu le Président des impôts ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



Non seulement vous mentez, mais vous offrez le mauvais spectacle d’un gouvernement fragilisé, divisé, cacophonique. On l’a vu sur la question des Roms : Mme Duflot ne s’est pas seulement « payé » M. Valls, elle a bafoué votre autorité, elle a humilié le Président de la République ! (Mêmes mouvements.)

Monsieur le Premier ministre, nous ne supportons plus que vous soyez le simple notaire d’un contrat de mariage entre le PS et les Verts. (Mêmes mouvements.) Nous n’acceptons plus qu’une minorité agissante impose le démantèlement de notre filière nucléaire. Nous n’acceptons plus que des militants dogmatiques imposent une loi collectiviste sur le logement. Nous n’acceptons plus que le contribuable paie au prix fort vos petits arrangements sur la taxe carbone. Votre pratique du pouvoir, monsieur le Premier ministre, est digne de la IVRépublique.

Plusieurs députés du groupe UMP. Exactement !

M. Christian Jacob. Quand allez-vous assumer vos responsabilités ? Quand allez-vous cesser de jouer les Verts contre la France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, vous êtes dans votre rôle en étant dans la polémique, vous êtes dans le rôle d’une opposition qui se caricature elle-même. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Sans vouloir être cruel, monsieur Copé – pardon, monsieur Jacob ! Lapsus révélateur… – c’est vous qui nous faites la leçon ? C’est vous qui oubliez l’état dans lequel vous laissez le pays ? ("Ah !" sur les bancs du groupe UMP.) C’est vous qui oubliez les 600 milliards de dette supplémentaires ? C’est vous qui oubliez le million de chômeurs supplémentaire ? C’est vous qui oubliez les 750 000 emplois industriels détruits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)



Vous devriez réfléchir avant de parler et surtout commencer à balayer devant votre porte, au regard du triste bilan qui est le vôtre, de l’affaiblissement de la France auquel vous avez mené. Au lieu de cela, vous vous donnez en spectacle ! Vous pensez incarner l’opposition alors qu’en fait vous incarnez un parti qui se divise, qui n’a plus de leader (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui fraude pour élire son président, qui ne sait pas même où il va et qui n’a aucun projet à proposer à la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)





Pourtant, il existe bien un programme de la droite, qui a été publié ces derniers jours : le contre-budget. C’est un contre-budget d’austérité, pur et dur. Eh bien, pour ma part, je ne veux pas l’austérité pour la France ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne veux pas le programme de l’Espagne ! Je ne veux pas le programme du Portugal ! Je ne veux pas ce que l’on fait subir aux Italiens et aux Grecs ! Je veux le redressement de la France, et c’est ce que nous avons entrepris avec la majorité parlementaire, pour la justice et la préparation de l’avenir. Voilà la différence avec vous, monsieur Jacob. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)



Croissance

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le Premier ministre, vous venez de le dire, les dernières semaines ont apporté des informations qui confirment le redressement de notre pays et redonnent espoir à nos concitoyens. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je ne comprends pas pourquoi ce genre de choses semble toujours vous apparaître comme une mauvaise nouvelle pour la France ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Sur l’emploi, les dispositifs mis en place par le Gouvernement : contrats d’avenir, contrats de génération, CICE, réforme du marché du travail, permettent d’ores et déjà d’amorcer l’inversion générale, tant attendue par les Français, de la courbe du chômage.

Sur la croissance, ensuite, le temps de la récession, de la panne que vous avez connue pendant toutes ces années est aujourd’hui révolu.

M. Jean-François Copé. On rêve !

M. Bruno Le Roux. Ceux qui observent l’économie de notre pays réévaluent ses perspectives de croissance sur la base de la politique que vous menez, monsieur le Premier ministre.

Sur les finances publiques encore, avec la gauche, le déficit diminue.

M. Jean-François Lamour. Tout va bien !

M. Bruno Le Roux. Il sera à la fin de l’année inférieur à 4 %, ce qui mettra fin à la gabegie de ces cinq dernières années, qui ont vu s’accumuler 600 milliards de dette supplémentaires dans notre pays.

Sur la protection sociale, enfin : à l’heure où la droite nous propose la retraite à 65 ans, nous permettons aujourd’hui, en la consolidant, d’offrir de nouveaux droits aux salariés.

Monsieur le Premier ministre, la ténacité, la détermination et le volontarisme produisent des résultats. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Quand certains, à droite, évoquent des instincts meurtriers à votre égard, ou à l’égard du Gouvernement, propos absolument irresponsables et qu’aucun d’entre eux n’a condamnés, nous voulons vous dire, pour notre part, la mobilisation de la majorité autour de tous les dispositifs qui permettent le redressement du pays et nous vous demandons de les confirmer à l’aube de ce nouveau budget 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. Bref, tout va bien !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Bruno Le Roux, vous me donnez l’occasion de prolonger la réponse que j’ai apportée au président Jacob. Oui, c’est vrai, nous avons demandé un effort aux Françaises et aux Français.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ah oui !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’assume ces choix, qui sont ceux du redressement de notre pays : redressement financier, redressement de notre appareil productif, engagement de profondes réformes, comme celles de l’éducation et de la transition énergétique, et dans le même temps volonté de tout faire pour sauver notre modèle social et républicain. Ce n’est pas une partie facile. Il faut beaucoup de détermination, de constance, de persévérance, mais vous venez de le dire : sur le plan financier, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons trouvé un déficit de 5,3 %. Dès 2012, nous l’avons ramené à 4,8 %. En 2013, il sera de 4,1 %.

M. Philippe Cochet. Tout va bien !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. L’objectif du budget 2014 est de le ramener à 3,6 %, puis, à la fin du quinquennat, à 1,7 %. Cet effort, nous le faisons pour redonner à la France ses marges de manoeuvre et sa totale souveraineté par rapport aux marchés financiers. Mais nous le faisons sans casser la reprise de la croissance. Vous y faites allusion et vous avez raison : non seulement les chiffres du second trimestre sont positifs mais les derniers indicateurs de l’INSEE sont là pour prouver que la reprise de la croissance est en marche. Ce n’est surtout pas le moment de faiblir et de renoncer

Il y a près d’un an, après le rapport Gallois, j’ai présenté le pacte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi, ainsi que le crédit d’impôt, l’organisation en filières, la réforme de la formation professionnelle, la banque publique d’investissement, le soutien aux PME : tout cela est en marche et doit se poursuivre. Cet effort, mesdames et messieurs les députés de la majorité, je vous invite à l’amplifier dans le budget 2014. C’est essentiel.

M. Christian Jacob. Et les impôts ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Bruno Le Roux, vous le savez, comme tous ceux ici présents : nous serons jugés sur les résultats en matière d’emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les chiffres vont dans la bonne direction, y compris ce mois-ci. C’est grâce aux emplois aidés… (Mêmes mouvements.)

M. le président. Un peu de calme, je vous prie.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …et aux emplois d’avenir, mais aussi au retour de la croissance. Alors, je vous le demande : poursuivons l’effort entrepris, redonnons de la confiance, redonnons du travail, redonnons de l’emploi et la France repartira de l’avant. C’est à cet effort de solidarité et de mobilisation que je vous appelle et que j’appelle les forces vives du pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

France Ô

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Annick Girardin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication et concerne la place des outre-mer dans la programmation de France Télévisions, notamment sur la chaîne France Ô.

Le candidat à la présidentielle François Hollande avait en effet pris l’engagement ambitieux mais légitime de redonner à la chaîne France Ô les moyens de renforcer sa vocation ultramarine, son rôle de lien entre l’Hexagone et les outre-mer. Cette décision naturelle est partagée par beaucoup ici au vu de la richesse de nos territoires et de leurs apports à la collectivité nationale, que ce soit en matière de biodiversité, de richesses maritimes, d’activité économique ou encore de diversité culturelle. Mme la ministre de la culture et de la communication a d’ailleurs elle-même réaffirmé à plusieurs reprises, à l’instar de M. le ministre des outre-mer, et ce à juste titre, cet engagement devenu celui du Gouvernement.

C’est donc avec une réelle incompréhension que nous, parlementaires de l’outre-mer, avons constaté l’insuffisance des moyens prévus en matière de représentation des outre-mer dans le contrat d’objectifs et de moyens liant l’État à France Télévisions qui doit être signé avant la fin de l’année. La part de la programmation consacrée à l’outre-mer dans la grille de France Ô est totalement insuffisante en l’état. Nous ne pouvons nous contenter d’environ 15 % de part d’antenne quand le respect des engagements du Gouvernement supposerait a minima 70 %.

Quant à la disparition des liens entre France Ô et les chaînes locales Outre-mer 1ère dans le nouvel organigramme de France Télévisions, elle est totalement incohérente. Les stations locales fournissent pourtant un travail de qualité qu’il suffirait de reprendre pour faire découvrir et faire partager au plus grand nombre en métropole la richesse et l’actualité de nos outre-mer et de leur bassin maritime régional, et ce sans coût financier supplémentaire pour France Ô.

France Ô est une chance pour les outre-mer, un vecteur formidable de promotion des richesses ultramarines mais aussi de la diversité de notre pays. C’est en d’autres termes un outil essentiel de cohésion nationale. Par conséquent, l’outre-mer, confiante en son choix de l’alternance et de la gauche, attend aujourd’hui sur cette question un signe fort du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Madame la députée, je vous prie d’excuser l’absence de Mme Filipetti, qui est retenue au Sénat pour l’examen du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public.

Le cahier des charges actuel de l’entreprise définit France Ô comme une chaîne de la mixité et de la diversité culturelle. Le Gouvernement a souhaité que la révision du contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions soit également l’occasion de réaffirmer l’identité ultramarine de France Ô.

La présentation que le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens fait de France Ô est à cet égard sans ambiguïté : « L’identité de France Ô s’est construite à partir de son socle originel ultramarin dont elle promeut la richesse, la diversité et son état d’esprit en mettant en lumière ses différents départements et territoires, partie intégrante de la République. Elle a notamment pour mission de faire connaître les outre-mer. »

Cette affirmation se traduit également par l’engagement pris par la société de faire progresser sensiblement la part des programmes consacrée aux outre-mer dans la grille de France Ô. Ainsi, l’avenant prévoit que le volume de programmes ultramarins progresse de plus de 7 % entre 2013 et 2015 pour atteindre en 2015 105 heures en moyenne mensuelle, soit près de 18,5 % de la grille.

L’information relative aux outre-mer est portée par quatre rendez-vous quotidiens. Le volume de diffusion de documentaires consacrés aux outre-mer augmente également de manière importante, notamment grâce à la diffusion d’oeuvres produites ou co-produites localement par les outre-mer.

M. Philippe Cochet. Ça, c’est une réponse !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. En conclusion, France Ô est une chaîne à l’identité ultramarine qui s’adresse à l’ensemble de la communauté nationale.

Budget 2014

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Ma question s’adresse au ministre du budget.

La France souffre du cancer financier. Le CAC 40 distribue des dividendes en pagaille et les richesses de quelques-uns sont indécentes. Il est urgent de réhabiliter l’impôt pour réorienter l’économie, réduire les inégalités et conforter nos services publics.

Mme Catherine Vautrin. C’est cela, la majorité ?

M. Jean-Jacques Candelier. Le projet de loi de finances pour 2014, à l’instar du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ne répondra pas aux enjeux. Jamais la droite n’a osé proposer 9 milliards d’euros de coupes budgétaires ! Peut-être le ferait-elle aujourd’hui… Vous allez tuer la reprise de l’activité et freiner les investissements publics, notamment de la part des collectivités territoriales. Vous poursuivez le gel des traitements, hormis quelques alibis sociaux, et préparez des mesures injustes comme la réduction de l’aide juridictionnelle ou la suppression de la réduction d’impôts pour frais de scolarité. Votre budget me fait penser à cet adage : « Faites payer les pauvres, ils sont plus nombreux. »

M. Jean-Luc Reitzer. Belle majorité que voilà !

M. Jean-Jacques Candelier. Le PLF va augmenter la TVA pour gaver les actionnaires, à hauteur de 10 milliards d’euros. Toujours au nom de la compétitivité, il va compenser le nouveau cadeau au patronat qui accompagne la réforme des retraites, qui représente une perte d’un milliard d’euros pour la branche famille. La solution juste pour libérer la production, les salariés et les collectivités asphyxiés serait de s’attaquer à la rente : diviser par deux les dividendes des actionnaires dégagerait 120 milliards d’euros. Êtes-vous prêts à augmenter la taxe sur les dividendes distribués et à refondre l’impôt sur les sociétés qui frappe davantage les petites entreprises que les grandes ?

M. Philippe Briand. Tel n’est pas le débat !

M. Jean-Jacques Candelier. Comptez-vous réellement lutter contre l’évasion fiscale et renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu, ce qui n’a rien à voir avec la taxe temporaire symbolique sur les revenus supérieurs à 1 million d’euros que vous avez instaurée ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler que l’impôt est consubstantiel au pacte républicain. En effet, les impôts permettent de financer des services publics auxquels nous tenons. S’il y a des hôpitaux, des écoles,…

Mme Brigitte Bourguignon. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …un service de la justice et de la sécurité qui fonctionnent dans notre pays, et auxquels les Français sont particulièrement attachés, c’est parce que l’impôt est levé et que s’applique le principe d’égalité des Français devant les charges communes. L’impôt est à la fois une source de financement de nos grands services publics et un outil de redistribution.

Je voudrais insister sur le fait que le budget pour 2014 comporte de nombreuses mesures pour le pouvoir d’achat.

Lorsque nous décidons de financer pour près de 3 milliards d’euros, à travers les emplois d’avenir et les contrats de génération, des emplois pour ceux qui n’en ont pas afin qu’ils puissent consommer et se construire un avenir, nous finançons des mesures pour le pouvoir d’achat.

Lorsque nous décidons d’augmenter de 2 % au-delà de l’inflation le revenu de solidarité active en débloquant 600 millions d’euros, il s’agit d’une mesure de revalorisation du pouvoir d’achat.

Lorsque nous décidons de financer près de 55 000 bourses pour les étudiants des familles les plus en difficulté, nous agissons sur le pouvoir d’achat.

Et lorsque nous décidons, par une dépense de 400 millions d’euros, de mettre en place des mesures, auxquelles vous avez d’ailleurs participé, pour les tarifs sociaux de l’électricité, nous créons les conditions pour que le prix de l’énergie ne grève pas le pouvoir d’achat des Français les plus défavorisés.

Lorsque nous décidons d’augmenter l’allocation de soutien familial et le complément familial, nous prenons des mesures de valorisation du pouvoir d’achat en faveur des Français les plus défavorisés.

Tout cela doit se faire de manière à permettre le rétablissement de nos comptes publics. C’est la raison pour laquelle nous faisons des efforts d’économie, mais ces derniers ont pour but de financer toutes les mesures de protection du pouvoir d’achat que j’ai mentionnées à l’instant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Réforme des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Je voudrais, monsieur le ministre de l’éducation nationale, aborder devant vous la question du réaménagement des rythmes scolaires. (" Ah ! " sur les bancs du groupe UMP.)



L’UDI partage les objectifs de bien-être et de réussite de nos enfants. (" Ah ! " sur les bancs du groupe SRC.)

L’UDI partage aussi l’objectif d’acquisition des connaissances fondamentales : lire, écrire et compter, sachant qu’aujourd’hui, 15 à 20% de nos enfants ne maîtrisent pas ces savoirs à la sortie de l’école primaire.

Le contexte actuel, monsieur le ministre, est celui d’une réforme lancée en janvier avec pour objectif l’adhésion d’un nombre maximal de communes dès 2013. Cet objectif n’est pas atteint.

Aujourd’hui, l’aménagement des rythmes scolaires repose avant tout sur la responsabilité et sur l’engagement des maires, à qui il revient de rechercher des créneaux horaires disponibles, des locaux et salles de classe à mettre à disposition en dehors des heures de cours, ou encore des personnels qualifiés.

Seules 4 000 des 24 000 communes abritant une école se sont d’ores et déjà engagées pour 2013. À l’évidence, les 20 000 autres n’ont pas su ou pas pu concevoir le projet pédagogique. Or, c’est ce moment précis que choisit l’État pour réduire de moitié son aide à l’association Coup de Pouce Clé qui soutient l’apprentissage de la lecture chez les enfants ! (« Quelle honte ! » sur certains bancs du groupe UDI).

Au-delà de la seule question des rythmes scolaires, il s’agit bien de la question du rythme de l’enfant, tant à l’école qu’en famille, mais aussi alors qu’il fait ses premiers pas dans la vie sociale.

L’UDI vous interroge, monsieur le ministre : comptez-vous donner du temps au temps en assouplissant le calendrier de mise en œuvre de cette réforme et ses modalités d’application, avec pour seule ambition de préserver le rythme de l’enfant et de viser l’excellence éducative dans nos écoles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Je suis heureux, monsieur le député, de vous entendre partager les objectifs qui sont les nôtres, et particulièrement la réussite de tous les élèves de France. Cette réussite est entravée depuis plusieurs années car, vous le savez, nous avons pris collectivement, surtout sous la majorité précédente, des décisions qui sont au préjudice de l’apprentissage. Ce préjudice est reconnu par tous : suppression de 80 000 postes en cinq ans, suppression de la formation des enseignants, suppression enfin de deux heures de cours pour tous les élèves du primaire et instauration d’une semaine de quatre jours unique en son genre dans les pays développés, et qui donne le plus mauvais temps d’apprentissage aux enfants de France ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)



Face à ces attaques sans précédent contre l’école de la République, nous avons décidé d’opérer son redressement en créant des postes, en formant les enseignants, en mettant en place un service public du numérique, pour enfin redonner à tous les enfants de France un meilleur temps scolaire. (Protestations sur les bancs du groupe UDI.)

Vous nous dites qu’il faut du temps. Précisément : le Président de la République a accordé le temps de la concertation, et mon prédécesseur, M. Chatel, l’avait aussi fait en son temps. Cette concertation nous a permis d’atteindre notre objectif : instaurer une semaine de quatre jours et demi tout en raccourcissant la journée de classe. D’autres réformes devront suivre.

M. Philippe Meunier. Et d’autres impôts !

M. Vincent Peillon, ministre. Dès la rentrée 2013, 20 % des communes ont réussi à offrir aux élèves ce meilleur temps scolaire et éducatif. Je les remercie au nom de l’intérêt des élèves. Les autres communes ont l’année pour s’y préparer, en plus des derniers mois de l’année dernière qu’elles ont déjà eus. (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Il est temps de mettre cette réforme en pratique ! Chaque année perdue s’accompagne de résultats déplorables pour les élèves. C’est dans leur intérêt qu’il nous faut nous rassembler. L’effort est indispensable, consentons-y. L’État donne l’exemple. Les collectivités doivent l’accompagner ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Réforme des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Nicolas Bays. Tricheur !

M. Jean-François Copé. Comme je regrette, monsieur le ministre de l’éducation nationale, l’agressivité dont vous venez, une nouvelle fois, de faire preuve. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je considère qu’un sujet tel que celui de l’éducation de nos enfants devrait au moins faire consensus entre la droite et la gauche dans ce pays.

Tout le monde sait naturellement qu’il faut alléger la charge de travail de nos enfants. Mais en procédant comme vous l’avez fait, vous avez accumulé tous les inconvénients sans en recueillir aucun avantage pour les enfants de France. Vous avez décidé cette réforme des rythmes scolaires en catimini, par décret. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Voilà une réforme qui plonge l’école française dans un désarroi total. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Les enfants, monsieur le ministre, sont épuisés par l’augmentation du temps scolaire, comme en attestent tous les témoignages. Ils sont déboussolés par l’arrivée de nouveaux intervenants, surtout en maternelle.

En outre, vous avez humilié les enseignants en les écartant de la réforme ; ils voient aujourd’hui débarquer dans leurs classes, en dehors du temps scolaire, des intervenants non formés. Vous créez des inégalités profondes entre les villes et les communes rurales qui n’ont ni les équipements ni les moyens nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous perturbez les parents, qui s’inquiètent pour leurs enfants. Vous ignorez le travail des clubs sportifs.

Enfin, monsieur Peillon, et croyez que je le regrette, vous confortez le Président de la République dans son rôle de Président des impôts ! Cessons de nous mentir : vous avez doté votre réforme d’un financement de l’ordre de 50 euros par an et par enfant, alors que chacun sait bien qu’il ne faudra pas moins de 300 euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous le dis : vous ne trouverez pas la solution en augmentant les impôts locaux, alors que vous avez déjà matraqué les Français par des impôts d’État. Je vous demande donc de reporter cette réforme, avant que la colère du peuple de France ne vous oblige à démissionner ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP, dont certains membres se lèvent, et sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Oui, monsieur le député, j’aurais souhaité le consensus. Cela étant, permettez-moi de rappeler quelle est votre crédibilité en matière d’éducation : ces dernières années, vous avez accepté la destruction de 80 000 postes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et ma première décision, y compris pour votre département, la Seine-et-Marne, a été de recréer des postes car les remplacements n’étaient plus assurés ! (Huées sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Un peu de calme, je vous prie.

M. Vincent Peillon, ministre. Vous avez enlevé aux enfants de France deux heures de cours à l’école élémentaire. Vous avez supprimé la formation des enseignants. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Quelle est aujourd’hui votre crédibilité pour nous donner des leçons, alors même que nous réparons ce que vous avez détruit ? La réalité, c’est que vous voulez continuer à détruire et à diviser en jouant sur les peurs et sur les mensonges.

Dans votre propre ville de Meaux, monsieur Copé, ce n’est pas de 50 euros que vous avez privé chaque enfant, mais de 150 euros cette année ! Et c’est justement à ce montant que M. Pélissard, président de l’Association des maires de France, qui est dans votre formation politique, estime le coût de la réforme.

Nous devons agir pour permettre le redressement éducatif de la France. Nous devons agir pour permettre la réussite scolaire de tous les élèves sur tous les territoires, précisément pour lutter contre les injustices qui se sont aggravées ces dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous n’êtes tout de même pas obligés de faire n’importe quoi !

M. Vincent Peillon, ministre. La réforme que nous menons, y compris avec des élus de votre bord politique, est une grande réforme.

M. Philippe Meunier. On n’en veut pas, de ces rythmes scolaires !

M. Vincent Peillon, ministre. Elle devrait permettre à chacun de se dépasser. Nous savons en effet que lorsque l’école de la France fonctionnera mieux, alors l’ensemble du pays en profitera. Nous vous attendons à ce rendez-vous. Chacun, pourtant, aura compris que vous en aviez un autre, plus politique : celui des municipales. Faites attention à ne pas enfourcher ce cheval, car vous risquez de tomber, et la chute sera lourde ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste, dont de nombreux membres se lèvent, et sur les bancs du groupe RRDP.)

Bilan de la Conférence environnementale

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Paul Chanteguet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Le Président de la République vient de fixer, lors de la Conférence environnementale, des objectifs concrets permettant de mettre en œuvre la transition énergétique.

François Hollande a arrêté un double cap : la division par deux de notre consommation d’énergie d’ici à 2050 et la diversification de nos sources d’énergie. Nous devrons ainsi faire monter en puissance la part des renouvelables à 25 % d’ici à 2020, réduire la part du nucléaire dans l’électricité à 50 % d’ici à 2025 et diminuer de 30 % l’utilisation des énergies fossiles d’ici à 2030.

Des moyens de financement de cette transition ont été définis, avec la contribution climat-énergie, dotée d’une trajectoire lisible et chiffrée, l’engagement renouvelé de la Banque publique d’investissement, la tenue d’une conférence bancaire et financière au printemps prochain et la baisse de la TVA dans le projet de loi de finances pour 2014 sur la rénovation thermique, afin de rendre plus économes en énergie 500 000 logements par an.

Enfin, le Président de la République a posé le principe d’une nouvelle gouvernance en matière nucléaire, afin qu’une centrale puisse fermer pour des raisons de stratégie énergétique garantie par l’État.

Monsieur le ministre, il vous revient désormais d’organiser cette transition grâce au projet de loi que vous allez rédiger et présenter devant notre assemblée avant l’été prochain. François Hollande l’a qualifié par avance comme l’un des plus importants textes de son quinquennat.

Pouvez-vous nous indiquer la façon dont vous allez le préparer et nous préciser comment vous souhaitez associer les parlementaires à ce texte fondateur ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le président Chanteguet, vous avez eu raison de dire que la deuxième Conférence environnementale a permis au Président de la République et au Premier ministre de rappeler que la transition écologique est fondamentale dans l’action du Gouvernement et qu’elle permettra de fixer des objectifs clairs.

Vous en avez parlé : réduction de 50 % de notre consommation finale à l’horizon de 2050, réduction de 30 % de notre consommation d’énergie fossile, contribution climat-énergie, qui n’a rien à voir avec la funeste taxe carbone votée par l’opposition d’aujourd’hui, et tout cela alors que nous allons veiller à la préservation de la compétitivité des entreprises et du pouvoir d’achat des Français…

M. Marc Le Fur. Et le diesel ?

M. Philippe Martin, ministre. Puis, il y a cette loi de transition énergétique dont le Président de la République a dit qu’elle serait une loi importante de ce quinquennat. Je peux vous confirmer ici que les parlementaires des commissions concernées seront largement associés en amont à sa rédaction et à son instruction. De la même manière, le Conseil national de la transition écologique auquel participent plusieurs parlementaires de votre commission sera associé pour faire en sorte que cette loi soit importante.

Pour répondre en écho à ce que disait tout à l’heure M. Jacob, on ne fait pas la transition écologique pour complaire à telle ou telle formation politique.

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais si !

M. Philippe Martin, ministre. On le fait parce qu’on pense que c’est bon pour son pays, pour l’Europe et pour le monde. Vous l’avez oublié, nous, nous le ferons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Rapport du GIEC

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, a présenté vendredi dernier le premier volet de son nouvel état des lieux sur le réchauffement climatique.

Le verdict des scientifiques est sans appel et tient en une phrase prononcée par la responsable climat de l’ONU : le défi auquel nous faisons face est plus important et plus urgent encore que ce que nous pensions. Ainsi, il ressort des études scientifiques que les engagements pris à ce jour sont insuffisants pour atteindre l’objectif d’une limitation du réchauffement de la planète à deux degrés.

Il s’agit là d’un enjeu considérable. Au-delà de ce seuil, les scientifiques considèrent que l’emballement du système climatique entraînerait un cortège d’événements extrêmes. Lutter contre le réchauffement climatique suppose des décisions à tous les échelons.

Au plan national, ce fut l’objet de la Conférence environnementale dont la feuille de route doit être encore précisée dans ses objectifs et ses moyens, comme le demandent d’ailleurs les organisations environnementales.

De même, l’Union européenne doit proposer un nouveau dispositif pour 2030 comportant des objectifs contraignants, non seulement sur les gaz à effet de serre, mais aussi sur l’efficacité énergétique et les renouvelables.

Pour ce qui est de la gouvernance mondiale, le rendez-vous de la Conférence de Paris en 2015 est incontournable. Lundi, vous déclariez, monsieur le ministre, qu’il est essentiel qu’un accord universel ambitieux et comportant des engagements de réduction d’émission de gaz à effet de serre soit bien conclu en 2015.

Alors que le doute domine et que la situation empire, comment, monsieur le ministre, dans la préparation de cette conférence et dans ses conclusions, la France réussira-t-elle là où tant d’autres ont échoué ? Quels sont nos atouts, notre stratégie pour faire de 2015 l’année de l’accord mondial jugé indispensable par tous les scientifiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, vous avez tout à fait raison de souligner l’aspect fondamental de ce rapport du GIEC. Comme vous l’avez dit, il apporte des informations extrêmement inquiétantes, plus inquiétantes que ce que nous savions par le passé, et résumées par ce chiffre : si l’on ne fait rien, il n’y aura pas deux degrés de plus à l’horizon 2100, mais probablement cinq, ce qui signifie un bouleversement total. Il faut donc agir, et une série d’étapes est prévue.

Dans quelques jours, il y aura une conférence à Varsovie au niveau international et l’an prochain à Lima, ainsi qu’une réunion générale des Nations-unies sous la présidence de Ban Ki-moon ; enfin, en 2015, une réunion internationale aura lieu sous présidence française.

Nous commençons à nous préparer. Je préside chaque mois avec mes collègues Pascal Canfin et Philippe Martin une réunion interministérielle. Il faudra agir au plan international, européen et français – et la France se doit d’être absolument exemplaire.

Ce dont il s’agit, mesdames et messieurs les députés, c’est de faire en sorte, puisque le dérèglement climatique a été causé par l’homme – c’est maintenant incontestable – qu’il puisse être aussi réparé par l’homme.

Je pense que, sur aucun banc, les députés conscients de ce qui peut se passer dans l’avenir ne refuseront leur concours. La France veut être à l’avant-garde de ce qui sera la grande cause des années qui viennent : la lutte contre le dérèglement climatique. Et la France sera exemplaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Politique fiscale

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Laurent Wauquiez. Mensonge, monsieur le Premier ministre ! Oui, mensonge, et vous n’avez pas répondu ! Neuf Français sur dix ne connaîtront aucune hausse d’impôts, avez-vous dit. Mensonge ! Vous aviez dit que vous feriez des économies cette année, sans demander aucun effort supplémentaire aux Français. Mensonge ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Mensonge !

M. Laurent Wauquiez. Vous aviez dit que votre budget épargnerait les familles. Mensonge, là encore ! « Pause fiscale en 2014 » : mensonge ! Ce sont en tout douze milliards d’euros d’impôts supplémentaires que vous demandez aux familles, monsieur le Premier ministre : complémentaire santé, quotient familial, fin de la déduction pour frais de scolarité, cotisations retraites, déplafonnement des droits de mutation. Douze milliards d’euros ! Comment osez-vous encore parler de pause fiscale ? Surtout, le poids de l’impôt est concentré sur les mêmes : les classes moyennes et les familles modestes, ceux que vous n’avez cessé de taxer depuis votre arrivée aux affaires, ceux que vous n’avez pas soulagés et que vous aidez de moins en moins !

Plusieurs députés du groupe SRC. Mensonge !

M. Laurent Wauquiez. Dans votre camp même, monsieur le Premier ministre, de plus en plus de parlementaires vous exhortent à sortir de votre folie fiscale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Les classes moyennes n’en peuvent plus. Je vous mets en garde contre la paupérisation, depuis deux ans, des classes moyennes de France.

M. Bernard Roman. Mensonge !

M. Laurent Wauquiez. Ce sont les salariés qui ont perdu le bénéfice des heures supplémentaires, les retraités dorénavant imposables et les familles qui ont de plus en plus de mal à boucler leur budget. Écoutez les parlementaires de votre camp selon lesquels vous faites fausse route, monsieur le Premier ministre ! Tenez vos engagements, cessez vos mensonges, corrigez votre budget et arrêtez une bonne fois pour toutes d’infliger des hausses d’impôts aux classes moyennes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je vous remercie sincèrement, monsieur le député Wauquiez, de votre question, qui est un modèle de nuance, de bonne foi et d’honnêteté intellectuelle. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous évoquez, monsieur le député Wauquiez, le matraquage fiscal. Vous oubliez simplement que vous avez prélevé en 2011 vingt milliards d’euros sur les Français. Vous oubliez que vous en avez prélevé treize en 2012. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et vous oubliez surtout de préciser, monsieur Wauquiez, en évoquant les Français moyens et les plus modestes de nos compatriotes, que vous avez décidé en 2011 – non pas vous mais la majorité à laquelle vous apparteniez – de mettre en place la fin de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu et la suppression de la demi-part des veuves, intégrant par conséquent dans l’impôt sur le revenu des milliers de Français qui n’avaient pas vocation à le payer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Si des Françaises et des Français parmi les plus modestes paient aujourd’hui l’impôt sur le revenu, c’est en raison de ces décisions injustes (Mêmes mouvements.) que nous avons corrigées l’an dernier par une décote et que nous corrigeons cette année par la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu, que nous complétons par une nouvelle décote et par l’augmentation du plafond du revenu fiscal de référence, ce qui permettra à des milliers de Français parmi les plus modestes de ne pas avoir à payer la CSG, la taxe d’habitation et la redevance audiovisuelle.

M. Jean-François Lamour. Mensonge !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous parlez de matraquage fiscal, monsieur le député, mais votre imagination fiscale fut sans limite ! Ce sont vingt taxes que vous avez inventées au cours du précédent quinquennat, jusqu’à une taxe sur les mollusques – c’est dire à quel point votre imagination fiscale était fertile ! Nous réalisons quinze milliards d’euros d’économies, nous stoppons l’augmentation de la pression fiscale et nous redressons les comptes, voilà le chemin sur lequel nous sommes engagés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur quelques bancs du groupe écologiste ; exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Gare de triage de Drancy

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. J’attire depuis plusieurs mois, monsieur le Premier ministre, l’attention de vos ministres de l’environnement et des transports sur la situation de la gare de triage de Drancy, où le tri et le stockage de milliers de wagons contenant des matières et des produits extrêmement dangereux mettent en danger des milliers d’habitants des villes de Drancy, du Bourget et du Blanc-Mesnil. Ils font la sourde oreille depuis des mois, et l’État avec eux. Pourtant, une étude de danger, rendue obligatoire par une loi de 2003 et que l’État a approuvée, montre qu’au moins 30 000 habitants sont en danger de mort en cas d’incident ou de fuite sur un seul de ces wagons.

Face à cette situation, que fait l’État ? Son représentant dans le département a pris acte du danger, donné pas moins de cinq ans à la SNCF pour envisager les façons éventuelles de renforcer la sécurité, sans en préciser les moyens, et défini un périmètre de 620 mètres à l’intérieur duquel toute construction nouvelle est interdite, qu’il s’agisse d’écoles, d’habitations ou même d’une véranda. L’État, dont votre Gouvernement a la charge, monsieur le Premier ministre, considère donc qu’un accident entraînant des milliers de morts est possible mais que la seule urgence est d’empêcher qu’il y ait plus d’habitants qu’aujourd’hui, comme si la mort de 30 000 personnes pouvait être acceptable ! De telles décisions, monsieur le Premier ministre, révoltent la population. Elles sont scandaleuses ! Vous ne pouvez pas geler ainsi un territoire qui représente un quart de ces villes et où plus rien n’est constructible ni vendable, ce qui laisse des familles face à des difficultés énormes.

Ce n’est pourtant qu’une question d’argent. La solution est simple. Les matières dangereuses ne doivent plus être triées ni stockées au milieu des habitants dans des zones urbaines denses mais au contraire sur des sites isolés. Cela coûte certes un peu plus cher, mais oserez-vous assumer, monsieur le Premier ministre, qu’aux yeux de l’État l’argent vaut mieux que la vie des gens ? Il y a douze ans, l’explosion d’AZF a obligé l’État à changer les règles et les lois, mais après la catastrophe. À Drancy, au Bourget et au Blanc-Mesnil, nous exigeons de vous, qui êtes en charge de l’État, une réglementation interdisant la présence de matières dangereuses avant la catastrophe, pas après l’explosion ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Permettez-moi, monsieur le député Jean-Christophe Lagarde, de regretter le ton de votre question.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous plaisantez, monsieur le ministre !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Quand il en va de la sécurité, il importe que nous puissions travailler ensemble, comme nous le faisons avec les élus, en appréhendant les difficultés de façon très responsable. C’est dans cet esprit que j’ai reçu Marie-George Buffet il y a quelques semaines ainsi que M. le maire du Blanc-Mesnil. Vous-même avez été reçu par le ministère.

Un député du groupe UMP. Il faut répondre !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Quand vous vous demandez ce que fait l’État en une question volontairement polémique, vous apportez vous-même la réponse puisque vous indiquez que le préfet de Seine-Saint-Denis a lui-même engagé des mesures prescriptives vis-à-vis de RFF et de la SNCF par arrêté préfectoral.

M. Dominique Tian. Autant dire rien !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il ne s’agit pas d’une petite gare de triage, vous le savez bien, monsieur le député, mais d’un élément central de l’organisation du fret ferroviaire, rassemblant 250 000 wagons, 48 voies de triage et 300 cheminots. Je suis au regret de souligner que l’évolution que vous préconisez aurait pour conséquence un report modal du fret, en particulier de matières dangereuses, sur la route, ce qui créerait un risque d’accident majeur. Pour autant, il existe des interrogations et des inquiétudes. Le code de l’urbanisme lui-même prévoit des périmètres de sécurité. Nous avons mis en place des dispositifs opposables relatifs à l’analyse des risques, au suivi des wagons et à l’organisation opérationnelle. Une nouvelle étude de sécurité me sera remise dans quelques semaines. Elle nous permettra, en concertation avec les élus locaux, d’apporter des réponses sur le terrain.

Réforme des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Puisque M. le ministre de l’éducation ne répond pas aux questions qui lui sont posées au sujet de la réforme des rythmes scolaires, j’adresserai la mienne à M. le Premier ministre. Depuis plusieurs semaines, nous constatons la mise en œuvre d’une réforme imposée à marche forcée.

Sur ce point, je voudrais vous livrer l’écho de quelques témoignages. Nous avons des enfants déboussolés et fatigués, notamment les plus petits (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), dont certains sont réveillés alors qu’ils sont en train de faire la sieste, au motif qu’il est l’heure d’aller pratiquer telle ou telle activité. Nous avons des parents inquiets, qui ne savent pas ce que font leurs enfants, ni avec qui (Mêmes mouvements.)

M. le président. Allons, mes chers collègues, on se calme !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Nous avons des enseignants qui se sentent méprisés et essaient, tant bien que mal, de pallier les difficultés et les ratés de la réforme. Tous se posent les mêmes questions, monsieur le Premier ministre : pourquoi ? À quoi tout cela sert-il ?

M. Nicolas Bays. Comment ça se passe à Longjumeau ?

M. le président. Monsieur Bays !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Devant ces difficultés, votre ministre dit que ce n’est pas sa faute, mais celle des milliers d’enseignants, de parents, de responsables associatifs, qui n’ont pas compris sa réforme.

À Paris, la majorité sortante, qui s’applique à être, là comme ailleurs, la meilleure élève de la pire des politiques, en anticipant cette réforme (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), nous dit : « C’est un succès, puisque 95 % des enfants vont aux activités ! 

M. Bernard Roman. Et à Longjumeau ?

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, vous rendez-vous compte de l’absurdité de cette réponse ? Vous rendez-vous compte que les familles n’ont pas le choix ? C’est comme si on disait « Notre politique de matraquage fiscal est un succès, puisque les Français sont bien obligés de payer leurs impôts » ou « le RER B fonctionne bien, puisqu’il est bondé » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



Monsieur le Premier ministre, personne ne conteste la nécessité de mieux répartir les rythmes éducatifs. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Toutefois, je vous demande solennellement de cesser vos expériences sur nos enfants (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), de reprendre la concertation, de revoir votre copie et de méditer cette phrase : « Mieux vaut la fin d’une catastrophe qu’une catastrophe sans fin ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC ; applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Madame la députée, les expériences hasardeuses sur les enfants, c’est vous qui les avez conduites ! Comme l’ont montré les évaluations qui ont été menées, le niveau scolaire des enfants de France n’a cessé de baisser depuis dix ans, et les inégalités n’ont cessé de s’accroître ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Face à cette situation, le diagnostic a été établi aussi par votre majorité, notamment par le ministre sortant et le député Xavier Breton, et les lignes d’une réforme censée être consensuelle ont été tracées.

Un député du groupe UMP. Arrêtez un peu de parler des autres ! Assumez !

M. Vincent Peillon, ministre. Il s’agissait, en particulier, du retour à la semaine de quatre jours et demi – étant précisé que c’est vous qui avez enlevé à tous les enfants de France deux heures de classe et une demi-journée, aboutissant à une situation unique au monde ! Nous avons donc décidé de mettre en œuvre une réforme permettant de mieux répartir le temps scolaire en étalant les apprentissages fondamentaux sur cinq demi-journées le matin (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est déjà fait dans certaines villes, notamment à Paris – je salue le travail qui y a été fait –, où les élèves bénéficient déjà d’un meilleur temps scolaire

Par ailleurs – et c’est aussi une réponse à M. Copé –, pour la première fois dans l’histoire de notre République, alors que les inégalités du temps périscolaire allaient d’un à dix, de l’argent d’État est consacré à organiser ces activités. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Paris a pu en profiter, de même que Meaux…

M. Jean-François Copé. C’est faux !

M. Vincent Peillon, ministre. …et nous avons ainsi à la fois un meilleur temps scolaire et un meilleur temps périscolaire.

Mais pour mettre en œuvre cette grande réforme, il faut partager des valeurs. Les valeurs que nous portons, ce sont celles, non de l’électoralisme à courte vue, de l’émotion, ou de l’attisement des peurs – qui, d’ailleurs, ne vous profiteront pas, mais à un autre parti – ; ce sont celles du véritable courage, du progrès, de la justice, de l’instruction et de l’intérêt de tous les enfants. Puisque vous avez dit vous-mêmes que vous ne reviendriez pas sur cette réforme, aidez-nous à la réussir le mieux possible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Viticulture

M. le président. La parole est à M. Thomas Thévenoud, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Thomas Thévenoud. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture. C’est une question d’actualité, car elle concerne la viticulture et, comme chacun le sait, nous sommes en pleine période de vendanges un peu partout en France, notamment chez moi, dans les vignobles du mâcon blanc, du pouilly-fuissé, du saint-véran et du moulin-à-vent ! (Rires et exclamations sur tous les bancs.)



La récolte s’annonce faible en rendement, mais comme vous le savez, monsieur le ministre, petite récolte ne signifie pas mauvaise cuvée, au contraire. La qualité sera donc au rendez-vous, et c’est tant mieux, car notre balance commerciale a besoin du vin. Après l’aéronautique, le vin est en effet le deuxième secteur d’exportation pour la France, avec près de huit milliards d’euros vendus chaque année à l’étranger – c’est dire son importance dans le contexte actuel ! Ce sont également 550 000 hommes et femmes qui travaillent en France à la vigne, façonnent nos paysages, innovent, investissent et se battent pour maintenir un savoir-faire et développer la qualité.

Mais aujourd’hui, monsieur le ministre, ces hommes et ces femmes ont besoin d’être rassurés sur deux points. D’abord sur la publicité sur Internet et les réseaux sociaux. Comment imaginer, à l’heure où le commerce électronique se développe partout, que l’on puisse empêcher nos viticulteurs d’utiliser ces nouveaux moyens de communication ? Ce secteur a besoin de communiquer pour vendre. Ensuite, la fiscalité sur le vin. Nous croyons à la prévention et à l’éducation pour lutter contre les excès de la consommation d’alcool mais, à l’inverse, nous ne croyons pas à la fiscalité comportementale, autrement dit punitive, qui viendrait pénaliser nos entreprises viticoles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC et du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur la taxation du vin et nous confirmer, en particulier, que le Gouvernement n’envisage pas d’augmentation ? Il y va de l’avenir de la viticulture française et même de l’avenir de l’économie française, premier producteur mondial de vin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur quelques bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, je ne vais pas énumérer toutes les vendanges en cours, ni citer toutes les AOC (« Mais si ! » et rires sur tous les bancs), même si je sais que cette assemblée comprend de nombreux connaisseurs.

Depuis quarante ans, la consommation de vin en France a été divisée par trois. Le vin reste, comme vous l’avez rappelé, un secteur économique qui procure à la France, grâce à ses exportations, un excédent de la balance commerciale de près de sept milliards d’euros.

Chacun le sait aussi : sur les questions de santé publique, nous devons être extrêmement vigilants et responsables. Cela étant, je répondrai très simplement à votre question en vous confirmant qu’il n’y aura pas de fiscalité sur le vin. Nous devons avoir, sur cette question, une approche centrée sur la prévention et la formation. Quant à la publicité, elle doit être encadrée, mais ouverte sur les nouveaux moyens de communication. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur quelques bancs des groupes UDI et UMP.)

Traités européens

M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard, au titre des députés non inscrits.

M. Gilbert Collard. Monsieur le ministre des affaires étrangères, pendant que les Verts font des bleus à la réputation du ministre de l’intérieur et que M. Montebourg lui taille une marinière, un homme d’État s’exprime, mais pas ici. M. David Cameron a ainsi lancé l’idée, vous le savez, qu’il serait nécessaire de renégocier les traités européens, voire même, la Convention européenne des droits de l’homme. On ne saurait s’en indigner de la part d’un pays qui a tout de même inventé l’habeas corpus.



Ma question monsieur le ministre, est simple. La France, avec sa grande histoire, que vous connaissez et que vous aimez, va-t-elle encore longtemps recevoir la fessée de la technocratique et bureaucratique Mme Reding ? Jusqu’à quand devra-t-on subir ses leçons ?

Avec l’UMP, vous avez signé tous les traités qui ouvrent nos frontières à la prédation sociale. Avec l’UMP, vous avez signé tous les traités qui ont atrophié la souveraineté de la nation, au point même que nous ne sommes plus maîtres de notre budget.

Vous avez admis la Roumanie en Europe en transférant le problème roumain dans notre pays. On entend même le porte-parole de la langue de bois du Gouvernement dire que les Roms sont discriminés dans leur pays. Comment donc a-t-on pu accepter de faire entrer en Europe un pays discriminateur ?

Voici ma question, car j’ai peu de temps (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai peu de temps et seulement une fois chaque six mois ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si M. Cameron propose le recours au référendum…

M. le président. La parole est à M. le Ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, Ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, je n’ai malheureusement pas entendu votre question. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gilbert Collard. C’est nul ! C’est nul !

M. Laurent Fabius, Ministre. Vous êtes un homme qui connaissez les règles de l’Assemblée nationale et, parmi elles, celle qui limite la durée des questions à deux minutes. Au-delà, il n’est pas possible de les entendre.

Mais j’ai cru comprendre que celle que vous vouliez poser portait sur la Roumanie, n’est-ce pas ? Bon. Même si je ne l’ai pas entendue, je veux vous répondre (Rires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

La Roumanie est entrée au sein de l’Union européenne en 2007, sous la précédente majorité.

S’agissant de l’intégration, qui est une autre question, il faut que les Roms comme tous ceux qui vivent en France respectent les règles. S’ils respectent les lois de la République, très bien ! S’ils ne les respectent pas, ils doivent être sanctionnés.

Enfin, la question dite de Schengen est très différente. Les accords de Schengen concernent la circulation des personnes qui vivent hors de l’Union et qui pourraient y pénétrer, en l’occurrence, via la Roumanie et la Bulgarie. À ce sujet, la position du Gouvernement est simple. Nous considérons que toutes les conditions ne sont pas remplies pour que ces accords puissent s’appliquer à ces deux derniers pays au 1er janvier.

Voilà, monsieur le député Collard, la réponse à la question que vous ne m’avez pas posée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Roms

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Julien Aubert. Monsieur le ministre de l’intérieur (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), refuser l’exploitation de la misère, c’est d’abord et avant tout être républicain. C’est pour cette raison que le 16 juillet dernier je vous ai interrogé dans cet hémicycle sur l’ouverture de l’espace Schengen à la Roumanie et sur la situation de près de 20 000 Roms vivant dans notre pays.

Alors que je vous demandais si votre gouvernement niait l’existence de bidonvilles qui n’ont rien à envier aux banlieues de Calcutta ou de Rio, où des enfants sont volontairement instrumentalisés pour mendier, vous vous êtes borné à me répondre, avec suffisance et mépris, qu’« en tenant ce type de langage », je ne faisais « que faciliter la montée de l’extrême droite et des populismes ». Quelle n’a pas été ma surprise de vous entendre la semaine dernière tenir un discours radicalement différent !

Vous avez dit qu’il serait « illusoire de penser qu’on réglera le problème des populations roms à travers uniquement l’insertion » et que « les occupants de campements ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ».

Vous avez dit que « notre responsabilité, c’est de ne pas permettre que s’installent au cœur de nos villes, mais aussi au cœur de la capitale, (…) des bidonvilles », et qu’il n’y a « pas d’autre solution que de démanteler ces campements progressivement et de reconduire à la frontière ».

Vous avez dit qu’il « ne faut ni discriminer, ni se voiler la face, ni faire preuve d’angélisme. Les Roms ont vocation à rester dans leurs pays et à s’y intégrer ».

Alors, monsieur le ministre, tel saint Paul, auriez-vous été illuminé par la grâce, cet été, sur le chemin de Damas ?

M. Pascal Popelin. Vous, il n’y a pas de risque que cela vous arrive !

M. Julien Aubert. Pourquoi aviez-vous été choqué par mes propos, si c’est pour dire la même chose aujourd’hui ?

Vous avez dit, après la polémique de la semaine dernière, que vos propos « ne choquent que ceux qui ne connaissent pas le dossier ». Faut-il comprendre qu’en juillet 2013 vous ne connaissiez pas l’état du dossier Rom ?

Je suis venu vous demander, monsieur le ministre, un double éclaircissement : quelle ligne politique défendez-vous au juste ? Et quelle ligne politique le Gouvernement défend-il ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député, je crois que c’est vous qui ne connaissez pas le dossier. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)



Vous venez de faire un amalgame ridicule (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) entre la libre circulation au sein de l’Union européenne – laquelle concerne notamment les citoyens roumains et bulgares, dont une partie appartient à une minorité respectée à laquelle s’applique le droit européen, les Roms – et la question de Schengen.

Les Roms ne sont pas concernés par Schengen, comme  vient de le dire très précisément M. Fabius ! Ils bénéficient de la libre circulation en Europe, comme vous et moi, laquelle suppose d’ailleurs un certain nombre de règles sur lesquelles je reviendrai.

En revanche, les accords de Schengen concernent les frontières de l’Union européenne, non ses ressortissants. Il n’est donc pas question de votre circulation, de la mienne ou d’autres Européens, mais de celle de personnes qui pourraient rentrer par des frontières extérieures de l’Europe. En la matière, Schengen a établi des règles claires.

Les États membres de l’espace Schengen doivent assurer aux autres États membres que les frontières extérieures de l’Union seront bien contrôlées, que l’on empêchera l’immigration clandestine et que l’on fera en sorte, aux frontières de l’Union européenne, de lutter fermement contre la criminalité et le trafic d’êtres humains. Lorsque les conditions ne sont pas entièrement réunies, comme j’en ai d’ailleurs discuté à deux reprises avec mon homologue Victor Ponta, Premier ministre roumain, il n’est pas possible de répondre favorablement à une demande d’intégration. La Roumanie et la Bulgarie ont encore des progrès à réaliser en matière de police, de justice, de contrôle des frontières.

M. Sylvain Berrios. Quels sont les résultats ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Vous êtes en train de mélanger volontairement les problèmes. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)



S’agissant des Roms, il y a en effet dans plusieurs pays, dont la France, des situations très difficiles. Dans certains départements, dans certaines villes ou certains quartiers, des campements sont installés en dépit de toute règle de droit.

M. Daniel Fasquelle. Incroyable !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le 26 août 2012, le Gouvernement a arrêté une circulaire très explicite signée par tous les ministres concernés.

M. Yves Censi. Même Mme Duflot ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Les décisions de justice demandant que les habitants de campements illicites soient expulsés sont exécutées par le ministre de l’intérieur, la police nationale ou la Gendarmerie. Nous sommes dans un État de droit. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Bartolone, Président. Allez ! Allez ! Écoutez la réponse !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il en va également ainsi en situation d’urgence, lorsque la sécurité, les conditions d’hygiène ou l’éventuelle mise en danger des familles et, plus particulièrement, des enfants, l’imposent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La position du Gouvernement est claire et cohérente. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Cette circulaire témoigne également d’une approche d’accompagnement des familles et des enfants en particulier, dont beaucoup sont dans une très grande précarité, en faisant en sorte que les conditions d’hygiène, de sécurité et d’éducation soient respectées.

En collaboration avec les maires, dont beaucoup font un travail extraordinaire que je tiens ici à saluer, nous parvenons à trouver des solutions…

M. Philippe Meunier. Les maires en ont assez !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … à condition bien sûr que les personnes concernées respectent les lois de la République. L’intégration, lorsque tel est le cas, est possible.

Au-delà de cela, je n’ignore pas qu’il existe des réseaux mafieux qui exploitent la misère humaine, qui organisent des allers-retours entre la Roumanie et la France.

M. Christian Estrosi. Vous en êtes les complices !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous combattons de manière résolue l’exploitation des êtres humains. Nous combattons les réseaux et nous continuerons à le faire, y compris en collaborant avec les polices bulgare et roumaine dont le nombre d’agents, en France, augmente.

S’agissant des responsabilités de chaque État, nous assumons quant à nous les nôtres…

M. Philippe Cochet. Quelles sont vos réponses ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … à l’égard des Roms qui vivent dans notre pays, qui en respectent les règles et qui veulent s’intégrer. Chaque État de l’Union européenne a ses propres responsabilités.

J’ai également abordé cette question avec le Premier ministre Ponta lors de ma visite à Bucarest au mois de juin dernier. Lors de notre conférence de presse commune, il a dit clairement que la Roumanie avait ses propres responsabilités, notamment s’agissant de l’intégration de la minorité rom. Il a également reconnu que, depuis plusieurs années, les aides européennes avaient été sous-utilisées. Il s’est engagé à ce que cela change.

Il n’y a pas de raison d’exacerber toutes ces difficiles questions. Le devoir des hommes d’État, c’est d’avancer des solutions concrètes, d’améliorer la situation, de ne pas monter les uns contre les autres et de régler les problèmes ! J’appelle donc tout le monde à faire preuve de sang-froid ! Le sang froid dont on fait preuve témoigne de la dignité de la fonction que l’on exerce et manifeste le respect que nous devons aux citoyennes et aux citoyens. (MmesMM les membres du groupe SRC se lèvent et applaudissent ; applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Rentrée universitaire

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Doucet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sandrine Doucet. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, près de 2 420 000 étudiants reprennent les cours ces jours-ci. Grâce aux dispositions de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, votée cet été, et aux moyens déployés sur l’année 2013, les conditions sont enfin réunies pour que cette rentrée soit une réussite.

Cela fait plusieurs années déjà que le constat est dressé : le grand problème de notre enseignement supérieur, c’est qu’il ne diplôme pas assez de jeunes, en raison principalement du taux d’échec en premier cycle, qui reste beaucoup trop important. Le fait que 68 000 étudiants quittent chaque année l’université sans diplôme créé une situation préjudiciable à l’emploi des jeunes.

Le rapport annuel de performance de votre ministère indique qu’entre 2007 et 2011, le taux de réussite de la licence en trois ans est passé de 38,3 % à 33,3 %, soit une baisse de cinq points. Où sont donc les résultats du Plan pour la réussite en licence du précédent Gouvernement, dont on dit qu’il aurait coûté 720 millions d’euros en cinq ans ?

Aux problèmes de réussite en premier cycle s’ajoute celui du « mal-vivre » des étudiants. Vous y répondez notamment par une réforme des bourses, auxquelles vous consacrez des moyens accrus et, en lien avec les régions, par l’augmentation du nombre de logements étudiants. Nous voyons aussi, dès cette rentrée, les premiers signes de ce changement, avec une augmentation de 8 % de l’accueil des bacheliers des filières professionnelles dans les STS et de 2 % des bacheliers technologiques dans les IUT.

Madame la ministre, ma question est simple : comment faire en sorte que l’échec en premier cycle ne reste pas le point noir de notre enseignement supérieur ? Comment mettre l’ensemble de nos établissements en mouvement pour offrir à tous les étudiants, quel que soit leur bac, quelle que soit leur origine, une égale chance de réussite ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée Sandrine Doucet, vous avez raison de rappeler que la faiblesse de notre système d’enseignement supérieur – par ailleurs de grande qualité – est l’échec en premier cycle. Le Plan réussite en licence, qui a effectivement coûté 730 millions d’euros, intégralement dépensés, a encore fait reculer de cinq points la réussite de la licence en trois ans. Il était donc urgent de refonder le système d’enseignement supérieur après avoir consulté tous ses acteurs, ce que nous avons fait lors des Assises.

La faiblesse du système se double d’une injustice sociale, puisque l’enseignement supérieur ne joue plus son rôle d’ascenseur social. Bien pire, il aggrave les inégalités initiales. Dès 2012, puis avec la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, nous avons fait de la réussite en premier cycle notre priorité, à travers des mesures extrêmement claires et concrètes. Mieux orienter les étudiants, simplifier les formations, les ouvrir aux milieux socio-économiques, doubler l’alternance, innover, améliorer les conditions de la vie étudiante, voilà ce qui a inspiré la loi du 22 juillet. La rénovation du premier cycle est engagée, grâce aux mesures qui ont manqué au plan du Gouvernement précédent – ce n’est pas moi qui le dis, ni mon gouvernement, mais la Cour des comptes.

En matière d’orientation, les premiers résultats sont déjà là, puisque le nombre de bacheliers professionnels admis en STS a augmenté de 8 %, et celle des bacheliers technologiques admis en IUT de 3 %. Plus de 200 emplois, sur les 1 000 créés chaque année à l’université, concernent l’accompagnement des étudiants en premier cycle. La spécialisation progressive, le développement du numérique et de l’alternance vont aussi contribuer à la réussite.

Nous travaillons par ailleurs à l’amélioration des conditions de vie des étudiants, par un effort historique sur les bourses : ce sont 460 millions d’euros qui seront distribués aux étudiants des classes moyennes, obligés de trop travailler, et aux étudiants qui se trouvent dans une situation de grande précarité.

Tel est l’effort historique que nous avons fait, pour améliorer l’enseignement et les conditions de vie des étudiants, et pour construire de nouveaux logements : c’est cela, jouer l’avenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Chrétiens d’Orient

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Claude Goasguen. Monsieur le ministre des affaires étrangères, nous savons bien – et vous, mieux que quiconque – combien la question d’Orient est compliquée. Les événements malheureux des dernières semaines nous l’ont encore rappelé.

Ma question sera directe, et j’espère qu’elle sera consensuelle : qu’attendez-vous, monsieur le ministre, pour faire entendre la voix de la France et pour dénoncer les persécutions des chrétiens en Orient ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Actuellement, on massacre des civils à cause de leur foi, au Proche et au Moyen-Orient. En Égypte, quatre-vingt-deux églises coptes ont brûlé en septembre ; un attentat meurtrier a frappé le Pakistan, ainsi que Nairobi, et en Syrie, les djihadistes se livrent à des exécutions publiques.

La Syrie, l’Irak, l’Égypte, le Pakistan et le Kenya, qui a été récemment la cible des djihadistes somaliens, sont le théâtre d’une chasse aux sorcières contre les chrétiens d’Orient. Les gouvernements ferment les yeux sur les exactions des islamistes radicaux, et nous, nous regardons ailleurs, par peur de déstabiliser les faibles pouvoirs en place. La liberté de culte figure pourtant à l’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui dispose que chaque individu a droit, quels que soient sa race, sa couleur, son sexe et sa religion, à la liberté de pensée et de conscience.

La semaine dernière, une coordination des chrétiens d’Orient en danger s’est créée et a lancé une pétition. C’est une première en France. C’est la première fois que des représentants des églises d’Orient, que des organisations religieuses laïques représentant la diversité de l’Orient s’organisent ainsi. Nous n’allons pas remettre en cause le principe républicain de la laïcité en défendant cette position historique de la France, la défense des chrétiens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député Claude Goasguen, je vous remercie de votre question et j’imagine que sur ce sujet, l’Assemblée peut être totalement unanime.

Je ne peux pas mieux dire que vous : partout où ils se trouvent, les chrétiens d’Orient sont non seulement menacés, mais pourchassés et liquidés. Cette situation ne peut pas être acceptée par la France, du fait de ses traditions ; elle ne peut pas non plus être acceptée par la conscience universelle.

Il faut donc que le Gouvernement continue – mais vous aussi – à défendre cette position, à savoir que le droit ne consiste pas seulement à procéder à des élections, mais aussi à respecter les minorités, et en particulier les minorités religieuses. C’est un principe sur lequel la France ne saurait en aucun cas transiger.

Il se trouve, par les hasards du calendrier, que j’ai reçu longuement ce matin Monseigneur Pontier, qui représente ici la hiérarchie catholique. Nous avons évoqué ce sujet et je lui ai confirmé que telle était la position, non seulement du Gouvernement, mais de la France. À chaque fois qu’une exaction sera commise – c’est malheureusement souvent le cas – il faut que nous fassions entendre notre voix.

Monsieur Goasguen, je vous remercie beaucoup de votre question. Il faut que monte de l’Assemblée nationale cette sentence simple : la France défend partout la liberté de culte et la liberté de religion, elle défend partout les minorités, et aucune raison ne pourra lui être opposée. C’est pour nous un principe qui ne peut pas souffrir de transactions. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, UMP et UDI.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)



Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président



M. le président. La séance est reprise.

2

Redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur la proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel (nos 1037, 1283, 1270).

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, mes chers collègues, la proposition de loi sur laquelle nous avons à nous prononcer prolonge la loi dite « de sécurisation de l’emploi », transcription législative de l’accord national interprofessionnel conclu entre le MEDEF et trois syndicats minoritaires. Nous savons aujourd’hui d’expérience – car le patronat s’en est immédiatement emparé – que cette loi facilite les suppressions d’emplois, les liquidations d’entreprises, et fragilise les salariés dans la défense de leurs droits – j’en ai donné plusieurs exemples au cours de nos débats. Elle a inséré dans le code du travail un nouvel article obligeant les entreprises rentables qui décident néanmoins de fermer des sites et de licencier à rechercher un repreneur. La présente proposition de loi définit le contenu juridique de cette disposition.

Ce texte est l’expression de l’impuissance publique et du renoncement politique dans lesquels la France est plongée. Il part en effet du postulat selon lequel il serait impossible de s’opposer à la fermeture d’un site rentable au prétexte que nous violerions alors le droit de propriété et la liberté d’entreprendre, principes constitutionnels. Ce choix de la démission politique, qui vaut reconnaissance de la supériorité des intérêts privés sur l’intérêt général, est d’autant plus contestable qu’il signifie que l’État renoncerait désormais à toute nationalisation et même à toute participation publique, quand bien même l’intérêt national l’exigerait.

Cette soudaine et hypothétique jurisprudence constitutionnelle dissimule, en réalité, l’absence de volonté politique d’affronter les géants de l’économie et de la finance, les groupes licencieurs et les patrons voyous.

Le rapport sur cette proposition de loi en montre d’ailleurs l’impact limité, puisque le dispositif ne porterait que sur 15 % des plans de sauvegarde de l’emploi et sur 30 % seulement des salariés touchés par ces plans.

Quelle dérision, face aux 750 000 emplois industriels disparus en dix ans et au rythme de 1 000 emplois supprimés par jour ! Ce qui nous est proposé n’est pas de nature à stopper cette hécatombe. Tout est organisé, en effet, pour que les entreprises se dérobent aux timides obligations auxquelles elles sont censées être soumises.

Elles devront « rechercher » un repreneur, ce qui ne leur fait pas obligation de le trouver. Elles ne manqueront pas d’opposer un « avoir voulu, avoir pas pu ».

Le tribunal de commerce pourra être saisi en cas de conflit entre les employeurs et les salariés. Même s’il établit la mauvaise foi de l’entreprise dans la recherche du repreneur, il n’aura aucun moyen d’imposer une offre sérieuse et crédible qui aurait été injustement repoussée.

Quant aux sanctions, dont le montant pourrait être le double de celui d’un plan de sauvegarde de l’emploi, soit l’équivalent de vingt fois le SMIC par emploi supprimé, je rappelle que Continental, pour fermer son usine de Clairoix, a dépensé 50 millions d’euros, soit quarante SMIC par emploi supprimé. Les groupes paieront et parviendront à leurs fins.

Le second volet du texte a pour objet de contrer les prises de contrôle d’entreprises par des groupes prédateurs. Ces dispositions ne sont évidemment pas inutiles mais pas à la mesure de l’ampleur des ravages financiers et spéculatifs.

La lutte contre la financiarisation de l’économie afin que l’argent se reconnecte à l’économie réelle exige une tout autre volonté politique par laquelle l’intérêt général doit reprendre ses droits sur les intérêts privés. Tel était le sens de notre proposition de loi visant à interdire les licenciements sans motif économique que la majorité n’a pas votée.

Ce texte en est à mille lieues. Nous nous abstiendrons donc. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. Yves Blein, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Blein. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte avait été nommé « loi Florange », avant de recouvrer son intitulé initial : proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel. « Loi Florange » car c’est à Florange que François Hollande avait pris l’engagement de créer les conditions pour dissuader les licenciements boursiers et donner la possibilité aux salariés de saisir la justice dans les cas où certaines décisions – plans sociaux ou fermetures de sites – pouvaient se révéler contraires à l’intérêt de la filière, voire de l’entreprise considérée.

Ce texte envoie deux signaux forts au monde économique dans son ensemble.

Premier signal : nous ne pouvons accepter l’idée que des pans entiers de l’industrie française, de l’économie française, qui ont souvent nécessité des décennies d’investissements tant matériels qu’humains, soient sacrifiés sur l’autel de la rentabilité financière immédiate. La liste serait longue des licenciements boursiers ou des fermetures de sites à visée exclusive de valorisation de titres, loin des intérêts stratégiques de l’entreprise elle-même ou de la branche industrielle dont elle relève.

Second signal : le choix de la majorité de notre assemblée est d’encourager les investissements de long terme dans l’économie, ceux dont nos entreprises ont besoin car ils leur donnent de la visibilité, leur permettent de financer les investissements d’avenir dont elles ont besoin et qui sont créateurs d’emplois.

À ceux qui ne sont intéressés que par des allers-retours lucratifs dans le capital de nos entreprises, à ceux que seule la quête du profit immédiat intéresse au détriment du projet de l’entreprise elle-même, le texte dit clairement qu’ils ne sont pas les bienvenus, que leur stratégie, pour respectable qu’elle soit, ne nous intéresse pas car elle n’encourage ni le développement de l’économie réelle, ni l’investissement, ni la création d’emplois.

Ces deux signaux, ce texte les traduits par différentes mesures. Il dispose en premier lieu que le dirigeant d’une entreprise de plus de 1 000 salariés qui désire fermer un site doit en informer le comité d’entreprise et rechercher activement un repreneur. Si le comité d’entreprise estime que les moyens mis en place ne sont pas suffisants ou si l’entreprise ne joue pas le jeu, il pourra saisir le tribunal de commerce qui devra vérifier si l’effort de recherche a été réel et déterminer si l’employeur a écarté des offres de reprise crédibles qui lui permettraient d’éliminer par avance un concurrent potentiel. Si tel n’est pas le cas, le juge de commerce pourra alors condamner l’entreprise à une pénalité d’un montant maximum de vingt fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé. Ces sommes alimenteront un fonds de revitalisation des territoires et des filières concernées.

Le second volet du texte a pour objet de favoriser la stabilité de l’actionnariat dans les entreprises, en reprenant plusieurs dispositions du rapport Gallois : confirmation du seuil de 30 % d’actions détenues entraînant automatiquement le lancement d’une OPA, afin d’éviter les prises de contrôle rampantes par des groupes qui ne veulent pas assumer les conséquences de leur influence sur le management ; généralisation du droit de vote double aux actionnaires détenant des parts d’une société depuis plus de deux ans, afin de favoriser les actionnaires s’inscrivant dans une logique de long terme, donc dans la stratégie industrielle de l’entreprise ; renforcement du rôle des comités d’entreprise en cas d’OPA hostile, afin que les salariés ne soient pas tenus à l’écart en cas de mouvement dans le capital de leur entreprise.

Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, ce texte a fait l’objet d’un travail sérieux et approfondi : un avis a été demandé au Conseil d’État, et pas moins de soixante-dix auditions ont été conduites par le rapporteur, d’interlocuteurs variés et connaisseurs des sujets.

Ce texte n’a pas vocation à faire peur à ceux qui investissent sérieusement et que l’État veut soutenir, car leurs efforts sont vertueux et leurs gains justement proportionnés à leurs résultats, mais il a vocation à tenir éloignés ceux que seuls la spéculation intéresse, les mêmes qui ont conduit la planète vers le désastre que l’on sait.

Le groupe SRC votera avec fierté ce texte, car il exprime sa vision de l’économie, vision partagée par la très grande majorité des chefs d’entreprise comme des salariés, respectueux des l’outil industriel qu’ils ont développé comme de l’outil de travail qu’ils entretiennent et font prospérer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne Grommerch, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Anne Grommerch. « Je viens donc devant vous prendre des engagements… Quand une grande firme ne veut plus d’une unité de production mais ne veut pas non plus la céder, nous en ferons obligation pour que des repreneurs viennent et puissent donner une activité supplémentaire à cette entreprise. Nous déposerons prochainement cette proposition de loi. Si elle n’est pas votée d’ici le mois de mai, et c’est possible qu’elle ne le soit pas, alors, quel que soit mon avenir, soit comme Président de la République, c’est en tout cas le sens de ma démarche, soit comme député, je reprendrai ce texte parce que je vous le dois ».

Vous aurez reconnu les propos du candidat Hollande le 24 février 2012, sur le site d’Arcelor Mittal à Florange, du haut de sa camionnette.

Autre citation : « Je voulais être à Florange pour rappeler que j’avais évoqué une loi qui devrait normalement éviter que des sites puissent être abandonnés, délaissés, alors même qu’il peut y avoir un repreneur. C’est ce qu’on a appelé la loi Florange, qui en définitive, ne s’appliquera pas à Florange et ne pouvait sans doute pas s’appliquer à Florange. »

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Elle aurait pu s’appliquer si vous l’aviez votée !

Mme Anne Grommerch. Ces propos sont ceux tenus, sur ce même site d’Arcelor Mittal à Florange, le 26 septembre dernier par le président Hollande. Celui-là même qui, alors candidat, disait aux salariés d’Arcelor venir prendre des engagements, venir rappeler les promesses pas honorées, ne pas vouloir être élu sur une promesse, et ne pas revenir parce qu’elle n’aurait pas été tenue. Il est revenu, mais il n’a pas tenu sa promesse.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Si !

Mme Anne Grommerch. Et c’est ce texte que vous nous demandez de voter aujourd’hui, du moins ce qu’il en reste, et qui laissé a comme un arrière-goût de trahison aux Lorrains.

Si nous partageons tous ici la nécessité de travailler à la réindustrialisation de notre pays, à la réussite de nos entreprises, et donc à la création d’emplois, nous n’avons pourtant pas la même vision des moyens pour y parvenir.

Cette loi est une loi d’affichage et ce n’est pas ce dont notre pays a besoin !

M. Laurent Marcangeli. En effet !

Mme Anne Grommerch. Votre texte laisse à penser qu’il limitera les plans sociaux, mais il aboutira au contraire, car ce sont autant d’emplois qui ne seront pas créés. Vous niez le principe de la destruction créatrice d’emplois, qui fonde pourtant l’économie, et ce n’est pas avec cette nouvelle rustine que vous stopperez la perte de compétitivité de notre pays.

Alors, je vous le demande : quand cesserez-vous de stigmatiser les entreprises au lieu de les encourager ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Quand cesserez-vous de détruire la confiance, nécessaire à toute création d’entreprise ? Quand cesserez-vous d’ajouter des normes et contraintes, qui minent la vie de nos entreprises ? Qu’avez-vous fait de ce fameux choc de simplification annoncé par le Président de la République ? Quand cesserez-vous de décourager les investisseurs 

Depuis votre arrivée au pouvoir il y a un peu plus d’un an, les investissements étrangers directs s’effondrent, et vous persistez ! Ce texte comporte de redoutables effets pervers, permettant des offensives capitalistiques hostiles, y compris étrangères, très dangereuses pour les entreprises de taille intermédiaire françaises déjà trop peu nombreuses dans notre pays. J’en appelle au bon sens et à la sagesse des sénateurs pour remédier à cette dangereuse perspective.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Attitude paradoxale pour un député ! Curieuse conception des institutions !

Mme Anne Grommerch. Plutôt que de créer un environnement favorable à tout investissement, vous pénalisez notre compétitivité. Vous affaiblissez nos industries. Vous détruisez toute perspective économique pour notre pays. Et vous continuez à surfer sur ce discours négatif et faites preuve de défiance à l’égard des chefs d’entreprise.

Ce texte a tout au plus une portée symbolique, mais n’a rien d’efficace.

Cette « loi Florange », devenue « proposition de loi visant à donner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel », est une utopie, qui ne remplacera pas la véritable politique industrielle structurante et compétitive que vous n’avez pas le courage de mettre en œuvre, trop soucieux que vous êtes de vos intérêts politiques et idéologiques. Comme à Florange en février 2012, tout ce que vous parviendrez à faire, c’est susciter de faux espoirs chez de nombreux salariés inquiets de leur avenir.

Accompagnez les chefs d’entreprise, et à travers eux les salariés, au lieu de les stigmatiser et les dénigrer constamment. Agissez pour l’emploi, pour la France et pour tous les Français, au lieu de penser toute votre politique via le spectre du socialisme.

Mais je voudrais conclure mon propos sur une note positive (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) qui fera plaisir à mes collègues alsaciens et certainement moins à mes collègues écologistes, qui n’en sont plus à cela près. La seule vertu de ce texte est qu’il permettra de sauver Fessenheim. Puisqu’il s’agit d’un site rentable…

M. Franck Gilard. Eh oui !

Mme Anne Grommerch. …et que des milliers d’emplois sont en jeu, je ne doute pas que vous trouverez un repreneur, et j’espère que vous avez commencé à le chercher !

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe UMP ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Nous sommes réunis pour voter sur cette proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange » bien que son examen intervienne plus de cinq mois après l’arrêt des hauts-fourneaux du site mosellan.

Si Florange est devenu le symbole des promesses non tenues du Président de la République (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce symbole ne doit pas occulter les nombreuses fermetures d’usine auxquelles nous sommes confrontés dans nos territoires. Le désespoir et la colère qui en résultent doivent nous amener à adopter les outils législatifs les plus adaptés pour concilier la préservation de l’emploi et le dynamisme industriel de notre pays.

Dans ce domaine, force est de constater que nous avons collectivement échoué, puisque la désindustrialisation de notre pays est une réalité objective, avec 3 millions d’emplois détruits dans le secteur depuis 1980.

Pourtant, cette désindustrialisation n’est pas une fatalité. Personne ici ne peut se résoudre à une France sans usines et sans ouvriers, à un pays privé de la diversité des savoir-faire industriels qui a fait hier sa force et qui la fera encore demain.

Ce qui nous oppose aujourd’hui ne porte donc pas sur l’objectif, mais sur les moyens de relancer l’activité industrielle dans notre pays. Or, à l’évidence, ce texte ne permettra pas d’inverser la courbe de l’emploi dans nos usines, tant ce qu’il en reste est essentiellement symbolique, comme n’ont d’ailleurs cessé de le répéter ses auteurs.

Au-delà de l’affichage, ce texte pose plusieurs difficultés. La procédure retenue n’est pas le fruit du hasard. En recourant à une proposition de loi, vous vous exonérez de deux exigences majeures aux yeux du groupe UDI.

La première, c’est la production d’une étude d’impact permettant au législateur d’avoir une vision des conséquences de votre texte en termes de sauvegarde de l’emploi et de pérennisation des sites industriels. Or, à aucun moment, le Gouvernement n’a été en mesure de nous fournir des éléments sur ces points.

La seconde exigence pour nous, c’est l’obligation de consulter les partenaires sociaux sur tous les projets de loi traitant des relations du travail. Face à un gouvernement qui envisageait d’inscrire le dialogue social dans le marbre constitutionnel, nous avouons notre perplexité, d’autant plus que nous avons déjà légiféré sur le sujet dans le cadre du projet de loi sur la sécurisation de l’emploi issu de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, devenu loi de la République le 14 juin dernier.

Sur le fond, votre dispositif consiste à alourdir considérablement les contraintes pesant sur les entreprises qui envisagent de fermer un établissement et à fixer des pénalités exorbitantes en cas de refus par l’employeur d’une offre sérieuse de reprise.

S’il est légitime de concentrer nos efforts pour sauvegarder l’emploi dans nos entreprises, votre dispositif nous semble particulièrement fragile sur le plan juridique, comme l’a montré le Conseil d’État qui vous a obligé à revoir complètement votre copie, à tel point que vous avez supprimé l’un de ses principaux articles.

Une telle impréparation, s’agissant d’un texte annoncé depuis plus d’un an et demi, nous laisse à penser que, s’il doit créer des emplois, ce sera davantage dans les tribunaux et les cabinets d’avocats que dans nos usines. Je pense en particulier à la notion d’offre sérieuse, qui deviendra un véritable nid à contentieux ; je pense aussi aux sanctions disproportionnées prévues dans le texte, même si vous avez bien voulu accepter notre amendement permettant d’en plafonner précisément le montant.

Ensuite, ces nouvelles contraintes pourraient avoir des conséquences contre-productives car la lourdeur de l’ensemble des procédures risquent de dissuader d’éventuels repreneurs.

Enfin, elles seront dangereuses sur le plan macroéconomique par leurs effets dissuasifs sur le volume des investissements tant nationaux qu’étrangers.

Cette loi d’affichage est donc une fausse réponse à un vrai problème. L’ambition de son intitulé est d’ailleurs inversement proportionnelle à l’efficacité du dispositif.

Si le Gouvernement veut véritablement redonner des perspectives à notre industrie, qu’il suive donc le plan d’action proposé par le groupe UDI : baissez massivement le coût du travail à travers un transfert des charges de la production vers la consommation ; penchez-vous sur la question des normes qui entravent le développement de nos entreprises et compromettent leur compétitivité ; ouvrez une discussion sur le temps de travail à travers un véritable dialogue social à l’allemande ; enfin, recherchez l’harmonisation européenne dans le droit du travail – il n’est plus possible que notre pays se distingue systématiquement par l’ultra-rigidité de sa législation sociale.

Si vous ne prenez pas à bras-le-corps ces sujets majeurs, vous ne parviendrez pas à redonner le souffle de la compétitivité à une industrie qui se débat chaque jour pour gagner des parts de marché dans une compétition internationale de plus en plus rude.

Nous aurions pu vous suivre dans la recherche de solutions pour accompagner les grandes mutations industrielles, pour mettre en œuvre les outils nécessaires à la revitalisation et à la reconversion de l’outil industriel dans le cadre des licenciements collectifs pour motif économique afin de privilégier la viabilité des sites concernés, ou encore pour renouer avec une véritable stratégie de valorisation des filières. Mais vous préférez l’affichage au pragmatisme, le symbole à l’efficacité économique. Aussi, le groupe UDI votera contre ce texte destiné à sauver un site déjà condamné par l’inaction du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. La présente proposition de loi, que nous avons cosignée, a l’ambition d’ouvrir des perspectives nouvelles sur le rôle des entreprises dans notre société.

Le comportement d’un certain nombre de grands groupes a un impact direct sur la vie des salariés, mettant parfois en danger des régions entières et, plus globalement, l’économie de notre pays. Les aides de natures diverses se chiffrent par dizaines de milliards par an selon le récent rapport de Jean-Jack Queyranne : aides de l’État ou des collectivités locales – pour la construction de voies d’accès, la viabilisation de terrains, etc. – qui semblent trop souvent se perdre comme l’eau dans les sables.

En outre, la recherche de profits importants à court terme fait de certains de ces groupes de véritables machines à détruire de l’emploi.

Au cours des deux derniers quinquennats, notre pays n’a cessé de perdre des emplois industriels sans que cela suscite de réactions de la part des différents gouvernements. C’est le résultat d’une volonté revendiquée de désengagement de l’État, et nous payons aujourd’hui au prix fort cette politique du laissez-faire.

Les exemples récents de la sidérurgie ou de la filière aluminium sont là pour nous rappeler où nous a conduits le désintérêt pour l’emploi industriel. À cet égard, la commission d’enquête sur la sidérurgie, créée à l’initiative de notre collègue Alain Bocquet, présidée par Jean Grellier et dont j’étais vice-présidente, a démontré que le laissez-faire était un mauvais choix, constat partagé par l’ensemble des participants, toutes tendances confondues.

Dès mon élection à l’Assemblée nationale, j’ai été directement confrontée à cette situation, la direction du groupe Thales ayant décidé de se séparer de sa filière d’imagerie médicale située dans ma circonscription alors même qu’elle était tout à fait rentable et que 80 % de la production était exportée. La volonté de la nouvelle majorité a conduit à mettre fin à ce qui aurait représenté une triple catastrophe humaine, économique et industrielle. La participation de l’État au capital a permis d’agir. Et aujourd’hui, cette filière se porte très bien alors qu’il était question de la vendre voici moins d’un an.

Avec cette proposition de loi, nous allons mettre en place de nouveaux garde-fous. Elle s’inscrit dans le sens de l’intérêt général, tant économique que social, en établissant un équilibre entre des intérêts qui peuvent être contradictoires : celui des salariés, dont il faut reconnaître la place fondamentale dans la production et la valorisation de l’entreprise ; celui des investisseurs, auxquels est assuré un cadre sécurisé pour le capital des entreprises, et qui doivent comprendre que la rémunération du capital à court terme ne doit pas se faire au détriment de l’investissement et de l’emploi.

Deux grands axes structurent le dispositif.

Le premier consiste à obliger l’entreprise souhaitant vendre ou cesser son activité à rechercher sérieusement un repreneur et à permettre aux salariés d’être informés et de participer activement à cette recherche ou de reprendre l’entreprise sous forme de coopérative. C’est une avancée importante, dont il faudra rapidement faire le bilan pour mesurer son effectivité et apporter d’éventuelles corrections. Une sanction financière pourra être prononcée par le tribunal de commerce à l’encontre des entreprises qui refuseraient une offre de reprise sérieuse ne portant atteinte ni à l’activité, ni à l’emploi.

Le second axe vise, d’une part, à encourager l’actionnariat à long terme – pour stabiliser le capital, le vote double sera réservé aux actionnaires présents depuis plus de deux ans dans le capital de l’entreprise – , et d’autre part à mieux protéger les entreprises contre les OPA – le texte prévoit la consultation des salariés sur le bien-fondé de l’opération et propose un dispositif de protection contre les OPA hostiles.

Le dogme européen de la libre concurrence sans contrôle n’est pas adapté à la réalité de l’économie et représente un véritable frein à une politique industrielle. La présente proposition de loi refuse cette fatalité et constitue un premier pas vers une régulation à la française du fonctionnement des entreprises.

Notre objectif est bien de permettre au pouvoir politique de retrouver une crédibilité et une capacité d’action dans le domaine économique. Le groupe écologiste votera donc cette proposition de loi.

Pour finir, j’aimerais dire à Mme Grommerch que, sans aide publique, je doute fort que beaucoup de candidats se précipitent pour reprendre la centrale de Fessenheim\’85 (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jean-Noël Carpentier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise économique installée depuis des années est injuste, vous le savez. Elle frappe à la porte de nos concitoyens les plus faibles. Elle rend la vie incertaine, précaire et inquiétante pour des millions de familles. Tous, nous faisons le constat de l’étendue des dégâts qu’elle provoque. Pourtant le sens des réponses à apporter diverge. Si la recherche de l’intérêt général peut parfois transcender les courants politiques, force est de constater qu’en cette période, la droite et la gauche se distinguent l’une de l’autre. Alors qu’à droite l’opposition ne prône qu’austérité et dérégulation (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à gauche nous tentons de réglementer dans un contexte difficile afin de lutter contre les profiteurs de crise. Car, oui, mesdames et messieurs de l’opposition, des profiteurs, il y en a ! Et ce n’est pas la fameuse main invisible du marché qui vous est si chère qui les empêchera de nuire. Ce n’est pas un capitalisme encore plus débridé qui pourra corriger ces excès. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Carpentier a la parole !

M. Jean-Noël Carpentier. Pour nous, le laissez-faire ne saurait constituer une politique. En voulant empêcher l’abandon des sites industriels rentables par certains propriétaires qui suivent des logiques purement financières, nous entendons protéger les salariés.

Bien sûr, nous sommes nombreux à gauche dans cet hémicycle à avoir espéré une loi plus ferme et plus ambitieuse, notamment pour ce qui est de l’application des sanctions financières à ceux qui ne jouent pas le jeu. Néanmoins, le texte donnera quelques outils, timides certes, mais utiles pour lutter contre la quête effrénée du profit à court terme.

Mes chers collègues, lorsqu’un site industriel ferme, ce sont des drames humains qui se jouent, des emplois qui se perdent et une activité locale qui périclite : une situation d’autant plus insoutenable lorsque ce site peut conserver ces emplois et protéger les familles.

Nous avions le devoir de trouver une solution à ces terribles gâchis. Cette proposition de loi tente de nous en donner les moyens. Dans ces conditions, mes chers collègues, le groupe RRDP votera en faveur de ce texte, en espérant encore des améliorations. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants515
Nombre de suffrages exprimés499
Majorité absolue250
Pour l’adoption285
contre214

(La proposition de loi est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Nomination d’un député en mission temporaire

M. le président. Le président de l’Assemblée nationale a reçu du Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger M. Laurent Grandguillaume, député de la Côte-d’Or, d’une mission temporaire auprès de Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, et de Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

4

Simplification et sécurisation de la vie des entreprises

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi d’habilitation

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises (nos 1341, 1386, 1364, 1379).

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de me donner la possibilité de vous présenter ce projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances des mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. Ce projet, vous le savez, s’inscrit dans le choc de simplification annoncé par le Président de la République, fruit d’un engagement collectif du Gouvernement.

Je tiens avant tout à remercier, au nom du Gouvernement et en particulier du ministre de l’économie et des finances que je remplace aujourd’hui, Thierry Mandon pour son implication et sa contribution très significatives dans la préparation de ce texte aux côtés du Gouvernement, grâce à la méthode qu’il a choisie pour la préparation et l’élaboration de ce texte.

Cette méthode collaborative, qui sera également appliquée pour la mise en œuvre du texte, l’a amené à passer un temps considérable sur le terrain. En partant de la demande des usagers, à savoir les entreprises, il nous a aidés à construire ce choc de simplification et à tenir compte des exigences des entreprises.

Je tiens également à remercier ses rapporteurs, Jean-Michel Clément, Philippe Noguès et Frédéric Roig, sans qui ce texte ne serait pas aussi utile qu’il le deviendra si, comme je le souhaite, vous le votez aujourd’hui.

Je souhaiterais d’abord vous dire brièvement l’ambition qui est la nôtre, et que vous connaissez, en présentant ce texte à votre approbation. Cette ambition, soyons-en fiers, est grande : il s’agit de libérer les énergies, en simplifiant la vie des entreprises et en sécurisant leur cadre d’action. Simplification et sécurisation font partie des demandes régulières émanant des entreprises ; c’est pourquoi nous essayons de les mettre en œuvre dans le cadre de cette loi d’habilitation.

Cette réforme structurelle que nous proposons d’engager au profit des entreprises s’inscrit totalement dans les priorités de notre Gouvernement. Elle est cohérente avec notre combat pour la croissance et l’emploi : en facilitant la vie des entreprises, nous souhaitons en effet leur permettre de consacrer plus de temps et de moyens à leur cœur de métier qu’à remplir des papiers.

Elle constitue également un axe fort de la modernisation de l’action publique, à laquelle Pierre Moscovici et moi-même sommes particulièrement attachés, puisque la simplification des procédures administratives nous permettra de conjuguer le sérieux budgétaire, avec une réduction des coûts de fonctionnement, et la qualité d’un service public plus souple et plus réactif.

Les habilitations que le Gouvernement sollicite de votre assemblée sont variées, puisque des idées ont émergé de notre concertation avec les entreprises et les administrations de proximité dans de nombreux domaines. Par définition l’exercice de simplification est complexe, protéiforme : pour avancer, il faut aussi bien alléger des obligations de déclaration ici que créer là les conditions de développement d’une nouvelle activité, comme le financement participatif, de la manière la plus simple possible.

En même temps, et j’insiste sur ce point, la démarche de simplification résulte de choix politiques clairs, et à ce titre, je souhaiterais apporter deux précisions.

Premièrement, notre démarche de simplification n’est pas une démarche de dérégulation : elle ne saurait conduire à remettre en cause des acquis sociaux ou environnementaux, au contraire. Ainsi, les mesures proposées en matière de participations de l’État visent à rendre plus efficace la gestion de ces participations, qu’il s’agisse des règles relatives aux opérations en capital ou des règles en matière de gouvernance, tout en préservant la spécificité de représentation des salariés au sein des conseils d’administration des entreprises publiques.

De même, toutes les innovations proposées en matière d’autorisations environnementales et d’urbanisme auront pour objet d’améliorer les procédures sans atténuer la vigilance des services instructeurs.

Deuxièmement, la variété des sujets abordés ne doit pas susciter en vous la crainte de voir ce projet de loi devenir le véhicule d’un grand nombre de mesures hétéroclites, dont l’objet ne serait ni de simplifier, ni de sécuriser la vie des entreprises. Vous constaterez d’ailleurs que les dispositions qui vous sont soumises suivent certaines lignes structurantes.

Je me permets de souligner qu’au regard des mesures qui avaient été préconisées en matière de choc de simplification, la mobilisation du législateur porte aujourd’hui sur l’équivalent de 20 % des mesures qui avaient été retenues : il n’y a donc pas là abondance d’articles, à la différence de ce qui avait pu être réalisé lors du vote de la loi Warsmann, pour laquelle nous avions terminé la discussion parlementaire avec deux cents articles ! Nous nous limitons à une vingtaine d’articles, ce qui est plus modeste en quantité, mais ne signifie nullement que ce texte n’est pas plus ambitieux : il l’est considérablement, au contraire, car il accompagne les choix du Gouvernement pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, notamment en matière fiscale.

Partant de ces lignes structurantes, le premier axe de notre démarche consiste à supprimer certaines obligations déclaratives pesant sur les entreprises ou à en faciliter l’accomplissement. Cela commence par l’allégement des obligations comptables des très petites et petites entreprises, ainsi que des obligations faites aux employeurs en matière d’affichage et de transmission des documents à l’administration.

C’est également dans cet esprit que nous proposons le développement de la facturation électronique entre l’administration et ses fournisseurs : elle permettra notamment aux entreprises qui travaillent avec l’État et les collectivités locales d’être payées plus rapidement, grâce à une dématérialisation de la chaîne de la dépense publique.

C’est enfin la démarche qui nous pousse à expérimenter le « certificat de projet », qui permettra aux porteurs de projets de connaître en un seul document l’ensemble des législations susceptibles de s’appliquer à eux et de cristalliser, à la date de délivrance du certificat, le droit qui leur sera appliqué. Nous irons même plus loin dans le domaine des installations classées, puisque nous expérimenterons en la matière une procédure d’autorisation unique délivrée par le préfet.

Vous voyez à cet égard que la sécurisation n’est pas un vain mot dans l’intitulé de ce projet de loi, car simplifier la vie des entreprises signifie aussi leur offrir la sécurité juridique d’un cadre réglementaire stable, lisible et pleinement conforme au droit de l’Union européenne.

La deuxième ligne structurante de ce projet de loi concerne l’amélioration du financement des entreprises. Cette amélioration passe d’abord par le développement du financement participatif, auquel je suis personnellement très attaché.

Cette amélioration concernera également les sociétés en difficulté, grâce à une réforme des procédures collectives favorisant le recours aux procédures amiables et incitant les créanciers à apporter, dans le cadre de ces procédures, de l’argent frais aux entreprises en besoin d’un second souffle.

Je conclurai par quelques mots sur la méthode qui est la nôtre. Je soulignerai d’abord que ce projet de loi s’inscrit dans un programme de simplification beaucoup plus vaste, qui comportera nombre de dispositions réglementaires et de réformes non normatives. Nous avons tenu à préparer ce programme dans un esprit de consultation et de collaboration, le plus vaste et le plus sincère possible. Beaucoup des dispositions qui vous sont aujourd’hui soumises le sont d’ailleurs à la demande des professionnels eux-mêmes.

Tout comme le Gouvernement, je sais que les ordonnances ne sont pas forcément le plus populaire des véhicules juridiques sur les bancs des assemblées, mais le recours à l’article 38 de la Constitution doit nous permettre de frapper fort et vite, faisant ainsi gagner un temps précieux pour nos entreprises.

De plus, et j’en prends devant vous l’engagement au nom du Gouvernement, les parlementaires seront pleinement associés à la préparation de ces ordonnances. Ce fut le cas en amont de la préparation de ce texte avec la mission confiée à Thierry Mandon.

Le Gouvernement s’engage à ce qu’il en aille de même en aval de l’examen de ce projet de loi par le Parlement, grâce à des échanges soutenus entre le Gouvernement et les assemblées dans la phase d’élaboration des ordonnances.

Nous entendons ménager ainsi à la représentation nationale toute la place qui doit être la sienne dans cette importante réforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le présent projet de loi a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. Il concrétise ainsi la volonté du président de la République de voir le Gouvernement engager rapidement un véritable choc de simplification dans les relations entre l’administration et les citoyens ainsi qu’entre l’administration et les entreprises. Il est issu d’une large concertation avec ces dernières et a été préparé avec notre collègue Thierry Mandon, nommé parlementaire en mission auprès du Premier ministre à cette fin. Il a remis son rapport en juillet dernier.

Certaines des mesures proposées peuvent paraître techniques, mais les enjeux économiques sont considérables. Selon la Commission européenne, une réduction de 25 % des charges des entreprises augmenterait de 0,8 % le PIB à court terme, et de 1,4 % à plus long terme. En France, cela représenterait 15 milliards d’euros d’économies pour les entreprises.

Je souhaiterais, avant d’aborder le contenu de ce texte, dire quelques mots au sujet de la méthode retenue par le Gouvernement, c’est-à-dire du recours aux ordonnances et du calendrier d’examen de ce projet de loi. Le Gouvernement a choisi de recourir aux ordonnances prévues par l’article 38 de notre Constitution, au motif qu’il y a urgence à améliorer l’environnement réglementaire des entreprises. C’est le troisième texte de la législature faisant usage de cette procédure, après la loi du 1er juillet 2013 habilitant le Gouvernement à adopter des mesures de nature législative pour accélérer les constructions de logements et le projet de loi, en cours d’examen, habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens.

Je ne suis pas hostile, par principe, au recours aux ordonnances de l’article 38. Celles-ci permettent de gagner plusieurs mois. Cela peut paraître peu, mais c’est déjà beaucoup lorsqu’il y a urgence à réformer notre droit.

Mme Nathalie Nieson. C’est vrai !

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. En revanche, l’intensification du recours aux ordonnances, au cours de la période récente, est préoccupante. Entre 2004 et 2011, donc en huit ans, 304 ordonnances ont été publiées sur le fondement de l’article 38, soit près du double de celles publiées entre 1984 et 2003, c’est-à-dire en vingt ans. Afin d’éviter toute dérive, il m’apparaîtrait utile de soumettre ce recours au respect de certaines conditions.

Les premières sont, évidemment, celles posées par la Constitution. Elles imposent notamment : que le Gouvernement indique avec précision la finalité des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnances, que l’habilitation soit temporaire et encadrée par un délai limité, que le projet de loi d’habilitation détermine dans quel délai le Gouvernement devra déposer devant le Parlement un projet de loi ayant pour objet de ratifier la ou les ordonnances adoptées, sous peine de caducité. Ces conditions sont parfaitement respectées par le présent projet de loi.

Les secondes sont davantage politiques que juridiques. Le recours aux ordonnances doit ainsi être justifié par l’urgence des mesures à adopter et par leur technicité. L’appréciation de ces conditions est, bien sûr, plus subjective que les précédentes. Elles me semblent, à titre personnel, remplies pour la plupart des dispositions concernées, même si l’on peut s’interroger, par exemple, lorsque le projet de loi prévoit un délai d’habilitation de douze mois, ce qui est le cas pour l’article 12. Si le Gouvernement se donne un an à compter de la publication de la présente loi pour adopter l’ordonnance, ce délai n’aurait-il pas permis de procéder par la voie législative ordinaire ?

S’agissant du calendrier, je ne peux évidemment que déplorer le peu de temps qui m’a été imparti, en tant que rapporteur, ainsi qu’à mes collègues, pour examiner ce texte. Il a en effet été déposé le 4 septembre, et nous l’examinons trois semaines plus tard.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Quel courage ! (Sourires.)

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. Il s’agit, certes, d’un projet de loi d’habilitation, mais il n’en requiert pas moins un examen attentif par le Parlement du champ et de la portée des habilitations sollicitées par le Gouvernement.

Le délai accordé est d’autant plus insuffisant que ce texte souffre, contrairement aux deux lois d’habilitation que j’ai évoquées tout à l’heure, d’une très grande hétérogénéité de ses dispositions.

Pour remédier à ces difficultés, la commission des lois souhaite adresser au Gouvernement deux suggestions. La première, qui ne pourra s’appliquer qu’aux futurs – et éventuels – projets de loi d’habilitation, serait de consulter, en amont, les présidents des assemblées ainsi que ceux des commissions concernées sur le champ de l’habilitation que le Gouvernement envisage de solliciter. À ma connaissance, et même si le texte a été préparé pour partie avec un parlementaire en mission, cela n’a pas été fait pour le présent projet de loi, alors que c’est la méthode qui avait été suivie, par exemple en 2004, pour la transposition de directives par ordonnances. Les présidents des assemblées et des commissions compétentes avaient alors été consultés sur la liste des directives à transposer par ordonnances, et les avant-projets d’ordonnances avaient également été transmis avec le projet de loi d’habilitation, lorsqu’ils étaient prêts. C’est une bonne pratique qui gagnerait à être suivie, naturellement dans le respect de l’article 38 de la Constitution.

La seconde suggestion pourra, elle, s’appliquer au présent projet de loi. Elle vise à améliorer le suivi de l’habilitation par le Parlement. Au lieu de se limiter à ratifier l’ordonnance adoptée, en y apportant, le cas échéant, des modifications, il serait souhaitable que le Parlement soit tenu informé de l’état d’avancement des travaux des ordonnances que le Gouvernement a été autorisé à adopter. Le Gouvernement pourrait ainsi adresser aux présidents des commissions saisies au fond et pour avis, dès qu’ils seront prêts, les avant-projets d’ordonnance. Il pourrait également associer des parlementaires aux groupes de travail chargés de préparer ces ordonnances.

Pour ne prendre qu’un exemple, la réforme du droit des entreprises en difficulté qu’autorise l’article 2 intéresse nombre de nos collègues, en particulier ceux qui ont été membres de la mission d’information sur le rôle de la justice en matière commerciale.

Je me félicite que la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique, Mme Fleur Pellerin, ait répondu favorablement à cette suggestion lors de l’examen du texte par la commission des lois. Nous serons attentifs au respect de la démarche annoncée.

J’en viens maintenant au contenu du texte, sur lequel je serai rapide, compte tenu de l’excellent exposé qui en a déjà été fait par le ministre. Ce contenu est très divers, et le ministre l’a reconnu lui-même.

Les mesures qui sont proposées concernent, pour partie, la simplification et la sécurisation de la vie des entreprises. Parmi les plus significatives, je citerai l’allégement des obligations comptables des très petites entreprises et des petites entreprises, le développement de la facturation électronique entre l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics et leurs fournisseurs ou encore la suppression de certaines obligations administratives et l’allégement du régime des conventions réglementées, prévues par les articles 1er et 3. Signalons également l’assouplissement de l’obligation de reporting social et environnemental pesant sur les mutuelles et les établissements de crédit, lorsqu’ils ne dépassent pas certains seuils, ce que prévoit l’article 9.

L’article 2, que j’ai déjà mentionné, vise à habiliter le Gouvernement à réformer le droit des entreprises en difficulté, sans remettre en cause l’architecture générale des procédures collectives. En matière de droit des entreprises en difficulté, ce ne sont cependant pas tant les différentes procédures elles-mêmes qui sont en cause, mais leur mise en œuvre. Procéder par ordonnance en la matière revient à légiférer sans le recours à une étude approfondie des dysfonctionnements dénoncés qui ont des conséquences lourdes sur notre économie, sur l’emploi et sur les chefs d’entreprise mis en liquidation, notamment.

Plusieurs dispositions concernent les professions juridiques réglementées. L’article 4 vise à faciliter l’accès au statut de notaire salarié, en assouplissant la règle du « un pour un », qui limite leur nombre à un par notaire titulaire d’office ou associé. L’article 5 autorise la création du statut d’avocat aux conseils salarié. L’article 6 autorise le Gouvernement à modifier la réglementation applicable aux experts-comptables.

Les dispositions suivantes sont pour le moins très variées. Certaines concernent les obligations déclaratives des établissements où sont pratiquées des activités sportives, la société du Grand Paris, l’État actionnaire, la transposition de directives et l’adaptation de notre législation à des règlements adoptés récemment par l’Union européenne en matière bancaire et financière. J’appelle d’ailleurs l’attention de nos collègues de la commission des finances sur l’importance des textes transposés, parmi lesquels figurent la directive dite « CRD4 », qui met en œuvre en droit européen les accords dits de « Bâle III », ainsi que les futurs règlements européens créant le mécanisme de surveillance unique du secteur bancaire par la Banque centrale européenne. Ils marquent une étape importante vers l’union bancaire, et je ne doute pas que le Gouvernement associera cette commission à l’élaboration des ordonnances prévues, comme je l’ai évoqué plus tôt pour la réforme du droit des entreprises en difficulté.

D’autres dispositions du projet de loi visent à moderniser le droit de l’environnement et à mettre en place, à titre expérimental, des procédures simplifiées innovantes pour la réalisation de leurs projets d’activités économiques.

Enfin, l’article 16, qui n’est pas d’habilitation, tend à reporter du 1er janvier 2012 au 1er janvier 2015 l’obligation de mettre en place une signalétique commune sur les produits recyclables soumis à un dispositif de responsabilité élargie des producteurs, afin d’informer les consommateurs que ce produit relève d’une consigne de tri.

Le présent projet de loi s’inscrit dans une démarche de simplification nouvelle, la « modernisation de l’action publique », qui tire les leçons des dysfonctionnements du processus de simplification mené sous la précédente législature ainsi que de la révision générale des politiques publiques. Je déplore cependant que, s’éloignant de cette ambition, le texte souffre d’une grande hétérogénéité et d’un manque de cohérence de ses dispositions. Il comporte, en effet, de trop nombreuses dispositions ne relevant pas de la simplification de la vie des entreprises. Les habilitations proposées sur ces sujets sont, certes, utiles et justifiées. Leur insertion dans le présent projet de loi affaiblit cependant sa cohérence et sa lisibilité. Prises isolément, elles relèveraient d’ailleurs de la compétence d’au moins trois autres commissions. Deux d’entre elles, celles des affaires économiques et celle du développement durable, se sont d’ailleurs saisies pour avis, et je tiens à saluer la qualité du travail effectué par leurs rapporteurs. Le caractère hétéroclite du texte va sans doute s’accroître à l’issue de nos travaux, compte tenu des amendements déposés par le Gouvernement, qui portent sur des sujets aussi variés que la caisse commune de sécurité sociale de la Lozère, le mode de calcul du taux d’intérêt légal ou le cadre juridique de la gestion d’actifs.

Pour l’avoir dénoncé en son temps, je souhaite pour ma part que nous évitions de renouer avec les dérives constatées sous la précédente législature, dont la loi du 22 mars 2012, relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives fut sans doute la pire illustration. Ce texte, issu d’une proposition de loi qui comportait 94 articles, a « enflé » au fil des travaux, jusqu’à en compter 133 ! Il a donné lieu à l’annulation, par le Conseil constitutionnel, de pas moins de onze cavaliers législatifs. Le texte final, malgré ces annulations, donne l’impression d’une juxtaposition de dispositions éparses, sans rapport les unes avec les autres, souvent suggérées par des administrations ou des représentants du monde professionnel heureux de trouver là un véhicule juridique permettant l’adoption de diverses mesures en toute fin de législature. Sa densité et son hétérogénéité, combinées au recours à la procédure accélérée, n’avaient pas permis un examen parlementaire serein et approfondi, pourtant indispensable pour assurer la qualité de la loi.

Le présent texte est, heureusement, fort éloigné de telles dérives. Son caractère hétéroclite, je le répète, et le calendrier de son examen me conduisent cependant à formuler une mise en garde, afin d’éviter que le Gouvernement ne renoue avec ces pratiques. Sous cette réserve, de forme et non de fond, parce que les mesures proposées sont toutes utiles, la commission des lois vous invite à adopter le projet de loi dont notre assemblée est saisie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Roig, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Frédéric Roig, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi d’habilitation, de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises répond à une attente forte des Français mais aussi de nos entrepreneurs. Le choc de simplification voulu par le Président de la République et accompagné par notre collègue Thierry Mandon, à l’issue d’une large concertation dont il a tiré un certain nombre de perspectives dans son rapport, consiste à alléger les tâches administratives des entreprises et leur permettre ainsi de se consacrer à leurs objectifs, à leur croissance et ainsi à la compétitivité.

En 2012, 59 780 entreprises ont été créées, et avec elles 245 000 emplois. Nous voulons aller plus loin. Le Gouvernement a décidé d’agir en la matière. La France est aujourd’hui au cinquante-deuxième rang mondial pour la simplicité des procédures administratives de l’immobilier d’entreprise, et 37 % des chefs d’entreprise concernés jugent les formalités de construction trop complexes. Ainsi, sur les 348 mesures de simplification administrative adoptées depuis 2009, 101 seulement ont effectivement été mises en œuvre, soit à peine 29 %. Il nous faut donc agir.

Ce texte reprend les mesures annoncées en juillet lors du dernier comité interministériel de modernisation de l’action publique et intègre des avancées considérables en faveur de la vie et des moments clé de la vie des entreprises. La commission des affaires économiques a souhaité se saisir pour avis des articles 1er, 2, 3, 6, 10, 13 et 14 du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. Nous avons émis un avis favorable. Plus de deux cents entreprises ont été auditionnées par notre collègue Thierry Mandon et j’ai moi-même entrepris des concertations dans ma circonscription de l’Hérault, mais également dans le département. J’ai consulté plus d’une vingtaine d’entreprises, les associations, la chambre des métiers, la chambre de commerce et d’industrie.

Il ressort de ces auditions un large consensus sur la nécessité et la portée de ce projet de loi.

Nous allons simplifier la vie des entreprises, et ce n’est qu’une étape parmi de nombreuses mesures que nous allons adopter aujourd’hui.

Cinq chantiers de simplification sont inscrits dans le pacte de compétitivité. Le plus emblématique, baptisé « Dites-le nous en une seule fois », vise à éviter la multiplication des formulaires à remplir.

Parmi les mesures, il y a l’allégement des obligations comptables pour les petites entreprises ou la simplification des procédures en matière d’immobilier. Ce projet donnera ainsi un véritable coup de pouce à nos PME et TPE, dont il facilitera par ailleurs l’accès aux marchés publics.

Ce texte favorisera aussi le financement des entreprises : ce sera le cas pour le financement participatif.

Il facilitera les rapports entre les entreprises et les pouvoirs publics, notamment par l’utilisation des factures électroniques pour réduire les délais de paiement ou par la sécurisation du très haut débit. Nous allons travailler au maillage de nos territoires pour le haut débit. La fracture numérique doit être détruite. Le plan « France très haut débit » a pour finalité la couverture intégrale du pays en 2022.

De plus, ce texte aidera au développement de certains secteurs, comme l’accès au capital des sociétés d’expertise-comptable. Le projet de loi favorise le traitement des entreprises en difficulté, en encourageant les procédures amiables comme la conciliation et facilitera l’exportation. Pourquoi attendre le dernier moment pour aider une entreprise en difficulté ? Il est souvent trop tard.

Le nombre de défaillances d’entreprise a ainsi augmenté ces dernières années : en 2003, les ouvertures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire concernaient plus de 47 000 débiteurs. Nous voulons protéger la viabilité des entreprises. Nous préférons privilégier les procédures amiables pour sauver nos entreprises.

En outre, ce texte ouvre la possibilité de l’innovation et de l’expérimentation, sur proposition des préfets de région, au titre de la modernisation du droit de l’environnement. Nous avons tous connu, dans nos circonscriptions, des projets ne voyant pas le jour, ou mettant trop de temps à aboutir compte tenu des enjeux économiques : et tout cela, comme l’ont dit le ministre et le rapporteur, en respectant le droit de l’environnement. Nous avons tous vécu des expérimentations locales pour moderniser la vie de nos entreprises. Ces expériences, concluantes, devront sûrement être généralisées.

D’autres mesures visent à compléter ce plan et feront l’objet de décrets, comme la dématérialisation des titres restaurants ou encore la suppression de l’indicateur 040 touchant les chefs d’entreprises ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire.

Des délais de quatre à huit mois sont fixés pour la publication des ordonnances concernées par l’avis de la commission des affaires économiques. Il serait souhaitable qu’après l’adoption du projet de loi, le Parlement puisse être associé à l’élaboration des ordonnances. Je pense en particulier à la question des entreprises en difficulté, à l’article 2 : sujet essentiel dans le contexte actuel de crise économique, sur lequel nos collègues Cécile Untermaier et Marcel Bonnot ont d’ores et déjà mené un important travail de réflexion.

Pour conclure, la commission européenne a estimé qu’il fallait réduire de 25 % les charges administratives de nos entreprises. Nous avons aussi ouvert d’autres perspectives pour simplifier davantage les démarches administratives : il faudrait simplifier également les relations entre le chef d’entreprise et la banque, et aller vers d’autres secteurs comme l’agroalimentaire et l’agriculture où un certain nombre de procédures et de décrets d’application alourdissent les charges du quotidien.

Ce qui est important, conclurai-je, c’est la méthode et le suivi de l’évaluation. Ce projet de loi est un petit pas pour le législateur, un grand pas pour les entreprises et nos emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Noguès, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Philippe Noguès, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Le Gouvernement a souhaité engager, au bénéfice des entreprises – comme à celui de l’ensemble des usagers de l’administration –, un véritable « choc de simplification », visant à les libérer de certaines tâches et à leur permettre de se concentrer sur le cœur de leur activité.

Cet objectif est un impératif pour nos entreprises, pour notre économie et pour le redressement de notre pays. C’est la raison pour laquelle je voudrais commencer mon propos en appelant, chers collègues, au consensus politique, pour ce texte attendu par nos entrepreneurs.

Je ne m’attarderai pas sur les conditions dans lesquelles le Parlement doit procéder à son examen. Elles sont particulièrement inconfortables. Une semaine : c’est le temps qui m’a été imparti, en tout et pour tout, entre ma désignation en tant que rapporteur pour avis et l’examen du texte en commission. C’est bien entendu beaucoup trop court pour procéder à des auditions détaillées et c’est bien dommage, alors même qu’est prônée la méthode collaborative.

Par ailleurs, et sans vouloir être dogmatique sur la question, le recours aux ordonnances est un sujet délicat, toujours inconfortable pour les parlementaires. Je partage donc tout à fait le point de vue et les réserves exprimées par le rapporteur, Jean-Michel Clément.

Néanmoins, force est de reconnaître que certains sujets nécessitent d’agir avec rapidité et qu’il faut lever certains obstacles juridiques ou réglementaires. Je me concentrerai sur les points pour lesquels la commission du développement durable a été saisie pour avis. C’est le cas, par exemple, de l’article 8, qui porte sur le Grand Paris Express, projet déjà engagé et très attendu aussi bien par les élus que par les usagers.

En élargissant le champ d’action de la Société du Grand Paris en matière de maîtrise d’ouvrage et de financement des différents tronçons du projet, et en permettant l’élaboration d’une procédure de modification du schéma d’ensemble du réseau, le recours aux ordonnances va permettre la mise en œuvre rapide des annonces faites en mars dernier par le Premier ministre sur le Nouveau Grand Paris.

En revanche, pour l’article 9 portant sur les règles applicables aux mutuelles et établissements de crédit en matière de reporting social et environnemental, le recours aux ordonnances n’apparaissait pas justifié, dans la mesure où il ne permet pas de gagner en rapidité et qu’on ne se heurte pas non plus à un degré de technicité insurmontable. Je salue donc le travail du rapporteur Jean-Michel Clément, dont l’amendement déposé en commission a permis de procéder directement aux modifications législatives requises.

Cet article 9 porte sur un sujet qui m’est cher, puisque je préside le groupe d’études de notre assemblée sur la responsabilité sociale et environnementale des entreprises. J’aimerais donc appeler votre attention sur la nécessité d’améliorer la lisibilité du dispositif et d’harmoniser les règles s’appliquant aux différentes catégories d’entreprises. Cet article, tel qu’il est rédigé, va permettre de rectifier une erreur de traitement concernant les mutuelles et les établissements de crédit et c’est très bien ! Il n’en reste pas moins que si notre objectif politique est bien d’harmoniser les règles applicables à toutes les catégories d’entreprises, afin d’assurer une pleine égalité de traitement, il m’apparaîtrait cohérent d’étendre également aux entreprises publiques et aux sociétés par actions simplifiées les règles de l’article L. 225-102-1 du code du commerce. Nous avons l’occasion d’harmoniser : faisons-le ! C’est le sens des amendements que j’ai déposé au titre de l’article 88.

Quant à l’article 13 du projet de loi, il s’inscrit dans le prolongement des États généraux de la modernisation du droit de l’environnement, au cours desquels les parties prenantes ont dénoncé la multiplicité des autorisations qu’un projet d’activité économique doit obtenir, la difficulté pour les porteurs de projet à connaître toutes les législations applicables et l’insécurité juridique problématique née des changements fréquents de la règle de droit.

Le Gouvernement souhaite instaurer un « certificat de projet », à l’instar du certificat d’urbanisme, dans un nombre limité de régions. Je veux saluer ici le choix du Gouvernement de procéder par expérimentation, cela afin de tirer les leçons des difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre du certificat d’urbanisme, notamment de l’augmentation des contentieux.

L’article 14 vise, lui, à simplifier les procédures concernant les installations classées pour la protection de l’environnement. Aujourd’hui, un porteur de projet doit déposer parallèlement plusieurs dossiers administratifs et subit une réelle complexité administrative qui se révèle souvent excessive et parfois contre-productive.

L’habilitation que sollicite le Gouvernement me paraît donc aller dans le bon sens. Là encore, il m’apparaît sage d’avoir recours à l’expérimentation. Les ICPE sont en effet très fortement ancrées dans notre droit national et nos pratiques administratives. Bien que l’objectif de simplification soit pertinent et nécessaire, il convient de procéder avec prudence.

Je terminerai par l’article 16, qui vise à reporter à 2015 l’obligation de faire figurer, sur tous les produits recyclables concernés, le logotype unique « Triman » informant le consommateur qu’ils relèvent d’une consigne de tri. Dans la mesure où ce report permettra de mettre en œuvre cette mesure en même temps que l’harmonisation des consignes de tri, il m’apparaît comme une décision de bon sens.

Mes chers collègues, malgré les évidentes réserves que suscite le recours aux ordonnances, je suis néanmoins convaincu de la nécessité de mettre en œuvre rapidement le premier volet du « choc de simplification » et me félicite que celui-ci intègre ces enjeux de développement durable auxquels nous sommes nombreux à être sensibles. Conscient que ce projet de loi et les ordonnances qui en découleront permettront d’atteindre cet objectif, je vous proposerai, en dépit de mes réserves sur l’article 9, de donner un avis favorable à l’adoption du texte. Et je renouvelle une fois encore mon appel au consensus politique pour le bien de notre économie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Comme l’a indiqué notre rapporteur pour avis Philippe Noguès, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, afin d’examiner cinq articles qui ressortissent à ses compétences.

À l’article 8, la commission a voulu rappeler à la fois sa responsabilité en matière d’aménagement du territoire et le suivi qu’elle a assuré, depuis la publication de la loi du 3 juin 2010, de toutes les dispositions relatives au Grand Paris.

Si nous comprenons la nécessité d’apporter des modifications à la loi pour que la Société du Grand Paris et tous les acteurs importants comme le STIF puissent mener à bien leurs projets d’infrastructure, le président de la commission en charge de l’aménagement du territoire regrette que les modifications de la loi du 3 juin 2010 soient dispersées, depuis déjà plusieurs mois, dans des projets de loi qui échappent systématiquement à la compétence au fond de la commission.

En se saisissant de l’article 9, la commission a souhaité suivre l’application de l’article 225 de la loi « Grenelle II » sur les obligations sociales et environnementales des entreprises, qui constitue un premier pas en matière de développement durable. Notre débat nous permettra de résoudre les difficultés liées aux seuils et aux catégories d’entreprises concernées, car s’il convient de garantir l’égalité de traitement entre les opérateurs, il faut rester vigilant afin que le souci de simplification ne se transforme pas en échappatoire aux obligations.

En se saisissant de l’article 16, la commission veut souligner un de ses centres d’intérêt, à savoir la gestion et le recyclage des déchets, mais aussi rappeler qu’il est temps de faire progresser l’éco-conception des produits et l’économie circulaire. Elle vient d’ailleurs d’approuver la publication du rapport de nos collègues Jean-Jacques Cottel et Guillaume Chevrollier sur les filières à responsabilité élargie des producteurs.

De même, l’une des tables rondes de la récente conférence environnementale a permis de faire émerger un consensus sur l’utilité d’États généraux de l’économie circulaire. C’est dire si la modification de l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement est d’actualité. Le report de 2012 à 2015 de l’obligation d’une signalétique commune pour tout produit recyclable ne doit pas être apprécié comme une nouvelle tentative de renoncement, mais comme une prise en compte des aspects pratiques et la recherche d’une plus grande cohérence de l’encadrement juridique de la gestion des déchets.

J’évoquerai également les articles 13 et 14, en les replaçant dans deux démarches en cours : d’une part, la traduction des États généraux de la modernisation du droit de l’environnement ; d’autre part, les travaux préparatoires à la réforme du code minier. Dans les deux cas, un même constat : la multiplicité des autorisations qu’un projet doit obtenir et le risque d’insécurité juridique lié aux changements fréquents de la législation. Le certificat de projet prévu par le Gouvernement à l’article 13 aura bien pour effet de cristalliser le droit applicable. Le principe d’une expérimentation, pour un cadre juridique claire et stable, paraît de nature à éviter les critiques et à rendre les procédures plus efficientes.

Les dispositions inscrites à l’article 14 sur les installations classées pour la protection de l’environnement, obéissent à des objectifs identiques. Elles prévoient notamment la définition d’un permis environnemental unique, pour mieux articuler les autorisations environnementales et d’urbanisme, éviter les doublons en matière d’instruction et de consultation, et ainsi simplifier les procédures pour les porteurs de projet.

L’habilitation que sollicite le Gouvernement, nous la soutenons, tout d’abord parce qu’il s’est engagé à ce que la rédaction de l’ordonnance fasse l’objet d’une consultation approfondie avec les parties prenantes, et ensuite parce que l’objectif poursuivi par ces expérimentations est de faciliter la réalisation de projets sur le territoire national, sans diminuer les exigences de la protection de l’environnement. Il s’agit bien, en effet, comme l’a indiqué M. Philippe Martin lors de son audition, de libérer les énergies.

Enfin, toujours au sujet de cet article 14, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si le ministère de l’écologie envisage de conduire aussi des expérimentations sur des projets de parcs éoliens offshore et de centrales photovoltaïques. Je comprends que le Gouvernement veuille modifier la législation de la manière la plus rapide possible, c’est-à-dire par voie d’ordonnances ; je souligne cependant que le Parlement, comme cela a été dit par nos rapporteurs, doit procéder à l’examen du projet de loi dans des conditions inconfortables, puisque la commission a dû examiner le texte dix jours après son dépôt.

En conclusion, parce que ce projet permettra de mettre en œuvre rapidement des mesures de simplification attendues au profit des entreprises, j’invite l’Assemblée à l’adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la commission du développement durable, mes chers collègues, sur tous les bancs, il me semble que nous pouvons partager un constat de bon sens : la France est malade de son extrême complexité administrative et juridique.

Nous en payons, hélas, le triple prix : une fiscalité délirante, une croissance zéro et un chômage massif. Dans les villes comme dans les campagnes, dans chacun des départements de France, les entreprises, et singulièrement les PME, n’en peuvent plus. Chaque mois, chaque semaine, chaque jour, des entreprises meurent parce qu’elles sont étouffées par des règles, des normes, des interdictions, des injonctions. Chaque mois, chaque semaine, chaque jour, des salariés sont licenciés parce que des PME ont été massacrées.

Nous devrions nous retrouver, monsieur le ministre, pour mettre un coup d’arrêt à cette hypercomplexité. N’oublions pas que les PME représentent 99 % des entreprises et plus de la moitié de l’emploi salarié. Notre mission – à vous, les gouvernants, à nous, les législateurs – est d’agir avec responsabilité. Nous devons tout faire pour que les entrepreneurs, les commerçants, les artisans aient plus de liberté : liberté de créer, liberté de développer, liberté d’avancer. Nous devons tout faire pour adapter le droit à la réalité des entreprises d’aujourd’hui et de celles de demain, en dépoussiérant nos codes, nos lois, nos règlements.

Le projet de loi que vous nous soumettez aujourd’hui, monsieur le ministre, est bien loin de répondre à cet impératif de libération des entrepreneurs. Je voudrais ici, à la tribune de l’Assemblée nationale, me faire le porte-parole de ces patrons de PME, de ces artisans, de ces commerçants de l’Yonne, à qui j’ai soumis, article par article, votre projet de loi.

Trois messages me semblent devoir être énoncés. En premier lieu, il faut commencer par appliquer, avec bon sens, les textes de simplification qui ont déjà été votés. Vous ne partez pas de rien : la précédente législature avait adopté d’importantes mesures de simplification, à partir du travail considérable effectué par notre collègue Frédéric Lefebvre, alors secrétaire d’État en charge des PME, qui avait conduit, on s’en souvient, les assises de la simplification, au terme d’un important travail de concertation avec les acteurs économiques et les partenaires sociaux. Parmi les quatre-vingts mesures issues de ces assises, je pense notamment à trois avancées de la loi du 22 mars 2012 : la déclaration sociale nominative, qui doit se substituer à l’ensemble des déclarations exigibles par les organismes gérant des régimes de protection sociale, l’extension du rescrit au champ social, qui permettra aux entreprises d’obtenir des diverses administrations sociales des réponses opposables et, bien sûr, la simplification des bulletins de salaire, qui est une urgente nécessité.

Deuxième message, monsieur le ministre : le diable est dans les détails. Vous nous proposez, avec ce projet de loi, de vous habiliter à prendre par ordonnances un très grand nombre de dispositions sur les sujets les plus divers. La méthode de l’ordonnance n’est pas, en elle-même, condamnable. L’article 38 de notre Constitution existe et il n’est pas interdit d’en faire usage pour gouverner. Je dirais même que l’on est plutôt enthousiaste à l’idée que, pour une fois, le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault veuille gouverner, ce qui, il faut bien le reconnaître, est novateur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Mais cette méthode est suspecte lorsque l’habilitation – si vous me permettez cette expression – part dans tous les sens, et lorsque vous ne dites pas très clairement au Parlement où vous souhaitez réellement aller.

On trouve dans ce projet de loi des dispositions qui n’y ont manifestement pas leur place. Je prendrai quelques exemples. Réformer la Société du Grand Paris, est-ce vraiment simplifier et sécuriser la vie des entreprises ? Ce n’est pas sûr. Modifier le régime de la participation des employeurs à l’effort de construction, est-ce vraiment simplifier et sécuriser la vie des entreprises ? Adopter, comme vous nous le demandez, des dispositions longues d’une vingtaine de lignes pour transposer les récentes directives bancaires à la suite des accords de Bâle III, est-ce vraiment simplifier et sécuriser la vie des entreprises ? L’encre de la loi bancaire adoptée par le Parlement en juillet dernier à l’initiative de Pierre Moscovici est à peine sèche qu’il faudrait déjà la modifier, en fermant les yeux et en avalant une ordonnance. C’est tout de même assez singulier. Nous avons eu, dans cette assemblée, des heures et des heures de débat, sur tous les bancs, à propos de la loi bancaire, et l’on vient nous dire à présent que par une simple ordonnance, on va transposer tout le paquet des directives « Bâle III » : voilà une méthode étonnante, qui devrait susciter sur tous les bancs, notamment à la gauche de la gauche, des interrogations très vives.

Simplifier et sécuriser la vie des entreprises, selon vous, c’est également nous demander de vous autoriser à modifier par ordonnance les modalités de traitement des entreprises en difficulté. C’est, là encore, très curieux. Mme Pellerin, que nous avons interrogée en commission des lois, a évoqué une ordonnance sur les entreprises en difficulté et nous a indiqué qu’il y aurait peut-être, un jour, un projet de loi sur les tribunaux de commerce, à la suite de cet important travail réalisé conjointement par nos collègues Marcel Bonnot et Cécile Untermaier, ici présents. Il est assez curieux de faire éclater cette réforme, en y plaçant un petit bout dans une ordonnance et un autre bout dans un projet de loi. À l’évidence, un texte unique, quel qu’en soit le fond, aurait permis, en ces matières complexes, un débat rationnel et utile aux entreprises. Nous ne pourrons avoir ce débat aujourd’hui puisque vous faites le choix de cette méthode étonnante. Je pourrais, hélas, multiplier les exemples. Vous nous demandez de nous prononcer en bloc alors que, pour juger utilement de vos propositions, il faudrait en connaître les détails. Au fond, monsieur le ministre, votre projet de loi ressemble à un manteau d’Arlequin : on y trouve toutes les couleurs, pour le meilleur, parfois, quoique rarement, et pour le pire, souvent.

Le troisième et dernier message que je souhaite délivrer à ce stade de nos débats porte sur des simplifications nécessaires, et pourtant oubliées par le Gouvernement. Je pense, d’abord, à l’urgente simplification des mesures de soutien à la compétitivité des entreprises. Le crédit d’impôt compétitivité-emploi – le CICE – est hélas, à cet égard, un contre-modèle presque parfait : plutôt que de diminuer les charges sociales, comme tous les acteurs économiques le souhaitaient, vous avez, mesdames et messieurs les députés de la majorité, préféré inventer un mécanisme d’une effarante complexité, au point que les PME ne peuvent pas en bénéficier réellement, tant le coût d’entrée serait élevé. Vous l’avez sans doute fait, comme moi, dans vos départements : j’ai réuni il y a quelques jours une vingtaine d’entreprises de travaux publics et du bâtiment installées dans ma circonscription. Je leur ai demandé si le CICE marchait, si, en 2013, elles avaient bénéficié de certains avantages en faisant jouer le mécanisme de créance que vous avez ouvert.

M. Thierry Mandon. C’est une avance de trésorerie, ce n’est pas la même chose !

M. Guillaume Larrivé. La réponse a été : « Non ». Pas un non unique, mais un non unanime : aucune entreprise n’avait choisi d’entrer dans ce dispositif, tant il est complexe. Nous avons du reste entendu sur ce même sujet, la semaine dernière, en commission des finances, le président du Haut Conseil des finances publiques, Didier Migaud, expliquer que le CICE n’aurait en réalité quasiment aucun impact en 2013, et sans doute un impact très modéré en 2014, tant un mécanisme de baisse des charges aurait été plus direct, plus simple, plus efficace. Je regrette que le projet de loi de finances pour 2014 ne contienne aucune disposition pour rendre le dispositif du CICE plus simple, et donc plus opérationnel.

Le Gouvernement, de même, fait l’impasse, dans ce texte, sur la nécessaire simplification du code du travail et son adaptation à la réalité des PME. Ce devrait être le cœur de votre projet de loi, et c’est en réalité, je le crains, sa principale faiblesse. Vous ne proposez aucune simplification à cet égard, alors que le code du travail, on le sait bien, compte plus de 10 000 articles. Je pense notamment aux conséquences désastreuses des effets de seuils sur les PME. Il faut regarder la réalité en face : beaucoup d’entre elles sont contraintes de ne pas embaucher plutôt que de dépasser un seuil qu’elles ne pourront supporter. Aussi je défendrai, avec mes collègues du groupe UMP, un amendement qui propose d’élever ces seuils afin de libérer de ce poids les entreprises, pour qu’elles embauchent davantage en CDI et en CDD plutôt qu’en ayant recours à des contrats temporaires et précaires. Pour apporter une précision technique, j’ajoute que cette question pourrait d’ailleurs s’aggraver très prochainement, compte tenu d’une décision à venir de la Cour de justice de l’Union européenne, à la suite d’une question préjudicielle que lui a posée la Cour de cassation sur la prise en compte de certains contrats, comme le contrat d’apprentissage, dans les effectifs des entreprises. Il y a urgence, monsieur le ministre, à répondre à l’attente des PME sur ce dossier majeur.

Manquent également des dispositions, tout aussi urgentes, destinées à faciliter l’accès de nos PME aux marchés publics, sur le modèle du Small Business Act américain. En la matière, on le sait bien, les motifs de découragement ne manquent pas : le formalisme, la lourdeur des frais liés au montage d’un dossier d’appel d’offres, sans parler de la lenteur des délais de paiement des diverses collectivités publiques. Répondre à un appel d’offres, sur le terrain, c’est faire coexister deux temps en réalité inconciliables : le temps long de l’administration et le temps court du chef d’entreprise attentif à l’état de sa trésorerie et de son carnet de commandes.

Il est impératif que le Gouvernement tente de faire bouger les lignes dans ce sens, tant au plan européen qu’au plan national. Fleur Pellerin, ministre déléguée aux PME, a déjà annoncé que 2 % des marchés publics seraient, à terme, réservés aux petites entreprises innovantes. Dont acte. Nous demandons à voir, mais il faut en tout cas aller beaucoup plus loin, beaucoup plus vite.

Mes chers collègues, le Président de la République a annoncé aux Français qu’il souhaitait mettre en œuvre un choc de simplification. Ce n’est pas, hélas, ce projet de loi qui en sera la traduction. Il y a loin de la coupe aux lèvres. Votre projet de loi, monsieur le ministre, est au fond un texte inachevé, qui manque sa cible et devrait être profondément retravaillé. C’est pourquoi, au nom du groupe UMP, je vous invite à adopter cette motion de renvoi en commission.

Je vous appelle, surtout, à être plus attentifs aux vrais besoins du monde de l’entreprise. Le maquis administratif et le bombardement fiscal que les entreprises subissent sont devenus insupportables. Les victimes, ce sont les Français, qui paient le prix du chômage. Il est temps, il est grand temps de réhabiliter, en France, la liberté d’entreprendre, la liberté d’avancer, la liberté de progresser (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. Mon cher collègue, j’ai écouté avec attention votre motion de renvoi en commission et j’y ai décelé quelques éléments de contradiction. Le premier d’entre eux tient au fait que vous suggérez d’aller vite pour réformer et donner de l’oxygène aux entreprises, tout en nous reprochant dans le même temps de procéder de la sorte. S’il y a urgence à réformer notre droit, le chemin qu’a emprunté le Gouvernement est, dans une large mesure, un chemin de sagesse, puisque nous allons, dans un premier temps, l’autoriser à travailler sur un certain nombre de sujets essentiels à la vie des entreprises. Certaines mesures seront applicables dès 2014, car les délais prévus par le texte soumis à notre examen, notamment en son dernier article, sont relativement courts, et certains mécanismes seront peut-être opérationnels dès les exercices clos en 2013. Cela me paraît important.

Deuxième élément : l’engagement de la ministre en commission, qui nous a annoncé qu’elle souhaitait associer le Parlement aux mesures qui allaient être prises par voie d’ordonnances sur les sujets les plus importants, tels les procédures collectives. Je pense plus particulièrement à une disposition relative à l’accès à la trésorerie des entreprises en difficulté. On sait bien que le problème majeur d’une entreprise en difficulté est de trouver le souffle financier nécessaire pour rebondir. Je crois que l’encadrement qui va être proposé le leur permettra.

Troisième élément : vous nous avez dit que le code du travail est d’une grande complexité. On aurait tort, à cet égard, de se focaliser sur le nombre d’articles qui le composent : une loi de codification de 2010 a multiplié par deux le nombre d’articles en les subdivisant, pour une meilleure compréhension. Le but était donc en réalité d’éclaircir la codification, et les dispositions du code du travail n’ont pas nécessairement été alourdies. Cet élément n’est donc pas de nature à pénaliser la vie des entreprises.

Le dernier point sur lequel je souhaite revenir concerne le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Vous nous avez laissé entendre qu’il était complexe. Je rappelle qu’il s’agit simplement d’une avance de trésorerie. J’ai moi-même invité des entreprises à travailler sur ce sujet et je n’y ai pas vu de difficulté. Toutes les entreprises qui pouvaient en bénéficier m’ont assuré qu’elles avaient pu faire les démarches en l’espace d’une journée et que l’avance de trésorerie avait été octroyée immédiatement.

Il me semble donc qu’il est possible de faire fonctionner les dispositifs quand on le souhaite. Celui-ci n’est pas plus complexe qu’un autre, bien au contraire ! Il s’inscrit, à l’instar du projet de loi qui nous est proposé, dans une véritable démarche de simplification. Il n’y a pas de temps à perdre, il n’y a pas lieu de retourner en commission. Il est temps de donner au Gouvernement l’habilitation à prendre les mesures qui vous sont proposées aujourd’hui.

M. le président. Au titre des explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Frédéric Lefebvre. Je veux tout d’abord remercier notre collègue Guillaume Larrivé, qui a exprimé très clairement, dans un esprit constructif, les éléments positifs du texte – je reviendrai plus longuement dans mon intervention de tout à l’heure sur un certain nombre de points – et, de manière lucide, les sujets sur lesquels nous devons à nouveau travailler.

Si la motion de renvoi en commission est parfois utilisée comme un simple moyen d’expression ou pour ralentir les débats, ce n’est pas le cas ici : nous sommes convaincus qu’il serait utile de retravailler ce texte et de l’enrichir sur un certain nombre de questions. En particulier, les éclaircissements apportés par la Cour des comptes et son président sur les récents dispositifs qui ont été mis en place pour les entreprises et qui ne sont pas appliqués, au dire même des entreprises et des organismes de contrôle, du fait d’une complexité extrême, doivent être pris en compte. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP souhaite reprendre le travail en commission. Si nous voulons qu’un bon travail de simplification soit accompli, et ce, comme le rapporteur le disait à l’instant, sans perdre de temps, un certain nombre de sujets importants aujourd’hui doivent être traduits dans le texte.

Par ailleurs, et j’y reviendrai plus longuement, le texte comporte des éléments extrêmement positifs. Certains sont directement issus des travaux que nous avons pu mener, les uns et les autres, sur tous les bancs de cet hémicycle ; je pense notamment aux assises nationales de la simplification que j’avais eu l’honneur d’organiser avec les entreprises et auxquelles mon collègue Taugourdeau, notamment, avait pris part. Je tiens à remercier le Gouvernement de cette continuité : un certain nombre de dispositions sont effet le fruit de ce travail ; j’y reviendrai tout à l’heure.

Dans le même temps, des propositions concrètes, des décisions qui avaient été prises par le Gouvernement de l’époque et mises en œuvre par la machine administrative ont purement et simplement disparu du débat aujourd’hui. Il est important que nous obtenions des éclaircissements sur ce point.

Il me paraît important que le Gouvernement comprenne que cette motion de renvoi en commission constitue un appel à travailler efficacement, de manière constructive sur un sujet d’une importance majeure en pleine situation de crise. La compétitivité de nos entreprises est en effet un enjeu absolument essentiel qui devrait rassembler tous les parlementaires, sur tous les bancs de cette assemblée. C’est un appel à travailler en profondeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. Nous ne soutiendrons pas cette motion de rejet, car nous estimons qu’il est maintenant temps d’avancer. Je suis quelque peu surpris, car ce sujet est d’habitude votre cheval de bataille, chers collègues de l’opposition. Je pense pour ma part qu’il faut être pragmatique. Comme on dit chez nous, pep tra a zo mat a zo mat da gaout, ce qui signifie que tout ce qui est bon est bon à prendre. (Sourires.) Ce texte contient des avancées concrètes qui nous permettent, par exemple sur l’éolien ou la méthanisation, de mettre en œuvre des mesures attendues, dont les agriculteurs ou les chefs d’entreprise me parlent. Même si c’est un peu rapide, c’est un premier geste. Il faut donc y aller, et y aller rapidement.

M. le président. Marteze tout an dud n’o deus ket komprenet : peut-être que tout le monde n’a pas compris… (Sourires.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je commencerai par dire qu’en tant que chef d’entreprise, et nous ne sommes pas nombreux à siéger dans cet hémicycle, j’étais plutôt « emballé » par l’idée du « choc de simplification ». Les entreprises ont en effet besoin de simplification. J’irai même jusqu’à dire que j’aurais pu voter votre texte… Vous le voyez, je ne suis pas dogmatique !

Quelle ne fut cependant pas ma déception ! Et je dois dire que vous avez bien fait les choses : l’exposé des motifs fait presque rêver, mais le projet de loi en lui-même laisse plus que dubitatif. Je n’ai toutefois pas de raison d’être véritablement surpris, car il en a été de même pour les textes précédents avec lesquels vous prétendiez vouloir simplifier la législation.

Je ne prendrai que deux exemples. Dans le projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens – les chefs d’entreprise ne sont-ils pas eux aussi des citoyens ? – que nous avons examiné en septembre, vous entendiez franchir une nouvelle étape en faisant de la règle de l’accord tacite le principe de droit commun. Je salue cette mesure, mais celle-ci aurait pu aussi s’appliquer aux entreprises.

Tout cela n’est d’ailleurs que poudre aux yeux, puisque ce principe ne sera pas applicable et que le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaudra rejet dans une série d’hypothèses que le projet de loi énumère : « lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle ; lorsque la demande ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif ; si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ; dans les cas, précisés par décret en Conseil d’État, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l’ordre public ou des autres principes à valeur constitutionnelle ; dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents. » Et vous appelez cela de la simplification ? Si vous avez agi à l’identique concernant les entreprises, cela va se compliquer.

Dans ce même texte, pourtant consacré à la simplification, vous créez un nouveau code. Dois-je vous rappeler combien de codes sont en vigueur aujourd’hui ? On en compte plus de soixante ! Et vous appelez toujours cela de la simplification ? C’est de la pure mascarade. Vous êtes dans une vague opération séduction. Croyez-vous que les Français sont dupes ?

Sous la précédente législature, nous avions bien conscience que la multiplication et la complexification croissante des règles de droit contribuaient à l’insécurité juridique, qui est pénalisante tant pour les citoyens que pour les entreprises. À l’époque, l’opposition, autrement dit la majorité d’aujourd’hui, dénonçait haut et fort nos textes et, ce faisant, déposait une multitude d’amendements… Vous auriez pu changer d’avis, l’exercice du pouvoir aurait pu vous ouvrir les yeux sur les réalités du terrain, mais il n’en a rien été.

Même si l’on peut considérer l’allégement des obligations comptables des entreprises comme une bonne chose, en quoi les dispositions sur le Grand Paris, sur les nouvelles missions de la BCE, sur l’urbanisme, sur le salariat des avocats au Conseil d’État et d’autres encore vont-elles simplifier la vie des entreprises ? Vous présentez un texte fourre-tout,…

M. Alain Chrétien. Exactement !

M. Jean-Charles Taugourdeau. …qui manque de cohérence et qui démontre à l’évidence un véritable manque de vision d’ensemble sur ce que doit faire le Gouvernement pour simplifier le quotidien de nos entreprises.

En outre, alors que nous privilégions le travail parlementaire, le Gouvernement choisit aujourd’hui la voie des ordonnances, ce qui ne laisse pas la place à l’initiative parlementaire. Qui plus est, nous ne connaissons pas précisément les mesures qui seront adoptées.

Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué, et c’est vrai, que le meilleur moyen d’agir rapidement est de légiférer par ordonnances. Le problème est que ce projet de loi prévoit un échelonnement sur une période d’au moins quinze mois ; je vous laisse imaginer quand la dernière ordonnance de simplification sera prise…

Si quelques mesures pragmatiques et consensuelles que nous avions initiées, ainsi que Guillaume Larrivé et Frédéric Lefebvre l’ont rappelé voilà quelques instants, permettent de clarifier des compétences ou d’harmoniser des procédures, elles sont vraiment loin de constituer un véritable choc de simplification. Pourquoi le Gouvernement ne s’est-il pas attelé à de vraies mesures attendues par les professionnels, à des mesures qui permettraient de leur donner plus de compétitivité ?

Voici quelques propositions qui auraient pu créer un véritable « choc » : la baisse du coût du travail ; l’allégement du code du travail en édictant, par exemple, une règle simple consistant à supprimer deux dispositions dès qu’une nouvelle est votée ; le lissage des seuils, de l’ensemble des seuils ;…

M. Thierry Mandon. Puisque c’est si simple, pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

M. Jean-Charles Taugourdeau. … l’accompagnement, plutôt que la sanction des entreprises dans la mise aux normes, afin que celles-ci puissent avoir le temps de se mettre aux normes progressivement ; le rallongement de la durée de la période d’essai. Nous aurons d’ailleurs une discussion plus approfondie tout à l’heure sur cette dernière question, car vous semblez vouloir rendre plus compliquée l’interruption de la période d’essai. Or vous ne pouvez pas durcir les conditions de la période d’essai et prétendre simplifier la vie des entrepreneurs ou leur donner l’envie d’embaucher, c’est impossible.

Vous auriez également pu proposer dans ce projet de loi la fin du monopole des mandataires et administrateurs judiciaires afin d’éviter la destruction systématique des entreprises. J’ai d’ailleurs déposé un amendement en ce sens ; nous pourrons donc en discuter. Permettez-moi seulement de citer quatre chiffres qui pourraient vous amener à réfléchir : il est procédé à 60 000 liquidations par an en France alors que seuls 310 liquidateurs officient dans notre pays. Chaque liquidateur traite donc 200 cas de liquidation d’entreprise par an, pour un salaire d’environ 30 000 euros par mois. On a évoqué le cumul des mandats ; je voudrais que vous m’expliquiez comment une personne peut s’occuper de 200 entreprises en même temps.

M. Jean-Michel Clément, rapporteur. Je suis d’accord !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Il me semble que le président de la commission des lois était d’accord, mais le sujet n’est pas à l’ordre du jour. J’espère que vous ferez en sorte qu’il le soit rapidement, monsieur le ministre.

Peut-on sincèrement prétendre « simplifier la vie des entreprises » sans s’attaquer à ces sujets qui sont le cœur des préoccupations de nos TPE, PME, artisans, commerçants, professions libérales ? Simplifier la vie des entreprises, c’est aussi leur permettre de travailler lorsque le marché est en demande. À l’heure actuelle, il est d’ailleurs question de réglementer les heures d’ouverture des commerces, donc de freiner la création d’emplois. En effet, on ne parle pas suffisamment en France des emplois non créés, on ne parle que des emplois détruits.

M. Thierry Mandon. C’est votre loi qui a mis le bazar ! La législation est tellement compliquée que personne n’y comprend rien !

M. Jean-Charles Taugourdeau. En fait, la seule réelle simplification que vous allez faire aboutir, c’est la disparition pure et simple de la volonté d’investir ou d’entreprendre en France !

J’en terminerai par un dernier point, car je ne peux pas ne pas évoquer l’actualité. Comment voulez-vous simplifier la vie de nos entreprises alors que vous ne savez pas compter ? Vous ne savez pas utiliser les outils qui sont à votre disposition pour effectuer des comptages précis. Le comptage des manifestants lors de la « Manif pour tous » nous avait déjà laissés pantois sur vos capacités à calculer, mais vous réitérez ce fait depuis une semaine avec les chiffres du chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Très bien !

M. Thierry Mandon. On a compté large !

M. Jean-Marie Sermier. À quelques dizaines de milliers près !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Même si cela peut poser des difficultés, un peu d’humilité aurait suffi à éviter aux milliers de Français qui souffrent de ne pas avoir de travail de vous voir jubiler sur une fausse baisse et surtout de fuir pour expliquer que vous n’êtes pas responsables de votre communication, que dis-je, de votre manipulation de l’opinion des Français. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Voilà qui est bien dit !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Si vous étiez plus humbles, plus à l’écoute, moins dogmatiques, moins sectaires, la courbe du chômage se serait inversée ou tendrait à s’inverser, et ce sans artifices de communicants, car une telle attitude instiguerait de la confiance à tous ceux qui entreprennent. Au lieu de cela, vous ignorez les entrepreneurs et parfois vous les méprisez en les stigmatisant.

Vous pourriez aussi tout simplement introduire dans vos ordonnances les mesures résultant des assises nationales de la simplification qui avaient été organisées par Frédéric Lefebvre, pour lesquelles j’ai participé à plusieurs tables rondes en préfecture de région. Les contacts noués à cette occasion ont été très positifs et très constructifs, car l’administration et l’entreprise ont ainsi pu discuter face à face et ont même été surprises, l’une et l’autre, de faire connaissance dans un autre cadre que celui du contrôle.

Vous pensiez « réenchanter le rêve », mais les entrepreneurs, du plus petit au plus grand, ne sont pas des rêveurs. Pour eux, l’instabilité juridique et législative est un cauchemar. Or votre projet de loi manque de visibilité et de lisibilité, parce qu’il inclut beaucoup de dispositions qui ne vont pas dans le sens de la simplification du droit pour nos entreprises. C’est pourquoi le groupe UMP votera contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. « Nul n’est censé ignorer la loi ». Mais nous pourrions ajouter aujourd’hui que nul n’ignore la complexité de la loi. Le recours croissant à la règle de droit pour réguler le réel est devenu une constante dans nos sociétés contemporaines. Au fil des ans, ce phénomène n’a fait qu’accroître la complexité des normes et la difficulté d’appliquer le principe d’égalité de manière homogène sur l’ensemble du territoire.

Les entreprises, au même titre que les élus, les collectivités locales et l’ensemble de nos concitoyens, sont les principales victimes des phénomènes d’inflation législative et d’alourdissement des procédures. Nous ne pouvons en négliger les conséquences car, au-delà, ce sont la compétitivité et l’attractivité même de notre pays qui en souffrent.

La démarche de simplification est au cœur du processus de modernisation de l’action publique, et particulièrement de la réforme de l’État : nous ne pouvons qu’approuver toute initiative en ce sens. La simplification au profit des entreprises ainsi que le développement de la dématérialisation et de l’e-administration procèdent d’une bonne intention. Les nouvelles technologies de l’information sont en effet devenues l’une des voies privilégiées de la simplification administrative.

Il en va de même quant à la question de l’évaluation et de la participation des usagers, qui doivent, dans un souci de bonne gouvernance renouvelée, devenir les acteurs de la simplification, notamment grâce à une politique de communication et à une approche participative volontariste. Le recours aux procédures amiables tient également d’un esprit de dialogue dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Nous pensons néanmoins que, dans ce cas précis, la méthode du recours aux ordonnances est mauvaise. Le Parlement prend part à l’élaboration de la loi ; il est indispensable qu’il soit davantage impliqué dans ce type de processus de simplification.

Le rapport Mandon sur la simplification a lui-même souligné la nécessité d’associer et de mobiliser le Parlement à la démarche de simplification en faveur des entreprises. Nous pourrions à ce titre suivre l’exemple de nos voisins européens qui, pour la plupart, veillent à associer concrètement leurs parlements aux enjeux économiques de la simplification.

M. Jean-Pierre Vigier. C’est vrai !

M. Michel Zumkeller. Ainsi, en Allemagne, un Conseil national de contrôle des normes, organe indépendant chargé du contrôle de la réduction des charges, a été mis en place. Au Royaume-Uni, un rôle accru a été donné au Parlement dans le cadre des études d’impact, et des commissions parlementaires ont été entièrement dédiées à cette question. Il en va de même aux Pays-Bas et dans bien d’autres pays européens.

Monsieur le ministre, en soumettant à notre approbation ce projet de loi, vous nous demandez de vous donner un blanc-seing pour appliquer des mesures dont nous n’avons pas la certitude qu’elles s’en tiendront strictement au champ des autorisations prévues par le texte.

Le recours aux ordonnances est d’autant plus contestable qu’un exercice de simplification n’est jamais dénué de risques. Le premier est de complexifier et d’alourdir certains dispositifs au motif d’en simplifier ou d’en clarifier d’autres. Le second risque, plus grand encore, est de dévoyer l’exercice de simplification en réécriture pure et simple de notre droit.

Or, plusieurs mesures contenues dans ce texte vont au-delà de la seule simplification. Elles concernent des sujets d’importance dont le Parlement devrait se saisir en amont et qui devraient faire l’objet d’un large débat. Je pense notamment à l’article 10 relatif au renforcement dans la gestion des participations de l’État, ou encore aux articles 11 et 12 concernant la mise en œuvre du droit de l’Union européenne.

Force est de constater que de telles questions n’ont pas leur place dans un projet de loi de simplification. En procédant ainsi par ordonnance, vous privez les parlementaires de tout contrôle sur ces mesures qui, de toute évidence, outrepassent le cadre strict d’une entreprise de simplification.

En outre, si l’idée d’un choc de simplification n’est pas contestable en soi, encore eût-il fallu que ce choc de simplification s’accompagne d’un véritable choc de défiscalisation. Or, nous en sommes encore loin.

M. Jean-Marie Sermier. En effet !

M. Michel Zumkeller. Les Français attendent du Gouvernement de la lucidité et un langage de vérité. En matière de compétitivité, les Français et les entreprises ont vu arriver la TVA, mais pas la TVA compétitivité. Le Gouvernement leur a proposé une hausse de la TVA et aucun allégement de charges. La compétitivité n’est malheureusement qu’un effet d’annonce.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

M. Michel Zumkeller. La fiscalité pèse particulièrement sur les entreprises.

M. Guillaume Chevrollier. Oui, c’est un véritable matraquage !

M. Michel Zumkeller. Le Gouvernement les a accablées en 2013 de 14 milliards d’euros d’impôts nouveaux, avec des effets désastreux. Loin de ne toucher que les grandes entreprises, ces mesures ont porté un coup très dur à la compétitivité de notre pays. Au total, c’est un choc de compétitivité de 27 milliards que le Gouvernement a fait subir aux entreprises en 2013.

Ce matraquage fiscal nuit bien évidemment à la compétitivité de notre pays et, plus largement, compromet la confiance que les entreprises et les Français peuvent placer dans la politique qui est conduite.

Ce que nous reprochons également à ce texte, ce sont ses omissions. Le projet de loi aurait pu comporter davantage de simplifications majeures, concernant le code du travail par exemple, le code général des impôts ou encore les normes qui font que les entreprises sont submergées par les procédures administratives.

En matière de droit du travail, la simplification est aujourd’hui non plus seulement une nécessité, mais un impératif absolu. Il s’agit aussi d’offrir davantage de marges de manœuvre aux entreprises en allégeant le poids des procédures et en fixant un objectif financier réel de diminution des charges des entreprises.

Nos entreprises souffrent de trop de fiscalité. Elles ont besoin de compétitivité.

M. Jean-Marie Sermier. Tout à fait !

M. Michel Zumkeller. Ainsi, le secteur du bâtiment va subir une hausse majeure de la TVA qui conduira à une baisse de son activité. En outre, après avoir supprimé l’Agence nationale des services à la personne, augmenté la TVA et supprimé des aides importantes, le Gouvernement touche les travailleurs et les bénéficiaires des services d’aide à la personne.

L’objectif de ce texte est louable mais, outre le recours à une méthode que nous jugeons contestable, ses propositions ne sont pas de nature à simplifier la vie des entreprises et ne prennent pas la mesure des enjeux pour que notre pays retrouve la voie de la croissance et du développement.

Pire, il comporte des dispositions qui, si elles échappent à tout contrôle du Parlement, pourraient s’avérer dangereuses.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mandon.

M. Thierry Mandon. Je soutiens, monsieur le ministre, la méthode que vous proposez à cette assemblée, et je m’en réjouis. Ces dernières années, de très nombreux parlementaires, sur tous les bancs, dont certains sont parmi nous aujourd’hui, ont travaillé sur les questions de simplification. Or, force est de reconnaître que les résultats concrets de ces travaux multiples et variés ne sont pas à la hauteur de ce qu’ils auraient dû être. Cela s’explique sans doute parce qu’en matière de simplification, nous vivons dans une illusion, comme plusieurs interventions dans ce débat l’ont d’ailleurs montré. Cette illusion consiste à croire qu’il pourrait y avoir un grand soir de la simplification, et qu’il suffirait de supprimer mille pages de code par-ci et tout un dispositif fiscal par-là. Rien n’avancera tant que nous continuerons de croire que les choses se passent ainsi.

Vous avez, monsieur le ministre, préféré la démarche de la rapidité. Je rappelle en effet que le conseil interministériel de modernisation de l’action publique qui a formulé certaines des propositions que vous présentez aujourd’hui ne date que du 17 juillet. À la rapidité, vous avez joint l’humilité. À cet égard, les autres pays qui ont obtenu des résultats significatifs en matière de simplification ont toujours employé la même méthode : c’est l’adoption, en nombre limité, de mesures ciblées, presque chirurgicales, qui a produit de réels effets en matière de simplification.

Voilà précisément ce que ce texte propose sur quatre points dont, avec tout le respect dû aux opinions divergentes, je m’étonne qu’ils ne suscitent pas le consensus.

Tout d’abord, ce texte permettra au Gouvernement de prendre des ordonnances qui concerneront un million de très petites entreprises et 1,3 million d’entreprises de moins de cinquante salariés, dont les règles d’édification et de publication des comptes seront profondément simplifiées. Il s’agit d’ailleurs aussi d’une mesure de compétitivité qui améliorera directement leur bilan financier, puisque ces petites entreprises, qui souvent ne disposent pas en interne de service spécialisé, auront moins à faire appel à des professionnels pour établir ces comptes. Comment refuser d’habiliter le Gouvernement à prendre une mesure qui concernera autant de petites entreprises ?

Ensuite, vous allez simplifier de beaucoup un élément essentiel des relations entre entreprises, et entre les entreprises et l’administration : la facture électronique. Désormais, la puissance publique, selon un calendrier établi, pourra contraindre l’ensemble de ses fournisseurs, dans toute leur diversité, à adapter leurs procédures afin d’utiliser à brève échéance la facturation électronique. Il reste plusieurs questions en suspens, notamment celle de la signature électronique ou des coûts induits pour les entreprises, encore trop élevés, mais cette deuxième avancée est considérable.

La troisième avancée, qui concerne tous les membres de cette assemblée, consiste à étendre à l’immobilier d’entreprise la déclaration de projet. À cet égard, l’alinéa 9 de l’article 1er du texte permettra de diviser par trois le temps nécessaire au démarrage de travaux suite à des investissements immobiliers d’importance, qu’il s’agisse de ZAC, de la création ou de l’extension de bureaux ou encore de centres commerciaux. Il répond à une revendication majeure de tous ceux qui souhaitent pouvoir investir sur le territoire mais hésitent encore à le faire parce que certains projets mettent beaucoup trop longtemps, jusqu’à dix ans parfois, à se concrétiser. La déclaration de projet, ainsi précisée et élargie à l’immobilier d’entreprise, permettra de mettre en cohérence différents documents – du PLU au SDRIF, par exemple – et, de ce fait, accélérera considérablement la réalisation d’un investissement. Là encore, cette avancée est réclamée par les parlementaires de tous bords depuis des années. Aujourd’hui, elle est à portée de main : ne gâchons pas cette chance ! Cessons d’invoquer des arguments hors sujet, l’avance de trésorerie du CICE, par exemple, lequel est pourtant un dispositif d’une très grande simplicité, qui s’applique mécaniquement.

M. Jean-Marie Sermier. On a vu ce qu’il a donné dans les entreprises !

M. Thierry Mandon. Enfin, la quatrième avancée de ce texte permettra, par expérimentation, de sortir les certificats de projet ou encore les ICPE de ce maquis de réglementations qui s’additionnent et s’enchevêtrent aujourd’hui, les investisseurs ne sachant plus à quel saint se vouer. Ceux-ci pourront désormais compter sur un cadre précis et engageant, et les accords seront signés par une autorité unique, en l’occurrence le préfet. Toutefois, il est important, comme l’ont dit les rapporteurs, d’accorder le temps de l’expérimentation à cette mesure qui, au fond, est une forme d’extension du rescrit en matière d’urbanisme.

Certes, ces avancées ne régleront pas définitivement la question de la simplification. Elles n’en sont pas moins des avancées majeures que notre assemblée devrait adopter.

Je conclurai par trois remarques. S’agissant tout d’abord de l’alinéa 9 de l’article 1er, je me demande, après avoir consulté les lois d’habilitation concernant l’habitat que nous avons votées en juin, si les dispositions concernant des voies de recours accéléré applicables à des projets importants peuvent ou non concerner l’immobilier d’entreprise. C’est juridiquement compliqué. Nous avons donc déposé un amendement – qui n’est peut-être d’ailleurs pas recevable, et je ne sais pas si le Gouvernement a l’intention de le reprendre – visant à ce que, si nous diminuons de moitié le temps nécessaire en amont des projets d’entreprise, le temps de recours contre les investissements significatifs soit également comprimé de moitié environ. C’est une mesure indispensable, tout en veillant naturellement à ne jamais enlever quelque droit que ce soit aux pétitionnaires, qui, en passant directement à la cour d’appel, verront cristallisé en quelque sorte le temps nécessaire pour élaborer leur argumentaire.

Par ailleurs, les articles du projet, l’étude d’impact, les arguments du Gouvernement insistent tous sur la nécessité que ces ordonnances soient élaborées par concertation. Chaque ministère, chaque administration va donc entamer la sienne propre… Si nous voulons aller plus vite et être plus systématiques en matière de simplification, je pense qu’il nous faut désormais un lieu dédié à cette concertation permanente entre la sphère publique, les parlementaires – il y a ici des spécialistes de ces sujets, qu’il serait utile d’entendre – et surtout les partenaires sociaux, qui sont prêts à travailler sur ces questions.

Prenons la question du droit du travail, car cela semble être une obsession pour les parlementaires de l’opposition. Figurez-vous que tous les syndicats, je dis bien tous, avec les organisations patronales, sont prêts, sur un certain nombre de points, à travailler à la simplification du droit du travail. Bien sûr, il y a des désaccords. Mais il y a beaucoup de points sur lesquels ils sont prêts à collaborer. Encore faut-il qu’il y ait un lieu où cette production collaborative puisse se mettre en place.

Dernière remarque, qui vaut pour ce texte mais aussi pour l’ensemble de la démarche de simplification : si l’on sort des postures traditionnelles, dès lors que certains sont prêts à reconnaître que la simplification peut être autre chose que de la déréglementation, dès lors que nous sommes prêts à reconnaître que l’excès de droit tue le droit parce qu’alors, le droit est illisible et inefficace, je ne doute pas que nous parviendrons à poser la base d’un consensus politique qui, seul, nous permettra d’obtenir des résultats tangibles en matière de simplification et de rejoindre la cohorte des pays européens qui ont avancé beaucoup plus vite que nous en la matière. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Le projet de loi d’habilitation qui nous rassemble cet après-midi dans cet hémicycle a pour finalité d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnances afin de mettre en œuvre en urgence des mesures très diverses de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises.

Améliorer la compétitivité des entreprises est devenu une priorité pour le Gouvernement. Simplifier et sécuriser la vie économique des entreprises est une part importante de cette compétitivité, plusieurs rapports l’ont démontré. Et, bonne nouvelle, c’est une part sur laquelle nous avons des leviers d’action forts.

Les députés radicaux soutiendront toujours avec énergie tout ce qui peut aller dans le sens de la compétitivité des entreprises. Car cette compétitivité, ce n’est rien de moins que la production de biens et services de qualité et innovants à des prix bas, pour nos concitoyens comme à l’exportation.

Le projet de loi d’habilitation que vous nous présentez, monsieur le ministre, vise à donner plus temps aux entreprises pour se consacrer à leur cœur de métier, en les libérant de contraintes administratives lourdes et inutiles.

Le rapport de Thierry Mandon estime le gain annuel d’une simplification pour les entreprises entre 1,5 et 2 milliards d’euros, en se fondant sur les réussites dans ce domaine de l’Allemagne et des Pays-Bas. Le ministre de l’économie a surenchéri en disant que 25 % de charges administratives en moins représentent 0,4 % de PIB, c’est-à-dire près de 8 milliards d’euros. Il a également affiché sa volonté, que nous partageons unanimement, de voir « moins de normes et de meilleures normes ».

Autant vous le dire clairement dès le début de son examen en séance publique, les députés du groupe RRDP soutiendront ce projet de loi.

Cependant, permettez à des députés attachés à la qualité de la norme de vous adresser quelques remarques formelles sur la méthode choisie, sur le contenu des ordonnances et sur le périmètre de l’habilitation. Car, ne nous le cachons pas, il s’agit tout de même d’un projet de loi qui détaille un inventaire à la Prévert de multiples ordonnances touchant divers aspects de la vie économique.

ARCEP, ICPE, statut d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, notaire salarié, expert-comptable, fibre optique, procédure collective, dividende numérique, annexe comptable des TPE, financement participatif, AFNIC, rachat des actions de préférence, Grand Paris, droit du sport… C’est un projet de loi un peu fourre-tout, avec une kyrielle de mesures touchant à des domaines hétérogènes et répondant à des demandes sectorielles, qui est soumis à notre examen.

Fallait-il nécessairement passer par les ordonnances pour tout le contenu de ce projet de loi d’habilitation ? Pour prendre un seul exemple, l’article 12 du texte prévoit un délai d’un an : dans ce cas, l’urgence ne semble guère avérée pour justifier d’esquiver la procédure parlementaire normale…

Les députés radicaux n’ont pas d’opposition de principe aux ordonnances de l’article 38 de la Constitution, dans la mesure où elles sont clairement délimitées et permettent un gain de temps significatif. Mais reconnaissons ensemble que l’accroissement récent du recours parfois un peu systématique aux ordonnances est embarrassant.

Prosper Weil, éminent professeur de droit public, critiquait légitimement cette procédure qui prolonge la pratique tant décriée des décrets-lois des IIIe et IVRépubliques. Mais, en 2004, il nuançait son propos en disant des ordonnances qu’elles avaient tendance à se réduire comme peau de chagrin dans leur contenu, leur périmètre et leur nombre.

Pourtant, depuis 2004, on compte plus de 300 ordonnances, soit le double des vingt années précédentes, de 1984 à 2003. Nécessité d’agir vite, complexification des sociétés occidentales ou encore encombrement de l’agenda parlementaire, il existe de bonnes raisons pour expliquer cette inflation. Mais aucune d’elles ne justifie que le Parlement ne soit pas consulté en amont du texte sur le périmètre de l’habilitation.

Les députés du groupe RRDP sont très attachés à la légitimité de la représentation nationale. Nous souscrivons pleinement à la proposition du rapporteur de la commission des lois concernant la consultation en amont des commissions concernées sur le périmètre des ordonnances. Nous soutenons également l’idée d’une amélioration du suivi de l’habilitation, avec une information régulière de l’état d’avancement des travaux du Gouvernement.

Groupe de travail, transmission des avant-projets d’ordonnances : monsieur le ministre, notre rapporteur Jean-Michel Clément a fait des propositions claires. Nous espérons pouvoir compter sur une réponse positive de votre part.

Aujourd’hui, votre projet de loi prévoit des ordonnances strictement délimitées concernant des aspects précis de la problématique de la simplification et de la sécurisation de la vie des entreprises, pour implémenter des adaptations permettant d’améliorer à court terme les potentialités de croissance. Mais nous tenons au renforcement de la concertation avec le Parlement car nous savons que, pour des habilitations dans les années à venir, nous pourrions avoir de mauvaises surprises. Et comme le proclame la célèbre devise, « la confiance n’exclut pas le contrôle ».

S’agissant des domaines de ces ordonnances, ils sont relatifs à la mise en œuvre du choc de simplification annoncé, qui est une des priorités du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.

À la suite du rapport de Thierry Mandon remis en juillet dernier sur la simplification de l’environnement réglementaire et fiscal des entreprises, le comité interministériel de modernisation de l’action publique a adopté un plan triennal de simplification en faveur des entreprises.

Le projet de loi que nous examinons permettra l’adoption par ordonnance des dispositions législatives nécessaires à la mise en œuvre de ce plan pour supprimer des obligations pesant sur les entreprises ou simplifier, par exemple, des procédures d’immobilier d’entreprise. Il favorisera le financement des entreprises avec ses dispositions sur le financement participatif et il facilitera les rapports entre les entreprises et les pouvoirs publics.

Nous savons que la simplification a une longue histoire derrière elle pour les services de l’État. Pour les entreprises, c’est plus récent : elle date d’environ dix ans, et le moins que l’on puisse dire est que les résultats sont plutôt mitigés. Même si les méthodes semblent avoir changé, si le rapport Mandon a montré les facteurs de blocage et proposé une nouvelle approche de la question, nous savons aussi que nous devons rester modestes.

Les avancées effectuées par ce projet de loi sont utiles pour les professionnels concernés, mais il nous reste un vaste chantier et de nombreux corporatismes à bousculer pour parvenir à une simplification et une sécurisation optimales.

Les députés du groupe RRDP tiennent cependant à saluer en particulier les allégements des obligations comptables des très petites et petites entreprises, contenus dans l’article 1er. La suppression de l’annexe comptable pour les TPE était nécessaire, et un nouveau régime de publicité des comptes pour ces entreprises, avec la mise en place d’une option de confidentialité, va les soulager de contraintes inutiles. C’est plus d’un million d’entreprises qui en seront bénéficiaires, et les députés de terrain que nous sommes savent que les TPE n’ont pas besoin d’obligations inutiles ! Il en va de même pour la simplification des procédures d’immobilier d’entreprise, beaucoup trop complexes aujourd’hui.

Enfin, la mise en œuvre du programme « Dites-le nous une seule fois » va bénéficier à 100 000 entreprises, celles que nous côtoyons tous les jours et qui créent des emplois.

La facilitation du financement participatif est une mesure attendue depuis longtemps qui facilitera le financement de projets par des particuliers, notamment par l’intermédiaire de sites internet. Sans faire concurrence aux grands réseaux bancaires, le financement participatif répond à un besoin qu’ils ne remplissent pas souvent.

Nous connaissons les problèmes de financement des entreprises et nous sommes convaincus que ce type de financement alternatif va donner des possibilités de développement à des projets qui ne pourraient pas se faire sans lui.

Pour conclure, je dirai que, globalement, ce projet d’habilitation va dans le bon sens et que les mesures envisagées reçoivent l’assentiment des députés radicaux.

Nous espérons simplement, monsieur le ministre, que le Gouvernement acceptera les demandes des parlementaires en faveur du renforcement de la concertation avec la représentation nationale.

M. Paul Molac. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Le projet de loi d’habilitation dont nous débattons ce soir est le premier wagon du train de mesures annoncées à l’issue du troisième comité interministériel pour la modernisation de l’action publique en juillet dernier. Ces mesures constituent en quelque sorte la première étape du volet entrepreneurial du choc de simplification annoncé en mars par le Président de la République.

Je voudrais d’ailleurs m’arrêter un instant sur les usages répétés de ce terme de « choc ». Après le choc de compétitivité d’il y a quelques mois, voici venu le temps du choc de simplification.

L’emploi de ce terme, s’il est bien dans l’air du temps, n’a rien d’innocent. Il participe de cette phraséologie libérale dans laquelle les États ont moins vocation à protéger la société et les populations qu’à leur administrer des chocs, les sidérer pour mieux leur faire avaler la pilule des faux remèdes libéraux. Il n’est qu’à voir l’instrumentalisation dont fait l’objet la question de l’endettement public pour imposer les politiques de rigueur partout en Europe. Nous sommes de ceux qui pensent que la gauche devrait bannir de son vocabulaire ce terme de choc, hérité de l’école de Chicago, et de Milton Friedman en particulier, et si bien analysé par Naomi Klein dans son remarquable ouvrage sur la stratégie du choc.

Comme tous les partisans des chocs en tous genres, vous nous expliquez qu’il y a urgence à agir, au nom de la compétitivité de nos entreprises. Nous sommes bien évidemment favorables, comme chacun sur ces bancs, aux mesures qui peuvent faciliter le dialogue entre les administrations et les entreprises, simplifier les démarches administratives, rendre plus efficace l’action administrative et faire évoluer les pratiques au rythme des évolutions technologiques.

Nombre de mesures proposées par ce texte, inspirées directement par le rapport de Thierry Mandon, vont dans le bon sens. Mais si nous adhérons au principe de simplification et de facilitation des procédures administratives, il ne nous semble pas justifier le recours aux ordonnances.

En matière de simplification de l’environnement juridique des entreprises, l’urgence n’est pas avérée, non plus que pour la plupart des dispositions de ce projet de loi, à l’exception peut-être de celles concernant le Grand Paris Express.

Vous tentez de légitimer le recours aux ordonnances par la « méthode collaborative » mise en œuvre pour établir la liste de ces mesures, notamment une « large concertation entre les entreprises, les administrations concernées et les préfets de région ». C’est une curieuse conception de la démocratie parlementaire que de prétendre que la méthode collaborative mise en œuvre par l’exécutif vaut contournement des procédures d’examen parlementaire ou que le travail d’un député, aussi exemplaire et exhaustif soit-il, vaut approbation de l’ensemble de ses collègues.

En l’espèce, le recours aux ordonnances est d’autant plus problématique, comme l’a souligné le rapporteur pour la commission des lois Jean-Michel Clément, que le délai accordé à la commission pour examiner le texte d’habilitation était très insuffisant. Il l’était d’autant plus que, contrairement aux deux lois d’habilitation déjà adoptées par notre assemblée au cours de la présente législature, ce texte comporte des dispositions extrêmement hétérogènes portant sur des domaines aussi variés que le droit des sociétés, le droit du travail, le droit bancaire et financier, le droit du sport, le droit de l’environnement, le droit des professions juridiques réglementées et j’en passe… Le rapporteur pour avis de la commission du développement durable, Philippe Noguès, n’a pas caché son irritation, ou son agacement, je ne sais, en s’abstenant « de plaider un quelconque enthousiasme à l’égard d’un projet de loi qui, au moins sur la forme, ne permet pas de mener un travail législatif de qualité. »

La précédente majorité utilisait pour la simplification le véhicule de la proposition de loi, qui avait au moins le mérite de laisser place au débat et de mettre à contribution la réflexion des parlementaires. Le gouvernement actuel, lui, réclame des parlementaires un blanc-seing pour le moins problématique. Il eût été préférable, selon nous, de déposer sur le bureau de notre assemblée un projet de loi en bonne et due forme. Cela aurait en tout état de cause permis de lever les ambiguïtés dont souffrent certaines dispositions. En effet, si de nombreuses mesures n’appellent pas de remarques particulières, d’autres peuvent faire débat en raison du manque de lisibilité des intentions du Gouvernement.

Nous en prendrons deux exemples. Ainsi, le sixième alinéa de l’article 1er prévoit de simplifier les obligations faites aux employeurs en matière d’affichage et de transmission de documents à l’administration tout en préservant la bonne information des salariés et le contrôle de l’inspection du travail. Fort bien. Mais pour ce faire, l’ensemble des dispositions relatives aux obligations d’affichage et de transmission de documents seront examinées, celles qui seront jugées obsolètes supprimées et la mise à disposition des documents préférée à leur transmission ! Une telle rédaction laisse planer un doute sur la protection des intérêts publics. En effet, préférer la mise à disposition à la transmission implique une moindre détection des irrégularités par l’administration.

Second exemple : l’article 10, qui prévoit d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure visant à moderniser la gouvernance des entreprises dans lesquelles l’État détient une participation, majoritaire ou minoritaire, afin d’améliorer l’efficacité et la souplesse de la gestion de ces participations. Si nous comprenons bien votre projet, monsieur le ministre, il s’agit de bien davantage qu’une mesure de simplification : il vise en réalité à aligner plus encore la gestion des entreprises publiques sur celle des entreprises privées, en raisonnant uniquement en termes de capitaux à rentabiliser et de rendement financier à assurer aux actionnaires, dont l’État. Une telle orientation fait problème, et devrait faire débat entre nous ! Peut-on laisser entendre que les entreprises nationales sont des entreprises comme les autres, alors qu’elles ne sont pas la propriété de l’État mais avant tout celle de la nation ? Peut-on, en matière de participations de l’État, perdre de vue l’objectif de démocratisation et d’appropriation sociale des choix stratégiques et de la gestion de ces entreprises ?

J’évoquerai enfin la mise en œuvre de deux expérimentations, relatives en particulier au droit de l’environnement. La première réside dans la délivrance de certificats de projets économiques, opposables à l’administration et aux tiers, qui ont vocation à agréger et cristalliser les autorisations relevant du code de l’environnement, du code de l’urbanisme, du code forestier et du code rural et de la pêche maritime. La seconde teste une nouvelle procédure d’autorisation unique, intégrant l’ensemble des autorisations relevant de la compétence des préfets de département et applicable aux parcs éoliens et aux installations de méthanisation. Après la suppression des zones de développement de l’éolien terrestre, il s’agit donc aujourd’hui de lever les derniers obstacles en s’attaquant à la procédure des ICPE, les installations classées pour la protection de l’environnement. Et la première étape consiste à dessaisir le Parlement pour avoir les mains libres !

L’objectif annoncé du Gouvernement est de rationaliser le droit applicable à l’implantation d’éoliennes et de favoriser l’industrie éolienne en regroupant droit de l’urbanisme, droit de l’environnement et droit forestier. Voilà qui est louable mais ne saurait en tout état de cause justifier le dessaisissement du Parlement. La création d’un permis unique pour l’implantation d’éoliennes ne saurait en d’autres termes être confiée dans la précipitation à la seule compétence du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et aux pressions des lobbies. Le certificat de projet envisagé à l’article 13 du projet de loi n’est-il pas également de nature à figer de façon excessive la situation juridique, en particulier la décision de recourir ou non à une étude d’impact ? Est-il sage de rendre opposable le certificat de projet, au mépris du droit des tiers, portant ainsi un nouveau coup au droit de recours des citoyens, des collectivités territoriales et des associations environnementales ?

M. Jean-Pierre Vigier. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Nous avons le sentiment, monsieur le ministre, que votre projet de loi, de façon délibérée ou non, prend tout le monde de court, les représentants de la nation comme les acteurs de la société civile, syndicats et associations. Nous considérons dès lors que nous ne sommes pas en position de l’adopter.

M. Jean-Pierre Vigier. Excellent !

M. André Chassaigne. En conséquence, et contrairement au texte de simplification des relations de l’administration et du public, que nous avons voté, les députés du front de gauche se prononceront par un vote d’abstention sur le présent texte, voire un vote d’opposition si des amendements réduisant encore davantage les droits du Parlement, en particulier dans le domaine environnemental, étaient adoptés.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier. Je viens défendre ici un projet de loi qui s’impose pour tenter une fois encore de parvenir à une simplification des procédures souvent demandée et difficilement obtenue. Rappelons que ce projet est en droite ligne d’exigences déjà anciennes de l’Union européenne. Rappelons, après d’autres, que la Commission européenne a lancé en novembre 2006 le projet de mise en œuvre par les États membres d’une réduction de 25 % à l’horizon 2012 des charges administratives pesant sur les entreprises. Des réformes de simplification ont ainsi été entreprises aux Pays-Bas et en Belgique, et menées avec réussite au Royaume-Uni, en Allemagne et au Danemark. L’ensemble de ces pays ont atteint l’objectif de réduction de 25 % défini par l’Union. Ils se sont engagés dans de nombreux projets de simplification par le biais des technologies de l’information et de la communication.

La doctrine juridique et économique française avait, dès les années 1990, identifié le danger d’une trop grande transparence résultant des obligations d’informations légales pesant sur les entreprises, laquelle peut en effet desservir le jeu normal de la concurrence et explique que beaucoup préfèrent payer une amende plutôt que communiquer des informations qui porteraient atteinte à leur activité. La crise économique impose plus encore un certain recul de l’obligation d’information, en particulier en matière de fin de vie des sociétés et, auparavant, de publicité de leur santé financière. Nous savons tous que la publication des données financières d’une entreprise en difficulté peut précipiter sa chute, comme par exemple la rupture du crédit fournisseur, vital pour son maintien.

Enfin, toutes ces obligations ont un coût. Les petites entreprises sont parfois contraintes de créer un service entièrement consacré aux obligations administratives, afin de s’orienter dans leurs méandres, ce qui constitue une charge supplémentaire. Si l’information représente comme on le dit le fluide vital du capitalisme, il convient d’en diminuer le poids administratif.

La France a réagi à de telles exigences par de nombreuses lois de simplification, pas moins de six entre 2003 et 2012. Celles de 2009 et 2012 portent sur les entreprises, mais les résultats n’ont pas été au rendez-vous. Eh oui, je ne partage pas l’enthousiasme de l’opposition pour ces lois !

M. Frédéric Lefebvre. Celle de 2012, c’est vous qui l’avez votée !

Mme Cécile Untermaier. Selon l’évaluation établie par le secrétariat général à la modernisation de l’action publique en mars 2013, 29 % seulement des 348 mesures de simplification engagées en faveur des entreprises depuis 2009 ont été mises en œuvre. Et lorsqu’elles l’ont été, elles sont souvent calamiteuses, faute d’étude d’impact : on pense à la dérégulation des ouvertures dominicales pour les établissements à dominante alimentaire…

M. Jean-Marie Sermier. Un vivier d’emplois !

Mme Cécile Untermaier. Cette mesure détruit le petit commerce, monsieur le député !

M. Jean-Marie Sermier. Non !

Mme Cécile Untermaier. Elle détruit les salariés qui travaillent désormais le dimanche sans majoration !

M. Jean-Marie Sermier. Ce sont les salariés eux-mêmes qui le demandent !

Mme Cécile Untermaier. Elle détruit enfin des territoires dans nos régions, car le problème ne se pose pas seulement à Paris, il ne faut pas l’oublier.

M. Jean-Pierre Vigier. Il faut surtout ouvrir les yeux !

Mme Cécile Untermaier. La simplification du droit a souffert d’avoir été intégrée dans la révision générale des politiques publiques. Les chantiers de simplification se sont enlisés, faute d’étude d’impact et d’expertise suffisante sur leurs conditions de faisabilité. Le bilan de la simplification du droit à la française est donc globalement négatif. C’est dans ce contexte défavorable que la simplification est engagée sous notre majorité. Selon les termes du Président de la République chers à M. Chassaigne, il s’agit de provoquer un « choc de simplification » susceptible de libérer les entreprises de certaines tâches administratives, ce qui améliorera leur compétitivité. Sept chantiers prioritaires de simplification sont lancés au titre du pacte de compétitivité, de croissance et d’emploi, dont la suppression des redondances de demandes d’information – qui, depuis dix ans, sont toujours là. Une vaste concertation a été organisée avec des entreprises afin d’identifier les facteurs clés de progrès en ce domaine.

La concertation entre les acteurs, en amont comme en aval, est indispensable à la réussite de cet important projet. Et nous, parlementaires, avons contribué à la réflexion par des missions d’information, en particulier celle portant sur la justice commerciale qui fera l’objet, monsieur le ministre, d’un projet de loi à discuter ici en réponse à une demande inscrite dans le pacte de compétitivité. C’est sur la base du rapport remis en juillet 2013 par Thierry Mandon que le comité interministériel de modernisation de l’action publique a arrêté un programme triannuel de simplification de la vie des entreprises couvrant les différents aspects de leur activité. Plusieurs objectifs sont fixés selon un cap bien déterminé afin de supprimer dans les trois ans 80 % des coûts des entreprises liés à la complexité et à la lenteur des procédures tout en simplifiant le travail des administrations. Le projet de loi d’habilitation aujourd’hui présenté devant vous constitue une voie pragmatique pour répondre aux problèmes soulevés par les entreprises.

Le projet de loi habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnances un ensemble de mesures destinées à simplifier et sécuriser la vie des très petites entreprises et en particulier à limiter les obligations d’établissement et de publication de leurs comptes. On peut espérer que des dispositions semblables seront prises par la suite pour les petites entreprises. Il s’agit d’une habilitation à prendre toute mesure visant à développer la facturation électronique dans les relations de l’État, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics avec leurs fournisseurs. Les services de l’État reçoivent quatre millions de factures chaque année. Ces factures sont imprimées, mises sous pli, affranchies et triées, autant de traitements manuels à faible valeur ajoutée et au coût significatif pour les entreprises, pour l’État et pour les collectivités territoriales. Les nouvelles technologies offrent l’opportunité de progresser vers une relation plus efficace et moins coûteuse, donc plus rentable. On peut s’étonner que cela ne soit pas déjà fait depuis dix ans.

Toujours en s’appuyant sur ces nouvelles technologies, le projet de loi vise à établir un cadre juridique sécurisé pour le financement participatif, mode de financement de projets innovants ou de création reposant sur la collecte des apports financiers d’un grand nombre de particuliers par l’intermédiaire de plateformes sur internet. Des projets spécifiques pourront ainsi être financés par de nombreuses personnes, principalement par l’intermédiaire de sites internet, ce qui offrira un outil de financement complémentaire en particulier aux PME et aux jeunes entreprises innovantes. Cela participe encore de la marche vers l’innovation et la rénovation de nos systèmes.

Enfin, dans le prolongement des missions parlementaires sur les procédures collectives et la justice commerciale, le projet de loi prévoit de nouvelles orientations gouvernementales en matière de traitement des entreprises en difficulté, tout en mutualisant les bonnes pratiques entre les juges consulaires. C’est à juste titre qu’il cherche à favoriser le recours aux procédures de prévention, notamment en permettant au président du tribunal de grande instance de recourir au mécanisme de l’alerte.

Dans le même sens, la loi favorise la recherche de nouveaux financements de l’entreprise bénéficiant d’une procédure de conciliation, et améliore les garanties pouvant s’y rattacher.

Conformément aux souhaits exprimés par la récente mission parlementaire sur la justice commerciale, le projet vise à promouvoir, en cas de procédure collective, la recherche d’une solution permettant le maintien de l’activité et la préservation de l’emploi, par des dispositions relatives notamment à une meilleure répartition des pouvoirs entre les acteurs de la procédure, au rôle des comités de créanciers, à l’amélioration de l’information des salariés et aux droits des actionnaires.

Ce texte renforce la transparence et la sécurité juridique du droit des entreprises en difficulté, en complétant les critères de renvoi d’une affaire devant une autre juridiction, en améliorant l’information du tribunal et en facilitant la prise en compte par celui-ci d’autres intérêts que ceux représentés dans la procédure, en précisant les conditions d’intervention et le rôle du ministère public et des organes de la procédure.

Si toutes ces mesures vont dans le bon sens, il nous faudra toutefois, s’agissant des entreprises en difficulté, poursuivre nos efforts par un autre projet de loi en direction de la prévention des conflits d’intérêts, des procédures d’alerte, de la juste reprise d’un site rentable ou de sa non-fermeture, et caetera. Il nous faudra ainsi prochainement nous préoccuper, dans le cas où une liquidation s’avérerait incontournable, de garantir la transparence de l’évaluation et de la liquidation des actifs d’une société par les mandataires financiers. Trop souvent, la vente des actifs, qui constitue un véritable traumatisme pour le chef d’entreprise, s’effectue dans l’opacité, à un coût nettement inférieur à celui du marché et ne lui permet pas de combler son passif et de redémarrer une nouvelle activité

Pour conclure, je tiens à rappeler toute l’importance d’un tel projet, tous ses dangers aussi s’il ne se traduit pas par des résultats tangibles. Nous devons être exigeants, tenir le tableau de bord et démontrer qu’avec nous, la simplification n’est enfin plus un vain mot. Je rappelle également que la simplification n’est pas, pour nous, l’abandon du droit protecteur, n’est pas la déréglementation.

Enfin, je veux rappeler l’importance de la loi dans notre État de droit. C’est pourquoi j’insiste sur la nécessité d’associer les parlementaires, par le biais d’un groupe de travail, au suivi de la rédaction de ces ordonnances, non pas quinze jours avant leur adoption mais dès à présent, et en faisant en sorte qu’elles soient adressées en priorité aux parlementaires. L’expertise nationale des élus de la nation, comme le suivi des politiques publiques qu’ils encadrent par la loi, et celle-ci en est une, au service des forces vives de la France, est plus que jamais indispensable à la réalisation de nos réformes politiques.

Comme disait Antoine de Saint-Exupéry, « la vérité, ce n’est point ce qui se démontre, c’est ce qui simplifie ». Je vous demande donc d’adopter ce projet de loi de simplification au nom de la vérité des besoins et des exigences de notre société. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Nous examinons aujourd’hui le projet de loi visant à mettre en œuvre le choc de simplification annoncé par le président Hollande le 28 mars dernier. Simplifier la vie des entreprises a toujours été ma priorité, notre priorité – et je salue la présence d’Éric Woerth, qui avait lui-même porté, en tant que ministre, un projet de simplification.

Comme Guillaume Larrivé et Jean-Charles Taugourdeau l’ont parfaitement expliqué tout à l’heure, la simplification constitue un sujet prioritaire pour la compétitivité de nos entreprises. Si j’osais, monsieur le ministre, je dirais même qu’en ces temps économiques difficiles, c’est sans doute la priorité. La paperasse étouffe les entrepreneurs, la simplification crée de la valeur. C’est dans cet esprit qu’il y a plus de deux ans, j’avais, en concertation avec les entrepreneurs eux-mêmes, élaboré plus de 80 décisions – décisions, et non propositions – visant à simplifier réellement la vie quotidienne des entreprises. D’autres, que j’avais annoncées quelques mois avant l’échéance des élections présidentielle et législatives, notamment en faveur de nos amis artisans, n’ont pu être mises en œuvre. L’application de plus de 75 % de ces mesures a toutefois été engagée avant l’élection présidentielle. Certaines sont reprises par l’actuel gouvernement, notamment celles relatives à la simplification des relations entre les entreprises et l’administration, Guillaume Larrivé ainsi d’ailleurs que certains orateurs de la majorité y ont fait allusion.

Je voudrais évoquer certaines de ces mesures, à commencer par le coffre-fort numérique, qui constituait la proposition n5 de notre projet de 2011, une idée reprise dans la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives. Certaines entreprises se retrouvent parfois à devoir effectuer 70 fois la même démarche au cours d’une même année. Grâce à l’armoire numérique sécurisée mise à leur disposition, il leur suffira d’effectuer cette déclaration une fois pour toutes. Compte tenu de l’évidente utilité de cette mesure, j’imagine qu’elle constitue un objectif partagé par le Gouvernement, mais j’aimerais savoir où en est sa mise en œuvre. Quel est le calendrier précis pour l’entrée en vigueur de ce dispositif attendu par les entrepreneurs ?

La proposition n44 du projet de 2011, visant à simplifier la cession de fonds de commerce, se retrouve dans l’article 3 du présent projet de loi, qui vise à simplifier les formalités de cession de parts sociales de sociétés en nom collectif et de SARL. C’est une bonne chose, et je donne acte au Gouvernement d’avoir repris cette proposition. De même, l’article 1er du présent projet, qui vise à simplifier les obligations des employeurs en matière d’affichage et de transmission de documents à l’administration et à assouplir les obligations d’établissement et de publication des comptes qui incombent aux entreprises, reprend certaines des décisions prises en 2011 et là encore, j’en remercie le Gouvernement. Je me félicite également de la reprise par cet article de la proposition n10, qui avait pour objectif de faciliter le dépôt des comptes pour les entrepreneurs qui optent pour une téléprocédure.

Je tiens à vous remercier personnellement, monsieur le ministre, ainsi que le ministre de l’économie et des finances, de cette continuité. En revanche, je regrette de ne voir que peu, voire aucune simplification fiscale ou sociale dans ce projet de loi : il ne contient rien sur le droit du travail ! Permettez-moi de rappeler que, parmi les 80 décisions de 2011, un chapitre entier était consacré à la simplification de l’impôt.

Je regrette également que la proposition n29 de 2011, visant à augmenter le nombre de contrats d’alternance – un objectif que chacun doit partager, car il est essentiel si l’on veut donner de vraies formations et de vrais emplois à la jeunesse – en simplifiant leur mise en œuvre, ne soit pas reprise. J’avais en effet suggéré de dématérialiser, d’alléger les procédures d’enregistrement des contrats d’alternance et de limiter le nombre de documents à fournir pour raccourcir les délais d’enregistrement. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Enfin, certaines mesures très concrètes de 2011 ne figurent pas dans le présent projet. C’est le cas de la généralisation de l’usage de la signature électronique simple pour la réalisation d’actes modificatifs ou de cessation d’activité en ligne ou, surtout, de la simplification du bulletin de salaire, avec une réduction du nombre de lignes afin de le rendre plus facile à remplir et à comprendre. C’est un sujet essentiel : lors de mes trois déplacements par semaine, il n’y avait pas une fois sans que les entrepreneurs ou les salariés ne se plaignent auprès de moi de la complexité du bulletin de salaire. J’ai cru comprendre que vous en faisiez une priorité, mais pouvez-vous nous donner un calendrier précis de la mise en œuvre de cette mesure ? Sur la base de ce que nous avions commencé à mettre en place avec l’administration, elle devrait entrer en vigueur maintenant. Ce n’est pas le cas. Où en sommes-nous ?

La simplification de la déclaration pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ne fait pas non plus partie du projet. Elle est pourtant redondante aujourd’hui pour de nombreuses entreprises. J’avais proposé que les entreprises mono-établissement n’employant pas de salariés et exerçant une activité de plus de trois mois dans plusieurs communes soient dispensées du dépôt de cette déclaration. Cela pourrait concerner 600 000 entreprises ! Qu’en est-il ? Et d’autres mesures sont en attente !

Je le dis haut et fort à cette tribune : il y a urgence sur ces questions. La France est au 116rang mondial en matière de complexité administrative, ce qui coûte chaque année près de 3 % du PIB. Dans la continuité du travail que j’avais entamé au service de la compétitivité des entreprises, le Président de la République a annoncé le fameux choc de simplification. Aujourd’hui, l’enjeu est de basculer d’une culture de défiance à une culture de confiance : ce qu’il faut, c’est des contrôles moins fréquents quand on a le quitus d’un professionnel, la généralisation du rescrit, que j’avais pour ma part étendu au domaine social, et un engagement de stabilité des réglementations dans la durée.

Comme vous le savez, je viens de déposer deux propositions de loi sur ces questions essentielles que sont le travail de nuit et le travail le dimanche. Là encore, il faut savoir se montrer pragmatique. Je félicite le Gouvernement d’avoir confié une mission sur le travail dominical à Jean-Paul Bailly, un homme qui a su mener à bien une réforme de La Poste avec un grand pragmatisme, et j’ai bien l’intention d’aller à sa rencontre pour lui faire des propositions. Je suis persuadé que la croissance durable et l’emploi constituent une dynamique qui ne s’obtient qu’au prix de l’inscription dans l’internationalisation, donc de la simplification. C’est à l’issue de ce débat, et des réponses que j’aurai obtenues à mes interrogations et mes attentes, que je déciderai si je voterai ou non ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Fabrice Verdier.

M. Fabrice Verdier. L’ambition du Président de la République et du Gouvernement est de s’engager dans une démarche déjà mise en œuvre dans bon nombre de pays européens, visant à moderniser et à simplifier les procédures administratives au bénéfice des usagers, simples citoyens ou entreprises.

Un choc de simplification, oui, mais pour quels objectifs ? Il s’agit, d’une part, d’alléger les charges et d’offrir ainsi des gains de compétitivité à l’entreprise ; d’autre part, de libérer les entrepreneurs des contraintes administratives pour leur permettre de mieux se concentrer sur leur cœur de métier. Nous comprenons la nécessité d’adopter ces mesures législatives de manière urgente afin que, très rapidement, les entreprises puissent bénéficier de leurs effets positifs.

Néanmoins, je regrette l’engagement de la procédure d’urgence, le choix de cette procédure ayant laissé trop peu de temps aux députés pour étudier parfaitement l’ensemble des mesures et propositions. Par ailleurs, et afin de relativiser cette remarque, je tiens tout de même à souligner et à rappeler, si besoin est, que l’exécutif a missionné Thierry Mandon afin de l’éclairer sur la politique de simplification à mettre en œuvre. L’excellent rapport de notre collègue, « Mieux simplifier – La méthode collaborative », est le fruit d’une étude comparative des dispositifs mis en place par cinq pays européens voisins et d’une large concertation menée auprès de plus de 200 entreprises.

Les conditions et préconisations essentielles exposées par Thierry Mandon pour réussir cette démarche de simplification ont été largement reprises par le Gouvernement, ce dont je me félicite. Ainsi, il nous propose aujourd’hui un dispositif pensé de manière globale, un programme triennal et des mesures qui interviendront aux différents moments de la vie de l’entreprise : création, financement et capitalisation, lancement de projet d’activité.

Je souhaite souligner combien la méthode adoptée par le gouvernement actuel contraste avec celle du précédent gouvernement, mise en œuvre par M. Lefebvre. Les trois dernières lois de simplification, en 2009, 2011 et 2012, ont été inefficaces : elles n’ont engendré ni gain de temps ni réduction de coût. Moi qui suis aussi amené à visiter régulièrement des entreprises, je peux vous dire qu’elles sont toujours confrontées à de sérieux problèmes tenant aux contraintes administratives ! C’est un échec pour le précédent gouvernement, car les entreprises n’ont pas été suffisamment consultées. Un échec également parce que la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation n’avaient pas été prévus de manière stratégique.

M. Jean-Marie Sermier. Vous pratiquez la méthode Coué !

M. Fabrice Verdier. Finalement, on n’a assisté qu’à l’empilement de mesures éparses, parfois contradictoires, au gré des visites ministérielles. Aujourd’hui, les entreprises expriment une grande attente, tant les précédentes politiques de simplification ont été inefficaces. Le Gouvernement a fait le choix opportun d’une autre méthode – M. Dupré, je le sais, partage mon avis sur ce point : une méthode collaborative, qui aboutit à un programme triennal et rompt ainsi avec l’absence de stratégie globale du précédent gouvernement. Avec ses 120 mesures, le programme de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises touche de nombreux champs d’activité.

Le projet de loi d’habilitation prévoit notamment de s’approprier les facilités qu’offrent les nouvelles technologies et, ainsi, d’alléger les obligations comptables des petites entreprises, de développer la facturation électronique, de moderniser les obligations des employeurs en matière d’affichage et de transmission de documents à l’administration et, enfin, de sécuriser le financement participatif, le crowdfunding, nouveau mode de financement pour les PME, qui constitue une véritable révolution économique et sociale

Ce projet de loi innove, également, en ouvrant la voie à des expérimentations locales sur proposition des préfets de région en matière de droit de l’environnement.

Qui n’a pas fait l’expérience, dans sa circonscription, d’un projet d’activité avec un fort potentiel de revitalisation du bassin d’emploi auquel l’entrepreneur renonce finalement car les procédures environnementales sont jugées trop longues ?

Nous ne pouvons donc que soutenir la possibilité de mettre en œuvre des expérimentations locales qui pourraient, par la suite, être généralisées si elles se révèlent efficaces.

Le programme proposé par le Gouvernement fixe un cap clair et présente une vision stratégique de moyen terme pour engager – je reprends la formule de notre collègue Thierry Mandon – « une démarche durable de simplification ».

Il contient également des mesures en cohérence les unes avec les autres lesquelles, par un effet cumulatif, auront, espérons-le, un impact significatif sur la vie des entreprises au bénéfice de la productivité et de l’emploi.

Lors de l’examen de ce texte en commission des affaires économiques, notre volonté d’ouvrir la discussion et d’engager le débat avec le Gouvernement et nos collègues députés sur un certains nombres de sujets a été actée.

Je songe, tout d’abord, à la place des TPE dans le programme d’allégement des obligations comptables. Il ne faut pas oublier que, dans nos territoires, ce sont elles qui constituent la grande majorité du tissu économique.

Je pense également au statut et à l’accès à des types de financement qui séduisent de plus en plus les entreprises – comme le régime du rachat des actions de préférence – et aux délais de procédure lors de contentieux qui, aussi, découragent les entreprises porteuses de projet.

Pour conclure, je crois qu’il est important de rappeler la nécessité d’associer le Parlement au chantier de la simplification en faveur des entreprises.

Il lui revient en effet d’évaluer les politiques mises en œuvre et cette politique du choc de simplification comporte de véritables enjeux économiques qui doivent être mesurés.

La collaboration avec le Parlement pourrait se poursuivre par la création d’une commission parlementaire sur la simplification réglementaire, ou encore par la remise d’un rapport d’avancement du programme de simplification. L’Assemblée nationale pourrait également être associée au pilotage stratégique de ce dernier.

Ce sont là autant de pistes de collaboration entre l’exécutif et le Parlement afin de poursuivre ensemble la mise en œuvre de l’engagement du Président de la République de réduire par deux les 3 000 informations transmises chaque année par les entreprises à l’administration.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, voilà enfin un texte qui était attendu depuis longtemps.

Jusqu’à présent, les entreprises étaient asphyxiées par la complexité titanesque des formalités administratives. Il est donc grand temps de remédier à la lourdeur réglementaire qui leur fait perdre un temps précieux. Il est cependant inacceptable que, dans un domaine aussi important que la simplification et la sécurisation de la vie des entreprises, le Gouvernement procède par ordonnances. En effet, cette méthode se passe de l’approbation du Parlement – qui représente les citoyens français – et le rend inutile. La souveraineté du peuple est contournée et balayée.

M. Jean-Marie Sermier. C’est vrai !

M. Jacques Bompard. De plus, le recours aux ordonnances conduit à confier le pouvoir législatif au pouvoir exécutif, ce qui est contraire à la séparation des pouvoirs et donc à la démocratie.

Ce projet de loi concerne directement les entreprises et leur fonctionnement quotidien. Elles sont au cœur de la vie économique française, ce sont elles qui font vivre les Français et qui créent la croissance. C’est donc un sujet qui intéresse au plus haut point les Français et leurs représentants fonctionnels, les parlementaires.

En donnant les pleins pouvoirs au Gouvernement dans des domaines qui vont de la comptabilité à la création de projets immobiliers, ce texte ouvre la voie à tous les excès.

À titre d’exemple, l’article 14 habilite le Gouvernement à prendre des mesures de simplification concernant la construction de nouveaux parcs d’éoliennes. Je sais bien qu’en ce moment les Verts mènent la vie dure au Gouvernement et qu’il doit donner des gages pour éviter l’explosion de la majorité.

M. Jean-Marie Sermier. En effet.

M. Jacques Bompard. Néanmoins, l’extension anarchique des ensembles d’éoliennes est loin de faire l’unanimité et mériterait un débat approfondi, qui permettrait notamment d’étudier les nuisances éventuelles.

Le côté pratique de cet exemple montre bien que ces ordonnances toucheront au cœur de la vie des Français. Il serait donc anti-démocratique et antirépublicain de priver la représentation nationale du débat le plus élémentaire.

C’est d’ailleurs la philosophie des socialistes que j’affirme en disant cela. Souvenez-vous, il n’y a pas si longtemps, quand vous étiez dans l’opposition. En 2005, le Gouvernement Villepin avait décidé de légiférer par ordonnances. Je vais vous rappeler quelques réactions indignées, à juste titre, de mes collègues socialistes, certains étant depuis devenus ministres.

Arnaud Montebourg fustigeait un choix « insultant pour les Français » tandis que Jean-Marc Ayrault accusait le Gouvernement Villepin de vouloir « décider tout seul » et d’avoir recours à cette méthode par « peur du Parlement ». Quant à François Hollande, il déclarait que les ordonnances étaient une « méthode détestable » revenant à « flouer le Parlement » et à « renoncer à la confrontation démocratique et au débat serein ». Nous sommes d’accord !

Mais vous n’êtes pas à un reniement près. À quoi sert de voter un texte sur la transparence quand on donne une telle image aux Français ? Comment voulez-vous que les Français retrouvent confiance dans leur personnel politique ? Ce n’est pas le cumul des mandats qui les trouble mais le mépris constant des engagements, des promesses et du bien commun.

M. Jean-Marie Sermier. Bien dit !

M. Jacques Bompard. Encore faudrait-il que le déni de démocratie que constitue le recours aux ordonnances apporte des solutions concrètes que votre majorité, qui vote tout docilement, aurait par ailleurs votées, et qu’il serve l’intérêt commun du peuple de France qu’en quinze mois nous n’avons jamais vu défendre.

J’ai peur que, comme tant d’autres, ce texte ne soit qu’une « carotte » démagogique, un trompe l’œil destiné à leurrer le peu de Français qui vous font encore confiance.

Il est indispensable de sécuriser les entreprises ébranlées par une fiscalité indécente et enserrées dans une forêt de réglementations. Cela a été souvent promis par le passé mais chaque nouveau texte, au contraire, a encore compliqué les choses. Les technocrates formés hors des réalités de l’entreprise et de la vie sont incapables de concevoir les problèmes qu’affronte un chef d’entreprise. L’utopie n’est pas la vie, le réel se moque du rêve.

Il est bien beau d’habiliter le Gouvernement à prendre des mesures mais encore faut-il qu’il en prenne ! Car le plus important est de savoir si les mesures prises seront réellement efficaces, si elles simplifieront et sécuriseront la vie des entreprises. Je crains que non et que, comme les textes précédents, ces nouveaux projets n’aggravent la situation actuelle.

Depuis un an, les entreprises sont une des nombreuses victimes, en compagnie des contribuables et des familles, de votre politique de destruction de la France et je crains que vous ne profitiez de ce recours aux ordonnances pour matraquer une nouvelle fois nos entreprises, les contribuables et les familles françaises.

Vous l’avez compris, je voterai contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Monsieur le Président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes invités à légiférer aujourd’hui sur un texte habilitant le Gouvernement à recourir aux ordonnances sur un sujet particulièrement précis : le « choc de simplification ».

Il faut dire que notre pays souffre d’une véritable maladie qui pèse sur le fonctionnement de son économie : l’excès de normes, auquel s’ajoute leur forte instabilité.

M. Jean-Pierre Vigier. C’est vrai.

M. Jean-Marie Sermier. Parce que nos concitoyens n’en peuvent plus, la simplification bénéficie d’un large consensus, au-delà des clivages politiques et partisans.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

M. Jean-Marie Sermier. Le Président de la République lui-même ne s’y est pas trompé en annonçant le 28 mars dernier son « choc de simplification ». Mais est-ce une réelle volonté de réforme ou une mesure de diversion pour camoufler une première année d’immobilisme ? Au regard du texte qui nous est présenté, il nous est permis de douter.

Pour l’heure, l’objectif affiché est de générer des économies pour améliorer la compétitivité de nos entreprises.

Quatre axes majeurs se dégagent de ce projet de loi : réduire les actes administratifs qui pèsent sur les entreprises, simplifier les relations de ces dernières avec l’État, faciliter l’émergence de leurs projets, alléger leurs charges.

Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, comme disait Voltaire, si les annonces du Président de la République n’étaient pas contradictoires avec les actes du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument !

M. Jean-Marie Sermier. Car bien d’autres décisions prises récemment sont à l’opposé de ce texte. Le crédit d’impôt compétitivité emploi – CICE – doit permettre aux entreprises d’obtenir une avance de crédit d’impôt, mais il constitue une véritable usine à gaz alors qu’il aurait été bien plus simple, cohérent et efficace de baisser tout simplement les charges des entreprises.

M. Jean-Pierre Vigier. Bien sûr !

M. Jean-Marie Sermier. De même, monsieur le ministre, votre projet de loi sur la transmission des entreprises est évidemment intéressant, puisqu’il relève de l’économie sociale et solidaire, mais ce domaine particulier, vous le savez bien, est délicat et ce projet serait susceptible de complexifier leur cession.

Nous aurions également pu parler du projet de loi pour l’accès au logement et l’urbanisme rénové – ALUR – qui mettra en difficulté une partie du secteur du bâtiment. La manifestation des artisans de ce secteur, au mois de septembre dernier, témoigne des difficultés administratives que rencontrent leurs petites entreprises.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument !

M. Jean-Marie Sermier. Il en va de même d’autres dispositions fiscales du PLF pour 2014, dont l’instauration d’un nouvel impôt sur l’excédent brut d’exploitation pour les entreprises. Et l’on parle de compétitivité ?

Mes chers collègues, ce projet de loi ignore aussi les collectivités et autres syndicats qui disposent d’un pouvoir normatif en matière d’urbanisme, de logement, de sécurité ou d’environnement.

Ainsi, rien n’est dit sur le millefeuille territorial qui génère autant d’interlocuteurs, pour nos PME, dans l’élaboration de leurs projets. Rien n’est dit sur la clarification de leurs compétences, la juxtaposition, la superposition des services qui sont autant de fourches caudines sous lesquelles nos entreprises doivent passer. Rien n’est dit non plus sur la réduction des agences de l’État et leur réglementation sur lesquelles un rapport de l’Inspection Générale des Finances estime que l’on peut faire 10 milliards d’économie.

Alors que l’on vante le « choc de simplification », rien n’est dit sur d’autres domaines à simplifier dont, par exemple, le code du travail.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument !

M. Jean-Marie Sermier. Loin de moi l’idée de fragiliser la protection des salariés mais reconnaissons que le code est devenu aujourd’hui d’une complexité effrayante pour eux comme pour les employeurs.

Nos fiches de paie comptent aujourd’hui 24 lignes contre quatre ou cinq dans d’autres pays. Les taux changent régulièrement. Que dire des fameux seuils sociaux, sur lesquels butent les entreprises, le fameux passage des dix ou des cinquante salariés ?

M. Jean-Pierre Vigier. Le code du travail ? Dix pages !

M. Jean-Marie Sermier. Comment voulez-vous, avec de telles enclumes vissées aux pieds, que nos entreprises créent de l’emploi et fassent reculer le chômage – pas de façon alambiquée mais avec des chiffres clairs et nets ?

Il n’est pas possible d’accuser tel ou tel opérateur. J’entends jusqu’ici : « C’est de la faute à… ». Non, il s’agit d’un problème de ce gouvernement, problème qu’il n’a jusqu’ici pas su traiter.

Rien n’est dit, non plus, sur la réforme et la simplification de la fiscalité pour les entreprises ou sur la simplification des dispositifs pour l’emploi.

Vous comprendrez donc que, dans un tel contexte, nous attendions avec intérêt le débat que nous allons avoir afin que, peut-être, monsieur le ministre, vous puissiez entendre un certain nombre de remarques, écouter, voter et faire voter un certain nombre d’amendements qui pourraient enfin donner de l’ambition à ce projet.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Vigier. Bravo ! Excellent !

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. En préambule, je souhaite dire que les cafouillages concernant les chiffres du chômage sont dus à un opérateur de téléphonie privé qui n’a pas rappelé les inscrits à Pôle Emploi au mois d’août.

M. Jean-Marie Sermier. Pop ! Pop ! Pop !

M. Paul Molac. Comme quoi, les délégations au secteur privé ne sont pas forcément la panacée afin que le service soit bien rendu.

Reste que le chiffre du chômage baisse tout de même, et c’est une bonne nouvelle.

Nous voici en présence d’un troisième projet de loi d’habilitation à prendre des ordonnances. Après celui permettant l’accélération des projets de construction dans le domaine du logement ainsi que, récemment, celui habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens, il s’agit aujourd’hui d’examiner un texte visant à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises.

Avec ces trois projets, nous nous donnons ainsi les moyens de mettre en œuvre le choc de simplification annoncé par le Président de la République. Ce dernier a en effet souhaité engager au bénéfice des entreprises comme de l’ensemble des usagers de l’administration des mesures de nature à leur permettre de se libérer de certaines tâches administratives pour se concentrer sur leur activité professionnelle.

Le Gouvernement a choisi de recourir aux ordonnances en vertu de l’article 38 de notre Constitution au motif qu’il est urgent d’améliorer l’environnement réglementaire des entreprises.

Nos concitoyens nous rappellent l’urgence de mettre en œuvre le « choc de simplification ». On peut cependant regretter, en tant que parlementaires, que le débat ne puisse avoir lieu au Parlement avec un projet de loi simple sur la question complexe de l’administration des entreprises.

En effet, le champ de ce projet de loi est très vaste, il englobe des sujets divers et fort éloignés les uns des autres et a dû être étudié dans un temps très contraint, ce qui est problématique. Ce recours précipité a été vivement contesté lors de l’examen du texte en commission, et nous partageons un certain nombre des remarques qui ont été faites à ce sujet. Nous soutenons d’ailleurs la demande formulée par notre rapporteur, Jean-Michel Clément, tendant à instaurer un dispositif d’association des parlementaires à l’élaboration des projets de loi d’habilitation de prise d’ordonnances et au suivi de leur bonne application.

Nous avons par ailleurs noté l’engagement pris par Mme la ministre Fleur Pellerin, au nom du Gouvernement, d’associer le Parlement aux travaux qui conduiront à la publication des ordonnances prévues par ce texte, tout comme Marylise Lebranchu l’a fait lors de l’examen du projet de loi d’habilitation relatif à la simplification des relations entre les citoyens et l’administration. Une simplification mal ficelée pourrait en effet aboutir à des dérives… La norme n’est pas seulement une contrainte ; elle constitue bien souvent aussi une garantie.

Mais venons-en au fond du projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui : ses dix-neuf articles abordent des sujets aussi divers que les règles applicables aux comptes des entreprises, au développement de la facturation électronique et du numérique, au financement participatif de projets, au traitement des entreprises en difficulté, à la participation de l’État aux entreprises, ou encore à la simplification des procédures pour les projets d’activité économique, dont une expérimentation sur les ICPE…

C’est donc un volume important de mesures qui nous est présenté ici par voie d’ordonnances, et il sera difficile d’en traiter la substantifique moelle, chère à Rabelais. En tant que parlementaires du groupe écologiste, nous avons toutefois quelques os à ronger.

Nous accordons une importance particulière à plusieurs mesures, et en premier lieu à celles qui, à l’article 1er, introduisent le financement participatif, qui permettra que des projets spécifiques soient financés par de nombreuses personnes, notamment par l’intermédiaire de sites internet. Grâce à ce nouveau mode de financement, les PME et les jeunes entreprises innovantes, notamment, disposeront d’un outil de financement complémentaire.

Dans ma circonscription, un projet éolien citoyen unique en son genre a vu le jour, dont le modèle de financement participatif est devenu une référence nationale de l’énergie citoyenne. Il ouvre la voie à un nouveau mode de développement de l’éolien en France, à l’instar de ce qui se pratique depuis longtemps déjà chez nos voisins allemands ou danois. Grâce à ces nouvelles mesures, l’engagement financier des particuliers dans ces projets sera sécurisé et un coup de pouce sera donné à la filière éolienne.

L’article 2 vise à mettre en œuvre les orientations gouvernementales en matière de traitement des entreprises en difficulté, notamment en vue de rendre l’anticipation plus attractive. Si nous nous accordons sur l’objectif, nous aurions apprécié que le Parlement approfondisse cette question, en se fondant notamment sur les travaux de Mme Cécile Untermaier et de M. Marcel Bonnot, dont le rapport a été remis à l’Assemblée nationale le 24 avril.

À l’article 3, notons la volonté de simplification de la réglementation applicable aux conventions réglementées entre une société et certains des actionnaires, ou entre des sociétés ayant des dirigeants communs. Nous défendrons toutefois, avec ma collègue Michèle Bonneton, un amendement sur le sujet.

L’article 10 prévoit, quant à lui, d’habiliter le Gouvernement à prendre des mesures relatives à la gestion et à la participation de l’État dans les entreprises dont il est actionnaire. Il s’agit là d’une mesure qui n’est pas anodine et qui relève de l’État stratège. Nous serons attentifs à ce que l’État conserve les moyens de sa politique industrielle et énergétique.

Par ailleurs, nous accordons une grande importance aux mesures de l’article 14, relatives à une expérimentation des procédures simplifiées dans certaines régions. Il s’agit de faire délivrer par la préfecture un « certificat de projet » énumérant de manière exhaustive les différentes législations applicables à une demande, un peu à la manière des certificats d’urbanisme. Cette expérimentation, en concertation avec les acteurs des États généraux de la modernisation du droit de l’environnement, concernera notamment les installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE, soumises à autorisation. Cela amènera une procédure unique intégrée, conduisant à une décision unique du préfet de département. Des formats spécifiques d’autorisation sont ainsi prévus pour les éoliennes et les installations de méthanisation d’une part, et d’autre part pour les autres ICPE.

Il est évident qu’il faut préparer la transition énergétique et que les éoliennes et la méthanisation en constituent deux éléments essentiels. Je rappelle également qu’un certain nombre de projets éoliens n’ont pas abouti, précisément parce que nous n’avions pas les moyens législatifs de les faire avancer et qu’ils ont tout simplement été contrecarrés par les riverains.

Pour les éoliennes, il s’agit a priori d’une mesure intéressante : elle va dans le sens de la simplification, limite les opportunités de recours, et devrait in fine permettre de réduire les délais d’instruction. Il y a longtemps que nous appelons à une révision des procédures, pour que la durée de mise en service des éoliennes en France se rapproche de celle de nos voisins européens. J’avais déjà rappelé, lors du débat sur la politique maritime de la France, le parallèle saisissant établi par le président de France Énergies Marines dans une interview accordée à un quotidien régional : « En Écosse, il suffit d’une procédure unique d’autorisation pour les éoliennes marines. En France, il en faut quatre. » Il n’est pas inintéressant de noter que l’Écosse est le leader mondial en matière d’énergies marines renouvelables

En ce qui concerne les installations de méthanisation, nous nous réjouissons également des simplifications annoncées, la méthanisation étant l’une des réponses d’avenir pour la production d’énergies renouvelables et la décentralisation de la production d’énergie. Cela vient renforcer de manière opportune le plan de Stéphane Le Foll qui prévoit la multiplication des projets de méthanisation.

Le « certificat de projet » devrait toutefois conserver la possibilité d’être contesté. En effet, il ne semble pas envisageable d’autoriser, sans contestation ultérieure possible, des projets susceptibles de porter atteinte à la santé publique ou à l’intérêt général, pour lesquels on n’aurait pas eu connaissance des dommages possibles au moment de l’autorisation. L’expérimentation permettra de voir si ces écueils sont évitables.

Enfin, l’article 16 vise à reporter du 1er janvier 2012 au 1er janvier 2015 l’obligation de mettre en place une signalétique commune sur les produits recyclables. Ce report est regrettable, mais il est rendu nécessaire par la non-publication du décret d’application d’une loi adoptée sous la précédente législature, à la suite du Grenelle de l’environnement. Il est plutôt cocasse de voir certains de nos collègues de droite remettre en cause aujourd’hui une telle obligation ; cela montre combien il leur est difficile de prendre conscience du retard de notre pays dans ce domaine. Nous avons déjà perdu assez de temps et cette disposition, qui entrera en vigueur trois ans après la date initialement prévue, contribuera activement à la simplification du geste de tri des produits recyclables. Elle permettra d’accroître les quantités de produits recyclés et d’économiser ainsi les matières premières non renouvelables, dont certains sont en voie d’épuisement aujourd’hui.

Au bout du compte, mes chers collègues, c’est donc avec quelques réserves quant à la procédure, mais avec une appréciation réellement positive, contrairement à ce que j’ai pu entendre tout à l’heure, que nous voterons ce projet de loi.

Je voudrais toutefois, pour finir, attirer votre attention sur un problème : n’avons-nous pas choisi le mauvais échelon ? Le texte se concentre sur l’État et les préfectures, mais je rappellerai seulement que dans certains pays – et en réalité dans tous ceux qui nous entourent – les régions ont le pouvoir d’adapter le règlement, et même des pouvoirs législatifs. Ce n’est pas le cas en France, et cette situation introduit une certaine complexité, puisque c’est à l’État qu’il revient de tout faire, par l’intermédiaire des préfets.

Il me semble que dans la prochaine loi sur la régionalisation, cet élément devra être pris en compte.  (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le 4 septembre dernier, un projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnance diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises était présenté en conseil des ministres, et son examen au Parlement commence aujourd’hui.

Ce texte est la concrétisation d’un engagement pris par le Président de la République de simplifier la vie administrative et comptable des entreprises, dont la complexité constitue un frein indéniable au retour de la croissance. « Plus de simplification, c’est plus d’initiative, plus d’activité, plus d’emplois. Plus de simplification, c’est plus de temps pour nos concitoyens et nos entrepreneurs, et donc plus de vie. C’est aussi plus de croissance. » Ainsi s’est exprimé le Président de la République dans un récent discours, et il a raison.

Bien sûr – nous pouvons nous dire les choses en toute franchise dans cet hémicycle – il est toujours curieux, pour des parlementaires, de voter un texte visant à laisser le Gouvernement légiférer à leur place. Mais cette procédure s’explique aisément par l’urgence de la situation. Vous l’avez bien compris, monsieur le ministre : alors que les premiers signaux de reprise apparaissent – n’en déplaise à notre opposition, qui oublie de s’en féliciter – de nombreuses entreprises nous alertent en permanence sur la complexité des démarches à accomplir et sur la nécessité de les libérer de certaines tâches administratives, afin qu’elles puissent se concentrer sur le cœur de leur activité et alléger leurs obligations pour gagner en compétitivité.

Sur le fond, ce texte de dix-neuf articles contient des avancées majeures, qui ont fait l’unanimité parmi les acteurs économiques, y compris le MEDEF, qui n’est pourtant pas connu pour être un nid de dangereux socialistes révolutionnaires. Parmi ces avancées, je retiens pour ma part l’allégement des obligations comptables pesant sur les très petites entreprises, celles de moins de dix salariés, et les petites entreprises, qui comptent moins de cinquante salariés, via la suppression de l’annexe aux comptes annuels. Il est par ailleurs prévu d’autoriser ces entreprises à ne pas publier leurs comptes – c’est une option.

Ces entreprises, au nombre de 1,3 million en France, continueront bien sûr d’établir une comptabilité exhaustive et fiable et de déposer leurs comptes au greffe, mais sans que ceux-ci soient désormais publiés. Ils seront néanmoins accessibles aux administrations publiques, qui doivent y accéder, pour des motifs d’intérêt général : tribunaux de commerce, Banque de France, services de la statistique publique.

Les entreprises seront en outre toujours libres de les communiquer à leurs partenaires de confiance – banques, assureurs, fournisseurs – et aux institutions qu’elles sollicitent, comme par exemple OSEO ou les régions. Cette mesure essentielle permettra aux autorités publiques d’assurer leur mission de prévention des difficultés des entreprises et de suivi du financement de l’économie. Elle prend acte de ce qui se passe déjà sur les territoires, par exemple dans ma région Languedoc-Roussillon, à Montpellier, où le dispositif PRESERVE a pour fonction de prévenir et d’anticiper en amont les difficultés rencontrées par les entreprises et leurs dirigeants. Mis en place avec les chambres de commerce, avec la CGPME, le MEDEF et un comité d’orientation composé d’experts issus d’OSEO, de la Banque de France, ou encore de Pôle Emploi, ainsi bien sûr que de la région, il permet, en amont des déclarations de faillite ou de mise en liquidation, d’identifier les entrepreneurs qui ont seulement besoin d’être entendus, accompagnés et conseillés. C’est ce que l’on parvient à faire sur les territoires.

Monsieur le ministre, cette loi de simplification administrative va permettre d’amplifier cette proximité de terrain entre les administrations, la puissance publique et les entreprises, au bénéfice de notre économie. En cinq ans, dans ma région, le dispositif PRESERVE a ainsi permis d’accompagner 800 entreprises et de sauver 10 000 emplois – et je parle d’entreprises ayant un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 euros. La loi que vous nous proposez, monsieur le ministre, va permettre de libérer ces énergies sur tout le territoire national et d’accompagner ce qui se fait sur le terrain au plus près des gens, avec les collectivités et avec les administrations publiques.

Dans le premier article, toutes les mesures prises en faveur du développement du numérique sont essentielles. Les responsabilités des opérateurs et des copropriétés seront précisées, en ce qui concerne le raccordement des immeubles au très haut débit, conformément aux orientations dessinées dans le cadre du Plan France Très haut débit. Enfin, je note avec satisfaction les mesures prises afin d’accélérer les procédures concernant l’immobilier d’entreprise pour les PIM, projets d’intérêt économique majeur. Tout cela va dans le bon sens, celui de l’accélération, de la simplification et de la motivation. Sur l’ensemble du territoire national, le dispositif sera plus facile, plus rapide, plus efficace, plus performant, au bénéfice de l’emploi.

Ce texte n’est qu’une pièce, au sein d’un dispositif bien plus vaste. Il n’a pas vocation à régler à lui seul les problèmes de la simplification administrative et de la compétitivité concrète et pragmatique des entreprises.

M. Jean-Marie Sermier. Il n’est pas assez ambitieux !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Les dispositions dont nous débattons sont destinées à compléter celles qui ont été prises dans le cadre du projet de loi relatif à la simplification des relations entre les citoyens et l’administration : ce texte va donc dans le bon sens.

Nous avions un rêve au début de l’humanité : c’étaient les dix commandements. Ils ont abouti : c’est bien beau, c’est bien simple, mais avec combien d’injustices ! Nous construisons ici un texte qui rationalise, simplifie, rend lisible et visible ce que font nos entreprises, un texte par lequel l’État français, avec ses collectivités et son dispositif administratif, peut redonner confiance à nos entreprises, mais aussi, sans lourdeur, l’ardeur de s’engager dans l’action et le réinvestissement, pour la France et pour l’emploi ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, plusieurs mesures de simplification pour la vie des entreprises ont déjà été adoptées lors de la précédente législature, en mai 2009, en mai 2011 et en mars 2012.

M. Jean-Marie Sermier. Je viens de le rappeler !

M. Jean-Pierre Vigier. Cette simplification du droit est indispensable, car la superposition des textes conduit à un manque de lisibilité et à l’insécurité juridique. Mais les mesures déjà prises se révèlent encore insuffisantes, notamment parce que la complexité du droit est toujours croissante. Les lois et règlements se succèdent et s’accumulent, sans donner de visibilité aux entrepreneurs.

M. Jean-Marie Sermier. Et sans aucun résultat !

M. Jean-Pierre Vigier. Le lourd travail administratif occupe un temps important…

M. Jean-Marie Sermier. Trop important !

M. Jean-Pierre Vigier. …des entrepreneurs, alors qu’ils devraient se consacrer au cœur de leur activité. L’idée de compléter cette simplification était donc bonne a priori.



Or la procédure des ordonnances met de côté la réflexion des parlementaires. Les élus ont déjà œuvré sur ce sujet ces dernières années, de manière efficace même si des progrès restent à faire. Ils avaient alors été totalement associés à la simplification et à la clarification des normes.

M. Jean-Marie Sermier. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Vigier. Pourquoi leur retirer soudain une grande partie de l’initiative en choisissant la voie des ordonnances ? Leur réflexion est pourtant nourrie des demandes et des besoins des entrepreneurs de leur circonscription : ils peuvent donc proposer des réponses concrètes et adaptées.

Les entreprises attendent du concret et du pratique. Il faut des réformes pragmatiques, qui simplifient réellement la vie quotidienne. Je citerai, à titre d’exemples, la simplification de la publication des comptes, actuellement très lourde, ou encore la simplification de l’information diffusée au sein de l’entreprise. Les deux principales mesures de ces réformes sont la baisse du coût du travail et, bien évidemment, la simplification du code du travail.

M. Jean-Marie Sermier. Et on n’en parle même pas !

M. Jean-Pierre Vigier. Ces deux priorités ne sont pas assez clairement affichées dans le présent projet de loi.

Par ailleurs, ce texte est complexe et désordonné. Permettez-moi de citer quelques exemples.

En matière de rupture de contrat de travail, seul le droit des salariés est rappelé ; or le droit du travail, le droit de l’entreprise, doit être universel et concerner aussi bien les salariés que les employeurs.

L’article 2 traite des entreprises en difficulté, alors que vous venez de voter aujourd’hui même une proposition de loi du groupe socialiste qui traite du repreneur.

Autre exemple : l’article 14 assouplit les règles relatives à l’installation d’éoliennes terrestres. Vous dites vouloir rationaliser le droit applicable à l’implantation des éoliennes ; il s’agit pourtant d’un sujet qui mérite plus qu’une ordonnance. Les élus, les associations, les installateurs et le ministère de l’écologie doivent trouver un consensus. L’ensemble des personnes concernées par ce sujet doit collaborer afin d’avoir une vision globale permettant l’installation cohérente d’éoliennes sur le territoire.

M. David Douillet. Absolument ! C’est du bon sens !

M. Jean-Pierre Vigier. Merci, mon cher collègue.

M. Jean-Marie Sermier. Un peu de démocratie participative !

M. Jean-Pierre Vigier. Le Gouvernement a annoncé un projet de loi sur la transition énergétique dont le cadre serait, à l’évidence, plus adapté pour traiter des problèmes de l’éolien.

Alors même que nos entrepreneurs sont confrontés à des charges et à des contraintes de plus en plus lourdes, vous proposez d’assouplir les règles pour les entrepreneurs étrangers non résidents en France. Comment peut-on y voir un signal d’encouragement pour les entreprises françaises ?

Enfin, les articles du projet de loi se dispersent entre droit fiscal, droit du travail, procédures collectives, transports dans le Grand Paris, Grenelle de l’environnement… Il ne s’agit donc pas du choc de simplification annoncé, et c’est dommage. Je ne suis pas certain que les entreprises s’y retrouvent et que l’objectif soit atteint. Les nouvelles contraintes sont nombreuses ; or la compétitivité de nos entreprises est une question majeure.

M. Jean-Marie Sermier. Essentielle !

M. David Douillet. Fondamentale !

M. Jean-Pierre Vigier. Je terminerai mon intervention en posant deux questions. À quand la baisse du coût du travail ? À quand une réforme du code du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. Cela pourrait réenchanter le rêve !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Bachelay.

M. Guillaume Bachelay. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la croissance durable, l’emploi et l’investissement productif sont au cœur de l’action du Gouvernement et de la majorité.

Pour l’accès au financement et l’émergence des entreprises de taille intermédiaire indispensables à notre économie, il y a désormais la Banque publique d’investissement – y compris, monsieur le ministre, pour irriguer le secteur de l’économie sociale et solidaire.

Pour la montée en gamme de notre économie, il y a le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, auquel s’ajoute la loi de sécurisation de l’emploi, issue du dialogue social, qui conjugue protection des salariés et performance des entreprises.

Pour des relations plus solidaires entre les grands donneurs d’ordres et les petites et moyennes entreprises, absolument indispensables, il y a les douze filières stratégiques.

Pour réindustrialiser nos territoires, trente-quatre plans industriels sont actuellement mis en œuvre pour placer la France en tête des secteurs clés de la croissance du futur : les énergies renouvelables, la mobilité durable, le numérique, la santé, les biotechnologies.

Pour encourager la reprise des entreprises, nous avons adopté cet après-midi même, en première lecture, une proposition de loi pour redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel.

Pour que les investisseurs et les entrepreneurs disposent de l’indispensable lisibilité, de la visibilité, le Gouvernement s’est engagé à stabiliser, sur la durée de la législature, la fiscalité des entreprises.

Avec le projet de loi qui nous est soumis, notre stratégie productive se dote d’un levier supplémentaire et volontaire : la simplification du cadre réglementaire des entreprises, dans le respect des intérêts publics qu’il préserve.

La technicité et la diversité des objets que recouvre ce texte ne doivent pas occulter son enjeu : il s’agit d’une réforme décisive, positive, offensive, pour les entreprises comme pour l’action publique. En économisant des procédures, des documents, des allées et venues, ensemble, elles gagneront du temps et de l’efficacité. Songeons que les entreprises peuvent avoir à communiquer leur chiffre d’affaires quinze fois par an ! En mars dernier, le Président de la République lui-même notait qu’une petite entreprise est obligée d’envoyer à l’administration 3 000 informations par an. Il faut donc concentrer les efforts vers les nœuds de complexité aux moments clés de la vie des entreprises.

Les mesures contenues dans ce projet de loi d’habilitation permettront aussi de repenser l’organisation de l’État, de la rendre moins verticale et plus transversale.

La dématérialisation est indispensable. Sur plus de 4 millions de factures reçues chaque année par l’État au format papier, seules 6 000 ont été dématérialisées au cours des cinq premiers mois de l’année 2013. L’usage généralisé des factures électroniques changera la donne.

La modernisation est nécessaire, notamment pour les entreprises en difficulté. Favoriser le recours aux procédures amiables permettra ainsi de prévenir les contentieux. Il en est de même pour la modernisation du fonctionnement de l’État actionnaire : comme rapporteur spécial du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », il me paraît nécessaire que les futures ordonnances respectent les principes de responsabilité sociale et environnementale, de soutien aux filières industrielles, de composition des conseils d’administration, de politique de rémunération des dirigeants, d’investissements en recherche et développement notamment.

La clarification des obligations comptables, des procédures d’immobilier et de la vie juridique des entreprises est tout aussi urgente. Ces avancées sont prévues, et c’est bienvenu !

La facilitation est attendue, notamment celle du financement participatif – le crowdfunding – pour permettre le financement de projets par des particuliers, par exemple via des sites internet. Comme nombre de nos collègues l’ont déjà dit, il est essentiel de faciliter et sécuriser le développement du numérique, en particulier le raccordement des immeubles au très haut débit en précisant les responsabilités des opérateurs et des copropriétés.

Enfin, l’expérimentation doit être possible. C’est en particulier le sens du certificat de projet qui permettra aux porteurs de projet de disposer d’un cadre juridique clair et stable.

Je termine en adressant au Gouvernement trois préconisations. Premièrement, il faut que le Parlement, et donc les parlementaires, soient effectivement associés à la préparation même des ordonnances. Deuxièmement, il est nécessaire que la dimension pluriannuelle des mesures de simplification soit réellement garantie. Troisièmement, le pilotage de la simplification doit être unifié et fixé au plus près du Premier ministre, car les défis sont évidemment transversaux.

Mes chers collègues, simplifier et sécuriser la vie des entreprises est une chance pour notre économie. C’est aussi une chance pour la puissance publique. C’est le sens même d’une économie partenaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, faciliter la croissance et le développement économique en renforçant notre compétitivité : c’est le sens, dans ce projet de loi, du volet consacré aux très petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises.

Ce texte s’ancre dans la continuité de l’action menée dès le début du quinquennat de François Hollande : renforcer la capacité de la société française à protéger ses citoyens et assurer une croissance économique durable par des mesures efficaces et ciblées en direction des entrepreneurs, sans confondre simplification et simplisme, en ne résumant pas la question de la compétitivité à une simple question de maîtrise de la masse salariale, mais en permettant aussi aux entreprises d’alléger la charge administrative qui peut peser sur elles.

De fait, afin de lever certains de ces blocages, ce texte propose un certain nombre d’avancées en direction des très petites entreprises, accompagnant ainsi le choc de simplification initié par le Gouvernement. En effet, pour devenir efficace, une réglementation doit être applicable et intelligible. Force est de constater que toutes ne le sont pas. Le bon sens autant que la nécessité de rendre nos entreprises compétitives justifient la levée de contraintes inadaptées, en particulier l’établissement de normes et l’élaboration de règlements sans cesse fluctuants, qui n’ont pas toujours eu l’effet positif escompté par leurs instigateurs. Il convient de reconnaître que le souci louable de garantir la fiabilité des renseignements délivrés par les entreprises a parfois abouti à un alourdissement administratif peu adapté à leurs réalités, besoins et capacités matérielles.

Ce texte donne en particulier aux EURL, très petites entreprises par excellence, une possibilité nouvelle de se regrouper. En pouvant créer des chaînes, elles auront la latitude de coopérer plus facilement et de réunir ainsi leurs forces. En se renforçant et en mutualisant leurs savoirs et leurs compétences, elles auront la capacité de franchir un cap de croissance. Adossée à la simplification d’un certain nombre de leurs obligations comptables et à la dématérialisation des procédures de facturation, la charge administrative de ce type d’entreprises se réduira considérablement.

Autre avancée : la mise en place effective des mesures de sauvegarde de l’activité économique voulues par notre majorité. Ainsi, les entreprises de plus de dix salariés pourront bénéficier d’un accès facilité au mécanisme d’alerte, et donc d’un assouplissement des conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde. À cette occasion, nous prouvons à nouveau notre cohérence en matière de politique économique : il convient de réformer efficacement et durablement les conditions d’épanouissement et de croissance des acteurs économiques de notre pays.

Ce projet de loi permettra donc d’accompagner le développement des activités des PME et des TPE, en rendant accessibles et efficients les droits qui sont les leurs, et sans nuire à leur sécurité juridique ni à leur protection. Nous leur garantissons une stabilité et des facilités nouvelles. Nous confirmons notre volonté, assumée depuis juin 2012, de rendre lisibles et claires les réglementations en vigueur, afin de diminuer la charge administrative tout en permettant un recours accru et accessible de ces entreprises aux dispositifs d’accompagnement à leur développement.

Simplifier sans perdre de vue nos objectifs et nos valeurs, fonder une économie redistributive et réactive, aider à donner du sens et soutenir tous les acteurs de notre société : telle est notre ambition constante depuis un an. Cela honore notre majorité et votre action, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Noguès, rapporteur pour avis. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’inflation législative et réglementaire est un mal français. Déjà en 1588, dans le livre III de ses Essais, Montaigne constatait : « Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble. […] Qu’ont gagné nos législateurs à choisir cent mille espèces et faits particuliers, et y attacher cent mille lois ? […] La multiplication de nos interventions n’arrivera pas à la variation des exemples. Il y a peu de relation de nos actions, qui sont en perpétuelle mutation, avec les lois fixes et immobiles. Les plus désirables, ce sont les plus rares, plus simples et générales. »

Plus de quatre siècles plus tard, rien n’a changé. Au contraire : la prolifération des normes, la complexité des réglementations et des procédures, l’insécurité juridique sont toujours des maux profonds dont souffrent notre beau pays et notre économie, et qui constituent un frein majeur à l’initiative, à l’innovation, à la croissance, d’autant que l’inflation législative et réglementaire s’est encore accélérée depuis une trentaine d’années.

Et nous en sommes directement responsables, mes chers collègues.

Le Recueil des lois publié par l’Assemblée nationale s’épaissit et s’alourdit d’année en année. Alors qu’il ne comptait que six cent vingt pages en 1970, il en fait aujourd’hui près de mille neuf cents.

« Nul n’est censé ignorer la loi », répète-t-on, mais quel pays peut faire appliquer efficacement sept codes légaux constituant plus de vingt et un mille pages de règles de droit ?

Les entrepreneurs de notre pays, notamment ceux qui sont à la tête de petites entreprises, sont confrontés à un univers kafkaïen de règles aussi tatillonnes qu’inefficaces.

Notre code du travail, qui comptait six cents articles en 1973, en possède aujourd’hui près de dix mille avec près de trois mille pages. Nous voilà bien loin des cinquante-quatre articles du code du travail suisse ou des neuf cent cinquante pages du code belge.

Une fiche de paie compte au moins vingt lignes en France contre six en Allemagne.

Certes, les causes en sont diverses : besoin de sécurité croissant dans une société de plus en plus complexe, mais aussi moyen d’affichage politique de la volonté des élus de traiter un problème. Cette surenchère juridique pèse sur le fonctionnement de notre société tout entière et sur notre croissance économique.

Dans un monde ouvert et de compétition dans tous les domaines, le coût de ce qu’il est convenu d’appeler « l’impôt papier » devient exorbitant. Selon une étude de la Commission européenne, diminuer de 25 % les charges administratives qui pèsent sur les entreprises françaises permettrait d’économiser 15 milliards d’euros, 0,8 % de notre PIB, soit exactement le dérapage du déficit budgétaire entre 2013 et 2014, monsieur le ministre.

Au moment où notre pays est confronté à une situation économique et sociale des plus difficiles, nous devons tout faire pour simplifier nos textes et nos procédures.

Tel est l’objet du texte présenté par le Gouvernement et dont nous discutons aujourd’hui.

Si plusieurs mesures proposées pourront permettre de clarifier des compétences ou d’harmoniser des procédures, ce projet fourre-tout est malheureusement bien en deçà du fameux « choc de simplification » annoncé par le Gouvernement.

Il intervient après plusieurs textes de simplification du droit adoptés sous la précédente législature, à l’initiative de notre collègue Jean-Luc Warsmann.

Je pense en particulier à la loi du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives.

Malheureusement, la multiplication des textes de simplification du droit au cours des dernières années ne semble pas être en mesure d’endiguer l’inflation législative. C’est pourquoi, à mon sens, nous devons prendre des mesures d’une tout autre ampleur pour réduire, pour stopper cette inflation législative, pour lever ce frein à la croissance.

Notre pays ne pourrait-il pas se doter d’une véritable règle d’or de la simplification du droit ? Cette règle imposerait à tous les producteurs de normes dans notre pays, État et collectivités locales, de supprimer préalablement deux normes en vigueur avant d’en adopter une nouvelle.

Cette règle d’or imposerait également de supprimer deux organismes en place, avant d’en créer un nouveau.

Cette règle d’or, nous pourrions très rapidement, ensemble, en proclamer le principe.

Dans cette perspective, je déposerai dans les jours à venir une proposition de résolution parlementaire visant à instituer une telle règle d’or de la simplification administrative.

Je suis convaincu, mes chers collègues, que nous pouvons nous retrouver nombreux, sur tous les bancs de notre assemblée, sur cet objectif majeur pour notre pays, la simplification. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Colette Capdevielle. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, avec ce projet de loi, notre Gouvernement affirme son engagement dans un large plan d’aide et d’accompagnement aux entreprises. Outre son ambition affichée de restaurer la confiance et de permettre aux entreprises de se libérer des lourdes charges techniques et administratives qui pèsent sur elles et obèrent leur développement et leur activité au quotidien, ce texte porte un réel message d’avenir et de progrès.

Il s’inscrit dans la continuité du plan pour l’entrepreneuriat féminin présenté par Geneviève Fioraso, Najat Vallaud-Belkacem et Fleur Pellerin, le 27 août dernier ; un plan lui-même construit en cohérence et en complémentarité avec les Assises de l’entrepreneuriat.

Fût-ce un hasard du calendrier, l’occasion est trop bonne pour manquer de faire un rapprochement entre ces initiatives. C’est peu de dire que ce projet de loi qui touche les PME, mais surtout les TPE et vise à simplifier les tâches administratives est attendu par toutes les femmes, nombreuses, qui ont un projet de création ou de reprise d’entreprise.

Si l’on considère le potentiel créatif des femmes et le vivier d’énergies que représente l’entrepreneuriat féminin pour la société et l’économie, notre nouvelle majorité est très bien inspirée de les encourager dans cette voie.

À ce jour, en France, les femmes ne représentent que 30 % des créations d’entreprise. Ce taux stagne depuis plusieurs années alors même que les femmes représentent 51 % de la population et 48 % de la population active. Sur dix entreprises innovantes nouvellement créées, une seule est dirigée par une femme.

Il n’est pas usurpé de comparer le montage du projet, le démarrage et le quotidien d’une créatrice d’entreprise à un "parcours de la combattante". Accompagner, encourager les femmes dans l’aventure entrepreneuriale, simplifier les démarches, c’est lutter pour davantage d’égalité et de responsabilité.

Pourquoi ?

Le monde de l’entreprise fonctionne encore sur des codes masculins, fondés sur l’image d’Épinal de la structure patriarcale gérée « en bon père de famille ». Les femmes y sont mal reconnues, mal considérées et les préjugés ont la dent dure.

Les illustrations de cette réalité sont légion : plafonds de verre auxquels se heurtent les femmes salariées, difficulté réelle d’accès aux modes de financement, aux réseaux professionnels.

Ce manque de confiance a priori, aggravé par le contexte des crises, n’est pas sans conséquence sur la confiance en soi, nécessaire pour la création d’entreprise, et aboutit souvent au renoncement, à l’autocensure et nécessairement à un déficit d’activité doublé d’un manque à gagner incontestable.

Il faut donc agir, agir efficacement, comme vous le faites, monsieur le ministre, et avec souplesse, car la création d’une entreprise représente pour nombre de femmes une opportunité de carrière par le contournement des difficultés réelles d’insertion et de progression professionnelle.

Ambitieux et mobilisateur, le plan pour l’entrepreneuriat au féminin fixe des objectifs forts : la progression de dix points d’ici à 2017 du taux de femmes entrepreneurs ; l’élargissement de l’accès à tous les dispositifs d’aide à la création ou reprise d’entreprise.

Je tiens à signaler ici que cette ambition de simplification, d’organisation et de solidarité existe déjà dans nos territoires, souvent de manière originale et novatrice. Il conviendrait de s’en inspirer largement dans nos travaux.

Au pays basque, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, les femmes ont su s’organiser et structurer un réseau social de solidarité et de proximité unique en son genre. Depuis 2001, l’association "Andere Nahia", ce qui signifie "Volonté de femme", met en réseau des femmes chefs d’entreprises et des futures créatrices dans une approche fondée sur le partage, l’échange et la mutualisation d’expériences et de compétences, en matière de comptabilité, de calcul des tarifs, d’hygiène, de sécurité, de normes, d’organisation des réseaux.

Prenant ancrage dans les préceptes de l’économie sociale et solidaire, ces femmes s’informent, échangent, se forment, réfléchissent aux développements et aux limites de leurs projets, chacune mettant son expérience et sa compétence au service des autres. En fait, elles font depuis des années du crowdfunding, sans réellement le savoir. Considérant que les réseaux traditionnels, souvent masculins, sont surtout techniques, les femmes prennent mieux en compte les dimensions humaines, personnelles et familiales indispensables pour réussir, avec pour objectif commun de promouvoir leur place dans le monde économique et leur indépendance financière.

En conclusion, je voudrais dire combien je crois que la confiance en l’entreprise ne repose pas seulement sur des mesures comptables, techniques, voire techniciennes des textes que nous pouvons produire.

La dimension humaine dans l’entreprise est au cœur de ce qui nous occupe aujourd’hui, s’agissant des questions et des enjeux économiques auxquels nous devons faire face. Dans la séquence de progrès qu’ouvre ce projet de loi, au même titre que la formidable ressource humaine que constitue la nouvelle génération, les femmes se trouvent aux premières loges. Pour sécuriser et simplifier, faisons aussi confiance aux spécialistes, faisons confiance aux femmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron