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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 04 décembre 2013

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Rythmes scolaires

M. Patrick Hetzel

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Rythmes scolaires

M. Rémi Pauvros

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Fiscalité et collectivités territoriales

M. Jean-Jacques Candelier

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Sapeurs-pompiers

M. Jacques Krabal

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Lutte contre la fraude fiscale

M. Yann Galut

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Politique pénale

M. Georges Fenech

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Politique pénale

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Mariage pour tous

M. Jean-Frédéric Poisson

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Recherche sur les OGM

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Insécurité

M. Michel Terrot

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Situation de la compagnie MyFerryLink

M. Yann Capet

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Pacte d’avenir pour la Bretagne

M. Thierry Benoit

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Transition énergétique

M. Julien Aubert

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Réforme territoriale

M. Jean-Christophe Fromantin

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Situation des enseignants des classes préparatoires

Mme Claudine Schmid

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

2. Renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel

Explications de vote

Mme Marie-George Buffet

Mme Ségolène Neuville

Mme Marie-Louise Fort

M. Charles de Courson

Mme Barbara Pompili

M. Alain Tourret

Vote sur l’ensemble

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

3. Projet de loi de finances rectificative pour 2013 (suite)

Seconde partie (suite)

Article 8

Amendements nos 227 , 455 (sous-amendement)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 264 , 445 , 270 , 272

Article 9

Amendements nos 273 , 275, 277 et 279

Article 10

Amendements nos 151 , 19 rectifié , 6 rectifié , 286 , 152 , 153 , 287

Suspension et reprise de la séance

Après l’article 10

Amendements nos 195 , 196

Présidence de Mme Laurence Dumont

Amendements nos 457 deuxième rectification , 189 , 253 , 104 , 334 , 376 , 377 , 333 , 5 , 15 , 212 , 263

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 198 , 213 , 262 , 28

Article 11

Amendement no 288

Article 12

Amendements nos 154 , 155 , 156 , 274 , 157 , 278 , 281 , 285 , 436 , 327

Après l’article 12

Amendement no 30

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 31 , 329 , 200 rectifié , 252 , 202 rectifié , 331 , 330 , 203, deuxième rectification

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, votre réforme des rythmes scolaires patine plus que jamais. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Allons ! Il s’agit d’un sujet sérieux : écoutez la question et la réponse !

M. Patrick Hetzel. Alors que la question faisait l’objet d’un accord transpartisan, vous avez magistralement raté ce dossier et créé des blocages inutiles. Les maires de France sont repartis de leur Congrès avec la triste sensation de ne pas avoir été entendus et, surtout, avec l’impression que vous les laissiez seuls et en première ligne. Dans beaucoup de communes, cette question pose d’insolubles problèmes. Même les maires qui veulent mettre en œuvre votre réforme vont devoir augmenter les impôts locaux pour la financer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il faut donc plus que jamais trouver une solution pour apaiser et en revenir à l’intérêt des enfants.

C’est la raison pour laquelle, avec Xavier Bertrand et nos collègues du groupe UMP, nous portons une proposition de loi qui permettra une sortie par le haut. Notre texte donne des leviers d’action aux maires. Il s’articule autour de trois principes très simples : la liberté de choix des maires, qui est un point essentiel (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) ; la concertation avec tous les acteurs concernés, point sur lequel vous avez totalement failli, monsieur le ministre ; enfin la compensation financière intégrale par l’État. Notre texte est soucieux de l’intérêt supérieur de l’enfant…

M. Jean Glavany. Foutaise !

M. Patrick Hetzel. …et de la prise en compte de la réalité du terrain. Il débloquera enfin la situation et créera un peu de sérénité autour de l’école, ce dont nous avons besoin.

Ma question est donc simple : allez-vous enfin saisir cette occasion pour apaiser le débat, rassurer les familles de France et donner les moyens aux maires d’agir efficacement ?

M. Pascal Deguilhem. Agitateur !

M. Patrick Hetzel. En tout cas, grâce à nous, vous en aurez la possibilité demain dans cet hémicycle avec notre proposition de loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député Patrick Hetzel, vous avez raison de souhaiter que le débat autour du temps scolaire et du temps éducatif soit apaisé. J’ai noté du reste, au Congrès des maires, que tel était l’état d’esprit des maires de France. L’Association des maires de France a elle-même interrogé les maires et fait connaître un sondage montrant que, dans les 4 000 communes qui y sont passées, 83 % des élus considèrent que cette réforme est utile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Elle est poursuivie dans l’intérêt des enfants.

Ainsi que je l’ai dit à plusieurs reprises, le Comité de suivi de la réforme du temps scolaire se réunira le 9 décembre, car nous devons être capables de mener jusqu’au bout la concertation :…

M. Michel Herbillon. Cette concertation est un échec !

M. Vincent Peillon, ministre. …concertation avec les parents d’élèves, qui y sont associés, concertation avec les représentants des enseignants, concertation avec toutes les associations d’élus des grandes villes, des villes moyennes et des communes rurales. Diverses recommandations ont déjà été faites sur l’organisation des temps à la maternelle. Un certain nombre de bonnes pratiques ont été mises en valeur pour permettre aux uns et aux autres d’améliorer les dispositifs dans l’intérêt des élèves.

Vous parlez de la liberté que l’on pourrait laisser aux élus : jamais elle n’a été aussi grande qu’avec ce décret ! Pour la première fois dans l’histoire de la République, les élus locaux – je les salue d’ailleurs, car la majeure partie d’entre eux est en train de travailler dans l’intérêt de l’enfant à construire ces projets éducatifs (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) – peuvent déterminer avec les conseils d’école la meilleure solution pour les élèves.

Quand toutes les bonnes volontés sont unies, on réussit dans l’intérêt des élèves. Il est dommage que quelques-uns, dont vous êtes, ne veuillent pas unir leurs bonnes volontés et mènent un combat d’arrière-garde ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Rémi Pauvros, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Rémi Pauvros. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, alors que depuis hier s’affirme l’idée que l’école française conduirait les enfants à l’échec, je veux tout d’abord, au nom de la majorité, envoyer un message de reconnaissance et de confiance à tous les acteurs du monde éducatif. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRCsur plusieurs bancs du groupe GDR.) Nous leur avons confié le bien le plus précieux dans notre société : l’éducation de nos enfants.

Sous votre impulsion, nous créons de nouveaux postes d’enseignants, nous recréons la formation des maîtres, vous engagez la réforme des programmes.

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô !

M. Rémi Pauvros. Mais nous devrons, dès que la croissance retrouvée le permettra, envoyer aux professeurs des écoles un signe fort concernant leur statut et leur rémunération. C’est pour cela que vous avez ouvert le débat sur le métier d’enseignant. Ainsi, nous ferons en sorte qu’ils soient tous respectés dans leur fonction.

Cherchons à mobiliser, comme le conseil municipal de Maubeuge, qui a décidé, à l’unanimité, de mettre en place cette réforme dès cette année pour les 3 500 enfants concernés. Vous avez apporté 137 euros pour chacun d’entre eux, la commune 53 euros alors qu’à ma connaissance ma commune est loin d’être la plus riche de France ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Améliorons le dispositif, en particulier pour les classes maternelles dont je dois rappeler ici que l’existence même fut mise en cause par le précédent gouvernement.

« Écoutons ce que les enfants ont à nous dire » : c’est le message que l’UNICEF, dont la présidente est Mme Barzach, a rendu public hier sur la base d’une remarquable enquête qui nous confirme qu’un enfant sur cinq vit en situation sociale précaire en France.

Déjà, l’auteur de Du contrat social nous le disait : « L’enfance a des manières de voir, de penser, de sentir qui lui sont propres. Rien n’est moins sensé que d’y vouloir substituer les nôtres ».

Comment pensez-vous, monsieur le ministre, vous appuyer sur l’expérience des acteurs de votre réforme pour la rendre plus efficace, et pour améliorer encore et toujours ce vaste chantier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, vous avez raison et ce que vous dites a été malheureusement rappelé hier par l’OCDE. L’école, la réussite de tous les enfants de notre pays doit être pour nous tous la priorité.

M. Marcel Bonnot. C’est mal barré !

M. Vincent Peillon, ministre. Ce que nous devons faire a été très clairement indiqué. Bien entendu, il faut créer des postes pour permettre à nouveau les remplacements, pour permettre la formation des enseignants qui avait été si dégradée et abîmée ces dernières années, pour permettre, comme l’a fait l’Allemagne, et comme l’a recommandé hier encore l’OCDE, de donner du meilleur temps scolaire et éducatif aux enfants – c’est ce qui est fait avec la réforme du temps scolaire –, pour reconnaître, et je vous en remercie, le travail remarquable des enseignants de l’éducation nationale qui sont au front de la difficulté sociale et scolaire, enfin pour permettre d’améliorer le niveau scolaire et les performances scolaires de tous les enfants.

Toutes les grandes réformes méritent du temps, de la concertation.

M. Philippe Cochet. C’est vous qui dites cela ? C’est incroyable !

M. Vincent Peillon, ministre. C’est pour cela que, pour l’ensemble des réformes que nous avons pu mettre en œuvre, nous avons installé des comités de suivi. C’est ce que nous avons fait, la semaine dernière, avec Geneviève Fioraso s’agissant de la réforme des écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Quant au comité de suivi de la réforme des rythmes scolaires, il se réunira, je le répète, le 9 décembre prochain. Chaque fois qu’il faudra apporter des modifications, des améliorations, nous le ferons, dans une seule perspective : l’intérêt des élèves. L’intérêt des élèves, cela veut dire de tous, la justice sociale et la justice scolaire pour tous les enfants de France. C’est une grande œuvre autour de laquelle nous pourrions être réunis.

Monsieur le député, je vous remercie d’avoir montré l’exemple et je ne doute pas que bientôt c’est la France entière qui choisira ce combat comme le plus beau des combats, celui de l’espérance et de l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Fiscalité et collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le Premier ministre, la hausse de la TVA au 1er janvier se soldera par une facture de 6 milliards d’euros, principalement à la charge des foyers modestes. Les ménages vont financer un cadeau fiscal de 20 milliards sur l’impôt sur les sociétés. Vous annoncez des coupes de 15 milliards par an dans les dépenses publiques jusqu’en 2017. On le sait aujourd’hui, un euro de dépenses publiques en moins c’est un euro de PIB en moins. L’austérité ne permet pas de redresser les comptes.

Pourtant, sous les injonctions de la Commission européenne, vous continuez de défendre votre politique de l’offre avec toujours plus d’argent pour les entreprises, y compris celles qui saccagent l’emploi, et toujours moins d’argent pour les services publics et les ménages.

Un grand quotidien du soir nous expliquait, vendredi, que votre remise à plat de la fiscalité augure d’un serrage de vis sans précédent des collectivités territoriales, bien au-delà de l’inacceptable diminution des dotations. Le Gouvernement examine l’instauration de plafonds d’emplois territoriaux pour diminuer leurs dépenses. Il envisage de fixer des normes de dépenses de fonctionnement ainsi qu’un bonus-malus. Cela heurterait le principe d’autonomie des collectivités et pénaliserait encore plus l’investissement public. Ce n’est pas ce que les Français attendent, ni ce qui était annoncé pendant la campagne électorale.

Monsieur le Premier ministre, comptez-vous changer de cap et entendre les Français qui n’en peuvent plus, en abrogeant l’augmentation prévue de la TVA ? Confirmez-vous la volonté de mise sous tutelle des collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, vous évoquez essentiellement trois sujets : la fiscalité, la dépense publique et les collectivités territoriales.

Pour ce qui concerne la fiscalité, je sais que votre groupe est très attaché au principe de la justice fiscale. C’est ce Gouvernement qui a décidé, l’an dernier, de fiscaliser les revenus du capital comme les revenus du travail. C’est ce Gouvernement qui a décidé, l’an dernier, de procéder à une réforme des droits de succession. C’est encore ce Gouvernement qui a décidé, cette année, de corriger un certain nombre d’injustices qui avaient conduit le pays à subir beaucoup de souffrance et de difficultés sociales.

Nous avons réindexé le barème de l’impôt sur le revenu, nous avons mis en place une décote, nous avons augmenté le plafond du revenu fiscal de référence et nous avons engagé une réforme de la fiscalité des entreprises de façon que moins d’impôts pèsent sur le chiffre d’affaires mais davantage sur les résultats…

M. Philippe Cochet et Mme Laure de La Raudière. Mensonge !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et que nous puissions faire en sorte, à travers ce travail, qu’il y ait moins d’optimisation fiscale. Et c’est ce Gouvernement qui a engagé une lutte résolue contre la fraude fiscale qui nous permettra, dans le cadre de ce budget, de récupérer près de 2 milliards d’euros de recettes sur ceux qui fraudent.

Pour ce qui concerne la dépense publique, si nous sommes attachés comme vous l’êtes, aux services publics et à la protection sociale, il faut tout faire pour que la mauvaise dépense publique ne chasse pas la bonne, il faut tout faire pour moderniser nos services publics, il faut tout faire pour que chaque euro dépensé soit un euro utile.

Enfin, pour ce qui concerne les collectivités locales, c’est nous qui avons signé, au mois de juillet, un pacte de confiance qui permet à des collectivités locales confrontées à des dépenses contraintes qui progressaient fortement d’avoir des recettes dynamiques qui leur permettent de faire face à leurs obligations de service public.

Voilà ce que nous faisons. Vous devriez nous soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Sapeurs-pompiers

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le ministre de l’intérieur, aujourd’hui 4 décembre, c’est la sainte Barbe, patronne des sapeurs-pompiers. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Collectivement, rendons hommage à ces serviteurs de la nation, à leurs valeurs, à leur engagement et à leur volonté de servir. Rappelons qu’en service, ce sont huit d’entre eux qui sont morts en 2013. Plus de treize mille ont été blessés en 2012.

Oui, les soldats du feu méritent notre reconnaissance. Au congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers, à Chambéry, le 12 octobre, le Président de la République et vous-même avez abordé leurs préoccupations.

Pour les professionnels, où en est-on de la réforme de 2012, et surtout de la perte de leurs acquis ?

Pour les volontaires, compte tenu des difficultés de recrutement, vous avez pris l’initiative d’un plan national, très positif, qui comprend une campagne de communication, des avantages sociaux, une action auprès de la Commission européenne pour que le volontariat ne soit pas assimilé au travail salarié. Ce plan sera-t-il suffisant, avec 2 200 volontaires de moins en un an ?

Le volontariat est un exemple pour notre jeunesse et pour notre pays. S’engager pour la société, c’est ce que la République doit promouvoir pour faire reculer l’égoïsme et le repli sur soi.

L’engagement citoyen, c’est retisser du lien social et reconstruire de la responsabilité individuelle. Aussi, monsieur le ministre, où en est-on du service citoyen de sécurité civile ? Pourquoi ne pas envisager la création d’un service civique pour toute notre jeunesse ? C’est la proposition du groupe RRDP.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Jacques Krabal. Avec la crise morale et sociale que nous traversons, avec le chômage que nous connaissons, nous devons aussi rappeler cette phrase de John Fitzgerald Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour lui. »

Monsieur le ministre, pour les sapeurs-pompiers et pour la sécurité, je vous remercie de vos réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.).)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous avez raison : en ce jour de la sainte Barbe, nous avons l’occasion de rendre hommage à l’ensemble des sapeurs-pompiers. J’ai tenu d’ailleurs à accueillir hier soir un détachement qui revenait des Philippines et j’ai envoyé un message aux 250 000 sapeurs-pompiers de notre pays.

Lors du congrès de Chambéry, vous l’avez évoqué, j’ai signé aux côtés des élus – je salue Jean-Paul Bacquet – un plan national pour le volontariat, car c’est un sujet de préoccupation.

Le Président de la République, à Chambéry, a ouvert de nombreux dossiers, notamment celui de la reconnaissance que nous devons aux sapeurs-pompiers. Vous m’avez interrogé sur une des mesures de ce plan, le service citoyen de sécurité civile : il s’agit, avec l’appui des services départementaux d’incendie et de secours, des élus, des unités militaires de la sécurité civile, d’offrir aux jeunes un apprentissage fondé sur les valeurs de l’engagement citoyen.

Ce nouveau service concernera 1 500 jeunes par an. Il devra leur permettre de s’engager pour trois ans comme sapeurs-pompiers volontaires. Il contribuera également à la diffusion d’une culture de la sécurité civile parmi les jeunes.

Le Gouvernement, je veux le souligner, n’oublie pas les sapeurs-pompiers professionnels ; nous avons restauré un dialogue équilibré avec toutes leurs organisations syndicales : ils seront concernés, en 2014, par la revalorisation de la catégorie C de la fonction publique.

Ce n’est pas seulement le Gouvernement, ce n’est pas seulement le Parlement, mais la nation dans son ensemble qui témoigne aux sapeurs-pompiers sa considération et sa reconnaissance pour leur engagement au service de la population. Dans ces temps difficiles, l’engagement des sapeurs-pompiers, le lien entre eux et la nation, méritent d’être soulignés et encouragés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Lutte contre la fraude fiscale

M. le président. La parole est à M. Yann Galut, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yann Galut. J’associe à ma question ma collègue Sandrine Mazetier.

Aujourd’hui, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur les deux lois relatives à la lutte contre la fraude fiscale et au procureur de la République financier.

L’essentiel de ces deux lois majeures a été validé par le Conseil constitutionnel. Néanmoins, suite à la saisine de sénateurs de l’UMP défavorables presque par principe à cette lutte (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.), quelques dispositions mineures de la première loi ont été censurées.

Mais, et c’est bien ce qui compte, l’essentiel demeure. L’administration et la justice vont enfin disposer de moyens renforcés pour combattre ce pillage qui atteint de 40 à 80 milliards d’euros par an.

La création du procureur de la République financier a été entièrement validée. Le délit de fraude fiscale aggravée a été validé. Le recours aux pouvoirs spéciaux d’enquête a été validé.

C’est une excellente nouvelle pour les finances publiques de notre pays ; c’est une excellente nouvelle pour le droit, car la justice fiscale et la justice économique sont indissociables de la justice sociale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, depuis mai 2012, la nouvelle majorité œuvre sans relâche pour lutter contre cette délinquance qui remet en cause notre pacte social et républicain.

M. Bernard Deflesselles. Cahuzac !

M. Yann Galut. Notre détermination commence à porter ses fruits : ces trois derniers mois, ce sont 8 500 dossiers de repentis fiscaux qui sont parvenus à Bercy, soit plus de demandes de régularisation qu’en quatre ans. C’est bien la preuve que votre volontarisme en la matière est judicieux. Il devrait permettre de collecter 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires en 2014.

M. Alain Marty. Le bonjour de Cahuzac !

M. Yann Galut. Monsieur le ministre, alors que les Français souffrent des conséquences de la crise, ne rien faire contre la fraude fiscale, « sport » pratiqué par les plus fortunés, aurait été une faute. Alors que notre pays s’engage dans une réforme fiscale ambitieuse et volontaire, pouvez-vous nous dire quelles sont les intentions du Gouvernement pour poursuivre ce combat ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Je veux vous confirmer la détermination du Gouvernement à lutter contre la fraude fiscale. Le Conseil constitutionnel vient de valider soixante-quatorze articles de loi que vous avez discutés, amendés, adoptés et je veux rappeler quels étaient les objectifs que nous poursuivions.

Depuis le début du quinquennat, ce sont près de soixante mesures – avant l’adoption des lois dont je viens de parler – qui ont été prises par le Gouvernement pour lutter contre la fraude dans les entreprises : je pense à la possibilité de déduire les intérêts en France et de transférer les bénéfices à l’étranger, à l’inversion de la charge de la preuve, au prélèvement de 60 % des sommes placées sur des comptes à l’étranger dès lors qu’il n’est pas possible d’établir la traçabilité de ces sommes. (« Cahuzac ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Nous avons, avec Christiane Taubira, décidé de présenter un projet de loi devant votre Assemblée et le Sénat pour renforcer les moyens de lutte contre la fraude fiscale. En témoignent la création du parquet financier et de nouveaux délits pour fraude en bande organisée, la condamnation du recours aux trusts et sociétés-écrans, la publication d’une nouvelle liste d’États et territoires non coopératifs et la volonté que nous avons de faire en sorte que les particuliers qui ont des actifs à l’étranger se mettent en conformité avec le droit. Vous l’avez rappelé, ce sont près de neuf mille dossiers qui ont été déposés auprès de l’administration de Bercy.

M. Alain Marty. Dont celui de Cahuzac !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est plus qu’au cours des quatre dernières années, ce qui nous conduit à penser que l’objectif d’un milliard au titre de la fraude des particuliers sera atteint. Notre détermination à lutter contre la fraude est entière. Chaque euro récupéré sur ceux qui fraudent est un euro de moins qu’auront à débourser les Français qui paient l’impôt. Dans le contexte de redressement des comptes publics, ce n’est là que justice. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Politique pénale

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Fenech. Monsieur le Premier ministre, votre politique pénale – ou pseudo-pénale – inquiète les Français. Les chiffres publiés par l’administration pénitentiaire sont éloquents : le nombre de personnes incarcérées est au plus bas alors que la délinquance explose. Cette situation s’aggravera davantage lorsque vous aurez fait adopter la « contrainte pénale », dernière trouvaille pour impressionner les délinquants les plus endurcis.

En effet, il sera désormais possible de purger une peine de cinq ans ou moins hors les murs. D’ailleurs, pourquoi ne pas avoir soumis ce projet dès maintenant à notre Parlement ? En fait, cela fait partie des nombreux textes que nous découvrirons après les municipales, comme par hasard !

Et pendant que vous mettez à bas méthodiquement et consciencieusement la politique pénale que nous avions mise en place et qui avait porté ses fruits (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), les détenus font la fête (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) !

En effet, il y a quelques jours, les détenus de la prison de Montmédy se filmaient, encagoulés, avec des téléphones portables entrés illégalement dans l’enceinte carcérale. Je viens de visionner ces vidéos et je suis littéralement atterré. On peut y voir des détenus dansant dans les couloirs, en toute impunité, l’un d’entre eux vêtu d’une veste subtilisée à surveillant (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et fumant un joint. (Rires et exclamations sur divers bancs.) Mais il est vrai que plusieurs membres de votre Gouvernement sont favorables aux salles de shoot !

De telles dérives, monsieur le Premier ministre, sont inacceptables. Je rappelle qu’elles font suite à deux évasions lors d’un transfert vers Sequedin, il y a un mois, là où précisément Rédoine Faïd était parvenu à se faire la belle…

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : allez-vous enfin mettre en œuvre une politique pénale ferme, réaliste, celle qu’attendent les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Georges Fenech, je ne veux pas croire que vous soyez à ce point ignorant (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.) du désordre que votre politique pénale a créé pendant ces dix dernières années, avec une centaine de textes modifiant le code de procédure pénale et le code pénal (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe UMP)

M. Christian Jacob. Elle ne peut pas parler normalement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et une loi pénitentiaire qui introduit des injonctions contradictoires et des dispositions différant l’exécution des peines !

M. Alain Marty. Répondez aux questions !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Voilà le résultat de la politique que vous avez menée pendant ces dix dernières années avec, pour couronner le tout, la surpopulation carcérale que nous connaissons.

Dans le cadre de cette dernière loi, datant de 2009, vous avez introduit à l’article 57 des dispositions techniques visant à éviter les fouilles intégrales. Vous n’avez donc strictement rien fait. Le Gouvernement que vous avez soutenu n’a rien fait non plus et vous venez maintenant nous interroger de façon lénifiante sur la situation que vous avez délibérément organisée (Protestations sur les bancs du groupe UMP - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) tandis que votre impuissance désordonnait notre code pénal !

Ce Gouvernement, quant à lui, a adopté un plan de sécurisation sans précédent doté de 33 millions dont 12 millions afin de mettre en place des dispositifs visant à éviter les projections d’objets illicites.

M. Bernard Deflesselles. C’est raté !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons doublé le nombre de portiques à masse métallique. Nous avons trouvé un seul portique à ondes millimétriques quand nous en installons vingt en une seule année dans toutes les maisons centrales et dans toutes les zones sensibles des maisons d’arrêt. Nous avons également renforcé le renseignement pénitentiaire.

Monsieur le député, ce Gouvernement a décidé de travailler pour la sécurité des Français et il s’en est donné les moyens. Nous sommes en train de contrarier les effets de votre politique de Gribouille ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC - (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR.).)

Politique pénale

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Madame la ministre de la justice, vous avez raison de répondre sérieusement à des interpellations qui ne me paraissent pas fondées (Protestations sur les bancs du groupe UMP - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Traduisant l’engagement du Président de la République, le Gouvernement a fait de la justice l’une de ses priorités. Depuis plus d’un an maintenant, à travers les priorisations budgétaires – dont celles que vous venez d’évoquer –, les niveaux de recrutements, le rétablissement de relations apaisées et constructives avec les magistrats, les personnels de greffe et tous les professionnels du droit, vous avez traduit la place que la justice et ceux qui la font vivre au quotidien doivent occuper dans les institutions de la République.

Cela constitue un changement considérable pour tous ceux qui ont été malmenés, parfois méprisés ou insuffisamment considérés ces dernières années en raison du désordre budgétaire judiciaire.

M. Patrice Verchère. Les délinquants vous remercient !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Il est vrai, madame la ministre, que l’expression que vous avez utilisée est conforme à ce qui s’est passé ces dernières années.

Vous avez engagé un certain nombre de réformes de fond protégeant l’indépendance de la justice et son impartialité mais aussi accentuant le rôle du parquet dans l’exercice de l’action publique tout en permettant de maintenir la responsabilité du Gouvernement et du Garde des Sceaux dans la définition de la politique pénale.

Madame la ministre, vous devez relever un grand défi : celui de la modernisation de notre justice et de la nécessaire refonte de notre ordre judiciaire, datant de 1958 et inspiré d’une démarche du siècle dernier. Vous avez lancé une concertation sur la justice du XXIe siècle, vaste réflexion visant à replacer les citoyens au cœur de ce service public qui mobilise un grand nombre d’acteurs, le public et l’ensemble des bénéficiaires de la justice.

Madame la ministre, pouvez-vous détailler les grands objectifs de votre démarche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Jean-Yves Le Bouillonnec, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, nous avons en effet trouvé une institution judiciaire portant l’empreinte de la politique judiciaire menée par l’ancienne majorité (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) et qui était marquée par deux grands axes : l’inflation législative avec la multiplication des fonctions, des obligations, des contraintes, des missions sans cohérence aucune entraînant un grand désordre dans les conditions de travail ; la révision générale des politiques publiques supprimant des emplois tout en multipliant ces fonctions et obligations. Je rappelle qu’un départ à la retraite sur deux ne devait pas être remplacé.

Nous nous sommes donc saisis de cette situation à bras-le-corps. Nous avons tout d’abord salué le mérite des magistrats, des greffiers, des fonctionnaires qui ont su faire face et qui ont porté à bout de bras cette institution judiciaire.

Ensuite, dès notre premier budget, nous avons créé des emplois – nous en créons d’ailleurs plus de 500 chaque année.

Mais, en plus des effectifs et des moyens, nous devons travailler sur les méthodes et les conditions de travail. Dès l’année dernière et au début de cette année, nous avons ouvert quatre grands chantiers…

M. Jacques Alain Bénisti. C’est un mensonge !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …sur l’office du juge, sur le magistrat et son équipe d’assistants spécialisés,…

M. Patrice Verchère. Et les comités des fêtes des prisons ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …sur les juridictions du XXIe siècle, y compris les contentieux et les procédures, ainsi que sur la modernisation de l’action publique.

Nous travaillons également sur la base des rapports parlementaires, notamment ceux de MM. Claeys et Détraigne. Le Président de la République a très clairement déclaré qu’il souhaite une justice de proximité, efficace et diligente…

M. Philippe Meunier. Musique pour tous !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …au service de nos concitoyens. Ce sont ces grands chantiers qui, les 10 et 11 janvier, à la Maison de l’UNESCO, nous permettront de mener une réflexion commune et d’écrire une belle et forte réforme judiciaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mariage pour tous

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la garde des sceaux, le 18 mai 2013 a été promulguée la loi instaurant dans notre droit le mariage dit pour tous. Dans cette loi a été incluse, à votre demande lors de l’examen du texte au Sénat, l’autorisation pour le Gouvernement de légiférer par ordonnance pour compléter, en plus du code civil, les quinze codes concernés par la nouvelle loi sur le mariage.

Vous aviez six mois pour produire ces ordonnances et venir les faire ratifier devant le Parlement. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Au début du mois de juillet, vous avez saisi le Premier ministre, par le biais de votre cabinet, pour avertir le Gouvernement que tous les ministères devaient produire la matière nécessaire à leur rédaction. À la fin du mois de septembre, un projet d’ordonnance a été enregistré au Conseil d’État. Vous aviez donc engagé cette mécanique, apparemment pour la mener à son terme. Puis plus rien.

Aujourd’hui, le délai de six mois est passé et l’autorisation est forclose. Par conséquent, vous n’avez d’autre solution que de revenir devant le Parlement, pour demander à nouveau l’autorisation de procéder par ordonnance ou pour modifier les textes par la loi.

Cette situation est problématique pour plusieurs raisons. Premièrement, il nous semble qu’elle produit une insécurité juridique pour tous ceux qui sont concernés par ce droit, ce que nous ne pouvons accepter. Deuxièmement, elle témoigne d’un mépris pour l’institution parlementaire, à laquelle vous avez demandé de se dessaisir de son droit de légiférer, pour utiliser un droit que vous n’utilisez même pas.

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce faisant, vous ne témoignez pas à nos institutions le respect qu’elles méritent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.) Troisièmement, vous êtes à nouveau dans le déni, puisque vous refusez de reconnaître que vous avez en face de vous des interlocuteurs valables, même s’ils ne sont pas d’accord avec vous.

Madame la garde des sceaux, l’incapacité dans laquelle se trouve le Gouvernement de mener à bien cette affaire des ordonnances nous inquiète, car elle témoigne de son dédain à notre égard et de son dédain à l’égard du peuple français. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député Jean-Frédéric Poisson, une fois n’est pas coutume, je vous remercie pour la très grande qualité de votre question, qui démontre à quel point nous avons travaillé sérieusement sur la question des ordonnances issues de ce texte de loi. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Cochet. Incompétence ! Amateurisme !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Poisson, vous qui avez suivi les débats et qui y avez participé jusqu’au dernier jour – je dirais même jusqu’à la dernière heure –, je vous rappelle que l’article 6-1 du code civil, qui a justement été introduit dans la loi par les deux chambres du Parlement, dispose que le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets, droits et obligations, que les époux ou parents soient de sexe différent ou de même sexe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Et alors ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous savez bien que le titre VII du code civil n’est pas concerné et que la disposition que vous évoquez a été introduite par l’Assemblée nationale, puisque le texte du Gouvernement, lui, avait établi la liste de la totalité des dispositions à modifier. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Cochet. Et alors ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tirant les conséquences de cette disposition introduite par votre assemblée, nous avons pris, par prudence, la précaution de demander au Parlement qu’il autorise le Gouvernement à légiférer par ordonnance.

M. Jean-François Lamour. Nous vous demandons des éclaircissements !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le code civil n’est pas concerné, ce sont les autres codes qui le sont. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP.)

Nous avons procédé à une expertise, qui a fait valoir que la rédaction de l’article 6-1 du code civil, que je viens de rappeler, rendait inutile l’adoption de dispositions techniques à l’intérieur des autres codes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – « Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous n’allons pas prendre des dispositions techniques qui n’ont pas lieu d’être ! Cette disposition de l’article 6-1 du code civil s’applique à l’ensemble des codes : elle entraîne les mêmes effets, les mêmes droits et les mêmes obligations, que les parents soient de même sexe ou de sexe différent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. C’est n’importe quoi !

M. le président. Monsieur Fasquelle, s’il vous plaît, mesurez vos propos et calmez-vous !

Recherche sur les OGM

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe écologiste.

M. Jean-Louis Roumegas. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, le 9 octobre 2012, l’Assemblée nationale auditionnait le professeur Gilles-Eric Séralini au sujet de son étude in vivo sur des rats nourris avec du maïs OGM de type NK603 de Monsanto, et exposés à l’herbicide Round-Up. Cette étude a été une première en France, puisqu’elle a été réalisée sur une période longue de deux ans, alors que les protocoles habituels se limitent à trois mois. Elle a mis en évidence des effets cancérigènes alarmants et soulevé la question des conditions dans lesquelles sont accordées les autorisations de mise sur le marché.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas une étude, mais une escroquerie intellectuelle !

M. Jean-Louis Roumegas. Les travaux de M. Séralini ont été publiés par la revue Food and Chemical Toxicology. Cette revue vient de lui demander le retrait de son étude, au motif de son inconclusivité,…

M. Bernard Accoyer. C’est bien normal !

M. Jean-Louis Roumegas. …caractéristique pourtant commune à des milliers d’études qui ne seront jamais retirées. L’arrivée récente d’un expert de Monsanto dans le comité éditorial semble coïncider avec cette décision.

Pour tous ceux qui refusent la loi des lobbies et sont attachés à l’indépendance de l’expertise, cette nouvelle est consternante. À ma question écrite du mois d’octobre 2012, vous répondiez, madame la ministre, avoir demandé au président du CNRS et à celui de l’INRA « un rapport sur l’état de l’art et les études complémentaires à mener en harmonisation avec la réglementation européenne ». Nous attendons toujours ce rapport.

Par ailleurs, le programme « Risk’OGM », lancé en juillet par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, ne semble pas répondre à la question d’études in vivo de long terme. Nous souhaitons connaître, madame la ministre, la position du Gouvernement sur la mise en œuvre d’une expertise publique indépendante sur les OGM en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député Jean-Louis Roumegas, l’article de M. Gilles-Éric Séralini, publié en septembre 2012 dans la revue scientifique Food and Chemical Toxicology a fait l’objet de vives critiques de la part de la communauté scientifique. L’ANSES et le Haut Comité des biotechnologies avaient effectivement procédé, à la demande du Gouvernement, à une analyse de l’étude de M. Séralini, qui avait conclu à des faiblesses expérimentales et statistiques.

J’ai appris comme vous, le 28 novembre dernier, que cette revue scientifique avait décidé de retirer cet article. Je n’ai pas à m’expliquer, ni à porter un jugement sur les décisions prises par cette publication, qui a son propre comité d’expertise scientifique.

Plus d’une vingtaine de projets de recherche publique, financés par l’Agence nationale de la recherche, ont été recensés à la suite du rapport que j’ai effectivement demandé, dès le lendemain de la publication de cet article en septembre 2012, aux président du CNRS et de l’INRA pour faire l’état de l’art sur ce sujet dans la recherche française. Depuis 2013, j’ai lancé de nouveaux appels d’offre, notamment Santé bien-être, Sécurité alimentaire et Démographie. En même temps, je soutiens le programme « Risk’OGM », qui réunit un consortium de chercheurs, notamment de l’INRIA, sur les effets toxiques potentiels à long terme des OGM. Il faut en effet étudier leurs effets toxiques à long terme, mais de façon sérieuse, approfondie, avec une méthodologie incontestable.

M. Bernard Accoyer. Sérieusement, pas de façon fantaisiste !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. La toxicologie et l’écotoxicologie sont des disciplines nouvelles, que je soutiens avec force. Sur ces sujets complexes et inédits, nous devons nous appuyer sur une recherche publique transparente et sereine. La recherche se fait sur un temps long, plus long que celui des coups de communication, plus long que celui des jugements binaires. J’ai la volonté de poursuivre et de soutenir ces recherches en France, en Europe et au niveau international. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Insécurité

M. le président. La parole est à M. Michel Terrot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Michel Terrot. Monsieur le président, avant de poser ma question, je voudrais dire à Mme Taubira que la façon dont elle répond aux questions posées par les parlementaires de l’opposition est tout à fait inacceptable. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Madame, vous avez certes un droit au respect, mais vous avez aussi un devoir de respect, et je déplore d’avoir à vous le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Huées sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. S’il vous plaît, reprenez votre calme !

M. Michel Terrot. Monsieur le Premier ministre, jeudi dernier, Éric Bey, bijoutier à Sézanne, se faisait braquer par Fatihé Mehenni, déjà condamné à dix reprises. On connaît la suite : dans un réflexe de défense, le bijoutier abattait celui qui le menaçait de son arme. Deux vies brisées.

Monsieur le Premier ministre, en apprenant ce drame, n’avez-vous pas été interpellé sur les conséquences de votre politique pénale et de votre entreprise de déconstruction systématique des mesures de lutte contre la récidive ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Quelques jours auparavant, le 21 novembre, à Osny, une bijouterie située dans un centre commercial était également braquée et les malfaiteurs prenaient la fuite avec plusieurs dizaines de milliers d’euros de bijoux.

Ces faits sont spectaculaires. Malheureusement, ils tendent à se banaliser tant ils se répètent.

M. Nicolas Bays. Mystificateur !

M. Michel Terrot. Dans les zones rurales ou périurbaines, on assiste également à l’augmentation des attaques contre des commerçants, notamment les buralistes ou les boulangers, parfois pour quelques centaines d’euros.

Les particuliers ne sont pas épargnés puisqu’on constate une explosion des cambriolages.

De surcroît, bien des élus de votre majorité renâclent à développer la vidéosurveillance, ce qui constitue un renoncement et en quelque sorte un désarmement moral.

M. Jean-Luc Laurent. C’est faux !

M. Michel Terrot. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin entendre la souffrance de ces commerçants, qui travaillent dur, cotisent beaucoup et ne demandent pas grand-chose (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, je me rendrai à Sézanne vendredi. Mais j’ai en tête, alors que la justice est en train de faire son travail et qu’il faut la laisser le faire dans la sérénité, les mots de ce bijoutier. Évoquant la mort d’un homme, qui est forcément toujours un drame, il demandait – et je crois qu’il s’adressait d’abord à tous les responsables politiques – de ne pas exploiter cette affaire. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Bernard Deflesselles. Alors on ne doit pas en parler ?

M. Manuel Valls, ministre. La dignité de ce bijoutier, qui vit lui-même un drame et qui avait déjà été victime de braquages, doit être prise en considération par chacun. Ce sont des sujets sérieux. Le nombre de cambriolages et de braquages a explosé au cours de ces dernières années. Et plutôt que de polémiquer sur ce sujet, nous devrions essayer, comme je le fais avec les élus et les forces de l’ordre, de mettre en place les dispositifs nécessaires pour s’attaquer à ces faits qui, évidemment, touchent d’abord les bijoutiers, les joailliers, et d’autres catégories de commerçants.

M. Alain Marty. Arrêtez de donner des leçons !

M. Manuel Valls, ministre. Mais puisqu’il faut mettre les points sur les « i », je terminerai en vous disant que ce matin, en installant la nouvelle promotion de policiers à la préfecture de police de Paris, j’ai rappelé des faits éloquents : 13 700 postes de policiers et de gendarmes ont été supprimés entre 2007 et 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cela a forcément des conséquences sur le terrain. C’est ce gouvernement, respectant en cela un engagement du Président de la République, qui a décidé de remplacer tous les départs à la retraite, de créer quatre cents à cinq cents postes de policiers et de gendarmes par an, et de mettre en place des dispositifs et une collaboration avec les élus et la justice, parce que c’est dans la durée, avec la volonté de s’attaquer aux maux, et dans le rassemblement, que nous serons efficaces contre la délinquance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Meunier. Et pendant ce temps, les prisonniers dansent !

Situation de la compagnie MyFerryLink

M. le président. La parole est à M. Yann Capet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yann Capet. Monsieur le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche, l’actualité m’amène à vous interroger sur le sort réservé à la compagnie de transport maritime MyFerryLink. Le secteur du transport maritime de passagers en général, et pas uniquement cette compagnie, est aujourd’hui en danger ; ce fut d’ailleurs l’objet de la question de Patrick Menucci hier à propos de la SNCM.

Le groupe Eurotunnel a acquis trois navires de l’ex-compagnie SeaFrance après sa liquidation judiciaire. Vous avez suivi ce dossier, monsieur le ministre, depuis l’origine, sans attendre votre nomination ministérielle.

Votre volontarisme tranche avec la passivité hyperactive de l’ancien gouvernement qui a malheureusement abouti, après des mois de procédures, au naufrage que vous connaissez. Cette activité entre Calais et Douvres a ensuite été relancée, sous le nom de MyFerryLink, bénéficiant notamment du soutien des élus locaux. L’autorité de la concurrence française avait donné son aval à la reprise de navires de SeaFrance par Eurotunnel. Cela s’était fait dans les règles, avec les réserves nécessaires.

Pourtant, les Britanniques ont toujours été sceptiques sur ce montage, notamment l’Autorité britannique de la concurrence, qui comptait interdire l’accès au port de Douvres aux navires de la compagnie MyFerryLink. Il s’agissait pour nous de soutenir une compagnie française, affrétant des navires sous pavillon français qui travaillent dans l’un des détroits le plus fréquentés au monde et qui desservent le deuxième port de voyageurs du monde, Calais.

La décision rendue ce matin par le tribunal d’appel invite à l’assouplissement de la position de l’autorité britannique de la concurrence pour permettre la poursuite du partenariat entre Eurotunnel et la SCOP. C’est heureux, et il faut saluer les salariés et les dirigeants de la SCOP qui ont fait un travail admirable, tant dans le cadre de cette procédure que dans la société en créant une dynamique, un message, une solidarité autour d’une cause. Pour mémoire, MyFerryLink, c’est depuis quinze mois, cinq cent trente-trois emplois repris en France, 8 % du trafic de passagers, 11 % du trafic fret.

Au-delà de cette reconnaissance, monsieur le ministre, je souhaite vous demander quelles sont les garanties que vous êtes en mesure d’apporter pour le maintien de l’emploi français ? Quel est l’avenir de cette compagnie sur le transmanche ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – « Allô ! » sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, vous avez raison de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit le transport maritime, marqué par des crises et des inquiétudes. Elles furent exprimées ici hier, alors que j’étais aux côtés de M. le Premier ministre pour les assises de l’économie maritime à Montpellier. Des décisions fortes y ont été annoncées en faveur du monde maritime, mais il est vrai que des inquiétudes existent, tant pour la SNCM que pour BAI ou MyFerryLink.

La passivité de nos prédécesseurs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), que vous dénoncez, a conduit, dans l’impunité et l’immobilisme, à menacer jusqu’à 1 500 emplois à SeaFrance, entreprise 100 % publique.

M. Christian Jacob. Parlons de votre incompétence !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Aujourd’hui, la Commission européenne est en mesure de sanctionner la SNCM pour des méfaits commis sur la période entre 2007 et 2008, lors de la privatisation de la société maritime, et une commission d’enquête parlementaire est chargée d’établir les responsabilités.

M. Georges Fenech. Incapables !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Nous faisons face à cette situation, et je sais, monsieur le député, combien vous vous êtes impliqué au côté des salariés qui ont eux-mêmes fait preuve de beaucoup d’audace, de sens des responsabilités, et qui se sont attachés avec beaucoup de volontarisme à tirer les leçons pour faire vivre cette société en créant une société coopérative ouvrière de production, une SCOP. Ils y ont même consacré leurs indemnités de licenciement. Le Gouvernement, les élus locaux, les salariés ont toujours été à leurs côtés.

Il existait une grande inquiétude suite à la décision de l’autorité indépendante de la concurrence anglaise, la Competition commission. Une fois, nous avons toujours été aux côtés de l’ensemble de ces salariés, et nous serons attentifs parce que la décision qui vient d’être rendue confirme que les conditions de concurrence et de compétitivité sont assurées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Pacte d’avenir pour la Bretagne

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Monsieur le Premier ministre, ce matin, vous avez inscrit à l’ordre du jour du conseil des ministres le pacte d’avenir pour la Bretagne. C’est sur ce pacte que porte ma question.

Il y a quelques semaines, vous avez engagé la concertation avec les Bretons en organisant, sous l’autorité du préfet de région, une trentaine de réunions qui ont mobilisé les acteurs politiques, économiques et sociaux de Bretagne. Cette concertation, dont nous avions convenu de la méthode ici ensemble et dont nous partagions l’organisation et la trajectoire, a abouti à la définition d’un outil appelé « pacte d’avenir pour la Bretagne ». Nous avons donc le contenant ; il reste à lui donner du contenu !

Monsieur le Premier ministre, ce pacte d’avenir pour la Bretagne doit répondre à l’urgence de venir en aide aux entreprises en difficulté, à l’urgence sociale à laquelle sont confrontés les salariés dans ces entreprises, mais aussi à l’urgence d’assurer le rebond économique de la Bretagne, notamment en soutenant les entreprises ayant des projets d’investissement.

L’UDI a participé activement à cette phase de concertation et nous vous avons fait des propositions qui tournent autour de quatre points essentiels.

Première proposition : la simplification administrative, pour la Bretagne mais aussi pour l’ensemble du territoire national. Cette simplification ne coûte pas un euro à l’État.

Deuxième élément : la compétitivité de nos entreprises.

Le troisième point concerne la mutation industrielle et agricole des filières.

Dernière proposition : la mise en œuvre d’un véritable acte nouveau de décentralisation, qui concernerait non seulement la Bretagne, mais aussi la France entière.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : pouvez-vous lever le voile et préciser les mesures du pacte d’avenir pour la Bretagne, qui doivent permettre le rebond structurel de notre région ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député Thierry Benoit, je veux d’abord vous remercier : comme vous vous y étiez engagé, vous avez participé, parmi d’autres, très nombreux, aux différents groupes de travail préparatoire à ce pacte. Vous l’avez rappelé : pas moins de trente réunions se sont tenues et ont mobilisé les responsables politiques régionaux, les parlementaires, les élus des départements et des agglomérations, ainsi que tous les représentants professionnels et les partenaires sociaux. Toutes ces bonnes volontés ont bien voulu contribuer à définir ce pacte, que j’évoquerai sans en donner les détails, comme vous le comprendrez : ce sont les élus de la région Bretagne qui en donneront communication dans les prochaines heures.

J’évoquerai cinq axes stratégiques : positionner la Bretagne comme grande région productive, conforter sa vocation de grande région maritime européenne, approfondir l’investissement de la Bretagne dans l’intelligence, la recherche et l’excellence, affirmer son identité culturelle, améliorer son accessibilité et soutenir les dynamiques de territoire. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Quant au volet agricole et agroalimentaire, il fait l’objet d’un plan d’action particulier, qui a déjà été présenté à plusieurs reprises, mais qui doit s’inscrire dans une politique de mutation, d’anticipation et de transition.

La Bretagne a déjà connu de nombreuses réussites, notamment dans le secteur agroalimentaire. Si vous écoutez la radio et regardez la télévision, vous avez pu constater que certaines filières agroalimentaires sont tout à fait performantes, même à l’échelle mondiale : elles ont joué la montée en gamme, la qualité et représentent l’avenir de ce secteur.

Il existe encore des secteurs qui souffrent et qui n’ont pas suffisamment anticipé les évolutions que nous connaissons. Je le regrette. Cela aurait pu être la responsabilité du gouvernement précédent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Georges Fenech. Mais enfin !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. …cela peut être la responsabilité de certains professionnels : c’est pourquoi nous avons décidé d’aider particulièrement ces entreprises et ce secteur en vue de leur mutation.

Grâce à la mobilisation du ministre de l’agriculture et du ministre délégué chargé de l’agroalimentaire, nous arrivons à trouver des solutions. Je prendrai un exemple concret : celui du groupe Doux. Si nous ne nous étions pas mobilisés avec force, depuis un an, ce groupe aurait disparu ; or il est en train de repartir, avec de nouveaux actionnaires, de nouvelles ambitions et beaucoup de qualités.

Ce pacte n’est pas une fin, mais un début. Il y aura le contrat de plan État-région. Vous avez également mentionné, monsieur Benoit, quatre priorités. S’agissant de la simplification, je partage votre préoccupation : c’est un chantier.

M. Jacques Alain Bénisti. On l’attend !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ne dites pas que vous l’attendez, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, puisque vous n’avez rien fait pendant dix ans ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Arrêtez de nous faire la leçon ! L’incompétence et l’impuissance, ça suffit ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Ce gouvernement prend les problèmes à bras-le-corps, et en a assez de l’invective et de l’insulte ! (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP, dont quelques députés se lèvent et apostrophent M. le Premier ministre. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, dont de nombreux députés se lèvent, ainsi que sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)

M. Bernard Deflesselles. C’est honteux !

M. le président. Calmez-vous, s’il vous plaît, mes chers collègues.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Voilà, mesdames et messieurs les députés ! (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP.) Simplification : oui ! Compétitivité : oui ! Mutualisation : oui ! Mutation industrielle : oui ! Expérimentation : oui ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. J’aurai, avec Mme Lebranchu, l’occasion de présenter une nouvelle étape de la décentralisation, de nouvelles expérimentations et de nouvelles responsabilités, non seulement pour la région Bretagne, mais pour toutes les régions de France.

Les bonnes volontés sont très majoritaires. Quelles qu’elles soient et quelles qu’aient été leurs expressions, elles sont les bienvenues. C’est avec elles que la Bretagne va rebondir, de même que toutes les autres régions de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, dont plusieurs députés se lèvent, et sur les bancs des groupes écologiste et RRDP, ainsi que sur quelques bancs du groupe GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Transition énergétique

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Julien Aubert. Le Premier ministre a parlé d’incompétence : il sait de quoi il parle ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Vives protestations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Que chacun mesure ses expressions ! Mes chers collègues, imaginez l’impression que vous donnez aux téléspectateurs qui vous regardent ! (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe SRC.)

M. Julien Aubert. Puis-je parler, monsieur le président ?

M. le président. Mes chers collègues, écoutez la question !

Monsieur Aubert, vous avez la parole.

M. Julien Aubert. Qui a dit : « Évoquer la diminution d’un tiers de la part du nucléaire à horizon 2025, s’il n’y a pas un plan de développement des énergies renouvelables, c’est une perspective qui peut être affichée mais qui ne sera pas tenue » ? C’est François Hollande, en septembre dernier !

Hier, Mme Lauvergeon a vendu la mèche et expliqué que cet objectif était irréaliste, parce qu’il impliquerait la fermeture de vingt centrales, soit deux centrales par an. Ce renoncement, le Président Hollande l’a lui-même implicitement admis, en expliquant que la future loi sur la transition énergétique poserait le principe d’un plafonnement du niveau de la production nucléaire. Un plafonnement n’est pas une baisse : c’est donc ainsi qu’il fallait comprendre le fameux engagement n41, qui consiste en réalité à fermer Fessenheim pour mieux ouvrir Flamanville.

Votre objectif est de maintenir le Gouvernement à flot et Mme Duflot au Gouvernement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Bays. C’est nul !

M. Julien Aubert. Après vous, le déluge : il appartiendra au gouvernement d’après 2017 de fermer les dix-neuf centrales sur lesquelles vous vous êtes engagés.

Pendant ce temps-là, on concerte : six mois de « dé-bla-bla » sur la transition énergétique, où l’on a surtout entendu vos amis baba cool, qui ne représentent qu’eux-mêmes et non les professionnels du secteur. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Nicolas Dhuicq. Excellent !

M. Julien Aubert. Bref, échec final !

On ne change pas une équipe qui perd. Vous en êtes l’incarnation vivante : vous avez préféré en remettre une couche en créant, au sein du Conseil national de la transition écologique, un comité de suivi de cette fameuse loi sur la transition énergétique.

Finalement, soixante-quinze professionnels du secteur ont sifflé hier la fin de la récréation, en vous expliquant qu’ils ne tenaient pas à participer à ce jeu de rôle où les rôles sont complètement faussés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Chaynesse Khirouni et M. Michel Pouzol. Zéro !

M. Julien Aubert. Monsieur le Premier ministre, il est maintenant temps de vous occuper des véritables 50 %, les 50 % d’augmentation du prix de l’énergie… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Merci, monsieur Aubert.

Je propose que tout le monde retrouve son calme.

La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, vous avez raison de parler de concertation puisqu’en dix ans, l’ancienne majorité a fait voter douze lois sur l’énergie sans aucune concertation, sans jamais consulter les élus ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, vous avez raison de parler de concertation (« Doucement ! » sur les bancs du groupe UMP), alors que certains d’entre vous ont découvert que le précédent gouvernement avait signé, « à l’insu de son plein gré », des permis d’extraction de gaz de schiste, sans concertation ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous, en dix-huit mois, nous avons organisé un débat national sur la transition énergétique qui a duré huit mois (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Bernard Deflesselles et M. Claude Goasguen. Allez, allez !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Philippe Martin, ministre. …et que vous n’avez jamais eu le courage d’organiser. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

La concertation a été tranchée par nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



M. le président. S’il vous plaît !

M. Philippe Martin, ministre. La transition énergétique est un engagement du Président de la République : nos concitoyens ont voté, ils ont tranché. (Mêmes mouvements.)

Le mix énergétique plus équilibré a été présenté par François Hollande lors de la campagne électorale : nos concitoyens ont voté, ils ont tranché. (Mêmes mouvements.)

La réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité en France est un engagement du Président de la République, qui a été tranché. (Mêmes mouvements.)

M. Henri Jibrayel. Bravo !

M. Philippe Martin, ministre. Ce ne sont pas les commentaires de tel ou tel qui me feront dévier de ma feuille de route, qui prévoit la réduction de 75 % à 50 % la part du nucléaire.

M. Patrice Verchère. En 2050 !

M. Philippe Martin, ministre. Nous le faisons pour la France. La France qui gagne, elle est sur les bancs de la majorité. La France qui a perdu, elle est sur les bancs de l’opposition ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – « Batho ! Batho ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Réforme territoriale

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le Premier ministre, en réponse à l’excellente question de notre collègue Thierry Benoit, nous avons eu l’occasion de vous entendre vous exprimer sur l’ambition territoriale. Nous tous, dans cet hémicycle, nous partageons une telle ambition, puisque nous devons nos mandats aux projets que nous avons proposés à nos territoires. Pourtant, les différentes réformes territoriales qui ont été proposées ces derniers temps suscitent de véritables inquiétudes sur le sort que vous réservez aux élus. Notre collègue François Sauvadet vous interpelle régulièrement sur le sort des conseillers départementaux, puisque cette réforme videra nos territoires ruraux d’une présence politique, de projets, d’une capacité d’initiative.

Dans quelques jours, les territoires urbains, cette fois, subiront les mêmes attaques, la même remise en cause du pouvoir d’initiative des élus locaux. En effet, la métropole du Grand Paris, dont nous discuterons bientôt, neutralise complètement le pouvoir des maires : le maire d’une commune de la métropole du Grand Paris devra, demain, obéir à un schéma régional, lequel devra obéir à un schéma métropolitain, qui donnera des ordres à un conseil de territoires.

L’élu local, le maire, sera, vous le savez, monsieur le Premier ministre, le dernier maillon de la chaîne. Vous avez été maire d’une grande métropole, vous y aviez un véritable pouvoir d’initiative. Or cette liberté d’initiative est remise en cause dans les textes que vous proposez.

Ma question est simple : voulez-vous faire des élus locaux et des territoires le dernier maillon de la chaîne et remettre l’État au premier plan dans une logique centralisatrice ou voulez-vous permettre à nos territoires d’être les premiers maillons de la chaîne, le lieu d’un véritable pouvoir démocratique capable d’exprimer son potentiel en matière d’initiatives ? Bref, voulez-vous redonner de la liberté aux élus locaux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député Fromantin, il ne vous a pas échappé que, dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, le Gouvernement a accompagné les propositions du syndicat Paris Métropole en essayant de répondre à la création d’un syndicat au troisième degré, qui éloignait totalement les maires du pouvoir de décision. Après un certain nombre de discussions, nous nous sommes accordés sur un établissement public intercommunal.

Cette question concerne non seulement notre pays, mais aussi l’Europe et le monde. J’aurai en effet, demain, la très grande chance de recevoir, à Marseille, un rapport de l’OCDE sur le sujet, que je commenterai en présence de trente maires de grandes villes et de vingt ministres des pays de l’OCDE. Ce rapport montre notamment que l’aire urbaine d’Aix-Marseille-Provence possède beaucoup d’atouts, mais qu’il lui manquait un outil institutionnel.

Le projet de loi qui viendra en discussion le 10 décembre devant votre assemblée prévoit en effet un statut particulier pour trois grandes métropoles – Paris, Lyon, Marseille –, mais ce statut fait une grande place aux maires, qui pourront enfin, à l’échelle de la métropole, discuter directement de grands projets en matière d’industrie, de logement, d’enseignement supérieur et de recherche et d’environnement, l’ensemble des tâches relevant de la proximité étant maintenues à l’échelon des conseils des territoires.

Grâce à ces grands outils, monsieur Fromantin, les maires pourront enfin – en particulier pour le Grand Paris, dont le projet de Grand Paris express, qui traînait depuis si longtemps, a fait l’objet de réponses immédiates de la part du Premier ministre et de Cécile Duflot – régler les questions du logement, de l’activité économique dans le cadre d’une forte péréquation. C’est d’ailleurs sur ce dernier sujet, monsieur Fromantin, que nous aurions le plus à échanger. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Situation des enseignants des classes préparatoires

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Claudine Schmid. J’associe à ma question, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, ma collègue Annie Genevard.

Les lycées Berthollet à Annecy, Stanislas à Paris, Pierre-de-Fermat à Toulouse, Hoche à Versailles, et bien d’autres établissements, que le temps de parole qui m’est alloué ne me permet pas de citer, ont en commun d’avoir des classes préparatoires. Toutes sont de très haut niveau et forment nos élites, issues de tous milieux.

Mais qu’est-ce qu’une « prépa », comme on dit, sans ses enseignants ?

Est-ce parce que les enseignants de « prépa » auront fait réussir ceux qui seront, probablement, les meilleurs d’entre nous, que vous voulez les sanctionner financièrement et réduire leurs rémunérations de 10 % à 20 % ?

Les enseignants des classes préparatoires ont une formation académique telle qu’elle leur permettrait de se vendre dans le privé. Or ils ont fait le choix de former avec talent nos forces vives. Nous devons les conserver.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé prendre un décret relatif au mode de calcul des rémunérations via une nouvelle pondération, bien sûr après concertation. Cependant, vous n’associez à vos groupes de travail – celui sur les classes préparatoires particulièrement – que les syndicats dont l’audience n’avoisine que les 10 %. Où sont les représentants des associations qui, elles, par exemple, regroupent plus de 90 % des professeurs scientifiques ?

M. Bernard Accoyer. Très juste !

Mme Claudine Schmid. La concertation ne doit pas être un vain mot. Elle doit se faire avec tous.

Voulez-vous par une concertation partielle déstabiliser un système de formation qui a fait ses preuves ? Face à la colère des enseignants et pour échapper à la grève, vous proposez des mesures qui ne sont pas à la hauteur. Le préavis de grève est d’ailleurs maintenu pour le 9 décembre.

Alors monsieur le ministre, pour le bien des étudiants, allez-vous associer les associations de professeurs à la concertation comme elles vous l’ont demandé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Je vous remercie, madame la députée, de me permettre d’éclaircir un sujet sur lequel je n’ai pas eu l’occasion jusqu’ici de m’exprimer devant la représentation nationale et de vous faire comprendre quel est le sens de la démarche que nous adoptons aujourd’hui. D’abord, trois principes.

Premièrement, je tiens à dire mon attachement profond aux classes préparatoires françaises qui sont un lieu d’excellence ; du reste, dans les discussions qui ont lieu, personne n’a jamais songé à les remettre en cause.

M. Jean-Pierre Decool. Heureusement !

M. Vincent Peillon, ministre. Deuxièmement, je tiens à dire mon attachement aux travaux menés par ces professeurs – et j’y compte de nombreux amis – dont nous reconnaissons tous le mérite, au même titre que celui des autres professeurs.

Troisièmement, jamais – car je l’ai entendu – il ne pourrait me venir à l’esprit d’opposer des catégories de professeurs à d’autres catégories de professeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Deflesselles. C’est raté !

M. Vincent Peillon, ministre. Je laisse à ceux qui l’ont fait et qui colportent cette assertion la responsabilité de leurs pratiques.

Dans cet état d’esprit, treize groupes de travail sont chargés de réfléchir à la révision des obligations réglementaires de service – vous devriez vous en satisfaire, mesdames, messieurs de l’opposition, car vous l’avez demandée pendant dix ans. Nous considérons qu’il est naturel que les professeurs de classes préparatoires aient, pour une heure, une heure et demie comptée, ce qui fait un service de dix heures. Ceux qui ont plus de quatre heures devant des classes de plus de trente-cinq élèves ont une heure de décharge – c’était leur revendication –, soit un service de neuf heures. Et pour ceux qui pouvaient risquer d’être en sous-service, j’ai inclus les heures de colle dans les services, ce qui ne s’était jamais fait !

M. Bernard Accoyer. Vous vous en prenez toujours aux élites !

M. Vincent Peillon, ministre. En revanche, on ne peut affirmer que lorsqu’on fait huit heures de cours – et ce chiffre est justifié par le travail que ces cours représentent – on peut faire huit heures supplémentaires : ce ne serait pas respecter le principe de non-contradiction. Si l’on considère que huit heures sont nécessaires parce qu’on a beaucoup de travail, il n’y a pas de raison de faire huit heures supplémentaires. C’est uniquement à ces quelques cas que nous sommes en train d’apporter des modifications ; cela permettra aussi de mieux payer certains professeurs de classes préparatoires. Ainsi, toute la clarté est faite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. Scandaleux !

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

2

Renforcement de la lutte contre le système prostitutionnel

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel (nos 1437, 1558).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, madame la ministre des droits des femmes, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous vivons un moment important dans l’histoire de notre assemblée, un moment qui va compter pour l’émancipation humaine. Nous allons, je l’espère, dans quelques minutes adopter un texte de loi qui appelle la société à se libérer d’un système d’exploitation et de domination : le système prostitutionnel. Nous allons enfin faire vivre la position abolitionniste adoptée par la France en 1960. Nous répondons ainsi positivement aux cinquante-cinq associations regroupées dans le collectif Abolition 2012.

Cette loi représente d’abord une nouvelle étape dans la libération des femmes qui, nous l’avons rappelé tout au long de notre très riche débat, représentent plus de 85 % des personnes prostituées.

Car la prostitution n’est pas « le plus vieux métier du monde », comme certains se plaisent à le dire. Non, la prostitution n’est qu’une des plus violentes expressions du système patriarcal (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC) et cette réalité doit être dite, ce que nous avons fait dans le cadre de la commission spéciale. Comment appeler autrement le choix d’un individu de disposer d’un corps et de l’intimité d’un être humain au travers d’un rapport imposé par l’argent ? Dans la prostitution, il n’y a pas un contrat entre deux personnes libres, mais bien quelqu’un qui décide et quelqu’un qui subit.

Nous avons entendu de nombreuses interventions citant des médecins, des associations, des femmes témoignant de cette violence, y compris à travers la parole de clients. Cette loi va donc aider toutes celles et tous ceux qui veulent en sortir, avec des mesures ouvrant à chacune et chacun un parcours de sortie du système prostitutionnel.

La prostitution, c’est aussi la traite des êtres humains : 90 % des femmes qui se prostituent en France sont d’origine étrangère. C’est un trafic mondial très lucratif pour les réseaux qui l’organisent : il génère un profit annuel de 32 milliards d’euros, avec un chiffre d’affaires annuel de 3 milliards d’euros en France.

On ne parle donc pas ici de rapports humains, mais de rapports de domination marchands fondés sur la violence.

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

Mme Marie-George Buffet. C’est contre cela que nous combattons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est pour cela que nous inversons la charge de la culpabilité en la faisant désormais porter sur ceux qui profitent de ce système inhumain : les réseaux de traite et les proxénètes, mais aussi les clients.

Chers collègues, nous ne parlons pas d’une situation virtuelle où la prostitution serait libre et où les personnes prostituées feraient le choix de vivre de leurs charmes. Non, nous parlons une réalité sordide qui, comme le dit si bien l’association Zéro macho, porte aussi atteinte à la dignité des hommes. Car loin de participer à leur liberté sexuelle, cela les enchaîne à une conception de la sexualité empreinte de frustration et de domination.

Sans client il n’y a pas de prostitution, sans demande, pas besoin d’organiser le commerce humain.

Pour abolir ce système inhumain, il faut donc responsabiliser ceux qui font le choix de l’utiliser. C’est pour cela que nous décidons de pénaliser celui que l’on appelle le client. Ainsi la société aura les moyens de poser l’interdit de la marchandisation des corps.

Ce n’est ni la morale ni la volonté d’une société régimentaire qui nous anime mais une volonté émancipatrice. Car la liberté ne s’achète pas, comme elle n’est pas non plus synonyme de propriété, surtout lorsque l’on parle d’humanité. Dans le domaine de l’acte sexuel comme dans d’autres, les êtres humains ont droit à d’autres rapports que ceux guidés par la loi du plus fort, par la loi du tout marchand.

Nous avons donc à faire un choix politique non pas, je le répète, au nom de la morale, mais à partir d’une conception que nous avons de la société et du sens que nous voulons lui donner.

Ainsi nous nous mobilisons pour faire avancer les mentalités. Car les femmes doivent pouvoir s’appuyer sur des lois pour conquérir des droits et faire changer le regard de la société à leur égard en utilisant ces droits. Nous bousculons les représentations ancestrales enfermant les femmes dans l’image de la maman et de la putain qu’a dénoncée Simone de Beauvoir.

C’est donc au nom de la liberté de la personne humaine, au nom du droit à l’égalité des femmes et des hommes que je souhaite, avec le groupe GDR, que notre assemblée adopte ce texte et que son examen au Sénat ne tarde pas car pour les victimes de la prostitution, chaque jour compte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme Laurence Abeille. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Ségolène Neuville, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Ségolène Neuville. Nous nous apprêtons à voter un texte qui porte sur un sujet très grave : la situation dramatique des personnes prostituées en France.

Ce texte est le fruit d’un long travail parlementaire, commencé en septembre 2010 par Danielle Bousquet et Guy Geoffroy et poursuivi ensuite par Maud Olivier et Catherine Coutelle. C’est un texte qui transcende les législatures et les clivages politiques et qui a été l’occasion de nombreux débats dans toute la France, où chacun a pu intervenir : les personnes prostituées, les associations spécialisées, les pouvoirs publics, la presse, les clients et l’ensemble de la population.

Nous pouvons collectivement être fiers d’avoir été à l’origine de ce débat démocratique. Ici, à l’Assemblée nationale, chaque groupe parlementaire a apporté des améliorations pour aboutir au texte soumis à notre vote aujourd’hui.

Nous pouvons collectivement être fiers de ce texte, parce qu’il met fin à la plus vieille injustice du monde : depuis toujours et dans toutes les sociétés, les personnes qui se prostituent sont considérées comme des délinquantes et comme des coupables. Pourtant, depuis toujours, les personnes prostituées sont prisonnières de leur précarité économique, de réseaux criminels et de proxénètes. Pourtant, depuis toujours, les personnes prostituées sont exposées aux violences les plus extrêmes de la part de leurs clients, mettant leur vie en danger quotidiennement.

Aujourd’hui c’est à elles que je m’adresse, à ces femmes et à ces hommes qui vivent l’enfer de la prostitution et de la traite des êtres humains : désormais, vous ne serez plus des délinquants et des délinquantes, car nous abrogeons le délit de racolage. Désormais, les associations auront les moyens de vous aider, car nous créons un fonds spécial que l’État abondera à hauteur de 20 millions d’euros.

Désormais, vous aurez droit à une véritable alternative à l’activité prostitutionnelle, car ce texte prévoit un parcours de sortie de la prostitution avec un accès aux soins et aux services sociaux, une aide financière et une autorisation de travailler pour celles et ceux d’entre vous qui n’en ont pas. Désormais, pour celles et ceux d’entre vous qui poursuivront l’activité prostitutionnelle, le rapport de force avec le client sera inversé : c’est vous qui pourrez le menacer de le dénoncer à la police s’il cherche à vous contraindre ou s’il est violent.

Mes chers collègues, nous pouvons collectivement être fiers de ce texte, parce qu’il responsabilise la société tout entière vis-à-vis des personnes prostituées. Il responsabilise d’abord l’État, qui s’engage financièrement et je tiens à en remercier ici Mme la ministre des droits des femmes. L’État s’engage également en affirmant sa responsabilité dans l’accompagnement des personnes prostituées et dans la politique de prévention des risques sanitaires, sociaux et psychologiques.

Ce texte responsabilise, ensuite, les clients des personnes prostituées en créant une infraction pour tout achat d’acte sexuel. L’immense majorité des personnes prostituées en France sont étrangères et victimes de réseaux de traite des êtres humains. Poser cet interdit permet de faire prendre conscience aux clients qu’ils alimentent ces réseaux criminels avec leur argent. Ce texte responsabilise toute la société en affirmant des valeurs humanistes et de progrès : non, la prostitution n’est pas un métier comme un autre ; non, la domination d’un sexe par l’autre n’est pas une fatalité, pas plus que la domination des plus pauvres par les plus riches.

Mes chers collègues, nous pouvons être collectivement fiers de ce texte, car il participe à construire une Europe plus juste, où les citoyens les plus précaires des pays les plus pauvres ne seront plus réduits en esclavage par des réseaux criminels pour le plaisir de quelques-uns. Aujourd’hui, d’autres pays nous regardent : l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas s’interrogent. Ces pays qui ont laissé fleurir les maisons closes sont devenus des plaques tournantes de la traite des êtres humains et ils sont en train d’en prendre conscience.

L’enjeu est de taille : la France sera-t-elle un exemple pour toute l’Europe dans le combat contre les mafias et le proxénétisme ? C’est ce que nous souhaitons. La législation française sanctionne déjà très durement le proxénétisme. En 2012, cinquante-deux réseaux de proxénétisme ont été démantelés sur le territoire national. Avec ce texte, nous envoyons un message clair : la France n’est pas une terre d’accueil pour les réseaux criminels.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe socialiste votera ce texte avec une immense fierté. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Rires sur les bancs du groupe UMP.) Vous tous, sur tous les bancs de cet hémicycle, vous tous qui avez longuement travaillé sur ce sujet, vous le savez : ce texte va changer durablement notre société, en profondeur. Votez-le ! Votez-le pour toutes les jeunes filles et tous les jeunes garçons qui nous écoutent et nous regardent ! Votez-le pour eux, sans hésitation, pour qu’ils puissent vivre dans une société où la dernière forme d’esclavage aura été abolie. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Louise Fort. Aujourd’hui, notre assemblée se prononce par un vote solennel sur la proposition de loi du groupe socialiste renforçant la lutte contre le système prostitutionnel. Je tiens à rappeler que le groupe UMP partage pleinement cet objectif.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Très bien !

Mme Marie-Louise Fort. Ce texte s’inscrit d’ailleurs dans la parfaite continuité des actions que nous avons menées sous la précédente législature. En effet, le groupe UMP a été à l’origine du dépôt d’une résolution, adoptée à l’unanimité, réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution.

Cette résolution a été suivie du dépôt d’une proposition de loi. Là s’arrête la comparaison, car à la différence du groupe SRC, nous avions fait le choix de traiter ce sujet de manière transpartisane : tous les groupes politiques avaient été invités à signer cette proposition. Nous sommes contre le principe de la prostitution. Nous sommes pour tout ce qui peut renforcer la lutte contre le proxénétisme. Mais pourquoi, mesdames, messieurs les socialistes, nous obliger à légiférer dans l’urgence au risque de réduire à néant tous nos efforts dans cette direction ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Les débats que nous avons eus dans cet hémicycle ont montré la précipitation dans laquelle a dû travailler la commission spéciale et la confusion de certaines réponses, sans compter celles qui n’ont pu nous être apportées.

M. Marcel Rogemont. Vous faites un faux procès !

Mme Marie-Louise Fort. Plusieurs amendements du Gouvernement déposés vendredi matin, après la réunion de la commission au titre de l’article 88, ont réécrit ou supprimé des mesures qui n’étaient pour le moins pas anodines. Le Gouvernement a ainsi supprimé le filtrage des sites internet sur ordre de l’autorité administrative, dispositif pourtant voté par la commission spéciale. Le Gouvernement a supprimé l’octroi de l’ATA aux prostituées étrangères au profit d’une allocation spécifique à toutes les personnes prostituées, et ce après avoir découvert que cette mesure serait inconstitutionnelle.

À l’article 16, celui qui instaure la pénalisation du client, un amendement prévoyant que la récidive du client est un délit et non une simple contravention a été adopté avec un avis de sagesse du Gouvernement.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est le travail parlementaire !

Mme Marie-Louise Fort. Ainsi, alors que la pénalisation des clients fait particulièrement débat dans l’opinion, le Gouvernement n’a pas été en mesure de nous donner une position clairement définie.

S’agissant de la suppression du délit de racolage à l’article 13, nous avons été obligés de vous arracher que c’était un choix politique et non une nécessité juridique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ces femmes sont les victimes, pas les coupables !

Mme Marie-Louise Fort. Or, en supprimant ce délit qui va de pair avec la pénalisation du client, nous nous privons de moyens d’action et surtout d’investigation contre les proxénètes. Aucune disposition ne vient compenser cette perte.

M. Jean-Marc Germain. Si, justement !

Mme Marie-Louise Fort. Concernant d’ailleurs la cyberprostitution, vous n’avez même pas cru bon d’attendre que le groupe de travail sur la cybercriminalité mis en place par le ministre de l’intérieur rende ses conclusions.

Enfin, s’agissant du coût et du financement de la réforme, nous n’avons obtenu de vous que des réponses partielles arrachées grâce à la ténacité de Charles de Courson.

M. Jean-Marc Germain. Vous n’avez rien à dire sur le fond !

Mme Marie-Louise Fort. Au final, si nous partageons votre ambition, vous n’avez pas su lever nos doutes. Parce que nous avons à cœur la qualité de la loi et son applicabilité, nous estimons que les dispositions contenues dans ce texte ne permettront pas de lutter efficacement contre le système prostitutionnel. Et nous considérons que cette lutte mérite un travail législatif plus approfondi.

M. Jacques Alain Bénisti. Très bien !

Mme Marie-Louise Fort. Au-delà du fond, certains d’entre nous se sentent instrumentalisés par votre gestion partisane de l’ordre du jour. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Certains d’entre nous se sentent caricaturés lorsqu’ils émettent des doutes. Comme un certain nombre de nos collègues sur plusieurs bancs de cette assemblée, nous avons été choqués par la condescendance de Mme la ministre des droits des femmes. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cette proposition de loi, brandie tel un étendard de vertu par ses tenants, crée un profond malaise.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe UMP, qui avaient abordé ces débats en pensant s’abstenir au stade de la première lecture, voteront chacun selon sa conscience. À titre personnel, je me prononcerai contre, et cela ne fait pas de moi, comme je l’ai entendu dire, une réac ringarde et partisane de la prostitution ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Rudy Salles. Très bien !

Mme Marie-Louise Fort. J’ai assisté à tous les débats et je suis tout sauf indifférente à la situation des personnes prostituées. Je pense juste qu’elles valent davantage qu’un texte à ce stade inabouti, voire contre-productif et qui risque de les faire plonger dans encore plus de clandestinité, moins d’hygiène et davantage de violence ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. le président. Sur cette proposition de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Cette proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel que nous sommes aujourd’hui appelés à voter soulève une question qui relève de la conscience de chacun. Comme sur l’ensemble des sujets faisant appel à la conscience de chacun, les députés du groupe UDI disposent sur ce texte de la liberté de vote. Pour ma part, et il s’agit là d’un choix personnel, je suis convaincu que nous devons légiférer, pour des raisons liées aux effets désastreux de la prostitution sur les victimes : les prostitués.

Au-delà du caractère nécessaire de la lutte contre le système prostitutionnel, la question de fond est la suivante : est-il de notre devoir de législateur de légiférer en matière de prostitution ? Mais mes chers collègues, quel est celui d’entre vous qui souhaiterait que sa propre fille ou que son propre fils se prostitue ? Aucun ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. Charles de Courson. Comment pourrait-on vouloir pour les autres ce que l’on ne voudrait pas pour un membre de sa propre famille ? La prostitution est un drame, car elle expose les personnes qui la pratiquent non seulement à des risques sanitaires, mais surtout à des troubles physiques et psychologiques graves. Elle contraint les personnes qui en sont victimes, livrées à la merci de leur proxénète, à survivre dans un système où la violence est omniprésente. La prostitution d’hier ne ressemble plus à celle d’aujourd’hui. Essentiellement organisée en réseaux, 90 % des prostitués étant étrangers, elle dissimule, sans réellement y parvenir, par le biais d’internet la dure réalité prostitutionnelle.

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. Charles de Courson. Parce que le proxénétisme est l’une des formes d’esclavage qui subsiste dans notre société, parce que, quoi qu’on en dise et quelles que soient les circonstances, les prostitués ne sont jamais libres, parce que la prostitution nie le principe de l’indisponibilité du corps humain et qu’elle est, en cela, contraire à l’éthique, parce qu’elle pose des problèmes de santé publique, nous devons agir pour lutter contre cette forme de violence.

Cela, nous pouvons le faire en accompagnant les personnes qui souhaitent sortir de la prostitution à travers un contrat de réinsertion et en améliorant, grâce à une meilleure éducation au respect de l’autre et de son corps, la prévention de la prostitution en direction des jeunes. Nous pouvons et nous devons également le faire en responsabilisant le client, presque toujours un homme, celui dont on parle peu mais sans lequel la prostitution n’existerait pas.

Pénaliser le recours à la prostitution, c’est adresser un message à ces hommes, alors que les prostitués sont pour 90 % des femmes, lui rappelant qu’il contribue à entretenir et à développer le système prostitutionnel. C’est le dissuader de pérenniser les situations de violence que son comportement crée et entretient. Si la France a fait le choix d’une position abolitionniste, et ce dans l’immédiat après-guerre avec la loi Marthe Richard, c’est davantage pour refuser de voir la prostitution comme une fatalité, comme un phénomène inhérent à toute vie sociale, que dans l’optique de vivre un jour dans un monde sans prostitution. Ne soyons pas naïfs, nous ne pourrons jamais totalement éradiquer la prostitution dans notre société, mais nous pouvons agir pour la réduire.

Pour autant, tant sur la forme que sur le fond, cette proposition de loi comporte des imperfections. Des défauts techniques d’une part : les outils de lutte contre la prostitution sur internet méritent d’être améliorés. Le Gouvernement a d’ailleurs reconnu les limites du dispositif proposé puisqu’il a supprimé la mesure relative au blocage des sites internet par voie administrative. Nous avons rencontré le même problème en ce qui concerne les sites pédopornographiques, sur lesquels le décret est attendu depuis bientôt trois ans, alors que la loi avait été votée à l’unanimité.

Par ailleurs, ce texte doit également être amélioré s’agissant de la régularisation des prostituées en situation irrégulière, qui risquerait de favoriser une immigration clandestine. Il ne faut pas en conclure pour autant que ce dispositif pourrait entraîner une immigration irrégulière massive.

D’autre part, nous regrettons la méthode un peu précipitée. Un tel sujet aurait mérité de faire l’objet d’une réelle étude d’impact, en particulier budgétaire. Il aurait également mérité que l’on auditionne des acteurs essentiels de la lutte contre le proxénétisme, tels que le chef de la brigade de répression du proxénétisme.

S’agissant du fonds pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées, la ministre a indiqué au cours des débats qu’il serait doté annuellement de 20 millions d’euros, mais à partir de la loi de finances pour 2015 seulement. C’est regrettable. Nous aurions pu le doter au moins à hauteur de 10 millions d’euros dès 2014. Madame la ministre, le Gouvernement devrait amender en seconde lecture le projet de loi de finances pour 2014 pour créer un compte d’affectation spécial d’initiative gouvernementale qui serait doté de cette somme.

En dépit de ces réserves, je voterai en faveur de cette proposition, imparfaite certes, parce qu’elle va dans la bonne direction. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UDI.)

M. Alain Bocquet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis une femme, je suis féministe, je me bats depuis des années contre toutes les violences faites aux femmes, et je voterai contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes écologiste et UMP.) Non parce que je serais animée de certitudes, mais parce que les doutes qu’elle m’inspire et les risques qu’elle comporte me semblent inacceptables.

Certes, l’abolition du délit de racolage est une très bonne chose. Il est un constat qui réunit tous les acteurs de terrain, associations de prostitués, travailleurs sociaux, organisations venant en aide aux personnes prostituées, magistrats, policiers : c’est qu’en faisant l’amalgame entre prostitution et délinquance, la pénalisation des prostitués les a forcés à se cacher, avec tout ce que l’invisibilité induit, notamment du point de vue de leur santé et de leur sécurité.

Ce délit de racolage n’a pas permis de lutter contre les réseaux mafieux et la traite des personnes, et voici que l’on nous propose de substituer à la pénalisation des prostitués celle des clients. Comment ne pas voir le risque que cela comporte ? Comment ne pas écouter toutes celles et tous ceux qui nous disent qu’en agissant de la sorte, c’est-à-dire animés par la même logique répressive, qui passe à côté des causes et des conséquences, nous prenons le risque de fragiliser encore plus la situation des personnes qui se prostituent ? La pénalisation risque de pousser les prostitués dans la clandestinité, et la clandestinité favorise les réseaux de traite. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes écologiste, UMP, UDI et RRDP.)

Ce risque, en votant aujourd’hui, nous ne le prenons pas pour nous-mêmes, mais pour des femmes, des hommes, des transgenres. C’est leur santé et leur sécurité qui sont en jeu, alors que lorsque nous légiférons, c’est bien leur sécurité et leur liberté que nous devons chercher à renforcer.

M. Jean-Pierre Gorges. Bravo !

Mme Barbara Pompili. Il y a en premier lieu la liberté de sortir de la prostitution. Si nous nous réjouissons que ce texte propose un accompagnement des victimes de la traite, qui pourront disposer d’une identité d’emprunt et d’un suivi au long cours pour échapper à leur réseau, et qu’il permette la domiciliation des personnes prostituées auprès d’associations, nous sommes nombreux à penser que cela demeure insuffisant.

Ce texte ne propose aucune vraie solution pour mettre fin à la misère économique conduisant certains à se prostituer…

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

Mme Barbara Pompili. …et il est tout aussi décevant en matière de lutte contre les réseaux mafieux et la traite des êtres humains, objectif humaniste partagé par toutes et tous ici présents. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) N’y a-t-il pas un risque à subordonner le droit à bénéficier d’un système de protection et d’assistance à la signature d’un contrat de sortie de prostitution ? Même si une victime de traite dépose plainte aujourd’hui contre ceux qui l’exploitent, elle n’est pas certaine de pouvoir obtenir des papiers.

Comment, enfin, lutter contre la prostitution subie sans s’attaquer aux préjugés qui nourrissent les rapports de domination ? En ce sens, la lutte contre les stéréotypes de genre et pour leur déconstruction doit être un axe fondamental de nos politiques publiques, et ce dès le plus jeune âge. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe écologiste.)

S’il y a bien urgence, en effet, à donner une réponse sévère, adaptée et exemplaire au problème de l’esclavage moderne, ce procès ne doit pas être celui de la prostitution. Je parlais tout à l’heure du droit, et même du devoir de douter : nous ne pouvons faire l’économie d’un véritable débat de fond sur la prostitution. Qui peut croire sérieusement qu’un débat d’une demi-journée, relégué en fin de semaine et coincé entre deux textes aura pu être l’occasion d’une telle réflexion dépassionnée ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes écologiste, UMP, UDI et RRDP.) Qui peut croire qu’on pourrait mener ce débat sans même entendre correctement les premiers concernés, les travailleuses et travailleurs du sexe ?

Qui peut prétendre qu’on pourrait évacuer de ce débat la question du droit de disposer de son corps, avancée obtenue de haute lutte par les féministes au siècle dernier ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ce texte résout d’une certaine manière la question, en considérant que les prostitués sont tous des victimes. Mais dans ce cas, pourquoi une simple amende pour le client ? Si le rapport sexuel tarifé est obtenu par une violence, cela porte un nom : c’est un viol, et cela devrait donc être plus sévèrement puni que par une simple contravention. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RRDP.) M. Tourret en parlera certainement mieux que moi tout à l’heure.

On nous dit également que la prostitution est une marchandisation du corps et que la marchandisation du corps est une atteinte à la dignité humaine, donc une violence. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas interdire la pornographie ? Et que dire des aidants sexuels pour les personnes handicapées ?

Je n’ai pas de doute sur les intentions des auteurs et des défenseurs de ce texte, certains de mes collègues écologistes le voteront d’ailleurs, mais j’ai des doutes sur les présupposés moralistes qui sous-tendent chacun de ses articles. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes écologiste, UMP, UDI et RRDP.) J’en ai sur notre légitimité à légiférer sur l’activité sexuelle des individus au risque de remettre en question le principe de la liberté sexuelle entre adultes consentants. Mais je n’ai pas de doutes sur le fait qu’il y a des risques considérables de voir la situation des personnes prostituées encore aggravée par ce texte.

Voilà pourquoi, comme la majorité de mes collègues écologistes, je voterai contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes écologiste, UMP, UDI et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. La prostitution a toujours hanté l’inconscient collectif. Depuis deux mille ans, depuis toujours, la société des bien-pensants hésite entre répulsion et compréhension.

La prostituée est omniprésente depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle contribue à apaiser les mœurs.

M. Marcel Rogemont. On ne connaît pas les mêmes situations !

M. Alain Tourret. Certains estiment même qu’elle a contribué à sauvegarder le mariage. Le roi avait ses maîtresses, qui se comportaient en prostituées (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe SRC), mais la maîtresse a des enfants, elle est donc un danger pour l’ordre établi. La prostituée répond en revanche à un besoin momentané de l’homme, ce macho, ce phallocrate, qui a tant besoin de sa force virile.

Mme Marie-George Buffet. Mais c’est honteux !

M. Alain Tourret. Une telle vision est sans doute décalée à l’heure de la prostitution par internet, à l’heure de la prostitution des femmes immigrées et sans papiers et à l’heure de la prostitution étudiante.

On pourrait s’en tenir là et estimer avec Élisabeth Badinter que l’État n’a pas à légiférer sur l’activité sexuelle des individus (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) car, de l’abolition à la prohibition, il n’y a qu’un pas, et nous savons tous que la prohibition est un leurre et un danger pour les prostituées.

Cette proposition de loi nous aura permis de réfléchir sur la prostitution et de rappeler avec force un certain nombre de vérités.

D’abord, ce qui est odieux, c’est la traite, le proxénétisme. Le proxénétisme est l’ennemi des femmes, du genre humain, de la société. Il maltraite les femmes, il les brutalise. En 2012, 572 proxénètes ont été arrêtés. Il faut s’en réjouir, d’autant plus que, dans la culture policière, le proxénète est souvent un allié, une balance. Renforçons donc toutes les structures policières de lutte contre les proxénètes (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), ces maquereaux qui gagnent plus de 100 000 euros par an et par prostitué. Cet argent, ils le réinvestissent dans les gangs, les armes, la drogue, ils pérennisent la mafia. Soyons donc intraitables avec ces criminels. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RRDP, UMP et UDI.)

Il faut en revanche aider évidemment les prostitués, qui, en France, sont entre 20 000 et 40 000. Certains trouveront paradoxal d’aider une prostituée sans papiers, une immigrée, qui bénéficiera ainsi de plus d’aides que la femme étrangère sans papiers qui ne se livre pas à la prostitution.

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Alain Tourret. C’est pourtant le seul moyen de mettre fin à la prostitution, et il faudra bien y consacrer plusieurs dizaines de millions d’euros, madame la ministre, ce à quoi vous vous êtes engagée.

Il faut bien sûr abroger les délits de racolage actif et passif, ce qui sera d’autant plus simple qu’ils ne sont plus poursuivis puisque nous sommes passés de 1 028 condamnations en 2005 à 148 en 2010, le parquet se contentant désormais d’un rappel à la loi.

La mesure phare de ce texte, c’est punir d’une peine d’amende tous ceux qui sollicitent les prostitués ou, mieux, ont un rapport sexuel avec eux. (Murmures.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Mieux ?

M. Alain Tourret. Cette proposition est dangereuse. Bien plus, elle banalise le viol. J’ai étudié avec une grande attention votre analyse. Pour vous, se prostituer, c’est vivre en étant mort pour survivre ; les prostitués sont des personnes vulnérables qui ne disposent pas de leur libre arbitre tant elles sont battues ; l’acte sexuel leur est en réalité imposé, jamais elles n’y consentent. Mais c’est très expressément la définition du viol, qu’on le veuille ou non ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RRDP, UMP, UDI et écologiste.) Le viol, c’est un acte sexuel imposé à une personne qui n’a plus de libre arbitre, qui est faible, qui ne peut résister. Et l’on arrive à ce paradoxe absolu, rappelé par Barbara Pompili, de sanctionner un viol d’une peine d’amende de 1 500 euros ! Avez-vous bien saisi qu’avec cette loi, finalement, on banalisera le viol ? (Protestations sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Marcel Rogemont. C’est scandaleux !

M. Sébastien Denaja. C’est n’importe quoi !

M. Alain Tourret. Ce que nous souhaitons, nous, c’est un interdit. Nous nous opposons à toute pénalisation. Nous partageons en ce sens l’analyse de Médecins du monde, d’Act Up, d’AIDES. La pénalisation va rejeter les prostitués dans l’ombre, les livrer au client, à ses fantasmes, ses violences, les obliger à avoir des rapports non protégés. Agir ainsi, c’est augmenter le nombre de prostitués atteints du sida. Le résultat sera simple, nous disent Médecins du monde et l’Organisation mondiale de la santé : ce sera un désastre en termes de santé pour les prostitués.

Jusqu’où irons-nous désormais dans la prohibition du sexe ? Jusqu’à quel ordre moral devrons-nous nous engager ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RRDP, UMP, UDI et écologiste.)

C’est donc tranquillement et avec persuasion que je me fais l’avocat des prostitués, de ces personnes si malheureuses, si dignes d’intérêt et de compassion, et que je vous dis : ne votez pas cette proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes RRDP, UMP, UDI et écologiste.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants485
Nombre de suffrages exprimés406
Majorité absolue204
Pour l’adoption268
contre138

(La proposition de loi est adoptée.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur quelques bancs des groupes UMP, UDI, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement. Quelques mots de remerciement simplement pour des personnes qui ont beaucoup œuvré à l’adoption de ce texte, Guy Geoffroy pour l’UMP, Catherine Coutelle, Maud Olivier et Ségolène Neuville pour le groupe SRC, Marie-George Buffet pour le groupe GDR, Charles de Courson pour l’UDI. Je pense aussi à tous ceux qui ont enrichi ce texte de leurs amendements même s’ils ne l’ont pas voté, Philippe Goujon, Sergio Coronado, Alain Tourret, Marie-Louise Fort, et à tous ceux qui ont apporté leur contribution. Merci mille fois.

Merci, parce que le chemin a été long pour aboutir à ce vote, il a été semé d’embûches, à chaque pas. Je vous remercie d’avoir cru à ce texte, de n’avoir pas cru à la fatalité. Je vous remercie d’avoir accepté de regarder la prostitution telle qu’elle est et non telle qu’on la rêve. Je vous remercie de nous donner les moyens de lutter efficacement contre les réseaux. Merci de tendre la main aux victimes des réseaux de la traite et de l’exploitation que vous dénoncez tous. Merci enfin pour ce principe que vous posez, ce principe simple qui va éviter demain à des jeunes filles et à des jeunes garçons de tomber en prostitution grâce aux lois de la République. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Charles de Courson. Très bien.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à seize heures cinquante-cinq, sous la présidence de Mme Sandrine Mazetier.)

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente



Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Projet de loi de finances rectificative pour 2013 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2013 (nos 1547, 1590).

Seconde partie (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la seconde partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 8.

Article 8

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n227 qui fait l’objet d’un sous-amendement n455.

La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour soutenir l’amendement.

M. Dominique Lefebvre. L’article 8 ouvre un avantage fiscal au titre des prises de participation minoritaire dans des PME innovantes, soit en direct, soit par l’intermédiaire d’un fonds de capital-investissement. Cet avantage est notamment conditionné par le fait que la participation dans la société ou le fonds n’excède pas 20 %. Je trouve que cette limitation à 20 %, afin, en fait, de faire obstacle à la prise de contrôle de ces PME par de grands groupes, est une bonne disposition. Simplement, il me semble, à la lecture de l’article tel qu’il est proposé, que ce mécanisme entraîne l’impossibilité pour un certain nombre de fonds d’investir dans ces sociétés dès lors qu’ils sont eux-mêmes détenus à plus de 20 % par des grands groupes. L’amendement vise donc à dissocier les deux.

Je peux d’ores et déjà dire que je comprends le sous-amendement du Gouvernement et que j’en partage le point de vue. L’idée n’est pas de faire sauter ce verrou et de permettre à de grands groupes de prendre le contrôle de PME innovantes, mais de faire en sorte que les fonds d’investissement puissent prendre des parts dans ces PME sans qu’il leur soit opposé qu’ils sont détenus à plus de 20 % par des grands groupes.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget, pour soutenir le sous-amendement n455 à l’amendement n227.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. L’article 8 ouvre un avantage fiscal au titre des prises de participation minoritaire dans des PME innovantes, soit en direct, soit par l’intermédiaire d’un fonds de capital-investissement. Cet avantage est notamment conditionné par le fait que la participation dans la société ou le fonds n’excède pas 20 %. L’amendement n227 vise à lever cette condition s’agissant des fonds, en permettant à une entreprise de détenir plus de 20 % d’un fonds. En revanche, le taux de participation même indirecte des investisseurs dans les sociétés au capital desquelles ils investissent doit être encadré. Le présent sous-amendement complète donc l’amendement n227 pour garantir que les entreprises ne pourront pas détenir directement ou indirectement plus de 20 % de chaque PME aussi bien au titre des participations directes que de celles détenues via un fonds. Conformément à l’intention de l’amendement n227, il garantit donc que les participations détenues resteront minoritaires, y compris lorsqu’elles sont détenues en tout ou partie par l’intermédiaire d’un fonds.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission n’avait pas retenu l’amendement n227 pour un certain nombre de raisons, mais le sous-amendement du Gouvernement corrige les inconvénients qu’il présentait. En tant que rapporteur général, je me prononce donc favorablement sur ce sous-amendement et sur l’amendement ainsi sous-amendé, puisque ses effets pervers sont corrigés.

(Le sous-amendement n455 est adopté.)

(L’amendement n227, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n264.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je le retire, compte tenu de l’adoption de l’amendement précédent.

(L’amendement n264 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n445.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Afin d’éviter le cumul d’avantages à l’entrée et à la sortie, l’avantage procuré sous forme d’amortissement exceptionnel revêt un caractère non définitif. Ainsi, en cas de cession à l’issue du délai de deux ans des titres, la plus-value de cession est soumise à hauteur du montant de l’amortissement au taux normal de l’impôt sur les sociétés. Conformément à cet objectif, le présent amendement précise que la plus-value de cession est déterminée par différence entre le prix de cession et la valeur d’origine des titres, parts ou actions diminuée des amortissements.

Par ailleurs, le présent amendement précise que l’imposition au taux normal de l’impôt sur les sociétés, à hauteur de l’amortissement pratiqué, s’applique sur la différence constatée entre les sommes réparties par les fonds et les sommes versées par les souscripteurs diminuées de l’amortissement pratiqué à raison de la souscription. En effet, l’appréhension du gain se fait dans ce cas à travers une répartition de l’actif du fonds.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le délai dont nous avons disposé depuis le dépôt de cet amendement, sa complexité technique et la difficulté du sujet rendent le travail un peu difficile. Mais si je l’ai bien analysé, il a pour ambition de répondre à l’anomalie que je signalais à la page 131 de mon rapport, dans l’exemple donné en encadré. Cette affaire est très technique.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pas tant que cela !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez parfaitement décrit, monsieur le ministre, le contenu de l’amendement. La solution que vous proposez me semble répondre à la problématique soulevée dans mon rapport. Je pense que nous pourrions l’adopter.

(L’amendement n445 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n270.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il est rédactionnel.

(L’amendement n270, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n272.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il est également rédactionnel.

(L’amendement n272, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Article 9

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n273.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Amendement de précision.

(L’amendement n273, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir trois amendements rédactionnels, nos 275, 277 et 279.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ils sont défendus.

(Les amendements nos 275, 277 et 279, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Article 10

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n151.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il consiste à supprimer des dispositions qui ne sont pas normatives.

(L’amendement n151, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 19 rectifié et 6 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n19 rectifié.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le rapporteur, dans son amendement précédent, voulait supprimer des dispositions non normatives. Je vous propose, pour ma part, de revenir sur une disposition adoptée dans la loi de finances pour 2013, à l’article 23, par laquelle la majorité transformait la réduction d’impôt pour les cotisations versées aux organisations syndicales en crédit d’impôt. Ce faisant, elle a aggravé la dépense fiscale de plus de 15 millions d’euros, selon le tome II du document « Voies et moyens ». Cet amendement vise à revenir à la réduction fiscale originelle, car cette disposition nous semblerait plus logique. Le dogme que la majorité fait prévaloir aujourd’hui, qui consiste à financer les syndicats à tous crins, en plus d’être sans effet, est relativement inégalitaire pour les salariés français.

Mme la présidente. Peut-on considérer que vous avez également présenté l’amendement n6 rectifié, madame Dalloz ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, il est quasiment identique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’ai un peu de mal à comprendre votre argumentation, madame Dalloz. Vous commencez par nous dire que cette disposition a scandaleusement augmenté la dépense, puis qu’elle a été sans effet. Qui plus est, je ne sais pas ce qu’est une « réduction fiscale » : je ne connais que la réduction d’impôt ou le crédit d’impôt. Il existait une injustice que nous avons souhaité corriger. En effet, les salariés imposables bénéficiaient d’une réduction d’impôt sur le montant de la cotisation syndicale acquittée alors que les non imposables, qui ont au moins autant besoin, si ce n’est plus, d’être assistés par les organisations syndicales, ne bénéficiaient d’aucune aide. Cette mesure était une mesure de justice, madame Dalloz.

M. Marc Goua. Oui !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Comment pouvez-vous dire qu’elle n’a pas eu d’effet, mais qu’elle a coûté cher ? Nous sommes défavorables à cet amendement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vais m’expliquer !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Même si je n’ai pas été professeure de mathématiques, j’ai bien la notion de la différence entre le crédit d’impôt et la réduction d’impôt, la base étant l’assujettissement à l’impôt sur le revenu. Quand je dis que cette disposition n’a pas eu d’effet, j’entends que si elle a eu un effet budgétaire évident, une dépense de 15 millions d’euros, elle n’a eu aucune conséquence sur le nombre d’adhésions des salariés français aux organisations syndicales. C’est de cet effet-là que je veux parler, monsieur Eckert !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Je voudrais dire à Mme Dalloz qu’il lui faudrait être un peu constante dans son argumentation. Elle propose en effet dans d’autres amendements de transformer des réductions d’impôt en crédits d’impôt.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez des exemples ?

M. Jean-Louis Gagnaire. On ne peut pas varier ainsi selon les circonstances et les sujets.

Nous pouvons nous accorder pour dire que nous avons besoin en France d’un vrai dialogue social, avec l’ensemble des partenaires sociaux.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Tout à fait !

M. Jean-Louis Gagnaire. Les pays modernes sont ceux qui ont des organisations syndicales fortes. Or, celles-ci ont besoin de moyens. Les organisations patronales sont financées par les entreprises. Il est donc légitime que les organisations syndicales soient aussi financées par les salariés. Si l’on veut favoriser le dialogue social et progresser dans ce domaine, on a besoin de financement. La contribution indirecte de l’État, par le biais du crédit d’impôt, est une très bonne solution. On ne peut pas dénoncer un manque d’organisation, de puissance et de représentativité des organisations syndicales et ne pas faire en sorte qu’elles puissent les combler.

(Les amendements nos 19 rectifié et 6 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n286.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Rédactionnel.

(L’amendement n286, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n152.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il vise à supprimer des dispositions non normatives.

(L’amendement n152, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n153.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est la même chose.

(L’amendement n153, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l’amendement n287.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il est rédactionnel.

(L’amendement n287, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 10, amendé, est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Après l’article 10

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 10. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n195.

M. Éric Alauzet. C’est un amendement d’actualité puisqu’il soulève directement la question de la remise à plat fiscale : je suppose que nous y reviendrons dans les prochaines semaines et les prochains mois. Certes, la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG est un sujet ancien, mais ce n’est pas une raison pour l’oublier. Elle pose évidemment le problème de la progressivité de l’impôt, puisque la CSG n’est pas progressive. Le premier argument qu’on y oppose à chaque fois, souvent d’ailleurs invoqué par l’opposition, est que cela pénaliserait les classes moyennes. Attendons les simulations pour en savoir plus. En tout état de cause, nous ne nous engagerons dans cette voie qu’à condition bien sûr de préserver les classes moyennes, plus précisément les classes moyennes basses, et je suppose que c’est aussi votre préoccupation, monsieur le ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission a repoussé cet amendement, pour des raisons que son auteur a d’ailleurs évoquées. Il est clair que nous souhaitons renvoyer le sujet à un débat plus général, qui sera intéressant et nécessaire pour le pays. On sait que le Premier ministre a annoncé l’engagement d’un chantier à ce propos pour au moins les six mois qui viennent. Je vous propose donc pour l’instant, monsieur Alauzet, de retirer votre amendement. Il n’est pas question de l’adopter hors de la discussion globale que vous avez vous-même évoquée.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je reprends volontiers les propos du rapporteur général. Le Gouvernement s’inscrit dans une démarche qui verra s’engager, dès le premier semestre de l’année 2014, un ensemble de réflexions, auxquelles le Parlement sera très étroitement associé et qui auront vocation à moderniser notre fiscalité, dans le sens de davantage de simplification, de stabilisation, de stimulation de la croissance et de justice fiscale. J’ai à l’esprit le sujet que vous évoquez, qui sera très largement traité à l’occasion des consultations, concertations et débats des semaines et des mois qui viennent. C’est la raison pour laquelle je vous propose, monsieur le député, de renvoyer cette question à ces débats.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. J’accepte bien entendu cette proposition, monsieur le ministre. Je l’avais même anticipée dans la défense de mon amendement et je le retire.

(L’amendement n195 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n196.

M. Éric Alauzet. Cet amendement a retenu l’attention du rapporteur général en commission. Il vise à permettre aux investisseurs dans les énergies renouvelables qui agissent par le biais de sociétés coopératives ayant l’agrément « Entreprise solidaire » de bénéficier des mêmes avantages fiscaux que quand ils le font à titre individuel. C’est une question de cohérence. Monsieur le rapporteur général, vous avez soulevé la question du coût de cette mesure. Nous l’estimons autour de 450 000 euros en 2014 et pas plus d’un million d’euros en 2016 alors qu’elle permettrait de susciter 6 millions d’investissements supplémentaires dans le secteur des énergies renouvelables. Ce serait donc une mesure relativement modeste mais digne d’intérêt.

Je répète régulièrement qu’une partie du retard de la France dans le secteur des énergies renouvelables est dû au manque de mobilisation des citoyens, en particulier ceux qui sont voisins des projets, mais aussi des maires. Ce serait une mesure d’entraînement, car quand les citoyens participent, leur assentiment est évidemment toujours plus aisé à obtenir.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission n’a pas retenu cet amendement, même si elle en comprend l’intérêt, parce qu’il a plusieurs inconvénients. Le premier est d’inclure dans le champ de cet avantage fiscal des filières qui bénéficient déjà de mesures très favorables, je pense notamment au photovoltaïque. Je rappelle que la contribution au service public de l’électricité, que nous évoquerons à l’occasion d’un autre article, connaît actuellement une forte augmentation. On peut s’en réjouir parce que cela veut dire que le dispositif fonctionne, mais il faut aussi constater que cela pèse sur la compétitivité des entreprises et sur la soutenabilité du prix de l’énergie pour nos concitoyens.

Que le dispositif inclue les unités de production d’électricité qui utilisent l’énergie radiative du soleil, ou plus communément le photovoltaïque, me paraît donc un peu dangereux.

Nous avions évoqué le coût de cette mesure, dont vous estimez qu’il ne dépassera pas le million d’euros. Je voudrais quand même que ce montant soit confirmé avant d’envisager, quitte à sortir le photovoltaïque du dispositif, un avenir un peu meilleur pour cet amendement. En l’état, je ne peux que recommander son rejet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je ne sais pas trop ce que je dois comprendre de la réponse du rapporteur. S’il a une objection de fond, comme le suggère la première partie de son propos, je lui répondrai qu’il s’agit simplement, pour des dispositifs collectifs, d’une mise en cohérence avec les avantages dont peuvent bénéficier les citoyens à titre individuel. De ce point de vue, je ne suis donc pas sûr que son argument soit bien convaincant. Et pour le reste, il s’interroge sur le coût de la mesure et semble presque lancer une invitation à poursuivre la réflexion. Je ne sais pas trop ce que je dois retenir des deux arguments.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Un peu des deux !

M. Éric Alauzet. En l’état des choses, je vais maintenir mon amendement.

(L’amendement n196 n’est pas adopté.)

(Mme Laurence Dumont remplace Mme Sandrine Mazetier au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n457 deuxième rectification.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’objectif de cet amendement est d’améliorer l’efficacité des fonds communs de placement pour l’innovation et des fonds d’investissement de proximité, qui sont fiscalement aidés et qui constituent l’un des canaux d’alimentation des PME et PMI innovantes en fonds propres.

C’est donc un amendement destiné à améliorer le financement de l’économie et en particulier des entreprises les plus innovantes. Il est proposé notamment d’aménager sur plusieurs points les avantages Madelin et l’ISF PME accordés à raison de la souscription de parts de ces fonds.

Il s’agit de réviser certaines mesures prises au cours des dernières années qui ont pu avoir des effets négatifs non anticipés, malgré des intentions légitimes, et de créer les conditions pour que la structure du marché et la taille et les pratiques de gestion des fonds soient davantage définies par des critères économiques, notamment l’intérêt des entreprises cibles et le souci d’améliorer leurs performances, plutôt que par la recherche de l’avantage fiscal et les arguments commerciaux sur la défiscalisation. En effet, la valeur ajoutée des investisseurs en capital-risque réside non seulement dans la mise à disposition de capital mais aussi dans une bonne gestion et un accompagnement des entreprises investies.

Les quotas d’innovation et de proximité sont donc portés de 60 % à 70 %, de manière à ce que les fonds se voient appliquer des critères plus contraignants d’investissement dans les PME et PMI les plus innovantes. Le dispositif est complété par un allongement de la durée pendant laquelle il est possible de procéder à ces investissements. Ceux-ci étant plus contraints, il est assez logique qu’il faille davantage de temps pour y procéder.

Voilà les principales mesures de cet amendement destiné, je le répète, à favoriser l’investissement dans les PME et PMI les plus innovantes, dans un contexte où le Gouvernement mobilise beaucoup de moyens pour assurer le financement de l’économie, qu’il s’agisse de la réforme des plus-values sur les valeurs mobilières, de la réorganisation du dispositif concernant les jeunes entreprises innovantes, de la mise en place de nouveaux dispositifs d’amortissements relatifs aux entreprises qui investissent dans la robotisation, du dispositif corporate venture dont le ministre de l’économie et des finances a présenté le contour hier ou enfin de la réforme de l’assurance vie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Abondance de biens ne nuit pas ! Monsieur le ministre, vous avez insisté sur le nombre de dispositifs qui favorisent l’investissement dans les petites entreprises et les entreprises innovantes. La commission n’ayant pas examiné votre amendement, je vais l’évaluer à titre personnel.

D’une part, vous proposez d’allonger d’un an le délai donné pour atteindre le pourcentage minimum de titres de PME à inclure dans un FIP ou dans un FCPI. D’autre part, vous proposez d’augmenter parallèlement ce pourcentage, le faisant passer de 60 % à 70 %.

Ces deux mesures peuvent paraître orthogonales mais disons-le : les FIP ne marchent pas très bien.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce constat nous avait d’ailleurs conduits, il n’y a pas si longtemps, à allonger d’un an le délai donné pour atteindre les seuils d’investissement que j’ai évoqués.

Si ces mesures peuvent contribuer à faire en sorte que les investissements se multiplient, le rapporteur général, à titre personnel, peut s’en remettre à la sagesse bienveillante de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous sommes favorables à la partie de l’amendement qui consiste à allonger les deux délais : celui qui va de la création à la clôture du fonds, et surtout celui qui court entre la collecte des fonds et leur investissement dans les PME. En effet, beaucoup de fonds me signalent qu’ils ont du mal à trouver des entreprises, qu’il faut souvent des mois avant de pouvoir investir.

En revanche, je n’ai pas bien compris la raison pour laquelle le Gouvernement veut encore augmenter le quota d’innovation et de proximité, le portant à 70 %. Ce n’est déjà pas simple, monsieur le ministre, d’atteindre 60 %. Ne pensez-vous pas que cette hausse est contradictoire avec l’idée de faciliter l’investissement ? Pour ma part, par prudence, j’en serais resté à 60 %.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, 70 %, c’est trop !

M. Charles de Courson. Les deux volets de l’amendement sont donc un peu contradictoires : la mesure d’allongement va dans le bon sens mais le passage de 60 % à 70 % vient la contrarier.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça va être compliqué.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Pour ma part, je salue cet amendement gouvernemental car, comme l’a dit le rapporteur, les FIP ne fonctionnent pas très bien : ils ont des fonds, mais qui ne sont pas utilisés, alors que les PME et PMI de notre pays ont besoin de capitaux propres.

Passer les quotas d’innovation et de proximité de 60 % à 70 % risque de freiner un peu les opérations, mais c’est la contrepartie de l’allongement du délai et cela correspond au souhait des investisseurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je me souviens de l’époque où nous avions déposé un amendement destiné à relever le niveau de défiscalisation dans le cadre de l’ISF PME. Nous soutenons votre amendement, monsieur le ministre, car chacun estime qu’il est indispensable au financement de l’économie. Pourriez-vous nous dire quel est le résultat attendu, en termes de volumes de capitaux pour les entreprises ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Bonne question !

M. Marc Goua. C’est un ministre, pas Madame Soleil !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mes capacités de cartomancienne sont assez limitées, mais je vais quand même essayer de répondre à votre question et à celle de Charles de Courson.

D’abord, la restriction du temps d’investissement dans les PME et PMI au titre de ces fonds est le résultat d’un amendement déposé au Sénat par Jean Arthuis, au nom du groupe auquel vous appartenez.

M. Jean-Pierre Vigier. Éminent collègue !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne le dis pas pour être désagréable…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Quoique…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …mais parce que nous pensons que cette restriction a obéré la capacité des épargnants à investir. Cela étant, je m’empresse de vous dire, monsieur Philippe Vigier, que je ne suis pas en situation de vous dire exactement quels seront les résultats en termes de collecte des dispositions que nous proposons. Quoi qu’il en soit, Jean Arthuis reconnaît lui-même…

M. Charles de Courson. Nous l’avons convaincu !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …que l’on peut, sans préjudice aucun, allonger de nouveau le délai pour permettre aux fonds d’investir plus facilement.

Il est vrai qu’en même temps que cette mesure favorable, nous en prenons une autre qui peut apparaître contraignante. Nous faisons le pari qu’avec plus de temps, il sera plus facile d’atteindre le seuil légal, sachant qu’un nombre significatif de fonds le dépassent déjà.

Notre proposition nous paraît donc équilibrée et nous devrions pouvoir en calculer l’impact assez vite. Notre objectif étant d’assurer dans les meilleures conditions le financement des PME et PMI innovantes à travers les multiples dispositifs que nous mobilisons, si ces mesures ne produisaient pas les effets escomptés, nous pourrions les corriger pour toucher au plus près du but.

(L’amendement n457 deuxième rectification est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n189.

M. Éric Alauzet. Avec cet amendement, je reviens sur le dispositif Censi-Bouvard. Au-delà du fait qu’en période de restrictions budgétaires, il faut privilégier le financement de l’habitat principal, ce dispositif produit des effets pervers sur lesquels je voudrais insister.

Sur les territoires concernés, la pression touristique est extrêmement forte, que ce soit à la montagne ou dans des îles, et les impacts fonciers sont importants. La pression foncière, qui se traduit par une augmentation importante du prix du foncier, pose d’ailleurs des problèmes environnementaux dans ces territoires qui sont souvent fragiles, en tout cas à haute valeur patrimoniale et touristique. Elle fait également augmenter le prix des appartements, dont les acquéreurs sont le plus souvent d’ailleurs des gens aisés, et aussi les tarifs des locations. Cela pose problème aux habitants habituels, qui, l’économie de ces territoires étant le plus souvent tournée autour du tourisme, occupent souvent des emplois saisonniers et disposent de revenus annuels relativement faibles.

Nous sommes donc face à un réel problème économique et à un vrai déchirement : des revenus relativement bas et des loyers très élevés. C’est l’un des effets pervers de ces dispositifs Censi-Bouvard, surtout quand ils sont centrés sur ces zones touristiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous avons déjà examiné cet amendement. Je vous rappelle qu’à l’initiative d’un de vos collègues écologiste du Sénat, un amendement demandant un rapport d’évaluation du dispositif a été adopté dans le cadre de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Attendons les conclusions de ce rapport avant de prendre une décision. En outre, vous demandez que le dispositif soit fermé à partir de 2015. Il sera donc toujours temps de prendre cette décision un peu plus tard !

Pour ces raisons, il serait prématuré d’adopter cet amendement. C’est pourquoi, monsieur le député, je souhaite que vous le retiriez. À défaut, je demanderai à l’Assemblée de le rejeter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. Monsieur Alauzet, retirez-vous l’amendement n189 ?

M. Éric Alauzet. Dans la mesure où une étude est en cours, je le retire.

(L’amendement n189 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 253 et 104, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Thierry Braillard, pour soutenir l’amendement n253.

M. Thierry Braillard. La législation actuelle précise que les contribuables peuvent bénéficier d’une réduction d’impôts sur le revenu au titre de l’acquisition d’un logement neuf ou d’un vieux logement ayant fait l’objet d’une réhabilitation ou d’une rénovation lorsque ce logement est loué meublé dans des résidences pour personnes âgées, des établissements délivrant des soins de longue durée, des résidences étudiantes, mais aussi des résidences de tourisme classées.

Si l’on peut comprendre qu’une réduction d’impôts soit attribuée dans les trois premiers cas, il est difficilement compréhensible que les résidences de tourisme en bénéficient.

Cet amendement propose donc de mettre fin à cette situation assez incompréhensible, en excluant les résidences de tourisme de la réduction d’impôts. Alors que le mal logement est une réalité pour plusieurs millions de nos concitoyens, il est indispensable de concentrer les moyens sur le financement locatif à usage de résidence principale.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n104.

M. Éric Alauzet. C’est la même chose, et j’ai déjà développé mon argumentaire à l’amendement précédent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Même avis que sur l’amendement précédent. Pour les mêmes raisons, je souhaite que l’on attende les résultats de l’analyse actuellement menée à la suite d’une initiative de nos collègues sénateurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

(L’amendement n253 n’est pas adopté.)

(L’amendement n104 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n334.

M. Philippe Vigier. Par cet amendement, nous appelons, monsieur le ministre, votre attention sur les services à la personne et l’emploi à domicile. Les députés du groupe UDI vous interrogent souvent à ce propos.

Nous souhaiterions en revenir au plafond de 18 000 euros de niches fiscales en vigueur jusqu’au 1er janvier 2013, qui a été, comme chacun le sait, ramené à 10 000 euros.

Je rappelle que ce secteur représente 1,1 % du PIB, avec une vraie valeur ajoutée, de 17 milliards d’euros. C’est donc un secteur qui pèse, et qui représente 6 % des emplois et deux millions de salariés.

Au mois de juillet 2013, la TVA a déjà été relevée pour certains métiers de confort, comme le petit jardinage, les cours à domicile hors soutien scolaire ou l’assistance informatique, passant de 7 % à 19,6 %. On m’opposera que c’est le fait de Bruxelles, mais je n’ai pas entendu la France défendre ces emplois importants d’une voix forte.

Rappelons également que, ces dernières années, c’étaient entre 100 000 et 120 000 emplois qui étaient créés grâce à ce dispositif de niche fiscale. Or, il y a déjà un signe inquiétant, l’un des premiers effets du plafonnement à 10 000 euros : l’ACOSS constate une chute importante, de 8 % au premier trimestre 2013, de l’emploi à domicile et la FEPEM, Fédération des particuliers employeurs de France, a évalué à près de 30 000 le nombre d’emplois détruits en une seule année.

Surtout, ce plafonnement à 10 000 euros est venu s’ajouter à un autre dispositif : la suppression du forfait applicable au versement des cotisations sociales. Avec ce double effet de ciseau, on arrive à cette dégradation très forte. Monsieur le ministre, à l’heure où, sur tous les bancs, nous prenons part à la bataille de l’emploi, évitons ces destructions d’emplois massives. Sans compter qu’en l’absence d’un dispositif fort, il y aura moins de cotisations sociales qui seront perçues et plus de travail au noir dans les prochains mois.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vous remercie, cher collègue, car cet amendement me permet de donner mon point de vue sur cette question. Ce n’est que le mien, mais je l’assume. Je souhaiterais que l’on évite les amalgames que vous venez de faire. Vous avez en effet mélangé quatre éléments.

Premièrement, le gouvernement que vous souteniez avait décidé de supprimer la réduction de 15 % des cotisations sociales. L’objectif était que le particulier employeur puisse bénéficier, comme les autres salariés modestes, des allégements Fillon. C’est vous qui avez décidé cela, c’est la première mesure prise en la matière, et c’est probablement la pire.

Ensuite, vous évoquez les questions de compatibilité avec les règlements européens. Je ne participe pas aux négociations mais, d’après ce que j’en sais, si la France a accepté que la TVA applicable aux cinq professions que vous avez vaguement évoquées, dont le jardinage et les cours à domicile, soit relevée, c’est en contrepartie du maintien d’un taux réduit pour les autres, alors que la Commission n’y était pas favorable. Vos propos ne sont donc pas justes.

Vous évoquez aussi la suppression, décidée par nous, de la possibilité de déclarer les salariés au forfait. C’était probablement la meilleure des choses à faire ! Permettre la déclaration au forfait des salariés employés à domicile, c’était réduire leurs droits en cas d’arrêt maladie ou lorsqu’ils partent en retraite. On permettait de cotiser sur la base du SMIC alors même que l’on versait un salaire supérieur aux salariés : ils ne bénéficiaient donc que des prestations sociales correspondant aux cotisations versées ! C’est la mesure la plus stupide qui ait été prise, et la plus injuste pour les salariés.

Je vous ferai une confidence : j’utilise, probablement comme beaucoup d’entre nous, ce dispositif et je me suis aperçu de ses effets lorsque la femme de ménage que j’emploie est tombée malade et a perçu un revenu extrêmement faible. C’est alors que j’ai compris.

Enfin, dernière chose, la moins importante : le plafonnement à 10 000 euros n’est à mon avis pas une contrainte pour les salariés à domicile, du moins le plus grand nombre d’entre eux, parce que le mécanisme n’est pas saturé. Je pourrais être plus long, mais je le suis déjà trop. Je suis donc extrêmement défavorable à votre amendement. Lorsque les cieux seront un peu plus cléments, peut-être pourra-t-on reparler de la réduction de 15 %, si la remise à plat entre-temps ne s’est pas attachée à ce dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je comprends bien cette préoccupation et ce souhait, souvent exprimés par le groupe UDI, d’une mobilisation de moyens en faveur de l’emploi à domicile. Nous-mêmes nous en préoccupons aussi, et si un certain nombre de dispositions ont été prises l’an dernier, c’est, vous le savez, parce que nous étions en situation précontentieuse puisque les taux réduits de TVA applicables à un certain nombre d’activités relevant de l’emploi à domicile n’étaient pas conformes aux directives de l’Union européenne. Si nous ne nous y conformions pas, le risque d’une remise en cause de la totalité des taux réduits de TVA dont bénéficient les activités d’aide à domicile était considérable. C’est donc au terme d’une négociation importante avec l’Union européenne que nous avons pris ces dispositions.

Par ailleurs, vous le savez, lors du passage du forfait au réel, un amendement de votre rapporteur général a permis de conserver au dispositif un caractère extrêmement intéressant et incitatif.

Toutes ces raisons sont valables. Il en est d’autres, qui tiennent d’abord au fait que le dispositif du plafonnement global permet de fixer un principe opérationnel de limitation des avantages fiscaux, lesquels sont de nature à réduire la progressivité de l’impôt sur le revenu au-delà de ce qui est justifié et ne correspondent pas à ce que nous souhaitons voir prévaloir, à savoir des dispositifs qui restent lisibles, compréhensibles et efficaces. Par ailleurs, les plafonds actuels des deux dispositifs sont compatibles avec le plafond global de 10 000 euros. Enfin, le niveau de l’aide fiscale pour l’emploi d’un salarié à domicile et celui du crédit d’impôt pour frais de garde ont été préservés ; à 50 %, le taux de ces avantages fiscaux demeure élevé.

Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à cet amendement.

(L’amendement n334 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n376.

M. Charles de Courson. Cet amendement concerne les FIP, auxquels s’applique le plafonnement à 10 000 euros. Nous proposons de revenir au plafonnement antérieur à 18 000 euros, pour favoriser l’investissement dans les départements d’outre-mer, où il est plus risqué qu’en métropole.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un vieil amendement, bien connu, de M. de Courson.

M. Dominique Lefebvre. Cela fait vingt ans !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je salue votre persévérance, cher collègue, mais vous connaissez mes arguments et je connais les vôtres. Je vous rappelle quand même au passage, pour ce qui est du dispositif Madelin, que nous avons pris en loi de finances initiale pour 2013 une mesure qui permet pendant cinq ans de reporter aux années suivantes ce qui aurait éventuellement été écrêté par le plafonnement à 10 000 euros. Cette disposition est tout de même très favorable. Aller au-delà serait dispendieux. Il serait bien, cher collègue qui êtes soucieux de l’équilibre des finances publiques, d’en rester là.

(L’amendement n376, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jonas Tahuaitu, pour soutenir l’amendement n377.

M. Jonas Tahuaitu. Cet amendement vise à replacer le dispositif Duflot de soutien fiscal en faveur de l’investissement locatif intermédiaire sous le plafonnement de 18 000 euros.

Les DOM doivent en effet faire face à une demande en logements particulièrement forte. L’utilisation du foncier est soumise à une pression importante en raison de la concurrence entre les besoins de l’agriculture, ceux de l’économie et ceux du logement. La pression démographique requiert des logements intermédiaires de type T2 à T4, et l’offre de logements intermédiaires neufs est insuffisante.

Or le dispositif, tel qu’il est prévu, n’est pas adapté aux besoins immobiliers dans les DOM. En effet, il favorise entre autres le financement de logements de type T1 et T2. Un taux de défiscalisation plus important dans les DOM qu’en métropole, à 29 % au lieu de 18 %, est indispensable pour attirer vers les premiers l’épargne disponible en métropole, mais cela a pour effet mécanique, si le plafond est maintenu à 10 000 euros, d’orienter l’investissement dans les DOM vers les T1 et T2, ce qui ne répond pas aux besoins du marché local.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Merci, cher collègue, de cet amendement qui me permet d’évoquer le XII de l’article 199 novovicies du code général des impôts, qui traite de l’application du dispositif Duflot outre-mer, avec un taux de réduction plus élevé que le taux de droit commun, de 29 % au lieu de 18 %, et la possibilité d’adapter les plafonds de loyer et de ressources. Le montant maximum de la réduction d’impôt annuelle au titre du Duflot outre-mer, c’est-à-dire 29 % de 30 000 euros divisés par neuf ans, est de 966 euros. Cela demeure en dessous du plafond de 10 000 euros, ce qui permet l’application pleine et entière du dispositif.

Placer le Duflot outre-mer sous le plafonnement de 18 000 euros spécifique à l’outre-mer, c’est-à-dire au côté des dispositifs en faveur des investissements productifs et du logement social, comme vous le proposez, risquerait d’entraîner un important effet d’éviction, au détriment des investissements dans le logement social, notamment sur le fondement de l’article 199 undecies C du code. Je dois aussi vous rappeler que nous avons pris un certain nombre de dispositions en faveur des territoires outre-mer, notamment à l’article 13 du projet de loi de finances pour 2014, dispositions visant à revenir sur la suppression d’une déduction d’assiette pour les entreprises – et je pourrais citer d’autres dispositifs encore.

Bref, nous avons, je crois, stabilisé le dispositif, dans un équilibre qui a plutôt satisfait, globalement, l’ensemble des partenaires entre défiscalisation, plafonnement et crédit d’impôt. En tout cas, cela s’est, me semble-t-il, passé de façon beaucoup plus équilibrée que l’année dernière. Nous sommes donc sur le bon chemin. Il me semble que nous ne devons pas toucher à cet équilibre. J’émettrai donc un avis défavorable si vous maintenez cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. L’amendement est-il maintenu, cher collègue ?

M. Jean-Paul Tuaiva. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n377 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n333.

M. Philippe Vigier. Monsieur le rapporteur général, j’ai bien pris note de vos réponses. Vous avez rappelé la suppression du forfait applicable aux versements des cotisations sociales. L’honnêteté devrait vous pousser à dire que nous avions combattu cette disposition lorsqu’elle a été prise par le précédent gouvernement. Nous avions en effet dénoncé cette suppression. Vous voyez que je reste conforme à la ligne que nous avons toujours suivie.

Deuxième chose, monsieur le rapporteur : cet amendement vise à exclure les emplois à domicile du plafonnement global des niches à 10 000 euros. Vous avez donné l’exemple de quelqu’un qui travaille chez vous. Vous êtes un professeur de mathématiques avisé, vous pouvez donc aisément diviser 10 000 euros par douze mois : cela fait un peu moins de 900 euros mensuels. Combien d’heures de travail cette somme permet-elle de payer ?

Vous savez très bien que le travail à domicile a un coût. Certaines personnes dépendantes ont besoin d’avoir quelqu’un à la maison, avec elles, toute la journée. Ces personnes subissent un effet de seuil, car leurs dépenses en la matière dépassent 10 000 euros par an : vous n’acceptez pas cette réalité, vous ne voulez pas la comprendre ! Je respecte votre position, mais je vous rappelle qu’à l’heure actuelle ce plafond n’est pas adapté aux services que les employés à domicile rendent aux familles, notamment à celles qui ont des enfants en bas âge. Les parents qui n’ont pas la chance d’habiter dans les grandes villes et qui rentrent chez eux tard le soir doivent trouver des solutions pour que l’on s’occupe de leurs enfants de seize heures à vingt heures ou même vingt et une heures. Multipliez le coût de cette garde par le nombre de jours travaillés par an, et vous verrez que le seuil de 10 000 euros est vite franchi !

Les faits sont têtus, monsieur le rapporteur général. On verra bien les chiffres ! L’ACOSS nous alerte à propos de la diminution des emplois à domicile : il faut tenir compte de cet avertissement. La baisse de ces emplois entraînera en effet une diminution des rentrées fiscales. Je vous le redis avec force : cette baisse entraînera aussi, nécessairement, une progression du travail au noir.

Sous la précédente majorité, nous avions réussi à créer 100 000 ou 120 000 emplois dans ce secteur de manière vertueuse. Ne nous privons pas de ce levier ! Vous répétez chaque semaine, d’un air très engagé, que vous utilisez tous les leviers possibles pour stimuler l’emploi. Voici ce que nous vous répondons, monsieur le rapporteur général : attention à la casse, qui va continuer dans ce secteur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’ai répondu longuement tout à l’heure ; je serai plus bref à présent. Mon cher collègue, les chiffres de l’ACOSS montrent certes une baisse au premier trimestre, mais vous aurez remarqué – puisque vous avez lu ce rapport – que les chiffres montrent une stabilisation au deuxième trimestre. Ce n’est pas glorieux, mais ce n’est pas non plus une catastrophe. Faites attention et ne tirez pas, de ces évolutions, des conclusions définitives ! Une baisse sensible a été enregistrée au premier trimestre, mais les chiffres montrent une stabilisation au deuxième trimestre.

Vous avez ensuite parlé des frais de garde. Vous savez qu’ils sont plafonnés, et que ce plafonnement des frais de garde s’établit à 15 500 euros. C’est déjà important ! Entre nous, pour payer 10 000 euros d’impôts, il faut…

M. Philippe Vigier. Être au moins député ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. …être une famille, disons, « moyenne ».

M. Charles de Courson. Supérieure !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je dis cela car vous parlez souvent des classes moyennes.

L’avis de la commission est donc défavorable.

(L’amendement n333, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 5 et 15.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n5.

M. Hervé Mariton. Cet amendement, madame la présidente, est extrêmement simple : il consiste à revaloriser, en fonction de l’inflation, le barème des droits de mutation à titre gratuit pour la part nette revenant à chaque ayant droit. Il applique un principe simple : celui de la revalorisation des barèmes. Lorsque l’on veut augmenter l’impôt, il faut le faire de manière transparente. Le Gouvernement ou le rapporteur général nous répondront sans doute que cette revalorisation – qu’il s’agisse de droits de mutation ou d’autres prélèvements – n’a pas toujours été systématique. Mais les errements d’hier n’excusent pas ceux d’aujourd’hui ! Il nous paraîtrait cohérent que ce barème soit actualisé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n15.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit d’un amendement identique, madame la présidente.

Je précise que ce barème n’a pas été revalorisé depuis la première loi de finances rectificative pour 2011. Or les prix ont augmenté en 2011 et 2012, même si cette inflation a été limitée. Vous prévoyez une inflation de 0,8 % pour l’année 2013. Nous vous proposons donc une revalorisation minimale du barème des droits de mutation à titre gratuit, de 0,8 %, pour tenir compte de l’inflation de 2013.

D’autre part, cela me semble cohérent avec une autre mesure de ce projet de loi de finances rectificative. À l’article 7, alinéa 8, vous avez en effet prévu de relever de 25 % à 31,25 % le prélèvement sui generis applicable aux sommes, rentes ou valeurs versées par un organisme d’assurance à raison du décès de l’assuré, pour ne pas entrer dans le champ des droits de mutation à titre gratuit. Il semble normal que le barème des droits de mutation à titre gratuit soit lui aussi revalorisé, au moins au niveau de l’inflation attendue pour 2013.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’avis de la commission est défavorable à ces amendements identiques. Tout d’abord, cet amendement n’est pas gratuit : il a un coût ! Songez qu’en 2014, pour la quatrième année consécutive, le point d’indice des fonctionnaires sera gelé : c’est demander un effort.

M. Hervé Mariton. Où est le rapport ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Il n’y a pas de lien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est demander un effort important, compte tenu des déficits budgétaires que votre majorité nous a laissés. Cet effort de réduction des déficits doit être partagé. Il prend aussi la forme du gel d’un certain nombre de seuils et de barèmes. Le gel de ce barème n’est pas la plus dure de ces mesures ! Il y aurait beaucoup à dire à ce sujet, mais nous aurons probablement d’autres occasions d’en débattre, car nos concitoyens confondent souvent les DMTG et les frais relatifs aux successions.

Nous menons un effort de redressement des comptes publics. Vous êtes très largement responsables de la situation de nos finances publiques, et donc de cet effort qui est demandé aux Français. C’est pourquoi nous sommes opposés à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. La réponse de M. le rapporteur n’est pas satisfaisante. Quel est le lien entre le barème des droits de mutation à titre gratuit et le gel du point d’indice de la fonction publique ? Franchement, ce n’est pas évident !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est que vous proposez de diminuer les ressources, alors qu’on demande déjà un effort important aux Français ! Cet effort, c’est à cause de vous qu’ils doivent le réaliser : si vous n’aviez pas laissé des comptes si dégradés, on n’en serait pas là !

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le rapporteur général, l’amendement n19 rectifié que j’ai défendu tout à l’heure proposait de revenir sur une mesure du Gouvernement dont le coût représente 15 millions d’euros. Vous avez en effet voulu, l’an dernier, transformer en crédit d’impôt la réduction d’impôt pour les cotisations versées aux organisations syndicales. Cette mesure coûte 15 millions d’euros par an !

Vous me dites que vous ne pouvez pas revaloriser le barème des droits de mutation à titre gratuit parce que la valeur du point d’indice de la fonction publique n’a pas évolué. Mais enfin, franchement, dans ce cas, vous auriez dû accepter l’amendement que j’ai présenté tout à l’heure, qui aurait permis de réaliser 15 millions d’euros d’économies.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un débat budgétaire, pas une négociation de marchands de tapis ! On fait de la politique, ici !

Mme Marie-Christine Dalloz. Soyez cohérents jusqu’au bout !

(Les amendements identiques nos 5 et 15 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 212 et 263.

La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n212.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah ! Voilà les Corses ! (Sourires.)

M. François Pupponi. Madame la présidente, je reprends un débat qui a eu lieu au cours de l’examen du projet de loi de finances initiale, sur le problème des droits de succession et de donation en Corse. Ce sujet est bien connu dans cet hémicycle.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela revient tous les ans !

M. François Pupponi. Cette année, ce débat intervient après qu’un rapport remis au Gouvernement par les services de l’État a constaté et analysé le désordre juridique qui règne sur cette question. Ce rapport recommande de laisser plusieurs années au Groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse, le GIRTEC, mis en place par l’État, pour régler ce désordre juridique, lequel tient au fait que, dans cette partie du territoire national, les biens ne sont pas titrés.

Nous avons voté, avec l’appui du Gouvernement, un amendement au projet de loi de finances pour 2014 qui permet de régler les problèmes liés aux droits de succession après décès. En Corse, petit à petit, les droits de succession rentreront dans le régime de droit commun. Ainsi, dans quelques années, les droits de succession seront payés de la même manière par l’ensemble des contribuables, en Corse comme partout ailleurs sur le territoire national.

Il nous semble important – mon collègue Camille de Rocca Serra le dira après moi – de faire la même chose pour les donations. Cela aurait deux avantages. D’une part, la Corse serait placée dans la même situation que le continent, puisque sur le continent le régime des donations est dérogatoire des droits de succession. Nous proposons donc des amendements allant dans le sens d’un parallélisme entre le continent et la Corse. D’autre part, favoriser les donations aurait l’intérêt d’accélérer la constitution des titres de propriété, et donc de contribuer à sortir plus vite la Corse du désordre juridique dans lequel elle est plongée depuis de nombreuses années.

Je le répète, ce désordre a été décrit par un rapport très édifiant des services du ministère des Finances, et plus précisément de la DGFIP. Le constat qu’il dresse est éloquent. Je crois que ce rapport a été remis à tous les groupes parlementaires : ce constat doit donc être largement partagé.

Tel est le but de ces deux amendements. Ces amendements sont communs : ils vont dans le même sens. Nous pourrons éventuellement retirer l’un d’eux, en fonction de la position du Gouvernement et du rapporteur, pour qu’il n’en reste qu’un seul, afin de favoriser les donations en Corse.

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur le député, mais ces deux amendements sont identiques.

La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n263.

M. Camille de Rocca Serra. Madame la présidente, monsieur le ministre, à la suite de François Pupponi, je voudrais dire que nous sommes à la fin d’un parcours que le Conseil constitutionnel nous a imposé – quoique certains, dans cet hémicycle, l’attendaient. Au terme de ce parcours, avec un certain délai, la Corse devra entrer dans le régime de droit commun en matière de transmission du patrimoine entre vifs et dans le cadre des successions par décès.

Lors de l’examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2014, et avec l’appui de M. le ministre, nous avons adopté un amendement portant sur les successions par décès. Il nous apparaît très important d’accompagner ce processus, puisque le régime de transmission du patrimoine repose à la fois sur les successions par décès et sur les donations. Or pendant deux siècles, la Corse a bénéficié de fait, puis de droit, d’une exonération de droits sur les transmissions par décès. Certains peuvent le regretter, mais c’est une réalité. Elle n’a donc jamais bénéficié du régime des donations entre vifs, qui n’avaient aucun intérêt du fait de l’exonération de droits de successions. La Corse devra ainsi s’adapter au droit commun dans un délai très court, de l’ordre de quelques années. Un stock considérable de patrimoine devra être transmis, ce qui serait très dur à supporter sans régime dérogatoire temporaire.

Ces amendements permettraient, par parallélisme avec les amendements sur les successions par décès adoptés au projet de loi de finances pour 2014, de favoriser les donations. Cela aurait aussi pour conséquence de diminuer le délai avant que la Corse entre dans le droit commun. En effet, le rapport soumis à votre ministère et publié par lui – sous votre autorité, monsieur le ministre – a prévu qu’il faudrait vingt ans pour constituer les titres, si ce processus ne portait que sur les successions après décès. Nous pourrions atteindre cet objectif en dix ans seulement si nous prenions en compte les donations-partages.

Je pense que ces amendements permettent de répondre à une attente justifiée. Tout le monde attend aujourd’hui des aménagements, afin que le retour de la Corse au droit commun ne soit pas pénalisant. Pour cela, il convient de mettre en place des mesures d’accompagnement plus justes et plus incitatives. Comme l’a dit le président de notre commission des finances, ces amendements sont intelligents. J’espère qu’ils recueilleront le soutien de l’Assemblée.

M. Yves Censi. Très bien ! Excellent !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je manquerais à tous mes devoirs en ne signalant pas à notre assemblée qu’à mon avis, ces amendements identiques sont inconstitutionnels. Ils nous proposent de légiférer pour la Corse. Pour ma part, je ne pense pas que nous puissions légiférer uniquement pour la Corse. Ces amendements, tels qu’ils sont rédigés, entraîneraient une rupture d’égalité devant les charges publiques. Pour cette raison, je suis opposé à ces amendements.

Pour le reste, beaucoup de choses ont déjà été dites. Vous pouvez continuer à nous raconter cette histoire, mais nous avons fini par bien la connaître. Quoi qu’il en soit, je doute du caractère constitutionnel des dispositions qu’il nous est proposé d’inscrire dans la loi. Pour ce qui concerne les transmissions après décès, nous avons veillé à rédiger la loi en définissant les biens concernés par une formule du style « tous les biens dont les titres de propriété ne sont pas clairement établis ». C’est ainsi que nous pourrons franchir la barrière du Conseil constitutionnel.

Je ne peux donc pas être favorable à des amendements ainsi rédigés. La commission les a repoussés.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, je comprends l’esprit de vos amendements. Nous avons d’ailleurs débattu de cette question au cours de séances précédentes. Vous souhaitez adapter le régime dérogatoire et temporaire applicable aux donations comportant des biens et droits immobiliers situés en Corse.

Grâce au rapport réalisé à la demande de l’administration de Bercy, et auquel ont participé des spécialistes du sujet, nous connaissons mieux la situation. Ce rapport a en effet apporté des éléments d’information dont nous ne disposions pas l’an dernier, lorsque les précédents amendements ont été adoptés. Il s’agit, messieurs de Rocca Serra et Pupponi, de la difficulté qu’il y a, en Corse, à établir les droits de propriété correspondants aux propriétés, immeubles ou terrains, faisant l’objet d’une succession.

Votre amendement vise à rouvrir le débat concernant la problématique foncière et cadastrale corse, sur laquelle nous n’avons pas de désaccords. Lors de nos différentes rencontres, j’ai eu l’occasion de vous confirmer notre convergence d’analyse quant à la nécessité d’agir pour rétablir une situation de droit commun, c’est-à-dire créer les conditions de l’établissement des titres de propriété.

Je voudrais cependant vous dire que mon sentiment est plutôt réservé à l’égard du contenu des propositions que vous formulez par amendement, qui aura pour effet de créer une nouvelle exonération dégressive sur neuf ans de droits de mutations à titre gratuit, à raison des donations d’immeubles et droits immobiliers en Corse.

Comme vous le savez, l’article 14 de la loi de finances pour 2013, qui prévoyait de proroger la durée d’application des régimes dérogatoires successoraux des immeubles situés en Corse en reportant au 1er janvier 2023 la pleine application du droit commun aux successions ouvertes, a été censuré l’an dernier par le Conseil constitutionnel, dans les conditions que l’on sait.

Cette nouvelle disposition, applicable aux seules donations, réalisées de 2014 à 2022, de biens et de droits immobiliers situées en Corse, s’expose donc – le rapporteur général l’a dit – à une possible nouvelle censure du Conseil constitutionnel.

Votre proposition, qui conduit à instaurer une exonération dégressive sur neuf ans de droits de mutations à titre gratuit à raison des donations d’immeubles et droits immobiliers situés en Corse consenties entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2022, s’appliquera à tous les biens et droits immobiliers situés en Corse, titrés ou non, et sans que cela soit subordonné à une obligation de reconstitution des titres.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il a raison !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cette proposition apparaît donc disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi, qui est la reconstitution des titres de propriété en Corse. Au final, vous aurez compris que le Gouvernement s’interroge sur cet amendement.

Pour autant, je vous rejoins sur la nécessité d’assainir la situation cadastrale et foncière de la Corse, mais aussi des départements d’outre-mer et de certains espaces métropolitains situés dans des zones montagneuses et prémontagneuses, confrontés à une problématique foncière similaire.

Cette situation n’est pas acceptable. La reconstitution des titres de propriété relève bien entendu avant tout d’une problématique de droit civil, mais la fiscalité peut, en effet, de façon complémentaire, aider ces territoires à assainir la situation.

C’est pourquoi le Gouvernement entend, par les mesures proposées à l’article 8 du projet de loi de finances pour 2014, accompagner et inciter les redevables à recouvrer l’usage plein et entier de leurs droits de propriété.

S’agissant de la situation particulière de la Corse, je vous rappelle que nous avons travaillé ensemble – je l’ai évoqué tout à l’heure. Le groupe de travail de haut niveau a été mis en place par le Gouvernement en janvier, et nous avons évalué les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 29 août 2012.

Son rapport n’a été rendu public que récemment, il y a un peu plus d’un mois et demi, le 11 octobre dernier. Il dresse un état des lieux objectif de la situation cadastrale et foncière, que nous partageons.

Le débat n’est donc pas clos et notre objectif est de cheminer pour aboutir à une solution efficace et sécurisée sur le plan juridique.

C’est pourquoi, afin d’accélérer la reconstitution des titres de propriété immobilière sur l’ensemble du territoire national – ce qui permettrait de vaincre la prévention du rapporteur général, puisque la situation serait la même en Corse et sur l’ensemble du territoire national –, le Gouvernement déposera un amendement à l’occasion de la nouvelle lecture du projet de loi de finances.

Celui-ci prévoira une mesure incitative transitoire et de portée générale, visant à exonérer partiellement de droits de mutation à titre gratuit, lors de leur première transmission, les immeubles et les droits immobiliers pour lesquels le droit de propriété du donateur est constaté par un acte régulièrement transcrit ou publié entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2017. Cette disposition sera globale et ne portera donc pas atteinte au principe d’égalité.

Compte tenu des éléments que je viens de vous évoquer, je m’en remets à la sagesse de votre assemblée sur ces amendements identiques.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Quelques mots sur ce sujet qui est difficile sur le plan juridique, ne nous le cachons pas – le rapporteur général a eu raison de le dire. Notre collègue Camille de Rocca Serra a bien voulu rappeler que, lorsqu’il a présenté cet amendement avec François Pupponi, je l’ai trouvé d’emblée intelligent, parce qu’il permet d’accélérer le retour au droit commun.

De la même façon, j’ai trouvé – et je ne m’en cache pas – que la décision du Conseil constitutionnel était la bienvenue. Ce n’est pas Charles de Courson qui me démentira,…

M. Charles de Courson. Je vais en parler !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …nous siégeons ici depuis vingt ans…

M. Charles de Courson. Vingt et un ans !

M. Patrice Martin-Lalande. Cela a été daté par le carbone 14 ! (Sourires)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …vingt et un ans, mais nous n’avons pourtant pas réussi à avancer sur cette question. À mes yeux, comme l’a très bien dit le rapporteur général et comme l’a souligné le ministre, le problème est avant tout de nature juridique.

Il y a, me semble-t-il, un principe constitutionnel en matière d’incitations fiscales, qui est celui de la proportionnalité. Il faut que l’incitation fiscale soit proportionnée à l’objectif recherché. En l’occurrence, l’objectif est que l’ensemble des propriétés soit titré le plus rapidement possible.

À ce stade, je suis incapable de vous dire si un avantage dégressif sur neuf ans, concédé jusqu’à 2022, est excessif ou acceptable. Le ministre a souligné un point qui me semble très important : en tout état de cause, cela doit s’appliquer, non pas seulement en Corse, mais sur l’ensemble du territoire national. Par ailleurs, se pose la question du coût. Je ne sais pas si vous l’avez évalué dans une étude d’impact.

Si j’ai bien compris, la rédaction actuelle de l’amendement ne vise que la Corse.

M. Charles de Courson. Absolument !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Si, compte tenu de l’avis de sagesse du ministre, nous devons à nouveau en discuter en nouvelle lecture du projet de loi de finances, il faudra probablement le rédiger de façon plus extensive, et peut-être réduire un peu l’avantage fiscal pour ne pas courir le risque qu’il soit considéré comme disproportionné par rapport à l’objectif recherché.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai été à l’origine de l’abrogation, non pas de l’arrêté Miot, mais d’une phrase de l’arrêté Miot qui, je vous le rappelle, avait, au début du XIXe siècle, supprimé les sanctions en cas de non dépôt des successions en Corse. Il n’y a jamais eu dans le droit français d’exonération de droits de successions en Corse.

J’ajoute que ces dispositions ne visaient pas seulement nos concitoyens habitant en Corse, mais étaient applicables à toute personne ayant un bien immobilier en Corse. Il n’y a pas que les Corses qui en bénéficiaient ! Chacun sait que les manuels spécialisés conseillaient, quand l’âge était venu, d’acheter une villa en Corse car les enfants ne paieraient pas de droits de succession. J’ai donc fait disparaître la phrase qui supprimait les sanctions.

Il faut rappeler que beaucoup, Corses ou non, déposaient leur déclaration de succession et payaient des droits de succession. Il ne faut pas croire que tout le monde utilisait ce dispositif, qui était véritablement contraire à tous les principes constitutionnels.

J’ai donc fait voter cette suppression avec bien des difficultés – je vous rappelle que j’étais dans l’opposition en 1999. Cela a provoqué une crise gouvernementale, mais cela a été adopté.

Après, il y a eu, de mémoire – Camille de Rocca Serra le dira mieux que moi –, trois ou quatre reports, jusqu’à ce qu’enfin, en 2013, le Conseil constitutionnel décide que cela ne pouvait plus durer.

Par ailleurs, je ne pense pas, comme le rapporteur général, que l’amendement, dans sa rédaction actuelle, risque d’être censuré par le Conseil constitutionnel, mais qu’il le sera certainement ! En effet, l’exposé des motifs justifie ce système dérogatoire par le fait que les biens immobiliers situés en Corse n’ont pas bénéficié, les années précédentes, des avantages en matière de donation. Mes chers collègues, comment voulez-vous fonder un avantage fiscal sur cet argument ?

D’abord, ils pouvaient parfaitement en bénéficier. Disons qu’ils n’y étaient pas particulièrement incités parce que, de fait, la plupart ne payaient rien, puisqu’ils ne déposaient pas de déclarations et n’étaient pas sanctionnés.

Il est donc certain qu’en l’état, l’amendement est anticonstitutionnel et ne peut pas être voté. On peut toujours s’amuser à le voter, mais il sera censuré à coup sûr.

Il reste la proposition, évoquée avec une grande prudence par M. le ministre, de déposer en deuxième lecture un amendement de portée générale, concernant l’ensemble de la France. Je rappelle que les situations d’indivisions n’existent pas qu’en Corse. D’autres zones sont concernées.

Cela mérite qu’on y réfléchisse, car la généralisation du cadastre est une invention récente, qui date des années 1830, 1831 ou 1832. Plaider en faveur d’une disposition au motif que l’État n’a pas fait son devoir – puisque le cadastre est tenu par l’État français –, cela me gêne. Cette situation dure depuis un peu moins de deux siècles.

Nous en discuterons à nouveau lorsque le ministre déposera l’amendement en deuxième lecture. Si nous pouvions l’avoir avant d’arriver en séance, cela nous aiderait à réfléchir, n’est-ce pas monsieur le rapporteur général ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je réfléchis toujours, et tout le temps !

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Ce n’est pas la première fois qu’on aborde ce sujet, mais cette fois-ci on l’aborde de la bonne manière. Je veux simplement dire à notre collègue M. de Courson que, juridiquement, les arrêtés Miot disposaient que les droits de succession devaient être calculés en Corse, mais ne prévoyaient pas de sanctions si l’on ne déposait pas les déclarations.

Cela a fonctionné jusqu’en 1947, parce que, conformément aux arrêtés Miot, les droits de succession étaient calculés en Corse autrement qu’ailleurs. En 1947, la base de calcul des droits de succession en Corse a été abrogée par une mesure législative qui a supprimé l’impôt permettant de calculer ces droits. L’administration française n’a jamais redéfini les bases de calcul de l’impôt.

M. Charles de Courson. Nous en revenions au droit commun !

M. François Pupponi. Non, puisque, conformément aux arrêtés Miot, les droits devaient être calculés de manière différente en Corse, selon une base spécifique. Cette base ayant disparu, il n’y avait plus de base de calcul.

Jamais personne n’a pensé à voter une loi qui redéfinissait cette base, selon des critères qui auraient pu, certes, relever du droit commun.

Mais il y a eu un désordre juridique législatif de 1947 jusqu’aux années 1990, date à laquelle, effectivement, ce désordre est constaté et on décide de rentrer dans le droit commun. Les Corses y sont prêts, je peux en témoigner.

En revanche, le vrai sujet est le suivant : comme, pendant plus de deux cents ans, les biens n’étaient pas titrés – pour les raisons que l’on vient d’expliquer –, le travail de la DGFIP constate qu’il y a un désordre juridique exceptionnel en Corse.

J’entends la position du rapporteur général, que je peux partager. Mais, a contrario, le Conseil constitutionnel pourrait juger que, compte tenu du désordre juridique exceptionnel et dérogatoire au droit commun qui existe en Corse, nous pouvons imaginer des mesures dérogatoires sur une période transitoire.

On ne peut pas, d’un côté, reconnaître qu’il y a un désordre exceptionnel dû en particulier aux services de l’État, et au fait que les biens ne sont pas titrés, et, de l’autre, ne pas proposer de solutions.

Par ailleurs, l’amendement que nous proposons ne va pas coûter, mais rapporter de l’argent à l’État. Aujourd’hui, les biens n’étant pas titrés, il n’y a pas de droits. Comment voulez-vous calculer des droits sur des biens non titrés ? Expliquez-moi ! Il n’y a pas de transmission, donc pas de titrage, donc pas de droits. Notre amendement permettra au contraire de réintroduire des taxations.

J’ai bien compris que M. le ministre nous demandait de retirer l’amendement pour que nous puissions à nouveau en discuter en nouvelle lecture du projet de loi de finances…

Mme la présidente. Non, le Gouvernement a émis un avis de sagesse.

La parole est à M. Camille de Rocca Serra. Je vous remercie de respecter le temps de parole.

M. Camille de Rocca Serra. Je peux comprendre que nous ne soyons pas tous d’accords, mais je ne peux pas laisser passer certaines contrevérités.

Comme l’a dit François Pupponi, il n’y a pas de base depuis 1947, ce qui a été confirmé par une décision de la Cour de cassation. En 1994, dans cet hémicycle, une loi portant statut fiscal de la Corse a été votée pour inscrire l’exonération dans la législation. C’est en 1999, après l’action menée conjointement – d’abord sur un seul point, je le reconnais – par Charles de Courson, suivi au Sénat par Michel Charasse, que nous sommes entrés dans un nouveau régime. La loi de 2002 portée par Lionel Jospin a permis de maintenir l’exonération, avec l’obligation de constituer les titres. Nous l’avons simplement prorogée une seule fois, en 2008, à ma demande, puisque l’action du GIRTEC avait à peine commencé.

Or aujourd’hui, un rapport circonstancié demandé par l’État, par le Gouvernement, par Bercy, reconnaît la difficulté, voire l’impossibilité matérielle de la mise en œuvre des taxations sur les successions par décès.

Nous avons voté sur les successions par décès. Il existe effectivement une fragilité constitutionnelle, mais c’est le cas dans de nombreux textes. Le Gouvernement a été retoqué à plusieurs reprises, nous l’avions été précédemment : il y aura toujours une fragilité.

Mais nous avons aussi le droit de défendre une disposition qui nous semble logique. Pendant deux siècles et particulièrement pendant les quarante dernières années, les Corses n’ont pas bénéficié du droit positif qui a existé pour l’ensemble des Français. Contrairement à ce que dit Charles de Courson, il n’y a pas eu en Corse de taxation sur l’ensemble des biens immobiliers – je ne parle pas des successions, mais des biens immobiliers : il n’y a pas eu de produit qui soit connu depuis maintenant plus de quarante ans. C’est une réalité ! Or nous allons brutalement subir des droits de succession considérables compte tenu de la valeur vénale des biens, qui est aujourd’hui extraordinaire, inflationniste, exponentielle.

Nous demandons donc un aménagement ; il s’agit d’une dérogation, il est vrai, au principe de droit commun, sur une période très courte, afin que la première génération puisse organiser ces successions et la transmission du patrimoine, comme cela a été fait partout sur le continent.

Deuxième point, concernant l’efficacité de cette disposition : la dérogation permet d’accélérer et de réduire de moitié la reconstitution des titres de propriété. La vraie question n’est pas l’indivision, mais la constitution et la reconstitution des titres de propriétés, car il y a des biens non délimités. En effet, sur le plan financier, lorsqu’on connaît ses biens, on peut procéder à des mutations, on peut vendre son bien, on produit de la fiscalité, on produit des plus-values, on produit de la richesse pour l’ensemble de la collectivité : autrement dit, on rentre dans un régime normalisé. Je crois que cela mérite un peu de compréhension de la part de l’ensemble de la représentation nationale.

Je remercie le ministre de nous permettre, en s’en remettant à notre sagesse, de porter un peu plus loin ce que nous proposons avec François Pupponi, même si, sur le plan du droit commun, l’on pourrait adopter une autre proposition.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député !

M. Camille de Rocca Serra. Il ne s’agit pas d’une exonération, monsieur le ministre : il s’agit simplement d’un procédé de lissage dégressif, sur une durée bien déterminée. C’est une mesure parallèle à celle que nous avons adoptée en première lecture du projet de loi de finances.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je voudrais remercier l’ensemble des parlementaires pour ces interventions qui éclairent un débat juridique compliqué, sur lequel le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer l’an dernier.

Je le dis pour les parlementaires corses mais pas seulement : il importe au Gouvernement de progresser dans une direction qui soit incontestable en droit. Ce qui résulte des travaux conduits sous l’égide de la Direction générale des finances publiques au cours des derniers mois, qui ont fait l’objet de conclusions remises en octobre dernier, est assez simple : oui, il y a une spécificité de la situation corse ; oui, il y a une difficulté de reconstitution des droits de propriété en Corse parce que, depuis de très nombreuses années, pour des raisons tenant à l’Histoire et à l’existence encore récente du GIRTEC, la totalité des titres de propriété n’ont pas été constitués. Il est effectivement assez logique de ne pas procéder à des taxations dès lors que les titres de propriété reconnaissant l’existence du bien n’ont pas été établis dans les formes habituelles. Tout cela est posé comme une réalité qui se présente à nous et pour laquelle il faut trouver des solutions.

Deuxième point : il y a des principes dans la République sur lesquels le Conseil constitutionnel, et je rejoins sur ce point Charles de Courson et le rapporteur général, aura à se positionner ; il le fera avec la plus grande rigueur juridique. Parmi ces principes, il y a le principe d’égalité des territoires face aux charges publiques.

Par conséquent, le Gouvernement propose une démarche extrêmement pragmatique et juridiquement sécurisée. Elle consiste à tenir compte de la situation de tous les territoires sur lesquels se présentent des difficultés de reconstitution des titres de propriété, et à traiter de façon équivalente ces territoires où des titres ne sont pas constitués, en leur appliquant des abattements similaires. De cette manière, nous traitons la question qui vous préoccupe sans remettre en cause des principes constitutionnels qui pourraient, s’ils étaient de nouveau évoqués – et je pense qu’ils pourraient l’être –, remettre en cause l’amendement même et les progrès que vous voulez accomplir.

Nous proposons donc une démarche extrêmement pragmatique, qui consistera à présenter en deuxième lecture du projet de loi de finances une mesure mettant en place des dispositifs d’abattements pour l’ensemble des territoires où les titres de propriété ne sont pas reconstitués, avec un délai permettant au GIRTEC de continuer à faire son travail et à la Corse de poursuivre la reconstitution de ses titres, afin que nous sortions, au terme de ce rapport élaboré sous notre égide, de la situation difficile à laquelle vous êtes confrontés.

(Les amendements identiques nos 212 et 263 ne sont pas adoptés.)

M. Jean-Pierre Gorges. Si, ils sont adoptés !

Mme la présidente. Non, monsieur le député. J’ai compté les mains qui se sont levées, les « pour » comme les « contre » : ces amendements ne sont pas adoptés !

La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n198.

M. Éric Alauzet. Je reviens sur un sujet que nous avons évoqué tout à l’heure, afin de procéder simplement à une mise en cohérence, monsieur le rapporteur général. Vous avez dit en effet que l’on ne pouvait pas apporter d’aide supplémentaire aux gens qui investissent dans les énergies renouvelables et qui pourraient justifier d’une déduction d’impôt, au motif qu’ils bénéficient déjà d’un tarif privilégié par EDF. Pourtant c’est déjà le cas aujourd’hui pour les personnes qui investissent dans les PME promouvant les énergies renouvelables. Il s’agit donc d’une mise en cohérence pour les citoyens investissant dans les entreprises, de sorte que les entreprises solidaires soient traitées de la même façon que les autres PME. S’agissant d’une mesure d’équité, je n’ai pas besoin d’argumenter davantage.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je maintiens l’argumentation que j’ai présentée tout à l’heure : vous ouvrez un avantage fiscal supplémentaire pour les entreprises solidaires. Compte tenu du dynamisme du soutien public affiché à la filière par ailleurs, je suis défavorable à cet amendement.

(L’amendement n198, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 213 et 262.

La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n213.

M. François Pupponi. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l’amendement n262.

M. Camille de Rocca Serra. Reposant sur le même principe que l’amendement sur les successions que nous avons adopté en première lecture du PLF, le présent amendement instaure un système dégressif pour les donations.

J’exprimerai un regret, madame la présidente : sans vouloir vous remettre en cause, je ne suis pas sûr qu’une majorité ne se soit pas dégagée en faveur de l’amendement tout à l’heure, d’autant que le Gouvernement s’en était remis à notre sagesse.

M. Christian Eckert, rapporteur général. On ne remet pas en cause la présidence, monsieur le député ! Cela suffit !

M. Camille de Rocca Serra. Le présent amendement repose sur les mêmes principes, en prévoyant simplement un abattement sur l’ensemble des donations. Je souhaitais en effet soumettre deux versions différentes au Gouvernement et, compte tenu la position de sagesse du Gouvernement, j’espérais tout de même un peu plus de compréhension dans cet hémicycle !

Mme la présidente. Merci, monsieur le député ; et merci de ne pas remettre en cause la présidence, comme vous l’avez fait – ou plutôt comme vous avez bien fait de ne pas le faire !

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pour les mêmes raisons que tout à l’heure, je suis défavorable à ces amendements.

(Les amendements identiques nos 213 et 262, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n28.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je suis vraiment gêné d’avoir à vous proposer cet amendement. Il s’agit d’obtenir un rapport avant le 30 juin prochain sur le coût du plafonnement de l’ISF.

Le président de la commission des finances se trouve dans une situation proprement anormale : ses prédécesseurs Didier Migaud et Jérôme Cahuzac avaient la chance de bénéficier de la part du Gouvernement d’un tableau de suivi du coût du bouclier fiscal, qu’ils attendaient d’ailleurs chaque année avec la plus grande impatience, et qui arrivait, avec la précision d’un métronome, au printemps de l’année considérée.

Je vous ai écrit au moins quatre ou cinq lettres, depuis trois ou quatre mois, pour connaître le coût du plafonnement de l’ISF sur 2013. C’est un sujet absolument majeur : je rappelle que les modalités de ce plafonnement ont été censurées par le Conseil constitutionnel.

Mme Marie-Christine Dalloz. Absolument !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Sur la base de cette censure du Conseil constitutionnel, la prévision que vous aviez faite en loi de finances initiale pour 2013 n’est, à mon avis, plus la bonne. Je m’étonne vraiment, alors que les déclarations d’ISF ont été faites au plus tard pour le 15 juin de cette année, de ne toujours pas disposer de cette information.

Je le dis très sérieusement : si je n’ai pas cette information, et même si cela me déplaît profondément, je serai obligé d’aller faire un contrôle sur pièces et sur place.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien ! Il faut en arriver là !

M. Charles de Courson. C’est ce qu’avait fait Didier Migaud !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je trouve qu’on en vient à des extrémités qui ne sont pas normales.

En attendant, je demande à mes collègues de voter ce rapport, faute de bénéficier de l’information nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il faut certes être vigilant à ce que toute la transparence soit faite et les informations fournies au président de la commission et, le cas échéant, au rapporteur général. Il me semble toutefois, monsieur le président de la commission, avoir vu passer très récemment une copie d’un courrier qui vous était adressé, et qui me semble répondre à vos préoccupations. Mais je confesse qu’il est très récent !

M. Philippe Vigier. Vous redoutiez cet amendement !

M. Charles de Courson. Voilà un amendement qui a été utile !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Sous cette réserve, je vais laisser le Gouvernement répondre, et l’Assemblée repousser cet amendement puisque la commission l’a repoussé. Je pense qu’il s’agissait surtout d’un amendement d’appel.

Mme la présidente. Donc, pour être plus clair, l’avis du rapporteur général est défavorable.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrice Martin-Lalande. On sent la gêne !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non, je crois que la gêne ne sera pas de mon côté.

Mesdames et messieurs les députés, j’attache une très grande importance à ce que l’ensemble des demandes du président de la commission des finances, que je considère comme légitimes, fassent l’objet d’une réponse précise. En l’occurrence, la demande de la commission des finances a fait l’objet d’une réponse précise de la part du ministre de l’économie et des finances. Cette réponse, que j’ai entre les mains, vient de m’être communiquée par les administrateurs qui travaillent avec le président de la commission des finances.

M. Xavier Bertrand. Depuis quand ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Bertrand, nous ne sommes pas dans un tribunal !

M. Xavier Bertrand. Mais on est à l’Assemblée nationale !

Mme la présidente. Monsieur Bertrand, s’il vous plaît !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je viens de faire l’objet d’une attaque en règle pour non transparence, au prétexte que ce document n’avait pas été transmis. Or il est là ; j’ai signé cette lettre à la fin de la semaine dernière…

M. Xavier Bertrand. À cause de l’amendement !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non, parce que je tiens à ce que ces éléments soient communiqués, monsieur Bertrand. Vous êtes dans l’opposition et je suis dans la majorité, mais nous pouvons éviter de nous faire des procès en mauvaise foi. C’est de la politique politicienne.

M. Xavier Bertrand. Mais on peut aussi être ministre et répondre !

Mme la présidente. Monsieur Bertrand, je vous demande de laisser le ministre s’exprimer !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Bertrand, je suis désolé de vous dire que je n’accepte pas ce procès ! Chaque fois que le président de la commission des finances a demandé des éléments, je les lui ai transmis. J’ai été parlementaire pendant très longtemps, à une époque où, précisément, le Gouvernement ne me transmettait pas les éléments que je demandais alors qu’il s’agissait de sujets plus délicats qu’aujourd’hui. Aussi, je suis particulièrement attaché à ce que le président de la commission des finances ait les éléments qu’il souhaite. Ces éléments sont là, ils m’ont été communiqués par les administrateurs qui travaillent avec le rapporteur général et le président de la commission des finances. Je les remets donc au président de la commission des finances (M. le ministre remet une lettre à M. le président de la commission des finances.) Parce qu’il faut être en toute chose convenable, je présente mes excuses au président de la commission des finances. En effet, je considère que ce document aurait pu lui être transmis plus tôt. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Bertrand, on peut être convenable et je m’emploie à l’être !

J’espère que nous pourrons désormais faire en sorte qu’il n’y ait, sur ces sujets-là, ni mauvaise foi, ni retard.

M. Jean-Pierre Gorges. Très bien !

Mme la présidente. Monsieur le ministre, je souhaite que vous donniez votre avis sur cet amendement n28.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je suis convaincu que le président de la commission va le retirer immédiatement.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Madame la présidente, je vais faire deux choses : d’une part retirer l’amendement n28, d’autre part me précipiter à mon bureau pour voir si j’ai reçu une lettre en date du 3 décembre, c’est-à-dire d’hier.

M. Xavier Bertrand. De qui se moque-t-on ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Elle a peut-être été signée la semaine dernière.

Cela dit, je retire l’amendement dans la mesure où les renseignements que j’ai demandés…

Mme Marie-Christine Dalloz. Personne n’est dupe !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. L’important, c’est d’avoir la réponse. On pourra en discuter à l’occasion d’amendements qui seront présentés ultérieurement, lorsque j’aurai pris connaissance de ce document.

(L’amendement n28 est retiré.)

Article 11

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n288.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n288, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 11, amendé, est adopté.)

Article 12

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n154.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel visant à supprimer des dispositions non normatives.

(L’amendement n154, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n155.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Même chose que pour l’amendement précédent.

(L’amendement n155, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n156.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit de supprimer des dispositions non normatives.

(L’amendement n156, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n274.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un amendement de coordination.

(L’amendement n274, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n157.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit de supprimer des dispositions non normatives.

(L’amendement n157, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n278.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un amendement de coordination.

(L’amendement n278, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n281.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Amendement de coordination.

(L’amendement n281, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n285.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Amendement de coordination.

(L’amendement n285, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n436.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement propose d’autoriser la publication des données environnementales recueillies par les agences de l’eau pour le calcul des redevances qu’elles perçoivent. Il tend à la mise en œuvre du principe d’accès du public aux données relatives à l’environnement, ce que prévoit d’ailleurs l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Les modalités de publication de ces données seraient déterminées par voie réglementaire.

Je précise, pour répondre à M. de Courson qui a soulevé le sujet en commission, que cet amendement relève bien du domaine des lois de finances défini à l’article 34 de la LOLF, puisqu’il porte sur les données recueillies dans le cadre du recouvrement des impositions de toutes natures. En effet, contrairement à ce que leur dénomination peut laisser penser, les redevances perçues par les agences de l’eau sont considérées comme des impositions de toutes natures depuis une décision du Conseil constitutionnel du 23 juin 1982.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Favorable.

(L’amendement n436 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n327.

M. Charles de Courson. Dans un but de simplification des modalités pratiques d’imputation de la taxe foncière en matière de crédit-bail immobilier, l’amendement vise à permettre l’établissement de la taxe foncière directement au nom du crédit-bailleur. En effet, actuellement c’est le propriétaire qui paye la taxe foncière et qui la refacture ensuite au bénéficiaire du crédit-bail. Bref, c’est une petite mesure de simplification administrative.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne partage pas l’analyse de notre collègue. En effet, ce n’est pas une petite mesure de simplification.

Les locaux commerciaux sont évalués à partir de plusieurs méthodes, dont la plus fréquente est la méthode par comparaison avec un local type. Les locaux industriels sont très majoritairement évalués à partir de la méthode comptable qui repose sur l’inscription des biens immobiliers à l’actif du bilan d’une entreprise.

L’article 1499-0 A du code général des impôts précise que : « Lorsque les biens immobiliers mentionnés à l’article 1499 pris en crédit-bail sont acquis par le crédit-preneur, la valeur locative de ces biens ne peut, pour les impositions établies au titre des années suivantes, être inférieure à celle retenue au titre de l’année d’acquisition. Lorsque les biens immobiliers mentionnés à l’article 1499 font l’objet d’un contrat de crédit-bail ou de location au profit de la personne qui les a cédés, la valeur locative de ces biens immobiliers ne peut, pour les impositions établies au titre des années suivantes, être inférieure à celle retenue au titre de l’année de cession. »

Pour ma part, ce qui est important c’est d’éviter la disparition de matière imposable qui résulterait de votre amendement. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Défavorable.

(L’amendement n327 n’est pas adopté.)

(L’article 12, amendé, est adopté.)

Après l’article 12

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n30.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est un amendement TVA sur le bois énergie.

Selon une étude récente de l’ADEME, près de 7,4 millions de ménages utilisent le bois comme combustible de chauffage, alors qu’ils n’étaient que 5,7 millions en 2006. C’est dire la progression du nombre d’utilisateurs.

À l’heure actuelle, avec un taux de TVA de 7 %, le marché informel représente, selon les sources, entre 32 et 35 millions de mètres cubes par an, soit entre 48 et 52 millions de stères vendus. En prenant un prix moyen de 60 euros du stère, c’est un marché de 3 milliards d’euros qui échappe aujourd’hui à toute fiscalité, soit pour l’État 210 millions de TVA non collectée.

Je ne suis pas sûre que le fait d’augmenter le taux de TVA sur ce support permettra des rentrées fiscales supplémentaires.

Vous avez décidé d’appliquer le taux réduit de TVA sur le logement social. L’appliquer également au bois énergie serait un geste fort du Gouvernement en faveur des personnes qui utilisent ce mode de chauffage. Voilà pourquoi je vous demande d’intégrer un taux de TVA réduit sur le bois énergie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un sujet connu dont on parle régulièrement. Des choix budgétaires difficiles ont été faits. Je ne ferai pas de commentaire sur les calculs qui sont effectués. Vous présupposez que l’ensemble du chiffre d’affaires du secteur échapperait totalement à la TVA. J’ose espérer quand même qu’il en reste qui travaillent de façon sérieuse en appliquant la TVA.

On a toujours le même débat entre les ressources nécessaires aux équilibres budgétaires destinés à combler les abysses que vous nous avez laissés et le niveau à partir duquel les conséquences économiques ou sociales pourraient se faire jour. Nous sommes sur cette ligne de crête, je vous le concède. Nous avons fait des choix, notamment celui d’appliquer le taux réduit de TVA sur le logement social. Nous ne pouvons pas répondre favorablement à l’ensemble des amendements relatifs au taux de TVA, ici pour des raisons budgétaires, et aussi pour d’autres raisons sur d’autres sujets que nous aurons à examiner.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

(L’amendement n30 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la présidente, je demande une brève suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures dix.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n31.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le Gouvernement parle régulièrement d’un choc de simplification. Eh bien, dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificative, moi je vous propose un choc de simplification qui a trait à un domaine essentiel : celui de l’alimentation.

Actuellement et compte tenu du critère dit de consommation immédiate retenu pour fixer le taux de TVA, la fiscalité des produits alimentaires à emporter est d’une rare complexité. Par exemple, une salade sans couverts est soumise à une TVA de 5,5 %, mais une salade avec couverts relève d’une TVA à 7 %. Un sandwich acheté chez un traiteur est soumis à une TVA de 5,5 %, un sandwich acheté dans une boulangerie ou en distribution automatique est soumis à un taux de TVA de 7 %.

Admettons que c’est très complexe et qu’avec la future hausse de la TVA, les taux vont augmenter sur les produits comme les quiches…

M. Jean Glavany. C’est une vraie question, la quiche…

Mme Marie-Christine Dalloz. …les poulets rôtis, les salades avec couverts, les pizzas, les box de pâtes, mais elle va baisser sur les autres produits alimentaires, comme le homard par exemple !

M. Jacques Myard. Le homard breton !

M. Thomas Thévenoud. Sans bonnet rouge !

M. Olivier Faure. Homard m’a tuer…

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous qui avez le sens de la justice et de l’équité, voyez qu’il y a des mesures simples à mettre en œuvre. Pour préserver le pouvoir d’achat des Français, nous vous suggérons une disposition très simple : que tous les produits alimentaires qui font l’objet d’un service, qu’ils soient servis à table ou consommés sur place, conservent le taux de la restauration, c’est-à-dire 7 %, et que tous les autres aliments de première nécessité, vendus à emporter, soient taxés au même taux que les produits d’alimentation, c’est-à-dire à 5,5 %.

Cela semble logique, c’est du bon sens : saurez-vous nous entendre ?

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous n’allons pas faire de l’archéologie législative pour chercher des coupables, mais c’est votre majorité, madame Dalloz, et je m’en souviens parfaitement, qui est à l’origine de cela. Dans votre sketch sur les salades, vous avez oublié les jus de fruit vendus avec paille ou sans paille…

M. Jean Glavany. C’est vous qui avez fait ces salades !…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cette complexité est connue, vous en êtes l’origine.

M. Patrice Martin-Lalande. Corrigeons-la !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Deuxièmement, je ne voudrais pas opposer la quiche lorraine au homard breton…(Sourires.)

Pourquoi dites-vous que le prix du homard baissera ? Il n’y a rien dans ce projet, ni dans la loi de finances, qui ferait baisser le prix du homard. Je n’ai rien vu de tel, en tout cas.



Ce gouvernement ne souhaite pas ajouter des dispositions qui aggraveraient l’instabilité fiscale. Entre le choc de simplification et l’instabilité, nous devons trouver un certain équilibre. Certes, cette réglementation est complexe et probablement peu adaptée. Nous aurons l’occasion d’avoir une réflexion globale sur ces questions de TVA.



M. Jean Glavany. La remise à plat !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Dans la remise à plat, merci, monsieur Glavany. La commission n’a pas souhaité retenir votre amendement et j’en demanderai le rejet si vous ne le retirez pas.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Non, je n’ai pas l’intention de retirer mon amendement, monsieur le rapporteur général. Franchement, en vous écoutant, j’ai eu le sentiment de me trouver dans une cour de récréation : « C’est de votre faute, vous êtes responsable… »

Peut-être, mais puisque nous proposons d’améliorer la législation, saisissez cette opportunité ! Arrêtez de dire : « Vous en portez la responsabilité, vous êtes seuls responsables, vous êtes coupables… » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous faisons amende honorable, puisque nous vous proposons une simplification. Alors, arrêtez de chercher la cause, la responsabilité : traitons le problème et changeons les choses ensemble.

Mme Catherine Vautrin. Le changement, c’est maintenant !

(L’amendement n31 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 329 et 200 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n329.

M. Charles de Courson. C’est un sujet répétitif : il concerne les transports publics de voyageurs du quotidien, c’est-à-dire les transports publics urbains, départementaux et régionaux, y compris le transport scolaire et le transport spécialisé pour les personnes en situation de handicap. Je propose de les taxer au taux dévolu aux produits de première nécessité.

L’essentiel de ces services de transport concourt à la mobilité tout en combattant l’exclusion. Il est donc primordial que les transports publics soient désormais considérés comme un service de première nécessité et donc taxés au taux réduit.

J’ajoute que le Gouvernement essaie de boucher une partie des trous des conseils généraux. Je rappelle que la compétence de transport scolaire appartient aux conseils généraux. Pour donner des ordres de grandeur, dans un département moyen comme le mien, cela représente 21 millions. Quand vous augmentez d’un point le taux de TVA sur les transports scolaires, cela fait 200 000 euros de plus à payer. À trois points, nous sommes à 600 000 euros. Si vous multipliez, nous arrivons à 60 ou 70 millions d’euros pour l’ensemble des départements, qui sont pourtant en grande difficulté. Nous avons voté plusieurs mesures pour aider les départements. Voilà pourquoi, mes chers collègues, cet amendement vise à taxer au taux réduit de 5,5 % les transports publics de voyageurs.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le coût de cet amendement avoisine le milliard d’euros.

M. Jacques Myard. Quand on aime, on ne compte pas !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oui, mais quand on est rapporteur général et responsable de la gestion de nos finances, on compte, monsieur Myard. Où le trouvez-vous, ce milliard, monsieur de Courson ?

M. Jean-Pierre Gorges. Il a raison.

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’observe d’ailleurs que, dans vos contre-budgets, vous n’avez pas proposé de recettes suffisantes. En l’occurrence il s’agit du xième amendement qui se chiffre en milliards de dépenses ou de non recettes supplémentaires. Je dis le xième car, même si je n’ai pas entonné le couplet tout à l’heure, j’aurais pu le faire : deux milliards au moins concernant les emplois à domicile et probablement autour de quatre s’agissant du retour de la défiscalisation des heures supplémentaires. Nous en sommes donc déjà à sept milliards de pertes de recettes proposées par vous sans recettes supplémentaires ni compensation, sauf sur les fumeurs puisque vous gagez chaque fois ces sommes sur le tabac. Tout cela ne nous semble pas très sérieux.

Nous devons conduire le redressement des comptes publics. Nous avons calculé ce que la TVA coûtera à ce secteur et ce que lui rapportera le crédit d’impôt : le secteur demeure gagnant, des gains de productivité pouvant par ailleurs probablement être recherchés même si je sais que ce n’est pas facile. J’assume quant à moi mes responsabilités.

M. Jean-Pierre Gorges. Il a raison.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je partage en tout point l’avis de M. le rapporteur général. Lorsque l’on agrège les effets TVA et CICE, le secteur des transports reste bénéficiaire à hauteur de 20 millions.

M. Charles de Courson. La RATP !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En effet. Je reconnais bien volontiers qu’il existe dans ce secteur des situations extrêmement contrastées. La RATP ne bénéficie pas du crédit d’impôt puisqu’elle ne paie pas l’impôt sur les sociétés. Sa situation est donc particulière et diffère des autres structures de transport.

M. le rapporteur général a tout à fait raison s’agissant du coût de la mesure que vous préconisez : environ 900 millions.

La question se pose essentiellement et notamment pour les transports urbains en régie.

Mme Catherine Vautrin. Oui.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour ces derniers, la mesure ne coûterait pas 900 mais quelque chose comme 270 millions. Nous sommes donc confrontés à la difficulté suivante : au regard des règles européennes qui régissent la TVA, il n’est pas possible d’appliquer des taux différenciés pour des activités de même nature. Dons, soit nous acceptons l’ensemble de l’amendement – et la mesure coûte 900 millions ou un milliard : vous voyez le problème qui se pose –, soit nous n’acceptons rien.

Mme Catherine Vautrin. En effet.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si nous avions pu considérer les seuls transports urbains en régie, nous l’aurions fait.

Par ailleurs, comme vous le savez, monsieur de Courson, une renégociation de la directive TVA sera engagée à la fin de l’année. Nous examinerons tout à l’heure d’autres amendements sur d’autres sujets, mais nous escomptons qu’à l’occasion de cette renégociation le problème auquel nous sommes confrontés sera réglé.

J’ai rencontré voilà quelques jours le président Huchon – car la région Île-de-France est dans une situation particulière – et nous nous apprêtons à mener des actions de sensibilisation de la Commission européenne de manière à la préparer à entendre la position française à ce sujet : favoriser un taux réduit de TVA pour les transports urbains, notamment en régie, de manière à ce que la question que vous posez soit résolue.

Parce que nous nous situons dans une démarche volontariste, responsable, juridiquement étayée et sérieuse, je souhaite que vous retiriez votre amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n200 rectifié, qui est en discussion commune avec le n329.

M. Éric Alauzet. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir ouvert quelques perspectives, notamment en ce qui concerne les transports en régie. Le problème se pose d’ailleurs pour l’ensemble des services publics et pas seulement dans le domaine des transports ; j’aurai l’occasion d’y revenir lorsque je présenterai un amendement sur la gestion des déchets.

Nous sommes tout de même empêtrés dans cette affaire depuis le début. Vous savez que notre groupe s’était abstenu sur l’instauration du CICE et son financement par la TVA, dans le cadre du PLFR de décembre 2012. Nous avions en effet expliqué d’emblée que des problèmes se poseraient s’agissant de tels services publics ou parapublics concernant des entreprises françaises dont les emplois sont locaux, non délocalisables, des services à haute valeur écologique et qui répondent à des besoins de première nécessité, ou peu s’en faut.

Bref, nom d’une pipe, pourquoi n’avons-nous pas travaillé sur un taux de TVA de 19,6 % – et tant pis si l’opposition utilise mes propos, ce n’est pas grave.

Nous sommes donc mal partis et nous avons du mal à nous en remettre.

Malgré tout, vous avez donc ouvert des perspectives. J’espère que les négociations que vous allez mener avec la Commission européenne, mais aussi, d’une façon plus franco-française, la remise à plat fiscale seront l’occasion de rediscuter de tout cela, car nous en avons vraiment besoin.

Cet amendement vise donc à appliquer aux transports publics urbains le taux dévolu aux produits de première nécessité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Même avis que sur le précédent amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis également.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, vous n’avez pas évoqué une solution parmi celles que vous avez envisagées, bien que nous en ayons déjà parlé lors de la discussion d’autres amendements. Il s’agit de proposer un dispositif équivalent au CICE pour les structures – régies, RATP, etc. – qui ne sont pas assujetties à l’IS. Je doute fort en effet que l’on parvienne à mettre en place cette autre solution que serait la différenciation des taux en fonction des structures qui sont ou non en régie. L’extension du CICE aux autres structures, quitte à diminuer un peu le taux pour que le coût soit nul, me paraîtrait donc de bonne politique.

Mme la présidente. Saisissez-vous la proposition de M. le ministre et retirez-vous votre amendement, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson. Non.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La question que vous évoquez l’a déjà été dans cet hémicycle pour d’autres activités mais, également, pour les activités de transport. Elle fait partie du « paquet de sujets » que nous examinons avec la Commission européenne. En effet l’accès au CICE pour des entreprises de transports qui ne paient pas l’IS soulève un double problème. Tout d’abord un crédit d’impôt est adossé à l’impôt payé, mais quid lorsque l’entreprise n’en paie pas ? Ce ne serait pas tout à fait le CICE.

M. Charles de Courson. Cela reviendrait à une diminution de charges.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Cela reviendrait en effet à une diminution de charges mais non à un crédit d’impôt pour la raison que je viens d’indiquer.

En outre, la Commission européenne pourrait considérer que procéder de façon sectorielle relève de l’aide directe.

Nous sommes donc en train de vérifier l’eurocompatibilité de ces questions – je vous en avais parlé s’agissant des coopératives – en ce qui concerne le secteur des transports. Cela fait partie du « paquet de sujets » sur lesquels nous négocions. Nous procéderons de façon très volontariste et déterminée, comme j’ai eu l’occasion de le dire au président de la région Île-de-France il y a quelques jours. Nous y travaillerons d’ailleurs vraisemblablement ensemble et je rendrai compte de ces travaux devant le Parlement.

Sur ces sujets, la meilleure manière de gagner des batailles devant l’Union européenne est de ne pas énerver les interlocuteurs avec lesquels on négocie avant d’avoir commencé les discussions. Il faut en effet faire très attention et veiller à ne pas prendre des postures qui « font bien », qui suscitent des dépêches et parfois même de la popularité, mais lorsque les positions que l’on a prises conduisent à se « cornériser », à la fin, on n’a rien obtenu.

Le Gouvernement tient à traiter cette question pour tous les modes de transport – bus, train, cheval (Sourires)…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et avion !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …de manière responsable.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Comme je l’ai fait dès la première lecture du PLF et chaque fois que nous avons examiné des amendements sur cette question, je rappelle que la situation de l’Île-de-France est très spécifique puisque l’EPIC RATP n’est pas assujetti à l’IS et qu’il ne peut donc bénéficier du CICE, hormis au titre de ses activités assujetties à l’IS regroupées dans sa filiale RATP DEV.

Cela conduira le STIF, que préside M. Huchon, à augmenter probablement de 3 % le prix des Pass Navigo le 1erjanvier prochain, ce qui est considérable. En l’occurrence, la décision sera prise la semaine prochaine. Il est très ennuyeux qu’une telle augmentation soit votée sur un service de première nécessité rendu quotidiennement alors que l’inflation prévue se situe aux alentours de 1 %.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez raison, monsieur le président Carrez : il est toujours ennuyeux de devoir répercuter des taux de TVA sur des prix. Mais vous connaissez bien le sujet. L’augmentation moyenne du prix des transports en région parisienne est de 2,5 % chaque année.

Le STIF ayant été remarquablement géré par le Conseil régional et sa majorité, ce dernier a pu ne pas répercuter la totalité du taux de TVA sur les prix même si, j’en conviens, il y a 0,5 % de trop. L’augmentation, toutefois, n’est pas exponentielle.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Des travaux ne seront pas engagés.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si, car sa gestion étant excellente, le STIF dispose d’un fond de roulement.

En outre, comme je l’ai dit au président Huchon, nous sommes engagés avec la région Île-de-France dans deux dispositifs. Le premier vise à négocier pour faire en sorte que l’application ne soit effective qu’en 2014 de façon transitoire, dès lors que nous sommes engagés dans un combat commun que nous comptons bien gagner. En second lieu des investissements croisés région-État en matière de transports dans le cadre du Grand Paris permettront de réaliser des investissements qui ne sont pas négligeables.

La bonne gestion de la région Île-de-France par le président Huchon, la volonté du Gouvernement de bien faire les choses, notre conviction d’emporter celle de la Commission européenne sur ce sujet font que si le président de la commission des finances était maire du Perreux (Sourires), il n’aurait aucune raison de s’inquiéter de ce que nous faisons.

(L’amendement n329, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’amendement n200 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. Charles de Courson. Alors que l’une des annonces de la Conférence environnementale de septembre dernier consistait à mettre l’accent sur l’économie circulaire et le développement du recyclage, le relèvement du taux de TVA à 10 % sur les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets, qui pèsera plus de 100 millions d’euros pour les ménages, et notamment les plus vulnérables, va contribuer à paralyser les efforts d’investissement des collectivités locales dans ce domaine puisque ces dernières réduiront obligatoirement leurs dépenses. Dans de telles conditions, il serait illusoire de viser des objectifs de 50 % de recyclage des déchets ménagers à l’horizon 2020 tel que préconisé par la directive Déchets de 2008 et les textes Grenelle.

Aussi, nous proposons de revenir à un taux de TVA à 5,5 % sur les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets visés aux articles L. 2224-13 et L. 2224-14 du code général des collectivités territoriales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n252.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à revenir sur le taux de TVA concernant les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets qui, le 1er janvier 2014, passera de 7 % à 10 %. En effet, il nous semble que la collecte et le traitement des déchets constituent un besoin essentiel pour chaque foyer et que cela correspond à un service de première nécessité auquel il est impossible de se soustraire.

Nous proposons donc d’appliquer le taux réduit de 5,5 % à compter du 1er janvier 2014 aux prestations de collecte de tri et de traitement des déchets des communes ou des EPCI engagés dans la mise en place d’une tarification incitative.

Cela aurait aussi pour effet d’accélérer la mise en place, par les EPCI, d’une tarification incitative.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 328 et 252 ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ces amendements proposent de passer à un taux réduit de TVA pour les opérations de collecte, de tri et de traitement des déchets ménagers, et nous avons déjà assez largement débattu de ces questions. Comme le ministre l’a indiqué lors de l’examen d’un précédent amendement, nous sommes soumis à un certain nombre de contraintes, notamment pour les services assurés en régie ou en délégation de service public, si bien qu’il est pour l’instant très difficile, voire impossible, de distinguer selon les différents types de services.

Le deuxième amendement, qui est légèrement différent et qui suggère de distinguer des taux de TVA selon les politiques fiscales des collectivités territoriales, pose quant à lui des problèmes de compatibilité avec la réglementation actuellement en vigueur au niveau européen. Pour toutes ces raisons, je suggère à leurs auteurs de retirer ces amendements, faute de quoi je les repousserai.

(Les amendements nos 328 et 252, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n202 rectifié.

M. Éric Alauzet. Le traitement des déchets présente un certain nombre de spécificités. La première tient au fait que 80 % de son financement est assuré par la taxe, et 20 % seulement par la redevance ; or il est impossible de récupérer la TVA quand le financement se fait par la taxe. Par ailleurs, comme cela a été dit, un certain nombre d’activités sont effectuées en régie, sans possibilité de compensation par le CICE.

Je dispose de calculs assez précis sur l’impact des récupérations possibles au niveau du CICE. Lorsque le taux de TVA passe de 7 à 10 %, on récupère 1 % avec le CICE, ce qui représente une perte de 2 points. Si l’on ajoute à cela l’augmentation de 1,5 % qui a eu lieu sous la précédente législature, ce sont 3 % qui auront été perdus, et finalement répercutés sur les usagers, avec un impact sur leur pouvoir d’achat. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, le secteur des déchets est extrêmement sensible, puisque son coût n’a cessé d’augmenter au cours des trente dernières années, du fait du développement de cette politique nouvelle et de toutes les filières qui lui sont associées. Sur les territoires, les élus et les populations sont à fleur de peau lorsqu’on aborde ces sujets. Ils le sont bien plus que sur la question de l’eau, qui connaît désormais une relative stabilité, puisque cela fait plus d’un siècle que la politique de l’eau a été mise en œuvre.

Tout cela justifierait une diminution globale de la TVA, mais comme nous sommes raisonnables, nous suggérons que celle-ci n’intervienne que sur ce qui relève de l’économie circulaire, laquelle, d’ailleurs, est le plus souvent exercée en régie et ne bénéficie donc pas de compensations : je veux parler de la prévention, des ressourceries, des déchetteries, de la collecte et du recyclage. Le coût de cette mesure a été évalué : en comparaison avec celle relative aux transports, dont le coût a été évalué tout à l’heure à 260 ou 280 millions d’euros pour la partie régie, on se situerait ici à 70 millions d’euros.

Ma réflexion s’inscrit toujours dans le cadre plus général de la grande réforme fiscale, qui devra selon moi être l’occasion de redéfinir la cible des augmentations de TVA permettant de financer le CICE. Mais je ne vais pas faire de démagogie sur ce sujet : je ne propose pas seulement une baisse de recettes, mais aussi des hausses.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez raison, cher collègue, d’insister sur le caractère particulier et assez original de votre amendement, qui propose un principe de différenciation, selon la nature de la filière. Votre dispositif est un peu complexe, puisque vous proposez à la fois des baisses du taux de TVA et des suppressions de réductions de la TGAP. Or le mouvement entre les deux dispositifs doit être mis en cohérence.

Vous évoquez le chantier de la remise à plat de la fiscalité : c’en est un, mais je vous rappelle qu’un chantier sur la fiscalité environnementale a également été lancé à la suite des deux conférences environnementales, et qu’un groupe de travail s’occupe des questions relatives à la fiscalité et aux déchets. Un plan déchet a par ailleurs été annoncé pour la période 2014-2020. Je propose donc que nous continuions à travailler sur ces questions, en attendant le résultat de l’ensemble de ces travaux. Je ne suis pas contre l’introduction de modifications, mais il faut qu’elles soient intégrées dans un projet plus global de simplification, en vue d’une plus grande lisibilité. Telle est notre ambition. Dans l’attente, je vous demande de retirer votre amendement, sans quoi nous le repousserons.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Lorsque nous avons eu le même débat l’année dernière, à l’occasion de l’examen du budget pour 2013, on nous a dit qu’on verrait en 2014. Et à présent, on nous dit qu’on verra en 2015… Il est vrai que tous les éléments que vous venez de rappeler – remise à plat fiscale, réflexion sur les déchets – plaident pour attendre. Je vais donc faire œuvre de clémence, si je peux me permettre, et retirer mon amendement, mais c’est vraiment avec l’espoir que le prochain budget propose quelque chose de solide.

(L’amendement n202 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 331, 203, deuxième rectification et 330, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 203, deuxième rectification et 330 sont identiques.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n331.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement d’appel. Dans le projet de loi de finances pour 2014, le Gouvernement avait prévu le taux réduit de TVA pour les travaux d’amélioration de la performance énergétique des logements de plus de deux ans. Des discussions ont eu lieu avec la fédération française du bâtiment, et le Gouvernement a annoncé qu’il était d’accord pour essayer d’étendre le champ du taux réduit. Ce que nous proposons, pour notre part, c’est que l’ensemble des travaux de rénovation de l’habitat relève du taux réduit. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où vous en êtes et à quel moment votre amendement sera déposé ?

Mme la présidente. Monsieur de Courson, je vous donne à nouveau la parole pour soutenir l’amendement n330, qui est identique à celui de M. Alauzet.

M. Charles de Courson. Lors de la conférence environnementale du 20 septembre, le Président de la République a fait un certain nombre d’annonces concernant la nécessité de soumettre au taux réduit de la TVA les travaux d’amélioration de la performance énergétique. Cela a été fait dans le projet de loi de finances et nous y sommes tout à fait favorables. Mais ce que nous proposons, c’est de donner plus de cohérence au secteur et d’élargir l’impact de cette mesure, en appliquant le taux réduit aux travaux induits par cette rénovation thermique, c’est-à-dire aux travaux indissociablement liés aux travaux de rénovation énergétique mentionnés au premier alinéa de l’article 200 quater du code général des impôts.

Cela avait d’ailleurs été envisagé par le Gouvernement, par la voix du ministre du budget, puisque ce dernier déclarait le 18 novembre avoir décidé, à la demande du Premier ministre et du Président de la République, d’élargir la discussion sur les travaux induits, de manière à faire en sorte qu’un plus grand nombre de secteurs de l’artisanat bénéficie de ces mesures fiscales.

Cet amendement a une portée plus limitée que le précédent.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n203, deuxième rectification.

M. Éric Alauzet. Cet amendement étant identique à celui qui vient d’être défendu, je serai bref. On nous a annoncé un taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation énergétique, or un certain nombre de travaux sont complètement imbriqués les uns dans les autres. Ainsi, lorsqu’on veut améliorer l’étanchéité de son toit, on refait la toiture ; de même, lorsqu’on veut isoler ses murs, on refait l’installation électrique. Tous ces travaux étant intimement liés, il conviendrait d’étendre la TVA réduite à tous les travaux induits.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le premier amendement a un coût énorme, puisqu’il propose d’étendre à l’ensemble des travaux l’abaissement du taux de TVA. Le second, qui propose également d’élargir le champ d’application de cette TVA réduite, a quant à lui un coût de 90 millions d’euros. Je proposerai un peu plus tard un amendement permettant de faire le raccordement avec les travaux déjà engagés. L’ensemble de ces questions connexes pourrait être examiné dans le cadre du projet de loi de finances. Dans l’attente, je vous propose de rejeter ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements, mais je veux profiter de leur examen pour répondre aux questions qui ont été posées et pour apporter quelques précisions sur les mesures que nous avons prises, concernant le secteur de l’artisanat. Vous savez que nous avons reçu à plusieurs reprises les représentants de l’Union professionnelle artisanale, de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment et de la Fédération française du bâtiment, de manière à définir avec eux les conditions permettant de préciser l’assiette du taux réduit de TVA pour l’ensemble des mesures concernant le bâtiment et les travaux, ce qui inclut, bien entendu, les travaux de rénovation énergétique.

Je veux d’abord rappeler que nous avons pris, en faveur de ce secteur, des mesures de réduction du taux de TVA pour le logement social et les petites réparations : il s’agit là d’une dépense fiscale de plus de 500 millions d’euros, qui bénéficiera pour partie au secteur de l’artisanat. Nous avons surtout décidé de mettre en place le taux réduit de TVA sur la rénovation énergétique, qui représente, lui aussi, une dépense fiscale de près de 500 millions d’euros. C’est donc un milliard d’euros au total que nous consacrons à un secteur, dont vous avez tous raison de considérer qu’il est porteur de dynamiques et d’opportunités pour l’économie et pour l’emploi. L’UPA, la CAPEB et la FFB ont toutes souhaité que nous complétions ces mesures. Nous avons décidé de le faire en introduisant dans l’assiette du taux réduit de TVA pour rénovation énergétique les travaux dits induits. La liste de ces travaux est extrêmement précise et je ne vais donc pas tous les énumérer, monsieur de Courson, mais je m’engage à vous transmettre cette liste dans les heures qui viennent, afin que vous disposiez de toutes les informations utiles.

Cela représente une dépense fiscale supplémentaire de l’ordre de 100 millions d’euros. Vous avez d’ailleurs remarqué que la Fédération française du bâtiment s’est dite satisfaite de cette mesure, qui devrait avoir un effet de levier important pour l’économie, pour l’emploi et pour ce secteur qui souffre. Compte tenu de ce que nous avons déjà fait, et pour les raisons qui ont été invoquées par le rapporteur général, je ne suis pas favorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je retire l’amendement n331, mais je voudrais une précision s’agissant de l’amendement n330. Si j’ai bien compris, monsieur le ministre, vous approuvez l’amendement n330, qui renvoie au premier alinéa de l’article 200 quater du code général des impôts. Est-ce à dire que vous allez procéder par voie de circulaire, ou que vous allez déposer un amendement sur les travaux induits ? Je n’ai pas bien compris votre réponse. Si vous nous donnez satisfaction, nous retirerons également l’amendement n330.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’idéal serait que vous retiriez votre amendement et que vous attendiez l’amendement gouvernemental en projet de loi de finances, qui définira très précisément la liste des travaux induits.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je croyais que votre amendement en projet de loi de finances pour 2014 renverrait à l’article du code général des impôts. Nous verrons donc cela dans le PLF, mais je retire en tout cas mon amendement, puisque vous lui donnez satisfaction.

(Les amendements nos 331 et 330 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Dans le même esprit, je retire mon amendement.

(L’amendement n203, deuxième rectification est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la présidente, je souhaiterais que nous suspendions la séance avant d’aborder l’amendement n437 de la commission, afin de pouvoir présenter un sous-amendement.

Mme la présidente. En ce cas, nous reprendrons nos travaux ce soir.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée à 19 h 45.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron