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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 14 janvier 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Protection du Président de la République

M. Christian Jacob

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre

formations prioritaires pour l’emploi

M. Philippe Duron

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Construction de logements

M. Michel Piron

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Filière microélectronique

M. François-Michel Lambert

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Inflation et pouvoir d’achat

M. Christophe Sirugue

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Réforme de la justice

M. Thierry Braillard

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Politique budgétaire

M. Étienne Blanc

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Réforme de la justice

M. Hugues Fourage

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Plan social à La Redoute

M. Gérald Darmanin

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Situation en Centrafrique

M. Guy-Michel Chauveau

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Mouvement des surveillants de prison

M. Philippe Gosselin

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Orientation après le baccalauréat

Mme Lucette Lousteau

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Redécoupage cantonal

M. Claude de Ganay

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Projet de loi sur l’agriculture

M. Philippe Le Ray

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Assassinat de Maurice Audin

M. François Asensi

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

2. Agriculture, alimentation et forêt

Explications de vote

Mme Jeanine Dubié

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

Mme Brigitte Allain

M. André Chassaigne

M. Dominique Potier

M. Antoine Herth

M. Thierry Benoit

Vote sur l’ensemble

M. Stéphane Le Foll, ministre

3. Nomination d’un député en mission temporaire

4. Accès au logement et urbanisme rénové

Présentation

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission des affaires économiques

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Motion de rejet préalable

M. Benoist Apparu

Mme Cécile Duflot, ministre

M. François de Rugy

M. Christophe Borgel

M. Jean-Marie Tetart

M. Michel Piron

Suspension et reprise de la séance

Discussion générale

Mme Michèle Bonneton

M. Olivier Falorni

M. Gabriel Serville

Mme Jacqueline Maquet

M. Jean-Marie Tetart

M. Michel Piron

M. André Chassaigne

M. Philippe Bies

M. Lionel Tardy

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Protection du Président de la République

M. le président. Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

La vie privée doit être un sanctuaire pour tous nos concitoyens, y compris pour le Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Dites-le à M. Copé !

M. Christian Jacob. Il y a un an, vous nous avez proposé une loi pour la transparence de la vie politique à la suite du scandale de l’affaire Cahuzac. Cette loi traduit une véritable course démagogique à la transparence, qui débouchera sur le voyeurisme. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Ne comptez donc pas sur nous pour juger le comportement privé du Président de la République.

M. Bernard Roman. Expliquez-le à M. Copé !

M. Christian Jacob. C’est à lui et à lui seul de s’expliquer face aux Français…

M. Bruno Le Roux. Dites-le à M. Copé !

M. le président. Monsieur Le Roux, s’il vous plaît !

M. Christian Jacob. …et de nous dire quelles suites il entend donner à cette affaire, en particulier s’agissant du rôle officiel de sa compagne.

Reste la question de sa sécurité. Pendant le temps de son mandat, le Président de la République n’est pas un citoyen normal. Il est le chef de nos armées ; il est la clé de voûte de nos institutions. Sa protection ne doit souffrir d’aucun amateurisme.

Dans ce contexte, monsieur le Premier ministre, je vous poserai deux questions.

Première question : comment est-il possible que le Président de la République fasse l’objet, pendant plusieurs semaines, de ce qui s’apparente à une véritable filature, sans que personne, au sein du service de protection des hautes personnalités, s’aperçoive de rien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est une défaillance.

Deuxième question : est-il possible que le Président de la République décide lui-même de son niveau de sécurité et de protection ?

M. Jean Glavany. Qu’est-ce que ça peut vous faire ?

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République doit prendre conscience du niveau des responsabilités qu’il exerce,… (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Perez. C’est minable !

M. Bruno Le Roux. Honteux !

M. Christian Jacob. …du fait que sa fonction sublime sa personne et qu’il incarne l’image de la France aux yeux du monde ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, vous aviez bien commencé, mais cela n’a duré que quelques secondes.

M. Jean-Claude Perez. Comme d’habitude !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Il faut cesser de confondre vie privée et exercice de la fonction publique. Or c’est ce que vous venez, hélas ! de faire. (« Pas du tout ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Vous prétendez défendre la fonction du chef de l’État et vous ne faites rien d’autre qu’essayer de l’abîmer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, s’il vous plaît !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, je vous le demande devant la représentation nationale : pouvez-vous citer une seule fois où le Président de la République ait opéré une quelconque confusion entre la vie privée à laquelle il a droit et les fonctions qu’il exerce à la tête de la République ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous êtes incapable d’en citer le moindre exemple ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Julien Aubert et M. Pierre Lellouche. Répondez à la question !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Pour le reste, je vais répondre très simplement : je vous invite à regarder dans quelques instants votre écran de télévision et à écouter ce que dira le Président de la République à l’occasion de sa conférence de presse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous verrez bien qu’il n’a qu’une seule préoccupation, d’ailleurs essentielle : l’avenir de la France, le retour de la croissance et la bataille pour l’emploi, pour l’avenir de notre modèle social et républicain. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Je vous invite donc à le regarder et à l’écouter. Si vous avez à le critiquer, c’est là votre devoir, car nous sommes en démocratie ; si vous avez à proposer, c’est encore mieux. Mais s’il s’agit de poursuivre la polémique et d’essayer d’instrumentaliser tel ou tel aspect dont la presse people se fait l’écho, ce n’est pas digne d’une grande démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert et Mme Virginie Duby-Muller. C’est nul !

formations prioritaires pour l’emploi

M. le président. La parole est à M. Philippe Duron, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Duron. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Plus que jamais, la priorité du Gouvernement et de la majorité est l’emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Depuis dix-huit mois, vous avez mis en place une stratégie qui permettra à notre pays de relever le défi de l’inversion de la courbe du chômage. Cette mobilisation commence à porter ses fruits avec, entre autres, le succès des emplois d’avenir et le développement des contrats de génération.



Monsieur le ministre, à l’issue de la conférence sociale de juin dernier, vous annonciez devant la représentation nationale la préparation du plan « formations prioritaires pour l’emploi », qui vise à mobiliser la formation professionnelle pour permettre aux employeurs de trouver les 200 000 à 300 000 salariés qui leur manquent chaque année, faute de candidats ayant les compétences adaptées.



Le travail que vous avez engagé avec les régions et les partenaires sociaux a permis d’identifier rapidement les besoins réels de main-d’œuvre par filière, par métier, par région, afin de lancer des formations spécifiques dès la rentrée.



Monsieur le ministre, vous avez présenté la semaine dernière un premier bilan très positif et encourageant de ce nouveau dispositif. Il laisse même penser que l’objectif de 30 000 entrées en formation supplémentaires serait dépassé. Dans ma région, la Basse-Normandie, les objectifs le sont d’ores et déjà.



Pouvez-vous nous confirmer ces bonnes nouvelles à l’échelle nationale et nous indiquer si les formations délivrées correspondent bien aux attentes des secteurs économiques en pénurie de main-d’œuvre ?



Après cette première étape franchie avec succès, il convient désormais de garantir durablement ces formations et ces emplois. Vous piloterez à la fin du mois la prochaine réunion de mobilisation avec les régions et les partenaires sociaux. Qu’attendez-vous de cette nouvelle rencontre…



Un député du groupe UMP. Rien !

M. Philippe Duron. …et quelles perspectives nouvelles… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Merci, monsieur le député.

La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, monsieur le député Philippe Duron, vous posez la seule question qui intéresse les Français, (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) à savoir avec quels outils, selon quelle pertinence et à quelle vitesse nous faisons reculer le chômage et promouvons l’emploi. C’est le seul vrai sujet qui intéresse nos concitoyens, ainsi que nous pouvions nous en rendre compte où que ce soit en France ce dimanche.

M. Daniel Fasquelle. Arrêtez donc !

M. Michel Sapin, ministre. Vous avez mis l’accent sur une politique lancée à la fin de l’année dernière, et qui a porté éminemment ses fruits. De quoi s’agit-il ? Vous rencontrez, mesdames et messieurs les députés, trop de chefs d’entreprise qui disent avoir un poste disponible mais ne pas trouver de candidat avec la formation adaptée pour l’occuper, et beaucoup trop de demandeurs d’emploi qui sont prêts à travailler mais n’ont pas la formation qui leur permette de répondre à ce genre d’offre. C’est à cette problématique que nous voulons répondre.

Dans l’urgence, 30 000 formations ont été lancées à la fin de l’année dernière, 30 000 solutions, 30 000 vraies formations pour 30 000 vrais emplois. Oui, nous avons dépassé nos objectifs. Il faut maintenant amplifier l’effort pour passer à 100 000 formations en 2014.

Ce plan de 100 000 formations sera lancé dans quelques jours. Déjà, dans les territoires, les régions, les partenaires sociaux et l’ensemble des services publics de l’emploi s’y préparent. Ce sont 100 000 personnes qui trouveront une solution et pourront occuper 100 000 emplois véritables, pour la relance de l’économie et le retour à la croissance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Construction de logements

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le Premier ministre, chaque mois qui passe nous éloigne de l’objectif du Président de la République, construire 500 000 logements par an.

Les derniers chiffres en attestent : la baisse du nombre de permis de construire est de 18,8 % ces trois derniers mois et de 15,7 % en un an ; le nombre de mises en chantiers a baissé de 5,5 % ces derniers mois et de 6,2 % en un an, passant même sous la barre des 300 000 de novembre 2012 à novembre 2013. Le nombre d’emplois perdus dans le bâtiment en 2013 s’élèvera à près de 25 000, tandis que les professionnels craignent des chiffres similaires pour l’année 2014. Seules 330 000 constructions neuves seront sorties de terre en 2013, soit 170 000 logements de moins que la promesse présidentielle !

Vous le savez, monsieur le Premier ministre, derrière ces chiffres catastrophiques, ce sont autant de familles qui subissent quotidiennement la crise. Il est donc urgent de tout mettre en œuvre pour augmenter substantiellement l’offre de logements et répondre aux besoins de nos compatriotes, toujours plus nombreux à ne pouvoir se loger décemment.

Que comptez-vous donc faire face à cette situation ? Le 1erjanvier 2014, vous avez augmenté, avec le taux de TVA, les charges qui pèsent sur la construction. Le plan de relance du logement du 21 mars 2013 n’a pas produit d’effets visibles à ce jour. Aussi, quelles sont les mesures fortes que vous entendez prendre pour éviter que l’hiver 2014 ne fasse écho aux plus mauvaises années de construction de logements ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le député Michel Piron, la question de la construction de logements est extrêmement sérieuse. Si l’on regarde ce qui s’est passé ces trente dernières années, le seuil de 375 000 logements mis en chantier par an n’a été atteint que trois fois. L’objectif fixé par le Président de la République est donc très ambitieux ; il nous engage tous.

Vous avez donné des chiffres sur quelques périodes, mais ce qui nous intéresse, c’est la tendance, une tendance de résistance face à la crise. Oui, que 335 000 logements aient été mis en chantier en 2013, eu égard à ce que certains annonçaient – moins de 300 000 logements – montre que l’engagement du Gouvernement et des professionnels à résister dans un moment très difficile a porté ses fruits.

Chacune des 20 mesures annoncées par le Président de la République au mois de mars a été mise en œuvre. Les mesures d’urgence sur les recours abusifs, sur la densification et sur la facilitation des processus de construction sont aujourd’hui effectives.

M. Frédéric Reiss. Honteux !

Mme Cécile Duflot, ministre. Mais puisque vous voulez parler chiffres, monsieur le député, j’évoquerai les chiffres officiels, publiés par le ministère hier soir : les autorisations de logements sociaux ont augmenté de 14 % en 2013 par rapport à l’année 2012. Ce rôle contracyclique du logement social est décisif ; il s’articule dans une politique globale.

M. Frédéric Reiss. Le bâtiment va mal !

Mme Cécile Duflot, ministre. Je suis certaine qu’avec une nouvelle vague d’efforts, nous engagerons la France vers cet objectif de 500 000 logements. Il mérite une mobilisation générale ; je suis heureuse de pouvoir compter sur les professionnels et leurs salariés pour l’atteindre. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Filière microélectronique

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.

M. François-Michel Lambert. Ma question, monsieur le président, à laquelle j’associe MM. Jean-David Ciot et Christian Kert, s’adresse à M. le ministre du redressement productif. La filière microélectronique est une industrie stratégique qui, à l’échelle internationale, représente un chiffre d’affaires de près de 194 milliards d’euros, et plus de 10 % du PIB mondial. Elle est au cœur d’une mutation technologique peut-être sans précédent, puisque le basculement vers la nanoélectronique promet à de multiples secteurs industriels d’être réinventés. La microélectronique jouera un rôle crucial pour surmonter les grands défis sociétaux tels que l’explosion des dépenses de santé et les coûts liés au vieillissement de la population. Son rôle sera tout aussi important dans le cadre de la transition énergétique voulue par notre Président de la République, et qui est un enjeu majeur dès 2014 pour ce qui concerne la maîtrise de la consommation d’énergie et la gestion des ressources naturelles.

En France, à l’heure où nous devons revenir à une vision stratégique de long terme, le Gouvernement a engagé une réflexion destinée à déterminer les priorités de la politique industrielle de la France en 2025 et au-delà. La microélectronique et la nanoélectronique font partie des 34 plans retenus dans le cadre du pôle de compétitivité mondial SCS – « Solutions communicantes sécurisées ». Disons-le clairement : c’est bien.

Cependant, ce volontarisme affiché doit se traduire dans les faits. J’attire votre attention, monsieur le ministre, sur la situation du site de production de circuits imprimés à Rousset, dans les Bouches-du-Rhône, que gère le groupe allemand LFoundry. Malgré ses atouts indéniables, l’usine LFoundry de Rousset vient de faire l’objet d’une décision de liquidation judiciaire avec cessation immédiate d’activité. Cette conclusion consacre un véritable gâchis industriel alors même que l’entreprise aurait pu commercialiser une gamme de nouveaux produits basés sur une nouvelle technologie. L’entreprise avait besoin de 35 millions d’euros ; le coût de fermeture avoisinera 100 millions.

Ma question est la suivante : dans la dynamisation de la filière microélectronique que vous défendez, quelle est la place de l’expertise et des compétences développées sur le site LFoundry à Rousset ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Vous avez raison, monsieur le député, de signaler que la France dispose d’un capital important en matière de microélectronique et de nanoélectronique, capital dans lequel le Gouvernement a d’ailleurs souhaité investir davantage. C’est le sens de l’un des 34 plans industriels que j’ai présentés voici quelques mois.

Il faut le savoir : nous avons en France les dernières capacités de production technologique des composants microélectroniques que contiennent les tablettes numériques et les téléphones intelligents du monde entier, toutes marques confondues. C’est l’un des derniers sites européens dans ce domaine, et nous comptons bien le soutenir, le renforcer et l’aider dans ses évolutions technologiques vers les nouvelles frontières qui, dans chacun des cycles économiques, se présentent environ tous les trois ans.

Vous évoquez, monsieur le député, la fonderie LFoundry qui se trouve à Rousset : ce dossier ne nous a naturellement pas échappé, et nous y travaillons depuis plusieurs mois. Un repreneur s’est présenté in extremis avant la liquidation décidée par le tribunal de commerce, muni d’un projet technologique. J’ai donc demandé aux organes concernés par la procédure collective, à savoir l’administrateur judiciaire, le tribunal de commerce et le liquidateur, d’accorder un délai supplémentaire permettant d’examiner en dernière minute cette proposition de reprise et de conversion de l’outil industriel. Nous sommes en cours de discussion. À ce stade, nous avons besoin d’éléments et d’apports de financement qui ne sont pas au rendez-vous, mais l’État, comme d’habitude, sera présent si l’offre est crédible, solide et durable, car nous voulons avec vous défendre nos outils industriels dans ce secteur stratégique ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Inflation et pouvoir d’achat

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le ministre de l’économie, l’INSEE a publié ce matin les statistiques de l’inflation : avec une hausse de 0,7 % pour 2013, nous enregistrons un minimum historique. Cette volonté, qui est aussi un signe extrêmement encourageant pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens, s’illustre aussi par d’autres actions que le Gouvernement conduit en la matière : la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire, celle du RSA, le blocage des loyers, l’accompagnement destiné à augmenter le nombre de bénéficiaires du minimum vieillesse, ou encore les mesures qui seront prises dans le cadre de la loi sur la consommation.

Le pouvoir d’achat étant une priorité du Gouvernement, les mêmes préoccupations concernent la maîtrise de la dépense publique, de sorte que nous puissions retrouver les moyens d’accompagner le pouvoir d’achat de celles et ceux qui en ont le plus besoin. Nous sommes loin des temps où, dès que quelques marges se présentaient, elles étaient transformées en cadeaux fiscaux à ceux qui comptent parmi les plus riches.

Aussi, monsieur le ministre, que pouvez-vous nous dire de ce chiffre publié par l’INSEE, et quels autres éléments avez-vous qui seraient autant de bonnes nouvelles pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Comme en témoigne votre question, monsieur le député, le pouvoir d’achat est une préoccupation centrale du Gouvernement. Ce matin, l’INSEE a dévoilé les statistiques de l’inflation : à 0,7 %, elle est exceptionnellement contenue, et même historiquement basse.

Pourquoi ? Tout d’abord, reconnaissons qu’il existe un facteur lié à la conjoncture internationale : la crise pousse à la maîtrise des prix. Cependant, il y a aussi la politique que nous menons et qui, contrairement à celle de nos prédécesseurs, met l’accent sur les dépenses contraintes que sont le logement, la santé et l’énergie.

Il y a aussi les efforts que nous avons consentis pour, dans le cadre de la loi sur la consommation, mettre en place l’action de groupe qui permet de réparer de petits préjudices. Il y a les mesures favorables à la concurrence que nous avons prises dans le domaine de l’optique ou dans celui des tests de grossesse, qui permettent là encore de faire baisser les prix. Et puis, nous avons pris des mesures concernant le pouvoir d’achat lui-même : augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, niveau du SMIC, action concernant les petites retraites qui ont été ramenées à 60 ans pour ceux qui ont cotisé longtemps.

Nous allons poursuivre tout cela, monsieur le député, en conduisant d’abord une politique pour l’emploi, car l’emploi est le premier déterminant du pouvoir d’achat. Toutes les mesures que nous avons prises en faveur de la compétitivité et de l’emploi seront promues dans le cadre du pacte de responsabilité voulu par le Président de la République.

Mme Claude Greff. Deux ans ! Cela commence à faire long !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je tiens à dire un dernier mot sur un sujet d’actualité, dont j’imagine qu’il était implicitement abordé par votre question : l’impact de ces mesures sur le taux du livret A. Ce taux sera fixé au terme d’un dialogue entre le gouverneur de la Banque centrale et moi-même, ministre de l’économie et des finances, mais je peux d’ores et déjà vous dire que le Gouvernement sera particulièrement attentif au pouvoir d’achat de l’épargne populaire, car le taux de rémunération, de 1,25 % actuellement, est déjà très bas. Voilà ma réponse ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Réforme de la justice

M. le président. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Braillard. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux. Il est clair que l’institution judiciaire va mieux. (Rires sur les bancs du groupe UMP.) Les premiers effets de nos décisions budgétaires se font sentir au quotidien dans les différents tribunaux de notre pays. Mieux encore : grâce à votre action, madame la garde des sceaux, la justice française est passée d’un climat de défiance à un climat de confiance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Comme chacun sait, la confiance des citoyens envers la justice est un point essentiel du pacte républicain qui nous rassemble !

Une justice impartiale et indépendante… (Mêmes mouvements)

M. Marcel Bonnot. Il faut le nommer garde des Sceaux !

M. Thierry Braillard. Vous criez, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, mais prenez des leçons, car vous n’en avez pas à donner sur ce point ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Avec un accès au contentieux facilité, tels sont les souhaits exprimés très régulièrement par les uns et les autres. De nombreux rapports vous ont été rendus au cours des derniers mois, madame la ministre, dont ceux de MM. Nadal, Marshall et Delmas-Goyon ainsi que les travaux de l’Institut des hautes études de la justice. Ce week-end, vous avez organisé avec M. le Premier ministre deux journées d’échanges et de débats sur la justice du vingt-et-unième siècle.

M. Marcel Bonnot. Qui n’ont rien changé !

M. Thierry Braillard. Regroupement de juridictions et de contentieux par blocs de compétences, généralisation de la médiation, renforcement des maisons de justice et du droit, modifications de certaines procédures dont les procédures pénale et prud’homale : c’est tout le système judiciaire qui doit être remis à plat, même si le juge doit demeurer le juge du conflit. La remise à plat par le dialogue et la concertation, telle est votre méthode, madame la garde des sceaux. Aussi, pouvez-vous nous dire comment vous entendez répondre concrètement à toutes les propositions formulées et préciser quelles sont les premières mesures susceptibles d’être engagées à court et moyen terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Vous avez raison, monsieur le député Thierry Braillard, de rappeler que le Parlement a validé, par son vote, les orientations et les augmentations budgétaires proposées par le Gouvernement. Il nous incombe en effet à la fois de changer la relation entre l’exécutif et l’institution judiciaire et d’améliorer l’exercice quotidien des missions, des fonctions et des métiers. Nous l’avons fait par le biais d’une politique de recrutement de magistrats et de greffiers qui donne déjà des résultats très encourageants et en augmentant de 33 % le budget de l’immobilier judiciaire, car nous avons trouvé un parc immobilier plutôt dégradé par endroits.

Nous avons pris des mesures d’urgence pour recruter des assistants de justice et renouveler le parc informatique, fait en sorte que chaque tribunal de grande instance compte un bureau d’aide aux victimes, mis un terme aux dispositifs qui perturbaient le fonctionnement quotidien des juridictions comme celui des assesseurs correctionnels, levé l’entrave à l’accès au juge et à la justice en supprimant le timbre de trente-cinq euros et clarifié les relations entre la chancellerie et le parquet, en particulier par la loi du 25 juillet 2013 et par la suppression des instructions individuelles.

Tout en menant à bien ce travail d’amélioration du quotidien, nous avons entrepris la réforme que vous évoquez, monsieur le député, qui a donné lieu à un débat national de deux jours ouvert par M. le Premier ministre. Nous consoliderons la dynamique enclenchée par le parquet, qui s’est montré très créatif au cours des dernières années, en particulier en améliorant son efficacité et sa diligence et en créant le traitement en temps réel, la convocation par officier de police judiciaire et la troisième voie. Ainsi, nous travaillons pour le quotidien et traçons en même temps les contours de la justice du vingt-et-unième siècle au service des citoyens, en intelligence collective avec les acteurs et partenaires de la justice ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

Politique budgétaire

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Il y a quelques jours, à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée de la Cour des comptes, M. le Premier Président Migaud, s’adressant sans doute à vous-même et votre gouvernement, a dit qu’il faut « en terminer avec les non-choix » et que « les hausses d’impôts ont atteint leurs limites ». Il a aussi appelé à « des efforts énergiques en matière de politique sociale pour ramener les comptes sociaux à l’équilibre » et conclu en indiquant que « des efforts d’économie doivent constituer une absolue priorité ». Le Président de la République, qui présentait il y a quelques jours ses vœux aux Français, disait, après les avoir tellement augmentés, que les impôts sont excessifs et beaucoup trop lourds. De même, il affirmait, après les avoir tellement augmentées, que les dépenses publiques doivent désormais diminuer.

M. Olivier Dassault. Enfin du réalisme !

M. Étienne Blanc. Vous-même, monsieur le Premier ministre, et votre gouvernement, serez chargés de mettre en place une telle politique de diminution de la dépense publique.

M. Jean-Claude Perez. Quel estomac !

M. Étienne Blanc. Vous ne pourrez pas continuer, comme vous le faites depuis vingt mois, à imaginer des chocs de compétitivité qui ne viennent pas, des chocs de simplification que l’on attend et des pactes, commissions et conventions qui ne font rien sinon procrastiner. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) Dès lors, ma question est triple, monsieur le Premier ministre. Quels emplois publics comptez-vous supprimer et combien ? Quelles politiques publiques comptez-vous abandonner ou réorganiser ? À quelles politiques sociales comptez-vous renoncer ? Vous êtes au pied du mur, monsieur le Premier ministre. L’heure de vérité a sonné, celle de la vérité que vous devez aux Français et, par des réponses précises à mes questions, à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Goujon. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Vous évoquez pour l’essentiel, monsieur le député, trois sujets que je vais évoquer à mon tour afin que l’heure de vérité qui n’a pas inspiré votre question trouve un début de place dans la réponse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vous évoquez d’abord, monsieur le député, les déficits, ceux des comptes sociaux en particulier. Comme la seule vérité qui vaille en la matière est celle des chiffres, je vous les rappelle très simplement et très amicalement, ce qui devrait être de nature à vous rassurer pleinement.

Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, le déficit des comptes sociaux et du fonds de solidarité vieillesse s’élevait, mesdames et messieurs les députés, à près de vingt-et-un milliards d’euros. En 2012, nous l’avons ramené à un peu plus de dix-sept milliards d’euros et il sera en 2013, conformément à nos prévisions, un peu supérieur à seize milliards d’euros. Pour 2014, nous prévoyons un déficit des comptes sociaux de douze milliards d’euros. Autrement dit, en vingt mois, nous aurons diminué de huit milliards d’euros les déficits laissés par la précédente majorité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Claude Perez. Et voilà !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Telle est la vérité des chiffres et des déficits, puisqu’il faut vous rassurer, monsieur le député.

Vous évoquez ensuite la dépense publique. Considérons très simplement les chiffres. Pendant dix ans, de 2002 à 2012, la dépense publique a augmenté, en moyenne annuelle, de 2,1 %. Dans le budget présenté à l’Assemblée nationale et voté par la représentation nationale, l’augmentation de la dépense publique pour 2014 est de 0,4 %. En vingt mois, nous aurons divisé par cinq l’augmentation de la dépense publique, ce qui devrait également être de nature à vous rassurer pleinement.

M. Henri Emmanuelli. Eh oui !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous parlez enfin des impôts, mais ils ont augmenté en 2011 de vingt milliards d’euros, auxquels Mme Pécresse a ajouté treize milliards d’euros en 2012, soit trente-trois milliards d’euros en tout. Nous en avons voté huit milliards en 2012 et vingt en 2013, soit vingt-huit en tout, et un seul dans le budget 2014 si on neutralise l’effet de la fraude. Nous avons donc divisé par vingt le rythme d’augmentation des prélèvements obligatoires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Mensonge !

Réforme de la justice

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Hugues Fourage. Madame la ministre de la justice, depuis mai 2012, la justice est un chantier prioritaire de l’action de notre majorité. Conjuguer les moyens de la sécurité et ceux de la justice, mieux les coordonner, c’est agir sur l’ensemble de la chaîne pénale, et ainsi mieux protéger tous les Français.

La semaine dernière s’est tenu un débat national pour moderniser la justice au service des citoyens. Ce débat s’inscrit dans un processus lancé il y a dix-huit mois pour imaginer la justice du XXsiècle, une justice plus proche et plus efficace. Quatre groupes de travail ont ainsi été installés, dont les travaux ont permis d’élaborer 268 recommandations dessinant les contours d’une grande réforme judiciaire. Cette réforme, qui va permettre de repenser le système judiciaire dans son ensemble, sera, bien évidemment, conduite en liaison avec les acteurs et les professionnels du droit.

Madame la ministre, comme vous l’avez rappelé la semaine passée, « la justice mérite la confiance des Français. Chaque fois qu’elle s’affaiblit, c’est le pacte républicain qui s’affaiblit. Nous avons tous un combat à mener pour le redressement de la République ». Loin des postures tactiques, des affichages stériles, des stigmatisations hasardeuses, notre majorité engage une réforme profonde, méticuleuse, sérieuse et volontaire de la justice. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Charles de La Verpillière. C’est tout ? Vous êtes trop modeste !

M. Hugues Fourage. Il ne s’agit pas de rendre la justice plus douce ou plus dure, mais de mieux prévenir et de mieux punir. Il ne s’agit pas non plus d’utiliser l’activité du législateur pour répondre à chaud à des faits divers. Il s’agit, bien au contraire, de mettre en œuvre les meilleures dispositions pour donner les moyens à l’institution judiciaire d’être plus concrète et plus efficace, de mieux lutter contre la récidive, de mieux protéger les victimes et de faire reculer ceux qui se prêtent à des comportements criminels ou délictueux.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confier l’état de vos réflexions sur l’avenir de cette grande institution républicaine à laquelle nous sommes tous attachés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, le débat national évoqué il y a quelques instants par M. Braillard a rassemblé, samedi dernier, 1 900 personnes – acteurs de justice et partenaires, avec une forte implication des élus, notamment des parlementaires – à la maison de l’UNESCO. Il a été ouvert par M. le Premier ministre, qui a très clairement exposé le projet de société qui permettra d’engager cette grande réforme judiciaire au service des citoyens.

Dans le cadre de ce débat, nous avons posé le principe indiqué par le Président de la République, qui veut une juridiction unique de première instance. Nous travaillons sur la question de son contenu et de ses compétences, l’idée étant d’offrir à nos concitoyens une entrée unique dans la justice.

Notre gouvernement va proposer la plus grande réforme judiciaire depuis 1958, qui va concerner, sans qu’il soit prévu de fermer un seul site, toute l’organisation de première instance, ainsi que le fonctionnement interne de la justice. Un consensus s’est d’ores et déjà formé sur la nécessité de constituer une équipe autour du magistrat, au siège comme au parquet, et nous avançons actuellement sur le statut du greffier. Des expérimentations sont en cours sur la conciliation et la médiation, et je soumettrai bientôt au Parlement, dans le cadre du projet de loi de simplification, des dispositions relatives à la transmission électronique de convocations et de pièces de procédure. Je fais du projet Portalis – un logiciel dédié à la justice civile, qui représente 70 % de l’activité judiciaire – l’une des priorités de mon ministère.

La concertation se poursuit : les premières orientations ont été transmises aux assemblées générales et aux organisations syndicales et professionnelles, dont j’attends un retour pour mars 2014. Les résultats que nous aurons alors obtenus seront intégrés à la discussion sur le budget triennal 2015-2017 et, d’ici à juin prochain, nous devrions être en mesure de mettre en œuvre les principales dispositions de cette belle réforme judiciaire (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plan social à La Redoute

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérald Darmanin. Monsieur le ministre du redressement productif, vous avez l’indignation et l’interventionnisme sélectifs ! Vous qui accourez d’ordinaire devant les portes d’entreprises annonçant le moindre plan de licenciement, où étiez-vous lorsque les repreneurs de La Redoute – dont le choix a été effectué en grande partie sous l’impulsion des élus socialistes locaux et de Martine Aubry – ont annoncé il y a quelques jours 1 178 suppressions de postes ?

Les salariés de cette grande entreprise du Nord-Pas-de-Calais n’ont pas eu l’honneur de vous recevoir depuis plusieurs mois – ni vous ni aucun autre membre du Gouvernement. Aujourd’hui encore, ils attendent votre venue et, si Martine Aubry vous interdit de venir à Lille,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Montebourg, ministre. Mais non ! Ça va beaucoup mieux !

M. Gérald Darmanin. …le député de Tourcoing que je suis vous invite (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En octobre dernier, le groupe Kering, actionnaire de La Redoute, avait annoncé 700 suppressions de postes. Après l’intervention des élus socialistes locaux, nous en sommes à 1 178 suppressions prévues. Quelle efficacité !



Monsieur le ministre, derrière ces centaines de licenciements, ce sont des familles et des villes entières qui sont blessées. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nord-Pas-de-Calais et la circonscription où j’ai eu l’honneur d’être élu en ont assez de la désindustrialisation et des licenciements !(Mêmes mouvements.)



Plusieurs députés du groupe SRC. Démago !

Mme Brigitte Bourguignon. Il n’y en avait pas avant, peut-être ?

M. Gérald Darmanin. Bien sûr, dans cette situation, il y a des chefs d’entreprise qui n’ont pas fait correctement leur travail. Mais il y a aussi des élus socialistes qui gouvernent tout, depuis toujours, dans la région Nord-Pas-de-Calais – région, départements, grandes villes, communautés urbaines –, taxant et retaxant les entreprises, ce qui les fragilise, avec le résultat que l’on connaît : 15 % de chômage ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le ministre, qu’allez-vous faire pour les salariés de La Redoute ? Qu’allez-vous faire pour Tourcoing, Roubaix, Wattrelos ? Qu’allez-vous faire pour la région Nord-Pas-de-Calais, qui souffre et attend que le Gouvernement s’occupe enfin d’elle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Ne vous inquiétez pas, monsieur le député : la région Nord-Pas-de-Calais, qui subit de graves difficultés, comme toute la France, d’ailleurs (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP),

M. Guy Geoffroy. Quel aveu !

M. Arnaud Montebourg, ministre. …fait l’objet des attentions les plus directes de la part du Gouvernement.

Il n’est pas nécessaire de crier dans les micros pour obtenir des résultats dans les renégociations de plans sociaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ainsi, en ce qui concerne Sanofi, un accord – une sorte de paix des braves – vient d’être signé entre la direction et les syndicats au sujet du site de Toulouse, qui avait été rayé de la carte par le groupe – et je pourrais vous donner bien d’autres exemples.

En dépit du ton provocateur de votre question, je veux vous répondre sérieusement, monsieur le député, en vous disant la chose suivante : quand le groupe Kering-Pinault a décidé de se désengager de La Redoute, nous l’avons déploré mais n’avons pu que prendre acte du choix de ses dirigeants : comme vous le savez, les socialistes ne sont pas propriétaires de La Redoute, que ce soit dans le Nord ou ailleurs.

Nous avons demandé aux actionnaires et aux repreneurs de réduire au maximum le nombre de personnes obligées de subir la perte de leur emploi. Nous leur avons demandé de mettre sur la table les millions nécessaires pour payer les préretraites, pour permettre le départ volontaire au lieu du licenciement contraint. Cette négociation, elle commence avec les partenaires sociaux et les syndicats, mais aussi avec les élus locaux. Je veux rendre hommage à Martine Aubry et à l’ensemble des élus du territoire qui se sont battus à nos côtés et sans qui nous n’aurions peut-être pas obtenu cette réduction du nombre de départs contraints. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Pour conclure, je veux lancer un appel aux nouveaux dirigeants : qu’ils comprennent bien ce que signifie La Redoute. Ils ont le désir de relancer La Redoute : nous aussi ! Ils ont le désir de revenir à la rentabilité : nous aussi ! Mais nous ne voulons pas que le territoire du Nord-Pas-de-Calais paie trop cher le prix de la restructuration, et nous y veillerons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation en Centrafrique

M. le président. La parole est à M. Guy-Michel Chauveau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Guy-Michel Chauveau. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.

Monsieur le ministre, l’opération Sangaris se poursuit en République centrafricaine. Les troupes françaises et africaines continuent d’œuvrer sans relâche pour pacifier les rues et les quartiers des localités de RCA qui étaient en proie, il y a encore quelques semaines, à une situation pré-génocidaire.

Les députés de la majorité veulent rendre une fois de plus hommage à nos soldats engagés dans cette opération nécessaire et difficile. Leur engagement honore la France.

Monsieur le ministre, ces derniers jours, la situation politique en RCA a connu des évolutions importantes. Le président Michel Djotodia et son Premier ministre ont démissionné de leurs fonctions vendredi dernier. La Cour constitutionnelle a donc désigné Alexandre-Ferdinand N’Guendet président par intérim. Le Conseil national de transition, le CNT, se réunit aujourd’hui même pour définir un calendrier devant conduire à l’élection d’un chef d’État de transition. Le calendrier qui devrait être adopté sera certainement resserré pour éviter que la vacance de pouvoir soit trop longue et que certaines composantes armées profitent de ce vide pour semer la terreur en RCA et renouer avec les pires heures de la confrontation entre ex-Séléka et anti-balaka.

Le CNT, qui forme un Parlement provisoire de 134 membres rassemblant toutes les composantes de la société centrafricaine, doit donc élire dans les quinze prochains jours un nouveau chef de l’État capable de conduire la RCA vers un nouvel avenir et organiser des élections libres avant la fin de l’année.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment la France, en lien avec ses partenaires africains et l’Organisation des Nations Unies, accompagne les forces vives de la société centrafricaine pour surmonter ces moments difficiles ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, vous m’interrogez sur la situation en Centrafrique et sur ce qui peut se passer au cours des jours qui viennent. Je vous répondrai sur les trois aspects principaux de votre question : sécurité, humanitaire et transition politique.

Tout d’abord, concernant la sécurité, les soldats français de l’opération Sangaris continuent leur action avec la MISCA, la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine, qui fait un travail remarquable. Vous leur avez rendu hommage, vous avez eu raison. La force africaine a déjà mobilisé 4 400 soldats ; ils seront bientôt 6 000.

Sur le plan européen, une réunion est prévue la semaine prochaine et j’espère pouvoir vous apporter des résultats positifs quant à l’engagement de nos partenaires européens à nos côtés. Nous avançons également à New York avec nos partenaires africains à la mise en place de ce qu’on appelle une opération de maintien de la paix pour prolonger l’action menée par la MISCA.

S’agissant ensuite de l’aide humanitaire, sa montée en puissance continue et elle est particulièrement nécessaire. Le 20 janvier prochain, M. Pascal Canfin sera présent à la conférence organisée par l’Union européenne et l’ONU pour que la contribution financière nécessaire soit apportée.

Enfin, concernant la transition politique, la France n’a pas de candidat à appuyer pour l’élection du président de transition ; c’est le CNT qui décidera. Nous sommes là pour aider les autorités en place, et non pas pour nous y substituer. Nous aurons la même attitude lorsque les élections définitives auront lieu.

En d’autres termes, il reste beaucoup à faire, mais je pense que nous avons évité le pire. Il faudra du temps pour effacer à la fois la peur et la haine, mais grâce à l’action de tous nous y parviendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Mouvement des surveillants de prison

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Gosselin. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.

Des surveillants de prison venus de tout le grand Ouest ont manifesté ce matin devant le centre pénitentiaire de Vezin-le-Coquet près de Rennes. Ils dénoncent le manque de moyens et les agressions dont ils sont régulièrement victimes, comme cela a été le cas récemment à Condé-sur-Sarthe ou à La Roche-sur-Yon. Hier encore, un détenu a pris en otage pendant plusieurs heures une psychologue à la prison de Toul.

Les surveillants de prison ont le sentiment d’être pris en tenaille, d’être abandonnés. Comme ils l’ont affiché sur leurs banderoles, ils se sentent : « Méprisés par leur ministre, ignorés par la nation. »

Les procureurs, eux aussi, crient au secours et déplorent le manque de moyens et l’asphyxie au cours des audiences de rentrée. Madame la garde des sceaux, la justice va mal, très mal, et la méthode Coué que vous pratiquez ne suffit plus. Ce sont, hélas ! les détenus qui font la loi dans les établissements. Les surveillants ne peuvent même plus pratiquer de fouille à corps pour détecter la présence d’armes, de téléphones et autres objets.

Le projet de réforme pénale du Gouvernement accentuera encore un peu cet état de fait en donnant toujours plus de droits aux détenus. Suppression des peines planchers, libération avant la fin de la peine, etc. Vous faites preuve d’un laxisme qui va exactement à l’encontre des attentes des surveillants de prison qui sont, au quotidien, dans les établissements pénitentiaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Vous dites vouloir une justice du vingt et unième siècle ; nous avons vu le colloque qui était organisé la semaine dernière sur ce thème. Qu’entendez-vous exactement par cette expression ? Une justice sans juge ? Un divorce sans juge ? Une justice dans laquelle la consommation de cannabis serait non plus un délit passible de prison mais une simple contravention ? Ne nous faites pas le coup de l’héritage : voilà plus de vingt mois que vous êtes au Gouvernement.

Alléger les sanctions pour désengorger les tribunaux et vider les prisons, c’est bien, mais c’est une solution simpliste, un signal d’encouragement pour les délinquants, un danger pour les forces de police et pour les surveillants de prison, un danger aussi pour l’ensemble de notre société.

Ma question sera donc simple, claire et synthétique : quand comptez-vous ouvrir les yeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Philippe Gosselin, j’ai bien les yeux ouverts, mais j’ai du mal à en croire mes oreilles : la caricature que vous venez de dresser de la situation de la justice et qui vise à me mettre en cause, non seulement déshonore en réalité une parole publique mais, surtout, met en cause les personnels de justice.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas une caricature !

M. Christian Jacob. La vérité fait mal !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Or, ceux-ci ont porté à bout de bras, en particulier ces dernières années, un service public de la justice que vous avez considérablement maltraité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Ce service public crie au secours !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous évoquez une justice sans juge, monsieur le député, alors que ce gouvernement crée 500 emplois dans la justice tous les ans et 590 emplois cette année.

Les personnels pénitentiaires, monsieur le député, exercent un métier extrêmement difficile, et vous les avez abandonnés ces dernières années.

M. Franck Gilard. Et si vous remontiez à 1875 ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour notre part, nous recrutons dans les services pénitentiaires. Nous avons engagé un plan de sécurisation à hauteur de 33 millions d’euros, ce qui est sans précédent. Nous équipons tous les établissements de portiques à ondes millimétriques et de portiques à masse métallique. Nous faisons en sorte que soient installés des dispositifs anti-projection pour empêcher les projections de téléphones portables et d’autres objets de l’extérieur.

En outre, nous avons lancé un plan de formation des personnels, un partenariat avec les forces de sécurité pour surveiller les alentours des établissements. L’administration pénitentiaire et les services judiciaires travaillent de façon à assurer les contrôles nécessaires à l’entrée de nos établissements.

Par conséquent, si vous voulez rendre hommage aux personnels de justice, reconnaissez leur courage, reconnaissez la façon dont ils ont tenu ce service public qui est une autorité constitutionnelle et que vous avez maltraité en plus de l’avoir déconsidéré. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRCsur plusieurs bancs des groupes RRDP et GDR.)

Orientation après le baccalauréat

M. le président. La parole est à Mme Lucette Lousteau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Lucette Lousteau. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, notre majorité a le souci de changer le quotidien des Français. (« C’est raté ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Nous en sommes convaincus : les grandes politiques publiques sont indispensables au redressement, mais elles doivent aussi être complétées par des actions facilitant la vie quotidienne de nos concitoyens et de nos entreprises. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



C’est tout l’objet du choc de simplification voulu par le Président de la République, un choc qui va produire des effets dans de nombreuses sphères de la vie de nos concitoyens.



M. Bernard Deflesselles. Pour produire des effets, il en produit !

Mme Lucette Lousteau. À cet égard, la rénovation du système « admission post-bac » annoncée la semaine dernière est un acte concret et bienvenu, qui va permettre chaque année à près de 700 000 jeunes de s’inscrire plus aisément dans les établissements d’enseignement supérieur. Pour des générations entières, l’orientation post-baccalauréat a été rendue pénible par la complexité des procédures, et ce qui devait être un choix de réussite devenait parfois un choix par défaut, un casse-tête, voire une source d’angoisse.

Aussi les dix mesures que vous proposez pour rénover et simplifier la procédure « admission post-bac » constituent-elles une réponse adaptée pour moderniser un système qui influe fortement sur la vie des centaines de milliers de jeunes qui s’y engagent.

Madame la ministre, la jeunesse est une des priorités du Gouvernement.

M. Franck Gilard. Si on passait à la question suivante ? Puisqu’on a à la fois la question et la réponse…

Mme Lucette Lousteau. Améliorer le système « admission post-bac », c’est produire de la justice sociale pour la jeunesse. Cette exigence va permettre à chacun de mieux trouver sa place dans l’enseignement supérieur, en refusant les stratégies d’évitement ou le recours à des acteurs extérieurs, qui ne sont pas toujours bien intentionnés.

Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur la rénovation du système « admission post-bac » ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, vous l’avez dit, ce gouvernement a placé la formation, la réussite des parcours scolaires et l’insertion professionnelle au cœur de ses priorités. Or, on le sait, la réussite de l’insertion professionnelle repose sur la réussite de l’orientation, une orientation choisie et maîtrisée par le jeune lui-même et sa famille.

Vous avez évoqué la création, sous la majorité précédente, du portail numérique APB, qui a été une bonne chose, puisqu’il a permis de mettre fin aux files d’attente et aux bousculades au moment des inscriptions. Il présentait néanmoins de nombreux désavantages et devait être amélioré : APB était en effet devenu un véritable casse-tête pour les jeunes et pour leurs familles.

On ne peut pas s’orienter en un seul clic, et il importe de s’informer auparavant. Il fallait donc mieux informer et simplifier l’offre. C’est pourquoi j’ai entrepris une simplification drastique de notre offre de formation, qui était si complexe que ni les employeurs, ni les jeunes, ni les familles ne s’y retrouvaient. Des coachs privés étaient même consultés par les familles qui pouvaient s’offrir leurs services, ce qui, on en convient, est un vrai scandale dans un service public d’enseignement !

Dès cette année, les lycéens choisiront parmi 45 licences générales, au lieu de 1 800 précédemment ; dès 2015, les masters ne compteront plus que 240 intitulés, au lieu de 5 000 précédemment, et les licences professionnelles 240, au lieu de 2000. Le voilà, le choc de simplification dans la vie réelle, pour améliorer concrètement le sort de la population !

Le calendrier d’APB sera par ailleurs modifié pour que les lycéens valident leurs voeux après la semaine des écrits du baccalauréat, et non pendant celle-ci, ce qui était une source de stress. Un numéro vert sera mis en place et une équipe répondra, dans chaque rectorat, aux questions des lycéens et de leurs familles. Enfin, nous limiterons l’orientation par défaut.

Anticiper l’information, simplifier l’offre, accompagner les démarches : telle est notre méthode pour favoriser la réussite des jeunes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Redécoupage cantonal

M. le président. La parole est à M. Claude de Ganay, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Claude de Ganay. Monsieur le Premier ministre, silencieuse et laborieuse, la France rurale verra bientôt sa voix, souvent empreinte de sagesse, s’éteindre encore un peu plus. La faute à qui ?

M. Jean-Claude Perez. À vous !

M. Claude de Ganay. À votre gouvernement (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui a décidé de réformer, contre toute logique territoriale et humaine, le mode d’élection des conseillers départementaux. (Mêmes mouvements.)

M. Jean-Paul Bacquet. Lamentable !

M. Claude de Ganay. Sous un prétexte louable, la parité, vous vous livrez à un redécoupage cantonal profondément injuste et irrationnel. Depuis plusieurs semaines, la valse (Sourires) des cantons bat son plein.

M. Jean-Claude Perez. Quel poète !

M. Claude de Ganay. Ce sont deux mille cantons ruraux et la moitié des chefs-lieux de cantons qui sont voués à disparaître (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), alors même que le nombre d’élus augmente ! Comme l’a annoncé votre ministre de l’intérieur, l’ensemble des services publics qu’abritaient ces chefs-lieux sacrifiés sont appelés, à terme, à disparaître. En niant l’histoire de nos territoires et des organisations territoriales existantes, votre découpage renforce un peu plus le poids des zones urbaines.

Où est passé cet idéal de justice territoriale, dont vous vous êtes autoproclamés les prophètes ? Ce redécoupage « ruralicide » ne modifie pas seulement les frontières administratives de nos cantons : il bouleverse l’avenir de nos territoires, le fonctionnement, les orientations et les actions du futur conseil départemental.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Claude de Ganay. Actuellement, cinquante-deux conseils généraux ont rendu leur avis sur ces nouvelles cartes : vingt-huit ont voté pour et vingt-quatre contre, dont le conseil général de Saint-Denis, si cher au président de notre assemblée.

Monsieur le Premier ministre, les députés, les conseillers généraux et l’ensemble des élus locaux ont droit à la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vos craintes ne sont pas justifiées. La majorité précédente avait prévu l’instauration du conseiller territorial…

M. Frédéric Barbier. C’était bien mieux !

M. Manuel Valls, ministre. …qui signait la mort progressive du département et qui aurait dû, de toute façon, s’accompagner d’un redécoupage. Le Conseil constitutionnel, comme le Conseil d’État, aurait contraint le Gouvernement à y procéder, puisque l’écart de population entre le canton le moins peuplé et le plus peuplé est en moyenne d’un à quarante-sept. Un redécoupage s’imposait bien.

M. Guy Geoffroy. Mais pas un charcutage !

M. Manuel Valls, ministre. La loi du 17 mai 2013 affirme deux principes : l’égalité du suffrage, qui est un principe constitutionnel, et la parité, contre laquelle vous vous êtes battus.

M. Guy Geoffroy. Non !

M. Manuel Valls, ministre. Cette majorité instaure la parité – il y aura désormais 50 % de femmes dans nos conseils généraux, qui n’en comptent que 13,5 % aujourd’hui – et l’égalité du suffrage. Où en sommes-nous aujourd’hui ? À ce jour, quatre-vingt-seize départements, soit la quasi-totalité d’entre eux, ont été saisis des projets de nouvelle carte et soixante se sont déjà prononcés. Le Conseil d’État, quant à lui, a déjà validé quarante-trois décrets, en y apportant parfois quelques modifications. Dans quelques semaines, ces découpages seront définitifs.

Nous garantissons la parité, l’égalité devant le suffrage et le respect des territoires ruraux : vous êtes en train de vous faire peur ou de vouloir faire peur.

M. Philippe Folliot. Ce n’est pas vrai !

M. Manuel Valls, ministre. Ce découpage est juste et assure la parité. Je vous invite à nous accompagner dans cette réforme, qui était nécessaire et même indispensable. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Projet de loi sur l’agriculture

M. le président. La parole est à M. Philippe Le Ray, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Le Ray. Monsieur le ministre de l’agriculture, votre projet de loi sur l’avenir de l’agriculture fait l’actualité. Malheureusement, il ne répond pas aux attentes de nos agriculteurs…

M. Jean Glavany. Tout dépend desquels !

M. Philippe Le Ray. …ni aux défis agricoles de la France. Votre texte suscite plus d’interrogations qu’il n’apporte de réponses.

M. Jean-Claude Perez. C’est faux !

M. Philippe Le Ray. On vous découvre une fibre écologique comme l’unique socle du développement agricole. Quelle erreur ! Depuis longtemps nous disons oui à l’écologie, mais les agriculteurs n’avaient pas besoin d’un texte supplémentaire.

M. Jean Glavany. Archaïsmes !

M. Philippe Le Ray. Nous disons non à votre véritable plan de décroissance agricole. Jamais il n’est question d’objectifs de production, de modèle de production, de revenu ou de prix payé aux producteurs.

Il n’y a rien sur les filières amont et aval, rien sur le plan abattoir, rien sur une harmonisation avec les règles européennes en matière d’élevage, rien sur les conditions de travail des agriculteurs. Le volet innovation et recherche est insignifiant. Votre texte est un concentré de contraintes administratives, c’est inacceptable !

Demain, vous allez enfermer les paysans dans des schémas régionaux, dans des GIEE, où des associations environnementalistes viendront dicter leurs philosophies.

Comment allez-vous financer ces GIEE ? Est-ce au détriment des aides aux agriculteurs ?

Demain vous allez les fragiliser avec les baux environnementaux, et la déclaration annuelle de l’azote, base éventuelle d’une future taxe sur l’azote.

Quel manque de clarté sur les dispositions permettant l’installation progressive ! Comment vont vivre pendant cinq ans ces candidats à l’installation ? Quels vont être leurs revenus ? Quel manque de clarté également sur la déclaration publique du départ à la retraite des agriculteurs. Comment pouvez-vous exiger une telle déclaration trois ans avant leur départ ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, je préfère vous écouter lorsque vous participez aux débats, sans notes et sans fiche à lire.

M. Yves Censi. Et vous, que faites-vous ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Vous avez alors une position beaucoup plus nuancée, et vous avez démontré au cours des heures que nous avons passées à débattre que vous étiez capable de tenir compte des objectifs de cette loi.

Ces heures passées à présenter cette orientation de l’agro-écologie et à mettre en œuvre ces groupements d’intérêt économique et environnemental ont prouvé que l’agriculture française, au travers de cette combinaison de performance économique et écologique, a des atouts immenses à faire valoir. Elle a une ambition pour le pays, pour nos territoires dans leur diversité. Qu’il s’agisse du Massif central, du Sud-Ouest, du Grand-Est, du Centre, ou de la région de la Beauce et du grand Bassin parisien, toutes nos régions ont la capacité de faire valoir leur potentiel. C’est l’objectif de cette loi, et c’est pour cela que j’ai confiance dans le vote qui aura lieu cet après-midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Assassinat de Maurice Audin

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Monsieur le Premier ministre, le 11 juin 1957, un brillant mathématicien de vingt-cinq ans, ami du peuple algérien, était brutalement enlevé en pleine bataille d’Alger.

Un député UMP. Un traître !

M. François Asensi. Maurice Audin n’a jamais été revu vivant.

Depuis cinquante-six ans, sa famille et notre pays subissent cet assassinat sans justice. La version officielle – pour ne pas dire le mensonge – de son évasion supposée, soutenue depuis des décennies par les autorités françaises, dénie toute responsabilité de son état-major militaire.

Malgré le maintien du secret-défense, malgré des archives militaires probablement nettoyées, la vérité a depuis fait son chemin. Une enquête approfondie vient apporter de nouveaux éléments accablants. Il n’y a aujourd’hui plus de place au doute : Maurice Audin, militant communiste, a été enlevé, torturé, et assassiné par le 10e régiment de parachutistes de l’armée française.

Le sinistre Aussaresses l’a reconnu clairement dans ses aveux révélés mercredi dernier par le journaliste Jean-Charles Deniau.

Monsieur le Premier ministre, la République doit reconnaître enfin ce crime d’État. Elle doit faire toute la lumière sur les responsabilités des plus hautes autorités militaires et politiques qui ont couvert, à l’époque, cet assassinat et les atrocités qui l’ont accompagné, au premier rang desquelles la torture.

Nous le devons à ses enfants et à sa femme, remarquables de courage et de ténacité.

Nous le devons aux Algériens ; Maurice Audin a payé de sa vie le combat pour leur indépendance. Nous le devons enfin et surtout au peuple français. Aucune démocratie ne peut se satisfaire du silence sur de si sombres pages de son histoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDRsur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, l’affaire Audin pose une question grave et difficile. Elle met en jeu la douleur d’une famille qui a connu la double peine de la disparition et de l’incertitude. Elle rappelle à la France combien son histoire en Algérie a pu être, à certains égards, douloureuse pour nos deux pays. Elle place enfin l’État face aux responsabilités mémorielles qu’il a héritées de cette guerre qui alors ne disait pas son nom.

Comme l’a dit le Président de la République à l’occasion de sa visite d’État en Algérie, nous avons le respect de la mémoire, de toutes les mémoires. Mais nous avons aussi un devoir de vérité. Établir la vérité est une obligation.

Vous l’avez dit, un livre vient de sortir il y a très peu de temps. Nous sommes en train d’en prendre connaissance, mais je prends l’engagement devant vous que le Gouvernement fait et fera tout ce qui est en son pouvoir pour contribuer à l’établissement de la vérité.

D’ores et déjà, à la demande du Président de la République, j’ai remis personnellement à Mme Audin l’intégralité des archives de la défense relatives à la disparition de son mari. À cette fin, j’ai eu recours dans cette affaire à une procédure inédite en prenant un arrêté de dérogation générale. Par ailleurs, conscient des limites de ces archives, j’ai veillé à ce que Mme Audin dispose de tous les documents en notre possession, qu’ils aillent ou non dans le sens de la version officielle défendue à l’époque.

Monsieur le député, ce travail continue, je souhaite qu’il aboutisse bientôt, et ce sera l’honneur de ce Gouvernement que d’avoir contribué à l’établissement de la vérité près de soixante ans après les faits. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

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Agriculture, alimentation et forêt

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (nos 1548, 1639, 1604, 1614).

Explications de vote

M. le président. Au titre des explications de vote, la parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, le projet de loi soumis à notre vote cet après-midi est un texte important, qui va permettre d’améliorer la performance économique et environnementale de nos systèmes de production, en s’inscrivant dans une démarche de filière et de développement territorial intégré.

Monsieur le ministre, si notre marge de manœuvre nationale est institutionnellement et financièrement contrainte, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste tiennent à saluer à nouveau votre défense courageuse, à Bruxelles, en faveur d’une nouvelle PAC à la fois forte et plus équitable pour les petites exploitations.

En effet, nos paysans souffrent d’injustices dans leurs relations commerciales avec les géants de l’agroalimentaire et de la distribution. Ils subissent une concurrence déloyale avec leurs concurrents étrangers en matière de coût du travail et de contraintes sanitaires et environnementales – je pense en particulier aux filières des fruits et légumes, de l’élevage, ou encore du lait. Nos agriculteurs doivent pouvoir lutter à armes égales avec leurs concurrents européens. Nous vous encourageons à poursuivre vos efforts au sein des institutions internationales et européennes.

Par ailleurs, comme le Président de la République l’a réaffirmé jeudi dernier à Toulouse, le renforcement de notre compétitivité passera par un choc de simplification ; ce doit être vrai pour l’agriculture comme pour le reste de notre économie. Qu’il s’agisse des décrets d’application de votre texte ou de l’ensemble de vos actions, permettez-nous de répéter que nos agriculteurs attendent la mise en œuvre de cette simplification.

Nous sommes particulièrement satisfaits que vous ayez choisi de donner la priorité à la jeunesse, priorité renforcée au cours des débats par l’adoption d’amendements significatifs. En facilitant l’installation des jeunes agriculteurs, notamment en dehors du cadre familial, en adaptant les contrats de génération au secteur agricole et en réformant les formations centrées sur la double performance économique et écologique, nous donnons de véritables perspectives d’avenir à notre agriculture.

Le renouvellement générationnel représente un défi particulièrement important pour l’agriculture, qui appelle une action forte des pouvoirs publics pour faciliter l’installation et la transmission du foncier. Concernant ce foncier agricole, l’article 40 a largement bridé les possibilités pour les députés d’amender le texte, comme l’ont indiqué de nombreux collègues, mais les amendements parlementaires et gouvernementaux adoptés ont, malgré tout, amélioré le projet de loi initial en renforçant le droit à l’information et le droit de préemption des SAFER.

En définitive, même si ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture ne répond pas à tous les enjeux et ne donnera pas immédiatement des conditions idéales à nos paysans, il va dans le bon sens. Les députés du groupe RRDP le voteront, car il contient de bonnes mesures dont les effets seront positifs pour notre agriculture et nos exploitations. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

(Mme Sandrine Mazetier remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le groupe écologiste.

Mme Brigitte Allain. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de commission, mes chers collègues, à l’issue de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, je suis satisfaite que nos débats aient permis d’orienter davantage le texte vers une meilleure reconnaissance de la place des paysans dans la société.

Ce projet de loi a pour ambition de faire évoluer notre agriculture en renforçant sa capacité à répondre aux grands enjeux de la lutte contre le changement climatique, à assurer à notre population une alimentation saine et sûre et à garantir la durabilité de notre agriculture en liant réussites économique, sociale et environnementale.

Les contrats alimentaires territoriaux, proposés par les écologistes, ont vu leur principe inscrit dans le texte. Ils devront, dans le cadre des prochaines lectures, devenir un outil opérationnel et un véritable pendant alimentaire de la dynamique collective et progressiste des GIEE. Les collectivités, paysans et acteurs des territoires ruraux sont en demande. En métropole comme dans les outre-mer, nous allons redonner un sens au métier d’agriculteur et recréer dans les territoires un lien qui n’aurait jamais dû disparaître.

Le foncier, sujet central du texte, a été consolidé. En effet, le débat a permis de favoriser une meilleure régulation de l’accès à la terre, grâce à la possibilité offerte aux SAFER de préempter des parts sociales et à la révision plus fine de l’échelle d’intervention du contrôle des structures.

Des dispositions majeures du projet de loi ont été maintenues, comme celles visant à encadrer la délivrance d’antibiotiques ou de pesticides. Certes, ces avancées ne suffiront pas à révolutionner notre modèle agricole et agroalimentaire, mais elles inscrivent dans les mentalités l’évolution indispensable vers l’agro-écologie et donnent les moyens de cette évolution aux agriculteurs.

À cet égard, je citerai les groupements d’intérêt économique et environnemental, les GIEE, les groupements d’intérêt économique et environnemental forestiers, les GIEEF, ou encore les contrats alimentaires territoriaux. Il s’agit d’innovations à la fois pratiques et intellectuelles, qui donnent aux agriculteurs l’envie de porter un projet de groupe, avec une ambition de réussite individuelle et collective.

La recherche de réponses aux défis sociétaux a toujours fait avancer le monde paysan. L’agro-écologie lui donne un nouveau souffle. Cependant, le fonctionnement même des instances de décision agricoles devra être revu, afin de s’ouvrir à la société civile, aux associations environnementales et aux organisations de développement agricole et rural. La réaffirmation d’une agriculture pour l’alimentation mène nécessairement à la prise en compte des intérêts des citoyens. L’agriculture est l’affaire de tous.

Nous pouvons être fiers d’autres avancées, telles que la facilitation de l’échange et de l’utilisation des semences paysannes, la suppression de la présomption de contrefaçon, la promotion de l’agronomie et de l’agriculture biologique, notamment dans la formation et la recherche, et la reconnaissance des aménités positives de la forêt.

S’il est satisfait de la conclusion des débats, le groupe écologiste veillera à ce que les objectifs du projet de loi en matière d’agro-écologie guident l’action du Gouvernement dans les prochains mois et les prochaines années. Il serait incompréhensible que la loi définisse des orientations vertueuses, mais que des décrets trop laxistes en limitent la portée ou poursuivent des objectifs contradictoires.

L’agrandissement des élevages porcins, la ferme des « mille vaches », la contamination de 70 % des eaux potables, le blocage sur les alternatives aux produits phytosanitaires, la disparition d’un quart des exploitations entre 2000 et 2010 : tous ces projets ou indicateurs illustrent une réalité de la France agricole d’aujourd’hui, qui ne se redressera pas du jour au lendemain.

Le groupe écologiste votera en faveur du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt déposé par le Gouvernement et fortement consolidé par le débat parlementaire. La triple performance économique, sociale et écologique de l’agriculture sera une réalité grâce à l’émergence de l’agro-écologie, privilégiant des pratiques économes et autonomes. Par ces nouvelles orientations, notre agriculture retrouve sa vocation alimentaire et sa place dans l’aménagement du territoire, dans le respect de la souveraineté alimentaire de tous les peuples. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avant d’exposer les motifs du vote des députés du Front de gauche sur le contenu même de ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, je souhaite d’abord lancer ici un appel à la représentation nationale.

À chaque réforme de la politique agricole commune correspond un changement de la législation agricole de notre pays. Il en est de même cette fois. On ne peut donc adopter ce nouveau texte sans revenir sur le contexte européen dans lequel il s’inscrit.

Comme je l’ai déjà dit la semaine dernière, l’Europe, comme la France, a perdu 25 % de ses exploitations et de ses actifs agricoles en seulement dix ans. Dans le même temps, pour les 500 millions d’Européens, la question alimentaire est redevenue une préoccupation centrale, en lien direct avec les conséquences de la crise financière, la perte d’emplois et de revenus, et l’explosion de la précarité.

Si nous partageons ce constat sur beaucoup de ces bancs, c’est bien parce que la France a toujours défendu la noble idée d’une politique agricole et alimentaire européenne forte, dotée d’un budget conforme à son ambition, qui est de répondre aux besoins essentiels de nos peuples. Mais, depuis trop longtemps, le dogmatisme de la Commission européenne et des chefs d’État et de gouvernement les plus libéraux contribue à affaiblir cette politique essentielle. Je l’ai dit aussi : nous ne pouvons plus renouveler la PAC en 2014 avec les mêmes réflexes libéraux qu’en 1992. Il en va de la sécurité alimentaire des Européens. Je pense notamment à des pays comme la Grèce, qui sont déjà les victimes expiatoires d’une austérité aussi néfaste qu’inutile au développement économique et à la vie quotidienne de millions de familles.

Pour les députés du Front de gauche, les arbitrages rendus au niveau européen pour la période 2014-2020 ne sont pas à la hauteur des enjeux d’avenir. Poursuivre sur la voie de l’ouverture des marchés et de l’abandon des outils de régulation tourne le dos aux principes fondamentaux de la PAC : il s’agit d’une politique rétrograde, qui ne tient plus compte de la réalité économique et sociale de l’agriculture européenne.

Aussi le projet de loi que nous allons adopter ne doit-il en aucun cas servir de fin de cycle dans notre engagement en faveur d’une réorientation profonde de la politique alimentaire européenne. Au contraire, il faut continuer, dans les mois et les années à venir, à démontrer toute l’importance d’une politique agricole et alimentaire commune, en phase avec les besoins de notre temps.

Oui, nous avons besoin d’un nouveau modèle agricole, plus durable, qui permette de fournir l’essentiel des besoins alimentaires des Européens, en quantité et en qualité, et qui garantisse un juste partage de la valeur ajoutée au service du maintien et du renouvellement des générations d’actifs agricoles, au service des revenus des travailleurs de la terre, du développement rural, du respect de l’environnement et de la pérennité des écosystèmes.

Ce projet de loi aurait sans doute pu, dans ses principes généraux, revenir sur ce constat pour encourager un véritable changement de cap au niveau européen. Mais, si l’on peut regretter également que ce texte omette d’aborder certaines problématiques centrales, comme celles des prix et des revenus agricoles, son contenu présente néanmoins des avancées attendues depuis très longtemps. Indéniablement, la semaine passée à débattre sur son contenu aura marqué un profond changement de vision de l’orientation agricole de notre pays. Après dix années où la droite au pouvoir n’a fait qu’accompagner la course à la concentration et à la spécialisation,…

M. Jean Glavany. Vous avez raison !

M. André Chassaigne. …ce texte marque également un renouveau du sens des valeurs collectives en agriculture.

M. Dominique Potier. Bravo !

M. André Chassaigne. Non, la course à l’agrandissement et à la baisse des revenus agricoles n’est pas le seul moyen de garantir la compétitivité de la ferme France.

M. Jean Glavany. Très bien !

M. André Chassaigne. Comme l’ont souligné avec moi plusieurs députés de gauche – je pense en particulier à ceux qui sont issus du monde agricole –, nous avions besoin de créer des outils concrets pour prendre en compte la diversité des agricultures et des modèles agricoles, pour promouvoir des pratiques agronomiques renouvelées, pour accorder un véritable intérêt à tous les porteurs de projets agricoles.

Qu’il s’agisse de la création des groupements d’intérêt économique et environnemental, de l’approfondissement des mesures de protection du foncier agricole ou des changements de critères dans le contrôle des structures et la politique d’installation, ce texte marque indéniablement une orientation nouvelle de notre façon de concevoir l’avenir de notre agriculture.

Avec ce texte, nous changeons de paradigme. Pour ne prendre qu’un seul exemple, alors que l’installation en agriculture souffrait terriblement, depuis trente ans, du dogme du réalisme économique et financier appliqué aux nouveaux agriculteurs, espérons que les nouvelles priorités adoptées dans ce domaine irriguent réellement le niveau départemental pour constituer un véritable levier en faveur de l’installation. Voilà, en tout cas, des signaux positifs donnés à tous les porteurs de projets pour le développement de structures à taille humaine, riches en emplois et assurant des productions diversifiées.

Le vote favorable des députés du Front de gauche sur ce texte s’appuie donc sur des engagements novateurs, comme sur le contenu très riche des débats et des orientations portées par la majorité. C’est un contenu encourageant, qu’il conviendra désormais d’accompagner d’une vraie ambition de rupture avec les dogmes libéraux portés par la Commission européenne. Car, je le répète, l’adoption de ce texte ne peut marquer la fin d’un cycle : il doit servir à nourrir notre ambition pour un changement de cap.

Je tiens enfin à saluer la qualité de la conduite de nos débats par vous-même, monsieur le ministre, ainsi que par le rapporteur Germinal Peiro. Il est trop rare qu’un débat parlementaire permette une telle confrontation d’idées, respectueuse d’approches différentes et propice à l’évolution du texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Dominique Potier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Potier. Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, après Brigitte Allain et André Chassaigne, c’est avec cœur et bonheur que je défends le vote du groupe socialiste, républicain et citoyen en faveur du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Ce texte renforce le virage opéré par la politique agricole commune grâce à la combativité du Président de la République, du Gouvernement et du ministre de l’agriculture en particulier. Non seulement nous avons sauvé un budget, mais nous avons réorienté la politique agricole commune, laquelle sera plus verte, plus juste. Il fallait un cadre national pour son application et pour donner de nouvelles impulsions. Tel est le sens de ce projet de loi, qui crée une boîte à outils et, parmi ces outils, il y a une boussole.

Ainsi avons-nous créé les groupements d’intérêt économique et environnemental qui renouent avec la tradition mutualiste et collective du monde agricole et qui seront un véritable laboratoire de l’agro-écologie.

Nous disposons d’outils pour protéger la terre contre un urbanisme trop désinvolte, pour mieux la partager au service de la liberté d’entreprendre pour tous, liberté indispensable si nous voulons permettre le renouvellement de la génération des entrepreneurs ruraux, des nouveaux agriculteurs.

Nous disposons d’outils pour moderniser la coopération, rééquilibrer les interprofessions, défendre les AOP et les IGP : personne n’imaginerait une mirabelle qui ne soit pas made in Lorraine. Des outils spécifiques permettent de suivre les produits phytosanitaires au-delà de leur mise sur le marché et d’assurer la sécurité sanitaire. Enfin, nous donnons une impulsion sans précédent pour dynamiser le biocontrôle sur lequel nous fondons de grands espoirs.

L’enseignement agricole est une filière éducative d’excellence, qui favorise la promotion sociale – je peux personnellement en témoigner. Son excellence peut être reconnue à l’échelle internationale si nous savons regrouper les forces des instituts vétérinaires et agronomiques français.

La forêt se voit conforter dans sa mission récréative et productive ainsi que dans son rôle de stockage du carbone, qui permettra d’attirer des fonds nécessaires à la reconquête de la valeur ajoutée pour la transformation de nos bois. Des solutions inédites ont été trouvées pour les agricultures ultramarines, notamment pour la reconquête dans la diversité du marché intérieur. En ce qui concerne l’agriculture de montagne, des chemins nouveaux ont été défrichés.

Nous sommes dans une période de transition, et notre boîte à outils a pour vocation d’accompagner le monde de l’entreprise et les professions agricoles et forestières. Mais ce texte s’inscrit dans un projet global et, avec le rapporteur, nous avons eu à cœur de l’enrichir. Après cette première lecture, il a pris une dimension plus territoriale, plus sociale et affiche une dimension internationale, notamment en ce qui concerne la lutte contre la faim dans le monde.

Nous avons eu un débat passionnant avec l’opposition sur la compétitivité et nous avons réaffirmé que la vraie compétitivité puisait sa force dans l’agronomie, la durabilité, le respect des biens communs que sont l’eau, l’air et la biodiversité. Nous avons rappelé que la valeur ajoutée en agriculture passe désormais par l’emploi, notions qui ne s’opposent pas. Nous avons rappelé que nous voulons un modèle de développement qui associe les uns aux autres. Nous sommes parvenus à une loi qui défend l’alimentation de qualité pour tous.

Bien sûr, il s’agit d’une étape, parce que des périls demeurent : financiarisation du foncier, spéculation sur les matières premières, risques de rapports léonins avec la grande distribution. Les risques du libéralisme sont là et d’autres combats nous attendent. Mais sachons apprécier le moment présent, la qualité de l’étape que nous franchissons et réjouissons-nous.

Dans la période de l’après Première Guerre mondiale, dont nous allons célébrer le centenaire, période marquée par la misère et le désarroi en milieu rural, est né un mouvement social qui a beaucoup inspiré le mouvement de modernisation et d’émancipation du monde agricole, qui s’est concrétisé dans les lois Pisani, rendez-vous historique entre le monde paysan et l’État. Le slogan de ce mouvement paysan était : « Sois fier, paysan ! » Soyons fiers, chers collègues, socialistes, écologistes, démocrates et républicains d’accompagner un mouvement d’avenir pour le monde rural, l’agriculture et la forêt. La France rurale que l’on aime, c’est celle de la tradition qui n’est pas la réaction, celle qui innove et coopère. Elle est à l’image de la France qu’on aime. Oui, soyons fiers de défendre ensemble, au-delà de la majorité, cette loi d’avenir pour la France et les espaces ruraux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Antoine Herth. Au terme d’une plaidoirie collective de plus de onze heures et en dépit de l’implication des rapporteurs et du talent du ministre – il faut le reconnaître –,…

M. Matthias Fekl et M. Thomas Thévenoud. Ah !

M. Antoine Herth. …le groupe UMP a acquis la certitude que l’ensemble de ses craintes, formulées lors de la discussion générale, étaient, hélas, fondées.

S’agissant de vos choix hasardeux en matière de politique agricole commune, aucune des mesures que vous proposez ne permet de corriger le tir ; nous attendons toujours des réponses concrètes sur les assurances récoltes. Pour ce qui est de la compétitivité, elle se limite selon vous à la réduction des intrants, alors qu’il s’agit aussi de notre capacité à conquérir des marchés nouveaux. Mais pour y parvenir, il faut réduire le fossé qu’a creusé le dumping social au sein de la zone euro et que, malheureusement, le Gouvernement a aggravé avec le CICE, qui favorise davantage la distribution que le secteur de la production. Aucune mesure ne corrige ce déséquilibre.

Sur le lien si important entre la production et la transformation des produits agricoles, vous faites tout pour bloquer les interprofessions en fixant des conditions drastiques pour l’intégration de la diversité syndicale au sein de ces lieux de dialogue et de construction collective. À ce titre, l’article 1er est intéressant. Ce n’est que sous la pression du groupe UMP et grâce à nos amendements que vous avez fini par accepter d’inscrire l’objectif d’exportation dans les objectifs généraux du secteur agricole.

Quant au rôle de l’État, nous avons compris que qu’il déciderait désormais de tout, contrôlerait et commanderait tout. Vous réglementez chaque fois que c’est possible et au-delà du nécessaire, en particulier avec la déclaration des quantités d’azote. Certes, vous ne l’imposez dans un premier temps que dans les zones d’excédents structurels, mais l’on sait comment se termine ce genre d’aventure.

S’agissant de l’installation des agriculteurs, vous réécrivez la logique de la politique d’installation française : l’État et les régions contrôleront tout. Alors que, historiquement, cette politique avait été portée à bout de bras par la profession, vous mettez celle-ci sur le banc de touche. C’est regrettable. Le seul objectif que vous fixez quant au nombre d’installations concerne l’entretien de l’espace rural. Il faudra absolument corriger ces orientations néfastes !

S’il y a trop d’État dans ce texte, il n’y en a aussi parfois pas assez. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Vous démissionnez, monsieur le ministre, en n’assumant pas la responsabilité historique du ministère de l’agriculture en matière d’expertise et d’autorisation de mise sur le marché des produits phytosanitaires, préférant la déléguer à une haute autorité sans la moindre garantie sur les résultats, en particulier la réduction des distorsions de traitement au sein de l’Union européenne.

Vous dites croire dans le secteur semencier français, mais dans le même temps, un amendement du Gouvernement est venu mettre à mal le principe du certificat d’obtention végétale, socle de la garantie d’avenir pour cette filière qui contribue à réduire le déficit de la balance commerciale française. Monsieur le ministre, j’appelle cela une démission !

M. Jean-Paul Bacquet. N’importe quoi !

M. Antoine Herth. Après avoir mis les agriculteurs sous tutelle, vous les livrez en pâture à l’opinion publique, que l’on sait capricieuse. S’agissant des contrôles sanitaires, vous voulez assurer la publicité de l’ensemble de leurs résultats, en dépit des dérives que l’on peut connaître. En ce qui concerne les baux ruraux, vous mettez des clauses environnementales partout, alors que l’on sait qu’elles vont fondamentalement déstabiliser les relations entre les propriétaires et les locataires.

Nous aurions pu, monsieur le ministre, nous retrouver sur quelques sujets, comme les outre-mer. Malheureusement, nos collègues députés ultramarins – je les prends à témoin – ont, eux aussi, constaté le manque d’ambition de ce chapitre de la loi. Nous aurions pu nous retrouver sur l’enseignement agricole, mais vous avez absolument tenu à créer une distorsion de traitement entre l’enseignement public et l’enseignement privé. C’est scandaleux. (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Sur le sujet de la forêt, qui fait pourtant consensus parmi nous – M. Brottes, président de la commission, le sait mieux que quiconque –, pourquoi inviter le GIEE, dont nous savons qu’il n’est qu’un outil idéologique ? Monsieur le ministre, les arbres ne votent pas : ils n’ont pas besoin d’idéologie pour pousser droit ! (Applaudissements et rires sur les bancs du groupe UMP.)

Le GIEE résume à lui seul ce texte : un texte brouillon, approximatif, uniquement porté par le dogmatisme de gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) le présentant, votre seul objectif était de donner des gages à la diversité de votre majorité à quelques semaines des élections municipales. (Mêmes mouvements.)

Cette loi est-elle, oui ou non, une loi d’avenir ? Nous répondons : définitivement non ! Aura-t-elle un impact sur l’avenir de l’agriculture ? Hélas, oui, car c’est le scénario funeste du déclin d’un secteur vital pour la France que vous nous proposez. Il est encore temps, mes chers collègues, de voter contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Thierry Benoit. Madame la présidente, mes chers collègues, compte tenu de son intitulé, l’on pouvait s’attendre, monsieur le ministre, à une grande loi qui prépare l’avenir de notre agriculture.

M. Jean-Luc Laurent. C’en est une !

M. Thierry Benoit. Force est de constater que le compte n’y est pas et que la deuxième lecture sera nécessaire. Pour le groupe UDI, votre texte devait répondre à des exigences fortes en matière de compétitivité de l’agriculture française, de production agricole et de simplification, tant souhaitée par les Français et par le Président de la République depuis pratiquement un an. Il devait également renforcer le lien entre les producteurs, les agriculteurs et l’industrie agroalimentaire, qu’à l’UDI nous appelons l’agro-industrie et qui doit être le pendant de l’agro-écologie, évolution que vous souhaitez favoriser en introduisant dans ce texte des notions environnementales importantes.

Nous devons consacrer l’essentiel de nos efforts à préserver et à renforcer la place de notre agriculture, ce qui passe nécessairement par l’amélioration de la compétitivité. Ainsi nous sommes convaincus qu’il est possible de baisser des charges qui pèsent sur le travail agricole et qu’il faut redoubler d’efforts pour valoriser la recherche et l’innovation et renforcer les filières agricoles et agroalimentaires, qui traversent de grandes difficultés.

S’agissant de la simplification, c’est une demande récurrente des agriculteurs qui ont fait de réels efforts depuis des années. Aujourd’hui, ils ressentent un ras-le-bol normatif. Pour ce qui est des normes environnementales – puisque nous parlons de simplification administrative, réglementaire et normative –, nous souhaiterions qu’elles ne soient pas plus rigides en France qu’au niveau européen, car cela crée des distorsions de concurrence entre les pays européens.

La volatilité des prix est réelle en agriculture, et nous sommes convaincus qu’une bonne loi d’avenir doit articuler des mécanismes de régulation au niveau national, mais aussi européen. Le renforcement de la compétitivité de notre agriculture, la simplification du quotidien des exploitants, la mise en place de solidarités actives : telles sont nos exigences, monsieur le ministre, pour l’avenir de notre agriculture.

Si votre texte comporte des mesures techniques intéressantes, il passe néanmoins à côté des grands enjeux de l’agriculture et ne répond pas totalement aux attentes concrètes de centaines de milliers de paysans français. Le projet de loi s’attache essentiellement à intégrer la notion d’agro-écologie dans notre agriculture, mais la modification des pratiques ne sera pérenne que si la rentabilité et les revenus sont confortés. Or votre texte n’y répond pas suffisamment.

La trajectoire de l’agro-écologie que vous souhaitez emprunter est constituée de trois éléments. Les groupements d’intérêt économique et environnemental, d’abord. En seconde lecture, vous devrez nous préciser, monsieur le ministre, à qui iront les subventions publiques agricoles : aux producteurs, les agriculteurs, ou à des acteurs périphériques qui seront intégrés dans les groupements d’intérêt économique et environnemental ?

L’extension de la généralisation des baux environnementaux, ensuite. Nous émettons les plus grandes réserves et les plus grandes craintes à ce sujet. Nous sommes convaincus qu’elle créera, entre les propriétaires et les exploitants agricoles, des tensions de nature à mettre en péril certaines exploitations. En seconde lecture, nous devrons revenir sur ce sujet.

La prise en compte de l’azote total, enfin. Le texte évoque les déclarations annuelles de possession d’azote avec clauses environnementales. Nous devrons préciser à qui elles s’adressent. Vous l’avez dit oralement, mais il conviendrait d’inscrire dans la loi qui des agriculteurs ou des coopératives et propriétaires négociants en azote doivent faire ces déclarations.

Quant aux autres dispositions du texte, nous estimons qu’elles manquent cruellement d’ambition. S’il y a nécessité de concilier l’urgence économique et écologique, vous restez, à la fin de cette première lecture, dans la philosophie du repli alors que vous devriez être dans l’offensive. C’est pourquoi notre position est très réservée. L’ambition affichée dans l’intitulé du projet ne se retrouve, hélas, pas dans son contenu. Nous ne pouvons que le déplorer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Parce qu’il subsiste beaucoup d’imprécisions dans ce texte, le groupe UDI s’abstiendra en première lecture. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Sourires sur les bancs du groupe SRC.) vous donnons rendez-vous en seconde lecture, monsieur le ministre, afin de parfaire le texte et donner un véritable élan à notre agriculture. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants559
Nombre de suffrages exprimés537
Majorité absolue269
Pour l’adoption332
contre205

(Le projet de loi est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je tiens à remercier tous ceux qui ont participé au débat, quels que soient les groupes auxquels ils appartiennent, et qui ont défendu, souvent avec l’accent de leur terroir, leurs propositions. Je remercie le rapporteur pour le travail qui a été accompli en amont, les rapporteurs pour avis, Jean-Yves Caullet, chargé de la forêt, et Jean-Pierre Le Roch, chargé de l’enseignement et de la culture, et le président de la commission. Pour conclure, je reprendrai la belle citation de René Char, qui a claqué dans la nuit lorsqu’André Chassaigne l’a prononcée avec son accent du Puy-de-Dôme : « L’inaccompli bourdonne d’essentiel ».

M. Henri Emmanuelli. Bravo !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Après la première lecture de l’inaccompli, il faut maintenant que bourdonne l’essentiel ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

3

Nomination d’un député en mission temporaire

Mme la présidente. M. le président a reçu du Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger M. Serge Bardy, député de Maine-et-Loire, d’une mission temporaire auprès du ministre du redressement productif et du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

4

Accès au logement et urbanisme rénové

Deuxième lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (nos 1499, 1670).

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé sur la base d’un temps global attribué aux groupes de quinze heures.

Chaque groupe dispose du temps de parole suivant : quatre heures quinze minutes pour le groupe SRC, six heures vingt minutes pour le groupe UMP, une heure cinquante minutes pour le groupe UDI, cinquante-cinq minutes pour le groupe écologiste, cinquante minutes pour le groupe RRDP, cinquante minutes pour le groupe GDR, les députés non inscrits disposant de vingt minutes.

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous voici de nouveau réunis et mobilisés pour l’examen en seconde lecture du projet de loi ALUR.

Chacun connaît désormais les termes du débat. Chacun connaît aussi le contexte difficile dans lequel il prend corps. L’année 2013, sans surprise, aura été une année difficile pour la construction et donc pour le logement. Les doutes, les peurs, les difficultés marquent le quotidien de nos concitoyens. La question du logement comme celle du chômage est un terrible marqueur de la crise sociale. C’est aussi la clef du sursaut que j’appelle de mes vœux pour notre pays.

Par la loi ALUR, que nous avons – et je vous en remercie – façonnée ensemble, j’entends contribuer à rouvrir une perspective de progrès social dans notre pays. Notre rôle n’est pas seulement de constater la situation douloureuse vécue par des millions de nos concitoyens, mais bien de tenter de la changer, de l’améliorer substantiellement.

Je sais la dureté de la vie politique, la violence des polémiques, le côté systématique des querelles partisanes mais je sais aussi – la première lecture de ce projet de loi m’en a apporté la confirmation – que siègent sur tous les bancs de cette assemblée d’authentiques républicains, mus par l’intérêt général et la défense de leurs mandants. C’est à eux que je m’adresse, avec un discours de sincérité. Oui, la bataille que nous menons est ardue. Oui, le contexte n’est pas optimal. Oui, la situation de la construction n’est à la hauteur ni de nos attentes ni de nos besoins. C’est la raison pour laquelle il faut se déprendre de nos habitudes et de nos réflexes conditionnés : que chacun se mette en mouvement pour que le volontarisme l’emporte sur l’immobilisme.

L’estimation pour 2013 du nombre de logements construits, aux alentours de 330 000, se situe en deçà des besoins et de l’objectif fixé par le Président de la République, qui vise la construction de 500 000 logements par an d’ici à la fin du quinquennat, objectif très ambitieux auquel nous devons travailler de manière structurelle. Il ne sert à rien de chercher à le camoufler par je ne sais quelle vaine rhétorique. Il faut aussi dire la vérité : depuis trente ans, il y a seulement trois années où la mise en chantier de logements a dépassé la barre des 375 000.

M. Benoist Apparu. Pouvez-vous nous préciser lesquelles ?

Mme Cécile Duflot, ministre. La rigueur et l’esprit de vérité commandent d’ajouter à l’analyse que, compte tenu de la crise très difficile qu’affronte le secteur du bâtiment et grâce aux mesures déjà mises en place par le Gouvernement, les chiffres de 2013 ne montrent pas de décrochage trop important par rapport à la moyenne annuelle qui se situe, pour les vingt dernières années, à 346 000 logements mis en chantier annuellement.

Dans le secteur de la construction et du bâtiment, l’impact d’une politique de relance structurelle qui vise à agir sur la production de foncier pour favoriser la construction de logements ne peut se mesurer en quelques mois ; il faut compter environ trois années qui correspondent à la durée de maturation d’un projet immobilier à compter de la mobilisation de nouvelles opportunités foncières.

Certes, doper la demande via des avantages fiscaux, à l’exemple du dispositif Scellier de première génération mis en place en 2009, pourrait permettre d’avoir des effets d’affichage plus rapides, en accélérant la commercialisation des logements, mais cette option présente de graves inconvénients en matière de hausse des coûts de la construction et d’inadaptation de l’offre construite aux besoins. À cela s’ajoute leur poids sur le budget : en 2013, plus de 4 milliards ont été consacrés à honorer ces engagements passés.

C’est la raison pour laquelle ce gouvernement privilégie et privilégiera une relance qualitative de la construction, plus difficile et longue à mettre en œuvre, mais moins coûteuse pour les finances publiques et plus efficace sur le long terme. Il s’agit d’une politique volontariste et inscrite dans la durée, qui vise un double objectif : assainir le marché pour relancer le secteur de façon durable et faire baisser les prix de l’immobilier afin de préserver le budget des ménages qui, comme la compétitivité, est fortement affecté par les coûts du logement.

Nous voulons construire plus, construire mieux et, je le dis avec force, construire moins cher. Nous ne voulons plus que la facture de la construction soit payée par des loyers excessifs et hors de prix. Le Gouvernement a fait ainsi le choix de s’attaquer aux causes structurelles plutôt que de masquer le problème avec des antidépresseurs.

Affronter la crise du logement, c’est fluidifier les procédures et lever les difficultés à chaque étape, depuis la maîtrise du foncier jusqu’à la sécurisation de l’ensemble des parcours résidentiels. Devant vous aujourd’hui, avec le projet de loi ALUR, je présente la troisième étape de cette bataille pour le logement que nous menons.

Parmi les causes de la crise identifiées très tôt, on trouvait le déficit structurel de l’offre de foncier en territoires tendus. Le foncier est aujourd’hui devenu rare et cher. Il représente parfois jusqu’à 25 % des prix de vente. Il est ainsi un frein aux opérations d’aménagement, notamment lorsqu’elles comportent du logement social.

C’est pourquoi – et cela a constitué la première étape –, la loi du 18 janvier 2013 a renforcé le principe de décote pour construire des logements, qui peut désormais conduire à la gratuité des terrains cédés par l’État ou ses établissements publics aux collectivités et aux bailleurs sociaux. Non seulement ce dispositif permet d’accroître le volume du foncier à bâtir disponible mais il sera également garant de l’équilibre financier des programmes d’aménagement pour leur permettre de voir le jour. Cela signifie concrètement plus d’opérations, avec plus de logements et plus de logements sociaux.

L’ensemble du dispositif est aujourd’hui opérationnel et les premières cessions ont été signées sur les terrains de l’État, encore récemment à Toulouse en présence du Président de la République. Pour l’ensemble des régions, ce sont plus de 250 terrains et bâtiments qui figurent sur la liste des biens à céder.

Deuxième étape : mobiliser tous les partenaires pour mener une politique volontariste de relance contracyclique en faveur du logement social et lever les obstacles qui freinent la construction.

Les relations avec ces grands partenaires ont été redéfinies sur une base marquée par la confiance et l’exigence. La lettre d’engagement signée avec Action Logement, il y a un an, le pacte avec l’Union sociale pour l’habitat signé il y a six mois en sont l’expression.

Nous constatons, en ce début d’année, les premiers succès de cette mobilisation du secteur social. Je suis heureuse de vous présenter les chiffres officiels qui ont été rendus publics hier : le nombre de logements sociaux agréés au cours de 2013 est en nette hausse par rapport à 2012. Ce sont ainsi plus de 117 000 logements sociaux qui ont été agréés cette année, soit 14 % de plus par rapport à l’année précédente, en augmentation aussi par rapport à l’année 2011. Parmi ces logements, la proportion de PLAI augmente également pour atteindre plus du quart des logements agréés, évolution dont je me félicite tout particulièrement et dont je sais qu’elle fait écho aux préoccupations de nombreux parlementaires.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est vrai !

Mme Cécile Duflot, ministre. Avec la baisse à 5,5 % au 1er janvier du taux de la TVA sur le logement social, reconnu comme un bien de première nécessité, la relance engagée dans ce secteur s’accentuera en 2014.

Nous avons également simplifié les règles pour accélérer les projets de construction, à travers le plan d’investissement pour le logement annoncé le 21 mars dernier. Depuis, huit ordonnances ont été publiées qui mettent en œuvre les mesures d’urgence que vous avez autorisées par la loi d’habilitation du 1er juillet dernier. Vous les connaissez : elles permettent d’accélérer les projets de construction, de lutter contre les recours abusifs et d’accélérer le traitement des litiges, d’introduire une « procédure intégrée pour le logement », dans des conditions évidemment encadrées, de faciliter les opérations de construction de logements pour permettre la réalisation de projets de densification, notamment par la transformation de bureaux ou encore par surélévation.

Ne nous leurrons pas, d’autres freins, d’autres obstacles existent, ils sont souvent anciens et connus, et nous devons impérativement, si nous voulons atteindre notre objectif de produire 500 000 logements par an, prendre ces sujets à bras-le-corps et proposer des réponses nouvelles en appelant à la mobilisation de tous.

C’est pourquoi j’ai lancé il y a quelques mois une démarche qui s’appelle précisément « Objectifs 500 000 », permettant à des groupes de travail composés d’experts des filières professionnelles du logement et de la construction de faire le tour, durant quelques semaines, de sujets très concrets : simplifier la réglementation et l’élaboration des normes de construction et de rénovation ; mobiliser le foncier privé des secteurs urbanisés ; proposer un logement adapté à chaque situation de vie ; développer des matériaux innovants et inventer de nouvelles façons de construire et de rénover. Ils produiront dès la fin du mois de février 2014 un rapport recensant les propositions retenues collectivement, sans occulter les difficultés ou les points de blocage pouvant subsister. Le Président de la République a fixé le cap des décisions qui seront prises à l’issue de ce travail : faire baisser de 10 % le coût de la construction des logements collectifs.

Vous le voyez, résolument, ce Gouvernement s’est placé dans le registre de l’action.

Mais au-delà des mesures d’urgence et des dispositions que je viens d’évoquer, il était de ma responsabilité de proposer des évolutions structurelles significatives de la politique du logement, parce qu’il est de ma responsabilité de ministre d’apporter des solutions durables aux problèmes du marché du logement mais bien plus encore d’apporter des solutions à ces femmes, ces hommes, ces enfants qui ne pourront avoir de vie normale dans ce pays tant qu’ils n’auront pas de toit.

Favoriser l’accès au logement pour tous : c’est l’objectif de ce projet de loi, troisième étape donc, de notre engagement contre la crise du logement.

C’est dans une logique de protection et d’accompagnement des ménages les plus fragiles que le projet de loi a été rédigé, et avant lui, le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Ce plan est aujourd’hui mis en œuvre et traduit l’engagement du Gouvernement en matière d’accès à un logement digne et adapté pour toutes et tous. L’hébergement est un moyen parfois nécessaire, mais le logement pour tous demeure l’objectif primordial, assorti d’un accompagnement pour les personnes qui ont besoin d’un soutien.

De nombreux engagements ont d’ores et déjà trouvé leur place dans le projet de loi afin d’enrayer la mécanique de l’exclusion sociale.

Améliorer la prévention des expulsions, c’est se battre pour que les ménages les plus fragiles se maintiennent dans leur logement. Je tiens à souligner l’intense travail parlementaire qui a permis de renforcer cet aspect, notamment grâce à l’accroissement du rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives et les possibilités accrues données au juge pour accorder des délais aux ménages en situation d’impayé de loyer.

Je suis particulièrement fière également que ce projet de loi permette l’allongement de la trêve hivernale. Il est indispensable aujourd’hui, compte tenu de l’ampleur de la crise que nous vivons, de renforcer la protection des locataires contre les expulsions hivernales. Grâce aux avancées issues du débat parlementaire, les locataires seront protégés de toute mise à la rue du 1er novembre au 31 mars.

Ces avancées sont donc importantes et je pense que nous devons poursuivre cette dynamique et ce dialogue.

Je voudrais dire également quelques mots de la garantie universelle des loyers, la GUL. C’est un grand sujet, un beau sujet, une innovation dont nous pouvons être fiers. Toute l’histoire de notre République est marquée par l’extension continue du domaine des droits pour assurer l’égalité entre toutes et tous. C’est dans cette histoire de progrès social que vient s’inscrire cette garantie universelle. Ce projet est le résultat d’une méthode que j’assume, celle de la co-construction avec les parlementaires. Le projet qui vous est aujourd’hui soumis est le produit de vos amendements, de nos débats, de vos propositions.

Vous le savez tous, ce projet est d’abord le produit d’une longue histoire, portée sur ces bancs depuis plus de dix ans par la majorité comme par l’opposition. Une histoire qui a pris des noms divers mais dont la GUL est l’aboutissement.

Nous allons créer par ce texte un droit nouveau, un droit universel, parce qu’accessible à tous, sans distinction d’origine sociale, de niveau de revenus ou d’héritage. Certains me disent que faute d’obligation, l’universalité serait un demi-mot. Quelle étrange conception de nos droits ! Ce droit consacre une garantie certaine, celle de l’égalité d’accès.

L’accès au logement est aujourd’hui blessé par la multiplication des garanties et sûretés demandées aux locataires, au premier rang desquelles figure la plus discriminante : la caution, cauchemar de centaines de milliers de personnes en recherche de logement. Chacun connaît les mille et une anecdotes liées à la recherche de caution. Chacun connaît cette demande devenue quasiment systématique qu’un ou plusieurs garants promettent d’indemniser le propriétaire si le locataire ne paie pas son loyer.

Je le dis avec gravité, le système de la caution est trop souvent inefficace et injuste.

M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission des affaires économiques. Très juste !

Mme Cécile Duflot, ministre. Inefficace, parce que cette sécurité est une fausse sécurité : dans de très nombreux cas, la caution ne peut pas être mise en jeu par le propriétaire, soit parce qu’elle a été mal libellée, soit parce que les ressources du garant se sont elles-mêmes effondrées.

Injuste parce que la caution est la négation de l’autonomie. On peut avoir quarante ans, deux enfants, travailler et se trouver soumis à l’obligation de trouver une caution pour se loger. Injuste encore parce qu’elle fait parfois reposer l’accès au logement non sur la situation réelle du locataire mais sur son carnet d’adresses, sa famille, ses relations.

Cette injustice n’est pas le fait des propriétaires : il est légitime qu’ils cherchent des moyens de protéger ce qui est souvent un complément de salaire ou de retraite indispensable. Cette injustice est née d’un manque. C’est ce manque que j’ai voulu combler en créant un outil nouveau pour défendre un droit nouveau.

La GUL, cette garantie universelle des loyers, c’est un projet d’émancipation. C’est permettre à chaque locataire de remplacer la caution par une garantie publique ; c’est permettre à chaque propriétaire de savoir qu’il peut accéder à une vraie sécurité si le locataire fait défaut.

C’est un projet frappé du sceau du réel. Nous savons tous que les propriétaires auront intérêt à recourir à la GUL. Je ne doute pas que la gratuité de cette nouvelle forme de sécurité les convaincra très rapidement de renoncer à une caution qui ne les protège que très imparfaitement.

C’est aussi un projet pour prévenir les expulsions locatives. À la différence du parc social dont les locataires sont plus souvent connus et suivis et les difficultés repérées, le parc privé est diffus, constitué d’une myriade de petits propriétaires. Lorsqu’un locataire est confronté à une difficulté, personne ne la détecte immédiatement et tous les services qui pourraient concourir à accompagner le locataire, à l’aider, à prévenir l’expulsion locative ne sont pas mobilisés. La GUL permettra de détecter ces difficultés, de les affronter et finalement de prévenir l’expulsion au plus tôt, à la naissance de l’impayé, quand il est encore temps.

J’ai entendu les craintes de tous ceux qui redoutaient que les locataires, sachant leur propriétaire indemnisé, arrêtent de payer leur loyer. Je suis certaine que ce risque est un pur fantasme. Ce n’est pas parce qu’on est couvert par la Sécurité sociale qu’on va chez le médecin : c’est parce qu’on tombe malade. Ce n’est pas l’assurance qui crée le risque. Mais il est également normal que le contribuable ne finance pas la petite minorité des comportements abusifs. C’est le sens de ce dispositif qui ne pourra pas s’appliquer à ceux, fraudeurs ou de mauvaise foi, qui n’ont jamais fait la démarche de tenter d’apurer leurs dettes ou qui ne peuvent démontrer qu’ils ne peuvent plus faire face à celles-ci. C’est le sens du recours au Trésor public qui offre à la fois les garanties d’un service public du recouvrement au locataire, la sécurité de pouvoir contester ses créances, de trouver une solution amiable avec un agent public et des moyens réels de recouvrer lorsque le locataire dispose de ressources.

Le projet de GUL que nous avons co-élaboré aura une vertu sur laquelle je veux insister : il récompensera le propriétaire solidaire.

Un propriétaire solidaire, c’est un propriétaire qui joue le jeu de la modération des loyers. Les loyers ne seront en effet indemnisés que jusqu’à hauteur d’un plafond qui correspond au loyer médian dans les zones bénéficiant d’un observatoire des loyers. Si un propriétaire loue cher, il aura un reste à charge en cas d’impayé.

Un propriétaire solidaire, c’est aussi un propriétaire qui fait le choix d’accepter de ne pas loger que des personnes qui sont fonctionnaires ou en contrat à durée indéterminée, mais aussi des étudiants, des précaires, des chômeurs. Ce propriétaire-là sera mieux indemnisé, pour récompenser tous ceux qui font le choix de la solidarité et les rassurer si a lieu un impayé : pour eux, la GUL jouera pleinement.

Vous le voyez, nous avons tiré les leçons des produits spécifiques destinés aux plus fragiles qui visent à intégrer mais qui, en réalité, stigmatisent. Il n’y a pas si longtemps, on voyait des petites annonces indiquant : « Locapass, s’abstenir ». La GUL est un dispositif pour tous, mais équitable, plus affirmé pour ceux qui en ont le plus besoin.

Toutefois, l’accès au logement passe aussi par le fait d’en faire baisser les coûts. La hausse continue des loyers au cours des quinze dernières années a gravement obéré le pouvoir d’achat d’une grande partie des locataires du parc privé. On ne le répétera jamais assez : un locataire sur cinq du parc privé consacre plus de 40 % de son revenu à se loger. C’est un fléau qui mine notre pays. Il faut agir pour réguler et enrayer ces abus du marché. C’est une évidente question de justice sociale. S’en détourner, c’est laisser se déliter notre cohésion nationale. Parce que la cohésion d’une nation ne se fonde pas uniquement sur des valeurs, mais aussi sur l’effectivité des droits des citoyennes et des citoyens.

J’ajoute que lutter contre les loyers exorbitants, c’est également agir pour la compétitivité de notre pays. À tous points de vue, une logique de régulation est un levier essentiel d’une politique d’efficacité économique. C’est le sens de l’encadrement des loyers que prévoit ce projet de loi. Vous en avez validé le principe lors de la première lecture du texte et les sénateurs en ont fait de même. Il vous revient maintenant la responsabilité d’en arrêter définitivement les modalités pour en faire une réalité.

Redonner du pouvoir d’achat aux locataires commandait aussi de s’attaquer à la question des honoraires de location. Il ne tient qu’à vous que ce soit désormais chose faite. Si personne ne nie que tout travail mérite salaire et que le rôle des professionnels de l’immobilier en tant qu’intermédiaires des rapports locatifs est utile, voire indispensable, le statu quo n’est pas possible. Nous devons mettre fin à la pratique qui veut que le locataire qui ne choisit pas l’intermédiaire, ne le mandate pas, assume tout de même l’essentiel de sa rémunération. Peut-on accepter que la location d’un deux-pièces de 35 mètres carrés soit facturée 1 400 euros au locataire ? Poser la question, c’est y répondre.

La double peine qui veut qu’à des loyers élevés correspondent aussi des honoraires élevés pour le locataire doit cesser.

J’ai adressé un message clair à la profession immobilière, notamment au président de la FNAIM, avec lequel j’ai des échanges réguliers. Le dialogue a été constant, parfois musclé, mais toujours soutenu par une conception volontariste du rôle de la loi.

J’ai souhaité que la responsabilité l’emporte sur toute autre considération. Ainsi, certaines prestations bénéficiant au locataire pourront continuer à lui être facturées pour partie, comme cela a été confirmé en commission : c’est normal et légitime. Mais le montant global payé par le locataire devra baisser – je souhaite qu’il soit divisé au moins par deux dans les zones tendues. C’est une nécessité pour le pouvoir d’achat des ménages ; ce n’est en aucun cas une attaque contre une profession qui a elle-même conscience aujourd’hui que ses pratiques doivent évoluer.

C’est le sens du chapitre III titre Ier du projet de loi qui crée un nouveau cadre de régulation de la profession. Oui, ces mesures proviennent pour partie des propositions que la profession avait formulées dans son Livre blanc ; c’est une bonne chose car la régulation ne sera efficace que si les professionnels s’en approprient les enjeux. J’ai la conviction que les esprits sont mûrs pour cela. Le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière créera le cadre institutionnel qui portera la voix de la profession, sans verser dans la création d’un ordre. Les obligations de formation, le code de déontologie, les commissions de contrôle permettront de sévir contre la minorité de la profession, ces braconniers de l’immobilier, qui ne respecte pas les règles et dégrade la réputation de tous. Il y va de l’intérêt général, de l’intérêt de tous : locataires, propriétaires ou copropriétaires mais également, je le répète, de l’intérêt des professionnels eux-mêmes.

La première lecture, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, a également confirmé le volet du projet de loi visant à s’attaquer aux copropriétés dégradées et à l’habitat indigne. Les mesures qui vous sont proposées constituent des réponses attendues de longue date par toutes celles et tous ceux qui agissent chaque jour, parfois impuissants pour lutter contre ce fléau que constitue l’habitat dégradé. Je sais que ce sujet emporte l’adhésion sur tous les bancs de cet hémicycle, car c’est une question qui touche à la morale républicaine elle-même : il nous faut réaffirmer qu’égales en dignité, les personnes doivent l’être également dans leur vie quotidienne et qu’il n’y a pas de place dans notre République pour l’habitat indigne.

Enfin, au chapitre des mesures structurelles qui détermineront aussi l’avenir de nos territoires, il y a bien évidemment les conditions dans lesquelles ceux-ci pourront mobiliser l’ingénierie disponible auprès des services de l’État et des établissements publics fonciers – qu’ils soient d’État ou locaux –, développer des stratégies foncières et mettre en place une planification permettant un développement équilibré.

En outre, nous proposons de clarifier la hiérarchie des normes en matière d’urbanisme en précisant le rôle respectif des SCOT et des PLU. Vous le savez, je suis convaincue que l’aménagement durable de nos territoires passe par l’élaboration de documents d’urbanisme à l’échelle intercommunale. Cette élaboration à l’échelle intercommunale, par la mutualisation des moyens et des compétences qu’elle permet, exprime la solidarité entre les territoires que nous appelons de nos vœux. Tous ceux qui sont passés au PLU intercommunal – tous, sans exception – s’en félicitent aujourd’hui.

M. Michel Piron. C’est exact !

M. Benoist Apparu. Très bien !

Mme Cécile Duflot, ministre. Toutefois, tant lors des débats parlementaires que lors de la concertation avec les associations d’élus, j’ai entendu les préoccupations exprimées, qui sont de deux ordres. Certains considèrent tout d’abord que la loi les déposséderait d’une compétence essentielle ; je veux et je continuerai inlassablement à m’employer à les convaincre. Je rappelle que l’élaboration d’un PLU intercommunal ne les prive pas de leur prérogative de délivrer les autorisations d’urbanisme. De plus, ils n’exercent cette prérogative que s’ils se sont dotés d’un document d’urbanisme ; or, plus de 40 % des communes sont encore soumises au règlement national d’urbanisme, en vertu duquel l’État instruit et délivre les autorisations d’urbanisme.

M. Michel Piron. Absolument !

Mme Cécile Duflot, ministre. En promouvant l’élaboration de PLU intercommunaux, l’État les invite en fait à prendre plus de pouvoirs qu’ils n’en ont aujourd’hui. Objectivement, seule la voie du PLU intercommunal leur donne vraiment la possibilité d’élaborer en commun un projet pour leur territoire. Vous le savez comme moi : quelle planification peut-on faire à l’échelle d’une seule commune de quelques kilomètres carrés ?

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Exactement !

Mme Cécile Duflot, ministre. Le PLUI ne vise pas à déposséder les maires, mais plutôt à mettre en œuvre effectivement une compétence qu’ils sont plus de 40 % à ne pas exercer.

M. Sylvain Berrios. Cela les dépossède dans les faits !

Mme Cécile Duflot, ministre. Et puis, il y a ceux qui demandent du temps – du temps pour apprendre l’exercice de l’intercommunalité, du temps pour achever des procédures en cours –, ou qui, par principe, refusent que l’exercice de cette compétence soit transféré sans que les communes concernées se prononcent.

J’ai entendu ces préoccupations, tout comme le Premier ministre, qui a pris l’engagement qu’à l’issue du processus parlementaire, la définition de l’intérêt communautaire et le PLUI respecteront l’intérêt des maires. C’est la raison pour laquelle j’ai soutenu la position des sénateurs qui ont introduit la possibilité, par une sorte de minorité de blocage composée par un quart des communes et représentant au moins 10 % de la population, de s’opposer au transfert automatique de la compétence PLU. Je soutiendrai cette position devant vous parce que je pense que c’est la meilleure voie pour avancer sur ce sujet. Toutes les tentatives depuis de nombreuses années pour que le PLUI devienne la règle ont été mises en échec ; je souhaite donc que nous franchissions cet obstacle.

M. Benoist Apparu. Mais non ! C’est faux !

Mme Cécile Duflot, ministre. On ne peut pas faire confiance aux élus locaux sans souhaiter que la question du PLU intercommunal soit posée dans chaque établissement public de coopération intercommunale, afin que cet échange ait lieu et que chacun des élus concernés mesure et exprime les conséquences concrètes de ce choix pour l’avenir de son territoire.

Voilà donc l’essentiel des propositions que comprend ce projet de loi, qui aborde les questions de logement et d’urbanisme d’abord et avant tout sous l’angle de la justice sociale. Je suis heureuse des débats que nous avons pu avoir en première lecture et de la dynamique parlementaire qui a permis, au cours de la navette, non seulement d’améliorer techniquement un certain nombre de mesures, mais aussi de conforter les grandes orientations de ce projet de loi, pour garantir à chacun de nos concitoyennes et de nos concitoyens l’accès au logement et permettre à nos territoires de mettre en place un urbanisme rénové. L’un n’ira pas sans l’autre, et je sais pouvoir compter sur vous pour incarner ces deux convictions. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chère co-rapporteure, chers collègues, nous voici donc à une nouvelle étape de ce projet de loi. Après notre premier examen et celui du Sénat – je tiens à saluer ici la qualité du travail mené par mon homologue co-rapporteur au Sénat, Claude Dilain –, nous allons finaliser certains points importants de ce projet de loi. Notre commission a encore beaucoup œuvré, lors de cette deuxième lecture, pour parfaire un édifice déjà ambitieux : 516 amendements étudiés lors de nos réunions du mois de décembre, 267 adoptés dont, permettez-moi de le rappeler, 116 dont je suis à l’origine.

Je tiens ici à remercier l’ensemble des députés pour la qualité de nos débats et, parmi vous, les députés de la majorité qui m’ont apporté un soutien constant. Je souhaite également vous remercier, madame la ministre, pour avoir été, avec votre cabinet, à l’écoute des préoccupations et des propositions de l’Assemblée nationale.

Bien entendu, tous les sujets ne font pas consensus ; mais les mauvais augures, nombreux au départ, qui prévoyaient un échec sur tel ou tel aspect – il me semble même que certains l’encourageaient ! – sont obligés aujourd’hui de reconnaître que, dispositif après dispositif, nous tenons là une grande loi d’innovation sociale, une loi qui revisite notamment l’ensemble des rapports locatifs et le fonctionnement des copropriétés ; une loi qui améliore le respect de la déontologie et responsabilise les professionnels de l’immobilier, et qui permettra une lutte plus efficace contre la dégradation des copropriétés et contre l’habitat indigne ; une loi enfin qui permettra de mieux prévenir les expulsions par une prise en charge le plus en amont possible des situations difficiles.

Une des grandes qualités de ce texte est qu’il aura su évoluer grâce à une large concertation et au dialogue que le Gouvernement comme les rapporteurs ont su nouer avec tous les acteurs intéressés.

Je pense à ce moment à tous ceux qui, dans notre pays, connaissent des difficultés pour se loger, pour payer leur loyer, qui sont abusés par des marchands de sommeil, qui craignent d’être expulsés et qui, demain, bénéficieront de nombreux dispositifs plus protecteurs. Je pense aussi, parce qu’ils sont également bénéficiaires de cette loi, à tous ceux qui, propriétaires, sont confrontés à des difficultés de gestion de leur bien, à des impayés de loyer, au mauvais fonctionnement de leur copropriété et qui seront demain rassurés par des procédures plus claires, plus transparentes et plus efficaces. Et je pense encore, parce que je me refuse une nouvelle fois de choisir, à tous les professionnels de l’immobilier qui, se sentant salis par les abus de quelques-uns, souhaitent voir leurs pratiques mieux encadrées, ce qui sera le cas avec une organisation nouvelle de ces métiers.

Il s’agit donc d’une loi « trois fois gagnant » : pour les locataires, les propriétaires comme pour les professionnels ; une loi qui se refuse de considérer les intérêts des uns et des autres comme à coup sûr divergents et facilite la médiation et le dialogue entre eux, ainsi que le respect de leurs droits respectifs. Nous contribuons ainsi à un nouvel équilibre entre tous, à un nouvel équilibre moderne, juste et efficace.

L’un des sujets les plus marquants, l’encadrement des loyers, est organisé comme un miroir du marché locatif ; il permettra de limiter les abus de montants de loyers disproportionnés par rapport à la réalité du marché. Sur la base d’observatoires des loyers, le préfet déterminera, dans les zones tendues, un niveau de loyer de référence par rapport à la médiane des loyers, en fonction du type de bien, de sa situation et de sa superficie. Ceux qui voudront s’en écarter de plus de 20 % devront le justifier par la qualité exceptionnelle du bien. Ainsi, entre locataires et propriétaires, la concertation sera-t-elle la règle.

Concernant la garantie universelle des loyers, que vient de détailler Mme la ministre, le dispositif est aujourd’hui abouti. Les propriétaires auront tout intérêt à bénéficier de cette protection bien plus efficace que la caution actuelle pour être assurés de percevoir leurs revenus locatifs, une caution par ailleurs source d’inégalité profonde entre candidats locataires. Indemnisés à hauteur du loyer de référence, les propriétaires seront pris en charge par des centres agréés privés qui pourront leur proposer des garanties complémentaires et faire agir au plus vite, s’ils sont justifiés, les filets sociaux envers les locataires, lesquels resteront, quoi qu’il arrive, redevables de leurs impayés.

Enfin, sur le sujet des honoraires de location, le projet de loi est aujourd’hui équilibré avec une plus juste rémunération des professionnels, correspondant à la réalité du travail effectué.

Chers collègues, lors de la discussion en première lecture, j’avais convoqué Sénèque pour nous enjoindre de trouver des solutions aux questions difficiles qui sont posées. Aujourd’hui, c’est avec George Bernard Shaw que nous pouvons mesurer le chemin parcouru. L’écrivain affirmait : « Dans la vie, il y a deux catégories d’individus : ceux qui regardent le monde tel qu’il est et se demandent pourquoi, et ceux qui imaginent le monde tel qu’il devrait être et qui se disent : pourquoi pas ? » Résolument, madame la ministre, chers collègues, avec le projet de loi ALUR, nous nous approchons un peu plus du monde tel qu’il devrait être, permettant les parcours individuels, tout en étant plus régulé et plus protecteur.

M. Jean-Louis Dumont. Mais des efforts doivent encore être faits !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Le chemin est encore long, mais il nous faut l’emprunter sans relâche, pour en finir avec ce mal logement, et pas seulement pour les plus modestes, pour juguler le déficit d’une offre de logements socialement accessibles, pour continuer de lutter contre le séparatisme social entre les villes, voire entre des quartiers d’une même ville, qui minent notre compétitivité et notre cohésion nationale.

C’est le sens du soutien que j’apporte pleinement au résultat de nos travaux, qu’il s’agisse de leur contenu, fait d’innovations sociales et d’améliorations de procédures existantes, ou de la réelle coproduction législative qui en aura été la méthode. Au reste, chers collègues, je suis persuadé que d’ici quelques années, sur de nombreux bancs de cette assemblée, beaucoup se diront seulement, mais justement : « Pourquoi ne l’avons-nous pas fait plus tôt ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, chers collègues, le projet de loi ALUR que nous examinons ensemble a été, après sa première lecture dans les deux chambres et son deuxième passage en commission des affaires économiques, considérablement enrichi, notamment sur l’habitat indigne, sur l’habitat participatif, et également sur le titre III, consacré au logement social. Je retiens par exemple que nos collègues sénateurs ont souhaité que la gestion du système national d’enregistrement des demandeurs de logement social soit confiée à un groupement d’intérêt public regroupant l’État, l’Union sociale de l’habitat et les associations d’élus locaux. C’est là une solution satisfaisante qui répond aux inquiétudes soulevées ici même en première lecture, dès lors que ce groupement d’intérêt public s’accompagne d’un comité d’orientation, comme nous l’avons décidé en commission des affaires économiques.

Nous avons également trouvé d’autres avancées sur les attributions. Je pense par exemple à la question du divorce, ou encore aux commissions d’attribution de logements « dématérialisées ». Si les solutions proposées n’ont pas encore été adoptées, un amendement devrait nous permettre d’aboutir tout à l’heure en séance.

Concernant les missions des organismes HLM, nous avons en première lecture autorisé ces organismes à se doter de nouveaux outils plus innovants et contemporains pour accomplir leurs missions. Nos collègues sénateurs sont allés plus loin, trop peut-être ; quoi qu’il en soit, nous avons souhaité rappeler en commission que les organismes HLM doivent avant tout se concentrer sur leur cœur de métier, c’est-à-dire la construction et la gestion de logements sociaux – nous avons rappelé plus tôt les bons résultats qui sont les leurs dans ce domaine.

Nous avons par ailleurs précisé en commission des affaires économiques diverses dispositions portant notamment sur la nouvelle Agence nationale de contrôle du logement social, dont nous avons décidé la création en première lecture, ou encore sur les modalités de fonctionnement de la Caisse de garantie du logement locatif social.

J’en viens maintenant au quatrième et dernier titre de ce projet de loi consacré à la modernisation des documents d’urbanisme et à la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain. Le rôle intégrateur du SCOT est conforté, tant vis-à-vis du plan local d’urbanisme que des autres schémas d’aménagement. Les équilibres que nous avions trouvés en première lecture ont peu évolué au Sénat ; je n’y reviens donc pas.

J’en arrive donc au point névralgique de ce quatrième titre, à savoir le plan local d’urbanisme intercommunal, qui a déjà beaucoup cristallisé l’attention ces derniers temps et ne manquera pas de continuer à le faire. Je veux rappeler ici que nous avions en première lecture, et à une large majorité, trouvé ce qui nous avait semblé être un bon équilibre, permettant de bien distinguer, d’une part, le transfert de la compétence urbanisme vers l’intercommunalité dans le respect des communes, et, d’autre part, le processus d’élaboration du plan local d’urbanisme entre l’intercommunalité et les communes, en consolidant les mécanismes de collaboration entre ces deux instances.

Par la suite, le Sénat a souhaité assortir le transfert de cette compétence d’un consentement, avec la possibilité pour les communes de stopper le processus si un quart d’entre elles, représentant 10 % de la population, s’y opposaient. En commission des affaires économiques, si nous avons choisi de conserver l’idée d’un consentement au transfert de la compétence, nous avons veillé à ce qu’à travers le consentement, le vote ne conduise pas systématiquement au veto. Nous avons ainsi remonté le curseur du vote à un niveau plus habituel, plus pratiqué dans les collectivités locales, celui d’une majorité des deux tiers des communes représentant la moitié de la population, ou de la moitié des communes représentant les deux tiers de la population.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Nous avons également convenu en commission de retravailler la rédaction de l’article 63 consacré au transfert de compétences afin que les différentes étapes soient mieux explicitées. Je vous proposerai donc un amendement en ce sens en séance, de même qu’un amendement pour clarifier l’article 64 consacré à l’élaboration du PLUI afin que celui-ci demeure, à la fin de la navette, réellement praticable.

Par ailleurs, en matière d’urbanisme opérationnel ou commercial, le projet de loi a été précisé sur plusieurs points tant par le Sénat que par l’Assemblée nationale ; nous les retrouverons dans le débat sur les amendements.

Enfin, un amendement du Sénat a ouvert un nouveau débat relatif aux sites et sols pollués, dans le but de redonner vie aux friches industrielles, telles que celles qui prolifèrent dans le Nord-Pas-de-Calais. Ce sujet est évidemment fondamental pour l’urbanisme et pour le logement, mais il est également très sensible. Nous avons donc estimé en commission des affaires économiques qu’une réflexion plus approfondie était nécessaire, ce que nous permettront certainement les amendements déposés en séance.

Pour conclure, je veux vous dire, chers collègues, qu’après quelque cent vingt auditions – dont les dernières se sont encore tenues il y a quelques jours et même quelques heures – et plus de sept cents amendements déposés ici en deuxième lecture, ce projet de loi ALUR sans aucun doute passionne et intéresse, ce qui est somme toute bien normal : lorsque nous l’aurons définitivement voté, il offrira enfin une vraie régulation pour le logement et pour nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure – chère Audrey Linkenheld –, monsieur le rapporteur – cher Daniel Goldberg –, je souhaite tout d’abord saluer le travail des uns et des autres sur ce texte immense, tant en qualité qu’en quantité. Mes chers collègues, j’avais déclaré en première lecture que ce texte était important, et pas seulement en volume.

Ce texte touchera tout le monde : les mal logés comme les mal logeurs, les propriétaires comme les locataires, les urbains comme les ruraux. Je tiens à rassurer ces derniers : ce texte se préoccupe en effet largement du monde rural, et même protège le monde rural. Le Gouvernement a choisi de consacrer tout un chapitre à la consommation des espaces naturels agricoles et forestiers. En cela, ce texte est le complément parfait de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt que nous venons d’adopter en première lecture il y a seulement quelques minutes.

Le nouveau texte impose dorénavant une procédure de révision aux zones définies depuis plus de neuf ans comme « à urbaniser » ; il faudra justifier la nécessité d’une ouverture à l’urbanisation au regard de l’insuffisance des capacités résiduelles d’urbanisation. Mais, précision utile faite par la ministre en première lecture, il faudra ne rien avoir engagé, ni comme projet, ni comme réflexion, pour être concerné par cette disposition.

Il me semble essentiel de conserver la possibilité d’ouvrir certaines zones à l’urbanisation car, dans les zones rurales, en particulier en zone de montagne, il est parfois plus pertinent de construire, de développer des hameaux plutôt que de laisser la forêt avancer et laisser les constructeurs harceler les terres mécanisables indispensables à l’agriculture de montagne. Cela permet, là où c’est justifié bien évidemment, de lutter contre l’isolement, contre la désertification et même, d’une certaine manière, contre le mitage en favorisant l’organisation d’une urbanisation cohérente et réfléchie.

C’est également dans ce but que le texte offre désormais une possibilité de déroger à la règle de la constructibilité limitée dans les territoires non couverts par un PLU ou une carte communale. Cette mesure, qui comble un vide, permettra aux conseils municipaux de déroger à cette règle s’agissant des terrains enfrichés et qui ne sont pas situés en « continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants », pour reprendre les définitions qui figurent dans le code.

Parce qu’il est nécessaire de porter une attention particulière à la forêt, il est prévu que dans les territoires enfrichés depuis au moins dix ans, un avis de la commission départementale de la consommation des espaces agricoles soit donné. Il sera réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Nous devons veiller à protéger notre campagne, notre montagne, mais aussi à ne pas laisser nos villages se transformer en dortoirs pour gentlemen-farmers capables de vivre seulement avec deux 4x4, en se passant de services de proximité. Nos villages ont besoin de favoriser la cohabitation de toutes les générations et de toutes les classes sociales.

Ce texte ouvrira également la voie à une réforme du droit de préemption, en particulier pour les SAFER.

M. Jean-Louis Dumont. Il faudra peut-être contrôler les SAFER !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le droit de préemption est trop souvent détourné. Nous devons chercher et trouver des solutions pour que les communes restent maîtresses de l’organisation du foncier sur leur territoire. Il est des compétences qui ne peuvent pas être abandonnées. J’appelle donc le Gouvernement à mener une réflexion approfondie sur cette question qui n’est pas facile et à laquelle l’article 40 de la Constitution donne un accès difficile à l’initiative parlementaire. Je sais, madame la ministre, que vous êtes, vous aussi, très attachée à ce sujet. Continuons donc d’y travailler.

En parlant de compétences qui ne doivent pas être abandonnées, je voudrais saluer le Gouvernement et l’ensemble de mes collègues, députés et sénateurs, pour les avancées qui ont été réalisées s’agissant du PLUI, sous l’œil vigilant de Mme la rapporteure Linkenheld. Il me semble que la solution issue de la première lecture au Sénat, qui a inspiré la solution issue de la seconde lecture en commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale, est de nature à satisfaire les préoccupations des uns et des autres.

Comme je l’avais dit en première lecture, le PLUI doit être une dynamique choisie, ne vous en déplaise monsieur Piron.

M. Michel Piron. Pas du tout !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. En disant cela, je choisis mes mots. Le texte, tel qu’il a été adopté, reste incitatif sans être coercitif. C’est là que se trouve le bon équilibre. Une fois de plus, je tiens à saluer votre capacité d’écoute, madame la ministre, sur ce sujet, comme sur d’autres d’ailleurs.

Si la ville et les métropoles sont l’avenir de l’organisation du monde, la campagne et les villages ruraux ne sont pas des cartes postales de collection. Ils doivent rester des territoires féconds, garants d’une humanité qui sait prendre le temps de vivre et de respirer. Ils sont à la ville en quelque sorte ce que la poésie est à la littérature, c’est-à-dire absolument indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que nous entamons l’examen en deuxième lecture du projet de loi ALUR, je souhaiterais, en introduction, faire le point sur la construction actuelle de logements dans notre pays. J’imagine qu’en ce moment même, le Président de la République est en train de s’exprimer sur le sujet, soit dans son discours introductif soit en réponse à des questions, et qu’il va réaffirmer l’objectif de construire 500 000 logements par an, comme il s’y était engagé pendant sa campagne électorale. Je précise d’ailleurs que, selon lui, cet objectif devait être atteint dès la première année de son mandat…

Mme Cécile Duflot, ministre. Non !

M. Benoist Apparu. Si ! Son discours en tant que candidat était très clair : chacun aura pu constater ce qu’il en est.

Madame la ministre, vous avez souhaité, dressant le bilan de la construction cette année, assumer les résultats pour le moins mitigés que nous avons pu observer les uns et les autres. Vous nous avez ainsi indiqué que, grosso modo, les chiffres de construction pour 2013 se situaient dans la moyenne de ceux des vingt dernières années et que, d’ailleurs, le nombre des constructions n’avait été supérieur à 435 000 logements que pendant seulement trois années. Mais vous auriez pu citer deux autres chiffres. D’abord, en 2013, la production de logements a été la plus faible depuis dix ans.

Mme Cécile Duflot, ministre. Ce n’est pas vrai !

M. Benoist Apparu. Ensuite, les trois années où des records ont été battus sont 2007, 2008 et 2011, c’est-à-dire sous la majorité précédente.

Je me souviens avoir entendu, il y a quelques mois, vociférer sur les bancs de la gauche contre les productions de logements que nous avions engagées, notamment en matière de logement social. Suite à la publication des chiffres, hier, vous nous avez annoncé, dans une dépêche AFP, que le nombre de logements sociaux financés pour 2013 s’élevait à 117 000, soit une hausse de 14 % par rapport à 2012, et que ce chiffre était parmi les meilleurs des dernières années. Je me dois de rappeler la réalité. Effectivement, pour la première fois de l’histoire, en 2012, le logement social n’a pas joué son rôle contracyclique puisque le nombre de logements sociaux financés était de 105 000, contre 115 000 en 2011 et 135 000 – record absolu – en 2010. Autrement dit, avec 117 000 logements sociaux financés en 2013, vous faites moins bien que la moyenne constatée lors du quinquennat précédent. Pourtant, si je me souviens bien, l’opposition de l’époque nous trouvait particulièrement mauvais, estimant que la droite n’aimait décidément pas le logement social. Il n’en demeure pas moins que nous avons battu tous les records de production de logements sociaux dans notre pays.

Quoi qu’il en soit, je crains qu’à la fin du présent quinquennat, vous ne parveniez pas à l’objectif fixé par le Président de la République de 150 000 logements sociaux. Bien que la gauche prétende défendre le logement social contre les méchants de droite qui ne veulent pas en faire, elle aura, dans ce domaine, un bilan quantitatif inférieur à celui du mandat de Nicolas Sarkozy qui, je le répète, a établi des records.

Le plus grave, madame la ministre, c’est que la production de logements, dont le nombre s’établit pour 2013 à 335 000 sur l’ensemble du territoire, ne progressera pas en 2014. Certes, la crise, et vous n’y êtes pas pour grand-chose, explique en partie la situation, mais, depuis dix-huit mois, vous n’avez pas pris l’ombre du début d’une mesure qui permettrait d’améliorer ce chiffre en favorisant les mises en chantier, la production de logements. Ainsi le texte qui nous est soumis – et c’est là que je voulais en venir – aujourd’hui ne comporte aucune mesure permettant des mises en chantier supplémentaires. Il s’agit d’une loi de régulation du marché, essentiellement locatif, qui ne permettra en rien d’atteindre l’objectif de 500 000 logements chaque année.

Paradoxalement, vous défendez un texte qui ne permettra pas la production d’un seul logement supplémentaire alors qu’en ce moment même le Président de la République est probablement en train de dire qu’il faut davantage de logements en France et présente les moyens d’y parvenir. Ce projet contient même des mesures, comme l’encadrement des loyers, qui feront plutôt fuir les investisseurs. Or chacun sait qu’ils sont essentiels pour la production de logements.

Par ailleurs, le Président de la République est également probablement en train de nous dire qu’un choc de simplification est nécessaire pour réduire les coûts de production de 10 %.

M. Christophe Borgel. Il est en train de le faire !

M. Benoist Apparu. Or vous nous présentez un texte de loi qui compte 320 pages. Sans doute est-ce ce que vous appelez un choc de simplification ! Et je ne compte pas le nombre de décrets prévus, qui doit avoisiner sans aucune difficulté la centaine : bref, encore 400, 500, voire 600 pages de normes supplémentaires, sans parler des notes d’information, des circulaires et des arrêtés qui seront publiés. Alors qu’on nous demande de produire moins de normes, on nous propose probablement le record législatif de la VRépublique en matière de logement ! Madame la ministre, je ne suis pas sûr que l’ensemble des acteurs du logement soient convaincus par votre argumentaire au sujet de la simplification des normes.

J’en viens maintenant aux trois points principaux du texte de loi que vous nous proposez.

Le premier point, qui a fait l’objet de débats ces dernières semaines, concerne la fameuse garantie universelle des loyers, la GUL. Vous venez de nous dire que vous étiez fière de ce dispositif et, surtout, de la méthode utilisée pour l’élaborer : M. Goldberg, qui réinvente la coproduction législative, est devenu un copéiste de choc ! Toujours est-il que cette coproduction nous a totalement échappé. Qu’il y ait eu une coproduction avec Bercy, qui a gagné les arbitrages, c’est probable, mais la GUL telle que vous l’aviez envisagée initialement n’a plus rien à voir avec le dispositif que nous examinons aujourd’hui. Au reste, en première lecture, tant ici qu’au Sénat, vous étiez bien en peine de nous dire comment elle allait fonctionner. En tout état de cause, nous sommes passés d’un dispositif universel obligatoire qui couvrait 100 % du marché à un dispositif dépendant du bon vouloir des uns et des autres.

Vous nous dites qu’il est véritablement universel puisque tout le monde y aura droit, mais c’est également le cas de la garantie des risques locatifs, la GRL. Je ne vois donc pas ce qu’il y a de neuf sous le soleil. Par ailleurs, vous indiquez que la GUL permettra de loger les précaires puisque les propriétaires auront la certitude d’être payés, soit par le locataire, soit par l’État. Là encore, je ne vois pas ce qu’il y a neuf par rapport à la garantie loyers impayés, la GLI, ou la GRL. Ces deux produits assurantiels, qui couvrent respectivement 5 % et 15 % du marché – la caution représentant 80 % –, sont universels et garantissent au propriétaire qu’il sera payé quoi qu’il arrive.

Pourtant, ces deux produits, notamment la GRL, n’ont pas fonctionné, pour une raison que vous connaissez bien, madame la ministre : en zone tendue, quoi qu’il arrive, un propriétaire choisira le locataire qui le sécurisera le plus, c’est-à-dire celui qui aura plutôt un bon revenu et qui sera fonctionnaire ou titulaire d’un CDI. Aucun de ces produits assurantiels n’offrira au propriétaire une garantie suffisante pour qu’il prenne le risque de prendre comme locataire un précaire au sens du droit du travail, c’est-à-dire une personne en CDD ou en intérim. C’est là le défaut principal de votre système, comme c’était celui de la GRL, créée par la majorité précédente. Malheureusement, les mêmes causes produiront les mêmes effets : les précaires ne seront pas plus nombreux à accéder au marché locatif grâce à la garantie universelle des loyers.

Cela dit, je souscris pleinement à l’argument que vous avez utilisé au sujet du risque de dérive et de déresponsabilisation du système. Nombreux sont ceux qui pensent en effet que s’il existe une garantie, les locataires seront amenés à ne plus payer leur loyer. Comme vous, je suis à peu près convaincu que, dès lors que le recouvrement est assuré par le Trésor, le risque, s’il ne doit pas être écarté – il faudra vérifier le nombre de loyers impayés –, est assez limité puisque chacun connaît la capacité de recouvrement des services fiscaux.

Le deuxième point de votre projet de loi concerne l’encadrement des loyers. C’est probablement le point de désaccord fondamental entre l’UMP et l’UDI et votre majorité. Nous sommes en effet convaincus que cette mesure produira un effet inverse de celui que vous souhaitez. Quel objectif principal poursuivons-nous les uns et les autres ? Produire plus de logements, parce que c’est en équilibrant l’offre et la demande, notamment en zone tendue, que nous parviendrons à réguler les prix. Or si vous dites aux investisseurs, qui construisent les logements, que leur rentabilité locative va baisser, vous risquez malheureusement de les faire fuir du marché locatif. J’en veux pour preuve qu’en Île-de-France, par exemple, nous avons assisté, en 2013, à un boom des investissements sur le marché de l’immobilier d’entreprise, au détriment du marché locatif. C’est un phénomène que nous avons déjà vécu dans les années 1990, époque à laquelle les investisseurs institutionnels possédaient 24 % du marché locatif en Île-de-France, contre 3 % aujourd’hui. Ils ont fui ce marché parce que la rentabilité de l’immobilier d’entreprise était plus forte que celle de l’immobilier de logement. En 2013, le même phénomène se produit et comporte des risques.

J’ajoute qu’en 2013, la déperdition du marché locatif a été importante dans l’ancien – nous avons perdu 85 000 logements en Île-de-France – alors qu’il s’agit d’un élément essentiel de la régulation.

Je me répète donc : le risque principal que vous faites me semble-t-il courir au marché, c’est la fuite des investisseurs vers l’immobilier d’entreprises ou vers d’autres types d’investissements. Or, faute d’investisseurs, qui construira les 500 000 logements dont nous avons besoin ?

La Société nationale immobilière, la SNI, qui nous a annoncé ce week-end, la construction de 30 000 logements ? Cette annonce avait été faite voilà quelques semaines : je connais bien cette technique que nous avons tous utilisée et qui consiste à annoncer trois fois les mêmes chiffres. C’est ce que la SNI vient de faire ! En effet, le fonds ARGOS, qui permettrait de construire 10 000 des 30 000 logements a déjà fait cette annonce voilà quatre mois ! Quant aux 20 000 autres logements prévus, ils seront construits, si je ne m’abuse, sur deux ans. Et lorsque l’on observe ce produit la SNI chaque année, ce ne sont en fait que 8 000 logements qui seront construits au total. Huit mille logements en plus ! Je crains que ce ne soit pas avec les annonces de la SNI, aussi méritante soit-elle, que l’on parvienne à en construire 500 000 !

Je me répète encore une fois : si vous faites fuir les investisseurs, vous risquez malheureusement de ne pas atteindre les niveaux de production dont nous avons besoin dans notre pays.

J’irai plus loin.

Je trouve que votre objectif d’encadrement des loyers est totalement anachronique. En effet, si l’on observe les prix de l’immobilier depuis une quinzaine d’années, on s’aperçoit que les prix de vente du neuf ont progressé bon an mal an de 10 % par an alors que ceux des loyers ont progressé deux fois moins vite. Autrement dit, vous bloquez un marché dont les prix augmentent de 5 % par an mais vous ne touchez pas à celui dont les prix augmentent de 10 % par an ! Je voudrais comprendre la teneur de votre raisonnement économique : quelque chose augmente très vite, quelque chose augmente un peu moins vite et c’est ceci que vous bloquez !

Avec quel résultat, madame la ministre ? Vous dégradez la rentabilité locative d’une manière accélérée. Pourquoi, depuis 2000, n’arrivons-nous pas à atteindre les chiffres de production souhaités ? Justement, parce que les prix de l’immobilier ont augmenté beaucoup plus vite que les loyers, la rentabilité du parc locatif ayant décroché considérablement. Or, vous allez accentuer ce phénomène en baissant fictivement les prix des loyers et donc en dégradant encore un peu plus les rentabilités.

M. Christophe Borgel. Il faut augmenter les loyers ! (Sourires.)

M. Benoist Apparu. Si vous le voulez bien, monsieur le porte-parole du groupe socialiste, évitons la caricature, qui ne sert pas à grand chose. Personne ne vous dit qu’il faut augmenter les loyers. Je suis juste en train de vous dire qu’il faut tout faire pour produire plus de logements. Cela, c’est peut-être la bonne solution !

Malheureusement, et je me répète encore, vous avez beau rédiger une loi de 320 pages, elle ne permettra pas de produire un logement de plus.

Si vous voulez efficacement et durablement lutter, notamment, contre des prix trop élevés dans le locatif, c’est, là encore, en construisant des logements. Or, cet enjeu-là, vous n’avez toujours pas réussi, me semble-t-il, à le faire vôtre.

Enfin, madame la ministre, troisième élément : le PLUI, le plan local d’urbanisme intercommunal. Là, j’avoue que je suis un peu perdu car je viens d’entendre trois discours – le vôtre, celui de la rapporteure en charge de cette partie du texte et celui du président de la commission des affaires économiques – et j’ai malheureusement senti, comment dirais-je, d’imperceptibles nuances entre les trois, ce qui ne nous permet pas de savoir, à l’heure où nous parlons, comment tout cela va se finir.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Cela se finira très bien !

M. Jean-Louis Dumont. Eh oui, c’est la magie du débat ! (Sourires.)

M. Benoist Apparu. Je me souviens d’une première lecture qui avait suscité l’enthousiasme, à l’Assemblée nationale, notamment en commission, de l’ensemble des groupes parlementaires. Des applaudissements ont même retenti lorsque l’article a été voté, et puis, le Sénat a profondément modifié le texte. Il a certes maintenu le principe du PLUI obligatoire mais, compte tenu de la règle de majorité retenue pour qu’il s’incarne, le PLUI a disparu dans les faits. C’est d’ailleurs ce qui, je crois, réjouit le président Brottes, qui se satisferait volontiers, si j’ai bien compris son intervention – mais je me trompe peut-être…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ah non ! Je ne me satisfais que de ce qui provient de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale !

M. Benoist Apparu. Ah ! Je suis confus, monsieur le président, mais il me semble que tout le monde avait bien compris que le texte issu du Sénat n’était pas fait pour vous déplaire ! Mais il est vrai que j’ai peut-être mal interprété votre pensée.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous l’avez fait d’une façon un peu excessive.

M. Benoist Apparu. Sûrement, oui !

Bref, madame la ministre, je vous avoue ne pas savoir sur quoi cette discussion va déboucher.

Dans votre intervention, en effet, vous avez semblé clairement faire vôtre la position du Sénat.

Mme Cécile Duflot, ministre. Oui.

M. Benoist Apparu. Autrement dit, vous acceptez les règles de majorité qui ont été adoptées au Sénat et non celles de la commission des affaires économiques de notre assemblée. J’imagine donc que les discussions seront tendues en CMP, que la position du ministère rejoindra celle du Sénat…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le ministère ne vote pas en CMP !

M. Benoist Apparu. Cela ne m’a pas totalement échappé, je vous rassure, mais chacun sait que l’influence ministérielle peut jouer, y compris en CMP.

M. Michel Piron. Ah bon ? C’est un scoop ! (Sourires.)

M. Benoist Apparu. En cas de désaccord entre sénateurs et députés, si les premiers se sentent clairement soutenus par le Gouvernement, ils iront jusqu’au bout ! En dernière lecture, le ministère imposera-t-il à l’Assemblée nationale le texte du Sénat concernant le PLUI ? C’est semble-t-il ce vers quoi l’on se dirige.

Autrement dit, le Gouvernement dira qu’il a mis en place le PLUI quand, dans les faits, il n’en sera malheureusement rien. C’est dommage, car il s’agissait d’une véritable avancée du texte qui, je le crains, se traduira… par un recul en raison de règles de majorité qui interdiront la mise en œuvre du PLUI.

Voilà, madame la présidente, les quelques éléments que je souhaitais évoquer à l’occasion de cette deuxième lecture : la GUL n’a rien d’universel que le nom, l’encadrement des loyers réduira encore malheureusement la production de logements dans notre pays – lorsque l’on observe les chiffres de l’investissement en 2013, on ne peut que s’en inquiéter – et, enfin, je compte sur la force de conviction de nos rapporteurs pour que l’on retienne le PLUI tel qu’il a été adopté ici et non tel qu’il l’a été au Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Piron. C’était une intervention raisonnable !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Mon intervention ne sera pas aussi longue que la vôtre, monsieur le député – je comprends qu’au nom du président Jacob et de l’opposition, vous défendiez une motion de rejet préalable presque principielle. Je m’arrêterai sur deux ou trois éléments précis.

Les chiffres que vous indiquez sont inexacts puisqu’en 2009, on a dénombré 310 791 mises en chantier, chiffre bien inférieur à celui de cette année.

M. Benoist Apparu. Non !

Mme Cécile Duflot, ministre. Je suis navrée de vous le dire, monsieur Apparu, mais telle est la réalité !

Par ailleurs, et je vous remercie de l’avoir reconnu, je ne me satisfais pas de la situation.

Personne ne peut dire que passer de 346 000 mises en chantier par an en moyenne à 330 000 dans la période que nous connaissons est la pire des situations depuis la Seconde Guerre mondiale, comme l’ont prétendu certains membres de votre famille politique, monsieur le député.

J’ajoute que vous avez dû faire une erreur en tentant de faire le doublage du Président de la République, lequel s’exprime en ce moment même.

M. Benoist Apparu. Je ne me permettrais pas, même si je possède également un scooter ! (Sourires.)

Mme Cécile Duflot, ministre. Tout d’abord, il s’est déjà exprimé à Toulouse sur la question des normes jeudi dernier – je répète que nous avons lancé l’objectif de 500 000 constructions depuis longtemps. Il s’agit en effet de procéder avant tout à des simplifications car les normes se sont empilées dans ce domaine.

M. Benoist Apparu. On est d’accord.

Mme Cécile Duflot, ministre. Vous répétez avec beaucoup de plaisir qu’une loi de 320 pages entraînerait des complexifications. Pas du tout ! Elle change des lois existantes. Lorsque l’on modifie la loi de 1970 sur l’encadrement des professionnels, on y substitue d’autres règles que celle du seul encadrement financier, seul élément majeur aujourd’hui de la loi dite Hoguet. Lorsque l’on change la loi de 1967 sur les copropriétés et les règles de vote, on ne rajoute rien mais on procède à des substitutions.

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas parce que l’on procède à des changements que l’on simplifie !

Mme Cécile Duflot, ministre. Il faut être de bonne foi sur ces questions, monsieur Apparu. Il s’agit de changer et de moderniser.

J’ai la chance de savoir ce qu’a dit effectivement le Président de la République cet après-midi. En matière de logement, il a indiqué mener une politique résolument en faveur de la redistribution. Sur un sujet aussi important, la réforme structurelle que conduit le Gouvernement est l’une des plus importantes que nous ayons menée en dix-huit mois alors même que cette question avait été laissée en jachère depuis des dizaines d’années.

M. Benoist Apparu. C’est vous qui faites preuve de bonne foi ! (Sourires.)

Mme Cécile Duflot, ministre. Voilà donc ce qu’ont été les propos du Président de la République puisque vous semblez y apporter tant d’attention ! Vous pourrez vous informer auprès de certains de vos collègues qui nous rejoignent après l’avoir écouté.

En ce qui concerne l’encadrement des loyers, vous avez été, si j’ose dire, plus franc en première lecture en faisant part de votre opposition,…

M. Benoist Apparu. Je la confirme !

Mme Cécile Duflot, ministre. …et ce pour une raison idéologique qui peut d’ailleurs s’entendre : c’est le marché qui doit se réguler seul, sans encadrement par la puissance publique.

M. Benoist Apparu. On n’a jamais dit ça ! La caricature ne sert à rien !

Mme Cécile Duflot, ministre. Cela s’entend, disais-je, sauf que cela ne fonctionne pas.

La situation en Angleterre est intéressante à cet égard : une bulle immobilière se recrée, les augmentations de prix étant considérables dans ce secteur, avec toutes les conséquences que cela comporte et que nous avons déjà constatées en Espagne. Mon modèle, ce n’est ni l’Espagne d’hier, ni la Grande-Bretagne d’aujourd’hui et de demain. Pour le coup, sur cette question-là, mon modèle, c’est plutôt l’Allemagne où le principe en vigueur depuis des années est celui de la régulation.

M. Christophe Borgel. Très bien ! Voilà !

Mme Cécile Duflot, ministre. Il faut donc observer les politiques qui sont menées ici et là.

Cet encadrement des loyers a un objectif simple et clair : la modération.

M. Benoist Apparu. Cela n’a rien à voir avec le marché !

Mme Cécile Duflot, ministre. Si l’augmentation du prix de l’immobilier et du coût des loyers avait eu un effet sur la construction, la situation devrait être aujourd’hui florissante.

M. Benoist Apparu. Nous avons dit l’inverse !

Mme Cécile Duflot, ministre. Il est évident que l’augmentation du prix de l’immobilier et du coût des loyers n’a pas d’effet positif en matière de constructions.

M. Benoist Apparu. Nous sommes d’accord !

Mme Cécile Duflot, ministre. Nous connaissons une situation de thrombose et vous-même avez dit, sans peur de vous contredire, que la disparition des investisseurs institutionnels dans les années quatre-vingt-dix n’était pas liée à l’encadrement des loyers,…

M. Benoist Apparu. Mais au différentiel de rentabilité !

Mme Cécile Duflot, ministre. …puisque ces derniers étaient totalement libres. Cela est dû, notamment, à une augmentation du prix de l’immobilier, les investisseurs ayant dès lors préféré les plus-values de cessions…

M. Benoist Apparu. Non !

Mme Cécile Duflot, ministre. …lesquelles ont entraîné des situations douloureuses que nous essayons de résoudre à travers cette loi – je songe aux ventes à la découpe.

Je comprends donc votre engagement et votre opposition – que je qualifierais de structurelles – et je les comprends aussi s’agissant de la GUL.

Je n’ai quant à moi absolument pas peur de l’héritage de qui que ce soit en matière de respect du Parlement, de fonctionnement de la démocratie et de coproduction entre le législatif et l’exécutif. Je n’ai pas le sentiment d’incarner une césure politique. Je salue à ce propos le travail des rapporteurs mais, aussi, du président de la commission des affaires économiques et de nombreux parlementaires.

J’ai relu les propos que j’ai tenus en première lecture sur la GUL et je ne trouve absolument rien à y redire. Je vous invite à en faire de même et à vous reporter au compte rendu exhaustif qui en a été fait. Vous constaterez que je ne me contredis en rien s’agissant des objectifs et de leur mise en œuvre.

M. Christophe Borgel. Bravo !

Mme Cécile Duflot, ministre. Nous avons simplement affiné le dispositif en faisant preuve d’écoute et d’attention.

Je vous donne rendez-vous dans dix ans puisque c’est également ce qu’a fait le Président de la République. Je ne sais pas qui exercera les responsabilités liées au logement mais je gage qu’il ou elle se demandera comment nous faisions avant la GUL !

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Quelques mots seulement, car M. Apparu était un peu à court d’arguments, répétant ceux qui relèvent de l’idéologie. Comme s’il y avait, d’un côté, une politique libérale efficace et, de l’autre, une affreuse politique de gauche qui s’apprête à détruire le secteur du logement.

Mme la ministre a donné les chiffres à plusieurs reprises : le vrai creux s’est produit en 2012.

M. Benoist Apparu. C’est une plaisanterie ou quoi ?

M. François de Rugy. C’est clair et net.

M. Benoist Apparu. Fascinant ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. François de Rugy. L’année 2013, en conséquence, a suivi la même tendance à la baisse.

Mme la ministre l’a dit lors des questions au Gouvernement : le redémarrage du logement social joue un rôle contracyclique de relance ciblée et c’est une bonne chose car on répond à un besoin. Il faudra continuer tout en relançant évidemment la construction privée.

Je suis un peu étonné par vos arguments. D’un côté, vous dites que la loi va trop loin – avec la GUL, par exemple – et, d’un autre côté, vous considérez que la loi n’ira pas bien loin et vous faites preuve de pessimisme – vous vous référez en l’occurrence au PLUI. Votre pessimisme ou, peut-être, votre fatalisme quant aux capacités à réformer ne se justifient pas car s’il est vrai qu’il est difficile de réformer le PLUI…

M. Benoist Apparu. C’est bon ! Il n’y a pas de caméra !

M. François de Rugy. Ce n’est pas la question : le PLUI constitue l’un des points majeurs de cette loi. Nous sommes un certain nombre, y compris vous je crois, à y avoir travaillé depuis plusieurs années sur un plan local ou national, et à nous être heurtés à un conservatisme, de sorte que rien n’a changé ni bougé.

M. Frédéric Reiss. Tout ça pour ça !

M. François de Rugy. Aujourd’hui, le volontarisme du Gouvernement et de la majorité est au rendez-vous. Certes, des conservatismes s’expriment toujours comme ils se sont aussi exprimés sur la loi dédiée aux métropoles, notamment, en ce qui concerne la région Île-de-France. Le volontarisme n’en a pas moins été au rendez-vous.

Il est vrai que des volontés se sont fait jour, au Sénat, pour réduire très fortement les possibilités de passer au PLUI. Nous revenons là-dessus et nous jugerons sur pièce ce qu’il en sera dans le texte final et ceux qui ont su ou non conduire des changements. Il en sera d’ailleurs de même sur les autres volets du texte, notamment la GUL. Nous en avons parlé en première lecture, des tentatives d’instaurer un tel dispositif ont échoué. En l’occurrence, le projet est plus ambitieux encore, plus volontariste, et c’est une bonne chose, que nous saluons.

Je confirme les propos de Mme la ministre : le Président de la République, en effet, a cité à juste titre les réformes menées dans le secteur du logement depuis dix-huit mois comme l’un des domaines dans lesquels le Gouvernement et la majorité ont agi.

M. Benoist Apparu. Compte tenu des résultats, il faudrait agir un peu mieux !

M. François de Rugy. Je souhaite que nous en venions à la discussion des articles et des amendements.

Je note avec intérêt que vous avez choisi une motion de rejet préalable. Vous considérez donc que ce texte n’est ni fait ni à faire, qu’il est nul et non avenu et qu’il est inutile d’en discuter concrètement.

Discutons-en donc concrètement et commençons par rejeter votre motion !

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Borgel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Borgel. Monsieur Apparu, nous partageons l’objectif qui consiste à construire plus de logements : le pays en a besoin.

Sans vouloir caricaturer votre propos, vous avez rappelé que, pour cela, les investisseurs sont nécessaires. Nous l’avions remarqué. Mais ce simple rappel, que nous avons entendu pendant des années, n’a pas permis de construire beaucoup plus de logements.

M. Benoist Apparu. À peine plus de 100 000 par an en moyenne !

M. Christophe Borgel. Pas exactement, et vous le savez !

L’enjeu, ce n’est pas de faire un appel un peu incantatoire au libre marché ; nous avons vu que cela ne suffisait pas. L’enjeu, c’est de permettre à des investisseurs de venir, de disposer d’éléments de régulation et de dépasser un certain nombre de réglementations.

Vous prétendez que ce texte de loi ne contient pas d’éléments permettant de construire plus alors que, au contraire, depuis le début de cette législature, le travail de cette assemblée a produit un certain nombre d’effets.

Il y a quelques jours, nous étions à Toulouse avec le Président de la République et des membres du Gouvernement, dont Mme la ministre. Il a été possible de procéder à une vente – avec une sacrée décote pour la collectivité puisque le prix est passé de 15 à 6 millions – permettant de construire près d’un millier de logements, du logement social au logement privé en accession à la propriété.

C’est grâce à ce type de mesures que nous pourrons aussi accroître la construction de logements.

Deuxième élément : les trois points qui vous semblent lourds de désaccords.

La GUL, tout d’abord. Selon vous, elle n’aura pas d’effet supplémentaire parce qu’elle n’est pas obligatoire. Mais c’est un pari vertueux, parce qu’elle associe l’ensemble des acteurs du logement, parce que, contrairement à la GRL et à la GLI, elle ne nécessitera pas de caution – qui bénéficiera de la GUL, en effet, n’aura pas de caution à fournir – parce qu’elle conférera une meilleure garantie aux propriétaires et, sans doute, parce qu’elle permettra une meilleure fluidité !

Bien entendu, aucun propriétaire ayant le choix entre un cadre supérieur et quelqu’un au RSA ne louera son logement à ce dernier. Toutefois, lorsque deux candidats auront un revenu comparable mais que l’un des deux n’aura pas de caution, celui-ci, grâce à la GUL, aura une chance d’accéder au logement.

J’en terminerai en évoquant d’un mot le PLUI. Avec les lois précédentes, il fallait réunir une majorité qualifiée pour pouvoir établir un plan local d’urbanisme intercommunal. Avec la loi qui nous est soumise aujourd’hui, le PLUI est désormais la règle, mais, si l’on n’en veut pas, il est possible de prendre son temps pour l’élaborer. Vous prétendez ne pas voir la différence ; elle me semble pourtant assez claire.

M. Benoist Apparu. Tout dépend de la règle de majorité !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Marie Tetart. Compte tenu de l’exposé exhaustif que nous a présenté Benoist Apparu, mon explication de vote sera assez brève. Je voudrais simplement rappeler que notre préoccupation commune est d’abord d’augmenter l’offre de logement. Or ce texte n’y répond pas. Peut-être n’est-il pas fait pour cela ; il n’en demeure pas moins que, comme l’a indiqué Benoist Apparu, la situation va se détériorer du fait de la défiance inspirée par l’encadrement des loyers.

Nous ne pouvons donc que constater que votre loi vise avant tout à la régulation : régulation d’une profession, mais aussi des files d’attente pour accéder à un logement, en cas de déséquilibre entre l’offre et la demande. Cette régulation est peut-être nécessaire, mais elle ne répond pas à l’objectif, à savoir favoriser l’accès au logement du plus grand nombre.

Enfin, je voudrais insister une dernière fois sur le fait qu’il nous faudra bien trouver des moyens pour redonner confiance aux investisseurs, notamment aux petits investisseurs. En effet, les investisseurs institutionnels se sont retirés du secteur ; il nous faut donc redonner confiance aux petits investisseurs. Ce texte n’en prend pas le chemin. C’est pourquoi nous soutiendrons la motion de rejet préalable qui vient de nous être présentée. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Je ferai simplement quelques remarques justifiant notre abstention sur cette motion de rejet, dont l’adoption nous interdirait, de fait, le débat. Il n’en demeure pas moins que je fais mienne la question principale qui a été posée, et qui est la suivante : ce texte nous permettra-t-il de construire plus et de construire mieux ?

Il est permis d’en douter. Tout le monde sait que, parmi les freins immenses à la construction de logements, le problème majeur est celui de la fiscalité sur le foncier et sur la rétention foncière. On me dira que cela dépend des lois de finances. Mais, justement, celles-ci pourraient marquer, de ce point de vue, une certaine solidarité avec le reste de l’action gouvernementale. Or je n’en vois pas le signe.

S’agissant du coût de la construction, la question des normes a été récemment évoquée. L’inflation normative, l’excès invraisemblable de normes sont tels que l’on pourrait espérer un allégement des coûts de l’ordre de 10 %, 15 %, voire 20 % si l’on était plus raisonnable dans ce domaine. Nous reviendrons, dans le cours de la discussion, sur certaines de ces normes. Dans ce texte, figurent en effet certaines dispositions – je pense notamment aux détecteurs de fumée – que l’on ferait bien de ne pas ajouter aux contraintes existant déjà.

Enfin, on sait que, s’agissant de l’accession à la propriété, c’est la primo-accession qui est la plus en panne. Pourquoi ? Parce que le prêt à taux zéro ne remplit pas son rôle. Les crédits qui lui sont alloués ont d’ailleurs été divisés par trois.

Toutes ces questions sont majeures ; elles pèsent très lourdement sur l’examen des textes nous seront soumis. Cela dit, notre position ne consiste pas à refuser d’en discuter ; C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur le vote de cette motion.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. François Pupponi. Madame la présidente, vous auriez pu demander qui s’abstenait !

Mme la présidente. En effet, mon cher collègue. Monsieur Piron s’est abstenu, comme il venait d’ailleurs de l’annoncer… (Sourires.)

M. François Pupponi. Bravo, monsieur Piron ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. Avant de commencer la discussion générale, je vous propose de suspendre la séance pour quelques minutes.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous abordons aujourd’hui en deuxième lecture vient compléter ceux qui ont été adoptés par le Parlement ces deux dernières années. Comme les précédents, il traduit la priorité donnée au logement par le Gouvernement, laquelle se traduit par un effort important de l’État.

Les objectifs sont ambitieux. Certains esprits chagrins évoquent la baisse du nombre de constructions en 2013.

M. Jean-Marie Tetart. Réalistes, pas chagrins !

Mme Michèle Bonneton. Ce n’est pas sérieux. Chacun sait très bien que les effets d’une politique du logement ne sont perceptibles qu’au bout de trois ans au minimum. Or, en décembre, cela ne faisait que dix-huit mois que la nouvelle majorité était aux commandes. Par ailleurs, comme nous l’a rappelé Mme la ministre, le nombre de logements sociaux a augmenté. Le résultat du nombre de constructions en 2013 est donc à mettre au bilan de la majorité précédente.

L’actuelle majorité n’a pas cherché à relancer l’activité du marché de l’immobilier artificiellement, à coups d’avantages fiscaux – comme cela a été le cas précédemment –, ce qui aurait eu des effets délétères sur les finances de l’État. Ce que nous visons ici, c’est une relance fondée sur des bases solides et qui s’inscrive dans la durée.

Cette loi va permettre de faire sauter toute une série de verrous à la construction, tout en permettant de respecter les personnes, leur cadre de vie et l’environnement. La loi touche à de très nombreux domaines et propose dans chacun d’eux soit des adaptations, soit des innovations qui vont changer en profondeur le secteur de l’immobilier et de l’urbanisme.

Ces dispositions dynamiseront la construction, ce qui est indispensable compte tenu du nombre de mal-logés. Ces mesures seront aussi un atout dans la mesure où elles participeront au redémarrage de notre économie en développant des biens utiles, tant socialement qu’écologiquement, par la construction de logements mieux isolés, donc moins énergivores et rejetant moins de gaz à effet de serre.

La première innovation qui nous paraît essentielle est l’encadrement des loyers dans les zones de forte tension. Les hausses spéculatives de ces quinze dernières années ont conduit à des niveaux de loyers et à un prix de l’immobilier qui rendent inaccessibles certaines zones à la grande majorité des ménages. Il est donc indispensable que la puissance publique intervienne pour redonner un peu de raison au marché de l’immobilier. Il faut observer que l’encadrement reste relativement modeste, contrairement à ce que certains prétendent.

La seconde grande nouveauté est la création d’une garantie universelle des loyers, avec les mesures qui l’accompagnent. Ce dispositif, attendu de longue date, permet de s’attaquer à deux problèmes essentiels qui sont en grande partie à l’origine du manque de logements dans notre pays : d’une part, la crainte de certains propriétaires de ne pas percevoir les loyers régulièrement ou même de ne pas être payés et, d’autre part, l’accumulation d’impayés de loyers qui conduit au surendettement – c’est pourquoi des mesures spécifiques sont prévues afin de détecter plus rapidement les retards de paiement.

À ceux qui s’offusquent de la création de ce dispositif, qui, à les en croire, déresponsabiliserait les locataires et les propriétaires, je rappelle qu’il est, d’une part, facultatif et, d’autre part, très encadré afin d’éviter les dérives. L’établissement public qui gérera la garantie universelle des loyers aura des prérogatives importantes pour éviter les impayés de mauvaise foi et recouvrer rapidement les dettes éventuelles. Il ne proposera pas de couvrir les loyers au-delà du loyer moyen constaté, ce qui évitera des niveaux de loyer trop élevés ou des augmentations inconsidérées qui seraient couverts sans limites. In fine, la garantie universelle des loyers permettra ainsi de réduire les éventuelles tensions entre locataires et bailleurs en simplifiant et en sécurisant leurs relations. Je suis convaincue que le bilan sera rapidement positif.

L’amélioration du dispositif du droit au logement opposable, le DALO, devrait accroître son effectivité. Le renforcement du rôle des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives et des systèmes intégrés d’accueil et d’orientation devrait donner une nouvelle impulsion au dispositif.

D’autres mesures méritent notre attention : la lutte contre l’habitat indigne, la modernisation de l’activité du secteur des agences immobilières et des syndics de copropriété – de nouvelles règles déontologiques sont posées –, la reconnaissance par la loi du logement participatif, l’introduction du coefficient de biotope par surface dans les documents d’urbanisme ou encore la mise en place des PLU à l’échelle intercommunale, PLUI dont il faut rappeler et souligner le caractère facultatif.

Nous abordons cette dernière discussion satisfaits du contenu du texte, même si nous souhaitions quelques apports supplémentaires.

Ainsi, sur le rattrapage des charges : si le passage à un délai de trois ans pendant lequel un propriétaire pourra faire remonter un ajustement rétroactif des charges est un progrès, nous proposons de réduire encore ce délai à deux ans.

Nous voulons également renforcer les dispositions pour accélérer l’objectif de couverture de l’ensemble du territoire par des schémas de cohérence territoriale. Ces documents d’urbanisme sont déterminants pour un développement harmonieux du territoire notamment en matière d’urbanisme, d’habitat, de déplacements et d’équipements commerciaux, dans un environnement préservé et valorisé.

Pour finir, nous demandons un rapport sur la niche fiscale « Censi-Bouvard », dispositif reconduit en 2012 sans jamais avoir été évalué. Ce rapport devra être précis quant à l’impact de cette niche fiscale sur les finances de l’État. Nous attendons des avancées dans ce domaine.

Comme vous l’aurez sans doute compris, ce projet de loi reçoit le soutien du groupe écologiste, qui souhaite qu’un vrai débat soit engagé, bien qu’il s’agisse d’une seconde lecture.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Falorni.

M. Olivier Falorni. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové est un colosse législatif, un des textes les plus volumineux de la VRépublique.

Accession à la propriété, hébergement d’urgence, logement social, réforme de l’urbanisme, réforme des professions immobilières, lutte contre l’habitat indigne, engagement de la transition écologique dans les territoires : vaste programme !

Reconnaissons-le, nous avons à peu près tous le même sentiment devant ce texte comptant 178 articles et près de 350 pages : c’est un projet de loi qui pèse, un projet de loi massif comme disent nos collègues montagnards. (Sourires.)

Madame la ministre, vous avez voulu moderniser, engager une réforme ambitieuse dans de nombreux domaines qui en avaient bien besoin, notamment les rapports locatifs et les professions immobilières. Fallait-il aller jusqu’à produire un texte aussi dense et complexe ? Ce n’est pas certain, et nous sommes nombreux à penser qu’il aurait été plus opportun de concentrer les efforts sur les points qui posent véritablement problème.

Cela dit, tous vos prédécesseurs chargés du logement et de l’urbanisme le savent bien : il s’agit de domaines un peu à part dans notre droit français et le moindre petit détail relève du domaine législatif.

Au cours de la campagne présidentielle, le Président de la République avait fait du logement une de ses priorités pour lutter contre la crise du logement, contre le « mal logement » et la tendance à la hausse des prix. Ce texte était donc attendu, par nos concitoyens et par les élus que nous sommes, pour apporter des réponses structurelles à cette crise qui dure depuis trop longtemps et touche davantage les plus fragiles.

Le texte est trop dense et les mesures trop nombreuses, mais force est de constater que la tâche n’était pas simple et que vous n’avez pas eu peur – en tout cas pas du vide ! (Sourires.) Face à l’ampleur des réformes nécessaires pour relancer la construction, améliorer les relations entre les bailleurs et les locataires et mettre fin aux abus de certains professionnels de l’immobilier, nous avions besoin d’audace et de propositions fortes. Vous avez eu le courage de les traduire en dispositions législatives et de faire face aux conservateurs soucieux de conserver leurs privilèges. L’avenir nous dira si vous avez choisi la bonne méthode.

Dans tous les cas de figure, le constat est unanime. Avoir un logement est une nécessité humaine fondamentale, car c’est la condition d’une vie décente. Or, dans notre France du XXIsiècle, cela demeure un problème quotidien pour trop de nos concitoyens, en particulier parmi les plus défavorisés. Et, aussi paradoxal que cela puisse paraître dans un pays développé comme le nôtre, la situation s’aggrave année après année, malgré les diverses tentatives pour enrayer ce phénomène.

Que ce soit pour ceux qui ne trouvent pas de logement ou pour ceux dont la part de dépenses contraintes consacrée au logement est trop lourde pour vivre dignement, la crise du logement est ressentie au quotidien par plusieurs millions de Français. En moyenne, les dépenses de logement sont passées en quelques années de 20 % à 28 % du revenu des ménages. Le nombre de logements manquants est estimé à plus d’un million.

Nous savons tous que le logement cristallise des angoisses intimes sur le développement harmonieux de la famille, sur le chômage, sur l’autonomie ou sur la crainte du déclassement. Plus la crise du logement dure, plus elle s’accompagne dans l’opinion du sentiment que les élus sont impuissants, au niveau local comme au niveau national.

Pourtant, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, quelles que soient nos divergences sur la méthode à employer, nous sommes tous profondément convaincus que le logement est au cœur du pacte républicain. Il s’agit d’un besoin impérieux auquel nous avons le devoir de répondre.

Le droit au logement figure dans notre bloc constitutionnel, dans le préambule de la Constitution de la IVRépublique. Dans sa décision du 19 janvier 1995, le Conseil constitutionnel considère que « la possibilité de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle ».

Toutes les grandes lois sur le logement proclament ce droit, de la loi Quilliot de 1982 – « le droit à l’habitat est un droit fondamental » – à la loi Besson de 1990 – « visant à la mise en œuvre du droit au logement » –, en passant par la loi Mermaz de 1989. Malgré nos belles déclarations et nos grandes lois, le constat est implacable : nous ne parvenons pas à respecter ce devoir de solidarité minimale.

Faut-il se résoudre à accepter cette situation comme une fatalité ? Je ne le pense pas. Si nous nous sommes engagés en politique, c’est pour essayer d’améliorer la vie quotidienne des gens. Je suis convaincu que nous avons le devoir de nous battre pour renverser cette tendance à la dégradation des conditions de logement.

Restons lucides, ce projet de loi n’est pas une baguette magique et la majorité de ses effets bénéfiques ne seront pas perceptibles, en tout cas immédiatement. Mais, si l’on prend le temps de chercher et d’analyser, il contient des mesures énergiques qui vont dans le bon sens, pour mettre en œuvre le changement, dans la justice, de notre politique du logement et de l’urbanisme.

Sur les plans locaux d’urbanisme intercommunaux, nous sommes attentifs aux revendications des élus locaux, et il est certain que le transfert obligatoire et immédiat peut poser problème dans certaines situations particulières. Nous devons entendre les mécontentements pour assouplir un peu le dispositif et abaisser la majorité de blocage, ainsi que nous vous le proposerons par nos amendements. Mais c’est le sens de l’histoire, nous y viendrons de toute façon. Cette modernisation globale est nécessaire pour notre République.

La mise en place d’une garantie universelle locative mérite des éclaircissements, que vous ne manquerez pas de nous donner, madame la ministre. Il s’agit au départ d’une bonne idée, partagée par de nombreux spécialistes du logement, mais elle butte sur des écueils d’applicabilité, compte tenu des contraintes financières que connaît notre pays.

Nous reconnaissons l’importance d’inscrire dans la loi un devoir de solidarité mutuelle, afin de permettre à nos millions de concitoyens qui ne disposent pas des cautions solides de trouver un logement, tout en protégeant les propriétaires contre le risque d’impayé. En continuant le travail que vous menez en concertation avec les sénateurs et les députés, nous souhaitons aboutir à un mécanisme gagnant-gagnant, qui assurera aux propriétaires la perception de loyers qui leur sont parfois indispensables pour vivre.

Nous vous proposerons un amendement pour mettre en place une GUL qui ne soit pas l’usine à gaz annoncée par ses détracteurs : une GUL qui repose sur un contrat socle et un établissement public, qui évite le gaspillage d’argent public, qui concentre les efforts sur le traitement social des locataires de bonne foi rencontrant des difficultés de paiement de loyer suite à un accident de la vie. Ainsi, la mise en location sera encouragée, la confiance des bailleurs restaurée et l’accès au logement moins difficile et moins discriminant.

L’encadrement des loyers n’est pas en soi la meilleure idée et a connu de tristes précédents. Votre dispositif est assez souple, et comporterait même des risques potentiels si le loyer médian majoré était choisi de façon généralisée. Mais, dans les zones très tendues où l’augmentation des loyers est devenue insupportable, il fallait agir afin de ne pas exclure définitivement les plus pauvres.

La simplification et la sécurisation de la location, la limitation des frais d’agence et de syndic, la réforme des professions immobilières et la lutte contre l’habitat indigne sont des objectifs que nous partageons. Nous soutenons les dispositions prévues dans le projet de loi, tant nous avions besoin de ces mesures fortes pour mettre un terme à tous les abus dont souffrent souvent les locataires, la partie faible du contrat.

À la suite d’un long travail avec les experts et en vous inspirant des travaux parlementaires, vous avez eu assez de fermeté et d’audace pour bousculer les conservatismes et transcrire dans la loi de nombreuses propositions novatrices recommandées par les rapports sur le sujet.

Mais la copie reste perfectible et nous vous proposerons au cours des débats des amendements pour améliorer certains points qui nous paraissent faire encore problème, en particulier sur le dépôt de garantie, l’état des lieux et l’indemnisation en raison de travaux privant de l’usage du logement au-delà de sept jours.

Permettez-moi de vous présenter rapidement ceux auxquels nous tenons tout particulièrement. Le premier, déposé par Joël Giraud, porte sur une catégorie de travailleurs qui comptent beaucoup pour les lieux de tourisme qui connaissent des variations fortes d’activité. Je sais que vous tenez à ces espaces qui donnent un charme particulier à notre pays et à ceux qui les font vivre, je veux parler des travailleurs saisonniers, mais il semble, madame la ministre, que vous les ayez quelque peu oubliés. Cet amendement vise à les inscrire pleinement dans l’article premier, qui n’intègre pas dans la catégorie de résidence principale les occupations de logement inférieures à huit mois pour des raisons de mobilité professionnelle.

Concernant les syndics, nous vous proposerons un amendement de compromis sur la question du compte séparé, afin de mettre fin aux problèmes de travaux non engagés, de factures non payées et de devis gonflés. Avec le choix de la banque garanti, la limitation à dix lots de la possibilité de dispense et, dans ce cas, des sous-comptes individualisés pour chaque copropriété, il nous semble qu’il représente un bon équilibre. Il est temps de passer d’une logique de gestion financière à une logique de gestion patrimoniale.

Dans leur majorité, les députés du groupe RRDP auraient souhaité un texte moins complexe et plus conforme aux engagements du Président de la République sur la simplification. Cela dit, nous sommes conscients que la tâche était rude, compte tenu de la spécificité des sujets et de l’ampleur des réformes nécessaires. Dans l’ensemble, ce projet de loi comporte de nombreuses avancées positives que nous saluons et vous pourrez compter, madame la ministre, sur le soutien des députés du groupe RRDP.

Mme la présidente. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Madame la présidente, madame la ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi « pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové » est probablement l’un des plus ambitieux qui nous aient été présentés depuis le début de cette mandature. Il touche de plein fouet aux questions d’égalité des conditions de vie si chères à notre pacte républicain. Indéniablement, il tente d’induire des externalités positives sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, préoccupation ô combien vive dans le contexte de sortie progressive de crise que nous connaissons.

Je ne peux que louer votre ambition de conjuguer dans le même véhicule législatif les enjeux de régulation, de protection et d’innovation attenants à l’habitat et plus largement, à la gestion de l’espace urbain. Il était temps que nous nous attelions sérieusement à trouver des solutions pérennes aux difficultés rencontrées par les Français, face à un parc de logements dégradés et à des habitats parfois insalubres, conséquence, bien souvent d’une mauvaise maîtrise de nos espaces géographiques.

Les vifs débats dont ce texte a fait l’objet, ainsi que les nombreuses modifications qui y ont été apportées, témoignent de l’importance du sujet et de la volonté du Gouvernement d’aboutir à un texte plus précis et aussi efficace que possible.

Cependant, il faut bien l’avouer, mon enthousiasme initial trouve sa limite dans les réalités du territoire guyanais que je représente, et qui demeure le plus jeune département de France.

Madame la ministre, la Guyane, avec ses 240 000 habitants au 1er janvier 2011, souffre d’une situation particulièrement dégradée de son parc de logements. Celui-ci comprend plus de 20 000 logements illicites, bien souvent indécents et insalubres. Cette situation est notablement aggravée par le fait qu’une grande partie de ces logements ne se trouvent dans les périmètres des plans de résorption de l’habitat insalubre ni ne sont couverts par des opérations programmées de l’amélioration de l’habitat.

Au-delà de la question du logement illégal, la Guyane accuse un retard de plus de 13 000 logements sociaux. Au rythme de croissance démographique actuel, soit près de 4 % par an en moyenne – jusqu’à 9 % par an dans des communes comme Saint-Laurent-du-Maroni –, on estime qu’il manquera 45 000 logements pour les 500 000 habitants prévus en 2030. Paradoxalement, la région compte au moins 5 000 logements vacants.

Les besoins sont tels qu’une part notable de la population ne trouve pas de réponse dans le parc légal, entretenant le cercle vicieux de l’habitat sans titre, avec, pour corollaire, d’énormes difficultés d’aménagement du territoire.

J’en veux pour exemple la commune de Matoury, où je suis conseiller municipal d’opposition, et dont a population a triplé en vingt ans. On y a laissé apparaître des poches d’habitats insalubres, devenus au fil des ans de véritables bidonvilles déconnectés des réseaux d’eau potable et d’électricité, que l’on aurait du mal à tolérer sur le territoire métropolitain. Un tiers des 30 000 habitants de cette commune, partie intégrante de l’agglomération de Cayenne, sont ainsi logés dans de l’habitat sans titre.

L’habitat insalubre, longtemps contenu en périphérie des villes de Cayenne, Kourou et Saint-Laurent-du-Maroni, a gagné la quasi-totalité des communes de Guyane. Cette insalubrité se présente sous trois formes.

Dans les centres urbains, les poches d’insalubrité sont, en général, le fait de marchands de sommeil, qui louent des logements indignes à une population étrangère, le plus souvent en situation irrégulière. Les conséquences notables sont la surpopulation, la promiscuité, la présence d’animaux nuisibles, les nuisances pour l’environnement, la prolifération de taudis et de squats.

En périphérie des centres urbains, comme c’est le cas pour la commune de Matoury, l’habitat insalubre prend la forme de quartiers enclavés et sous-équipés. La voirie est constituée de chemins en terre très étroits, qui ne permettent pas l’accès, par exemple, des véhicules de secours. Les réseaux d’assainissement sont absents, l’électricité souvent piratée et l’eau potable quasiment inexistante. Sur ce point, je rappelle que près d’un tiers des Guyanais n’ont pas accès à l’eau potable. Un tiers de la population du département qui verra, en 2014, décoller au moins quatorze tirs de fusées Ariane, Vega et Soyuz, ne peut jouir de ce droit élémentaire et fondamental qu’est l’accès à l’eau potable.

Mais revenons au sujet qui nous intéresse aujourd’hui, l’accès à un habitat digne et à un urbanisme rénové.

Revenons donc au sujet qui nous intéresse aujourd’hui : l’accès à un habitat digne et à un urbanisme rénové. Dans les zones périurbaines de la Guyane, de nombreuses parcelles non viabilisées et appartenant à des particuliers, aux collectivités territoriales ou à l’État, sont le plus souvent occupées de manière illégale, parfois par l’intermédiaire de particuliers qui s’approprient les terrains de tiers et les redistribuent contre rémunération. L’inconstructibilité des zones concernées rend particulièrement ardue la régularisation de ces quartiers par les collectivités territoriales, qui est pourtant un véritable enjeu de salubrité et d’aménagement territorial.

En 2010 déjà, notre collègue Benoist Apparu, alors secrétaire d’État chargé du logement, s’était dit scandalisé, en visitant Cayenne, face à la multiplication de poches d’habitats insalubres qui faisaient alors l’objet de programmes de résorption manifestement non opérationnels. Il disait ceci : « Ces gens vivent dans des conditions qui sont indécentes dans une République comme la nôtre ; on n’est pas à la hauteur des enjeux aujourd’hui en Guyane. » Il faut dire qu’à l’époque, 15 % de la population guyanaise vivait dans des logements insalubres.

Trois années et quatre ministres plus tard, la situation n’est guère plus réjouissante ; pire, elle s’est passablement aggravée ! Voilà pourquoi j’affirme que nous devons, pour la Guyane en tout cas, aller au-delà de ce qui a été prévu par la loi du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer, portée par notre collègue Letchimy. Son entrée en vigueur a certes donné un coup d’accélérateur aux programmes de rénovation et de réhabilitation de l’habitat outre-mer, mais elle a aussi montré que le contexte spécifique guyanais demandait, une fois n’est pas coutume, de s’y atteler plus longuement afin de dégager les solutions adaptées, car les programmes en place ne suffisaient tout simplement déjà plus.

Je profite de cette tribune pour vous inviter solennellement, madame la ministre, à vous rendre en Guyane à l’instar de votre collègue ministre délégué à la ville, M. François Lamy, afin que vous saisissiez pleinement l’ampleur des défis auxquels nous devons faire face. J’avais déjà abordé cette nécessité lors des discussions relatives au budget pour 2014. Elle me semble impérative, afin d’envisager pour les Guyanais une véritable égalité des territoires et de leur proposer enfin des logements décents.

Vous me pardonnerez mon insistance mais, de la même façon, un article paru en 2011 dans le quotidien Le Monde et intitulé « La terrible loi de l’immobilier en Guyane » pointait du doigt le diktat particulièrement lourd de la loi de l’offre et de la demande consécutive à la pénurie de logements sur le territoire guyanais. Je cite cet article : « Ce n’est pas Nice ou Cannes, mais simplement Cayenne et pourtant le prix de l’immobilier (… ) est vertigineux. Depuis longtemps, la mixité sociale est un leurre. D’un côté des logements sociaux, de l’autre des villas ou des résidences sécurisées. Entre les deux, des quartiers qui végètent parfois dans l’insalubrité, des squats ou des bidonvilles. »

Je suis certain que vous comprendrez donc mon étonnement, madame la ministre, à la lecture du titre relatif à l’encadrement des loyers, de constater l’absence de Cayenne – comme celle de toute autre agglomération ultramarine – du dispositif alors même que celui-ci a vocation à s’appliquer aux « agglomérations de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logement ». Pour mémoire, Cayenne est au centre d’une agglomération de 110 000 habitants où la pression immobilière est telle qu’un studio s’y négocie plus de 700 euros par mois, tandis que le revenu médian des ménages guyanais est inférieur de plus de 40 % à celui des ménages de France hexagonale. N’aurait-il pas fallu élargir le dispositif au-delà des quelques agglomérations soumises à la taxe sur l’habitat vacant ?

Je m’inquiète aussi de ce que la méthodologie retenue dans le but d’assurer l’encadrement des loyers ait laissé la possibilité de majorer de 20 % et sans conditions particulières le loyer médian de référence, lequel est par définition déjà très élevé en zone tendue. Quid du risque que cela aboutisse rapidement à une augmentation générale des loyers à hauteur du loyer médian de référence majoré ? Il en va de même de la possibilité d’appliquer un complément de loyer exceptionnel au loyer de base pour des logements présentant des caractéristiques liées par exemple à leur localisation ou à leur confort et qui, par leur ampleur, le justifieraient. Cela permettra très certainement à de nombreux bailleurs d’échapper à tout encadrement des loyers, notamment pour ce qui concerne les meublés.

Vous l’aurez compris, madame la ministre : si je soutiens votre démarche et votre texte, je dois vous avouer que je reste quelque peu sur ma faim. Ce texte est une nouvelle preuve que l’on ne saurait tenir les problématiques ultramarines, particulièrement guyanaises, comme des questions solubles dans un texte résolument métropolitain.

Au-delà du « pacte pour la Guyane » annoncé par le Président de la République lors de son passage à Cayenne en décembre dernier, je n’aurai ainsi de cesse de plaider pour que nous réfléchissions enfin à des textes ancrés dans les réalités guyanaises, amazoniennes et sud-américaines. Les thématiques du logement et de l’aménagement urbain nous ont prouvé, une fois de plus, que nous ne pouvons tout simplement pas faire l’impasse d’un cadre législatif qui permettra aux citoyens français d’Amazonie de bénéficier de conditions de vie d’un même niveau moyen que leurs compatriotes métropolitains. Alors seulement pourrons-nous enfin parler de véritable égalité des chances.

Néanmoins, je tiens absolument à réitérer l’appréciation favorable que j’avais déjà faite de ce texte qui, quand bien même il aurait été mis en pièces détachées par notre collègue Benoist Apparu, apporte des éléments tout à fait positifs. Je rappelle que M. Apparu, à l’époque où il était secrétaire d’État au logement, s’était rendu en Guyane où il avait fait un certain nombre de promesses ; quelques années plus tard, nous n’en avons pas vu la concrétisation !

M. Jean-Marie Tetart. Nous le lui rapporterons !

M. Gabriel Serville. Aujourd’hui, nous sommes dans une relation de confiance que je confirme en vous disant, madame la ministre, que nous attendons les décisions positives que vous prendrez en faveur du logement en Guyane, et dont je vous remercie d’ores et déjà.

M. André Chassaigne. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le travail législatif se poursuit et nous entamons ce soir l’étape de la deuxième lecture en séance du projet de loi ALUR. Ce texte, déjà largement amendé en première lecture à l’Assemblée nationale, l’a également été au fil des travaux de nos collègues sénateurs. Avec l’ajout, avant la trêve hivernale, de nos amendements adoptés en commission, ce texte, n’en déplaise à ses opposants, est le résultat d’une coopération législative approfondie et constructive entre les députés, les sénateurs et le Gouvernement, qui vise à répondre au mieux à la crise du logement que connaît notre pays. Ce vaste projet de loi s’inscrit pleinement dans la feuille de route que s’est fixée le Gouvernement pour faire du logement une priorité. Il concrétise les vingt mesures du plan en faveur du logement que le Président de la République a présenté le 21 mars 2013 à Alfortville.

En matière de construction de logements, l’objectif du quinquennat est fixé à 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. À ce jour, l’objectif n’est pas atteint et l’urgence est là, mais nous y travaillons. Depuis juin 2012, les différentes lois adoptées sur le logement vont dans ce sens. Nous avons déjà renforcé l’obligation de construction de logements sociaux, qui est passée de 20 à 25 %, prévu la cession jusqu’à la gratuité des terrains de l’État, relevé le plafond du livret A, instauré un dispositif d’incitation à l’investissement locatif, lancé le plan d’investissement pour le logement, encadré les loyers à la première location ou à la relocation en zone tendue et adopté le plan de rénovation énergétique des logements. De même, les premières ordonnances ont été prises pour éliminer les freins aux projets de construction de logements, répondre ainsi à la crise du logement – 3,6 millions de personnes sont mal logées – et permettre l’accès au logement pour tous.

Avec plus de 700 amendements encore en discussion, le texte dont nous débattons ce soir permettra d’encadrer les loyers et d’instaurer la garantie universelle des loyers, laquelle permettra à son tour de prévenir les expulsions. Il encadrera les professions immobilières et la lutte contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées. Il réformera les syndics et modernisera l’attribution des logements sociaux en la rendant plus simple et plus transparente. Il améliorera le contrôle du secteur du logement social et modernisera les organismes HLM.

Ceux de nos amendements qui ont déjà été adoptés ont permis d’améliorer tous ces dispositifs. S’agissant de la sécurisation des rapports locatifs, par exemple, nous avons permis d’améliorer l’information des locataires et de mieux les protéger au moment de la signature du bail. Nous avons également mieux encadré les ventes à la découpe. Nous avons amendé le texte afin d’éviter les effets d’aubaine et l’augmentation trop massive des loyers en dessous du loyer médian de référence. De même, l’information du locataire concernant les justificatifs de charges a été renforcée. Des amendements à la réforme des professions immobilières ont été adoptés, qui portent sur l’information apportée au client, la transparence exigée des professionnels et la nature des sommes versées. Quant à la lutte contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées, et toujours dans l’objectif d’une meilleure information, nos amendements ont permis d’élargir la liste des documents qui doivent être fournis au moment de la promesse de vente. En commission, des amendements ont été adoptés afin d’encadrer les ventes de logements sociaux et de revenir sur la mesure relative aux ventes en état futur d’achèvement – les VEFA – inversées, que les sénateurs avaient adoptée. J’espère que la suite des débats ne sera pas l’occasion de revenir sur ce point car, selon moi, cela ne permettait pas d’atteindre l’objectif des 150 000 logements sociaux.

Enfin, ce texte porte sur la modernisation de l’urbanisme dans une perspective de transition écologique des territoires, qu’il s’agisse de planification stratégique, de modernisation des documents d’urbanisme, de lutte contre l’étalement urbain ou de politique foncière. Dans un secteur où les règles complexes s’empilent de manière croissante, leur modernisation et leur simplification devenaient nécessaires.

Avec l’avis favorable du Gouvernement, les sénateurs ont adopté le principe d’un vote sur le transfert de la compétence relative au PLUI – un sujet qui fait débat. Je crois que la minorité de blocage instaurée par le Sénat ne permettra pas de faire du PLUI la règle.

Pour conclure, madame la ministre, iI est important qu’à l’issue de cette deuxième lecture, ce texte soit adopté, car nous ne pouvons plus laisser s’accroître les inégalités d’accès au logement.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Très bien !

M. Michel Piron. Ils ne savent pas ce qu’ils font, mais ils savent déjà qu’ils sont d’accord…

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tetart.

M. Jean-Marie Tetart. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, lors de ses vœux au Président de la République, le président du Conseil constitutionnel a rappelé que cette haute institution avait aujourd’hui à connaître de « lois aussi longues qu’imparfaitement travaillées ». Il insistait aussi sur le fait qu’elle « faisait face à des dispositions souvent incohérentes et mal coordonnées ». Il regrettait des « textes gonflés d’amendements non soumis à l’analyse du Conseil d’État ». Il soulignait enfin que le Conseil constitutionnel subit « des bégaiements et des malfaçons qui ne sont pas nouveaux, mais forts nombreux ». Il concluait en rappelant que lors du cinquantième anniversaire du Conseil constitutionnel, le Président de la République avait dit sa volonté que soient adoptées des « dispositions législatives mieux préparées, plus cohérentes et désormais stables ».

Je doute que nous soyons sur le bon chemin et que son message ait été entendu ! Et si c’est là le sentiment du Conseil constitutionnel, que dire de celui des membres du Parlement ! À ces griefs, ils doivent ajouter qu’ils ont à travailler, particulièrement sur ce texte, dans des conditions difficiles, avec des programmations qui changent, des examens en commission dans les derniers jours des sessions, et des amendements du Gouvernement ou des rapporteurs qui nous sont presque délivrés en séance.

Pourquoi, dans ces conditions, avoir refusé le renvoi en commission que nous avions demandé en première lecture alors que, depuis, vous avez justement, avec les rapporteurs et vos équipes, fait un travail de commission ? Il est habile de transformer cette impréparation et cette improvisation en preuves de la bonne qualité du travail en commission ou en séance, ou encore de les assimiler à des processus de co-construction de la loi dont il faudrait se féliciter.

En réalité, le nombre impressionnant d’amendements déposés, y compris en deuxième lecture par les membres de votre majorité, et les amendements du Gouvernement comme celui qui concerne l’article 8, transforment profondément les objectifs et la philosophie, ou plutôt 1’idéologie de votre proposition initiale, que vous présentiez en première lecture comme non négociables. Au fond, ils sont le signe de vos doutes et la découverte bien tardive de réalités incontournables. Ils sont l’application des directives reçues du Premier ministre face aux évidences que révèlent les rapports qui lui sont adressés, face à la position du Sénat et face aux réactions des partenaires de la politique du logement. Ce n’est pas une adaptation, mais une reculade, comme nous en constatons dans d’autres textes ; celle-ci est salutaire. En commission, vous avez tout de même ignoré le Sénat sur bien des points ; gageons que cela nous promet une commission mixte paritaire bien garnie !

Le texte que nous allons étudier ne peut constituer une réponse à la crise du logement que connaissent les Français, et particulièrement les plus modestes d’entre eux. Il répond toutefois aux scandales des logements indignes et des marchands de sommeil : la plupart des dispositions de ce projet qui les visent sont bonnes et auront notre approbation ! Comment ne pas se féliciter de la reprise d’une disposition de la proposition de loi Huyghe visant à lutter contre les marchands de sommeil, qui permet aux autorités compétentes en matière de police spéciale du logement de décider d’une astreinte financière pour les propriétaires qui ne réalisent pas les travaux prescrits ?

Au-delà de ces satisfactions, je rappelle que, comme vous, nous refusons que certains profitent de la détresse des autres et nous appuyons l’interdiction faite aux marchands de sommeil d’acquérir un fonds de commerce d’hôtels meublés. Nous nous satisfaisons également de l’adoption des mesures visant à la mise en sécurité des logements qui peuvent présenter des risques pour les personnes qui les occupent. Il est aussi important d’anticiper la dégradation des copropriétés existantes et leur devenir en termes d’occupation ; à cet égard, nous soutiendrons le texte proposé. La création d’un registre, assortie de simplifications par rapport au texte initial et d’une adaptation pour les petites copropriétés, aura donc notre appui.

Enfin, l’amélioration prévue concernant la gouvernance des copropriétés, grâce à l’évolution du mode de prise de décisions par l’intermédiaire d’une évolution des majorités requises, est positive. Elle est indispensable à l’engagement des mises aux normes énergétiques. Elle peut permettre la densification des ensembles immobiliers. Elle accroît la nécessaire transparence comptable et la confiance dans la relation entre copropriétaires et syndic. Elle permet aussi l’anticipation des gros entretiens et renouvellements.

Nous sommes satisfaits d’avoir pu contribuer par certains amendements à l’enrichissement de ces dispositions, par exemple à la création d’un seul fonds pour travaux, quelle que soit la taille de la copropriété, et sans distinction entre fonds de prévoyance et fonds de provision pour travaux, tout en permettant aux copropriétés de moins de dix lots de décider à l’unanimité de ne pas y recourir.

Pour autant, je le répète, ce texte ne peut constituer une réponse à la crise du logement que connaissent les Français, particulièrement les plus modestes d’entre eux. Encadrer les loyers, instaurer une garantie universelle des loyers, mettre au pas la profession immobilière et complexifier les différentes étapes d’une démarche de location ne feront pas diminuer les files d’attente pour la location d’un logement, même social, en zone tendue.

Ces exigences répondent d’abord à un objectif de régulation des files d’attente : il est en effet moins grave de subir une file d’attente si chacun et chacune de ceux qui la font ont les mêmes droits et les mêmes chances ! C’est d’ailleurs sur cette base que vous nous avez expliqué la nécessité de supprimer les cautions et le caractère universel et obligatoire de la GUL !

Que reste-t-il aujourd’hui de cette GUL ? Elle n’est plus universelle : les conditions pour en bénéficier sont tellement strictes qu’elle ne pourra qu’être difficilement appliquée. Heureusement que le bailleur retrouve sa liberté de choix entre cautionnement, GRL, GLI ou GUL ! La GUL devra donc faire ses preuves, être attractive. Or, la limitation de la couverture de loyer au montant du loyer médian majoré conduira à contracter une assurance complémentaire, et l’indemnisation sera limitée à une durée de dix-huit mois : autant de contraintes qui feront hésiter bien des bailleurs.

Et que se passera-t-il après ces dix-huit mois ? L’État aura-t-il la volonté de recouvrer les impayés, même si nous reconnaissons que recourir au Trésor public pour ces recouvrements est sans doute la solution la mieux adaptée ? Ne sera-t-il pas plutôt encouragé à développer un traitement social des mauvais payeurs, même quand ils sont de mauvaise foi ?

Cette alternative pèsera lourdement sur le budget de la GUL que devra supporter l’État – budget dont la fourchette d’estimation actuelle a les dents bien trop écartées pour qu’on s’en fasse une idée crédible, à l’image de la différence qui, lors d’une manifestation, sépare l’estimation des organisateurs de celle de la police !

Mme Cécile Duflot, ministre. C’est faux !

M. Jean-Marie Tetart. Ne serait-il pas préférable, comme le suggère M. Piron, d’engager une expérimentation dans quelques départements avant la généralisation ? Ne faut-il pas tester le système avant de mettre en place une administration de plusieurs dizaines d’agents, pour finalement traiter les 200 000 dossiers de contentieux tout au plus qui sont produits dans le système actuel de caution ou d’assurances ? Il est vrai que la déresponsabilisation que vous allez provoquer peut rapidement faire augmenter ce nombre et autoalimenter l’administration que vous allez mettre en place. Elle accroîtra considérablement aussi le budget à y consacrer, alors que la production de logements mérite que tous les moyens disponibles y soient alloués. Vous comprendrez que si nous nous réjouissons de la liberté retrouvée pour les bailleurs, nous ne pouvons le faire des nouvelles charges qui pèsent sur l’État !

Nous ne pouvons pas davantage agréer la rigidité et la méfiance dont vous parez les professionnels de l’immobilier. Nous ne sommes pas opposés à plus de formation et d’encadrement – obligation de formation continue, conditions de compétence et encadrement de l’activité des agents commerciaux, ou encore responsabilité disciplinaire. Nous restons cependant très vigilants quant à ces nouvelles mesures afin qu’elles ne deviennent pas une charge administrative trop contraignante et inefficace pour les agents comme pour les clients.

À ce propos, nous ne pouvons pas non plus vous suivre, madame la ministre, s’agissant de la complexification de l’action des professionnels. Je ne peux citer ici la totalité des dispositions, mais il est certain que les frais d’agence – qui ne sont plus envisagés comme le paiement d’une prestation globale, mais qui sont désormais à l’acte – ou l’augmentation des mentions à inscrire sur les annonces immobilières sont bien des contraintes nouvelles.

Ainsi, la complexification des démarches de location et les dispositions d’encadrement des loyers en zone tendue allongeront la file d’attente pour trouver un logement et en outre dégraderont progressivement la qualité des logements. Comment ne pas voir l’évidence, madame la ministre, du repli du secteur locatif privé dû aux conditions que vous créez ? Déjà, les mesures fiscales décidées par le Gouvernement avaient instauré la défiance. Vous allez provoquer un sentiment d’ingérence dans la faculté à gérer le bien dont on est propriétaire et réduire la qualité d’aménagement des logements existants. En effet, à quoi bon aménager convenablement une cuisine ou une salle de bains si les loyers restent les mêmes ? Vous les découragez également en déséquilibrant dangereusement les rapports entre locataire et propriétaire

À l’issue de la première lecture, vous avez parfois pris en considération les bailleurs en acceptant l’amendement instaurant des pénalités pour retard de paiement de loyer. Nous regrettons que le Sénat ait supprimé ces dispositions et que la commission ne les ait pas rétablies en deuxième lecture. Nous sommes réservés sur l’élargissement des préavis à un mois et regrettons que ce qui était l’exception tende à devenir la règle. De même, nous sommes opposés à l’imputation exclusive des frais d’agence au bailleur ou à l’instauration d’un délai de sept jours pour compléter l’état des lieux. Pourquoi un tel déséquilibre ? Vous allez rompre l’équilibre financier de maints petits propriétaires parmi lesquels on compte, vous le savez madame la ministre, 17 % d’employés, 25 % de retraités et 20 % de cadres moyens, dont vous diminuez par ailleurs les ressources par bien d’autres mesures fiscales.

Les petits investisseurs se retireront du secteur et les grands investisseurs, en particulier les investisseurs institutionnels, auront d’autres champs de profit à explorer. Et si l’on constate à Paris une baisse du prix de l’immobilier, je ne sais s’il faut s’en réjouir, car elle traduit sans doute les premiers effets de la défiance que vous avez provoquée. On y constate en effet, comme le souligne le patron d’un grand réseau immobilier, « une désaffectation des particuliers investisseurs, ceux qui achètent pour louer leur logement ». « Ils ont pris peur », constate-t-il, « à cause de la politique gouvernementale qui parle de réquisitionner des logements ou d’encadrer les loyers ». Dès lors, nous défendrons bien évidemment un amendement de suppression de l’article 3.

Vous vous apprêtez à allonger la file d’attente d’un logement locatif, madame la ministre, pour les raisons qui viennent d’être avancées mais aussi parce que, depuis votre arrivée au pouvoir, la production de logements neufs et particulièrement de logement locatif social est en baisse. Je ne développe pas, c’est la matière du débat qui vient de vous opposer à M. Benoist Apparu. Réduire la file d’attente pour trouver un logement, soutenir l’emploi et les entreprises du bâtiment, cela consiste à construire et à tenir votre engagement de 500 000 logements. Nous craignons que l’inversion de la courbe soit aussi introuvable que celle de la courbe du chômage, car les mesures que vous proposez depuis dix-huit mois n’inspirent pas confiance aux investisseurs. C’est pourquoi nous avons soutenu certaines de vos ordonnances visant à relancer la construction, en particulier celle qui vise à lutter contre les démarches contentieuses injustifiées.

Vous pensez que le PLU élaboré à l’échelle intercommunale est susceptible de faciliter la production de logements. Nous le pensons aussi mais nous ne pouvons admettre qu’on agisse une nouvelle fois par la contrainte. Certes, vous ne rendez plus obligatoire le transfert de compétences mais vous l’assortissez de conditions de majorité de blocage telles que celle-ci sera réunie dans la plupart des cas, ce qui rendra le transfert quasiment automatique. On ne peut continuer à prendre les élus locaux pour de grands naïfs ! Il y a là une nouvelle remise en cause des communes que les élus locaux, en particulier ruraux, apprécieront à sa juste valeur à la veille des élections municipales.

Je vous encourage à tout faire, madame la ministre, pour que votre loi soit promulguée avant l’échéance électorale. Nous soutenons quant à nous les propositions de l’association des maires de France qui ménagent plus de place à un vrai débat et à un transfert de compétences par adhésion plutôt que par contrainte. Voilà, madame la ministre, l’ensemble des raisons qui nous conduiront à ne pas soutenir le projet en dépit de notre appui tout à fait sincère aux mesures relatives au logement indigne, aux copropriétés dégradées et à la gouvernance des copropriétés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, chaque mois qui passe nous éloigne un peu plus de la promesse présidentielle de construire 500 000 logements par an. À l’heure où nous entamons l’examen en seconde lecture du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, nous savons que le nombre de constructions neuves sera d’environ 330 000 unités en 2013, soit 170 000 logements de moins que l’objectif présidentiel. C’est donc une deuxième année négative qui s’achève pour le monde du logement et de la construction, qui continue de s’enfoncer dans une crise dont on perçoit mal l’issue. Ces chiffres, vous semblez presque les relativiser, madame la ministre. Vous expliquez que le secteur a bien résisté à la crise et rappelez que la moyenne des vingt dernières années est de 346 000 logements par an.

Certes, mais vous oubliez de préciser qu’au cours des dix dernières années, dont certains parmi nous, sur certains bancs, peuvent se sentir responsables, 395 000 logements en moyenne ont été construits par an, soit presque 20 % de plus que le chiffre actuel. Maintenez-vous donc l’objectif de 2,5 millions de logements au cours du quinquennat, madame la ministre, alors même que le repli de la construction de logements neufs s’est encore accentué à l’automne sans espoir de redressement à court terme ? Il faudrait pour ce faire que le nombre de constructions neuves s’élève à plus de 620 000 logements par an au cours des trois prochaines années, afin de respecter la promesse précitée. Vous le savez tout comme nous, ce ne sera pas possible.

C’est d’autant plus inquiétant que les spécialistes s’accordent à évaluer la pénurie à 800 000 logements. C’est dire l’ampleur du retard que nous sommes en train d’accumuler. Ces chiffres alarmants recouvrent autant de familles qui subissent quotidiennement le mal logement et rencontrent toujours plus de difficultés pour trouver un foyer décent à un prix abordable. Je pense naturellement aux secteurs les plus tendus tels l’Île-de-France. Vous le savez, la crise du logement contraint le pouvoir d’achat des Français, leur mobilité professionnelle, l’épanouissement de leurs enfants, leur bien-être et leur santé. Il s’agit pourtant d’un levier majeur en termes de sécurisation des familles et de lutte contre l’exclusion ; d’un véritable enjeu de société, a fortiori dans le contexte actuel.

Le groupe UDI n’a eu de cesse de rappeler que la priorité consiste à accroître substantiellement l’offre de logement grâce à la mobilisation de tous les leviers dont dispose la puissance publique. Cela passe par la fiscalité, en particulier la baisse des charges pesant sur le secteur de la construction et de la rénovation. Cela passe aussi par la disponibilité foncière, en cessant de confondre foncier constructible et foncier disponible et en menant une véritable politique visant à dissuader la rétention des biens. Cela passe aussi par une réforme de la gouvernance de notre politique du logement et des stratégies élaborées au niveau régional. Dans le domaine du logement comme dans beaucoup d’autres, nous payons aussi le prix fort, selon moi, de notre exception française centralisatrice.

C’est en raison de l’extrême centralisation qu’il est incroyablement compliqué voire impossible de simplifier dans un pays comme le nôtre. Lors de nos précédents échanges, j’avais appelé votre attention, madame la ministre, sur l’irrésistible tendance de l’administration centrale à l’inflation normative, parfois assimilable à de véritables délires de la raison. Certes, c’est l’œuvre de spécialistes. Mais je ne puis m’empêcher de penser, tel Bernard Shaw et stimulé par l’intervention de M. Goldberg, que « le spécialiste est celui qui, sachant de plus en plus de choses sur de moins en moins de choses, finit par savoir tout sur rien » ! (Sourires.)

Nous y sommes ! Aujourd’hui, près de 3 700 normes encadrent et trop souvent entravent la construction d’un logement ! Un tel empilement pèse de plus en plus lourd sur les délais et les coûts de construction qui ont augmenté de 50 % au cours des douze dernières années. Or, selon les professionnels, les deux tiers de la hausse sont dus à la seule profusion de normes nouvelles. Voilà, madame la ministre, les questions appelant des réponses urgentes qu’il nous semble indispensable d’opposer à la crise actuelle. Malheureusement, nous ne les voyons guère poindre dans le projet de loi ALUR ni dans la politique conduite depuis dix-huit mois. Ne désespérons pas ! Le chef de l’État semble avoir décidé de soutenir l’activité en baissant les charges et en simplifiant les normes. En soufflant la première bougie du plan d’investissement pour le logement du 21 mars 2013, il annonce de nouvelles mesures et en appelle au financement privé pour relancer la construction de HLM. Toute initiative positive est la bienvenue et je ne me permettrai pas d’émettre un jugement a priori.

Force est néanmoins de constater qu’en matière de construction, le choc de compétitivité et le choc de simplification sont demeurés à ce jour des annonces non suivies d’effets. Quant au contenu du projet de loi ALUR dont le millésime 2014 n’est plus tout à fait celui de 2013 sur bien des aspects, que dire de l’ampleur des évolutions de certains articles pourtant présentés initialement comme fondateurs ? Je ne trancherai pas, au nom même du dialogue entre exécutif et législatif. Le texte contient des mesures intéressantes, en particulier le PLU intercommunal qui anime nos discussions depuis fort longtemps dans cet hémicycle, particulièrement en 2010.

Je me réjouis qu’il ait enfin trouvé sa place dans le projet de loi et qu’il ait survécu au double couperet du Sénat et de notre président de la commission des affaires économiques, le cher François Brottes. Dans la mesure où 60 % des 36 500 communes françaises comptent moins de 500 habitants et 27 000 moins de mille, un tel outil est pour le moins indispensable. Son instauration demain constituera selon nous un pas très important, au moins pour bien établir le lien entre logement et zones d’activité, de services et de mobilité, mais aussi pour construire plus et favoriser la mixité sociale et fonctionnelle. Bien entendu, les modalités du transfert de compétence des communes aux intercommunalités nous opposent parfois à nos amis sénateurs. Mais la minorité de blocage qu’ils souhaitent conférer aux communes tuerait dans l’œuf la réforme et je me félicite que nous ayons fait le choix, lors de nos débats en commission, de rétablir une procédure de majorité qualifiée.

Les débats du mois de décembre ont par ailleurs mis au jour des lacunes dans d’autres domaines, celui-ci en particulier, que nous essaierons de combler. Au sujet de la garantie universelle des loyers, présentée comme une mesure emblématique du projet de loi, nous constatons une évolution notable de la part du Gouvernement. Dès le début de nos discussions, nous avons considéré qu’une telle garantie est justifiée, pour répondre tant aux difficultés de celui qui ne dispose pas du cautionnement nécessaire pour se loger qu’à celles du propriétaire dont le locataire ne paie pas les loyers.

Nos critiques ne portaient donc pas sur le bien-fondé d’une garantie universelle mais sur son financement et les modalités de sa mise en œuvre, afin de répondre à la question suivante : comment mutualiser sans déresponsabiliser ? Dans le cadre du texte, les bailleurs ne préféreront-ils pas toujours recourir au cautionnement, comme c’est aujourd’hui le cas à plus de 80 % dans les zones tendues ? La question reste ouverte. Afin que la montagne n’accouche pas d’une souris, nous proposerons un amendement visant à mener une expérimentation dans différents territoires de typologies diverses et représentatives, afin d’en évaluer précisément l’applicabilité et les effets. Ainsi pourrions-nous adapter le dispositif avant d’en envisager la généralisation à l’ensemble du pays.

Quant à l’encadrement des loyers, nous persistons à penser qu’il constitue une très mauvaise réponse à une vraie question. Nous comprenons la nécessité de réguler les augmentations de loyers pour protéger les ménages modestes mais restons régulateurs sur ce point. Dans les zones tendues comme l’Île-de-France tout spécifiquement, je crains que votre texte tel qu’il est conçu n’aboutisse au résultat inverse de celui que vous escomptez, madame la ministre. Même si vous avez pris en compte un certain nombre de nos remarques, je répète ici que la référence à des loyers médians conduira inévitablement à des effets pervers majeurs. Dans le cœur des grandes villes, les loyers les plus élevés des ménages les plus aisés bénéficieront de baisses importantes alors que les ménages plus modestes qui bénéficient actuellement de loyers inférieurs au marché risquent de voir leur facture mensuelle augmenter. L’autre effet pervers, vous le connaissez, fera renoncer des bailleurs à investir ou effectuer des travaux de rénovation faute de pouvoir les répercuter sur les loyers.

Ainsi, partant d’une bonne intention, l’encadrement des loyers pourrait avoir des conséquences économiques et sociales très négatives alors même que notre pays connaît les difficultés que l’on sait. En revanche, disons-le, la possibilité pour les collectivités territoriales et les EPCI de créer des observatoires nous paraît très positive. Mais, là encore, analysons bien les informations recueillies avant de généraliser un dispositif. Je ne m’étendrai pas davantage sur d’autres dispositions dont nous reparlerons, en particulier les relations entre propriétaire et locataire dont il me semble qu’elles sont plutôt déséquilibrées au profit du locataire.

Plusieurs dispositions sont attendues et bienvenues, comme celles visant à prévenir l’endettement et la dégradation des copropriétés ainsi que le renforcement de la lutte contre l’habitat indigne. La lutte contre les marchands de sommeil obtient également notre approbation, sous la forme d’un amendement présenté par Jean-Christophe Lagarde. Nous sommes aussi favorables à la plupart des dispositions visant à faciliter la densification. Malheureusement, ces mesures sont noyées au milieu d’une loi de 320 pages qui ne parviendra que difficilement et probablement pas du tout à compenser le décalage par rapport à la gravité de la crise actuelle qui la caractérise. J’en reviens à la première question : quel article du projet de loi apporte une réponse forte au problème majeur de l’insuffisance de l’offre de logement ? C’est d’abord ce manque qui explique que le groupe UDI ne puisse adopter le texte.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, les députés du front de gauche considèrent que le logement et l’urbanisme comptent parmi les problématiques les plus essentielles du temps présent. Nous sommes déçus par le projet de loi tel qu’il ressort de son examen par notre commission des affaires économiques, en net recul par rapport au texte voté par le Sénat et par rapport à nos attentes. Dans le domaine du logement, le contexte n’est pas favorable. Alors que nous soutenions les engagements forts de 500 000 nouveaux logements par an dont 150 000 logements sociaux, on n’a atteint que 340 000 constructions en 2012 et 330 000 en 2013, soit une baisse de 5 %, très loin des promesses.

Ces mauvais résultats ne tombent pas du ciel. Ils s’expliquent bien évidemment par l’austérité budgétaire, mais aussi par le choix délibéré de privilégier ce qu’il faut bien appeler les recettes de droite, comme la défiscalisation et la majoration des droits à construire, plutôt que les recettes de gauche comme l’investissement public et la promotion du logement social. J’ai presque envie de dire : « Mesdames et messieurs les anciens ministres de droite, sortez de ce corps ! » (Sourires.)

Il y a treize jours, le taux de TVA portant sur les opérations de construction et de rénovation des logements sociaux et les opérations d’accession à la propriété pour les ménages modestes a été fixé à 5,5 % au lieu des 5 % initialement prévus. Cette ponction de 80 millions d’euros sur le mouvement HLM est destinée à financer le CICE, cadeau au patronat d’un montant de vingt milliards d’euros qui ne donne aucun résultat en matière de création d’emploi, j’ai déjà eu l’occasion de le dire à propos d’autres textes.

Alors que le pouvoir d’achat des Français connaît une baisse historique, inédite depuis l’année 1984, ce gouvernement a fait le choix de décaler de neuf mois la revalorisation des APL. Chacun s’accorde pourtant à reconnaître l’importance de cette aide dans la vie des plus modestes. Nul ne peut le nier : ces mesures, profondément injustes, ne peuvent qu’ajouter des difficultés aux difficultés. Ce report de la revalorisation des APL est le miroir d’un autre report, celui de la revalorisation annuelle des retraites au 1er octobre, mesure qui avait fracturé la majorité parlementaire.

En dépit de ce contexte, nos collègues et amis sénateurs du groupe communiste ont mené en première lecture une belle bataille pour obtenir des avancées dans ce projet de loi. La Haute assemblée a ainsi voté l’extension de la trêve hivernale, la suppression des amendes aux locataires pour cause d’impayé de loyer, l’incrimination des bailleurs qui expulsent les habitants par la violence, ou encore la mise en place d’une minorité de blocage sur le transfert des PLU à l’intercommunalité.

Comme eux, nous soutenons vigoureusement tout ce qui peut permettre d’accroître massivement la construction de logements, les droits des locataires, et tout ce qui est susceptible de renforcer le pouvoir d’aménagement des maires. Las, si nous ne doutons pas de vos bonnes intentions, madame la ministre et monsieur le rapporteur, force est de constater que, dans l’état actuel du texte, le compte n’y est pas !

En ce qui concerne les rapports locatifs, il nous paraît primordial d’aller dans le sens d’un rééquilibrage. Aujourd’hui, en effet, dans les zones tendues, le pouvoir des bailleurs est si exorbitant qu’il confine à l’absurde. Certains bailleurs exigent que les parents soient colocataires de leurs enfants étudiants. Certains locataires sont conduits, pour ne pas dire poussés, à constituer des dossiers avec de fausses fiches de paie pour gonfler leurs salaires et ainsi augmenter leurs chances de signer le bail. De l’autre côté de la chaîne, certains bailleurs n’hésitent plus à appeler les employeurs pour vérifier la nature des contrats de travail et le montant des salaires des candidats.

Certaines agences immobilières font appel à des intermédiaires dans les banques afin de contrôler – illégalement, bien sûr – le niveau des encours bancaires des candidats. Les cas ne sont plus rares où ce sont les enfants qui doivent se porter caution pour leurs parents, car ceux-ci ne peuvent plus faire face à un loyer avec leur petite retraite. Certains adultes doivent retourner vivre chez leurs parents, et certaines personnes âgées doivent aller s’installer chez les enfants. Voilà la réalité du marché de la location en zone tendue ! Face à l’ampleur du problème, les quelques réponses esquissées par le projet de loi sont, à nos yeux, très insuffisantes.

En la matière, nous porterons plusieurs amendements. Ainsi, nous relaierons la revendication du collectif Jeudi Noir visant à ne pas faire peser les frais d’agence sur les locataires. En effet, si le bailleur choisit de passer par un agent immobilier, le locataire, lui, ne choisit rien ! L’agent immobilier est le représentant du bailleur et non du locataire, vis-à-vis duquel il n’a aucune obligation. Il est donc anormal de faire partager les frais de visite et d’établissement de l’état des lieux.

D’autre part, nous portons l’ambition d’en finir avec les congés frauduleux. Chacun de nous connaît au moins un cas de locataire qui, obligé de quitter son logement à la demande du propriétaire, s’est rendu compte quelques mois plus tard que le motif du congé était mensonger. Dans de nombreux cas, ces congés n’ont aucun fondement, si ce n’est de constituer le prétexte à une augmentation du loyer à la relocation. Malgré cette réalité, la jurisprudence est systématiquement défavorable au locataire. Nous devons agir, c’est pourquoi je relaie, en la prenant à mon compte, cette proposition de l’association Droit au Logement – le DAL.

Je ne reviendrai pas sur le dispositif dit « d’encadrement des loyers » qui, malheureusement, n’encadrera rien du tout.

Mme Cécile Duflot, ministre. Allons, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Si peu, madame la ministre ! Alors que 40 % des ménages dépensent pour se loger plus de 40 % de leurs revenus, les mécanismes d’encadrement retenus manquent de sérieux et d’ambition.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. En quoi manquent-ils de sérieux ?

M. André Chassaigne. La majorité des acteurs du logement craignent que l’article 3 du projet de loi n’ait aucun effet sur les prix ou, pire, qu’il se révèle inflationniste. D’abord, le dispositif se limite au parc privé des zones tendues. Ensuite, l’instauration d’un loyer de référence minoré mettra fin à tous les faibles loyers dans ces zones tendues. La possibilité de majorer de 20 % le loyer médian de référence – déjà très élevé sans condition particulière – aboutira très rapidement à une augmentation générale des loyers à hauteur du loyer médian de référence majoré. Enfin, de nombreuses passoires sont ménagées pour permettre aux propriétaires de déroger aux plafonds. « Il est très facile de sortir des bornes de plus 20 % », a ainsi affirmé l’un des membres du Conseil d’analyse économique à propos du rapport d’octobre dernier, qui torpille cet article.

Toutes les possibilités permettant de contourner la rigueur apparente de ce projet de loi me font d’ailleurs penser à une formule que l’on doit, si ma mémoire est bonne, à Honoré de Balzac dans son roman La Maison Nucingen : « Les lois sont des toiles d’araignées à travers lesquelles passent les grosses mouches et où restent les petites ».

M. Michel Piron. Quelle belle conclusion !

M. André Chassaigne. Pas du tout, cher collègue – cette citation ne figurait d’ailleurs pas dans le discours que j’avais préparé.

Le premier des reculs imputables à la commission des affaires économiques, c’est l’affaissement de la garantie universelle des loyers – la GUL. Sur ce point, je pèse mes mots, madame la ministre et monsieur le rapporteur, car je sais pour en avoir parlé avec vous, que vous n’êtes pas d’accord avec moi. Nous déplorons que le dispositif n’ait plus rien d’universel, victime qu’il est des assauts de la droite et de différents lobbies.

Mme Cécile Duflot, ministre. Ce n’est pas vrai !

M. André Chassaigne. C’est un fait, la GUL n’est plus obligatoire. Désormais entièrement favorable au bailleur, elle ne permet plus la disparition ni de la caution – procédé particulièrement inégalitaire –, ni des expulsions. Elle ne concerne pas les locataires du parc social.

Il est regrettable, voire indécent – je précise que j’emploie ici des mots plus mesurés que ceux que j’avais initialement choisis…

M. Christophe Borgel. « Indécent », c’est tout de même un peu exagéré !

M. André Chassaigne. …indécent, disais-je, de chercher à métamorphoser les abandons en grandes victoires en évoquant « la fin d’une société de défiance » ou encore « un processus original de co-construction législative », surtout quand le principal co-constructeur se révèle être le lobby du secteur assurantiel privé !

Pour notre part, avec la Confédération nationale du logement, nous pensons que la GUL doit avoir un véritable caractère universel, comme son nom l’indique, et couvrir par conséquent tous les baux publics et privés. En outre, il est essentiel que les organismes chargés d’assister les bailleurs dans la mise en œuvre de leur droit au regard de la GUL soient des organismes à but non lucratif, afin d’éviter tout conflit d’intérêt et de préserver les intérêts des locataires comme des bailleurs. Pour remédier aux nombreuses reculades que nous déplorons sur ce point, nous défendrons des amendements visant à donner à la GUL un contenu progressiste.

En ce qui concerne les copropriétés, je tiens à relayer les très vives inquiétudes exprimées par diverses associations, telles l’ARC et l’UNARC qui, elles aussi, dénoncent des reculades importantes. Elles pointent la création d’un quasi-ordre des professions immobilières et, à l’intérieur de celui-ci, la mainmise des syndicats professionnels. Elles pointent également la suppression des commissions régionales de contrôle et de discipline.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Elles ont tort !

M. André Chassaigne. Elles pointent, enfin, le rétablissement de la possibilité de dispenser les syndics d’ouvrir un compte bancaire ou postal séparé dans les copropriétés de moins de quinze lots principaux – qui représentent 70 % des copropriétés selon les chiffres de l’ANIL ! Si ce recul – je sais que ce mot ne vous paraît pas justifié, madame le ministre et monsieur le rapporteur, mais pour moi il est encore bien faible ; malheureusement, je peine à trouver le mot juste…

M. Christophe Borgel. C’est parce que ce que vous dites est faux !

M. André Chassaigne. …si ce recul, donc, était entériné, la France serait le seul pays en Europe à ne pas exiger un compte séparé, alors même que tout démontre que cet élément est indispensable à la transparence financière et à la bonne gestion des copropriétés et qu’il n’entraîne pas de surcoût de gestion.

Les députés du Front de gauche ont par ailleurs déposé une quarantaine d’amendements pour tenter d’améliorer, partout où c’est possible, ce projet de loi. Je veux souligner l’un d’entre eux, qui me tient particulièrement à cœur : il est temps d’en finir avec les expulsions en hiver ! En effet, les juges peuvent encore décider de telles expulsions s’il est estimé que les occupants d’un lieu vacant sont entrés « par voie de fait ». Dans ce cas, les familles se retrouvent jetées à la rue malgré la trêve hivernale. De nombreuses associations – le Droit au Logement, la fondation Abbé Pierre ou encore Médecins du Monde – se sont réunies pour demander la fin de cette exception regrettable, et je porte avec fierté un amendement en ce sens à l’article 10.

Dans quelques jours vont sans doute avoir lieu des manifestations de commémoration de l’appel lancé durant l’hiver 1954 par l’abbé Pierre. Peut-être ces commémorations pourraient-elles constituer l’occasion de revenir au texte initial, celui de 1956, qui ne comportait pas cette dérogation relative à l’entrée dans un logement sans titre et sans droit.

Mme Cécile Duflot, ministre. C’est vrai, cela n’y figurait pas !

M. André Chassaigne. À l’époque où le texte a été modifié, c’est-à-dire en 1991, le ministre ayant défendu le projet de loi, Michel Sapin, avait donné des garanties – et la rédaction même du texte ne faisait pas spécialement craindre que celui-ci n’ait des effets comparables à ceux d’un rouleau compresseur. Dans les faits, l’évolution de la jurisprudence fait que l’on voit aujourd’hui des familles entières, y compris des enfants, jetés à la rue parce qu’elles occupaient sans titre ni droit un logement qu’une association avait pu mettre à leur disposition. Si nous voulons une commémoration, faisons-la dignement, en revenant au texte de 1956 pour que les personnes les plus fragiles et les plus démunies ne se retrouvent plus jetées à la rue en plein hiver ! Bien que je ne sois que le passeur, le porteur de l’amendement rédigé à la demande des associations que j’ai citées, que je n’avais pas déposé en première lecture, je vous appelle solennellement à prendre en considération la mesure proposée, qui donnera de la dignité au texte dont nous allons débattre.

Mais le vrai point noir de ce projet de loi, c’est la suppression en commission – vous le voyez, madame la ministre, je veille à ne pas vous imputer la responsabilité de décisions prises en commission des affaires économiques sur proposition de notre rapporteur – du droit de veto introduit au Sénat, relatif au transfert du plan local d’urbanisme au niveau intercommunal. Cette rédaction de compromis avait fait l’objet de débats minutieux au sein de la Haute assemblée, prioritairement compétente en matière de représentation des collectivités territoriales, comme l’énonce l’article 24 de la Constitution. Il n’est pas acceptable de fouler aux pieds, comme l’a fait notre commission des affaires économiques, un dispositif d’équilibre auquel sont attachés énormément de maires, en particulier de communes rurales (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – et ricaner, comme je vois certains le faire, c’est mépriser ces maires !

M. Philippe Bies. Allons ! Personne n’a ricané !

M. André Chassaigne. Si les maires ruraux sont parfaitement capables de prendre des décisions relatives à un PLU intercommunal, ce qu’ils n’admettent pas, c’est qu’on leur impose une décision ; or, chacun sait que seule une décision à laquelle on a participé, et que l’on a souhaitée donne lieu à une application satisfaisante – c’est le cas, y compris dans les territoires très ruraux, des PLU intercommunaux portés par des collectivités qui les ont souhaités, définis par des maires et des conseils municipaux travaillant en association, dans le cadre d’une réflexion partagée avec leur population : ces PLU peuvent être d’une très grande qualité. Mais qu’en sera-t-il, demain, des PLU imposés du haut ? Pour nous, ces PLU, faits contre la volonté de certains, seront forcément mauvais, et notre conception de la démocratie n’est pas celle qui consiste à mépriser les élus en cherchant à leur imposer des décisions.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Ce n’est pas du tout ce que nous faisons !

M. André Chassaigne. Les maires sont vent debout contre cette disposition – vous ne pouvez l’ignorer, surtout en cette période de cérémonies de vœux, où deux thèmes de discussion reviennent avec insistance : d’une part, celui des rythmes scolaires, d’autre part celui que je viens d’évoquer. Pour les députés du Front de gauche, il est indispensable d’en revenir à tout le moins à une minorité de blocage d’un quart des communes représentant au moins 10 % de la population – c’est la proposition émanant du Sénat – avec une « clause de revoyure » après chaque renouvellement du conseil communautaire.

Si j’insiste beaucoup sur ce point, c’est parce que je crains sincèrement que la fracture qui existe actuellement entre les Français et leurs responsables politiques, que l’on constate tous les jours, ne s’étende pour séparer également les élus locaux, notamment ruraux, de ceux qui décident à l’échelon national. Comment ne pas prendre conscience de cette situation ? Comment ne pas comprendre que la politique du rouleau compresseur ne peut avoir que des effets désastreux ? Je parle de cela avec passion, parce que je suis désespéré à l’idée des conséquences que va avoir une telle façon de procéder.

Pour défendre notre point de vue, il me paraît essentiel de rappeler qu’il correspond à des engagements très solennels pris non seulement par vous, madame la ministre, mais aussi par le Premier ministre, comme vous l’avez dit de façon très pertinente. Je voudrais citer l’intervention du Premier ministre devant le dernier congrès des maires il y a deux mois : « Et quand vous me dites que dans certaines tailles d’intercommunalité, on veut garder l’intérêt communautaire comme un libre choix, eh bien (… ) je souhaite qu’à la fin des textes qui seront votés, on garde cette possibilité, parce que c’est très souvent par le consensus que les élus se mettent d’accord. C’est la même chose pour le PLU. Le Sénat a fait des propositions, l’AMF les a faites pour rapprocher les points de vue. En tout cas, le Gouvernement souhaite ce compromis, souhaite que le point de vue des maires, en particulier des plus petites intercommunalités, soit respecté – parce que moi, je fais confiance au sens de la responsabilité des maires. Quand on leur impose, ils résistent, mais quand ils réfléchissent ensemble, ils sont capables de grandes choses. Alors, je prends cet engagement devant le congrès de l’Association des maires de France ».

Tels sont les propos tenus par le Premier ministre, qui ne diffèrent pratiquement en rien de ce que je vous ai dit tout à l’heure, si ce n’est sur la forme – et pourtant je ne pense pas, mes chers collègues, que ce discours du chef du Gouvernement provoque chez vous des ricanements semblables à ceux qui vous ont échappé il y a quelques instants en m’écoutant.

En revanche, cette parole du Premier ministre est forte et, nous pouvons tous en convenir, dénuée de toute ambiguïté. Je le dis solennellement : un vote contraire signifierait un double camouflet, d’une part pour le Premier ministre, d’autre part, pour la majorité de gauche rassemblée au Sénat sur les propositions qui nous ont été faites. Il est vrai que c’est exceptionnel, mais personnellement je me réjouis toujours lorsqu’il y a des convergences.

M. Philippe Bies. Nous aussi !

M. André Chassaigne. Et j’aimerais qu’elles soient plus nombreuses. Je me suis par exemple réjoui cet après-midi de la richesse de la discussion que nous avons eue la semaine dernière sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, lequel a été défendu par un ministre et un rapporteur qui ont eu l’intelligence politique d’écouter et de tenir compte des interventions des députés présents.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. C’est gentil pour les autres !

M. André Chassaigne. J’y insiste, car quand le travail parlementaire peut aller dans ce sens-là, quand il peut y avoir un débat fructueux, une convergence… Écouter ce que disent les autres, essayer d’ajuster sa position sur un texte, tenir compte des éléments qui peuvent avoir de l’importance ne revient pas à renier son travail ou ses idées.

Je souhaite également vous alerter sur l’article 61 du présent projet de loi, qui entérine un nouveau désengagement de l’État dans ses missions d’assistance aux collectivités. Cet article retire le bénéfice de l’ingénierie juridique et technique des services déconcentrés de l’État à toutes les intercommunalités qui comptent entre 10 000 et 20 000 habitants. Ce faisant, il entre directement en contradiction avec la proposition de résolution sur l’égalité des territoires votée au mois de décembre par notre assemblée, à l’initiative du groupe socialiste. En effet, dans l’exposé des motifs, les auteurs de cette proposition déplorent que « l’État [ait] encouragé la mise en compétition des territoires entre eux avec les résultats que l’on connaît aujourd’hui, à savoir une concentration des moyens financiers pour ceux d’entre eux disposant déjà d’une forte ingénierie de projet et de capacités de financement. »

Là encore, quand on connaît la complexité des documents d’urbanisme, quand on sait que les agents de l’État qui travaillent sur ces documents le font en équipe, collectivement, se concertent et ont des unités suffisamment étoffées pour prendre en compte l’ensemble des aspects, tant la complexité est grande,…

M. Jean-Marie Tetart. C’est une évidence !

M. André Chassaigne. …comment croire qu’une intercommunalité qui compte entre 10 000 et 20 000 habitants puisse à elle seule, avec un agent embauché à cet effet, étudier tous ces documents ? Cela traduit une méconnaissance complète de la réalité !

M. Michel Piron. Pourquoi ?

M. André Chassaigne. Au prétexte de permettre à l’État de faire des économies, on renvoie cette charge aux collectivités. Mais il y a pire : cela crée également des complications pour l’avenir, car les intercommunalités de cette dimension auront toutes les difficultés à gérer la technicité de l’instruction des documents d’urbanisme.

M. Jean-Marie Tetart. Il y a les bureaux d’étude !

M. André Chassaigne. Toute personne ayant rempli une charge municipale un jour sait cela. Parce qu’il faut réduire les dépenses de l’État, on en vient à faire n’importe quoi !

M. Jean-Marie Tetart. Ce n’est pas faux !

M. André Chassaigne. Le versant aménagement de ce projet de loi est malheureusement articulé au funeste projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, que nous avons combattu pied à pied ; un texte de recentralisation, un texte politicien dont la finalité cachée est la mise au pas du pluralisme. De telles évolutions sont-elles acceptables à quelques semaines des échéances municipales ?

Néanmoins, madame la ministre, vous me connaissez : chaque fois que c’est possible, je m’attache à trouver des convergences, à bâtir des fronts communs.

M. Michel Piron. C’est manifeste !

M. André Chassaigne. Je refuse les postures politiques. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.) Cette affirmation déclenche quelques réactions sur les bancs socialistes, je la répète : je refuse les postures politiques, et on peut d’ailleurs le constater dans de nombreux textes.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Pas dans cette intervention, en tout cas !

M. André Chassaigne. Et c’est dans cet esprit que j’aborde l’examen de votre projet de loi, soucieux de faire prévaloir l’intérêt général. Aussi, je souhaite que les amendements que je défendrai au nom des députés du Front de gauche trouvent le meilleur accueil, car ils ne suivent pas une logique du tout ou rien ; ce n’est d’ailleurs jamais le cas dans un débat parlementaire.

Au cours de ce débat, nous prendrons l’initiative, qu’il s’agisse de revenir sur la déplorable loi Boutin, de rééquilibrer les rapports locatifs, de « muscler » l’encadrement des loyers ou la GUL, d’établir l’exigence d’un compte séparé dans la gestion des copropriétés, d’œuvrer pour que les expulsions, ces pratiques moyenâgeuses, appartiennent au passé, d’empêcher les congés frauduleux, de stopper le désengagement de l’État ou de redonner au maire la maîtrise des sols et de l’aménagement.

Du débat et des avancées que ce débat aura permises dépendra notre vote final. Nous nous étions abstenus en première lecture. Au regard des avancées accomplies, les sénateurs de ma sensibilité ont ensuite émis un vote favorable. Qu’en sera-t-il au final ? Madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure, et surtout chers collègues, c’est vous qui avez la clé.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Comme on n’a pas l’intelligence, on va avoir du mal à trouver la clé !

M. André Chassaigne. Je vois que j’ai visé juste ! Vos propos paraîtront au compte rendu des débats !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bies.

M. Philippe Bies. Madame la présidente, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, ce projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, voulu par le Président de la République, défendu par le Gouvernement – en particulier par vous-même, madame la ministre – demeure assurément, à l’issue de la première lecture à l’Assemblée et au Sénat, un texte très ambitieux.

Il démontre, si besoin en était et alors que les premiers résultats commencent à se mesurer, que le logement reste une priorité pour le Gouvernement et sa majorité.

Ce texte propose une alternative à l’étalement urbain et à l’artificialisation des sols en prônant un urbanisme rénové, notamment avec, à l’initiative de la commission du développement durable dont j’ai été le rapporteur pour avis en première lecture, la prise en compte des enjeux de biodiversité dans les documents d’urbanisme.

Au cours de la première lecture, un certain nombre de dispositions du texte ont été adoptées à une large majorité et approuvées par nos collègues de l’opposition.

Une disposition importante du projet fait encore débat aujourd’hui : le transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme aux intercommunalités ; les nombreuses interventions qui ont abordé le sujet pendant cette discussion générale le prouvent.

Nous avions entériné en première lecture le transfert automatique ou de plein droit de cette compétence. Nous avions alors déjà consenti à allonger le délai de ce transfert de six mois à trois ans après l’entrée en vigueur de la loi et prévu une disposition permettant l’organisation obligatoire d’un débat annuel par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale. Ces dispositions visaient à bien associer les maires des communes, qui conservent, je me permets de le rappeler, leurs prérogatives pour la délivrance des permis de construire.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Eh oui !

M. Philippe Bies. Ce transfert automatique de compétences, que le précédent gouvernement avait annoncé avant de reculer, et que les élus les plus urbains ont soutenu à l’Assemblée nationale et au Sénat, représente à mes yeux une des grandes avancées de ce projet de loi.

M. Jean-Marie Tetart. Pour l’urbain !

M. Philippe Bies. Il permet de résoudre un grand nombre de problèmes auxquels fait d’ailleurs référence l’étude d’impact du projet de loi. J’en citerai trois : assurer une meilleure cohérence des problématiques d’aménagement de l’espace à une échelle territoriale, échelle à laquelle chacun s’accorde à dire qu’elles font davantage sens quand on se place dans une véritable démarche de développement soutenable intégrant les politiques locales de l’urbanisme, de l’habitat et des transports ; renforcer la solidarité entre communes et conforter l’émergence de ce que j’appellerai « un esprit communautaire », alors que la multiplication des documents communaux favorise au contraire aujourd’hui la concurrence entre ces territoires ; surtout, et cette difficulté est d’importance par les temps qui courent, mutualiser les moyens financiers et d’ingénierie dont les communes ne disposent pas toujours, en particulier les plus petites d’entre elles.

Cette orientation s’inscrit d’ailleurs clairement et pleinement dans l’objectif de simplification administrative de notre pays tel que l’a rappelé le Président de la République dans ses vœux mais aussi lors de la conférence de presse d’aujourd’hui.

Nos collègues sénateurs ont souhaité, avec l’accord du Gouvernement, s’inscrire à contre-courant de ces objectifs. Le transfert reste certes automatique, mais peut être rejeté si une minorité de blocage – un quart des communes représentant au moins 10 % de la population – s’y oppose ; la mesure devient donc quasiment cosmétique.

À l’instar de nombre de mes collègues, j’estime que cette disposition n’est pas opportune. Tout d’abord, elle va dans le sens d’une complexification, alors que l’objectif est de simplifier. Ensuite, elle introduit un seuil qui n’a jamais existé dans le code général des collectivités territoriales. Enfin, et cela devrait nous interpeller toutes et tous, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons, et quel que soit notre avis sur l’opportunité de ce transfert, elle revient à donner à une minorité un pouvoir exorbitant, ce qui de mon point de vue fragilise la légitimité démocratique de l’intercommunalité, qui reste encore à construire dans de nombreux cas.

Mes collègues de la commission du développement durable et moi-même restons attachés à un transfert de plein droit de cette compétence. Il me semble que la proposition de la rapporteure, qui a été adoptée par la commission des affaires économiques, constitue de ce point de vue le vrai compromis. Le principe est en effet, à partir d’une position de départ, de parvenir à un point d’équilibre. Je ne reviendrai pas sur cette proposition et sur son contenu, que vous connaissez tous.

Chers collègues, si j’ai souhaité insister dans cette discussion générale sur le PLU, c’est parce qu’il me paraît révélateur de deux choses : notre volonté commune dans cet hémicycle, à droite comme à gauche, de lutter contre l’étalement urbain, mais aussi notre incapacité à passer de la volonté, des discours aux actes quand la pression de tel ou tel se fait sentir.

C’est pourquoi je souhaite aujourd’hui affirmer devant Mme la ministre qu’il me paraît nécessaire, avant la réunion d’une commission mixte paritaire, que nous trouvions un compromis entre la position des sénateurs, trop minimaliste à mes yeux, et celle de la commission, qui est déjà une position de compromis mais qui ne semble pas constituer le point d’équilibre recherché. Ce compromis doit nous permettre de passer du discours sur la simplification et les économies aux actes. Le PLU intercommunal est une des occasions de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Madame la présidente, madame la ministre, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un long processus législatif.

À chaque étape de l’examen de ce texte, nous avons essayé d’améliorer les dispositions qu’il contenait de façon constructive, de gommer les mesures purement idéologiques et de répondre aux besoins réels des Français en matière de logement. Nous avons encore plus de 700 amendements à examiner en seconde lecture sur un texte véritablement dense.

Je sais, et vous savez comme moi, madame la ministre, comment va se dérouler cette discussion. Nous allons continuer à nous opposer sur les mêmes points, avec les mêmes arguments, et vous nous répondrez alors que ces sujets ont déjà été traités. Néanmoins, je ne regrette pas la persévérance qui a été la nôtre sur les trois pierres d’achoppement de ce texte.

La première est la fameuse GUL, la garantie universelle des loyers. Entre la première version du texte et le dispositif réécrit par le Gouvernement au moyen d’un amendement déposé en commission des affaires économiques, il y a un gouffre. La GUL est désormais facultative et s’efface derrière la traditionnelle caution, beaucoup plus efficace. L’idée d’une taxe pour la financer a été abandonnée, si j’en crois les déclarations de la ministre. Cette taxe constituait l’une de nos principales craintes. En d’autres termes, il ne reste pas grand-chose de cette idée à laquelle vous semblez néanmoins toujours vous accrocher pour le principe. La GUL, ce sera surtout une agence publique – une de plus – qui coûtera environ 500 millions d’euros au budget de l’État pour quelques propriétaires qui auront la drôle d’envie de déresponsabiliser leur locataire.

Deuxièmement, les ambitions initiales ont également été clairement revues à la baisse s’agissant du PLU intercommunal, et je m’en réjouis. Le Sénat a instauré une minorité de blocage contre laquelle le Gouvernement ne semble plus pouvoir faire grand-chose.

Reste enfin la troisième mesure que vous aviez érigée en étendard : l’encadrement des loyers. Vous vous accrochez là aussi à ce dispositif, mais il a fallu le modifier profondément, au risque d’en faire une usine à gaz, pour qu’il soit applicable a minima. Les dispositions sur le complément de loyer sont clairement la preuve de l’absurdité de cette mesure qui, avant même d’être mise en œuvre, a été recouverte de sparadrap pour tenir debout. Je proposerai pour ma part un amendement visant à expérimenter le dispositif afin de le tester prudemment au lieu de l’appliquer au plus vite et à tout prix.

Ma position sur ce projet de loi ne surprendra personne : je considère que le secteur du logement se porte d’autant mieux que l’État évite de s’en mêler outre mesure, comme c’est le cas dans d’autres domaines.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Cela s’appelle le libéralisme ! C’est cohérent !

M. Lionel Tardy. Or c’est exactement la philosophie inverse qui sous-tend ce texte. Concernant les relations entre bailleurs et locataires, vous estimez qu’il revient à l’État d’établir un contrat type et de lister les documents à annexer. Vous demandez aux préfets d’encadrer les loyers, ce qui leur permet de s’immiscer joyeusement dans le droit des contrats à l’appui d’une disposition qui n’est ni plus ni moins qu’un retour à la loi de 1948. Vous restez persuadés qu’une agence publique pourra se substituer efficacement à des cautions solidaires. Vous créez une suspicion de fait pour les bailleurs qui souhaiteraient louer un logement pour de courtes durées en leur demandant des autorisations et des attestations. Vous créez un registre des copropriétés en difficulté, qui sera en réalité un immense fichier dont les contours ne sont pas correctement définis.

Ce ne sont que quelques exemples, mais ils montrent l’étonnante complexification que vous introduisez dans les lois existantes. Voilà encore un projet de loi qui va à l’encontre du choc de simplification voulu par le Président de la République, un objectif qui a d’ailleurs été réaffirmé cet après-midi mais qui ne sera visiblement pas plus à la mode gouvernementale en 2014 qu’en 2013.

Ainsi, la liste des documents que devra fournir un bailleur à son locataire n’a cessé de s’allonger au fil de l’examen de ce texte, tout comme celle qu’il faut fournir lors d’une vente. À côté de cela, les quelques bonnes dispositions esquissées, comme celle qui concerne les marchands de sommeil, sont noyées dans un flot de dispositions, dont certaines ont d’ailleurs été prises par ordonnance. Cela ne fait qu’alourdir le droit dans un domaine qui s’en passerait volontiers et où la loi devrait au contraire être compréhensible pour tous, car le taux de propriétaires en France demeure extrêmement faible par rapport au reste de l’Europe et nombre d’entre eux rechignent désormais à louer leur logement.

Si vous êtes animée par le même état d’esprit, madame la ministre, je crains que les textes réglementaires qui ont été annoncés pour atteindre l’objectif de 500 000 logements construits par an ne ratent leur cible, ainsi que l’a souligné notre collègue Michel Piron. Il me semble que c’est déjà le cas du présent projet de loi.

Je regrette une nouvelle fois que l’État se croit indispensable et que le texte procède à une complexification du droit. Je voterai donc, sans surprise, contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Martial Saddier. Excellent !

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la deuxième lecture du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-huit.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron