Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 03 décembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Projet de loi de finances rectificative pour 2013 (suite)

Discussion générale

M. Dominique Lefebvre

Mme Valérie Pécresse

M. Nicolas Sansu

M. Charles de Courson

Mme Eva Sas

M. Thierry Braillard

M. Laurent Grandguillaume

M. Yves Censi

Mme Christine Pires Beaune

M. Jean-François Lamour

Mme Carole Delga

M. Julien Aubert

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Avant la première partie

Article liminaire

Première partie

Article 1er

M. Charles de Courson

Après l’article 1er

Amendement no 389 rectifié

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Article 2 et état A

Amendement no 453

Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2013

Seconde partie

Article 3 et état B

Amendement no 412, 411, 413 deuxième rectification, 414 deuxième rectification, 415 deuxième rectification, 430, 416, 417, 418, 419, 420, 421, 422, 423, 424, 425, 426 et 427

Article 4 et état C

Article 5 et état D

Amendements nos 191 , 429, 428 et 450

Après l’article 5

Amendement no 431

Article 6

Amendements nos 29 , 395

Avant l’article 7

Amendements nos 32 , 192 , 239

Article 7

M. Dominique Lefebvre

Amendements nos 365 , 368 , 369 , 452 , 363 , 237 , 80 rectifié , 8 , 16 , 312 , 233 , 370 , 364 , 434 rectifié (sous-amendement) , 100 , 337 , 81 , 371 , 21 , 22 , 336 , 82 , 119 , 372 , 10 , 18 , 373 et 374 , 375 , 367

Après l’article 7

Amendements nos 83 rectifié , 403 (sous-amendement) , 435 , 84 , 451 , 443 , 362

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances rectificative pour 2013 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2013 (nos 1547, 1590).

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative est le premier de l’exercice budgétaire 2013, et il sera le seul.

Il s’agit là d’une rupture salutaire avec les errements des gouvernements précédents. Le contenu de ce projet de loi nous permet de mettre un terme aux faux débats et aux fausses polémiques orchestrées depuis le printemps par l’opposition parlementaire et au premier chef, hélas, par le président de notre commission des finances.

M. Régis Juanico. Eh oui !

M. Dominique Lefebvre. Ceux-ci n’ont eu de cesse de chercher à inquiéter et à tromper nos concitoyens par des affirmations aussi fausses que péremptoires : dérapage des dépenses publiques, effondrement des recettes fiscales, dégradation du déficit. Ils réclament, depuis le printemps, le vote d’une loi de finances rectificative. Chacun constatera que lorsqu’elle vient en débat, il n’y a personne de ce côté-là de l’hémicycle.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Et voilà !

M. Dominique Lefebvre. Les chiffres de ce collectif budgétaire, qualifiés par le Haut conseil des finances publiques de « plausibles », et qui seront confirmés, je n’en doute pas, par la loi de règlement en juin prochain, montrent tout le contraire.

La dépense publique est maîtrisée et sera inférieure à l’autorisation de la loi de finances initiale. Il n’y a donc pas de dérapage des dépenses publiques ! Les recettes fiscales sont en progression de plus de 7 % par rapport à 2012, même si elles sont inférieures à la prévision initiale, pour des raisons principalement conjoncturelles. Il n’y a donc pas d’effondrement des recettes !

Le déficit public se réduit de 15 milliards d’euros, soit 0,7 point de PIB, du fait d’un effort structurel historique de 1,7 point de PIB, et malgré une croissance inférieure aux prévisions. Il n’y a donc pas de dégradation du déficit de l’État !

Quant à une loi de finances rectificative, preuve est faite qu’il n’y en avait nul besoin pour atteindre ces objectifs. Dois-je rappeler au président, absent pour l’instant, de la commission des finances qu’une loi de finances est un acte d’autorisation de percevoir les recettes et d’engager des dépenses ?

Et dois-je lui rappeler que l’histoire récente, celle à laquelle il a activement participé en sa qualité de rapporteur général du budget, avec pas moins de quatorze lois de finances rectificatives sous le précédent quinquennat,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Quatorze ! Eh bien !

M. Dominique Lefebvre. …n’a pas démontré que la multiplication des collectifs budgétaires était garante d’une saine gestion des finances publiques ?

Une loi de finances rectificative a pour objet de modifier les recettes et les dépenses, et donc l’équilibre général du budget, et elle conduit davantage à augmenter la dépense publique et les prélèvements obligatoires, à dégrader le solde budgétairein fine à augmenter la dette, plutôt que l’inverse. C’est bien ce qui s’est passé sous le précédent quinquennat.

Pour notre part, nous avons décidé de ne pas céder à cette facilité. La seule exception aura été la loi de finances rectificative de l’été 2012, une exception qui confirme la règle que je viens de rappeler, puisque celle-là était rendue nécessaire par l’insincérité de la loi de finances initiale pour 2012 et l’exigence absolue de prendre des mesures pour arrêter l’hémorragie des déficits publics et de la dette. Le contenu de ce projet de loi de finances rectificative nous donne raison.

Quant à l’argument ultime avancé encore cet après-midi par la droite pour réclamer un collectif budgétaire en cours d’année, celui d’une exigence de transparence et de vérité sur le budget de l’État et la trajectoire de ses comptes, la réalité veut, là encore, que cette transparence et cette vérité aient été présentes tout au long de cet exercice budgétaire, sans qu’il fût besoin de recourir à des lois de finances rectificatives.

Cela a été le cas en avril dernier, dans le cadre de la présentation du programme de stabilité budgétaire, et en juin, lors du débat d’orientation des finances publiques. Cela l’a encore été lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2014 en septembre, sous l’examen vigilant du Haut conseil des finances publiques et, cet automne, de la Commission européenne.

La trajectoire de redressement des finances publiques exprimée dans ce collectif budgétaire traduit bien le choix politique du Gouvernement et de la majorité gouvernementale, celui de conduire l’assainissement des comptes publics en préservant et en soutenant l’activité, la croissance et donc l’emploi.

Ce choix est validé par les premiers résultats qui s’annoncent aujourd’hui : une croissance de 0,1 – peut-être même de 0,2 – point de PIB en 2013, certes insuffisante mais qui rompt avec la période de récession ; une inflexion significative de la courbe du chômage, qui reste à confirmer mais qui va dans le bon sens.

Ce choix doit être confirmé et poursuivi avec constance. Il le sera en 2014, comme dans les années à venir, ce qui exigera un effort soutenu de maîtrise de la dépense publique, au-delà des efforts réalisés en 2013 et de ceux que nous venons d’adopter en première lecture dans le projet de loi de finances pour 2014.

Je veux insister sur ce point pour deux raisons. D’abord, pour faire cesser définitivement les attaques mensongères de la droite sur ce sujet. L’exécution 2013 respecte les normes d’évolution « zéro volume » et « zéro valeur ». Hors dépenses exceptionnelles, la progression des dépenses de l’État est limitée à 1,6 milliards d’euros, inférieure de plus de 3 milliards d’euros à l’autorisation parlementaire. Comparée à une moyenne annuelle de 2007 à 2011 de 4,7 milliards d’euros – 5,2 milliards d’euros en 2011 –, elle est trois fois moindre ! Au total, la progression des dépenses de l’État est limitée en 2013 à 0,4 point, soit 2,4 milliards d’euros, là encore inférieure de 1,3 milliard d’euros à la loi de finances initiale.

Par ailleurs, il aurait été probablement inopportun et même contre-productif, alors même que la conjoncture était déprimée, de pallier de moindres recettes par rapport à la prévision par une diminution brutale des dépenses de l’État. Cela aurait eu un effet récessif et entravé le retour à la croissance.

Pour autant, la rigueur dans l’exécution budgétaire dont a fait preuve le Gouvernement, et qui aura conduit, pour faire face à des dépenses imprévues et à des dépenses nouvelles, à baisser de plus de 1 milliard d’euros les dépenses des ministères ne pourra suffire à l’avenir.

Chacun le sait, et je veux à cette tribune le réaffirmer très clairement : la remise à plat de notre système fiscal, qui s’inscrit dans l’engagement pris par le Président de la République de baisse des prélèvements obligatoires d’ici la fin du quinquennat, doit s’accompagner d’une remise à plat de nos dépenses publiques.

Celle-ci a été engagée dans le cadre de la modernisation de l’action publique initiée par le Premier ministre. Il nous faudra l’amplifier pour tenir la trajectoire de redressement de nos finances publiques, lequel reste un impératif pour notre souveraineté et pour la compétitivité de notre pays.

Il faudra d’autant plus faire cet effort que cela conditionnera la poursuite de la réforme fiscale, une réforme indispensable car le redressement du pays et le retour de la compétitivité demandent justice et progrès social, ce qui suppose un système fiscal plus simple, plus lisible, plus stable et plus juste.

Nous avons engagé cette réforme fiscale dès la première loi de finances rectificative pour 2012 et dans la loi de finances pour 2013. Là encore, et contrairement aux campagnes mensongères et aux idées reçues, l’effort a bien été demandé d’abord à celles et ceux qui peuvent le plus ; les chiffres le montrent.

La progression des recettes fiscales nettes est de près de 20 milliards d’euros, même si elle est en retrait par rapport à la prévision. Cette progression limitée a au moins un avantage : stabiliser le taux de prélèvements obligatoires en 2013 à 46 points de PIB, en progression de 1 point, quasiment réparti entre les entreprises et les ménages.

La question reste posée, et le rapporteur général l’évoque très clairement dans son rapport, de la si faible élasticité des recettes fiscales, de l’ordre de 0,5 : nous ne saurons hélas que plus tard si les raisons en sont conjoncturelles – une croissance en retrait par rapport aux prévisions – ou structurelles – cinq années consécutives de croissance nulle.

En tout état de cause, et c’est là encore une bonne nouvelle, ce collectif budgétaire ne contient pas de mesures d’augmentation des prélèvements obligatoires, conformément à l’engagement pris de stabilisation de ces prélèvements.

Un mot en conclusion sur les autres dispositions de ce collectif budgétaire. Traditionnellement, ces textes sont un peu des fourre-tout, sans véritable cohérence. Dans le temps, on les appelait même textes portant diverses dispositions d’ordre financier…

L’autre marque de ce projet de loi de finances rectificative, c’est sa cohérence d’ensemble et la priorité donnée aux mesures en faveur du financement de l’économie : réforme de l’assurance-vie, amortissement exceptionnel des investissements dans les PME innovantes, soutien des entreprises à l’export et soutien à certains secteurs comme la construction navale et la filière bois.

Nous aurons l’occasion d’y revenir dans le cadre de la discussion des articles, mais je veux saluer cette cohérence et les orientations retenues, notamment une meilleure mobilisation de l’épargne des Français, principalement souscrite en contrats d’assurance-vie. Cette première étape, qui corrèle mieux l’avantage fiscal substantiel accordé à cette forme d’épargne à une meilleure allocation des actifs pour les contrats les plus importants, va dans la bonne direction. Elle reprend les propositions qu’avec Karine Berger, j’avais faites au Premier ministre au printemps dernier.

En raison de la très bonne exécution budgétaire, de la tenue des objectifs de redressement des finances publiques, et de l’ensemble des mesures en faveur du financement de l’économie, le groupe SRC votera ce projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Elle est bien seule !

Mme Valérie Pécresse. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, « Le déficit public sera réduit à 3 % du produit intérieur brut en 2013 (…) Pour atteindre cet objectif, je reviendrai sur les cadeaux fiscaux et les multiples niches fiscales accordés depuis dix ans aux ménages les plus aisés et aux plus grosses entreprises. »

M. Régis Juanico. Très bien ! (Sourires.)

Mme Valérie Pécresse. Monsieur le ministre, vous connaissez l’auteur de ces lignes. On sait ce qu’il est advenu de l’engagement numéro 9 du candidat François Hollande, et ce projet de loi de finances rectificative en est l’éclatante démonstration. Promis à 3 % du PIB, le déficit public pour 2013 atterrira finalement à 4,1 %.

Pour ce qui est de taxer les riches, les Français qui descendent chaque jour dans les rues pour crier leur ras-le-bol fiscal et tous ceux qui, pour être moins démonstratifs, n’en pensent pas moins, prouvent combien personne – et pour cause ! – ne croit plus à la promesse présidentielle.

Pourtant, les Français n’ont rien vu. Dès le 1erjanvier prochain, la TVA augmentera, frappant d’abord les produits du quotidien.

M. Christian Eckert, rapporteur général. De combien était la hausse que vous aviez décidée ?

Mme Valérie Pécresse. Votre politique, monsieur Eckert, c’est par exemple une facture en hausse de 3 % sur les transports publics en Île-de-France. Mais les Français devront encore attendre septembre 2014 pour connaître, en lisant leur avis d’imposition, la réalité des décisions que la majorité est en train de voter.

Si ce projet de loi de finances rectificative arrive si tard, alors que l’année 2013 est pratiquement terminée, nous savons pourquoi. Jusqu’au bout, vous avez cherché à dissimuler la vérité des chiffres. Jusqu’au bout, vous avez essayé de taire aux Français l’échec de votre politique économique !

Un budget, ce ne sont pas des annonces à l’automne. Un budget se juge à son exécution. Où est la baisse historique des dépenses que vous annoncez partout ?

M. Dominique Lefebvre. Nous faisons mieux que vous !

Mme Valérie Pécresse. Il n’y a pas de baisse, mais 2,4 milliards d’euros de dérapage !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Parole d’experte !

Mme Valérie Pécresse. Côté recettes, le budget 2013 est la démonstration vivante que trop d’impôt tue l’impôt. Le chiffre est à lui seul effarant : ce sont 12,5 milliards d’euros inscrits au budget qui ne seront pas rentrés dans les caisses de l’État en 2013, soit 3,8 milliards d’impôt sur les sociétés, 5,6 milliards de TVA et 3,1 milliards d’impôt sur le revenu. Un gouffre. Du jamais vu.

D’un côté, vous laissez dériver des dépenses qui ne correspondent en rien aux besoins des Français. Vous annulez des crédits pour les universités et des investissements ferroviaires pour financer 458 millions d’euros de dérapage de l’aide médicale pour les étrangers en situation irrégulière, l’allocation temporaire d’attente ou l’hébergement d’urgence. Est-ce cela votre vision de l’avenir de la France ?

De l’autre côté, votre politique d’overdose et de bougeotte fiscale freine comme jamais l’activité et encourage toutes les stratégies d’évitement de l’impôt.

Qui sait combien il paiera d’impôts l’année prochaine ? Je ne suis pas sûre que vous le sachiez, monsieur le ministre… À force d’assommer les Français de taxes, vous avez brisé le consentement à l’impôt et détruit la confiance. La conséquence était prévisible : les dépenses filent et l’argent ne rentre plus.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Que de grands mots !

Mme Valérie Pécresse. Que vous le vouliez ou non, monsieur Eckert. Contrairement à vos affirmations, si notre pays doit affronter cette situation, ce n’est pas la faute de la crise.

C’est parce que vous avez rouvert les vannes de la dépense publique en 2012, en arrêtant par exemple la baisse de l’emploi public et la convergence tarifaire hospitalière ou en supprimant le conseiller territorial.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ah Ah Ah ! Cette intervention va-t-elle durer encore longtemps ?

Mme Valérie Pécresse. Avec cette mesure, nous nous étions engagés dans une vraie simplification administrative tandis que votre loi de décentralisation ne permettra de dégager aucune économie, bien au contraire ! 20 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires, Monsieur Eckert, ne niez pas la réalité, cela ne vous ressemble pas !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il faudrait venir travailler un peu avant de dire des bêtises. On se croirait à Lourdes : elle ne fait ici que des apparitions.

Mme Valérie Pécresse. Pour bien mesurer la responsabilité de votre politique dans la situation économique du pays, il faut comparer la situation de la France à celle de ses partenaires.

Qu’est-ce qui justifie, sinon votre politique, que la croissance française pour 2014 sera d’un tiers inférieure à celle de la moyenne de l’Union européenne – 0,9 % contre 1,4 % – quand celle de l’Allemagne sera plus élevée – 1,7 % – et celle de la Suède deux fois supérieure – 2,8 % ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est une revue de presse que vous nous faites !

Mme Valérie Pécresse. Qu’est-ce qui justifie, sinon votre politique, que le taux de chômage de notre pays soit dans la moyenne de l’Union européenne – 10,9 % – alors que celui de la Suède est un tiers inférieur – 7,9 % – et que l’Allemagne, avec un taux de chômage de 5,2 %, fait deux fois mieux que vous ?

Qu’est-ce qui justifie, sinon votre politique, le recul, pour la première fois en trente ans, du pouvoir d’achat des Français ? Vous nous dites que, si la France va mal, c’est de la faute de la crise.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oh, vous y êtes un peu pour quelque chose aussi.

Mme Valérie Pécresse. Pourtant, l’Allemagne, la Suède, que je sache, ne vivent pas dans un autre monde.

Se poser cette question, c’est évidemment y répondre. Ce projet de loi de finances rectificative prouve que votre politique économique et budgétaire est dans l’impasse. Il est temps que nous nous attaquions enfin à la réduction de la dépense.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il était temps que vous arriviez, vous !

M. Julien Aubert. Pile à temps !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oh, c’était bien : une revue de presse, avec des chiffres de tous les pays.

Mme Valérie Pécresse. la vérité vous blesse.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Christian Eckert, rapporteur général. À mon avis, il aura plus de punch, lui.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative est, traditionnellement, un véhicule d’ajustements budgétaires et de mesures disparates. Si le présent texte ne déroge pas à la règle, le Gouvernement a souhaité en faire cette année « un outil de mobilisation en faveur de l’activité économique » en y inscrivant des mesures dites de « financement de l’économie », telle que la réforme de l’assurance-vie.

Avant d’aborder la question de la pertinence et de l’efficacité des nouvelles mesures de soutien aux PME et ETI, je voudrais revenir successivement sur deux des polémiques ouvertes par ce projet de loi de finances rectificative.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Voilà Mme Pécresse qui s’en va ! C’est ce que je disais, elle fait des apparitions.

M. Nicolas Sansu. La première porte sur la révision à la baisse des prévisions de recettes fiscales. Celles-ci devraient se limiter cette année à 287,8 milliards d’euros, soit 10,9 milliards d’euros de moins que ce qui était inscrit en loi de finances initiale pour 2013.

Pour ce qui est de l’impôt sur le revenu, l’État collectera 3,1 milliards d’euros de moins que prévu. En ce qui concerne la TVA, le manque à gagner est plus net encore puisque l’État n’a collecté que 135,6 milliards d’euros au lieu des 141,2 prévus, ce qui représente un écart de 5,6 milliards. Quant à l’impôt sur les sociétés, c’est 3,8 milliards de moins.

La droite y voit une conséquence de « l’allergie fiscale » ou du principe selon lequel « trop d’impôt tue l’impôt ».

M. Julien Aubert. Parfaitement.

M. Nicolas Sansu. Nous y voyons plutôt une conséquence des politiques budgétaires restrictives, qui pèsent sur la croissance et, par voie de conséquence, sur le montant des recettes fiscales. Nous y voyons aussi l’inconséquence d’une assiette de la fiscalité directe qui ne cesse de se trouer suite à la mise en place d’un véritable anti-filet laissant passer les gros poissons mais pas les petits.

Certains à droite veulent faire du débat sur le « ras-le-bol fiscal » le prétexte à une baisse massive des dépenses publiques. Nous jugeons au contraire que le mécontentement de nos concitoyens nous place devant l’exigence de bâtir une fiscalité plus juste, plus progressive et plus redistributive, ce qui n’est nullement antagonique avec le redressement des comptes publics. Ceux qui défendent la baisse des dépenses publiques omettent d’évoquer les risques du transfert de la dépense publique vers la dépense privée, notamment la privatisation de pans entiers de la protection sociale et des services publics.

Surtout, la baisse des dépenses publiques se traduit dans le contexte économique actuel non par un essor de l’activité mais au contraire par une baisse de la demande, donc de la production et de l’activité. Selon les estimations de l’économiste Jan In’t Veld, les politiques de rigueur budgétaire auraient déjà fait perdre en cumulé à notre pays 4,78 % de croissance entre 2011 et 2013.

Nous devons sortir de cette spirale récessive et accepter de rompre avec l’approche étroitement comptable des finances publiques qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi.

En témoignent les ouvertures nettes de crédits prévues au projet de décret d’avance. Les crédits ouverts pour le ministère de la défense, justifiés par l’opération Serval au Mali, seront ainsi compensés, entre autres, par une diminution de 199 millions d’euros des crédits pour le programme « Infrastructures et services de transports ». Cette tendance au financement des dépenses d’intervention par des annulations de crédits d’investissement pose de véritables questions, de même la suppression de 212 millions de crédits pour l’enseignement supérieur et de 440 millions d’euros pour les infrastructures de transport, si utiles à notre développement.

Vous vous accrochez à l’équilibre des comptes publics mais le doute s’est installé chez nos concitoyens.

Une politique de restriction budgétaire entièrement tournée vers l’offre ne peut aboutir qu’à un appauvrissement global du pays et à une remise en cause des systèmes de solidarité progressivement mis en place, en France comme ailleurs, pour tenter de dompter la sauvagerie du libre-échange et du règne de la concurrence.

S’il est nécessaire de remettre à plat la fiscalité, c’est qu’il est urgent de redonner du sens à l’impôt, de bâtir un impôt plus juste et plus efficace.

Dans cette perspective, la hausse de la TVA au 1er janvier n’est, quant à elle, ni juste ni efficace. Elle pèsera sur le pouvoir d’achat des ménages modestes et moyens et bridera l’activité économique. Cette hausse n’est là que pour couvrir une partie des 20 milliards octroyés aux entreprises sans aucune contrepartie, y compris à celles qui saccagent l’emploi.

Nous arrivons avec le crédit d’impôt compétitivité emploi au bout de la logique qui consiste à accumuler les dépenses fiscales sans se soucier des effets d’aubaine. Nous devons nous interroger en profondeur sur l’efficacité économique des innombrables niches fiscales, niches sociales et dispositifs dérogatoires qui bénéficient aux entreprises. Revenir à la subvention permettrait sans doute de retrouver la maîtrise publique sur les dispositifs d’aide aux entreprises.

Tout le monde affiche la volonté de sortir les PME-PMI de la difficulté. Mais nous sommes circonspects sur les nouveaux moyens proposés dans le cadre du présent projet de loi.

Nombre des mesures que vous proposez, qu’il s’agisse de la réforme de l’assurance-vie, de l’amortissement exceptionnel pour favoriser les investissements des entreprises dans les PME innovantes, des mesures de soutien des entreprises à l’exportation, ont pour fil rouge de tenter de remédier au rationnement du crédit bancaire.

Ce rationnement touche aujourd’hui l’ensemble des pays européens, en dépit des 1 000 milliards d’euros de prêts accordés aux banques au taux de 1 %. Ce sont les entreprises industrielles qui ont, en France, le plus souffert de ce rationnement avec un recul de 2,2 % des encours entre février 2012 et février 2013 et plus encore s’agissant de l’industrie manufacturière, qui a enregistré sur la même période un recul de 5,1 %.

Face à cette situation, votre stratégie consiste à encourager les PME et ETI à recourir aux marchés vers lesquels vous voulez canaliser plus d’épargne en actions. Le risque n’est pas seulement d’accroître la dépendance des entreprises à l’égard des marchés, voire des assureurs ou des fonds de placement, mais encore de fragiliser l’épargne de nos concitoyens.

Si nous partageons néanmoins l’objectif d’une meilleure mobilisation de l’épargne en faveur du tissu productif, il faut au préalable poser l’exigence d’une profonde réforme du financement de l’économie : le développement du secteur public bancaire, la modification des règles et des critères du crédit, la réorientation de la politique monétaire de la BCE.

Nous devons aussi davantage valoriser l’épargne réglementée, durement mise à mal dans la dernière période, et dont l’encours demeure très insuffisant en regard des 1 400 milliards d’encours de l’assurance vie laquelle, au passage, favorise, bon an mal an, du fait des prélèvements libératoires, faibles, quand ils ne sont pas inexistants, une reproduction, voire une amplification des inégalités de patrimoine et, au bout du compte, le renforcement de la rente.

Nous avons, vous le savez, soutenu la création de la banque publique d’investissement, qui nous semblait de nature à soutenir efficacement les entreprises, à leur permettre de s’émanciper des marchés et d’assumer leur responsabilité sociale, en retrouvant les marges de manœuvre nécessaires à la création d’emploi et à la conduite de politiques salariales ambitieuses.

La doctrine d’intervention de la BPI et le refus assumé par son directeur général de soutenir la reprise éventuelle de Florange ou Pétroplus, pour ne citer qu’elles, afin de privilégier le soutien aux PME « performantes » sur des marchés « en croissance » a douché bien des espoirs que l’on pouvait mettre en elle. Surtout, la BPI reste très insuffisamment dotée. Ne disposant que de 40 milliards d’euros de capacité de financement, soit 4 % de l’encours des crédits aux entreprises, elle se voit limitée au rôle de correcteur des imperfections du marché.

Elle se borne souvent à inciter les entreprises à accroître leurs fonds propres, lesquels ne doivent pourtant leur faiblesse qu’au coût exorbitant du capital et de ses exigences de rendement.

N’oublions pas, enfin, que l’une des toutes premières difficultés des PME françaises tient à la faiblesse de la demande intérieure, du fait du chômage massif et durable, de la précarité des contrats de travail, des politiques de bas salaires et de basses qualifications qui minent la demande salariale tandis que les politiques d’austérité dépriment la demande publique.

Face à cette situation, vous faites le choix de tout miser sur l’offre, c’est-à-dire sur l’innovation et l’exportation, clefs de voûte d’une compétitivité dont vous faites le mantra du redressement productif.

La course à la compétitivité est une voie sans issue et nous ne saurions nous accommoder d’une telle trajectoire alors que les forces de gauche disposent des ressources intellectuelles, humaines et politiques qui leur permettent de construire une véritable alternative politique.

C’est la raison pour laquelle le Front de gauche a décidé d’ouvrir dans le pays des états généraux de la justice fiscale, afin de réunir élus, syndicats, associations, acteurs de la vie économique et citoyens pour construire la grande réforme fiscale de gauche dont notre pays a besoin, grande réforme qui doit impose que la dépense publique soit efficace, nous en sommes bien conscients.

Nous serons donc pleinement acteurs de la construction d’une architecture fiscale rénovée, renouvelée, qui fasse vivre notre pacte républicain et les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité.

Votre texte ne porte malheureusement pas trace de la volonté d’engager un changement de cap en faveur de l’emploi et d’une plus juste répartition des richesses entre le capital et le travail. Vous comprendrez, dans ce contexte, que ce projet de loi de finances rectificative nous semble en décalage avec les nécessités du pays.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s’inscrit malheureusement dans la continuité de la politique budgétaire, injuste socialement et économiquement inadaptée, que le Gouvernement mène depuis dix-huit mois. Pas de changement de cap, pas de décision courageuse en matière de réforme structurelle : ce texte ne nous offre aucune perspective rassurante pour la fin de l’année 2013 ni, surtout, pour 2014.

Ce projet de loi se contente d’entériner les mauvais choix du Gouvernement et de sa majorité, que nous déplorons à trois titres.

Tout d’abord, votre politique reste socialement injuste. Vous avez fait croire, fin 2012, que la hausse massive des impôts en 2013 serait payée par les plus riches. Le Premier ministre avait même promis, le 27 septembre 2012, que « neuf contribuables sur dix ne seraient pas concernés par les augmentations de fiscalité ». Le peuple français a cependant vite réalisé que les couches moyennes allaient supporter la plus grosse part des hausses massives de prélèvements obligatoires pendant que les hauts revenus s’expatriaient.

Oui, ce sont bien les classes moyennes qui paient en 2013 la majorité des 14 milliards d’impôts nouveaux sur les ménages voulus par le Gouvernement.

M. Christian Eckert, rapporteur général. D’où sort ce chiffre ?

M. Charles de Courson. Votre politique a eu des effets désastreux sur les ménages modestes. Vous avez gravement amputé leur pouvoir d’achat puisqu’il baisse globalement, pour les familles, de 0,9 %, une première depuis 1984. Rapportée à chaque ménage, puisque leur nombre augmente, la baisse moyenne du pouvoir d’achat s’élève à 1,9 % cette année.

La situation empirera encore en 2014 puisque la pause fiscale, promise par le Président de la République pour répondre au ras-le-bol fiscal des ménages, évoqué par M. Moscovici, n’est qu’un mirage. Ce sont bien à nouveau les familles françaises qui paieront l’addition en 2014 de 12 milliards d’impôts et de cotisations sociales.

Que la présentation fallacieuse du Gouvernement des hausses d’impôts en 2014 ne trompe pas. Les mesures votées dès 2013 qui ne sont pas mentionnées s’appliqueront bien, de même que de nombreuses autres mesures pour aboutir, in fine, à des hausses d’impôts pour les ménages.

Ce sont ainsi 12 milliards d’impôts qui pèseront sur les Français en 2014, essentiellement sur les familles, et d’autant plus qu’elles ont beaucoup d’enfants. En effet, la hausse de la TVA, le plafonnement du quotient familial et surtout la taxation des majorations pour enfants frapperont d’abord les familles.

Le taux de prélèvement obligatoire, passé de 45 % en 2012 à 46 % en 2013, continuera d’augmenter pour passer à 46,1 % en 2014. Vous êtes médaille d’argent des pays de l’OCDE dès 2013, monsieur le rapporteur général, et vous ne tarderez pas à devenir médaille d’or – dans deux ans si vous continuez ainsi.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je crois que vous vous êtes trompé de débat : nous parlons aujourd’hui du projet de loi de finances rectificative !

M. Charles de Courson. Vos décisions économiquement inadaptées asphyxient les entreprises. En 2013, elles ont dû faire face à près de 14 milliards de hausses d’impôt. S’y ajoutent vos autres mauvaises décisions, notamment la suppression de la TVA sociale, qui ont également porté un coup à leur compétitivité. Leur taux de marge, au plus faible niveau depuis 1986, est le plus faible de toute l’Europe, loin derrière l’Allemagne. Et l’investissement baisse car nous ne l’avons jamais vu reprendre quand les taux de marge s’effondrent.

Vous persévérez dans l’erreur en 2014 puisque l’impôt sur les sociétés sera à 38 % en France, ce qui en fait le plus élevé d’Europe, la moyenne s’établissant à 23 % et ayant tendance à baisser chez nos voisins.

Toutes ces décisions calamiteuses n’auront qu’un effet : mettre en péril la compétitivité de nos entreprises. Nous le voyons bien, les entreprises et les ménages, asphyxiés par l’impôt, commencent à modifier leur comportement. L’investissement privé chute et l’emploi privé se contracte.

La situation est plus que préoccupante. Par rapport à la prévision initiale, les moins-values de recettes fiscales nettes en 2013 atteindront 10,8 milliards, dont 5,6 sur la TVA et 3,8 sur l’impôt sur les sociétés.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pour une fois, ce sont les bons chiffres !

M. Charles de Courson. Ce sont les chiffres de votre rapport et surtout, les faits sont là. Mais écoutez la suite, monsieur le rapporteur général !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je suis le seul à suivre ! Même M. Vigier est absent !

M. Charles de Courson. Les moins-values fiscales traduisent un mouvement de disparition de l’assiette fiscale. Développement du travail illicite, du troc, des marchés parallèles, de l’optimisation fiscale des grandes entreprises : vous illustrez le dicton selon lequel « Trop d’impôt tue l’impôt ».

M. Christian Eckert, rapporteur général. Voilà qui est original ! On ne l’avait jamais entendu !

M. Charles de Courson. Quant aux cotisations sociales, la très faible élasticité à la croissance, que vous évoquez dans votre rapport, monsieur le rapporteur général, devrait vous conduire à vous interroger sur le partage de la valeur ajoutée. En effet, à partir du moment où le rapport entre les salaires et la valeur ajoutée est le plus élevé depuis plus de trente ans, vous ne pouvez avoir qu’une élasticité négative si vous voulez redresser la situation des entreprises. Il ne faut donc pas s’étonner si l’élasticité se situe à 0,5 : ce n’est pas l’élasticité qui est intéressante, c’est ce que traduit une très faible élasticité.

Troisième et dernier point : le cœur du problème de ce gouvernement est son incapacité à s’attaquer à la dépense publique à travers des réformes structurelles. Pour 2013, vous aviez annoncé dix milliards d’économies sur les dépenses publiques ; or, de 56,6 % en 2012, le taux de dépenses publiques par rapport au PIB est passé à 57,1 %, soit une augmentation de dix milliards d’euros. Il n’y a donc pas eu dix milliards d’économies, puisque vous voulez faire croire aux Français que vous avez baissé de dix milliards les dépenses publiques – pas du tout ! Elles ont au contraire augmenté de plus de dix milliards.

Pour l’année 2014, vous annoncez fièrement quinze milliards d’euros d’économies ; or, là encore, comme vous le savez, il n’y a pas six à sept milliards d’euros d’économies réelles.

Regardons les chiffres : de 371,9 milliards en 2013, la dépense totale de l’État a encore augmenté en 2013 de 2,4 milliards, soit 0,7 % ; le rapporteur général l’a d’ailleurs rappelé tout à l’heure dans son intervention. L’année prochaine, elle s’établira à 370,5 milliards – si vous tenez vos dépenses, ce qui n’est pas certain !

De plus, nous ne pouvons que constater l’explosion des dépenses dites « de guichet », en particulier dans le domaine social. Le dépassement de plus de 300 millions pour la seule mission « Immigration », notamment au titre de l’aide médicale de l’État – vous me direz que ce débordement est régulier ! –, de l’hébergement d’urgence, de l’allocation temporaire d’attente. Pour compenser ces dépassements, le Gouvernement procède à des annulations de crédits très importantes, mais essentiellement sur les dépenses d’investissement. Il ne restait déjà plus qu’une vingtaine de milliards d’investissement sur un budget de 370 milliards, et vous continuez à le réduire : 650 millions pour l’équipement des forces armées, 440 millions pour les infrastructures de transports, pour ne citer que quelques exemples. Cela n’est pas sérieux !

En définitive, nous assistons à la poursuite de la hausse des dépenses publiques. Rappelons qu’en 2013, le Gouvernement a frisé la médaille d’or de l’OCDE des dépenses publiques ! La Cour des comptes a par ailleurs indiqué que l’efficience de ces dépenses place la France très loin de ce deuxième rang ! Selon la Cour des comptes, d’importantes sources d’économies peuvent être mobilisées sans dégrader la qualité des services publics ni diminuer l’ampleur de la redistribution. Il est temps d’agir !

Mes chers collègues, j’évoquerai également, avant de conclure, l’article 33 du projet de loi qui prévoit la reprise de la dette de l’Établissement public de financement et de restructuration, l’EPFR, par l’État. Plutôt que de doter en capital l’EPFR à hauteur de 4,5 milliards en 2014, ce qui aurait été dans l’orthodoxie budgétaire – j’y reviendrai –, cette solution ayant été utilisée par tous les gouvernements successifs, quelle que soit leur orientation, entre 1995 et 2006…

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est fini depuis 2006 ! Cela fit six ans que cela n’a pas été fait !

M. Charles de Courson. Écoutez-moi, monsieur le rapporteur général ! Le Gouvernement entend reprendre la dette restante avant le 31 décembre ; or il ne reste plus que deux emprunts – il n’y a plus d’actif –, remboursables au 31 décembre 2014, monsieur le rapporteur général, et non au 31 décembre 2013 !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je le sais !

M. Charles de Courson. Cette solution est critiquable sur trois plans.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Non !

M. Charles de Courson. Tout d’abord, elle tente de transformer une opération budgétaire en une opération de trésorerie : vous ne pouvez pas le contester, monsieur le rapporteur général !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est à moitié vrai !

M. Charles de Courson. Cela évite ainsi de dégrader de 4,5 milliards le déficit de l’État ! Or la Cour des comptes et l’Union européenne risquent fort de requalifier cette opération, comme ils l’ont fait à plusieurs reprises, puisqu’il ne reste pratiquement aucun actif net face à ces 4,5 milliards de dette de l’EPFR.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ensuite, vous aurez du mal à plaider auprès de l’Union européenne que vous maintenez l’objectif de réduction du déficit de l’État puisque si ces 4,5 milliards, qui étaient remboursables au plus tard fin 2014, avaient été imputés sous la forme d’une dotation en capital pour solder la dette dans le budget 2014, le déficit s’élèverait à 74,5 milliards pour 2014, soit une augmentation de 2,5 milliards par rapport à la prévision d’exécution pour 2013. C’est pour cela que vous avez essayé de faire cette mesure en catastrophe, fin 2013 ! En outre, vous prétendez dans l’exposé des motifs que ce remboursement anticipé permettra de respecter la norme de dépense de l’État ; mais c’est inexact, car vous cherchez à contourner la difficulté en faisant croire que cette dépense est une vraie opération de trésorerie, ce qui n’est pas le cas !

Si !

Enfin, cette opération coûtera plus cher en intérêts puisque, selon l’exposé des motifs, vous comptez refinancer à 3,3 % les deux prêts dont le taux tournait à 1 %. Les deux prêts étaient à 1 % !

Oui, mais si on les finance l’année prochaine, on les paiera plus cher !

M. Charles de Courson. L’étude d’impact évalue le coût de l’opération à 146 millions – ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’étude d’impact ! – de charges annuelles supplémentaires pour l’État, ce qui représente une augmentation de 100 millions de dépenses en 2014. La solution orthodoxe, c’était d’ouvrir en 2014 4,5 milliards, mais cela vous posait problème !

Pour conclure, je tiens à rappeler que tous les voyants sont au rouge. La réduction des déficits publics est beaucoup trop faible : loin de l’objectif de 3 %, nous sommes à 4,1 % en 2013. Comme la promesse de pause fiscale, vous avez également repoussé votre promesse de ramener le déficit à 3 %, non pas en 2014, mais en 2015. C’est pourquoi le groupe UDI votera contre ce projet de loi de finances rectificative.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Encore une occasion manquée !

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous vous félicitons, madame !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vous félicite également !

Mme Eva Sas. Je vous remercie, même si je n’ai fait que ce qu’ont fait des milliers de femmes en France, cette année comme toutes les autres années !

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen du projet de loi de finances rectificative 2013. D’abord construit comme outil purement budgétaire, qui vise à assurer l’équilibre des finances publiques, le collectif budgétaire de fin d’année est devenu trop souvent l’occasion d’ajustements ayant une incidence majeure. Ce ne sont plus seulement les comptes de l’État qui sont concernés, c’est toute la politique économique de la France qui peut être remodelée dans le cadre d’un PLFR.

Souvenons-nous du projet de loi de finances rectificative de décembre 2012, il y a un an. Nous avons été pressés d’examiner, à la dernière minute, deux mesures importantes introduites par amendement du Gouvernement : un crédit d’impôt compétitivité de 20 milliards d’euros en faveur des entreprises, et la modification des taux de TVA, avec notamment le passage de 7 % à 10 % du taux intermédiaire ; deux mesures sur lesquelles le groupe écologiste, vous vous en souvenez, avait été amené à s’abstenir. Aujourd’hui nous craignons malheureusement d’avoir eu raison : l’effet du CICE sur l’emploi est encore faible et les premières évaluations montrent qu’il impacte essentiellement les secteurs qui en ont le moins besoin et qui sont le moins exposés à la concurrence internationale, comme la grande distribution.

Ce dispositif n’a d’ailleurs pas, à notre sens, la cohérence nécessaire pour produire une baisse durable du chômage. Nous avons, d’un côté, un dispositif fiscal d’un coût de 20 milliards d’euros par an ayant pour objectif de favoriser la création d’emplois et, de l’autre, une hausse de la TVA potentiellement destructrice pour des secteurs riches en emplois durables et non délocalisables : le transport collectif, le recyclage ou le bois énergie, par exemple. Heureusement, le projet de loi de finances 2014 nous a permis de revenir collectivement sur certains sujets : nous avons pu baisser le taux de la TVA à 5,5 % sur le logement social et la rénovation thermique, ce dont nous nous réjouissons collectivement.

Restent toutefois trois chantiers importants que nous souhaitons voir traités dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative et pour lesquels nous vous proposerons des amendements : la baisse de la TVA pour les transports du quotidien, qui vous le savez a été votée par le Sénat,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ils peuvent voter ce qu’ils veulent, au Sénat !

Mme Eva Sas. …les travaux induits par la rénovation énergétique et la gestion des déchets recyclables. Nous vous proposerons également un aménagement de la taxe sur les ordures ménagères, un dispositif d’aide aux énergies renouvelables grâce à l’investissement solidaire et la création d’un versement transport additionnel et interstitiel pour le développement des transports collectifs. Ces mesures ont toutes un point commun : elles viennent donner corps à l’engagement du Gouvernement, maintes fois réaffirmé, en faveur de la transition écologique.

Mais au-delà de ces dispositions particulières, ce PLFR doit répondre aussi à l’inquiétude parfois légitime de nos concitoyens sur l’efficacité et la justice de notre système fiscal. La période actuelle est en effet dangereusement animée par la montée de la contestation fiscale. S’il s’agit parfois de la défense de quelques intérêts particuliers contre l’intérêt général, nous ne pouvons ignorer les interrogations de nos concitoyens sur notre système fiscal.

Pour y apporter des réponses, nous avons évoqué à plusieurs reprises la nécessité de mieux cibler et conditionner les aides aux entreprises, de redonner de l’équité à l’impôt et d’intensifier la lutte contre la fraude fiscale. Pour ces trois priorités, le présent PLFR présente quelques avancées : mesures exceptionnelles pour les PME innovantes, encouragement à la reprise d’entreprises par les salariés, notamment en créant des SCOP, aménagement des dispositifs d’aides, ces mesures sont plus ciblées que le crédit d’impôt compétitivité et devraient donc produire des effets plus concrets et plus rapides.

La réorientation d’une partie de la collecte des assurances vie vers des investissements productifs, à savoir les PME qui peinent parfois à trouver les fonds nécessaires auprès des banques, mais aussi le logement ou encore l’économie sociale et solidaire, sont des faits marquants de ce PLFR. Ils illustrent la volonté de la majorité de donner un coup de pouce aux secteurs d’avenir, comme d’ailleurs au secteur du bois, indispensable pour la transition énergétique, et qui va bénéficier d’un plan d’aide.

L’aménagement de l’exit tax s’inscrit aussi dans une démarche d’équité. Cette mesure vient renforcer celles prises dans le cadre de la loi de lutte contre la fraude fiscale, de la loi bancaire et des amendements, issus notamment des groupes écologiste et socialiste, adoptés en première lecture du projet de loi de finances 2014. Comme le rapporteur général en commission, nous proposons d’aller encore plus loin, en alignant, pour la déductibilité des charges, les pays à fiscalité privilégiée sur les pays non coopératifs et en étendant de nouveau la notion d’abus de droit.

Enfin, la réforme de la taxe d’apprentissage, avec un objectif de simplification et de renforcement des moyens destinés aux régions et aux centres d’apprentissage, a pour objectif de faire progresser le nombre d’apprentis de 440 000 actuellement à 500 000 en 2017. Les écologistes ont toujours défendu la place centrale des régions dans ce dispositif, et cette mesure nous semble donc aller dans le bon sens.

Malgré ces avancées, nous nourrissons plusieurs inquiétudes qui illustrent la nécessité d’une large réforme fiscale. La première inquiétude concerne, cela a été dit à plusieurs reprises, le niveau des rentrées fiscales. Par rapport à la loi de finances initiale, cette loi de finances rectificative constate une perte de 11,2 milliards d’euros sur l’impôt sur le revenu, sur l’impôt sur les sociétés et surtout sur la TVA.

Je voudrais souligner que, lors de la loi de règlement sur les comptes 2012, la Cour des comptes avait déjà souligné l’écart très significatif entre les prévisions du ministère et les encaissements réalisés – en l’occurrence, 3,5 milliards d’euros d’écart entre les prévisions de TVA de la loi de finances rectificative pour 2012, pourtant votée en décembre 2012, et les recettes constatées. L’analyse de ce manque à gagner sur les recettes nous semble un préalable à toute démarche de réforme fiscale. Il nous faut aujourd’hui comprendre la nature de ces écarts, avant d’aller plus loin.

L’autre inquiétude vient des ajustements de dépenses, à hauteur de 3 milliards d’euros, soit un besoin conséquent. Nous ne pouvons que souligner que la mission « Écologie » est, une fois de plus, fortement impactée, avec 440 millions d’euros en annulation de crédits pour le programme « Infrastructures et services de transports ». Alors même que la majorité prévoit d’engager une nouvelle étape de la transition énergétique, cette diminution est un mauvais signal, d’autant que ce budget subit déjà le report de la taxe poids lourds.

Les questions posées en commission sur cette baisse de crédits sont à ce jour restées sans réponse. Nous ne savons toujours pas pourquoi ou comment le Gouvernement a abouti à l’annulation de ces 440 millions d’euros de crédits, et nous espérons que les débats nous permettront d’être éclairés sur cette question.

L’annulation de crédits gelés, à hauteur de 153 millions d’euros, pour la mission « Aide publique au développement », ne manque pas non plus de nous inquiéter.

À l’inverse, les ouvertures de crédits témoignent de l’action de l’État en faveur de l’emploi et du soutien apporté aux dispositifs de solidarité. Les besoins de crédits concernant les politiques de l’emploi, l’hébergement d’urgence, les APL, l’aide médicale d’État et l’allocation adulte handicapé témoignent à la fois malheureusement de l’approfondissement des difficultés sociales de nos concitoyens, mais aussi de l’engagement de l’État à leur côté. La répétition de ces mesures rectificatives d’une année sur l’autre montre toutefois la nécessité d’ancrer leur renforcement dans la durée.

En définitive, cette loi de finances rectificative montre les limites du système fiscal existant. « Complexe voire illisible, pas toujours efficace et souvent injuste », selon la formule employée ici même le 19 novembre dernier par le Premier ministre, affirmant la nécessité d’une réforme fiscale. De son côté, le rapporteur général nous disait tout à l’heure que l’écart constaté sur les recettes fiscales devait nous inciter également à engager cette réforme fiscale. Ce constat, nous le partageons, cette réforme, nous la demandons, et ce depuis l’ouverture de cette mandature. Elle ne doit pas rester au stade de l’annonce. Pour la réussir, il nous semble qu’elle doit être guidée par trois principes : lisibilité pour les contribuables, justice sociale et efficacité écologique.

Cela doit se traduire notamment par une politique d’investissements durables et un renforcement de la progressivité de l’impôt mais aussi par une révision de l’ensemble des niches fiscales qui ont toutes fait l’objet de maintes évaluations. À ce titre, il est particulièrement inquiétant de voir que malgré les nombreux rapports montrant le caractère anti-écologique, l’effet d’aubaine ou le coût exorbitant par emploi de certaines niches fiscales, on n’ose toujours pas s’attaquer à ces niches de peur de la mobilisation de quelques lobbys défendant, avec efficacité il est vrai, leurs intérêts particuliers. Je pense au crédit d’impôt recherche, à l’exonération de TICPE du trafic aérien ou routier ou à la fiscalité allégée du diesel.

La confiance est-elle suffisante dans le pays pour mettre en œuvre cette réforme fiscale et les bouleversements qu’elle engendre ? Nous l’espérons. Il n’est en tout cas jamais trop tard pour donner priorité à la justice fiscale, à l’emploi, et à la protection de notre planète. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, comme ils l’ont fait cet après-midi lors du vote solennel du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 alors que le groupe socialiste avait besoin de renforts pour être majoritaire, les radicaux de gauche seront une nouvelle fois loyaux, fidèles à leurs engagements et voteront le présent projet de loi de finances rectificative.

Le collectif budgétaire est, comme souvent, un texte de nature technique. Il présente des ajustements budgétaires plutôt que de réelles orientations politiques. Ce constat est encore plus vrai cette année, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, contrairement à l’année précédente, ce projet de loi de finances rectificative ne comporte pas des dépenses fiscales de 20 milliards d’euros introduites par voie d’amendement gouvernemental.

Surtout, il ne comprend pas de mesures avec des objectifs de rendement. Concrètement, cela veut dire que l’impôt ne sera pas utilisé pour boucler le budget de 2013. Nous pouvons tous nous en réjouir, et en premier lieu l’opposition, qui n’a cessé de répéter à tort que l’absence de projet de loi de finances rectificative cachait des hausses d’impôt massives pour clôturer 2013. Ils pensaient que le Gouvernement Ayrault ferait comme les gouvernements Fillon. Ils se sont trompés.

Enfin, la présentation du collectif budgétaire, avant même le vote solennel en première lecture du projet de loi de finances pour 2014, diminue considérablement la portée politique de ce texte. Les grands équilibres de 2013 sont connus car ils ont servi de base aux projections budgétaires de 2014.

Pour autant, ce projet de loi n’a-t-il qu’un intérêt minime ? N’est-il qu’un simple passage obligé de la procédure législative, un soir de décembre ? Non, certainement pas.

En premier lieu, c’est le premier collectif d’un budget qui aura été entièrement exécuté sous la responsabilité du gouvernement que nous soutenons. Mais surtout, c’est le seul projet de loi de l’année qui vient modifier les objectifs budgétaires que nous avions adoptés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013. Et les objectifs ont nettement évolué en cours d’année. Certes, le Gouvernement a présenté au Parlement l’ensemble de ces évolutions au fur et à mesure. Mais on ne peut considérer qu’une audition en commission, une déclaration du Gouvernement sur le programme de stabilité ou un débat d’orientation budgétaire aient la même valeur normative qu’un projet de loi de finances strictement encadré par notre Constitution.

C’est pourquoi il est regrettable que le Gouvernement ait basé ses comparaisons sur les données communiquées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 et non sur celles de la précédente loi de finances, c’est-à-dire celle de 2013.

Alors que le débat sur la fiscalité est tendu, naissant, embryonnaire, et que l’ensemble de nos concitoyens appellent à une meilleure lisibilité et compréhension de l’impôt, il est indispensable que la présentation du budget soit la plus claire possible. Et lorsque l’on examine un budget, on ne veut pas que la comparaison se fasse avec ce que l’on a voté trois semaines auparavant, mais entre ce qui a été prévu en début d’année et ce qui sera réellement exécuté en fin d’année. Je salue d’ailleurs le travail du rapporteur général, dont les bases de comparaison nous paraissent beaucoup plus adaptées.

Sur le fond, il nous semble qu’à moins d’un mois de la fin de l’année, les deux questions que doit se poser notre Assemblée sont les suivantes : est-ce que le budget de 2013 a œuvré au redressement des comptes publics et est-ce que le budget de 2013 a permis de créer de la croissance ?

Sur la question des finances publiques, tous les indicateurs montrent que la dynamique de réduction des déficits a été maintenue. Ainsi, le solde des administrations publiques sera de 4,1 % du PIB. C’est plus que prévu initialement, mais c’est nettement moins qu’en 2012 où le déficit public atteignait 4,9 % du PIB, et encore moins qu’en 2011, où le déficit était de 5,3 %. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Incontestablement, si l’on prend les trois dernières années, on voit que le Gouvernement est sur le bon chemin.

M. Julien Aubert. C’est de l’autosatisfaction !

M. Thierry Braillard. Ce n’est pas de l’autosatisfaction mais la réalité des chiffres ! Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais à un moment donné la réalité des chiffres vous rattrape.

Par ailleurs, le budget que le Gouvernement maîtrise le mieux, c’est-à-dire le budget de l’État, a été strictement contrôlé. Le solde budgétaire serait de 72 milliards d’euros en 2013. C’est plus que les 62 milliards prévus en loi de finances initiale, mais c’est beaucoup moins que le niveau de 2013 qui était alors de 87 milliards d’euros.

Malgré une forte baisse des recettes fiscales due à une moindre croissance, l’objectif de réduction du déficit sera atteint grâce à une maîtrise des dépenses de l’État. Même en prenant en compte les dépenses exceptionnelles, celles-ci seraient inférieures de plus d’un milliard d’euros à ce qui était prévu. Cela montre clairement que si les objectifs initiaux ne sont pas atteints, ce ne sera pas en raison des dépenses de l’État, comme le prétendent certains, mais bien en raison d’une trop faible croissance.

Cela m’amène à la deuxième question : est-ce que le budget de 2013 a permis de créer de la croissance ? La prévision initiale était une croissance de 0,8 %. Finalement, elle devrait être de 0,1 % après une croissance nulle en 2012. C’est évidemment peu, trop peu. Et cela confirme que la croissance est désormais l’enjeu absolu, essentiel, primordial, devant la maîtrise des finances publiques.

Les leviers d’action sont nombreux. Les dernières déclarations du Gouvernement et le collectif budgétaire apportent déjà quelques réponses.

Tout d’abord, l’économie a besoin de confiance. La remise à plat de la fiscalité annoncée par le Premier ministre est la bienvenue. Mais elle a un effet ambigu. À court terme, elle risque de s’accompagner de questionnements et d’inquiétudes de certains agents économiques. Ce n’est qu’à long terme que l’on peut attendre des effets positifs, en fixant une ligne claire, en exposant une volonté politique forte pour mener une grande réforme. Plus elle sera consensuelle, moins elle risquera d’être modifiée et plus elle aura d’effets. L’opposition jouera un rôle certain et nous espérons qu’elle sortira rapidement de sa posture. Le souhait de diminuer la fiscalité ne saurait expliquer à lui seul le rejet de toute réforme fiscale d’envergure.

Quand on parle de réforme fiscale, les radicaux de gauche ne peuvent pas s’empêcher de penser à Joseph Caillaux…

M. Philippe Gosselin. Le bon Joseph Caillaux ! Ça manquait !

M. Thierry Braillard. …et à la progressivité. Les radicaux espèrent que l’on revienne un peu à la progressivité de l’impôt et un peu moins à cette iniquité qui a été créée, notamment sous l’ancienne mandature.

M. Julien Aubert. Oh !

M. Thierry Braillard. Si vous voulez qu’on parle un jour de ce qu’était la fiscalité dans les années Sarkozy, je suis prêt ! Nous discuterons notamment du nombre de taux et du taux de base.

L’autre facteur de croissance, c’est la compétitivité de nos entreprises.

Concernant la compétitivité-prix, la grande nouveauté du budget 2013 fut la création du crédit d’impôt compétitivité emploi.

M. Jean-François Lamour. Parlons-en !

M. Thierry Braillard. Est-ce que celui-ci a été concluant ?

M. Jean-François Lamour. Non !

M. Thierry Braillard. Mes chers collègues, vous donnez déjà une réponse à une question qu’il est trop tôt pour poser vraiment, car les effets de la mesure ne devraient se faire sentir qu’à partir de 2014. Mais on ne peut s’empêcher de se demander si le CICE ne manque pas sa cible, à savoir l’industrie.

M. Jean-François Lamour. Très juste !

M. Thierry Braillard. On nous rétorque que c’est techniquement impossible. Heureusement que dans l’histoire de notre pays le politique a su maintes fois surpasser la technique.

Les effets du CICE seront d’autant plus difficiles à percevoir que le taux de prélèvements obligatoires pour les entreprises n’a pas baissé. Bien évidemment, monsieur le ministre, vous ne vous rasez pas le matin en espérant une augmentation du taux des prélèvements obligatoires. Mais peut-être aurait-on pu, dès 2013, faire reposer l’effort un peu plus sur les dépenses et un peu moins sur les recettes, comme le groupe PRG et apparentés l’avait alors demandé. Alors que le taux de prélèvements s’est quasiment stabilisé pour 2014, il est indispensable que celui-ci diminue à l’avenir.

M. Jean-François Lamour. Très bien !

M. Thierry Braillard. Au-delà des coûts, l’autre défi pour la croissance c’est le financement de l’économie. La nature très intermédiée du financement de l’économie française pose problème. L’assainissement du système bancaire via les nouveaux ratios de liquidités a des effets amplifiés par les réticences des banques à accorder des crédits. Certes, la demande de prêts demeure limitée, comme le montrent les prévisions d’investissement pour 2014. Mais dans le cas d’une accélération de la demande, l’insuffisance des crédits bancaires pourrait poser problème. Il faut donc faciliter le recours au financement direct via l’épargne longue. C’est l’objectif des mesures de ce collectif budgétaire relatives notamment à l’assurance vie.

Des produits « eurocroissance » seront créés pour favoriser l’investissement dans les unités de compte. Les contrats investis dans les PME et l’économie sociale et solidaire, à laquelle je sais que vous êtes très sensible, bénéficieront d’un abattement fiscal.

Pour conclure, la priorité du budget 2013 a porté principalement sur la baisse du déficit public. Celle-ci a été effective. Dire le contraire est faux. C’est pourtant ce que rappelle à l’envi l’opposition. Les finances publiques de la France sont dans un meilleur état qu’il y a un an, dans un meilleur état qu’il y a deux ans, et dans un meilleur état qu’il y a trois ans.

M. Alain Chrétien. Ce n’est pas sûr !

M. Thierry Braillard. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste voteront donc ce texte.

M. Alain Chrétien. Parlez-en aux Français : ils vous diront si la situation s’est améliorée pour eux !

M. Thierry Braillard. Les ratios comptables parlent d’eux-mêmes !

M. Alain Chrétien. Mais les Français ne parlent pas en ratios comptables !

M. Thierry Braillard. Mais ce qui a manqué en 2013, c’est la croissance. Il est impératif que l’économie française se redresse. La remise à plat de la fiscalité pourrait y contribuer. Mais elle ne saurait être exclusive. Dès lors, il ne faudrait pas que le débat fiscal évince les vraies questions, les vraies priorités, à savoir la croissance et l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume.

M. Laurent Grandguillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2013 s’inscrit dans la continuité de la politique économique du Gouvernement pour la croissance et l’emploi…

M. Alain Chrétien. Malheureusement !

M. Laurent Grandguillaume. …n’en déplaise à une droite qui a échoué dans tous les domaines : balance commerciale déficitaire, déficit public, 600 milliards d’euros de dettes en plus. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Lamour. Ne nous cherchez pas !

M. Laurent Grandguillaume. Je crois que la coupe est pleine. Ne donnez donc pas de leçon ; écoutez plutôt ce que j’ai à vous dire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. C’est le nouveau Strauss-Kahn !

M. Laurent Grandguillaume. Nous, on défend les entreprises, et on va vous le démontrer !

M. Alain Chrétien. Allez leur dire : elles ne vous croient pas !

M. Laurent Grandguillaume. Écoutez-moi, vous apprendrez peut-être beaucoup ! En voyant vos résultats et votre bilan, on peut se poser beaucoup de questions !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vrai !

M. Laurent Grandguillaume. Les objectifs poursuivis par le Gouvernement confirment par ailleurs le strict respect des engagements de la France en matière de dépenses budgétaires, gage du redressement des finances publiques dans la durée. C’est en libérant les énergies que l’on créera des richesses et donc de l’emploi.

De nombreuses mesures sont prévues, notamment une vaste réforme des soutiens financiers à l’export. Cela change du bilan que nous avait laissé le précédent gouvernement en matière de balance commerciale. Elles poursuivent un triple objectif d’abaissement du coût des financements pour améliorer la compétitivité des entreprises, de démocratisation des financements à l’exportation au profit des ETI et PME de croissance et de mise à niveau du soutien apporté aux grands contrats, notamment dans le secteur de l’aéronautique ou de la construction navale.

Le projet de loi de finances rectificative comprend trois dispositions majeures qui concourent à cet objectif : une extension du périmètre d’utilisation de la garantie de refinancement, afin de faciliter l’accès à la liquidité auprès d’une large palette d’investisseurs ; une amélioration du dispositif de garantie des chantiers navals dans la période de construction des navires ; la mise en place d’un cadre juridique pérenne permettant à l’État de se substituer aux assureurs « crédits privés » pour le soutien au commerce courant en cas de défaillance avérée de marché.

Conformément aux engagements du Président de la République dans son discours de clôture des Assises de l’entrepreneuriat du 29 avril 2013, l’article 8 crée un nouvel outil visant à favoriser le capital investissement d’entreprise au profit des petites et moyennes entreprises innovantes. À cette fin, il est proposé de permettre aux entreprises d’amortir, dans une certaine limite de leur actif, leurs souscriptions au capital de PME innovantes ou de fonds commun de placement à risques, et de fonds professionnels de capital investissement ou de sociétés de capital-risque majoritairement investis dans des PME innovantes.

Les entreprises participent déjà au financement du capital investissement aux côtés d’investisseurs institutionnels ; la présente mesure se propose ainsi de les encourager, par un avantage de trésorerie, à augmenter le volume de leur contribution au financement en capital des PME qui contribuent à l’innovation.

En outre, les PME innovantes bénéficiaires de ces financements – directs ou intermédiés par des professionnels du capital-risque – seraient les entreprises qui emploient moins de 250 personnes, dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total de bilan ne dépasse pas 43 millions d’euros : on touche là une cible qui est véritablement celle des PME.

Par ailleurs, je tiens à souligner l’effort fait dans ce projet en faveur de la simplification. Certains en parlent, nous, nous la faisons. L’article 12 prévoit un ensemble de mesures de simplification des obligations déclaratives et de paiement en matière d’imposition des particuliers et des entreprises.

La première partie de l’article s’inscrit dans un processus de généralisation du recours obligatoire aux moyens modernes de déclaration et paiement des impôts dus par les professionnels qu’a engagé l’administration fiscale.

La deuxième partie de l’article a pour objet de rétablir la cohérence des échéances déclaratives et de paiement des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés clôturant leur exercice au 31 décembre, en prévoyant une date limite de dépôt du relevé de solde concomitante à celle prévue pour le dépôt de la déclaration de résultat. La disposition proposée a également pour objet de sécuriser les procédures de remboursement des excédents d’impôt sur les sociétés en conditionnant le remboursement demandé sur le relevé de solde au dépôt de la déclaration de résultat, ce qui va dans le sens de la simplification.

La troisième partie de l’article propose plusieurs mesures de simplification pour les petites et moyennes entreprises. Elle aménage les règles relatives à l’appréciation du régime d’imposition applicable. Il est proposé d’harmoniser le champ des activités concernées par ces régimes, les modalités d’actualisation des seuils, les années de référence qui seront prises en compte. Les simplifications en matière de TVA vont aussi dans le bon sens.

Enfin, sur les sociétés coopératives ouvrières de production, l’article 9 encourage la reprise d’entreprises par les salariés à travers la création d’un statut d’amorçage.

Donc, ce projet de loi de finances rectificative va dans le bon sens : il soutient les entreprises afin de créer des richesses et donc de l’emploi, n’en déplaise à ceux qui donnent des leçons en permanence. Notre politique s’inscrit dans une cohérence, mettre le cap sur l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Comme l’a rappelé le président de la commission des finances Gilles Carrez, votre projet de loi de finances rectificative révèle deux réalités extrêmement préoccupantes : une moins-value des recettes par rapport à la loi de finances initiale de 13 milliards d’euros et un dépassement des dépenses publiques de l’ordre de 2,6 milliards d’euros. Plus préoccupant encore : la dérive des dépenses dites « de guichet » est compensée par des annulations de crédits d’investissement.

Parlons d’abord de la moins-value des recettes et notamment de la moins-value de 3,1 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu. Derrière ce chiffre accablant, sur fond de croissance en berne et d’explosion du chômage, c’est une réalité inquiétante que vous refusez de voir : les contribuables aisés quittent l’enfer fiscal qu’est devenu notre pays, non pas pour des paradis fiscaux, mais simplement pour des horizons plus attractifs et moins confiscatoires.

Plus de 35.000 départs en 2011, soit 56 % de plus qu’en 2010. On ne connaîtra les chiffres de 2012, sans doute très supérieurs encore, qu’à l’été 2014.

M. Jean Launay. En 2010 et 2011, vous étiez au pouvoir, non ?

M. Yves Censi. Une partie de nos leaders économiques, et avec eux des cerveaux, des talents, des entrepreneurs, des innovateurs, des « risqueurs » quittent la France. Ils quittent leur pays parce que, sous le poids de l’impôt, de la défiance et de la complexité croissante de la législation fiscale et du travail, ils n’ont plus rien à espérer.

Ce nomadisme économique, que les donneurs de leçons ont vite fait de condamner, ne s’explique pas tant par le poids de l’impôt que par la perception de l’usage qui en est fait. Le consentement à l’impôt dans notre pays s’effrite, parce que les contributeurs n’ont plus confiance ni dans l’efficacité de la dépense publique, ni dans les objectifs que vous poursuivez.

Oui, monsieur le ministre, dans certains pays du nord de l’Europe, le taux de prélèvement est très élevé, et pourtant le consentement à l’impôt reste fort. En France, le délitement de notre pacte fiscal a pour contrepartie le manque de sens de votre politique. Ceux qui peuvent partir partent, ceux qui ne le peuvent pas sont mécontents, manifestent, et partout sur le territoire les grondements ne cessent de s’amplifier.

Le pire, c’est que, à l’extérieur aussi, les signaux virent au rouge. Non seulement les Français quittent la France, mais les étrangers n’y viennent plus. Alors qu’il y a deux ans encore, notre pays figurait en tête des choix de destination d’investissement pour 56 % des investisseurs américains, il n’en séduit plus que 13 % aujourd’hui. La Banque mondiale vient d’ailleurs de rétrograder la France au trente-huitième rang des pays où il fait bon « faire des affaires ».

Parmi les premières causes de cette perte d’attractivité figurent, encore et toujours, l’absence de lisibilité et de prévisibilité, la crainte de la rétroactivité fiscale que vous avez amplifiée avec l’épisode des clubs de foot, ou celui des placements populaires, la complexité juridique et sociale de notre cadre légal, un climat social anxiogène, bref un environnement économique aux contours trop fluctuants pour donner envie.

Vous le savez, l’investissement dépend de la confiance et la confiance dépend de la stabilité économique, fiscale et juridique. Quel signal envoyez-vous aux investisseurs, sinon un signal négatif, quand la versatilité et les atermoiements sont devenus un mode de gouvernance ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et vous ?

M. Yves Censi. Rien d’étonnant alors à ce que les investisseurs se tournent vers d’autres pays, comme l’Allemagne ou l’Angleterre, qui proposent justement de la stabilité, de la lisibilité et de la sécurité.

Quant au dérapage des dépenses qu’affiche votre projet, il n’est que le résultat attendu et inévitable – nous l’avions répété – d’une absence totale de réformes structurelles. Et ce ne sont pas les quelques demi-mesures que votre texte propose en faveur des entreprises qui vont redonner à notre pays le souffle dont il a besoin.

Ce qui est grave, c’est que pour compenser la dérive des dépenses de guichet, vous nous imposez des annulations de crédits sur les investissements : 400 millions sur les infrastructures ! Alors, sur le terrain, à la veille des contrats de plan, vous venez nous dire : « L’État n’a plus d’argent », on ne pourra pas financer, par exemple, la RN 88, qui concerne pourtant des millions de nos concitoyens. Ce n’est pas que l’État n’a plus d’argent, c’est que vous faites des mauvais choix.

Mais revenons à cette absence de réformes structurelles et budgétaires qui a conduit à la dégradation de la note de la France. Plus vous reportez les réformes, plus la situation économique se dégrade et donc, inévitablement, moins vous avez de marges de manœuvre pour retrouver des perspectives de croissance.

Alors, malgré tous ces signaux d’alerte qui s’accumulent, vous persistez dans le déni et vous criez à l’injustice plutôt que de vous remettre en cause. Malheureusement, vous êtes les seuls à en être persuadés. Bruxelles a beau s’inquiéter de la capacité de la France à revenir sous les 3 % de déficit en 2015, vous faites la sourde oreille. Il y a deux semaines encore, le 14 novembre dernier, l’OCDE publiait un rapport pointant la perte de compétitivité de la France par rapport à ses partenaires européens et mettait en cause, notamment, sa capacité productive et son potentiel de croissance. Or, pour accroître la productivité, il est essentiel de renforcer nos capacités concurrentielles, de réduire les distorsions de concurrence avec nos voisins, donc de réduire les contraintes sur les entreprises : la réglementation, les charges fiscales et sociales.

Alors, mesurez tout le chemin qu’il nous reste à accomplir si l’on considère que les entreprises françaises paient six points de PIB de plus que leurs homologues allemandes, soit un surcroît de charges de près de 120 milliards d’euros.

Enfin, une étude publiée par le centre d’observation économique Coe-Rexecode, qui vient de paraître, relève, quant à elle, que la France ne participe pas à l’amorce de reprise industrielle qui est à l’œuvre en Europe, alors que c’est le cas de l’Allemagne, de la Belgique, de l’Autriche, de la Grande-Bretagne et même de l’Espagne.

Messieurs les ministres, l’OCDE, les agences de notations, les rapports d’experts, Bruxelles, et à présent des dizaines de milliers de manifestants, tous dénoncent la politique que vous menez et appellent à sortir de l’autisme. Le candidat Hollande promettait la grande révolution fiscale ; le Président Hollande se débat aujourd’hui pour empêcher la révolte. La grande remise à plat de notre système fiscal que vient d’annoncer, le dos au mur, le Premier ministre, arrive bien tard. Alors, quand allez-vous enfin nous présenter un texte à la hauteur des enjeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. Bravo ! Belle leçon !

M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Nous voici une nouvelle fois réunis dans cet hémicycle, après l’examen du projet de loi de finances pour 2014 il y a quelques semaines, pour l’exercice traditionnel qu’est l’examen du collectif budgétaire. Il revêt néanmoins cette année un caractère particulier, puisque le Gouvernement lui a également assigné un rôle de catalyseur de la croissance et de la compétitivité, qui sont de retour en cette fin d’année 2013.

M. Alain Chrétien. Quel optimisme !

Mme Christine Pires Beaune. L’opposition n’a pas cessé de réclamer un projet de loi de finances rectificative depuis le printemps. Eh bien, il est là et vous conviendrez aisément, mes chers collègues, que le fait de ne pas en avoir voté toute une série pendant cette année, comme vous aviez l’habitude de le faire quand vous étiez aux responsabilités, n’a pas provoqué de séisme, bien au contraire.

Souvenez-vous, mes chers collègues : à pareille époque, l’an passé, l’environnement économique était bien différent. La crise de l’euro sévissait encore, malgré toutes les réunions tenues pendant plusieurs années et supposées décisives, selon un ancien Président de la République. Elle est désormais résorbée et derrière nous, grâce à l’action du Président de la République et de l’Union monétaire.

À cela s’ajoutait une crise de la dette, avec une hausse de plus de 900 milliards d’euros en dix ans. L’ancienne majorité UMP n’est jamais parvenue à maîtriser la dette de notre pays qui a totalement explosé :  De 2002 à 2012, la droite a doublé la dette, rien que cela ! Un an après, les choses vont mieux et le déficit, s’il n’est pas encore conforme aux critères de Maastricht, est maîtrisé et a diminué de 15 milliards d’euros grâce à l’action du Président de la République et de sa majorité.

L’activité économique aussi a changé de tendance. L’an passé, nous devions gérer les effets de la récession, cette année nous devons mettre en place les outils pour accompagner la reprise de l’activité.

M. Alain Chrétien. Où cela ? En France ?

Mme Christine Pires Beaune. En effet depuis le printemps, la croissance est de retour et le Haut Conseil des finances publiques a validé nos prévisions de croissance de 0,1 % en 2013, de 0,9 % en 2014 et de 1,7 % en 2015. La reprise est certes fragile, mais elle est là et elle doit impérativement être consolidée. C’est ce à quoi nous nous employons avec ce projet de loi de finances rectificative pour 2013.

Parmi les outils proposés, le Gouvernement prévoit une réforme de l’assurance-vie, dont les encours s’élèvent à 1 400 milliards d’euros. Les contrats supérieurs à 500.000 euros sont détenus seulement par les 1 % de ménages les plus riches. Conformément aux préconisations de nos collègues Dominique Lefebvre et Karine Berger, un nouveau produit va être créé : les fonds « euro-croissance », qui permettront à un assuré de bénéficier d’une garantie du capital, à condition que celui-ci reste investi pendant au moins huit ans. Le régime fiscal de la transmission des contrats d’assurance-vie sera également réformé, afin d’inciter les gros patrimoines à contribuer davantage au financement des PME, du logement social et intermédiaire, et de l’économie sociale et solidaire.

Monsieur le ministre, vous nous proposez aussi une réforme du capital investissement d’entreprise. Là encore, l’objectif est de favoriser le financement de l’innovation en France, dans la foulée du plan gouvernemental pour l’innovation.

Mais le projet permet aussi de financer les dépenses impératives, au nombre desquelles je citerai l’hébergement d’urgence et l’aide médicale d’État. Ne stigmatisons pas ces dépenses. En France, l’hôpital public accueille tout malade, sans distinction de couleur ou de provenance. Nous devons en être collectivement fiers et, pour ceux qui dénoncent la dérive des crédits de l’aide médicale d’État, je souhaite rappeler, comme l’a fait le ministre avant moi, que plus on attend pour se faire soigner, plus cela coûte cher a la collectivité.

Nul besoin d’opposer les économies réalisées sur une mission pour en financer une autre : la méthode est dangereuse et alimente le plus détestable des populismes.

Nos travaux, en commission des finances, ont permis d’améliorer encore ce projet de loi. Monsieur le rapporteur et moi-même avons proposé un amendement, que la commission a adopté, visant à permettre aux foyers modestes qui détiennent un livret d’épargne populaire de le conserver. Le livret d’épargne populaire est un produit simple, disponible, rémunéré à 1,75 % et plafonné à 7 700 euros, ce qui, vous l’avouerez, est une somme modeste. Mais les personnes à qui ce livret s’adresse ont-elles les moyens d’épargner plus ? J’en doute. En revanche, nous avons le devoir de leur permettre de conserver ce livret.

Or, le gel du barème de l’impôt sur le revenu présente un effet collatéral très néfaste qui contraint de clôturer le livret pour quelques euros supplémentaires d’impôts payés. C’est ce que, par cet amendement, nous voulons corriger.

Je conclurai en citant Antoine de Saint-Exupéry : « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir mais de le rendre possible. » C’est exactement ce que nous faisons depuis le mois de juin 2012 en rétablissant nos comptes publics et un environnement économique favorable aux entreprises, permettant ainsi la création de richesses et, donc, d’emplois pour nos compatriotes.

Messieurs les ministres, je voterai ce PLFR pour 2013 et j’invite tous mes collègues à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est une bonne nouvelle.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour pour cinq minutes.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est quatre de trop !

M. Jean-François Lamour. Messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce collectif de fin d’année acte et confirme une situation extrêmement périlleuse sur le plan des finances publiques.

Les déficits continuent de filer, la dette d’augmenter et, phénomène particulièrement inquiétant souligné avec raison par le président de la commission des finances Gilles Carrez, le rendement de l’impôt – et des prélèvements obligatoires en général – diminue de façon préoccupante.

Budget après budget, nous nous éloignons de nos objectifs de redressement à tel point que le « zéro déficit » est devenu une sorte d’horizon chimérique sans cesse repoussé et désormais inatteignable sous cette législature.

Cette dégradation inexorable de nos comptes publics ne manquera pas d’avoir des conséquences sur les conditions auxquelles la France emprunte sur les marchés financiers. Vous anticipez vous-mêmes, messieurs les ministres, le renchérissement puisque vous demandez à la représentation nationale, dans ce même projet de loi, d’avancer d’un an la reprise de la dette de l’EPFR – vous savez, la fameuse affaire du Crédit Lyonnais – pour profiter de conditions de crédit favorables.

Certes, la déroute de nos déficits résulte d’une responsabilité collective qu’il ne faut pas imputer à telle ou telle majorité particulière mais à l’idée tenace, distillée pendant quarante ans au moins, selon laquelle l’argent est inépuisable et résoudra tout.

Soit dit en passant, le classement PISA de l’OCDE comparant les systèmes éducatifs vient d’infliger un cinglant démenti à la politique de ce gouvernement en mettant encore une fois en lumière la déconnexion entre l’augmentation exponentielle des moyens affectés à une politique publique et les résultats de cette dernière. Faire croire aux Français que le niveau scolaire repose uniquement sur le ratio élèves/enseignants, c’est mettre sous le tapis des problématiques telles que le déficit d’autorité et d’intégration, qui sont en vérité le grand échec de la gauche de gouvernement.

La différence entre vous et nous, chers collègues de la majorité, c’est que forts des leçons du passé, nous avions mis en œuvre sous la précédente législature des réformes structurelles dans plusieurs champs de l’action publique.

Prenez seulement la révision générale des politiques publiques, dont la modernisation de l’action publique, la MAP, n’est qu’un succédané privé de son principe actif qu’était le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Je vous renvoie aussi à la lecture d’un sondage paru ce jour montrant que les Français veulent plus d’économies et moins de fonctionnaires.

Ces réformes, vous les avez abandonnées, ces verrous, vous les avez fait sauter pour réenclencher la spirale infernale de la dépense.

Vous me permettrez de rappeler dans cet hémicycle les deux premières étapes de ce qui se révèle être un véritable « chemin de croix » budgétaire, dont vous faites porter le fardeau à l’ensemble de nos concitoyens.

Première étape, dans l’euphorie de la victoire, vous engagez, 20 milliards de dépenses supplémentaires qui nous lient pour toute la durée de la mandature.

Deuxième étape, incapables de respecter la trajectoire de baisse des déficits que vous aviez vous-mêmes fixée, vous faites porter l’essentiel de l’effort de redressement sur les prélèvements obligatoires, lesquels augmentent de 40 milliards sur deux exercices budgétaires.

Barème de l’impôt, quotient familial, taxe sur les retraites et maintenant TVA : oui, c’est vrai, François Hollande peut se targuer d’avoir lancé un concours mondial de l’innovation dans le domaine de la fiscalité dont les cobayes, malheureusement, ne sont autres que les ménages et les entreprises de notre pays.

M. Alain Fauré. Sornettes !

M. Jean-François Lamour. En résumé, messieurs les ministres, chers collègues, vos options sont impropres à restaurer notre souveraineté budgétaire et à redonner à notre économie, étouffée par des impôts et des taxes qui culminent à plus de 46 % du PIB, la respiration dont elle a absolument besoin.

Malgré les tentatives de diversion telle que votre fameuse réforme fiscale, malgré les écrans de fumée hâtivement jetés dans cet hémicycle dans l’espoir de masquer l’incurie d’une majorité aux abois, ce collectif budgétaire qui maintient notre déficit public à plus de 4 % du PIB signe l’échec d’un an et demi de politique socialiste.

Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Carole Delga.

Mme Carole Delga. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2013. Les collectifs budgétaires se présentent généralement sous la forme d’une compilation de mesures d’ajustement techniques. Le texte qui nous est aujourd’hui soumis est sensiblement différent pour deux raisons.

Tout d’abord, il s’inscrit dans la filiation directe des textes budgétaires que nous avons déjà votés depuis l’été 2012 et le retour de notre majorité au pouvoir. Il contribue ainsi à dessiner une trajectoire de long terme. Ensuite, il porte un certain nombre de mesures visant à renforcer notre économie. Pour notre majorité, la bataille pour le retour d’une croissance durable est un objectif de tous les jours. Chaque texte que nous examinons est l’occasion d’introduire de nouveaux outils pour y parvenir.

À partir de ce constat, je souhaiterais faire une remarque et attirer votre attention sur deux points sur lesquels nous devons être vigilants.

La remarque s’adresse tout particulièrement à mes collègues de l’opposition, qui sont peu nombreux.

M. Charles de Courson. Mais de qualité !

Mme Carole Delga. Ce projet de loi est le septième texte budgétaire que nous devons examiner depuis le début de la législature et confirme pleinement la dynamique engagée par notre majorité depuis 18 mois. C’est un travail de longue haleine tant nous partions de loin. Je sais bien que certains, du côté droit de l’hémicycle, voudraient que l’on oublie vite leur bilan, comme l’on cache la poussière sous les tapis.

M. Dominique Baert. On n’est pas près de l’oublier !

Mme Carole Delga. Il est d’ailleurs tout à fait surprenant que, dès que l’on parle de la situation des finances publiques, au sortir de leurs dix années de pouvoir, autant de collègues de droite demandent que du passé nous fassions table rase.

M. Julien Aubert. Oui, c’est notre côté communiste ! (Sourires)

Mme Carole Delga. Pour ma part, je pense justement que l’on n’a pas assez alerté nos concitoyens sur l’état dans lequel nous avons récupéré les finances de l’État.

M. Julien Aubert. Ce n’est pourtant pas faute de répéter cette antienne.

Mme Carole Delga. Oui, les déficits publics ont dérapé de façon inconséquente et la dette s’est envolée en augmentant de plus de 600 milliards en cinq ans. Voilà la réalité de votre bilan ! Notre retour aux affaires a permis d’arrêter la spirale infernale dans laquelle le pays a été entraîné sous les coups de politiques irresponsables favorisant les mieux nantis.

Ce collectif budgétaire le confirme une nouvelle fois : la croissance du PIB est de 0,1 %…

M. Charles de Courson. C’est considérable ! (Sourires)

Mme Carole Delga. …et le déficit public de 4,1 % alors qu’il était encore en 2011 de 5,3 %.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’était pire !

M. Julien Aubert. Avec vous, il suffit que ce ne soit pas pire pour que ce soit mieux !

Mme Carole Delga. La prévision de solde budgétaire pour 2013, dans le PLFR, est également identique à celle présentée dans le projet de loi de finances pour 2014 : un déficit de 71,9 milliards, soit, une amélioration de plus de 15 milliards par rapport à la loi de règlement de 2012. Le redressement est bien en marche.

M. Julien Aubert. Ah ! Ah !

Mme Carole Delga. Comme je l’ai déjà mentionné, ce PLFR introduit également une série de mesures diverses et variées qui consistent pour certaines en des corrections techniques, pour d’autres, en des dispositifs véritablement nouveaux afin de dynamiser notre économie. Je ne reviendrai pas sur les deux nouveaux produits d’assurance dont les brillants collègues qui m’ont précédée ont exposé toute la pertinence. Je rappellerai simplement que l’investissement dans l’Éducation nationale est tout à notre honneur car nous, nous faisons en sorte que l’école favorise la réussite de tous les enfants. Nous proposons une réforme qui n’est pas seulement quantitative mais qualitative.

Un député UMP. PISA !

Mme Carole Delga. Je vous rappelle que l’enquête PISA a été réalisée au printemps de 2012.

Je souhaiterais profiter du temps qu’il me reste pour vous alerter sur deux points du texte qui appellent selon moi notre vigilance.

Le premier concerne la réforme de la taxe d’apprentissage. Le PLFR instaure en effet une nouvelle taxe d’apprentissage, fusion de la taxe actuelle et de la contribution au développement de l’apprentissage et donne un rôle accru aux régions dans son affectation. Je tiens à saluer cette initiative qui contribuera à développer l’apprentissage et, ainsi, à lutter contre le chômage des jeunes. De plus, je considère que les régions sont aujourd’hui les mieux à même de piloter ces politiques en raison de leurs compétences propres et de leur connaissance du tissu local d’entreprises.

Le deuxième point sur lequel je souhaite vous interpeller, monsieur le ministre, a trait à l’article 13 de ce PLFR et concerne la mise en conformité de notre législation avec le droit européen en matière de circulation de tabac aux frontières.

Je sais que la France s’est d’ores et déjà conformée à la décision de la Cour de justice européenne du 14 mars dernier déclarant contraire à la libre circulation des marchandises deux articles du code des impôts limitant le nombre de cigarettes qu’un citoyen peut rapporter d’un autre pays de l’Union.

Je sais également que le ministère a immédiatement pris des mesures pour empêcher que cette décision ne constitue un appel d’air en adressant des indications précises aux agents des douanes.

Étant élue d’une circonscription frontalière avec l’Espagne, je tiens néanmoins à relayer les inquiétudes des buralistes de mon territoire ainsi que de tous ceux qui sont dans la même situation. En effet, la libéralisation de la circulation du tabac dans l’Union européenne a des conséquences très dommageables certes en termes de santé mais aussi en termes d’emploi et de vitalité économique pour les buralistes exerçant près d’une frontière.

Ce PLFR constitue un gage de retour à la croissance et donc à l’emploi afin de pouvoir offrir à nos concitoyens une République plus juste, plus solidaire, une République dans laquelle chaque enfant, quelle que soit son origine, dispose de la même égalité des chances et où les citoyens doivent pouvoir accéder aux services auxquels ils ont droit pour favoriser la vitalité économique, certes, mais également l’inclusion républicaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. C’est très bien, ce qu’elle a dit !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vive le Comminges !

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, dernier orateur inscrit.

M. Julien Aubert. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, messieurs les ministres, je ne reviens pas sur les querelles de bilan.

Mme Catherine Quéré. Ce ne serait pas à votre avantage !

M. Julien Aubert. Je trouve qu’il est un peu ridicule, alors que la situation financière est catastrophique, d’user d’arguments du genre : « Ma crise est plus importante que la vôtre » ou « Mon déficit est moins pire ». Ce n’est pas à votre honneur car si le principe de la responsabilité politique implique certes la critique des prédécesseurs, il consiste d’abord à s’occuper des temps présents. En l’occurrence, les Français ne manifestent guère d’intérêt pour l’archéologie. Je comprends qu’un tel cache-sexe vous permette d’éviter vos propres responsabilités mais je tenais néanmoins à souligner ce point en guise d’introduction.

Je souhaite concentrer mon intervention sur les recettes fiscales.

M. Cazeneuve a reconnu du bout des lèvres, le 17 novembre, un manque à gagner de 5,5 milliards. À la lecture du rapport qui nous a été distribué, nous nous sommes aperçus qu’il s’élève en réalité à 10,8 milliards.

S’agissant des recettes fiscales, le véritable trou est en fait au minimum 1,5 fois supérieur à celui annoncé et peut-être même 2,5 fois.

M. Dominique Baert. Ah ? Et pourquoi ?

M. Julien Aubert. Je vais vous dire pourquoi. Le premier péché du Gouvernement, dans le PLFI, avait été la surestimation de la croissance, travers partagé par les gouvernements de droite comme de gauche. Vous aviez prévu une croissance de 0,8 %, elle s’est élevée à 0,1 %. Vous n’avez pas écouté les instituts d’économie mais, après tout, vous n’étiez pas les premiers.

Le deuxième péché a été la sous-évaluation de la base 2012, comme vous l’avez d’ailleurs reconnu s’agissant de la TVA.

Le troisième péché a été la négativité de l’élasticité fiscale – en d’autres termes, les recettes fiscales ont moins augmenté que la croissance – alors que le Gouvernement prévoyait 1,2. Vous allez dire qu’il est difficile d’en expliquer les raisons, l’élasticité fiscale étant une sorte de boîte noire que l’on ne peut démonter que de façon ex-post. C’est bien l’inconvénient !

Toutefois, je me permets de souligner qu’en 2009, année pleine d’application du « paquet fiscal », l’élasticité des recettes fiscales avait été de 3,9…Je soumets cela à votre sagacité mais j’ai bel et bien l’impression que lorsque l’on baisse les impôts, les recettes et la croissance sont plus souvent au rendez-vous.

J’en reviens au trou de 11,2 milliards, chiffre qui d’ailleurs n’est pas tout à fait exact. L’impôt sur le revenu accuse une baisse de 3,1 milliards en raison de la diminution du prélèvement forfaitaire obligatoire.

M. Alain Fauré. On va vous acheter un boulier, ce sera plus facile !

M. Julien Aubert. Cela est tout même inquiétant sachant que vous avez procédé à la désindexation du barème et que des centaines de milliers de Français ont dès lors été imposables. Plus de Français paient et les recettes, à l’arrivée, sont moindres ! Le niveau moyen de l’impôt l’est donc tout autant.

La baisse de l’impôt sur les sociétés, quant à elle, n’est que de 3,8 milliards mais ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg car, en réalité, vous avez exceptionnellement récolté 2,2 milliards liés au contentieux de France-Télécom que vous ne retrouverez pas l’année prochaine. La véritable baisse de l’impôt sur les sociétés n’est donc pas de 3,8 milliards mais de sept milliards - ou plutôt 6 milliards

M. Alain Fauré. Vous savez tellement bien compter qu’on ne s’étonne pas que vous ayez fait 600 milliards de dettes !

Mme Catherine Quéré. Est-ce qu’il y en a qui suivent ?

M. Julien Aubert. Sur la TVA, le Gouvernement accuse un écart de 5,6 milliards d’euros, mais si l’on y regarde de plus près, on s’aperçoit que les remboursements et les dégrèvements, cette boîte noire, qui viennent réduire l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu et la TVA, ont chuté massivement de 8,4 milliards d’euros. En d’autres termes, si les remboursements et dégrèvements, qui sont liés à 80 % à la mécanique de l’impôt, puisque ce sont des restitutions d’excédents d’impôt sur les sociétés et sur la TVA, avaient été stables, vous auriez accusé une baisse supplémentaire de 8,4 milliards d’euros.

Sur les autres recettes fiscales nettes, le Gouvernement affiche une hausse de 1,3 milliard d’euros, mais c’est oublier que 3 milliards d’euros sont opportunément venus combler le trou, avec une baisse du coût des contentieux. Sans ces revenus exceptionnels, ces autres recettes fiscales nettes auraient baissé de 1,7 milliard d’euros.

Bref, lorsqu’on additionne tous les chiffres que je viens de vous donner, en laissant de côté les remboursements et dégrèvements, on constate une baisse d’environ 16 milliards d’euros. Lorsque vous avez établi votre projet de loi de finances, vous avez annoncé que vous récolteriez 10 milliards d’euros supplémentaires sur les ménages et 10 milliards d’euros supplémentaires sur les entreprises, or vous vous apercevez in fine que vous avez récolté 16 milliards d’euros de moins que les 20 milliards prévus. En d’autres termes, quand vous annoncez 20, vous récoltez 4 : il y a donc eu 75 % d’évaporation. Et encore, vous avez eu de la chance que ces remboursements et dégrèvements aient chuté et soient venus augmenter vos recettes. Sans cela, vous auriez eu, purement et simplement, une baisse de l’impôt.

Le résultat, le voici : les riches sont partis à l’étranger ; les pauvres, qui ne payaient pas d’impôts, en payent désormais…

M. Alain Fauré. Et les pauvres en arguments sont à la tribune !

M. Julien Aubert. …les classes moyennes font appel à des services à domicile pour favoriser le travail au noir ; et les professions libérales diminuent volontairement leur activité.

M. Dominique Baert. C’est Apocalypse now !

M. Michel Vergnier. Que de caricatures !

M. Julien Aubert. Mettant en garde les Britanniques, le Sun avait titré que si Neil Kinnock était élu, le dernier à quitter le pays devrait éteindre la lumière avant de sortir. Eh bien je crois qu’aujourd’hui les Français partagent véritablement le diagnostic du Sun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Fauré. Ce n’est pas « J’accuse ! », mais Vaucluse !

M. Dominique Baert. Ce n’est pas aux municipales que vous devriez vous présenter, mais au Caveau de la République !

M. le président. La discussion générale est close.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous avons fini en beauté !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je voudrais d’abord remercier l’ensemble des orateurs qui sont intervenus dans ce débat, à commencer par le rapporteur général et les orateurs de la majorité, Dominique Lefebvre, Laurent Grandguillaume, Christine Pires Beaune, Carole Delga, Eva Sas et Thierry Braillard. Je remercie bien sûr le rapporteur général pour son avis sur le projet de loi de finances rectificative, et je crois comme lui que le texte que nous vous soumettons avec Bernard Cazeneuve a toutes les raisons de rassurer le président Gilles Carrez. Je donnerai l’avis du Gouvernement sur les amendements lors de l’examen des différents articles adoptés en commission des finances. Mais, tout en remerciant à nouveau le rapporteur général, je veux lui dire que nous serons davantage attentifs, à l’avenir, aux délais de transmission des amendements. Je sais qu’il y est sensible et le Gouvernement a entendu sa remarque.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un engagement qui n’engage que vous !

M. Pierre Moscovici, ministre. Pour répondre à Gilles Carrez, je ne reviendrai pas sur ce que nous avons déjà dit, avec Bernard Cazeneuve, au sujet de l’élasticité des recettes fiscales et du tendanciel de dépenses. Je veux simplement noter par surcroît le satisfecit qu’il nous a donné sur les mesures de soutien à l’exportation. Il est important qu’il y ait un consensus sur ces questions, parce que le projet de loi de finances rectificative est conçu, je le rappelle, comme un soutien à la croissance. Il comporte des mesures fortes pour le financement des PME et des ETI, notamment à travers la réforme de l’assurance-vie, mais aussi les financements export. Il me semble évident que la représentation nationale tout entière se doit d’être au côté des entreprises françaises qui se battent pour leur propre compétitivité.

Dominique Lefebvre a noté que l’absence de collectif budgétaire en cours d’année a marqué un progrès par rapport aux pratiques des années précédentes. Je suis du même avis, et c’est tout à fait volontaire. Comme l’observait Gilles Carrez, nous en présentons tout de même un à la fin, mais c’est une nécessité. Il me semble qu’il n’est jamais arrivé, dans l’histoire budgétaire, qu’aucun collectif ne soit voté.

Mais nous avons évité la pratique, qui avait cours sur les bancs de la droite lorsqu’elle était majoritaire, des collectifs à répétition. J’assume tout à fait notre choix de ne pas en avoir fait cette année et de ne pas avoir répondu favorablement aux demandes de l’opposition, qui voulait que nous prenions des mesures additionnelles en cours d’année, au motif que les déficits budgétaires s’adaptaient à une croissance qui elle-même n’était pas au rendez-vous. Je dis au passage aux orateurs de l’opposition qu’ils ont quand même une singulière audace de nous reprocher la politique que nous avons menée au cours de l’année 2013. Je ne me lasserai pas d’évoquer l’héritage que nous avons trouvé…

M. Julien Aubert. C’est bien pratique !

M. Jean-François Lamour. L’argument commence à être un peu usé !

M. Pierre Moscovici, ministre. …parce que c’est lui qui pèse sur les finances publiques, aujourd’hui encore.

M. Julien Aubert. Il faut toujours un bouc émissaire !

M. Pierre Moscovici, ministre. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, les déficits structurels se baladaient autour de 4 %, alors que l’ensemble de la zone euro avait fait des efforts d’ajustements tout à fait significatifs ! Un ancien Premier ministre déclarait en 2008 – et il l’a encore répété ce matin – que le pays était en situation de faillite, et il laissait, quatre ans plus tard, 600 milliards d’euros de dette publique en plus…

M. Jean Launay. On s’en souvient !

M. Pierre Moscovici, ministre. Les déficits budgétaires en termes nominaux étaient supérieurs à 5 %, et aucune correction n’avait été apportée en 2012. Si nous n’avions pas agi, le déficit représenterait toujours 5,3 % du PIB.

M. Julien Aubert. Il y a juste eu une crise !

M. Pierre Moscovici, ministre. Oui, il y a une crise, monsieur Aubert, et c’est d’ailleurs à vous que je m’adressais, vous qui avez fait une intervention au style assez inimitable…

M. Michel Vergnier. Caricatural !

M. Pierre Moscovici, ministre. …que je ne m’efforcerai donc pas d’imiter : je vous le laisse bien volontiers. Si nous sommes dans cette situation, c’est bien parce que vous n’avez pas du tout amélioré la situation de nos finances publiques.

Puisque les déficits structurels devaient être réduits de 4 points entre 2010 et 2013 et qu’ils ne l’ont été que de 1,5 point en deux ans et demi, il revient à notre gouvernement, celui que nous représentons, de procéder à l’essentiel de l’ajustement, et de surcroît dans une année de croissance faible. Cela mérite autre chose que les arguments extraordinairement limités que vous apportez.

Pour en revenir à l’intervention de M. Dominique Lefebvre, si nous avions dû adopter en cours d’année le collectif que nous suggérait la droite, nous aurions dû faire des hausses d’impôt et des baisses de dépenses : c’est ce qu’on appelle un plan de rigueur. Nous aurions alors précipité l’économie dans la récession.

Nous avons choisi, de manière tout à fait délibérée, de poursuivre la réduction des déficits, tout en négociant avec la Commission européenne un délai pour revenir en deçà des 3 %. Nous avons également mis en balance de façon adéquate la consolidation budgétaire, ou réduction des déficits, qui est toujours nécessaire, le désendettement, qui est indispensable, le maintien de la crédibilité de notre note, dont nous pouvons tous être fiers et satisfaits, et le soutien à la croissance.

Le fait d’avoir laissé jouer, au moins partiellement, les stabilisateurs automatiques face à la dégradation de la conjoncture, a été déterminant dans le début de reprise que nous avons observé au printemps 2013, et qui en réalité se faisait attendre depuis plus de deux ans. Nous assumons tout à fait cela.

Je remercie également Dominique Lefebvre d’avoir rappelé que la réforme de l’assurance-vie, présentée dans le projet de loi de finances rectificative, emprunte beaucoup au rapport qu’il a réalisé avec Karine Berger. Il va de soi que nous n’avons pas repris littéralement les conclusions du rapport, mais sur le point essentiel du contrat euro-croissance, nous nous en sommes très directement inspirés. S’agissant de la transmission, si nous n’avons pas repris leur proposition, nous nous inscrivons bien, néanmoins, dans le même esprit.

Monsieur de Courson, vous avez, paraît-il, et c’est une grande nouvelle, découvert les inégalités ! Je regrette de ne pas avoir été présent à ce moment-là, car j’en aurais été heureux.

M. Charles de Courson. Vous m’avez fort mal écouté depuis vingt ans !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous vous en souciez enfin ! Faut-il rappeler à cet égard que les deux dernières années du quinquennat de Nicolas Sarkozy ont été des années de fort creusement des inégalités en France, et ce aux deux extrémités de l’échelle des niveaux de vie ? En 2011, notamment, la fracture s’est aggravée : les niveaux de vie ont augmenté pour la partie la plus aisée de la population et ont reculé pour la moitié la plus modeste. Ce n’est pas là l’esprit qui a inspiré notre politique fiscale, vous le savez.

Cela me permet de faire une transition avec l’intervention de M. Nicolas Sansu, à qui je veux répéter pour la énième fois – mais il le sait très bien – que ce gouvernement ne mène pas une politique d’austérité.

M. Julien Aubert. Mais de rigueur !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous menons une politique sérieuse, et c’est une nécessité. Nul ne peut considérer, à gauche, que l’endettement est une panacée. Une économie qui s’endette, c’est une économie qui s’affaiblit. Un euro consacré à la dette publique, c’est un euro en moins pour le service public, pour l’hôpital, pour l’éducation ; c’est un euro en moins pour l’emploi, un euro en moins pour la compétitivité, un euro en moins pour les entreprises de votre circonscription, un euro en moins pour le territoire dont vous avez la responsabilité.

Le sérieux, ce n’est pas l’austérité. Nous finançons nos priorités pour l’avenir, qui sont, je le rappelle, l’éducation, la sécurité et la justice. Nous finançons les politiques pour l’emploi, et nous le faisons sans la moindre honte. Nous n’avons pas à avoir l’emploi aidé honteux, quand des populations, notamment les jeunes, se trouvent éloignées de l’emploi. Il importe de mettre en œuvre des dispositifs spécifiques, comme nous le faisons : ils s’appellent emplois d’avenir ou contrats de génération et permettent de trouver une formation, une qualification et d’entrer sur le marché du travail. Nous ne perdons pas de vue, cela va de soi, notre objectif de justice fiscale…

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela faisait longtemps !

M. Charles de Courson. Bravo !

M. Pierre Moscovici, ministre. …puisque les hausses d’impôts que nous avons faites, et qui étaient rendues obligatoires par votre impéritie…(Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Julien Aubert. Vous êtes le contraire de la justice fiscale ! Vous êtes des bourreaux fiscaux !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je ne cesserai de rappeler que les hausses d’impôts sont prioritairement ciblées sur les plus favorisés. Les couches moyennes ont été associées à l’effort, mais nous avons pris des mesures fortes pour soutenir leur pouvoir d’achat, comme la décote ou l’indexation du barème, ainsi que toute une série de mesures, notamment sur les dépenses dites contraintes, comme le gaz ou l’électricité. J’ajouterai également les cours du prix du pétrole, et du diesel notamment.

M. Charles de Courson. On n’a jamais vu un gouvernement aussi antisocial !

M. Pierre Moscovici, ministre. Mme Eva Sas a salué la réforme fiscale, fondée sur trois principes : la lisibilité, la justice sociale et l’efficacité écologique. Avec Bernard Cazeneuve, nous partageons cette vision et nous y ajoutons des objectifs de simplicité de l’impôt, de stabilité des règles fiscales et de simplification et d’amélioration de la relation entre l’administration fiscale et le contribuable, l’usager, le citoyen et l’entreprise.

M. Thierry Braillard a noté la priorité que nous accordons à la croissance et à l’emploi. Il a salué ce collectif sans hausses d’impôt comme une bonne nouvelle, mais a marqué quelques réserves par rapport au CICE, lequel, pense-t-il, a quelque peu manqué sa cible. Ce n’est pas mon avis et je ne crois pas que ce soit la vérité.

En vérité…

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous détenez la vérité à vous tout seul ? Cela me rappelle : « Je suis la vérité, je suis la vie. »

M. Pierre Moscovici, ministre. …il s’agit de viser à la fois la compétitivité et l’emploi, l’industrie et les services, les services étant d’ailleurs le plus souvent associés à l’industrie : il n’y a pas d’industries sans services associés. Je rappelle, par ailleurs, que l’industrie représente 13 % de la valeur ajoutée du pays et 20 % du CICE : c’est dire si ce crédit est ciblé sur l’industrie, avec de surcroît des effets indirects via les services, à hauteur de 30 %.

Mme Pécresse a fait preuve, une fois encore, de déclinisme, de pessimisme et d’une tendance au dénigrement, résumant bien, en cela, l’attitude de la droite aujourd’hui.

Mme Marie-Christine Dalloz. Déclinisme ?

M. Julien Aubert. Dites plutôt réalisme !

M. Pierre Moscovici, ministre. Elle a voulu démontrer que la France ne décrochait pas. C’est un disque rayé, monsieur Carrez, monsieur de Courson, que vous pouvez jouer inlassablement, mais qui ne correspond pas à la réalité.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Mme Pécresse incarne la jeunesse et le dynamisme !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous incarnons tous, chacun à notre tour, la jeunesse et le dynamisme, monsieur Carrez. Mais si je regarde les chiffres depuis mai 2012, je note qu’en termes de croissance, la moyenne depuis le troisième trimestre de 2012 est de 0,1 % pour la France, de - 0,1 % pour la zone euro…

M. Julien Aubert. Prenez les sondages !

M. Pierre Moscovici, ministre. Franchement, les sondages ne sont pas la meilleure mesure d’une activité économique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais les sondages sont le reflet de l’optimisme des Français !

M. Pierre Moscovici, ministre. Si vous voulez vraiment faire intervenir l’Ifop, la Sofres et le CSA ici, il est vrai que nous aurons un tout autre débat sur la loi de finances…

J’en reviens à mes chiffres : 0,1 % pour la France, - 0,1 % pour la zone euro, 0,2 % pour l’Allemagne, - 0,5 % pour l’Italie, - 0,3 % pour l’Espagne, 0,4 % pour le Royaume-Uni. Que nous indiquent ces chiffres ? Cela indique que l’Europe dans son entier, et notamment la zone euro, est plongée dans cette crise que nous traversons. Mais la France résiste plutôt mieux que d’autres, et encore une fois, arrêtez de dénigrer votre propre pays !

M. Jean-François Lamour. Vous avez fait de très mauvais choix, et nous sommes à la traîne !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous ne sommes pas à la traîne. Et au jeu des comparaisons, puisque vous aimez cela monsieur Lamour, je revendique pour ma part que nous ayons fait plus d’économies que vous, que nous ayons plus fait pour la compétitivité que vous, que nous ayons fait plus de réformes structurelles que vous, et que la transformation du pays soit en cours !

M. Julien Aubert. Quelle transformation du pays ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je remercie M. Grandguillaume d’avoir souligné la dimension économique du PLFR, et notamment le choc de simplification qui est évidemment très important pour nous.

M. Censi a dénoncé l’absence de réformes structurelles. Faut-il lui rappeler le pacte de compétitivité et ses trente-cinq mesures tirées du rapport Gallois, le CICE, tout ce qui a été fait en matière de financement de l’économie : la création de Bpifrance, la loi bancaire, le PEA-PME qui était attendu depuis des années par les PME, la réforme de l’assurance-vie qui vous est soumise aujourd’hui, la réforme des retraites, les PIA et ses 12 milliards dont 50 % sont consacrés à l’écologie ? Faut-il encore lui rappeler, en matière d’emploi, les emplois d’avenir, le contrat de génération, la loi sur la sécurisation de l’emploi, reconnue partout et y compris en Europe comme étant la plus importante réforme du marché du travail faite dans ce pays depuis quarante ans ?

M. Jean-François Lamour. Comment vont les chevilles ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Faut-il rappeler les chantiers en cours, notamment pour réaliser des économies : la modernisation de l’action publique, la formation professionnelle, la simplification ?

M. Jean-François Lamour. Vous avez fait tout cela en un an et demi ?

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est tout cela qui se trouve retracé dans le projet de loi de finances rectificative que nous vous présentons.

Je donnerai à Mme Delga la réponse qu’elle attend sur le point particulier qu’elle a soulevé.

Encore une fois, je remercie tous les orateurs de leur participation à cette discussion générale. Nous allons maintenant aborder la discussion des articles. Je pense sincèrement que nous avons démontré ici que notre démarche est tournée vers la croissance et l’emploi, que c’est une démarche sérieuse qui n’a rien à voir avec l’austérité, et qu’elle accompagne des réformes et mérite d’être soutenue dans la durée.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je souhaite intervenir rapidement pour donner quelques précisions aux orateurs qui sont intervenus lors de la discussion générale, notamment à propos de deux points qui ont été évoqués par le président de la commission des finances.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y en a bien besoin !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agit des mauvais résultats que nous aurions obtenus dans l’exécution du budget 2013, sous prétexte qu’il faudrait comparer le budget exécuté 2012 et le budget exécuté 2013 et que c’est ainsi qu’il faudrait toujours raisonner. À cette aune, les résultats obtenus cette année seraient très dégradés par rapport aux efforts considérables qui ont été faits les années précédentes.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Entre 2011 et 2012, nous avons enregistré une baisse de 300 millions d’euros !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si vous le permettez, je vais donner des chiffres, monsieur le président de la commission. Entre l’exécuté 2007 et l’exécuté 2008 : augmentation de 11 milliards. Entre l’exécuté 2008 et l’exécuté 2009 : augmentation de 1,4 milliard. Entre l’exécuté 2009 et l’exécuté 2010 : augmentation de 4,5 milliards. Enfin, entre l’exécuté 2010 et l’exécuté 2011 : augmentation de 5 milliards. Sur la période allant de 2008 à 2011, cela représente en moyenne une hausse de 5,5 milliards par an.

Avec des performances de cette nature, vous êtes parfaitement fondés à nous expliquer comment il faut faire pour ne pas suivre votre exemple !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Justement, nous sommes bien conscients du problème !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les chiffres sont incontestables.

M. Julien Aubert. Vous ne faites pas mieux que nous !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous sommes très loin de ces résultats, et je vais vous dire pourquoi, monsieur le président de la commission des finances. J’imagine que je serais tout à fait incapable de retrouver dans le compte rendu des débats de l’Assemblée nationale des discours du rapporteur général du budget de l’époque…

M. Julien Aubert. Du brillant rapporteur général !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Brillant, bien sûr, ainsi qu’efficace et compétent.

Mme Sandrine Mazetier. Brillant, c’est vrai.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais je serais en peine de trouver des discours s’indignant de tous ces dérapages occasionnés par la mauvaise gestion des gouvernements qu’il soutenait à l’époque !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le rapporteur général n’était pas brillant, il était très inquiet !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je suis sûr que nous ne trouverions pas de tels discours.

Un second argument consiste à dire qu’il ne faut pas comparer l’exécuté 2013 au budget 2012.

Ce raisonnement connaît deux limites. La première est que vous aviez procédé à une correction de la trajectoire de finances publiques en loi de finances au mois de mars parce que vous vous rendiez bien compte qu’elle ne tenait pas la route. Mais surtout, lorsque nous sommes arrivés en situation de responsabilité, nous avons dû demander un audit de la Cour des comptes et geler 2 milliards d’euros pour nous assurer que la trajectoire de finances publiques dans laquelle vous aviez engagé le pays en 2012 serait respectée, et que nos engagements européens ne déraperaient pas.

C’est parce que nous avons pris ces engagements-là que nous avons parfaitement réussi à tenir la dépense. Nous avons exécuté la dépense 2012 dans des conditions exemplaires après les mesures que nous avons prises.

Cela relativise beaucoup les propos enflammés, indignés, inquiets, angoissés qui ont été tenus par les orateurs de l’opposition sur ce que nous faisons. Je pense qu’il y a beaucoup de politique dans cette prise de position, et peu de chose ayant à voir avec les chiffres du budget qui devraient nous inspirer.

M. Julien Aubert, rapporteur. Désolé d’exister !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mais vous avez raison de faire de la politique, permettez-moi simplement de le faire remarquer !

M. Philippe Vigier. C’est ce que vous faisiez aussi !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je crois qu’il est très important, compte tenu de la situation du pays, que nous soyons capables d’essayer d’avancer ensemble pour le redressement, et que nous le fassions avec moins de politique et plus de rigueur.

M. Philippe Vigier. Mais dès que nous faisons des propositions, elles sont balayées !

Avant la première partie

Article liminaire

(L’article liminaire est adopté.)

Première partie

M. le président. Nous abordons l’examen de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2013.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, inscrit sur l’article.

M. Charles de Courson. Je souhaite répondre à M. Moscovici. S’il avait été là lorsque j’ai parlé, cela lui aurait permis de ne pas dire de choses inexactes sur les propos que j’ai tenus.

Monsieur Moscovici, vous menez une politique fiscale injuste, et une partie de votre majorité le reconnaît. Vous avez supprimé les exonérations d’impôts sur le revenu et de cotisations sur les heures supplémentaires.

M. Jean-Pierre Vigier. Même le porte-parole du parti socialiste l’a dit !

M. Dominique Baert. C’est pourtant la meilleure idée que nous ayons eue !

M. Charles de Courson. L’année prochaine, vous intégrez dans le barème de l’impôt sur le revenu les majorations pour pensions, ce qui va être dramatique pour plus de 3 millions de familles. Vous n’allez pas expliquer que ce sont des mesures justes !

Vous savez que je fus l’un des premiers à critiquer le bouclier fiscal,…

M. Alain Fauré. mais vous l’avez voté !

M. Charles de Courson. …alors ne tenez pas de tels propos à mon égard, parce que moi, je ne change pas d’opinion selon que je me trouve dans la majorité ou dans l’opposition.

Monsieur Cazeneuve, vous nous avez cité les chiffres d’augmentation des dépenses du budget de l’État. Vous auriez aussi pu citer les dépenses des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale, cela aurait été encore plus parlant, puisque je n’ai cessé de dire que nous dépensions beaucoup trop. Si l’on retient les trois dernières années, le chiffre est de 10,9 milliards, ce qui divisé par trois donne 3,6 milliards. Vous, vous êtes à 2,4 milliards.

Cela justifie la critique de l’opposition : alors que nous connaissons une croissance quasi nulle, augmenter encore les dépenses de 2,4 milliards sur le budget de l’État, auxquelles il faut ajouter celles de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales, c’est beaucoup trop. On ne peut pas redresser les finances publiques avec de telles hausses. Voilà ce que je dis très simplement. Et comme je l’ai toujours dit, tant dans la majorité que dans l’opposition, on ne me prendra pas en défaut.

M. Michel Vergnier. Mais vous avez toujours voté avec le Gouvernement lorsque vous étiez dans la majorité !

M. Charles de Courson. Votre intervention montre que vous n’êtes pas du tout au courant : j’ai voté deux fois contre des budgets, et je me suis abstenu une fois.

M. Michel Vergnier. Dites-nous quand !

M. Charles de Courson. Si un jour vous votez contre un budget lorsque vous êtes dans la majorité, vous viendrez me voir, et nous verrons alors si vous avez du courage !

(L’article 1er est adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n389 rectifié.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’objet de cet amendement est un ajustement des fractions de TICPE affectées aux départements et régions au titre des compétences décentralisées et au titre des charges additionnelles qui leur incombent suite à des décisions de l’État.

M. le président. la parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. C’est un amendement traditionnel en loi de finances rectificative. J’appelle l’attention de l’Assemblée sur les compensations allouées aux régions au titre de l’obligation de formation aux gestes et soins d’urgence d’une douzaine de professions paramédicales. À la suite d’un jugement du tribunal administratif de Paris, le Gouvernement est contraint de procéder à un ajustement au titre de 2010 à 2012 pour intégrer le coût salarial des formateurs. Le surcoût pour l’État, heureusement ponctuel, atteint tout de même 20,453 millions d’euros.

La commission ad hoc du comité des finances locales a donné un avis favorable à cette répartition. Avis favorable.

(L’amendement n389 rectifié est adopté.)

Article 2 et état A

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n453.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cet amendement est essentiellement de nature technique. Il a pour objet de tirer les conséquences sur l’équilibre budgétaire et le tableau de financement des votes intervenus en première partie, et par anticipation, des amendements déposés par le Gouvernement en seconde partie.

Les recettes fiscales nettes de l’État sont minorées de 31 millions d’euros afin de tirer les conséquences des transferts de compétences et de services aux collectivités territoriales. Les prélèvements sur recettes en faveur des collectivités territoriales sont également majorés de 134 000 euros. Il s’agit de prendre en compte les dernières données disponibles en matière de dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle.

Les recettes du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » sont majorées de 900 millions d’euros pour tenir compte de la vente d’actions Safran en novembre dernier. Ces crédits seront probablement reportés.

S’agissant des dépenses, les ajustements apportés sont très limités. Ce sont uniquement les conséquences de certaines évolutions de recettes que je viens de vous décrire. Les dépenses du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » sont majorées de 900 millions d’euros, c’est l’effet miroir de ce qui vient de vous être présenté en recettes. D’autre part, les dépenses du budget général sont réduites de 1,7 million d’euros pour tenir compte des transferts de compétences et de services aux départements et régions.

Il résulte de l’ensemble de ces ajustements une hausse du déficit budgétaire de 29,5 millions d’euros. Par rapport au projet de loi de finances rectificatif, le déficit prévisionnel pour 2013 s’élève donc à 71,9 milliards, globalement inchangé. Il n’y a donc pas lieu de modifier l’article liminaire en conséquence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’élément principal me semble être la vente de participations dans Safran pour 900 millions d’euros. Ces crédits seraient reportés et probablement consacrés, pour partie, à une tranche supplémentaire d’augmentation de capital dans BPI. Avis favorable.

(L’amendement n453 est adopté et les amendements nos 3 et 13 tombent.)

(L’article 2 et l’état A, modifiés, sont adoptés.)

Vote sur l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2013

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2013.

(L’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2013 est adopté.)

Seconde partie

M. le président. Nous abordons l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances rectificative pour 2013.

Article 3 et état B

M. le président. À l’article 3 et l’état B, je suis saisi par le Gouvernement d’une série d’amendements.

La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n412.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai conjointement tous les amendements du Gouvernement à l’article 3.

M. le président. Je vous en prie monsieur le ministre. Vous avez donc la parole pour présenter également les amendements nos 411, 413 deuxième rectification, 414 deuxième rectification, 415 deuxième rectification, 430, 416, 417, 418, 419, 420, 421, 422, 423, 424, 425, 426 et 427.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agit là, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, d’amendements essentiellement techniques et c’est d’ailleurs pourquoi je mentionnerai également les amendements déposés à l’article 5.

Ils ont pour objet, en premier lieu, de tirer les conséquences sur les crédits budgétaires des compensations versées aux collectivités territoriales en vertu des compétences décentralisées. En effet, ces compétences sont compensées sous forme de TICPE. Ainsi, les crédits de la mission « Agriculture » sont réduits de 6 000 euros, les crédits de la mission « Culture » sont réduits de 3,8 millions d’euros, et les crédits de la mission « Relation avec les collectivités territoriales » sont majorés de 2,2 millions d’euros.

Il est également proposé de corriger une erreur matérielle : 14 millions d’euros d’autorisations d’engagement additionnels sont ainsi nécessaires afin d’honorer les compensations d’exonérations sociales prévues d’ici la fin de l’année sur les dispositifs d’intervention outre-mer.

Le Gouvernement souhaite par ailleurs amender son projet de loi afin de donner un nouvel élan aux emplois francs en faveur des jeunes de certains quartiers. Il est ainsi proposé de majorer les crédits de la mission « Égalité des territoires » de 2,3 millions d’euros, afin de permettre la poursuite de l’expérimentation à ce titre – 800 emplois sont concernés.

Il est également proposé de maintenir les moyens du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, qui soutient les radios associatives. Les annulations de crédits au programme « Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique » de la mission « Médias, livres et industries culturelles » sont minorées de 600 000 euros et déplacés sur un autre programme de la même mission.

Enfin, à la demande de votre commission des finances, il est procédé à des réimputations de crédits, qui concernent dix-sept missions – je ne les énumérerai pas.

S’agissant des amendements suivants à l’article 5, un premier amendement du Gouvernement vise à corriger une erreur matérielle qui a conduit à prévoir des mouvements de crédits hors taxe sur le compte d’avance à l’audiovisuel public, alors que ces mouvements devaient être retracés toutes taxes comprises. Un deuxième amendement vise à tirer les conséquences sur les crédits du compte d’affectation spécial « Participations financières de l’État » de la vente d’actions Safran en novembre dernier. La vente de ces actions a rapporté 900 millions d’euros à l’État. Ces crédits seront reportés sur l’exercice 2014.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes dans la discussion de l’article 3 et de l’état B, vous ne pouvez donc pas présenter les amendements ayant un impact sur les comptes d’affectation spéciale, qui sont décrits par l’état D annexé à l’article 5 !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’ai dit, madame Dalloz, que je présenterai dans le même temps les amendements du Gouvernement aux articles 3 et 5.

M. Dominique Lefebvre. Mme Dalloz n’écoute pas !

M. Gérard Terrier. Elle est bien dissipée !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne crois pas que vous ayez alors manifesté d’opposition.

M. le président. Je vous en prie, monsieur le ministre, poursuivez.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Enfin, un troisième amendement vise à débloquer 70 millions d’euros d’autorisations d’engagement sur le compte de concours financier « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » afin de permettre la couverture de crédits de paiement actuellement disponibles sur ce compte.

M. Hervé Mariton. On n’a pas tout compris, monsieur le ministre. Pourriez-vous répéter ? (Sourires.)

M. Michel Vergnier. Allons ! Ce sont des amendements de bon sens !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements à l’article 3 ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Certains de ces amendements tirent les conséquences de décisions précédentes, comme l’a rappelé M. le ministre du budget. Pour les autres amendements, je ne les aurai pas mieux décrits que M. le ministre. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai une question à poser au Gouvernement concernant l’amendement n420. Si j’ai bien compris, monsieur le ministre, vous proposez par cet amendement, de dégeler 600 000 euros sur le programme « Contribution à l’audiovisuel et à la diversité radiophonique », consacré à ce que l’on appelait les « radios libres », et de réduire de 600 000 euros les crédits du programme « Livres et industries culturelles ». Est-ce à dire que tout cela sera distribué avant la fin de l’année ?

Comme le rappelle l’exposé sommaire de cet amendement, le financement de l’État représente environ 40 % des recettes des radios libres. Cette subvention sera-t-elle donc bien maintenue et versée intégralement en 2013 ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur de Courson, comme Mme la ministre de la culture l’a annoncé, il s’agit d’abonder le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale avant la fin de l’année 2013. Tel est l’objet de cet amendement, qui représente 600 000 euros.

(Les amendements nos 412, 411, 413 deuxième rectification, 414 deuxième rectification, 415 deuxième rectification, 430, 416, 417, 418, 419, 420, 421, 422, 423, 424, 425, 426 et 427 sont successivement adoptés.)

(L’article 3 et l’état B, modifiés, sont adoptés.)

Article 4 et état C

(L’article 4 et l’état C sont adoptés.)

Article 5 et état D

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n191.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L’amendement n191, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Les amendements nos 429, 428 et 450 ont été présentés par M. le ministre du budget.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Messieurs les ministres, je souhaite revenir, à l’occasion de l’examen de ces amendements, sur l’opération en capital de 900 000 millions d’euros faisant suite à la vente d’actions Safran. Vous avez annoncé il y a quelques mois, monsieur le ministre de l’économie, la formalisation d’une doctrine sur les cessions de participations de l’État. Un certain nombre d’éléments m’ont probablement échappé, mais je n’ai pas perçu la conclusion de la réflexion que vous avez ouverte. S’il est important que l’État mène une politique active de cession de participations, il est également important que le cadre de cette politique soit défini et porté à la connaissance de la représentation nationale. Aujourd’hui, puisque vous n’avez donné que des éléments d’ordre très général, le Gouvernement peut-il nous préciser quelle est l’ambition de sa politique de cession de participations de l’État, et dans quel cadre il souhaite la circonscrire ?

M. Cazeneuve a évoqué tout à l’heure le produit de la cession d’actions Safran, qui représente 900 millions d’euros : ce ne sont pas des enjeux insignifiants ! Je pense qu’au moment de voter cet amendement, M. le ministre de l’Économie pourrait donc nous préciser ses intentions – qui me paraissent a priori tout à fait pertinentes – pour donner un cadre plus ambitieux et mieux structuré à la politique de cession de participations de l’État. On ne peut raisonnablement pas se contenter des quelques propos assez généraux qu’il a tenus à ce sujet.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire aujourd’hui quelles sont les ambitions du Gouvernement en la matière, et quelle sera sa manière de faire ? Quelle sera la gouvernance des cessions de participations de l’État ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Le travail de formulation de cette doctrine n’est pas achevé. Le commissaire aux participations de l’État et directeur général de l’Agence des participations de l’État, David Azéma, a remis à Arnaud Montebourg et à moi-même un rapport contenant des propositions extrêmement précises qui seront examinées dans les semaines qui viennent. Nous avons déjà présenté ensemble une communication conjointe au Conseil des ministres. Je soulignerai simplement trois points.

Le premier point concerne la gouvernance des entreprises elles-mêmes, notamment la question de la rémunération des dirigeants d’entreprises publiques. Comme vous le savez, le Gouvernement a agi très tôt pour respecter l’engagement du Président de la République de réduire l’écart des salaires dans le secteur public, et de faire en sorte que les rémunérations des dirigeants soient inférieures à 450 000 euros. L’ensemble des dirigeants d’entreprises publiques s’y est conformé. Cette exigence d’ordre éthique rejoint des éléments évoqués la semaine dernière à propos d’entreprises privées qui, dans un contexte de crise, rencontrent des difficultés et bénéficient d’aides de l’État.

Le deuxième point a trait au fait que nous avons déjà procédé à un certain nombre d’opérations de cession de titres, qui ont toutes été des succès. Elles ont permis d’assurer des rentrées d’argent dans les caisses de l’État, dans le compte d’affectation spéciale ad hoc. À chaque fois, qu’il s’agisse de Safran, d’EADS ou d’Aéroports de Paris, ces opérations ont été réalisées dans le même esprit, avec la même philosophie : ne pas dégrader la portée stratégique du capital détenu par l’État. Croyez bien que nous nous inspirerons toujours de ce principe : nous ne sommes pas engagés dans une politique de privatisation, mais dans une politique de gestion intelligente des actifs de l’État pour nourrir l’investissement et pour valoriser ce patrimoine, sans renoncer en quoi que ce soit au contrôle stratégique de l’État. Il n’entre pas dans nos projets de procéder à des privatisations, comme d’autres gouvernements l’ont fait par le passé.

Enfin, troisième point, ce qui est en cours d’examen concerne précisément la gouvernance. Nous voulons la rendre plus claire, plus transparente : c’est l’objet des propositions du rapport Azéma. Ces propositions trouveront très vite une concrétisation, que je viendrai bien sûr présenter à la représentation nationale qui a droit à la transparence en la matière, car il s’agit du patrimoine de l’État, donc du patrimoine de chacun.

(Les amendements nos 429, 428 et 450 sont successivement adoptés.)

(L’article 5 et l’état D, modifiés, sont adoptés.)

Après l’article 5

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n431.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le présent amendement vise à réduire d’un équivalent temps plein travaillé le plafond d’emplois du ministère de l’agriculture et, partant, celui de l’État, pour l’année 2013. C’est la conséquence mécanique, pour ce ministère, des dernières évolutions en matière de transfert de compétences aux collectivités territoriales.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un ajustement mineur, qui ne pose aucun problème. Avis favorable.

(L’amendement n431 est adopté.)

Article 6

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n29.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, cet amendement vise à refuser la ratification du décret d’avance pris le 27 septembre dernier. En effet, ce dépassement de crédits n’appelle pas un simple constat, mais une vraie réforme. Nous ne pouvons pas simplement subir ces avances sans nous interroger sur ce qu’elles révèlent. Des réformes étant conduites au titre de la modernisation de l’action publique, la MAP, ce sujet mériterait vraiment d’être traité dans ce cadre, de façon prioritaire.

De quoi s’agit-il ? 275 millions d’euros ont été inscrits sur le programme 177 dans la loi de finance initiale pour 2013 afin de financer les places en centre d’hébergement d’urgence. Cela représente une augmentation de près de 15 % par rapport à la loi de finances pour 2012. Que constate-t-on en fin d’année ? Un dépassement de crédits de près de 200 millions d’euros. Les dépenses d’hébergement d’urgence atteindront donc près de 460 millions d’euros. Cela n’est plus possible ! En effet, vous devez être bien conscients, messieurs les ministres, qu’en contrepartie d’un tel dérapage, ce sont 200 millions de crédits d’investissements qu’on est conduit à annuler sur le programme « Infrastructures et services de transports ».

Mme Marie-Christine Dalloz. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. M. le ministre de l’intérieur a indiqué qu’il était prêt à prendre à bras-le-corps la réforme du droit d’asile. La question de la durée des délais d’instruction en matière d’asile est en effet une des questions sous-jacentes à cette augmentation de dépenses.

M. Jean-François Lamour. La durée de traitement des dossiers de demande d’asile est une vraie question.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’appelle donc l’attention sur le fait que si l’on n’agit pas rapidement, les mêmes causes produiront les mêmes effets en 2014. Cet amendement est ainsi un amendement d’appel, pour vous inciter à agir. Le Gouvernement est prêt nous dit-on à prendre ses responsabilités et à engager des réformes dites de structure. Il s’agit là d’une des réformes de structure qu’il convient de mener.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur le président de la commission, vous avez raison. C’est en effet depuis 2005 que les dépenses d’hébergement d’urgence ont été régulièrement sous-budgétisées.

M. Philippe Vigier. C’est vrai.

Mme Sandrine Mazetier. Tous les ans !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez rappelé les décisions prises en loi de finances rectificative de novembre 2012, mais je rappelle qu’en loi de finances initiale pour 2013, la dotation initiale a été rebasée à 275 millions d’euros. Le 21 janvier 2013, le plan de lutte contre la pauvreté a nécessité 107 millions d’euros et sa mise en œuvre a été proposée par le deuxième décret d’avance. Dans le projet de loi de finances pour 2014, le rebasage a été de 113 millions d’euros par rapport à la loi de finances 2013.

En outre, la ministre Mme Duflot a, le 21 novembre, annoncé son plan pour améliorer la gestion des besoins au titre de l’hébergement d’urgence dont les principes sont les suivants : premièrement, ne plus lier l’ouverture des capacités temporaires de mise à l’abri à la seule chute des températures durant l’hiver, mais mettre à disposition ces places quelle que soit la saison en fonction de situations exceptionnelles ; deuxièmement, limiter le recours aux nuitées d’hôtel, en particulier dans les zones tendues lorsqu’il y a des logements disponibles ; troisièmement, développer une nouvelle offre de logements très sociaux destinés aux ménages les plus fragiles, en particulier les prioritaires DALO. Dès 2014, deux mille de ces logements très sociaux dits super PLAI seront financés. À partir de 2015, l’objectif annuel passera à 3 000 euros.

J’ajoute que nos collègues Jean-Louis Touraine et Valérie Létard viennent de rendre leur rapport sur l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile. Tout cela pourra contribuer à aller dans le sens que vous souhaitez. Néanmoins, j’ai bien compris que votre amendement était un amendement d’appel auquel je ne peux qu’apporter un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je souhaite faire un petit retour en arrière tout en partageant votre préoccupation, monsieur le président de la commission. En 2012, il y a eu un dérapage de 100 millions d’euros sur l’hébergement d’urgence.

M. Philippe Vigier. C’est vrai.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Exactement le même montant que celui que vous pointez.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cette année, c’est 200 millions.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Certes, mais il y a 100 millions de dérapage et 100 millions de financement au titre de la loi de lutte contre la pauvreté – un programme de 14 000 logements d’hébergement d’urgence ont été créés dans ce cadre. Le dérapage est bien de 100 millions d’euros, chiffre comparable à ce qui a été constaté au cours des exercices précédents, et conformément à la volonté de financer des logements d’hébergement d’urgence au titre de la loi contre la pauvreté, une première tranche de 14 000 logements a été financée à hauteur de 100 millions d’euros par le biais des dispositions qui ont été prises et sur lesquelles vous appelez notre attention.

Ce que vous pointez, et qui est juste, n’est pas un phénomène subit, caractérisant un dérapage soudain qui résulterait d’une gestion hasardeuse récente.

M. Philippe Vigier. Très drôle !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il faut avoir cette réalité à l’esprit.

Cela étant, vous pointez, monsieur le président de la commission, une réalité, et je veux rejoindre sur ce point. Comme vous, je pense, s’agissant d’un certain nombre de dépenses – qu’elles soient intitulées « hébergement d’urgence » ou « aide médicale d’urgence » –, que nous devons prendre des dispositions aux fins de leur maîtrise.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Oui.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Votre amendement d’appel nous appelle donc à amender une politique qui dure depuis très longtemps et qui n’est pas maîtrisée. Comme vous nous appelez, par un amendement d’appel, à amender une politique qui dure depuis longtemps et que vous avez vous-même parfois soutenue, je ne vois aucune raison de ne pas vous entendre et je vous invite donc à retirer votre amendement d’appel ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Par-delà ces échanges verbaux, le problème de fond est la bonne gestion de ces crédits.

M. Philippe Vigier. C’est vrai.

M. Charles de Courson. Nous avons tous été amenés à louer des chambres d’hôtel à l’année, ce qui est une véritable ruine par rapport à l’utilisation de logements dont disposent les préfets.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est ce que je viens de dire.

M. Charles de Courson. Allez-vous vous attaquer à ces problèmes ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Oui.

M. Charles de Courson. Cela dure en effet depuis des années. Chacun d’entre nous a des exemples. Bref, on ne peut pas continuer ainsi.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur le président de la commission des finances ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vais le retirer.

M. Jean-Frédéric Poisson. Non !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’appelle à la réforme, monsieur Poisson, mais je crois avoir été entendu.

M. Jean-François Lamour. Vous avez mordu à l’hameçon.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Parfois, je fais excessivement confiance…

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout est dans l’adverbe…(Sourires.)

(L’amendement n29 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n395.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agit d’évoquer la ratification par la loi de finances du décret d’avance de fin de gestion. Conformément aux dispositions de l’article 13 de la loi organique relative aux lois de finances, le Gouvernement doit faire ratifier par le Parlement les décrets portant ouverture et annulation de crédits à titre d’avance dans le plus prochain projet de loi de finances afférent à l’année concernée. L’article 6 du collectif budgétaire en ratifie deux qui ont été publiés cette année, l’un à l’occasion de la création du Haut conseil des finances publiques, l’autre à l’occasion de la mise en œuvre du plan de lutte contre la pauvreté, notamment dans son volet hébergement d’urgence, nous venons d’évoquer la question à l’instant.

Cet amendement a pour objet d’ajouter à la liste le décret d’avance n2013-1072 qui a été publié au Journal officiel du 29 novembre 2013 et qui contribue également à régler la fin de gestion budgétaire de l’année 2013. Les grands équilibres de ce décret ont été précisés dans l’exposé des motifs du présent collectif budgétaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission après avoir examiné en détail ces projets de décrets d’avance et vérifié qu’ils respectaient toutes les conditions de plafond, de pourcentage et de motivations, a émis un avis favorable. Les décrets ont été pris, il s’agit de les ratifier. Tout est décrit en détail dans le rapport pour ceux qui n’auraient pas assisté aux travaux de la commission – mais tout le monde est assidu…

(L’amendement n395 est adopté.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Avant l’article 7

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 32, 192 et 239.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n32.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 46 du PLF 2012 a créé la taxe dite « boissons sucrées » appelée aussi par la presse « taxe soda ». À l’époque, lors de la discussion, il avait été indiqué que les produits concernés par la contribution sont les jus de fruits contenant du sucre ajouté, les eaux sucrées et les sodas, quel que soit leur circuit de distribution. Or les douanes appliquent la mesure sans discernement lorsque les distributeurs de boissons sucrées vendent des sodas mais aussi des boissons chaudes à base de café, de chocolat, de chicorée ou encore de thé. Il conviendrait donc de préciser que les boissons chaudes à base de lait, thé, café, cacao ou chicorée vendues en distribution automatique, mais aussi dans les restaurants ou dans les cafés, ne sont pas concernées par cette taxe afin d’éviter toute application excessive de celle-ci ?

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n192.

M. Dino Cinieri. Il s’agit d’un même amendement de clarification. Dans le PLF 2012, il avait été indiqué, premièrement, que les produits concernés par la contribution sont les jus de fruits contenant du sucre ajouté, les eaux sucrées et les sodas et, deuxièmement, que les produits qui nécessitent une transformation avant d’être bus – boissons en poudre comme le café ou des préparations pour le petit-déjeuner – qui sont moins susceptibles d’être consommés en grande quantité ne sont pas concernés par la contribution. Il s’avère que des précisions sont nécessaires pour indiquer que dès son adoption législative en 2011, cette taxe dite « boissons sucrées » n’avait aucune vocation à s’appliquer aux boissons chaudes.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n239.

M. Charles de Courson. J’ai, hélas, joué un petit rôle dans la création de cette taxe pour financer les exonérations de charges sociales dans l’agriculture ! Ce n’était pas une idée personnelle, mais il a bien fallu trouver le financement de cette contribution. Or la direction des douanes a étendu le champ de cette taxe bien au-delà de ce qui était prévu dans l’exposé des motifs de l’article 46 en question, considérant que les boissons comme le lait ou le thé, vendues dans les distributeurs automatiques, étaient assujetties à la taxe dès lors qu’on y ajoute du sucre, ce qui explique la multiplication des contentieux à propos des cafés, des thés, du lait, du cacao, etc. Ce n’était absolument pas ce qui était prévu à l’origine.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il ne fallait pas créer la taxe\’85\

M. Jean-Frédéric Poisson. La camomille est concernée ?

M. Charles de Courson. Cet amendement de clarification a donc pour objet de lutter contre une telle dérive.

M. Philippe Vigier. Excellent amendement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les auteurs de cette taxe ont appuyé celle-ci sur un article du code des douanes qui vise les boissons sucrées, mais aussi les boissons aromatisées, les jus de fruits et les jus de légumes.

M. Jean-Frédéric Poisson. Et les soupes ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. On ne peut donc, premier point, que féliciter les services des douanes d’appliquer scrupuleusement la loi ! Deuxième point, la loi prévoit d’exonérer de cette taxe les laits infantiles ou de croissance, ainsi que certains produits spécifiquement destinés aux personnes malades, notamment les diabétiques, ce qui se justifie pour des raisons de santé publique. Je ne crois pas que ce soit le cas des boissons chaudes à base de lait, de café, de thé, ou de cacao !

M. Michel Vergnier. Et le tilleul ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Et la chartreuse ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Troisième point, si vous n’étiez pas convaincus du caractère superfétatoire de vos amendements, je vous indique que le montant de la taxe s’élève à 7,31 euros par hectolitre, ce qui représente pour un café de dix centilitres, moins de 1 centime, 0,73 centime exactement.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est beaucoup trop.

M. Philippe Vigier. Ça remplit les caisses de l’État.

M. Alain Fauré. Cela coûte plus cher en papier !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Or les pièces de 0,73 centime d’euro ne rentrent pas dans les distributeurs de café\’85\

On peut donc écarter vos amendements au nom de l’ensemble de ces motifs. Je pense vous avoir convaincus sauf si vous preniez un hectolitre de café par jour, ce qui relèverait de l’exploit. (Sourires.)

Avis défavorable donc.

M. Jean-Frédéric Poisson. N’est pas Balzac qui veut.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je veux ajouter quelques éléments très concrets à la démonstration déjà très solide du rapporteur général sur ce sujet qui, en effet, exige que l’on soit très précis. Je vais m’y employer en rappelant que si la loi ne soumet pas à taxation les préparations en poudre pour boissons, en revanche, elle soumet à la taxation les boissons vendues sucrées par les établissements de restauration et qui ont fait l’objet d’un assemblage préalable à la vente à partir des ingrédients présentés dans des contenants eux-mêmes réservés aux professionnels.

M. Michel Vergnier. C’est M. de Courson qui a inventé tout ça !

M. Pierre Moscovici, ministre. On peut en déduire que le fait que les boissons soient chaudes ou froides ne devrait pas en théorie avoir d’impact au regard de la taxe. Premier élément de démonstration, convaincant je l’espère. (Sourires.)

Par ailleurs, concernant le café pris au comptoir ou le thé – pour le chocolat, je n’ai pas la réponse, mais j’imagine que c’est la même –, y compris lorsque ces produits sont distribués par des automates, ils n’entrent pas dans le champ de la taxe dès lors qu’en général…c’est le client qui ajoute ou non le sucre ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J’invite donc leurs auteurs à retirer ces amendements, et si tel n’était pas le cas, je demanderai leur rejet.



M. Jean-Frédéric Poisson. Il faut pénaliser le client !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le débat ne porte pas sur la disposition qui a été votée et qui est correctement appliquée par la douane. Le problème vient du fait qu’elle est en complète contradiction avec l’exposé des motifs de l’article du projet de loi de finances qui l’a instaurée : « Les produits concernés par la contribution sont les jus de fruits contenant du sucre ajouté, les eaux sucrées et les sodas, quel que soit leur circuit de distribution. Les produits qui nécessitent une transformation réalisée par le consommateur avant d’être bus – boissons en poudre comme le café ou des préparations pour le petit-déjeuner, sirops, qui sont moins susceptibles d’être consommées en grande quantité – ne sont pas concernés par la contribution. »

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vous qui avez voté ça !

M. Charles de Courson. Il peut y avoir des loupés, il faut les rattraper.

Vous avez bien entendu ce qu’a dit le ministre. Comment voulez-vous appliquer un tel bazar ? Pour les boissons distribuées par un automate, le consommateur devra payer ou non la taxe selon qu’il ajoutera du sucre ou pas. C’est « indémerdable » ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

Mais c’est un adjectif parfaitement français, mes chers collègues !

Si vous voulez éviter les contentieux à n’en plus finir, revenons à l’esprit même de la taxe, exprimé dans l’exposé des motifs de l’article qui l’a instaurée.

(Les amendements identiques nos 32,192 et 239 ne sont pas adoptés.)

Article 7

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, inscrit sur l’article.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne résumerai pas en deux minutes le rapport qui nous avait été demandé par le Premier ministre. Je voudrais simplement rattacher la discussion de cet article à la principale question qui se pose : comment assurer un meilleur financement de notre économie et de nos entreprises par l’épargne des Français ?

Les entreprises ne sont pas confrontées à un besoin global de financement. Il n’y a pas de manque, les crédits des banques augmentent même. Cependant, on constate dans certains secteurs des besoins de financement, en fonds propres notamment, qui ne sont pas forcément couverts et nous devons pouvoir accompagner les besoins de financement qui se feront sentir avec la reprise.

Dans notre rapport, nous avons estimé pour les cinq prochaines années le besoin de financement à 100 milliards d’euros, somme qui devrait pouvoir être mobilisée.

Nous avons aussi rappelé le paradoxe que nous connaissons en France : l’épargne y est abondante, plutôt détenue sur de longues durées ; l’épargne financière y occupe une place importante et l’assurance-vie, qui bénéficie d’un régime fiscal très privilégié, a une part prépondérante, atteignant 1 500 milliards aujourd’hui contre 5 milliards d’euros 1980.

Nous avons indiqué que point n’était besoin d’instaurer de nouvelles incitations à l’épargne, en raison de son abondance et de la nécessité de soutenir la consommation des ménages. Il n’est pas non plus nécessaire de remettre en cause, comme le demandaient certains acteurs de l’assurance-vie, les dispositifs de l’épargne réglementée, en particulier ceux créés au début de cette législature. Nous avons encore souligné qu’il fallait assurer la stabilité et la visibilité du régime fiscal de l’assurance-vie car il nous est apparu que, compte tenu de la question posée, il fallait s’inscrire dans un cadre de confiance.

À cet égard, les mesures proposées par le Gouvernement dans le présent projet de loi répondent, pour l’une entièrement, pour l’autre partiellement, à certaines de nos propositions – au nombre de quinze et accompagnées de dix recommandations.

Le dispositif « euro-croissance » permettra aux assureurs de diversifier le contenu des contrats qu’ils proposent.

Quant à l’autre disposition relative à la fiscalité des transmissions, qui ne correspond pas exactement à nos propositions, elle présente l’avantage indéniable de mettre le doigt sur un dysfonctionnement de l’assurance-vie : le régime fiscal est identique quelle que soit la prise de risques des épargnants, ce qui n’est évidemment pas normal. Elle s’adresse aux principaux bénéficiaires des avantages fiscaux liés aux gros contrats et il nous paraît bon d’aller dans ce sens.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n365.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement vise à supprimer la possibilité d’ouvrir des contrats dits « NSK », qui sont en très petit nombre. Nous allons laisser survivre les contrats existants jusqu’à ce qu’ils meurent.

(L’amendement n365, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n368.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n368, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n369.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n369, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 452 et 363, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n452.

M. Pierre Moscovici, ministre. Le présent amendement vise à prévenir d’éventuels contournements de la nouvelle taxe à la charge des assureurs introduite par l’article pour compenser le coût en trésorerie, au titre des prélèvements sociaux, qu’entraîne la transformation de certains contrats en contrats euro-croissance.

Il prévoit de conditionner cette transformation à l’absence de transferts opérés par les assurés de leur support en euros vers un support en unité de compte dans les six mois précédant cette transformation.

En effet, en l’absence d’une telle précision, la taxe pourrait être contournée par le transfert des primes affectées à des supports en euros à des supports en unités de compte. Dans un second temps, ces primes seraient susceptibles d’être affectées à un support diversifié, sans que la taxe puisse s’appliquer.

Je précise pour finir que nous préférons cet amendement à celui de M. le rapporteur général qui poursuit le même objectif mais dont nous avons amélioré le modus operandi.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n363 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n452.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Comme M. le ministre vient de le souligner, cet amendement poursuit le même objectif, celui d’éviter un contournement de la taxe. Nous n’allons pas nous lancer dans une bataille homérique à ce sujet, mais je dois avouer une préférence pour l’amendement n363, accepté par la commission, parce que celui du Gouvernement a, me semble-t-il, l’inconvénient d’interdire la conversion, ce qui contribue à assécher un peu l’assiette.

Notre amendement est moins contraignant. Il n’empêche pas la transformation des contrats en unités de compte en contrats euro-croissance mais les assujettit à une taxe lorsque les éléments convertis proviennent d’une conversion précédente d’euros en unités de compte.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Je n’ai pas l’intention d’opposer ces amendements qui poursuivent le même objectif. Il me semble toutefois que l’amendement du rapporteur général pose une petite difficulté : il impliquerait des contrôles de l’administration fiscale, qui risqueraient de créer quelques lourdeurs. Or, l’un des objectifs que nous poursuivons est la simplification.

Si le rapporteur général le voulait bien, je lui demanderai de retirer son amendement au bénéfice de celui du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Qu’il s’agisse de l’amendement du Gouvernement ou de celui de M. le rapporteur général, qui me paraît tout de même plus souple, se pose le même problème : les deux amendements instaurent un plafond de 10 %.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le dispositif s’applique dès lors qu’il y a une conversion d’au moins 10 % !

M. Charles de Courson. Mais que se passe-t-il lorsque l’on convertit morceau par morceau, en restant en dessous des 10 % et sur une période de dix ans ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Bonjour les frais de gestion !

M. Charles de Courson. Les amendements n’évoquent aucune durée. Or vous savez que l’imagination des assureurs est illimitée. N’y a-t-il pas là un moyen de contourner la disposition proposée, monsieur le rapporteur général ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’imagination en matière de contournement est au moins aussi vive chez les assurés et les assureurs qu’au ministère de l’économie et des finances !

Cela dit, après les explications de M. le ministre, je retire mon amendement. (« Ah non ! » sur les bancs du groupe UMP.)

(L’amendement n363 est retiré.)

(L’amendement n452 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n237.

M. Nicolas Sansu. Le présent amendement a pour objet de ramener de 152 500 euros à 50 000 euros le montant de l’abattement appliqué à chaque bénéficiaire, tous contrats confondus, sur les sommes versées à l’occasion du décès de l’assuré – un amendement que beaucoup auraient aimé cosigner.

L’abattement de 152 500 euros qui a cours aujourd’hui nous paraît en effet hors de proportion avec le montant moyen du patrimoine financier de nos concitoyens. Selon les derniers chiffres disponibles, ceux de 2010, le patrimoine brut global moyen s’élève à 229 000 euros par ménage et le patrimoine en actifs financiers s’élève en moyenne à 50 800 euros. Le patrimoine médian est, bien entendu, inférieur.

En outre, près de la moitié du patrimoine brut total des Français est détenue par les 10 % les plus riches et les 1 % les plus riches concentrent 17 % du patrimoine global. En bas de l’échelle, les 10 % des ménages les moins dotés détiennent moins de 2 700 euros chacun, soit environ 0,05 % de la masse totale.

En matière de patrimoine, les disparités entre les ménages les plus riches et les plus modestes se sont accrues de façon marquée au cours de la dernière décennie. Aujourd’hui, les 10 % des ménages les plus riches en patrimoine possèdent 205 fois le patrimoine des 10 % les plus pauvres.

Il ne nous semble pas anormal dans ce contexte de réduire sensiblement le montant des abattements, en cohérence avec les propositions qui sont les nôtres en matière de droits de mutation, notamment depuis la loi TEPA.

Vous aurez compris qu’il s’agit de limiter, autant que faire se peut, la reproduction et l’amplification de la rente, peu compatible à notre sens avec l’égalité républicaine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission n’a pas souhaité retenir l’amendement défendu avec passion par M. Sansu. Une remise à plat de la fiscalité est aujourd’hui envisagée – on ne dira pas pourquoi, on ne dira pas comment : chacun appréciera en la matière.

M. Lionel Tardy. Vous ne savez même pas où vous allez !

M. Christian Eckert, rapporteur général. La question des droits de succession pourra être – je dis bien « pourra être » car l’on ne va pas donner les résultats du match avant d’avoir sifflé le coup d’envoi – mise en débat. Je n’en dirai pas plus.

Soyons clairs. Je me suis déjà exprimé publiquement sur ce type de questions. Le choix qui a été fait est celui d’une réforme qui, dans le contexte et les conditions actuelles, ne touche pas aux questions fiscales ou alors seulement très marginalement comme ici avec l’instauration d’incitations fiscales destinées à faire basculer les contrats vers des produits plus vertueux. De tous les autres paramètres, il a été discuté et nous avons décidé de n’y toucher qu’isolément.

S’il devait y avoir des modifications en termes de plancher, de plafond et d’abattement, elles interviendraient dans un cadre plus général, comme cela a été clairement indiqué ces derniers jours.

Je suis donc défavorable à cet amendement comme à tous ceux qui sont de nature similaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Défavorable.

(L’amendement n237 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n80 rectifié.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur le président, avec votre permission, parce que je m’attendais à ce qu’il y ait un sous-amendement, je propose de rectifier cet amendement en remplaçant le montant de « 691 770 euros » par celui de « 700 000 euros ». Le fait d’arrondir contribuerait en effet à la lisibilité du texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je rappelle que le texte du Gouvernement avait pour effet de fixer à 902 838 euros, compte tenu de l’abattement fixe de 152 500 euros, le seuil de basculement de la fiscalité de 25 % à 20 % ; de ce fait, toute part transmise d’un montant de moins d’un million d’euros environ, en cas de souscription d’un contrat vie-génération, donnait lieu à un abattement de 20 %, soit un avantage bien plus important que les bénéficiaires qui basculeraient avec un contrat à plus faible encours. Il était donc judicieux d’apporter au texte cette légère correction grâce à laquelle tout le monde sera gagnant : les bénéficiaires qui ne seront pas soumis au nouveau taux marginal de prélèvement de 31,25 % conserveront les taux d’imposition antérieurs, mais profiteront d’un abattement de 20 %. C’est pourquoi il fallait abaisser le seuil en question. Le sujet est technique, mais la commission en a discuté longuement et a adopté cet amendement

M. Pierre Moscovici, ministre. Avis favorable, et je lève le gage.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il y a un instant, messieurs les ministres, j’ai soutenu un amendement du rapporteur général parce que je l’estimais meilleur que celui du Gouvernement. Ici, en revanche, vous ne devriez pas suivre le rapporteur général. C’est à croire que vous n’avez pas examiné cet amendement en détail !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Au contraire, il a été examiné à la loupe !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En effet, il remet en cause le fonctionnement même de l’article 7, qui est pourtant un article intelligent puisqu’il procède par incitations, qu’il s’agisse des contrats euro-croissance ou des contrats vie-génération. Or, l’amendement du rapporteur général transformera l’incitation en punition. Dans l’état actuel du droit, les contrats existants qui ne basculeront pas vers le régime vie-génération seront frappés d’un taux de 31,25 % dès le seuil de 670 000 euros et non d’un million d’euros.

M. Philippe Vigier. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est une véritable détérioration du dispositif. L’opposition souhaite que l’article 7 fonctionne et tous les amendements qu’elle s’apprête à défendre visent à simplifier le mécanisme de sorte que les personnes chargées de commercialiser ces contrats d’assurance-vie disposent de bons arguments pour susciter la confiance des épargnants. Au contraire, le présent amendement introduit un biais fâcheux dans l’article, sur lequel le Gouvernement a pourtant beaucoup travaillé pour aboutir à un bel objet. Ne le laissez pas détruire par le rapporteur général ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je m’inscris en faux contre les propos du président de la commission. Avec tout le respect que je vous dois, je ne vous laisserai pas dire que le ministre n’aurait pas examiné cet amendement avant de donner son avis ; vous savez aussi bien que moi que ce type de mesure se discute en amont, avant même la tenue des réunions de commission. Il va de soi que cette affaire a été examinée de près.

Vous avez raison de rappeler que le but de l’article est d’inciter. Quel effet a-t-il ? Au-delà d’un montant d’un million d’euros, la non-conversion du contrat est punie. Voilà son effet !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est exact.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Au contraire, la conversion produit un effet neutre. Grâce à cet amendement, la non-conversion des contrats sera punie à partir d’un montant de 700 000 euros comme le sont ceux de plus d’un million.

M. Philippe Vigier. On punit encore davantage !

M. Christian Eckert, rapporteur général. En revanche, les bénéficiaires qui choisiront de convertir leur contrat y gagneront – et l’effet ne sera pas neutre, monsieur le président de la commission. C’est parce que l’avantage tiré de la conversion était trop important que j’ai proposé de modifier le seuil. Je m’inscris donc rigoureusement en faux contre vos propos ! Tous les bénéficiaires qui convertiront leur contrat en nouveaux produits en tireront un effet bénéfique ou neutre.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et ceux qui ne le feront pas seront punis davantage !

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’effet sera neutre pour les gros contrats et positif pour tous les autres.

M. Dominique Baert. Très bien ! Voilà qui est clair !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le choix entre la proposition du rapporteur général et celle du président de la commission repose en fait sur la psychologie des détenteurs.

M. Dino Cinieri. Bien sûr !

M. Charles de Courson. Que feront-ils ? S’ils nous écoutent et comprennent qu’à ne pas convertir leur contrat, ils seront punis ; croyez-vous donc qu’ils réagiront comme vous l’anticipez ?

M. Dominique Baert. Naturellement !

M. Charles de Courson. Non, tout dépendra de leur situation. Ni vous ni moi n’en déciderons : il appartient aux détenteurs de le faire. Êtes-vous sûr, monsieur le rapporteur général, qu’ils réagiront dans le sens que vous croyez ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne suis sûr de rien.

M. Charles de Courson. Nous sommes donc deux dans ce cas.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne fais pas profession de psychologue, monsieur de Courson.

M. Lionel Tardy. C’est pourtant important, la psychologie des Français !

M. Charles de Courson. Ne pensez-vous pas que les détenteurs de contrats arrivant bientôt à terme choisiront de ne pas convertir dans ces conditions ? Il faut donc être prudent. Il me semble que le rapporteur général va trop loin.

M. Alain Fauré. Quant à moi, il me semble qu’il ne va pas assez loin !

M. Charles de Courson. Le président de la commission prend moins de risques.

M. Lionel Tardy. Comme toujours !

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Je précise avant toute chose que cette mesure n’entraînera aucune perte d’avantages fiscaux pour les bénéficiaires à condition qu’ils transfèrent leur contrat, et ce à une hauteur de 33 % des actifs du contrat, vers des placements utiles à l’économie.

En réalité, le nombre de contrats concernés se compte en dizaines de milliers seulement, voire en milliers ; leurs bénéficiaires possèdent certains des patrimoines financiers les plus importants – je vous renvoie aux statistiques présentées dans le rapport. Or, M. de Courson nous dit que cet avantage fiscal considérable, qui explique que les gros patrimoines investissent dans des contrats d’assurance-vie puisqu’il est dérogatoire au droit commun des successions, devrait être accordé sans aucune contrepartie d’intérêt général !

Au contraire, nous demandons aux détenteurs des patrimoines les plus élevés de prendre un risque limité, puisqu’il ne porte que sur 33 % des placements – ce qui leur permettra, sur des sommes aussi élevées, d’obtenir des rendements supérieurs qui ne seront soumis à aucune mesure fiscale.

La mesure proposée par le rapporteur général est d’ailleurs en retrait par rapport à notre proposition initiale, qui abaissait le seuil à 500 000 euros et portait sur l’ensemble de la fiscalité, et non pas les seules transmissions. La question était donc de savoir à quel seuil se déclenchait l’abattement. En abaissant ce seuil, on élargit l’assiette et on favorise du même coup le financement de l’économie. Les titulaires de ces contrats savent compter, et ils se rendront compte qu’en transformant leur contrat, ils conserveront un avantage fiscal intéressant ; dans le cas contraire, ils seront pénalisés en fin de contrat. Tel est le principe que nous devons adopter sur la question de l’assurance-vie.

(L’amendement n80, deuxième rectification, modifié par la suppression du gage, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 8 et 16.

La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n8.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement de simplification.

M. Alain Fauré. Ben voyons ! La simplification de la fiscalité des riches !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous ne comprenons pas l’intérêt qu’il y a à inscrire un taux de 31,25 % dans le code général des impôts. C’est un taux baroque et insolite. Notre rapport général, qui est professeur de mathématiques…

M. Hervé Mariton. Il vient d’arrondir un montant !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. … nous a fait observer en commission que l’abattement de 20 % sur un taux de 31,25 % produisait un taux final de 25 %. Il a raison, et je ne le conteste pas. Cependant, le taux qui sera inscrit dans le code des assurances sera bien 31,25 %. Je rappelle qu’en matière de droit des successions, les taux en vigueur sont tous des nombres simples : 25, 30, 35, 40, et j’en passe. Je plaide donc en faveur d’une simplification du taux proposé. Si vous voulez que ce nouveau dispositif fonctionne, monsieur le ministre, alors il faut le rendre simple !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement identique n16.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission ne les a pas acceptés. La raison se trouve pour partie dans l’intervention du président de la commission : 80 % de 31,25 font 25 exactement. Le but était que la mesure soit neutre. Si l’on acceptait votre amendement…

M. Nicolas Sansu. Ils y gagneraient !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …on diminuerait du même coup le taux d’imposition, ce qui n’est pas souhaitable. Tout le monde s’est accordé pour que la réforme soit neutre, ce qu’elle est grosso modo ; il ne faut pas non plus qu’elle devienne avantageuse.

M. Philippe Vigier. Elle n’est pas neutre ! Elle est positive !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Songez que pour une part transmise – à multiplier éventuellement par le nombre de bénéficiaires – d’un montant de 1,2 million d’euros, le taux d’imposition est de 18,1 % dans l’état actuel du droit. À montant équivalent, ce taux est de 40 % dans le cas d’une transmission en ligne directe, c’est-à-dire la moins défavorable qui soit.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Qui a déjà relevé le taux du prélèvement en cas de décès du souscripteur de 20 % à 25 % ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Après la réforme, les bénéficiaires qui auront fait basculer un tiers de leurs parts vers des produits « vertueux » ne seront plus soumis à un taux de droits que de 13,5 % : sans commentaire. Le dispositif demeure extrêmement favorable pour les transmissions, et il le sera encore plus après le vote de la loi pour tous ceux qui auront basculé. Tout le monde a relevé la neutralité pour les contrats d’un montant supérieur à 700 000 euros, voire à un million, mais personne, mais les droits concernant la part de ce montant située en deçà du seuil sont considérablement diminués grâce à l’abattement de 20 %.

M. Alain Fauré. Cela encourage la fainéantise !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Un taux de 14,5 % – contre 40 % pour une transmission en ligne directe – ne serait-il donc pas encourageant ? Faut-il le porter à zéro ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis que celui de la commission.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le Gouvernement et la majorité parlent de simplification ; c’est sous l’égide de cette même notion qu’est placée la grande idée de remise à plat de la fiscalité dont on entend parler. Vous aviez d’ailleurs déjà beaucoup théorisé sur la simplification lorsqu’il s’était agi de diminuer de 5,5 % à 5 % un taux de TVA !

Nous vous prenons au mot : à simplification, simplification et demie. Pourquoi ne pas simplifier ce taux de 31,25 %, comme l’a très bien expliqué le président de la commission ?

M. Michel Vergnier. Nous vous avons déjà répondu !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Discours simpliste !

Mme Marie-Christine Dalloz. Non, c’est de l’harmonisation !

(Les amendements identiques nos 8 et 16 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n312.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous avons déjà eu le débat relatif à cet amendement sur lequel, hélas, le rapporteur général ne m’a pas suivi.

(L’amendement n312, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n233.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu.

(L’amendement n233, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n370.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n370, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n364 qui fait l’objet d’un sous-amendement n434 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit là aussi d’un amendement de précision.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement n434 rectifié.

M. Pierre Moscovici, ministre. Il est rédactionnel. Sous réserve de son adoption, avis favorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Favorable.

(Le sous-amendement n434 rectifié est adopté.)

(L’amendement n364, sous-amendé, est adopté et les amendements nos 112, 9, 17 et 338 tombent.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 100 et 337.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n100.

M. Alain Fauré. Sans M. Mariton, ce serait bien !

M. Hervé Mariton. Nous avons bien compris la volonté du Gouvernement, plutôt pertinente, d’orientation sur les placements. En revanche, nous ne comprenons pas très bien certains ajouts à l’économie active, qui sont proposés dans le dispositif. En particulier, pourquoi le logement social fait-il partie des cas spécifiquement proposés ?

S’il s’agit d’un produit de dynamisation et d’activation de l’économie, il nous semble qu’il y a, dans le dispositif, un certain nombre d’ajouts ou d’inclusions qui ne sont pas justifiés au regard de l’objet que vous avez décrit.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n337.

M. Charles de Courson. S’agissant du logement social – nous viendrons par la suite à l’économie sociale et solidaire –, le rapporteur général avait déposé un amendement indiquant que les trois catégories – PME-ETI, logement social et économie solidaire – faisaient un bloc, c’est-à-dire qu’on appréciait les 33% au regard de ces trois catégories. Cela nous semble être une erreur au regard de l’objectif. Il ne faut pas mélanger les objectifs.

Dans le système tel qu’il est, monsieur le rapporteur général, on pourrait à la limite mettre essentiellement du logement ou de l’économie solidaire – j’y reviendrai parce que j’ai déposé un autre amendement sur ce sujet. Cela me paraît dénaturer quelque peu l’objectif de ces contrats.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission a longuement débattu sur ces questions qui sont multiples. Mais il ne faut pas se cacher derrière son petit doigt ! Alors que notre pays un problème de production de logements, il faut se donner toutes les chances de remettre en route la production de logements, et pas seulement le logement social. Car ce que vise le texte proposé par le Gouvernement, c’est le logement en général, y compris le logement social et le logement intermédiaire.

M. Jean-Louis Dumont. Une nouvelle production de logement intermédiaire !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous avons instauré, dans la loi de finances initiale, un taux réduit à 10 % pour le logement intermédiaire qui a besoin de financement et d’investisseurs. Les constructeurs ne vont pouvoir financer à eux seuls une production de logements intermédiaires qu’on évalue, dans un premier temps, à 10 000. Il n’y a donc pas de contradiction à essayer de faire revenir les assureurs sur des investissements de type immobilier dont ils étaient tous sortis.

Tout à l’heure, quelqu’un a rappelé à la tribune que les encours de l’assurance-vie tournaient autour de 1 400 ou 1 500 milliards d’euros. Si l’on obtient le basculement, grâce à une incitation fiscale, je pense qu’il n’y aura pas de concurrence entre les différents produits évoqués, c’est-à-dire l’investissement PME-ETI, l’investissement logement, qu’il soit social ou intermédiaire, et l’économie sociale et solidaire qui n’est d’ailleurs pas la plus consommatrice de crédits.

S’il y a un vrai basculement, même à hauteur d’un tiers et même si cela ne concerne que les plus gros contrats, il n’y aura pas de cannibalisation d’un secteur par rapport à l’autre. Au contraire, je pense qu’on aura des disponibilités, et c’est ce que tout le monde souhaite.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

Je m’exprimerai plus brièvement tout à l’heure sur l’économie sociale et solidaire ou sur les autres amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je vais pouvoir m’exprimer devant le ministre en ce qui concerne un objectif annoncé par M. le Président de la République il y a déjà plusieurs mois.

Si l’on veut obtenir un résultat tangible, réel, efficace et rapide, dans les semaines ou les mois qui viennent, il faut que les règles qui se mettent en place pour le financement du logement intermédiaire soient simples et pérennes.

Or depuis l’annonce du Président de la République, contre-annonces, avancées et coups de frein laissent pantois les institutions qui pourraient investir. Dans les zones très tendues où le flux est pratiquement bloqué, on peut tirer vers le haut l’accession à la propriété ou le logement intermédiaire en créant ce nouveau parc de 10 000 logements en une année : un opérateur dépendant, me semble-t-il, d’une institution ancienne, riche, et qui a fait ses preuves, y compris pour le financement du logement, je veux parler de la Caisse des dépôts, entre dans ce cadre.

Encore faut-il entendre les opérateurs qui s’en préoccupent, mettre en œuvre des schémas simples et faire en sorte qu’il y ait tout de même un peu de rentabilité, notamment pour l’institution en question qui va mettre des sous – elle n’en demande pas beaucoup.

Les schémas sont prêts et les institutions sont prêtes à démarrer. Encore faut-il que les règles soient enfin mises sur la table. De ce point de vue, je reste dubitatif.

S’agissant de l’économie sociale, nous pourrons revenir sur le CICE. Je n’ai pas voulu intervenir tout à l’heure, mais je pense pouvoir dire aujourd’hui que, l’année dernière, nous avons été manipulés, avec un discours positif, mais qui permet peut-être aujourd’hui à la Commission européenne de refuser le CICE, sous couvert d’augmenter le champ.

Monsieur le ministre, il faut des règles précises, lisibles et pérennes. Si vous pouviez nous assurer que, pendant trois ans – c’est-à-dire la durée du pacte d’objectifs et de moyens, signé il y a peu –, nous pourrons travailler dans la sérénité, ce serait efficace.

(Les amendements identiques nos 100 et 337 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n81.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il est retiré puisque nous avons tout à l’heure adopté le sous-amendement du Gouvernement.

(L’amendement n81 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n371.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

(L’amendement n371 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 21, 22 et 336.

La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n21.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. À travers cet amendement, monsieur le ministre, je m’adresse particulièrement à vous puisque vous êtes le ministre des entreprises. Avec l’article 7, vous souhaitez favoriser l’orientation d’une partie de l’épargne sous forme d’assurance-vie vers les fonds propres des PME et des ETI. J’ai cru comprendre que c’était votre objectif principal, pour ne pas dire exclusif.

D’ailleurs, lorsque nous avons examiné la loi de finances pour 2014, vous vous rappelez sans doute qu’il contenait une disposition concernant les plans d’épargne en actions PME. C’était une disposition également très intéressante, orientée vers l’investissement sur des PME et des ETI.

J’ai donc été très étonné de lire la rédaction de l’article 7, car vous acceptez de voir votre objectif PME-ETI obscurci par des investissements dans des domaines qui n’ont rien à voir, en particulier le domaine du logement.

Vous venez d’entendre M. Dumont – qui ne vous est même pas reconnaissant ! (Sourires.) Vous risquez de rater votre objectif, car, vous le savez, dans la vie, on ne peut pas courir plusieurs objectifs à la fois. Il faut être simple et direct, et, pour ma part, je souhaite que votre proposition aboutisse.

Je me mets à la place du commercial qui va vendre une assurance-vie en arguant d’une rentabilité supérieure grâce à un investissement dans une ETI – n’est-ce pas, monsieur Cinieri, vous qui avez su en créer une ? –, avec cet argument ultime que l’on aidera ainsi au développement. Or, voilà qu’il va apprendre que, finalement, cela risque d’être cannibalisé par le logement intermédiaire ou social – que M. Dumont d’ailleurs trouve insuffisant. Pourtant, monsieur Dumont, le logement social est surfinancé ! Il bénéficie de crédits de partout – je pense, par exemple, à la Caisse des dépôts.

M. Dino Cinieri et M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le sujet n’est donc pas d’ajouter un énième financement au logement social, tout cela pour lui permettre de ne pas se réformer. Rappelez-nous, monsieur Dumont, le nombre de sociétés anonymes HLM, d’offices HLM…

M. Philippe Vigier. Et les coûts de gestion !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cela fait des décennies que tout ce petit monde vit et ne se réforme pas ! Cela me fait mal au cœur, monsieur le ministre, que vous n’ayez pas défendu votre idée. Vous avez une bonne idée, il faut la défendre, la protéger !

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est l’objet de notre amendement qui vise, en cohérence avec le PEA PME de la loi de finances pour 2014, à centrer ses contrats « vie-génération » sur les PME et les ETI. Au moins, c’est clair !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n22.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mes propos seront du même ordre que ceux du président de la commission des finances.

J’entends M. le rapporteur général dire qu’il n’y a pas de risque de cannibalisation. Certes, on peut, dans un monde idéal, rêver que les 1 500 milliards des contrats d’assurance-vie financeront demain tous les besoins de l’économie, tous les besoins en matière de logement social et tous les besoins de l’économie sociale et solidaire.

L’alinéa 22 de l’article 7 pose un vrai problème, monsieur le ministre de l’économie. Au départ, cet article, qui vise à trouver des moyens pour accompagner notre économie, est une bonne idée. Vous êtes dans le rôle de l’accompagnement de l’économie et de la dynamique pour l’emploi.

Mais sincèrement, s’agissant de cet alinéa, on serait tenté de dire, avec le bon sens paysan, pourquoi faire compliqué alors qu’on peut faire simple ? Si l’intention de départ était louable, à l’arrivée, mettre dans les contrats d’assurance-vie de ce type des actifs qui relèvent de l’économie sociale et solidaire, cela enlève toute lisibilité au dispositif. En outre, la rentabilité sera forcément atténuée parce qu’il n’y a pas de part de risque lorsqu’on investit dans l’économie sociale et solidaire, contrairement à l’économie classique où il y a un vrai risque.

Je le répète, monsieur le ministre, votre intention était louable, mais l’alinéa 22 nuit totalement à la lisibilité de votre dispositif.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n336.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, je pratique l’économie sociale depuis trente ans.

M. Michel Vergnier. Ah bon ?

M. Charles de Courson. Cela vous étonne peut-être, mais je suis président d’une mutuelle et de la Société marnaise du crédit immobilier. Il n’est pas nécessaire d’être de gauche pour s’occuper des questions sociales !

L’alinéa 22 de l’article 7 évoque des actifs, mais lesquels ? Nous sommes en présence de formes juridiques distinctes – coopératives et mutuelles. Le texte relatif à l’économie sociale et solidaire en cours de débat généralisera des produits qui ne sont pas des parts sociales à proprement parler mais qui s’apparentent à des obligations. Que va-t-on y inclure ? Des quasi-emprunts de ces entreprises ?

Le détenteur d’un compte au Crédit agricole peut certes acheter des parts sociales mais aussi des certificats mutualistes, qui sont des certificats particuliers assortis d’un taux d’intérêt. Est-ce le but ? Pour les mutuelles, sachant que c’est l’ensemble des assurés qui sont propriétaires d’une mutuelle,…

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !

M. Charles de Courson. …nous sommes en train de créer un nouveau produit que l’on ne pourra pas distribuer. Inclura-t-on ce produit dans le futur dispositif d’assurance-vie ? Mais il n’y aucun risque ! Cela me paraît donc complètement contradictoire avec l’objectif de l’article 7 créant deux nouveaux produits.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je me suis largement exprimé tout à l’heure. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Avis défavorable également. N’y voyez pas la moindre contradiction, monsieur de Courson. Le Gouvernement assume tout à fait le choix d’orienter l’épargne d’une part vers les PME-ETI, d’autre part vers le logement intermédiaire, enfin vers l’économie sociale et solidaire. Ce sont autant de priorités de la réorientation de l’épargne et de l’investissement. Il n’y a là ni erreur ni contradiction ni effet d’éviction, mais une cohérence choisie et voulue.

M. Charles de Courson. Il y a tout de même un risque !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est la raison pour laquelle je donne moi aussi un avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 21, 22 et 336 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n82.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il vise à clarifier un peu les choses en obligeant à investir un minimum de 6 % dans les titres de PME et les ETI non cotées. Une discussion a eu lieu en commission quant à l’utilité ou la nécessité de cet amendement. Il set vrai qu’il peut sembler rigidifier un peu le système du point de vue du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je pense en effet qu’il peut sembler rigidifier un peu le système et demande donc à M. le rapporteur général de bien vouloir le retirer.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je le retire. Ce n’est pas celui auquel la commission tient le plus.

(L’amendement n82 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n119.

M. Dino Cinieri. Comme l’a souligné notre excellent président de la commission des finances, vous êtes, monsieur le ministre, le ministre des entreprises et vous avez eu une bonne idée. J’en viens donc à l’objet de l’amendement. Il vise à orienter les sommes investies dans les contrats permettant de bénéficier de l’abattement proportionnel de 20 % vers le financement de l’économie réelle en s’assurant qu’au moins 8 % des 33 % d’allocation prévus sont investis directement et indirectement dans des entreprises non cotées. On parle souvent de compétitivité et de concurrence et nous connaissons beaucoup de petites PME ayant besoin d’un soutien et d’une aide. C’est pourquoi il serait bon d’accepter l’amendement.

M. Alain Fauré. Qui va plus loin que l’amendement tout juste retiré !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement va en effet plus loin que celui que je viens de retirer. On a beaucoup fait pour les fonds d’investissement auquel vous faites référence, mon cher collègue, grâce au PEA PME évoqué tout à l’heure. Je vous rappelle que j’ai proposé un certain nombre d’amendements pour en ouvrir l’accès aux fonds d’investissement, qui sont demandeurs. Ils ne seront bien évidemment pas exclus des produits, mais le souhait de ne pas rigidifier le dispositif m’empêche d’être favorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Défavorable.

(L’amendement n119 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n372.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

(L’amendement n372 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 10 et 18.

La parole est à M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n10.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il s’agit là d’un amendement de simplification. La nouvelle taxe de 0,32 % due par les assureurs constitue en fait pour l’État une sorte de capitalisation du manque à gagner en trésorerie lié à la perception différée des prélèvements sociaux lors de la sortie ou du rachat du contrat. Mais, de surcroît, le texte prévoit que les titulaires des contrats « euro-croissance » seront soumis à des prélèvements sociaux selon un certain mécanisme de régularisation. Il existe certes déjà dans un certain nombre de contrats multisupports, mais si on veut faciliter la promotion de ce type de contrat, mieux vaut disposer d’un mécanisme simple.

La taxe mise en place, payée par l’assureur et représentant le coût en trésorerie lié à la perception différée des prélèvements sociaux, à la sortie du contrat, doit dispenser d’un mécanisme de régularisation. Faute de quoi, que se passera-t-il ? Les vendeurs chargés de commercialiser ce type de produit seront dans l’incapacité d’expliquer comment fonctionne ce mécanisme de régularisation. Comme vous le voyez, monsieur le ministre, nous sommes cohérents. Nos amendements visent à simplifier le produit afin d’en faciliter la commercialisation.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n18.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour les contrats qui seront convertis, vous instituez, monsieur le ministre, un nouveau fait générateur intermédiaire de prélèvements sociaux, fixé à la date de la garantie. L’assiette taxable sera donc égale à la différence entre la valeur de rachat des engagements à cette même date et le montant des primes versées. Une régularisation aurait ensuite lieu au dénouement du contrat. Le mécanisme envisagé consiste donc à créer un acompte de prélèvements sociaux sur une assiette arbitraire, car non connue à l’avance, et non indicative de la performance réelle du contrat observable au dénouement.

C’est là toute l’ambiguïté de ce qu’il faut bien appeler une machinerie. Pour faire beaucoup plus simple, nous proposons de supprimer les alinéas 28 à 37 de l’article 7, beaucoup trop complexes. Moi non plus, je n’imagine pas un commercial proposer un contrat dans une telle perspective. la régularisation est impossible à calculer, et je ne sais pas comment l’État peut s’y retrouver.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je fais pour ma part entièrement confiance à l’État pour s’y retrouver, madame Dalloz. L’État est équipé pour ce faire, à tel point d’ailleurs qu’il le fait déjà. Il s’agit exactement du même dispositif, figurez-vous, que celui appliqué aux contrats multisupports et aux contrats collectifs diversifiés. On ne prélève certes pas au fil de l’eau, c’est-à-dire tous les ans, mais au moment où le bénéfice ou la plus-value sont constatés, c’est-à-dire la période de fin de garantie du capital.

Cela se pratique déjà. Les commerciaux de demain ne seront pas plus benêts que ceux d’aujourd’hui ! Ils pratiquent déjà ce genre d’explication pour les contrats multisupports. Vous voyez de la complexité, chère collègue, là où il n’y a qu’une pratique tout à fait courante dans le monde de l’assurance. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 10 et 18 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 373 et 374, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. le rapporteur général, pour les soutenir.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ils sont rédactionnels, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

(Les amendements nos 373 et 374 sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n375.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un amendement de précision, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

(L’amendement n375 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n367.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement important qui prévoit, à al demande des professionnels du secteur, de décaler de six mois l’introduction des contrats « vie-génération ». Dès lors qu’une pénalité s’applique si on ne convertit pas, il ne serait pas de bon aloi de ne pas offrir aux souscripteurs la possibilité de basculer sur de nouveaux contrats. Leur mise en place ne peut évidemment pas être antérieure à la loi et un certain nombre de questions techniques restent à régler. Je propose donc que le texte entre en vigueur le 1er juillet prochain.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

(L’amendement n367 est adopté.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Après l’article 7

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n83 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement n403.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le présent amendement propose de créer le fichier des assurances-vie, que l’on appellera FICOVI par parallélisme des formes avec le fichier FICOBA. Vous avez aimé le FICOBA, vous adorerez le FICOVI ! (Sourires.) Cela permettra, comme l’a dit tout à l’heure l’un de nos collègues, de régler la question de la déclaration et donc d’améliorer le contrôle. Cela permettra peut-être aussi de régler la question de la gestion des avoirs en déshérence.

Nous allons être saisis, assez rapidement je l’espère, d’une proposition de loi récemment déposée par votre serviteur visant à permettre aux notaires chargés des successions de rechercher et évidemment de trouver d’éventuels contrats d’assurance-vie éventuellement inconnus des bénéficiaires afin d’éviter leur déshérence. Quelqu’un suggérait tout à l’heure, Mme Grosskost je crois, de s’intéresser au partage. En effet, lors du partage, il peut exister des contrats d’assurance-vie dont on ignore l’existence.

M. le président. Le sous-amendement n403 a été défendu. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai simplement une question à poser à M. le rapporteur général. Comment traite-t-on la question des contrats d’assurance-vie détenus par des résidents français mais dans des sociétés étrangères ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Par le biais de l’ISF !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ils sont obligés de les signaler lors de leur déclaration, en particulier d’ISF. Certes, ils ne sont pas dans le fichier, qui est national. L’amendement oblige les détenteurs de contrats, fussent-ils à l’étranger, à les déclarer. Il leur revient de les déclarer, car nul ne songe évidemment à obliger les compagnies étrangères le faire.

(Le sous-amendement n403 est adopté.)

(L’amendement n83, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n435.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il consiste à éviter la pratique de certains contrats d’assurance-vie dits à bénéfice différé. Ils permettent, par un mécanisme assez original, de loger les intérêts produits par le capital à l’extérieur du contrat. Celui-ci est toujours chez l’assureur mais le souscripteur a une créance sur le détenteur.

Il s’agit de mettre fin à la commercialisation – très courante sur Internet – de contrats d’assurance-vie estampillés « anti-ISF » : dès lors que les intérêts ne sont pas à l’intérieur du contrat, ils n’ont pas à être déclarés au titre de l’ISF. Les intérêts sont réintégrés dans le contrat au bout d’une certaine période – souvent de huit ans. Le Conseil d’État a récemment rendu un arrêt permettant de corriger les contrats dits « avec bonus », qui permettaient de parvenir au même résultat. Restait à régler le sort des contrats à participation aux bénéfices différés : tel est l’objet de l’amendement n435.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je me demande, monsieur le rapporteur général, si votre amendement ne comporte pas un danger de délocalisation des contrats à intérêts différés vers des filiales situées à l’étranger – car si j’ai bien compris, votre amendement ne s’appliquera que dans les limites du territoire de la République.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les contribuables assujettis à l’ISF le sont également pour les biens qu’ils détiennent à l’étranger. Dès lors, le risque évoqué peut être écarté.

(L’amendement n435 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 84 et 451, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement n84.

Mme Christine Pires Beaune. Le livret d’épargne populaire est un produit destiné aux personnes disposant des revenus les plus modestes, c’est-à-dire celles ne payant pas – ou peu – d’impôt sur le revenu. C’est un produit simple, souple car disponible à tout moment, rémunéré à 1,75 % et plafonné à 7 700 euros par livret – étant précisé qu’il ne peut en être ouvert que deux par foyer fiscal. L’encours des LEP en France est actuellement de 49,5 milliards, quand l’encours du livret A est de 235 milliards, et celui du livret de développement durable de 99 milliards. Comme on le voit, le LEP attire moins l’épargne. La raison en est simple, c’est que son accès n’est pas universel : pour le souscrire, il faut s’acquitter d’un montant d’impôt sur le revenu inférieur à un certain montant.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

Mme Christine Pires Beaune. Ce sont donc les plus modestes de nos concitoyens, à qui ce produit d’épargne est réservé, qui se trouvent pénalisés par le gel du barème de l’impôt sur le revenu depuis deux ans. Notre amendement a un double objet : d’une part, revoir le montant d’impôt acquitté servant actuellement de référence, à savoir 769 euros ; d’autre part, saisir l’occasion de moderniser le dispositif en faisant disparaître la référence – dont il n’existe plus aucun autre exemple – au montant d’impôt acquitté. Nous proposons de retenir désormais, pour les nouveaux livrets d’épargne populaire, la référence habituelle, celle du montant du revenu fiscal de référence.

Enfin, il est proposé de considérer la situation fiscale des personnes concernées sur deux ans, afin d’éviter l’effet yo-yo, consistant pour un titulaire de livret d’épargne populaire à être éligible une année et à ne plus l’être l’année suivante, ou l’inverse.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n451.

M. Pierre Moscovici, ministre. Les amendements nos 84 et 451 poursuivent la même finalité, selon des modalités différentes. Pour sa part, avec l’amendement n451, le Gouvernement propose d’envoyer un signal favorable en faveur de l’épargne populaire en revalorisant de 4 % le plafond d’éligibilité au LEP, et en maintenant le bénéfice du LEP d’une année sur l’autre pour les contribuables qui franchiraient à la hausse, puis à la baisse, le plafond d’impôt de référence.

L’amendement proposé par Mme Pires Beaune introduit un nouveau plafond qui aurait pour effet d’élargir le bénéfice du LEP à 7 millions de ménages supplémentaires, dont bon nombre font partie des 40 % de ménages les plus aisés. Je rappelle que, pour une personne seule, le plafond proposé serait de 24 000 euros, alors que le revenu médian est de 18 000 euros. Le plafond qu’il est proposé de retenir n’aboutirait donc pas à concentrer l’effort sur les ménages les plus modestes.

Par ailleurs, l’évolution proposée risque d’être source de complexité puisque, pour les livrets déjà ouverts, le nouveau plafond portant sur le montant du revenu fiscal, serait cumulable avec le plafond actuel portant sur le niveau d’imposition. Or, la complexité du livret d’épargne populaire pourrait apparaître comme un obstacle à sa commercialisation par les banques.

Enfin, l’amendement n84 présente un risque indéniable pour les finances publiques. En effet, en élargissant le champ des personnes susceptibles de bénéficier du LEP, on pourrait aboutir, dans l’hypothèse la plus extrême – qui a peu de chances de se réaliser, j’en conviens – à un coût de 280 millions d’euros à la charge des finances publiques. Pour l’ensemble des raisons que j’ai évoquées, je vous invite, madame Pires Beaune, à retirer votre amendement au profit de l’amendement n451 du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Avant de me prononcer, j’aimerais entendre l’avis du rapporteur général, corédacteur de l’amendement. Le rapport rendu en juin 2011 par M. Guillaume, inspecteur général des finances, avait attribué le score de 3 sur 3 à l’exonération d’impôt sur le revenu dont bénéficient les épargnants modestes au titre du livret d’épargne populaire. Cette « niche fiscale », s’il faut l’appeler ainsi, est donc reconnue comme très positive.

J’ajoute que ce projet de loi de finances rectificative comporte une mesure renforçant l’attractivité du produit épargne, dont on sait pourtant que les encours sont fortement concentrés sur les plus hauts patrimoines, comme je l’ai dit précédemment. Pour rappel, le coût du seul barème forfaitaire libératoire de l’impôt sur le revenu a pratiquement doublé depuis 2011, pour atteindre deux milliards d’euros – alors que, pour les livrets d’épargne populaire, l’exonération à l’impôt sur le revenu n’est que de 85 millions d’euros. Si je ne conteste pas la légitimité de la réforme de l’assurance-vie, il me semble qu’encourager l’épargne des contribuables les plus modestes constituerait un bon signal politique. J’ajoute que, malheureusement, ceux qui peuvent aujourd’hui souscrire un livret d’épargne populaire plafonné à 7 700 euros ne sont pas ceux qui peuvent épargner au-delà de ce montant. J’espère que M. le ministre sera convaincu par l’ensemble des arguments que j’ai exposés.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je veux soutenir la position de Mme Pires Beaune pour plusieurs raisons. Le fait que l’accès au livret d’épargne populaire soit conditionné par un plafond en impôt constitue une exception unique : cette référence n’est utilisée par aucun autre produit. Si, dans le cadre de la remise à plat du dispositif fiscal, il était procédé à la fusion de l’IR et de la CSG, ce seuil n’aurait absolument plus de sens.

M. Charles de Courson. Il n’y a pas de danger !

M. Philippe Vigier. Ce n’est pas près d’arriver !

M. Christian Eckert, rapporteur général. On peut toujours rêver !

M. Charles de Courson. Ce serait plutôt un cauchemar !

M. Christian Eckert, rapporteur général. La proposition consistant à se caler sur un revenu fiscal de référence me paraît tout à fait justifiée. Si, en travaillant sur cet amendement, on a conservé les deux dispositifs, c’était pour éviter les effets d’éviction. En effet, certaines personnes ayant un fort revenu de référence paient peu d’impôt sur le revenu, c’est pourquoi nous avons souhaité passer progressivement au revenu fiscal de référence. Je rappelle que le montant maximal de dépôt est de 7 700 euros – alors que, tout à l’heure, nous parlions de 700 000 euros. Pour moi, cet amendement est de bon aloi.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je veux, moi aussi, soutenir l’amendement de Mme Pires Beaune, qui présente un avantage incontestable, celui d’abandonner la référence au niveau d’imposition au profit de celle du revenu fiscal. Lier une exonération à un montant d’impôt ne paraît pas raisonnable quand on sait que l’impôt peut être modifié par des règles changeant chaque année – surtout en ce moment. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vous rappelle que vous avez quatorze lois de finances rectificatives à votre actif, monsieur Carrez. Pour ma part, je n’en suis qu’à deux !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Par ailleurs, la majoration de 4 % du plafond d’éligibilité au LEP paraît tout à fait raisonnable, et je suis un peu surpris par l’évaluation des effets de cette mesure que nous a indiquée M. le ministre. Sans doute est-ce dû au fait de conserver les deux plafonds : si tel est le cas, une solution doit pouvoir être trouvée.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un appel d’air !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il faut chercher de quelle manière nous pourrions passer progressivement au revenu fiscal de référence, et peut-être prévoir une sortie en biseau pour les contribuables qui se retrouveraient avec un revenu fiscal de référence supérieur, tout en ayant eu un impôt inférieur.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. J’entends bien tous les arguments qui ont été exposés en faveur de l’amendement n84 – sans que ceux-ci me convainquent tout à fait, je dois bien le dire. Je persiste en effet à penser que la combinaison des deux mesures va aboutir à rendre éligibles au LEP un grand nombre d’épargnants, dont tous n’appartiennent pas aux catégories les plus modestes, tant s’en faut. Cela va avoir, je le maintiens, un coût non négligeable pour les finances publiques, et je m’étonne de constater que, sur ce point, M. le président de la commission des finances déroge à l’orthodoxie dont il est coutumier.

Cela étant, puisque vous paraissez tous décidés à voter cet amendement, je m’incline. Je souhaite toutefois que nous profitions de la navette pour retravailler le dispositif et trouver les bons seuils, afin d’éviter que les mesures adoptées ne puissent avoir des effets potentiellement explosifs. Je compte sur vous, madame Pires Beaune et M. le rapporteur général, pour vous pencher sur la question.

M. le président. Levez-vous le gage sur l’amendement n84, monsieur le ministre ?

M. Charles de Courson. Il n’est pas obligé de le faire !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je lève le gage – mais nous y reviendrons, j’y compte bien !

(L’amendement n84, modifié par la suppression du gage, est adopté et l’amendement n451 tombe.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n443.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Des pratiques d’optimisation fiscale ont été observées sur certains PEA, sur lesquels sont parfois logés des titres à fort effet de levier potentiel, c’est-à-dire susceptibles de dégager des plus-values extrêmement importantes – je pense notamment aux bons et droits de souscription d’actions sur des sociétés non cotées. Afin de mettre fin à de telles pratiques, l’amendement n443 propose deux mesures, la première consistant à interdire, à compter du 1er janvier 2014, le placement de tels titres sur un PEA.

La deuxième mesure proposée vise à limiter les possibilités d’exonération des plus-values retirées lors de la cession de titres non cotés détenus moins de cinq années au sein d’un PEA. J’ai cru comprendre qu’un sous-amendement du Gouvernement aurait pour objet de supprimer cette disposition – qui, il est vrai, mérite sans doute d’être retravaillée, car elle a fait débat au sein de notre commission.

M. le président. La présidence n’a été saisie d’aucun sous-amendement.

Mme Marie-Christine Dalloz. S’il n’y a pas de sous-amendement, tant pis !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Peut-être ce sous-amendement viendra-t-il en deuxième lecture.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Je souhaite en effet proposer un sous-amendement oral, consistant à supprimer le II de l’amendement n443 et, au III, à supprimer les mots : « et le II s’applique aux plus-values réalisées à compter du 1er janvier 2014. »

M. le président. Il m’est impossible d’accepter un sous-amendement oral.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je pense, pour ma part, qu’il vaut mieux se donner un peu de temps pour parvenir à une rédaction satisfaisante. Cependant, je veux insister sur le fait qu’il s’agit là d’un sujet très important. Nous l’avons réglé partiellement dans le cadre de la loi de finances en 1998 ou 1999, mais le problème des plus-values reste intact. Les PEA ont été utilisés pour y loger des titres non cotés, à une valeur anormalement basse – ce qui, par un abus de droit, permet de dégager d’énormes plus-values cinq ans plus tard, lors de la cession des titres, tout en bénéficiant d’une exonération fiscale totale, du fait du placement sur un PEA.

La question a été en partie résolue s’agissant de la partie « dividendes » puisque, dans le PEA, l’on enregistre à la fois la plus-value – le capital – et les produits versés chaque année sous forme de dividendes. En 1998 avait été introduit un plafond de 10 %, me semble-t-il, sur les dividendes.

J’avais eu à examiner il y a quelques années l’aspect « plus-values », mais nous n’avions pas trouvé de solution. Il y a là une anomalie à corriger.

J’ajoute, monsieur le ministre, que ce point est d’autant plus important que l’on a institué un PEA spécifique aux PME, qui donnera accès à des sociétés non cotées : il est donc de l’intérêt de tous que l’on trouve une solution. C’est un sujet, je le répète, complexe, qui a donné lieu à une discussion assez longue en commission des finances. Il est peut-être plus raisonnable de se donner encore un peu de temps pour parvenir à la bonne rédaction.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mes chers collègues, je crains que si l’on n’adopte pas l’amendement, l’on se trouve contraint, en deuxième lecture, par la règle de l’entonnoir. J’avais cru comprendre que le Gouvernement était prêt à accepter la première partie de l’amendement, relative aux bons de souscription, mais émettait des réserves – que je comprends, puisque c’était l’objet de notre discussion en commission des finances – sur sa deuxième partie. Je précise dans cette deuxième partie que la durée de détention effective des placements doit être inférieure à cinq ans et l’exonération limitée à un montant inférieur ou égal à 200 % de leur montant, ce qui constitue déjà, me semble-t-il, une rédaction meilleure que celle dont nous avions discuté en commission. Je pense que nous pourrions adopter l’amendement en l’état, tout en étant ouvert à une modification dans la suite de la navette. Sinon, nous ne pourrons pas traiter le sujet.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. La décision est entre les mains du président : nous venons de déposer le sous-amendement par écrit, peut-être un peu tardivement, il est vrai. S’il n’est pas possible de l’accepter, je me rallierai à la proposition du rapporteur général : nous voterons l’amendement, conserverons en l’état sa première partie et le sous-amenderons dans le cadre de la navette – en reprenant le sous-amendement que je viens de déposer –, conformément aux principes que nous venons d’évoquer ensemble.

M. le président. Le sous-amendement n’ayant pas été déposé dans les règles, je ne peux pas l’accepter. Je mets aux voix l’amendement n443 dans sa rédaction actuelle.

(L’amendement n443 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n362.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur le ministre, il est une donnée que l’on n’arrive pas à obtenir : je veux parler du montant de la dépense fiscale due aux conditions favorables – notamment ce fameux abattement de 152 500 euros et les règles de taux que nous venons de modifier – régissant la transmission des sommes figurant sur une assurance-vie, lors du dénouement du contrat. Aussi souhaiterais-je que l’on dispose d’un rapport comportant ce chiffrage, ne serait-ce qu’en considérant un cas précis, par exemple une taxation de 40 % en ligne directe.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Favorable.

(L’amendement n362 est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Vote solennel sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel ;

Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée mercredi 4 décembre 2013 à une heure vingt.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron