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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 15 octobre 2013

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2014 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2014 (nos 1395, 1428).

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le budget présenté par le Gouvernement est un budget injuste. Il est injuste, car les ménages vont subir de nouveau en 2014 un matraquage fiscal, avec 12 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les ménages. Les familles – puisqu’elles sont traditionnellement votre cible – sont particulièrement atteintes. Tout d’abord à hauteur d’un milliard d’euros du fait d’un nouvel abaissement – après celui de l’an dernier – du plafond du quotient familial. Cette mesure frappera près d’un million et demi de foyers et, quand on entend les analyses du rapporteur général de la commission des finances, il y a de quoi s’inquiéter quant à l’avenir même du quotient familial !

Les droits familiaux de retraite sont également mis en cause, en particulier du fait de l’évolution de leur cadre fiscal. Il s’agit là pour vous de gagner 1,2 milliard d’euros en taxant près de 4 millions de foyers : chacun voit que nombreux sont ceux qui sont concerné par ces injustices !

Ce budget est également inefficace, quand bien même vous défendez, monsieur le ministre, une politique de l’offre. Pourquoi pas, pour autant que cette politique soit crédible, stable, comprise. Or, vous le savez, les entreprises s’inquiètent et elles accusent l’instabilité et l’imprévisibilité de votre politique fiscale. Le climat d’inquiétude que vous avez instauré constitue assurément un obstacle supplémentaire à la reprise de notre économie. Si reprise il y a en France, elle risque d’être minimale, comparée à celle que connaissent d’autres pays en Europe et dans le monde ; minimale aussi au regard de la trajectoire de notre propre pays.

Monsieur le ministre, les taux minuscules dont vous nous parlez aujourd’hui ne sauraient en aucune manière être interprétés comme une victoire de votre politique économique.

Évidemment, vous corrigerez quelques aberrations. Sans doute n’entendra-t-on plus parler d’impôt sur l’excédent brut d’exploitation, mais l’augmentation de l’impôt sur les sociétés n’est pas une bonne nouvelle non plus. J’avais entendu, il y a quelques mois, que Louis Gallois, dont les opinions semblent trouver un écho au Gouvernement, souhaitait la stabilité et même la sanctuarisation du crédit d’impôt recherche. Or nous savons que votre majorité fait assaut d’initiatives et de propositions pour le remettre en cause. Pourtant, beaucoup s’accordent à considérer le crédit d’impôt recherche comme un dispositif intelligent au sein de notre architecture fiscale – ce qui ne dispense pas pour autant de l’évaluer.

Injuste et inefficace, ce budget est aussi irresponsable, j’y reviendrai. Irresponsable notamment car il ne respecte ni la loi de programmation des finances publiques, ni les engagements européens que vous avez pris. Oui, monsieur le ministre, il faudrait une autre politique budgétaire pour notre pays, avec un budget plus responsable. Pour cela, il faudrait engager de réelles économies budgétaires – à ce propose, nous assumons qu’il faille en réaliser davantage qu’au cours de la précédente législature.

Un budget plus efficace, c’est aussi plus de stabilité pour les entreprises. Cela implique d’abandonner des mauvaises habitudes qui ne datent pas d’aujourd’hui…

M. Marc Goua. C’est bien de le reconnaître !

M. Hervé Mariton. …mais qui s’aggravent, quant à la rétroactivité de la loi fiscale. Rendre ce budget plus juste, cela passe par des économies ambitieuses permettant d’aller à la fois vers moins de déficits, moins de dette, et moins d’impôts. C’est en visant ces objectifs, monsieur le ministre, qui sont bien éloignés des vôtres, que le budget pourrait contribuer au redressement de la France. Hélas, telle n’est pas votre stratégie.

M. Claude Sturni. Ça c’est sûr !

M. Hervé Mariton. Ce qui justifie notre motion de rejet préalable, monsieur le ministre, c’est que votre budget est faux. Il est faux, tout simplement : je crois que c’est l’adjectif qui convient. Et, dès lors que vous nous proposez de discuter un faux budget, il vaudrait mieux que la discussion s’arrête là.

Je parle d’un budget faux : ce propos est peut-être un peu rude, mais j’avais pensé à des adjectifs plus sévères.

M. Dominique Lefebvre. Celui-ci l’est déjà bien assez…

M. Hervé Mariton. Je parlerai donc d’un budget faux. L’année 2013, déjà, ne parle pas en en votre faveur, vous le savez. Lors de la discussion du projet de loi de finances initiale pour 2013, il était prévu que le niveau du déficit des finances publiques soit ramené à 3 % du PIB. Après quelques dénégations en cours d’année, le solde budgétaire en fin d’année s’établit à 4,1 % du PIB. Le déficit de l’État lui-même est passé de 63 à 72 milliards d’euros. Vous avez refusé de procéder à un ajustement au moyen d’une loi de finances rectificative. Vous refusez, encore et toujours – ce sera, hélas, encore le cas en 2014 –, de mener des réformes structurelles, quand bien même vous prétendez le contraire.

Les Français ont bien constaté la réalité du matraquage fiscal. Rappelez-vous, chers collègues : il y a un an, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, leur disait que neuf sur dix d’entre eux seraient épargnés par l’effort supplémentaire. Allez dire aux Français que neuf sur dix d’entre eux ont été épargnés par l’augmentation des prélèvements obligatoires : ni le Gouvernement ni la majorité n’oserait leur dire cela aujourd’hui !

Monsieur le ministre, je vous proposerai dix analyses, qui démontrent en effet que votre budget est pour le moins faux.

Première analyse, vos hypothèses de départ sont fausses ; nous n’avons pas été les seuls à le dire en commission. Pour tout dire, notre analyse a été confirmée par celle du Haut conseil des finances publiques. Attribuant à la conjoncture plus de responsabilité qu’elle n’en mérite, vous sous-estimez manifestement vos talents. Vous cherchez ainsi à masquer le déficit structurel. Pour 2014, le solde conjoncturel était prévu à -1 % par la loi de programmation des finances publiques. Votre projet de loi de finances le fixe à -1,8 % ! La loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 n’est pas si ancienne : depuis qu’elle a été adoptée, la conjoncture s’est-elle à ce point détériorée ?

On passera ainsi d’un solde conjoncturel à -1,4 % pour 2013 à -1,8 % en 2014. Et vous nous parlez d’une amélioration du contexte économique : c’est un peu curieux !

Le Haut conseil des finances publiques évoque une « surestimation de la composante conjoncturelle ». Cette manœuvre a un seul objectif : masquer la réalité du déficit structurel. Il s’agit bien alors d’un faux, d’une fraude.

Deuxième analyse, monsieur le ministre : vous ne respectez pas les engagements que vous avez pris. Nous prenons vos engagements au sérieux : ils ont été discutés au sein de cette Assemblée et votés par elle. Le niveau de déficit prévu il y a quelques mois par la loi de programmation des finances publiques pour l’année 2014 était de 2,2 %. Et voilà que le projet de loi de finances initiale pour 2014 le fixe à 3,6 % ! Cela n’est pas rien : le niveau de dépenses publiques passe d’une prévision de 55,4 % du PIB en loi de programmation des finances publiques à 56,7 % dans le présent projet de loi de finances initiale. D’ailleurs, vous le savez, le Haut conseil des finances publiques vous a prévenus : compte tenu de cet écart important, il va devoir déclencher le mécanisme de correction. On aurait préféré que le dispositif de discipline prévu par la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ne se déclenchât pas si vite !

Troisième analyse, monsieur le ministre : vous manquez aux engagements européens de la France.

Mme Carole Delga. Le ministre ne « manque » pas !

M. Hervé Mariton. Olli Rehn parle de budget à la française – je ne sais pas comment il faut prendre cette expression. Je la préférerais flatteuse ; je crains qu’elle soit mortifiante. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marc Goua. Mortifiante, rien que ça !

M. Hervé Mariton. Michel Barnier, avec diplomatie, parle de « chiffres pas toujours stables ». Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites !

Rappelez-moi, monsieur le ministre, quand le programme de stabilité de la France a-t-il été transmis à la Commission européenne ? C’était, si mes souvenirs sont bons, au cours de la deuxième quinzaine du mois d’avril : il n’y a même pas six mois.

Mme Carole Delga. Vous êtes fort en calcul !

M. Hervé Mariton. C’était il n’y a même pas six mois, et pourtant votre projet de loi de finances pour 2014 l’écarte complètement.

Que nous dit encore le Haut conseil des finances publiques ? Excusez-moi de le solliciter ainsi : ce sont des données intéressantes. Il dit que pour tenir notre engagement, à savoir atteindre l’équilibre structurel en 2016, il nous faudra rattraper, en effort structurel, 0,85 point de PIB en 2015, puis de nouveau en 2016. Traduisons ces chiffres en valeur absolue : cela veut dire un effort de 18 milliards d’euros en 2015 et en 2016. Monsieur le ministre, cela veut-il dire que vous prélèverez 18 milliards d’euros supplémentaires d’impôts en 2015, et à nouveau 18 milliards d’euros en 2016 ?

Quatrième argument : monsieur le ministre, vous le savez, vous construisez votre budget sur un tendanciel faux – même si cette pratique n’est peut-être pas inédite.

Pour gonfler les économies, vous dîtes que les dépenses auraient dérivé davantage qu’elles ne l’ont fait en réalité. Si vous souhaitez me démentir ce point, je suis, avec d’autres collègues, à votre disposition ainsi qu’à celle de vos collaborateurs, pour que vous nous expliquiez comment vous obtenez vos chiffres !

M. Pascal Cherki. C’est très facile !

M. Hervé Mariton. Nous sommes à votre disposition pour apprendre !

Ces chiffres avaient déjà été critiqués par la Cour des comptes en 2013, monsieur le ministre.

En 2013, vous aviez estimé – peut-être pas vous, mais votre prédécesseur, en tout cas le même Gouvernement – le tendanciel d’augmentation des dépenses à 7 milliards d’euros, quand la Cour des comptes l’estimait inférieur d’un milliard d’euros.

En 2014, vous raisonnez sur un tendanciel supérieur encore : 7,5 milliards d’euros. Pourquoi cette évolution ? Pourquoi cet écart en 2013 ? Nous ne l’avons toujours pas saisi.

Mme Carole Delga. Et la dette que vous avez laissée ?

M. Hervé Mariton. D’ailleurs, au-delà du seul budget de l’État – cela a été dit mais je le redis – vous avez une approche très curieuse de l’évolution de l’ONDAM : vous nous parlez d’un taux de progression de 2,4 % en 2014 et vous vous félicitez de cet effort, comparé à une moyenne historique d’évolution 4,2 %.

Vous le savez, il y a déjà un certain temps que ce taux n’est plus de 4,2 %.

M. Paul Giacobbi. La vérité, c’est que vous en rêviez et que nous l’avons fait ! Vous, vous l’avez même doublé !

M. Hervé Mariton. Mais si, nous avons réduit l’ONDAM !

Cinquième argument : monsieur le ministre, vous n’engagez pas de véritables réformes structurelles. Vous dites réaliser 9 milliards d’euros d’économie, mais elles ne sont pas réellement justifiées. Vous parlez de réformes structurelles, mais que de contradictions sur l’un des postes de dépenses importants de l’État : celui des rémunérations de la fonction publique !

Une politique très contradictoire…

M. Pascal Cherki. Moins que la vôtre !

M. Hervé Mariton. …le gel de l’indice, décidé en même temps que des augmentations catégorielles, l’abandon des mesures prises en matière de jours de carence, les réductions massives d’effectifs dans certains ministères…

Il se trouve que je suis rapporteur spécial du budget de l’écologie. L’an dernier, j’avais constaté que huit postes de fonctionnaires partant à la retraite sur dix étaient supprimés. Madame Batho avait dit à l’époque que je me trompais. Aujourd’hui, je crois qu’elle reconnaît que j’ai raison.

M. Nicolas Sansu. Cela m’étonnerait !

M. Hervé Mariton. En 2014, ce ne seront pas huit postes, mais huit postes et demi sur dix qui seront supprimés. Mais comme, par ailleurs, vous avez dans certains domaines une politique très inflationniste…

M. Christophe Castaner. Des exemples !

M. Hervé Mariton. …qui n’améliore en aucune manière la qualité du service public et vous ne maîtriserez sans doute pas le tendanciel.

Oui, il y a des exemples très précis. S’agissant des 9 milliards d’économie que vous annoncez, deux mesures ont été débattues ces dernières semaines : la première devait rapporter 28 millions d’euros, et l’autre 45 millions d’euros.

M. Pascal Cherki. Quel souci du détail !

M. Hervé Mariton. Non, de la précision.

La mesure qui rapporte 28 millions d’euros, c’est l’abandon de la diffusion papier de la propagande électorale pour les élections européennes…

M. Jean-Louis Christ. C’est une vraie réforme…

M. Hervé Mariton. …c’est une idée que l’on pouvait ne pas approuver. En réalité, après trois heures de réflexion, le Gouvernement a retiré cette mesure.

La deuxième mesure précise débattue publiquement ces derniers jours, c’est la réforme des frais de justice : elle devait rapporter 45 millions d’euros. Une corporation tout à fait estimable fait part de son émotion et, là aussi, que fait courageusement le Gouvernement ?

M. Jean-Louis Christ. Il recule !

M. Hervé Mariton. Il recule au bout de quelques heures et retire sa réforme.

Je constate que le Gouvernement a immédiatement reculé sur les rares sujets, aussi modestes soient-ils, qui ont suscité quelques réactions dans l’opinion. Sur les autres enjeux, aucune réaction, aucune précision : est-ce à dire qu’en réalité, il n’y a rien ?

C’est tout de même un peu curieux ; quand il s’agit de même pas de 100 millions d’euros, dès que le débat s’instaure, le Gouvernement recule. Mais sur le reste, il ne se passe rien. Est-ce parce qu’il est très facile de réaliser plus de huit milliards d’économie ou parce que ce projet comporte si peu de choses qu’il ne provoque aucune réaction ?

D’ailleurs, vous nous avez démontré ces derniers mois que, dans les rares cas où vous proposiez des réformes, vous engagiez en même temps des dépenses supplémentaires – quand bien même il s’agissait de chercher à faire des économies.

C’est vrai quand vous portez atteinte à la politique familiale et à son socle : vous essayez de faire passer cela en proposant des dépenses nouvelles. Quand vous mettez en œuvre une non-réforme des retraites censée faire des économies – très insuffisantes –, vous n’échappez pas non plus à l’engagement de dépenses supplémentaires.

Sixième élément d’analyse – s’il est encore besoin de vous convaincre encore : vous trichez, monsieur le ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

M. Pascal Cherki. Ce n’est pas joli, joli de dire cela !

M. Alain Fauré. Respectez le ministre !

M. Jean-Louis Christ. Écoutez ! C’est intéressant !

M. Hervé Mariton. Vous trichez, monsieur le ministre, avec la norme de dépenses. Sans doute n’êtes-vous pas le premier ministre du budget à prendre quelque liberté avec la norme de dépense.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Des noms !

M. Hervé Mariton. Je crains que la plupart de ceux qui ont précédé M. Cazeneuve soient concernés.

M. Pascal Cherki. M. Sarkozy en 2003 ?

M. Hervé Mariton. Ces mauvaises habitudes, prises avant vous, prennent avec vous une ampleur extraordinaire et coupable.

M. Pascal Cherki. On ne peut pas être plus rigoureux !

M. Hervé Mariton. On est passé de commodités de présentation budgétaire à une approche qui est réellement – excusez-moi, j’ai beaucoup de respect pour la personne du ministre du budget – une politique de triche : ce n’est pas acceptable.

Deux exemples – mais il y en aurait d’autres : la défense, d’abord. Le Président de la République a pris un engagement solide et courageux, que nous approuvons.

Mme Carole Delga. Enfin !

M. Hervé Mariton. Vous connaissez ces sujets, monsieur le ministre, et vous partagez les objectifs de maintenir et sanctuariser le niveau des dépenses de défense.

Puisque 31,4 milliards d’euros étaient prévus dans le projet de loi de finances pour 2013, il faut donc prévoir 31,4 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2014.

Mme Marie-Noëlle Battistel et Mme Émilienne Poumirol. Ils y sont !

M. Hervé Mariton. Ils y sont. Mais comment ? En incluant 1,5 milliard d’euros d’investissements d’avenir.

M. Pascal Cherki. Et alors ?

M. Hervé Mariton. …mais le problème est majeur !

Je croyais avoir compris, chers collègues…

Mme Carole Delga. Non, ce n’est pas possible !

M. Hervé Mariton. …que les investissements d’avenir n’étaient pas là pour se substituer aux crédits budgétaires.

Mme Émilienne Poumirol. Vous n’avez jamais utilisé de recettes exceptionnelles ?

M. Hervé Mariton. Nous l’avons tous dit, sous le précédent quinquennat comme sous l’actuel ! Le rapporteur général, à juste titre, s’est félicité de cette politique des investissements d’avenir.

Mais soyez cohérents et constants : ils ne sont pas là pour se substituer à des crédits budgétaires.

Plusieurs députés du groupe SRC. Vous n’avez jamais utilisé de recettes exceptionnelles ?

M. Hervé Mariton. Nous n’avons jamais substitué les investissements d’avenir aux crédits ordinaires, et vous ne l’avez d’ailleurs pas fait en 2013 ! Si je peux me permettre cette précision, les investissements d’avenir ne sont pas la même chose que les recettes exceptionnelles. Les recettes exceptionnelles sont des recettes, comme leur nom l’indique ; les investissements d’avenir sont, eux, gagés sur l’emprunt. Il y a une grande différence, chers collègues.

M. Jean-Louis Christ. Eh oui, ce n’est pas la même chose !

M. Charles de La Verpillière. Prenez des notes !

M. Hervé Mariton. Or, s’agissant du budget de la défense, ces crédits se substituent à des crédits ordinaires de l’année antérieure, à hauteur d’un milliard et demi d’euros.

Deuxième exemple : la formation professionnelle. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné dans son rapport le montant de la débudgétisation : 900 millions d’euros. Une paille ! Ce n’est pas de la débudgétisation à la petite semaine, comme des majorités précédentes ont pu l’avoir fait !

Plusieurs députés du groupe SRC. Quel aveu !

M. Hervé Mariton. Je suis lucide et exigeant, chers collègues.

Mme Carole Delga. Je n’en suis pas sûre !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous n’avez pas le monopole de l’exigence !

M. Hervé Mariton. Aujourd’hui, la dotation de décentralisation s’élève à 900 millions d’euros. Que propose le Gouvernement ? De débudgétiser. Et plutôt que de verser cette dotation de décentralisation, de lui substituer une ressource – dynamique, nous dit-on. C’est donc une ressource dynamique en moins pour l’État, monsieur le rapporteur général ! Vous ne pouvez pas contester cela !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais je n’ai rien dit !

M. Hervé Mariton. Voila deux manières de contourner la norme de dépense. La Gouvernement se félicite donc de stabiliser les dépenses…

M. Pascal Cherki. Il le fait !

M. Hervé Mariton. …c’est assez simple : il modifie la norme en sortant un certain nombre de dépenses. Je viens de citer deux exemples, on pourrait en citer d’autres.

M. Pascal Cherki. Quel fétichisme de la comptabilité !

M. Hervé Mariton. Je ne sais pas si c’est du fétichisme de la comptabilité mais, dans l’état de nos finances publiques et compte tenu de l’état de notre déficit et de notre dette, attacher un peu d’importance aux chiffres ne nuit peut-être pas au débat démocratique ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Fauré. Vous ne manquez pas d’air !

M. Jean-Louis Christ. Écoutez, c’est intéressant !

M. Hervé Mariton. Septième argument : des relations hypocrites avec les collectivités locales. Une baisse de dotation d’1,5 milliard d’euros compensée par une augmentation des droits de mutation à titre obligatoire, d’autres transferts eux-mêmes dynamiques comme la part des frais de gestion attribuée aux collectivités locales : voilà encore un montage budgétaire !

Huitième argument…

M. Christophe Castaner. Ça commence à faire beaucoup…

M. Hervé Mariton. Je suis désolé, l’argumentaire est un peu chargé, mais c’est la réalité…

M. Jean-Louis Christ. C’est dur à entendre, n’est-ce pas ?

M. Hervé Mariton. Huitième argument, donc : des dérapages masqués. Initialement prévu à 19,6 milliards dans le projet de loi de finances pour 2013, le prélèvement pour l’Union européenne a été porté à 20,4 milliards, à quoi s’ajoute la révision supplémentaire de 1,8 milliard. En résumé, pour 2013, ce prélèvement atteint 22,2 milliards d’euros.

Il y avait un certain nombre de circonstances particulières, dont acte. Mais elles ne permettent pas, monsieur le ministre, de justifier que ce prélèvement soit réduit à 20,1 milliards dans le projet de loi de finances pour 2014.

Ces 20,1 milliards d’euros ne sont simplement pas justifiés, ils ne sont pas crédibles : vous serez amenés à les réévaluer en cours d’année et vous ne tiendrez ainsi pas votre objectif de 3,6 % de déficit.

Je poursuis. Neuvième analyse : des recettes incertaines, parce que vous pratiquez cette très mauvaise politique des fusils à un coup. La fiscalisation des droits familiaux pour les retraités ayant eu des familles nombreuses…

Mme Marie-Christine Dalloz. Scandaleux !

M. Pascal Cherki. Et la demi-part des veuves ?

M. Hervé Mariton. …va rapporter 1,2 milliard d’euros en 2014. Nous avons interrogé le rapporteur général, qui, pour ne pas mentir, nous donne des réponses parfois un peu complexes et chantournées.

M. Christian Eckert, rapporteur général. « Chantournées » : quel joli mot !

M. Hervé Mariton. J’ai fait vœu d’être aimable, monsieur le rapporteur général…

M. Paul Giacobbi. C’est sans précédent…

M. Hervé Mariton. Vous nous avez dit que cet impôt supplémentaire permettrait de financer les retraites. Ce sera sans doute vrai à partir de 2015, mais en 2014, monsieur le rapporteur, c’est faux ! C’est donc une recette pour le budget de l’État, recette que vous n’aurez pas en 2015.

M. Pascal Cherki. La croissance est revenue !

M. Hervé Mariton. Il faudra donc, pour combler le déficit structurel, trouver bien davantage encore que les 18 milliards que vous aurez à trouver tout à l’heure.

Vous vous êtes engagé dans un cercle vicieux…

M. Marc Goua. Vertueux !

M. Hervé Mariton. La pression fiscale monte. Sans doute est-ce une loi de la physique, monsieur le rapporteur général : le volume des recettes baisse parce que, lorsque la pression fiscale est trop élevée, le contribuable se rebelle et la matière imposable manque.

M. Jean-Pierre Gorges. À température constante ?

M. Hervé Mariton. Dixième analyse : vous refusez d’entendre jusqu’au Conseil constitutionnel.

M. Thomas Thévenoud. Trente-huitième analyse…

M. Hervé Mariton. Non, c’est la dernière. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Patience, votre supplice est bientôt terminé !

Mme la présidente. Allons, laissez M. Mariton finir…

M. Serge Bardy. Oh, oui, « finir » !

M. Hervé Mariton. C’est la dernière analyse, mais il me semble que la démonstration est accablante.

L’an dernier, le Conseil constitutionnel a mis en cause votre méthode de calcul de l’impôt sur la fortune. C’est tout le débat sur le plafonnement de l’ISF. Vous avez contourné une décision du Conseil constitutionnel en prenant une circulaire : en démocratie, on peut mieux faire !

M. Pascal Cherki. Pourquoi ne pas carrément supprimer l’ISF…

M. Hervé Mariton. Or, l’amendement de M. le rapporteur général – permettez-moi cette fois-ci d’être moins aimable – ne respecte pas davantage la décision du Conseil constitutionnel.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est faux ! Vous ne manquez pas de culot : ce n’est pas le même et vous le savez ! M. le président de la commission des finances partage d’ailleurs mon avis !

M. Hervé Mariton. C’est vous qui ne manquez pas de culot !

La surtaxe sur les terrains à bâtir est elle-même contradictoire.

De surcroît, il est arrivé que d’autres budgets soient critiqués pour leur manque d’intelligibilité. En matière de fiscalité foncière, bienheureux celui qui arrivera à comprendre si vous voulez encourager la détention longue ou, au contraire, faire en sorte que les transactions se fassent rapidement. Vous réussissez, dans ce projet de loi de finances, à proposer des évolutions et des décisions qui, simultanément, vont dans deux sens opposés.

Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que nous ayons quelques inquiétudes et que dès lors, le rejet préalable s’impose. Nos inquiétudes portent sur 2014 ; elles sont plus grandes encore pour 2015. Il faudra rattraper un déficit structurel de 18 milliards d’euros, et encore 18 milliards en 2016. Il faudra aussi prendre en compte, le rapporteur général a eu l’honnêteté de le rappeler, les coûts de la fiscalité écologique : 2,5 milliards en 2015 et 4 milliards en 2016. Sans doute, monsieur le ministre, êtes-vous enthousiaste à l’idée de fermer Fessenheim…

M. Charles de La Verpillière. Pour un élu de Cherbourg, c’est peu probable…

M. Hervé Mariton. Si vous persistez dans cette décision, il vous faudra encore trouver une dizaine de milliards d’euros.

Dans ces conditions, le contribuable est pressuré et le déficit est aggravé de plus de vingt milliards d’euros, passant de 62,3 milliards en 2013 à 82,2 milliards en 2014. Lisez les journaux, discutez avec les chefs d’entreprise, rencontrez les salariés et les syndicats : l’économie est toujours déprimée.

M. Alain Fauré. Ce n’est pas en vous écoutant qu’elle va se dynamiser !

M. Hervé Mariton. Les pétitions de principe et la méthode Coué du Gouvernement n’y suffisent pas : votre projet de loi de finances ne corrige nullement cette mauvaise trajectoire et ne prépare en rien un avenir positif pour notre pays.

Mme Carole Delga. L’avenir, vous l’avez gâché !

M. Hervé Mariton. C’est pourquoi, au-delà du seul groupe UMP, je pense que nous serons nombreux à voter cette motion de rejet préalable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je voudrais vous remercier, monsieur Mariton, pour cet exposé qui témoigne d’un esprit absolument dépourvu de sectarisme (Rires sur les bancs des groupe SRC, écologiste et RRDP – « Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.), d’un sens de la nuance très affirmé et d’une bonne foi dont je voudrais vous féliciter très sincèrement. (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Je voudrais également vous remercier d’avoir indiqué que j’étais un menteur et un tricheur – autant de mots particulièrement aimables et de bon aloi qui m’autorisent à vous dire que le propos que vous avez tenu est très loin de la conception que je me fais de la politique. (Applaudissements sur les mêmes bancs Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous me permettrez de vous répondre d’une tout autre manière, car, dans la conception que je me fais de la politique et des relations qui peuvent exister entre la majorité et l’opposition, je peux certes admettre que l’on ne soit pas d’accord et que l’on s’affronte au moyen d’arguments contraires, mais pas au moyen d’insultes – et vous n’en entendrez jamais dans mon propos. L’insulte, en effet, n’est pas de nature à faire vivre les sentiments républicains qui peuvent exister entre une majorité et une opposition, par-delà ce qui peut séparer les orateurs.

Je répondrai maintenant très brièvement – car cela ne mérite guère davantage de temps – à certains des sujets que vous avez évoqués. Tout d’abord, vous parlez des déficits : vous avez raison d’en parler, et avez d’ailleurs quelque science pour le faire !

Mme Carole Delga. Et de la pratique !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez en effet contribué à les creuser grandement. Cela vous autorise donc aujourd’hui à nous expliquer comment il faut les combler. Lorsque l’on possède un tel talent pour creuser profond des trous, on doit être capable de dire avec le même talent la manière dont il faut les combler ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Charles de La Verpillière. Parlez-nous donc de votre budget !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Permettez-moi de vous rappeler quelques chiffres et quelques souvenirs, puisque vous avez été très péremptoire et même donneur de leçons. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Xavier Breton. Ne soyez pas méprisant !

M. Charles de La Verpillière. Nous vous parlons de votre budget ! Où sont vos arguments ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous êtes tout à fait maîtres – c’est bien normal dans cet hémicycle – de vos attaques et de vos interpellations ; laissez-moi donc être maître de mes réponses sans devoir subir des invectives que je ne vous adresse pas. Je souhaite en effet que ce débat budgétaire soit l’occasion pour nous tous d’aller au fond des choses dans le respect mutuel.

M. Charles de La Verpillière. Nous attendons vos réponses !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vais maintenant reprendre les quelques éléments évoqués par M. Mariton.

M. Charles de La Verpillière. Nous y voilà !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Tout d’abord, M. Mariton évoque des déficits sur plusieurs branches de la protection sociale et des déficits de l’État et nous explique la manière dont il faudrait les combler. Il nous fait d’emblée un procès en matraquage fiscal : permettez-moi de vous dire amicalement, monsieur Mariton, que nous n’aurions pas eu besoin de prendre des mesures sur le quotient familial si vous n’avez pas laissé la branche famille en déficit de 2,5 milliards d’euros ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Après les mesures que vous avez prises pour cette branche tout au long de vos années de mandat pour laisser in fine une situation aussi dégradée et une politique familiale en déshérence, il est tout à fait normal que le Gouvernement, a fortiori dans la difficulté de la crise, prenne des mesures à la fois pour rétablir les équilibres de la branche famille, mais aussi pour faire en sorte que la politique familiale s’adapte aux besoins du temps. C’est précisément ce que nous faisons en modifiant le quotient familial pour réduire le déficit de la branche famille

M. Pascal Cherki. Imparable !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est aussi ce que nous faisons lorsque nous décidons d’assortir les mesures que nous prenons sur le quotient familial de mesures d’économies à hauteur de 760 millions d’euros pour contribuer au comblement du déficit de la branche famille. Et c’est aussi ce que nous faisons pour que, après la destruction de nombreux services publics de la petite enfance et la remise en cause de la scolarisation à l’âge de deux ans – qui font partie intégrante d’une politique familiale –, nous puissions offrir des solutions de garde en libérant 270 000 places dans les services publics de la petite enfance. C’est ce que nous faisons en adoptant des politiques nouvelles…

M. Hervé Mariton. Qui sont autant de dépenses nouvelles !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … pour que, dans le cadre du plan sur la grande pauvreté, les familles les plus en difficulté puissent être davantage aidées. Ce ne sont pas des dépenses nouvelles mais des redéploiements des familles les plus aisées vers les familles les plus pauvres.

M. Olivier Carré. En effet : dites-le donc et assumez vos choix !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est ce que nous faisons enfin grâce à l’augmentation de 50 % de l’allocation de soutien familial et de 25 % du complément familial.

Le deuxième point de l’argumentation de M. Mariton portait sur le matraquage fiscal. Si ce que vous dites est juste et si les Français n’en peuvent plus, alors reconnaissons que ce « matraquage » est le résultat d’une longue histoire. Je serais tout à fait prêt à recevoir votre raisonnement si vous établissiez la responsabilité des différents gouvernements dans les prélèvements décidés au cours des quatre dernières années.

M. Hervé Mariton. Je n’ai pas dit qu’hier était parfait !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il ne s’agit pas seulement de le prétendre ; encore faut-il qualifier ce qu’a été hier et ce qu’est aujourd’hui. Voilà ce que serait un esprit de précision !

M. Philippe Meunier. Nous vous parlons du budget pour 2014 !

M. Charles de La Verpillière. Assumez vos choix !

Mme la présidente. Veuillez laisser le ministre s’exprimer.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je les assume parfaitement. Le ministre du budget est tout à fait fondé à vous indiquer les raisons pour lesquelles le niveau de la pression fiscale est ce qu’il est en 2014, et vous avez toute légitimité pour me demander d’assumer nos choix politiques – à condition que vous soyez capables d’assumer les vôtres.

Plusieurs députés du groupe UMP. Nous assumons !

M. Jean-Pierre Gorges. Oui, nous assumons – et d’ailleurs nous avons perdu !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les leçons ne sauraient être à sens unique. Vous devez retrouver la mémoire de la responsabilité qui est la vôtre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



Permettez-moi de vous donner quelques chiffres. Vous considérez, monsieur Mariton, que la pression fiscale est aujourd’hui trop élevée, et je peux admettre ce débat. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous présentons un budget qui comprend un effort d’ajustement des dépenses de 80 %, ce qui n’a été fait dans aucun budget depuis 2011. Mais cela ne tient-il pas précisément au fait que, cette année-là, vous avez prélevé 20 milliards d’euros sur les Français ? N’est-ce pas exact ?

M. Xavier Breton. Vous êtes dans le passé !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pourquoi n’en avez-vous pas fait état dans votre discours, monsieur Mariton, vous qui invoquez à cette tribune l’honnêteté intellectuelle à grand renfort de leçons et d’arguments ?

M. Hervé Mariton. Je vous parlais de 2014, car c’est le sujet de notre débat !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vais vous en parler aussi, ainsi que de 2013, car je ne partage pas votre approche sectaire qui consiste à désigner la responsabilité des autres en oubliant la sienne ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Mon approche n’est pas sectaire ; elle est factuelle. Reconnaissez-le au moins !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La mienne l’est tout autant.

En 2011, le montant des prélèvements sur les Français a atteint 20 milliards d’euros : vous ne les avez pas évoqués à la tribune. En 2012, vous avez fait 13 milliards de prélèvements supplémentaires, soit un total de 33 milliards – que vous n’avez pas davantage évoqué à la tribune. Vous n’avez pas non plus évoqué le fait qu’au moment même où vous décidiez de ces prélèvements, vous preniez un certain nombre de mesures qui n’étaient pas frappées au sceau de la justice fiscale, vous qui l’invoquez souvent.

M. Jean-Pierre Gorges. Que signifie donc vraiment cette expression de « justice fiscale » ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ainsi, en 2011, alors même que vous préleviez 33 milliards sur les Français, votre réforme de l’impôt sur la fortune ne tenait pas de la justice fiscale, c’est le moins que l’on puisse dire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Elle était financée par les mêmes !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais allez-vous donc vous taire un peu ? Vous êtes pénibles !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Alors même que vous décidiez de la non-réindexation du barème de l’impôt sur le revenu et de la suppression de la demi-part des veuves – deux mesures qui ont eu les conséquences que l’on sait…

M. Charles de La Verpillière. Vous les avez maintenues !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En arrivant aux responsabilités, nous avons été confrontés à une dette qui venait de doubler en deux ans, et qui a augmenté de 600 milliards d’euros au cours du quinquennat de M. Sarkozy.

M. Pascal Cherki. Quel exploit !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous devions faire face à des déficits qui, en moyenne au cours du dernier quinquennat, n’ont jamais été inférieurs à 5 %, et à ces dettes qui ont augmenté de manière exponentielle, ainsi qu’aux déficits publics et au déficit du commerce extérieur que vous connaissez. Dans ces circonstances, nous prenons en effet des mesures fiscales, nous aussi à hauteur de 30 milliards d’euros. Mais, moi, je l’assume devant vous : je ne tente pas de dissimuler nos actes et nos responsabilités pour charger davantage votre bilan ! Au contraire, je fais la part de ce qui incombe à chacun, car l’honnêteté intellectuelle l’exige. À la tribune, tout à l’heure, vous avez préféré à cette honnêteté intellectuelle les invectives et les insultes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je le regrette profondément.

M. Hervé Mariton. Nous attendons toujours des analyses de votre part !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il y a là en effet une véritable différence entre nos conceptions de la vie publique et du débat politique sur de telles questions.

M. Xavier Breton. Quelle piètre défense !

M. Charles de La Verpillière. Vous êtes le remplaçant de M. Cahuzac, ne l’oubliez pas !

Mme la présidente. Monsieur de La Verpillière, laissez parler le ministre !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En tout état de cause, nous allons corriger ces injustices fiscales. Le budget pour 2014 y contribue, et participe aussi à la correction des déficits et des dettes. Je m’explique : la décision, dans le budget pour 2014 – et je n’ai pas constaté que vous vous en réjouissiez – de procéder à la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu est une bonne mesure qui corrige vos injustices.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais non !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Lorsque nous décidons d’instaurer un processus de décote pour accentuer les effets de la réindexation en question…

M. Hervé Mariton. Au détriment des familles !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …c’est aussi pour corriger vos injustices dans l’intérêt des Français et de leurs familles, qui sont entrés dans l’impôt sur le revenu et qui n’avaient pas vocation à le faire.

M. Hervé Mariton. C’est vous qui les y avez fait entrer ! Vous corrigez donc vos propres erreurs !

M. Pascal Cherki. Eh oui ! Nous sommes à gauche et vous êtes à droite…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Lorsque nous prenons des mesures d’augmentation du plafond du revenu fiscal de référence, c’est précisément parce que des milliers de Français paient la taxe d’habitation et la redevance audiovisuelle et qu’ils sont entrés dans la CSG à cause des mesures que vous avez prises…

M. Hervé Mariton. Non, à cause des vôtres !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Allez-vous vous taire un peu ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Aujourd’hui, nous évitons à d’autres Français de connaître cette situation, et faisons en sorte que ceux qui ont eu à la connaître puissent sortir de ces dispositifs.

M. Xavier Breton. Assumez donc un peu vos choix !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est beaucoup plus efficace que l’augmentation du plafond du revenu fiscal de référence, que toutes les mesures qui auraient pu être prises sur le maintien d’une demi-part des veuves ramenée à sa plus simple expression. C’est parce que c’est plus efficace que nous prenons ces mesures.

Pour conclure sur ce sujet, monsieur Mariton, quand vous parlez de matraquage fiscal, rappelez donc la part de cet immonde impôt qui vous revient et rappelez les mesures que nous avons prises pour corriger toutes les injustices fiscales dont vous êtes l’auteur.

M. Hervé Mariton. Vous aussi, assumez votre part !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quand vous évoquez les charges qui pèseront sur les Français, permettez-moi, là encore, de vous rappeler certaines choses qui semblent avoir échappé à votre sagacité au moment où vous vous exprimiez.

Vous parlez de la TVA, monsieur Mariton, et vous avez l’air de considérer que 6 milliards de TVA imposés aux Français, c’est trop. C’est sans doute trop, c’est d’ailleurs toujours trop quand il s’agit de TVA, mais lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, il ne s’agissait pas de 6 milliards, mais de 13 ! Et le taux de TVA était de 21,2 %.

M. Jean-Pierre Gorges. Vous ne deviez pas l’augmenter, mais vous avez changé d’avis !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le précédent Président de la République, pendant sa campagne, se rendant compte qu’après dix ans d’exercice du pouvoir, il fallait peut-être se préoccuper de la compétitivité, s’était précipité pour que le Parlement légifère, en fin de législature, tant il était indispensable de prendre des mesures de transfert massives du coût du travail vers les particuliers à travers le transfert de 13 milliards des entreprises vers les ménages, via la TVA dite « sociale ».

Ces 13 milliards, monsieur Mariton, ne vous ont jamais choqué. Mais lorsque nous prenons une mesure d’allégement du coût du travail, non pas de 13 mais de 20 milliards, et que nous la finançons pour moitié par des économies en dépenses – que vous semblez adorer mais que vous ne soulignez pas – et par une fiscalité écologique destinée à faire en sorte que des comportements plus vertueux se substituent à un certain nombre de comportements qui prévalent dans l’industrie…

M. Hervé Mariton. Ça va coûter cher aux Français !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pas plus cher que la taxe carbone, dont M. Borloo, dont vous souteniez les actions à l’époque, était l’auteur…

Par ailleurs, nous avons effectivement décidé de fixer à 6 milliards la TVA sociale. Mais lorsque des responsables de votre organisation politique, dans cet hémicycle ou par le truchement des médias – je pense notamment au président de votre parti – proposent de transférer en quelques semaines, par ordonnance, 20 milliards des entreprises vers les ménages, ce qui correspond à quatre points de TVA sociale, là, monsieur Mariton, je ne vous entends plus vous indigner nulle part !

Lorsque le président de votre organisation propose d’augmenter la TVA de 20 milliards, vous trouvez cela très bien, mais lorsque nous finançons un allégement net de charges de 20 milliards sur les entreprises, par 10 milliards d’économies en dépenses et 6 milliards de TVA, vous ne trouvez pas cela normal ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas un allégement de charges et vous le savez !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pouvez-vous m’expliquer, monsieur Mariton, où l’on peut trouver, dans ce type de discours, le début d’une once d’honnêteté intellectuelle ? Voilà le genre de propos que vous tenez dans cet hémicycle, avec une mauvaise foi évidente !

M. Hervé Mariton. Choisissez le bon taux ! Pourquoi choisissez-vous le mauvais taux ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et pourquoi faites-vous cela ? Au moment où nous sommes aux responsabilités et où nous essayons de combler les dettes et les déficits que vous avez contribué à creuser, plutôt que d’élever le débat au-dessus de considérations partisanes et de la politique politicienne, au lieu d’aller un peu plus dans le sens de l’intérêt général, vous rabaissez pitoyablement le niveau du débat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. Votre budget n’est pas bon, c’est tout !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je finirai, monsieur Mariton, car cela ne mérite pas plus de développements, par vous apporter quelques réponses sur deux sujets.

Le premier a trait au programme des investissements d’avenir.

M. Pascal Cherki. Ah ! Excellent !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Mariton, j’ai été, pendant dix ans, membre de la commission de la défense nationale. Au cours du précédent quinquennat, j’ai été le rapporteur pour avis de la commission de la défense sur la réforme du ministère de la défense.

Mme Marie-Christine Dalloz. À Cherbourg, ils le savent !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous qui aimez les chiffres et qui aimez entrer dans le détail, vous qui êtes un esprit intelligent et cursif, vous n’allez pas me dire qu’il a complètement échappé à votre sagacité qu’au cours du précédent quinquennat, il y avait un solide paquet de recettes exceptionnelles…

M. Hervé Mariton. Mais pas d’investissements d’avenir ! Ce n’est pas le financement !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Allez-vous vous taire ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vais vous répondre, monsieur Mariton. Laissez-moi vous expliquer en quoi c’est beaucoup mieux !

Il y avait des recettes exceptionnelles qui portaient remarquablement leur nom, car année après année, budget après budget, nous avons vu les différents ministères de la défense se présenter devant la commission de la défense et expliquer que les recettes exceptionnelles de l’année précédente n’étaient pas réalisées, à un point tel que nous avions fini par nous dire que ces recettes portaient vraiment bien leur nom. Elles étaient à ce point exceptionnelles qu’elles n’avaient pas vocation à être réalisées.

Nous avons d’ailleurs, monsieur Mariton, parce que ces recettes exceptionnelles n’étaient jamais réalisées, trouvé une situation du budget de la défense avec des bosses de paiements absolument considérables, auxquelles il nous a fallu faire face.

M. Hervé Mariton. Les recettes exceptionnelles ont été réalisées !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quant au programme d’investissements d’avenir, monsieur Mariton, il concerne des secteurs hautement technologiques, où il y a des travaux de recherche considérables à mener. Vous n’êtes pas sans savoir que l’industrie de défense est extrêmement riche en innovation et en transferts de technologie, et que c’est en cela qu’elle est l’un des fleurons de notre industrie et de notre économie.

Le fait de consacrer 1,5 milliard d’euros à cette industrie de défense qui tirera sa compétitivité de sa capacité à maintenir son avance technologique et qu’elle puisse bénéficier du laser mégajoule qui, par ailleurs, fait l’objet d’une coopération franco-britannique – ce qui n’est pas rien en termes de développement de projet européen –, le fait que cette industrie de défense puisse, dans d’autres domaines, bénéficier d’un programme qui a vocation à accompagner l’industrie en fonds propres et en programmes hautement technologiques pour qu’elle puisse garder son avance, cela est-il de nature à vous choquer, monsieur Mariton ?

Pour ma part, cela me choque beaucoup moins que des recettes exceptionnelles qui étaient là pour boucher des trous dans une autre période, lorsque les choses étaient infiniment moins bien gérées qu’elles ne le sont aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Mariton. C’est bien la débudgétisation…

Mme la présidente. Monsieur Mariton, je ne crois pas que le ministre vous ait interrompu lorsque vous interveniez à la tribune !

Nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur Mariton, vous avez la mémoire courte ! Le ministre vous a utilement fait remarquer que vous aviez augmenté de 30 milliards les prélèvements, c’est-à-dire à peu près la même augmentation que celle que nous avons décidée, mais pour notre part, nous l’avons fait en corrigeant des injustices (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), alors que vous avez, à l’époque, diminué de façon scandaleuse l’impôt des Français les plus fortunés : l’ISF. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)



Vous nous parlez de responsabilité, monsieur Mariton. Je ne connais qu’une période d’irresponsabilité, c’est celle où un gouvernement, pendant cinq ans, de 2007 à la mi-2012, a laissé le déficit structurel de notre pays entre 3,3 % et 5 % – il est dommage que Gilles Carrez ne soit pas là, car je lui aurais rappelé que le déficit structurel, c’est hors crise.





Nous avons trouvé un déficit à 5,1 %. Nous avons ramené cette année le déficit structurel à 2,6 % et il sera à 1,7 % l’an prochain. Voilà ce qu’est la responsabilité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)





Vous parlez de justice et – vous avez toujours ces mots à la bouche – du quotient familial. Trouvez-vous juste, monsieur Mariton, que 30 % des 12 milliards consacrés au quotient familial bénéficient aux familles les plus riches et que 3 % soient versés aux familles les plus pauvres ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.) C’est injuste et nous corrigeons cela dans ce budget !





Monsieur Mariton, vous parlez d’efficacité. L’efficacité, c’est prendre des mesures structurelles pour permettre à notre pays quand la croissance sera là – et elle le sera très prochainement (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP), d’avoir une croissance forte. L’efficacité, c’est prendre des mesures conjoncturelles dans une situation où la demande contraint 50 % des entreprises, aujourd’hui, à mettre l’accent sur l’emploi parce que tout emploi créé dans le secteur non marchand, c’est du revenu, c’est de la confiance, c’est de la demande pour les entreprises, et ce sont des emplois dans le secteur privé pour demain.



M. Jean-Pierre Gorges. Demain, il n’y aura plus d’entreprises !

M. Pierre-Alain Muet. Vous voyez, monsieur Mariton, ce budget est efficace et responsable.

Mme la présidente. Merci de bien vouloir conclure, monsieur le député !

M. Pierre-Alain Muet. Surtout, ce budget sera marqué par l’inversion de la courbe du chômage et par le retour de la croissance, deux choses que vous n’avez jamais été capable de faire en cinq ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste. Vous avez deux minutes, monsieur le député.

M. Éric Alauzet. Monsieur Mariton, les graves difficultés que traverse notre pays n’autorisent pas tous les excès auxquels vous vous êtes livré. Vous êtes tombé dans la facilité. On a l’impression que vous avez essayé de prendre les sujets les uns après les autres en vous demandant ce que vous pourriez bien dire sur chacun d’entre eux…

M. Hervé Mariton. Acceptez que l’on dise les choses !

M. Éric Alauzet. Vous avez été bien excessif, mais, à trop critiquer, on perd en force de conviction. Cela dit, je comprends que vous ayez tellement envie de faire oublier votre gestion calamiteuse que vous cherchiez à vous dissimuler derrière les difficultés, réelles, que vit le Gouvernement et sa majorité – cela vous arrange…

Historiquement, on a toujours dit que la droite gérait mieux que la gauche. Les Français ont constaté que ce n’était pas le cas et vous l’avez démontré pendant dix ans. Vous cherchez à faire oublier cela !

M. Hervé Mariton. Je ne fais que dire les choses !

M. Éric Alauzet. Vous dites qu’il faut moins d’impôts, moins de dépenses, moins de déficit. Pourtant, vous vous y connaissez en matraquage fiscal ! Nous pouvons certes en partager la responsabilité – pourquoi pas ? – sur les quinze ou vingt dernières années. Mais à gauche, quand on augmente les impôts, c’est pour protéger les plus modestes.

Certes, il a pu y avoir quelques effets néfastes, je le concède, notamment sur les heures supplémentaires, sur le gel du barème. Je pense qu’on aurait pu prendre la décision d’interrompre la mauvaise mesure que vous avez prise. En revanche, sur la demi-part des veuves, reconnaissez qu’il était un peu plus compliqué d’abandonner la mesure que vous aviez prise !

En tout cas – ce que vous avez dit suscite de ma part les mêmes remarques que celles de Pierre-Alain Muet – c’est principalement pour les plus favorisés que vous avez baissé les impôts. Voilà comment la droite traite les impôts ! Quant aux nouvelles taxes, elles ont été nombreuses et je ne les rappellerai pas toutes.

M. Hervé Mariton. Le sujet, c’est le budget 2014 !

M. Éric Alauzet. Il y a tout de même une grande différence entre augmenter les impôts en fin de mandat et en début de mandat, quand on doit faire le constat de ce que nous ont laissé nos prédécesseurs…

S’agissant des déficits, vous avez essayé de nous embrouiller un peu sur le déficit structurel et conjoncturel. La réalité, c’est que le déficit baisse d’une année sur l’autre. Nous nous dirigeons vers les 3 %, un peu plus lentement que prévu, mais cela évitera de pénaliser notre pays.

Mme la présidente. Monsieur le député, il faut conclure !

M. Éric Alauzet. Quant à l’endettement, vous en êtes doublement responsable, comme nous, d’une certaine façon pendant certaines années, mais en tout cas depuis trente ans, parce que vous avez suivi des politiques libérales, les politiques Thatcher et Reagan, que l’on a…

Mme la présidente. Merci, monsieur le député ! Je rappelle que les explications de vote ne doivent pas excéder deux minutes !

La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. J’avoue avoir au début, même sans être convaincu, écouté l’intervention de M. Mariton : M. Mariton sait compter – ou conter ? –, c’est là son moindre défaut !

Puis, j’ai réagi, au milieu d’une demi-torpeur, en l’entendant parler du déficit et expliquer que 4 % était un crime. Je lui ai dit qu’il avait lui-même rêvé d’atteindre 4 %. Ce à quoi il m’a répondu : « nous l’avons fait ». Il avait raison, vous l’avez même fait même deux fois : vous avez atteint 8% !

Il m’a semblé que la mémoire vous faisait défaut et cela m’a rappelé ce personnage un peu particulier, dans un film, qui sait admirablement compter, qui est un prodige en matière de comptabilité et presque de mathématiques, mais qui a perdu la mémoire immédiate et même la mémoire lointaine.

Le ministre a donc bien fait, monsieur Mariton, de vous rappeler la mémoire, pas si lointaine que cela puisqu’elle remonte à seulement un exercice ou deux. Nous avons connu des déficits, nous avons même connu le dérapage du siècle ! Vous me direz que ce siècle est jeune, mais j’espère il n’en connaîtra pas de nouveau de sitôt ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La gravité de la situation internationale et nationale, la gravité du sujet rend ridicule et presque immoral un débat où nous n’arrivons pas à nous élever au-delà de la politique partisane. Il y a, de part et d’autre, des gens extrêmement compétents. Nous avons réussi ce prodige pour la France d’échanger des postes importants : nous avons un président de la commission des finances qui est parfaitement respecté et qui est un membre de l’opposition, comme précédemment, il y a eu deux présidents de la commission des finances membres de l’opposition de l’époque.

Mme la présidente. Merci de bien vouloir conclure, monsieur le député !

M. Paul Giacobbi. Si nous pouvions conserver cet esprit et ce ton plutôt que de dériver vers l’injure et l’amnésie, ce serait mieux ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous discutons de la motion de rejet préalable du budget 2014 : nous ne sommes pas en train de dresser l’état des dix, des quinze, des vingt-cinq ou des trente-cinq dernières années ! Je veux simplement rappeler à nos collègues que nous débattons du projet de loi de finances pour 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)



Je note, monsieur le ministre, que vous n’avez guère apporté de réponses aux questions de notre collègue Hervé Mariton, des questions qui vous dérangent. Quand il dénonce de nouvelles dépenses, elles sont inscrites dans votre budget, vous ne pouvez pas les contester. Quand on parle de matraquage fiscal, c’est la réalité.

Je rappelle simplement à notre collègue écologiste que le matraquage fiscal n’a pas touché que les ménages les plus favorisés. Aujourd’hui, tous les foyers fiscaux sont frappés et les classes moyennes sont les plus marquées. Des retraités, que l’on voit régulièrement dans nos permanences, viennent parler de l’impact fiscal de vos mesures et considèrent qu’elles sont injustes.

M. Yann Galut. C’est laborieux !

Mme la présidente. Monsieur Galut, s’il vous plaît !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est précisément l’absence de réformes structurelles, comme l’a très bien dit Hervé Mariton, qui est à l’origine de l’endettement massif prévu en 2014. La France détiendra alors le record du monde de l’emprunt en euros. Telle est la réalité.

Je comprends, monsieur le ministre, que vous n’aimiez pas vous entendre dire ces vérités. La démonstration de notre collègue était si implacable que vous avez répondu sur la défensive. Votre attitude était agressive et vous avez été insultant vis-à-vis d’Hervé Mariton. Je trouve cela dommage et je le déplore. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Xavier Breton. Très bien !

Mme la présidente. Laissez conclure Mme Dalloz, s’il vous plaît, mes chers collègues.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous faites sans cesse référence au passé. Ce ne sont pas les budgets passés que nous sommes en train d’étudier mais bien le vôtre, monsieur le ministre, dont vous portez la responsabilité.

M. Jean-Luc Laurent. Non à l’amnésie !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous pouvez décréter un taux de croissance, cela ne créera pas la croissance en France. La confiance, il faudra travailler dur pour la faire revenir. Vous faites référence au passé en évoquant la demi-part des veuves, mais il ne tenait qu’à vous de la rétablir.

Mme la présidente. Merci de conclure, Mme Dalloz.

M. Matthias Fekl. Fini ! Fini !

Mme Marie-Christine Dalloz. Quant à la non-indexation, vous l’avez votée l’année dernière. Enfin, en matière d’approche sectaire, je puis vous assurer que nous prenons depuis l’an dernier des leçons de rattrapage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Olivier Carré, et à lui seul.

M. Olivier Carré. Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je tiens à dire d’emblée que je ne défends pas une motion de renvoi en commission pour avoir le plaisir de débattre à nouveau des propositions budgétaires formulées par l’opposition. En un sens, M. le rapporteur général leur a rendu hommage…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est vrai !

M. Olivier Carré. …en leur consacrant près d’une demi-heure, en en épluchant chaque ligne et en dressant finalement un constat que je partage : ce sont nos choix et le Gouvernement a les siens.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et peut-être en y puisant son inspiration, qui sait ? (Sourires.)

M. Olivier Carré. Je me suis même demandé en mon for intérieur s’il ne regrettait pas un peu, en aparté, de ne pouvoir présenter un contre-budget distinct de celui qu’il est tenu de défendre, mais je laisse cela aux commentateurs.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Olivier Carré. J’en reviens au budget, dans lequel des économies supplémentaires étaient possibles et des hausses d’impôt évitables. Tel est l’objet de la démonstration. Elle est limitée…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pour le moins !

M. Olivier Carré. …à cinq milliards d’euros sur l’ensemble des chiffres évoqués.

M. Jean-Luc Laurent. C’est court !

M. Olivier Carré. Mais de nouvelles mesures lourdes sont prévues. Si je lis bien la presse, des débats ont lieu au sein de la majorité. Je demande à ses membres de s’associer à l’opposition pour le renvoi en commission, tant certains amendements déposés selon la procédure prévue à l’article 88 du règlement semblent faire l’objet de débats parmi eux. Cela seul justifie, monsieur le rapporteur général, que l’on ait un débat plus approfondi que celui qui relève de la procédure prévue à l’article 88, voire un débat dans cet hémicycle, en face de M. le ministre.

Mais revenons au budget 2014 à proprement parler, en particulier à l’examen de la première partie, dont nous avons débattu en commission et qui va nous occuper pour l’essentiel au cours des heures à venir. Le budget que nous examinons s’inscrit dans le contexte d’une triple exigence : le respect de la parole de la France dans une Europe convalescente, l’urgence de la situation de nos entreprises et de l’emploi et la sourde révolte de nos concitoyens face à la montée de leurs impôts. Curieux budget 2014, qui ne répond que très partiellement à chacune de ces trois exigences !

La première, c’est le respect de la parole de la France. Rappelons d’abord certains éléments du contexte que nous avons connu. Le contexte européen dans lequel se déroulent les exercices 2012, 2013 et 2014 est très différent, et c’est heureux, de celui qui prévalait lors des trois années précédentes. La politique de refinancement à long terme de la Banque centrale européenne, dite « LTRO », a totalement changé la donne depuis la fin du printemps 2012. C’est essentiel, car l’engagement de la BCE de soutenir les émissions des pays attaqués dans la crise des dettes souveraines a enrayé toute contagion de la Grèce aux autres pays de la zone euro. La pression sur les pays emprunteurs a baissé. Même si nous devons rester vigilants, la tempête qui a secoué tous les exécutifs en 2010 et 2011 s’est estompée.

Elle laisse place à une période de convalescence, propice pour tirer tous les enseignements de la crise de 2008 et conforter la parole donnée aux partenaires. Je ne peux d’ailleurs résister au plaisir de rappeler à l’ensemble de cet hémicycle, puisque l’heure est à l’archéologie budgétaire, que le Gouvernement était critiqué en 2008 – n’est-ce pas, monsieur Muet ? – en raison de la mollesse de son soutien à une demande qui devait s’effondrer. Le déficit budgétaire ne faisait pas peur à l’opposition d’alors, devenue majorité depuis.

M. Claude Sturni. Eh oui !

M. Pierre-Alain Muet. Je parlais des déficits structurels !

M. Olivier Carré. Dans un tel contexte, la position de la France est singulière. Les réformes structurelles engagées par Nicolas Sarkozy, comme celle des retraites en 2010, le recalibrage de la fonction publique par la RGPP ou encore l’autonomie fiscale des collectivités territoriales, avaient commencé à porter leurs fruits dès l’exécution du budget 2011, comme nous l’a rappelé tout à l’heure Gilles Carrez. Entre 2010 et 2012, le déficit budgétaire a diminué d’un tiers. Certes, personne ne pouvait s’en satisfaire et personne ne conteste qu’il restait à un niveau encore trop élevé et donc insupportable. C’est ce qui a conduit la France à prendre l’engagement, vis-à-vis de ses partenaires, d’observer une trajectoire de diminution des déficits publics. Vous l’avez d’ailleurs reprise, mesdames et messieurs les députés socialistes, en la modifiant dès votre arrivée au pouvoir en juillet 2012 par un projet de loi de finances rectificatif, ce qui était tout à fait légitime. La parole du nouveau gouvernement se substituait à celle du précédent, dans le cadre de la politique qu’il allait engager.

Or, c’est là que le bât blesse, monsieur le ministre : par rapport aux prévisions et aux engagements pris par le gouvernement dont vous êtes membre à son arrivée aux affaires, nous sommes en dérapage de près de vingt milliards d’euros en exécution et si je lis bien le budget prévu en 2014, le dérapage se monte à près de vingt-huit milliards d’euros, supérieur à ce que le Gouvernement avait prévu en juillet 2012. Tout comme moi, monsieur le ministre du budget, vous n’avez guère le goût du mensonge. Votre prédécesseur a confié a posteriori avoir été encouragé à nous mentir sur la sincérité des budgets qu’il nous présentait. Est-ce ainsi que l’on conduit les affaires de la France ? Nullement, vous nous l’avez rappelé et j’en suis d’accord avec vous. Est-ce par le mensonge, l’approximation et l’ambiguïté ? Rien de tout cela. C’est par la sincérité, même si la vérité, elle, est parfois plus relative, chacun en conviendra

On a souvent argumenté sur l’importance du déficit structurel, à raison : les finances d’un pays sont en danger lorsqu’elles sont structurellement déficitaires. Mais quelle est l’évolution de sa part dans les déficits ? Vous affirmez, monsieur le ministre, dans le fameux article liminaire dont nous avons été un certain nombre à parler et dont il faut saluer la nouveauté, que la part du déficit conjoncturel 2014 est en hausse, alors même que la conjoncture s’améliore. Voilà un nouveau paradoxe français. Je ne peux pas croire qu’il provienne d’une mésentente entre le ministre de l’économie, que je trouve parfois un peu optimiste mais qui après tout a raison de favoriser l’effet de confiance dans notre pays, et le ministre du budget, prudent par nature et en fonction des charges qui lui sont confiées, ni que cela relève de la tentation hasardeuse, évoquée par Gilles Carrez, d’engager un débat sur l’hystérésis du budget face à la croissance. On le voit, pour expliquer l’anomalie d’un déficit conjoncturel qui se dégrade quand la conjoncture s’améliore, il faut aller chercher des justifications très loin !

M. Claude Sturni. Il n’y en a pas !

M. Olivier Carré. Tant et si bien que notre rapporteur général s’est contenté en la matière de convenir, lapidaire et souriant, qu’en effet il faudrait probablement revoir la programmation trisannuelle de nos déficits publics.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est de l’acrobatie !

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’assume !

M. Olivier Carré. Un autre point de repère révèle la contradiction interne sur laquelle est fondée le budget 2014 : alors même que la croissance 2013 est nulle ou presque, le solde conjoncturel prévu pour 2014, année de meilleure conjoncture, serait plus faible. Voilà quelques arguments qui viennent s’ajouter à ceux que mes prédécesseurs ont amplement et brillamment développés. En fait, l’explication tient un peu de la méthode Coué. La baisse du déficit structurel est prévue, elle aura lieu, mais vous faites fi d’un certain nombre de décisions relatives à de nombreuses prestations sociales, au maintien voire à la progression des effectifs de l’État et à la mise en place de nouveaux outils de progression sociale financés par l’État. Il en résulte, à échéance de trois ou quatre ans, un chiffrage estimé entre 17 et 20 milliards d’euros.

Un tel chiffre n’est pas une élucubration de l’UMP. Nous ne faisons que reprendre ce que chaque ministre a lui-même indiqué lors de l’annonce des mesures relevant de sa compétence et de leur chiffrage. J’en tiens la liste à votre disposition, monsieur le ministre, même si je ne doute pas que vous l’avez dressée vous-même. En d’autres temps, tant de nouveaux engagements auraient pu être consentis sans difficulté. Mais aujourd’hui, on peut vous reprocher de les prendre sans baisser d’autres dépenses et de les financer par la dette et l’impôt. Vous avez rappelé que nous avions financé un certain nombre de dépenses avec des chèques en bois, c’est-à-dire en gros en augmentant la dette. Vous faites de même, j’y vois une certaine continuité : on la cherchait tout à l’heure, la voici.

De telles mesures peuvent être absorbées quand la croissance du PIB marchand est au rendez-vous et qu’elle peut être redistribuée, pas quand des hausses d’impôts découragent à la fois la consommation et l’investissement. À ce propos, je suis personnellement plus inquiet pour les années à venir : faute de croissance, on ne résoudra pas les fameux déficits structurels de notre pays. Telle est la deuxième raison qui fonde la nécessité de réexaminer la première partie du PLF 2014. Il s’agit de faire en sorte que le budget qui nous est présenté réponde à l’urgence de la situation dans laquelle se trouvent nos entreprises et l’emploi marchand au lieu de prendre le risque de tuer la relance dans l’œuf. Sur ce point aussi, le budget 2014 est déconcertant et je me dois d’exprimer ici la crainte qu’il m’inspire.

Souvenons-nous : il y a à peine un an, le rapport Gallois devenait la pierre angulaire de la politique économique du Gouvernement. C’était un retournement salutaire, car de nombreuses orientations initialement prévues dans le PLFR 2012 et le PLF 2013 et dont ledit rapport dénonçait un certain nombre, s’avéraient dangereuses pour notre économie. Un tel retournement fut aussi salutaire pour le ministre de l’économie et sans doute pour le ministre chargé alors des affaires européennes, auquel il a permis de défendre une réorientation de la politique économique de la France auprès d’interlocuteurs européens que les premiers mois et les premières décisions de la majorité avaient un peu inquiétés.

Le PLF 2014 prévoit la révision de nombreuses décisions que nous avons combattues il y a seulement un an. Je m’en réjouis et je passe sur les dégâts que causent aux décideurs économiques de tels revirements et une telle instabilité, car tout le monde les a évoqués et ils ne font débat sur aucun banc de cette assemblée. Mais je me dois aussi de rappeler un certain nombre de mauvais signaux que ce même PLF 2014 envoie aux décideurs économiques. Quelle mouche a piqué l’exécutif pour qu’il accepte une suggestion sans doute née dans les services de Bercy, celle de taxer l’EBE ?

M. Charles de Courson. Incroyable !

M. Olivier Carré. Quelle idée, alors même que le rapport Gallois signale que la faiblesse de l’autofinancement constitue bien le problème majeur de nos entreprises et de notre économie marchande, de cibler l’EBE, donc très directement la capacité d’autofinancement !

M. Jean-Pierre Gorges. Incroyable ! Quelle erreur ! Quelle méconnaissance de l’économie !

M. Olivier Carré. À la place, vous portez le taux de l’impôt sur les sociétés à un niveau qui est le plus élevé parmi nos partenaires européens. C’est provisoire mais en la matière il est possible que le provisoire dure. Une telle analyse est pourtant contestée dans les rangs de votre propre majorité et fera débat, d’autant que le taux maximal de l’IS est principalement supporté par les PME et par les entreprises qui n’ont pas la capacité de se défausser sur une logique mondialisée, au taux d’IS proche de 8 % !

M. Philippe Vigier. Eh oui ! On va décaisser l’IS !

M. Jean-Pierre Gorges. On aggrave la situation !

M. Olivier Carré. Vous respectez un engagement du gouvernement précédent, celui d’éteindre l’impôt forfaitaire annuel. C’était programmé, mais comme une telle mesure coûte cher, personne n’en disconvient, elle avait été différée dans le temps pour être renvoyée justement à 2014.

Pourquoi ne pas avoir décidé un nouveau report, ce qui vous aurait évité d’avoir à recréer un impôt sur les sociétés alors que personne ne s’y attendait ? Puisque les débats ne font que commencer, sans doute avez-vous encore le temps de prendre en compte ma suggestion.

Le débat sur le projet de loi de finances devrait également se faire selon un axe européen, puisque l’impôt sur les sociétés est, je le rappelle, l’un des points pouvant donner lieu à un travail en convergence au plan européen. Je sais que des travaux ont été engagés et se poursuivent en ce sens – l’horizon de nos voisins allemands se dégageant, j’espère qu’ils vont reprendre. En tout état de cause, il s’agit là d’un sujet fondamental pour l’ensemble de l’organisation de la zone euro et, de ce point de vue, la loyauté dont sauront faire preuve les acteurs européens influera beaucoup sur leur capacité à échanger, produire et commercer. C’est par ce biais qu’il convient, me semble-t-il, de faire évoluer l’impôt sur les sociétés, plutôt que de se restreindre à des décisions hexagonales, ce qui pèserait sur les décisions d’investissement des entreprises – dont notre pays a, comme chacun le sait, grand besoin. Je serai très heureux de débattre à nouveau de ce point – et de bien d’autres – en commission, si cette motion de renvoi est adoptée.

Avec la taxe carbone et un certain nombre de nouveaux aménagements fiscaux, net du CICE, c’est environ 0,7 % de prélèvements supplémentaires que les entreprises vont de voir supporter à l’horizon 2014-2015. C’est beaucoup, monsieur le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je serais curieux de savoir comment vous êtes arrivé à ce chiffre !

M. Olivier Carré. Je vous assure que c’est le montant net, équivalent à 17 milliards d’euros, que les entreprises vont devoir supporter.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais d’où sortez-vous cela ?

M. Olivier Carré. Certes, cette décision est assumée, mais elle ne va pas dans le bon sens, à savoir ce qui a été suggéré par M. Gallois il y a un an. Je vais vous surprendre, mes chers collègues, mais je pense que le Gouvernement est sincère (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

M. Charles de Courson. Vous croyez ?

M. Olivier Carré. …quand il dit qu’il est sensible au discours des entrepreneurs : j’en veux pour preuve les quelques mesures de retour en arrière qui ont été prises, auxquelles je souscris. Le pire, c’est que nous en sommes arrivés au point où les entrepreneurs ne se défient plus tant du monde politique que de l’État lui-même. Les entrepreneurs nous interpellent tous sur l’instabilité des mesures qui les touchent, sur le caractère tatillon de l’administration, et même sur le travail législatif – j’en prends ma part de responsabilité, comme chacun d’entre nous doit le faire – quand, à force d’introduire trop de complications, nous en venons à produire des textes peu clairs. C’est là une chose à laquelle il faut mettre fin : ce n’est pas en produisant des textes que nous sommes les seuls à comprendre que nous pourrons répondre à la complexité du monde économique globalisé d’aujourd’hui : en procédant de la sorte, nous ne ferons que générer toujours plus d’instabilité – sur ce point, un large consensus se dégage.

M. Claude Sturni. Très bien !

M. Olivier Carré. Comment croyez-vous que pense le dirigeant d’une entreprise ayant subi récemment plusieurs contrôles fiscaux, qu’il a vécus comme autant d’expériences brutales – je pense à ce qui s’est fait durant l’été 2012 –, lorsqu’il constate que le dispositif du crédit impôt recherche, dans lequel il est engagée, se trouve menacé par des réflexions en cours et des amendements susceptibles de le remettre en cause, alors même que le chef de l’État avait déclaré que ce dispositif devait être sanctuarisé ? Comment voulez-vous que les entreprises concernées aient confiance, aujourd’hui, dans un crédit d’impôt compétitivité emploi ? Si le discours initial du Gouvernement était clair en commission, il s’est brouillé par la suite. Demandez un peu autour de vous, sur le terrain, ce que pensent les entreprises et leurs conseils de cet outil qui était censé leur apporter de la stabilité en matière de capacité d’autofinancement. Aujourd’hui, le CICE est particulièrement mal parti, ce qu’on peut regretter. Je déplore, pour ma part, qu’il n’ait pas été procédé à un simple allégement de charges, comme cela était prévu au départ.

M. Philippe Vigier. Même le rapporteur général est d’accord !

M. Olivier Carré. Le constat est le même du côté des ménages face à l’absence de perspectives de notre économie, à l’évolution des déficits et à la non-stabilisation de la dette, qui continue d’augmenter. Certes, cette dette est constituée d’un stock important, que la crise a contribué à accentuer, mais l’augmentation de la dette – je ne parle pas du déficit – atteint tout de même environ 80 milliards pour l’ensemble des comptes publics ! Croyez-vous vraiment que nos concitoyens aient un sentiment de justice – cette justice à laquelle vous ne cessez de faire référence – quand une réussite exceptionnelle ne peut vous valoir que d’être vilipendé ou dépouillé par un impôt tout aussi exceptionnel ? Croyez-vous qu’ils aient un sentiment de justice, ceux qui sont redevenus contribuables alors qu’ils ne l’étaient plus depuis la loi de 2008 et la défiscalisation de ce supplément de revenu que sont les heures supplémentaires ? Croyez-vous qu’elles aient un sentiment de justice, les familles qui constatent que la solidarité des familles françaises entre elles, selon un schéma qui s’est imposé de longue date, est aujourd’hui remise en cause en vertu de logiques qui peuvent éventuellement se justifier mais devraient, en tout état de cause, donner lieu à des débats dépassant largement, me semble-t-il, le cadre d’une loi de finances ou d’un simple article sur le quotient familial ?

Vous affirmez à l’envi, dans vos réponses lors des questions d’actualité, que la situation actuelle est entièrement imputable à la majorité précédente, qui a changé les barèmes, et que c’est le gel des barèmes qui a fait entrer des centaines de milliers de nouveaux contribuables dans l’impôt. Cependant, en relisant les débats de l’année dernière, on s’aperçoit que le Gouvernement expliquait déjà que, grâce à la décote de 9 %, il n’y avait plus d’effet « barème », qu’il avait enfin rendu la justice (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Olivier Carré. …et que, par conséquent, comme le disait Jérôme Cahuzac, ce n’était pas la peine de réévaluer les barèmes.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. Olivier Carré. Ce qui était notre politique, vous l’avez faite vôtre. Dès lors que les élections nous avaient retiré la capacité de prendre les décisions pour vous la confier, vous deviez reprendre tous les éléments du bilan de la France, ceux du passif comme ceux de l’actif : si vous maintenez une décision prise par l’ancienne majorité, elle devient vôtre, et vous devez l’assumer comme telle – vous aviez, de toute façon, explicitement défendu les mesures que vous souhaitiez maintenir, on peut le vérifier à la lecture des débats de l’année dernière. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. Le changement, on l’attend !

M. Olivier Carré. Pour avoir entendu un certain nombre de contribuables dans ma permanence, je peux vous dire que la réalité, ce sont aussi des changements opérés sur le prélèvement forfaitaire libératoire ainsi que sur les heures supplémentaires – qui concernent l’essentiel des actifs. Les importants changements d’assiette intervenus dans le cadre des lois de finances avaient, en ligne de mire, toujours les mêmes 500 000 plus hauts contribuables. Mais en réalité, ce sont les millions de foyers situés à la marge de l’impôt sur le revenu que vous avez atteints en modifiant profondément le calcul et l’assiette de leur impôt.

M. Régis Juanico. Ce n’est pas ce que disent les chiffres !

M. Olivier Carré. Je vous confirme que c’est bien ce que disent les chiffres, en témoigne une réponse du ministère à une question qui lui avait été faite par le président de la commission des finances au sujet des foyers dont les revenus étaient restés stables – ou avaient progressé au même rythme que l’inflation – et qui étaient tout de même entrés dans l’impôt. Nous assumons un certain nombre de choses, mais vous devez faire de même, c’est même la base si vous voulez que notre pays sorte de l’ornière où il se trouve actuellement !

Les ménages français vont devoir supporter, cela a déjà été dit, environ 12 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires lors des années à venir. Au-delà des débats sur certaines taxes, le plus impressionnant pour eux reste la hausse de l’impôt sur le revenu : entre le réalisé de 2012 et la prévision pour 2014, l’augmentation est de 47 % – on passe ainsi, de mémoire, de 52 à 77 milliards en deux exercices seulement, ce est difficilement supportable. Je suis convaincu que nos compatriotes sont disposés à faire certains efforts, conscients qu’ils sont du niveau de la dette, qui les préoccupe – c’est d’ailleurs l’une des raisons qui les poussent à épargner un peu plus que leurs voisins européens.

Mais les Français ne voient pas la situation évoluer, ils ne se voient pas désigner un cap et constatent, au contraire, que, sur toute une série de sujets, l’ambiguïté n’est pas levée. Cela n’a rien d’étonnant quand on se souvient que le Président de la République a affirmé, lors du 55e anniversaire de la Constitution de 1958, qu’en politique, l’ambiguïté était une force – une façon de penser au demeurant fort révélatrice, mais qui m’a choqué.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. On ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens, selon la formule du cardinal de Retz !

M. Olivier Carré. La politique familiale, et plus précisément la question de la justice relative du quotient familial, soulevée par Hervé Mariton et sur laquelle Pierre-Alain Muet s’est exprimé, constituent des débats de fond allant bien au-delà de la question de l’impôt. Quand vous évoquez, monsieur le ministre, les mesures annoncées au sujet du plan pauvreté ou des crèches, qui répondent, certes, à des attentes exprimées par nos concitoyens – en tant qu’élu local, je connais très bien ces problèmes –, cela montre bien que les modifications du quotient familial sont destinées à couvrir de nouvelles dépenses, et non à couvrir un déficit qui aurait été laissé par vos prédécesseurs. Sans doute toutes les branches sociales ont-elles été affectées par la crise et la réduction de la masse salariale, particulièrement marquée en 2008 et 2009, mais il ne faut pas oublier pour autant toute la série de dépenses nouvelles dont le coût se chiffre en centaines de millions d’euros !

Ces dépenses nouvelles, elles sont le fruit d’un changement de politique familiale que vous assumez. Aujourd’hui, vous réduisez d’un quart le quotient familial, le faisant passer de 2 000 euros à 1 500 euros. Mais quel est votre objectif ultime ? En commission des finances, un certain nombre de nos collègues se sont interrogés : la trajectoire qui s’amorce ne vise-t-elle pas un objectif ultime de zéro euros dans trois ou quatre ans, ce qui permettrait la fusion entre la CSG et l’impôt sur le revenu – puisqu’on sait que l’un des écueils à cette fusion est constitué de la familialisation de l’impôt sur le revenu ? Ne vise-t-elle pas un crédit d’impôt qui faciliterait les transferts entre certaines catégories familiales et d’autres ? Quand on a ouvert ce débat, certains ont souri, d’autres ont hoché la tête ; certains avaient des réponses toutes faites, d’autres ont exprimé des inquiétudes. En tout état de cause, il est permis de se demander comment la politique familiale, vue partout en Europe comme l’un des points forts de la France,…

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Olivier Carré. …peut aujourd’hui se trouver remise en cause en catimini. Le changement auquel il est procédé ne se fait pas forcément, d’ailleurs, pour des raisons budgétaires ou dogmatiques : il peut se justifier du fait de l’évolution de la société, qui n’est plus la même, fort heureusement, que la société de l’après-guerre, meurtrie par les saignées qui lui avaient été infligées. Par ailleurs, d’autres sujets ont fait leur apparition dans la société de 2013. Alors que toutes ces raisons justifieraient qu’un débat ait lieu, on reste dans l’ambiguïté, qui se dissimule derrière des postures budgétaires qui ne sont pas toutes fondées. À elle seule, cette question de la politique familiale nécessiterait un énorme travail en commission.

Avant de conclure mon intervention (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), je veux souligner le fait qu’à l’heure actuelle, tout le monde mange son pain blanc. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Sophie Dessus. Ah non, pas tout le monde !

M. Olivier Carré. Quand, en 2012, le candidat François Hollande s’est rendu dans plusieurs villes de France, le plus utile de ses déplacements n’est sans doute pas celui qu’il a effectué à Florange, mais sa visite à Londres, faite dans le but de rassurer la haute finance – vous savez, ces méchants tapis dans l’ombre qui déplacent des milliards sur un claquement de doigts, l’ennemi invisible ! Mais heureusement qu’il est là, l’ennemi invisible ! Je me félicite de constater qu’aujourd’hui, François Hollande est attaché, comme l’avait été Nicolas Sarkozy en son temps, à préserver la signature de la France. Cela nous donne un peu de temps, et autorise la France à emprunter à des taux d’intérêt rarement égalés par le passé : or, un taux d’intérêt moyen de 4 % se traduit par une ponction de 15 à 20 milliards d’euros dans notre budget – une dépense dont on fait facilement abstraction, puisqu’elle est presque invisible. Mais il est quasiment certain – c’est un économiste qui vous le dit – que ces 4 %, nous en paierons un jour le prix, quand il faudra assumer le fait que les comptes publics affichent une dette de 2 000 milliards à 4 % d’intérêt – pas plus sans doute, je l’espère, mais pas moins.

C’est pourquoi je dis que l’on mange notre pain blanc. Si l’on continue d’évoluer sans réforme structurelle de fond – et je maintiens que beaucoup trop peu de réformes structurelles sont engagées –, l’on aura de véritables difficultés : on ne réglera plus alors des problèmes de déficits à coup d’amendements à 100 ou 200 millions d’euros, mais on sera confronté à des sujets majeurs, comportant des risques de mise sous tutelle, des difficultés dont on n’imagine pas à quel point elles pourraient être graves pour notre pays.

Voilà pourquoi j’affirme que nous mangeons notre pain blanc, ce qui est illustré de deux façons : comme je l’ai rappelé, la Commission européenne a donné du temps au Gouvernement français, ce qui est heureux, et les marchés laissent des marges de manœuvre au Gouvernement, ce qui est également une bonne nouvelle. Mais tous ces éléments auraient dû être mis à profit pour aller beaucoup plus loin dans la réforme de nos comptes publics, ce qui n’est pas le cas, cela a été démontré. Je crains que nous ne le payions cher un jour. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le député Olivier Carré, vous avez fait une intervention qui pose énormément de questions, qui sont autant de sujets de préoccupation pour le Gouvernement. Je veux d’ailleurs vous remercier pour le caractère pondéré…

M. Charles de Courson. Et carré ! (Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …de votre intervention et pour la qualité des questions que vous avez posées. Je vais essayer d’y répondre précisément. Vous évoquez, d’abord, un dérapage de nos déficits de 20 milliards d’euros. Je veux rappeler quelle a été la séquence des déficits nominaux depuis que nous sommes aux responsabilités. Ce déficit atteignait 87,2 milliards en 2012, et il est aujourd’hui de 70,2 milliards : il n’y a donc pas un dérapage de 20 milliards mais, au contraire, une diminution du déficit que nous avons trouvé, et notre objectif, monsieur le député, est de poursuivre ces efforts. Le déficit était de 5,3 % en 2011 et de 4,8 % en 2012. Certains considèrent que le fait qu’il ait été de 4,8 % plutôt que de 4,5 % est un signe de dérapage ; je veux rappeler, pour expliquer ces 0,3 % de décalage, la nécessité où nous nous sommes trouvés de procéder à la recapitalisation de Dexia et au financement du budget supplémentaire de l’Union européenne, en raison du tarissement des crédits de paiement alloués à l’Union européenne à compter de novembre 2010. Le déficit devrait s’élever à 4,1 % en 2013, et l’objectif pour 2014 est de 3,6 %. Il s’agit donc d’une séquence continue de diminution du déficit nominal. Le déficit structurel, quant à lui, était de 5,1 % en 2011 et il est aujourd’hui de 1,7 %.

On peut toujours considérer qu’on pourrait aller plus vite dans le rythme d’ajustement. Si nous avons choisi cette stratégie, c’est parce que nous avons considéré qu’il valait mieux garantir une diminution continue et régulière de nos déficits nominaux et structurels, plutôt que de prendre des mesures – fiscales ou d’économies – qui auraient pu avoir un caractère récessif, ralentir le rythme de diminution des déficits et occasionner beaucoup de désordres et de crispations sociales, de nature, d’ailleurs, à obérer la conduite des réformes structurelles dont le pays a besoin. Nous aurons l’occasion de débattre de manière plus approfondie, dans les jours qui viennent, de cette question des déficits.

Vous avez évoqué un deuxième sujet qui me paraît tout à fait essentiel, sur lequel vous avez posé de bonnes questions, qui peuvent d’ailleurs donner lieu à un échange constructif entre majorité et opposition : je veux parler des initiatives que nous prenons pour favoriser la croissance. Elles ne concernent pas que la fiscalité des entreprises, ni, d’ailleurs, les seules mesures que nous prenons en faveur des entreprises, mais peuvent et doivent concerner également la fiscalité des ménages. Je veux dire un mot de ces deux sujets.

Bien que ce ne soit évoqué par aucun intervenant de l’opposition, le budget pour 2014 allège significativement la pression fiscale et les charges qui pèsent sur les entreprises françaises. Le CICE va permettre d’engager une diminution nette de charges de 10 milliards d’euros sur les entreprises, soit une baisse de 6 % sur la masse salariale. Je rappelle, par ailleurs, que j’ai décidé de ne pas renouveler la totalité des 4,5 milliards de prélèvements qui ont été effectués sur les entreprises l’an dernier, au terme de l’adoption du budget pour 2013 : il y aura un milliard de moins prélevé sur les entreprises, et même 2 milliards si l’on déduit le milliard de lutte contre la fraude fiscale. Cela représente donc un allégement net de charges et de fiscalité d’un montant de 12 milliards. J’assume cet allégement devant la représentation nationale. Pourquoi ? Parce que nous avons décidé de faire en sorte que nos entreprises qui, dans la compétition internationale, sont moins compétitives que d’autres, puissent bénéficier de cet effort. Vous avez indiqué dans votre intervention qu’il aurait été préférable de diminuer les cotisations sociales des entreprises plutôt que de passer par le truchement du crédit d’impôt compétitivité emploi. Si nous avons fait le choix de ce crédit plutôt que d’une diminution des cotisations sociales, c’est parce que – vous le savez, monsieur le député Carré –, lorsqu’on diminue les cotisations sociales, on modifie l’assiette de l’impôt sur les sociétés et l’on récupère par cet impôt une partie de ce qu’on a consenti au titre de la diminution des cotisations. Le calcul auquel nous avons procédé nous conduit à considérer qu’il faudrait 33 milliards de TVA dite sociale – c’est-à-dire résultant d’une diminution des cotisations employeurs et d’un transfert vers les ménages – pour obtenir l’effet de 20 milliards nets d’allégement de charges.

Le CICE n’est pas la seule mesure que nous avons prise. D’abord, le crédit d’impôt recherche dont vous avez parlé continue de connaître une dynamique positive – 1,7 milliard de plus entre 2013 et 2014 – qui a contribué au développement d’innovations et de technologies dans des secteurs industriels tout à fait stratégiques de notre appareil productif. Je veux dire à la représentation nationale que le Gouvernement ne souhaite pas que l’on remette en cause ce crédit d’impôt recherche, qui est acté dans le pacte de compétitivité comme étant un élément très important de dynamisation de la recherche et de l’innovation. Vous avez évoqué des amendements qui, vous l’avez remarqué, ont été retirés ou n’ont pas été adoptés. Ne faisons donc pas peur au monde de l’entreprise, dont vous avez raison de dire qu’il a besoin de stabilité, en excipant de risques imaginaires.

Enfin, je veux rappeler un ensemble de mesures que nous avons prises et dire quelques mots sur la réforme de la fiscalité des entreprises. D’abord, parmi les mesures que nous avons décidées et qui figurent dans le PLF pour 2014, la réforme de l’imposition de la plus-value des valeurs mobilières n’est pas destinée à accompagner la spéculation, ni à faire en sorte que ceux qui placent leur argent dans les PME-PMI innovantes puissent bénéficier d’un bonus fiscal quelconque : elle a pour objet de créer les conditions pour que ceux qui restent au capital des entreprises innovantes après y avoir investi, qui prennent le risque d’accompagner l’innovation technologique, puissent bénéficier d’un dispositif d’abattement favorable, pour les conduire à investir et à demeurer au capital de ces entreprises. La réforme du régime de cotisations des jeunes entreprises innovantes et celle concernant le dispositif d’amortissement pour l’investissement en robots dans les entreprises, destinée à nous faire atteindre un niveau de productivité par la robotisation de la production comparable à celui de l’Allemagne, vont dans la même direction. Toutes ces mesures très positives figurent dans la loi de finances pour 2014. De même, la possibilité de mobiliser le programme des investissements d’avenir pour favoriser l’innovation technologique dans un certain nombre de secteurs s’inscrit dans cette perspective.

Vous avez évoqué la question de l’EBE et de la réforme de la fiscalité des entreprises, sujet sur lequel je veux revenir. Gilles Carrez a fait une proposition en la matière tout à l’heure, et le rapporteur général a également évoqué le sujet. Je veux profiter de l’interpellation d’Olivier Carré pour y répondre. Je crois que le président Carrez et le rapporteur général ont parfaitement raison lorsqu’ils considèrent qu’une bonne réforme de la fiscalité des entreprises ne peut se faire sans le concours du Parlement. Vous avez d’ailleurs réalisé, lorsque vous étiez dans la majorité, une réforme de la fiscalité des entreprises à travers la suppression de la taxe professionnelle : souvenez-vous à quel point la réécriture d’une loi hasardeuse, présentée par le gouvernement au Parlement, peut être utile, grâce à la mobilisation des compétences parlementaires qu’elle appelle.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. On avait fait un groupe de travail pendant huit mois.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je déduis de cela qu’un gouvernement a toujours intérêt à mobiliser les compétences parlementaires sur ces questions.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je confirme mon souhait que cela puisse se faire.

S’agissant du fond, tous les acteurs de l’entreprise – j’ai d’ailleurs participé à une réunion, organisée il y a quelques jours par Jean-Christophe Fromantin, qui en témoignait – vous diront, à raison, que la fiscalité pesant sur le chiffre d’affaires taxe les facteurs de production avant que le résultat de l’entreprise n’ait été constaté.

M. Alain Fauré. C’est vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Des entreprises ayant un chiffre d’affaires considérable et peu de résultat voient leurs facteurs de production taxés avant que le résultat ne soit constaté. Par conséquent, un bon dispositif fiscal est celui qui taxe après que le résultat et les marges ont été constitués plutôt que de toucher les facteurs de production. Par ailleurs, un bon impôt, qui se substituerait aux impôts de production, est aussi un impôt qui présenterait les caractéristiques que vous avez évoquées tout à l’heure : éviter l’optimisation fiscale d’un certain nombre de grands groupes qui dégagent des résultats très importants sans payer l’impôt sur les sociétés, faire en sorte que la fin de ce processus d’optimisation conduise les PME-PMI qui, elles, paient l’impôt sur les sociétés – parfois en prenant le risque de l’innovation – à en payer moins. Comme nous avons voulu engager cette réforme dès cette année, nous avons entendu cette demande qui nous était adressée d’une assiette large et d’un taux bas. C’est dans un deuxième temps que les chefs d’entreprise, au terme d’une concertation qui n’a jamais cessé, nous ont fait remarquer que le fait de ne pas inclure dans l’assiette les amortissements pouvait pénaliser l’investissement. Aussi avons-nous proposé qu’un amendement technique soit présenté à l’Assemblée nationale, qui permette de prendre en compte l’amortissement dans l’assiette, pour amorcer la réforme fiscale.

M. Alain Chrétien. Comme c’est bien présenté !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais non : concrètement, c’est bien cela que nous avons fait, passer de l’EBE à l’ENE, au terme d’une concertation continue avec le monde de l’entreprise. Monsieur le député, il est deux manières de faire cela : soit le Gouvernement considère qu’en ces matières il est omniscient, et qu’il peut engager, seul, une réforme fiscale, en se passant du concours de la représentation nationale comme des acteurs économiques : ce n’est pas ce que nous avons fait. Soit il fait un autre choix, qui est de travailler avec les parlementaires et le monde de l’entreprise, pour faire en sorte que nous parvenions à un bon compromis, permettant de bâtir une réforme avec l’esprit de consensus dont vous expliquiez tout à l’heure qu’il est nécessaire à la stabilisation du paysage fiscal : on choisit alors, ce qui est notre cas, une tout autre méthode. Dans le dialogue avec le monde de l’entreprise, nous avons décidé de nous donner du temps. Pourquoi ? Premièrement, parce qu’une bonne réforme est une réforme qui fait l’objet de plus de consensus que de dissensus. Deuxièmement, parce que nous devons créer les conditions d’une stabilisation du paysage fiscal : vous avez raison de dire qu’il faut s’y employer, pour que les entreprises connaissent une situation d’investissement sans risque et sans préjudice. Troisièmement, parce qu’il est important de le faire dans un contexte où nous devons redresser notre appareil productif et retrouver le chemin de la croissance.

Sur tous les sujets que vous avez évoqués, monsieur le député, je voulais vous apporter ces éléments de réponse, en espérant que les semaines et les mois qui viennent seront l’occasion d’approfondir nos échanges sur ces sujets.

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, radical, citoyen.

M. Dominique Lefebvre. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je ne ferai pas durer le suspense : nous voterons contre cette motion de renvoi en commission (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), d’abord parce que notre collègue Olivier Carré n’a avancé aucun argument qui devrait conduire à retourner en commission, où nous avons d’ailleurs passé ensemble 15 heures 30.

M. Jean-Pierre Gorges. Justement, c’était très bien !

M. Dominique Lefebvre. Le seul argument que je retiens est qu’il faudrait y revenir car le groupe socialiste, républicain et citoyen n’aurait pas arrêté ses positions sur le budget et ses amendements. Je vais vous décevoir, mon cher collègue : nos positions sont clairement affirmées et figurent dans nos amendements.

M. Thierry Mandon. C’est carré !

M. Dominique Lefebvre. Elles sont effectivement carrées. (Sourires.)



Plus sérieusement, je veux remercier notre collègue de son intervention, sur la forme comme sur le fond. Sur la forme, elle correspond à ce qu’on attend de la dignité du débat dans cet hémicycle, et c’est trop rare, notamment de la part des intervenants des groupes de l’opposition, pour ne pas être souligné.

Sur le fond, au-delà des désaccords manifestes exprimés au sujet des politiques à suivre, j’ai cru entendre et percevoir, puisque vous êtes sincère, inquiet de la situation de la France, un début de commencement de droit d’inventaire sur la politique qui a été menée. En vous écoutant, mon cher collègue, j’ai songé que, entre 2007 et 2012, au moment où les choix du précédent gouvernement ont conduit à l’accroissement des déficits publics, à ce chiffre astronomique de 600 milliards d’euros de dettes sur un seul quinquennat, votre sincérité avait dû assez souvent vous mettre mal à l’aise.

Nous reviendrons sur tous ces points lors de la discussion générale et de l’examen des articles. Je veux simplement répondre, et je m’adresse ici davantage à M. Mariton qu’à M. Carré,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le député !

M. Dominique Lefebvre. … que nous n’avons pour notre part aucune perte de mémoire et que nous saurons tout au long de ce débat vous rappeler à vos responsabilités et redire les raisons pour lesquelles nous mangeons en ce moment un pain non pas blanc mais noir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais simplement rappeler à la majorité que, à l’origine, ce projet de loi de finances pour 2014 créait un nouvel impôt sur l’excédent brut d’exploitation. Ce dispositif, qui représentait 2,5 milliards d’euros, a disparu comme par un coup de baguette de magique. Il a en réalité pris une autre forme : un amendement du Gouvernement prévoit désormais une surtaxe d’impôt sur les sociétés qui devrait rapporter un montant équivalent de ressources. Or aucune étude d’impact n’a été réalisée, alors que 2,5 milliards d’euros de charges supplémentaires vont peser sur les entreprises.

M. Jean-Pierre Gorges. C’est interdit, d’ailleurs !

Mme Marie-Christine Dalloz. Voilà un motif suffisant pour renvoyer le texte en commission et reprendre le travail sur le fond. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle une réunion de la commission des finances a été prévue demain matin.

Il y a également l’épisode de la TVA ; je serais tentée de dire la « saga » de la TVA. Quand on voit le nombre d’amendements concernant les taux de TVA, multiples et variés, c’est à ne pas s’y retrouver ! De grâce, essayons d’avoir un dialogue constructif, apaisé, et posons les choses. Arrêtez de tout diriger depuis Bercy. Même votre majorité ne s’y retrouve pas, monsieur le ministre ! Il y a aujourd’hui une incompréhension totale sur ce sujet.

Le dernier élément qui justifierait largement le renvoi en commission qu’Olivier Carré a défendu est le suivant : 72 % des Français jugent votre fiscalité trop lourde.

M. Luc Belot. Ce sont donc les sondages qui décident de votre opinion ? Je vous félicite !

Mme Marie-Christine Dalloz. On a beaucoup parlé de sondages lors de la précédente législature ; on peut tout de même en citer quelques-uns !

Lorsque vous parlez de justice fiscale, monsieur le ministre, vous n’êtes plus entendu du tout, car votre politique est marquée, non par la justice, mais par l’injustice fiscale. Au vu de tous ces éléments, il convient de réexaminer le projet de loi de finances pour 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Le groupe UDI votera pour le renvoi en commission, et ce pour deux raisons principales.

Premièrement, notre collègue Olivier Carré a raison de relever l’ensemble des mesures anti-familles qui figurent dans ce projet de loi de finances et qui remettent en cause la conception même de l’impôt sur le revenu et de la politique familiale.

M. Bruno Le Maire. Eh oui !

M. Charles de Courson. Chers collègues de la majorité, au rythme où vous allez, si on abaisse le quotient familial de 500 euros par an – vous le fixez à 1 500 euros en 2014 –, il aura disparu à la fin de la législature. Si tel est le cas, il faudra alors complètement refondre le dispositif.

M. Jean-Pierre Gorges. Très juste !

M. Charles de Courson. Je vous pose donc cette question, à laquelle jamais vous ne répondez : jusqu’où allez-vous descendre ?

Mais il y a également dans ce projet une mesure abominable, qui vous ruinera politiquement, plus profondément encore que vous ne l’êtes déjà : la fiscalisation de la majoration des pensions des parents d’au moins trois enfants. Contrairement à ce qui a été dit en commission, je rappelle que, dans les régimes spéciaux et les régimes de la fonction publique, la majoration atteint 25 % pour les parents de cinq enfants.

M. Pascal Cherki. Cinq enfants déclarés !

M. Charles de Courson. Vous allez donc augmenter d’un tiers le revenu imposable des veuves qui ont eu cinq enfants et qui ont travaillé ou dont l’époux a travaillé dans le secteur public – et je ne parle pas des autres, puisque les différents taux varient entre 5 % et 25 %. Par conséquent, avec 12 milliards d’euros d’impôts supplémentaires sur les ménages en 2014, après une hausse de 14 milliards d’euros en 2013, le ras-le-bol fiscal est général. D’ailleurs, tous les socialistes le reconnaissent ; en privé, certes, mais M. le ministre de l’économie et des finances, qui n’est pas là ce soir, a lui-même reconnu qu’il existait, ce qui a, paraît-il, indisposé une partie de ses collègues socialistes…

Mme la présidente. Veuillez conclure, cher collègue !

M. Charles de Courson. J’en viens à la deuxième raison qui justifie le vote de cette motion.

Mme la présidente. Vous avez deux secondes, monsieur le député. Votre temps de parole est épuisé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Gorges. Nous avons toute la nuit !

M. Charles de Courson. Il s’agit de la grave crise qu’on pourrait assimiler à un brouillage épistémologique (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC) sur la notion de bénéfice : on ne sait plus, dans ce gouvernement, ce qu’est un bénéfice

M. Luc Belot. C’est fini !

M. Charles de Courson. On a osé créer une taxe qui porte sur l’excédent brut d’exploitation…

M. Dominique Lefebvre. Et sur le chiffre d’affaires !

M. Charles de Courson. … et qui aboutit à taxer des déficits ; on a inventé les revenus inexistants ! C’est regrettable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste. Je rappelle que vous avez deux minutes pour vous exprimer, cher collègue.

M. Éric Alauzet. Cher collègue Olivier Carré, votre intervention invite au dialogue. Je vous remercie du ton que vous avez adopté et des réflexions que vous nous avez livrées. Certaines de mes interrogations sont semblables aux vôtres. Je souhaite, pendant les deux minutes qui me sont accordées, réagir à quelques-unes de vos questions.

Vous avez évoqué un dérapage ; pour ma part, je parlerai plutôt de dérapage contrôlé, car c’est bien entendu un choix du Gouvernement, de la majorité, de prendre un peu plus de temps pour réduire les déficits de façon à ne pas projeter notre pays dans les affres qu’ont connues les pays du sud de l’Europe.

M. Pascal Cherki. Voilà !

M. Éric Alauzet. La question du déficit structurel revient régulièrement. Celui-ci est en baisse, c’est certain, mais s’il est si difficile à réduire, peut-être devons-nous nous interroger sur les fondamentaux de notre économie, qui génère aujourd’hui de nombreuses externalités – sociales, environnementales ou sanitaires – que nous avons du mal à réduire. Quant à l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés, elle doit passer par la lutte contre les paradis fiscaux et le dumping qui y est pratiqué. L’union bancaire est également une nécessité.

Un point doit néanmoins être éclairci. Vous nous avez expliqué que, malgré les avantages consentis aux entreprises, ce qui est d’ailleurs critiqué ici et là, celles-ci subiraient une perte de 0,7 % sur leur bilan, ce qui me paraît tout de même assez étrange : pour éponger 20 milliards d’euros de crédits d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, il faut déjà y aller ! Cette affirmation doit donc être étayée, car elle me paraît peu crédible.

Enfin, vous avez raison d’évoquer l’instabilité, mais après des années de crise, il me semble que nous sommes maintenant en période d’atterrissage, et lors de l’atterrissage on tangue toujours un peu. Il faut donc se donner du temps. Il n’est pas surprenant qu’il y ait quelques hésitations. Vous en avez eu beaucoup, nous en avons encore un peu. Tout cela va se stabiliser. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt M. Olivier Carré défendre la motion de renvoi en commission. Il l’a fait pour des raisons d’ordre politique : il nous a exposé de manière très sincère et très juste, d’ailleurs, le débat politique sur telle mesure ou tel point de la situation budgétaire. Cela concerne donc davantage le débat en séance publique que le travail en commission.

Par ailleurs, il a soulevé une question absolument fondamentale : celle des taux d’intérêt. En effet, bien que le taux d’intérêt est ce qui conduit l’économie, on n’en parle jamais. Il a évoqué le taux de 4 %, mais nous n’en sommes pas très éloignés : les taux d’intérêt sur les bons du trésor américains à trente ans atteignent 3,76 %. Ces taux augmenteront également chez nous, et c’est déjà un peu le cas. La hausse des taux est d’ailleurs inévitable : ils sont bas aujourd’hui parce qu’on injecte chaque année par un quasi-doublement annuel des bilans de banques centrales des liquidités qui correspondent globalement à 10 % du PIB mondial. Cela ne peut donc pas durer aussi longtemps que les impôts. Par conséquent, les taux vont augmenter, et ce de manière terrifiante. Je vous laisse calculer ce que cela représente ; c’est astronomique ! Cette hausse ruinera en outre les banques, dont l’essentiel des réserves est constitué de bons du trésor à taux d’intérêt bas, ce qui entraînera des pertes colossales. En effet, quand la contrepartie des prêts est constituée de valeurs dont les taux sont bas, la hausse des taux présente un risque de pertes colossales.

M. Jean-Pierre Gorges. Il est perdu, le garçon !

M. Paul Giacobbi. Cela étant dit, ce débat, académique et pratique, est d’une importance colossale. Je ne vois cependant pas très bien ce que la commission pourrait ajouter sur le sujet. Si on prend en compte cette question dans l’élaboration du budget, celle-ci devient impossible. Par conséquent, le renvoi en commission est sans objet et nous ne le voterons pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Ah non ! Vous devez aller au bout de votre démonstration !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Je vous rappelle que les porte-parole des groupes interviendront demain après-midi, après les questions au Gouvernement.

La parole est à M. François Asensi, premier orateur inscrit.

M. François Asensi. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, les adeptes de la méthode Coué aperçoivent la reprise économique « au coin de la rue ». Nous aimerions que cela soit vrai, mais la réalité est tout autre. La crise du capitalisme financier perdure et s’amplifie. Les Français la ressentent de plein fouet et sont aujourd’hui dans une grande désespérance.

Comment nier la hausse de la pauvreté ? Elle concerne 8,8 millions de nos concitoyens, soit un million de plus qu’il y a dix ans. Voilà la régression sociale à laquelle conduisent les politiques libérales !

Comment nier la poursuite de la hausse du chômage ? Avec près de 11 % de chômeurs, nous sommes revenus à la situation de 1997. Je crains que le Gouvernement n’attende l’inversion de la courbe du chômage comme on attend Godot, faute d’avoir impulsé une politique de relance.

Comment nier qu’il n’y a jamais eu autant de destructions de sociétés ? Avec une hausse de 7,5 %, les liquidations judiciaires connaissent un rythme pas même atteint en 2009, au plus fort de la crise. Les plans sociaux s’accumulent, facilités par l’accord national interprofessionnel.

Ce marasme économique, voilà l’héritage d’années d’ultralibéralisme promues par la droite de cet hémicycle. Nous payons encore le prix de cette politique au service des plus riches.

Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, nous attendions du nouveau gouvernement qu’il réponde à la volonté de changement exprimée dans les urnes, qu’il engage la lutte contre la finance, cet ennemi de l’économie réelle. Cette attente avait été déçue. Elle est aujourd’hui totalement ignorée.

Monsieur le ministre, le Gouvernement s’engage à son tour dans la course folle à la compétitivité et à la baisse des salaires qui ne fait que des perdants, Allemagne comprise. Avec ce projet de loi de finances, votre majorité tourne définitivement le dos au projet social-démocrate pour embrasser l’idéologie libérale et « austéritaire » : réduction des services publics, baisse des salaires, injustice fiscale. Pourtant, partout en Europe, cette politique mène à l’impasse. La dette publique européenne est passée de 88 % du PIB l’an passé à plus de 92 %. C’est un échec cuisant qui montre qu’on fera baisser la dette non pas en comprimant les dépenses, mais en relançant l’activité.

Ce projet de loi de finances peut se résumer à un choix que nous contestons avec la plus grande fermeté : faire payer par les ménages les cadeaux fiscaux accordés aux grandes entreprises. Alors que le CAC 40 se soustrait à l’impôt sur les sociétés, supporté en réalité par les PME, vous entendez augmenter encore les exonérations des grands groupes qui délocalisent la main-d’œuvre et les profits, grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont la très faible efficacité pour créer de l’emploi est unanimement dénoncée, y compris par la Cour des comptes.

Les salariés qui luttent actuellement pour leur emploi n’en peuvent plus de la lune de miel entre le Gouvernement et le MEDEF. M. Gattaz a obtenu sans mal l’enterrement du projet de taxe sur l’excédent brut d’exploitation, une faveur qui s’ajoute au fait que la contribution des entreprises au financement de la réforme des retraites est nulle.

Partout dans le pays, la colère des Français est à la hauteur de l’injustice, une injustice fiscale que seule la droite avait osé imposer jusqu’à présent. En plus de créer de la désespérance, une telle convergence – il faut bien l’avouer – des options économiques de l’UMP et du PS brouille totalement les repères traditionnels de la droite et de la gauche, ce qui ouvre le champ à l’extrême-droite. N’est-ce pas une des explications de la poussée électorale du Front national ?

M. Jean-Luc Laurent. Non ! Cela n’a rien à voir !

M. François Asensi. Je ne vois pas la rupture avec le gouvernement précédent. Le maintien scandaleux du gel du barème de l’impôt en atteste : s’il a été voté par la droite, le Gouvernement a fait le choix désastreux de maintenir ce gel l’an dernier et nous en constatons les effets dévastateurs en cette rentrée, puisque près d’un million de Français sont nouvellement imposables.

Derrière les effets de seuil et les gels d’indice, n’oublions pas qu’il y a des familles dans le plus grand dénuement. Depuis la rentrée, beaucoup de nos concitoyens adressent des cris d’alarme aux élus locaux pour décrire leur détresse. J’en donnerai quelques exemples. Une veuve a vu son impôt passer de 0 à 1 500 euros sans que son revenu ait augmenté, simplement parce que sa fille a quitté le domicile familial. Une famille qui a changé de tranche d’imposition va ainsi perdre l’APL et subir la hausse des tarifs de la cantine et des activités des enfants. Une personne retraitée qui n’a jamais payé d’impôts devra s’acquitter pour la première fois de 200 euros et perdra en outre le bénéfice de sa carte Améthyste et de l’exonération de la taxe d’habitation et de la redevance télévision.

Il y a urgence, non seulement à dégeler ce barème pour 2014, mais aussi à revenir sur le gel de l’an dernier.

Je ne vois pas, en fait, la rupture avec le gouvernement précédent en ce qui concerne la hausse de la TVA, à savoir l’impôt le plus injuste qui soit. Certes, elle ne touchera pas les investissements des collectivités locales – c’est une sage décision. Mais elle touchera l’ensemble des ménages, freinera leur consommation et aggravera la spirale récessive. Augmenter la TVA, l’impôt le plus injuste, c’est porter atteinte à notre pacte social et fiscal. Non, monsieur le ministre, la hausse des impôts dans l’injustice n’est pas une politique de gauche !

Les parlementaires du Front de gauche ne vous comprennent pas. Nous demandons la suppression pure et simple de la hausse de la TVA prévue en janvier 2014. La révolte antifiscale, qui est aujourd’hui une réalité, se nourrit du matraquage du grand nombre pour épargner une poignée de nantis. Plus l’impôt est injuste, moins il est accepté. En anéantissant la progressivité de l’impôt, vous faites le jeu des ennemis de la solidarité. Comme en 1789, une majorité laborieuse paie pour une minorité oisive, celle des actionnaires et des banquiers. Comme en 1789, nous avons vraiment besoin d’une révolution fiscale.

Je ne vois pas non plus la rupture avec le gouvernement précédent si j’en juge d’après la poursuite de la baisse des dépenses pour les services publics ; 15 milliards en moins, c’est effectivement du jamais vu, mais il n’y a pas de quoi s’en féliciter ! Les Français vont payer plus d’impôts pour moins de services publics. Santé, économie, culture, ou encore écologie : beaucoup de secteurs essentiels seront touchés. Rappelons que les dépenses publiques représentent 22 % du pouvoir d’achat des Français.

Au premier rang des victimes de l’austérité figurent les collectivités territoriales, qui paieront un lourd tribut avec ce projet de loi de finances. La chute de 1,5 milliard des dotations aux collectivités aura des conséquences catastrophiques.

Cela se traduira tout d’abord par moins de croissance. Rappelons en effet que les collectivités territoriales supportent 75 % des investissements publics et sont le véritable moteur de l’économie française.

Cela se traduira également par une baisse du pouvoir d’achat des ménages. Beaucoup de collectivités n’auront d’autre choix que de baisser leurs prestations, d’augmenter leurs tarifs – ceux du périscolaire par exemple –, ou encore de renforcer les impôts locaux.

La Cour des comptes, gardienne des orientations de la Commission de Bruxelles, invoque un prétendu dérapage de leurs dépenses. C’est oublier que l’État a transféré de nombreuses compétences aux collectivités sans assurer leur financement. Un exemple symbolique : le département de la Seine-Saint-Denis est aujourd’hui en faillite. Il manque 80 millions pour boucler le budget de cette année, et ce sera encore pire encore l’an prochain.

La majorité gouvernementale a changé mais l’État doit toujours plus de 1 milliard à la Seine-Saint-Denis. Les impôts ont été relevés, les subventions aux associations ont été rognées, certaines n’ont toujours pas été versées et mettent des structures dans une grande difficulté financière.

La Cour des comptes exige moins d’agents. Mais alors, que faut-il fermer dans ce département ? Les services de la protection maternelle et infantile ? Les crèches ? Faut-il remettre en cause ces missions essentielles pour la population ?

Je rappelle que cette baisse des dotations aux collectivités se double d’un projet de loi recentralisateur créant les métropoles, lesquelles pilleront les ressources des villes et confisquent leurs pouvoirs aux élus.

En asséchant ainsi la démocratie locale, vous remettez en cause l’organisation républicaine des territoires. Vous risquez d’anéantir le rôle d’amortisseur social qu’endossent les communes et intercommunalités face à la crise. Ces métropoles plagieront les modèles de Londres ou Francfort, places fortes de la finance où prospèrent les inégalités et les plaies de la relégation des territoires.

En conclusion, je veux vous dire, monsieur le ministre, que nous suivrons avec attention les évolutions que connaîtra le projet de budget au cours de nos débats, sans illusion toutefois sur le parti pris libéral qui le caractérise.

M. Pascal Cherki. Oh !

M. François Asensi. En l’état, ce budget est à nos yeux inacceptable. Les Français n’ont pas fait confiance à la gauche en 2012 pour qu’elle renonce à changer la société. Plus que jamais, monsieur le ministre, il y a urgence à changer de cap et ouvrir des perspectives.

Pour les députés du Front de gauche, les immenses richesses qui sont créées dans notre pays doivent profiter au plus grand nombre.

Oui, il faut une révolution fiscale pour que la solidarité nationale soit enfin « également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », conformément à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Oui, il faut taxer les revenus du capital autant que ceux du travail. Comment accepter que l’argent qui dort génère plus de richesses que le travail des hommes et des femmes de ce pays ?

Oui, il faut taxer les transactions financières pour soumettre la finance aux États et aux peuples européens. La taxe Tobin n’est pas excessive ; elle est impérative.

Enfin, il faut renégocier les traités européens pour promouvoir un espace politique européen de paix et de progrès social.

C’est au prix de ces réformes courageuses que s’effectuera le redressement de la France que nous souhaitons de tout cœur.

M. Nicolas Sansu. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Thévenoud.

M. Thierry Mandon. Une fine lame !

M. Gérald Darmanin. Vous avez organisé la claque !

M. Thomas Thévenoud. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs, l’impôt, encore l’impôt, toujours l’impôt – on a l’impression que l’on ne parle que de ça. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérald Darmanin. En général, c’est ce que l’on fait lors du budget !

M. Thomas Thévenoud. À quoi sert un budget, mon cher collègue Darmanin ? Soit dit en passant, si l’idée nous venait de taxer la mauvaise foi, nous pourrions réduire le déficit plus vite grâce à vous !

M. Charles de Courson. Tiens, encore un impôt !

M. Thomas Thévenoud. À quoi sert un budget ? D’abord à affirmer des priorités budgétaires, que je rappellerai très simplement : jeunesse et emploi. Voilà en effet les priorités du gouvernement de la France et de cette majorité.

Je donnerai également quelques exemples simples : 7 000 postes créés dans l’éducation nationale ;…

M. Yann Galut. Eh oui ! Ça, c’est du concret !

M. Thomas Thévenoud. …le rétablissement de la formation des maîtres et des enseignants ; 270 000 places d’accueil en crèche pour la petite enfance ; un fonds d’amorçage pour l’excellente réforme des rythmes scolaires (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) ;…

M. Philippe Vigier. C’est de la provocation !

M. Gérald Darmanin. Tous nos acteurs ne sont pas partis en Russie !

M. Thomas Thévenoud. …l’augmentation de l’aide sociale aux étudiants, avec 55 000 bourses supplémentaires.

Il y a aussi la bataille pour l’emploi, car ce budget est celui qui va permettre d’inverser durablement la courbe du chômage. Je pense en particulier aux 150 000 emplois d’avenir.

M. Alain Chrétien. Il faudrait plutôt de vrais emplois !

M. Thomas Thévenoud. Dans mon département, la Saône-et-Loire, 641 ont déjà été créés sur les 849 prévus, dont la moitié dans le secteur marchand. Les emplois d’avenir, ça marche, grâce aux collectivités et aux associations, mais aussi grâce aux entreprises.

Des moyens supplémentaires sont également octroyés à Pôle emploi. Il faut également mentionner les contrats de génération.

À quoi sert encore un budget ? À encourager la croissance. La petite flamme de la reprise est là ; elle mérite d’être entretenue et la fiscalité ne doit pas être un étouffoir ou un éteignoir.

Je veux donner, pour illustrer mon propos, quelques exemples qui concernent la politique en faveur du logement, laquelle est un moyen de relancer l’activité sur nos territoires ruraux et urbains.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Très bien ! C’est tout à fait vrai !

M. Thomas Thévenoud. Ce sont la TVA à 5,5 % pour favoriser la construction et la rénovation de logements sociaux, la TVA encourageant la rénovation énergétique, mais aussi la TVA à 10 % sur le logement intermédiaire. Ce sont encore l’encadrement des loyers, le crédit d’impôt développement durable, sans oublier les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz – geste favorisant directement le pouvoir d’achat des ménages, à hauteur de 400 millions d’euros. Voilà des mesures concrètes en faveur de la croissance et donc aussi de l’emploi !

Il faut aussi évoquer les mesures concrètes en faveur de la justice sociale, tel le plan de lutte contre la pauvreté qui propose, après l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, une hausse du RSA.

Toutes ces mesures doivent être mises en regard des propositions qu’a faites le président UMP de la commission des finances,…

M. Philippe Vigier. De grande qualité !

M. Gérald Darmanin. Excellent !

M. Thomas Thévenoud. …M. Carrez, dans son contre-budget. Il propose de supprimer un certain nombre de minima sociaux. Il entend même supprimer des crédits destinés au SAMU social. Peut-être ne l’avons-nous pas assez dit.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Quelle imagination vous avez !

M. Thomas Thévenoud. Ce contre-budget est avant tout contre les Françaises et les Français, en particulier les plus modestes.

M. Yann Galut. Absolument !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Voilà un argument !

M. Thomas Thévenoud. À quoi sert, enfin, un budget ? À mettre la justice au cœur de la politique de la nation, ce qui suppose d’abord de lutter contre l’endettement, car la première injustice est de reporter sur les générations futures le poids de nos responsabilités. La dette est un impôt sur la naissance. Ce gouvernement et sa majorité se sont engagés à désendetter le pays. Il le faut, car un pays, pas plus qu’une famille, ne peut vivre éternellement à crédit.

J’en viens à l’impôt sur le revenu, dont on parle beaucoup. La droite a décidé de remettre en cause sa progressivité. Certains trentenaires de l’UMP proposent même…

M. Gérald Darmanin. Vous avez d’excellentes lectures !

M. Thomas Thévenoud. J’espère que vous n’en faites pas partie, monsieur Darmanin !

Certains trentenaires de l’UMP, disais-je, ont même proposé de supprimer purement et simplement l’impôt sur le revenu en France. Voilà donc la dernière proposition en date de l’UMP, et ce alors que nous fêterons l’an prochain le centième anniversaire de cet impôt.

M. Thierry Mandon. Belle proposition en effet !

M. Gérald Darmanin. À force de descendre aussi bas, vous allez finir par trouver du gaz de schiste, monsieur Thévenoud !

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Thomas Thévenoud. Nous avons décidé, au contraire, de renforcer la progressivité de l’impôt sur le revenu. Je veux rappeler la création, l’an dernier, de la nouvelle tranche à 45 % pour les revenus au-delà de 150 000 euros, de même que la mise au barème de cet impôt des revenus du capital.

Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Thomas Thévenoud. Oui, il faut remettre la justice au cœur de notre système fiscal. Cela veut dire aussi qu’il faut mener une lutte déterminée, je dirai même acharnée, contre la fraude et l’optimisation fiscales, contre les grands groupes (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI),…

M. Yann Galut. Eh oui ! Ce sont des fraudeurs, tout simplement !

M. Thomas Thévenoud. …qui s’enorgueillissent aujourd’hui d’optimiser par le biais d’un certain nombre de sociétés écrans et de se détourner des obligations fiscales, lesquelles reposent sur nos concitoyens.

Mme la présidente. Merci, monsieur le député !

M. Thomas Thévenoud. Le consentement à l’impôt, c’est la justice fiscale ; c’est demander à nos concitoyens des efforts justes et faire en sorte que ces efforts soient partagés aussi par les plus grandes entreprises de ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Baroin.

M. Pascal Cherki. On va voir s’il reste encore un gaulliste à l’UMP !

M. François Baroin. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, mes chers collègues, si l’on part du principe que tout procède du budget – c’est-à-dire définir les politiques publiques, affecter les financements, souligner l’effort contributif demandé aux uns et aux autres, fixer un cadre et une méthode, définir des objectifs et souligner le calendrier dans lequel on doit les inscrire –, le moins que l’on puisse dire est qu’il y a une invraisemblable part d’improvisation dans la préparation de cette loi de finances pour 2014.

Sur la forme, d’abord, monsieur le ministre, vous savez que je vous tiens en haute estime ; je respecte votre fonction, mais aussi l’énergie avec laquelle vous essayez de définir un cadre budgétaire de qualité pour 2014. Cependant, vous avez un problème d’entourage – naturellement, je ne parle pas des excellents conseillers, des grands serviteurs de Bercy qui sont auprès de vous.

En effet, si l’on regarde bien la piste d’atterrissage de cette loi de finances…

M. Charles de Courson. À vrai dire, cela n’a jamais vraiment décollé !

M. François Baroin. …force est de reconnaître que les choses ont fort mal commencé, avec les déclarations proprement stupéfiantes du ministre des finances, lequel a évoqué un problème de ras-le-bol fiscal. On tombe vraiment de l’armoire quand on entend cela !

Ensuite, le Président de la République lui-même – vous n’avez pas de chance, monsieur le ministre du budget – a évoqué une pause fiscale pour 2014. On ne choisit pas son Président de la République, même si, lui, il choisit son ministre du budget.

Dieu merci, vous avez donné votre copie au Premier ministre. Celui-ci a lu votre budget et a compris que la pause fiscale était non pas pour l’année prochaine, mais pour l’année suivante. Quoi qu’il en soit, c’est là la preuve d’une improvisation assez perturbante et troublante.

Sur la forme encore, je voudrais aussi souligner la mortalité infantile dans ce gouvernement, qui est très élevée et atteint même des niveaux records.

L’an dernier, votre prédécesseur nous a présenté une réforme sur la taxation des plus-values sur les cessions de titres. Ce projet a presque immédiatement avorté. Devant la difficulté de nouer le dialogue sur ce sujet, la disposition a été remisée au placard au printemps, avant de ressortir cette année, mais – c’est un point à souligner – par un chemin opposé à celui par lequel elle était arrivée. Cette année, vous avez sorti l’idée consistant à prendre en compte l’excédent brut d’exploitation. Devant le tollé général, c’est finalement l’excédent net d’exploitation qui est retenu.

Je ne sais si c’est là votre créature, mais force est de constater qu’elle échappe à son maître. C’est en effet une donnée fiscale d’une nature étrange, qui va aboutir in fine à une surtaxe de l’impôt sur les sociétés, laquelle va porter la fiscalité des entreprises en matière d’impôt sur les sociétés à un niveau jamais atteint : entre 38 % et 40 %. Est-ce ainsi, en vous mettant à dos toutes les entreprises par l’adoption d’un taux qui est désormais le plus élevé d’Europe, que vous espérez inverser la courbe du chômage ? La méthode est curieuse

Deuxième élément de réflexion – cinq minutes, c’est peu pour souligner tous les points importants –, c’est un budget dépressif, et ce dans tous les sens du terme.

Il l’est pour les particuliers,…

M. Charles de Courson. Et pour les familles !

M. François Baroin. …puisque, comme l’a excellemment rappelé le président de la commission des finances, 12 milliards sont prélevés sur ces contribuables pour l’exercice 2014.

Il l’est aussi pour les familles, naturellement, puisque le niveau des prélèvements obligatoires est désormais le plus élevé d’Europe. Cessons d’ailleurs la course aux mots : comment ne pas qualifier de prélèvement obligatoire une cotisation sociale obligatoire ? Par définition, les prélèvements obligatoires sont l’addition des impôts, des taxes et des cotisations sociales et patronales. Ce sont d’ailleurs eux qui font désormais de la France, grâce à vous, avec ce budget pour 2014, le pays le plus taxé en Europe.

M. Pascal Cherki. Oh !

M. François Baroin. Enfin, ce budget est dépressif pour l’ensemble de la collectivité nationale puisque ce taux de prélèvement obligatoire ajouté à un très insuffisant effort sur les dépenses nous place sous le regard désapprobateur de nos partenaires.

Je regrette profondément que vous n’utilisiez pas deux jokers exceptionnels qui sont entre vos mains et que n’avions pas lorsque nous étions aux affaires.

Le premier s’appelle Draghi, prénommé Mario, en l’occurrence « Super Mario » puisqu’à l’été 2012, pour sauver l’Italie, il a fait en sorte que la Banque centrale européenne soit le prêteur en dernier ressort des États en difficulté. Nous aurions voulu qu’il en soit ainsi pour nous, mais ce ne fut pas le cas. Vous bénéficiez de cette évolution, mais vous n’en faites pas grand-chose.

Votre second joker siège à la Commission de Bruxelles et s’appelle Olli Rehn. Il vous donne deux ans de plus, jusqu’en 2015, pour ramener le déficit à 3 %. Malheureusement, vous gardez ces deux jokers dans votre main sans en faire grand-chose, alors que vous devriez profiter de ces deux années pour engager des réformes structurelles. Vous en avez deux en haut de la pile : l’une sur le coût du travail, l’autre sur la réforme des retraites.

En matière de coût du travail, vous évoquez le crédit d’impôt compétitivité emploi. Mais Didier Migaud lui-même, Premier président de la Cour des comptes, a affirmé devant la commission des finances, il y a trois semaines, que le CICE n’était pas une baisse du coût du travail, mais la création d’une nouvelle niche fiscale qui fait déjà l’objet de détournements entre les clients et les fournisseurs.

M. Charles de Courson. Et il y en a pour 80 milliards !

M. François Baroin. Quant à votre réforme des retraites, elle se résume à une hausse des cotisations, ce qui conduira à augmenter encore les prélèvements obligatoires.

Pour toutes ces raisons, je regrette ce projet de loi de finances, sa forme et ses objectifs. Vous avez manqué l’occasion d’afficher une ambition élevée et d’entreprendre des réformes exigeantes. En définitive, ce budget ne fait qu’épaissir le brouillard dans lequel vous entraînez désormais notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Pascal Cherki. La retraite à 70 ans, voilà la solution !

Mme la présidente. Je vous remercie d’avoir respecté votre temps de parole, mon cher collègue.

La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de finances, le deuxième du quinquennat de François Hollande, constitue à nos yeux une épreuve de vérité.

Vérité sur la sincérité des engagements de la majorité et la réalité de son bilan, vérité sur l’absence de cap qui caractérise la politique du Gouvernement.

Alors que toutes les cartes sont aujourd’hui sur la table, je le dis avec force, ce budget est entaché d’un mensonge qui nuit à la crédibilité de l’action publique !

Mensonge, car ce projet de loi de finances tourne le dos à la pause fiscale maintes fois promise à une France pourtant éreintée par l’impôt, promesse du Président de la République, du Premier ministre et du ministre du budget.

Ce budget est l’acte de décès de cette promesse solennelle de François Hollande.

Il prévoit ainsi une nouvelle purge fiscale de 20 milliards d’euros qui viendra nourrir encore le « ras-le-bol fiscal » dénoncé régulièrement par Pierre Moscovici.

Ce projet de loi de finances est également marqué par une série d’échecs.

Monsieur le ministre, vous reprochez à la précédente majorité, à juste titre d’ailleurs, d’avoir trop augmenté les impôts.

Ce que nous vous reprochons, c’est d’avoir augmenté trois fois plus les impôts en deux ans que nous en cinq.

Ce que nous vous reprochons, c’est le fait que ces 54 milliards d’euros d’impôts supplémentaires n’aient servi à rien, ou à si peu.

Ces nouveaux impôts n’ont eu aucun effet durable et massif sur la hausse du chômage ; ils n’ont fait qu’aggraver la courbe du chômage et détruire de nouveaux emplois : 1 000 chômeurs de plus par jour sont ainsi à mettre à votre actif depuis dix-huit mois.

Ces impôts ne vous ont pas permis non plus d’atteindre vos objectifs de croissance – qui étaient de 1,7 % pour 2013 – ou de réduction des déficits publics – puisque vous n’atteindrez pas l’objectif des 3 % prévu dans l’engagement n9 de François Hollande – ni même de contenir l’explosion de la dette, qui atteindra bientôt le niveau record de 95 % du produit intérieur brut.

Ils ont même renforcé le sentiment d’injustice, d’incompréhension et de défiance des Français qui, en dépit des promesses de Jean-Marc Ayrault, ont bien tous été victimes de cette purge fiscale.

Ce sont neuf Français sur dix qui sont concernés par vos hausses d’impôts, plutôt qu’un sur dix – et je ne parle pas des 900 000 nouvelles personnes assujetties à l’impôt.

Renoncement, enfin, puisque ce projet de loi de finances ne prévoit aucune réforme ambitieuse et structurelle pour préparer la France à la sortie de crise.

C’est sur ce dernier point que je concentrerai mon intervention, car, mes chers collègues de la majorité, je note qu’une fois encore, une fois de plus, une fois de trop, allais-je dire, vous êtes fâchés avec la compétitivité de nos entreprises.

Louis Gallois avait pourtant dressé un constat juste et fait des propositions fortes pour baisser le coût du travail.

La part de l’industrie dans la valeur ajoutée totale, en France, est passée de 18 %, en 2000, à un peu plus de 12 % en 2011, nous situant désormais à la quinzième place parmi les dix-sept pays de la zone euro, loin derrière l’Italie, la Suède ou encore l’Allemagne.

L’emploi industriel s’est également continuellement dégradé : la France a ainsi perdu plus de 2 millions d’emplois industriels en seulement trente ans.

L’affaiblissement de l’industrie française se traduit par des pertes de parts de marché considérables à l’exportation : l’écart de parts de marché entre la France et l’Allemagne s’est progressivement creusé d’environ 250 milliards d’euros, soit 13 % de notre produit intérieur brut.

Quel est votre bilan en matière de compétitivité ?

Le crédit d’impôt compétitivité et emploi représente, certes, un allégement de charges de 20 milliards avec une montée en charge progressive sur trois ans, mais entre-temps, vous avez décidé d’alourdir la fiscalité des entreprises de 14 milliards d’impôts supplémentaires et de les priver de 13,2 milliards d’allégements de charges en supprimant la TVA sociale.

Vingt-sept milliards de punition fiscale pendant trois années : chacun aura compris que vous avez rendu votre CICE inopérant !

Alors que la TVA sociale entraînait purement et simplement une baisse des charges des entreprises – je me souviens d’ailleurs, monsieur le rapporteur général, que vous vouliez aller au-delà de 20 %, vous étiez même favorable à 20,4 % –, le CICE a un fonctionnement quelque peu compliqué, de sorte qu’à ce jour, seuls 800 millions d’euros ont été débloqués sur des demandes de préfinancement. La seule mesure de compétitivité que vous nous proposez aujourd’hui, c’est la suppression d’un impôt initialement prévu par ce projet de loi de finances, la taxe sur l’excédent brut d’exploitation, pour le remplacer par une taxe sur l’impôt sur les sociétés, puisque celle sur l’EBE est mort-née.

En d’autres termes, la mesure phare de ce budget pour nos entreprises consiste à remplacer la création d’un nouvel impôt délirant par l’augmentation d’un impôt existant.

Où en sommes-nous ? Le taux de l’impôt sur les sociétés est porté à 38 %. Premier de la classe, monsieur le rapporteur général : voilà une idée lumineuse pour soutenir nos entreprises ! Je souhaite d’ailleurs ici transmettre mes encouragements à la porte-parole du Gouvernement, qui devra expliquer que cette décision constitue une avancée notable.

La moyenne européenne des taux d’imposition sur les revenus des sociétés s’établit à vingt-trois points au sein de l’Union européenne.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et quelle est l’assiette ? Carré a parlé de l’assiette, lui !

M. Philippe Vigier. La France enregistre le taux le plus fort – 36,1 % – auquel vous ajoutez la surtaxe que vous venez de créer. Cette taxe fera par ailleurs une victime collatérale, que vous aviez probablement oubliée et que je souhaite rappeler à votre bon souvenir, monsieur le rapporteur général.

Moi qui suis un lecteur assidu du programme de François Hollande, je me souviens qu’il s’engageait, dans son engagement n3, à créer trois niveaux d’imposition sur les sociétés : 35 % pour les grandes, 30 % pour les petites et moyennes, 15 % pour les très petites. Promesse enterrée !

Le groupe Union des Démocrates et Indépendants estime qu’il est essentiel de soutenir massivement nos entreprises pour enrayer durablement la spirale du chômage, aussi ne nous contenterons-nous pas de dénoncer vos erreurs et de combattre vos choix.

Nous souhaitons vous interpeller sur deux propositions que nous porterons dans un esprit constructif afin que ce projet de loi de finances ne constitue pas une nouvelle occasion manquée pour la compétitivité de notre pays. Nous proposons – tout comme l’a fait une députée socialiste, d’ailleurs – d’instaurer un taux plancher d’impôt sur les sociétés, fixé à 15 %, pour mettre en place un impôt minimum et créer un appel d’air pour les PME-PMI.

M. Thierry Mandon. Et comment paie-t-on ?

M. Philippe Vigier. Nous avons appris ce matin que plus de 13 000 entreprises ont disparu au mois d’août. Cette mesure permettrait de combler le manque à gagner qui résulte de l’optimisation fiscale frénétique des grands groupes tout en allégeant la pression fiscale sur les très petites et sur les petites et moyennes entreprises qui sont les poumons de notre économie.

Nous proposons également d’étendre le dispositif de l’amortissement fiscal accéléré prévu à l’article 12 pour les robots industriels nouveaux. Cette mesure va dans le bon sens, mais elle manquera de souffle. C’est pourquoi nous vous proposons d’aller plus loin. Rappelons que le taux d’autofinancement des investissements s’élève à 64 % en France, contre 90 % en moyenne dans la zone euro. Nous proposons donc que cette mesure soit, de manière temporaire, généralisée à l’ensemble des investissements réalisés par les TPE et PME.

M. Christian Eckert, rapporteur. Rien que cela !

M. Philippe Vigier. À vous de choisir, monsieur le rapporteur général ! Vous pouvez décider de tout faire pour les grandes entreprises ; nous, nous préférons soutenir les PME et les PMI.

Le but de cette mesure est simple : alléger les impôts des entreprises qui investissent. Laurent Fabius, l’un des vôtres, avait d’ailleurs pris une mesure similaire destinée à majorer de 30 % les dotations aux amortissements des biens éligibles à l’amortissement dégressif, lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances. Gerhard Schröder avait également pris une telle décision dans le cadre de son agenda 2010.

M. Pascal Cherki. Que des victoires aux élections, ensuite !

M. Philippe Vigier. En tout cas, les résultats sont au rendez-vous ! Vous m’accorderez, monsieur Cherki, que ceux de l’Allemagne sont meilleurs que les nôtres.

Pour conclure, je m’opposerai avec détermination à ce projet de loi de finances qui ne prévoit rien en ce sens et qui englue la France dans la crise. Vous nous aviez demandé de vous donner du temps, et nous avions pris date. Aujourd’hui, force est de constater que les résultats ne sont pas au rendez-vous.

Nous soutiendrons néanmoins les mesures qui permettraient d’apporter la réponse, vitale et tant attendue, au déclin industriel et à la désespérance qui frappe un nombre de chômeurs chaque jour plus important. C’est le sens de ces deux propositions fortes que j’ai formulées au nom du groupe Union des Démocrates et Indépendants, et auxquelles j’espère que cette assemblée souscrira. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, notre majorité est aux responsabilités depuis un an et demi et nous présentons notre deuxième budget après avoir dû prendre des mesures rectificatives d’urgence dès septembre 2012. En effet, nous avons été amenés à faire face à un héritage désastreux se traduisant par un déficit public abyssal, un endettement atteignant un niveau à la limite du supportable menaçant ainsi notre souveraineté nationale, une économie atone et un chômage en progression inexorable !

Les mesures qui ont été prises dès septembre 2012 ont rapidement porté leurs fruits. Le budget 2013 a ainsi confirmé les orientations que nous avions actées. Nous avons, certes, demandé des efforts à nos concitoyens mais, contrairement à la précédente majorité, ces derniers se font dans la justice et l’équité, conformément à nos engagements pris lors des élections présidentielle et législatives de 2012.

Nous entrons maintenant dans une nouvelle phase de notre action, afin de parachever le redressement engagé, ce qui nous permettra de revenir à l’équilibre structurel d’ici à la fin du quinquennat.

Rappelons que le déficit public était de 5,3 % du PIB en 2011, de 4,8 % en 2012, de 4,1 % en 2013. En 2014, il sera de 3,6 %, selon des prévisions de croissance prudentes et crédibles estimées à 0,9 %, en ligne avec le consensus des économistes de septembre 2013 et les principales organisations internationales telles que le FMI et l’OCDE.

Ce budget 2014 est placé sous le sceau des économies qui atteignent un niveau sans précédent de 15 milliards d’euros. À titre de comparaison, la RGPP menée par le précédent gouvernement devait représenter 10 milliards d’euros d’économies sur trois ans. Pour la première fois depuis longtemps, le taux des prélèvements obligatoires sera stabilisé.

Les objectifs du budget 2014 sont donc clairement définis : cap sur la croissance, l’emploi et un nouveau développement des solidarités.

Nous retrouverons la croissance grâce aux budgets de la recherche, au plein effet du CICE, dont j’aurais souhaité personnellement qu’il soit concentré sur les entreprises industrielles et commerciales et les seuls services aux entreprises soumis à la concurrence internationale en dehors de la distribution, ce qui aurait considérablement renforcé la compétitivité de notre économie.

Croissance et compétitivité également à travers l’élaboration de la prochaine génération des contrats de plans État-région.

Le soutien à l’investissement et à l’innovation, piliers de notre croissance, sera renforcé par la création du PEA-PME, l’extension de l’éligibilité aux PME innovantes de l’exonération de charges sociales et l’amortissement dégressif pour favoriser les investissements dans des équipements robotiques.

M. Pascal Cherki. C’est vrai !

M. Marc Goua. Ce projet de loi de finances poursuit également les efforts décidés par le Président de la République en faveur de la jeunesse et de l’emploi. En effet, d’ici à la fin 2014, 150 000 emplois d’avenir seront créés, 100 000 contrats de génération seront signés et 340 000 contrats aidés seront consolidés dans le secteur non marchand.

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. Marc Goua. Ces mesures sont complétées par une action ciblée sur l’éducation et la formation, par la création de postes dans l’éducation nationale et les universités, couplée aux investissements d’avenir, d’un montant de 2,2 milliards, consacrés à la recherche fondamentale et technologique.

Enfin, le financement de l’apprentissage, la refonte de la formation professionnelle ainsi que le renforcement humain et financier de Pôle emploi signent l’engagement total de notre majorité dans la lutte contre le chômage.

Quant au développement des solidarités, il sera assuré grâce aux mesures suivantes : 31 000 postes dans le service civique, croissance de l’AAH de 3 % après une majoration de 1,75 % au 1er  septembre, revalorisation du RSA de 2 % au 1er  septembre 2013, ainsi que le financement des dispositifs de médiation familiale et des réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents par la CNAF.

S’agissant des collectivités territoriales – cela n’a pas été tellement signalé –,

on note une augmentation de la péréquation verticale de 119 millions d’euros répartis entre la DSU, la DSR et la dotation nationale de péréquation, tandis que la péréquation horizontale, à travers le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, progressera de 210 millions d’euros.

Dans le même temps, les collectivités territoriales ne seront pas exonérées et participeront à l’effort de maîtrise indispensable des dépenses publiques. C’est la parfaite illustration de l’effort collectif dans l’équité, véritable fil rouge de ce budget pour 2014. Ce projet accompagne également la transition énergétique, elle-même vecteur de croissance et d’emplois à travers les incitations fiscales et les aides en faveur de la rénovation thermique, notamment.

Les objectifs de construction de logements sociaux assureront ainsi à la fois les plans de charge du secteur du bâtiment tout en protégeant nos concitoyens de la précarité énergétique. La réindexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation ainsi qu’une revalorisation, plusieurs fois citée, de la décote de 5 % au-delà de l’inflation vont restituer plus d’un milliard d’euros de pouvoir d’achat à nos concitoyens.

Mme la présidente. Je vous remercie de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Marc Goua. En conclusion, nous soutiendrons donc bien évidemment ce projet de budget, jugé sincère et crédible par Bruxelles. Il s’inscrit dans les objectifs de redressement des finances publiques et jette les bases d’une croissance économique durable et créatrice d’emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Madame la présidente, je ferai deux remarques rapides sur le contexte de crise mondiale dans lequel s’inscrit ce budget et sur la compétitivité française dans ce contexte. Il est vrai que je suis un lecteur du Financial Times, comme me l’a rappelé M. le président de la commission des finances, mais nous ne pouvons pas nous intéresser uniquement à ce qui se passe en France. Nous devons également savoir ce qui se produit ailleurs, car cela peut bouleverser les conditions d’exécution de ce budget à un point que nous mesurons mal

En 2007, je disais ici que l’on rêvait en croyant que la crise financière américaine ne toucherait pas la France. Six ans après, nous voilà à nouveau au bord de l’abîme sans que ni nous ni les autres n’ayons fait ce qu’il fallait pour éviter d’y tomber. On évoquait précédemment, suite aux remarques de M. Olivier Carré, le risque des taux d’intérêt. Celui-ci est réel et immense. Il n’y a qu’en France que l’on pense que les taux d’intérêt resteront bas.

Le monde entier soutient qu’il est impossible d’augmenter les bilans des banques centrales à l’infini. Au reste, Mme Janet Yellen, aux États-Unis a notamment pour mission d’essayer d’atterrir sans provoquer la récession, de freiner sans aller dans le mur, mission au demeurant impossible à laquelle M. Bernanke, son prédécesseur, a renoncé parce qu’il ne voulait pas en assumer les conséquences.

Par ailleurs, les Trésors publics ne peuvent pas augmenter sans fin et sans limite l’encours astronomique de la dette. Celle des États-Unis va atteindre ces jours-ci 16 800 milliards de dollars et dépassera sans doute cette somme, à moins que le crédit ne soit brusquement remis en cause, ce qui provoquerait une hausse immédiate des taux d’intérêt à un niveau inouï et une crise bancaire.

Dès lors, quand j’entends dire que le fait de passer de 0,1 à 0,2 % de croissance ou d’atteindre 0,9 % serait un signe encourageant, je ne comprends pas de quoi on parle. Nous sommes au bord de l’abîme et, jusqu’à preuve du contraire, je ne sais pas comment nous allons y échapper.

Qu’a-t-on fait, au plan mondial, pour éviter cela ? Depuis six ans, on parle de régulation bancaire. Mais je citerai un seul exemple. Aux États-Unis, la règle d’interdiction des opérations pour compte propre des banques – la fameuse Volcker Rule – a été votée il y a trois ans dans le Dodd-Frank Act. Croyez-vous qu’elle s’applique aujourd’hui ? Pas du tout : les modalités d’application ne sont pas encore en place. M. Volcker a pris sa retraite définitive, et nous en restons là.

Nous nous trouvons dans une situation dans laquelle la liquidité des banques a été considérablement augmentée, sans qu’aucune règle sérieuse ne freine ce processus, au contraire !

Par ailleurs, il est vrai que les politiques budgétaires restrictives existent, notamment en Europe, mais elles n’ont pas à tout le moins démontré leur efficacité à court terme. Rogoff et Reinhart, que citait M. Carré, ont reconnu quelques erreurs, mais leur raisonnement n’est pas fondamentalement faux.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le raisonnement n’est pas faux, c’est exact !

M. Paul Giacobbi. En tout cas, le retour à la croissance n’est jusqu’à présent pas garanti par une politique budgétaire rigoureuse. Voilà les remarques que l’on peut faire sur le contexte, qui est relativement terrifiant et inquiétant. Il n’empêche que l’on ne peut pas totalement le prendre en compte dans le budget. Le Gouvernement est bien obligé de faire avec ce qu’il a.

Ma seconde remarque porte sur la compétitivité. L’obligation de compétitivité s’est considérablement accrue avec la crise. Il ne s’agit pas, en effet, de revenir à la bonne compétitivité d’avant la crise. Des pays comme l’Italie ou même l’Espagne ont de facto retrouvé une compétitivité considérable par la force des choses. Pour la première fois, en France, nous avons un gouvernement, un gouvernement de gauche, qui prend à bras-le-corps le problème et qui agit au lieu de se contenter de parler.

Je suis très sincère. C’est tout de même une évolution fondamentale. On peut, et on doit sans doute critiquer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ; on peut l’améliorer. Il n’en demeure pas moins que c’est la première manifestation concrète d’un nouvel état d’esprit tout à fait favorable. Le Gouvernement entreprend, dans le même temps, la réindustrialisation du pays. Il ne se contente pas d’en parler, il essaie de la planifier et de l’organiser, et c’est extrêmement positif.

Toutefois, et je le dis très clairement, ces avancées considérables s’accompagnent de reculs inquiétants dans les discours et dans les faits. La mise en cause permanente et absurde du crédit impôt recherche est un signal très négatif dès lors qu’il s’agit de la disposition la plus favorable – j’allais dire la seule – à l’innovation de tout notre arsenal législatif et fiscal.

Mme la présidente. Merci de conclure, mon cher collègue !

M. Paul Giacobbi. Je conclus, madame la présidente. J’espère que le Gouvernement restera ferme sur ce point, comme le Président de la République s’y est engagé. Par ailleurs, je ne rappellerai pas la tentative de taxer l’EBE. Elle a avorté et c’est heureux. L’IVG de l’EBE, si j’ose dire, a été une excellente chose et j’espère qu’une telle tentative ne se renouvellera pas.

Je dirai, enfin, un mot sur la Corse pour remercier, par avance, le ministre du budget.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Bachelay.

M. Guillaume Bachelay. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2014 conforte le cap de la législature : un chômage durablement réduit et des comptes publics rétablis. Le rythme, c’est le redressement puis le dépassement, la production pour la répartition.

Quant aux priorités, j’en compte trois principales.

Je citerai, d’abord, l’investissement productif et la croissance durable. L’arsenal des mesures déjà engagées – Banque publique d’investissement, pacte de compétitivité, filières industrielles notamment – est complété, entre autres, par le plan épargne en actions pour les PME et le soutien accru aux jeunes entreprises innovantes. En outre, 12 milliards d’euros seront affectés au nouveau programme d’investissements d’avenir, dont la moitié dédiée à la transition énergétique. La croissance durable suppose aussi que la fiscalité contribue à modifier nos modes de production et de consommation. C’est le sens de la contribution climat-énergie et du taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation thermique dans les logements. Oui, nous affirmons l’impératif productif pour embaucher, investir, innover, exporter.

C’est pourquoi les prélèvements qui pèsent sur les entreprises baisseront globalement en 2014. Des assises, si j’ai bien compris, doivent rendre plus intelligente la fiscalité qui pèse sur elles. Cela passera par la stabilité et la visibilité, mais aussi, je le crois, par le basculement des impôts sur la production, lesquels sont anti-économiques, vers des impôts sur le résultat, qui sont plus justes et permettent de mieux lutter contre l’optimisation fiscale. Alors, de grâce, rangeons les cartons jaunes et les cartons rouges quand il s’agit de faire carton plein pour l’emploi et la croissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le deuxième pilier, c’est le financement des priorités des Français. Pour l’emploi, outre le soutien à la croissance, sont prévues la création, d’ici à fin 2014, de 150 000 emplois d’avenir et la signature de 100 000 contrats de génération. Deux mille agents supplémentaires rejoindront Pôle emploi pour toujours mieux accompagner les demandeurs d’emploi. Pour consolider les services publics, près de 11 000 recrutements sont prévus dans l’éducation nationale, la justice, la police et la gendarmerie.

M. Alain Chrétien. Avec quel argent ?

M. Guillaume Bachelay. Pour le pouvoir d’achat, sont notamment envisagées la revalorisation du RSA, la « garantie jeunes », la réindexation du barème de l’impôt sur le revenu sur le coût de la vie après l’impact du gel Fillon décidé en 2011, mesures financées, entre autres, par la taxation à 75 % des très hauts revenus ou encore la réforme des droits de succession.

Pour aller plus loin, les députés du groupe SRC souhaitent une hausse de 4 % du revenu fiscal de référence, qui rendrait possible plusieurs exonérations de prélèvements pour les foyers modestes : taxe d’habitation, taxe foncière, CSG, contribution à l’audiovisuel publique. Outre le financement prévu de 55 000 bourses, nous souhaitons également le maintien de la réduction d’impôt pour frais de scolarité pour les parents d’enfants scolarisés dans le secondaire ou le supérieur.

La troisième priorité, c’est le redressement continu des comptes publics, condition indispensable de notre souveraineté. L’opposition prétend que les déficits dérapent : elle confond le présent et son bilan. Je constate, au contraire, que les déficits diminuent. Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, de 5,3 % en 2011, ils passeront à 4,1 % cette année et atteindront 3,6 % en 2014. L’an prochain, les efforts reposeront sur 15 milliards d’euros d’économies, dont 9 milliards réalisés par l’État et ses opérateurs.

Pour la première fois sous la VRépublique, les dépenses de l’État, hors charge de la dette et des pensions, baisseront de 1,5 milliard d’euros de façon sélective et équilibrée, sans que soit altéré le financement de nos priorités. Quant à la pression fiscale, cela a été également rappelé, elle ne croîtra que de 0,15 point. C’est la mandature sérieuse après la législature dispendieuse !

Cette législature UMP, mes chers collègues, ne remonte pas aux calendes grecques : elle a pris fin voilà seulement dix-huit mois. Chacun se souvient qu’elle commença par le bouclier fiscal pour les plus hauts revenus, qu’elle déboucha sur une trentaine de taxes en cinq ans et qu’elle s’acheva par une baisse de l’ISF privant, à l’époque, le budget de l’État de près de 2 milliards d’euros de recettes. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe SRC.) M. Fillon, qui co-décida cette politique du début à la fin, lorsqu’il invoque Émile Zola, devrait citer L’Argent plutôt que L’Assommoir 

Et voilà maintenant qu’il y a rechute ! L’opposition s’oppose et contre-propose, c’est la démocratie. Mais la démocratie, c’est aussi d’informer les citoyens de ce que l’opposition a imaginé pour eux et qu’elle dit à voix basse depuis quelques jours. Au total, elle suggère de supprimer 5 milliards d’euros de mesures pour les familles modestes, les jeunes, les services publics au bénéfice des très grandes entreprises et des familles les plus fortunées.

À droite, le projet ressemble furieusement au bilan et le contre-budget UMP est à contresens de l’emploi, de la production, de l’éducation, de la justice sociale, ces attentes, mes chers collègues, que ce projet de budget pour 2014 propose de satisfaire, et nous avec lui ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Pécresse.

Mme Valérie Pécresse. Monsieur le ministre, vous vouliez nous offrir des gâteaux sucrés, mais c’est une potion bien amère que vous allez faire avaler aux Français. Jamais, sans doute, les promesses et les engagements d’un gouvernement n’auront été si rapidement démentis par les faits !

M. Jean-Marc Germain. Vous n’avez pas lu les propositions de l’UMP !

Mme Valérie Pécresse. Je sais lire le programme des autres !

M. Jean-Marc Germain. Mais pas le vôtre !

Mme Valérie Pécresse. J’ai aussi le sentiment que c’est notre programme qui vous passionne, ce soir !

M. Jean-Marc Germain. Lisez-le !

Mme Valérie Pécresse. Dans son programme présidentiel, François Hollande s’engageait solennellement à réduire à 3 % du PIB notre déficit public en 2013. Après plusieurs reculades, il est désormais attendu à 4,1 %. La différence c’est – excusez du peu ! – 22 milliards d’euros, soit cinq fois le budget de la région Île-de-France ! Il y a un an, Jean-Marc Ayrault affirmait, droit dans les yeux, que neuf Français sur dix ne seraient pas touchés par les hausses d’impôt. Un an après, avec la refiscalisation des heures supplémentaires et la hausse de la TVA, ce sont, en réalité, 100 % des Français qui subiront votre matraquage fiscal.

Puis, le Président Hollande a annoncé la « pause fiscale » ; elle se traduit par 12 milliards d’euros d’impôts supplémentaires sur les ménages. Vos renoncements n’ont donc d’égal que les sacrifices toujours plus grands que vous demandez aux Français. En moins de dix-huit mois, c’est plus de 350 000 de nos compatriotes qui sont venus grossir les rangs du chômage, soit l’équivalent de la population de Nice, cinquième ville de France.

Chômage record, augmentation brutale des impôts, le résultat était prévisible : le pouvoir d’achat des Français recule à nouveau.

Vous vouliez punir les riches, disiez-vous ; vous avez en réalité appauvri les classes moyennes. Le pire, c’est que tous ces sacrifices semblent vains. Vous avez tellement augmenté les impôts qu’ils ne rentrent plus dans les caisses de l’État. Faut-il, comme je le soupçonne, voir dans le recul des recettes fiscales de TVA et d’impôt sur les sociétés le double effet d’une délocalisation de l’activité et de la reprise du travail dissimulé, c’est-à-dire la fragilisation de milliers de salariés qui se retrouveront soit au chômage soit avec une couverture sociale et une retraite amoindries ?

J’attends toujours votre réponse à cette question. La représentation nationale est en droit de savoir, et elle l’est d’autant plus que la colère monte. Hier soir, Le Monde titrait : « Les Français jugent l’impôt excessif et injuste. » Les trois quarts des sondés estiment que c’est aux classes moyennes qu’il est demandé le plus d’efforts. Pire, plus de la moitié des Français estiment que la fiscalité aggrave les inégalités sociales au lieu de les réduire. Votre politique est en train de mettre en péril le consentement à l’impôt, qui est pourtant le ciment de notre pacte républicain

Mais comment pourrait-il en être autrement quand les Français, à raison, ont le sentiment d’avoir été dupés ? D’un côté, la taxe à 75 % sur les rémunérations supérieures à un million d’euros, mesure démagogique et contre-productive dont vous aviez fait votre étendard politique, ne s’appliquera qu’en 2014 et à un millier de personnes seulement. De l’autre, vos décisions ont conduit 840 000 foyers à devenir imposables dès 2013.

M. Pascal Cherki. C’est faux !

Mme Valérie Pécresse. Assumez vos décisions, monsieur le député !

Pour ces Français aux revenus modestes, avec l’effet en cascade qui va les conduire à payer la taxe d’habitation et la redevance audiovisuelle, la facture atteindra plusieurs centaines d’euros par an.

Les particuliers sont assommés, mais les entreprises ne sont pas mieux loties. Avec votre crédit d’impôt compétitivité emploi, vous aviez voulu reprendre notre idée de TVA anti-délocalisation pour réduire le coût du travail, mais faute d’assumer cette filiation, vous avez mis en place une politique totalement illisible. Illisible, car au lieu d’une simple baisse des charges, vous avez créé un crédit d’impôt d’une complexité qui décourage les PME et jusqu’aux meilleurs experts, au détriment de l’emploi. Illisible, parce que vous reprenez d’une main aux entreprises ce que vous leur avez donné de l’autre.

M. Thierry Mandon. C’est faux !

Mme Valérie Pécresse. Après l’épisode des pigeons, l’an dernier, vous instituez cette année, dans l’improvisation la plus totale et sans aucune concertation, une taxe sur l’excédent brut d’exploitation, remplacée dans la précipitation par une surtaxe sur l’impôt sur les sociétés. Illisible, enfin, car pour financer votre CICE, vous augmentez le mauvais taux de TVA. En faisant porter l’essentiel de l’effort sur le taux intermédiaire, pour le passer de 7 à 10 %, vous commettez une double erreur économique : celle de taxer les produits du quotidien, comme les transports, dont les Français ne peuvent se passer, et celle de taxer les services implantés en France, comme la restauration.

M. Jean-Luc Laurent. La restauration qui n’a rien produit !

Mme Valérie Pécresse. Vous vous désolez que les Français ne vous fassent pas confiance. La faute à qui ? La faute aux Français, dont le pouvoir d’achat baisse ? La faute aux entreprises, pour lesquelles vous inventez chaque jour une nouvelle taxe ou une nouvelle obligation pour compliquer leur activité ?

M. Thierry Mandon. C’est faux !

Mme Valérie Pécresse. Ou bien tout simplement à votre gouvernement et à sa majorité, incapables de créer les conditions de la confiance parce qu’ils mènent consciencieusement, jour après jour, une politique d’overdose et d’instabilité fiscales ? L’impôt plutôt que les réformes : c’est votre choix, ce n’est pas celui de la croissance ni de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Robert.

M. Thierry Robert. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous sommes invités aujourd’hui à examiner le projet de loi de finances pour 2014. La première partie de celui-ci ne comprend malheureusement pas la pause fiscale annoncée pour l’année prochaine par le Président de la République. Elle ne présente pas non plus, comme je l’avais proposé à l’exécutif, une réforme totale de notre fiscalité.

Or, nos compatriotes n’en peuvent plus de payer des impôts, alors que la maîtrise des dépenses mériterait d’être amplifiée. Nous avons certes tous bien conscience des difficultés du Gouvernement à freiner notre dette abyssale, héritée de l’incurie gouvernementale de droite comme de gauche depuis des décennies, mais une politique fiscale qui n’encourage pas l’investissement et empêche le développement, ce n’est pas productif.

Je suis convaincu que nous devons tout faire pour redonner le moral aux entreprises et aux ménages, mais aussi à l’investissement et à l’esprit d’entreprise. Or le Gouvernement a entendu multiplier les ponctions, en voulant frapper l’excédent brut d’exploitation, c’est-à-dire le profit d’une entreprise, qui alimente lui-même l’investissement. Il a finalement abandonné cette mesure, mais il demande une augmentation de l’impôt sur les sociétés à hauteur de 35 %. Tout cela est incohérent, quand le même gouvernement affirme entendre les entreprises.

Néanmoins, la loi de finances initiale pour 2014 comporte certains éléments qui vont dans le bon sens : les articles 14 et 15 participent de l’effort dans la lutte contre la fraude fiscale ; l’article 18 réforme le régime d’imposition des plus-values immobilières ; l’article 13, le plus important pour les députés ultramarins, dont je fais partie, a fait l’objet d’un arbitrage favorable pour lequel je remercie M. le ministre des outre-mer et M. le Premier ministre.

M. Pascal Cherki. N’oubliez pas M. le ministre du budget !

M. Thierry Robert. En effet, tout budget présenté devant notre assemblée doit être prioritairement axé sur les territoires qui subissent la plus grande détresse sociale et économique. Parmi ces territoires, ceux de la France d’outre-mer ne sont pas plus avantagés que les autres. À la Réunion, par exemple, une récente étude de l’INSEE a démontré que la pauvreté est trois fois plus importante qu’en métropole. Le taux de chômage y est de 30 % et atteint 65 % chez les jeunes. Plus de 20 000 foyers y sont en attente d’un logement social. Les produits de première nécessité coûtent 40 % plus cher. Il n’y a pas de continuité territoriale. Les dettes sociales et fiscales des entreprises avoisinent le milliard d’euros. Face à cette situation gravissime, la défiscalisation doit permettre de poursuivre la création d’emplois, d’activité ; il ne faut plus qu’elle soit considérée comme une niche fiscale qui ne profiterait qu’à certains.

Sur l’ensemble des articles du projet de loi de finances initiale, mes collègues du groupe RRDP ont déposé plusieurs amendements que je soutiendrai. J’ai également déposé des amendements à l’article 13 pour le parfaire.

Un premier amendement vise à assurer la continuité des investissements outre-mer sans période de rupture. Tout investissement pourra ainsi continuer à être programmé, en toute visibilité et en toute sécurité, tout au long du premier semestre 2014.

Le deuxième amendement a pour objet de fixer à 3 % la proportion minimale que doit représenter la subvention publique dans le financement des logements sociaux, tant dans le cadre de la réduction d’impôt que dans celui du nouveau crédit d’impôt.

Le troisième amendement porte à trois ans le délai d’achèvement des programmes de construction, afin de tenir compte des impératifs techniques et administratifs en cours de chantier.

Le quatrième amendement propose des modalités de règlement qui doivent permettre d’éviter tant un coûteux recours au préfinancement que des risques de mise en difficulté de la trésorerie des organismes HLM.

Le cinquième et dernier amendement relève le taux de rétrocession minimum en faveur du logement social, afin d’optimiser l’efficience du dispositif au service de l’intérêt général.

Enfin, Patrick Ollier, rapporteur spécial pour le budget outre-mer, déposera un amendement proposant de réévaluer le plafonnement à 18 000 euros pour le logement intermédiaire en outre-mer, amendement que je soutiendrai également.

En conclusion, le bon sens n’est ni de droite ni de gauche, et il ne doit pas dépendre de logiques comptables aveugles et brutales. Il ne dépend que de la volonté politique de considérer les territoires de la France d’outre-mer non plus comme des sous-départements mais comme des départements français à part entière.

M. Paul Giacobbi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, il y a un an, à cette tribune, je déplorais que vos actes ne suivissent pas vos paroles, que ce soit en matière de réduction du déficit budgétaire ou de patriotisme économique. J’espérais secrètement me tromper mais, une fois de plus, vous m’avez, hélas ! donné raison. Cela fait déjà quinze mois déjà que vous êtes aux commandes de la France, et en quinze mois, vous avez réussi l’exploit de faire plus de dégâts encore que vos prédécesseurs.

Ce sont quinze mois de perdus, mais, me direz-vous, qu’est-ce que quinze mois, alors que les déficits publics sont chroniques depuis trente-neuf ans ? C’est sûr, mais notre dette publique atteindra bientôt 2 000 milliards d’euros, c’est-à-dire 30 000 euros par habitant. Cela représente plus de 90 % de la richesse nationale, presque une année entière. Oh, je sais, il y a pire en Europe, mais quel est votre objectif, monsieur le ministre ? Est-ce de faire aussi bien que le Portugal ou la Grèce ? Nous n’y sommes pas encore, mais vous semblez bien partis pour réussir. Vous vous acharnez, avec une grande constance, je le reconnais, à faire l’inverse de ce qu’il faudrait pour sauver la France de la banqueroute vers laquelle elle se dirige, comme l’avait déclaré il y a six ans le précédent Premier ministre.

La réalité, c’est que vous devriez réduire les dépenses de l’État et des différentes fonctions publiques ; or, vous ne cessez de les augmenter.

Vous devriez réduire le nombre d’agents de l’État et dégraisser les administrations centrales afin de réduire les dépenses de personnel et d’augmenter l’efficacité de la fonction publique ; or, vous embauchez de nouveaux fonctionnaires.

Vous devriez couper dans les centaines de millions d’euros de subventions versées chaque année à des associations d’inintérêt public qui œuvrent à la destruction de l’identité nationale et de la cohésion sociale : vous les abreuvez tant et plus avec l’argent des Français (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), argent qui ne vous appartient d’ailleurs pas, ce que vous oubliez sans cesse

Vous devriez réduire la contribution de la France aux institutions supranationales,…

M. Thierry Mandon. Certainement pas !

M. Jacques Bompard. …ces monstres tentaculaires qui ne servent qu’à s’auto-entretenir : vous n’en faites rien.

Vous devriez tenir tête aux bureaucrates de Bruxelles et leur dire que la France ne peut plus voir sa contribution augmenter sans cesse : vous trouvez encore dans les poches des Français 20 milliards d’euros à verser à l’Union européenne.

Vous devriez lutter contre l’immigration qui, non seulement induit un changement de population sur lequel les Français n’ont pas été consultés,…

M. Pascal Cherki. Ah bon ? C’est un Français sur cinq qui a des origines étrangères !

M. Jacques Bompard. …mais qui a aussi un coût exorbitant : vous faites exactement l’inverse, en promettant des naturalisations et des régularisations massives, qui attireront en masse d’autres candidats à la redistribution sociale.

Vous devriez soutenir les familles françaises qui représentent l’avenir de notre pays : vous les ponctionnez toujours plus en diminuant le plafond du quotient familial, ce qui concernera plus d’un million de ménages, ou en fiscalisant la majoration de 10 % pour les retraités ayant plus de trois enfants.

Vous devriez encourager les entreprises à créer des emplois ; vous préférez les ponctionner encore avec la surtaxe de l’impôt sur les sociétés à 10,7 %. Et vous utilisez les vieilles méthodes éculées en recourant massivement aux emplois aidés.

Vous ne gérez pas la France, vous appliquez votre idéologie. Vous faites semblant de ne rien voir, votre seul objectif étant de durer, espérant que les Français s’habitueront au déclassement social dont ils sont victimes et oublieront qu’ils vous en sont redevables. Je ne prétends pas avoir de recette miracle mais simplement un peu de bon sens et de courage. Les Français pensent que c’est ce dont vous manquez le plus.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mandon.

M. Thierry Mandon. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous aurons l’occasion de revenir au cours du débat sur de très nombreuses mesures que comporte ce budget, mesures importantes attendues par les Français en matière de pouvoir d’achat, mais je voudrais réfléchir sur l’importance, la portée, mais aussi le risque, que nous partageons, représenté par le choix principal de ce budget, un choix sans précédent dans l’histoire budgétaire récente de ce pays : le choix du soutien à la restructuration de l’offre productive, donc du soutien aux entreprises, à leur compétitivité, à la restauration de leurs marges, à la capacité qu’elles auront demain d’investir et d’employer.

C’est le choix marquant de ce budget, qui contredit une grande partie des interventions entendues ce soir, notamment sur les bancs de l’opposition, et tout particulièrement celle de Mme Pécresse,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Elle est déjà partie !

M. Thierry Mandon. …qui n’a probablement pas eu le temps de se pencher sur le budget,…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est scandaleux de dire cela !

M. Thierry Mandon. …puisque ce choix prioritaire, massif, se résume d’un chiffre, figurant sur tous les documents budgétaires : les recettes attendues en 2014 de l’impôt sur les sociétés, même après l’amendement que le groupe socialiste défendra, seront en baisse de 15 milliards d’euros par rapport à 2013.

M. Alain Chrétien. Nous attendons de voir !

M. Thierry Mandon. C’est un effort massif, sans précédent et incontestable, qui est réalisé avec une diversité d’outils…

Mme Marie-Christine Dalloz. Plus on augmente les taux, plus les recettes baissent, il faudrait en tirer des conclusions !

M. Thierry Mandon. C’est la vérité des chiffres.

…dont il convient de souligner l’intelligence. Le CICE serait une usine à gaz, dites-vous, mais il n’y a pas plus simple !

M. Gérald Darmanin. Parlez-en aux entreprises !

M. Thierry Mandon. La seule difficulté repose dans son préfinancement. Il s’applique mécaniquement, jusqu’à 2,5 SMIC. Le projet propose une aide spécifique pour réorganiser la production, qui consiste principalement dans la révision du régime d’amortissement de la robotisation. La réforme proposée à l’article 11 est particulièrement innovante, s’agissant des plus-values de cessions mobilières. On peut regretter qu’il ait fallu plusieurs brouillons avant d’arriver à cette copie, qui nous replace au tout premier rang européen et qui est susceptible de drainer durablement vers les entreprises les plus innovantes l’épargne longue du pays, puisque ce régime est d’autant plus incitatif que les fonds investis sont conservés longtemps. Je ne reviens pas sur le statut nouveau de la jeune entreprise innovante, ni sur le plan d’épargne en actions dans les PME ou la simplification du crédit d’impôt recherche. Il s’agit d’un effort budgétaire massif, sans précédent, qui s’inscrit dans une politique gouvernementale globale qui, au-delà de l’effort consenti, va de la nouvelle politique industrielle au chantier de la simplification en passant par les outils de financement nouveaux donnés par la Banque publique d’investissement, l’évolution des relations du travail, la réforme de la formation ou encore le maintien à très haut niveau du crédit d’impôt recherche.

On ne peut contester que cet effort soit massif. La majorité soutient le Gouvernement dans cette orientation, car nous savons qu’elle est une nécessité absolue, pour trois raisons. Tout d’abord, pour la compétitivité sur laquelle je ne reviens pas. Ensuite, parce qu’il existe une hypothèque sur les conséquences du retour de la croissance, qui commence à être observé. Quel sera en effet son contenu en termes d’emplois, si nous ne restructurons pas l’offre productive, très affaiblie ces dix dernières années du fait de la persistance de la crise économique ? Il est possible que celui-ci ne soit pas à la hauteur de nos espérances. Enfin, parce que si demain nous voulons mener, dans la seconde partie du quinquennat, une politique offensive de soutien à la demande – ce qu’il faudra faire pour rendre à ceux qui font les efforts aujourd’hui la justice qu’ils méritent –, il faut restructurer notre offre productive d’abord, sans quoi le soutien de la demande impliquera une hausse des exportations, soit une amplification du déficit commercial et partant l’apparition de nouveaux problèmes pour notre pays.

Ce choix indispensable est aussi un pari. Nous ne le gagnerons pas seuls. Nous pouvons faire un effort de soutien aux entreprises sans précédent, mais il faut que les entreprises nous aident à le réussir. Nous n’avons pas besoin de patrons qui s’opposent, nous avons besoin d’entreprises qui, demain, osent. Nous n’avons pas besoin d’un concert de lamentations, mais de la part des entreprises d’un surcroît d’innovation. Plutôt que de se réunir pour évoquer leur stress et leurs difficultés, les entreprises doivent se ressaisir à nos côtés pour gagner la bataille de l’emploi et de l’investissement.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Maire.

M. Bruno Le Maire. Monsieur le ministre, un bon budget est un budget dans lequel on fait des choix clairs et assumés.

M. Pascal Cherki. C’est le cas !

M. Bruno Le Maire. François Hollande avait proposé une révolution fiscale. Or le budget que vous proposez, ce sont à peine quelques mesurettes qui vont malheureusement pour la plupart dans la mauvaise direction. J’aimerais pouvoir croire ce que vient de dire M. Mandon sur la restauration de l’offre productive en France. Mais, face à l’effondrement productif auquel nous assistons partout dans le pays, face aux usines qui ferment – il n’y a jamais eu autant de faillites depuis 1993 –, face au chômage des jeunes qui reste à un niveau élevé, les mesures que vous prenez ne sont pas à la hauteur. Il aurait fallu réduire massivement les impôts sur les sociétés pour redonner de la compétitivité à nos entreprises.

M. Pascal Cherki. Et le CICE ?

M. Bruno Le Maire. Or, vous avez seulement réussi à inventer une nouvelle taxe sur l’excédent brut d’exploitation, qui a été retirée, parce que vous avez été battus par le ministre de l’économie et des finances, pour être remplacée par une nouvelle augmentation de l’impôt sur les sociétés, qui va rester au niveau le plus élevé de tous les pays européens.

M. Alain Chrétien. 40 %, un record !

M. Bruno Le Maire. Avoir le taux d’impôt sur les sociétés parmi les plus élevés en Europe, vous appelez cela une restauration de l’offre productive ?

Il aurait fallu alléger massivement les charges qui pèsent aujourd’hui sur les salariés afin de restaurer la compétitivité de nos industries. Mais, comme vous n’avez pas voulu changer le financement de la protection sociale, non seulement vous n’avez pas allégé les charges qui pèsent sur les salaires, notamment dans l’industrie, mais vous les avez alourdies, avec une réforme des retraites si peu courageuse qu’elle n’est passée tout à l’heure qu’avec dix voix de majorité.

M. Gérald Darmanin. Tout à fait !

M. Bruno Le Maire. Il aurait fallu réduire massivement les dépenses publiques et vous le savez, monsieur le ministre, mais vous vous êtes contentés de ralentir leur augmentation, quand il aurait fallu tailler dans les dépenses et changer le statut de la fonction publique pour limiter le nombre de recrutements et alléger son poids dans la dépense de l’État. Il aurait fallu faire fusionner les départements et les régions pour alléger les dépenses des collectivités locales.

M. Pascal Cherki. On réduit leur budget d’1,5 milliard d’euros !

M. Bruno Le Maire. Il aurait fallu réduire un certain nombre de prestations sociales, comme l’aide médicale d’État, pour nous permettre de tailler dans les dépenses sociales. Vous avez refusé de le faire, pour choisir un ralentissement cosmétique de la baisse des dépenses publiques là où il aurait fallu tailler franchement, comme tous les Français l’attendent.

M. Pascal Cherki. Ce n’est pas ce que les Français veulent !

M. Bruno Le Maire. Il aurait fallu, grâce à ces mesures, alléger les impôts qui pèsent aujourd’hui sur les salariés, mais vous avez fait le contraire, puisque, en France aujourd’hui, grâce à vous, on travaille plus pour gagner moins,…

M. Pascal Cherki. C’est faux !

M. Gérald Darmanin. C’est vrai !

M. Bruno Le Maire. …à cause de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, qu’avec Xavier Bertrand nous sommes décidés à rétablir pour la justice sociale, pour celle des salariés qui ont travaillé et pour leur rendre, au nom du travail accompli, l’argent auquel ils ont légitimement droit.

Vous auriez pu alléger les charges qui pèsent sur un certain nombre de familles. Vous avez rigoureusement décidé l’inverse. Vous avez ciblé, de façon incompréhensible, injuste et profondément inéquitable, toutes les familles de France (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) avec la baisse du quotient familial, la suppression des revalorisations auxquelles certaines avaient droit ainsi que celle de la surcote accordée aux retraités qui ont élevé trois enfants ou plus.

Comment ne pas comprendre aujourd’hui la colère qui s’empare des Français, quand on voit à quel point vous avez été incapables de répondre par ce budget aux difficultés des entreprises françaises, à celles des PME, des artisans, des commerçants, des familles qui n’arrivent plus à boucler leur fin de mois,…

M. Marc Goua. Grâce à vous !

M. Bruno Le Maire. …des salariés et des ouvriers plus modestes qui ont travaillé et qui ne vont pas toucher le fruit de leur travail ?

Non, ce budget ne répond pas à la révolution fiscale promise par François Hollande.

Oui, ce budget est un nouveau mensonge de la majorité de gauche à l’égard de tous ceux qui ont voté pour elle et qui ont cru en elle. Monsieur le ministre, vous avez promis la révolution fiscale, et c’est l’inverse que vous faites : ne vous étonnez pas si la révolution tout court gronde dans le peuple français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Tout en nuances, monsieur Le Maire !

Mme la présidente. La parole est à Mme Carole Delga.

Mme Carole Delga. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre époque est malheureusement celle du règne de l’analyse à court terme. II est devenu d’usage de commenter à foison le dernier événement politique, en l’oubliant tout aussi vite le lendemain. Le vote du budget est précisément le moment privilégié pour reprendre de la hauteur de vue et appréhender de façon globale la trajectoire politique assumée par une majorité. Le budget est par définition l’acte fondateur d’une politique, le socle depuis lequel se déploient les choix décidés par le pouvoir en place. Le projet de loi de finances que nous examinons à partir d’aujourd’hui ne fait pas exception, bien au contraire. Le budget qui nous est présenté est résolument tourné vers l’avenir pour reléguer au passé les dix années de droite qui ont tant abîmé nos finances publiques et lourdement affaibli le pays. Mes collègues l’ont déjà rappelé, mais comment ne pas s’indigner encore de voir qu’entre 2007 et 2012, la dette publique a explosé de 600 milliards d’euros, notamment à cause d’une politique fiscale qui consistait à privilégier ceux qui avaient déjà le plus ? Précédemment, nous obérions l’avenir de nos jeunes générations en empruntant pour financer les cadeaux fiscaux.

Dans ce budget, notre majorité agit sur tous les leviers, car nous refusons d’entrer dans l’opposition caricaturale entre mesures en faveur des ménages et mesures en faveur des entreprises, qui n’est qu’une vue de l’esprit. La seule opposition qui soit pertinente est celle entre mesures qui créent de la richesse, aujourd’hui et demain, et celles qui n’en créent pas. En cela, notre choix est clair et parfaitement lisible : nous voulons redonner du pouvoir d’achat aux plus modestes et offrir aux entreprises les moyens de créer de l’emploi. C’est pourquoi nous avons significativement relevé le revenu fiscal de référence de 4 %, soit bien au-dessus de l’inflation. Cette mesure vise directement et très concrètement les ménages les plus modestes. Elle permet d’élargir le champ des exonérations de différentes taxes, comme la taxe d’habitation, la taxe foncière ou encore la redevance audiovisuelle.

Dans le même temps, nous avons réindexé le barème de l’impôt sur le revenu, injustement gelé par le gouvernement de M. Fillon. Cela est désormais terminé. Nous allons revaloriser de 5 % la décote applicable à l’impôt sur le revenu, pour ne pas faire pression sur les ménages qui sont le plus en difficulté.

M. Alain Chrétien. Le mal est fait !

Mme Carole Delga. Mais la croissance marche sur deux jambes. Il faut également et parallèlement agir sur l’emploi en plaçant les entreprises dans les conditions d’embaucher. Il nous fallait un geste fort, que nous avons eu avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Il est, pour les entreprises, simple à mettre en œuvre, et c’est là son principal atout. Ce crédit d’impôt permet d’apporter tout de suite des marges de manœuvre financières aux premiers créateurs de richesse que sont les entreprises.

M. Gérald Darmanin. C’est bien de le dire !

Mme Carole Delga. Il est important de laisser le temps nécessaire pour l’évaluation du CICE, car notre politique fiscale a besoin de stabilité et ne peut varier tous les ans.

La TVA à taux réduit pour la rénovation énergétique des logements constitue également un puissant levier pour redynamiser notre économie. Elle va permettre de favoriser durablement une filière riche en emplois non délocalisables. La transition écologique est un défi que nous relèverons avec ce type d’outils qui allient responsabilité environnementale et efficacité économique. Les travaux de rénovation énergétique permettront également de favoriser le pouvoir d’achat des ménages en allégeant les charges liées à la consommation d’énergie. Le soutien au secteur du logement est également l’une de nos priorités. Il est indispensable afin de répondre aux besoins des Français.

Nous devons également être un soutien pour les collectivités locales, qui sont à l’origine de plus de 70 % de l’investissement public. Ce sont elles qui font vivre au quotidien le tissu des entreprises sur notre territoire. Elles sont donc l’un des principaux moteurs de l’économie. Dans ce cadre, l’amendement du rapporteur général, adopté avec le soutien du groupe socialiste et qui vise à augmenter le Fonds de compensation de la TVA, est un très bon signe d’encouragement à l’investissement envoyé à nos collectivités. Le FCTVA est en effet à la fois une composante importante des budgets locaux et le symbole du soutien de l’État à l’investissement porté par les collectivités. Il faut également saluer l’augmentation des dispositifs de péréquation verticale et horizontale. La situation des conseils généraux a également été prise en compte.

Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances propose un budget courageux, mais surtout respectueux de la promesse républicaine de soutenir l’emploi pour offrir un revenu à nos concitoyens et de solliciter les contribuables selon leurs capacités. Le courage en politique n’est pas de hurler avec la meute, mais de tracer un chemin pour le redressement qui permettra demain une croissance partagée. Fénelon écrivait que le vrai courage ne se laisse jamais abattre. Je sais, monsieur le ministre, que vous n’en manquez pas et vous pouvez compter sur le groupe socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce budget est déjà placé sous le signe du mensonge. Le 28 septembre 2012, sur le plateau de l’émission Des paroles et des actes, le Premier ministre déclarait que neuf Français sur dix ne connaîtraient pas d’augmentation d’impôts

M. Gérald Darmanin. Le menteur !

M. Xavier Bertrand. Le lendemain, Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, renchérissait en disant que neuf Français sur dix verraient leurs impôts se stabiliser mais qu’en tout état de cause, ils n’augmenteraient pas.

Or avec la seule augmentation de la TVA, 100 % des Français voient leurs impôts augmenter.

Mme Sandrine Mazetier. Même Mme Bettencourt, alors qu’avec vous, elle recevait des chèques !

M. Gérald Darmanin. Le changement, c’est maintenant !

M. Xavier Bertrand. Cela ne semble gêner strictement personne dans votre majorité, mais il ne faut pas s’étonner qu’en décrédibilisant la parole publique, on affaiblisse le débat politique. Quand le Premier ministre et le ministre de l’économie et des finances tiennent des propos démentis aussitôt par les faits, comment voulez-vous que nos concitoyens accordent quelque crédit et quelque confiance au gouvernement de la République ? Je ne parle même pas du Président de la République qui nous a annoncé lui-même une baisse du chômage… Sans compter que les promesses de la campagne présidentielle valaient, paraît-il, engagement que seuls les riches paieraient. Les ouvriers et les employés qui faisaient des heures supplémentaires n’avaient pas le sentiment qu’ils étaient riches. Ils avaient raison.

M. Gérald Darmanin. Tout à fait ! Quelle spoliation !

M. Xavier Bertrand. On leur a pris le fruit de leur travail alors qu’ils pensaient ne voler le travail de personne. Ils ont vu leurs impôts augmenter et leurs charges s’accroître. Le pire, c’est que vous leur avez laissé croire, pendant la campagne présidentielle, qu’on maintiendrait cet avantage dans les entreprises de moins de vingt salariés.

M. Dominique Lefebvre. C’est vous qui avez menti aux Français en finançant tout cela par la dette !

M. Xavier Bertrand. Un seul avantage a été maintenu… au profit des employeurs. Cela ruine tous vos discours sur le fait que la défiscalisation des heures supplémentaires serait un avantage donné aux chefs d’entreprise car elle ne les inciterait pas à recruter davantage. Vous êtes en totale contradiction.

Voilà pourquoi Bruno Le Maire, Marc Le Fur, Frédéric Lefebvre et moi-même avons déposé une proposition de loi sur laquelle je sais bien que certains, sur les bancs de la majorité, seraient tentés de nous rejoindre.

M. Gérald Darmanin. Comme M. Mandon !

M. Xavier Bertrand. Vous savez pertinemment que le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires valorisait la valeur travail et que le revenu supplémentaire contribuait à la consommation et à la croissance françaises. Dimanche dernier, le ministre de l’économie et des finances disait qu’il y avait une reprise, mais pas la confiance. Il y a non seulement crise économique mais crise de confiance, pour les raisons que j’ai évoquées à l’instant.

Si encore la ponction – 13 milliards d’euros pour les seuls ménages –, plus importante encore que l’effort demandé l’an dernier, portait ses fruits, si la France se désendettait, on pourrait se dire que vous avez choisi le plus mauvais chemin, celui des impôts, mais qu’il y a des résultats. Or ce n’est pas le cas : l’endettement atteindra un niveau sans précédent dans notre pays.

Mme Carole Delga. La faute à qui ? Vous en êtes les premiers responsables !

M. Xavier Bertrand. De même, vous disiez avoir réduit de 15 milliards d’euros les dépenses de l’État – quel exploit ! Mais quand on passe en loi de finances initiale pour 2013 de 375,4 milliards à 379, 9 milliards, ce n’est pas une baisse : c’est une augmentation. Si vous étiez passés à 360 milliards d’euros, on aurait pu parler de baisse.

Mme Carole Delga. C’est de la comptabilité d’épicier !

M. Xavier Bertrand. Vous ne ferez croire à personne qu’en ne les augmentant pas autant que vous l’auriez pu, vous avez baissé les dépenses. Là n’est pas le courage, ni la vérité en politique. Vous faites prendre à notre économie et à notre pays le plus mauvais chemin qui soit.

En plus, vous vous désintéressez de certains sujets, qui ne trouvent pas leur traduction dans ce budget. Or les entreprises personnelles, les TPE, les PME, ne trouvent pas suffisamment de sources de financement. Ce n’est pas la création de la BPI qui va régler le problème. Que faites-vous aujourd’hui, monsieur le ministre, quand les banquiers continuent à nous dire que les encours de crédits sont stabilisés ou en progression alors que dans toutes les circonscriptions, que les élus soient de gauche ou de droite, ils voient des chefs d’entreprise qui ne trouvent pas de quoi se financer ?

M. Marc Goua. La BPI apporte 30 milliards !

M. Xavier Bertrand. Que faites-vous également pour les organismes sociaux qui sont en ce moment trop souvent aux abonnés absents quand il s’agit pour le chef d’entreprise d’obtenir juste un report de paiement des charges pour pouvoir finir le mois, payer ses salariés et éventuellement soi-même au surplus ? Sur tous ces sujets, vous vous contentez de nous dire, monsieur le ministre, que vous faites le maximum, que le pays est bien géré… Aucun de nos concitoyens n’y croit aujourd’hui. Je ne parle même pas des taux de popularité du Président de la République et du Premier ministre. Vous payez le prix du mensonge !

Vous payez aussi le prix du renoncement parce qu’au-delà de chercher à passer les échéances budgétaires les unes après les autres, ce qu’il faut, vous le savez pertinemment, c’est un cap : celui du désendettement. Il faut donc baisser les dépenses. Monsieur le ministre, ce n’est certainement pas vous que j’accablerais. Vous faites certainement, dans l’exercice contraint qui est le vôtre, de votre mieux pour que ne se voient pas trop le mensonge du Président de la République, son absence de volonté et surtout son absence de courage, la marque de fabrique de ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. La France est sur la voie du redressement, et j’avais envie de parler des bons chiffres, de ces éléments encourageants, des 0,5 % de croissance au deuxième trimestre, des 0,4 % au quatrième trimestre, confirmés par l’INSEE, et du fait que même le FMI s’est montré plus optimiste encore que Bercy sur les prévisions de croissance pour 2014, la semaine dernière. J’avais envie de souligner que, pour la première fois depuis fort longtemps, le chômage des jeunes connaît une diminution continue depuis quatre mois, que l’objectif central de l’inversion de la courbe du chômage est à notre portée – même si ces résultats sont récents et fragiles et qu’il faut les consolider. J’avais aussi envie d’évoquer le bon équilibre à trouver entre l’assainissement de nos comptes publics et le soutien à la croissance et à l’emploi.

Je voulais consacrer à ces sujets, disais-je, mes quelques minutes d’intervention. Mais j’ai commis une grave erreur en ouvrant, parmi les centaines d’e-mails que je reçois tous les jours, celui envoyé par Familles de France. La moutarde m’est montée au nez.

M. Gérald Darmanin. C’est la famille ou la France qui vous gênait ?

Mme Sandrine Mazetier. Cet e-mail s’inscrit dans le sens de l’intervention de M. Le Maire, il est tendu vers la défense exclusive des riches familles de France, occultant savamment tout ce qui est fait par ce gouvernement, par cette majorité, pour toutes les familles de France, pour la solidarité entre les générations et pour la solidarité entre toutes les familles de ce pays !

Familles de France dans son mail, et la droite avec elle, s’insurge contre la réduction du quotient familial, réaction à laquelle le rapporteur général a fait un sort dans son intervention liminaire. De même, Familles de France, et la droite avec elle, s’insurge contre ce scandale que constituerait la diminution de la PAJE pour les hauts revenus,…

M. Gérald Darmanin. Quelle est votre définition du riche ?

M. Xavier Bertrand. Pour la gauche, c’est un retraité !

Mme Sandrine Mazetier. …mais ni elle ni la droite ne disent quoi que ce soit des 275 000 solutions d’accueil des jeunes enfants financées par ce gouvernement, par cette majorité, à travers ce budget qui permettra à des dizaines de milliers de familles de voir leur petit bébé accueilli.

La droite prétend défendre la famille, mais elle n’a cessé de supprimer des postes dans l’éducation nationale alors que, dans le budget de cette année encore, comme nous l’avons fait l’an dernier, nous rétablissons des postes qui ont douloureusement manqué à nos enfants dans les classes de chacune de nos écoles : de la maternelle au lycée, il y aura désormais des enseignants, et bien formés. L’éducation est à nouveau redevenu le premier budget de ce pays et le premier investissement d’avenir, mes chers collègues.

Parlons des jeunes puisque vous en parlez fort peu, chers collègues de l’opposition. Qu’avez-vous fait pour l’emploi des jeunes ? Rien ! Notre budget, lui, finance des emplois d’avenir, des contrats de générations, des centaines de milliers d’emplois aidés pour l’insertion des jeunes les plus éloignés de l’emploi comme pour l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, à qui vous n’offriez aucune perspective.

M. Gérald Darmanin. Qu’a fait votre réforme des retraites pour les jeunes ?

M. Xavier Bertrand. Et parlez-nous de l’apprentissage, madame Mazetier !

Mme Sandrine Mazetier. Vous avez osé parler de la famille, mais qu’avez-vous fait pour les étudiants ? Dans ce PLF, 100 000 bourses supplémentaires sont financées pour les étudiants issus des classes moyennes et populaires.

M. Pascal Cherki. Très bien !

Mme Sandrine Mazetier. Qu’avez-vous fait pour leurs parents ? Rien non plus !

Ce gouvernement, cette majorité agissent, eux, sur le principal poste de dépense de nos concitoyens : le logement. Nous déployons un effort considérable pour en produire beaucoup là où il y en a besoin alors que vous, vous faisiez de la défiscalisation dans la pampa, là où il n’y a aucun besoin de logement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous direz ça aux Bretons !

Mme Sandrine Mazetier. Nous encadrons les loyers dans les zones tendues, nous baissons la TVA sur le logement social, ainsi que la TVA sur les travaux de rénovation thermique pour toutes les familles et partout sur le territoire, et puis nous finançons pour 400 millions d’euros les tarifs sociaux de l’énergie. Voilà ce qu’on fait pour les familles et que vous, vous n’avez pas fait. Pour les grands-parents qu’avez-vous fait ? Vous avez supprimé la demi-part fiscale des veuves et gelé le barème de l’impôt, ce qui a pesé beaucoup sur les personnes âgées. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et vous, l’avez-vous rétablie ?

Mme Sandrine Mazetier. Qu’avez vous fait pour les parents des grands-parents de ces enfants pour lesquels vous n’avez rien fait ? Rien non plus !

M. Gérald Darmanin. Avec 20 % dans les sondages, le pays vous a jugés !

Mme la présidente. Monsieur Darmanin, seule Mme Mazetier a la parole.

Mme Sandrine Mazetier. C’est la gauche qui a créé créée l’APA, et c’est à nouveau la gauche qui va engager la réforme de la dépendance, celle que vous avez sans cesse repoussée !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pour créer des dépenses, vous êtes champions !

Mme Sandrine Mazetier. Décidément, du berceau à la maison de retraite, du plus petit village à la plus grande des métropoles, de la famille mononucléaire à la famille recomposée, c’est la gauche qui aime, qui chérit toutes les familles ; nous réparons vos erreurs, vos choix politiques et nous préparons l’avenir, celle de toutes les familles, celle de tous nos concitoyens, l’avenir de notre grande nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous m’autoriserez, monsieur le ministre, à considérer que ce budget est insincère, inéquitable et injuste. Pas de doute, c’est bien un deuxième budget socialiste dont nous avons à débattre aujourd’hui !

Ce budget est insincère parce que son premier effet est de creuser l’écart entre le solde effectif et le solde structurel. Les baisses de dépenses ne sont en effet pas affectées mais globalisées, généralisées. Pour preuve : sur les 9 milliards d’euros de diminution de dépenses, vous n’en documentez qu’une partie – quelque 2 milliards –, ce qui laisse la porte ouverte au doute.

M. Christian Eckert, rapporteur général. N’avez-vous pas lu le rapport ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Quant aux crédits, ils sont assis sur des potentialités de croissance et de retour à l’emploi alors que la compétitivité qui leur sert de moteur est manifestement en berne.

Les chiffres pour 2014 parlent d’eux-mêmes, monsieur le rapporteur général : la dette publique atteint 95,1 % du PIB ; les prélèvements obligatoires sont à un niveau record, avec 46,1 % du PIB ; les dépenses publiques s’élèvent à 56,7 %. Vous essayez de faire croire que tout cela vient du passé, mais c’est votre budget.

La loi de programmation 2012-2017 est d’ores et déjà enterrée, ce que ne manque pas de souligner le Haut conseil des finances publiques dans son avis rendu sur la crédibilité du projet de loi de finances pour 2014.

Ce budget est inéquitable parce qu’il poursuit le matraquage fiscal sans précédent de l’immense majorité des Français, en particulier des familles, alors que le Président Hollande annonçait il y a encore trois semaines une « pause » dans ce domaine – certainement une erreur de communication. J’ai entendu tout à l’heure, monsieur le ministre, vos grandes déclarations sur la nécessité de l’impôt, mais trop d’impôt met à mal le pacte social qui nous unit. Si l’impôt est nécessaire, il ne doit pas devenir confiscatoire, ni basculer dans la sauvegarde d’inégalités au prétexte de les corriger. Un exemple : avec un nouvel abaissement du plafond du quotient familial, ce sont 1,3 million de familles qui seront pénalisées alors que le système profitera aux célibataires.

En 2014, à travers la hausse de la TVA et des droits de mutation, l’augmentation des cotisations sociales, la baisse du quotient familial, la fiscalisation de la majoration de pension pour les parents retraités ayant élevé trois enfants, les impôts augmenteront encore de 12 milliards. C’est considérable. Les entreprises ne seront bien sûr pas épargnées, avec 2,5 milliards de surtaxe sur l’impôt sur les sociétés, surtaxe issue d’un amendement du Gouvernement déposé sans étude d’impact et comportant donc de réelles carences dans les perspectives de sa mise en œuvre.

M. Dominique Lefebvre. Ils ne parlent jamais des 600 milliards de dettes qu’ils ont créés : disparus !

Mme Marie-Christine Dalloz. Enfin, ce budget est injuste parce qu’il préfère faire peser sur les Français ce qui devrait ressortir à la diminution des dépenses. La dette atteindra les 95 % du PIB en 2014 contre 90 % fin 2012, ce qui représente 150 milliards de dette supplémentaire. Aucune réforme structurelle n’a été engagée qui permettrait de réduire réellement la dépense publique. Cela rappelle votre pseudo-réforme des retraites, qui aura fait la part belle aux régimes spéciaux et aux exceptions en tout genre, achevant à brève échéance l’intégralité du système.

De plus, ce projet de loi pèche par sa surestimation des recettes pour 2014 et par son scénario optimiste pour l’emploi, et là je ne délire pas : c’est l’avis même du Haut conseil des finances publiques.

Vous avez fait référence, monsieur le ministre, sous les applaudissements de votre majorité, à l’intensification de la lutte contre la fraude fiscale. Nous partageons votre détermination. Nous vous accompagnerons dans cette lutte.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous ne votez pas les textes qui la renforcent !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais j’ai le souvenir des propos que tenaient les membres de l’actuelle majorité, à l’époque où ils étaient dans l’opposition, lorsque l’on abordait ce grand sujet, et je ne voudrais pas que vous oubliiez que c’est nous qui avons été les premiers à lancer la lutte contre la fraude fiscale.

En résumé, ce budget souffre de son impréparation et se trouve affligé de tous les travers dogmatiques propres à la gauche.

Monsieur le rapporteur général, je vous ai écouté, je suis restée là pour vous entendre. Vous avez cité les cinq premiers « P »…

M. Christian Eckert, rapporteur. Quatre !

Mme Marie-Christine Dalloz. …avant les trois derniers « P » de la deuxième partie. Le premier, c’est : Persévérer. Eh bien, je vous le dis très sincèrement : errare humanum est, perseverare diabolicum. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

M. Christian Eckert, rapporteur. C’est original !

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, aujourd’hui, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2014.

La séance est levée.

(La séance est levée mercredi 16 octobre à une heure.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance



de l’Assemblée nationale



Nicolas Véron