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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 20 novembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Réforme fiscale

M. André Chassaigne

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Filière équine

M. Gérard Charasse

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Rythmes scolaires

M. Marc-Philippe Daubresse

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Rythmes scolaires

M. Jean-Louis Bricout

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Siège du Parlement européen

M. André Schneider

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger

Finances locales

M. Stéphane Demilly

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation

Droits de l’enfant

Mme Bérengère Poletti

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Réforme des retraites

Mme Gisèle Biémouret

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Transports sanitaires

Mme Virginie Duby-Muller

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Centre national de développement du sport

Mme Brigitte Bourguignon

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

Formation en alternance

M. Gérard Cherpion

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Insécurité en milieu rural

M. Yannick Favennec

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Rêves des Français

M. Jean-Charles Taugourdeau

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Politique de la ville

M. Jean-Philippe Mallé

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville

Accès à l’emploi des personnes handicapées

Mme Véronique Massonneau

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

2. Communication de M. le président

Suspension et reprise de la séance

3. Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur - Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen

Explications de vote communes

M. Marc Dolez

Mme Laurence Dumont

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Michel Piron

M. Alain Tourret

M. Sergio Coronado

Vote sur l’ensemble du projet de loi organique

Vote sur l’ensemble du projet de loi ordinaire

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

4. Modification de l’ordre du jour prioritaire

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

5. Avenir et justice du système de retraites (suite)

Rappel au règlement

M. Arnaud Robinet

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Article 2 (suite)

Amendements nos 2 , 48 , 96 , 134 , 187

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales

Amendements nos 3 , 4 , 369 , 194 , 49 , 349 , 19 et 20 , 203 , 135 rectifié , 136 rectifié , 198 , 197

Présidence de M. Marc Le Fur

Amendement no 214

Article 2 bis

M. Denis Jacquat

Article 3

M. Denis Jacquat

Mme Jacqueline Fraysse

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Amendements nos 5 , 55 , 218 , 370 , 6 , 63 rectifié , 351 , 50 , 371 , 137 , 156 , 61 , 161 , 95 , 62 , 408 , 219 , 220 , 21 , 221 , 56 , 234 , 223 , 224 , 225 , 226 , 373 , 227 , 22 , 57 , 238 , 228 , 229 , 231 , 25 , 230 , 24 , 232 , 222 , 79 , 233 , 60 , 58 , 372 , 23 , 237 , 235 , 146 , 236 rectifié , 352 , 99

Rappel au règlement

M. Denis Jacquat

M. Christian Paul

Suspension et reprise de la séance

Amendement no 374 rectifié

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Réforme fiscale

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ma question s’adressera à M. le ministre délégué chargé du budget, en l’absence du Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault a annoncé hier la remise à plat de notre fiscalité.

M. Jean-Paul Bacquet. Tant mieux !

M. André Chassaigne. Mais, dans le même temps, il annonce vouloir poursuivre la politique de baisse des dépenses publiques au rythme de 15 milliards d’euros par an, aux dépens des services publics, des collectivités locales et de notre système de protection sociale. Surtout, il indique que le Gouvernement ne reviendra pas sur la hausse de la TVA, impôt injuste par excellence, qui retire 6 milliards d’euros aux ménages.

Depuis des mois, les députés du Front de gauche réclament et proposent une grande réforme fiscale pour mettre en œuvre un impôt plus progressif, plus juste, plus efficace, une réforme qui vise à une plus juste répartition des richesses, une réforme qui vise à servir l’économie réelle et non les marchés ou les rentiers dont les exigences en matière de rentabilité étranglent nos économies !

Une véritable réforme fiscale implique donc de s’attaquer frontalement au coût du capital et non au coût du travail. Le stock des fortunes dissimulées à l’étranger a augmenté de 25 % entre 2009 et 2013. Une division par deux des dividendes versés aux actionnaires suffirait pour libérer 120 milliards d’euros pour les investissements productifs et la création d’emplois. Faut-il plus d’exemples pour vous convaincre de l’ampleur du pillage de notre pays et de nos territoires ?

Notre question est donc simple : êtes-vous prêts, pour mener à bien cette réforme fiscale, à repenser la répartition des richesses entre le capital et le travail ? Êtes-vous prêts à engager un changement de cap en faveur de l’emploi et des salaires, comme vous le demandent les citoyens qui descendront dans la rue le 1erdécembre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur André Chassaigne, je vous prie tout d’abord d’excuser le Premier ministre, qui assiste au sommet franco-italien. Il aurait aimé pouvoir vous répondre. Vous avez évoqué plusieurs sujets.

Le premier concerne la réforme fiscale. Nous avons engagé, vous le savez, une grande réforme fiscale l’an dernier, et le Premier ministre a indiqué qu’elle avait vocation à se poursuivre. Je rappelle ce que nous avons déjà fait : lorsque nous réformons en profondeur l’impôt de solidarité sur la fortune, nous sommes dans la réforme fiscale. Lorsque nous décidons de fiscaliser les revenus du capital comme les revenus du travail, ce qui n’était pas le cas auparavant, nous sommes dans la réforme fiscale.

M. Jean-Paul Bacquet. Bien sûr !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Lorsque nous réformons les droits de succession, nous sommes également dans la réforme fiscale. Lorsque nous décidons cette année de revenir sur la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu tout en appliquant une décote et en augmentant le revenu fiscal de référence pour mettre fin aux injustices fiscales, nous sommes dans la réforme fiscale.

Qu’a indiqué le Premier ministre hier ? Qu’il souhaitait, dans le cadre d’une large consultation associant les groupes politiques de votre assemblée, mais également les partenaires sociaux, aller au-delà de ce que nous avons déjà fait, mais en nous y adossant, car il y a une cohérence dans l’action du Gouvernement. Je suis convaincu, compte tenu des objectifs qui sont les nôtres au regard de l’action que nous avons déjà conduite, que vous nous soutiendrez.

Vous avez ensuite parlé de la dépense publique. Je veux seulement vous dire, monsieur Chassaigne, que si l’on est soucieux de préserver le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, c’est-à-dire les services publics et la protection sociale, il faut faire en sorte que la mauvaise dépense publique ne chasse jamais la bonne. C’est la meilleure solution pour préserver les services publics. L’amplification des déficits, c’est l’aggravation de la vulnérabilité de notre système de protection sociale ; la justice fiscale et la réduction des déficits, c’est la meilleure manière de préserver le modèle social français. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Et le coût du capital ?

Filière équine

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Gérard Charasse. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, et j’y associe mes collègues du groupe RRDP, en particulier Jeanine Dubié et Joël Giraud.

Monsieur le ministre, vous le savez aussi bien que nous, l’équitation française est menacée par la décision européenne d’augmenter le taux de TVA appliqué aux activités équestres pour le porter à 20 %. La filière équine doit ainsi supporter une forte augmentation, de 13 points.

Nous courons le risque de mettre dans une situation périlleuse les centres équestres les plus fragiles. Pourtant, dans ma circonscription et mon département de l’Allier comme dans beaucoup d’autres, les députés de terrain peuvent vous témoigner du rôle considérable de l’équitation pour maintenir la vitalité de nos territoires ruraux.

Au-delà des 18 000 emplois concernés, les centres équestres contribuent à la préservation des paysages et de la biodiversité. Ils ont une fonction éducative majeure, et, avec plus de 2 millions de pratiquants, c’est aujourd’hui un sport populaire qui anime nos campagnes.

Ils ont aussi une mission sociale remarquable, et je pense en particulier aux activités organisées avec les jeunes en situation de handicap.

Monsieur le ministre, je sais que vous êtes conscient de ce rôle économique et social de l’ensemble de la filière. Vous avez annoncé que vous vous mobiliserez à Bruxelles dans le cadre de la directive TVA pour rétablir le taux réduit. Nous comptons sur votre détermination pour convaincre nos partenaires et préserver le modèle français.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé la création d’un fonds cheval, dirigé par les représentants de la filière, pour compenser la hausse de TVA prévue. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des précisions sur ce plan cheval ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, une fois n’est pas coutume, je vais m’aider de notes pour vous répondre, afin de rappeler l’origine de cette question de hausse de TVA.

Cette procédure a été engagée le 23 octobre 2007 par la Commission européenne. La France a répondu le 22 janvier 2008 en présentant des arguments qui ont été refusés par la Commission le 1er décembre 2009.

Nous sommes donc engagés dans une procédure de contentieux avec l’Europe depuis cette date…

M. Christian Jacob. Vous avez besoin de rappeler ça !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …et nous avons été condamnés, monsieur Jacob, le 8 mars 2012, c’est-à-dire juste avant que nous arrivions. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) À partir de ce moment-là, nous avons été obligés d’appliquer la condamnation de l’Europe sur cette filière équine.

M. Yves Censi. Refusez-le !

M. Stéphane Le Foll, ministre. J’ai moi-même demandé au Premier ministre, qui m’a soutenu, de reporter l’application de cette mesure et de continuer à appliquer le taux réduit de TVA pour les centres équestres. Nous n’avons malheureusement pas pu, depuis un an, convaincre la Commission. Nous sommes maintenant en procédure de manquement sur manquement, c’est-à-dire que nous sommes face à un risque d’amende. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît, calmez-vous.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Assumez vos responsabilités et restez calmes.

M. Yves Censi. Vous aussi !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Premier point : si la directive TVA est renégociée, Bernard Cazeneuve et moi-même demanderons que soit remise en cause cette hausse qui pénalise la filière équine. Deuxième point (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC),…

M. le président. Merci, monsieur le ministre.

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc-Philippe Daubresse. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre et, par défaut, à M. le ministre de l’éducation nationale.

Monsieur le ministre, qu’il est loin le discours de Dijon du candidat Hollande qui promettait monts et merveilles aux élus locaux et qui promettait de ressusciter l’âge d’or des collectivités locales !

Dix-huit moins plus tard, nous sommes revenus à l’âge de pierre : asphyxie des finances communales, mise à la diète de tous les budgets (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),

M. le président. S’il vous plaît, monsieur Bays !

M. Marc-Philippe Daubresse. …augmentation des cotisations retraite et formation,…

M. Jean-Claude Perez. Tout en nuances !

M. Marc-Philippe Daubresse. …édiction, chaque jour un peu plus, de normes nouvelles par des éminences, dans des tours d’ivoires ministérielles, qui n’ont jamais siégé dans un conseil municipal, et, pour couronner le tout, monsieur le ministre, cette réforme des rythmes scolaires que vous nous imposez au forceps.

Contrairement à ce que vous dites, là où elle est mise en œuvre sur le terrain, cette réforme est un fiasco complet. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Laissez M. Daubresse poser sa question.

M. Marc-Philippe Daubresse. Elle suscite des mécontentements constants : les parents d’élèves sont désorganisés dans leur emploi du temps ; les élèves sont perturbés et fatigués ; les associations sportives, culturelles, artistiques et celles qui sont spécialisées dans la petite enfance voient leurs créneaux horaires chamboulés. (Exclamations continues sur les bancs des groupes SRC et UMP.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Marc-Philippe Daubresse. Les écoles privées vous disent maintenant : « On va rester à la semaine de quatre jours, tellement c’est le foutoir, cette réforme. »

Bref, monsieur le ministre, dans ce contexte, nous attendions du Président Hollande, qui avait pris la peine de parler en direct avec la petite Léonarda, un message, un peu de condescendance au congrès des maires.

M. Jean-Claude Perez. C’est minable !

M. Marc-Philippe Daubresse. Il ne l’a pas fait. Il n’y a eu qu’un discours du Premier ministre qui n’a rien dit (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC), qui n’a rien infléchi, qui n’a pas apporté (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le président. Merci, cher monsieur Daubresse. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député Daubresse, je comprends votre colère et votre désarroi, à un moment où vous affrontez dans votre commune quatre listes concurrentes de droite et que vous faites face à la défection de votre premier adjoint. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP –Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Vincent Peillon, ministre. Mais je trouve dommage que vous mêliez votre désarroi à une question d’importance : la scolarité des élèves de France. Je ne crois pas que l’accumulation et la répétition de mensonges feront jamais une vérité. (Exclamations continues sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Vincent Peillon, ministre. Je tiens à vous faire savoir que l’Association des maires de France que vous avez citée a elle-même demandé une étude qui mérite le respect. (Mêmes mouvements.)

M. Christian Jacob. Il est incapable de se faire élire !

M. le président. Mes chers collègues, on se calme. Je vous rappelle que la séance est télévisée.

M. Vincent Peillon, ministre. L’AMF, qui a interrogé des milliers d’élus qui sont passés dès l’année 2013 à la réforme des temps éducatifs et des temps scolaires, a publié cette étude aujourd’hui. Que dit cette étude, que tout le monde peut lire et consulter ? Elle dit que 83 % des collectivités locales qui sont passées en 2013 à la réforme des rythmes en sont satisfaites. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Contre toutes les assertions de M. Copé, elle donne aussi le vrai chiffrage de ce que cet engagement a coûté à ces communes : entre 100 et 200 euros par élève…



Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas vrai !

M. Vincent Peillon, ministre. …c’est-à-dire ce que l’État et les caisses d’allocations familiales ont mobilisé comme fonds. Enfin, elle tort le cou à cette idée que les communes rurales n’y arriveraient pas.

Dans votre académie que je connais et que j’aime – j’y ai enseigné –, vous avez supprimé 1 000 postes en 2012. Nous en avons recréé 200, précisément pour permettre aux enfants de France de réussir leur temps scolaire et éducatif. Je vous souhaite la même réussite. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Louis Bricout. Ma question aussi s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et concerne la mise en œuvre des nouveaux rythmes scolaires. J’interviens aujourd’hui pour vous livrer un témoignage au-delà du vacarme que font cinquante-cinq élus scotchés sur ce qui ne fonctionne pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Sur le terrain, cette réforme est possible, possible et même indispensable. Oui, un enfant apprend mieux le matin. Alors, oui, il faut étaler la période scolaire sur cinq matinées. C’est simplement biologique. C’est même une mesure thérapeutique ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Thérapeutique pour Peillon !

M. Jean-Louis Bricout. Et puis, en complément des apprentissages de base, permettre aux enfants plus de sport, de culture, c’est ce que font les parents qui le peuvent ; nous, nous l’offrons à tous !

Des milliers de maires sont au travail, notamment dans le cadre du comité de suivi de la réforme. Comme 4 000 de mes collègues je me suis engagé dès cette rentrée dans ma commune de Bohain-en-Vermandois en Picardie. J’en suis fier, monsieur le ministre !

M. Céleste Lett. Fayot !

M. Jean-Louis Bricout. Fier d’avoir pu ouvrir une concertation avec l’ensemble des acteurs de ma commune : les enseignants, les parents, les associations. Fier de pouvoir permettre à de nombreux enfants, notamment les plus défavorisés, de pouvoir participer à des activités ludiques, culturelles et sportives auxquelles ils n’auraient peut-être pas pu accéder autrement ; c’est cela aussi la justice. Sur le terrain, je découvre des enfants heureux de participer à des activités et des jeunes animateurs heureux de retrouver le chemin de l’emploi.

Ce qui est possible dans une petite ville bourg-centre comme la mienne peut l’être ailleurs. Une enquête de l’Association des maires de France, rendue publique ce jour, indique un taux de satisfaction de 83 % parmi les maires appliquant la réforme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Qu’en dites-vous, monsieur le ministre ?

M. Jacques Alain Bénisti. Enfumage !

M. Jean-Louis Bricout. Par ailleurs, en complément de ce qu’a indiqué le Premier ministre, hier, en ouverture du congrès des maires, pouvez-vous à nouveau nous rassurer et nous donner des précisions quant aux aménagements possibles notamment en termes d’encadrement des enfants et d’accompagnement budgétaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Hier, au congrès des maires, le Premier ministre a pu répondre, monsieur le député, à un certain nombre d’inquiétudes éprouvées par les élus lorsqu’ils mettent en œuvre la réforme des temps scolaires et éducatifs. Demain, j’aurai l’occasion de passer la matinée à ce même congrès et de dialoguer avec l’ensemble de ceux qui seront présents pour faire, comme vient de le faire l’Association des maires de France, le bilan réel de la mise en œuvre de cette réforme. En dehors du fait que 83 % des communes, d’après l’étude de l’Association des maires de France, se disent satisfaites, nous constatons que ces activités, qui ont lieu après la classe, sont gratuites pour désormais 80 % des élèves. C’est une nouveauté dans notre pays, qui permet, en particulier dans les territoires les plus défavorisés, de faire accéder à des activités culturelles ou sportives des enfants qui jusqu’à présent n’y avaient pas droit.

Un certain nombre de questions se posent et continuent de se poser. La première est celle du taux d’encadrement des activités qui ont lieu après l’école. Le Premier ministre a pris un engagement et nous travaillons avec les allocations familiales pour qu’il y ait la même souplesse sur les taux d’encadrement dans les temps périscolaires que dans les temps qui concernent aujourd’hui les activités péri-éducatives que nous avons organisées.

Deuxièmement, nous voulons, vous le savez, et les allocations familiales ont déjà modifié la convention d’objectifs dans ce sens, permettre que ces activités soient gratuites et que leur financement soit pérennisé.

Troisièmement, dans le cas des maternelles, j’ai déjà fait un certain nombre de recommandations afin que les enfants ne soient pas fatigués par trop d’activités. Le but de la réforme est, au contraire, de leur permettre de mieux vivre le temps scolaire et de s’épanouir sur le plan personnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Siège du Parlement européen

M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. André Schneider. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, avant de poser ma question, je me permets quand même de dire ceci à M. le ministre d’éducation nationale : avant de vous moquer d’un maire, essayez d’abord d’être maire vous-même. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean Glavany. Essayez d’abord d’être ministre !

M. André Schneider. Ma question s’adresse au Premier ministre.

Strasbourg l’Européenne est en grand danger. En effet, hier soir, le Parlement européen, en séance plénière, a débattu sur le rapport Fox-Häfner relatif aux sièges des institutions de l’Union européenne.

Ce texte prévoit que le Parlement européen ait un siège unique, mais à Bruxelles. Il est inspiré par les thèses des promoteurs de la campagne One single seat, et d’ores et déjà instrumentalisé par les tenants d’une centralisation pure et dure de toutes les activités du Parlement européen à Bruxelles. Ce groupe d’eurodéputés ne cesse de remettre en cause Strasbourg comme siège du Parlement européen. À treize heures aujourd’hui, c’est-à-dire il y a à peine deux heures, une écrasante majorité d’eurodéputés – 483 voix pour et 141 contre, soit une majorité de presque 80 % –vient malheureusement de voter en faveur de ce rapport, dans l’impuissance totale de la France, malgré le combat courageux de quelques députés français de toutes sensibilités politiques.

Un ministre britannique est à Strasbourg aujourd’hui pour s’en réjouir publiquement. Pas un membre du gouvernement français n’a jugé utile de s’y rendre…

Monsieur le Premier ministre, progressivement, insidieusement, les anti-Strasbourg gagnent du terrain. Or la France est de moins en moins présente dans les instances européennes, et cela depuis dix-huit mois. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)La voix de notre pays est de moins en moins audible en Europe. Nous sommes de plus en plus isolés.

Monsieur le Premier ministre, si rien ne bouge, à terme, la France risque de perdre la seule institution européenne qui siège sur son territoire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger. Monsieur le député André Schneider, comme vous venez de le rappeler, les députés européens viennent d’adopter un rapport qui propose de remettre en cause le siège du Parlement européen situé à Strasbourg. Au moment où l’Europe traverse une crise majeure, les attentes des citoyens européens se focalisent sur la capacité des institutions à trouver des solutions concrètes aux difficultés économiques et sociales. Nous nous étonnons donc que le Parlement européen ait jugé utile de consacrer son énergie à un combat de nature institutionnelle, juridiquement voué à l’échec et politiquement incompréhensible.

La position de la France sur le siège du Parlement européen est constante et bien connue. Elle repose sur le respect des traités qui stipulent sans aucune ambiguïté que le Parlement européen a son siège à Strasbourg où se tiennent douze périodes de session plénière par an. N’oublions pas non plus que les décisions relatives au siège des institutions sont prises à l’unanimité par les États membres. La France est très attachée au respect de ces dispositions, qui traduisent la volonté des bâtisseurs de l’Europe de construire une Europe polycentrique.

Contrairement à ce que pourrait laisser croire ce rapport, qui n’a aucune portée juridique, la question du siège du Parlement européen ne peut être traitée de façon isolée. La répartition des institutions au sein de l’Union européenne a fait l’objet de compromis délicats entre États membres. Demander la remise en cause du siège strasbourgeois du Parlement européen reviendrait donc à rouvrir l’ensemble des compromis sur les sièges des institutions, aventure dans laquelle il est peu probable que les États membres entendent s’engager.

Finances locales

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Stéphane Demilly. Monsieur le Premier ministre, d’ici une heure, notre assemblée se prononcera sur le projet de loi relatif à l’interdiction du cumul des mandats. Puisqu’il est encore permis à un maire – fier de l’être, d’ailleurs – de faire valoir au Parlement son expérience d’élu de terrain, je souhaite vous livrer un témoignage non polémique sur la situation des finances locales. Je pense que tous les maires de France pourraient faire le même constat que moi, celui de l’accentuation de l’effet de ciseau, qui est meurtrier pour les finances locales.

M. Éric Woerth. Bien sûr !

M. Stéphane Demilly. D’un côté, les dépenses contraintes des communes ne cessent de s’alourdir. J’en donnerai quelques exemples : hausse de la TVA, revalorisation des rémunérations des fonctionnaires de catégorie C, hausse des tarifs de l’énergie, hausse de la TGAP appliquée aux déchets ménagers, explosion des assurances, sans parler des dépenses supplémentaires engendrées par la réforme des rythmes scolaires.

En face de cela, les recettes se réduisent comme peau de chagrin ! Quelques exemples, là aussi : réduction de la dotation globale de fonctionnement versée par l’État, assèchement des subventions publiques, répercussion des baisses de dotation que l’État impose uniformément à des établissements publics comme les agences de l’eau, sans même parler des effets de la crise sur le produit des recettes fiscales revenant aux collectivités.

Dans ces conditions, ce n’est plus un effet ciseau, mais un effet sécateur ! (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Alors, comment faire ? Augmenter massivement les impôts des contribuables ? Ce n’est pas une bonne idée, et d’ailleurs le Gouvernement s’en est déjà amplement chargé. Il y a donc une seule solution : diminuer l’effort d’investissement, avec les conséquences que l’on peut imaginer sur le redémarrage de la croissance, les collectivités locales étant jusqu’ici de très loin le principal moteur de l’investissement public dans notre pays.

Monsieur le Premier ministre, alors que se tient le congrès des maires, quelle réponse comptez-vous apporter à l’étranglement financier des collectivités locales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. Monsieur le député, j’ai bien compris le sens de votre question, qui porte sur l’effort demandé aux collectivités territoriales pour continuer à investir. En effet, la part des collectivités territoriales dans l’investissement public, qui est de 71 %, doit être maintenue. Je sais l’ampleur de cet effort, qui représente à peu près 7 % des recettes réelles de fonctionnement des collectivités territoriales, aux termes du projet de loi de finances pour 2014.

Mais d’un autre côté, le Gouvernement a prévu un ensemble de mesures d’accompagnement. Le Premier ministre l’a d’ailleurs redit hier au congrès des maires, que vous avez mentionné. Il s’agit notamment d’accommodements avec la Caisse des dépôts et consignations, pour que le domaine d’intervention de l’enveloppe de 20 milliards d’euros soit beaucoup plus large.

Le 22 octobre dernier est née l’Agence France Locale, agence pour le financement des collectivités locales, qui permettra aussi d’aller beaucoup plus vite. Je ne parlerai pas des efforts réalisés s’agissant des emprunts toxiques : un certain nombre de dispositions ont été prises pour réduire les difficultés que connaissent certaines communes du fait de ces emprunts.

Enfin, des mesures plus structurelles ont été prises concernant les dotations de l’État. Elles relèvent d’une part de la péréquation : la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale ont été augmentées pour aider les communes les plus fragilisées, et améliorer le fonds commun de (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC)

M. le président. Merci, madame la ministre.

Droits de l’enfant

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Bérengère Poletti. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Serena : un bébé retrouvé dans le coffre d’une voiture. Fiona : une fillette tuée et enterrée dont on ne retrouve pas le corps. Marina : décédée après six ans de torture. Lorenzo : retrouvé mort de faim. L’actualité ne manque malheureusement pas d’exemples d’enfants maltraités. Ces exemples extrêmes cachent une réalité quotidienne : la maltraitance des enfants, contre laquelle il nous faut lutter.

Aujourd’hui, 20 novembre, c’est la Journée internationale des droits de l’enfant. Chaque jour, en France, deux enfants meurent de violences infligées par des adultes, qui sont le plus souvent leurs parents. La maltraitance des enfants, ce sont des coups, des agressions sexuelles, mais aussi des violences verbales, des humiliations répétées, du délaissement affectif. Les conséquences sur la santé physique et mentale de ces enfants victimes sont redoutables.

Actuellement, 273 000 mineurs sont suivis par les services sociaux pour maltraitance. Le service Allô Enfance en Danger, joignable au numéro 119, a reçu en 2012 plus d’un million d’appels, dont 70 % proviennent directement du mineur concerné ou de sa famille proche. Il s’agit malheureusement d’un sujet trop souvent tabou en France. Or pour faire reculer cette violence, il faut en parler, pour repérer plus efficacement les situations à risque, pour mieux déclencher les signalements, et pour améliorer le suivi des enfants maltraités.

La journée du 20 novembre nous donne l’occasion d’évoquer ce sujet. Il nous faut aller plus loin, et faire de cette cause la grande cause nationale pour 2014. Cela permettrait à la France de faire avancer significativement ses dispositifs législatifs, judiciaires et administratifs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI, et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, c’est un sujet grave que vous abordez, un sujet difficile qui concerne chacun d’entre nous. Nous ne pouvons pas accepter la loi du silence. Il y a dans notre pays, aujourd’hui, trop d’enfants, de petites filles et de petits garçons qui, dans le silence insupportable de leur famille, de leurs proches, sont confrontés à des actes, à des gestes, à des mots qui blessent et qui parfois tuent. Aujourd’hui, Journée internationale des droits de l’enfant, je veux saluer le travail et l’engagement de toutes celles et tous ceux qui, au quotidien, font reculer l’inacceptable. Il s’agit, bien sûr, des associations : vous les avez évoquées. Je veux aussi remercier les conseils généraux et leurs services pour leur travail, et les élus locaux qui sont pleinement impliqués au quotidien.

Le Gouvernement est pleinement mobilisé, tout particulièrement Dominique Bertinotti, qui assiste cet après-midi au congrès des maires. Le Gouvernement veut poursuivre une action résolue pour la reconnaissance des droits des enfants. L’UNICEF vient de publier un rapport qui donne la parole aux enfants. Ils ont beaucoup à nous dire, beaucoup à nous apprendre sur ce qu’ils ressentent et ce qu’ils demandent. Nous lancerons en 2014 une grande campagne de communication pour briser la loi infernale du silence, et faire en sorte que la parole de ces enfants maltraités, mal entendus, trouve enfin sa place dans l’espace public.

Madame la députée, la ministre de la famille et l’ensemble du Gouvernement travaillent à la protection de l’enfance. C’est une préoccupation qui nous rassemble, et qui nous mobilise. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Réforme des retraites

M. le président. La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Gisèle Biémouret. Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, alors que nous entamons à l’Assemblée la deuxième lecture de la réforme des retraites, nous voulons vous redire notre fierté de porter cette réforme équilibrée et juste (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) qui va permettre de consolider notre système de retraites par répartition.

Pour réussir cette réforme issue de la mobilisation des partenaires sociaux, plusieurs leviers ont été actionnés. Ils permettent de répartir l’effort entre les différentes catégories de financeurs et de bénéficiaires du système de retraites.

Oui, des efforts doivent être fournis pour empêcher la dérive financière de notre système de retraite. Sans réforme, le déficit du système aurait atteint vingt milliards d’euros en 2020. Ne rien faire aurait été une faute. Ne rien faire aurait signifié que l’on menaçait la solidarité intergénérationnelle à laquelle les Français sont attachés depuis la Libération.

Madame la ministre, le Gouvernement apporte la preuve qu’il est possible de réformer notre pays sans le brusquer et sans le brutaliser. Quel changement par rapport à vos prédécesseurs ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Votre réforme est porteuse de grandes avancées sociales : réduction des inégalités entre les femmes et les hommes, meilleure prise en compte des temps partiels, intégration facilitée des trimestres d’apprentissage et d’étude, appréciation de certaines retraites agricoles. Votre réforme corrige les inégalités dans l’accès à la retraite.

Et surtout, nous engageons le grand chantier de la pénibilité. Les travailleurs les plus sollicités physiquement vont bénéficier d’une réduction de leur durée de cotisation et d’un accès privilégié à la formation professionnelle. C’est une avancée considérable, dont nous sommes tous très fiers.

Madame la ministre, pouvez-vous nous rappeler quelle ambition anime le Gouvernement dans la conduite de votre réforme des retraites ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’en a pas !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée Gisèle Biémouret, vous avez raison de rappeler que nous avons poursuivi, en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, le débat sur le projet de loi du Gouvernement garantissant l’avenir de notre système de retraites.

M. Arnaud Robinet. Projet de loi rejeté par le Sénat !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous avez raison de le souligner, le Gouvernement a engagé de profondes transformations pour notre pays, parmi lesquelles il en est une évidemment essentielle, qui consiste à garantir un pacte social de qualité, solidaire et pérenne aux jeunes générations qui sont aujourd’hui engagées dans la vie active. Ce pacte permettra aux jeunes actifs de pouvoir compter sur une retraite digne, le moment venu. Alors que notre système de retraite est confronté à un défi financier important, nous voyons, à l’occasion de ces débats, que des options différentes existent entre l’opposition et la majorité.

Au Sénat, et sans doute également à l’Assemblée nationale, l’UMP n’a cessé de faire la promotion du système de retraites par capitalisation. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Nicolas Dhuicq. Mensonge ! Mensonge !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je le dis : le Gouvernement défend avec fermeté et conviction la retraite par répartition, qui est le système de retraites juste et solidaire. Nous avons des positions antagonistes sur ce sujet, mesdames et messieurs de l’opposition.

Le Gouvernement a fait le choix de ne pas faire reposer l’effort sur les jeunes générations, contrairement à ce que vous avez fait et que vous persistez à défendre en demandant le relèvement de l’âge légal de départ. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. On se calme, s’il vous plaît !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement refuse le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite. L’opposition a voté contre la mise en place d’un compte pénibilité et la reconnaissance des différences de trajectoires des hommes et des femmes dans notre pays.

Notre gouvernement assume pleinement une réforme de responsabilité et de justice ; à l’opposition de prendre ses responsabilités ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Transports sanitaires

M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire, que l’on écoute en silence.

Mme Virginie Duby-Muller. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre : je voulais savoir s’il entendait la clameur qui gronde dans notre pays et qui s’amplifie. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Après les poussins, les pigeons, les dindons, les travailleurs frontaliers vaches à lait, les abeilles, les moutons, les dodos, les cigognes, les bonnets rouges, les bonnets verts, les bonnets orange,…

M. Thomas Thévenoud. Les bonnets d’âne !

Mme Virginie Duby-Muller. …les sacrifiés que sont les artisans et les commerçants, voilà que le Gouvernement s’en prend maintenant aux ambulanciers ou bonnets blancs.

Ils sont venus à l’Assemblée nationale lundi 18 novembre, toutes sirènes hurlantes, pour exprimer leur détermination à protéger les patients et à faire respecter leurs droits à des transports sanitaires de qualité.

En décidant d’élever le taux de TVA sur le transport de malades en véhicule sanitaire léger à 10 %, le Gouvernement a, en effet, démontré qu’il voulait la mort du transport sanitaire : cette funeste décision aboutirait à un fait sans précédent, le quasi-doublement de la TVA en vingt-quatre mois. Cette augmentation de la TVA sera directement à la charge des entreprises. Or, un très grand nombre d’entre elles ne sera pas capable de survivre à cette nouvelle augmentation. Treize mille emplois sont en jeu !

Au-delà des entreprises, c’est aussi le patient qui est mis en danger par cette mesure, qui va dégrader la chaîne de soins. Sans parler du contribuable, puisque selon la CNAM, le prix moyen d’un transport en VSL sur le territoire est de 32 euros en moyenne, contre 48 euros pour un transport en taxi, soit une 16 euros de différence à la charge du contribuable !

Cette hausse de la TVA, les ambulanciers ne peuvent pas la tolérer : ils vont le hurler pendant un tour de France, comme tous les Français, qui ne peuvent plus supporter l’inconstance de votre politique fiscale. Votre Gouvernement a brisé toute confiance à force de brutalité et de revirements.

La « remise à plat » annoncée hier par le Premier ministre est certes vertueuse, mais bien trop tardive. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous auriez dû commencer par cela pour être crédibles ! Aujourd’hui, le niveau de pression fiscal est trop élevé. Alors, de grâce, arrêtez de tirer sur l’ambulance et arrêtez de taxer les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée Duby-Muller, la préoccupation du Gouvernement pour un système de santé de qualité n’est pas à démontrer. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous entendons bien faire en sorte que chacune des professions, engagées au quotidien et partout sur le territoire au service de tous nos concitoyens, puisse bien les prendre en charge. Cette volonté et cette détermination, je veux ici les réaffirmer avec force et solennité.



Les ambulanciers participent à un système de santé de qualité, d’autant plus que l’organisation de notre système de soins appellera de plus en plus des déplacements, depuis le médecin de proximité jusqu’aux établissements hospitaliers.



Nous avons donc la volonté d’être très attentifs à la situation dans laquelle se trouvent les ambulanciers, et aux conditions dans lesquelles ils exercent leur profession. Comme d’autres professions, les ambulanciers ont engagé des discussions avec l’assurance maladie pour déterminer leur niveau de rémunération au cours de l’année 2014. Ces négociations se sont bien déroulées, et ont abouti à des résultats jugés satisfaisants par l’ensemble des parties, y compris les ambulanciers.



Vous le voyez, madame la députée, l’augmentation de la TVA, qui concernera l’ensemble des activités de notre vie économique qui sont concernées, ne mettra pas à mal une activité essentielle, puisque le Gouvernement fait en sorte, avec l’assurance maladie, que la rémunération des ambulanciers soit à la hauteur du service qu’ils rendent aux patients sur tout le territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)



Centre national de développement du sport

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Brigitte Bourguignon. Ma question s’adresse à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Nous l’avions rêvé. Hier soir, ils l’ont fait. Impossible n’étant pas français, l’équipe de France a gagné son ticket pour le Brésil ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe UMP.) Enfin, le slogan de la victoire de 1998, si rassembleur « et 1 et 2 et 3 zéro ! » a pu résonner dans les rues pour saluer cette belle équipe « black blanc beurs », chantant La Marseillaise, le temps d’un moment d’union nationale, nous faisant presque oublier les propos racistes qui ont sali notre pays ces dernières semaines. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Gest. C’est minable !

M. le président. S’il vous plaît ! On se calme ! Il y a trop de bruit ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Brigitte Bourguignon. Mais, si ces exploits donnent aux jeunes l’envie de pratiquer, il faut, au niveau local, les équipements, les infrastructures pour les accueillir. Le Centre national de développement du sport placé sous votre tutelle, madame la ministre, a pour vocation d’aider au développement du sport amateur. Ce bel outil auquel les élus, réunis en congrès ce jour, sont attachés, fait l’objet, depuis votre arrivée, d’un plan de redressement de ses comptes, comptes qui étaient en péril compte tenu de la dérive engendrée par la mauvaise gestion de la droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Au budget prévisionnel voté par M. Douillet en 2012, les engagements sont supérieurs de 100 millions aux recettes attendues ; 50 millions promis aux Arénas, 160 millions pour les stades de football. On rasait gratis !

Plusieurs députés du groupe UMP. Carton rouge !

Mme Brigitte Bourguignon. Que devenait le sport amateur ? Si rien n’avait été fait, l’endettement du CNDS aurait été de près de 500 millions d’euros cette année !

Plusieurs députés du groupe UMP. Zéro !

Mme Brigitte Bourguignon. Un redressement et une réorientation du CNDS étaient donc plus qu’impératifs. Où en êtes-vous, madame la ministre, et qu’en est-il de cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Madame la députée, Brigitte Bourguignon, je vous remercie, tout d’abord, d’avoir salué cette magnifique performance de l’équipe de France de football, hier soir, et sa qualification pour le Mondial qui se déroulera au Brésil en 2014. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Vous avez raison, le Gouvernement est très attaché au Centre national pour le développement du sport. Nous avons trouvé cet établissement public dans une situation financière extrêmement délicate avec, comme l’a également signifié la Cour des comptes, une dérive de son cap, très loin de sa vocation initiale de soutien au sport amateur.



Depuis maintenant plus d’un an, avec l’appui de toutes les collectivités territoriales et du mouvement sportif, nous avons engagé un plan de redressement du Centre national pour le développement du sport. Il s’est agi, dans un premier temps, du redressement financier avec, je veux le souligner, le soutien du Gouvernement et du Premier ministre pour maintenir les recettes du CNDS…



M. Olivier Audibert Troin. Encore heureux !

Mme Valérie Fourneyron, ministre. …et tenir les engagements, mais aussi réaliser des économies ciblées sur ce qui était loin du sport amateur. Il y a eu, dans un deuxième temps, six mois de concertation sur une réforme des critères d’intervention. Hier, le conseil d’administration a voté à l’unanimité la réforme de ces critères d’intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Trois priorités ont été dégagées : soutenir l’emploi sportif qualifié avec la création de 1 200 emplois, ce qui représente un total de 4 000 emplois ; soutenir l’ensemble des territoires le plus en difficulté en termes d’accès à la pratique sportive ; enfin, soutenir les équipements de proximité avec un plan piscine prioritaire pour tous nos territoires.

M. David Douillet. Oser dire cela est scandaleux !

Mme Valérie Fourneyron, ministre. Il sera nécessaire, s’agissant des équipements, de mettre en place, en 2014, un schéma régional pour chaque région. En 2015, une enveloppe déconcentrée dans chaque région permettra aux élus locaux, avec l’appui de l’État et du mouvement sportif, de faire leurs propres choix. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Formation en alternance

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Cherpion. Je veux dire à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé que le groupe UMP est très attaché à la retraite par répartition.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas vrai !

M. Gérard Cherpion. Mais nous sommes, nous, opposés à la baisse des pensions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est faux !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Gérard Cherpion. Ma question s’adresse au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Il n’y a plus à démontrer les bienfaits de l’apprentissage. Dois-je encore le rappeler, huit jeunes sur dix qui suivent une telle formation trouvent un emploi dans les six mois après l’obtention de leur diplôme. Je croyais que nous partagions l’objectif de développer cette voie de réussite et d’excellence pour les jeunes. Or le budget que vous avez présenté, voici deux semaines, signe la récession des entrées en apprentissage.

En faisant doublement payer les entreprises avec, d’une part, le resserrement du crédit d’impôt et, d’autre part, la suppression de l’indemnité compensatrice forfaitaire pour les entreprises de plus de onze salariés, vous allez les éloigner de l’alternance et agir négativement sur la signature de nouveaux contrats.

M. Francis Vercamer. Comme d’habitude !

M. Gérard Cherpion. Outre ces décisions qui sont de votre responsabilité gouvernementale et qui vont pénaliser l’alternance, un nouvel élément va aggraver la situation des entreprises accueillant des apprentis. En effet la Cour de justice de l’Union européenne va rendre une décision, dans les semaines qui viennent, qui pourrait obliger les entreprises françaises à comptabiliser les alternants et les personnes en contrats aidés dans leurs effectifs. Ainsi, de nombreuses entreprises concernées par les seuils de dix ou cinquante salariés, par exemple, se verront appliquer de nouvelles règles plus contraignantes.

M. Jacques Alain Bénisti. C’est vrai !

M. Gérard Cherpion. La conséquence sera une nouvelle baisse des entrées en apprentissage. Connaissant votre volonté affichée de porter à 500 000 le nombre d’apprentis, je suis certain, monsieur le ministre, que vous avez déjà anticipé cette décision préjudiciable au développement des entreprises et à l’avenir des jeunes. Eu égard à l’urgence de la situation, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur les mesures que vous allez prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, votre question porte sur un sujet évidemment préoccupant.

Le Gouvernement s’est engagé sur un objectif de 500 000 apprentis et nous atteignons aujourd’hui les 441 000. Ne doutez pas un instant de notre détermination à continuer dans cette voie.

Vous avez évoqué une décision qui n’a pas encore été rendue. Nous n’avons pour l’instant que les conclusions de l’avocat général devant la Cour de justice européenne. Cette décision pourrait entraîner des effets de seuil. On sait en effet que la présence d’un délégué du personnel est obligatoire à partir de onze salariés, et que les entreprises de plus de cinquante salariés doivent avoir un comité d’entreprise. Or, des salariés qui, dans le droit positif français, sont aujourd’hui exclus du décompte du nombre des salariés, à savoir notamment, mais pas seulement, les apprentis, pourraient, en application de cette décision, devoir dorénavant être pris en compte.

Il s’agit d’une procédure européenne. En conséquence, si la décision était rendue dans ce sens, cette règle s’appliquerait partout en Europe, et non pas spécifiquement aux entreprises françaises, lesquelles ne se trouveraient pas dans une situation de distorsion de concurrence.

Je pense que nous sommes d’accord sur la question de fond. Si nous voulons respecter les principes et notamment celui qui figure dans le préambule de la Constitution de 1946, à savoir que les salariés participent, par leurs représentants, à l’expression collective dans l’entreprise, encore faut-il, en même temps, défendre les institutions représentatives du personnel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Le Gouvernement est très attaché à ce principe.

Si la décision était celle que vous craignez, le Gouvernement saisirait, puisque la négociation est en cours, les partenaires sociaux pour en tirer les conséquences sur le territoire national. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Insécurité en milieu rural

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Yannick Favennec. Monsieur le ministre de l’intérieur, savez-vous que près de 8 000 vols de bétail, cultures et matériels ont été recensés dans les exploitations agricoles depuis le début de cette année, soit une augmentation de 7,5 % ?

Savez-vous que ces vols et dégradations représentent des années de travail et un préjudice financier sans précédent pour nos agriculteurs, qui ont déjà beaucoup de mal à faire face à une situation économique catastrophique ?

Savez-vous que ces exactions touchent non pas seulement le monde agricole, mais aussi l’ensemble des habitants des territoires ruraux ? Dans mon seul département de la Mayenne, par exemple, le nombre de cambriolages a pratiquement doublé au cours des trois dernières années en dépit du remarquable travail de nos gendarmes.

Entre votre réforme des élections départementales, qui va éloigner, voire exclure, les territoires ruraux des centres de décisions (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), la suppression annoncée de nos sous-préfectures, qui va transformer la ruralité en désert républicain, la réforme des rythmes scolaire, aux conséquences financières lourdes pour nos petites communes (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), l’aggravation de la fracture numérique entre urbains et ruraux, les menaces contre les zones de revitalisation rurale qui vont peser sur nos entreprises et l’emploi et, maintenant, les actes de délinquance qui se propagent dans nos territoires, entendez-vous dans nos campagnes mugir l’exaspération et la colère ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Ne soyez pas seulement le ministre de l’intérieur de Paris, Nice ou Marseille ! Intéressez-vous aussi aux 11 millions de Français qui occupent 80 % du territoire national et qui aspirent au même droit à la sécurité que ceux qui vivent dans les grandes villes, les banlieues ou les agglomérations ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. C’est dommage, monsieur le député, car la première partie de votre question appelait je crois, à la responsabilité, à partir d’un constat lucide.

Oui, les cambriolages sont un fléau qui touche tous les territoires de notre pays et tous nos concitoyens. Ils ont augmenté au cours des dernières années, pour toute une série de raisons. Il ne s’agit donc pas de polémiquer, il faut s’attaquer au phénomène. Le Gouvernement s’intéresse aux questions rurales. Je suis allé dans le Cantal, l’Aveyron, la Meuse, je serai en Vendée dimanche soir et lundi. Il n’y a, en effet, pas un seul territoire, pas un seul département, auquel le ministre de l’intérieur, comme d’ailleurs l’ensemble du Gouvernement, peut ne pas s’intéresser.

M. Franck Gilard. Ce n’est pas que du tourisme, le ministère de l’intérieur !

M. Manuel Valls, ministre. Rappelons, puisque vous voulez des chiffres, que le nombre de cambriolages a augmenté de 18 % entre 2007 et 2012, dont 44 % pour les résidences principales. Si vous voulez polémiquer, voilà les résultats !

M. Franck Gilard. C’est la Roumanie qu’il faut visiter, monsieur le ministre !

M. Manuel Valls, ministre. Je vous rappelle que vous avez supprimé des milliers de postes de gendarmes dans les territoires ruraux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Manuel Valls, ministre. Avec le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, nous voulons agir, notamment pour protéger l’outil du travail agricole, parce que cela doit être une priorité.

Plutôt que de polémiquer, mesdames, messieurs, travaillons ensemble pour obtenir des résultats, comme nous le faisons lorsque nous nous rencontrons sur le terrain, en mettant en place le plan de lutte contre la délinquance. Si l’on regarde votre bilan, vous n’avez pas de quoi être fiers ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Rêves des Français

M. le président. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Monsieur le Premier ministre, je vais vous offrir cet objet : c’est un attrape-rêves. (Exclamations sur divers bancs.) Je vous recommande d’en accrocher partout autour de Matignon et, surtout, de l’Elysée pour enfin écouter les rêves des Français.

Car « moi président » et vous-même, vous vous êtes trompés dans la panoplie des outils pour réenchanter le rêve. C’est un cauchemar, que dis-je, ce sont des cauchemars que vous faites vivre à 64 millions de Français tous les jours, et particulièrement dans les campagnes.

N’entendez-vous pas les vétérinaires, les entreprises, les transports de santé, les artisans, les métiers d’art, les cavaliers, les agriculteurs, les auto-entrepreneurs, les commerçants, les transporteurs ? Sans oublier les policiers, les gendarmes et les militaires, qui souffrent mais qui, eux, sont tenus au silence ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Vous ruinez les Français, et vous les divisez. Pour la ville, nos moyens ; pour la campagne, vos dettes… Nous voulons avoir le choix de vivre et de travailler à la campagne et ne pas juste mourir au fond des bois.

Je n’ose même pas évoquer les rythmes scolaires, qui, apparemment, ne changent pas le rythme des grèves mais qui vont éliminer les petites écoles dans les communes qui ne pourront pas financer et organiser le périscolaire.

Le vote contestataire, partout en France et en milieu rural, n’est pas le signe d’une montée du racisme ; c’est celui d’un ras-le-bol des inégalités et des injustices sociales et fiscales. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

La révolte gronde dans nos campagnes, dans nos régions. Cessez de diviser les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ceux qui grondent aiment la France. Quand allez-vous cesser de mentir aux Français ? Quand allez-vous chasser nos cauchemars ? Quand allez-vous avoir le courage d’enrayer cette chienlit puisque, paraît-il, rien ne vous impressionne ? Quand allez-vous enfin réenchanter les rêves des Français ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je vous en prie !

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Pour nous, monsieur le député, contrairement à ce que laisse entendre votre discours, qui a bien montré le fond de votre pensée, les Français ne sont pas une addition de catégories : c’est d’abord une nation, qui doit être unie et rassemblée autour d’un intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Vous avez pendant des années opposé les Français les uns aux autres. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous les avez traités par catégories, vous avez développé, et vous souhaitez le faire encore, la violence des uns contre les autres dans cette société.



La politique de ce gouvernement, celle du redressement de la France, c’est d’abord être capable de tracer une perspective commune pour l’ensemble des Français. Cette perspective est clairement inscrite, c’est la préparation de l’avenir.



Pendant des années, par l’accroissement des déficits, par l’absence de préparation de l’avenir avec l’école, par l’abandon de la transition écologique, par votre incapacité à préparer les régimes de retraite pour demain, vous avez sacrifié l’avenir. C’est autour de la préparation de l’avenir, c’est-à-dire de l’espérance, que nous comptons rassembler les Français. Nous aimerions vous entraîner dans ce dessein plutôt que de vous voir sans cesse opposer les uns aux autres comme vous le faites encore aujourd’hui. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)



Politique de la ville

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Mallé, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Philippe Mallé. Monsieur le ministre délégué chargé de la ville, cette semaine, notre assemblée va examiner la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Cette loi doit permettre à notre pays de renouveler ses outils pour lutter contre la ségrégation sociale et territoriale qui mine notre pacte républicain.

Cette loi porte une forte ambition : nous ne voulons pas seulement donner des moyens supplémentaires aux territoires les plus défavorisés, mais aussi agir pour faire reculer la pauvreté et le désespoir dans les quartiers populaires de notre pays. Ce chantier indispensable, nous le soutenons sans réserve car il va permettre de mieux conjuguer les efforts de l’État, des collectivités territoriales et des acteurs de terrain.

Il est ainsi prévu, tout d’abord, une concentration des moyens sur les quartiers les plus en difficulté, ensuite, une simplification des dispositifs, alors que la politique de la ville était devenue trop bureaucratique, enfin, une participation active des habitants, indispensable pour mobiliser les énergies en faveur de nouvelles dynamiques territoriales.

Monsieur le ministre, ces dix dernières années, les politiques de la ville ont mis l’accent sur une dimension urbaine : c’était le cas, par exemple, avec la création de l’Agence nationale de rénovation urbaine. Cet effort, il fallait le fournir, mais il ne suffit plus. Une articulation entre l’urbain et l’humain est nécessaire, et c’est ce que nous voulons réussir.

Votre mission est donc décisive pour redonner du sens à l’égalité républicaine. Nous vous soutenons et continuerons d’accompagner votre action. Aussi, pouvez-vous nous rappeler quels objectifs et quelle ambition poursuit le Gouvernement dans cette loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de la ville.

M. François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. Monsieur le député, votre question est importante…

Un député du groupe UMP. Allô !

M. François Lamy, ministre délégué. …car elle concerne des millions d’habitants de nos quartiers populaires, ces quartiers populaires que vous connaissez bien et qui ont subi ces dernières années, plus que les autres, la crise économique et sociale.

Vous l’avez souligné, il fallait réformer cette politique de la ville, qui était devenue illisible et donc inefficace. Pour cela, il fallait repartir d’un diagnostic. C’est la réforme de la géographie prioritaire. Je proposerai à votre assemblée, vendredi, de ne retenir qu’un seul critère : celui de la concentration de pauvreté.

Cela aura pour traduction, par ailleurs, et je le dis notamment à M. Favennec, que la politique de la ville ne concernera pas uniquement les quartiers de nos grandes agglomérations, mais aussi les quartiers des territoires urbains en milieu rural,…

M. Franck Gilard. Des territoires urbains en milieu rural ?

M. François Lamy, ministre délégué. …qui sont aussi en grande difficulté et ont les mêmes stigmates que les quartiers populaires de nos agglomérations.

Il faudra également un cadre. C’est le futur contrat de ville, où nous trouverons à la fois les actions de cohésion sociale et la rénovation urbaine. Le Gouvernement a décidé d’engager un nouveau plan de rénovation urbaine de 20 milliards d’euros, qui permettra d’engager une nouvelle série de rénovations de quartier, sans attendre la fin du premier plan.

Ces contrats de ville constitueront l’essentiel du cadre de la mobilisation de l’ensemble des politiques publiques, puisqu’ils seront signés par le préfet et les collectivités, mais aussi par les agences régionales de santé, par les procureurs, pour la prévention, par Pôle emploi, par les recteurs, pour les questions éducatives.

Vous voyez donc, monsieur le député, qu’il ne s’agit pas d’un énième plan d’urgence, aussi vite annoncé qu’oublié. C’est un véritable plan d’action structurel pour les quartiers, pour les habitants de nos quartiers populaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Accès à l’emploi des personnes handicapées

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, et j’y associe ma collègue Barbara Pompili.

Madame la ministre, depuis lundi, des hommes et des femmes sont mobilisés dans le cadre de la semaine pour l’emploi des personnes handicapées. Ces personnes organisent des rencontres entre recruteurs et travailleurs handicapés, préparent des candidats à l’emploi, accompagnent et conseillent des entreprises afin de faciliter l’insertion de salariés handicapés.

Ce rendez-vous national, organisé par l’Association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées, doit tous nous concerner. Plus d’une personne en situation de handicap sur cinq est aujourd’hui privée d’emploi. C’est deux fois plus que la moyenne nationale et ce décalage ne cesse de croître depuis 2008.

Chacun sait que le tremplin pour l’emploi, c’est la formation. Aujourd’hui encore, trop de jeunes handicapés sont victimes d’une sorte d’autocensure, un phénomène qui les amène à faire des choix d’orientation par défaut, à suivre une formation qui ne leur convient pas. Accompagner les jeunes handicapés dans leurs parcours de formation, les conforter dans la prise de conscience de leurs capacités, et ce dès le collège, c’est indispensable.

Il faut tout autant faciliter l’insertion des salariés handicapés dans l’entreprise, lors de l’embauche, en aidant les employeurs à réviser une perception souvent tronquée de l’employabilité des personnes handicapées, mais aussi lors de l’accueil de ces dernières dans les équipes de travail, ce qui peut nécessiter des formations du personnel accueillant.

Voilà pourquoi les actions menées cette semaine sont si importantes. Voilà pourquoi elles doivent trouver un écho politique auprès du Gouvernement et du Parlement. Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous présenter la politique que vous comptez mettre en œuvre en faveur de l’inclusion des personnes handicapées dans l’emploi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Madame la députée, la priorité du Gouvernement, vous le savez, c’est l’emploi. L’emploi pour l’ensemble des travailleurs de notre pays…

M. Franck Gilard. Eh bien, c’est raté !

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée. …et bien sûr pour les personnes en situation de handicap.

La situation que j’ai trouvée, en arrivant aux responsabilités, c’est 380 000 travailleurs handicapés inscrits à Pôle emploi et un taux de chômage de 22 %. Il existe certes une obligation d’employer 6 % de travailleurs handicapés pour les entreprises de plus de vingt salariés, mais ce chiffre est loin d’être atteint.

C’est pourquoi, dans le cadre du comité interministériel du handicap que le Premier ministre a réuni le 25 septembre dernier, nous avons pris des initiatives. Nous avons décidé de nous attaquer aux facteurs structurels. Comme vous l’avez dit, il s’agit d’abord et avant tout de la formation, car c’est principalement le faible niveau de qualification des travailleurs handicapés qui explique leur niveau de chômage élevé.

Cela passe tout d’abord par l’école, depuis l’école primaire jusqu’à l’université. Nous avons déjà apporté des réponses, elles sont en train d’être mises en œuvre : les assistants de vie scolaire, les classes dédiées, mais aussi, désormais, une stratégie consacrée aux personnes handicapées dans les universités.

Dans le cadre de la négociation entre les partenaires sociaux sur la formation professionnelle et de la concertation sur l’alternance, nous avons également proposé des items, de manière que la situation des travailleurs handicapés soit prise en considération et qu’elle entre dans le projet de loi que nous vous présenterons.

La formation spécialisée sera réformée. Nous avons besoin de la moderniser et de l’adapter aux besoins des entreprises, pour qu’elle débouche sur l’emploi. Il y a bien sûr aussi la question du maintien dans l’emploi. Nous aiderons les travailleurs handicapés indépendants, les jeunes créateurs d’entreprise. Nous essaierons de sortir plus facilement les travailleurs des ESAT et des entreprises adaptées pour qu’ils entrent dans les entreprises ordinaires. Gagner la bataille de l’emploi, cela ne se fera qu’en menant aussi la bataille pour les emplois des salariés handicapés. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

2

Communication de M. le président

M. le président. Avant de suspendre la séance, et parce que quelques interrogations se sont fait jour, je vous précise que le titre du projet de loi organique que je vais soumettre au vote de l’Assemblée est encore, et notamment sur la feuille jaune, celui du texte qui nous a été transmis par le Sénat.

Bien entendu, le texte que nous allons voter en nouvelle lecture portera le titre adopté par la commission, à savoir : « Projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur ». (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur

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Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen

Votes solennels

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur le projet de loi organique, en nouvelle lecture, interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (n1391) et le projet de loi, en nouvelle lecture, interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen (n1392).

Explications de vote communes

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Le cumul d’un mandat parlementaire avec des responsabilités exécutives locales est aujourd’hui une pratique courante. Cette exception française suscite les critiques et la méfiance de nos concitoyens qui, chacun le sait, portent un jugement particulièrement sévère sur leurs responsables politiques. La gravité de cette crise de la représentation appelle d’urgence des mesures fortes pour retisser le lien de confiance entre les citoyens et leurs élus et réconcilier les Français avec leurs représentants et leur démocratie. C’est pourquoi, favorables à une limitation stricte des mandats, nous approuvons ces deux projets de loi, qui s’inscrivent dans le prolongement des lois de 1985 et de 2000. Avec cette réforme, nous passons de la limitation à l’interdiction.

M. Alain Chrétien. Vous aimez ça, l’interdiction !

M. Marc Dolez. Pour les députés, sénateurs et députés européens, le champ des incompatibilités est nettement renforcé, puisque les fonctions exécutives locales visées recouvrent non seulement celles qui reviennent aux présidents des assemblées délibérantes des collectivités territoriales, quelle que soit leur importance démographique, mais également celles d’adjoint au maire, de maire d’arrondissement, de maire délégué, de vice-président de conseil général ou régional ainsi que les fonctions de président et de vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale, sans oublier de nombreuses fonctions dérivées que nos débats ont permis d’intégrer. Le dispositif proposé est simple, équilibré et lisible dans son périmètre, et il serait absurde d’en exclure les sénateurs. Il est tout aussi lisible dans son calendrier, puisqu’il sera effectif à partir du prochain renouvellement en 2017.

Surtout, ce dispositif lève un obstacle majeur à la modernisation de la vie publique. Cette limitation du cumul permettra aux parlementaires d’exercer pleinement leurs prérogatives : vote de la loi, contrôle de l’action du gouvernement et évaluation des politiques publiques. Elle représente aussi une exigence démocratique, permettant de revaloriser le rôle du Parlement, alors que depuis dix ans, le déséquilibre institutionnel s’était accentué en faveur de l’exécutif. Cette limitation est enfin de nature à favoriser le renouvellement des élus et à ouvrir l’accès aux fonctions électives nationales à davantage de femmes, de jeunes, d’ouvriers et d’employés et de Français issus de l’immigration. La réforme proposée constitue donc une avancée réelle pour engager la rénovation de notre vie politique et apporter des réponses à la crise de la représentation qui fragilise la démocratie. Mais nous pensons aussi qu’il ne devrait s’agir que d’une première étape vers l’adoption d’autres mesures tout aussi nécessaires : non-cumul des mandats locaux, création d’un statut de l’élu ou encore instauration de la représentation proportionnelle. Avec cette réserve, mais pour toutes les raisons précédentes, les députés du Front de gauche confirmeront leur vote de première lecture et voteront ces deux projets de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Laurence Dumont. À plusieurs reprises, la gauche – et uniquement la gauche malheureusement – a limité le cumul des mandats pour plus de démocratie, pour plus de diversité, pour plus de transparence et pour plus de parité. Le texte qui vous est soumis, dans le droit fil de ceux de 1985 et de 2000, répond à la nécessité de réconcilier les citoyens avec la politique et avec leurs élus.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas avec cela que vous y arriverez !

Mme Laurence Dumont. Le contexte actuel de défiance vis-à-vis des institutions nous commande d’aboutir en ce sens. Aboutir pour que les parlementaires exercent pleinement les missions qui sont confiées au Sénat et à l’Assemblée nationale. À ce titre, la limitation doit évidemment concerner l’ensemble des parlementaires et non les seuls députés. Faire la loi, l’évaluer et contrôler le Gouvernement sont les missions attribuées aux deux assemblées par la Constitution. Elles demandent autant de disponibilité au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. Aboutir pour que les élus locaux exercent pleinement leurs responsabilités locales. C’est pourquoi la limitation doit concerner l’ensemble des mandats exécutifs locaux que les décentralisations successives ont extrêmement étoffés. Elle devra, je le rappelle, s’accompagner de la mise en œuvre d’un véritable statut de l’élu. Aboutir pour favoriser le renouvellement des élus. La limitation du cumul des mandats permettra d’avoir élus plus nombreux, plus représentatifs, plus disponibles et plus responsables.

M. Alain Chrétien. Nous sommes déjà responsables !

Mme Laurence Dumont. Aboutir, enfin, pour permettre aux parlementaires d’être sur le terrain, disponibles et à l’écoute de leurs concitoyens, sans confusion d’intérêts et au service de l’intérêt général.

Chers collègues, le texte qui vous est présenté aujourd’hui reprend le texte adopté à une large majorité par l’Assemblée nationale en première lecture, le 9 juillet 2013.

M. Guy Geoffroy. Mais ce n’est pas celui du Sénat !

Mme Laurence Dumont. Certes, la droite avait déposé quatre motions de procédure, mais ses arguments ne portent pas. Ils sont, de plus, fort peu respectueux des élus locaux et des parlementaires. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les uns seraient incapables…

M. Guy Geoffroy. Nous n’avons jamais dit cela ! C’est une caricature inacceptable !

Mme Laurence Dumont. Monsieur Geoffroy, vous n’étiez pas en séance lundi, quand nous en avons débattu.

…de gérer leur collectivité sans cumuler, les autres seraient complètement déconnectés et voteraient des lois inapplicables et désincarnées, totalement déconnectées du monde réel.

M. Guy Geoffroy. On n’a jamais dit cela non plus !

M. Alain Chrétien. C’est vous qui n’êtes pas respectueuse !

Mme Laurence Dumont. Par ailleurs, le souhait de la droite d’appliquer un seuil pour autoriser le cumul dans certaines communes méconnaît la réalité du travail dans les petites collectivités, dont les équipes administratives sont réduites. Enfin, ce seuil aurait pour conséquence, mesdames et messieurs de l’opposition, d’exclure de l’application de la loi les deux tiers des communes.

Pour finir, comment ne pas faire appel aux mots de Guy Carcassonne, disparu trop tôt, selon lequel : « Représenter la nation est une occupation qui est bien digne d’un plein-temps et qui s’exercera d’autant mieux que l’on n’aura que cela à accomplir, ce qui est déjà beaucoup […]. Ce cumul […] est un désastre politique puisqu’il bloque le renouvellement et la diversité d’un corps électif que menacent le vieillissement, l’homogénéité et, avec eux, la sclérose. » Ce grand constitutionnaliste a souvent été beaucoup plus radical encore dans son propos, beaucoup plus que je ne souhaite l’être aujourd’hui.

Mes chers collègues, ce texte clair et simple est une première étape, qui devra être suivie d’un texte sur la limitation du cumul des mandats locaux et sur la mise en œuvre d’un véritable statut de l’élu. Ce texte clair et simple est attendu par les Français, exigé par notre conscience et commandé par nos engagements. Une fois encore, je vous invite à le voter massivement. Ayez du courage, mesdames et messieurs les parlementaires ! Ayez surtout l’audace de rompre avec cette exception française, qui gangrène notre démocratie,…

M. Jacques Myard. Oh !

Mme Laurence Dumont. …limite le renouvellement et la parité en politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Sur ces deux projets de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Frédéric Poisson. Lorsque les historiens se retourneront sur les dix-huit premiers mois du quinquennat de François Hollande, ils ne verront en réalité que deux réformes : la première, qui est à la réforme du code civil sur le mariage, a été votée par cette assemblée et la seconde, que vous vous apprêtez à voter, sur le cumul des mandats. Entre temps, vous nous aurez expliqué qu’il fallait tenir coûte que coûte les promesses du candidat François Hollande. Je continue de réclamer, avec un dépit aussi certain que mon attente, la liste complète des engagements du Président de la République que cette assemblée et son Gouvernement n’auront pas tenus. Je m’étonne d’ailleurs que vous mettiez tant d’acharnement à tenir cette promesse-ci dont les conséquences, comme je vais le dire, sont graves pour nos institutions.

Vous nous dites qu’en plus d’être une promesse du candidat François Hollande, cette réforme relève d’une conviction forte du parti socialiste.

M. Jacques Myard. Mais pas de tous ses membres !

M. Jean-Frédéric Poisson. Or, comme l’a dit Marie-Christine Dalloz hier pendant les questions d’actualité, à voir tous ceux parmi vous, députés comme sénateurs, qui seront à nouveau candidats dans leur municipalité ou dans leur ville en mars prochain, on peut deviner que ce n’est pas là le signe d’une conviction à ce point ancrée. Vous nous dites être convaincus que la disponibilité rend absolument nécessaire le fait pour un parlementaire de se consacrer à plein temps à son mandat, mais que n’avez-vous suggéré cette nécessité au ministre de l’éducation nationale qui, tout en restant au Gouvernement, s’apprête à conduire une campagne électorale européenne qui promet d’être difficile ? Cette disponibilité à plusieurs étages et à plusieurs degrés ne cesse de nous interroger.

Vous nous dites que certains d’entre vous ont renoncé à leur mandat : c’est votre liberté, et cela vous honore certainement, c’est un choix personnel, que personne ne peut vous contester. Cependant, nous ne réclamons pas autre chose sur ces bancs que la possibilité, pour ceux d’entre nous qui le souhaiteraient, d’exercer avec la même liberté une fonction exécutive, et une seule – tel est le sens des amendements que nous avons déposés lors des différentes lectures de ce texte.

Mme Laurence Dumont. Vous ne les avez pas défendus !

M. Franck Gilard. La parité obligatoire est liberticide.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous nous dites que, pour être certains d’être équitables à l’égard des différentes communes de son territoire, pour être disponibles et responsables, il faudrait voter cette loi. Heureusement, ma chère collègue, que nous n’avons pas attendu cette loi pour être équitables, responsables et disponibles. Par ailleurs, je redis ici qu’aucune étude n’a démontré une corrélation entre le fait, pour un parlementaire, de cumuler des fonctions exécutives avec son mandat et le fait d’être plus ou moins absent de l’hémicycle. Au fond, tous vos arguments n’ont ni solidité ni sens. Je continue donc de m’interroger sur les raisons pour lesquelles vous tenez à ce point à affaiblir, en votant ces dispositions sur le non-cumul, une institution comme la nôtre qui, par les temps qui courent, n’en a pas besoin. Non, il n’y a pas d’attente spécifique, urgente et parfaitement formulée des Français sur ce sujet. Non, il n’y a pas de rejet particulier à l’égard des parlementaires qui cumulent avec les fonctions exécutives locales. Et si vous deviez aller jusqu’au bout de votre logique, je continue de me demander pourquoi vous n’avez pas systématiquement interdit la possibilité d’exercer tout cumul, comme un certain nombre des groupes de votre majorité le réclament. Dans cette ambiance d’ambiguïté, d’incohérence, d’affaiblissement des institutions et de convictions à géométrie et à densité variables, nous ne pourrons pas voter ce texte et nous y opposerons unanimement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Reitzer. Très bien ! C’est une loi liberticide !

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. À l’heure de cette nouvelle lecture sur le cumul des mandats, nos objections demeurent les mêmes. Vous vous contentez d’un constat superficiel et vous vous trompez de diagnostic. Le cumul des mandats est assurément un problème, mais pourquoi perdure-t-il chez nous depuis si longtemps ? D’abord, parce qu’il est mal posé. Si le cumul des mandats est un vrai problème, à l’aune des comparaisons européennes, vous êtes-vous demandé les raisons de cette exception française ? Nous avons, en effet, 80 % de députés et 77 % de sénateurs en situation de cumul, alors qu’ils sont moins de 20 % en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne et que l’Allemagne en compte même moins de 10 %. De fait, tous ces pays ont une organisation territoriale et institutionnelle différente de la nôtre, parce qu’ils ont tous mis en œuvre des réformes profondes qui leur ont permis, au terme d’une décentralisation assumée, de transférer une partie du pouvoir législatif et une partie encore plus importante du pouvoir réglementaire ou normatif aux territoires, qu’on les appelle Länder ou comunidades, que l’on parle de l’Écosse ou du Pays de Galles. Aussi, qu’il s’agisse d’accompagnement des entreprises ou de formation professionnelle, d’urbanisme, d’éducation voire de santé, légifère-t-on dans toutes ces régions alors que l’on réglemente à peine dans les nôtres.

Car c’est bien notre système qui est en cause, en continuant de privilégier une centralisation inavouée par rapport à une décentralisation inachevée. On fabrique en France, contrairement à nos voisins européens, la quasi-totalité des règles au niveau national – assemblées, Gouvernement et administration centrale. On voit ainsi de plus en plus de lois, « idéales » à Paris, qui s’avèrent inapplicables en Province. En un mot, on légifère trop et on légifère mal.

Mme Laure de La Raudière. Absolument !

M. Michel Piron. Voilà pourquoi un élu local, un conseiller régional, n’a pas d’autre possibilité pour modifier les règles du jeu, pour peser sur elles, que d’être également élu au niveau national. C’est vrai pour les maires de grandes villes, pour les présidents d’agglomération ou de région qui savent que, non seulement ils exercent leurs responsabilités territoriales avec des contraintes réglementaires fortes, au point d’être parfois étouffantes, mais que le seul moyen d’influer sur la définition de ces règles, c’est d’être parlementaire. Voilà la première raison du cumul.

On ne peut donc pas séparer la réflexion sur le cumul de celle sur la décentralisation, et nous ne résoudrons pas correctement la question du cumul sans poser en même temps celle de la gouvernance en général, et celle du rapport entre les collectivités locales et l’État.

N’est-ce pas d’ailleurs ce que promettait ou laissait au moins espérer un certain discours de Dijon lors de la campagne présidentielle ? Oui, monsieur le ministre, en supprimant le cumul, vous respectez un engagement présidentiel. Mais qu’a fait le Gouvernement de l’engagement de Dijon qui lui était étroitement associé et pouvait, seul, le justifier ? En d’autres termes, supprimer le cumul aurait du sens si vous assumiez la décentralisation. Or vous supprimez le cumul et vous gardez la centralisation. Pensez-vous donc qu’en supprimant le cumul, on légiférera moins ? et mieux ? Comme ceux qui m’entourent, je n’en crois rien. Pis encore, on peut craindre, en supprimant le cumul, que les futurs parlementaires légifèrent encore plus et moins bien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Voilà pourquoi nous ne croyons pas qu’au détour de ce projet de loi réducteur, on puisse régler une question en réalité beaucoup plus vaste et profonde.

Si certains ont tenu, malgré tout, à légiférer sur le seul cumul, nous les invitons à bien en mesurer toutes les conséquences dans un pays fragilisé et, comme nous le savons tous, difficile à gouverner. Alors que la réforme territoriale, préalable indispensable, est enlisée, prenons garde, mes chers collègues, que cette loi n’aggrave la situation dans laquelle nous sommes, et qu’à la crise économique et sociale, voire sociétale, profonde, qui affecte notre pays comme d’autres en Europe, on n’ajoute chez nous, les prémices d’une crise institutionnelle majeure à venir.

Ce n’est rien moins que cela qui nous semble ici être en question et c’est aussi pourquoi nous ne pouvons approuver ce texte. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP et sur quelques bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où se réunissent à Paris les 36 000 maires de France, je voudrais m’adresser à mes collègues de la majorité pour leur expliquer pourquoi il ne faut pas voter cette loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP. - « Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)

Pourquoi vouloir faire des maires les boucs émissaires des malheurs actuels de la République ? De tout temps, sous la IIIRépublique, sous la IVRépublique, sous la VRépublique, les maires ont été des parlementaires écoutés. Ils ont fondé la République. Valéry Giscard d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande ont tous été les maires de leurs communes. De la plus grande avec Paris à la plus rurale avec Château-Chinon. Il en a été de même pour la quasi-totalité des premiers ministres et des ministres et pour vous-même, monsieur le ministre de l’intérieur. Tous ces députés-maires ont construit la France et en ont fait la cinquième puissance mondiale. (Applaudissements sur certains bancs du groupe RRDP et des groupes UDI et UMP. - Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Et l’on voudrait faire table rase du passé en invoquant un pseudo-modernisme qui n’est qu’un effet de mode ! Mais les modernes, c’est nous ! Car la modernité, c’est d’abord un équilibre des pouvoirs.

M. Jean-Luc Reitzer. Absolument !

M. Alain Tourret. Vote-t-on moins bien la loi parce qu’on est maire ? C’est exactement le contraire ! (« Bravo ! » et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)La loi ne doit être modifiée que d’une main tremblante. Trop de lois tuent la loi, et Saint-Just a écrit à ce sujet des pages éternelles.

Si notre République est malade, c’est parce que nous légiférons trop, nous ne prenons pas assez de recul, nous ne nous ressourçons pas dans nos territoires, dans nos villes qui nous donnent la sagesse. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur les bancs des groupes UMP et UDI.) En interdisant aux maires d’être des parlementaires, nous ferons de cette assemblée, une assemblée de technocrates. (« D’apparatchiks ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP)

M. le président. S’il vous plaît, chers collègues, un peu de calme !

M. Alain Tourret. Nous nous saoulerons de textes législatifs, alors que la loi doit aller à l’essentiel, dans le respect de l’article 34 de notre Constitution.

La France est riche de ses maires. Les maires sont écoutés et respectés par leur population. Toutes les enquêtes d’opinion le démontrent. Et nous voudrions nous couper d’eux ? J’ai par moments l’impression que nous voguons sur La Nef des fous,si bien représentée par Jérôme Bosch. La loi ne doit pas être frontale, elle doit épouser les contours de la République.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Alain Tourret. La loi se fait, pour être pérenne, à l’écoute des autres, par la recherche des compromis. Or vous avez tout refusé, et d’abord les observations de l’opposition, mais aussi celles de vos fidèles alliés, les Radicaux et les Démocrates, pour ne pas évoquer tous ceux des socialistes qui renâclent, qui bougonnent, qui pestent dans leur for intérieur, mais doivent s’incliner, bien à tort, devant le fait majoritaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP. - « Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. Alain Tourret. Vous avez décidé d’affronter le Sénat et d’interdire à la chambre des collectivités territoriales, ainsi définie par l’article 24 de la Constitution, de comprendre des maires en ses rangs. Vous poussez votre logique jusqu’à l’absurde.

Si vous aviez raison, tous les députés-maires socialistes, tous les sénateurs-maires socialistes auraient donné leur démission de leur poste de maire ou de parlementaire ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Mes chers collègues, modérez votre joie !

M. Alain Tourret. Or c’est exactement le contraire qui se produit puisque vous investissez par dizaines, dans toutes les régions de France, des députés et des sénateurs pour se représenter aux élections municipales du mois de mars, en particulier dans ma région de Normandie.

Vous êtes si peu sûrs de la force de vos arguments que vous repoussez à 2017 la date d’application de la loi pour laisser éventuellement à la nouvelle majorité qui, par malheur, pourrait nous succéder, le soin d’abroger cette loi qui n’aura pas trouvé d’application. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Vous craignez le suffrage universel en imposant de plein droit le suppléant en qualité de député si ce dernier choisit de rester maire. Que veulent donc nos compatriotes ? Des élus proches de leurs préoccupations. C’est le cas des maires. Des élus qui ne s’enrichissent pas. C’est pourquoi nous avons aussi proposé de supprimer le cumul des indemnités.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. Alain Tourret. Alors, chers collègues de la majorité, refusez de livrer à l’opinion les députés-maires qui ont enrichi la France de leur expérience et de leur sagesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur les bancs des groupes UMP et UDI.)Abandonnez le miroir aux alouettes de l’opinion, si fragile et si désemparée. Rejoignez-nous dans le camp du progrès, devenez des humanistes, c’est-à-dire des citoyens « contre-pouvoirs », et d’abord contre le pouvoir exécutif qu’ils veulent contrôler. Participez à cet équilibre des pouvoirs qui, décennie après décennie, a fait et conforté la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP. - Mmes et MM. les députés des groupes UMP et UDI se lèvent et applaudissent vivement.)

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, en juillet dernier, notre assemblée votait le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire, mettant ainsi fin au cumul des mandats de parlementaire avec une fonction exécutive locale. C’était un grand pas dans la longue marche de rénovation et de démocratisation de notre vie politique.

Au nom du groupe écologiste, j’avais souligné que le pas franchi ne pouvait pas être le dernier. Écologistes, nous sommes partisans d’une limitation stricte des mandats. Le chantier reste donc ouvert pour éviter que ce que nous avons prohibé pour les parlementaires ne devienne la règle pour les élus locaux.

Il ne s’agit pas de punir ou de considérer que les élus qui cumulent seraient de mauvais élus. Il s’agit simplement de permettre que les responsabilités électives soient plus accessibles et ne deviennent pas le bastion de quelques-uns. Il s’agit de permettre aussi que notre assemblée soit un reflet plus fidèle du corps social, qu’elle en illustre la diversité, que les femmes soient mieux représentées, de manière plus égalitaire.

M. Franck Gilard. Mais pas obligatoire !

M. Sergio Coronado. Je regrette les difficultés et les oppositions rencontrées ici, et surtout au Sénat, par le Gouvernement, alors même qu’il s’agit d’un engagement du Président de la République et d’une aspiration assez largement partagée par nos concitoyens.

Un député du groupe UMP. Lesquels ?

M. Sergio Coronado. Nous ne pouvons pas sans cesse demander à nos concitoyens de faire des efforts, de ne pas s’opposer aux réformes, et nous opposer par tous les moyens dès que la réforme nous concerne directement.

M. Serge Janquin et Mme Barbara Romagnan. Tout à fait !

M. Sergio Coronado. Jamais d’ailleurs le Parlement n’a été à l’initiative sur le sujet. Il a toujours débattu à contrecœur sous la pression de l’exécutif.

Le vote des textes qui nous sont soumis en deuxième lecture ne marque pas la fin du cumul des mandats. Mais je crois que l’époque des carrières politiques qui durent le temps d’une vie, et des multiples fonctions et responsabilités que d’aucuns se plaisent à occuper, est derrière nous.

M. Jean-Luc Reitzer. On verra cela dans quatre ans !

M. Sergio Coronado. Le cumul d’une fonction parlementaire et d’un mandat exécutif local, cette exception bien française, disparaît, et c’est un premier pas. L’engagement 48 de François Hollande est en partie tenu, et c’est une bonne nouvelle. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Céleste Lett. Qu’il fasse plutôt reculer le chômage !

M. Sergio Coronado. Je voudrais rappeler encore une fois à cette assemblée que les restrictions successives au cumul des mandats ont toujours été portées à l’initiative de gouvernements de gauche. Le gouvernement de Laurent Fabius et celui de Lionel Jospin ont effectivement œuvré dans cet esprit. La loi du 5 avril 2000 plafonna les indemnités et rendit plus strictes les incompatibilités. Elle fut freinée dans son ambition, déjà à l’époque, par l’opposition du Sénat.

La droite s’est toujours, malheureusement et majoritairement, opposée à la limitation du cumul des mandats, multipliant les dérogations à la loi, défendant l’idée que le cumul serait une garantie de proximité et de connaissance du pays réel. Des arguments similaires ont été utilisés pour s’opposer à la parité en politique.

M. Jean-Luc Reitzer. Ce n’est pas la même chose !

M. Sergio Coronado. Limiter le cumul des mandats, c’est notre conviction, c’est notre conception d’une démocratie où l’accès aux fonctions électives n’est pas un privilège. C’est une vision de la démocratie où la diversité, l’égalité entre les hommes et les femmes seraient réelles, où les élus seraient pleinement disponibles pour l’exercice de leur mandat.

Nous avons défendu dans les débats une cohérence et l’idée que, pour mettre fin au cumul, il faut intégrer dans la même démarche les mandats nationaux et locaux, sans exception. Nous avons défendu l’idée que les parlementaires ne doivent pas être en mesure de cumuler des indemnités et l’idée que le mandat de parlementaire se suffit à lui-même. Nous pensons, en effet, qu’il faut aller vers le mandat unique de parlementaire.

Nous aurions voulu également une limitation du cumul des mandats dans le temps. Mais nous avons vu tous les conservatismes s’opposer aux dispositions allant en ce sens. Quel dommage, quelle erreur, quelle perte de temps !

Nous sommes conscients que les avancées sont lentes, difficiles, en dents de scie. Le chemin qui reste à parcourir est long, il aurait pu être plus court. Les députés écologistes voteront ces textes pour permettre à la démocratie d’avancer vers plus d’efficacité. Nous voulons une démocratie vivante, une démocratie réelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi organique

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants541
Nombre de suffrages exprimés527
Majorité absolue264
Pour l’adoption302
contre225

(Le projet de loi organique est adopté.)

Vote sur l’ensemble du projet de loi ordinaire

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants540
Nombre de suffrages exprimés529
Majorité absolue265
Pour l’adoption305
contre224

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Je remercie la majorité et salue le travail de M. le rapporteur, Christophe Borgel, et de tous ceux qui sont intervenus au cours des débats. Je remercie en particulier Laurence Dumont de sa pugnacité et mon collègue Alain Vidalies de sa chaleureuse présence. Un engagement du Président de la République est tenu. Un profond changement, et même une véritable révolution de nos mœurs politiques sont à l’œuvre !

M. Laurent Furst. Une catastrophe, plutôt !

M. Manuel Valls, ministre. La loi, attendue par les Français, modernise notre vie politique. Je vous le dis en tant que républicain, M. Tourret : la modernité est de notre côté. Personne ne remettra la loi en cause, car elle va dans le sens de l’histoire ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Laurent Furst. 14 % !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente



Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Modification de l’ordre du jour prioritaire

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. J’apporte, au nom du Gouvernement, une précision sur l’ordre du jour. Le Gouvernement avait initialement prévu que la discussion du projet de loi relatif à la programmation pour la ville et la cohésion urbaine commencerait le matin du vendredi 22 novembre. Il a été proposé en conférence des présidents de l’inscrire à l’ordre du jour du jeudi 21 à la suite de la discussion du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites que vous examinez en ce moment, mesdames et messieurs les députés, même si, bien entendu, son sort n’est pas encore connu.

Le projet d’avancer d’un jour l’examen du projet de loi relatif à la programmation pour la ville et la cohésion urbaine a suscité des réactions défavorables. Le Gouvernement revient donc à l’ordre du jour initial et le texte sera inscrit à l’ordre du jour des séances de vendredi matin, après-midi et soir exclusivement.

Mme la présidente. Nous en prenons acte.

5

Avenir et justice du système de retraites (suite)

Nouvelle lecture (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites (nos 1532, 1541). Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n2 à l’article 2.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Robinet. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58 et vise à dénoncer les propos mensongers tenus cet après-midi par Mme la ministre de la santé lors de la séance de questions au Gouvernement au sujet de nos positions sur le projet de loi qu’elle défend. Vous avez dit cet après-midi devant la représentation nationale, madame la ministre, que l’opposition défend la retraite par capitalisation. C’est un mensonge pur et simple.

En effet, comme nous l’avons dit et répété lors des débats en première lecture et comme le montrent les nombreuses réformes du système de retraites que nous avons menées, nous sommes ici pour défendre le régime de retraites par répartition. D’ailleurs, les choix que nous avons faits depuis 2003 le prouvent, tant l’allongement de la durée de cotisation que le recul de l’âge de départ en retraite. Tous ne poursuivent qu’un seul but, sauver le système par répartition.

Vous avez proféré un autre mensonge cet après-midi, madame la ministre, en affirmant devant la représentation nationale que l’opposition a voté contre l’instauration du compte pénibilité. C’est également un mensonge pur et simple. En effet, l’opposition s’est abstenue sur ce sujet, ce qui nous a d’ailleurs été reproché par certaines personnes.

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. De fait, c’est à peine mieux !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Mensonge, mensonge, on peut y passer un certain temps, monsieur le député ! Qu’ai-je donc dit ? Que le groupe UMP au Sénat a présenté des amendements proposant la mise en place d’un régime par capitalisation.

M. Arnaud Robinet. Non ! Ce n’est pas ce que vous avez dit !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est exactement ce que j’ai dit. On ne peut pas à la fois défendre la retraite par capitalisation et se dire favorable à un régime par répartition !

M. Olivier Faure. C’est évident !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je maintiens donc les propos que j’ai tenus et vous laisse assurer, monsieur le député, la cohérence entre les sénateurs et les députés de votre camp, car cela relève de votre responsabilité. Je constate simplement que la loi dite « Thomas » n’est pas issue des rangs de la gauche, mais de la droite, ainsi que les amendements présentés au Sénat pour la substitution progressive de dispositifs par capitalisation. Ce sont des choix qu’il s’agit d’assumer. Vous ne les assumez pas, fort bien !

Je connais par ailleurs vos positions personnelles, monsieur le député, et ne les mets pas en cause, car vous n’avez jamais défendu le projet de retraites par capitalisation. Tout le monde n’est pas dans ce cas dans votre camp, comme vous le savez fort bien, en particulier parmi les sénateurs UMP.

M. Arnaud Robinet. Occupez-vous donc des sénateurs socialistes !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je maintiens donc ce que j’ai dit. Il existe bien une divergence d’appréciation entre une partie de l’opposition, à tout le moins, et la majorité qui, sur ce sujet, est rassemblée.

Article 2 (suite)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 2, 48, 96, 134 et 187.

La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement n2.

M. Arnaud Robinet. Cet amendement demande la suppression de l’article 2, qui constitue l’une des propositions majeures du projet de loi consistant à allonger la durée de cotisation. Nous considérons que l’usage isolé de ce paramètre ne répond pas à la situation. Il s’agit d’une proposition démagogique vis-à-vis de la jeune génération. En effet, comme nous le savons tous, les jeunes entrent sur le marché du travail de plus en plus tard. Dès lors, se contenter d’allonger la durée de cotisation portera l’âge de départ en retraite des futurs retraités à soixante-sept, voire soixante-huit ans, pour une pension médiocre. Et puisque l’âge légal est toujours de 62 ans, certains partiront à cet âge, mais sans avoir cotisé suffisamment pour toucher une retraite à taux plein.

Par ailleurs, le recul de l’âge de la retraite se justifie également par la nécessité de répondre aujourd’hui à l’urgence consistant à trouver les 20 milliards d’euros nécessaires aux comptes de notre système de retraites. C’est la proposition que nous faisons, car notre position est déterminée par un seul impératif, celui de garantir le pouvoir d’achat des retraités – tandis que, de votre côté, vous donnez la priorité au maintien de l’âge légal du départ en retraite, sans tenir compte de la principale conséquence qui en résulte, à savoir la diminution du pouvoir d’achat des futurs retraités.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n48.

M. Gilles Lurton. J’ai déjà eu l’occasion de défendre cet amendement dans le cadre de mon intervention sur l’article 2 comme, de la même manière, j’avais défendu le principe de la retraite par répartition à l’article 1er – mais ici, personne n’écoute personne, malheureusement. Je me bornerai à ajouter à ce que vient de dire mon collègue Arnaud Robinet qu’avec l’article 2, le Gouvernement ne règle pas durablement le problème des retraites, mais risque seulement de maintenir les ménages dans l’incertitude pendant de nombreuses années, ce qui aura pour effet d’amoindrir leur confiance. Or, comme chacun le sait, quand ils manquent de confiance, les Français ont tendance à privilégier l’épargne au détriment de la consommation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement n96.

M. Jean-Noël Carpentier. L’amendement n96 vise également à supprimer l’article 2, mais sur un fondement tout à fait différent de celui que viennent d’invoquer M. Robinet et M. Lurton à l’appui de leurs amendements. Dans leur proposition de réforme, nos collègues de l’UMP se disent en effet décidés à repousser l’âge légal de la retraite, promettant toujours plus de larmes et sang aux Français.

Pour sa part, comme le groupe écologiste et le groupe GDR, le groupe RRDP propose la suppression de l’article 2 dans une optique progressiste. Nous nous interrogeons sur l’augmentation de la durée de cotisation mise en place par cet article, qui risque d’être injuste – alors que, je le sais, telle n’est pas la volonté de cette majorité. Au bout du compte, ce sont les petits retraités qui vont être touchés, et l’on sait bien que, pour les personnes ayant l’obligation de travailler jusqu’à un âge avancé, les dernières années vont être difficiles. Ces personnes risquent donc de ne pouvoir aller jusqu’au bout de la période qu’elles devraient effectuer pour toucher une retraite à taux plein, et de devoir se contenter d’une retraite à taux réduit.

Il y a une autre injustice : afin de se prémunir contre les conséquences d’un départ à la retraite anticipé – c’est-à-dire survenant avant d’avoir cotisé suffisamment pour une retraite à taux plein –, certains pourront cotiser à un système de répartition complémentaire, tandis que d’autres ne le pourront pas.

Enfin, nombre de nos concitoyens qui, ayant commencé à travailler tard, ne pourront jamais cotiser suffisamment dans le cadre du régime obligatoire, vont cotiser à un régime complémentaire. Petit à petit, le système par répartition va voir ses fonds diminuer au profit de ceux des systèmes par capitalisation et des régimes complémentaires. Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de l’article n2.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n134.

Mme Véronique Massonneau. Les écologistes sont opposés à une augmentation de la durée du travail et prônent une véritable réflexion autour du partage du temps de travail. De plus, la mise en place d’un allongement de la durée de cotisation doit prendre en compte plusieurs critères. Si l’accroissement de l’espérance de vie est une chance pour la France, il est nécessaire d’aller au-delà de ce critère pour tenir compte notamment de l’espérance de vie en bonne santé.

La durée moyenne de cotisation est de 35 ans pour les femmes et de 37 ans pour les hommes, en dépit des dernières réformes touchant à l’allongement de la durée de cotisation et au report de l’âge légal. Comment cette mesure ne pourrait-elle pas toucher davantage les seniors, en particulier les femmes ? Souhaitons-nous vraiment baisser le niveau des pensions, car telle est bien la conséquence de cette mesure ?

Quelque 59 % des retraités étaient actifs au moment de liquider leur retraite. Quelle sera la conséquence pour les autres ? L’UNEDIC a évalué à 440 millions d’euros le coût des dernières réformes qui auraient eu pour conséquence 30 000 chômeurs supplémentaires en année pleine. L’étude d’impact n’a pas mesuré les conséquences de cet allongement sur le chômage des seniors ni sur celui des jeunes. En outre, les projections retenues pour la mise en place de ces dispositifs me semblent quelque peu optimistes. Pour toutes ces raisons, les écologistes sont défavorables à cette mesure, et demandent sa suppression.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n187.

Mme Jacqueline Fraysse. Avec l’article 2, non seulement le Gouvernement entérine tous les reculs imposés par les gouvernements de droite depuis vingt ans, mais il n’hésite pas à reprendre les arguments usés jusqu’à la corde par ses prédécesseurs. Quoiqu’en dise le Gouvernement, cet article constitue le cœur d’une réforme dont le principal objectif n’est pas la justice, mais bien la baisse des dépenses publiques, plus précisément des dépenses sociales – un objectif comptable imposé par la Commission européenne et le patronat pour résorber un déficit construit artificiellement par des décennies de politiques économiques désastreuses, menées contre l’emploi et les salaires en faveur du capital.

Ainsi, selon vous, l’allongement de l’espérance de vie justifierait un allongement de la durée de cotisation, et les déficits des branches nécessiteraient des efforts censés être partagés entre les assurés. Mais l’objectif de 43 années de cotisations est inatteignable pour un nombre croissant de salariés, qui ne pourront, dans ces conditions, bénéficier d’une retraite à taux plein que plusieurs années après l’âge légal de départ en retraite. Or, je rappelle qu’un actif sur deux de plus de 60 ans est aujourd’hui sans emploi, et que l’âge moyen de départ en retraite excède déjà l’âge légal en vigueur.

Cette mesure est d’autant plus inacceptable qu’elle touchera de plein fouet les jeunes, qui entrent de plus en plus tard sur le marché du travail, et dont les carrières sont de moins en moins linéaires – parmi eux, les femmes, qui collectionnent les inégalités, sont les plus touchées. Ce sont donc les jeunes qui seront les grands perdants de votre réforme : non seulement ils voient leurs droits à la retraite s’éloigner au-delà de 66 ans mais, à supposer qu’ils y parviennent, vous leur promettez une pension de misère. Telles sont quelques-unes des raisons très importantes nous conduisant à demander la suppression de l’article 2, un article extrêmement préoccupant pour nos concitoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces cinq amendements identiques.

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission a émis un avis défavorable à ces amendements qui proviennent de divers bancs, certains demandant à ce que l’allongement de la durée de cotisation soit encore plus important – jusqu’à 44 annuités, ce qui donnera lieu, me semble-t-il, à d’autres amendements – tandis que d’autres considèrent que la durée de cotisation devrait être raccourcie.

La réforme proposée par le Gouvernement pour rétablir les comptes comprend deux étages. Le premier est celui d’un rétablissement financier jusqu’en 2020, avec une augmentation des cotisations. Le deuxième est celui d’un allongement modéré, à partir de 2020, de la durée de cotisation. Ces deux étages constituant un tout, supprimer le second équivaudrait à remettre en cause toute la réforme. Si les cotisations peuvent rester à un niveau raisonnable, c’est bien parce qu’à partir de 2020, le relais est pris, dans le dispositif global, par l’allongement modéré de la durée de cotisation.

Par ailleurs, il faut arrêter de dire que tout le monde commence à travailler tard, ce phénomène concernant essentiellement les étudiants – or, une classe d’âge d’étudiants ne représente que 20 % environ du nombre total de personnes arrivant sur le marché du travail. L’âge moyen de début de la vie professionnelle est de 22,5 ans…

M. Denis Jacquat. Pour un CDD !

M. Michel Issindou, rapporteur. …ce qui permet de mener à terme une carrière d’une durée satisfaisante.

M. Marc Dolez. Il leur faudra travailler jusqu’à 66 ans !

M. Michel Issindou, rapporteur. Plusieurs articles du projet de loi visent à prendre en compte la pénibilité – ce dont au moins 20 % des salariés vont pouvoir bénéficier. Les périodes de chômage et de formation seront également prises en compte : il existe, en réalité, de nombreuses façons de raccourcir la durée théorique de cotisation.

La réforme s’articule de cette manière : une augmentation des cotisations jusqu’en 2020, date à laquelle un allongement modéré de la durée de cotisation – un trimestre tous les trois ans – prendra le relais. J’ajoute que les personnes concernées ne vont pas être prises au dépourvu, puisqu’il ne s’agit que des générations postérieures à 1958, et que l’allongement de la durée de cotisation ne commencera qu’en 2020. Cela permettra de préparer en amont les personnes qui auront à travailler un peu plus, de manière progressive, jusqu’à 2035.

Contrairement à ce que j’ai entendu dire, si nous jouons sur le paramètre de la cotisation et sur celui de l’allongement de la durée, c’est justement pour préserver le niveau de vie de nos retraités : nous proposons qu’ils travaillent et cotisent un peu plus pour que leur retraite se maintienne à un niveau satisfaisant. Je vous confirme donc que la commission est défavorable aux amendements de suppression de l’article 2.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 2, 48, 96, 134 et 187, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine et par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 2, 48, 96, 134 et 187.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. À l’évidence, les dispositions de l’article 2 constituent un élément structurant de la réforme que nous présentons…

M. Marc Dolez. Hélas !

Mme Marisol Touraine, ministre. …un élément de responsabilité, un élément de financement et d’inscription dans la durée. Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression de cet article, étant précisé que la durée de cotisation est un critère juste, dans la mesure où il tient compte de l’âge d’entrée dans la vie active. Grâce aux mesures contenues dans d’autres articles de la loi, cette durée de cotisation pourra être modulée pour tenir compte de la différence qui existe entre les parcours professionnels et de vie de chacun.

Mme la présidente. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Madame la ministre, je ne sais si l’article 2 est un élément structurant du projet de loi, mais je voudrais souligner que cet article porte en lui les germes de l’inefficacité et de l’injustice. Inefficacité, parce que vous savez pertinemment que cette disposition ne suffira pas à garantir le financement du système par répartition et, qu’en faisant ce choix, vous ouvrez la porte aux systèmes par capitalisation que vous n’avez pourtant de cesse de dénoncer. Injustice, parce que les jeunes entrant dans la vie active à 23 ans vont devoir attendre 43 ans, c’est-à-dire jusqu’à avoir atteint l’âge de 66 ans, pour partir en retraite, sans que vous ayez eu le courage de leur dire que l’âge de la retraite a été repoussé. L’article 2 porte la marque d’une grande hypocrisie, justifiant que l’on propose sa suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. J’ai dit la nuit dernière, comme je l’avais déjà dit lors de précédents débats, que l’article 2 était d’une hypocrisie flagrante. On dit aux Français qu’à partir de maintenant, ils vont cotiser 43 ans, en partant du principe que l’âge moyen d’entrée dans le monde du travail est de 23 ans. Or, c’est faux : l’âge de 23 ans ne correspond qu’à l’obtention du premier CDD, celle d’un CDI ne se faisant qu’à l’âge moyen de 27 ans. Personne ne pourra donc partir avant l’âge de 66 ans avec une retraite à taux plein. Le maintien de l’âge légal à 62 ans implique l’application d’une décote ayant une incidence très importante sur le montant de la retraite.

Nombre des mesures prises par le Gouvernement depuis son entrée en fonction ont eu pour effet de diminuer considérablement le pouvoir d’achat des retraités. Les réformes précédentes ne reposaient pas sur la promesse de plus de larmes et de sang pour les Français, mais sur l’idée que les personnes ayant travaillé et cotisé devaient obtenir, le moment venu, les prestations qu’elles étaient en droit d’attendre – ce qui a toujours été le cas en France jusqu’à présent, contrairement à ce qui a pu se passer dans d’autres pays.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2, 48, 96, 134 et 187.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants67
Nombre de suffrages exprimés67
Majorité absolue34
Pour l’adoption24
contre43

(Les amendements identiques nos 2, 48, 96, 134 et 187 ne sont pas adoptés.)

M. Denis Jacquat. Les retraités s’en souviendront !

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement n3.

M. Arnaud Robinet. Il est défendu.

(L’amendement n3, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour soutenir l’amendement n4.

M. Arnaud Robinet. Il est également défendu.

(L’amendement n4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n369.

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cela a été dit par nos collègues de l’UMP mais il n’est pas inutile de le rappeler : cette réforme, que vous qualifiez de révolutionnaire, valide celle de 2010. Pourtant, Pierre-Alain Muet, qui est une voix autorisée, explique qu’il faut absolument revenir à un âge de départ à la retraite à soixante ans, non pas pour des raisons démographiques, mais parce que les cotisations vieillesse constituent en quelque sorte un impôt sur les salariés les plus modestes. Cela témoigne d’une conversion idéologique du parti socialiste et révèle les mensonges que vous avez proférés. C’est aussi le constat d’un échec : alors qu’une personnalité reconnue en votre sein explique qu’il faut revenir à la retraite à soixante ans, vous vous révélez aujourd’hui incapables de le faire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Ce que propose M. Vigier, ce ne sont pas 43 annuités mais 46 annuités.

M. Philippe Vigier. Non, pas du tout !

M. Michel Issindou, rapporteur. Monsieur Vigier, 18 plus 46 égalent 64 ! C’est votre manière de régler le problème. D’ailleurs, je ne comprends pas comment vous pouvez voter contre l’article 2, qui a pour objet d’allonger la durée d’assurance requise pour l’obtention d’une retraite à taux plein à compter de 2020 et, juste après, avec beaucoup d’aplomb, nous dire que vous êtes favorable à la retraite à 64 ans. Cela nécessiterait beaucoup plus d’annuités : alors que nous en proposons 43, vous en proposez 46. La commission a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis évidemment défavorable pour les mêmes raisons, excellemment présentées par le rapporteur. Monsieur Vigier, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, la cohérence de votre raisonnement m’échappe un peu ; depuis le début de ce débat, cela n’a pas l’air de vous poser de problème, puisque vous ne cessez de présenter des amendements pour relever l’âge légal : 64, 65 ans, voire davantage ; vous nous expliquez qu’une durée de cotisation de 43 annuités serait excessive, tout en proposant de la porter à 44 annuités. Il y a donc là, à mes yeux, un problème manifeste de cohérence. Indépendamment de cela, je le répète, mon avis est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, vous étiez la première, en 2010, à expliquer, à longueur d’amendements, à longueur d’explications de vote, que vous reviendriez à la retraite à soixante ans. Or, ce projet est à présent bel et bien enterré. Cela manifeste une incohérence – je dis bien : une incohérence – par rapport à vos propos de 2010.

Par ailleurs, nous disons qu’il faut accroître la durée de cotisation et reculer l’âge légal de départ à la retraite, alors que vous, vous faites croire aux Français qu’ils pourront partir au même âge : mais, dans la mesure où ils devront cotiser plus longtemps – cela a été très bien dit par Denis Jacquat – ils subiront une décote. Vous allez donc faire partir les gens avec une retraite moins élevée. Voilà l’incohérence ! Elle caractérisait votre position en 2010 comme aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Madame la ministre, l’on souhaite simplement que les gens qui travaillent sachent combien ils vont percevoir du jour de leur départ à la retraite au moment où ils seront appelés dans l’au-delà, soit en moyenne pendant une période de 21 à 22 ans pour les hommes et de 27 ans pour les femmes. Les Français veulent connaître ce montant et éviter la perte de pouvoir d’achat consécutive à l’inflation. Ils veulent de la visibilité, de la lisibilité et de la pérennité. Or, ce texte va se traduire par une baisse du pouvoir d’achat pendant un an et demi, puis, une fois passées les élections municipales, régionales et cantonales, vous déposerez un nouveau texte. Tel que c’est parti, il est évident que ce texte sera pire que celui qui nous est proposé aujourd’hui.

(L’amendement n369 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n194.

M. Marc Dolez. Notre groupe considère que l’allongement de la durée de cotisation prévu à cet article 2 est une mesure fondamentalement antisociale. C’est pourquoi nous avions déposé un amendement de suppression de l’article, présenté par Mme Fraysse, qui n’a pas été retenu. Nous n’avons pas été davantage convaincus par les arguments qui nous ont été opposés. C’est pourquoi nous revenons à la charge avec cet amendement de repli, qui a pour objet de supprimer les alinéas 1 à 8 de l’article. En effet, quoi qu’on en dise, l’allongement de la durée de cotisation aura deux conséquences. Premièrement, elle conduira à un recul de l’âge effectif de départ à la retraite à au moins 66 ans, voire plus, alors que, je le rappelle, aujourd’hui, dans le secteur privé, 60 % des salariés ne sont plus au travail le jour où ils prennent leur retraite. Deuxièmement, le fait de durcir les conditions d’obtention d’une retraite à taux plein se traduira par une baisse du niveau des pensions.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez expliqué que cela ne concernerait que les personnes nées depuis 1958 et que ces dernières ne seraient donc pas prises au dépourvu. Mais cela ne rend pas pour autant la mesure plus juste et ne lui ôte pas son caractère antisocial.

Par ailleurs, cet allongement de la durée de cotisation, rompt, à nos yeux, le contrat entre générations. En effet, la solidarité intergénérationnelle a deux volets : si les actifs paient les pensions des retraités, en contrepartie, les salariés âgés laissent leur place sur le marché du travail aux jeunes générations. C’est une exigence absolument indispensable et d’autant plus importante que nous connaissons, hélas, depuis de nombreuses années le chômage de masse. Telles sont les raisons pour lesquelles, madame la présidente, le débat progressant, nous invitons l’Assemblée à adopter notre amendement.

M. André Chassaigne. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. Sans répéter ce que j’ai dit à l’instant, monsieur Dolez – les arguments étant peu ou prou les mêmes – je ferai deux observations. Les mesures de justice atténueront en grande partie cette exigence de 43 annuités. On le verra, par exemple, à travers les 150 heures de SMIC et la prise en compte des congés de formation et de maternité. Il y aura de nombreuses manières d’atténuer cette nécessité d’obtenir les 43 annuités. Par ailleurs, la génération qui arrivera prochainement à la retraite devra certes cotiser un peu plus mais aura une espérance de vie plus longue que celle que nous connaissons aujourd’hui et, bien entendu, dans des proportions bien supérieures, que celle qu’ont connue ceux qui nous ont précédés il y a trente à quarante ans ; la retraite était à l’époque à 65 ans, ce qui correspondait, peu ou prou, à l’espérance de vie. On a donc toutes les chances, y compris avec cet allongement modéré de la durée de cotisation, de vivre plus longtemps et dans de meilleures conditions sa retraite. On s’ajuste à cet allongement de l’espérance de vie, qui est un fait irréfutable, que l’on ne peut durablement contester. Cet allongement, qui est très positif, implique que l’on travaille un peu plus longtemps.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

(L’amendement n194 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 49, 349, 19 et 20, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n49.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit d’un amendement de repli. Bien évidemment, vous l’avez compris, madame la ministre, nous souhaiterions agir sur l’âge légal, car cela nous paraît être la meilleure solution. Il nous appartient également d’apporter la meilleure garantie financière au dispositif et, surtout, d’éviter l’hypocrisie qui caractérise ce projet de loi. Vous demandez beaucoup d’efforts à l’ensemble des Français – les retraités vont subir le report de la revalorisation de leur pension du 1eravril au 1er octobre et les actifs vont verser de nouvelles cotisations – sans apporter de réponse au besoin de financement. En effet, le rapport Moreau signalait un besoin de financement de 20 milliards d’euros, tous régimes confondus, à l’horizon 2020, dans le cadre, d’ailleurs, d’un scénario macroéconomique assez optimiste. Or, votre réforme n’apporte que 7,5 milliards d’euros. Aussi avons-nous besoin d’une réponse plus adaptée. Nous avons également un devoir de transparence, nous devons donner confiance aux générations futures et laisser le moins de passif possible à nos jeunes. C’est pourquoi cet amendement a pour objet de fixer à 44 annuités, pour la génération partant à la retraite en 2020, la durée de cotisation requise, ce qui implique une augmentation de deux trimestres par an à compter de 2016. Cela permettrait de tendre à l’équilibre financier du dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n349.

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mon amendement va dans le même sens que le précédent. Le rapporteur a affirmé que l’on peut travailler plus longtemps car on vit plus longtemps. Les progrès de la médecine nous permettent en effet de parvenir à cette hausse formidable de l’espérance de vie. La conséquence naturelle est, naturellement, que l’on parte un peu plus tard à la retraite. Voilà au moins un point de convergence entre nous.

Le deuxième point essentiel, qui vient d’être évoqué, est celui de l’équilibre financier, sur lequel nous sommes en complet désaccord. Monsieur le rapporteur, vous dites que ce projet de loi contient des mesures de justice mais où voyez-vous la justice pour le retraité disposant de 900 euros par mois ? Je ne vois dans votre politique que des manifestations d’injustice, à commencer par le report de la revalorisation des pensions du 1eravril au 1eroctobre et la contribution exceptionnelle de 0,3 % sur les pensions, instituée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Voilà le message que vous faites passer à la jeunesse.

Nous proposons nous aussi des mesures de justice, monsieur le rapporteur. Ainsi, nous souhaitions que les stages soient plus largement pris en compte : vous m’accorderez que cela ne s’est pas fait simplement. L’on a appris, à la lecture du Journal du dimanche, que ce qui était impossible le vendredi était devenu possible deux jours après, et l’on s’est rallié à votre amendement. Par ailleurs, vous êtes en accord avec nous sur le fait que le rachat des années d’études ne fonctionne pas très bien ; trouvons des pistes de convergence pour faire en sorte que l’on puisse racheter ces années, même en démarrant très tard. Surtout, la plus grande injustice est de demander aux Français de travailler plus longtemps, de cotiser durant 43 annuités à partir de 2035 : en effet, vous le savez, les gens partiront avec un niveau de retraite beaucoup plus faible, en raison de l’application de la décote, l’âge légal demeurant le même. Vous dites aux Français qu’ils partiront toujours au même âge mais qu’ils devront travailler plus longtemps ; or nos concitoyens ont beaucoup de bon sens : ils verront bien que, derrière ce texte, il y a de l’injustice.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir les amendements n19 et 20, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

Mme Véronique Louwagie. Mes arguments sont les mêmes que ceux que j’ai employés pour défendre l’amendement n49.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

(Les amendements nos 49, 349, 19 et 20, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à l’amendement n203, sur lequel je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. André Chassaigne pour défendre cet amendement.

M. André Chassaigne. Nous avons en effet demandé un scrutin public sur cet amendement, qui est pour nous d’une très grande importance. Chacun sait que la prise en compte du handicap a été déclarée prioritaire par le Gouvernement : il s’agissait même, me semble-t-il, d’un des objectifs que s’était fixés le candidat François Hollande au cours de sa campagne électorale.

Aussi, nous proposons d’exclure de l’application de l’article 2 les assurés en situation de handicap, les parents d’enfants handicapés et les parents d’enfants bénéficiaires de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé. Ces trois catégories d’assurés connaissent en effet des difficultés à atteindre la durée de cotisation nécessaire à la liquidation d’une retraite à taux plein du fait de leur handicap ou de celui d’un proche.

La difficulté de concilier vie professionnelle et vie familiale se révèle de toute évidence profondément complexe lorsque des soins particuliers sont nécessaires à l’accompagnement du développement et de l’épanouissement de l’enfant en situation de handicap. Tous ici nous connaissons dans notre entourage ou notre voisinage, quelquefois même dans notre famille, des situations de ce type. Nous savons quel engagement cela peut requérir tous les jours de la part des parents : la vie professionnelle peut être remise en cause, la présence doit dans certains cas être constante.

Nous pensons que, pour ne pas amplifier ces difficultés, il convient d’exonérer les catégories que j’ai citées de la règle des quarante-trois ans de cotisation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Monsieur Chassaigne, nous portons comme vous un regard attentif sur les personnes en situation de handicap, et vous pourrez le constater lorsque nous aborderons l’examen de l’article 23 et de l’article 25, lequel concerne les aidants familiaux.

Je voudrais vous rappeler les dispositifs que nous avons inscrits dans ce projet de loi. Les assurés handicapés bénéficient actuellement du taux plein à 65 ans ; après l’entrée en vigueur du présent projet de loi, ils pourront liquider leur retraite à ce taux dès 62 ans. Les parents d’enfants handicapés pourront également percevoir l’AVPF, l’assurance vieillesse du parent au foyer, sans condition de ressource et bénéficier d’une majoration de durée d’assurance de huit trimestres. En outre, les assurés qui ont travaillé en situation de handicap pourront prétendre à une retraite anticipée à partir de 55 ans.

Comme vous le voyez, il y a un certain nombre d’avancées significatives. Nous avons écouté avec beaucoup d’attention les acteurs du monde du handicap, qui nous ont transmis un certain nombre d’informations. Je tiens à saluer le travail accompli par Mme Carrillon-Couvreur, ici présente, qui a été très attentive et très mobilisée sur ce sujet. Le présent projet de loi contient par conséquent des mesures très favorables à toutes ces personnes, dont les difficultés à travailler un nombre d’années suffisant sont reconnues.

Parce que cet amendement est satisfait par de nombreux articles du texte, la commission a émis un avis défavorable à son sujet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement a émis le même avis.

Je profite de la discussion sur cet amendement pour saluer à mon tour le travail de Martine Carrillon-Couvreur et de toutes celles et tous ceux qui l’ont accompagnée pour que des droits nouveaux soient reconnus aux personnes handicapées, aux parents d’enfants handicapés et aux aidants d’enfants ou d’adultes handicapés.

Monsieur Chassaigne, que ces situations de handicap soient mieux prises en charge était une préoccupation du Gouvernement dans le cadre de ce projet de loi. Plusieurs dispositions inscrites dans ce texte y répondent. En particulier, l’article 25 vise à faciliter le rôle d’aidant familial : il étend la majoration de durée d’assurance aux aidants familiaux d’adultes handicapés, qui n’était jusqu’à présent ouverte qu’aux parents d’enfants handicapés. En outre, un droit à cotisation d’assurance vieillesse financé par la solidarité nationale est proposé à tous les parents d’enfants lourdement handicapés qui sont amenés pour cette raison à interrompre leur activité professionnelle.

Vous le voyez, monsieur le député, votre préoccupation est prise en compte par le Gouvernement. Par conséquent, celui-ci a émis un avis défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Il ne s’agit pas pour nous de nier certaines avancées inscrites dans ce projet de loi. Cependant, d’une façon quasi-systématique, ces avancées, ou les dispositions que vous présentez comme telles, sont la plupart du temps les atténuations du recul que constitue le texte.

M. Marc Dolez. Très bien ! Excellent !

M. André Chassaigne. En d’autres termes, quand nous ferons le calcul final, l’addition des mesures, les prétendus avantages que vous soulignez apparaîtront comme un recul par rapport à la situation des personnes qui sont arrivées à la retraite il y a quatre ans.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. André Chassaigne. Telle est la réalité !

Par ailleurs, même si on peut noter certaines avancées, il suffit de s’entretenir avec les associations concernées par les questions relatives au handicap, comme nous le faisons, pour s’apercevoir qu’elles sont insuffisantes au regard des difficultés que ces personnes rencontrent au quotidien. Vous pourrez toujours transformer des petites avancées en grands discours – je vois d’ailleurs que cela vous fait sourire –avec des élans dignes d’une épopée napoléonienne, le résultat concret demeurera bien éloigné de vos affirmations.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Concernant la situation des personnes handicapées, il faut reconnaître, et je suis d’accord avec M. le rapporteur sur ce point, que depuis un certain nombre d’années, et surtout parce que nous étions à l’écoute des associations de personnes handicapées, des progrès ont été réalisés. Il faut toutefois admettre que les inégalités restent importantes entre les personnes handicapées et les autres, en particulier s’agissant de la retraite. C’est pourquoi, comme vient de l’indiquer très justement notre ami André Chassaigne, tout petit progrès est bon à prendre.

En l’occurrence, le groupe UMP estime que l’amendement proposé par le groupe GDR est excellent car, ne l’oublions pas, une personne handicapée, très souvent, commence une activité professionnelle plus tard, travaille à temps partiel, et s’arrête plus tôt. Nous avons notamment défendu ici à l’époque la possibilité pour une personne handicapée salariée de cesser son activité à 55 ans.

Par ailleurs, il faut avoir à l’esprit que les parents d’enfants handicapés, qui disposent souvent d’un salaire moyen, consacrent beaucoup d’argent aux soins, dont la prise en charge demeure insuffisante dans notre pays. J’ajoute enfin que, très souvent, ils ne prennent pas de vacances. Certains d’entre eux nous font part de leur inquiétude quant à la prise en charge des personnes handicapées et vieillissantes et se demandent quel sort connaîtra leur enfant après leur disparition.

Nous devons donc continuer d’aider ces familles. Je suis très heureux qu’un scrutin public ait été demandé sur le présent amendement. Le groupe UMP votera pour.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n203.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants68
Nombre de suffrages exprimés67
Majorité absolue34
Pour l’adoption24
contre43

(L’amendement n203 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 135 rectifié, 136 rectifié et 198, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 136 rectifié et 198 sont identiques.

La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n135 rectifié.

Mme Véronique Massonneau. Nous traversons une période de crise qui se caractérise par un taux de chômage élevé, en particulier chez les seniors et chez les jeunes. L’allongement de la durée de cotisation suscite des inquiétudes quant à son impact sur le chômage. Le présent amendement propose donc de conditionner l’allongement de la durée de cotisation à la démonstration par un rapport de sa neutralité sur la situation du chômage en France.

Mme la présidente. Madame Massonneau, pouvez-vous également soutenir l’amendement n136 rectifié, qui est en discussion commune ?

Mme Véronique Massonneau. Il s’agit d’un amendement de repli. Nous souhaitons simplement qu’un rapport soit présenté aux parlementaires tous les ans sur les conséquences de l’allongement de la durée de cotisation sur la situation du chômage en France, sans que les résultats du rapport ne conditionnent l’allongement de la durée de cotisation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n198.

Mme Jacqueline Fraysse. L’allongement de la durée de cotisation suscite des inquiétudes importantes quant à son impact sur le chômage. En effet, d’après l’INSEE, seuls 59 % des salariés du secteur privé sont passés directement de l’emploi à la retraite, les autres ayant connu entre-temps des périodes de chômage, d’invalidité, des situations difficiles et précaires.

L’UNEDIC a estimé que le premier relèvement de l’âge légal – quatre mois supplémentaires à partir du 1erjuillet 2011 –avait engendré 9 000 inscrits supplémentaires à Pôle Emploi parmi les seniors en 2011, et 30 000 en année pleine.

Nous souhaitons donc par cet amendement conditionner l’entrée en vigueur de cette mesure démographique d’allongement de la durée de cotisation à la démonstration par une étude de sa neutralité en termes d’emploi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Comme en première lecture puis en deuxième lecture, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le rapporteur, les deux amendements que j’ai déposés ne sont pas exactement les mêmes : le premier conditionnait l’allongement de la durée de cotisation aux conclusions du rapport, tandis que le second s’en tient à la présentation chaque année aux parlementaires d’un rapport sur les conséquences de cette mesure.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Issindou, rapporteur. J’avais bien compris qu’ils n’étaient pas tout à fait identiques, madame Massonneau. Cela ne change pas l’avis de la commission.

Des institutions qui ont été créées ou dont les attributions ont été modifiées par la réforme pourront faire le travail que vous demandez ; je pense au COR, le Conseil d’orientation des retraites, mais aussi au comité de suivi des retraites, qui figure à l’article 3 du projet de loi. L’un et l’autre sont en mesure d’analyser l’emploi des seniors pour produire le rapport que vous souhaitez et d’en tirer les conséquences en application de leurs missions respectives.

On peut aussi espérer que les mesures en faveur de l’emploi des seniors finiront par porter leurs fruits. Je vous rappelle que nous nous projetons au plus tôt à l’année 2020, qui correspond à l’entrée en vigueur de l’allongement de la durée de cotisation. Nous regardons la situation de l’emploi des seniors avec nos yeux d’aujourd’hui, ce qui justifie que nous soyons légèrement pessimistes, mais nous pouvons espérer que les choses vont s’améliorer. En tout cas, c’est pour cela que nous faisons, les uns et les autres, de la politique.

(L’amendement n135 rectifié n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 136 rectifié et 198 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n197.

M. Marc Dolez. Cet amendement est dans le même esprit que celui que Mme Fraysse a présenté. Il vise à demander au Gouvernement de rendre public chaque année un rapport qui évalue l’impact du relèvement de l’âge légal de départ en retraite et de l’allongement de la durée de cotisation sur le nombre d’inscrits supplémentaires à Pôle Emploi. Nous avons en effet la conviction pour notre part que ces deux mesures sont un non-sens économique en période de chômage de masse et qu’elles vont maintenir en dehors de l’emploi des salariés qui pourraient prendre leur retraite.

Monsieur le rapporteur, vous venez de nous dire qu’il n’était pas interdit d’espérer que la situation s’améliore, et vous n’avez pas tort. Cependant, pour mesurer une telle amélioration, encore faut-il disposer des outils nécessaires. Nous pensons que le rapport que nous demandons serait utile à cette fin. S’il ne venait pas à l’appui de nos convictions, il permettrait à tout le moins d’éclaircir un certain nombre d’éléments. C’est pourquoi nous souhaitons vivement que vous souteniez cet amendement, monsieur le rapporteur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Au-delà des arguments que j’ai déjà fournis à Mme Massonneau, j’ajouterai deux éléments : les contrats de génération qui sont en lien avec l’embauche de jeunes – vous connaissez le mécanisme – et la retraite progressive, dont il sera question à l’article 11, sont deux mesures qui vont dans le sens du maintien dans l’emploi des seniors autant qu’ils le souhaitent ou qu’ils le peuvent.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Je comprends, même si je peux avoir des divergences avec vous au sujet des dispositifs en question, que vous mettiez en avant les mesures dont vous pensez qu’elles pourraient améliorer la situation de l’emploi des seniors. Mais ce n’est pas la question ici : notre proposition consiste à demander un rapport annuel qui permette justement de vérifier si, oui ou non, ces mesures ont un impact sur le nombre d’inscrits à Pôle emploi. Je ne vois pas pourquoi vous refusez cet amendement. Un tel rapport serait pourtant de nature à nous éclairer et à vérifier le bien-fondé de vos affirmations et de votre sentiment selon lequel certaines mesures vont dans le bon sens, ce que je ne crois pas.

(L’amendement n197 n’est pas adopté.)

M. Marc Dolez. Notre proposition n’a pas eu beaucoup de succès !

(M. Marc Le Fur remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n214.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. L’UMP est favorable à cet amendement. J’étais d’ailleurs le rapporteur du texte grâce auquel nous nous étions occupés des sportifs de haut niveau qui sont souvent des jeunes, obligés de mettre entre parenthèses leurs études et leur vie professionnelle et qui, par conséquent, n’avaient pas de points de retraite. Nous avions donc décidé de faire un effort pour eux. En accord avec le Comité national olympique, la durée avait été fixée à quatre ans, soit le temps séparant deux olympiades.

Cet amendement vise à demander un rapport sur l’application du texte. C’est une excellente idée. Nous nous glorifions tous du résultat du match d’hier soir, mais le monde du football doit être mis à part : dans l’athlétisme comme dans les très nombreuses disciplines moins connues, auxquelles les médias font moins de publicité, les sportifs consentent des efforts extrêmement importants. Ils ne doivent pas être oubliés. Ce serait donc une bonne chose que l’on produise un rapport sur l’application d’un texte que, si j’ai bonne mémoire, nous avions voté à l’unanimité.

(L’amendement n214 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 2 bis

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, inscrit sur l’article 2 bis.

M. Denis Jacquat. Je voudrais demander au Gouvernement de faire preuve d’un peu de cohérence. Dans cet article, on demande la remise d’un rapport sur l’opportunité de ramener le taux plein de 67 ans à 65 ans. Or, il y a quelques instants, il a été démontré que, en commençant à travailler à 23 ans, on part à la retraite à 66 ans pour peu que l’on cotise 43 ans. Mieux vaut donc ne pas tromper les Français et fixer l’âge de départ à la retraite à 66 ans.

En ce qui concerne l’effet des mesures prises sur les femmes, je tiens à rappeler que les inégalités constatées s’agissant du niveau des retraites viennent des inégalités existant pendant la vie professionnelle ; c’est donc sur ce point qu’il faut agir.

(L’article 2 bis est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, inscrit sur l’article 3.

M. Denis Jacquat. Cet article concerne le mécanisme de pilotage du système de retraite, dont nous avons parlé un certain temps en première lecture. Je regrette très sincèrement que l’on ne donne pas au COR les nouvelles fonctions décrites ici. Tout le monde reconnaît la qualité du travail de ce conseil, dont M. Issindou et moi-même faisons partie. Il est dommage que l’on mette en place un nouveau comité alors même que l’on parle très régulièrement de simplification.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet article pose plusieurs problèmes.

D’abord, il institue un pilotage à vue qui subira des correctifs permanents et une survei1lance de tous les instants pour satisfaire aux exigences de Bruxelles et des milieux financiers.

Ensuite, je veux insister sur le caractère singulièrement technocratique du dispositif. En effet, la composition du comité de surveillance des retraites est fixée par décret. C’est donc le fait du prince, en dehors de toute validation démocratique directe ou indirecte. Les personnalités prétendument qualifiées éditeront des recommandations. Or l’exposé des motifs du projet de loi précise que ces recommandations, « compte tenu de la composition et de l’importance des missions du comité, s’imposeront comme un élément essentiel du débat public, afin d’éviter que les réformes nécessaires ne soient ajournées. » On est bien dans une logique de réforme obligatoire. Ainsi, des experts dépourvus de la moindre légitimité démocratique dicteront leur conduite aux représentants du peuple et au peuple lui-même.

L’objectif est évident : il s’agit de contraindre le législateur à réformer, tout en le déchargeant de sa responsabilité politique. En effet, la réforme antisociale étant décidée par un comité d’experts, le gouvernement qui l’applique peut s’en laver les mains et déclarer qu’il est tenu par la règle. Dès lors, la réforme se trouve en quelque sorte dépolitisée. Ce faisant, on organise l’irresponsabilité du législateur, lequel peut se défausser sur un comité qui n’est pas soumis à la sanction démocratique. C’est là un piège que nous tenons à dénoncer. Les conséquences du rôle de ce comité se trouvent encore aggravées.

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je voudrais évoquer la question du pouvoir d’achat des retraités les plus modestes et l’attention prioritaire due à ceux dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté. Le maintien du pouvoir d’achat de ces personnes dépend notamment de la revalorisation annuelle des pensions. Le Gouvernement, et c’est une bonne chose, a exempté du report de la revalorisation les bénéficiaires de l’allocation de solidarité aux personnes âgées, mais cela ne concerne pas tous les retraités vivant sous le seuil de pauvreté, soit environ 1,6 million de personnes selon le rapport Moreau de juin 2013. Dès lors, près d’1 million de retraités vivant sous le seuil de pauvreté verront la revalorisation reportée de six mois.

On connaît les montants en jeu : l’ASPA s’élève à 787 euros, tandis que le seuil de pauvreté est fixé à 977 euros. Il est normal de continuer à revaloriser le 1er avril toutes les retraites modestes jusqu’au seuil de pauvreté. Les retraités qui perçoivent une très petite pension, par exemple de l’ordre de 800 euros, vivent dans des conditions tout à fait difficiles. Ils sont obligés de se restreindre sur beaucoup de choses – l’alimentation, les soins médicaux ou encore le chauffage. Ils doivent faire face à l’augmentation du coût de la vie, en particulier à la hausse des loyers, de l’électricité et du gaz. Bref, ce sont de petites gens qui économisent sur tout et doivent souvent se priver du nécessaire. Nous souhaitons donc préciser dans le texte que les très petites pensions, inférieures au seuil de pauvreté, devraient être exemptées de cette mesure de report de la revalorisation.

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 5, 55, 218 et 370, tendant à supprimer l’article 3.

Je vous informe que, sur le vote de ces amendements, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n5.

Mme Véronique Louwagie. L’article 3 de ce projet de loi crée une nouvelle instance, le comité de suivi des retraites, plutôt que de valoriser les instances existantes.

Créer une nouvelle instance de consultation, fût-elle de pilotage, ne se justifie pas. Pour des raisons de rationalisation, il conviendrait plutôt de donner une nouvelle impulsion au Comité de pilotage des retraites, le COPILOR, qui a le mérite d’associer l’ensemble des acteurs de la prise en charge du risque vieillesse.

De plus, ce comité de suivi reprend un certain nombre de missions de diagnostic qui reviennent actuellement au COR. Étant donné le souci de simplification régulièrement invoqué par les uns et les autres, il est dommage de créer un doublon. Il serait également dommage que ce nouveau comité puisse à terme se substituer au COR, lequel est devenu un acteur incontournable qui éclaire le débat public grâce à des travaux de qualité depuis près de quinze ans.

Plutôt que de créer un nouveau comité de suivi, il serait également possible d’élargir les missions du comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie, actuellement placé auprès de la commission des comptes de la Sécurité sociale et d’en faire un comité d’alerte sur les dépenses des risques maladie et vieillesse, auquel il reviendrait d’alerter le Gouvernement et le Parlement en cas de trajectoire défavorable des comptes de l’assurance vieillesse.

Vous-même, madame la ministre, vous vous opposiez en 2010 à la création de toute nouvelle instance de pilotage au détriment du COR. C’est dire si nous pensons que vous allez retenir notre amendement !

Par ailleurs, il y a certaines incohérences, comme nous l’avons souligné lors de la première lecture et en commission. D’un côté, à travers cet article, il est indiqué qu’un décret en Conseil d’État précisera les missions du comité ainsi que les modalités de son organisation et de son fonctionnement. De l’autre, on inscrit dans la loi la nature des recommandations que le comité devra faire chaque année et de façon publique. Comment peut-on concilier les deux ? J’avoue que, pour moi, cela reste un mystère !

M. Philippe Vigier et M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n55.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mme Louwagie a bien défini l’esprit de ces amendements de suppression et je fais miens les arguments qu’elle a développés. J’ajoute que, parmi les maux dont souffre ce pays, il y a la commissionite aiguë. « Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », dit la fable de La Fontaine. (Sourires.) De fait, nous avons tendance à succomber à la tentation de créer une commission pour chaque nouveau problème à traiter ou bien d’augmenter le nombre des comités divers et variés. Il serait très bien de mettre un terme à cette manie.

D’ailleurs, d’après les souvenirs que j’ai gardés de vos interventions en première lecture, madame la ministre, les missions que vous vous apprêtez à confier à ce nouveau comité ne me paraissent pas justifier que l’on crée une entité nouvelle. Elles pourraient parfaitement s’ajouter aux missions actuelles des comités existants.

Enfin, comme le disait Mme Louwagie à l’instant, vous nous expliquerez sans doute les raisons qui vous ont conduite à changer d’avis par rapport aux débats que nous avions il y a trois ans. Pourquoi proposez-vous aujourd’hui de faire ce que vous sembliez refuser à l’époque ?

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n218.

M. Marc Dolez. Nous demandons nous aussi, à travers cet amendement, la suppression de l’article 3. Force est de constater que le comité de suivi des retraites n’est pas un comité d’experts banal : il est composé de deux femmes et deux hommes nommés pour cinq ans par décret et d’un président nommé en Conseil des ministres. Ce n’est pas rien ! Ce comité se voit confier un rôle tout à fait important. Or, du fait même des modalités de nomination de ses membres, il sera placé sous la tutelle de l’exécutif.

Par ailleurs, il sera doté d’un pouvoir de recommandation très important, avec toutes les ambiguïtés de sa rédaction actuelle puisque  beaucoup d’éléments sont renvoyés à un décret.

Au nom de quoi, comme le prévoit l’alinéa 23, ces experts pourront-ils recommander d’allonger encore, sans limitation expressément mentionnée, la durée de cotisation ? Au nom de quoi pourront-ils proposer d’utiliser le taux de remplacement comme une variable d’ajustement – sous la seule réserve de ne pas descendre en deçà de limites fixées par décret, ainsi que le prévoit l’alinéa 30 – ce qui ouvre la voie à des baisses du niveau des pensions ? Au nom de quoi pourront-ils inciter à augmenter le taux de cotisation pour apporter des ressources supplémentaires au régime, sans pouvoir toutefois dépasser des limites là encore fixées par décret ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Très juste !

M. Marc Dolez. Bien des arguments militent en faveur de la suppression de cet article, à tout le moins d’une réécriture qui viendrait lever ces ambiguïtés.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n370.

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, vous proposez la suppression de la commission des garanties des retraites et du comité de pilotage des retraites, devenus selon vous sans objet désormais. Cela va dans le sens de la simplification. Mais vous créez ce fameux comité de suivi des retraites, avec les incohérences qu’a soulignées Véronique Louwagie, puisque vous encadrez ses missions tout en prévoyant un décret en Conseil d’État qui les précisera.

Sur quels travaux ce fameux comité, composé de cinq personnes, s’appuiera-t-il pour rendre son rapport le 15 juillet de chaque année ? Sur les travaux du COR. Comme le disait Jean-Frédéric Poisson, vous êtes atteints de commissionite.

Monsieur le rapporteur, vous avez refusé l’un de mes amendements qui prévoyait la publication d’un rapport sur la transparence, la lisibilité, la convergence entre les hommes et les femmes, prétextant que cela ne servirait à rien, vu le nombre de rapports existants.

M. Michel Issindou, rapporteur. Tout à fait !

M. Philippe Vigier. Je vous mets en garde à mon tour : ne créez pas, ce qui serait vous faire plaisir à bon compte, un comité Théodule qui sera inutile et qui, de surcroît, serait placé sous la coupe du Gouvernement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable, bien sûr. Nous avons déjà beaucoup débattu de l’article 3, qui a d’ailleurs été largement modifié par les amendements de la majorité – je la remercie d’ailleurs d’avoir su faire évoluer les missions et les objectifs du comité de suivi des retraites.

Je ne vois pas pourquoi nous redouterions les avis…

Mme Jacqueline Fraysse. Non, les recommandations !

M. Michel Issindou, rapporteur. …de ce comité d’experts, qui se placeront au-dessus de la mêlée politique. Le Parlement, le Gouvernement pourront toujours refuser de suivre ces recommandations. Dans bien d’autres domaines, nous consultons de très nombreux experts et nous gardons seulement ce qui nous semble nécessaire.

Je rappelle que le COR, dont nous saluons tous l’existence, n’a pas pour mission de proposer des recommandations et des arbitrages.

M. Philippe Vigier. Modifiez donc ses missions !

M. Michel Issindou, rapporteur. Ses membres ne le souhaitent pas, à l’image des organisations syndicales, hostiles à l’idée que le COR puisse faire des recommandations au Gouvernement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Et que vont-elles faire en matière fiscale ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Ils veulent garder leur indépendance, apporter leurs idées. Le COR fait un très bon travail de diagnostic et d’état des lieux, laissons-le dans cette mission.

Par ailleurs, si nous créons le comité de suivi des retraites, nous supprimons deux autres instances. La commission de garantie des retraites et le COPILOR, créé par la loi de 2010, qui n’a jamais fonctionné. Et pour cause, vous n’avez su le réunir qu’une fois.

Mme Véronique Louwagie. Il a évité la réunionite !

M. Michel Issindou, rapporteur. Cela montre votre peu d’intérêt pour ce comité, quel que soit le mérite de ses membres.

Nous créons une instance légère, composée de cinq membres, qui, s’appuyant essentiellement sur les travaux du COR, rendra un avis annuel et adressera des recommandations que les politiques, pourront suivre ou pas, en fonction du rapport qui sera produit.

M. Philippe Vigier. Cela va coûter cher !

M. Michel Issindou, rapporteur. Peut-être éviterons-nous ainsi les réformes des retraites à répétition telles que nous les vivons depuis quelques années. Une alerte plus précoce permettra ainsi de prendre les bonnes décisions et de faire les ajustements annuellement, plutôt que de réformer comme en 2010, 2008, 2003, 1993, etc.

M. Jean-Frédéric Poisson. Réformes que vous avez largement alimentées !

M. Michel Issindou, rapporteur. Ce comité apportera son expertise, un regard plus élevé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable. Nous n’avons pas varié depuis 2010, lorsque nous nous opposions à la création du COPILOR. Monsieur Poisson, vous ne pouvez pas affirmer que le COPILOR et le comité de suivi que nous proposons sont des instances similaires.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je n’ai jamais dit cela !

Mme Marisol Touraine, ministre. Leur composition est radicalement différente. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, les organisations syndicales siègent au COPILOR. Elles siègent aussi au COR et ce que nous contestions à l’époque, c’était l’idée de créer une nouvelle structure dont la composition serait copiée sur celle du COR, ce qui n’avait aucun sens.

Les organisations syndicales et les partenaires sociaux souhaitent apporter un éclairage – d’où l’intérêt des concertations –, mais ne veulent pas être partie prenante dans un processus de recommandation, donc de décision.

Nous sommes donc très cohérents en proposant aujourd’hui la mise en place d’une instance indépendante chargée de faire des recommandations, qui permettront au Gouvernement de mieux maîtriser l’évolution des régimes de retraites.

Madame Fraysse, je veux vous rassurer – sans être certaine d’y parvenir : ces recommandations, j’insiste sur ce point, ne lieront pas le Gouvernement. Elles seront rendues publiques et il appartiendra au Gouvernement de s’en saisir ou non. Mais elles seront versées au débat public.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la ministre, je ne crois pas avoir indiqué que les deux instances étaient identiques. J’ai simplement appelé l’attention sur la commissionnite, précisant qu’il s’agissait d’une maladie dont tous étaient frappés.

Il ne me semble pas pertinent, dans cette période de simplification administrative, d’ajouter une instance supplémentaire dans cet entrelacs de décisions en matière de retraites.

J’admire par ailleurs la subtilité du vocabulaire distinguant l’avis des syndicats après concertation, et les recommandations. La limite est ténue. On ne peut dire que, d’un côté, on les consulte dans le cadre d’un dialogue social, parfaitement légitime d’ailleurs, et que, d’un autre côté, on leur demande des préconisations sur la fiscalité ou sur tout autre sujet. Ou ils sont associés, ou ils ne le sont pas. Je ne vois pas de scandale à ce que les syndicats participent à ce genre de réflexions et, pour des raisons encore une fois d’organisation générale des réflexions et de clarification du rôle de chacun des acteurs, je ne vois pas l’utilité de créer cette nouvelle structure.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Nous ne contestons pas l’idée de recommandations, d’avis ou de travaux supplémentaires, mais bien la création d’une nouvelle structure. Nous suggérons de confier ces missions, sources de nouvelles impulsions, à des entités existantes.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir apporté des précisions quant au rôle du comité de suivi des retraites, qui s’appuiera notamment sur les travaux du COR. Mais vous n’avez pas répondu à ma question sur la discordance manifeste entre les recommandations, dont la nature est d’ores et déjà fixée à l’article 3, et les missions, qui seront définies par décret en Conseil d’État.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Madame la ministre, vous le savez fort bien : je ne pleurerai pas sur la disparition du COPILOR. Pour y avoir siégé …

M. Michel Issindou, rapporteur. Cela ne vous a pas fatigué !

M. Denis Jacquat. … et pour être membre du COR, j’estime que cette dernière instance suffit pleinement. Vos explications m’ont renforcé dans l’idée que le COR doit prendre en charge l’ensemble de ces missions, pour des raisons de simplification, et parce que le fonctionnement de ce comité est admirable. Vous m’avez de ce fait renforcé dans la conviction qu’il faut supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Madame la ministre, vous avez dit que ce comité – qui ne sera pourtant pas n’importe quel comité, avec un président nommé en Conseil des ministres ! – n’émettrait que des recommandations, que le Gouvernement serait libre de suivre ou non. Dont acte.

Ce qui nous inquiète, c’est la feuille de route que contient l’article 3. Le comité de suivi des retraites est habilité à faire des recommandations qui toucheront à la durée de cotisation – alinéa 23 –, qui tendront à augmenter le taux de cotisation, sous réserve de ne pas aller au-delà des limites fixées par un décret – alinéa 29 –, ou qui tendront à réduire le taux de remplacement assuré par les pensions en deçà de limites fixées par décret.

Si ces recommandations pourront, bien sûr, ne pas être suivies, ce comité occupera une place tout à fait officielle et importante dans le dispositif. Et il est clair que cet article l’autorise à s’aventurer dans des recommandations extrêmement inquiétantes, car lourdes de conséquences pour les salariés et les retraités.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est le bonheur d’être dans la majorité !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques de suppression nos 5, 55, 218 et 370.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants53
Nombre de suffrages exprimés53
Majorité absolue27
Pour l’adoption15
contre38

(Les amendements identiques nos 5, 55, 218 et 370 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 6, 63 rectifié et 351, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 6 et 63 rectifié sont identiques.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n6.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement de suppression n’ayant pas été retenu, nous proposons un amendement de repli qui vise à rédiger ainsi cet article : « Afin de respecter la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le comité de pilotage des régimes de retraite lance, dès la promulgation de la présente loi, une réflexion nationale sur les conditions d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse, en particulier sur les conditions de mise en place d’une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires et sur les conditions de possibilité de la mise en place d’un régime par points ou en comptes notionnels ».

Le Gouvernement mène aujourd’hui une nouvelle réforme des retraites au mépris des rendez-vous fixés par la précédente majorité et alors même que la réduction du nombre des régimes ou des différentes conditions d’acquisition et de liquidation des droits est une attente forte et légitime de l’ensemble de nos concitoyens. Nous ne cessons de le rappeler depuis hier.

L’objectif de pérennité financière doit aller de pair avec un objectif d’équité et de transparence des droits acquis. Il est indispensable de poursuivre le rapprochement des régimes afin de consolider le pacte social qui unit tous les Français.

Cette réforme ne semble pas placée sous le signe de l’égalité et nous déplorons des lacunes importantes : rien sur la situation critique de l’AGIRC-ARRCO dont l’équilibre est menacé à court terme, rien sur la convergence entre le public et le privé alors que les différences entre les taux de remplacement sont bien réelles, de même que les conditions de prise en compte dans le calcul des retraites du salaire de référence, puisque les vingt-cinq dernières années n’ont rien à voir avec les six derniers mois, rien non plus sur les régimes spéciaux, rien sur la subvention d’équilibre nécessaire à la compensation démographique de ces régimes.

Pour toutes ces raisons, il nous semble essentiel de mener une réflexion sur l’ensemble de ces dispositifs.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n63 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. À défaut de n’avoir pu résister à la création de ce comité, nous voudrions au moins qu’il prenne en compte l’intégralité des questions qui se poseront à l’avenir à nos systèmes de retraite. Je sais bien que le rapporteur ne partage pas notre avis, mais nous sommes convaincus que cette réforme, ainsi que le martèle avec talent notre collègue Philippe Vigier, ne règle pas les questions de fond et n’est assurée ni dans sa pérennité ni dans son financement. Il faudra à nouveau se pencher sur un certain nombre de sujets qui ne figurent pas parmi les missions de ce nouvel organisme. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n351.

M. Philippe Vigier. Nous avons besoin d’instruments de pilotage toujours plus précis. Nous souhaitons ainsi élargir encore davantage les missions du COR afin qu’il puisse appréhender des questions nouvelles comme celle de la pénibilité à laquelle vous voulez, madame la ministre, donner un nouvel élan. Il en va ainsi de la question de l’équité entre les régimes ou encore de l’amendement que les sénateurs – soyons un peu respectueux – ont voté pour que soit rédigé un rapport sur les conditions de mise en place d’un système unique de retraite.

Le COR alimentera, de toute manière, votre fameux comité de suivi des retraites – dont nous ne comprenons toujours pas l’utilité. Sa composition – partenaires sociaux, syndicats, parlementaires – est une garantie pour que la meilleure information soit adressée au Gouvernement et au Parlement et lui permette de faire les bons choix. Pourquoi, dès lors, ne pas élargir les missions du COR et le moderniser ? Faisons en sorte que la ressource première sur laquelle, osons le dire, le Gouvernement s’est appuyé pour proposer cette réforme de retraites, soit encore plus efficace.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable. Nous vous avons chassé par la porte hier, vous revenez par la fenêtre aujourd’hui ! Ce n’est pas grave, nous fermerons la fenêtre aussi.

M. Denis Jacquat. Nous passerons par la cave !

M. Marc Dolez. Elle sera fermée aussi !

M. Denis Jacquat. Alors nous passerons pas le COR ! (Sourires )

M. Michel Issindou, rapporteur. Les arguments d’hier valent encore aujourd’hui car nous sommes constants dans nos convictions. Nous avons la prétention de mener une réforme pérenne, équilibrée et juste.

M. Denis Jacquat. Une erreur de plus.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 6 et 63 rectifié ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n351 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 50 et 371, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n50.

M. Gilles Lurton. Je suis désolé, monsieur le rapporteur, mais nous allons à nouveau revenir sur le sujet. Je suis complètement d’accord avec Denis Jacquat : nous aurions souhaité qu’une nouvelle impulsion soit donnée au comité d’orientation des retraites en renforçant son rôle et ses attributions. Or, vous compliquez la situation alors que le Premier ministre appelle de ses vœux une simplification administrative – ce n’est malheureusement pas le seul domaine dans ce cas.

Vous souhaitez avoir à votre disposition une structure restreinte capable de suivre l’application de la loi et l’évolution de notre système de retraite. À la suite de Mme Fraysse, je m’interroge sur la légitimité de cette structure désignée unilatéralement par vous, avec un président nommé en conseil des ministres. Vous portez un nouveau coup au rôle de contrôle des lois exercé par les parlementaires.

Puisque vous venez de refuser tous les amendements de suppression que nous avons déposés, je vous propose un amendement de repli pour substituer à votre comité de surveillance le conseil d’orientation des retraites qui a fait la preuve de sa compétence et de toutes ses capacités à assurer cette mission.

M. Denis Jacquat. Astucieux !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n371.

M. Philippe Vigier. Monsieur le rapporteur, nous n’essayons pas de rentrer par la fenêtre lorsque vous nous mettez à la porte : nous voudrions simplement améliorer cette réforme. Malheureusement, vous refusez toutes nos propositions. Vous le savez, l’UDI est favorable, depuis longtemps, à la mise en place d’un système universel égal pour tous, pour les salariés du privé comme du public, un système que l’on pourrait appeler « système de retraite par points ou à compte notionnel ».

N’oublions pas cet amendement voté en 2010 par le Sénat, que j’évoquais tout à l’heure, et qui a permis d’inscrire à l’article 16 de la loi du 9 novembre 2010 qu’un rapport d’étape détermine dans quelles conditions peut se mettre en place ce dispositif. Cette réflexion n’a jamais été lancée, mais les sénateurs ont, eux aussi, de la constance puisqu’ils ont voté à nouveau cet amendement.

Une fois de plus, nous essayons d’élargir le spectre de la réflexion pour ne pas vous priver, monsieur le rapporteur, de toutes ces pistes. Je ne pense pas que cela nous emmène très loin, mais faisons au moins ce travail plutôt que de nous envoyer à la figure des arguments qui ne sont pas fondés. Le COR aurait toutes les capacités pour assurer cette mission, éventuellement avec le comité que vous avez absolument tenu à mettre en place, et pour nous fournir les éléments d’appréciation qui nous permettraient de trancher en toute connaissance de cause.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Les mêmes arguments appelant les mêmes réponses : avis défavorable.

(Les amendements nos 50 et 371, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n137.

Mme Véronique Massonneau. La France dispose de nombreux organismes publics qui fournissent un travail de recherche de qualité et qui, tous, produisent des données sur les différents aspects de la situation des seniors.

Le COR a pour mission de décrire les évolutions et les perspectives des régimes de retraites, d’apprécier les conditions de leur fiabilité financière, de participer à l’information sur le système de retraite et l’effet des réformes et, enfin, de suivre l’évolution des niveaux de vie des actifs et des retraités.

Le Parlement a besoin d’être éclairé sur ses choix à venir et sur les mesures qui doivent être prises pour les accompagner. Or, l’emploi des seniors et les fins de carrière soulèvent de nombreuses inquiétudes. Cet amendement vise par conséquent à ce que les données existantes soient compilées et fassent l’objet d’un rapport annuel.

Du fait de l’article 40, nous avons dû remplacer l’objet initial de cet amendement, la création d’un observatoire des fins de carrière, tel que le préconisait le rapport Moreau.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Ce que vous demandez, madame, n’est pas inutile et le COR fera d’ailleurs ce travail. Vous savez qu’il peut s’autosaisir des sujets qui lui paraissent importants ou qu’on lui suggère comme tels. Il est évident que l’emploi des seniors sera un sujet majeur des prochaines années. Nous avons déjà abordé cette question aux articles 1 et 3, où il a été précisé que le comité de suivi suivrait avec une attention particulière l’emploi des seniors.

Dans ces conditions, cette compilation et ce rapport annuel ne me paraissent pas indispensables. Je fais confiance au COR pour faire ce travail régulièrement et en rendre compte à la représentation nationale. Avis défavorable, si vous ne le retirez pas.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. L’amendement est-il maintenu, madame Massonneau ?

Mme Véronique Massonneau. Oui.

(L’amendement n137 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n156.

Mme Véronique Massonneau. Il est défendu.

(L’amendement n156, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 61 et 161, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n61.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il s’agit là d’un amendement de repli tendant à supprimer les alinéas 9 à 40. Faute d’avoir obtenu la suppression de l’article 3, nous souhaitons que le comité de surveillance des retraites soit supprimé.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n161.

M. Lionel Tardy. Je serai moins ambitieux que M. Poisson et je me contenterai de proposer de supprimer les alinéas 9 à 31. Je m’oppose également à la création de ce qui représente pour moi un énième comité Théodule. Après la commission de garantie des retraites, le comité de pilotage des retraites, le comité d’orientation des retraites, voici, c’est tout nouveau, le comité de suivi des retraites. Nous aurons bientôt épuisé tous les qualificatifs même si, pour créer des commissions, je fais confiance à l’imagination du Gouvernement !

Nous avons même du mal à nous y retrouver pour comprendre l’utilité de chacun : ont-ils encore ou non une place ? Nous en arrivons à certaines absurdités. Ainsi, ce comité de surveillance devra rendre un avis annuel qui s’appuie lui-même sur le rapport du comité d’orientation des retraites. En ajoutant une couche supplémentaire, on en vient à ce genre de situation byzantine qui prête à rire, mais qui révèle une certaine manière d’agir, ou plutôt de ne pas agir, qui n’a rien de réjouissant. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Nous sommes en tout cas sûrs qu’il existe déjà un comité d’orientation des retraites pour réfléchir à l’avenir de notre système, ce qui suffit largement.

(Les amendements nos 61 et 161, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement n95.

M. Jean-Noël Carpentier. Cette discussion prouve que ce comité de suivi ne recueille pas tous les suffrages, c’est le moins que l’on puisse dire. Reconnaissons que ses missions sont troubles et qu’il est difficile de comprendre ses objectifs. Le rapporteur a parfois du mal lui-même à nous préciser son utilité, ses orientations, et en quoi il pourrait aider la représentation nationale à définir le système de retraites et sauver le régime par répartition.

Parce que votre proposition, madame la ministre, ne nous séduit pas davantage, nous vous proposons cet amendement de repli pour ajouter à la composition de ce comité quatre parlementaires, deux de la majorité et deux de l’opposition, ce qui permettra de faire naître au sein de cet organisme un dialogue pour défendre l’intérêt général, sauvegarder notre régime par répartition et lancer l’alerte lorsque c’est nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. En mélangeant des parlementaires aux experts, vous faites perdre à cet organisme sa qualité de comité d’experts. Des parlementaires ne peuvent pas siéger ici, pour faire la loi, et au sein d’un comité d’experts. Ces deux fonctions nous semblent contradictoires. Nous voulons que les experts nous rendent en toute indépendance leur avis, que nous suivrons ou pas, mais ils ne doivent en aucun cas être juges et parties. Un expert est un expert, et un parlementaire est un politique. Je ne sais pas comment le dire précisément, mais ce dernier ne peut pas être un « expert ».

Notre mode d’élection ne fait pas de nous des experts : nous sommes des élus du peuple, choisis en fonction d’autres critères que celui de l’expertise. Ne prétendons donc pas être ce que nous ne sommes pas. Il nous revient d’arbitrer et de choisir à partir des conclusions des experts : à chacun son travail.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Tout notre problème porte précisément sur la définition de l’outil que vous créez, qui est de nature on ne peut plus technocratique. Conformément à la rédaction de cet article, le comité de suivi formulera des préconisations. Vu sa composition, j’estime qu’il faut, quoi que vous en disiez, atténuer le risque qu’il présente en y intégrant des membres de la représentation nationale, afin que puisse s’y tenir un débat d’ordre général. Loin de moi l’idée de vouloir faire de nous des experts, car ce n’est pas notre rôle, mais cet amendement vise à nuancer votre proposition.

(L’amendement n95 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n62.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement vise à compléter les missions de ce nouvel organisme, dont nous souhaitons nous assurer qu’il sera en mesure de traiter toutes les questions qui se poseront à l’avenir concernant notre système de retraites, en particulier celle de la convergence et celle de l’équilibre financier global des systèmes.

(L’amendement n62, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n408.

Mme Marisol Touraine, ministre. Lors du débat en première lecture, l’Assemblée a adopté une proposition consistant à appuyer le travail du comité de suivi sur un jury citoyen. L’amendement n408 vise à ce que soient précisées par décret les modalités de tirage au sort et de fonctionnement du jury citoyen dont vous avez, mesdames et messieurs les députés, souhaité la création. Il vise également à supprimer l’impossibilité de défrayer les membres de ce jury citoyen, car cette fonction nouvelle ne doit pas peser financièrement sur les personnes qui seront appelées à l’exercer. Enfin, il vise à rétablir une disposition qui n’avait pas sa place à l’article 28 dans le code de la Sécurité sociale. Il ne s’agit donc pas de revenir sur la mesure adoptée en première lecture par la voie d’un amendement parlementaire du groupe socialiste, mais d’en compléter les dispositions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Favorable.

M. Jean-Frédéric Poisson. Comment se couper le pied tout seul…

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Voici donc le dernier né du parti socialiste, puisque nous découvrons ce dispositif.

Mme Marie-Françoise Clergeau et M. Gérard Sebaoun. Pas du tout ! Il a été adopté en première lecture !

M. Denis Jacquat. On peut être pour le moins surpris de ce que personne n’y ait pensé en première lecture…

Mme Marie-Françoise Clergeau. Au contraire ! Nous l’avons voté !

M. Denis Jacquat. L’esprit saint semble être soudain apparu pour annoncer la nécessité de créer un jury citoyen. Pour notre part, à l’UMP, nous pensons plutôt que le Gouvernement tente de masquer ses difficultés en envoyant de temps à autre un nuage de fumée, en l’occurrence sous la forme d’un jury citoyen.

De surcroît, ce jury, après tirage au sort, fonctionnera selon des modalités définies par décret. Nous, députés de l’UMP qui ignorons ce qui se passe dans les coulisses du Gouvernement, constatons que les parlementaires sont exclus du comité de suivi ; en tant que citoyens, ils pourraient éventuellement être tirés au sort, mais le recours à un décret laisse penser qu’ils seront frappés d’une double peine et également exclus du tirage au sort. Qu’en sera-t-il ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Je suis extrêmement surpris par cet amendement, compte tenu de la réponse qui a été faite à celui que j’ai défendu juste avant.

M. Jean-Frédéric Poisson. Exactement !

M. Jean-Noël Carpentier. Vous nous dites que les parlementaires ne sont pas des experts : dont acte. Or, voilà que vous prévoyez un jury de neuf citoyens qui, en quelque sorte, deviendront des experts puisqu’ils vont accompagner le comité de suivi.

Je ne suis d’ailleurs pas du tout opposé à cette idée pertinente qui permettra, comme nous le souhaitions les uns et les autres, de contrecarrer le pouvoir des experts. De ce point de vue, le Gouvernement a entendu ce qui s’est dit en première et en deuxième lecture. Cela étant, je reste dubitatif et souhaiterais entendre davantage d’explications sur ce tirage au sort. Pourquoi, dans ces conditions, ne pas intégrer des parlementaires au comité ?

M. Denis Jacquat. C’est à en perdre son latin !

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Si je comprends bien, les parlementaires sont exclus du comité de suivi au motif qu’ils ne sont pas des experts, mais on crée un jury citoyen – que je suppose donc composé d’experts. En clair, les représentants des citoyens que nous sommes ne sont pas représentés, alors que les citoyens eux-mêmes le sont ! Il y a là quelque chose dans le raisonnement qui m’échappe. Je souhaite quelques explications supplémentaires sur ce point.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est la démocratie participative…

M. Denis Jacquat. Disons plutôt de la discrimination !

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je voudrais rappeler à M. Jacquat que nous avons adopté cette mesure en première lecture : elle figure, mon cher collègue, à l’article 28 du texte que vous avez sous les yeux.

M. Denis Jacquat. En effet, je ne l’avais pas remarqué.

M. Gérard Sebaoun. Il s’agit donc simplement de la replacer à l’endroit qui lui convient.

Par ailleurs, les jurys citoyens existent déjà, et leurs membres reçoivent une formation liée aux sujets sur lesquels ils doivent se prononcer. Je ne vois donc pas au nom de quoi nous, parlementaires, refuserions aux citoyens qui nous élisent le droit à une parole première !

M. Benoist Apparu. Personne ne le leur refuse ! C’est vous qui le refusez aux parlementaires !

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Je prends acte du fait que ce dispositif a en effet été défendu en première lecture. Pourquoi donc est-il passé de l’article 28 à l’article 3 sans explication ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je ne parviens pas à comprendre cet antiparlementarisme primaire. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Martine Pinville. Ce n’est pas sérieux !

M. Philippe Vigier. Les députés et les sénateurs siègent au conseil d’orientation des retraites, monsieur le rapporteur. Contre vents et marées, vous vous acharnez à maintenir ce comité de suivi Théodule, composé de cinq personnes. Pour en élargir le champ, vous créez un jury citoyen…

M. Gérard Sebaoun. Vous refusez la parole des citoyens !

M. Philippe Vigier. …dont les membres seront formés.

M. Gérard Sebaoun. Oui !

M. Philippe Vigier. Vous procéderez à cet effet à un tirage au sort : voilà qui me rappelle le tirage au sort des jurés d’assises dans ma commune. Avec votre jury, quinze jours ne suffiront pas à dispenser la formation nécessaire sur des questions particulièrement techniques, vous le savez bien.

M. Gérard Sebaoun. Paravent !

M. Philippe Vigier. Vous déployez un écran de fumée.

Mme Martine Pinville. Mais non !

M. Philippe Vigier. Puisque vous tenez à maintenir ce comité, intégrez-y des personnes qui ont du recul, des compétences et de l’expérience sur ces questions, plutôt que des personnes tirées au sort !

M. Gérard Sebaoun. Le citoyen ne serait-il donc pas concerné par les retraites ?

M. Philippe Vigier. Peut-être ce jury fait-il bien dans le décor, mais il n’a aucun sens !

Mme Martine Pinville. Merci pour les citoyens !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Il se trouve que la création d’un jury citoyen résulte d’un amendement d’origine parlementaire, présenté puis adopté en première lecture lors de l’examen de l’article 28.

M. Denis Jacquat. Tout à fait !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il nous a semblé que la disposition ainsi adoptée avait sa place à l’article 3, puisqu’il s’agit d’appuyer les travaux du comité de suivi. Voilà qui explique son déplacement à cet article, monsieur Jacquat.

M. Denis Jacquat. Il aurait dû y être placé d’emblée !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il ne s’agit pas d’autre chose que de faire preuve de cohérence.

Par ailleurs, les citoyens tirés au sort ne siégeront pas dans le comité de suivi, lequel est une instance permanente qui travaille de manière régulière. Il sera soutenu dans ses travaux par l’avis de citoyens, comme l’ont souhaité les parlementaires.

M. Philippe Vigier. C’est de l’accompagnement, en somme : on le prend par la main.

M. Denis Jacquat. C’est donc un comité pipeau ! (« Mais non ! » sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n408 est adopté.)

M. Benoist Apparu. La ministre n’a pas vraiment l’air convaincue…

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n219.

M. Jean-Philippe Nilor. L’alinéa 11 de l’article 3 indique que le comité de suivi des retraites devra rendre annuellement, au plus tard le 15 juillet, un avis public. Cet avis devra notamment indiquer si le comité considère que le système de retraites s’éloigne de façon significative des objectifs d’équilibre financier, et aussi analyser la situation comparée des femmes et des hommes au regard de l’assurance vieillesse.

Cet amendement vise à ajouter à l’avis une troisième indication portant sur l’impact du relèvement de l’âge légal de la retraite et de la durée de cotisation sur le chômage des seniors, sur celui des jeunes et sur le nombre d’inscriptions supplémentaires à Pôle Emploi qui sont imputables à ces mesures. Aujourd’hui, en effet, le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans est de 37 %, du fait notamment de la pénibilité et de la réduction de l’espérance de vie en bonne santé. L’allongement de la durée de cotisation ou le recul de l’âge légal entraînent mécaniquement une hausse du nombre de demandeurs d’emploi âgés de 55 à 64 ans, qui sont contraints de vivoter au chômage en attendant l’âge-pivot qui leur permet de liquider leurs droits.

Permettez-moi de lire une citation pour bien faire comprendre cette réalité : « Très concrètement, si vous êtes au chômage à 57 ans, est-ce que vous allez devenir un salarié en activité par le simple miracle d’une décision gouvernementale ? Que va-t-il se passer : le Gouvernement va fabriquer de nouveaux chômeurs de longue durée. Il y aura peut-être moins de retraites versées, mais davantage d’allocations-chômage sortiront des comptes publics. C’est donc de la politique de gribouille ».

M. Denis Jacquat. Eh bien !

M. Jean-Philippe Nilor. Cette citation date de 2010 ; je n’étais pas député à l’époque, mais je l’aurais certainement applaudie. Elle est de Mme la ministre, Marisol Touraine !

M. Philippe Vigier. Aïe aïe aïe ! Voilà qui fait mal !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Nous avons déjà eu ce débat sur le travail des seniors à l’article 2, monsieur Nilor. Le sujet est naturellement important, car la réforme dépend en partie de ce que deviendront les seniors dans les prochaines années. Pour les mêmes raisons qu’aux amendements à l’article 2, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. Denis Jacquat. Votre vocabulaire comporte-t-il d’autres mots que « défavorable » ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Mme la ministre est défavorable à ses propres amendements…

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. J’observe simplement que par sa réponse, Mme la ministre est également défavorable à ce qu’elle disait en 2010.

(L’amendement n219 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n220.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à compléter l’alinéa 15 de l’article.

La crise actuelle et les difficultés de l’économie française ne sont pas dues, comme on tente de nous le faire croire, au coût du travail, mais au coût exorbitant que fait subir le capital à la société. En trente ans de néolibéralisme, la part dévolue aux actionnaires aux dépens des salaires et de la protection sociale a augmenté de cinq points de pourcentage de la valeur ajoutée des entreprises. Le comble est que malgré la baisse du taux de marge des entreprises en cette période de crise, les dividendes servis, eux continuent d’augmenter.

En 2012, les entreprises ont distribué 230 milliards de profits, ce qui représente un surcoût du capital de 100 milliards par rapport aux normes des années 1970 et 1980, et ce au détriment de l’investissement, de la recherche et de l’emploi. Ainsi, 80 % des bénéfices vont aux actionnaires aujourd’hui, contre 30 % dans les années 1980.

Dès lors, notre amendement propose que le comité institué par l’article 3 donne son avis éclairé sur l’évolution du rapport entre contribution du capital d’une part et du travail de l’autre au financement de la protection sociale, et sur la répartition et la destination des richesses issues de l’activité économique. Il s’agit de redonner confiance aux assurés dans notre système de protection sociale et dans les décisions prises par leurs élus et par le Gouvernement pour assurer la solidarité et la redistributivité du système, ainsi que le maintien, voire l’amélioration de leurs droits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Madame Fraysse, le débat que vous voulez ouvrir dépasse assez largement celui sur les retraites, même si j’entends bien que tout est dans tout. Vous avez raison de penser que la répartition des richesses peut entraîner des conséquences, positives ou négatives, sur le financement de la protection sociale, mais ne donnons pas au comité toutes les missions imaginables, laissons-le œuvrer dans le champ bien particulier des retraites. Je rappelle que pour répondre aux questions que vous soulevez, il existe un Haut conseil du financement de la protection sociale, et que c’est plutôt à celui-ci de faire les arbitrages que vous évoquez. Pour ces deux raisons, la commission a émis un avis défavorable.

(L’amendement n220, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n21.

Mme Véronique Louwagie. Cet amendement vise à introduire une disposition supplémentaire dans ce qui va composer l’avis annuel et public que devra rendre le comité de suivi des retraites. La loi du 9 novembre 2010 avait fixé l’organisation, à compter du premier semestre 2014, d’une réflexion nationale sur les objectifs, les caractéristiques et la faisabilité d’une réforme systémique de la prise en charge collective du risque vieillesse. Or cette réflexion est aujourd’hui totalement lettre morte puisque la concertation qui devait être lancée en 2013 ne l’a pas été et que le présent projet de loi n’en reprend pas les termes.

Dans un souci de cohérence législative d’une part, et d’une réforme structurelle d’autre part, il semble préjudiciable pour notre système de retraites d’écarter la piste de la réforme systémique. Si elle ne réglerait certes pas à elle seule les problèmes de financement des régimes de retraite, la réforme systémique serait tout de même l’occasion d’une remise à plat complète avec l’ensemble des acteurs, ce qui vaudrait mieux que l’option retenue des expédients conjoncturels sous forme de rustines qui ne règlent pas le problème au fond, alimentant le climat anxiogène dans l’opinion sur cette question, ce qui laisse par ailleurs entendre que le dossier des retraites n’a pas forcément vocation à être réglé un jour.

Une telle remise à plat salutaire permettrait notamment de réfléchir, d’une part, sur les conditions d’une plus grande équité entre les régimes de retraite légalement obligatoires ; d’autre part, sur les conditions de mise en place d’un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ; enfin, sur les moyens de faciliter le libre choix par les assurés du moment et des conditions de leur cessation d’activité.

Dans la version actuelle de l’article 3, l’énumération de ce qui doit être pris en compte dans l’avis annuel et public correspond à un état des lieux. À cet égard, le comité ne serait qu’un observatoire puisqu’il lui sera demandé une analyse comparée de la situation des femmes et des hommes au regard de l’assurance vieillesse ou encore une analyse de l’évolution du pouvoir d’achat des retraités. Nous, nous souhaitons qu’il ait une capacité d’étude avec des perspectives plus importantes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Madame Louwagie, vous avez de la suite dans les idées ;…

Mme Véronique Louwagie. Tout de même !

M. Denis Jacquat. C’est une femme remarquable !

M. Michel Issindou, rapporteur. …nous aussi, hélas pour vous : avis défavorable de la commission.

(L’amendement n21, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n221.

M. Marc Dolez. L’alinéa 17 de l’article 3 prévoit que le comité, pour préparer son rapport et ses recommandations, analyse la situation comparée des hommes et des femmes au regard de l’assurance vieillesse. Fort bien, l’objectif de réduire ces inégalités très importantes est certainement partagé sur l’ensemble de ces bancs, et c’est pourquoi nous proposons que le comité puisse aller un peu plus loin. Des rapports sur la situation comparée des hommes et des femmes sont déjà nombreux, mais il serait utile à sa réflexion et pour ses éventuelles recommandations qu’il analyse aussi l’effet des mesures politiques et des moyens mis en œuvre pour la réduction de ces inégalités. Cet amendement apporte donc une précision tout à fait utile.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable. Les positions sur ce comité d’experts sont étonnantes : parfois, on veut qu’il ne s’occupe de rien et qu’il n’existe pas ;…

Mme Jacqueline Fraysse. On n’a jamais dit ça !

M. Michel Issindou, rapporteur. …parfois, on veut lui donner des missions qui ne sont pas les siennes. La politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes relève de la politique du Gouvernement, qui fait tout ce qu’il faut pour que les carrières, puis les retraites, soient les plus égales possible. Il n’est pas nécessaire de demander au comité autant de précisions dans ses analyses. Il donnera dans son avis les conclusions qu’il entend et traitera ce sujet parmi d’autres, sans que cela ne soit une priorité inscrite dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. J’avoue, monsieur le rapporteur, que je ne comprends pas bien votre argumentation. Vous dites que le Gouvernement fait tout ce qu’il faut pour essayer de réduire les inégalités entre hommes et femmes, mais puisque le comité sera conduit à faire des recommandations, il me paraît de bon sens et de bonne politique qu’il puisse analyser les effets des dispositifs que le Gouvernement met en œuvre. Au-delà des divergences qui nous opposent sur les grandes orientations, je ne vois pas ici ce qui empêcherait d’adopter notre amendement.

(L’amendement n221 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n56.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet article est plus instructif par les missions qu’il ne donne pas à ce nouveau comité que par celles qu’il lui confie ! Or nous avons à coeur, je le répète, qu’il traite bien de l’intégralité des questions soulevées par l’avenir de notre système de retraites, d’autant plus que celles-ci ne sont pas garanties dans le futur par le projet de loi.

Par conséquent, dans l’esprit d’amendements que nous avons déjà défendus cet après-midi, il s’agit de confier au comité de suivi la mission de comparer la situation des régimes de retraite du secteur public et du secteur privé parce que c’est une vraie question. Même si vous ne voulez pas la poser, cela restera un sujet de préoccupation non seulement pour notre système de retraites en termes d’équilibre interne, mais aussi pour l’ensemble de nos concitoyens qui, visiblement, ne sont pas aussi sereins que le Gouvernement.

(L’amendement n56, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n234.

M. Jean-Philippe Nilor. Les auteurs de cet amendement sont opposés au champ des recommandations défini par le projet de loi. Mais bien qu’ils soient opposés au fait que le comité formule des recommandations sur l’évolution du taux de cotisation, ils notent que la première restriction est révélatrice de la marque imprimée par le MEDEF et les ultralibéraux sur le projet : ses recommandations ne pourront tendre à augmenter le taux de cotisation au-delà d’une limite fixée par décret – dont on présume qu’elle sera fixée le plus bas possible, pour ne pas augmenter le coût du travail ou grever la compétitivité des entreprises. C’est de la part du Gouvernement un aveu d’impuissance, voire d’allégeance, vis-à-vis du patronat.

Par ailleurs, l’alinéa 25 autorise explicitement le comité à formuler des propositions visant à réduire le taux de remplacement. L’on pourrait donc demain entendre la parole technocratique nous recommander de ne pas augmenter les cotisations et, dans le même temps, d’abaisser le taux de remplacement assuré par les pensions. Nous avons là les deux ingrédients d’un système à cotisations définies, dans lequel les assurés ne savent pas pendant leur vie active ce à quoi ils auront droit au moment de la liquidation de leur retraite ! Le groupe GDR y est bien entendu farouchement opposé et dénonce la veulerie qui consiste pour un Gouvernement qui n’assume pas ses choix de dépolitiser ceux-ci en les faisant émettre par une instance non réellement indépendante puisque ses membres seront désignés par décret et son président nommé en conseil des ministres – comme un préfet ! –, instance que le Gouvernement tiendra donc dans le creux de sa main.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Monsieur Nilor, vos propos sont parfois un peu durs : le mot « veulerie » est excessif. Je ne m’en offusque pas,…

M. Christian Paul. Quel flegme !

M. Michel Issindou, rapporteur. …comprenant votre enthousiasme à défendre vos amendements, mais je vous le dis : n’ayez pas peur. On a l’impression, à vous entendre, que ce comité va décider de tout à partir d’après-demain alors que ce n’est pas du tout sa finalité. Appréhendez-le avec beaucoup de sérénité comme nous. Il donnera un avis, des recommandations, qui seront ou non suivis par des politiques qui garderont leurs compétences. Il faut le prendre tel qu’il est et sans exagération. Or votre amendement en comporte beaucoup. Avis défavorable.

(L’amendement n234, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n223.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu, monsieur le président.

(L’amendement n223, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n224.

M. Marc Dolez. C’est un amendement important, qui fait écho à un amendement à l’article 1er que nous avons défendu hier, dans lequel nous demandions au Gouvernement un rapport sur les modalités permettant d’assurer des pensions au moins égales au SMIC. Cela nous a été refusé. Nous proposons ici de prévoir, après l’alinéa 22, que le comité de suivi puisse explorer les pistes de financement qui permettent d’assurer des pensions au moins égales au SMIC. Cela prouve, monsieur le rapporteur, que notre groupe n’a évidemment pas peur du comité de suivi et des réflexions qui seront les siennes, mais qu’il souhaite que le champ de ses réflexions soit le plus large possible.

(L’amendement n224, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n225.

Mme Jacqueline Fraysse. Les alinéas 17 et suivants indiquent les sujets sur lesquelles les recommandations doivent notamment porter. Par cet amendement, nous proposons d’en étendre le champ au départ anticipé entre cinquante et cinquante-cinq ans pour les travailleurs exposés à des facteurs de pénibilité, pour les carrières longues et pour les personnes handicapées. Toutes les études des syndicats de salariés ou encore de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés montrent en effet que l’âge de départ effectif de ces personnes oscille entre cinquante et cinquante-cinq ans, c’est-à-dire entre cinquante et cinquante-trois ans pour les travailleurs handicapés, et entre cinquante et cinquante-cinq ans pour les travailleurs exposés à des facteurs de pénibilité.

Aujourd’hui, les dispositifs en vigueur apparaissent donc nettement insuffisants. Ainsi, pour les carrières longues, le décret présidentiel du 2 juillet 2012 donne la possibilité de partir à soixante ans, mais à des conditions extrêmement restrictives qui ne correspondent pas à la réalité de leur situation, eux qui sont déjà en grande majorité hors emploi au moment de la liquidation de leurs droits. Quant aux travailleurs handicapés, ils peuvent partir actuellement à cinquante-cinq ans – l’abaissement du taux d’incapacité à 50 % va d’ailleurs dans le bon sens –, mais la suppression du dispositif de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé risque de laisser ceux qui l’avaient obtenu dans une situation intenable. Enfin, concernant les travailleurs exposés à la pénibilité, les dispositions prévues aux articles 5 à 10 de ce texte sont insuffisantes et nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable. Nous en reparlerons lors de l’examen des articles sur la pénibilité.

(L’amendement n225, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n226.

M. Jean-Philippe Nilor. Les étudiants encaissent mal ce projet de loi sur les retraites. Certaines de ses conséquences leur seront en effet très préjudiciables. L’allongement de la durée de cotisation, qui les concerne au premier chef, ne pourra leur permettre de prétendre à une retraite à taux plein avant soixante-dix ans pour certains. Et puis il y a la baisse du niveau des pensions : nombre d’étudiants pratiquent les mathématiques et ont très vite compris que le mécanisme de désindexation prévue à l’article 4 n’affectera pas uniquement le pouvoir d’achat des retraités actuels mais aussi mécaniquement le niveau de leurs futures pensions.

Ensuite, l’impossibilité financière dans laquelle la majorité d’entre eux se trouvera de racheter des années d’études, vu le tarif exorbitant qui est proposé. L’addition de toutes ces mesures défavorables aux futurs actifs est dure à avaler.

Ils auraient pu se réjouir de l’amendement n3065 que vous avez déposé concernant la validation des stages en entreprise.

Seulement voilà, passée l’euphorie de voir enfin reconnues ces périodes de formation professionnelle, ils ont déchanté pour quatre raisons : seule une partie des stagiaires est concernée ; le dispositif proposé ne leur ouvrira droit qu’à la prise en compte de deux trimestres dans la durée de cotisation ; la validation de ces deux trimestres leur coûtera 300 euros, une somme peut-être modique vu du ministère, mais excessive pour un étudiant en galère ; enfin, ils devront en faire la demande à l’administration dans un délai de deux ans.

Nous proposons, pour notre part, que ces périodes de stage, au même titre que les années d’études, soient intégralement prises en compte dans la durée des cotisations. Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Nous en reparlerons à l’article 16. Avis défavorable de la commission.

(L’amendement n226, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n373.

M. Philippe Vigier. Si vous le permettez, monsieur le président, je vais défendre simultanément l’amendement n372 qui aussi sur l’élargissement du rôle du Comité de suivi des retraites.

M. le président. Je vous en prie.

M. Philippe Vigier. Comme chacun sait, l’article 3 de ce projet de loi prévoit que ce comité donnera chaque année un avis public relatif au respect des objectifs définis à l’article 1er de ce projet de loi.

Monsieur le rapporteur, je vous avais parlé de l’instauration d’une règle de confiance portant sur le taux de cotisation maximal, sur le taux de remplacement minimal et sur le niveau de retraite minimal. Nous souhaiterions que l’on demande à ce comité d’élargir sa réflexion et de plancher sur ces trois piliers de la règle de confiance.

Quant à l’amendement n372, il propose que le comité de suivi des retraites, dont le Conseil d’État précisera les missions, puisse se prononcer sur l’âge légal de départ à la retraite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n373 ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Le débat a déjà eu lieu en première lecture et la commission a émis le même avis défavorable en deuxième lecture.

(L’amendement n373, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n227.

Mme Jacqueline Fraysse. Défendu.

(L’amendement n227, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n22.

Mme Véronique Louwagie. Si vous le permettez, monsieur le président, je vais défendre en même temps les amendements nos 22, 25 et 24 qui sont à peu près dans le même esprit.

M. le président. Je vous en prie.

Mme Véronique Louwagie. L’amendement n22 demande la suppression, à l’alinéa 23, de l’expression : « de l’espérance de vie à soixante ans en bonne santé ». En effet, il nous paraît qu’il faille rester sur des critères objectifs qui ne donnent pas lieu à débat. Cette notion juridique présente, à notre avis, un risque d’appréciation sur la situation de « en bonne santé ». Si l’espérance de vie est un indicateur qui doit être pris en compte, cette notion de bonne santé nous paraît constituer une difficulté dans cet alinéa 23.

L’amendement n25 vise à ce que soit pris en compte le système et non les régimes puisque les excédents du Fonds de réserve pour les retraites ne doivent pas servir à équilibrer les régimes spéciaux des retraites mais l’ensemble du système de retraite. C’est pourquoi, il vous est proposé de substituer « les régimes » par « le système ».

Quant à l’amendement n24, il tend à ce que soit pris en compte « le taux de remplacement assuré par les pensions » puisqu’il convient de ne pas inscrire dès à présent dans la loi des mécanismes appelant à toujours plus de dépenses, ce qui contribuerait à réitérer des erreurs du passé. Il nous semble qu’il ne faut pas forcément flécher les futures recommandations du Comité de suivi et introduire une forme de compétence liée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n22 ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Nous en avons débattu ici et la majorité a souhaité que ce critère de l’espérance de vie en bonne santé soit maintenu et qu’il soit examiné très tranquillement par le comité de suivi qui se mettra en place.

Madame Louwagie, je vous rassure : le Fonds de réserve pour les retraites ne servira pas à combler les déficits des régimes spéciaux. Il comblera, comme il le fait déjà, le régime général à raison de 2,1 milliards d’euros par an. La commission a émis le même avis défavorable qu’en première lecture.

(L’amendement n22, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n57.

Mme Véronique Louwagie. Défendu !

(L’amendement n57, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n238.

Mme Jacqueline Fraysse. Défendu !

(L’amendement n238, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n228.

Mme Jacqueline Fraysse. Défendu !

(L’amendement n228, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n229.

M. Marc Dolez. Cet amendement propose, à l’alinéa 24, d’étendre le champ des sujets sur lesquels le comité de suivi peut formuler des recommandations, notamment en étudiant l’élargissement de l’assiette des cotisations et des contributions sociales.

Cela rejoint une proposition forte que nous formulons pour un autre financement des retraites, qui soit fondé sur une autre répartition des richesses et qui appelle en particulier à contribution les revenus financiers des entreprises.

Monsieur le rapporteur, avant même votre réponse que je suppose négative, je voudrais vous poser une question.

À partir du moment où le Comité de suivi fait des recommandations que le Gouvernement n’est pas tenu de suivre, comme Mme la ministre l’a fait observer tout à l’heure, pourquoi ne pas lui permettre d’avoir la réflexion la plus large possible, allant, le cas échéant, jusqu’à s’engager sur cette voie nouvelle d’un autre financement de notre système de retraite ? Ce serait tout à fait intéressant et efficace.

Si vous n’acceptez pas l’amendement, cela signifie que vous acceptez que figure à l’article 3 la possibilité d’augmenter la durée et le taux de cotisation et celle de diminuer le taux de remplacement, mais que vous n’acceptez pas celle d’étudier d’autres sources de financement. Ce serait évidemment très révélateur si vous deviez maintenir votre avis négatif, mais après les explications que je viens de fournir, je ne pense pas que ce sera le cas.

Si vous deviez maintenir votre avis négatif, cela signifierait que vous donnez une feuille de route très contrainte au Comité de suivi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Monsieur Dolez, c’est un grand bonheur de vous répondre parce que ma réponse va vous conduire à retirer votre amendement.

M. Marc Dolez. N’allez pas trop vite !

M. Michel Issindou, rapporteur. Vous ne pourrez pas faire autrement quand je vous aurai lu l’un des alinéas de cet article 3, à la page 73 du rapport : « L’affectation d’autres ressources au système de retraite, notamment pour financer les prestations non contributives. » Nous vous avons entièrement satisfait, monsieur Dolez.

Cet alinéa résulte d’un amendement présenté en séance, lors de la première lecture, par le groupe de la majorité. Je suis ravi de voir que nous avons les mêmes bonnes idées que vous par moments, et que vous allez vous y rallier et retirer votre amendement. (Sourires.)

M. Marc Dolez. Je ne peux que vous en donner acte !

M. Michel Issindou, rapporteur. Je vous en remercie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis et même demande.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Je voulais…

M. le président. Tester le rapporteur ? (Sourires.)

M. Marc Dolez. Exactement, monsieur le président. Mais je veux voir dans ce résultat un effet de la détermination de notre groupe et des propositions constructives qu’il met sur la table depuis le début des débats. L’amendement est retiré.

(L’amendement n229 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n231.

Mme Jacqueline Fraysse. Le Fonds de réserve pour les retraites a été conçu pour faire face au pic démographique qui interviendra au cours de la prochaine décennie. Pour cette raison, nous restons opposés au transfert du Fonds de réserve pour les retraites vers les régimes des retraites.

Nous nous étions également opposés, lors de la réforme de 2010, au versement annuel de 2,1 milliards d’euros à la CADES pour les mêmes raisons.

Cet amendement propose de sanctuariser le Fonds de réserve pour les retraites jusqu’en 2020, ainsi qu’il était prévu lors de sa création.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Le Fonds de réserve pour les retraites, dont le montant s’élève entre 35 et 36 milliards d’euros, a pour justement pour vocation d’aider à passer cette bosse démographique dans laquelle nous sommes déjà entrés.

Il remplit légitimement son rôle tout en se portant bien : les 2,1 milliards d’euros qu’il affecte régulièrement sont reproduits grâce à ses placements judicieux. Il nous semble assez légitime qu’il contribue dès maintenant à ce besoin de financement de nos régimes. Nous avons donc maintenu ce prélèvement de 2,1 milliards d’euros. Il en restera pour la suite, rassurez-vous.

Mme Jacqueline Fraysse. J’espère !

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable.

(L’amendement n231, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n25 a déjà été défendu par Mme Véronique Louwagie.

(L’amendement n25, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n230.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de compléter l’alinéa 24 qui traite toujours du Fonds de réserve pour les retraites. Nous pensons qu’il doit disposer de suffisamment de moyens pour amortir le choc sans avoir à changer en permanence les règles du système de retraites par répartition.

Un plan d’alimentation du fonds avait été défini par le gouvernement Jospin pour que les réserves atteignent 150 milliards d’euros. L’alimentation du fonds avait été stoppée après les élections de 2002, et il a été ensuite régulièrement ponctionné.

Nous pensons donc qu’il convient de le réalimenter, notamment par une taxe temporaire sur la spéculation financière qui nous prive de moyens et ruine notre économie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Avis défavorable. Mme Fraysse traite de la politique industrielle et de la fiscalité de notre pays, ce qui nous entraîne un peu loin de l’article 3.

(L’amendement n230, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n24 a été défendu par Mme Véronique Louwagie.

(L’amendement n24, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour soutenir l’amendement n232.

M. Jean-Philippe Nilor. Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, ne précise pas si le régime est à prestations définies ou à cotisations définies.

Cet alinéa 20 de l’article 3 assigne les priorités permettant de renforcer la solidarité du régime en cas d’évolutions économiques ou démographiques plus favorables que celles retenues.

Notre amendement vise à ajouter, après « régime de retraite par répartition » les mots « à prestations définies » car l’instauration plus loin dans l’article d’un plafond des taux de cotisations, et de la possibilité de faire varier le taux de remplacement des pensions, indique la volonté de passer d’un système à prestations définies vers un autre à cotisations définies.

Ne subsisteront alors que deux leviers pour ajuster le financement de notre système de retraites, à savoir la durée de cotisation ou la baisse des pensions. En creux, il s’agit d’un aveu : à terme, le niveau des pensions n’est pas assuré. On a vu ce qu’il advient des régimes dits à comptes notionnels qui ont adopté le système à cotisations définies : ils se sont tous effondrés.

Citons un extrait d’un manuel de finance qui fait référence parmi les professionnels et les experts : « Un régime à cotisations définies n’apporte pas de garantie sur le niveau des rentes versées. On parle d’une obligation de moyens et non de résultats ».

Le résultat est inéluctable : ce sera l’obligation de travailler toujours plus tard, quels que soient la durée de cotisation ou l’âge légal. Le recul de nos droits n’est pas une fatalité, et, pour ces raisons, il revient à la gauche de réaffirmer ce principe fort des prestations définies.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Nous avons eu ce débat hier soir, monsieur Nilor, et notre conclusion est la même. Nous émettons donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n232 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n222.

M. Marc Dolez. J’espère, monsieur le rapporteur, que cet amendement aura le même succès que celui de tout à l’heure, mais, à vrai dire, j’en suis moins sûr.

L’alinéa 25 de cet article évoque la possibilité pour le comité de suivi de faire, en cas d’amélioration de la situation économique ou démographique, un certain nombre de recommandations « permettant de renforcer la solidarité du régime, prioritairement au profit du pouvoir d’achat des retraités les plus modestes, de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la prise en compte de la pénibilité et des accidents de la vie professionnelle ». Voilà qui est très bien, et qui montre que, du point de vue du Gouvernement, c’est la situation économique et démographique actuelle qui justifie les mesures proposées et l’économie générale du projet.

Dans cet esprit, nous souhaiterions que l’on puisse, dès lors que le comité envisage une amélioration de la situation économique et démographique, abaisser l’âge légal de départ en retraite et réduire la durée de cotisation. À partir du moment où vous dites que la situation actuelle justifie un durcissement des conditions à remplir pour obtenir une retraite à taux plein, nous estimons qu’une amélioration constatée pourrait, en sens inverse, jouer en faveur des salariés ou des retraités.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Vous sous-entendez, cher collègue, qu’en cas de retour à meilleure fortune, que nous souhaitons tous, on pourra commencer, éventuellement, par l’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite ou la réduction de la durée de cotisation. D’autres choix pourront cependant être faits, à ce moment-là. Cela pourra être, par exemple, le choix d’améliorer le pouvoir d’achat des petites retraites, par exemple, préoccupation majeure pour vous et pour tout le monde. Cela pourra aussi être celui de réduire les cotisations. Il sera possible de jouer sur ces différents paramètres, et ce n’est pas forcément celui de l’âge légal ou de la durée de cotisation qui sera retenu, même si nous avons bien compris que vous défendiez cette option.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Je suis d’accord avec vous, monsieur le rapporteur. En cas d’amélioration, plusieurs paramètres pourraient être modifiés, et le comité pourrait faire des recommandations en privilégiant tel ou tel.

Le problème est que les paramètres que je vous propose de considérer pour que la réflexion soit complète ne sont pas mentionnés dans la rédaction actuelle de l’alinéa 25 de l’article 3. Je vous suis lorsque vous tenez le raisonnement que vous venez de tenir, mais l’éventualité d’une baisse de l’âge légal ou d’une réduction de la durée de cotisation n’est pas prévue par le texte.

Vous pourriez donc, compte tenu de la réponse que vous venez de nous faire, monsieur le rapporteur, accepter mon amendement.

M. Michel Issindou, rapporteur. Eh non, hélas !

M. Marc Dolez. Ce serait cohérent avec ce que vous avez dit !

M. Michel Issindou, rapporteur. Vous connaissez mon intransigeance. (Sourires.)

(L’amendement n222 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement n79.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. L’alinéa 18 de l’article 3 du projet de loi prescrit au comité de suivi des retraites d’« analyser l’évolution du pouvoir d’achat des retraités, avec une attention prioritaire à ceux dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté ». Je remercie d’ailleurs le rapporteur d’avoir accepté que l’adjectif « particulière » soit remplacé, en commission des affaires sociales, par l’adjectif « prioritaire ».

Par ailleurs, l’article 3 porte sur les recommandations émises par le comité de suivi et précise leur objet, notamment en son alinéa 25 : « En cas d’évolutions économiques ou démographiques plus favorables que celles retenues pour fonder les prévisions d’équilibre du régime de retraite par répartition, [le comité de suivi recommande] des mesures permettant de renforcer la solidarité du régime, prioritairement au profit du pouvoir d’achat des retraités les plus modestes, de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la prise en compte de la pénibilité et des accidents de la vie professionnelle. » Bref, on envisage le cas d’un retour à meilleure fortune, et c’était l’éventualité évoquée lors de la discussion de l’amendement n222.

L’amendement n79 a pour objet d’ajouter la phrase suivante au texte de ce même alinéa 25, toujours en référence, donc, à des évolutions plus favorables : « Ainsi, dans les cas prévus ci-dessus, il pourrait être recommandé de revaloriser au 1er avril, et non au 1er octobre, les pensions de vieillesse les plus modestes pour lesquelles les bénéficiaires disposent d’un revenu global inférieur au seuil de pauvreté ; »

Cet amendement se situe dans la logique même de l’alinéa 25, mais il le complète et le précise utilement en faisant une référence explicite à la possible modification de la date de revalorisation des pensions les plus modestes. En effet, il serait très opportun que cette mesure, très importante pour le pouvoir d’achat des retraités les plus modestes, soit mentionnée expressément comme pouvant être recommandée par le comité de suivi. Je crois que nous partageons tous, sur tous les bancs, le souci de préserver le pouvoir d’achat des retraités dont les pensions sont modestes. Je sais que tous les groupes ont exprimé cette préoccupation, soit en commission soit en séance publique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Vous avez raison, cher collègue, de rappeler que nous avons accepté de substituer le qualificatif « prioritaire » au qualificatif « particulier ». Cela prouve l’attention que nous accordons tous, vous l’avez également rappelé, au sujet des petites retraites ; c’est un vrai sujet. Vous le verrez avec la deuxième partie de notre projet de loi que nous sommes très attentifs à tous ceux – exploitants agricoles, femmes,... – qui en ont besoin aujourd’hui.

Cependant, il ne faut peut-être pas évoquer avec cette précision les recommandations du comité de suivi. Celui-ci examinera avec une attention prioritaire le problème des petites retraites ; c’est écrit, vous l’avez demandé et nous l’avons acté par voie d’amendement en commission. La commission n’a en revanche pas été favorable à l’idée d’indiquer que cela se traduirait mécaniquement par une anticipation de la revalorisation des pensions, qui aurait lieu non plus le 1er octobre mais le 1er avril.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je comprends parfaitement votre préoccupation, monsieur Schwartzenberg : dans une situation économique et financière qui se serait améliorée, ce que nous souhaitons évidemment tous, une priorité serait donnée à la revalorisation des petites retraites. C’est une préoccupation que nous pouvons entendre et partager.

Cependant, je suis amenée à émettre un avis défavorable sur votre amendement, parce qu’il entre dans le détail des recommandations que pourrait produire le comité de suivi, ce qui, au fond, ne se justifie pas. Pourquoi privilégier telle possibilité plutôt que d’autres, qui ont d’ailleurs pu être évoquées sur les bancs de cette assemblée ? Pourrait par exemple être fait le choix, dans une situation qui donnerait des marges de manœuvre financières nouvelles, de revoir la question de l’allongement de la durée de cotisation. Pourrait aussi être privilégiée une amélioration de la situation des femmes ou des personnes en situation de handicap. La volonté du Gouvernement n’est pas d’opposer les catégories les unes aux autres. Elle n’est pas d’indiquer par avance quelle devrait être la priorité des travaux du comité de suivi.

Vous voyez bien, monsieur Schwartzenberg, que l’inscription de telles dispositions dans le texte législatif aurait valeur non d’une prescription mais tout de même d’une indication forte de ce que pourrait être aujourd’hui la volonté de la représentation nationale, voire du Gouvernement.

Notre démarche est une démarche de cohésion. Un effort est aujourd’hui demandé à l’ensemble des Français. Nous souhaitons qu’il puisse éventuellement se relâcher pour l’ensemble des Français, et des priorités pourront, le moment venu, être arrêtées ; cela relèvera du pouvoir politique en place à ce moment-là, mais nous ne voulons pas, aujourd’hui, donner le sentiment d’établir une hiérarchie des priorités,  entre les différentes situations que connaissent les Français.

J’émets donc un avis défavorable.

(L’amendement n79 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n233.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

(L’amendement n233, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 60, 58, 372 et 23, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 58 et 372 sont identiques.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n60.

Mme Véronique Louwagie. Il nous paraît intéressant que le comité de suivi des retraites puisse formuler des recommandations sur deux points : l’âge légal de départ à la retraite, avec probablement une perspective de recul ; la lisibilité et la transparence du système de retraites auprès des usages. De récentes études ont démontré, et nos concitoyens nous le disent par ailleurs, que l’obscurité du système de retraites, cette opacité qui peut le caractériser, inquiètent beaucoup de Français ; il est vraiment difficile de le déchiffrer. C’est pourquoi nous vous proposons cet amendement n60.

Si vous me le permettez, monsieur le président, je défendrai aussi l’amendement suivant n58, qui est de même nature.

M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue.

Mme Véronique Louwagie. Il s’agit d’un amendement de repli qui ne retient que l’un des deux points que je viens d’évoquer. Il a donc pour objet de préciser que le comité de suivi des retraites peut formuler des recommandations sur l’âge légal de départ à la retraite.

M. le président. L’amendement n372, qui est identique à cet amendement n58, a été défendu tout à l’heure.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n23.

M. Jean-Pierre Door. Il est effectivement incompréhensible que le futur comité de suivi ne puisse pas formuler des recommandations dont l’objet serait, en partie ou totalement, de préconiser un recul de l’âge légal de départ à la retraite. Au-delà de l’idéologie qui est souvent la vôtre, chers collègues, les données statistiques dont nous disposons sur l’allongement de la vie, sur l’équité intergénérationnelle, sur la préservation du pouvoir d’achat des retraités et des actifs montrent que le paramètre démographique est le seul à pouvoir apporter une réponse au besoin de financement de notre système à court terme sans hausse des cotisations, surtout sans hausse des cotisations.

Or, aujourd’hui, la France est l’un des pays où le départ à la retraite est le plus précoce. On peut quand même le rappeler : il est prévu que l’âge de départ à la retraite soit de soixante-sept ans en Allemagne en 2029 et en Espagne en 2027.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est ça, votre modèle ?

M. Jean-Pierre Door. Au Royaume-Uni, il sera de soixante-huit ans en 2046. Nous souhaitons donc que le paramètre démographique soit réellement pris en compte. Cela permettra de préserver le pouvoir d’achat des retraités mais également d’éviter l’augmentation importante des cotisations qui ne manquera pas de survenir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. C’est assez étrange. Au début de l’examen de cet article 3, vous prétendiez, chers collègues, qu’il ne servait à rien et qu’il fallait le supprimer. Maintenant, il sert à tout, il faut lui faire tout faire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Tout à coup, il faut lui donner toutes les qualités, toutes les vertus, il faut qu’il s’occupe de tout, bientôt du ménage et d’éteindre la lumière ! Restons raisonnables.

Rien n’interdit à ce comité de suivi des retraites de s’exprimer sur l’âge légal de départ à la retraite dans les recommandations qu’il rendra publiques. À aucun moment nous ne lui interdisons de s’exprimer sur ce sujet. Certes, notre préférence va à un ajustement plutôt par l’allongement de la durée de cotisation que par le report de l’âge légal de départ. Pour autant, il n’est pas nécessaire de recommencer le débat que nous avons eu en première lecture – à la limite, dans certains scénarios, l’âge légal de départ à la retraite pourrait ne plus avoir de sens, car la durée de cotisation pourrait suffire, à elle seule, à justifier d’une retraite.

Quoi qu’il en soit, ce comité de suivi des retraites pourra travailler tranquillement, sans pression : il ne faut pas lui donner des missions trop précises, ce qui nuirait à sa liberté. Il faut qu’il conserve cette liberté, que ses experts réfléchissent tranquillement et s’expriment librement pour éclairer la situation des retraites de la meilleure manière possible. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Je rappelle simplement à M. le rapporteur, au nom du groupe UMP, notre préoccupation. Je le répète : dans notre pays, les gens travaillent et payent des cotisations. Ils entendent recevoir les prestations qui correspondent à ces cotisations. Ce que nous voulons par-dessus tout, c’est que ces prestations promises leur soient dues. Il ne faut pas que des mesures prises les unes après les autres aboutissent à une baisse du pouvoir d’achat – ce qui a déjà commencé.

Monsieur le rapporteur, je sais que vous êtes un homme d’écoute. Mais à chaque fois que vous nous présentez quelque chose, nous nous demandons, et c’est notre préoccupation, quelle catastrophe se cache derrière !

M. Michel Issindou, rapporteur. Absolument aucune !

(Les amendements nos 60, 58, 372 et 23, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n237.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de supprimer l’alinéa 29 de l’article 3. En effet, la fixation d’un taux maximum de cotisation par décret prive d’un levier déterminant pour assurer le niveau des retraites sans allonger la durée de cotisation ou baisser le niveau des pensions. De plus, cela pose un problème démocratique, étant donné que ce seuil maximal s’impose aux régimes complémentaires gérés par l’AGIRC et l’ARRC, dont la gouvernance est assurée paritairement par les acteurs sociaux.

Nous pensons que les acteurs sociaux doivent continuer à traiter ces questions. Là encore, cette disposition conduit de fait à rompre avec la logique de notre système à prestations définies, pour entrer dans un système à cotisations définies. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cet alinéa.

(L’amendement n237, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n235.

M. Marc Dolez. Je défendrai cet amendement dans le même esprit que Mme Fraysse a défendu l’amendement précédent. L’alinéa 30 autorise le comité de suivi à prendre des recommandations permettant de réduire le taux de remplacement, à condition de ne pas descendre en deçà des limites fixées par décret. Nous sommes attachés au système de retraites par répartition à prestations définies. À l’évidence, si cet alinéa donnait lieu à des recommandations suivies par le Gouvernement, il porterait atteinte au système à prestations définies.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Monsieur Dolez, cet alinéa est justement prévu pour protéger les retraités. Supprimer le plancher de taux de remplacement pourrait aboutir à ce qu’à l’avenir, des réformes aient lieu qui ne soient pas intéressantes pour eux. Nous avons précisément écrit cet alinéa pour protéger les retraités. Je ne dis pas que vous faites un contresens en défendant cet amendement, mais en tout cas, dans notre esprit, il s’agit de faire en sorte qu’on ne descende pas en dessous d’un certain plancher, justement pour défendre le pouvoir d’achat des retraités. C’est pourquoi nous demandons au comité de suivi de ne pas prendre de recommandations tendant à réduire le taux de remplacement en deçà d’un plancher fixé par décret.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Monsieur le rapporteur, nous ne proposons pas de supprimer le plancher, nous proposons de supprimer cet alinéa qui permettrait au comité de suivi des retraites de faire des recommandations visant à diminuer le taux de remplacement. Vous envisagez l’hypothèse d’une diminution du taux de remplacement, et vous dites que dans ce cas, vous protégez les retraités grâce à un plancher fixé par décret. Mais nous ne nous plaçons pas du tout dans cette hypothèse ! Nous refusons la baisse des pensions et la baisse du taux de remplacement. C’est pour cela que nous demandons la suppression de l’alinéa 30.

Si vous ne nous suiviez pas sur ce point, cela serait lourd de signification.

(L’amendement n235 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n146.

Mme Véronique Massonneau. Cet amendement a pour objectif d’encadrer l’allongement de la durée de cotisation prévue à l’article 2. Ainsi, le comité de suivi des retraites ne pourrait pas émettre des recommandations tendant à allonger la durée d’assurance s’il ne prouve pas que l’impact de cet allongement sur le taux de chômage et sur l’espérance de vie sans incapacité est neutre.

Nous sommes toujours opposés à un allongement de la durée de cotisation et à un report de l’âge légal de départ à la retraite. Nous pensons qu’il est nécessaire de fermer la boîte de Pandore ouverte en 2010. Pour cela, il faut instaurer des garde-fous. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. L’avis de la commission est –hélas –défavorable. Nous avons déjà débattu cette question au moment de l’examen de l’article 2, madame Massonneau. La réforme des retraites ne peut s’appuyer uniquement sur l’état futur du marché du travail. Il faut donc que nous prenions des décisions. C’est ce que nous faisons avec ce projet de loi. L’avis de la commission est donc défavorable.

(L’amendement n146, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n236 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Défendu.

(L’amendement n236 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n352.

M. Philippe Vigier. L’article 3 prévoit que le Fonds de réserve pour les retraites peut servir d’instrument de stabilisation conjoncturelle afin de lisser les écarts éventuels par rapport à la trajectoire prévue. Cet amendement vise à ce que le Fonds de réserve pour les retraites ne serve pas à combler les déficits des régimes de retraite, encore moins ceux que vous allez creuser puisque, comme vous le savez, madame la ministre, votre réforme n’est pas financée.

D’ailleurs, lorsque le Gouvernement précédent utilisait ce Fonds de réserve pour les retraites pour alimenter la CADES, vous n’aviez pas de mots assez dur pour le condamner. Ne faites donc pas aujourd’hui ce que vous reprochiez hier à la précédente majorité ! Ce fonds de réserve pour les retraites doit servir à équilibrer les retraites des baby-boomers. Cet amendement est donc très clair, monsieur le président : il vise à empêcher la majorité de combler les déficits qu’elle va creuser au moyen du Fonds de réserve pour les retraites.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Comme je l’ai dit précédemment, monsieur Vigier, le Fonds de réserve pour les retraites ne servira pas à financer les déficits, contrairement à ce que vous craignez. Il sera affecté au régime de la CNAV,…

M. Philippe Vigier. Dans ce cas, il faut accepter cet amendement !

M. Michel Issindou, rapporteur. …comme cela est la règle aujourd’hui, ce qui ne pose aucun problème.

M. Jean-Pierre Door. Il faut en être sûr, monsieur le rapporteur !

M. Michel Issindou, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable.

(L’amendement n352, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Sur l’article 3, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement n99.

M. Jean-Noël Carpentier. Cet amendement vise deux objectifs. Le premier est de favoriser l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Le second est de trouver des recettes nouvelles pour notre système de retraites.

Les statistiques montrent que l’écart salarial entre les femmes et les hommes est encore bien trop élevé : à travail égal, les femmes sont encore payées près de 25 % de moins que les hommes. Il faut à tout prix y remédier.

Nous proposons d’aller plus loin que l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010. Il s’agit d’inciter les employeurs à réduire cette inégalité et à aller petit à petit vers une égalité totale, au moyen de sanctions majorées en fonction de l’écart salarial entre les hommes et les femmes. Je pense que ce système incitatif serait extrêmement utile à la fois pour respecter l’égalité entre les hommes et les femmes et pour assurer des recettes nouvelles pour notre système de retraites.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est un très bon amendement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Issindou, rapporteur. Monsieur Carpentier, les objectifs que vous poursuivez sont tout à fait louables. Nous partageons totalement votre avis à ce sujet. Si les niveaux de retraites sont différents entre les femmes et les hommes, c’est à cause des différences de carrières. Nous en sommes parfaitement conscients, et vous avez raison de vous indigner contre ces différences qui sont effectivement insupportables.

Cependant cette disposition ne serait pas vraiment à sa place à l’article 3 de ce projet de loi. En revanche, un projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes sera examiné à l’Assemblée nationale probablement au début de l’année 2014. Ce texte permettra sans aucun doute de répondre à ce que vous demandez. On ne peut pas accepter durablement que les différences de retraite entre les femmes et les hommes soient aussi fortes.

Les choses s’améliorent progressivement : il y a trente ou quarante ans, les différences étaient encore plus fortes. Elles ont été sensiblement réduites parce que les femmes travaillent, ont des carrières moins heurtées, moins hachées, plus complètes : elles arrivent aujourd’hui à liquider des retraites de meilleur niveau. Je ne nie toutefois pas les 30 % de différence qui persistent encore.

Seule l’application de sanctions telles que vous les décrivez aux entreprises ne respectant pas l’égalité salariale entre les hommes et les femmes permettra, à l’avenir, de régler ce problème. Mme la ministre aux droits des femmes y veille, et certaines entreprises commencent à être sanctionnées quand elles ne remplissent pas les conditions fixées par la loi.

Je vous renvoie donc au débat à venir sur le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, qui permettra de reparler de cette question dans cet hémicycle, pour défendre les droits des femmes, qui sont tout à fait essentiels et que nous défendons avec la même conviction que vous, monsieur Carpentier.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. L’avis du Gouvernement est également défavorable.

Monsieur le député, nous avons eu l’occasion, lors de l’examen de ce texte en première lecture, d’aborder la question de l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Plusieurs groupes ont d’ailleurs indiqué que la question de l’incitation des entreprises à la pratique de l’égalité salariale est prioritaire. Il ne s’agit pas de contester votre objectif : je l’ai dit au moment de la première lecture, je le redis à présent. L’égalité salariale est évidemment une priorité pour le Gouvernement. J’insiste sur le fait qu’au-delà de l’égalité salariale, il s’agit aussi de l’égalité du déroulement des carrières. À terme, les retraites des femmes doivent atteindre le même niveau que celles des hommes.

J’insiste sur le déroulement des carrières, parce que l’égalité salariale à poste identique n’a pas de sens si la progression de la carrière des femmes est entravée, par exemple au motif qu’elles ont des enfants. Cette raison est souvent sous-jacente aux décisions des entreprises tendant à accorder les promotions aux hommes plutôt qu’aux femmes. Nous savons que dans ces cas-là, le rattrapage salarial ne sera pas effectif.

Néanmoins, comme nous avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, on ne peut pas demander à notre système de retraites de compenser des inégalités découlant du déroulement des carrières. De la même manière, on ne peut pas inclure dans une loi portant sur les retraites, c’est-à-dire sur ce qui détermine le calcul des retraites une fois que la carrière s’est déroulée, des mesures concernant le déroulement de la carrière.

La mesure que vous proposez – sur laquelle je ne me prononce d’ailleurs pas – serait assez complexe à mettre en œuvre s’agissant de ses critères d’application, sachant en outre que les éléments que vous mettez en avant ne relèvent pas du texte dont nous discutons.

Le rapporteur l’a rappelé à l’instant encore : la loi pour l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes doit comporter des mesures de contrôle de l’égalité salariale effective entre les hommes et les femmes.

M. Philippe Vigier. C’est limpide…

Mme Marisol Touraine, ministre. Cela signifie que l’on n’a pas à introduire dans une loi sur les retraites des dispositions qui portent sur le déroulement de carrière. C’est la raison pour laquelle, monsieur le député Carpentier, je donne un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Monsieur le président, au nom du groupe SRC, je vous demande une suspension de séance de cinq minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Elle est de droit.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour un rappel au règlement.

M. Denis Jacquat. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 3. Cette suspension de séance n’a rien de technique.

M. Philippe Vigier. Absolument ! Le Parlement est bâillonné, c’est un scandale !

M. Denis Jacquat. Elle est simplement destinée à faire venir en séance des collègues de M. Paul car un rapide calcul montre qu’une partie de la gauche votant avec une partie de la droite, la gauche dure a peur de perdre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul pour une brève intervention, car nous n’allons pas avoir un débat sur la suspension de séance.

M. Christian Paul. Évidemment non, monsieur le président. Je veux simplement dire très aimablement à M. Jacquat qu’il prend ses désirs pour la réalité : la majorité est majoritaire en séance ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à dix-neuf heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets maintenant aux voix l’amendement n°99, repoussé par la commission et le Gouvernement

(L’amendement n99 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n374 rectifié.

M. Philippe Vigier. Il est défendu.

(L’amendement n374 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants73
Nombre de suffrages exprimés66
Majorité absolue34
Pour l’adoption41
contre25

(L’article 3, amendé, est adopté.) (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Vigier. Bravo à M. Paul ! (Sourires.)

6

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la nouvelle lecture du projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron