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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 07 janvier 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Conséquences du cyclone Bejisa à La Réunion

Mme Huguette Bello

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Affaire Dieudonné

M. Alain Tourret

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Évolution du chômage

M. Damien Abad

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Commémorations de la Première Guerre mondiale

M. Jean-Louis Dumont

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

Politique du Gouvernement en 2014

Mme Laure de La Raudière

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Projet de ferme-usine de mille vaches

Mme Barbara Pompili

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Censure du projet de loi de finances par le Conseil constitutionnel

M. Alain Chrétien

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Priorité à l’emploi

M. Alain Claeys

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Tri de matières dangereuses en gare de Drancy

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche

Usine Goodyear d’Amiens

M. Alain Gest

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Avenir de l’agriculture

M. Thierry Benoit

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Avenir de l’agriculture

M. Antoine Herth

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Politique de la France

M. Nicolas Dupont-Aignan

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Conséquences du cyclone Bejisa à La Réunion

M. Jean Jacques Vlody

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Travail parlementaire

M. Gilles Lurton

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Éducation numérique

Mme Laurence Dumont

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

2. Fixation de l’ordre du jour

3. Agriculture, alimentation et forêt

Présentation

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Jean-Pierre Le Roch, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Mme Hélène Vainqueur-Christophe, rapporteure de la délégation aux outre-mer

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Motion de rejet préalable

M. Antoine Herth

M. Stéphane Le Foll, ministre

Mme Brigitte Allain

M. André Chassaigne

M. Michel Vergnier

M. Daniel Fasquelle

M. Thierry Benoit

Motion de renvoi en commission

Mme Laure de La Raudière

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Mme Brigitte Allain

M. André Chassaigne

M. Frédéric Roig

M. Philippe Le Ray

M. Charles de Courson

Discussion générale

Mme Jeanine Dubié

M. André Chassaigne

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président. Avant de commencer nos travaux, permettez-moi de vous souhaiter aux uns et aux autres, ainsi qu’à l’ensemble de nos compatriotes, notamment ceux qui nous regardent, une bonne année 2014. (Applaudissements.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Conséquences du cyclone Bejisa à La Réunion

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Huguette Bello. Merci pour vos bons vœux, monsieur le président, et permettez-moi également de souhaiter une bonne année à l’ensemble de nos collègues, en particulier à celles et ceux de Bretagne et d’Aquitaine, régions qui subissent aussi en ce début d’année de graves et destructeurs aléas climatiques.

Ma question, qui s’adresse à M. le ministre des outre-mer, porte sur l’épisode cyclonique qui vient de balayer La Réunion. Si certaines zones ont été davantage touchées, comme l’Ouest, aucune d’entre elles n’a été épargnée. Des vents violents, des pluies abondantes, mais aussi une forte houle ont provoqué des dégâts considérables et sont à l’origine du décès d’une personne. Plusieurs lignes à haute tension ont été endommagées, privant d’électricité plus de 180 000 foyers. Le réseau de distribution d’eau potable a été mis à mal, les communications téléphoniques sont souvent impossibles et le réseau routier est quasiment impraticable. Quant au port de Saint-Gilles que le cyclone a touché de plein fouet, il est hors d’état.

Grâce au travail des équipes de professionnels et de l’armée et à la solidarité qui règne au sein de la population, la situation se résorbe très progressivement, même si plusieurs jours sont encore nécessaires pour que chaque famille retrouve une vie à peu près normale. Tous les secteurs d’activité sont au ralenti. L’agriculture, elle, est dévastée. La saison des fruits est terminée. Les cultures maraîchères sont intégralement détruites. Le recours à l’exportation, parfois depuis Rungis, est à l’ordre du jour. Les conséquences sur les prix, donc sur le pouvoir d’achat, sont immédiates.

Lors de votre visite, monsieur le ministre des outre-mer, vous avez pu mesurer l’étendue des dommages chez les particuliers comme dans l’espace public. Les Réunionnais vous savent gré de votre détermination pour qu’un arrêté de catastrophe naturelle soit pris le plus rapidement possible. Nous présenterons des dossiers complets et formons le vœu que les victimes de Bejisa n’aient pas à subir elles aussi de trop longs délais avant d’être indemnisées. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Vous l’avez dit, madame la députée, La Réunion a été durement frappée par le cyclone tropical Bejisa les 2 et 3 janvier. Je m’y suis rendu très rapidement pour constater les dégâts et pour y réaffirmer la solidarité nationale. Nous avons à déplorer un mort, une personne âgée, et quinze blessés, dont deux graves.

La solidarité nationale s’est immédiatement exprimée par un renforcement des moyens humains et matériels : 100 militaires des formations militaires de la sécurité civile s’y sont rendues immédiatement, 370 soldats des forces armées du sud de la zone de l’océan Indien ont été à pied d’œuvre ainsi que 680 sapeurs-pompiers et 370 agents EDF, dont cinquante-cinq qui venaient de métropole. En quatre jours, on a presque tout réparé alors que les réseaux électriques étaient très sérieusement dégradés et que 180 000 foyers étaient privés d’électricité. Au moment où je vous parle, il n’en reste plus que 25 000, sachant que 2 000 foyers sont encore privés d’eau. De même, les routes ont été réparées, sauf à Saint-Louis. Bref, en très peu de temps, la solidarité s’est exprimée, et la mobilisation des Réunionnais eux-mêmes a été au rendez-vous.

Comme je vous l’ai affirmé à La Réunion, la solidarité nationale ne manquera pas et l’arrêté de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle devrait être pris avant la fin de ce mois. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Affaire Dieudonné

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. En ce début d’année que je souhaite annonciatrice d’une fraternité renouvelée, il me faut vous poser une question, monsieur le Premier ministre, sur un humoriste dévoyé qui, par son message où l’odieux le dispute à l’insupportable, menace les fondements de la République. Je veux bien sûr parler de Dieudonné.

Au pays de Beaumarchais, où l’insolence est une vertu, au pays de Coluche et de Bedos, où l’ironie reste un art, nous savons faire la différence entre la critique, même la plus féroce, et l’agression, à l’évidence d’inspiration néonazie. Avant-hier, c’étaient Drumond, Maurras, Drieu et Céline, ces semeurs de haine. Hier, c’était celui dont nous avons tous le nom en tête, qui parlait de la Shoah comme d’un détail de l’histoire, qui s’attaquait à l’un des nôtres, Michel Durafour, dans la plus parfaite tradition de Goebbels là-bas et d’Henriot ici.

Monsieur le Premier ministre, cet éructeur haineux est dangereux pour la République. Ne rien faire, au nom du principe absolu de la liberté d’expression, c’est renoncer, c’est accepter. Il n’est pas question de changer notre législation. Ce serait faire trop d’honneur à cet individu. Il faut appliquer les lois de la République avec rigueur, comme le rappelle la circulaire remarquée du 6 janvier dernier de M. le ministre de l’intérieur.

L’apologie des crimes contre l’humanité est intrinsèquement une atteinte à l’ordre public et doit permettre l’interdiction de ces rassemblements de haine, mais il faut aller plus loin et faire partout œuvre de pédagogie, notamment à l’école, dans les lieux de culture, les milieux associatifs, pour renforcer la laïcité et, surtout, la fraternité. Le Gouvernement est-il prêt à s’engager dans cette voie ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste, et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, la parole antisémite, l’appel à la violence, à la haine de l’autre, la négation de l’Histoire, n’ont pas leur place dans notre République et l’indifférence, vous avez raison, serait la pire des réponses, sous prétexte qu’il ne faut pas participer à une manœuvre du Gouvernement, qu’il faut respecter la liberté d’expression ou que l’on ferait à ce sinistre personnage une certaine publicité alors, et c’est bien là le problème, qu’il rencontre incontestablement une audience sur internet et dans ses spectacles, comme le montrent les réservations prévues pour les différentes salles où il doit se produire dans les jours qui viennent.

Les spectacles de ce personnage n’appartiennent plus à la dimension artistique et créative. C’est une évidence, et la ministre de la culture l’a dit avec force encore ce matin. En dépit de nombreuses condamnations pénales, il réitère à chaque fois des propos insupportables, dont il mesure pleinement la portée, et ceux qui y assistent le savent parfaitement. Ce sont des meetings politiques, qui véhiculent une parole de haine, la haine de l’autre, l’antisémitisme, la haine du juif. C’est inacceptable, nous ne pouvons pas l’accepter et c’est la raison pour laquelle il fallait agir. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

La circulaire souhaitée par le Président de la République et le Premier ministre rappelle que l’on peut invoquer l’ordre public pour justifier l’interdiction de tel spectacle et souligne que ce type de spectacles constitue lui-même un trouble à l’ordre du public.

Alors, oui, nous agirons avec la garde des sceaux sur tous les terrains, judiciaire, juridique, administratif et politique. Je salue l’engagement de tous les maires, quelle que soit leur couleur politique, à commencer par M. Alain Juppé, qui a donné le « la ». La République est forte quand elle se rassemble autour de nos valeurs et de la fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste et sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Évolution du chômage

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Damien Abad. Monsieur le Premier ministre, Piège sans issue, tel pourrait être le titre d’un mauvais film dont le scénario serait l’impossible inversion de la courbe du chômage, avec François Hollande comme acteur principal, vous-même en acteur de second rôle, et Michel Sapin en figurant. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vous nous dites que nous n’avons pas compris les chiffres du chômage, mais 17 300 demandeurs d’emploi en plus en novembre, n’est-ce pas une hausse ? Un chômage des seniors qui n’a jamais été aussi haut, une durée moyenne au chômage qui ne cesse de s’allonger, n’est-ce pas inquiétant pour vous ? Monsieur le Premier ministre, est-ce nous qui n’avons pas compris les chiffres ou est-ce vous qui ne voulez pas voir la réalité en face ? Pire, en masquant la réalité, vous prenez le risque de tuer la parole publique et de faire perdre toute crédibilité aux responsables politiques. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Votre pari hasardeux s’est heurté au mur des réalités et, vous le savez, les Français ne sont pas dupes. Tout simplement parce qu’on n’inverse pas artificiellement la courbe du chômage à coups d’emplois aidés, de radiations massives, de statistiques tronquées ou de communication en trompe-l’œil. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) On inverse la courbe du chômage en stoppant net le matraquage fiscal que vous faites subir aux Français depuis dix-neuf mois. On inverse la courbe du chômage en accélérant l’investissement, le désendettement et la compétitivité. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Bays. Il fallait le faire !

M. Damien Abad. On inverse la courbe du chômage en mettant l’accent sur l’apprentissage, l’innovation, la baisse du coût du travail et la simplification des normes.

Pour le moment, monsieur le Premier ministre, force est de constater que vous n’avez réussi qu’à inverser la courbe du pouvoir d’achat des Français, qui se réduit comme peau de chagrin. Il n’y aura pas de recul durable du chômage sans changement profond de stratégie économique. Continuez ainsi et votre politique de l’emploi sera votre échec numéro un !

Alors, monsieur le Premier ministre, à défaut d’inverser la courbe du chômage, quand allez-vous enfin regarder la réalité en face ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, on peut ne pas être bon acteur tout en ayant de la mémoire quand on veut réciter son texte. Vous devriez donc, même si vous êtes jeune député, ayant été élu en 2012 seulement, vous préoccuper de ce qui s’est passé auparavant. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Si vous regardiez un tout petit peu en arrière, vous n’auriez pas le même air prétentieux de celui qui n’a plus de mémoire. (Mêmes mouvements.)

Mme Brigitte Bourguignon. Dix ans !

M. Michel Sapin, ministre. De 2008 à 2012, chaque trimestre, le nombre des chômeurs a augmenté. Voulez-vous que je vous rappelle le trimestre où il y a eu 70 000 chômeurs de plus par mois ? Voulez-vous que je vous rappelle qu’entre le premier trimestre de 2008 et 2012, pas un seul trimestre le nombre des chômeurs n’a baissé ?

La bataille que nous avons engagée et que nous menons, celle que la France tout entière est en train de gagner, c’est d’abord la bataille pour faire refluer le nombre des chômeurs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : 30 000 chômeurs de plus par mois au premier trimestre de l’année dernière, 18 000 au deuxième trimestre, 5 000 au troisième trimestre, et au quatrième trimestre le nombre des chômeurs a diminué. (Mêmes mouvements.)

M. Philippe Vitel. Menteur !

M. Michel Sapin, ministre. Cela ne vous fait pas plaisir car vous ne savez pas ce que c’est que de faire diminuer le nombre de chômeurs. Pendant cinq ans, un million de chômeurs en plus : c’est la réalité de votre bilan ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pouvons-nous, pour autant, être satisfaits de la situation ? Évidemment non. Le nombre des chômeurs commence tout juste à diminuer.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

M. Michel Sapin, ministre. Il faut amplifier ce mouvement et l’inscrire dans la durée, il faut poursuivre nos politiques de l’emploi, et, oui, il faut mener des politiques en faveur de l’investissement et des entreprises. C’est tout le sens du pacte que propose le Président de la République aux entreprises françaises. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Commémorations de la Première Guerre mondiale

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le Premier ministre, le 7 novembre 2013, le Président de la République a prononcé un vibrant discours inaugurant les commémorations de la Première Guerre mondiale et annonçant une série de mesures et d’initiatives qui rythmeront l’année 2014 et seront autant de moments de rassemblement dans l’expression du devoir de mémoire.

Le Président de la République a ainsi rappelé, dans une de ces anaphores qui font la force de ses allocutions, le sens et l’importance de l’acte même de commémorer, le message universel porté par la France qui se rassemble, la victoire de la République et la fraternité des démocraties et des démocrates.

Le député de Verdun, ville symbole de la grande guerre dans la conscience nationale et universelle, capitale mondiale de la paix, des libertés et des droits de l’homme, s’adresse aujourd’hui à vous, monsieur le Premier ministre, dans cet hémicycle où ont résonné les plaidoyers de Jean Jaurès, qui faisait de l’affirmation de la paix le plus grand des combats, mais également le « Je fais la guerre » de Georges Clemenceau, axé sur le devoir de sauvegarde de toutes les libertés.

Le député d’une Meuse qui fut également la terre électorale d’André Maginot, parlementaire qui s’engagea comme soldat dès le début des hostilités, a l’honneur de vous demander quel rôle vous entendez proposer au Parlement dans la préparation du centenaire sur les questions mémorielles, les objectifs pédagogiques et le registre symbolique.

Ce centenaire sera certes celui de l’année 1914, mais aussi celui des années suivantes jusque 1918, voire 1920, pour le choix du soldat inconnu. À l’heure où différents parlements d’Europe ont déjà été consultés à ce sujet,…

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le député, vous rappelez que, le 7 novembre, le Président de la République a donné le coup d’envoi des célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale. C’est un rendez-vous que nous avons avec l’histoire, rendez-vous qui a commencé au premier jour de cette année mais a été longuement et minutieusement préparé dès l’année dernière.

Un député du groupe UMP. Jusque-là, ça va ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Cette histoire, c’est d’abord celle de la mobilisation de tout un pays, de son unité, de sa confiance aussi, en lui-même et dans ses institutions. C’est cette mobilisation qui a permis à la France, avec ses alliés, de surmonter une épreuve terrible qu’elle n’avait pas voulue. Vous en avez rappelé certains éléments, vous qui êtes député de Verdun. Une épreuve, en effet : huit millions de Français ont combattu, un million quatre cent mille ont perdu la vie, sans oublier les blessés, les mutilés. Beaucoup d’entre vous ici, quel que soit leur âge, ont en mémoire cette histoire ; quel est le village qui ne possède pas un monument aux morts, avec un casque de Poilu ?

M. Dominique Tian. Jouez, violons !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Oui, mesdames et messieurs les députés, c’est l’occasion d’un vaste rassemblement des Français autour de ce que nous sommes, de nos valeurs, de ce que nous pouvons aussi penser, non seulement sur l’histoire, en saluant la mémoire de ceux qui ont combattu et donné leur vie pour notre pays, mais en nous projetant aussi dans l’avenir. C’était le message du Président de la République le 7 novembre.

La mission du centenaire, sous la responsabilité du ministre délégué aux anciens combattants, Kader Arif, appuiera des centaines de projets : 300 déjà, dans soixante-dix-sept départements. Le Parlement y prendra sa part. C’est au moment où la France est confrontée à de grands défis pour son avenir qu’elle doit être capable de se rassembler pour aller au l’essentiel : hommage à nos soldats, hommage à ceux qui, à l’arrière, ont permis au pays de tenir, hommage aussi à ceux qui ont ensuite voulu construire la paix, alors que nous allons, la même année, commémorer le soixante-dixième anniversaire de la libération de la France après la Seconde Guerre mondiale.

La paix est une mobilisation, une exigence de tous les instants. Cette exigence doit continuer à être la nôtre, que ce soit pour défendre l’Europe dans tout ce qu’elle a apporté, faire vivre concrètement pour les futures générations l’amitié franco-allemande et permettre partout, avec une autre organisation, celle des Nations unies, la paix, la sécurité, la liberté et la démocratie. C’est la grande leçon de cette commémoration. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Politique du Gouvernement en 2014

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le Premier ministre, le 31 décembre, lors de ses vœux, le Président de la République s’est adressé à des Françaises et à des Français particulièrement inquiets de la situation de notre pays. Il leur a souhaité la bonne année et la bonne santé, comme de tradition. Cela est courtois, mais il a oublié de leur rappeler qu’ils allaient trinquer en 2014 ! Alors que les écrans de télévision s’éteignaient, une avalanche de prélèvements nouveaux – à hauteur de 12 milliards d’euros – s’abattait sur les Français qui n’en peuvent plus : augmentation des cotisations retraite des salariés et des employeurs ; augmentation de la TVA ; augmentation des tarifs d’électricité ; augmentation des impôts pour les familles avec le quotient familial raboté.

À défaut de bons vœux, nous avons au moins eu droit à des aveux en bonne et due forme : aveu d’une pression fiscale beaucoup trop forte ; aveu d’une dérive des dépenses publiques ; aveu d’un excès de normes et de contraintes pesant sur les ménages comme sur les entreprises.

Le Président de la République a voulu nous faire croire à un changement de cap avec son pacte de responsabilité. Monsieur le Premier ministre, êtes-vous aujourd’hui prêt à prendre les décisions qui s’imposent si vous voulez tenir la parole de François Hollande devant les Français ? Êtes-vous prêt à retirer la loi dite de décentralisation qui complexifie encore plus le fameux mille-feuille territorial et alourdit les dépenses publiques ? Êtes-vous prêt à retirer le verbeux projet de loi agricole au profit de décisions immédiates de soutien aux agriculteurs et de mesures de simplification ? Enfin, êtes-vous prêt à annuler immédiatement toutes les hausses d’impôt qui touchent les Français depuis votre arrivée au pouvoir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Madame la députée, je vous remercie pour votre question, qui me permet d’apporter un certain nombre de précisions. Tout d’abord, la dépense publique ne dérape pas. Vous vous souvenez, madame la députée, qu’elle a augmenté de 170 milliards d’euros entre 2007 et 2012, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) que le rythme d’augmentation de la dépense publique, pendant les dix ans où vous avez été en situation de responsabilité, a été de 2 % et que nous avons divisé par quatre le rythme d’augmentation de la dépense publique,…

M. Jacques Alain Bénisti. C’est faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …puisque dans le budget 2014, qui a été débattu devant le Parlement, l’évolution de la dépense publique sera de 0,4 % – le Conseil constitutionnel et le Haut conseil des finances publiques l’ont d’ailleurs reconnu.

Deuxième point sur lequel je voudrais insister : cet effort de réduction de la dépense publique porte ses fruits en matière de réduction des déficits. Lorsque nous sommes arrivés en situation de responsabilité, le dernier déficit connu était de 5,3 % ; en 2012, il était de 4,8 % ; en 2013, il sera de 4,1 % ; de 3,6 % dans le budget présenté pour 2014. Les déficits diminuent bien ; or s’ils diminuent, cela signifie que des efforts sérieux de maîtrise de la dépense publique sont faits.

Troisième point : nous sommes le premier gouvernement depuis très longtemps qui diminue les charges des entreprises et leur fiscalité de façon significative. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Dans le budget pour 2014, ce sont 10 milliards d’euros d’allégements nets de charges sur les entreprises, dans le cadre de la montée en puissance du crédit d’impôt compétitivité-emploi. Nous pouvons y ajouter les 2 milliards d’euros de diminution de la pression fiscale, liée à la baisse des prélèvements sur les entreprises en 2014. Et il ne vous a pas échappé, madame la députée, que dans le cadre de l’accord sur la formation professionnelle, qui vient d’être signé sous l’égide de Michel Sapin, les charges qui pèsent sur les entreprises diminueront de près de 2 milliards d’euros.

Lorsque vous dites que les charges pesant sur les entreprises augmentent, cela est totalement faux. Nous allons poursuivre notre stratégie, dans le cadre du pacte de responsabilité, pour créer davantage de compétitivité et d’emploi.

Projet de ferme-usine de mille vaches

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le ministre de l’agriculture, aujourd’hui devant l’Assemblée nationale, et depuis 2011, des associations telles que Novissen, des élus et de nombreux citoyens dénoncent la menace que constitue le projet de ferme-usine de mille vaches – qui serait passé à cinq cents – pour la santé et la sécurité des riverains, pour les éleveurs locaux, mais aussi pour l’environnement et la condition animale. À plusieurs reprises, vous avez vous-même exprimé des doutes sur ce modèle agricole, notamment au regard du risque de destruction d’emplois dans la filière. Le ministre de l’écologie a également reconnu que les fermes-usines géantes ne correspondaient pas au modèle agricole souhaité pour notre pays, tout en regrettant que la législation actuelle ne permette pas d’empêcher de tels projets.

Aujourd’hui, nous avons enfin l’occasion que nous attendions pour faire évoluer cette législation. Dès cet après-midi, nous examinerons le projet de loi que vous portez et qui vise à promouvoir une agriculture durable et humaine. Les députés écologistes ont fait des propositions pour empêcher ces projets agro-industriels démesurés et purement financiers, en contrôlant davantage les transactions sur le foncier et en encadrant la méthanisation. Celle-ci ne doit pas réduire l’agriculture à un prétexte pour alimenter une production d’énergie lucrative. De même, la taille des exploitations doit être limitée pour éviter des agrandissements qui poussent à toujours plus de gigantisme, y compris pour les élevages porcins. Pour l’heure, vous avez repoussé ces amendements. Quelles sont donc les mesures que vous comptez inscrire dans cette loi pour éviter des dérives telles que cette ferme des mille vaches ? En ce début d’année, je forme le vœu que la réforme pour une agriculture durable ne soit pas polluée par des projets véhiculant un modèle qui lui est totalement contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Madame la députée, vous avez évoqué un projet précis. D’abord, je vous confirme qu’il ne concerne pas mille vaches, mais bien cinq cents, suite à l’intervention du Gouvernement, en particulier du ministre de l’écologie.

M. Pierre Lellouche. C’est donc cela l’inversion de la courbe ! (Sourires.)

M. Stéphane Le Foll, ministre. Plus généralement, le premier enjeu est celui-ci : aurons-nous demain une agriculture avec des agriculteurs ou une agriculture d’investisseurs sans agriculteurs ? C’est tout le débat qui a été engagé à l’échelle européenne. Je rappelle à ce propos la dégressivité des aides, les aides aux premiers hectares, les paiements couplés pour l’élevage et le rééquilibrage en faveur de ce dernier pour près d’un milliard d’euros. Le second enjeu est de développer une agriculture agro-écologique capable d’être à la fois compétitive économiquement et performante écologiquement. C’est tout le débat qui est ouvert et je ne doute pas qu’il y aura cet après-midi la place pour faire progresser cette belle idée d’une agriculture performante économiquement et écologiquement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Censure du projet de loi de finances par le Conseil constitutionnel

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Chrétien. Monsieur le ministre du budget, lors de la séance du 18 décembre dernier, vous avez comparé un collègue de l’opposition à un perroquet, à un cacatoès… C’est inadmissible au regard de vos responsabilités !

M. Jean-Paul Bacquet. Il a eu raison !

M. Alain Chrétien. Nous avons déjà un « monsieur petites blagues » à l’Élysée, inutile d’en avoir un autre à l’Assemblée nationale. Nous attendons encore vos excuses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plutôt que de faire le pitre, vous feriez mieux de vous préoccuper de savoir pourquoi le Conseil constitutionnel a censuré quatorze articles de votre projet de loi de finances pour 2014. Un tel nombre d’articles, c’est du jamais vu ! Cela a même suscité un rappel à l’ordre du président du Conseil constitutionnel au Président de la République : là aussi, du jamais vu.

Monsieur le ministre, comment pouvez-vous justifier un tel amateurisme ? Les Français voulaient le changement : ils l’ont certes, mais en pire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, je vous remercie pour cette question extrêmement courte et précise, et à laquelle je vais m’employer à répondre avec autant de précision.

Tout d’abord, il n’est pas d’usage dans cet hémicycle, vous le savez, de commenter les décisions du Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous indiquez qu’il a supprimé un très grand nombre de dispositions présentées par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2014 et dans le projet de loi de finances rectificative, mais je constate que la plupart des dispositions les plus importantes ont été validées.

La première d’entre elles concerne l’article préliminaire, qui définit l’équilibre de nos finances publiques et sur le contenu duquel vous et vos collègues aviez exprimé beaucoup d’interrogations pendant nos débats budgétaires. Vous voyez que le Conseil constitutionnel, comme le Haut conseil des finances publiques, considère comme plausible et crédible la trajectoire des finances publiques dans laquelle nous nous sommes engagés. Vous auriez pu, monsieur le député, vous en réjouir parce que c’est le signe que cette trajectoire nous permettra de réduire nos déficits et de maîtriser la dépense publique.

M. Christian Jacob. C’est de la bouillie pour les chats !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. De même, il a validé la quasi-totalité des dispositions relatives au financement de nos entreprises, qu’il s’agisse du nouveau régime de l’assurance vie, du régime des plus-values de valeurs mobilières, du nouveau régime des plus-values immobilières qui doit permettre de relancer la construction de logements ou encore des taux réduits de TVA applicables à la construction de logements sociaux et à la rénovation thermique.

Par conséquent, le Conseil constitutionnel a validé la quasi-totalité des dispositions du projet de loi de finances.

Enfin, je voudrais insister sur un dernier point. Il est vrai que le Conseil constitutionnel a remis en cause plusieurs articles du projet de loi de finances et du projet de loi de finances rectificative, s’agissant notamment de l’optimisation fiscale et de dispositions relatives à la Corse. Mais comme vous avez été, je dois le souligner, très présent pendant ces débats, vous savez parfaitement que j’ai eu l’occasion d’exprimer dans cet hémicycle toutes les réserves juridiques qu’inspiraient au Gouvernement les amendements concernés, et ils ont en effet été remis en cause par le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Priorité à l’emploi

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Alain Claeys. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Monsieur le ministre, dès le mois de mai 2012, notre priorité était l’emploi.

Plusieurs députés du groupe UMP. On l’a bien vu !

M. Alain Claeys. Toute l’année 2013, notre priorité a été l’emploi. En 2014, notre priorité est et sera l’emploi.

2014 va marquer un tournant décisif dans cette bataille…

M. Philippe Meunier. Elle est où, la bataille ?

M. Alain Claeys. …puisqu’une grande partie de nos dispositifs vont prendre pleinement effet : c’est le cas du crédit d’impôt compétitivité emploi, qui permettra aux entreprises de récupérer 4 % de leur masse salariale ; c’est le cas aussi de l’abattement complémentaire de 14 000 euros qui va bénéficier aux associations employant du personnel. Cette année, les dispositifs actifs de lutte contre le chômage, tels que les contrats de génération et les emplois d’avenir, seront, eux aussi, amplifiés.

Monsieur le ministre, la victoire dans la bataille de l’emploi, nous la devrons aux Français. Aussi souscrivons-nous pleinement à la proposition du Président de la République d’engager en 2014 un véritable pacte de responsabilité pour l’emploi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Aux entreprises de France, à tous ceux qui veulent faire gagner notre pays, il est proposé un donnant-donnant : création d’emplois et d’activité contre baisse des cotisations et allègement de la réglementation. Pouvez-vous nous préciser quelle méthode emploiera le Gouvernement pour mettre en œuvre la feuille de route présidentielle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur Claeys, nous menons en effet la bataille de l’emploi depuis l’élection présidentielle, la nomination de ce gouvernement et avec le soutien de votre majorité aux politiques que nous mettons en œuvre.

En 2013, la bataille a été difficile mais elle a abouti, dans les deux derniers mois de cette année, à l’inversion de la courbe du chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Insuffisamment certes, et il faut donc amplifier notre action dans deux domaines. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, prenez de bonnes résolutions en ce début d’année. Seul M. le ministre a la parole.

M. Michel Sapin, ministre. Il s’agit de mettre en œuvre pleinement l’ensemble des politiques en faveur de l’emploi. Il y aura ainsi 50 000 emplois d’avenir en plus des 100 000 emplois d’avenir de l’année 2013, des emplois aidés ciblés en faveur de ceux qui sont au chômage depuis très longtemps ou des chômeurs âgés de plus de cinquante ans, aujourd’hui trop nombreux et dont le nombre augmente encore.

Mais il faut aussi se battre sur le front de l’activité des entreprises. C’est pourquoi le Président de la République a proposé le pacte de responsabilité, que nous allons mettre en œuvre avec votre soutien. De quoi s’agit-il ? Premièrement, il faut sauvegarder notre protection sociale, mais en la finançant d’une manière qui ne pèse pas seulement sur le travail, c’est-à-dire sur les salaires. Nous y travaillons déjà, et des propositions seront faites dans les semaines et les mois qui viennent. Il faut aussi aboutir à une fiscalité des entreprises qui pèse moins sur la production et plus sur le résultat, par conséquent moins sur l’emploi et plus sur les bénéfices. Là aussi, c’est un travail que j’ai engagé avec le ministre du budget.

Et puis il y a également la question des contreparties : un pacte étant un contrat, il devra donc être respecté. La responsabilité en reviendra à tous, en particulier aux entreprises. Je serai particulièrement attentif à la quantité et à la qualité de ces contrats.

Tri de matières dangereuses en gare de Drancy

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Le 23 décembre dernier, à la gare de triage de Drancy, retentissait la sonnerie d’alarme, suite au déraillement d’un wagon de déchets nucléaires.

Onze jours avant, les cheminots et des populations avaient entendu la même sirène : un wagon d’acide chlorhydrique venait de dérailler et de percuter un wagon de nitrate d’ammonium, les deux matières qui, entrées en contact, sont à l’origine de l’explosion d’AZF.

Par deux fois dans cet hémicycle, monsieur le Premier ministre, j’ai voulu appeler votre attention sur ce danger – non pas inventé par les élus locaux mais reconnu par une étude de danger cautionnée par l’État – que faisait courir ce site industriel à des milliers d’habitants.

Ces deux incidents viennent s’ajouter à la longue liste de quarante-quatre incidents, dont vingt-deux considérés comme graves par l’État, qui ont eu lieu au cours de ces dernières années.

Vous ne pouvez pas continuer à faire courir un tel danger aux populations voisines. Ces incidents viennent confirmer ce que l’État reconnaît lui-même : plus de 30 000 personnes pourraient se trouver en danger de mort, en cas d’accident industriel sur le site.

On me répondait à l’époque : « Circulez, il n’y a rien à voir ! ». Je pense, au contraire, que ces incidents doivent vous conduire à reconsidérer la position de l’État qui a le devoir d’assurer la protection des populations, en appliquant le principe de précaution prévu par la Constitution, c’est-à-dire interdire le tri de matières dangereuses, si dangereuses, au milieu des populations. Cette situation qui s’apparente à une épée de Damoclès n’a que trop duré. Nous devons pouvoir trouver une solution.

Aussi, monsieur le Premier ministre, puisque le sujet n’a été traité que par les hauts fonctionnaires de l’État jusqu’à présent, je vous demande qu’une table ronde soit organisée au niveau ministériel. Elle réunirait les acteurs du fret ferroviaire, les élus locaux, les responsables de la sécurité des populations, en présence du ministre de l’intérieur, du ministre de l’environnement et du ministre des transports, pour que nous ayons enfin une situation viable, garantissant la sécurité et la vie des habitants. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, en effet, en décembre dernier, deux wagons sont sortis successivement des rails sans se coucher sur les voies. Conformément à la réglementation qui est à la fois nationale, communautaire et internationale, des mesures d’urgence ont été déclenchées. Un périmètre de sécurité a été mis en place puis levé quand l’absence de fuite a été constatée et que nous avons eu toutes les garanties.

Philippe Martin et moi-même, nous avons demandé immédiatement qu’une enquête administrative soit diligentée par les services du ministère des transports et nous avons suivi les opérations, en temps réel et en lien avec le préfet.

M. Christian Jacob. On vous sent très engagé !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Pour le déplacement de ces matières de marchandises dangereuses, le transport ferroviaire reste cependant beaucoup plus sûr que le transport routier. Il n’en demeure pas moins que des incidents peuvent intervenir et que notre priorité, comme la vôtre et celle des élus, reste de réduire les risques.

À Drancy, certaines mesures sont prises afin de suivre les wagons les plus sensibles, de détecter d’éventuels risques de fuite et de pouvoir les gérer de manière opérationnelle. Citons quelques exemples : la vitesse est limitée à trente kilomètres à l’heure sur le site ; les moteurs des locomotives sont bridés ; les emballages sont soumis à des réglementations extrêmement rigoureuses, notamment en ce qui concerne leur résistance aux chutes, aux incendies ou à l’immersion ; la résistance des citernes est régulièrement contrôlée. Des engagements supplémentaires sont demandés à la SNCF et à Réseau Ferré de France. Des études sont en cours sur la probabilité de survenue d’accidents.

En réponse à une question de Mme Marie-George Buffet (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP), je m’étais engagé à la mise en place d’un comité pour l’information des élus.

M. Christian Jacob. Même ça, c’est sur le papier !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il sera constitué tout à fait prochainement et le préfet réunira le 16 janvier prochain l’ensemble des acteurs et des opérateurs, afin d’analyser ces incidents.

Usine Goodyear d’Amiens

M. le président. La parole est à M. Alain Gest, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Gest. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif.

Monsieur le ministre, à l’occasion des primaires organisées par votre parti pour désigner son candidat à l’élection présidentielle, puis au nom du candidat François Hollande, vous avez effectué en 2011-2012 un tour de France de sites industriels en difficulté.

À cette occasion, vous n’avez pas hésité à faire des promesses intenables, notamment en laissant entendre, qu’une fois élu, vous prendriez les mesures nécessaires pour empêcher la fermeture d’usines ou, au moins, certains licenciements.

Alors même que vous avez reconnu le 6 novembre dernier que, depuis l’élection de François Hollande, 15 000 emplois industriels ont été supprimés, nos compatriotes et particulièrement les salariés témoins de vos promesses, aimeraient que vous présentiez un bilan précis de la situation des entreprises à qui vous aviez laissé miroiter des lendemains qui chantent.

Parmi ces entreprises figure l’usine Goodyear d’Amiens-Nord. Le 14 octobre 2011, sur le parking du site industriel, le candidat Hollande promettrait aux salariés de saisir un tribunal pour faire suspendre les licenciements engagés ce dans un seul but boursier. Sa promesse n35 visait d’ailleurs à renchérir le coût des licenciements collectifs.

On peut donc comprendre le désarroi et la colère des 1 173 salariés de Goodyear qui ont pris conscience que la fermeture de l’usine était désormais inéluctable.

Cela n’excuse pas pour autant l’action illégale engagée par quelques représentants de la CGT qui séquestrent, depuis plus de vingt-quatre heures, deux cadres dirigeants du site pour réclamer un montant d’indemnités qui était prévu dans le plan de départs volontaires…

M. Christian Jacob. C’est scandaleux, inadmissible !

M. Alain Gest. …qu’ils ont refusé voilà dix-huit mois, au moment où il y avait également une prévision de reprise de près de 50 % des salariés par le groupe Titan.

Devant cette situation, monsieur le ministre, quelle initiative comptez-vous prendre pour relancer le dialogue et faire respecter la loi ?

Qu’en est-il précisément du projet de reprise partielle des salariés par le groupe Titan que vous avez annoncé et pour lequel ni la commission d’enquête en novembre, ni une de nos collègues le 18 décembre, n’ont obtenu de réponse ?

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, vous avez mentionné un tour de France. Il est vrai que celui-ci était bien insuffisant au vu du nombre de dossiers que j’ai eu à gérer après votre départ des affaires. (Exclamations sur les plusieurs bancs du groupe UMP – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Je pourrais faire la liste des dossiers qui ont été ensevelis sous le tapis de la République. Mais ne vous inquiétez pas : nous assumons, monsieur Gest. (Mêmes mouvements.)

Nous avons en effet appris que deux cadres dirigeants de Goodyear sont séquestrés depuis hier par des salariés et des syndicalistes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je tiens à dire que nous condamnons fermement ces comportements.



Mme Bérengère Poletti. Eh bien alors ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. D’ailleurs, je veux remercier le préfet qui est aujourd’hui médiateur et qui essaie d’obtenir le retour au calme. Je demande ici, depuis l’Assemblée nationale, si je puis être entendu, que les deux cadres soient relâchés. On me dit…

M. Jean-Pierre Vigier. Cela vient juste d’être fait, monsieur le ministre !

M. Arnaud Montebourg, ministre. ...que l’on s’achemine vers une solution. Je le demande de manière que nous revenions à une discussion normale.

Monsieur le député, vous posez la question de vos échecs ! En tout cas, en réparation de ces difficultés sur le site d’Amiens-Nord de Goodyear, le Gouvernement a multiplié les efforts pour obtenir une reprise qui, pour le moment, n’a pas convaincu, y compris les organisations syndicales.

Rappelons qu’en septembre 2012, il y a eu une proposition de plan de départs volontaires avec des indemnités généreuses et la reprise par Titan de 530 salariés. À l’époque, la CGT avait refusé et aujourd’hui, nous sommes dans l’impasse.

Cette offre est toujours sur la table. Parmi les conditions qu’il a posées, le repreneur demande que le conflit soit enfin soldé, ce qui n’est toujours pas le cas. J’appelle donc Goodyear, la CGT et les salariés à s’entendre et à trouver enfin le chemin de la reprise de cette usine. Cette reprise sera partielle mais elle permettra de sauver un outil industriel auquel nous tenons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Des promesses !

Avenir de l’agriculture

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Monsieur le ministre de l’agriculture, notre assemblée va examiner dans quelques instants le projet de loi pour l’avenir de l’agriculture, de la forêt et de la pêche. La France a toujours été une grande puissance agricole, et il est de notre devoir de préserver son rang dans le monde, mais aussi de soutenir nos agriculteurs.

Pour le groupe UDI, une loi qui prépare l’avenir de l’agriculture doit s’attacher à améliorer la compétitivité de nos exploitations. Nous devons réaffirmer notre soutien à une agriculture de production qui concilie l’urgence économique et l’urgence écologique. Nous devons baisser les charges pesant sur le travail agricole, valoriser la recherche et l’innovation, renforcer et rapprocher les filières agricole et agroalimentaire ; on ne peut dissocier l’agriculture et les industries agroalimentaires. Nous devons remédier à la complexité administrative, normative et réglementaire en mettant enfin en œuvre le choc de simplification tant annoncé. Les agriculteurs sont des professionnels, leur revenu doit être stabilisé par la mise en œuvre des mécanismes de régulation des marchés au niveau national et au niveau européen. Enfin, l’enseignement agricole doit être le véritable laboratoire de l’agriculture de demain.

Telles sont les exigences que l’UDI pose à l’ouverture de ce débat sur l’avenir de notre agriculture. En quoi, monsieur le ministre, votre texte répond-il aux cinq enjeux que je viens d’énoncer ? Quelle ligne d’horizon entendez-vous tracer pour l’avenir de notre agriculture ? Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Vous avez évoqué, monsieur le député, le débat qui va s’ouvrir cet après-midi, avec des objectifs précis. Vous les avez résumés en cinq points.

Le premier, c’est la question de la compétitivité et de la production. Il va de soi que l’agriculture française, nous le souhaitons tous ici, doit rester une agriculture de production, une agriculture qui soit moteur et leader, à l’échelle mondiale comme à l’échelle européenne. Cela nécessite de la compétitivité. Vous avez parlé des charges. Je rappellerai que le crédit d’impôt et l’ensemble des dispositifs TODE – « travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi » – pour l’agriculture et l’agroalimentaire, c’est un milliard d’euros de baisse de charges. C’est ce qui existe aujourd’hui. On peut toujours travailler, en particulier sur le CICE pour les coopératives. Un engagement a été pris par le Premier ministre pour que cela soit fait dans le courant du mois prochain. C’est un débat qui devrait améliorer le système.

M. Marc Le Fur. Cela fait un an qu’on attend !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez parlé de la simplification. Dès le début de cette année, des procédures d’enregistrement pour les établissements classés ont été mises en œuvre le 1er janvier dernier. Elles permettent d’aller plus vite sans remettre en cause les objectifs environnementaux.

Vous avez parlé, aussi, de l’enseignement agricole. C’est un enjeu majeur. Assurer un nouveau développement pour l’agriculture, mettre en place un projet agro-écologique de double performance, cela passe par la recherche, cela passe aussi par l’enseignement agricole. C’est pourquoi nous verrons, au cours du débat à venir, des dispositions importantes pour engager l’enseignement agricole sur cette voie.

Les débats porteront aussi sur d’autres sujets, en particulier la question de la régulation, tant dans les relations commerciales entre les agriculteurs et la grande distribution – c’est la question du médiateur – qu’à l’échelle européenne, même si la réforme de la PAC a en partie répondu à la question.

Le débat est ouvert, nous allons le mener, et je sais que vous avez été assidu en commission pour faire progresser les choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Avenir de l’agriculture

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Antoine Herth. Tout d’abord, monsieur le président, une information pour notre assemblée : les deux cadres de Goodyear viennent d’être libérés à l’instant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Merci à Alain Gest et à M. Montebourg.

Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture.

Vous allez, monsieur le ministre, nous présenter votre projet de loi dit d’avenir pour l’agriculture, mais ce que vous qualifiez d’avenir ressemble étrangement au passé : ce texte reprend point par point la loi de 1999, Lionel Jospin était alors Premier ministre ! En quinze ans, je le constate, le Parti socialiste n’a donc rien inventé de neuf.

M. Olivier Marleix. Très bien !

M. Antoine Herth. En quinze ans, il n’a pas compris que le monde a bougé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Alors que les écologistes font partie de la majorité, vous n’avez pas pris conscience de la réalité du changement climatique qui frappe de plein fouet le secteur agricole. Où sont les dispositifs d’assurance climatique pour sécuriser la production ? Rien n’est prévu dans ce texte de loi.

Vous avez oublié que, depuis le passage à l’euro, notre marché intérieur, ce n’est plus l’hexagone mais c’est toute l’Europe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Alors que proposez-vous, que propose la gauche pour réduire les distorsions de concurrence, pour permettre à nos agriculteurs de se battre à armes égales avec leurs concurrents allemands, italiens ou espagnols ?

Vous avez supprimé la TVA emploi. Pourtant, rien n’est prévu pour répondre au dumping social, qui détruit des emplois en Bretagne et ailleurs. Pour vous, le marché mondial n’existe pas. La Chine, le Brésil sont pourtant devenus des acteurs majeurs, alors que le Proche-Orient, l’Asie et d’autres régions veulent consommer d’excellents produits français. Alors que notre commerce extérieur est en berne, pas un mot, pas un encouragement pour l’exportation de notre culture alimentaire à l’échelle mondiale !

Vous voulez attirer plus de jeunes vers le métier d’agriculteur, mais quel projet leur proposez-vous ? Il n’y a, dans votre texte, que nostalgie et repli sur soi !

Nos agriculteurs veulent de la souplesse…

M. le président. Merci, monsieur Herth !

La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. J’ai bien compris, monsieur le député, que la question était assez vaste.

Vous avez d’abord rapproché ce qui a pu être proposé il y a quelques années par les socialistes et ce qui figure aujourd’hui dans le projet de loi d’avenir. C’est, à l’évidence, preuve de cohérence.

Un député du groupe UMP. C’est de l’immobilisme !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Quoi de nouveau depuis quinze ans, demandez-vous. Je laisse chacun juger de ce qui a pu être fait pendant ces quinze ans, pendant que nous n’étions pas aux responsabilités,…

M. Michel Pouzol. Rien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …mais cela n’a pas été marqué, vous en serez d’accord, du sceau de l’inventivité.

Vous avez parlé du monde, laissant penser que je ne me serais pas rendu compte de la montée en puissance de pays émergents comme le Brésil, que je n’aurais pas été avec le Président de la République en Chine, pour constater aussi la montée en puissance de ce grand pays. J’aurais oublié que l’euro était arrivé et que l’on était en dehors des montants compensatoires.

M. Philippe Le Ray. C’est quoi, la réponse ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Tout cela, c’est fait.

Le projet qui est en débat aujourd’hui, c’est précisément de donner à l’agriculture et sa compétitivité et sa capacité à allier la performance économique et la performance écologique. Eh bien, je pense que cet après-midi j’aurai l’occasion de vous le rappeler. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique de la France

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, au titre des députés non inscrits.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le soir du 31 décembre 2013, le Président de la République s’est plaint des impôts trop lourds, mais dès le matin du 1er janvier, quatre heures après son allocution, vous avez augmenté la TVA de 6 milliards d’euros par an ! Comment voulez-vous que les Français croient encore à la parole présidentielle, à la parole publique ?

Avec la même incohérence, vous prétendez lutter contre le chômage. D’un côté, vous dites de belles paroles, mais de l’autre, vous avez cassé systématiquement tous les moteurs de l’emploi : le moteur de la construction immobilière – depuis vingt mois que Mme Duflot est ministre du logement, on n’a jamais aussi peu construit de logements en France ; le moteur des emplois familiaux et des services à la personne, en supprimant les déductions fiscales, ce qui a abouti à la destruction de 30 000 emplois ; le moteur aussi de l’emploi par les PME et les artisans, en vous couchant à Bruxelles face à la directive relative au détachement des travailleurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il y a 350 000 salariés détachés en France, nouveaux esclaves dont les employeurs payent les cotisations sociales non pas en France, mais à l’étranger, et vous n’avez rien fait !

Le poids de l’euro est considérable, car vous avez cédé au diktat allemand sur l’euro cher ! Nos entreprises n’arrivent plus à exporter, notamment dans le secteur des produits alimentaires : voyez la situation en Bretagne.

Vous vous plaignez aussi du chômage, mais comment pourriez-vous être crédible à ce sujet ? Vous n’avez pas réduit les déficits autant que prévu, car trop d’impôt tue l’impôt. Ne nous dites pas : « c’est la faute à la crise » ; regardez ce qui se passe ailleurs, en Angleterre, aux États-Unis, au Japon ! Eux ont bien compris qu’il ne faut pas obéir à Mme Merkel et à la Commission de Bruxelles. Eux ont utilisé la politique monétaire, et dévalué leur monnaie pour aider leurs exportateurs à conquérir des marchés. Voilà la réalité : ils ont créé des millions d’emplois, alors que nous nous enfonçons dans la crise !

Ma question est simple : quand allez-vous changer de politique, et cesser d’obéir à Bruxelles ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, comment pouvez-vous dire que la France s’est couchée à Bruxelles sur la question de la directive relative aux travailleurs détachés, alors que le ministre du travail, Michel Sapin, a mené un combat absolument remarquable qui a permis de changer la position de l’Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.) Grâce à lui, nous avons été à l’avant-garde sur cette question.

Comment pouvez-vous dire, monsieur Dupont-Aignan, que nous ne faisons rien pour l’artisanat, alors que le projet de loi de finances que nous venons de voter met en place un taux réduit de TVA pour la construction de logements sociaux et la rénovation thermique, et instaure un système de cotisations retraite dégressives pour les artisans, de manière à leur permettre de faire face à la situation difficile à laquelle ils sont confrontés ? Comment pouvez-vous dire, monsieur Dupont-Aignan, que nous ne faisons pas notre devoir concernant les PME-PMI, alors que nous venons de mettre en place un nouveau régime pour les plus-values de valeurs mobilières, qui permet à ceux qui prennent des risques et investissent dans les PME-PMI les plus innovantes de se voir appliquer un régime fiscal conforme aux risques encourus ?

M. Alain Marty. Tout va bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Comment pouvez-vous dire que nous ne faisons rien pour le financement de l’économie, alors que nous avons adopté, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2013, un nouveau régime permettant d’orienter les fonds de l’assurance vie vers le logement et les entreprises innovantes ? Comment pouvez-vous dire, monsieur Dupont-Aignan, que nous ne faisons rien pour le logement, alors que nous avons, grâce à Cécile Duflot, mis en place un taux réduit de TVA sur le logement social qui permet d’augmenter significativement le nombre de logements sociaux créés dans les zones tendues ?

Un député du groupe UMP. Ça ne marche pas, votre affaire !

M. Alain Marty. Tout va bien : bravo !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En conclusion, monsieur Dupont-Aignan, permettez-moi de vous dire qu’à mon avis, si vous avez posé cette question, c’est que vous ne connaissiez pas suffisamment bien toutes ces mesures. Maintenant, vous avez l’information nécessaire : vous partirez rassuré de cet hémicycle ! (Sourires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Conséquences du cyclone Bejisa à La Réunion

M. le président. La parole est à M. Jean Jacques Vlody, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean Jacques Vlody. Ma question s’adresse à M. le ministre des outre-mer.

Le 2 janvier dernier, La Réunion a été fortement frappée par un des cyclones les plus violents de ces vingt dernières années, avec des vents à plus de 200 kilomètres-heure dans certaines communes comme Le Tampon. Le Gouvernement, en votre personne, monsieur le ministre des outre-mer, s’est rendu sur place dès la première heure, pour être au côté des Réunionnais. Ces derniers vous en remercient.

Vous avez pu constater vous-même lors de votre passage l’étendue des dégâts. Les deux tiers de la population ont été privés d’eau et d’électricité, et la situation n’est pas encore tout à fait rétablie à ce jour. Les conséquences économiques sont catastrophiques : interruption d’activité et destruction des outils de travail, entraînant le recours au chômage technique, dans un contexte social déjà extrêmement difficile. L’agriculture réunionnaise est aujourd’hui complètement dévastée et sinistrée. Comme à la plaine des Cafres, où vous vous êtes rendu, la production maraîchère – qui, je vous le rappelle, couvre 80 % de la consommation locale – est entièrement détruite. Le courage et la détermination des agriculteurs et de l’ensemble des Réunionnais à tourner définitivement la page de ce cyclone doivent être accompagnés à leur juste mesure par la mobilisation de l’État.

Les Réunionnais attendent avec impatience la reconnaissance rapide de l’état de catastrophe naturelle pour l’ensemble de l’île, afin de mettre en place des processus d’indemnisation. Des régions métropolitaines, comme la Bretagne, connaissent aussi de telles épreuves – je tiens à ce propos à exprimer la solidarité des Réunionnais envers les Bretons. La Réunion ne saurait être moins bien considérée que ces régions.

Après le cyclone Felling en 2011, la sécheresse de 2012, le cyclone Dumilé en 2013, c’est la troisième année consécutive que l’agriculture réunionnaise subit des catastrophes naturelles. Nombre d’agriculteurs ont dû attendre un an pour être indemnisés : cela ne doit pas se reproduire, car ces délais sont insupportables. Il devient nécessaire que l’État mette en place des fonds spécifiques d’urgence d’aide à la replantation afin de relancer immédiatement la production suite aux catastrophes naturelles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le député, vous m’avez accompagné sans désemparer au cours de mes visites. C’est à vos côtés que j’ai pu constater l’ampleur des dégâts subis par l’île de La Réunion. Ces dégâts sont importants.

Il est vrai que la solidarité de l’État n’a pas manqué à La Réunion. Comme je l’ai dit à Huguette Bello, nous nous sommes mobilisés, ainsi que la population, les associations, les élus et les collectivités territoriales. En quatre jours, presque tous les réseaux ont ainsi été réparés. Il est vrai que cela prendra plus de temps pour l’agriculture, les particuliers et les entreprises.

Le fonds de secours des outre-mer est immédiatement activé pour les aides de première urgence. Pour les aides post-crise, cela dépendra des élus de La Réunion. Cinq communes ont déjà envoyé leurs dossiers, dont la commune de Saint-Paul, dont Mme Huguette Bello est maire. Les autres communes sont celles de Cilaos, Trois-Bassins, L’Étang-Salé et Les Avirons. Vous êtes d’une commune, Le Tampon, qui est très sérieusement touchée. J’invite les élus de cette commune à envoyer leur dossier. La commune de Saint-Leu devrait aussi envoyer son dossier très rapidement, puisqu’elle a également été très gravement endommagée.

Vous posez une question difficile, qui n’est pas spécifique à La Réunion : celle du préfinancement. Le Premier ministre s’est engagé, avec le ministre de l’intérieur, à déclarer très rapidement l’état de catastrophe naturelle, avant la fin de l’année. J’invite les collectivités territoriales à agir avec les unions interprofessionnelles, les groupements de producteurs, les coopératives, le FOGAP – le Fonds de garantie pour l’agriculture, la pêche et le bois – et les banques. 10 millions d’euros ont avancés par l’État à l’AFD pour faire ce préfinancement, et passer cette période de transition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Travail parlementaire

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, ma question s’adresse à monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement.

Monsieur le ministre, cinq cent dix-sept propositions de loi et cent vingt projets de loi ont été examinés à l’Assemblée nationale pour soixante et onze adoptés en 2013. Une telle inflation de textes ne nous permet pas de travailler de manière satisfaisante. Cette accumulation, le recours systématique à la procédure accélérée et le rythme auquel nous travaillons nous empêchent d’approfondir autant qu’il le faudrait des textes majeurs comme la loi sur le logement, la loi sur les retraites, la politique de la ville, la transparence de la vie publique ou encore la sécurisation de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

À la fin de l’année vous avez vous-même été obligé d’interrompre l’examen du texte sur la consommation parce qu’il fallait, pour des raisons de légalité, terminer le projet de loi sur les métropoles et le projet de loi de finances.

Et pour quel résultat ? Nous nous retrouvons aujourd’hui avec un stock de quatre cent mille normes qui paralysent notre pays. Et déjà, le premier texte de 2014, la loi d’avenir sur l’agriculture, ne propose aucune simplification, bien au contraire !

Montaigne décrivait cette situation en dénonçant « autant de lois en France que dans le monde entier ». Pas plus tard qu’hier, le président du Conseil constitutionnel, dans son discours de vœux, décriait lui aussi des lois aussi longues qu’imparfaitement travaillées.

Cette inflation législative met en grande difficulté nos entrepreneurs, nos artisans, nos exploitants agricoles et nombre de professions libérales. Elle empêche la relance de notre économie, et la création d’emplois. Il est temps de vous concentrer sur la bonne utilisation et la bonne application des lois déjà existantes.

En ce début d’année, monsieur le ministre, je formule le vœu que le travail du Parlement soit mieux organisé. Comment comptez-vous lutter efficacement contre ces malfaçons législatives ? C’est la crédibilité de notre assemblée qui est en cause, notre travail de député, et la qualité des textes de loi que nous votons. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le député, nous pouvons naturellement partager ces objectifs, car je suppose qu’ils étaient aussi les vôtres, quand vous étiez en situation de responsabilité. De ce point de vue, une simple observation des statistiques de censure montre que chacun peut être confronté à son lot de difficultés. Je rappellerai le record en la matière : il s’agissait de la loi Fourcade, dont trente articles sur quarante avaient été censurés par le Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Et le changement ?

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Je peux au moins reconnaître que vous parlez d’expérience.

L’idée de la simplification est bonne, et la réflexion que nous devons conduire sur la méthode est nécessaire. Vous aviez envisagé d’élaborer, chaque année, des lois dites de simplification, bien connues à l’époque sous le nom de « lois Warsmann ». Nous nous sommes associés à cette méthode et je dois dire qu’il y a peu d’exemple d’un fiasco législatif de cette ampleur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ainsi, un projet de loi comme celui de 2009, qui comportait au départ cinquante articles, finissait par en contenir cent soixante.

Au bout de cinq ans, vous avez dû constater vous-mêmes que cette méthode n’était pas la bonne. Nous avons donc décidé d’en changer.

Il est vrai qu’il faut que le domaine de la loi soit réservé aux grands débats. Sur le sujet de la simplification, il nous semble – cela a été rappelé par le Président de la République – que nous pouvons avoir recours aux ordonnances. Vous avez raison de le souligner, et ce Gouvernement le fait.

Nous introduisons de la simplification dans les relations entre l’administration et les citoyens, dans notre politique pour les entreprises ou pour le logement. Nous le faisons en recourant aux ordonnances. Nos méthodes ne sont pas les mêmes, mais les objectifs du Gouvernement sont clairs : le Parlement doit pouvoir travailler pour concevoir de bonnes lois, et les ordonnances doivent être réservées à la simplification. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Éducation numérique

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Laurence Dumont. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’éducation nationale, depuis toujours, on a assigné à l’école de la République la triple mission d’apprendre aux jeunes à lire, à écrire et à compter. Aujourd’hui, une quatrième mission s’impose : celle de savoir « cliquer ».

En effet, le numérique a radicalement transformé notre quotidien, et particulièrement celui des plus jeunes. Or, son développement se fait sur la base de collecte et de traitement de données personnelles. Il touche ainsi aux composantes essentielles de la vie privée des personnes.

Force est de constater que tout ceci se fait parfois, souvent même, à leur insu et sans qu’elles aient la capacité de maîtriser leur utilisation. Il devient donc primordial d’aider nos jeunes et tous nos concitoyens à maîtriser ces outils, ce que j’ai appelé le « savoir cliquer ».

Comment faire ? L’éducation au numérique par la pédagogie des usages et des bonnes pratiques constitue le moyen adéquat pour y parvenir. Mais c’est aussi une nécessité économique, car le développement du numérique constitue, on le sait, un potentiel important et riche de nombreux emplois.

Monsieur le ministre, à l’heure des affaires PRISM et Google, l’éducation de tous au numérique, et particulièrement des plus jeunes, constitue la meilleure des protections de la vie privée et le plus bel atout pour favoriser le développement de ce secteur économique.

C’est pourquoi, plus de cinquante organismes aussi divers que l’association des maires de France, la ligue de l’enseignement ou La Poste se sont mobilisés sur ce sujet, à l’initiative de la CNIL.

Si vous êtes – ce dont je ne doute pas – aussi convaincu qu’eux et moi de l’importance de cette initiative, faisons en sorte que cette éducation au numérique soit reconnue grande cause nationale cette année. C’est le vœu que je forme en ce début d’année 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée Laurence Dumont, vous avez raison, il s’agit là d’une cause importante du point de vue économique et pédagogique, et qui comporte aussi un enjeu de citoyenneté considérable.

Nous avons à inscrire la République dans les territoires numériques du XXIe siècle : cela veut dire préserver l’esprit de raison, la discrimination des sources et la protection des individus.

La loi de refondation de l’école de la République a pris en compte ces dimensions – et vous y avez contribué – puisque, pour la première fois, il est prévu, à la fois pour l’école primaire et pour le collège, une éducation au numérique, aux médias et en particulier aux médias numériques, qui devrait permettre un usage critique et intelligent de ces ressources.

En même temps, je veux souligner devant la représentation nationale, que le pays n’a pas encore mesuré à quel point les enjeux de demain ne sont pas liés uniquement à des aspects de régulation mais également à une politique d’investissement dans le numérique.

La France sera capable de réussir, et en particulier d’un point de vue éducatif, si elle consacre les moyens nécessaires au numérique, à l’école, et à l’université – ce qu’elle n’a pas été capable de faire jusqu’ici.

De ce point de vue, il faut que chacun s’engage. Cela commence par le très haut débit, domaine dans lequel nous avons du retard. La définition d’une filière des ressources numériques, les investissements d’avenir, doivent aussi le permettre. La formation des professeurs, la possibilité pour les professeurs innovants d’enseigner aux autres, et l’engagement de l’ensemble d’une filière nous permettront cette réussite. C’est une des priorités de notre action.

Dans cette perspective, la dimension de protection, que vous avez soulignée, doit toujours être prise en compte ; pensez à la circulaire sur le cyber-harcèlement que je viens de produire – c’est une première. Mais avant de se protéger, il faut déjà être capable de produire cette filière du numérique français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président



M. le président. La séance est reprise.

2

Fixation de l’ordre du jour

M. le président. La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine de contrôle du 27 janvier 2014 :

Débat sur le rapport relatif à l’évaluation des politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes ;

Questions au ministre de l’éducation nationale ;

Débat sur l’évaluation de la loi du 14 juin 2013 et ses effets sur la sécurisation de l’emploi ;

Débat sur le rapport de la commission d’enquête sur les conditions de la privatisation de la Société nationale maritime Corse Méditerranée ;

Questions au ministre de l’intérieur ;

Débat sur la protection de la vie privée à l’heure de la surveillance numérique, commercial et institutionnelle ;

Proposition de résolution européenne sur les progrès de l’union bancaire et de l’intégration économique au sein de l’Union économique et monétaire.

Il n’y a pas d’opposition ? Il en est ainsi décidé.

3

Agriculture, alimentation et forêt

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (nos 1548, 1639, 1614, 1604).

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé sur la base d’un temps global attribué aux groupes de trente heures.

Chaque groupe dispose du temps de parole suivant : huit heures vingt minutes pour le groupe SRC, douze heures vingt-cinq minutes pour le groupe UMP, trois heures trente-cinq minutes pour le groupe UDI, une heure cinquante-cinq minutes pour le groupe écologiste, une heure cinquante-cinq minutes pour le groupe RRDP, une heure cinquante minutes pour le groupe GDR, les députés non inscrits disposant de quarante minutes.

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, mesdames, messieurs les députés, nous abordons le débat sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation, la forêt, projet qui comporte également des dispositions relatives à l’outre-mer. Ce texte doit s’adresser, et telle est notre volonté, à l’ensemble des agriculteurs et des territoires qui se trouvent, aujourd’hui, selon les cas, confrontés à des difficultés, à des projets d’avenir ou à des mutations.

Ce projet de loi d’avenir résulte de la discussion qui s’est tenue à l’échelle européenne sur la réforme de la politique agricole commune. La parole de la France a été essentielle, considérant la place que notre pays a réservée au budget de la politique agricole commune dans le budget européen, et ce grâce à la réussite de la négociation conduite par le Président de la République François Hollande. La France a également pesé de tout son poids grâce aux orientations fixées dans l’accord trouvé au mois de juin dernier sur les grandes lignes de cette politique agricole commune.

Notre objectif, dont je considère qu’il a été largement partagé au niveau européen puisque nous avons abouti, était de modifier l’orientation générale donnée à la politique agricole depuis une vingtaine d’années, orientation consistant à spécialiser les régions agricoles sur notre continent, à faire des choix stratégiques de spécialisation susceptibles de conduire, dans un certain nombre d’endroits, à la disparition de productions.

L’enjeu principal était donc de maintenir la diversité des agricultures à l’échelle européenne. La France, et telle est sa caractéristique, représente à elle seule l’ensemble des agricultures de l’Europe : agriculture méditerranéenne, de montagne, de plaine, agriculture intensive, agriculture des outre-mer.

Nous avons donc, dans notre pays, un concentré de la diversité qui existe en matière d’agriculture à l’échelle européenne. La diversité était donc au cœur du débat.

Nous considérons également que l’avenir de l’agriculture passe par le maintien d’agriculteurs, de paysans et d’éleveurs. Ils sont de fait nécessaires pour pérenniser cette activité à l’échelle de notre continent et, surtout, de notre pays. Cela n’est d’ailleurs pas sans rapport avec la question, qui a été évoquée sur plusieurs de ces bancs, des projets d’investissement dans un certain nombre de filières agricoles, en particulier la production laitière.

La réforme de la politique agricole a aussi entériné un choix en faveur de ce que l’on appelle le verdissement de la politique agricole. En effet, la mutation en cours nécessite que nous soyons capables, à l’avenir, de combiner performance économique et performance écologique ; il en va de notre compétitivité, en particulier pour un grand pays agricole comme le nôtre. Diminuer le recours aux énergies fossiles, aux produits phytosanitaires et aux différents engrais, c’est améliorer les conditions de la production – je parle de leur impact sur l’environnement –, mais c’est aussi, à terme, garantir la compétitivité de la production agricole. C’est tout le sens du projet qui est en débat aujourd’hui.

Si la position de la France a été claire sur le verdissement de l’agriculture à l’échelle européenne, c’est pour faire que l’ensemble de l’Europe s’engage sur cette voie, de façon à ne pas courir, dans ce domaine, le risque – souvent relevé par nos agriculteurs – d’une distorsion de concurrence entre les pays.

Telles sont les décisions qui ont été prises au niveau européen. Une fois encore, la France a pris toute sa part dans la négociation.

Un enjeu spécifique existe pour notre pays : la diminution, voire la disparition, en de nombreux endroits, des productions animales au profit de productions végétales. Sur ce point, il y a eu un débat au niveau européen. Nous y avons pris part avec la volonté d’obtenir des aides couplées pour l’élevage, alors même que, dans les discussions qui avaient eu lieu précédemment sur ce sujet, on avait eu l’impression que le combat était considéré comme perdu. Or, nous avons non seulement forcé la Commission à changer d’approche, mais aussi obtenu un relèvement de ces aides. Pour maintenir et favoriser l’élevage, il faut des aides spécifiques. C’est tout le sens du débat qui a eu lieu sur les aides couplées – je pense en particulier à la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes et à l’aide aux ovins –, mais aussi au choix qui a été fait, dans le cadre du deuxième pilier de la PAC, de maintenir la politique de compensation de certains handicaps. Ces dispositifs nous permettent de maintenir l’agriculture sur l’ensemble de notre territoire.

Pour résumer, les principaux sujets abordés ont été les suivants : accomplir la mutation consistant à combiner économie et écologie, mais aussi faire en sorte que, au fondement de la politique agricole commune, se trouve le choix d’une agriculture s’appuyant sur les agriculteurs, les paysans et les éleveurs. C’est d’ailleurs pourquoi, sur proposition de la France, ont été mis en place les paiements redistributifs, qui consistent à verser des primes plus importantes pour les premiers hectares. Ce faisant, nous assurons la capacité de l’agriculture à maintenir l’emploi.

Ma rencontre de ce matin avec le ministre allemand de l’agriculture a marqué, sur ce point précis, une convergence majeure : l’Allemagne applique, comme la France, les paiements redistributifs. C’est un choix qui fait honneur à la stratégie que nous avons conduite, et qui témoigne du fait que la France a pesé sur les orientations de la politique agricole commune.

La loi d’avenir pour l’agriculture consiste, à partir de ces grands choix arrêtés au niveau européen, à fournir un cadre législatif permettant à nos agricultures et au secteur forestier d’assurer à la fois leur développement économique et la prise en compte de la dimension écologique de leurs activités.

Nous débattons d’ailleurs de sujets qui concernent 80 % du territoire national, puisque l’agriculture et la forêt représentent l’ensemble de ce qui n’est pas la ville. Il s’agit ici de la capacité économique à faire vivre ces territoires. Les députés ici présents ont tous, dans leur circonscription, des zones rurales ; ils n’ont parfois même que cela. Ils savent l’enjeu économique que constituent l’agriculture et la forêt pour le développement des territoires. C’est donc aussi une loi sur le développement économique de notre territoire que nous examinons aujourd’hui. Il s’agit de notre capacité à socialiser les territoires concernés, à leur ouvrir des perspectives, à faire en sorte que chacun d’entre eux soit parfaitement intégré dans la modernité et bénéficie d’un développement global sur le plan économique.

Cette loi porte sur l’agriculture en métropole et sur la forêt, mais aussi sur l’agriculture des outre-mer. Victorin Lurel a veillé à ce que, dans ce débat, nous nous fixions des objectifs précis en matière de développement des agricultures sur les marchés locaux.

Ce texte vise aussi à mieux réguler les relations commerciales. On se plaint souvent, à juste titre, de la pression qu’exerce, dans notre pays, la grande distribution sur les autres maillons de la chaîne. Il faut que nous soyons capables de créer une nouvelle forme de discussion, fondée sur des négociations ; c’est tout l’enjeu de la médiation proposée dans ce texte.

Le projet de loi aborde également la question, fondamentale, de l’enseignement et de la recherche : notre capacité à préparer l’avenir passe par l’enseignement agricole, c’est-à-dire par l’acquisition de connaissances. Il faut de surcroît faire en sorte que des agriculteurs continuent de s’installer. Or la question de l’enseignement et de la recherche est directement liée à celle de l’installation d’agriculteurs et du renouvellement des générations. Au vu de la pyramide des âges des agriculteurs français, c’est là un défi majeur. L’avenir de notre agriculture passe par de nouvelles politiques d’installation et, surtout, par une modification de l’accès au foncier et de sa maîtrise – ce sujet, je le sais, fera l’objet de longues discussions et donnera lieu à un grand nombre d’amendements. Grâce à ce texte, nous disposerons à l’avenir des outils qui permettront le renouvellement des générations d’agriculteurs.

La forêt est quant à elle un enjeu territorial, économique et écologique. Elle doit jouer tout son rôle dans le développement des territoires et le redressement productif. Tel est l’objet des débats que nous aurons sur cette question et de tous les amendements qui lui sont relatifs.

J’ai participé aux débats de la commission. Nous avons travaillé longuement pour peaufiner les propositions contenues dans le projet. Je me félicite d’ailleurs de l’esprit et de la teneur des débats.

Je me dois de rappeler les grands enjeux et les mesures emblématiques de ce texte, à commencer par la création des groupements d’intérêt économique et environnemental, la mise en place du contrat de génération, permettant qu’un jeune prenne la succession d’un agriculteur plus âgé, ou encore le renforcement de la médiation commerciale. Ce texte vise en outre à mieux préserver de l’urbanisation certains espaces agricoles naturels et forestiers – c’est là un enjeu majeur pour un pays comme le nôtre. Le projet comprend aussi des nouveautés comme la mise en œuvre des baux environnementaux. Il s’agit également de réduire les pesticides, les antibiotiques vétérinaires et, plus généralement, les intrants.

Ce texte a par ailleurs pour ambition de développer les programmes dans l’enseignement agricole, notamment pour répondre à l’enjeu de l’agro-écologie. La création d’un Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France permettra de rassembler les capacités de connaissance et de recherche qui font la force de notre pays.

Nous proposons en outre de conduire une politique forestière renouvelée, avec l’idée de mobiliser cette ressource pour en faire un atout écologique, mais aussi économique.

L’enjeu est, en somme, pour l’outre-mer comme pour la métropole, d’exploiter les potentialités liées à la diversité de nos agricultures et de notre forêt, car c’est là un élément économique fondamental. Il s’agit de développer notre capacité à créer de la valeur ajoutée et à mener une stratégie offensive, à l’échelle européenne comme à l’échelle mondiale.

Cette loi comporte trente-neuf articles. J’ai veillé personnellement à ce qu’il n’y en ait pas trop, de façon à ne pas contribuer à l’inflation législative. Cela dit, je vais finir par croire qu’un faible nombre d’articles entraîne une inflation des amendements (Sourires), même si cela participe du débat parlementaire. Loin de complexifier les choses, ce texte cherche à simplifier. Il doit en effet se conformer à l’engagement qui a été pris à cet égard.

Dans le cadre des débats en commission – je pense notamment aux discussions avec le rapporteur, Germinal Peiro –, 408 amendements ont été adoptés avec l’accord du Gouvernement. C’est un nombre important ; je m’en félicite.

Ces amendements concernent les circuits de proximité, pour une alimentation de qualité, mais aussi la sécurité juridique des groupements d’intérêt économique et environnemental.

Les organisations de producteurs pourront désormais saisir la justice au nom d’un producteur individuel, ce qui entre en résonance avec le projet de loi sur la consommation qui ouvrira la possibilité d’engager des actions de groupe.

La protection des appellations d’origine contrôlée et des indications géographiques protégées est également renforcée, ce qui est très important dans le cadre du débat sur la qualité et sur la valeur ajoutée que représente la diversité de l’agriculture de notre pays.

La définition du biocontrôle a été améliorée. J’en fais un enjeu essentiel s’agissant de l’industrie et de l’agro-écologie. L’industrie du biocontrôle, en particulier en Bretagne et dans le Grand Ouest, est en effet un élément stratégique en ce qui concerne le leadership que doit assumer la France en matière d’agro-écologie.

En ce qui concerne la rémunération des services environnementaux par la forêt et le bois, les débats ont été constructifs et extrêmement riches ; je sais qu’ils se poursuivront durant toute cette semaine. Il est toujours possible de discuter et d’améliorer les textes. Nous entamons la première lecture de ce projet de loi. Le processus parlementaire durera le temps nécessaire et, au bout du compte, nous aurons, j’en suis sûr, donné à nos agriculteurs la capacité d’anticiper l’avenir et de faire en sorte que notre agriculture soit performante, à l’échelle européenne comme à l’échelle mondiale.

M. Daniel Fasquelle. Mais non, ce texte n’est pas à la hauteur !

M. Marc Le Fur. Et les 50 millions du CICE ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Depuis le début, je vous ai dit ma conviction : notre agriculture doit être compétitive, ce qui suppose de combiner performance économique et performance écologique.

M. Daniel Fasquelle. Baratin !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je pense que nos débats permettront d’améliorer encore ce texte, de façon à donner un véritable avenir à notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. Daniel Fasquelle. Vous ne proposez aucun avenir à l’agriculture !

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Germinal Peiro, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure de la délégation aux outre-mer, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, nous abordons aujourd’hui un débat stratégique pour l’avenir de notre pays, celui de l’avenir de notre agriculture, de nos agriculteurs, de l’ensemble des travailleurs de la chaîne de production alimentaire et aussi de nos territoires.

Mais ce débat est sans doute d’abord stratégique pour l’avenir de l’humanité : les crises de la faim de 2008 ont montré que ceux qui pensaient que l’enjeu de la faim dans le monde était derrière nous se trompaient. Le principal enjeu du XXIsiècle, au-delà de la communication et du numérique, est celui de la nourriture pour tous. Aujourd’hui, 800 millions d’individus souffrent de la faim dans le monde ; en 2050, il faudra en nourrir 9 milliards. Ce défi nous oblige à penser des systèmes de production efficaces et durables : efficaces sur le plan productif, durables sur le plan écologique et social.

Edgard Pisani l’a dit avec force dans son livre Un vieil homme et la terre : « La sécurité alimentaire est la première des obligations du Politique ». L’agriculture est au fondement de notre civilisation. Depuis la révolution néolithique, il y a plus de dix mille ans, elle accompagne l’humanité et lui a permis de progresser en assurant la production alimentaire pour un nombre toujours plus grand d’humains.

Cela ne s’est pas fait sans impact sur les paysages, que les agriculteurs modèlent en fonction des systèmes productifs. Cela ne s’est pas fait sans dégât pour l’environnement, surtout lors de la seconde moitié du XXsiècle, qui a vu tous les sols s’appauvrir, les masses d’eau se polluer et un grand nombre d’espèces disparaître à une vitesse sans précédent.

La FAO l’a souligné, la perte de biodiversité agricole atteint des niveaux alarmants. Au nom d’une certaine idée de la productivité, nous avons fragilisé le devenir des agricultures. La disparition de la biodiversité agricole compromet gravement la sécurité alimentaire. Le paléo-anthropologue Pascal Picq rappelle que « la diversité est la matière première, la condition nécessaire de la sélection et, in fine, de l’adaptation. » Le message est clair : sans diversité, pas de vie possible à terme.

Monsieur le ministre, je veux saluer votre engagement pour le changement agro-écologique, une révolution pour l’avenir de nos agricultures.

M. Gérard Bapt. Très bien !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Il montre la voie d’un développement fondé sur un nouvel équilibre productif, alliant économie, environnement et social. Ce n’est pas un petit symbole qu’en cette année internationale de l’agriculture familiale notre assemblée commence ses travaux par l’examen de votre projet de loi d’avenir.

Vous le dites souvent : vous voulez faire de la France le leader de l’agro-écologie. C’est vouloir faire de notre pays le modèle de l’agriculture de demain, montrer qu’une autre voie de développement agricole est possible et profitable à tous. L’Assemblée nationale vous soutiendra dans la poursuite de cet objectif. Cette loi marquera une étape importante, en donnant aux agriculteurs le moyen de créer leur propre dynamique économique et écologique.

Les travaux en commission, riches, ont fait avancer le texte. Je tiens à souligner l’esprit d’ouverture et de dialogue dont vous avez fait preuve lors de la discussion de plus de 1 400 amendements, pour un projet qui comportait 39 articles. Je remercie mes collègues, tant de la majorité que de l’opposition, pour leur assiduité – preuve que le sujet passionne.

Avec vous, nous avons pu travailler, enrichir et préciser le texte, lui donner l’ampleur qu’il mérite et mettre un terme à certaines craintes infondées. Je n’évoquerai pas le contenu des 39 articles, me contentant de revenir sur quelques points qui me semblent fondamentaux.

Le groupement d’intérêt économique et environnemental – GIEE – est l’innovation majeure de ce texte. Il fait entrer l’agriculture dans une dimension nouvelle, en devenant le cadre privilégié des démarches agro-écologiques, partagées et collectives. Nous avons choisi de mieux l’encadrer en lui conférant la personnalité morale et de lui permettre d’acquérir une dimension sociale dans le projet pluriannuel. À la suite du débat en commission, j’ai déposé de nouveaux amendements pour permettre une meilleure définition nationale des projets, tout en laissant la liberté de s’exprimer.

Le fait qu’un GIEE, tout en conservant une majorité agricole, soit ouvert à des non-agriculteurs est essentiel. Nous ne l’avons pas assez souligné : le projet agro-écologique n’est pas uniquement agricole, il est aussi économique, rural, urbain, voire périurbain. Il est essentiel que les acteurs ruraux puissent être associés à cet enjeu. C’est une nécessité dans le nouveau contrat que la société doit passer avec ses agriculteurs. Les dynamiques collectives partagées hors du monde agricole sont indispensables au dynamisme des territoires ruraux, que nous devons encourager. Le GIEE est, de ce point de vue, une innovation.

L’article 26, qui porte sur l’enseignement agricole et forestier, permet d’intégrer pleinement le sens de cette innovation dans le corpus de formation. La diversité agricole, ça s’apprend ! Déjà, de nombreux établissements d’enseignement agricole font ce travail, en développant notamment des exploitations biologiques. Il faut aller plus loin pour promouvoir la diversification des systèmes. Votre texte le permet.

L’enseignement ne peut pas être seulement agricole et forestier, mais agroalimentaire, voire alimentaire. Nous devons intégrer l’idée qu’il n’y a pas de déconnexion entre la production et la transformation. Sans l’une, l’autre n’existe pas et c’est la transformation qui apporte le plus souvent la valeur ajoutée à la production. Je vous proposerai des amendements allant dans ce sens.

Que le GIEE soit étendu à la forêt, cher président Brottes, est un pas en avant dans la reconnaissance de la multifonctionnalité de la forêt française, dans la reconnaissance de l’importance de la ressource forestière, tant pour les générations futures que pour notre économie. La forêt, c’est notre imaginaire collectif, un héritage et une ressource que la France, depuis trop longtemps, ne sait plus développer.

Le GIEE permettra, parmi d’autres projets, de développer la méthanisation et de permettre ainsi aux agriculteurs de relever le défi de la transition énergétique. C’est un engagement du Président de la République que de développer les énergies renouvelables. Avec le plan national et les GIEE, vous remettez la France dans les rails qu’elle n’aurait jamais dû quitter, et permettez aux agriculteurs de trouver de nouvelles sources de revenus, donc de compétitivité en Europe.

Au-delà de la loi, il faut simplifier les procédures. C’est un enjeu crucial pour notre économie tout entière. Vous avez commencé d’agir, monsieur le ministre, en signant un décret modifiant la nomenclature des installations classées pour l’environnement pour les élevages porcins. L’engagement pris par le Premier ministre au SPACE de Rennes est tenu.

La simplification administrative, chers collègues, ne doit pas être confondue avec le laisser-aller environnemental. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) L’État ne doit pas être l’empêcheur du développement, il doit en être l’accompagnateur, le facilitateur vigilant. Ce chantier, mené par le Gouvernement en son entier, intéresse plus encore nos productions agricoles. Nous savons que vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre. La représentation nationale vous soutient pleinement dans cet effort. Il faut le maintenir, et accélérer. Devant les blocages administratifs, privilégions le principe d’innovation et le dynamisme !

Je veux insister sur quelques aspects fonciers. L’abandon de la surface minimum d’installation – la SMI – est historique. En 2010, nous avions tenté, en vain, de convaincre la majorité de l’époque de répondre à cette demande formulée depuis des années par les jeunes agriculteurs, afin de favoriser les logiques de projet et la diversification.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Eh oui, monsieur Herth !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Ce qui compte avant tout, c’est de laisser la possibilité aux chefs d’entreprise de développer leur projet. C’est cette majorité qui le permet.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Exact !

M. Germinal Peiro, rapporteur. L’article 15 du projet de loi revient sur l’absurdité de la libéralisation outrancière du contrôle des structures, adoptée avec la loi du 5 janvier 2006.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. N’est-ce pas, monsieur Herth ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Un large consensus existe sur cette question, tant les dérives, que nous dénoncions en 2005, sont nombreuses. Le contrôle des structures est au fondement de l’agriculture familiale, que nous voulons préserver. Nous n’avons rien contre le phénomène sociétaire, qui permet la transparence des patrimoines et le développement d’une grande rigueur dans la gestion des exploitations. Mais nous devons lutter contre l’accaparement par le petit nombre des terres agricoles.

L’une des raisons de la compétitivité de la France est le prix modéré des terres. Si nous ne mettons pas un frein à l’augmentation de leur valeur, les terres agricoles deviendront proprement inaccessibles aux agriculteurs. Le contrôle des structures est un garde-fou.

Le lien entre la disponibilité du foncier et l’installation n’est plus à faire. Dans nos circonscriptions, nous connaissons tous des candidats à l’installation qui ne peuvent réaliser leur projet car le foncier libéré sert, en grande majorité, à l’agrandissement.

Les raisons sont connues. Elles tiennent à la nécessité, pour une exploitation, de s’agrandir pour conserver son équilibre. Elles proviennent aussi de ce que les seuils de déclenchement du contrôle des structures, avec l’aval de la profession, ont été fixés trop haut, ce qui revient à fermer la porte aux jeunes qui veulent devenir agriculteurs. Elles viennent de la taille des exploitations, qui, en s’agrandissant, deviennent de moins en moins transmissibles. Enfin, la politique agricole commune, qui lie les aides aux hectares et non aux actifs, encourage inexorablement l’agrandissement.

Face à ces difficultés, vous avez choisi, monsieur le ministre, de renforcer le rôle des SAFER et de réaffirmer leur priorité, qui doit demeurer l’installation. Les collectivités territoriales ont aussi un rôle à jouer. La région Poitou-Charentes a été ainsi la première à conventionner avec la SAFER pour financer les frais de stockage des terres, réservées à l’installation, à terme, d’un jeune agriculteur. Elle a été suivie par beaucoup d’autres.

Des communes, des communautés d’agglomération cherchent à acquérir des terres pour recréer les ceintures vertes autour des villes et installer des agriculteurs qui fourniront des produits de proximité. D’autres, comme elles l’ont fait avec les multiples ruraux pour soutenir l’installation des commerçants, choisissent d’investir dans des bâtiments agricoles et les mettent à disposition d’une petite coopérative viticole, comme c’est le cas pour le vin de Domme dans le Périgord, ou de jeunes fromagers, comme dans mon canton, ou de maraîchers, ainsi que j’ai pu le voir dans le canton de Saint-Jean-Pied-de-Port, au Pays Basque.

Ce mouvement, qui montre l’intérêt des élus pour la production agricole et renforce les liens entre les producteurs et les citoyens-consommateurs, doit être encouragé et organisé. Je sais que c’est votre volonté, monsieur le ministre. Pour ma part, considérant que nous n’en sommes qu’aux balbutiements dans ce domaine, je prêche depuis de nombreuses années pour la mise en place d’un plan national de relocalisation des productions, afin d’offrir de nouveaux débouchés aux agriculteurs et de répondre aux attentes des concitoyens.

Nous devons, dans ce texte, soutenir l’idée de transparence et d’information des consommateurs sur les lieux de production et de transformation des produits agricoles et alimentaires.

Le bail environnemental est un point important. Les débats ont montré la sensibilité du sujet, qui touche à la propriété et à l’usage que le locataire peut en faire. Nous sommes arrivés à un équilibre que j’estime correct. Le monde de la propriété agricole évolue. Nous ne pouvons ignorer les attentes de la société, mais nous devons prendre garde à ne pas handicaper les producteurs par des sujétions trop lourdes sur leurs baux.

M. Philippe Le Ray. Quelle idiotie !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Le bail rural est une institution agricole qu’il n’est pas interdit de faire évoluer. Les conditions de 1946 ne sont pas celles d’aujourd’hui. Monsieur le ministre, je salue votre initiative, qui permettra de résoudre de nombreux conflits.

Je tiens à terminer mon propos liminaire en évoquant la question des prix agricoles et des comportements commerciaux, à travers deux dispositions. La première vise à introduire la clause miroir. Il ne s’agit pas de stigmatiser les coopératives, comme on peut l’entendre ici ou là, mais simplement de permettre la transparence, qui autorisera chaque coopérateur à comprendre ce qui se passe dans la formation des prix des produits agricoles. Nous adapterons cette disposition. L’information sur la façon dont fonctionnent les mécanismes de fixation des prix est le droit minimum que l’on doit aux adhérents des coopératives. C’est une avancée très forte pour les producteurs.

Elle est accompagnée par la mise en place du médiateur des relations commerciales agricoles. Il s’agit d’étendre, en l’étoffant, la fonction du médiateur des contrats agricoles. Ce sujet est extrêmement sensible et complexe ; nous savons que le renforcement du médiateur est un impératif. Nous avons eu récemment à débattre des relations commerciales, avec le projet de loi relatif à la consommation. Des avancées ont été obtenues. Nous savons tous que la loi est impuissante devant des acteurs qui expliquent ouvertement qu’ils la braveront. Il faut augmenter les moyens de contrôle et privilégier le retour à la raison par la discussion.

Sur la question des relations commerciales, nous devons réparer les dérives issues de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008.

Cette bien mal nommée « loi du 4 août » a consacré le privilège de la force, celle des distributeurs face aux producteurs et aux transformateurs. Elle a imposé l’idée que le toujours moins cher était légitime et mieux. Le résultat est simple : les producteurs s’en trouvent étouffés au nom de la quête du pouvoir d’achat. Au nom encore de cette quête, la loi de modernisation de l’économie organise la destruction du tissu économique de la chaîne de production de l’alimentation, des agriculteurs aux transformateurs. Elle fait peser un risque sanitaire, elle détruit l’emploi.

Nous devons remettre de l’ordre et de la justice dans les relations commerciales. Le dispositif de l’article 7 concourt à cet objectif.

Il y a beaucoup à faire pour redonner aux agriculteurs la place économique qu’ils méritent. Entre 2002 et 2010, la France est passée du premier au troisième rang européen pour la force de son secteur agroalimentaire. C’est le résultat d’un abandon, d’un laisser-faire, de la perte de la conscience que les autres ne nous attendront pas pour changer.

Votre loi, monsieur le ministre, répond au défi du changement, en permettant de préparer l’avenir grâce au redressement productif de notre pays. Je ne doute pas que ce texte permettra à notre agriculture d’avancer sur ce chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Le Roch, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Jean-Pierre Le Roch, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les présidents de commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt qui nous est présenté aujourd’hui vise à permettre, dans la continuité de la réorientation de la PAC que vous avez obtenue, monsieur le ministre, de définir un modèle agricole français, en phase avec les attentes de la société, tourné vers la double performance économique et environnementale.

La commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est saisie pour avis de son titre IV relatif à l’enseignement agricole, à la recherche et au développement en matière agronomique, forestière et vétérinaire. Le texte ayant été présenté dans sa globalité, je consacrerai mon propos aux mesures propres à l’enseignement technique agricole, deuxième réseau éducatif du pays qui compte 170 000 élèves, à l’enseignement supérieur agricole, qui comprend certaines de nos plus grandes écoles, ainsi qu’à la recherche agricole dont l’excellence est d’ores et déjà reconnue.

Ce projet réaffirme ainsi l’ambition portée par le Gouvernement de disposer d’un appareil de formation et de recherche agricole innovant et tourné vers l’avenir, tout en lui donnant les outils propres à relever les défis agricoles et alimentaires qui se présentent à lui aujourd’hui et demain.

Les mesures qu’il contient, et que je n’énumérerai pas de façon exhaustive, répondent à trois enjeux.

Le premier recouvre une réalité simple aux ressorts complexes : il faut, aujourd’hui comme à l’avenir, nourrir les habitants de notre planète. Une fois présentée cette nécessité, émergent les questions auxquelles notre génération et les suivantes doivent répondre. Notre réflexion doit ainsi prendre en compte plusieurs données, à commencer par le facteur démographique, dans la mesure où notre planète devrait compter 9 milliards d’habitants en 2050 contre 7 milliards actuellement. Au-delà de l’indépendance alimentaire de notre pays, il s’agit de conforter sa capacité à exporter.

La diminution des terres disponibles en raison notamment de l’urbanisation et des changements climatiques, est un deuxième élément.

Nous devons également considérer les disparités au niveau des dépenses pour l’alimentation et des modes de consommation à l’échelle nationale et internationale.

En 2011, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, la FAO, estimait que la production agricole devrait s’accroître de plus des deux tiers d’ici à 2050 pour répondre à ces défis. C’est pourquoi il est impératif d’engager la transition de l’agriculture française vers une double performance, économique et écologique, et de préparer les générations futures à ce nouveau modèle agro-écologique.

Mes chers collègues, dès lors que l’on admet qu’il faudra produire autant demain si ce n’est davantage, mais autrement, il est indispensable de faire de l’enseignement agricole la clef de voûte des politiques publiques destinées à favoriser la double performance économique et environnementale. Ainsi, les dispositions des articles 26 et 27 permettent de mobiliser l’ensemble des opérateurs de la formation et de la recherche agricole dans cette transition agro-écologique.

À titre d’exemple, l’article 26 prévoit que l’ensemble des projets des établissements d’enseignement devront être élaborés en respectant les orientations des politiques publiques pour l’agriculture.

À l’article 27, l’examen en commission des affaires culturelles et de l’éducation a permis de réaffirmer le caractère national de l’enseignement agricole, en prévoyant que celui-ci devra faire l’objet d’un projet stratégique. Celui-ci, arrêté par le ministre et concerté avec l’ensemble des acteurs dont les organisations professionnelles et les conseils régionaux, affirme la cohérence entre les politiques publiques dans le domaine agricole et la formation. En effet, le schéma prévisionnel des formations et les projets d’établissement des lycées agricoles devront s’y conformer, plaçant l’enseignement agricole au cœur de la mutation de notre modèle agricole.

Le second enjeu sera de matérialiser l’ambition d’un enseignement agricole comme levier de promotion sociale, d’insertion professionnelle et de développement des territoires. Pour cela, il convient de s’appuyer sur les nombreux atouts de l’enseignement agricole : la petite taille des établissements, des internats très présents, une grande place accordée à la pédagogie de situation, à l’expérimentation grâce aux exploitations rattachées aux lycées agricoles ainsi qu’à l’apprentissage et à l’alternance, une ouverture des instances de gouvernance aux élus et aux professionnels de l’agriculture. Dans la dynamique propre à cet enseignement, les articles 26 et 27 comprennent un ensemble de mesures en faveur de la réussite scolaire et de la promotion sociale.

Évoquons tout d’abord le dispositif d’acquisition progressive des diplômes de l’enseignement agricole. Il fonctionnera comme un mécanisme « d’assurance », valorisant la réussite partielle et les acquis d’un élève ayant échoué aux examens, et reposera sur une attestation dont le contenu a été précisé en commission. En laissant la porte ouverte à une deuxième chance, ce mécanisme illustre notre volonté de ne laisser personne de côté et de lutter contre le décrochage scolaire. L’adoption en commission d’un amendement prévoyant que l’orientation fera l’objet d’un plan d’action spécifique au sein du projet d’établissement des lycées agricoles s’inscrit dans cette même perspective.

Je citerai ensuite la possibilité donnée au ministre de l’agriculture de créer une voie d’accès spécifique aux écoles d’ingénieurs pour les bacheliers professionnels ayant suivi une classe préparatoire, alors que les élèves de l’enseignement technique ne sont aujourd’hui que 10 % à intégrer des établissements d’enseignement supérieur agricole.

Enfin, le texte consacre légalement le médiateur de l’enseignement agricole, dont l’existence repose actuellement sur une simple note de service d’octobre 2000. Le développement de relations de qualité entre ce service public, ses agents et ses usagers en sera facilité.

Le troisième et dernier enjeu concerne le pilotage de l’enseignement supérieur et de la recherche agricole, sa lisibilité sur le plan national et son attractivité au niveau international.

Je l’ai dit en commission, les auditions que j’ai menées m’ont convaincu qu’en ce domaine nous n’avons pas d’autre choix que de faire du « commun » en matière de projets nationaux comme internationaux.

Dès lors, la création d’un grand pôle agronomique national pour fédérer les écoles actuelles permettra de répondre à de nombreux enjeux majeurs que les établissements ne sont pas en mesure d’affronter seuls. Cette remarque est encore plus prégnante lorsque l’on constate, en particulier dans le domaine de la sécurité alimentaire, que la France perd des points et qu’elle n’est pas en mesure de défendre ses positions en raison de la relative petitesse des structures nationales. Rappelons qu’en France, un établissement moyen compte six cents étudiants et soixante-quinze enseignants-chercheurs ou scientifiques alors qu’aux Pays-Bas, l’université de Wageningen rassemble dix mille étudiants et six mille collaborateurs.

Ainsi, atteindre une taille critique est la condition sine qua non pour accroître la reconnaissance internationale de l’excellence de la « marque France » en matière de formation ainsi que de recherche agricole et vétérinaire.

Engagée dans une certaine mesure par le consortium Agreenium, cette démarche sera approfondie grâce au projet, présenté par le Gouvernement, d’un Institut agronomique et vétérinaire de France, tant dans son périmètre que dans son champ de compétences, élargi. Ce nouvel institut, qui regroupera les douze écoles sous tutelle du ministre de l’agriculture et, sur la base du volontariat, d’autres établissements d’enseignement et de recherche, propose une gouvernance souple permettant de structurer la coopération entre les acteurs tout en respectant leur identité et leurs partenariats locaux. En d’autres termes, il concilie les politiques de site soutenues par chaque école et la mise en œuvre d’orientations stratégiques nationales. Il se présente comme la vitrine, au niveau international, de l’excellence de l’école française de formation vétérinaire et agronomique et il a vocation à devenir le bras armé de notre vision de l’agriculture.

L’examen en commission a permis d’approfondir cette avancée. Outre la précision des missions de l’enseignement supérieur agricole, nous avons conforté le nouvel établissement prévu par le projet de loi, renommé Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France. Sur ce dernier point, nous avons prévu que l’Institut participe à l’élaboration des stratégies nationales conduites par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et soit doté d’une gouvernance lisible et respectueuse de la parité. Nous avons enfin proposé qu’il comprenne un réseau interne dédié à la formation des personnels, un enjeu crucial, souligné par le Gouvernement, pour la transition vers une double performance économique et environnementale.

En définitive, parce qu’ils répondent concrètement à ces trois enjeux et qu’ils en relèvent le défi, les articles 26 et 27 du projet de loi matérialisent l’engagement du Gouvernement d’une ambition renouvelée pour la formation et la recherche agricoles.

Ce projet de loi, issu de la vaste concertation que vous avez engagée, monsieur le ministre, depuis le printemps dernier, a encore été enrichi par le travail des commissions. Aussi voudrais-je saluer tout particulièrement celui accompli par nos collègues de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ainsi que de la commission des affaires économiques mais aussi souligner l’ambition gouvernementale que vous portez vous-même, monsieur le ministre, en présidant à la redéfinition d’un modèle agricole français fondé sur la recherche de la double performance économique et environnementale.

Une même ligne de conduite inspire la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, la loi relative à l’enseignement supérieur et à la recherche et le volet « enseignement » du présent projet de loi. Ces trois textes font en effet le pari que le redressement de notre pays ne pourra se faire qu’en investissant dans l’intelligence.

Tel est le but des dispositions relatives à l’enseignement agricole qui, tout en renforçant le rôle d’ascenseur social de l’enseignement agricole, le définissent comme le moteur des politiques publiques destinées à promouvoir l’agro-écologie en France et dans le monde afin de répondre aux défis agricoles et alimentaires de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Yves Caullet, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents des commissions, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous dire combien il a été intéressant, pour la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, de se saisir, certes pour avis, d’une partie importante de ce projet de loi d’avenir.

En effet, la double performance que vous avez fixée comme objectif à l’agriculture, monsieur le ministre, répond tout particulièrement, du fait de l’ancrage territorial des filières agricoles et de l’approvisionnement des marchés, aux préoccupations de l’ensemble des membres de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ce principe de la double performance trace la ligne du progrès car – Germinal Peiro l’a très bien dit, comme vous-même, monsieur le ministre – nous devons relever le défi de satisfaire les besoins alimentaires en quantité et en qualité.

Notre pays doit également retrouver la place d’excellence qu’il n’a pas complètement quittée mais qu’il pourrait assumer avec plus de force dans le domaine de l’agriculture et de ses produits transformés.

Or, le progrès n’est pas la poursuite des pratiques passées. Notre agriculture a connu, au fil des siècles, trois grandes évolutions : la concentration de la matière organique du fait de la conservation du fourrage en hiver ; la mécanisation ; le contrôle des facteurs limitants grâce à la chimie et aux moyens de lutte contre les maladies ou les ravageurs des cultures.

Ces acquis et ces compétences existent ; il ne s’agit en rien de les nier, mais on ne saurait non plus les considérer comme la seule solution. La solution réside davantage dans l’observation, la recherche, l’innovation et la diversité. En effet, l’uniformisation des modèles de production conduit inéluctablement à l’appauvrissement des capacités de réaction de nos systèmes de production face aux aléas climatiques et économiques, mais entrave aussi l’adaptation de l’agriculture paysanne, comme l’a montré l’évolution des structures. Dès lors, la diversité, la compétence, la connaissance et la mise optimale de l’écologie au service de l’agriculture sont tout l’enjeu de ce projet de loi, selon la commission du développement durable. C’est pourquoi elle a émis un avis favorable à tous les articles dont elle était saisie, en particulier dans le domaine agricole et dans celui de la forêt – j’y reviendrai dans un instant, puisqu’elle était saisie du titre V dans son intégralité.

Ce progrès constitue naturellement une piste importante vers la réconciliation : il ne s’agit pas d’opposer des modèles mais de permettre leur développement simultané. Si le nécessaire contrôle des intrants azotés et des antibiotiques doit être renforcé, ce n’est pas pour contraindre mais pour améliorer l’efficacité et la performance économiques. C’est pourquoi, je le répète, notre commission a émis un avis favorable aux articles dont elle était saisie.

En écho aux propos du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, je tiens à souligner à quel point, tant pour l’agriculture que pour la foresterie, le lien entre la recherche et la formation, entre l’acquisition des compétences et leur diffusion, et l’association de l’ensemble des professionnels à l’élaboration de ce nouveau progrès sont essentiels. Il en va là encore de la place de la France, dont l’école agronomique, vétérinaire et forestière fut et demeure renommée, car cette place est désormais contestée par d’autres pays qui ont su mettre au point des systèmes performants. Nous avons là un avantage compétitif : sachons le cultiver.

J’en viens au titre V, consacré à la forêt, dont la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire était saisie dans son intégralité. Le volet forestier de ce projet de loi d’avenir, monsieur le ministre, constitue une étape clef d’un processus de modernisation et de mobilisation du secteur de la forêt et du bois en France, processus déjà engagé avec la création du comité stratégique de filière, les mesures prises en loi de finances rectificative, le « plan national bois » récemment élaboré et signé, la mobilisation de l’ensemble de la profession de l’aval à l’amont et, enfin, les récents soutiens apportés à la gestion de la forêt publique.

Aujourd’hui, ce projet de loi constitue un moment fondateur qui permet la reconnaissance effective de la multifonctionnalité de la forêt – reconnaissance qui ne consiste pas à privilégier l’une ou l’autre de ses fonctions, bien au contraire : la forêt doit tout à la fois produire du bois, garantir une biodiversité et fournir un certain nombre d’aménités sociales. Aucune de ces fonctions ne doit primer sur les autres, même si l’une ou l’autre est parfois plus développée selon les lieux. La forêt périurbaine n’est naturellement pas la même que la grande forêt de production, mais les trois fonctions sont toujours présentes. Il est très important que la loi instaure cet équilibre, car nos concitoyens ne sont pas toujours pleinement informés de la réalité forestière, l’échelle du temps de la forêt dépassant celle de la génération humaine. Nous connaissons bon nombre de situations locales où certaines protestations sont liées à l’ignorance de ce que sera demain le résultat de telle ou telle pratique forestière davantage qu’au rejet réel de l’exploitation de l’une ou l’autre des fonctions de la forêt.

La multifonctionnalité de la forêt est désormais reconnue. Le débat public, monsieur le ministre, sert à valider de manière plus ouverte des orientations nationales et régionales prises dans le cadre des plans nationaux et régionaux de la forêt et du bois. Il est institué un fonds stratégique essentiel pour donner les moyens à notre filière de retrouver l’excellence qui doit être la sienne, compte tenu de son importance économique. Je rappelle en effet que le secteur de la forêt et du bois compte autant d’emplois que le secteur de l’automobile, soit 450 000 emplois environ, et qu’il représente aussi un enjeu de commerce extérieur, de valeur ajoutée et de redressement productif qui n’échappe à personne.

Ce projet permet aussi la reconnaissance des aménités environnementales que fournit la forêt, notamment sa fonction de piège à carbone. Nous aurons l’occasion d’y revenir au fil du débat : il était capital que les fonctions de protection de la ressource en eau, de fixation du carbone et de biodiversité soient reconnues dans ce texte comme des missions essentielles de la forêt, qui peuvent générer des revenus et permettre le développement de la sylviculture.

Un certain nombre d’articles du texte prévoient d’améliorer la gestion de la faune sauvage de sorte que l’équilibre sylvo-cynégétique soit mieux établi en fonction de l’époque et des sensibilités. Autre dispositif contenu dans ce projet : le groupement d’intérêt économique et environnemental forestier, le GIEEF, pendant du modèle agricole, qui sera pour la forêt l’antichambre de la coopérative – au moins est-ce ce qui a été proposé au cours de nos travaux.

Enfin, le texte comporte toute une série de mesures simples visant à dynamiser la gestion de la forêt privée, mais aussi des mesures de consolidation et de simplification des documents de gestion, qu’il s’agisse des aménagements de la forêt publique ou des plans simples de gestion de la forêt privée.

En clair, nous avons là un outil que salue l’ensemble de la profession. Je me félicite des conditions dans lesquelles ce travail a été conduit, monsieur le ministre, tant avec vos collaborateurs et vos services qu’avec les différentes commissions saisies et avec M. le rapporteur, car toutes les auditions que nous avons tenues se sont déroulées dans un climat extrêmement constructif, partagé de surcroît par l’ensemble de la profession – laquelle s’illustre parfois par ses dissensions, mais sait se réunir autour de l’essentiel, c’est-à-dire la mobilisation de notre forêt et de la filière bois pour le climat, pour le progrès, pour l’économie et pour l’emploi.

Une fois l’étape essentielle de la loi franchie, il faudra en appliquer les orientations et poursuivre le travail en veillant notamment, monsieur le ministre, à ce que l’Europe se mobilise autour du secteur de la forêt et du bois. À l’échelle internationale, les enjeux forestiers sont importants et stratégiques et ne doivent pas nous échapper. Il faudra également que le Sommet de Paris en 2015, année du climat dans notre pays, consacre le rôle de la forêt en général. Peut-être qu’une forme de diplomatie forestière serait-elle la bienvenue pour donner un élan à cette rencontre internationale.

Pour conclure, saluons une fois de plus la mobilisation de l’ensemble de la filière autour de ce projet de loi, et gageons qu’elle ne cessera pas car, pour la forêt, il faut du temps et de la persévérance. Je cite de nouveau mes anciens maîtres : « Il n’y a pas de mauvais forestiers, il n’y a que des gens qui changent d’avis. » Je sais que nous n’en changerons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRCsur plusieurs bancs des groupes écologisteGDR.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Vainqueur-Christophe, rapporteure de la délégation aux outre-mer.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe, rapporteure de la délégation aux outre-mer. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’exprimer tout le soutien de la délégation aux outre-mer aux victimes du cyclone Bejisa qui a si durement touché l’île de La Réunion, notamment aux exploitants agricoles qui ont tant perdu. Je souhaite qu’ils soient au plus vite indemnisés afin qu’ils puissent surmonter cette épreuve le plus rapidement possible.

J’en viens au texte qui nous intéresse aujourd’hui. Vous n’ignorez pas que, dès sa création, la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale a souhaité se saisir du thème de l’agriculture ultramarine. En effet, c’est tout juste après sa constitution début 2013 qu’elle a confié un rapport d’information sur les agricultures des outre-mer à deux de ses membres, Mme Chantal Berthelot et M. Hervé Gaymard. Cet intérêt privilégié de la délégation pour l’agriculture s’explique par le fait que le secteur primaire est un secteur clef pour les outre-mer. En termes d’emplois et d’activité, l’agriculture pèse ainsi deux fois plus lourd dans les outre-mer qu’en France hexagonale. Elle représente actuellement 1,4 % à 4,4 % du PIB et de 2 % à 7 % de l’emploi en fonction des départements, contre 2,2 % et 3,3 % respectivement en métropole.

L’excellent rapport d’information de Mme Berthelot et de M. Gaymard a mis en exergue un certain nombre de propositions, dont certaines ont été reprises par ce projet de loi, comme par exemple la création d’un comité régional pour assurer la coordination des politiques agricoles de manière très fine, au niveau des territoires, plus particulièrement pour assurer la gestion des crédits délégués et régionalisés du FEADER.

Cependant, au vu des conclusions du rapport d’information précité, la délégation aux outre-mer a jugé que le présent texte pouvait encore être amélioré et qu’il pouvait s’ouvrir davantage aux propositions formulées par les deux rapporteurs.

En effet, le projet initial ne comportait que quatre articles consacrés aux outre-mer. Il était donc loin de constituer un ensemble complet. A fortiori, il était loin de constituer la loi de programmation pour l’agriculture ultramarine que certains espéraient et que le Président de la République avait promise dans ses trente engagements pour les outre-mer. C’est la raison pour laquelle la délégation m’a demandé, en qualité de rapporteure, de présenter aujourd’hui certaines de ses principales préoccupations.

Je commencerai par rappeler les difficultés auxquelles sont aujourd’hui confrontées les agricultures ultramarines et j’indiquerai les solutions que le Gouvernement a retenues pour y faire face. Dans un second temps, je vous ferai part des compléments qui ont été apportés au texte à l’initiative de la délégation, lors de l’examen en commission, et je vous présenterai les modifications qui pourraient être encore intégrées à ce projet.

Commençons donc par un bref état des lieux des agricultures ultramarines. Tout d’abord, les exploitations d’outre-mer sont en moyenne assez petites, oscillant entre 3,5 et 5 hectares. De cette petite taille procède toute une série d’effets défavorables qui fragilisent tant les exploitations que les exploitants : beaucoup d’exploitants ne peuvent pas s’affilier au régime de protection sociale des non-salariés agricoles ; les retraites, calculées sur la surface pondérée de l’exploitation, sont très faibles ; il existe de multiples indivisions qui apparaissent au décès des chefs d’exploitation ; les exploitations étant souvent trop petites pour être durablement viables, elles sont fréquemment vendues pour alimenter les besoins des constructeurs en terrains à bâtir ; on constate dans tous les DOM, sauf en Guyane, une baisse impressionnante du foncier agricole. Ainsi, au cours des vingt dernières années, la surface agricole utile de la Guadeloupe a diminué de 33 %, celle de la Martinique de 32 %, celle de La Réunion de 15 %. Les surfaces foncières agricoles permettant de développer l’agriculture et d’installer de nouveaux agriculteurs sont donc rares, et ce fait constitue un frein très important au développement agricole outre-mer.

Ensuite, plusieurs difficultés affectent les filières. Tout d’abord, en dépit de leurs efforts pour promouvoir une agriculture fondée sur des pratiques écologiques, toutes les filières font face à une insuffisance criante de produits sanitaires et phytosanitaires homologués leur permettant de lutter efficacement contre les maladies propres aux cultures tropicales. À cause de ce déficit, monsieur le ministre, 20 % seulement des maladies sont effectivement traitées – soit un taux de couverture qui serait tout bonnement impensable en France métropolitaine ! De ce fait, certaines espèces sont désormais en voie d’extinction dans les outre-mer.

D’autre part, les filières d’exportation subissent une forte concurrence sur les marchés mondiaux. Je ne citerai que la banane « dollar » et la concurrence très forte des rhums de sucrerie produits au Brésil et dans le Sud des États-Unis face aux rhums agricoles traditionnels des départements d’outre-mer.

Troisièmement, les filières exportatrices sont dans l’incertitude quant aux décisions qui seront prises dans le cadre du POSEI – Programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité. Pour leur part, les filières agricoles de diversification, animale et végétale, ne sont pas toujours bien structurées : elles ne perçoivent que très peu de crédits du POSEI et, lorsque c’est le cas, ces crédits s’apparentent à du saupoudrage.

Enfin, les petites filières sont en attente d’un accompagnement accru – ne serait-ce qu’aux plans juridique et technique – en particulier de la part des chambres d’agriculture. Or, cet accompagnement est toujours inexistant à ce stade.

Pour conclure cet état des lieux, permettez-moi de vous faire part de trois grands problèmes qui ont trait à l’installation des jeunes agriculteurs. Premièrement, comme les transmissions d’entreprises sont rares dans le secteur agricole parce que les exploitants conservent leurs exploitations jusqu’à un âge très avancé afin de ne pas se retrouver sans revenus, les candidats à l’installation trouvent assez peu de propriétés à reprendre. Ensuite, l’effectif annuel des dossiers qui aboutissent semble limité et, lorsque les dossiers sont acceptés, les jeunes agriculteurs éprouvent les plus grandes difficultés pour obtenir des prêts de la part des banques. La dotation aux jeunes agriculteurs tient donc souvent lieu de seul apport personnel, alors que ce n’est pas son rôle. Enfin, compte tenu de la faiblesse de leur trésorerie, les jeunes agriculteurs tendent à ne plus exercer leur profession à temps plein et sont candidats à l’installation assez tard, en moyenne à 34,5 ans. Une fois installés, ils doivent souvent pratiquer des activités secondaires pour compléter le revenu tiré de leur activité agricole.

Pour répondre à ces différents problèmes, le projet de loi d’avenir, dans sa version initiale, c’est-à-dire avant les ajouts apportés lors de l’examen en commission, s’est attaché à promouvoir un certain nombre de solutions.

L’article 3 du projet crée le GIEE – le groupement d’intérêt économique et environnemental – qui doit permettre de regrouper les petites exploitations et de favoriser les circuits courts entre producteurs et consommateurs.

L’article 13 actualise les dispositions régissant l’activité des SAFER. Leur gouvernance est améliorée, leur droit de préemption consolidé, et ce droit pourra intervenir également lors de la cession d’exploitations sous la forme de parts sociales.

L’article 14 étend les dispositions du contrat de génération à l’agriculture.

L’article 34 est l’article pivot du titre qui constitue la partie spécifiquement « ultramarine » du texte. Parmi ces mesures, je citerai les dispositions suivantes : l’institution des Comités d’orientation stratégique et de développement agricole – les COSDA –, des plans de développement régionaux pour servir de cadre à leur action et la modification des règles de vote en usage dans les indivisions pour donner à bail un bien agricole.

Le III de l’article crée des obligations nouvelles pour le bailleur en cas de reprise d’un terrain donné à ferme par un nouveau bénéficiaire. Le IV prévoit la passation de contrats d’objectifs et de performance entre l’État, les régions et les chambres d’agriculture. Enfin, le paragraphe VIII valorise les produits locaux dans les marchés publics de restauration collective, une mesure déjà portée dans la loi sur la qualité de l’offre alimentaire en outre-mer, que j’ai eu l’honneur de vous présenter il y a quelques mois de cela.

Les trois articles suivants qui complètent le volet outre-mer du projet sont surtout des articles de recodification.

Voici donc, résumées, les réponses apportées par le projet de loi, dans sa version initiale, face aux difficultés des agricultures ultramarines.

Ces réponses ont paru cependant insuffisantes à la délégation aux outre-mer. Elle m’a donc donné mandat pour compléter le texte par treize amendements. Malheureusement, messieurs les ministres, mes chers collègues, tous ces amendements n’ont pu aboutir en commission.

Ces amendements, présentés en détail dans mon rapport d’information, intitulé « Pour une agriculture d’avenir dans les outre-mer », étaient les suivants : quatre amendements concernant l’installation des jeunes agriculteurs, dont un amendement pour créer un fonds de garantie pour les prêts bonifiés et un amendement pour faire passer à trente-cinq ans l’âge limite pour les admissions au dispositif du contrat de génération dans les exploitations agricoles ultramarines ; un amendement chargeant l’ANSES de veiller tout particulièrement à la délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires destinés à l’agriculture pratiquée en milieu tropical ; six amendements concernant la préservation des structures foncières ; enfin, un amendement favorisant la conclusion de contrats d’objectifs entre les organisations professionnelles des filières agricoles et les réseaux d’innovation et de transfert agricoles – les RITA.

Ont été retenus par le Gouvernement – nous l’en remercions – l’amendement instituant un préambule pour les dispositions contenues dans le titre VI du projet de loi et celui prévoyant la transmission des études d’impact et des évaluations environnementales aux commissions départementales d’orientation agricoles – les CDOA.

Somme toute, la délégation reconnaît qu’elle a été entendue sur certains thèmes. Néanmoins, elle estime qu’il reste encore des étapes à franchir pour que le texte réponde à l’urgence à laquelle font face nos agricultures. Elle souhaite donc, dans le cadre de l’examen en séance publique qui débute aujourd’hui, que plusieurs modifications puissent être encore prises en compte au titre du projet de loi.

Tout d’abord, la délégation voudrait que le Gouvernement dépose deux amendements reprenant deux de ses propositions qui n’ont pu aboutir en commission : l’un pour créer un fonds de garantie pour les prêts bonifiés susceptibles d’être attribués aux jeunes agriculteurs – cet organisme pourrait être le Fonds de garantie agriculture-pêche-bois – et l’autre pour faire passer à trente-cinq ans l’âge limite retenu pour les admissions des jeunes agriculteurs ultramarins au dispositif du contrat de génération.

Par ailleurs, la délégation apprécierait que le Gouvernement émette un avis favorable sur trois amendements qui lui semblent particulièrement importants.

Il s’agit tout d’abord de l’amendement, déposé à l’article 22, relatif à la délivrance par l’ANSES – l’Agence nationale de sécurité sanitaire et de l’alimentation, de l’environnement et du travail – des autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires destinés à l’agriculture pratiquée en milieu tropical. L’adoption de cet amendement serait, monsieur le ministre, un acte politique fort témoignant de l’engagement du Gouvernement en faveur des agricultures ultramarines.

Il s’agit ensuite de l’amendement, déposé après l’article 34, confiant au COSDA le soin de définir le périmètre et le règlement d’une zone agricole protégée.

Enfin, nous aimerions que le Gouvernement donne un avis favorable à l’amendement concernant l’adaptation du contrat de fiducie aux exploitations agricoles ultramarines, qui permettra de répondre aux problèmes de succession que je vous ai précédemment exposés.

Nous comptons très vivement sur vous, messieurs les ministres, pour accéder à ces souhaits émanant de toute la communauté des outre-mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure de la délégation aux outre-mer, messieurs les rapporteurs pour avis, monsieur le président de la commission du développement durable et cher Jean-Paul, je vous salue tous par courtoisie, mais aussi parce que l’apport des commissions saisies pour avis a été extrêmement important et conséquent en volume et en qualité. Je le souligne parce qu’on se dit parfois que la commission saisie pour avis n’a pas une grande importance. En l’occurrence, les deux rapporteurs pour avis peuvent attester devant le rapporteur de la commission saisie au fond que leur travail a été pris en compte par cette dernière. Je tenais à le souligner, car ce n’est pas toujours le cas. Merci, monsieur le rapporteur, de votre attention, et merci, monsieur le ministre, de votre écoute !

Chers collègues, c’est par un grand texte que nous ouvrons cette nouvelle année. Un grand texte qui, comme beaucoup de textes de cette envergure, appelle de nombreux amendements – plus de 1 700. Si l’on y ajoute les 408 déjà adoptés, cela fait 2 110. Comme vous le voyez, je tiens les comptes ! (Sourires.) Près de 1 500 amendements avaient déjà été déposés en commission des affaires économiques. Je dois dire ici que nous avons eu affaire à un problème que nous connaissons bien, mais qui a, cette fois, pris une ampleur importante : le couperet de l’article 40.

Je vais donc me permettre de faire un petit rappel, pour les anciens comme pour les nouveaux : l’article 40 de la Constitution dispose que les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement – cela vaut donc pour les sénateurs, même si l’application est un peu plus souple au Sénat – ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. Par voie de conséquence, lorsqu’un amendement a pour effet d’aggraver une charge publique, il est déclaré irrecevable. Dans ce cas précis, aucun gage ne peut sauver l’amendement en question.

En commission, c’est plus d’une centaine d’amendements qui ont été refusés à ce titre. Il s’agissait essentiellement de l’octroi des aides publiques, de l’affiliation à la Mutualité sociale agricole ou encore des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural – les SAFER –, qui relèvent du champ d’application de l’article 40.

J’ai donc saisi le président de la commission des finances de cette question, s’agissant notamment du droit de préemption qui, à mes yeux, ne devrait pas être considéré comme une charge nouvelle puisqu’une telle proposition n’engage pas obligatoirement une dépense. Ce n’est pas parce qu’on a un droit qu’on l’utilise. Je dois toutefois vous avouer que la jurisprudence de la commission des finances ne va pas dans ce sens. Mais si la jurisprudence n’évolue jamais, le droit est mort, vous en conviendrez, chers collègues !

Je veux témoigner sur ce point de l’écoute du président de la commission des finances pour trouver ensemble le chemin de la recevabilité de certains de ces amendements un peu réécrits. Je tenais à saluer mon collègue président de la commission des finances pour nous avoir entendus.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est courtois, madame de La Raudière, vous en convenez !

Mme Laure de La Raudière. Oui, tout à fait !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. D’autant qu’il n’est pas de mon bord, comme vous le savez, mais cela ne nous empêche pas de travailler en bonne intelligence dans la mesure où il s’agit de favoriser le travail et l’initiative parlementaires.

Toujours est-il que l’article 40 a pour effet de limiter les parlementaires dans l’exercice de leur prérogative la plus fondamentale : le droit d’amendement. La question de son interprétation est donc fondamentale, même si chacun comprend bien que l’équilibre d’un budget ne peut être modifié au fil de l’année, au gré du vent et des amendements.

Cette remarque étant faite, j’en viens au fond du texte : il constitue une avancée remarquable au moment où l’agriculture traverse une période de grandes mutations. Il apporte des réponses concrètes aux problèmes rencontrés par les mondes agricole et sylvicole. Il va favoriser le développement de ces filières en conciliant performance économique et environnementale, circuits courts et vocation exportatrice. N’opposons pas les deux !

Après avoir salué le rôle du Président de la République et du Gouvernement dans la négociation de la réforme de la politique agricole commune, je salue tout particulièrement les avancées de votre projet de loi, monsieur le ministre, en ce qui concerne la forêt. Vous n’ignorez pas qu’en tant que rapporteur de la loi d’orientation sur la forêt de 2001, j’y suis particulièrement sensible.

Notre forêt est la troisième d’Europe, et aussi la plus diversifiée : c’est à la fois sa force et sa faiblesse. C’est un enjeu essentiel pour notre pays. Vous poursuivez ici le travail commencé il y a treize ans par Jean Glavany, l’un de vos illustres prédécesseurs.

Votre projet de loi prévoit la mise en place d’un programme national de la forêt et du bois décliné au plan régional, et instaure le fonds stratégique de la forêt et du bois en vue d’assurer le renouvellement de la forêt.

Enfin, monsieur le ministre, vous nous donnez les moyens de nous occuper de notre forêt, de la protéger et de la valoriser, d’en faire le véritable atout qu’elle se doit de devenir aux yeux de tous.

Nous devons entretenir une forêt qui nous protège car, comme le disait le rapporteur pour avis, en plus d’être notre poumon vert, elle a une fonction majeure de protection de la ressource en eau et contre les éboulements et les avalanches – Mme Massat connaît cela par cœur –, fonction qui était reconnue par la loi d’orientation sur la forêt du 9 juillet 2001 et dont j’ignore pourquoi elle ne figure plus dans notre droit – peut-être par l’effet d’une « simplification Warsmann »… (Sourires.) Il faut l’y réinscrire.

Notre forêt représente aussi une richesse économique. Pourtant, on observe qu’en zone de montagne, alors que le bois est abondant, il est très difficile de le collecter.

Même lorsque nous utilisons des câblages, des hélicoptères et, bientôt, des dirigeables électriques, nous avons encore besoin de camions, et donc, de routes, pour transporter les grumes. Or, les départements, confrontés à des problèmes budgétaires, font l’impasse, parfois compréhensible, sur la réparation et la rénovation de nombreuses routes, qui se retrouvent alors interdites d’accès aux grumiers, monsieur le ministre. Cela pose d’ailleurs problème aussi bien à l’Office national des forêts qu’aux forêts privées.

Si l’on peut parfaitement comprendre que les départements ne surinvestissent pas dans les routes départementales, il est nécessaire d’y permettre l’accès de certains camions – une fois par an au moins, au moment de chaque campagne de récupération de grumes.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Absolument !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous devons valoriser notre filière bois, mais pas de n’importe quelle façon. Nous lui avons déjà donné un coup de pouce, mais nous ne devons pas oublier qu’elle emploie parfois des travailleurs détachés et utilise souvent des bois d’importation. On observe en la matière que, bien souvent, le bois français est exporté pour être réimporté après transformation. Je prendrai ici l’exemple des parquets, qui sont construits hors d’Europe, parfois avec du bois venant d’Europe – notamment en Asie –, et vendus moins cher que ceux construits en Europe même. Ces parquets sont fabriqués selon des process qui ne respectent pas la directive REACH, que nos industriels, eux, respectent. C’est injuste. C’est de la concurrence déloyale !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Tout à fait !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est pourquoi je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir accepté un amendement instaurant un minimum d’équité en la matière.

Il est vrai que, génération après génération, le morcellement de la propriété ne joue pas en faveur d’une filière qui peine à parler d’une même voix et qui, de fait, ne dispose pas d’armes efficaces pour faire face à la concurrence et aux autres obstacles qu’elle rencontre. C’est presque une légende, mais il faut sortir la forêt française de son cocon seulement patrimonial. L’aval de la filière doit accepter que les propriétaires trouvent enfin un intérêt économique à la valorisation sylvicole de leurs forêts.

Votre loi, monsieur le ministre, nous propose un équilibre harmonieux pour la forêt comme pour l’agriculture : la fonction économique, la fonction environnementale et la fonction sociale.

C’est une grande loi, une loi qui va, j’en suis certain, donner une visibilité à nos agriculteurs, car oui, chers collègues, le métier d’agriculteur est un métier d’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Monsieur le président, messieurs les ministres, madame et messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission des affaires économiques et cher François, si la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis du projet de loi d’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt et si elle en a examiné vingt-deux articles, c’est qu’elle a estimé que les politiques en faveur de l’agriculture, de l’industrie agroalimentaire et du secteur forestier avaient évolué : d’un modèle productiviste, qui cherchait avant tout à répondre aux besoins alimentaires de notre pays, à la nécessité de diversifier les productions et au souci d’exporter – modèle qui a effectivement atteint ce triple objectif –, nous sommes passés à des politiques prenant en compte la qualité des productions et privilégiant le respect tant de l’environnement que de l’aménagement des territoires.

Nos débats en commission ont traité de questions simples. Quel type d’agriculture voulons-nous pour les prochaines décennies et comment y parvenir ? Comment trouver un bon équilibre entre exigences économiques, impératifs sociaux, attentes sanitaires des consommateurs et enjeux territoriaux ? En d’autres termes, comment nos exploitations agricoles et forestières pourront-elles concilier performances économiques et performances environnementales ?

C’est bien dans ce cadre que le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt vise, d’un côté, à renforcer la compétitivité des filières agricoles, agroalimentaires et forestières grâce à des outils rénovés de gestion, de régulation et d’organisation, et de l’autre côté, à prendre en compte les enjeux liés à la transition écologique.

Le projet agro-écologique pour la France, que vous êtes venu, monsieur le ministre, présenter au printemps devant la commission du développement durable, structure votre projet de loi dont il inspire bien des dispositions. C’est un outil essentiel pour rendre notre agriculture durable à un triple sens et à un triple niveau. Triple sens : économique, social et environnemental ; triple niveau : national, européen et mondial.

Nos débats ont permis et, je l’espère, permettront d’éviter cette propension fréquente à opposer performance écologique et performance économique, qui, nous le savons, n’est pas porteuse d’avenir pour notre agriculture.

Durant toutes les décennies où l’accent a été mis sur les niveaux de la production agricole et sur la diffusion de techniques simples, les questions environnementales ne bénéficiaient d’aucune priorité. Ce n’est que tout récemment que des évolutions sont apparues et que des expériences positives, conduites par des agriculteurs soucieux d’une agriculture adaptée aux écosystèmes ont été reconnues ! Or, si nous voulons faire face à ce double défi, nous devons réfléchir à de nouveaux modèles de production qui intègrent d’emblée les objectifs économiques et écologiques et qui ne les opposent pas.

Nommer « d’avenir » un tel projet de loi conduit naturellement à accorder une priorité au renouvellement des générations, à la formation et à l’installation des jeunes agriculteurs et à promouvoir de nouvelles dynamiques comme les groupements d’intérêt économique et écologique.

L’avenir repose aussi sur une meilleure prise en compte des enjeux actuels, en particulier l’introduction de clauses environnementales dans les baux, les conditions d’élaboration et le contenu du plan régional de l’agriculture durable et la composition et les pouvoirs des commissions départementales de consommation des espaces agricoles. Comme l’a souligné notre rapporteur pour avis Jean-Yves Caullet, que je remercie de son engagement en faveur du texte, c’est sur le titre consacré à la forêt que la commission du développement durable s’est le plus impliquée, adoptant un grand nombre d’amendements repris par la commission des affaires économiques, ce dont je me félicite.

En effet, nous avons mis en avant le potentiel économique de la forêt française et de la filière bois, matériau renouvelable par excellence, tout comme les atouts environnementaux de ce milieu en matière de fixation et de stockage du carbone, de préservation de la biodiversité et de gestion du cycle de l’eau ou de la qualité de l’air, comme l’a très bien rappelé Jean-Yves Caullet. L’idée essentielle à retenir, c’est qu’une gestion durable de la forêt contribue à la lutte contre le changement climatique.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le texte présenté par le Gouvernement est ambitieux. Nos travaux ont soutenu et accentué son ambition. Nous avons suivi les propositions de notre rapporteur visant à conforter et prolonger les dispositions initiales et donné un avis favorable à l’adoption du projet de loi. C’est pourquoi je demande à l’Assemblée d’adopter le texte d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et GDR.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter, au nom du groupe UMP, la motion de rejet préalable de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Comme je l’ai dit en commission, le projet de loi n’a d’avenir que le nom. À ce propos, le parallèle avec la loi d’orientation agricole du 9 juillet 1999 est saisissant. Quinze ans plus tard, un gouvernement de gauche nous ressert le même plat, à peine réchauffé par un chapitre spécifiquement consacré aux outre-mer ! Quinze ans plus tard, vous faites mine de penser que le monde n’a pas bougé, chers collègues socialistes, et que notre économie reste tranquillement barricadée derrière une ligne Maginot douanière ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Exit la mondialisation des échanges, oubliés l’apparition de l’euro et l’élargissement de l’Union européenne ! L’accroissement du poids de la Chine, de la Russie, du Brésil et de l’Afrique du Sud dans le commerce agricole ne semble pas vous concerner. Vous ne vous intéressez pas davantage aux conséquences du printemps arabe. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Au contraire, vous n’envisagez l’agriculture que dans une France repliée sur elle-même, préoccupée par ses angoisses du lendemain et incapable de prendre le risque de croire en l’avenir !

La loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 était porteuse d’un message de confiance dans la capacité de nos agriculteurs et de notre industrie agroalimentaire à relever les défis issus du changement de contexte européen et mondial et à en tirer le meilleur parti. Le projet de loi que vous nous soumettez, monsieur le ministre, est bien loin d’une telle ambition. En quinze ans, le parti socialiste n’a rien pensé ni imaginé de neuf. D’ailleurs, M. le rapporteur entend nous convaincre que tout était déjà écrit sur les parois de la grotte de Lascaux. Fût-ce en clin d’œil, c’est un signe ! (Rires. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En lieu et place du contrat territorial d’exploitation institué en 1999, vous nous proposez à présent les GIEE. Fort bien, mais les enjeux ont changé. L’objectif de concilier production et respect de l’environnement n’en était alors qu’à ses premiers balbutiements. Nous n’en sommes plus là, heureusement. L’écoconditionnalité des aides de la PAC, les mesures réglementaires prises dans le cadre des lois sur l’eau, la multiplication des contrats MAE ou des actions volontaires des agriculteurs comme la conversion bio, l’agriculture raisonnée et plus récemment les fermes Dephy Ecophyto, tout cela démontre que la préoccupation environnementale est aujourd’hui omniprésente.

En quinze ans, la profession agricole s’est mise en marche vers un mieux disant environnemental. Les pratiques ont changé, les mentalités aussi et j’ose dire que nos agriculteurs, plus que quiconque, se sont hissés à l’avant-garde de la révolution écologique. D’ailleurs, ont-ils le choix ? Leur métier est concerné au premier chef par le changement climatique. Dès lors, arrêtons de tenir les discours accusateurs qui sont une rengaine de la gauche. Aux yeux des socialistes, un producteur agricole est d’abord présumé coupable d’atteinte à l’environnement et doit se repentir ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Eh oui !

M. Antoine Herth. Une telle vision manichéenne ne sert qu’à cacher votre pauvreté conceptuelle et votre décalage patent avec les réalités du terrain, chers collègues socialistes ! Certes, vous usez de mots savants, comme celui d’« agro-écologie ». Mais n’est-ce pas une tautologie ? L’agronomie n’est-elle pas une forme d’écologie dès lors qu’elle désigne l’interaction entre l’homme, le sol, le climat et les plantes ? Ajouter le terme d’« écologie » à celui d’« agronomie » n’apporte rien d’autre qu’un doute sur vos intentions !

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. Antoine Herth. Le texte gagnerait en lisibilité si le Gouvernement disait clairement quels sont ses objectifs. S’agit-il de promouvoir une agriculture écologiquement intensive ou de verser dans la décroissance ? Cette question nous ramène au fameux GIEE. De votre aveu même, monsieur le ministre, le concept est né un soir de brainstorming dans l’une des officines de votre formation politique. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.) Il en devint dès lors le cri de ralliement et plus probablement le plus petit dénominateur commun entre des courants et des chapelles en désaccord sur l’essentiel, et les agriculteurs sont priés de le mettre en application !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ce n’est pas vrai !

M. Antoine Herth. Mais de quoi s’agit-il ? D’une nouvelle forme de GIE ? Pas exactement, car il n’en respecte pas la forme juridique. Une nouvelle forme de CETA, peut-être ? Mais pourquoi réinventer l’eau chaude alors que le monde agricole a su s’organiser depuis des décennies en groupements de développement agricole, centres d’études techniques agricoles et autre CUMA pour partager moyens et expériences au profit de l’environnement ?

M. Philippe Le Ray. Exactement !

M. Antoine Herth. Je n’ai toujours pas compris l’intérêt de la nouvelle structure. Certes, elle recèle bien une carotte, la possibilité d’une majoration des aides. Mais là encore, c’est flou. Il n’est nulle part précisé de quelles aides ni de quelle majoration il s’agit. On en vient à se demander si vous avez réellement envie d’assumer la paternité de cette matière molle qu’est le GIEE, monsieur le ministre. Véritable auberge espagnole de votre politique agricole où chacun peut trouver ce qu’il y apporte, il devait être la mesure phare de la loi d’avenir pour l’agriculture mais est déjà moribond et en passe d’être rangé dans un cabinet de curiosités, malheureusement pour vous. Qu’est donc devenue la motivation de M. le ministre ? Serait-il soudain saisi d’un doute quant à l’intérêt du dispositif, au point de ne même plus prendre la peine d’étayer le sujet ni d’avancer des arguments en sa faveur ? Le GIEE est à l’image de l’ensemble du texte de loi : une fausse bonne idée qui tente de répondre à une véritable erreur d’analyse de la situation agricole.

M. Philippe Le Ray. Très bien !

M. Antoine Herth. Le projet de loi repose sur trois postulats qui me semblent faux. Le premier concerne le marché, le second la politique agricole commune et le dernier le rôle de l’État. En matière de marché agricole, le rapporteur nous vantait en commission votre « volonté de reconquérir le marché intérieur », monsieur le ministre. L’idée est a priori intéressante et constitue même le point nodal de notre débat, car votre vision du futur en découle. Qu’est-ce au juste, le marché intérieur ? Le marché paysan du samedi au chef-lieu de canton ? Assurément. Les circuits courts orientés vers la restauration collective scolaire ? Également. Les paniers fraîcheurs initiés par les AMAP et depuis largement copiés ? Bien entendu.

M. Germinal Peiro, rapporteur. C’est surtout l’importation de la moitié des fruits et légumes et de 60 % de la viande bovine !

M. Antoine Herth. Mais vous savez comme moi, monsieur le ministre, que tout cela ne représente qu’une part minime de la production et de la consommation nationales. D’ailleurs, ces modes de commercialisation n’ont pas attendu que vous écriviez une loi pour se développer. Plus que l’État, ce sont les collectivités locales de gauche comme de droite qui ont accompagné leur montée en puissance. Existe-t-il encore des marges de développement ? Oui, selon nous, mais nous partageons la prudence exprimée par les producteurs eux-mêmes. Généraliser créerait un risque réel de déséquilibre entre l’offre et la demande qui menacerait les marges, y compris dans le secteur bio. S’il faut faire un effort massif de développement de l’agriculture paysanne afin de satisfaire le marché local, c’est probablement dans les outre-mer.

Certes, vous avez prévu un volet spécifique à ces départements dans le projet de loi, monsieur le ministre, mais, si j’en crois mes collègues ultramarins, il n’est pas à la hauteur des attentes et bien loin de la loi « outre-mer » tant espérée. C’est probablement une occasion manquée. Mais revenons à la notion de marché intérieur. Les circuits majeurs de consommation alimentaire français s’inscrivent dans une autre dimension que les marchés locaux, celle du marché intérieur européen, qui représente l’essentiel des débouchés de la production nationale. C’est dans cet espace économique que s’appliquent les normes et les traités, en particulier les règles douanières, et que les biens et les personnes peuvent librement circuler, comme le prévoit le traité de Rome de 1957.

Laisser croire, comme vous le faites, que le marché intérieur correspond à l’Hexagone est tout simplement une hérésie remettant en cause l’engagement européen de la France vieux de six décennies. Surtout, cela démontre que le parti socialiste et ses coalisés n’en ont toujours pas fini avec les vieux démons du rejet de la Constitution européenne et de la tentation du repli sur soi. S’il faut reconquérir un marché intérieur, c’est bien celui de l’Europe. Dès lors, il faut à tout prix éliminer les distorsions de concurrence qui empêchent les producteurs agricoles et les industries agro-alimentaires français de profiter davantage de ses débouchés.

Malheureusement, vous faites tout le contraire, monsieur le ministre. Tous vos choix politiques successifs vont à l’encontre de cette nécessité, en particulier la suppression d’un trait de plume de la TVA emploi votée par le gouvernement précédent sous prétexte de ne pas pénaliser le pouvoir d’achat des Français. Depuis lors, chacun a constaté qu’en dépit des promesses la TVA a massivement augmenté au 1erjanvier dernier. Votre posture apparaît enfin au grand jour comme le plus bel exemple de cynisme politique du quinquennat !

M. Jean-Paul Bacquet. Allons donc !

M. Antoine Herth. Quant au CICE, c’est une épée de bois totalement inadaptée aux enjeux agricoles. Manifestement, combler le fossé social entre pays européens ne fait pas partie de vos préoccupations, monsieur le ministre. Certes, l’Allemagne s’apprête à adopter le SMIC. Le dumping social diminuera donc outre-Rhin, mais demeurera en Espagne et en Italie. Dès lors, ne vous étonnez pas que les Français vous fassent si peu confiance. Leur avenir, le fait, par exemple, d’avoir un emploi ou d’être au chômage, ne dépend plus des décisions du gouvernement français mais de choix politiques faits à l’étranger, ce qui s’appelle une capitulation. À défaut d’avoir quelque chose à dire sur les grands sujets, vous pourriez peut-être vous attaquer aux sujets secondaires. Mais vous n’êtes pas davantage au rendez-vous. Ainsi, en matière de protection des cultures, le projet de loi multiplie les contraintes réglementaires au lieu de donner accès à nos agriculteurs aux mêmes produits phytosanitaires que leurs voisins.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce n’est pas vrai !

M. Antoine Herth. Pire, vous vous débarrassez de la gestion des autorisations de mise sur le marché dont vous avez la tutelle, monsieur le ministre, pour la confier à la seule ANSES sans apporter de garantie quant à l’accélération du traitement des demandes ni à la question difficile des usages orphelins. Il existe d’autres exemples de pression réglementaire. Alors même qu’il faudrait réduire les contraintes issues de l’application de la directive nitrate, vous créez une nouvelle obligation déclarative pour l’ensemble des engrais azotés, avant d’imaginer, peut-être, une taxe sur les azotes. Non seulement le projet de loi ne favorise pas la compétitivité, mais il affaiblit la production française sur le marché européen. Vous avez pourtant rencontré les « Bonnets rouges » de Bretagne, monsieur le ministre. N’avez-vous rien entendu ? Ils ne demandent pourtant pas autre chose que vivre de leur production. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Bacquet. C’est ce que vous disiez à propos des quotas laitiers !

M. Michel Vergnier. Vous n’avez pas changé !

Mme Laure de La Raudière. Vous non plus !

M. Antoine Herth. Ils auraient pu ajouter que le marché intérieur européen, c’est bien, mais qu’il ne faut pas oublier le marché mondial, débouché qui est depuis longtemps une réalité pour le vin et les céréales français. De nouvelles perspectives se présentent aujourd’hui à d’autres secteurs, par exemple le lait. Alors que le prix qui a cours en France est de l’ordre de 320 euros par tonne, des volumes importants peuvent être exportés vers des pays tiers pour 400 euros, voire 500 euros par tonne. Qu’attendons-nous pour saisir ces occasions alors que l’heure de la fin des quotas approche ? Qu’attendez-vous, monsieur le ministre, pour expliquer à vos amis que le monde a changé et que la notion de marché n’est pas univoque ? Qu’attendez-vous pour proposer un texte qui redonne de l’élan à la ferme France ?

M. Michel Vergnier. Le monde a changé, mais pas vous !

M. Antoine Herth. Une autre ligne de front est celle occasionnée par la frilosité des élus de gauche au sujet de la transformation des produits agricoles, une frilosité qui vous pousse à prôner, en la matière, un changement radical de perspective. L’un des grands acquis de cinquante ans de politique agricole commune, c’est bien la possibilité donnée aux industries privées et aux coopératives de développer la transformation des produits agricoles abondants et normés, avec à la clé la création de nombreux emplois, de même qu’une alimentation de qualité et bon marché pour toute la population.

Avant d’être une politique pour les agriculteurs, la politique agricole commune a été voulue par l’Europe comme une politique d’abondance alimentaire pour les consommateurs.

Dès lors, les aides de la PAC sont d’abord à comprendre comme une sorte de dividende que la société reverse aux agriculteurs pour leur apport essentiel à cette chaîne de valeur. Cela n’épuise pas le débat sur les modalités d’allocation de ces primes, par exemple les compensations de handicaps dans les zones de montagne. Cela n’empêche pas non plus d’envisager un plafonnement ou une dégressivité des aides. Mais en partant d’un postulat erroné, vous avez opté pour un mode d’allocation inutilement complexe, notamment en surprimant les 52 premiers hectares et en donnant aux seuls GAEC la transparence.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Ah ça, ça ne vous plaît pas !

M. Antoine Herth. Si mon propos n’est pas de contester la convergence des aides – elle est nécessaire –, je suis en désaccord avec la méthode retenue : on pouvait faire plus simple avec moins d’effets pervers. C’est d’ailleurs pour cette dernière raison que votre projet de loi revient si longuement sur la définition des types de GAEC éligibles, sur le contrôle des structures ainsi que sur le pouvoir de préemption des SAFER. Il n’y a là qu’un seul et même but : éteindre le feu que vous avez imprudemment allumé. À moins que certains ne rêvent d’une réforme agraire, comme on a pu s’en apercevoir lors des questions d’actualité – une bonne vraie réforme agraire de gauche !

Enfin, notre dernier point de désaccord fondamental est celui suscité par votre vision du rôle de l’État. Pour vous, l’État et les collectivités territoriales ne sont pas seulement arbitres : ils deviennent aussi des acteurs de la politique agricole. Et comment comprendre la manière dont vous reformulez la politique d’aide à l’installation ? Là encore, l’État, soutenu par les collectivités locales, entend décider de tout. Il fixe les objectifs en nombre – vous avez parlé de 10 000 installations par an, monsieur le ministre –, va trouver les candidats hors du monde agricole, leur donne les outils de production – c’est ce que disait tout à l’heure M. le rapporteur – et, pourquoi pas, leur désigne le marché à fournir.

J’imagine d’ici la tête des préfets lorsqu’ils se verront notifier leur objectif annuel d’installations. Je parie qu’ils seront peu regardants sur la viabilité économique de ces créations d’exploitations agricoles, pourvu qu’on fasse du chiffre ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Germinal Peiro, rapporteur. Le chiffre de la droite, c’est 25 % d’exploitations agricoles en moins en dix ans !

M. Antoine Herth. Dans le même temps, vous démobilisez la profession agricole, qui s’était historiquement investie sur ce dossier. Certes, elle ne produisait « que » 6 000 installations par an, mais c’était toujours des dossiers sérieux, présentant un taux de réussite à faire pâlir d’envie tous les autres secteurs économiques.

Derrière le masque de cette nouvelle politique d’installation se cache le visage d’un État omnipotent, qui ne se contente pas de réglementer et de subventionner, mais qui veut décider de tout dans le moindre détail, y compris de la vie et du destin des gens. Pour vous, un agriculteur n’est que l’exécutant d’une politique décidée sous des lambris dorés, un simple pion qu’on pousse sur l’échiquier. Mes chers collègues, je vous le dis sans détour : d’autres, avant vous, ont eu ce genre d’idées, qui ont toujours débouché sur des catastrophes économiques et humaines.

Enfin, vous affirmez vouloir défendre l’exploitation familiale. Mais à quoi faites-vous référence ? À l’image bucolique du passé où monsieur et madame trayaient les vaches pendant que grand-père s’occupait des lapins et des poules ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C’était le temps où l’on ne choisissait pas d’être paysan : on l’était par naissance, c’était un statut social, souvent une fatalité. La jeune génération, elle, n’aspire pas à cette confusion entre la vie privée et l’activité professionnelle. D’ailleurs, l’un des conjoints choisit souvent de travailler hors du monde agricole.

En vérité, l’un des outils majeurs de cette conquête de liberté est l’émergence de l’agriculture sociétaire, commencée avec les GAEC avant que les EARL et, aujourd’hui, d’autres types d’entreprise, ne fassent à leur tour leur apparition – selon les propres mots du président Brottes, il s’agissait de sortir l’agriculture de son cocon patrimonial. Ces sociétés ont l’immense avantage de distinguer les biens privés de la famille des outils strictement professionnels. À travers elles, l’agriculteur s’est révélé entrepreneur.

C’est là un progrès social majeur, que le parti socialiste a pourtant décidé de bannir, tant par une répartition des aides de la PAC défavorable à ces sociétés que par une fiscalité sociale confiscatoire. Pour vous, en dehors du GAEC – et encore : certains d’entre vous ne tolèrent pas même cette forme de société –, la société agricole, c’est le diable ! J’affirme, quant à moi, que c’est la meilleure façon de protéger le présent et l’avenir des familles d’agriculteurs.

Ce qui, au fond, me choque le plus, c’est le regard condescendant que vous portez sur les paysans d’aujourd’hui. Avant d’être des acteurs économiques, ils doivent, selon vous, démontrer leur fidélité aux traditions des terroirs de France. Personnage quasi mythique sur lequel la société projette tantôt ses aspirations au retour à la nature, tantôt ses frustrations et ses critiques, l’agriculteur est, en quelque sorte, le nouveau « bon sauvage » dont nous parlait Jean-Jacques Rousseau.

Voilà le commentaire qu’en fait l’universitaire canadienne Jany Boulanger : « Le mythe du bon sauvage est associé à la période des grands bouleversements de la révolution industrielle – réorganisation sociale, développement technologique, productivité, propriété privée –, il représente un havre de paix pour toutes les âmes agitées par un futur incertain » – le genre d’âmes qui, à mon avis, ne manquent pas à gauche ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Bacquet. Mais qui a bien pu lui écrire cela !

Mme Isabelle Le Callennec. Il sait de quoi il parle ! Cela nous change un peu ! (« Ah, ça les gêne ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Antoine Herth. Mes chers collègues, dans la période de révolution économique que nous traversons, ne tombons pas dans le travers d’une vision fantasmée des réalités. La nostalgie est mauvaise conseillère lorsqu’il s’agit d’explorer des chemins nouveaux. Notre assemblée écrit la loi. Celle-ci doit reposer sur une analyse lucide des difficultés de notre temps, et apporter des réponses claires dans l’intérêt de tous. Aux yeux du groupe UMP, ce projet de loi d’avenir de l’agriculture n’en prend pas la direction. Il ne propose aucune des mesures vigoureuses permettant à notre économie agricole de reprendre la place qu’elle mérite. Aussi, mes chers collègues, je vous invite à le rejeter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je souhaite effectivement répondre à cette motion de rejet, d’abord pour souligner le changement entre le discours tenu en commission et les paroles prononcées ce soir en séance publique. À vous entendre, monsieur Herth, des changements énormes se seraient produits ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Antoine Herth. Nous avons simplement pris le temps de réfléchir !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Si j’ai bien compris, vous parliez au nom de Christian Jacob, qui a dû vous donner une très forte impulsion. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Le Ray. Le texte est tellement sournois qu’il nous a fallu du temps pour l’analyser !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Plusieurs questions ont été soulevées. D’abord, à vous entendre, la majorité ne se serait pas aperçue du fait que le monde s’était mondialisé. Je tiens à souligner que j’ai repris les propositions qui avaient été faites dans le cadre d’un G20. Bruno Le Maire, ici présent, avait mis en place des outils encore utilisés de nos jours, notamment par le ministre que je suis.

Puisque vous avez évoqué la révolution arabe, je vous annonce que le travail que nous avons engagé dans le cadre du Salon international de l’agriculture au Maroc – le SIAM – va consister à mettre en place des outils équivalents à l’échelle de la Méditerranée, afin que nous soyons en mesure de mieux coordonner les politiques agricoles au sein du bassin méditerranéen, qui constitue le cadre d’enjeux stratégiques. Vous pouvez donc être rassuré, monsieur le député : nous avons parfaitement intégré la notion de mondialisation, et les voyages effectués en Chine et ailleurs démontrent que nous avons ouvert aux filières françaises des voies qui leur étaient jusqu’à présent fermées – je pense notamment à la filière porcine française en Chine.

En ce qui concerne l’agroécologie, un vrai sujet que vous avez cherché à caricaturer – c’est votre droit –, un changement majeur est intervenu. Je constate, d’abord, qu’à la suite de l’appel à projets qu’il avait lancé à ce sujet, le ministère de l’agriculture a reçu 469 dossiers, parmi lesquels il va sélectionner 100 ou 110 projets dans les semaines qui viennent. Chaque projet représente, en moyenne, quinze à vingt exploitations et, au total, entre 5 000 et 10 000 exploitations ont répondu à l’appel à projets. L’agroécologie, c’est la combinaison de trois aspects : l’économie, l’écologie et la dimension sociale et collective.

Vous feignez de croire que les groupements d’intérêt économique et environnemental ne servent à rien. Cependant, depuis cinquante ans, il n’y a pas eu une seule proposition visant à réorganiser et à redynamiser la dimension collective de l’activité agricole. Avec l’appel à projets que nous avons lancé, c’est la première fois qu’un acte politique vient souligner l’importance de cet enjeu essentiel qu’est la capacité des agriculteurs à s’organiser de manière collective pour répondre aux trois aspects que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Le Ray. C’est du bla-bla, tout ça !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je me suis rendu en Ardèche, et j’ai invité un grand nombre de journalistes à me suivre. Il me semble qu’il est pour le moins mal fondé de m’accuser de faire preuve de condescendance à l’égard des agriculteurs, car j’ai pris, depuis longtemps, l’habitude d’aller discuter avec eux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je suis même titulaire d’un brevet de technicien supérieur agricole – ce qui n’est pas le cas de tout le monde ici…

M. Antoine Herth. C’est le mien, en tout cas !

M. Stéphane Le Foll, ministre. …et je connais donc parfaitement le milieu agricole, pour lequel je n’ai aucune condescendance, mais au contraire un grand respect.

Ce que j’ai vu en Ardèche, c’est 52 établissements qui se sont organisés en un groupement d’intérêt économique et environnemental, dans le but d’organiser leur production en réduisant collectivement le recours aux intrants – les pesticides –, en cultivant la luzerne, en mettant en œuvre des techniques de désherbage mécanique de la vigne et en développant la méthanisation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est de tels projets que nous souhaitons mettre en avant, considérant que les contraintes, notamment de nature environnementale, ont jusqu’ici pesé de manière individuelle sur chaque agriculteur, chaque exploitation prise individuellement. Nous devons au contraire faire en sorte que tout soit partagé, et que les agriculteurs deviennent les acteurs de la mutation en cours, qui doit aboutir à la combinaison entre compétitivité, écologie et développement social. C’est cela, le changement que constituent nos propositions ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Le Ray. C’est du rêve, tout ça !

M. Patrick Hetzel. Et de toute façon, ce n’est pas dans le texte !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je comprends que, trop occupés à vous livrer à une caricature de l’action de la majorité, vous ne puissiez percevoir l’intérêt de nos propositions. Cela étant, si la droite parle beaucoup de compétitivité, qui est responsable de la perte de parts de marché à l’exportation pour l’agriculture et l’alimentaire qu’a subie la France au cours des dix dernières années ? Qui, sinon vous, qui étiez aux responsabilités durant ces dix années ?

M. Germinal Peiro, rapporteur. Eh oui !

M. Antoine Herth. Mais qui a mis en place les 35 heures ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous ne pouvez donc pas nous reprocher d’avoir oublié la mondialisation, quand vous avez vous-mêmes échoué en termes économiques et d’exportation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Chacun doit assumer ses responsabilités !

Vous avez évoqué un certain nombre de sujets relatifs à l’économie, à l’écologie, aux groupements d’intérêt, mais aussi à la fiscalité. En ce qui concerne la TVA, que vous vouliez augmenter tout en baissant les charges sociales, vous nous avez reproché de ne pas tenir suffisamment compte de la notion de compétitivité. Je vous rappelle que le crédit d’impôt compétitivité emploi, c’est un effort de 20 milliards d’euros ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Vigier. Mais sur combien d’années ?

M. Antoine Herth. Et ça ne marche pas !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le député, si le crédit d’impôt compétitivité emploi ne marchait pas, cela ne concernerait pas l’agriculture et l’agroalimentaire. Je vous rappelle un chiffre tout simple : c’est un milliard d’euros qui va être mis à la disposition de l’agriculture et de l’agroalimentaire.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Écoutez ! Un milliard d’euros !

Qui pourrait prétendre que cela ne sert à rien ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. C’est une mesure utile, et vous ne pouvez pas dire que nous n’avons pas pris en compte la dimension de la compétitivité ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Je trouve donc que, dans cette motion de rejet préalable, mis à part quelques éléments sur lesquels on pourrait discuter, comme l’ANSES, la question de la sécurité et du sanitaire, ou la question de la simplification… mais je vois que M. Le Fur est parti.

Mme Isabelle Le Callennec. Il vous écoute !

M. Patrick Hetzel. Il va revenir, ne vous inquiétez pas !

M. Stéphane Le Foll, ministre. M. Le Fur avait déposé un amendement qui avait été rejeté à une large majorité à l’Assemblée voilà quelques années lorsque l’opposition était majoritaire. Aujourd’hui, nous avons fait progresser les choses. Nous n’avons pas suivi la position de M. Le Fur : nous avons mis en place un système plus simple…

Mme Laure de La Raudière. C’est faux !

M. Stéphane Le Foll, ministre. … qui se situe entre la déclaration, l’enregistrement et l’autorisation.

M. Philippe Le Ray. C’est faux ! Allez le demander aux producteurs laitiers !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce que vous n’aviez pas été capables de faire, nous sommes en train de le faire, et ce sans remettre en cause les objectifs environnementaux, car personne ici ne pourrait accepter qu’au travers de la simplification ces objectifs soient remis en cause.

Sur les matières organiques et les pollutions, qui sont un enjeu majeur, les propositions avancées dans ce projet de loi sont novatrices, en particulier s’agissant de l’azote total et pour la Bretagne. Envisager la possibilité de substituer l’azote organique excédentaire à l’azote minéral, voilà un vrai changement qui permet de tenir compte à la fois de l’économique et de l’écologique.

M. Philippe Le Ray. Ce n’est pas une raison pour imposer un fichier à toute la Bretagne !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Si tel n’est pas votre avis, il faudra que nous y revenions et que j’explique à nouveau cette mesure.

Tels sont les enjeux auxquels répond ce projet de loi, en mobilisant tant l’enseignement et la recherche que l’innovation, des leviers grâce auxquels la France, comme je l’avais souhaité, est un leader à l’échelle européenne. Cela nous a conduits à passer un accord avec la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, et à participer à l’organisation de la conférence qui aura lieu à Rome sur cette grande question de l’agroécologie.

Mme Isabelle Le Callennec. Un colloque…

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je voudrais rappeler, en particulier parce que M. le Maire est présent, la discussion que j’ai eue ce matin avec le ministre allemand de l’agriculture, membre de la CSU, l’Union chrétienne-sociale. Il s’engage lui aussi dans l’agroécologie et va participer avec nous à la préparation de cette conférence sur la double performance agricole et écologique. Je voudrais surtout vous rappeler, messieurs les députés de l’opposition, que ce ministre CSU est celui qui a mis en œuvre la surprime des premiers hectares en Allemagne. Il a expliqué et défendu ce système ce matin au cours de la conférence de presse que nous avons organisée ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Il y a donc en Europe une droite beaucoup plus progressiste que celle que nous avons en France.

M. Philippe Le Ray. Les agriculteurs veulent des prix, pas des primes !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Telle est la réponse que je souhaitais apporter. Ces débats méritent mieux qu’une caricature. Si je respecte les positions avancées par chacun, je regrette que certains s’en tiennent à des poncifs et considèrent, comme vous l’avez fait tout à l’heure, qu’il y a d’un côté ceux qui s’occupent des poules et des lapins et, de l’autre, ceux qui suivent la question de l’exportation. Nous nous soucions tous ici de l’avenir de l’agriculture française. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Bacquet. Ah, il est bon M. Le Foll ! Cela change de ce que nous avons eu avant !

M. le président. Au titre des explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe écologiste.

Mme Brigitte Allain. Monsieur Herth, lorsque vous évoquez les dernières lois de modernisation agricole, êtes-vous fier des résultats obtenus ? Êtes-vous fiers du nombre croissant des cessations de paiement parmi les agriculteurs, confrontés à la fluctuation des prix et à un mauvais outil de négociation entre distributeurs et grande distribution ? Êtes-vous fiers du démantèlement total de toutes les organisations de marché ? Le démantèlement de la politique des structures auquel vous avez procédé, l’évasion fiscale et sociale que vous avez organisée, voire même légalisée,…

M. Jean-Pierre Vigier. Encouragée ?

Mme Brigitte Allain. …ne profitent qu’à une poignée d’agromanagers qui n’ont que faire de la durabilité des systèmes agricoles et de la production alimentaire.

M. Antoine Herth. Et que faites-vous de la progression de l’agriculture biologique ?

Mme Brigitte Allain. Dans mon département, le nombre d’installations a été divisé par deux ces dernières années et ceux qui se sont installés sont aujourd’hui aux abois. Alors oui, ce projet de loi apporte bien des réponses pour faciliter l’installation et favoriser la transition écologique et énergétique, qui est aujourd’hui la condition du retour à une agriculture économiquement viable et capable de relever les défis de l’avenir.

M. Jacques Lamblin. On verra !

Mme Brigitte Allain. Il faut encourager la relocalisation de nos productions alimentaires, car cela répond à la demande sociétale.

Concernant la politique des structures, l’accès au foncier, M. le ministre s’est engagé à permettre au débat parlementaire d’améliorer ce texte. C’est ce que nous allons faire et c’est pourquoi, bien évidemment, nous ne voterons pas cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Je pensais que, en prenant la parole, M. Antoine Herth allait sortir de sa poche un canif pour égratigner ce projet de loi. Il a finalement brandi un sabre pour s’attaquer à tous ses aspects. J’ai d’ailleurs constaté que dans cette mise en cause mécanique, automatique et totale, sans nuance, du texte de loi, il s’est précisément attaqué à ce que je considère comme étant positif.

Mme Émilienne Poumirol et Mme Catherine Quéré. Très bien !

M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas étonnant !

M. André Chassaigne. Je ne reviendrai pas en détail sur tous ces points car j’aurai l’occasion de les développer tout à l’heure lors de la discussion générale.

Je tiens cependant à préciser que, pour ma part, j’ai sorti de ma poche mon couteau de Thiers et j’ai gratté pour voir ce qu’il y avait derrière l’intervention d’Antoine Herth. Il y a un attachement viscéral à une seule dimension : le libéralisme, qui doit tout diriger.

Cela équivaut à considérer qu’il y a une forme d’hégémonie du marché. C’est le retour à une vision extrêmement conservatrice, à l’image de celle qui a été développée au début du dix-neuvième siècle par David Ricardo. Pour cet économiste anglais, ce qui importait surtout c’étaient les avantages comparatifs.

Mme Laure de La Raudière. Bravo !

M. André Chassaigne. Il estimait en effet que le marché, le prix devaient tout diriger en dépit de ce que cela pouvait avoir comme conséquences sur une population ou sur un territoire. Sur ce point, vous faites vraiment fausse route. Autant je peux considérer, et je le dirai tout à l’heure, que ce texte présente des insuffisances (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP),…

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela devient intéressant !

M. André Chassaigne. …autant j’estime qu’il est globalement positif, même si j’ose à peine utiliser cette expression car mon voisin et ami d’Issoire Jean-Paul Bacquet dira qu’elle n’est pas juste.

M. Jean-Paul Bacquet. C’est vrai ! Tu as raison, André !

M. André Chassaigne. Alors que dans certains pays le globalement positif a mené à la faillite, il est au contraire synonyme de cheminement vers une nouvelle agriculture pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre, je me félicite tout d’abord que le premier projet de loi que nous examinons cette année soit consacré à l’agriculture. C’est un bon moyen de souhaiter une bonne année aux agriculteurs, qui en ont bien besoin après les années de vaches maigres qu’ils ont connues. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je peux moi aussi manier l’humour, comme vous avez essayé de le faire tout à l’heure, chers collègues de l’opposition, même si nous avons démasqué votre double jeu. Les agriculteurs méritent une année bien meilleure que les années précédentes, au cours desquelles leur revenu n’a cessé de diminuer. Dans le même temps, le nombre d’exploitations n’a cessé de décroître tandis que leur dimension ne faisait qu’augmenter. Avec le présent texte de loi, nous voulons mettre fin à cette évolution.

M. Nicolas Dhuicq. Vous allez les tuer !

M. Michel Vergnier. M. le ministre avait d’ailleurs déjà annoncé à Cournon-d’Auvergne, lors du sommet de l’élevage, le rééquilibrage des aides entre les céréaliers et les éleveurs. À cet égard, nous n’avons pas peur de prendre nos responsabilités car cela était absolument indispensable compte tenu des revenus observés sur nos territoires.

Quand il n’y a plus de paysans, il n’y a plus de territoires. Or vous avez employé une seule fois le mot « paysan », ce qui a d’ailleurs dû être difficile pour vous, car vous préférez parler d’« agromanagers » lorsque vous évoquez cette profession.

M. Nicolas Dhuicq. Mais non !

M. Michel Vergnier. Nous savons bien comment vous parlez de cette profession ! J’attendais de vous une critique,…

M. Philippe Vigier. Comme sur la baisse du chômage !

M. Michel Vergnier. …et je n’ai été surpris ni par la forme ni par le ton que vous avez employés, mais vous avez opéré une destruction massive du texte ! Vous avez repris tous les arguments qui pouvaient le détruire. Est-ce ce que vous appelez avoir un débat parlementaire constructif ?

À l’instar d’André Chassaigne, j’attendais de vous que vous évoquiez un certain nombre de points sur lesquels vous auriez aimé que nous allions plus loin ; ce n’est pas du tout ce que vous avez proposé.

Mme Laure de La Raudière. Si nous avons déposé une motion de rejet préalable, c’est bien parce que nous ne sommes pas d’accord !

M. Michel Vergnier. Pour ma part, je crains que les territoires ruraux, ces territoires dont nous avons besoin et que nous aimons tant les uns et les autres, n’aient aucun avenir si nous nous en tenons à l’idée de l’agriculture que vous avez défendue par le passé et que vous défendez encore à travers vos propos.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous ne les défendez jamais, les ruraux ! Jamais !

M. Michel Vergnier. C’est pourquoi nous allons soutenir ce texte, monsieur le ministre. Plutôt que de proposer cette motion de rejet préalable, chers collègues de l’opposition, ne croyez-vous pas que vous devriez vous empresser de vous joindre à la discussion et de légiférer avec nous ? Nous pourrions ainsi, comme nous le souhaitons, améliorer le sort des agriculteurs de France, lesquels en ont bien besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Avant de donner la parole à l’orateur suivant, je vous informe que sur le vote de la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Daniel Fasquelle. Je suis surpris par ce que je viens d’entendre, car si Antoine Herth a développé de tels arguments, arguments qui nous ont convaincus mes collègues et moi-même, c’est parce qu’il défendait une motion de rejet préalable. Ne soyez donc pas surpris que, ce faisant, il s’appuie sur des arguments hostiles au texte que vous proposez.

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui !

M. Daniel Fasquelle. Je suis par conséquent étonné de la candeur de vos arguments. Il serait tout à fait regrettable que vous n’ayez rien d’autre à dire, car je n’ai entendu aucune remarque pertinente sur le fond en réponse à l’intervention de notre collègue Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Très bien !

M. Daniel Fasquelle. Ce vide renvoie malheureusement à la vacuité de ce texte. La vraie question est en effet de savoir si le présent projet de loi nous permettra de rendre notre agriculture plus compétitive et plus efficace, de créer des emplois ou d’en conserver, de créer de la richesse dans un secteur où la France a toujours excellé et où il y a aujourd’hui de véritables perspectives d’avenir. Il y a d’ailleurs peu de secteurs dont la demande va évoluer comme celle du secteur agricole. Or la réponse est non : ce projet de loi aux contours flous sème le doute et l’inquiétude.

Permettez-moi de répéter une expression que vous connaissez bien : quand il y a un flou, il y a un loup. Votre texte comporte donc un certain nombre de loups, car il est extrêmement flou. Il pourra donner lieu demain à quantité d’interprétations de la part de l’administration, du ministre qui aura à le mettre en œuvre par la suite ou, en cas de difficultés, des tribunaux, et nous regrettons que le législateur se dessaisisse ainsi de sa possibilité de fixer des règles claires et précises. Pour notre part, comme l’a fait Antoine Herth et comme le feront Laure de La Raudière et d’autres orateurs du groupe UMP, nous dénonçons le flou et les incertitudes qui entourent ce texte.

Surtout, ce texte n’est pas à la hauteur des défis que notre agriculture doit relever. Il suffit de lire l’article 1er pour s’en convaincre. Dans la version initiale du projet de loi, il n’était même pas fait référence à la capacité d’exportation de notre agriculture. Il a fallu des débats et des amendements en commission pour que cette dimension soit inscrite dans le texte.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Pas du tout !

M. Daniel Fasquelle. Mais si, monsieur le ministre : j’ai sous les yeux le document qui le prouve. Un 5° a été ajouté en commission parce que vous aviez omis, ce qui est tout de même assez incroyable, de rappeler la vocation exportatrice de notre agriculture ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est la vérité, voilà d’où nous partons !

Je rappellerai les défis que nous devons relever, car vous semblez les avoir oubliés, alors que Bruno Le Maire, qui est à mes côtés, en avait parfaitement conscience quand il était ministre de l’agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je tiens à saluer, avec mes collègues, la politique que celui-ci a mené et dont la qualité a été reconnue par l’ensemble des agriculteurs de France, quelle que soit leur sensibilité. Il a en effet toujours été à leurs côtés et fait avancer les choses avec la loi qu’il a fait voter.

Parmi les défis auxquels je fais allusion, il y a tout d’abord le défi mondial. L’Europe a ouvert ses barrières, elle n’a d’ailleurs cessé de baisser la garde face à la compétition internationale, s’exposant ainsi à la concurrence mondiale. Quels sont les apports du texte sur ce plan ? Alors que les agriculteurs subissent aujourd’hui les effets du dumping social et environnemental extraordinaire qui existe à l’échelle mondiale, votre texte n’apporte aucune solution.

Puisque nous avons baissé la garde et ouvert nos frontières, nous pourrions en profiter, comme d’autres, pour exporter nos produits, qui sont appréciés partout dans le monde. Qu’y a-t-il dans ce texte pour permettre aux agriculteurs français de mieux exporter, de remporter des marchés, de nourrir les nouvelles bouches d’une population mondiale en augmentation ? Rien, malheureusement : vous n’êtes pas au rendez-vous du défi mondial, et ce n’est pas l’ajout d’un 5° à l’article 1er de ce projet qui en modifiera la teneur, car vous avez dès le départ méconnu cet enjeu.

Il y a aussi le défi européen. Antoine Herth l’a rappelé de façon extrêmement pertinente, notre agriculture évolue aujourd’hui dans un marché européen. Le dumping social et fiscal est réel. Qu’y a-t-il dans ce texte pour y répondre ? Rien. Vous nous avez expliqué en commission que vous aviez retravaillé la directive sur les travailleurs détachés. Cette directive est obligatoire pour le BTP mais pas pour l’agriculture. Et, surtout, elle ne va pas régler les problèmes de fond, c’est-à-dire le différentiel des charges sociales de 20 à 30 % entre la France et d’autres pays (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), et, d’ailleurs, cela n’empêchera toujours pas certains dans d’autres pays d’embaucher des salariés d’autres États membres à des prix extrêmement bas. Vous n’apportez donc aucune réponse concrète à la question du dumping social et fiscal à cause duquel notre agriculture perd du terrain en Europe et va malheureusement continuer à en perdre.

Vous avez raté le rendez-vous du défi mondial, vous avez raté le rendez-vous du défi européen, vous auriez pu réussir celui du défi français.

Notre réglementation est trop complexe et le Président de la République nous parle d’un choc de simplification mais, malheureusement, dans ce domaine comme dans les autres, il y a, d’un côté, le discours et, de l’autre, des faits qui sont à l’opposé. Ce texte, ce n’est pas un choc de simplification, c’est un choc de complexification pour notre agriculture, Marc Le Fur l’a démontré et le démontrera encore.

Sur le vrai sujet, les rapports entre nos agriculteurs et la grande distribution et certains industriels, on peut là encore être navré qu’il n’y ait pas de vraie réponse.

Vous auriez peut-être pu réussir le défi de la formation et de la recherche mais, à nouveau, au-delà des mots, votre texte est totalement creux.

En ce qui concerne la formation, d’un côté, vous nous proposez un texte pour soutenir la formation dans le domaine de l’agriculture et, de l’autre, dans le projet de loi de finances, votre gouvernement déstabilise les maisons familiales et rurales dans les zones de revitalisation rurale, sujet sur lequel je vous avais d’ailleurs interpellé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) À nouveau, il y a un décalage incroyable entre les discours et les faits. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Quant à la recherche, là aussi, des mots, des mots, des discours, des discours, absolument rien de concret. C’est pourtant un domaine dans lequel nous avons toujours excellé, dans lequel nous étions les meilleurs, et nous sommes en train d’être distancés partout dans le monde, mais vous n’avez pas su relever ce défi.

Puisque vous êtes alliés aux écologistes, nous aurions pu penser qu’il y aurait au moins une dimension environnementale dans votre texte. Là encore, il y a les mots mais, concrètement, votre texte est aussi creux sur ce plan. La gestion des risques n’est pas prise en compte, la garantie climat non plus, Antoine Herth l’a très bien démontré. Ce rendez-vous, vous l’avez également raté.

Vous avez donc raté le défi mondial, le défi européen, le défi français, le défi de la formation et de la recherche, et vous avez même raté le défi environnemental.

Nous sommes tous favorables aux circuits courts, nous les soutenons et nous les encourageons, mais ce n’est pas la solution à tous les problèmes de notre agriculture, il y a des sujets sérieux comme la limitation des intrants autour desquels nous devons évidemment tous nous mobiliser, pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement, mais, sous couvert de modernité, vous ne faites que rabâcher des mesures qui existent déjà, que nous avions déjà mises en place.

Votre texte nous propose en réalité une agriculture du passé, une agriculture frileuse, repliée sur elle-même, sans âme, alors qu’il nous faudrait au contraire un texte qui fasse preuve d’ambition et d’audace pour notre agriculture.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera la motion de rejet défendue par Antoine Herth. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe UDI.

M. Thierry Benoit. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe UDI a écouté attentivement l’argumentation d’Antoine Herth. Il souligne à juste titre des faiblesses et des lacunes de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture. Un rejet préalable du texte en bloc ne nous paraît cependant pas approprié. L’agriculture et les agriculteurs méritent que nous apportions des réponses aux questions qui se posent à eux.

De tout temps, les agriculteurs de France ont dû s’adapter et se sont adaptés. Vous êtes le gouvernement, vous êtes la majorité, vous êtes convaincus que ce texte apporte des réponses aux questions posées à l’agriculture française et aux agriculteurs. Nous en avons soulevé plusieurs cet après-midi et lors des débats en commission. Autant il nous paraît nécessaire de renvoyer le texte en commission afin d’approfondir certains sujets…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce n’est pas la même motion !

M. Thierry Benoit. Non, mais je fais un lien avec celle qui suit. Soyez patient, monsieur le président de la commission.

Antoine Herth a évoqué le groupement d’intérêt économique et environnemental. Pour vous, monsieur le ministre, c’est la solution pour l’avenir de l’agriculture mais, depuis bien longtemps, les centres d’études techniques agricoles et les groupements d’étude et de développement agricole apportent des éléments de réponse pertinents dans les territoires. La question qu’a posée le groupe UDI en commission et cet après-midi lors de la séance des questions au gouvernement, c’est si votre texte apporte des éléments de réponse concrets sur la compétitivité des exploitations agricoles françaises.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Thierry Benoit. Je ne le crois pas. Le texte apporte-t-il des éléments de nature à renforcer une agriculture de production en France et ainsi permettre à la France de tenir son rang de grande nation agricole en Europe et dans le monde ?

Plusieurs députés des groupes UMP et UDI. Non !

M. Thierry Benoit. Je n’en suis pas certain. Le texte qui nous est proposé est-il de nature à apporter des réponses en matière de simplification administrative,…

Plusieurs députés des groupes UMP et UDI. Non !

M. Thierry Benoit. …normative et réglementaire ? Je n’en suis pas certain.

Monsieur le ministre, nous allons dans les heures qui viennent approfondir les débats. Si j’écoute ce qui remonte des territoires, notamment lors des premières cérémonies de vœux auxquelles j’ai participé dans ma circonscription, la façon dont les agriculteurs interprètent la fameuse harmonisation des installations classées pour la protection de l’environnement est très grave. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.) Je leur explique qu’il y a une simplification et une harmonisation européenne, ils me répondent qu’à l’arrivée, il y aura plus de complexité. (« Exactement ! » et applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.) Je reposerai la question au cours des débats parce que ce sujet doit être clarifié. S’il y avait tromperie, ce serait très grave.

Ce texte sur l’avenir de l’agriculture pose également mal la question du renouvellement des générations et celle de l’installation. On fait aussi peu de cas de l’enseignement agricole, qui, comme je l’expliquais cet après-midi, doit être le laboratoire de l’agriculture en France.

Enfin, il est nécessaire d’assurer une bonne articulation entre l’agriculture française et donc la politique agricole de la France et la politique agricole commune.

Le groupe UDI s’abstiendra sur cette motion de rejet préalable (« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.) C’est en effet un sujet grave et important qui mérite d’être discuté dès maintenant et nous devons avoir un débat approfondi en commission avant de revenir dans l’hémicycle.

M. le président. Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants229
Nombre de suffrages exprimés226
Majorité absolue114
Pour l’adoption82
contre144

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, l’intérêt de notre assemblée pour l’agriculture est constant, sur tous les bancs, et le nombre de députés intervenant dans la discussion générale en est le premier signe. C’est à cause de la fonction première de l’agriculture, qui est d’assurer l’alimentation des populations. C’est aussi un secteur économique majeur pour la France, qui contribue au commerce extérieur par une production excédentaire et de qualité.

Malheureusement, le texte qu’il nous appartient d’examiner aujourd’hui n’est ni constructif, ni abouti, et il ne répond pas aux besoins de nos agriculteurs.

La politique développée au fil des articles semble issue d’un mélange de nostalgie de l’agriculture d’antan et de bons sentiments écologiques. En dépit de quelques titres trompeurs, elle ne traduit en aucun cas une vision économique et innovante de l’agriculture, adaptée à la vive concurrence européenne dans de très nombreuses filières. La France est passée de la première à la troisième place européenne.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Eh oui ! Enfin un aveu !

Mme Laure de La Raudière. Vous avez supprimé les mesures spécifiques de compétitivité que nous avions votées pour assurer une réelle baisse des charges dans les exploitations agricoles embauchant des salariés. Cela avait été le fruit d’un important travail de parlementaires tels que Bernard Ryes et Jean Dionis du Séjour, que je voudrais saluer. Dans l’opposition, à l’époque, vous les aviez pourtant soutenues, car vous saviez qu’il était nécessaire d’armer notre agriculture pour faire face à la compétition internationale.

M. Philippe Gosselin. C’était hier !

Mme Laure de La Raudière. Notre sentiment, finalement, c’est que, pour vous, la France vit en vase clos, sans échanges, sans concurrence, sans objectif de compétitivité, si nécessaire pour la pérennité de nos exploitations agricoles, et, au lieu de simplifier la vie des agriculteurs, monsieur le ministre, le texte contient plusieurs mesures venant complexifier leur quotidien.

M. Philippe Vigier. Eh oui !

Mme Laure de La Raudière. Ne serait-ce que pour mieux répondre à ces deux enjeux majeurs, le renvoi du texte en commission est souhaitable,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Évidemment !

Mme Laure de La Raudière. …mais plusieurs autres éléments justifient un tel renvoi, certains de forme, d’autres de fond.

Pour la forme, chers collègues, permettez-moi de revenir un instant sur les conditions dans lesquelles ce texte a été examiné par la commission des affaires économiques.

En fin d’année, nous avons examiné trois textes très volumineux, dont certains sujets se croisent et s’entrecroisent, à tel point que nous créons régulièrement des doublons, mais sans adopter la même version. Ce n’est pas raisonnable, et cela montre que nous n’avons pas suffisamment approfondi certains amendements, je pense notamment à une disposition concernant l’urbanisme qui est redondante mais non identique dans la loi relative à l’agriculture et dans celle sur le logement.

Les missions d’information, qui sont un élément important du travail des commissions, sont arrêtées faute de moyens. Le temps consacré au contrôle de l’action du Gouvernement se réduit comme peau de chagrin, alors que c’est l’un des rôles majeurs du Parlement, à cause de la charge de travail que nous donnent les textes que nous examinons actuellement.

Nous enchaînons les textes, véritables logorrhées législatives,…

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Philippe Vigier. Et le Parlement est bafoué !

Mme Laure de La Raudière. …alors que le Président de la République s’est engagé devant les Français à créer un choc de simplification et promet moins de normes et de contraintes. Je cherche la cohérence. Il n’y en a pas. Une liste à la Prévert d’objectifs pour l’agriculture est présentée à l’article 1er, et des mesures techniques s’enchaînent au fil des articles suivants. Je cherche l’ambition, les réelles priorités. Il n’y en a pas.

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout à fait !

Mme Laure de La Raudière. Je souhaiterais aussi pointer du doigt le timing de l’examen de ce texte, en commission juste avant Noël, et en séance juste après. Admettez que c’est une période vraiment peu propice à la concertation avec les professionnels et les acteurs économiques concernés. Il est fort à craindre qu’une fois ce texte adopté à l’Assemblée nationale, le réveil ne soit douloureux et que son examen au Sénat puis la seconde lecture ne donnent lieu à des retours en arrière,…

M. Philippe Le Ray. Exactement !

Mme Laure de La Raudière. …comme c’est le cas sur de nombreux textes depuis dix-huit mois : bonus-malus énergétique, garantie universelle des loyers dans la loi relative au logement, par exemple.

La majorité en place a-t-elle entendu le président du Conseil constitutionnel lors de ses vœux, prononcés hier, quant à la production de « lois aussi longues qu’imparfaitement travaillées » ?

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est bien dit !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a sûrement raison !

Mme Laure de La Raudière. Cela mériterait que nous retournions en commission sur ce texte, pour en travailler un peu plus au fond certains aspects.

Comment peut-on dans de telles conditions produire un travail de qualité ? Un vrai travail de commission, long, serait utile pour bien saisir la cohérence des textes et s’assurer qu’ils n’ont pas d’effets contradictoires et contre-productifs. Ces remarques de forme justifient un renvoi en commission pour obtenir une rédaction satisfaisante.

Plusieurs autres arguments plaident en ce sens, s’agissant maintenant du fond du texte. Les débats en commission ont montré que personne ne s’accorde sur ce que sera un groupement d’intérêt économique et environnemental, dispositif prévu à l’article 3. La question de la personnalité morale du GIEE a été au cœur de nos discussions, notamment avec l’adoption d’un amendement précisant que le GIEE est doté de la personnalité morale, alors que le projet de loi laissait ce choix ouvert. Nous avons également adopté un amendement pour autoriser ces groupements à passer par un organisme stockeur, alors que le texte le leur interdisait. Je crains que beaucoup d’autres interrogations subsistent sur ce groupement. J’ai l’impression que l’étude d’impact n’a pas été assez approfondie…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est peu de le dire !

Mme Laure de La Raudière. …et que vous répondez, avec ce GIEE, plus à une demande de politique politicienne qu’à des besoins intéressant les acteurs principalement concernés, à savoir les agriculteurs.

Un autre amendement a été adopté pour préciser que les exploitations agricoles devront rester prépondérantes. Ouf ! Mais le ministre et le rapporteur n’ont pas su nous dire quelles seraient les autres personnes morales présentes dans le GIEE. On sait que ces structures pourront bénéficier de subventions majorées. Les agriculteurs s’inquiètent donc que l’on puisse prélever sur le montant du budget qui leur est alloué pour financer prioritairement certaines filières – pourquoi pas biologiques ? Pourquoi pas d’autres filières de prédilection politique ? –, ou d’autres activités, ou des structures spécifiques, par une réallocation budgétaire. Mais rien n’est clairement dit, rien n’est clairement précisé. Nous avons le sentiment que vous avancez masqués. Sur ce sujet, un débat plus éclairant en commission aurait été un minimum vis-à-vis de la représentation nationale.

Je souligne l’intérêt que pourrait représenter l’adoption d’un autre amendement de l’UMP proposant une expérimentation du GIEE. Au vu du stade où en est votre réflexion, ou de ce dont vous nous avez fait part, cela permettrait de roder et de parfaire ce dispositif avant de l’étendre.

Un autre sujet nous préoccupe régulièrement dans nos travaux législatifs, la contractualisation ; il en est question à l’article 7. Ce sujet a fait depuis des années l’objet de mesures, notamment dans la LME, la loi Chatel, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, sans que personne ne soit parvenu à trouver la solution. Les textes se succèdent, créant toujours davantage d’incertitudes juridiques, et les producteurs demeurent le maillon faible de la chaîne menée par la grande distribution. C’est un vrai sujet, qui mériterait un travail approfondi de réflexion et de concertation avec l’ensemble des acteurs, et qui va bien au-delà de ce que prévoit le texte.

Enfin, et cela rejoint mon propos précédent, ce texte regorge de mesures allant dans le sens d’un encadrement administratif plus poussé et d’une complexification des démarches. Ce gouvernement et cette majorité sont-ils – je n’ose le croire – à ce point déconnectés de la réalité qu’ils n’entendent pas les agriculteurs, comme les chefs d’entreprise de ce pays, qui étouffent, manquent littéralement d’air,…

M. Nicolas Dhuicq et M. Marc Le Fur. Très bien !

Mme Laure de La Raudière. …oppressés par une charge administrative insupportable, et qui ne comprennent pas, en ce qui concerne les agriculteurs, pourquoi leurs homologues allemands, espagnols, hollandais, belges, ne sont pas traités à la même enseigne, alors que l’agriculture est une compétence européenne.

M. Claude de Ganay. Eh oui : pourquoi ?

M. Michel Vergnier. Que n’y avez-vous pensé plutôt !

Mme Laure de La Raudière. Cela a toujours été ma préoccupation, cher collègue ! Je suis constante en la matière : j’y pense et j’y pensais aussi sous la précédente législature.

Enfin, il me semble que ce texte manque de vision et de précision. Un exemple : l’article 8 sur les interprofessions. Il instaure comme critère de représentativité un seuil de 80 % des voix aux élections des chambres d’agriculture. Pourquoi 80 % ? En commission, nous avions proposé la majorité, 50 %, ce qui est habituel dans nos votes, suivant ainsi la proposition de la fédération majoritaire chez les agriculteurs, la FNSEA. Le ministre nous avait dit que le Conseil d’État considérait qu’un pourcentage de 75 % assurait la représentativité de tous. Finalement, le débat en commission a sans doute porté quelques fruits puisque un amendement gouvernemental propose un nouveau seuil de 70 % ; la commission l’a adopté lors de l’examen selon la procédure de l’article 88. Mais, objectivement, ce seuil de 70 % ne permettra pas d’éviter les écueils que présentait le seuil de 80 % : une minorité de représentants de la profession agricole pourra toujours bloquer le travail dans les interprofessions, alors même que la majorité des acteurs engagés dans les interprofessions sont satisfaits, selon leurs dires, du fonctionnement actuel.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Vous n’avez jamais voulu du pluralisme !

Mme Laure de La Raudière. Vous le voyez, sur ce sujet important, nous pourrions aisément retravailler avec vous en commission.

Autre point, et non de moindres, puisque c’est presque le principal argument justifiant un renvoi en commission : le recours aux ordonnances. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Certaines sont techniques, d’autres sont beaucoup plus politiques et méritent un débat avec la représentation nationale. Vous nous aviez promis, monsieur le ministre, de nous communiquer les orientations prévues dans les ordonnances d’ici à l’examen en séance.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Non : avant la deuxième lecture !

Mme Laure de La Raudière. Nous avons commencé l’examen en séance mais je n’ai personnellement rien reçu – je crois que mes collègues non plus – et je m’inquiète du contenu de ces ordonnances.

Quand nous lisons, à l’alinéa 4 : « Compléter la liste des personnes habilitées à rechercher et à constater les infractions dans le domaine de la santé animale ou végétale », est-ce pour augmenter les contrôles des exploitations agricoles et mettre ainsi plus de pression sur les agriculteurs ? Ce sont les questions que se posent les éleveurs, si découragés devant l’excès de normes françaises par rapport à la concurrence européenne.

Quand nous lisons, à l’alinéa 7 : « Adapter au droit de l’Union européenne les dispositions relatives au transport des animaux vivants et aux sous-produits animaux », toute la filière de l’abattage des animaux se demande si vous souhaitez durcir le droit européen, comme elle en a l’habitude.

Je vous fais grâce des autres alinéas, monsieur le ministre. Il y a dix-sept ordonnances ; un amendement adopté à l’article 18 en retire une, il en reste donc seize. Nous n’en avons pas débattu en commission et nous n’en connaissons pas les orientations.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il fallait venir en commission !

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le ministre, au nom de votre engagement de nous fournir les informations détaillées sur le contenu des ordonnances, vous conviendrez, j’espère, en toute bonne foi, que cela mérite un renvoi en commission pour approfondir ces dispositions. J’attends d’ailleurs sur ce sujet un appui solide du président de la commission des affaires économiques, François Brottes, qui a présidé l’essentiel des débats et souligné l’importance d’avoir ces éléments avant l’examen en séance.

Ce que les agriculteurs attendent est au fond l’exact opposé de ce texte : un allégement des contraintes administratives, une baisse des charges qui leur permettra de produire mieux et d’innover, de la stabilité juridique.

Ce texte traite les questions petit bout par petit bout, sans ambition : un peu de nouveauté, avec le GIEE et ce concept étrange d’agro-écologie, très bien présenté par Antoine Herth, un peu de transmission, un peu de contrôle des structures, un peu de coopérative, un peu de contractualisation, un peu d’interprofession,…

Un député du groupe UMP. C’est du saupoudrage !

Mme Laure de La Raudière. …ais ce n’est pas avec ça que l’on va apporter des réponses à la crise que traversent les agriculteurs. Ce texte aurait-il permis aux éleveurs bretons, aux abattoirs Gad de se maintenir à flots, de se développer ? La réponse est malheureusement non.

M. Philippe Le Ray. Exactement !

Mme Laure de La Raudière. Ce texte ne rassemble pas les agriculteurs, monsieur le ministre. Avec la traduction nationale de la PAC, le Gouvernement les a divisés en jouant les éleveurs contre les grandes cultures. Or la ferme France doit être une vision d’ensemble. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) L’agriculture est un secteur économique où tout se tient : on ne peut pas opposer les uns aux autres, et vous le savez pertinemment. Ce n’est pas en donnant cinquante euros par bovin supplémentaire que l’on parviendra à un équilibre sur l’élevage.

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. Germinal Peiro, rapporteur. Il vaut sûrement mieux ne rien donner !

Mme Laure de La Raudière. Au contraire, il faut rassembler et faire en sorte que les uns travaillent avec les autres sur notre territoire.

Pour toutes ces raisons, parce que nous avons besoin de davantage de temps, de recul, de concertation, de travail, et afin d’y voir clair sur les intentions du Gouvernement concernant les ordonnances, nous vous proposons de voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ayant l’habitude que Mme de La Raudière développe des arguments de bonne foi, j’ai cette fois été un peu déçu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je comprends que l’opposition ait mal vécu la période précédente, où elle était majoritaire, quand tous les textes, ou quasiment, étaient votés en urgence, après une seule lecture. Si je prends, par exemple, la loi de modernisation agricole, une lecture à l’Assemblée nationale, une lecture au Sénat, et c’était plié !

M. Marc Le Fur. Évidemment, le Sénat était d’accord !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous avons, quant à nous, une approche complètement différente : ce texte va cheminer tranquillement, avec deux lectures à l’Assemblée et deux lectures au Sénat. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je comprends que vous soyez traumatisés, mais le choix du Gouvernement est de laisser du temps et de la place aux parlementaires pour contribuer à l’amélioration du texte. (Mêmes mouvements.) Nous ne sommes pas dans l’urgence mais dans la sérénité d’un travail parlementaire achevé. (Mêmes mouvements.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Pendant les vacances de Noël !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Pour ceux qui, sur ce texte, auront voulu travailler – je ne citerai personne car j’ai bien compris qu’il ne fallait pas le faire, tout le monde ici travaillant et faisant le maximum (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI) –, le rapporteur a procédé à quatre-vingt-dix-huit auditions,…

M. Philippe Le Ray. Il était tout seul ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …soit quatre-vingt-dix-huit heures, auxquelles ont été conviés l’ensemble des parlementaires qui le souhaitaient.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est bien normal !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Et c’est bien normal. La commission des affaires économiques, que j’ai l’honneur de présider, s’est réunie à huit reprises, pendant vingt-huit heures et quinze minutes au total. Tous ceux qui voulaient être présents le pouvaient. M. Herth, notamment, était là les huit fois. La commission des affaires culturelles s’est réunie pendant deux heures trente, la commission du développement durable pendant six heures. De surcroît, l’opposition m’avait fait la demande expresse, que j’ai présentée au Gouvernement, lequel l’a accueillie favorablement, d’organiser un débat séparé sur la réforme de la politique agricole commune : pendant trois heures, nous avons ainsi pu débattre de la nouvelle PAC et de son lien à la loi.

Ce qui signifie que nous avons eu sur ce texte exactement 135 heures de travail ouvertes à tous, quatre semaines pleines. Pour venir dire à cette tribune, madame de La Raudière, que nous n’avons pas eu le temps de travailler préalablement à cette première lecture, il faut franchement avoir du culot ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Elle en a ! Mais ce n’est pas parce que l’on travaille beaucoup que l’on travaille bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’ai oublié de dire que nous avons eu une commission plénière avec les syndicats agricoles et les secteurs forestiers, ce qui rajoute encore des heures. Cela fait près de quatre semaines et demi de travail ouvertes à tous. Vous n’étiez pas obligés d’y participer, mais ne venez pas dire que, parce que vous n’y étiez pas, cela vous manque ! Il faut saisir les occasions quand elles se présentent. Je défie qui que ce soit de me démentir sur les chiffres que je viens de donner.

En ce qui concerne les ordonnances, Mme de La Raudière m’a cité, et elle a eu raison, mais, pour que la citation soit exacte, je souligne que le ministre s’est engagé, à votre demande et à ma demande, à fournir le texte des ordonnances avant que le vote final n’ait lieu, entre la première et la deuxième lecture. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Le Ray. Non ! Voyez la page 272 du rapport !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est ce qu’il a dit en commission : je vous renvoie au rapport. Je comprends qu’habitués à un système d’une seule lecture, vous craigniez de rater le coche. Les ordonnances nous seront présentées – le Gouvernement en a pris l’engagement – avant la deuxième lecture. C’est ce qui a été dit en commission.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais non !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce texte aura par ailleurs permis à l’initiative parlementaire de s’exprimer, à l’article 40 près – sur lequel je ne reviens pas, après les quelques explications que j’ai apportées tout à l’heure –, puisque nous aurons examiné 2 111 amendements, dont quatre-vingt-cinq ont été adoptés sur proposition de l’opposition.

Voilà un travail extrêmement dense, riche, long, tranquille et complet, qui nous permet, en ce début de première lecture, d’entrer désormais dans le débat. Dire que nous avons « squeezé » la phase de travail en commission me paraît donc pour le moins déplacé. Je propose que la majorité vote contre ce renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe écologiste.

Mme Brigitte Allain. Madame de la Raudière, je crois que nous pourrions discuter une année entière sans que vous trouviez que cela suffit. De fait, vous n’adhérez pas à l’agro-écologie, lui préférant l’agro-industrie ou les modèles que vous avez développés ces dix dernières années et qui ont éliminé des paysans. Vous ne pouvez donc que considérer que nous n’avons pas assez débattu.

En fait, nous ne nous mettrons jamais d’accord. En effet, vous ne soutenez pas du tout le même projet agricole que nous, puisque vous vous inscrivez dans la continuité d’un projet qui a été un véritable échec pour l’agriculture.

Pour ma part, je considère que nous avons suffisamment travaillé. M. le président de la commission des affaires économiques vient de donner le nombre d’heures de travail : nous avons beaucoup travaillé et nous travaillerons encore beaucoup, puisque nous avons six mois devant nous pour cela. Il faut être sérieux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Je ne reviendrai pas sur le fond du texte, dans la mesure où je le ferai à l’occasion de mon intervention avant la pause.

Cette demande de renvoi en commission ne se justifie pas. Si ma responsabilité de président de groupe, qui suppose une activité tout-terrain parfois, ne m’a pas permis de participer à la totalité des réunions de la commission, j’en ai lu le compte rendu : le travail qui a été fait est non seulement remarquable, mais également, au vu des multiples auditions conduites par le rapporteur, impressionnant. Je ne voterai donc pas, bien évidemment, ce renvoi en commission, car il ne se justifie pas et relève davantage d’une forme d’artifice parlementaire que d’une exigence de fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Roig, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Frédéric Roig. Dans le même esprit que les orateurs précédents, il me semble que la faiblesse des arguments de nos collègues de l’UMP révèle leur manque de projet et de discussion. Je ne rappellerai pas la qualité du travail accompli en commission, ni les nombreuses auditions menées. Je voudrais féliciter le rapporteur de ce texte qui s’est fortement impliqué et qui a démontré toute la nécessité de présenter un texte équilibré entre la préservation de la performance économique et la transition écologique et ses enjeux concernant l’agriculture.

Les agriculteurs en ont un peu assez d’attendre. Le ministre a prouvé l’engagement du Gouvernement qui s’est traduit par son implication dans la négociation relative à la politique agricole commune et au maintien des aides. Nous avons aujourd’hui un point de vue d’ensemble. On peut comprendre les inquiétudes des céréaliers, mais pour être dans une région où la taille des exploitations est moyenne, je peux vous dire que le rééquilibrage des aides, notamment en faveur de l’élevage, est très bien perçu par l’ensemble des professionnels. C’est aujourd’hui une nécessité qu’il fallait réaffirmer dans le projet politique, sans oublier l’importance des aides sur les premiers hectares.

La nouvelle politique agricole commune trouve ses prémices dans ce texte avec la mise en place des groupements d’intérêt économique et environnemental ou encore avec les questions de formation et celles relatives aux pratiques agricoles durables ou aux contrôles phytosanitaires, qui sont autant d’enjeux. Pour tous ces motifs, le groupe SRC votera contre la motion de renvoi en commission. Il est temps d’accélérer nos débats pour entrer dans le vif du sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Le Ray. Je voudrais revenir sur les engagements de M. le ministre en commission, puisqu’il suffit de reprendre le compte rendu : vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, suite à une question de notre collège Martial Saddier, à donner un certain nombre d’éléments avant le débat en séance publique. Vos engagements ne sont donc pas tenus. Si par hasard il y avait sur ce texte un vote conforme au Sénat, nous ne pourrions plus revenir sur ces différents points.

La motion de renvoi en commission se fonde avant tout sur des critères factuels qui n’ont pas été discutés en commission. En effet, il n’a jamais été question lors de nos travaux d’établir un véritable projet pour notre agriculture. Nous n’avons jamais abordé des points concrets qui doivent pourtant répondre à des attentes du monde agricole. Vous êtes toujours resté dans la conceptualisation d’un monde agricole et dans une vision totalement administrative. Un agriculteur est un chef d’entreprise qui a besoin de résultats économiques pour investir, pour créer de l’emploi et, tout simplement, pour vivre. Vous allez ajouter de nouvelles exigences réglementaires à celles déjà existantes et vous allez battre des records ! Il suffit de voir l’épaisseur des documents qui nous sont fournis !

Le GIEE est mal défini et ses contours sont totalement flous, comme vous l’avez presque admis en commission. Il n’existe pas de cadre national et vous n’étiez pas d’accord sur sa structure juridique. Prenons donc le temps d’en discuter, sans quoi des décrets, éloignés de l’esprit du législateur, viendront complexifier, une fois de plus, cette nouvelle structure. Vous proposez que les agriculteurs soient majoritaires dans ces GIEE, mais cela est flou. Au départ, en effet, vous ne l’aviez pas prévu. De plus, nous n’avons pas la même définition de ce qu’est un agriculteur. La terre est le fondement même de l’agriculture. Avec le bail environnemental, qui est lui aussi mal défini, on touche au cœur de l’activité agricole. Prenons également notre temps sur ce point crucial si nous ne voulons pas demain être confrontés à des conflits. Vous allez détruire un acquis de plus d’un siècle pour nos agriculteurs : c’est un véritable recul social.

Et quid de l’aval ? Vous n’avez pas abordé la question de l’industrie, ni celle des abattoirs. L’année prochaine, dans le Morbihan, il n’y aura plus d’abattoirs de bovins. La question de l’organisation territoriale et des filières est totalement abandonnée. Vous n’avez pas non plus abordé la question des politiques d’appui à l’agriculture. Qu’en est-il du régime fiscal ou des aides à l’installation ? Je ne continue pas, car la liste est longue. Ce sont autant de points survolés, qui n’ont pas fait l’objet d’un débat à proprement parler. Il n’y a rien sur les outils de régulation, rien sur les conditions de travail des agriculteurs.

Sur ces toutes ces questions et sur les réponses qu’elles impliquent, il importe que nous prenions du temps pour mener un débat de fond afin de mettre en place les conditions de relance de notre agriculture. Pour toutes ces raisons, nous défendons cette motion de renvoi en commission que je vous invite, mes chers collègues, à voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Pourquoi le groupe UDI votera-t-il cette motion de renvoi en commission ?

M. Thierry Benoit. Parce qu’il l’a dit !

M. Charles de Courson. Il y a deux raisons. La première, longuement développée par Laure de la Raudière, a trait aux insuffisances du texte, notamment en matière de compétitivité. Je reprendrai ce thème ce soir dans mon intervention en discussion générale, mais si vous voulez, monsieur le ministre, assurer l’avenir du secteur de l’agriculture, comme celui de tous les autres, il faut qu’il soit compétitif, non pas sur les marchés franco-français ou franco-européen, mais sur l’ensemble des marchés mondiaux.

La deuxième raison tient aux propos du Président de la République fin décembre et que vous avez tous écoutés, chers collègues.

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

M. Charles de Courson. Que nous a-t-il dit ?

M. Nicolas Dhuicq. Rien !

M. Charles de Courson. Qu’il a compris pourquoi sa politique ne marche pas : parce qu’il n’a pas cessé d’augmenter la pression fiscalo-sociale et de complexifier. Il nous a donc promis d’inverser cela à partir de 2014,…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Le changement !

M. Charles de Courson. … baissant les impôts et les cotisations sociales, en réduisant les dépenses publiques et en simplifiant. Il est devenu un vrai libéral ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Or, monsieur le ministre, le premier texte d’application des promesses du Président, c’est votre texte. Il faut donc absolument que nous reprenions le travail en commission pour traduire dans le projet de loi les engagements du Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est pourquoi l’opposition comme la majorité doivent voter en faveur du renvoi en commission. (Mêmes mouvements.)

M. Antoine Herth. Très juste !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au moment où nous allons examiner cette nouvelle loi pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, il est bon de l’éclairer à la lumière du passé, de ce qu’ont été les lois d’orientation des années 1960 notamment. Elles ont marqué une étape décisive dans le processus de modernisation de l’agriculture française. Que retenir de ces deux lois ? D’abord, des mesures structurelles importantes quant à l’aménagement du foncier, la création de la FNSAFER, le contrôle des structures, la mise en place d’une politique volontariste de départs à la retraite et de modernisation de l’agriculture pour accroître la productivité agricole. Ensuite, la réussite rapide des objectifs assignés à ces deux lois, qui a tenu à trois raisons principales : un contexte économique favorable de l’industrialisation qui permettait d’accueillir ceux qui quittaient un à un le pays ; une adhésion sans réserve à l’idée que le progrès technique permettrait l’accession à une rémunération et à une protection sociale équivalentes aux autres secteurs d’activité ; enfin, une cohérence entre la profession de l’époque et les politiques.

Pour ma part, en tant qu’agricultrice, j’ai vécu ces transformations structurelles. Je me suis en effet installée en 1976 dans une ferme de 43 hectares, en polyculture élevage avec 8 hectares de vignes, qui permettait de faire travailler trois personnes et de faire vivre deux familles, soit huit personnes. Avec l’instauration des quotas laitiers, qui ont privilégié les plus grosses exploitations lors de leur mise en place, ne laissant aucune possibilité à l’installation progressive, nous avons dû arrêter la production de lait au profit des céréales et d’un plan de développement du vignoble. Nous travaillions en entraide avec nos voisins dont la ferme était à deux cents mètres. J’ai vécu la situation des excédents dus aux prix garantis sans plafonnement de quantités produites.

À partir de la réforme de la PAC des années 1990, qui remplaçait le soutien aux prix par des aides à l’hectare, avec la course effrénée aux hectares, les quotas supplémentaires pour les uns et les aides pour les autres, j’ai vu mes voisins s’agrandir, les tracteurs, les épandeurs d’engrais et les pulvérisateurs devenir de plus en plus sophistiqués. C’est aussi à cette époque que je me suis engagée avec Solidarité 24 pour soutenir des agriculteurs étranglés par les dettes : les charges d’exploitation étaient trop lourdes et leurs exploitations spécialisées étaient devenues plus fragiles et le moindre aléa dévastateur.

Aujourd’hui, mon premier voisin agriculteur habite à deux kilomètres. Ma ferme, devenue essentiellement viticole, a pu maintenir l’emploi par la vente directe et l’accueil en chambres d’hôtes. C’est pourquoi je salue l’objectif de cette loi qui tend à lier performance écologique et économique. Forte de mon expérience, je rappellerai sans cesse que cela ne pourra se faire que par le maintien et l’installation de nombreux paysans.

Le père de ces deux lois d’orientation, Edgar Pisani, en avait perçu les limites et les impasses dès les années 1970. Aujourd’hui, je souhaite rappeler son discours : « L’agriculture, c’est bien plus que l’agriculture. Pourtant les débats qui la concernent se limitent à des échanges entre les experts agricoles de l’administration et les cadres d’organisations professionnelles agricoles, entre membres de commissions qui, dans les assemblées, sont composées d’agrariens. Comme si l’alimentation, l’environnement, l’espace rural ne nous concernaient pas tous. »

Nous sommes en 2013, soit un demi-siècle après ces deux lois d’orientation. La compétitivité, la concurrence exacerbée ne peuvent plus constituer, vous me l’accorderez, le fil rouge d’un projet politique digne de ce nom, pas plus d’ailleurs que le modèle et les cadres de pensée issus des Trente glorieuses, qui apparaissent comme totalement obsolètes, dépassés puisque assis sur un productivisme et un consumérisme basés sur le gaspillage des ressources naturelles, le creusement des inégalités entre les citoyens et les pays. Produire toujours plus et s’inscrire dans une compétition internationale met chaque paysan en concurrence avec son voisin, avec ses concitoyens, avec les autres paysans du monde, et surtout contribue à l’aggravation de la faim dans le monde. De plus, pour produire une calorie alimentaire, nous en consommons douze en énergie : nous épuisons notre terre.

Nous sommes donc conduits aujourd’hui à nous interroger : qu’est-ce que le progrès ? Est-ce de continuer à consommer sans compter et, en plus d’une dette financière, de laisser à nos enfants une dette écologique ? Bien sûr que non ! La terre, que nous empruntons à nos enfants, nous montre chaque jour la nécessité de la mesure. L’heure est venue de relever collectivement le défi d’une transition réussie de la politique agricole pour répondre aux défis de ce siècle : assurer à la population une alimentation sûre et saine, favoriser la protection de l’environnement et des paysages ainsi que la lutte contre le changement climatique et, enfin, par une bonne rémunération, la création d’emplois paysans et salariés.

Le mouvement pour l’agro-écologie est déjà en marche, comme le prouve la référence constante dans le projet de loi à ce concept à la fois social, agronomique et écologique. Il s’agit avant tout de modes de production renouvelées, avec de nouvelles pratiques et techniques agronomiques, de nouveaux cadres de pensée, de nouveaux référentiels, de modèles liant agriculture, alimentation, territoire et paysages.

Les moyens législatifs, humains et financiers à déployer pour réorganiser l’agriculture alimentaire et pour développer l’agro-écologie ne peuvent se résumer à la création des groupements d’intérêt économique et environnemental. Cependant, de leur mise en œuvre sur le terrain, de la dynamique qui sera créée pour leur donner une réelle ambition, dépendra la portée de cette loi. Pour les agriculteurs pionniers en agro-écologie, notamment au sein des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, comme pour ceux qui souhaitent entrer dans des démarches de progrès, les GIEE doivent être l’occasion de transmettre et de partager les savoir-faire. Une gouvernance plurielle et une plus grande transparence, notamment dans les SAFER et dans les chambres d’agriculture, ainsi que le contrôle des structures, permettront de donner réellement priorité à l’installation plutôt qu’à l’agrandissement et de favoriser des projets durables. Il faut donner la parole et les moyens d’agir aux précurseurs de l’agro-écologie et, à partir des expériences d’hier, imaginer les modèles de demain. Nous attendons des assurances sur l’évolution vers cette gouvernance plurielle.

Vous aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, la vision des écologistes vis-à-vis de la réforme des politiques agricoles : le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, dépassant le cadre contraint de la politique agricole commune, doit porter une ambition nouvelle et citoyenne, celle de préserver notre capacité à produire une alimentation saine et sûre pour tous et en tous lieux de la planète, en respectant et en valorisant nos ressources naturelles.

Je viens ainsi de poser les conditions d’une vraie réforme : la révision des instances de gouvernance en place et des objectifs de la politique suivie jusqu’alors pour aller vers une politique alimentaire. Voici les trois sujets qui, selon moi, permettront de structurer une réforme consistante : la relocalisation de la production et de la consommation ; une meilleure régulation des terres agricoles et de leur répartition ; enfin, la résilience de nos modèles agricoles au changement climatique.

Pour garantir une cohésion territoriale et soutenir les dynamiques du terrain, les écologistes proposent, dans le cadre du projet de loi, la création d’un contrat alimentaire territorial qui permettrait aux collectivités qui le souhaitent d’organiser sur place des actions en faveur de leur politique alimentaire. Nous pensons qu’un tel outil permettrait de multiplier les circuits courts et d’introduire davantage de produits biologiques et locaux dans les cantines en structurant les filières et en fédérant les volontés. Un tel contrat  renforcerait le volet alimentation du projet de loi, tant en métropole que dans les outre-mer. En effet, pour garantir la pérennité d’une activité agricole sur leur territoire et recréer du lien entre agriculteurs et ruraux de tous horizons, de toutes générations et de toutes professions, les collectivités locales souhaitent s’impliquer et mobiliser les citoyens, dans une démarche de production alimentaire pour une consommation locale. Or elles sont souvent confrontées à des difficultés de montage juridique. Le texte devra ouvrir le champ contractuel pour faciliter la mise en œuvre de ces projets de proximité.

Le titre II du projet de loi, relatif à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers et au renouvellement des générations, porte un nouveau regard sur la gestion des terres agricoles et la politique d’installation, voire sur le métier d’agriculteur. Les agriculteurs, les organismes de développement, les collectivités locales, les formateurs et les conseillers agricoles sont appelés à s’impliquer dans ces évolutions. La proposition du Gouvernement en matière de politique d’installation des futurs agriculteurs et agricultrices présente de belles avancées, telles que l’installation progressive, l’accès aux aides aux plus de quarante ans et le contrat de génération – qui serait ici plutôt un contrat de transmission. Miser sur de nouveaux paysans et paysannes, c’est leur donner envie de ce métier et les accueillir. Il faut donc garantir à ces porteurs de projet un parcours facilité d’accès à des fermes de taille raisonnable, un financement adapté, une formation et un accompagnement rénovés, une valorisation de leurs produits et un environnement de travail de qualité.

La préservation des terres agricoles est un sujet dont l’importance fait l’unanimité. Toutefois, la question de leur accessibilité et de leur répartition reste entière. Lors du colloque sur les terres agricoles que j’ai organisé le 19 décembre dernier à l’Assemblée, en présence de députés, nous avons reconnu les avancées obtenues s’agissant de l’artificialisation des sols, suite aux débats sur la future loi ALUR de Cécile Duflot, mais nous avons aussi eu l’occasion de constater tout le chemin qui restait à parcourir.

Monsieur le ministre, les outils proposés dans votre texte ne garantissent pas le succès de la lutte contre l’agrandissement excessif, ni suffisamment la diversité des projets : il y manque un contrôle plus important par les SAFER, notamment sur les mouvements de parts sociales, et l’obligation de l’avis conforme des commissions départementales de consommation des espaces agricoles serait bienvenue en cas d’artificialisation de terres agricoles, naturelles ou forestières. Permettez-moi d’exprimer quelques inquiétudes en ce domaine, de plus au lendemain de la publication, au Journal officiel, d’un décret permettant, de fait, l’agrandissement des ateliers industriels d’élevage alors que ces modèles de production sont un échec économique et environnemental. La concentration et la taille de ces ateliers d’élevage industriel, version 1 000 vaches, 2 000 porcs ou 150 000 poules, sont la cause de l’utilisation massive des pesticides et des antibiotiques. Ces macro-élevages sont en opposition avec l’objectif d’agro-écologie. Plus grave encore, ils déshumanisent le métier de paysans, faisant d’eux des ouvriers de l’agro-industrie au mépris de leur bien-être, de celui des animaux, de la santé des êtres vivants et de la nature. Une telle agriculture, conduite par les agro-chimistes et les semenciers, ne peut garantir notre souveraineté alimentaire.

Enfin, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous vous proposons de faire évoluer le texte dans ses aspects énergétiques et écologiques afin, tout en luttant contre le changement climatique, d’adapter l’agriculture à celui-ci en la rendant plus résiliente, notamment à travers le recours à l’agriculture biologique, l’utilisation des semences paysannes – sujet sur lequel il faudra faire bouger de toute urgence les lignes –, mais aussi par l’usage de la forêt dans sa multifonctionnalité, par l’encadrement de la méthanisation et des énergies renouvelables, dont le bois-énergie. À cet égard, ce texte manque d’orientations et d’objectifs clairs en matière de diminution de la consommation des intrants chimiques, des carburants, de l’eau, des antibiotiques, des produits pharmaceutiques, des phytosanitaires et de l’azote – je rappelle que notre pays ne respecte toujours pas la directive européenne de 1991 sur les nitrates. Ces enjeux sont fondamentaux et le projet de loi devrait davantage les prendre en compte.

Le texte que nous allons examiner arrive dans un contexte de mutation, de défiance et d’angoisse devant un avenir incertain. L’Union européenne, bâtie autour d’objectifs qui devaient permettre une consolidation forte et assurer paix et prospérité, est devenue un espace marchand, monétaire, et son ambition d’unité culturelle s’est perdue dans un dédale réglementaire loin de ses finalités. La difficulté à réformer sa politique agricole en fonction des enjeux alimentaires, sociaux et climatiques en est une preuve criante, et risque de conduire à sa fin. Comme Pierre Rabhi, sage paysan que je salue pour son œuvre, le groupe écologiste considère que l’agriculture est la plus essentielle des activités économiques car son objectif est de permettre à chaque être humain d’avoir accès à une alimentation quotidienne, sûre et saine.

Je terminerai en citant l’économiste Keynes : « La difficulté n’est pas de défendre des idées nouvelles, elle reste d’échapper aux idées anciennes. » L’agriculture est l’affaire de tous. Monsieur le ministre, mes chers collègues, notre responsabilité aujourd’hui est bien de donner concrètement les outils nécessaires à une agriculture performante écologiquement, socialement et économiquement, en vue d’une large adhésion de la société. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons cette semaine est un texte important qui doit nous permettre d’améliorer nos systèmes de production pour les rendre plus efficaces et plus durables. La recherche de la performance économique et environnementale doit s’inscrire dans une démarche de filières et de développement territorial intégré. L’agriculture, l’alimentation et la forêt sont des sujets majeurs pour la France car notre pays est fondamentalement rural, une puissante nation agricole. Il s’agit donc bien de sujets au cœur de l’identité française. C’était vrai dans le passé, et ce doit le rester pour l’avenir. Que ce soit en termes de superficie, de tradition, d’histoire, de savoir-faire ou de vitalité de nos territoires, nous devons, à l’heure où nous nous apprêtons à examiner ce projet de loi, redonner des perspectives d’avenir à l’agriculture pour œuvrer à son renouvellement générationnel.

Il existe parfois dans notre société une forme de déconsidération du monde agricole. Pourtant les questions agricoles sont des questions stratégiques pour la France. Nous avons le devoir de les remettre à la place qu’elles méritent ; nous avons le devoir de renouer le pacte intime qui lie notre pays avec une agriculture modernisée, compétitive et respectueuse de l’environnement.

Nous avons tous hérité du modèle agricole français, et nous sommes tous, chacune et chacun d’entre nous, redevables du travail des paysans qui nous apporte au quotidien une alimentation saine et de qualité, et qui participe largement à l’entretien de nos espaces ruraux. Les émeutes de la faim en 2008, les crises sanitaires, les problèmes récents de traçabilité et l’importance croissante de la question de l’alimentation participent à la prise de conscience par l’opinion publique des dimensions vitales des questions agricoles. Nous avons un devoir de solidarité envers le monde paysan parce que nous sommes tous concernés par le besoin vital de se nourrir.

De plus, l’agriculture joue un rôle majeur pour l’emploi, la croissance, la balance commerciale, l’aménagement et la vitalité de nos territoires, l’autonomie et la sécurité alimentaire, contribuant aussi à l’image de notre pays dans le monde. Le secteur agricole représente 3,5 % de la population active, 4,5 % du PIB et occupe 53,3 % du territoire français. Un grand quotidien national a même titré aujourd’hui : « France : première puissance agricole d’Europe ». La production agricole et agroalimentaire est donc clairement un secteur stratégique à renforcer. Rappelons-nous que c’est aujourd’hui un des rares secteurs économiques français qui gagne des parts de marché à l’exportation, plus même que l’aéronautique. Les exploitations agricoles maillent notre territoire. Ayant souvent l’occasion de traverser la France, nous pouvons constater que même dans les régions les plus reculées, les moins densément peuplées, chaque recoin de notre territoire est cultivé, et nos forêts sont entretenues même si les effets de la déprise commencent à se faire sentir.

Pour l’animation de notre pays, pour l’aménagement du territoire, pour l’emploi, pour la qualité de vie, que serait notre pays si ces milliers de petites exploitations, qui subsistent parfois péniblement grâce au travail courageux de nos paysans, venaient à disparaître ?

Ne nous le cachons pas, la menace est réelle. L’examen de ce projet de loi intervient dans un contexte préoccupant pour de trop nombreux exploitants et salariés agricoles.

Le constat est unanime, nous le vivons dans nos circonscriptions, nous l’avons entendu au cours des auditions, nous l’avons lu dans les rapports : l’agriculture française décline de façon progressive et continue depuis environ dix à quinze ans. Qu’il s’agisse de production, de surfaces cultivées, de nombre d’agriculteurs, de salariés et d’exploitations, tous les chiffres démontrent un affaissement inquiétant.

Certes, cette crise agricole française n’est pas homogène. Comme toutes les crises, elle touche plus durement les plus fragiles. Alors que certaines filières agricoles et certains territoires vivent confortablement, la majorité de nos paysans souffrent.

Il ne s’agit certainement pas de tomber dans l’écueil facile et stérile d’opposer les filières les unes aux autres. Mais rappelons-nous que ce projet de loi doit aussi être une chance à saisir pour soutenir ceux qui en ont le plus besoin, ceux qui souffrent de l’injustice dans les relations commerciales avec les grandes firmes agro-industrielles et les distributeurs, comme de la concurrence faussée avec leurs compétiteurs étrangers.

Je pense en particulier aux filières intensives en main-d’œuvre qui subissent une concurrence déloyale des producteurs étrangers en matière de coût du travail ou de contraintes environnementales : les fruits et légumes, l’élevage ou encore la production laitière.

Nous connaissons bien les conséquences économiques dévastatrices de cette absence de réciprocité et donc d’équité dans les échanges. N’oublions pas non plus les conséquences humainement dramatiques de cette souffrance : un agriculteur se suicide tous les deux jours en France.

M. Gérard Bapt. C’est lamentable !

Mme Jeanine Dubié. L’étude d’octobre 2013 de l’Institut national de veille sanitaire place la catégorie sociale des agriculteurs exploitants comme celle présentant « la mortalité par suicide la plus élevée parmi toutes les catégories sociales. »

Cette crise de l’agriculture française ne date pas d’hier,…

M. Gérard Bapt. Eh oui !

Mme Jeanine Dubié. …mais résulte d’une tendance structurelle, et il ne s’agit pas de blâmer les précédents gouvernements ou majorités.

Certes, la loi d’orientation agricole de 2006 comme la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ont eu des effets positifs ponctuels, comme le rappelle le rapporteur de la commission des affaires économiques, mais force est de constater qu’elles n’ont pas été à la hauteur des enjeux et qu’elles n’ont pas permis de résoudre la crise ou de résorber l’affaissement.

La crise que traverse notre agriculture a des causes multifactorielles dont une bonne partie dépend de l’Union européenne ou des règles des échanges internationaux. Il est toujours intéressant de les analyser, mais il est beaucoup compliqué d’y apporter des réponses.

Monsieur le ministre, nous sommes conscients que vous n’avez pas la baguette magique de Merlin l’enchanteur et que les mesures contenues dans votre projet de loi ne pourront agir sur ces causes externes.

Par exemple, nous savons que concomitamment à cette érosion française, nos concurrents européens à niveau de vie et structure de production comparables, comme l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, le Danemark ou les Pays-Bas, connaissent une progression inversement proportionnelle à notre baisse. Chacun de ces pays ne possède qu’un seul avantage comparatif par rapport à la France : un coût du travail agricole qui varie entre 4 à 8 euros de l’heure alors qu’il est aux alentours de 10 euros pour nos salariés occasionnels et de 14 euros pour les salariés permanents. Pouvons-nous rester passifs et continuer de voir nos agriculteurs, pour lesquels le coût du travail représente 50 à 60 % du coût total, subir cette injustice sans rien faire ?

Nous savons, monsieur le ministre, que vous vous êtes bien battu à Bruxelles tout au long des débats pour la préparation de la nouvelle PAC, et nous comptons sur vous pour accélérer le phénomène d’harmonisation sociale au niveau européen. De manière plus générale, nous devons répondre aux demandes des agriculteurs qui veulent pouvoir lutter à armes égales avec leurs concurrents européens.

En France, pour l’agriculture, nous sommes les champions concernant la lourdeur des contraintes administratives, sanitaires et environnementales. Il ne s’agit certes pas de fermer nos marchés, d’autoriser l’utilisation de produits dangereux ou d’abaisser notre SMIC et notre protection sociale, mais nous devons faire preuve d’imagination pour élaborer des réponses afin de redonner de l’espoir, notamment à tous nos jeunes agriculteurs car ils représentent l’avenir de notre agriculture.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré que votre objectif principal est de « valoriser dans le cadre européen le potentiel de l’agriculture, et faire en sorte que cette agriculture reste un atout pour notre pays. » Vous l’avez compris, nous partageons cet objectif et nous sommes convaincus de la nécessité de l’ensemble des mesures contenues dans votre texte.

En tant qu’Européens convaincus et résolument attachés à une politique agricole commune forte et équitable, les députés du groupe RRDP tiennent à saluer votre engagement pour la défendre dans les combats à Bruxelles et votre méthode consistant à décliner sur le plan national l’encadrement juridique européen.

Il n’y aura pas d’agriculture française moderne et compétitive sans une politique agricole forte et ambitieuse. C’est le niveau pertinent d’action pour avoir les moyens d’intervenir efficacement lorsque les marchés s’effondrent ou lorsque les difficultés s’accumulent. C’est bien avec la PAC que nous pourrons assumer les surcoûts d’une agriculture durable, performante écologiquement.

Convaincus également par l’importance de la compétitivité économique pour le développement des exploitations agricoles, nous tenons à saluer l’application du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi au monde agricole. Même s’il reste des difficultés pour les coopératives, c’est un bol d’air qui va aider des milliers d’exploitations.

De manière plus générale, nous sommes en phase avec les quatre grands objectifs qui constituent la colonne vertébrale du texte.

Premier objectif : des filières plus compétitives. En la matière, nous soutenons les mesures pour la limitation de la volatilité des prix des matières premières agricoles par une clause de renégociation des contrats, la mise en place d’un fonds stratégique pour concourir au financement des investissements et innovations dans la filière forêt-bois et les mesures de renforcement du contrôle des structures pour limiter les agrandissements excessifs.

Deuxième objectif : développer l’agroécologie au cœur de pratiques innovantes. La création des groupements d’intérêt économique et environnemental pour la promotion des démarches collectives entre agriculteurs y contribuera en diminuant le recours aux engrais et aux produits phytosanitaires, ainsi que le suivi post-autorisation de mise sur le marché et l’interdiction de la publicité de ces produits à destination du grand public.

Troisième objectif : conformément aux engagements du Président de la République, vous avez décidé de donner la priorité à la jeunesse. Au nom des députés du groupe RRDP, je tiens à vous dire notre satisfaction particulière sur ce point. Nous sommes persuadés que notre agriculture construira son avenir en favorisant les jeunes agriculteurs, en encourageant leur capacité d’installation et notamment hors cadre familial. Avec les mesures contenues dans votre texte sur l’installation progressive, sur l’adaptation des contrats de générations au secteur agricole, ou encore sur le renouvellement des formations centrées sur la double performance économique et écologique, nous allons dans la bonne direction.

Je veux saluer ici la mobilisation constructive des jeunes agriculteurs que nous avons pu apprécier lors de leur audition en commission des affaires économiques. Nous ne devons pas les décevoir.

Quatrième objectif : vous prônez un dialogue rénové entre l’agriculture et la société. Il passe par le développement du modèle coopératif agricole en lien avec l’économie sociale et solidaire, par le renforcement du rôle du médiateur des contrats agricoles et par un attachement important à la préservation du foncier agricole avec le renforcement des outils à la disposition des SAFER afin qu’elles puissent pleinement jouer leur rôle de régulateur.

Globalement, ce texte qui répond à de nombreuses attentes reste largement perfectible, et vous pouvez compter sur nous pour soutenir tout au long de nos débats des amendements pour l’améliorer.

Concernant la baisse du foncier agricole disponible, nous perdons l’équivalent d’un département tous les sept ans. Nous devons réagir et aller plus loin que ce que propose le projet de loi initial.

Nous avons proposé des amendements pour mettre en œuvre des mesures compensatoires pour la consommation de terres agricoles comme celles qui existent pour la biodiversité. Un autre amendement répond à la problématique de la perte de foncier liée à la non-dissociation du bâti et du non bâti lors de rétrocessions de biens agricoles, notamment dans les zones intermédiaires de montagne. Hélas, les fourches caudines impitoyables de l’article 40, évoquées par le président Brottes, ont très largement limité notre possibilité d’amendements qui visaient à donner des moyens juridiques d’interventions supplémentaires aux SAFER et nous le regrettons profondément.

Nous ne pouvons pas, d’un côté, décider de rester une grande puissance agricole mondiale et, de l’autre, continuer à utiliser les meilleures terres agricoles pour les supermarchés, les pavillons ou les aménagements urbains. À proximité des agglomérations françaises, les terres agricoles sont consommées sans modération. Nous devons pouvoir utiliser tous les moyens disponibles, y compris des moyens coercitifs si besoin est.

Au sujet de la priorité donnée à la jeunesse, nous considérons que nous devons aller plus loin pour donner des perspectives d’avenir à nos jeunes. L’agriculture, c’est avant tout des hommes et des femmes qui doivent pouvoir espérer vivre de leur travail d’agriculteur. Or c’est un métier dans lequel les jeunes ne veulent plus s’engager parce que les conditions de vie sont trop dures et que les revenus sont trop faibles. C’est un métier qui risque mécaniquement de disparaître.

Nous vous proposerons des amendements pour faciliter les installations, pour améliorer l’enseignement agricole et la formation continue, pour renforcer la professionnalisation de l’activité agricole par le conditionnement de l’autorisation d’exploiter à l’acquisition d’un diplôme ou d’une capacité professionnelle reconnus. Ce sont des conditions essentielles pour redonner aux jeunes l’envie de se lancer dans l’aventure de ce métier passionnant.

En conclusion, si ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ne répond certes pas à tous les enjeux et ne permettra pas de donner du jour au lendemain des conditions idéales à nos paysans, les députés du groupe RRDP le soutiendront car il contient de bonnes dispositions.

À l’heure où nous allons débattre des amendements, je forme le vœu que nous gardions tout au long de nos débats des idées simples : nous n’aurons pas une alimentation saine et de qualité si nous ne défendons pas nos paysans ; nous n’assurerons pas la sécurité et l’autonomie alimentaire française si nous ne défendons pas nos paysans ; nous ne renforcerons pas notre balance commerciale, la vitalité de nos territoires et l’image de notre pays dans le monde si nous ne défendons pas nos paysans.

Nous avons beaucoup d’atouts pour réussir. Apprenons à les cultiver et faisons confiance à l’ensemble du monde agricole pour que la France développe la force de son modèle agricole. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder plus précisément les mesures de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt, je voudrais revenir sur le contexte européen dans lequel il s’inscrit.

L’Europe, comme la France, vient de perdre 25 % de ses exploitations agricoles et de ses actifs agricoles en seulement dix ans. Dans le même temps, pour les 500 millions d’Européens, la question alimentaire redevient une préoccupation centrale, en lien direct avec les conséquences de la crise financière, la perte d’emplois et de revenus, et l’explosion de la précarité.

Une analyse territoire par territoire conduirait même à démontrer que des populations entières en Europe sont désormais touchées par la sous-alimentation et la malnutrition, comme c’est le cas de la Grèce. Partout les politiques d’austérité font des ravages, y compris sur la satisfaction d’un besoin primaire de l’humanité : se nourrir.

En disant cela, je ne cède pas à un catastrophisme mais je parle d’une réalité : celle d’une Europe qui, au lieu de regarder les conséquences politiques du libéralisme, se complaît à proposer une politique agricole dite nouvelle avec des yeux tournés vers le passé.

Je dirais même que la Commission européenne et nombre de chefs d’État et de gouvernement renouvellent la PAC avec les mêmes réflexes qu’en 1992. Certains rêvent d’ailleurs toujours de la liquider, tant ils sont aveuglés par les sirènes de la finance.

Pour les députés du Front de gauche, les arbitrages retenus pour la politique agricole commune pour la période 2014-2020 ne répondent pas aux enjeux fondamentaux de cette politique essentielle aux Européens. Le projet de la Commission européenne et l’accord intervenu entre les chefs d’État et de gouvernement entendent continuer sur la voie de l’ouverture des marchés et du désengagement des politiques publiques agricoles.

C’est vrai que la France a œuvré et bien œuvré pour un maintien – certes, a minima – du budget actuel, mais on est finalement très loin de parvenir à une ambition renouvelée pour l’agriculture européenne.

L’engagement politique de l’Europe pour une PAC en phase avec les besoins d’un nouveau modèle agricole, plus durable, actant un juste partage de la valeur ajoutée au service du maintien et de renouvellement des générations d’actifs agricoles, au service des revenus des travailleurs de la terre, du développement rural, de la qualité des produits, du respect de l’environnement et de la pérennité des écosystèmes, n’est pas au rendez-vous.

C’est un constat bien amer, alors que l’initiative et la construction historique de la PAC furent longtemps le symbole d’une Europe politique sachant se doter de moyens suffisants pour atteindre des objectifs alimentaires au service de tous.

Ce résultat est bien le révélateur d’une politique européenne qui privilégie les intérêts financiers, même quand il s’agit comme ici d’un besoin fondamental, celui de nourrir les Européens.

Je ne souhaite pas verser dans le pessimisme en disant cela. C’est un simple constat, partagé par nombre d’organisations paysannes et par nombre de spécialistes des questions agricoles et alimentaires, notamment de nombreux chercheurs et de nombreuses ONG. Aussi, avant d’examiner les mesures intéressantes de ce projet de loi, ces propos introductifs se veulent comme un rappel : n’oublions pas le fond du contexte agricole et alimentaire européen !

Je réagis ainsi notamment à la lecture de l’exposé des motifs de ce texte, où nous retrouvons les mêmes envolées que pour chaque texte d’orientation agricole, avec, toutefois, un ajout, devenu le nouveau filtre de la pensée du Gouvernement, qui porte le nom de « compétitivité ». Comme si le simple fait de prononcer ce mot suffisait à régler tous les problèmes. Ainsi est-il précisé que l’on pourra, avec les mesures de ce texte, remplir « l’objectif de renouvellement des générations », mais je crois bien sincèrement qu’il faut faire preuve de plus de modestie. Soyons réalistes, en effet, au regard des grandes tendances qui perdurent inéluctablement sans changement structurel de politique européenne, sans rupture avec les politiques de libéralisation et d’abandon des outils de régulation et d’encadrement des marchés. Et elles se prolongeront malgré les inflexions et propositions novatrices que nous pourrons adopter pour l’agriculture française.

De même, si nous continuons de laisser de côté au niveau européen comme au niveau national la question centrale de la répartition de la valeur ajoutée au sein du secteur agricole, la question des revenus et des prix pour les producteurs, nous n’infléchirons pas les tendances à l’œuvre. Il nous faut avant tout viser et gagner un véritable changement de cap de la politique agricole européenne.

Tout reste donc à faire pour que, dans les années qui viennent, l’Europe donne autre chose à voir qu’une politique agricole et alimentaire sans autre réelle ambition que la mise en concurrence des productions agricoles sur un marché mondialisé. Aussi, il nous faut bien réaffirmer certains principes.

Tout d’abord, si l’on refuse clairement l’austérité pour l’Europe, refusons également l’austérité pour l’agriculture et le monde rural en Europe. Alors, notre tâche est bien de replacer l’importance des politiques publiques agricoles dans un contexte alimentaire, celui du XXIsiècle, et au regard de l’avenir des territoires ruraux. Cela a été dit en introduction, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques : soit nous faisons le choix de donner une grande ambition et d’accorder une grande attention, aux femmes et aux hommes qui répondent à nos besoins fondamentaux, soit nous considérons que les marchés le feront d’eux-mêmes ; c’est d’ailleurs l’idée que développait tout à l’heure M. Herth. Soit nous considérons que nous avons besoin d’une agriculture renouvelée, présente sur tous les territoires, produisant en quantité et en qualité l’essentiel de l’alimentation de 500 millions d’Européens, une agriculture relocalisée donc, soit nous considérons que la concentration des exploitations et du nombre d’agriculteurs est la seule règle qui s’impose pour satisfaire les intérêts financiers et le libre-échange mondial ; Antoine Herth allait aussi en ce sens tout à l’heure.

Nous avons tout à gagner, au contraire, à rouvrir systématiquement le débat sur ce fond politique. Le pire serait en effet de laisser croire que ce projet de loi bouclerait, par anticipation, un nouveau cycle pour l’agriculture européenne et française pour les six années à venir. Il nous faut donc, quels que soient nos choix et avant tout, viser et gagner un véritable changement de cap de la politique agricole européenne.

Ce texte aurait pu servir de point d’appui pour pousser cette autre ambition européenne et redonner une vision de la politique agricole commune que compte défendre notre pays pour les années à venir. Je considère qu’il ne le fait malheureusement pas, ou qu’il le fait seulement à la marge. Au contraire, il réaffirme, derrière le récurrent concept de la compétitivité, employé décidément à toutes les sauces, les présupposés d’une agriculture européenne qui doit coûte que coûte se couler dans le moule de la compétition internationale, autant dire dans le moule des marchés et de la finance, adversaires de la souveraineté et de la sécurité alimentaires des pays du Sud, adversaires de la protection sociale et des revenus des agriculteurs, comme des normes environnementales et sanitaires.

N’y a-t-il pas, chers collègues, une contradiction évidente entre cette affirmation monocorde de l’exigence de compétitivité et votre volonté, que je ne mets pas en doute, de maintenir des actifs agricoles en Europe, dans nos régions, sur nos territoires de montagne ? J’ai pour ma part bien du mal à voir comment nous pourrons – je dis bien : nous pourrons – permettre à des exploitations familiales, à taille humaine, de se maintenir tout en les mettant toujours plus en concurrence avec les viandes bradées du MERCOSUR ou des États-Unis. Mais sans doute – je me tourne vers mon ami et voisin Jean-Paul Bacquet en disant cela – ma réticence tient-elle au fait que je n’ai toujours pas succombé aux charmes enchanteurs de la pensée néolibérale et aux vertus intrinsèques du libre-échange sur les marchés agricoles.

C’est donc à la lumière de cette orientation de fond, indispensable à la clarté de nos débats, que les députés du Front de gauche examinent ce texte. Avec les députés d’outre-mer du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, nous essaierons d’en améliorer le contenu, d’autant plus que les mesures vont, pour l’essentiel, dans la bonne direction, même si elles restent à nos yeux trop souvent insuffisantes au regard des intentions affichées.

Monsieur le ministre, vous le savez, nous partageons l’objectif du « produire autrement ». Je vais y revenir, mais il faut bien admettre que la seule mise en œuvre des trente-neuf articles de ce texte ne suffira pas à infléchir les grandes tendances structurelles de l’agriculture européenne et nationale.

J’en viens donc de façon plus précise aux principales dispositions qui nous sont présentées. Le titre préliminaire redéfinit les grandes orientations de la politique agricole et alimentaire de notre pays, et comporte une série de propositions visant à favoriser la réorientation de notre modèle agricole. En ce qui concerne les principes généraux repris à l’article 1er, je regrette qu’il ne soit pas fait référence aux problématiques de fond évoquées précédemment. Je pense en particulier au contenu de la politique agricole en termes d’emplois, de revenus agricoles, de répartition de la valeur ajoutée.

Soyons attentifs à ne pas en rester à une forme de communication politique autour de la double performance économique et environnementale. Ce projet de loi doit afficher clairement la nécessité de s’attaquer à la problématique centrale des revenus agricoles, c’est-à-dire à la question de la répartition de la valeur ajoutée au sein des filières agricoles. Alors que l’article 1er du texte est censé fixer les orientations de notre politique agricole et alimentaire, cette omission sur la répartition de la valeur ajoutée est grave de conséquences pour l’avenir de nos producteurs. Disons-le : une gauche courageuse doit s’attaquer dès maintenant aux intérêts particuliers de la distribution, qui se confortent en vidant les poches des plus pauvres de nos concitoyens et en étranglant nombre de producteurs. J’aurai l’occasion d’y revenir en défendant plusieurs amendements, qui concernent notamment la mise en place effective de l’encadrement des prix et des marges de la grande distribution.

M. Germinal Peiro, rapporteur. C’est fait !

M. André Chassaigne. Une autre omission, partiellement rattrapée en commission avec l’adoption d’un de mes amendements, concerne l’objectif d’un haut niveau de protection sociale pour tous les actifs et les retraités du secteur agricole. C’est une particularité de notre modèle agricole qu’il faut conserver et renforcer. Sur ce point aussi, je propose une référence plus claire, sous la forme d’un amendement complétant la rédaction de l’alinéa relatif à la protection de la santé publique, puisqu’il s’agit d’apporter une attention toute spécifique à la protection de la santé des agriculteurs et des salariés du secteur agricole.

Comment ne pas regretter aussi, même si cela relève plus directement du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, l’absence de référence au renforcement de la protection sociale et sanitaire des agriculteurs comme à la solidarité à l’égard des retraités agricoles, avec l’exigence d’une retraite au moins égale à 85 % du SMIC, assise sur de nouvelles contributions du secteur bancaire et de l’assurance et de la grande distribution ? Ce sont aussi des mesures de justice sociale très attendues, que nous devons porter dans le débat agricole en France et en Europe.

Parmi les grands objectifs énoncés dans cet article 1er, je reviendrai également avec précision sur notre vision du développement de la valeur ajoutée des filières et du renforcement de notre capacité exportatrice. Nous avons besoin, à ce sujet, à la fois d’être très précis et de clarifier l’ambition de notre pays. Je me tourne à cet égard encore une fois vers M. Bacquet. Nous partageons, cher collègue, l’objectif de renforcement de nos capacités exportatrices, sachant qu’il faut s’appuyer essentiellement sur la diversité des produits et sur des démarches de promotion de la qualité et de l’origine. C’est ce qui a été fait dans le secteur de notre collègue avec le saint-nectaire, dont les exportations se sont énormément développées, grâce à sa qualité.

La rédaction actuelle est ambiguë, peut-être même volontairement, pour satisfaire une partie du monde agricole, dont les agrimanagers, très soucieux de voir s’ouvrir un peu plus les marchés sur des produits sujets à une spéculation intense. Est-ce là notre priorité ? Je ne le crois pas. Ce qui nous importe en revanche, c’est de tirer les leçons des difficultés actuelles de nos productions conventionnelles, fortement soumises à la concurrence internationale et au dumping social et environnemental. Nous privilégions une vraie stratégie de montée en gamme de nos exportations. Qu’il s’agisse d’ailleurs de nos échanges intracommunautaires, comme de nos exportations au-delà des frontières de l’Europe, affichons clairement notre volonté de renforcer et de soutenir le développement de nos productions sous l’ensemble des signes de qualité et d’origine, tout comme notre tissu de transformation artisanale et industrielle de grande qualité. Le discours que je tiens est vraiment complètement différent de celui que tenait tout à l’heure notre collègue Herth.

Mme Frédérique Massat. On s’en rend bien compte !

M. André Chassaigne. Je le dis pour qu’il réagisse, mais il ne réagit pas. (Sourires.)

J’aurai également l’occasion de revenir sur ce même article, en défendant deux amendements qui portent sur deux concepts encore une fois laissés de côté. Ils constituent pourtant les deux premiers défis de l’agriculture européenne et mondiale. Je veux parler de la souveraineté et de la sécurité alimentaires. Ces deux défis ne font malheureusement plus partie du vocabulaire de nos gouvernements successifs, qui jugent plus utiles de les remplacer par ceux de « compétition internationale » et de « compétitivité », qui sonnent pourtant comme l’antithèse de toute politique alimentaire réfléchie.

Comme je conçois que l’on trouve mes propos sans doute un peu dur sur ces substitutions sémantiques qui ont pourtant beaucoup de sens, je m’appuierai sur le constat fait par une douzaine de chercheurs du Centre d’études et de recherches internationales de Sciences Po Paris, dans une note concernant l’avenir de notre politique agricole commune, chercheurs qu’on ne saurait accuser de manquer d’objectivité scientifique. Ils écrivaient alors que « les travaux des économistes, venus d’horizons les plus divers, convergent aujourd’hui sur un certain nombre de constats qui montrent qu’aucune augmentation significative du bien-être collectif ne peut résulter de la libéralisation des échanges agricoles. [… ] Pour exercer sa souveraineté alimentaire à partir d’une agriculture durable, l’Europe a besoin d’une politique agricole volontariste forte. Pour construire cette politique, il faut savoir s’affranchir des modes intellectuelles du moment et savoir tirer les enseignements d’une histoire alimentaire riche en retournements imprévus. Dans les premières périodes de sa construction, l’Europe a su se doter d’une politique agricole efficace pour répondre à ses besoins du moment. [… ] Il ne s’agit donc certainement pas de cultiver la nostalgie, pour prôner le retour à la politique agricole originelle qui fut conçue dans un autre contexte, avec des moyens adéquats. Mais rien ne serait à l’inverse plus absurde que de prétendre ignorer les enseignements du passé, lors de l’élaboration de la politique agricole d’avenir dont l’Europe a besoin. » Monsieur le ministre, réaffirmons donc les principes de souveraineté et de sécurité alimentaires dans ce texte. Nous n’en serons que plus visionnaires.

J’en viens rapidement aux outils et mesures inscrits dans le titre premier, qui est présenté comme le cœur de ce projet de loi. Qu’il s’agisse de la création des GIEE ou de la création de nouveaux outils concernant la réorientation des pratiques, ces mesures vont dans le bon sens. Elles répondent sans aucun doute à des demandes, notamment celles d’agriculteurs souhaitant s’engager dans des démarches environnementales, sociales et productives vertueuses. Ces outils témoignent également de la volonté d’élargir à de nouveaux acteurs, comme les collectivités territoriales, l’engagement et le soutien aux agriculteurs dans ces démarches.

En ce qui concerne la contractualisation, qui était le volet central de la précédente loi de modernisation de l’agriculture, je ne crois pas que la simple création d’un médiateur des relations commerciales agricoles règle le problème de fond. Car le problème de fond, c’est celui de la fixation des prix, et le médiateur n’aura pas de pouvoir sur cet enjeu essentiel. De même, il ne semble pas que de nouveaux pouvoirs lui soient confiés pour s’attaquer aux dispositions les plus nuisibles de la loi Chatel de 2007 ou de la loi de modernisation de l’économie de 2008. Là aussi, je crois que la représentation nationale pouvait, ou pourra, aller plus loin en poussant un véritable encadrement des prix agricoles, qui garantisse les revenus des agriculteurs et des relations commerciales réellement équilibrées.

Le titre II consacré à la protection des terres et au renouvellement des générations revêt une importance capitale au regard des objectifs de maintien de l’activité agricole et de l’installation.

La question foncière est devenue déterminante dans de nombreux pays européens, notamment en France. Les terres agricoles sont soumises à des pressions croisées avec, d’une part, une accélération du changement d’affectation des sols, en particulier en zone périurbaine, et, d’autre part, une volonté d’agrandissement des structures agricoles existantes, qui se fait clairement au détriment des reprises et des installations. Cela a déjà été dit. Notre politique foncière doit donc être remise en lien avec la construction d’un nouveau modèle agricole, riche en emplois, sur la base de productions relocalisées. Aussi proposons-nous de fixer des objectifs ambitieux de réduction du rythme d’artificialisation des sols, en faisant de la protection du foncier agricole une priorité, en particulier en zone périurbaine. Il s’agit de fixer des objectifs ciblés, territoire par territoire, en matière de limitation de la consommation des espaces.

Le rôle de l’Observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers doit à ce titre être clairement renforcé pour qu’il fasse, à partir de ses propres analyses, des propositions concrètes en termes d’objectifs de réduction du rythme de changement d’affectation des sols dans chaque département. Ces propositions pourraient très bien, ensuite, être déclinées au niveau des schémas de cohérence territoriale.

M. Jean-Paul Bacquet. Tout à fait !

M. André Chassaigne. Il faut aussi que les outils et structures d’accompagnement de la politique foncière privilégient plus encore l’installation sur des structures à taille humaine, en favorisant l’emploi. Ce volontarisme doit se doubler d’un véritable soutien financier et réglementaire à l’installation agricole, avec la définition de plafonds en termes de surface par actif.

Je prends note avec satisfaction des avancées significatives en faveur d’une réorientation du contrôle des structures et de la politique d’installation, avec l’objectif de limiter les abus en termes de concentration des exploitations. Ainsi, la réforme profonde concernant l’importance minimale de l’exploitation ou de l’entreprise agricole pour que ces actifs soient considérés pleinement comme chefs d’exploitation doit constituer un véritable levier pour l’installation qu’il conviendra d’accompagner de soutiens adaptés.

Par ailleurs, la redéfinition et l’extension du rôle, des objectifs et des pouvoirs des SAFER – les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural – doit permettre de favoriser une mobilisation plus importante et plus juste des terres agricoles, pour accompagner concrètement l’installation de nouveaux agriculteurs et conforter les structures les plus modestes. C’est également un point positif de ce texte, mais qui pourrait encore être conforté en élargissant ce droit de préemption à l’ensemble des cessions. Du fait de leur montage, certaines cessions continueront en effet d’échapper à la préemption des SAFER. C’est l’objet de deux de nos amendements.

Le titre III, qui concerne plus spécifiquement la politique de l’alimentation, apporte également une série d’avancées en matière de maîtrise de la consommation des produits phytopharmaceutiques et des antibiotiques. Ces questions sont au centre de l’enjeu du « produire autrement ». Je suis toutefois très dubitatif, monsieur le ministre, à propos du transfert à l’ANSES de nouvelles compétences dans le domaine de l’homologation des produits, qui pourrait considérablement affaiblir les orientations politiques prises en ce domaine. Vous répondrez sans doute à cette question, monsieur le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Oui.

M. André Chassaigne. Je suis tout aussi dubitatif au sujet de l’absence de bilan du plan Écophyto, dont vous avez rappelé – à juste titre – que les objectifs sont loin d’être atteints. Je crois que la question de la formation, de la démonstration et du transfert aux exploitations des nouvelles pratiques culturales est déterminante. Elle n’est pourtant pas clairement abordée dans le texte. Nous aurons aussi l’occasion d’y revenir lors de l’examen des articles.

C’est d’ailleurs sur le volet de l’enseignement et de la formation que ce projet de loi est, selon moi, le plus faible. Bien sûr, le principe d’acquisition progressive des diplômes constitue une avancée qui doit, là aussi, permettre de renforcer notre politique d’installation. Cependant, quasiment rien n’est prévu pour accompagner une nouvelle donne agricole alliant économie, social et environnement, alors que ce texte aurait pu constituer un véritable point de départ pour une réforme en profondeur de notre enseignement agricole, notamment de ses structures de mise en pratique. Je pense, bien entendu, aux exploitations qui lui sont liées, et qui doivent fonctionner comme de véritables relais d’expérimentation des nouvelles pratiques avec un soutien appuyé de l’État, de l’enseignement supérieur agricole et des organismes publics de recherche dans le domaine agricole.

Monsieur le ministre, nous nous opposerons par ailleurs vigoureusement au principe de la création d’un Institut agronomique et vétérinaire de France qui, selon nous, porte en germe une restructuration profonde de la recherche et de l’enseignement supérieur agronomique et vétérinaire publics. Cette création reviendrait à transformer un secteur qui compte nombre d’établissements de renommée mondiale, tels que l’INRA ou le CIRAD, en un nouvel établissement de grande dimension sans nouveaux moyens financiers, qui serait donc à la charge d’établissements aux budgets déjà exsangues. Le CESE a d’ailleurs jugé inadéquate et inopportune la création de cet institut, s’interrogeant sur les attributions réelles et les modalités de gestion de l’établissement, dont les composantes, s’agissant des instituts de recherche, ne sont pas clairement définies. J’ai lu et relu l’article : cela ne me semble pas très clair.

Le texte reste très vague sur les contours réels, les ambitions et les moyens de cette nouvelle structure. Le fait que les principales dispositions soient confiées à des décrets n’est pas pour rassurer les agents et personnels des établissements concernés. Au regard du contexte budgétaire, ils ont sans doute toutes les raisons de s’inquiéter d’un nouvel institut qui donnerait des gages certains à la mutualisation et à la suppression de personnels, voire à la fusion d’établissements. La réduction des moyens humains et financiers ne peut servir de trame de fond à la réorganisation de l’enseignement supérieur agricole et à la recherche. J’aurais, là aussi, l’occasion d’y revenir en demandant la suppression des alinéas consacrés à la création de l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France. Vous y reviendrez-vous sans doute avant, monsieur le ministre, mais je crains que ce ne soit pas pour appuyer une telle suppression ! (Sourires.)

Concernant le volet forestier, nous avons aussi beaucoup à faire pour redonner une ambition à la hauteur des potentialités de la forêt française. Certes, les dispositions contenues dans ce projet de loi se situent dans la lignée des orientations budgétaires positives qui témoignent d’un nouvel intérêt pour ce secteur – il s’agit par exemple de la concrétisation d’un fonds stratégique. Cependant, les dispositions présentées méritent d’être explicitées et complétées : je pense notamment aux nouvelles possibilités qui seraient ouvertes par les Groupements d’intérêt économique et environnemental forestier, les GIEEF. Concernant la lutte contre l’importation de bois illégaux, je crois également que nous avons besoin de connaître précisément les conséquences des dispositions introduites en référence à la nouvelle réglementation européenne et les moyens réels de contrôle qui seront à notre disposition.

Vous le voyez, notre appréciation sur le contenu de ce texte est nuancée. Est-ce faire preuve d’une trop grande sévérité que de dire qu’il manque de fond ? Quoi qu’il en soit, je pense qu’il mérite d’être complété largement d’ici son adoption. Les députés du Front de gauche essaieront ainsi d’améliorer son contenu, dont les mesures vont pour l’essentiel dans la bonne direction, même si elles restent souvent insuffisantes au regard des intentions affichées.

Monsieur le ministre, vous le savez, nous partageons l’enjeu du « produire autrement », mais nous devons bien admettre que la seule mise en œuvre des trente-neuf articles de ce texte peinera indéniablement à infléchir les grandes tendances structurelles de l’agriculture européenne et nationale. Au sein du groupe GDR, les parlementaires du Front de gauche tout comme les parlementaires d’outre-mer mettent en avant des propositions essentielles pour l’avenir de notre agriculture. Ils défendent un droit à l’alimentation de qualité pour tous les citoyens européens et, dans le même temps, un droit au revenu pour tous les agriculteurs, notamment pour les petites et moyennes structures. Il nous faut donc porter l’ambition d’une politique agricole et alimentaire d’une tout autre dimension, renouvelée et renforcée, qui ose se défaire des chaînes de la pensée libérale.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je ne doute pas de votre volonté de construire avec la représentation nationale une grande loi d’avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Merci, monsieur Chassaigne.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron