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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 20 janvier 2014

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Égalité entre les femmes et les hommes

Discussion d’un projet de loi adopté par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, pour l’égalité entre les femmes et les hommes (nos 1380, 1663, 1631, 1657).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, monsieur le rapporteur de la commission des lois, madame la présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, mesdames les rapporteures des commissions saisies pour avis, mesdames et messieurs les députés, homme ou femme, chacune et chacun d’entre vous représente ici la nation tout entière, composée à parts égales de femmes et d’hommes qui sont toutes et tous des citoyens égaux en droits, ainsi que le veut notre Constitution et que l’exigent les valeurs de notre République.

Cette égalité est encore, vous le savez autant que moi, à bien des égards une déclaration, une intention, voire – on s’interdit trop souvent d’utiliser ce mot aujourd’hui – une utopie. C’est une égalité sur le papier ; il nous revient de la faire advenir dans la réalité de la société française, de la rendre effective dans la vie de toutes et de tous si nous voulons tenir enfin la promesse républicaine qui est le socle du modèle français et ce que nous avons de plus précieux en commun, à gauche comme à droite de cet hémicycle.

Naître fille, demain, en France, ne doit plus forcément équivaloir à de moindres opportunités dans la vie, pas plus qu’à une liberté entravée de se choisir un destin et de le réaliser selon son mérite, ses capacités, ses envies et son travail, et non plus selon son sexe et les préjugés qui s’y rattachent.

J’entends parfois l’argument suivant, lequel, d’ailleurs, avance le plus souvent masqué, sous le couvert d’une vertueuse interrogation juridique : faire le choix de l’égal accès des sexes aux responsabilités dans la vie sociale, politique ou économique, ne serait-ce pas nier le mérite et les compétences ? Quelle erreur, quelle hypocrisie même ! Comment ne pas admettre, au contraire, que c’est en faisant le choix pendant des décennies de ne conjuguer les vertus et les talents qu’au masculin que l’on a foulé aux pieds ce principe même d’égalité et de justice qui est pourtant l’ambition de notre République ?

Cette ambition de justice, nous la partageons, je le sais, comme une exigence prioritaire et transversale de toute notre action publique. Elle passe d’abord par la mise en œuvre et l’application stricte des lois existantes ; c’est la mission à laquelle je m’emploie chaque jour avec le Gouvernement depuis maintenant vingt mois, avec le concours du Parlement qui n’a jamais failli dans son soutien – je vous en remercie – et dans sa volonté de progresser vers davantage l’égalité. C’est tout le sens de cette loi-cadre : la mobilisation et la mise en mouvement de toute la société pour réussir enfin à changer les comportements, les habitudes et notre conception d’un monde dans lequel les hommes prévaudraient systématiquement sur les femmes, en vertu d’un ordre établi depuis des siècles, sinon depuis toujours, et que rien ni personne ne pourrait renverser.

Il s’agit, au fond, de passer d’une égalité sur le papier à une égalité dans les faits. C’est tout l’enjeu du texte que nous allons examiner aujourd’hui. Il n’y a là aucun paradoxe : il faut faire une loi pour que les lois deviennent réalité ; il faut renforcer les sanctions quand elles existent ; il faut créer de nouveaux mécanismes de régulation quand c’est possible ; il faut simplifier les négociations pour que l’égalité devienne incontournable dans l’entreprise ; il faut innover aussi et expérimenter ; il faut, enfin, donner une direction unique et partagée, mais aussi des repères à toutes les forces de bonne volonté qui, dans notre société, sont en train de construire l’égalité.

Vous le savez bien, dans cette assemblée qui a pris toute sa part dans la longue histoire du combat pour les droits des femmes : ce n’est ni la première ni, sans doute, la dernière fois que vous êtes amenés à légiférer en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, invités à donner des droits nouveaux aux femmes, à leur accorder des droits spécifiques, à prendre les dispositions nécessaires pour les protéger des discriminations, des inégalités et des violences dont elles sont victimes en tant que femmes et parce qu’elles sont femmes.

Cette histoire est celle d’une lente construction, étape par étape, engagée petit à petit, à chaque fois que la société a été prête à franchir un pas nouveau en direction de l’égalité, dans tel ou tel domaine, à chaque fois aussi que le volontarisme politique s’est fixé un objectif nouveau à atteindre. À chaque fois que le volontarisme politique s’est imposé face aux conservatismes, à chaque fois aussi que le rassemblement a primé sur les divisions partisanes, notre pays a pu avancer sur le chemin tortueux de l’égalité. Eh bien, le moment est venu d’accélérer dans cette voie.

Il faut avancer d’abord pour ne pas reculer : c’est cela le combat pour les droits des femmes. Gardez-vous de croire, mesdames et messieurs les députés, que l’histoire soit écrite d’avance ; gardez-vous de croire qu’elle chemine naturellement vers le progrès ; gardez-vous de croire que l’histoire n’a pas besoin de vous.

Je le dis sans détour : les évolutions dans certains pays voisins font renaître une inquiétude en la matière. Elles nous montrent que nous ne sommes jamais à l’abri d’un retour en arrière,…

M. Bernard Roman. Exactement !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …que tout défaut de vigilance, toute faiblesse dans l’approfondissement et la consolidation des droits acquis sont autant de brèches ouvertes aux vents mauvais de la régression.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Absolument !

M. Bernard Roman. C’est la porte ouverte aux réactionnaires !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il n’est qu’à voir le nombre de témoignages que j’ai reçus depuis quelques semaines.

Je commencerai donc par évoquer la loi de 1975. Je le dis avec fermeté : ce texte inscrivant la liberté des femmes à disposer de leur corps n’est ni à débattre ni à négocier. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Nous n’accepterons aucun recul. Nous serons déterminés et même intransigeants. Toutes les entraves, toutes les tentatives de remise en cause de ce droit fondamental, toutes les régressions se heurteront à la poigne de l’État de droit.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Voilà !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le droit des femmes à disposer librement de leurs corps et à décider seules de leur vie a été chèrement acquis. Il sera chèrement protégé.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Votre commission des lois a supprimé la référence dans notre législation à la « situation de détresse » qui conditionnait l’accès à l’IVG. C’est une actualisation bienvenue de notre droit et la suppression d’une disposition devenue obsolète et qui, du reste, n’avait été en 1974 qu’une concession accordée dans le cadre de la discussion. Simone Veil elle-même ne l’avait acceptée qu’à contrecœur.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Absolument !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ayant relu les débats parlementaires de l’époque, je peux dire qu’elle s’était fermement opposée aux amendements proposés par la commission des lois qui visaient à faire référence, non pas simplement à une « situation de détresse », mais à une « situation de détresse grave et insurmontable ». Cinq ans plus tard, le Conseil d’État avait eu l’occasion de faire tomber ce critère dans l’arrêt Lahache. Il avait alors considéré que la référence à la situation de détresse n’était pas une condition : elle « n’a ni pour objet ni pour effet de priver la femme majeure du droit d’apprécier elle-même si sa situation justifie l’interruption de sa grossesse ».

Mme Marie-George Buffet. Voilà !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Votre commission des lois a souhaité tirer enfin toutes les conséquences de cette jurisprudence et mettre le droit en conformité avec la pratique.

M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Tout à fait !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Elle a ainsi poursuivi une démarche similaire à celle qui nous avait conduits en 1982 à prévoir le remboursement de l’IVG par la Sécurité sociale puis en 1994 à supprimer l’incrimination d’interruption de grossesse du code pénal. Sur ce sujet plus que sur tout autre, à droite, à gauche, nous savons écrire les lois ensemble.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Exact !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je vous demande donc de rester dans ce consensus. Je le dis notamment aux quelques députés de l’opposition – je sais que tous ne partagent pas cette position – qui ont déposé des amendements pour que l’IVG ne soit plus remboursée par la Sécurité sociale.

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Régression !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ce n’est pas bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Je le répète : restez dans le consensus républicain qui existe depuis 1975 sur ce droit essentiel. Le droit à l’IVG, nous l’avons construit ensemble ; il fait partie de notre patrimoine commun. Il nous faut le préserver, loin des passions inutiles, loin des manœuvres dilatoires. Envoyons un message clair aux femmes qui nous regardent. J’espère que nos débats en seront l’illustration.

Mme Marie-Anne Chapdelaine et Mme Pascale Crozon. Très bien !

Mme Marie-George Buffet. Bravo !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Mesdames, messieurs les députés, votre assemblée a été au cœur des combats pour les droits des femmes. Au moment d’ouvrir ce nouveau débat parlementaire, je voudrais faire appel à cette histoire et formuler le souhait que nous en soyons dignes. Je pense que nous pouvons trouver la volonté, la force qui sied à ce débat.

C’est la première fois qu’un projet de loi s’attaque de manière globale à tous les enjeux, avec un ensemble d’objectifs coordonnés : l’égalité professionnelle, la lutte contre les discriminations entre les femmes et les hommes au travail, la lutte contre les violences et les stéréotypes sexistes, la lutte contre la précarité, l’égal accès entre les femmes et les hommes aux responsabilités politiques, sociales et professionnelles, une parité qui ne s’applique non plus uniquement au champ politique, mais à toutes les institutions dans lesquelles les forces de notre société sont représentées.

Ce texte aborde aussi des enjeux nouveaux, tels que la place des pères dans l’éducation de leurs enfants et dans le temps de la vie personnelle, les conséquences des divorces et des séparations dans l’économie d’une famille, la place, le rôle et l’image des femmes dans les médias et dans la culture dans une société de l’information et du divertissement envahie par les écrans.

Avec ce texte, il s’agit non plus de simplement réparer les lacunes ou de combler les carences très graves qui existent, mais d’installer une véritable logique législative qui affirme l’égalité comme un tout, un ensemble cohérent, et qui se donne pour ambition de parvenir à l’égalité réelle à l’échelle d’une génération.

Il faut pour cela accepter, comme l’ont fait les sénatrices et les sénateurs avant vous, de se pencher sur des sujets nouveaux, d’adopter un regard différent, d’aller débusquer les causes les plus profondes des inégalités, où qu’elles soient, conscientes ou inconscientes.

Au regard du travail que nous avons déjà accompli pour enrichir ce texte, je sais pouvoir compter sur une volonté commune d’aboutir à une loi ambitieuse et efficace. C’est le sens des propositions que je reçois régulièrement, en particulier de votre délégation aux droits des femmes, toujours à la pointe du combat pour l’égalité, et dont je salue la présidente Catherine Coutelle. C’est aussi le sens du travail de votre commission des lois qui, sous la houlette de son président, a mené avec les rapporteures des commissions sollicitées pour avis, Mmes Orphé et Tolmont, un travail novateur, de grande ampleur. Permettez-moi enfin d’avoir un mot particulier pour votre rapporteur, Sébastien Denaja, dont le travail a déjà fait considérablement progresser ce texte sur le plan juridique et qui a proposé des solutions équilibrées pour plusieurs dispositions que le Sénat avait initiées sans en avoir nécessairement évalué les effets.

Pour la première fois, nous abordons de front la question de la répartition des tâches au sein des ménages. Pourquoi ? Parce que de l’équilibre de cette répartition dépendent non seulement le taux d’emploi des femmes et leur accès aux responsabilités professionnelles, mais aussi l’implication des pères dans la vie familiale, une implication que votre commission a d’ailleurs souhaité renforcer en apportant des garanties et une légitimité nouvelles aux pères qui font le choix d’être auprès de leur compagne avant, pendant et après l’arrivée de l’enfant.

Égalité professionnelle, prise en compte des enjeux de société que représentent les politiques d’égalité pour les hommes : voilà deux dimensions essentielles de ce texte que je souhaiterais mettre en avant et que je voudrais que nous gardions à l’esprit tout au long de la discussion.

C’est le sens, bien sûr, de la réforme du congé parental que je vous propose : pour le premier enfant, six mois s’ajouteront aux six mois actuels à condition qu’ils soient pris par le deuxième parent. À partir du deuxième enfant sera instaurée une période de partage de six mois dont le bénéfice ne sera accordé qu’à la condition d’un partage du congé avec le deuxième parent.

Il faut commencer par là, mais il ne faut pas s’en contenter. L’objectif, c’est le changement des comportements, le changement de l’organisation au sein des entreprises, avec, à la clé, une nouvelle liberté pour les familles : s’organiser comme elles l’entendent vraiment et non pas comme les traditions héritées du passé voudraient qu’elles le fassent.

Sur ce sujet, votre assemblée avait déjà fait de longue date des propositions. Je pense en particulier à l’excellent rapport de Marie-Françoise Clergeau, dont nous nous sommes inspirés. La réforme que nous dessinons marque une étape dans leur mise en œuvre. Votre commission a notamment adopté une mesure visant à expérimenter un congé optionnel plus court et mieux rémunéré. Ces propositions permettront de s’adapter aux familles en leur ouvrant de nouvelles possibilités pour construire de nouveaux équilibres, et ce, avec une préoccupation majeure : tout faire pour remettre les femmes sur le chemin de l’emploi, qui est aussi celui de l’insertion sociale, économique, et donc d’une véritable autonomie, d’une véritable indépendance. L’objectif est de tout faire pour donner aux femmes les moyens de se réinsérer dans leur environnement de travail au retour du congé parental ou de faire valoir leurs droits lorsqu’elles sont victimes de discrimination.

Notre objectif, avec le passage du complément de libre choix d’activité à la prestation partagée d’éducation de l’enfant, le nouveau nom du dispositif, est d’obtenir le même effet qu’en Allemagne, où une réforme similaire a été menée il y a quelques années. Cela revient à faire le pari que, d’ici à 2017, 100 000 pères opteront pour cette nouvelle prestation ; ils sont seulement 18 000 à prendre leur congé parental aujourd’hui.

Cette réforme du congé parental ne peut pas être isolée. Pour qu’elle soit réussie, le Gouvernement a choisi de l’accompagner d’un effort inédit pour développer les services d’accueil pour les jeunes enfants. Nous allons financer d’ici à 2017 275 000 solutions d’accueil supplémentaires pour les moins de trois ans, dont 100 000 places de crèche. Cela représente un effort de plus d’1 milliard d’euros d’ici à 2017 qui passe par le Fonds national d’action sociale de la branche famille. Nous consacrons aujourd’hui 1,7 milliard d’euros à ce poste. En 2017, il pèsera 2,8 milliards d’euros, ce qui correspond à une progression de 55 %. C’est un effort historique, et si la réforme du congé parental que je vous propose aujourd’hui venait à nous permettre de dégager des économies, sachez que nous les affecterions en priorité et exclusivement au renforcement de ces moyens d’accueil des enfants de moins de trois ans.

Vous noterez d’ailleurs que nous avons aussi pensé aux parents qui ne trouveraient pas, malgré ces nouvelles places, de solution d’accueil. Au moment de l’examen du texte par le Sénat, nous avons créé un dispositif de jonction pour les couples modestes au sein desquels l’un des deux parents travaille et qui n’ont pas reçu de réponse positive auprès d’une crèche ou de l’école maternelle. Pour eux, le versement de la prestation liée au congé parental sera prolongé au-delà du troisième anniversaire de l’enfant jusqu’à la rentrée scolaire de septembre pour laquelle les parents ont droit à une place à l’école pour leur enfant. C’est un droit nouveau pour résoudre une difficulté que nous n’inventons pas et que de nombreux parents rencontrent depuis longtemps.

Enfin, il fallait penser au retour à l’emploi des salariés qui prennent un congé parental, donc des femmes en particulier, puisque ce sont les plus concernées. Ce texte institue un véritable droit à l’accompagnement à l’issue du congé parental. Nous souhaitons en finir avec la placardisation au retour d’un congé parental en entreprises. Pour les salariés, qui ont droit à une réintégration dans l’emploi, nous prévoyons ainsi la possibilité de bénéficier d’un entretien avant la reprise de poste, pour que la carrière n’en soit pas affectée.

Nous souhaitons également en finir avec la fatalité des périodes de chômage à rallonge pour celles qui n’ont pas de perspective immédiate de retour à l’emploi et qui se retrouvent en grande difficulté après plusieurs années d’interruption de carrière. Désormais, un dispositif d’orientation et d’accompagnement renforcé sera mis en place entre les caisses d’allocations familiales et Pôle emploi un an avant la fin des droits au congé parental. Les femmes et les hommes concernés seront contactés, un bilan de compétences leur sera proposé et, en lien avec les régions, des offres de formations adaptées et un accompagnement personnalisé leur seront proposés pour faciliter leur retour à l’emploi.

Votre commission des lois a d’ailleurs enrichi ce texte de mesures qui favorisent l’engagement du deuxième parent au moment de la grossesse et après l’accouchement, en autorisant par exemple l’absence pour le conjoint salarié de la femme enceinte afin qu’il puisse se rendre à trois des examens médicaux obligatoires dans le cadre d’une grossesse. De la même façon, le texte prévoit désormais la protection contre le licenciement pour les hommes salariés au cours des quatre semaines qui suivent la naissance de leur enfant. Je m’en réjouis, car c’est un frein de plus à l’utilisation des congés paternité et des congés parentaux par les hommes qui est ainsi levé. Ce nouveau contexte que la loi va créer agira progressivement sur les comportements et les organisations relativement aux responsabilités domestiques et au bon équilibre des temps de vie et des temps professionnels, pour les hommes comme pour les femmes.

L’égalité professionnelle doit redevenir dans le même temps un passage obligé du dialogue social dans les entreprises. C’est pourquoi nous avons décidé de renforcer le cadre qui permet de négocier au sein de ces entreprises et de garantir les droits que nous avons inscrits dans le code du travail depuis plus de quarante ans : l’égalité dans les rémunérations, l’égalité dans le déroulement de carrières, etc. Ce sont de nouvelles garanties pour faire respecter ces derniers.

L’examen de ce texte au Sénat a ainsi été l’occasion de transposer les articles à portée législative de l’accord national interprofessionnel que les partenaires sociaux ont conclu sur ce sujet en juin dernier. Nous unifions, nous rendons plus efficace la négociation sur l’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes dans l’entreprise. Cette négociation devra désormais définir et programmer les mesures qui permettent concrètement de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes. Elle sera rendue plus effective grâce au rôle nouveau des rapports de situation comparée qui seront le point de départ de toute discussion.

En complément de ces évolutions, le projet de loi crée un dispositif nouveau, sur lequel je voudrais insister, pour amener les branches à négocier sur les classifications des emplois afin d’assurer la revalorisation des métiers à prédominance féminine. Beaucoup de ces classifications, comme vous le savez, sont datées, très datées. Elles induisent encore une moindre valorisation des emplois principalement occupés par les femmes malgré leur utilité sociale ou professionnelle avérée. Nous avons repris sur ce sujet les travaux du défenseur des droits. Avec Michel Sapin, nous avons saisi les partenaires sociaux, qui ont lancé vendredi dernier leurs travaux; les grilles de classifications vont pouvoir être revues et corrigées de ces discriminations qui sont le substrat des inégalités professionnelles.

Tout doit être fait pour amener les entreprises à l’exemplarité sur ce sujet ; tout, y compris agir sur le levier précieux de la commande publique. C’est le sens de la mesure du présent projet de loi qui prévoit que les entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle ne pourront plus soumissionner à des marchés publics. Votre commission a d’ailleurs fait œuvre utile en élargissant cette règle aux contrats de partenariat et aux délégations de service public.

Le but, entendons-nous bien, n’est pas de restreindre l’accès à la commande publique, évidemment, notamment pour les PME. Il est bien plutôt d’accompagner les entreprises dans l’application de leurs obligations en matière d’égalité et de faire de l’achat public un achat exemplaire. Cela a été fait ailleurs avec succès ; je pense au Québec ou à la Belgique. Cela devrait relever de l’évidence. Nous l’inscrivons dans la loi.

Assurer l’égalité professionnelle, c’est aussi lutter contre la précarité des femmes en emploi et hors de l’emploi. La loi de sécurisation de l’emploi, adoptée voilà près d’un an, a dessiné un nouveau cadre pour lutter contre les petits temps partiels trop souvent subis, contre les journées en miette et les rémunérations trop faibles qui les accompagnent.

Des aménagements sont en cours sur ce sujet : un minimum hebdomadaire de vingt-quatre heures qui, bon an mal an, va réussir à s’imposer dans les branches – on l’a vu la semaine dernière encore avec celle de la restauration rapide, qui a abouti à la signature d’un accord –, des heures complémentaires revalorisées, des droits sociaux accrus pour les salariées à très petit temps partiel qui ont été introduits notamment grâce à la réforme des retraites. Vous avez déposé de nombreux amendements sur ce sujet et je comprends votre impatience ; je dirai même que je la partage. Nous donnons encore quelques mois aux branches pour avancer sur ces questions et nous les accompagnerons, si besoin, avec des conférences de progrès comme nous avons déjà eu l’occasion de le faire dans le secteur de la propreté ou du commerce.

Il est vrai que des progrès sont encore nécessaires, notamment sur la question du droit d’accès des salariés à petit temps partiel aux arrêts maladie. Je m’adresse notamment à Catherine Coutelle, qui a déposé un amendement sur ce sujet qui a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. Sachez, madame la présidente, que nous sommes en train de travailler très activement sur ce sujet de l’accès aux arrêts maladie, aux indemnités journalières pour les petits temps partiels qui en sont aujourd’hui exclus. Cela ne relève pas de la loi mais du décret ; sachez cependant qu’une mesure s’inspirant de votre proposition est à l’étude et sera annoncée très prochainement.

Toujours dans le souci de lutter contre la précarité, nous avons posé les bases, dans ce texte, d’un nouveau service public qui proposera demain une garantie contre les impayés de pension alimentaire. Une promesse trop longtemps faite sans être tenue. Qui ignore que la précarité présente aujourd’hui trop souvent le visage d’une femme seule à la tête d’une famille monoparentale, trop souvent privée de cette ressource essentielle qu’est la pension alimentaire, à laquelle pourtant elle a droit ?

Ce dispositif, que nous inscrivons dans la loi, est une marque supplémentaire de l’attention et du soutien que le Gouvernement porte aux « mamans solo », aux mères isolées, fortement touchées par la pauvreté.

Nous en avons fait un public prioritaire du plan de lutte contre la précarité et pour l’inclusion, avec des traductions très concrètes : augmentation de l’allocation de soutien familial de 25 % d’ici 2018 – une première mesure interviendra en avril prochain –, mesures de lutte contre le surendettement, accès facilité au compte bancaire, entre autres.

Nous allons plus loin dans ce projet de loi, avec un nouveau dispositif de sécurisation des pensions alimentaires, qui a vocation à mettre un terme à la longue et lourde galère des mères isolées confrontées aux impayés de pension alimentaire. Il permettra aux caisses d’allocations familiales de se porter à leur secours dès le premier mois d’impayé par le versement d’une allocation différentielle, mais il n’exonérera aucunement les parents défaillants de leur responsabilité, bien au contraire, puisqu’il renforce les voies de recours des CAF contre les mauvais payeurs : la CAF fera l’avance, puis mettra en œuvre des moyens de recouvrement renforcés. Elle fera de la médiation auprès des familles, donnera de l’information pour limiter les contentieux. Elle vérifiera que les parents défaillants n’organisent pas leur insolvabilité : ce n’est pas une généralité, mais cela arrive et ce n’est pas jeter l’opprobre sur les hommes que de regarder cette réalité en face. Enfin, lorsque la pension alimentaire fixée en justice est d’un très faible montant, inférieur à 90 euros par enfant et par mois, la CAF la complétera pour éviter la précarisation d’office des enfants dont les parents jouent le jeu sans en avoir les moyens. Oui, c’est un dispositif ambitieux global et pragmatique que ce nouveau service public que l’on confie à celles qui connaissent le mieux la situation des familles : les CAF.

Je sais que certains d’entre vous voudraient généraliser ce dispositif dès maintenant, avant même la préfiguration que nous proposons.

Mme Barbara Romagnan. Oui !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. J’ai vu les amendements du groupe UDI sur ce sujet qui sont un appel à faire davantage, mais j’assume cette méthode de préfiguration de dix-huit mois avant la généralisation début 2016 : c’est le plus sûr moyen d’embarquer le plus grand nombre dans ce projet fédérateur et de caler les processus et les outils avant de les généraliser. J’assume cette nouvelle façon de faire la loi : il ne s’agit pas de rester dans l’incantation avec des dispositifs qui n’entrent jamais dans les pratiques, mais bien au contraire de prendre le temps de la préfiguration pour tester les outils que nous construisons, identifier les meilleures réponses avec les usagers eux-mêmes et former les agents pour qu’ils se les approprient totalement et les utilisent vraiment.

Je crois en cette méthode, parce qu’elle est synonyme de rigueur et donc d’effectivité du droit. Le manque d’effectivité, c’est ce dont les droits des femmes ont trop longtemps souffert ces dernières décennies.

Nous aiderons aussi les familles modestes pour la prise en charge des frais de garde par des assistants maternels à travers un dispositif de tiers payant qui leur évitera d’avoir à avancer des sommes importantes, trop importantes pour leur portefeuille. C’est une véritable mesure de pouvoir d’achat qui résoudra ce choix cornélien pour les parents modestes, et en particulier les femmes : faire garder ses enfants ou s’arrêter de travailler parce que cela coûte quasiment aussi cher.

J’en viens au troisième axe de ce projet de loi cadre : lutter contre les violences faites aux femmes. Tout ce volet est évidemment articulé avec le plan que j’ai annoncé en novembre dernier et que nous avons commencé à mettre en œuvre.

L’effort que vous êtes très nombreux à avoir demandé pour améliorer la formation des professionnels, nous le faisons enfin avec ce texte : la formation initiale et continue des personnels confrontés aux violences comportera désormais un module obligatoire consacré aux violences faites aux femmes. Nous avons déjà engagé le travail avec les professions médicales. En 2014, ce sera au tour des travailleurs sociaux, des forces de police, des avocats, des magistrats.

Nous avons par ailleurs décidé de protéger davantage les femmes victimes de violences au moyen tout d’abord de cette ordonnance de protection que votre assemblée a créée, inventée en 2010, mais qui n’est pas encore appliquée autant qu’elle le devrait sur l’ensemble du territoire. C’est pourtant un dispositif extraordinaire, qui permet aux femmes de bénéficier d’une protection efficace même lorsqu’elles ont fait le choix de ne pas porter plainte. Eh bien, nous le renforçons, parce que nous y croyons.

Nous renforçons aussi d’autres mesures, en particulier pour que l’éviction du conjoint violent devienne le principe. Aussi étrange que cela puisse paraître, cette disposition n’avait pas encore été écrite dans la loi : désormais, ce sera aux hommes violents qu’il appartiendra de s’interroger sur les conséquences de leurs actes, et de se chercher un autre hébergement.

Nous faisons en sorte d’étendre le téléphone portable « grand danger » partout sur le territoire, pour le mettre entre les mains de toutes les femmes en situation de grand danger – violences conjugales mais aussi récidive de viol, quel que soit leur lieu d’habitation.

Nous rendons exceptionnelle la médiation pénale pour les cas de violences conjugales, car nous considérons qu’en l’espèce, les hommes et les femmes ne sont pas sur un pied d’égalité.

Nous exonérerons du paiement des taxes et des droits de timbre les demandes de titre de séjour de femmes étrangères victimes de violences conjugales ou de traite. Je salue d’ailleurs vos amendements qui tendent à clarifier certaines situations encore ambiguës.

Nous améliorons encore la protection en renforçant la lutte contre le harcèlement, en particulier le harcèlement sexuel, à l’université par exemple, grâce à une mesure de dépaysement adoptée par la commission des lois et qui fait suite aux travaux et à l’engagement de longue date sur ce sujet de votre rapporteur mais aussi d’Axelle Lemaire. Nous approuvons bien évidemment cette disposition.

Mais nous avons décidé d’aller plus loin que ces mesures de protection afin de mieux prendre en compte les conséquences des violences conjugales lorsque des mineurs en sont les victimes. Disons les choses clairement : de manière directe ou indirecte, les enfants sont toujours victimes des violences conjugales, avec des conséquences en chaînes aux effets dévastateurs, tragiques au sens propre du terme, des destins brisés qui se reproduisent dans l’ombre du secret.

Ce chapitre relatif à la violence comporte enfin une mesure à laquelle je tiens tout particulièrement : le suivi des auteurs de violences et la prévention de la récidive. Il ne suffit pas, en effet, d’extraire une victime des mains de son bourreau. Trop souvent, on le sait, les couples se reforment et les violences avec elles ou parce que l’auteur des violences les reproduira avec une autre.

Des stages de responsabilisation spécifiquement conçus pour les auteurs de violences sexistes et sexuelles se mettront ainsi en place, à leurs frais. Ils seront assurés par des professionnels et des associations qui veilleront à les mettre face à la gravité de leurs actes et les aidera à combattre le déni qui est le terreau le plus fertile de la récidive.

Je tiens peut-être plus encore à ce que nous prenions ici toutes nos responsabilités pour prévenir la violence, extirper le mal à la racine, dans cette représentation des femmes, si souvent faibles, si souvent inférieures, si souvent réduites au rang d’objet et de produit de consommation, si souvent victimes et si rarement à l’image de ce qu’elles sont aujourd’hui dans la société française, et encore plus rarement de ce qu’elles devraient être, c’est-à-dire des égales, des femmes actives, autonomes, émancipées, diplômées.

Cette juste représentation des femmes sur tous nos écrans est un enjeu majeur. J’ai souhaité que les missions et les compétences du Conseil supérieur de l’audiovisuel soient revues. Le régulateur aura désormais la responsabilité d’assurer le respect de l’image des femmes et de promouvoir une représentation équilibrée de leur rôle dans la société : plus diplômées que les hommes, pourquoi seraient-elles condamnées plus longtemps à ne représenter que 20 % des expertes invitées sur les plateaux des émissions d’information, à la radio comme à la télévision, quel que soit le domaine de savoir ou de compétence ?

Si nous voulons changer la société, il faut l’affirmer : les images dégradantes des femmes, les violences qui leur sont faites, les stéréotypes sexistes ne doivent plus y avoir droit de cité. La loi doit y veiller, contraindre et sanctionner lorsque cela s’impose.

Il en va de même, bien sûr, pour internet et une première mesure à l’article 17 est prévue dans ce texte pour faire face à cet enjeu majeur. Nous sommes confrontés à un défi dont je mesure bien l’ampleur et la difficulté, puisque tout reste à penser en matière de régulation des contenus dans le domaine du numérique où la liberté d’expression et de création, l’absence de frontières, les zones de non-droit, la toute-puissance de quelques acteurs et la technologie elle-même rendent si difficile une position d’équilibre, crédible, efficace, respectueuse des droits fondamentaux.

Mais je le dis ici très clairement : nous ne pouvons être en deçà des restrictions à la liberté d’expression fixées par la loi sur la presse de 1881. Un recul démocratique n’’est pas acceptable. Nous devons permettre aux internautes de signaler aux hébergeurs les propos homophobes, handiphobes ou sexistes, comme c’est le cas pour les propos racistes, antisémites, l’incitation à la haine ou l’apologie des crimes de guerre. Il faut permettre ce signalement pour garantir la suppression de ces messages de haine.

La liberté, nous dit la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. L’exercice des droits naturels de chaque homme a pour bornes celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Il revient à la loi de déterminer ces bornes. Oui, il vous revient à vous, législateurs, de proclamer que le sexisme, sous ses formes les plus brutales comme les plus sournoises, ne relève jamais du simple mauvais goût, de l’inélégance, du trait d’esprit libre et impertinent que l’on appelle aujourd’hui le « politiquement incorrect ».

Il suffit d’y consacrer quelques minutes, devant une page internet, pour comprendre que se développe en ligne, accessible à toutes et à tous, une nouvelle culture du viol, décomplexée, bien souvent inconsciente de constituer une incitation à la violence et au crime, pout comprendre qu’aucune « liberté d’expression » ne saurait justifier ou tolérer au simple motif que cela se passe sur internet et pas à la télé ou dans la rue. Rappelez-vous, c’est d’abord et avant tout internet qui informe et éduque nos propres enfants. N’en détournons jamais notre regard au motif que ce serait « trop compliqué ».

Nous ne pouvons pas avoir l’ambition de solder le passé des inégalités entre les hommes et les femmes pour entrer dans le même temps, à reculons et sans défense, dans la société de demain, la société du numérique. Voilà pourquoi j’espère que l’article 17 sera adopté par votre assemblée.

Quatrième et dernier volet du texte, la parité. Votre assemblée, depuis un an, s’est souvent manifestée par sa volonté de donner toute leur place aux femmes dans les responsabilités électives et sociales. De nombreux textes ont été adoptés et nous ont permis de progresser, qu’il s’agisse de celui relatif à la refondation de l’école, à la réforme des modes de scrutins locaux, au non-cumul des mandats, à l’enseignement supérieur et la recherche.

Nous allons au-delà, puisque nous généralisons la parité, partout et tout le temps, à commencer par le monde politique afin de traduire l’engagement du Président de la République de renforcer la pression sur les partis politiques qui ne respectent pas leurs obligations de parité pour les élections législatives.

Le texte prévoit notamment de doubler les pénalités prévues sur la première fraction de financement des partis réfractaires. C’est, j’en suis convaincue, une évolution qui changera la donne et votre commission des lois a souhaité que votre assemblée soit à l’avant-garde sur ce sujet. Je ne peux que m’en féliciter, même s’il faudra veiller à la sécurité juridique du texte.

Le texte prévoit également depuis son passage en commission des lois de poser le principe de la parité entre la tête d’un exécutif local et son premier adjoint ou vice-président. Je m’en félicite.

Il généralise enfin le principe de l’égal accès des femmes et des hommes en adoptant une démarche à la fois pragmatique, ambitieuse et réaliste. Beaucoup de secteurs sont concernés : les fédérations sportives, les organismes consulaires, les ordres professionnels ou encore les autorités administratives indépendantes et les commissions consultatives placées auprès de l’État. Vous avez même proposé d’étendre ce principe aux commissions consultatives placées auprès des collectivités. J’y serai, au nom du Gouvernement, favorable.

Tout cela, mesdames et messieurs les députés, constitue l’armature d’une action de longue haleine, j’en suis pleinement consciente, une perspective à laquelle nous devons fixer un terme, un aboutissement : celui d’une génération pour qui nous préparons les conditions d’une société de l’égalité réelle. Je la crois fille de la volonté politique, bien lus qu’heureux hasard de l’esprit du temps ou sens de l’histoire.

C’est une action essentielle, pour les femmes évidemment, mais aussi pour la légitimité, la crédibilité de l’action publique, et la confiance que les citoyens accorderont, ou non, à leurs représentants, selon que nous serons capables d’accorder nos discours et nos valeurs, avec nos actes.

Ce texte a tout entier été conçu pour être appliqué, doté des moyens pour changer véritablement la donne, une fois confronté au réel : je souhaite qu’il soit très largement voté, par-delà les clivages, parce que son ambition est d’engager notre pays sur un chemin sans retour, celui de l’égalité entre les femmes et les hommes, sans laquelle il n’est pas de réelle liberté. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Sébastien Denaja, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la ministre, c’est sans doute parce que vous êtes la première femme à exercer la fonction de ministre des droits des femmes dans le premier gouvernement paritaire de l’histoire de notre pays que nous avons aujourd’hui l’honneur d’examiner le premier texte législatif abordant la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, et non plus de manière sectorielle. Cette démarche transversale est indispensable, car les inégalités souvent criantes qui persistent entre les femmes et les hommes appellent désormais une réponse globale et cohérente.

Ce projet de loi comporte donc des mesures diverses qui sont réparties entre quatre titres respectivement relatifs à l’égalité professionnelle, la mère des batailles, à la lutte contre la précarité des femmes, à la lutte contre les violences et les atteintes à la dignité et enfin à la parité.

Je me contenterai ici de signaler les mesures les plus emblématiques. En matière d’égalité professionnelle d’abord, la réforme des prestations versées aux parents qui interrompent leur activité professionnelle pour élever leur enfant est incontestablement l’une des mesures les plus importantes, parce que la répartition très inégale des responsabilités parentales au sein des couples a pour effet d’éloigner les femmes – souvent durablement – du marché du travail. Aussi la création d’une période de six mois qui ne peut être prise que par le second parent – disons-le : par le père – favorisera le rééquilibrage de ces responsabilités.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. La seconde mesure phare consiste à exclure de la commande publique les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations en matière d’égalité professionnelle entre les sexes. Compte tenu du poids des contrats publics dans notre économie, ce sera un levier puissant qui incitera les entreprises à faire davantage d’efforts pour respecter leurs obligations dans ce domaine et, je le dis, mériter d’être payées par de l’argent public. En outre, le texte incorpore les dispositions de l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle, et c’est une bonne chose.

En matière de lutte contre la précarité, la mise en place d’un mécanisme de garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires constituera par ailleurs une avancée concrète : on sait que 40 % de ces pensions ne sont pas payées ou le sont de manière irrégulière, ce qui pénalise des centaines de milliers de femmes et d’enfants.

En ce qui concerne la protection des femmes contre les violences, il faut saluer, madame la ministre, de la généralisation du dispositif « téléphone portable grand danger » remis aux victimes de violences conjugales et de viol, du renforcement de l’ordonnance de protection et de la formation des professionnels, comme vous l’avez indiqué, ainsi que de la priorité donnée au maintien de la victime dans le logement du couple : l’insécurité doit changer de camp.

Le projet de loi renforce également les compétences du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour assurer une plus juste représentation des femmes dans les programmes et pour lutter contre la diffusion de stéréotypes sexistes, qui constituent la matrice même des inégalités entre les femmes et les hommes.

Enfin, le dernier titre du texte vise à mettre en œuvre l’objectif constitutionnel de parité. Il double à cet effet les pénalités applicables aux partis qui ne respectent pas la parité aux élections législatives. Il applique le principe d’une représentation équilibrée dans les fédérations sportives, les chambres de commerce, les chambres et d’industrie, les chambres de métiers et de l’artisanat et les chambres d’agriculture. En clair, c’est la parité à tous les étages, du sol au plafond, dans tous les lieux de la vie publique, économique, sociale, administrative et politique. Je crois fermement que l’ensemble de ces mesures permettra de passer d’une égalité de droit proclamée à une égalité réelle.

Il va de soi que la commission des lois a accueilli très favorablement ce projet de loi, qu’elle a même adopté à l’unanimité de ses membres le 18 décembre dernier. Dans un esprit de coproduction, elle s’est efforcée d’en conforter et d’en compléter les dispositions en adoptant pas moins de 148 amendements, dont je citerai ici les plus notables.

Première amélioration : la commission a entièrement réécrit l’article 1er afin d’améliorer la hiérarchisation des objectifs de la politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Deuxième amélioration : les droits des pères salariés ont été renforcés par deux amendements. Le premier les protège contre tout licenciement durant les quatre semaines qui suivent la naissance de leur enfant ; le second leur octroie trois autorisations d’absence pour assister à certains examens prénataux tels que les échographies.

Troisième amélioration : les interdictions de soumissionner ont été étendues aux contrats de partenariat et aux délégations de service public, dans un souci de cohérence du droit de la commande publique.

Quatrième amélioration – j’assume et je revendique ce terme : la reconnaissance de l’interruption volontaire de grossesse comme un véritable droit pour les femmes, chère Axelle Lemaire. Ce droit, nous entendons le protéger et le conforter avec force et vigueur contre tous les réactionnaires, contre tous les rétrogrades qui sévissent aujourd’hui en France et en Europe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Très bien !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. S’agissant des suppressions, la commission des lois a eu la sagesse de renvoyer à la discussion de la loi sur la famille la question de la résidence alternée des enfants après séparation des parents. D’autre part, plusieurs articles prévoyant la remise de rapports au Parlement ont été remaniés conformément à la doctrine de la commission des lois – que je devrais plutôt appeler la « jurisprudence Urvoas », puisque c’est ainsi que l’histoire la retiendra.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Quel excellent rapporteur ! (Sourires.)

M. Sébastien Denaja, rapporteur. D’autres dispositifs ajoutés par le Sénat ont été entièrement réécrits. C’est le cas par exemple de l’interdiction des concours de beauté pour les mineures, souvent appelés concours de « mini-miss », qui a été remplacée par un régime d’autorisation administrative préalable pour les concours ouverts aux mineures de treize à seize ans, et par une interdiction pour les concours ouverts aux mineures de moins de treize ans, assortie de peines désormais contraventionnelles.

Pour ce qui est de la parité, nous nous sommes efforcés d’être à la hauteur des valeurs historiques auxquelles adhère la majorité présidentielle en relevant les pénalités relatives à la première fraction de l’aide publique de 150 à 200 %, sous la houlette du président Le Roux. L’obligation de représentation équilibrée dans les conseils d’administration et de surveillance de certains établissements publics a été étendue aux représentants de l’État. Enfin, chère Marie-Jo Zimmermann, la date d’entrée en vigueur de l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance des sociétés non cotées a été avancée du 1er janvier 2020 au 1er janvier 2017.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Ces dispositions ont été complétées par un nouveau chapitre du projet de loi consacré à la parité dans les collectivités territoriales, qui impose par exemple la parité à la tête des exécutifs locaux. Désormais, un rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes devra être débattu dans les assemblées locales et présenté avant la discussion du budget. Enfin, l’effectivité de l’obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les nominations aux emplois supérieurs de la fonction publique a été renforcée : toute nomination y contrevenant sera désormais nulle.

Vous le voyez, il s’agit d’un texte vivant, et je souhaite que nos débats de cette semaine permettent de l’améliorer encore davantage. Dans cet esprit, je vous soumettrai plusieurs amendements qui ont pour objet de renforcer la qualité rédactionnelle de certaines dispositions ou de compléter le projet de loi.

Je vous proposerai par exemple de féminiser les académies regroupées au sein de l’Institut de France, qui demeurent encore à ce jour de véritables bastions masculins – à l’image de l’École d’Athènes représentée ici même sur cette magnifique tapisserie des Gobelins, inspirée de l’œuvre de Raphaël. Comme l’écrivait Stendhal, madame la ministre, « l’admission des femmes à l’égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain ». N’est-ce pas sous ce sceau que vous avez adressé vos voeux ? À l’aube du XXIe siècle, il me semble qu’il est temps de mettre un terme à cette surreprésentation masculine dans une institution vieille, il est vrai, de quatre siècles.

Enfin, je vous proposerai une autre mesure peut-être plus modeste, mais tout aussi concrète, visant à assurer le respect par les administrations du nom de famille des femmes mariées : l’égalité, encore et toujours, jusque dans les moindres détails de la vie quotidienne.

Mes chers collègues, nous vivons dans une société où les inégalités entre les femmes et les hommes sont encore bien réelles et parfois même cruelles. Or, comme le Président de la République, François Hollande, je crois que l’âme de la France, c’est l’égalité. C’est pourquoi votre commission des lois vous recommande d’adopter le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, depuis les premières batailles du peuple français pour ses droits et sa liberté, la question de l’égalité entre les femmes et les hommes se pose. Malgré les avancées majeures de ces dernières décennies, la conquête de l’égalité réelle entre femmes et hommes est loin d’être achevée. Il s’agit pourtant bien d’un sujet qu’il nous faut ériger en priorité. La remise en cause des droits des femmes constitue un véritable fléau, empêchant l’épanouissement de notre société et mettant sérieusement en danger la liberté des femmes. Récemment, un terrible écho à ces inégalités vient de retentir en Espagne où est actuellement discuté un projet de loi qui prévoit de restreindre fortement les conditions de l’accès à l’interruption volontaire de grossesse.

Ainsi, oui, le chemin est encore long pour acquérir l’égalité des sexes, en Europe et en France. Face aux formes de résistance encore tenaces à cet accomplissement, il est de notre responsabilité à tous de nous mobiliser pour éveiller notre société à la nécessité d’installer une égalité réelle et irrévocable entre les femmes et les hommes.

François Hollande a affirmé avec détermination son engagement au service de l’égalité. Cette ambition s’est immédiatement concrétisée par la création d’un ministère des droits des femmes de plein exercice. Nous pouvons être fiers de l’énergie que Mme la ministre a déployée dans cette grande mission ; il en découle un projet de loi qui aborde pour la première fois la question dans toutes ses dimensions.

Au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, nous nous sommes intéressés à la question de l’égalité dans trois domaines : les médias, la culture et le sport.

En tant qu’acteur de la construction des représentations sociétales, le secteur audiovisuel doit prendre part à ce combat nécessaire pour l’égalité. En effet, véritable organe de socialisation, les médias ne sont pas seulement des instances de présentation d’une société : ils participent pleinement au discours que la société produit sur elle-même et à la formation de ses représentations, les programmes étant vecteurs d’insidieux stéréotypes sexués. En 2006, une enquête révélait l’anonymat des femmes dans les médias : une femme citée sur six était anonyme, contre un homme sur trente-trois. De la même façon, l’expertise des femmes est négligée par les médias qui ne font intervenir que 20 % d’expertes. Au regard de ces constats, nous devons tous faire preuve de vigilance pour lutter contre ces représentations. C’est en ce sens que l’article 16 renforce les compétences du CSA en le chargeant de lutter contre les stéréotypes sexistes.

Se voulant ouverte à la diversité et éclairée sur la société, la culture doit se saisir totalement de l’objectif d’égalité des sexes. Là où ailleurs, l’argument de la compétence est avancé pour légitimer la présence des hommes, le milieu culturel répond par la notion de talent, seul élément qui justifierait le choix des acteurs des projets culturels. J’ignore alors sur quel fondement repose l’idée que le talent serait exclusivement réservé aux hommes ! Ainsi, dans le secteur culturel, la direction comme la production sont toujours monopolisées par les hommes. En réponse à cette inégalité, l’action volontariste de la ministre de la culture s’est traduite par la création de l’Observatoire de l’égalité entre les femmes et les hommes dans la culture et la communication, démarche qu’il nous faut absolument pérenniser en faisant figurer cette structure dans la loi.

Dans le sport également, le sexisme est particulièrement criant. Le monde du sport est une instance de construction des représentations qui jouit d’une influence puissante en termes de transmission de valeurs identifiées comme universelles et inaliénables. En tant que créateur de cohésion sociale, il a le devoir de prendre part au combat pour l’égalité des sexes.

Au service de cette mission, les fédérations sportives doivent se positionner. En diffusant une représentation égalitaire des femmes et des hommes, elles peuvent avoir un impact fort sur la féminisation de la pratique sportive. Pourtant, seules 11 fédérations sportives sur 117 sont dirigées par des femmes et 5 % seulement des directeurs techniques nationaux sont des femmes. S’ajoute à ces statistiques une aberrante justification : les femmes seraient absentes, incompétentes ou réticentes à occuper de telles responsabilités. Reconnaissons simplement que cet univers sportif dominé par les hommes ne laisse que très peu de place aux femmes.

Le projet de loi proposait dans sa version initiale un objectif de parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives. De mon point de vue, il est regrettable que le Sénat ait souhaité réduire cet objectif à un quota de 40 % : un retour à la parité me paraît nécessaire.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Très bien !

Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis. Aux demandes de souplesse dans le calendrier et la mise en œuvre de cette mesure, qui ont été formulées à ce sujet, je souhaite répondre qu’un retour à la stricte parité n’est pas un frein au travail que les fédérations sportives ont déjà conduit pour faire évoluer la place des femmes dans les instances dirigeantes : elle n’en est que le support et l’appui nécessaires pour accompagner cette progression.

De toute évidence, la considération de la question de l’égalité entre les femmes et les hommes est urgente. Pour combattre les inégalités et les préjugés fondés sur le genre, la mobilisation doit être unanime. Il est bien du devoir du législateur d’impulser les transformations de la société, précisément quand elles ne s’imposent pas de fait. Ainsi, mes chers collègues, au-delà des dispositions dont la commission des affaires culturelles s’est saisie, c’est l’ensemble de ce projet de loi que je vous invite à adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Monique Orphé, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, alors que nous allons fêter le soixante-dixième anniversaire de l’octroi du droit de vote aux femmes et malgré de nombreuses avancées, les inégalités entre les femmes et les hommes restent persistantes, voire criantes, des inégalités soulignées dans mon rapport et que vous avez tous rappelées.

C’est dans ce contexte et forts de ce constat que vous, madame la ministre, et le Gouvernement, avez souhaité déposer ce texte, qui a été examiné au préalable par le Sénat. Un projet de loi qui s’inscrit également dans un contexte de mobilisation du Gouvernement et des partenaires sociaux pour faire reculer ces inégalités.

Le texte promeut une approche transversale et intégrée de résorption des inégalités, dont l’article 1er résume à lui seul les principales orientations. Les titres I et II du présent texte constituent la déclinaison d’une partie de ces mesures, dont la commission des affaires sociales s’est saisie pour avis.

L’approche intégrée prônée dans l’article 1er propose une hiérarchisation des actions composant la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes – hiérarchisation modifiée en commission – afin de mieux tenir compte des priorités. En effet, les actions destinées à prévenir les stéréotypes sexistes, matrice des discriminations, et à protéger les femmes contre les atteintes à leur dignité et contre les violences, doivent en particulier en constituer les premiers axes.

S’agissant des titres premier et II, je me bornerai à souligner les principales améliorations apportées par la commission des affaires sociales et incluses dans le texte adopté par la commission des lois, saisie au fond.

Les outils permettant d’instaurer une réelle égalité professionnelle ont été renforcés. Il nous est proposé tout d’abord, de réformer le contenu des obligations de négocier des branches, pour en accroître la portée et l’ambition. L’article 2 C, qui renforce la négociation quinquennale sur les classifications, a été complété pour tenir compte de la notion de mixité des emplois.

L’article 6 bis propose d’étendre la négociation de branche annuelle sur les salaires aux mesures permettant d’atteindre ces objectifs.

Le texte propose également de clarifier les négociations annuelles d’entreprise en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, afin d’en accroître l’effectivité. L’article 2 E crée ainsi un dispositif unique et intégré de négociation sur l’égalité professionnelle et salariale, alors qu’aujourd’hui, il existe deux négociations distinctes dont l’articulation n’apparaît pas satisfaisante. Cet article, qui constitue la déclinaison législative d’une disposition de l’accord national interprofessionnel du 19 juin 2013, a été modifié pour qu’il soit tenu compte du déroulement non discriminant de l’évolution des carrières.

Le texte vise également à améliorer le contenu du rapport de situation comparée – qui sert de base aux négociations en entreprise –, avec l’article 6 quater sur le suivi des taux de promotion par sexe, avec l’article 5 ter, sur les questions de sécurité et de santé au travail, avec l’article 6 ter sur l’analyse des niveaux de rémunération et avec l’article 2 D sur l’obligation d’actualiser le rapport de situation comparée. La commission des affaires sociales a enrichi le rapport en introduisant des données comparatives, relatives aux données salariales, permettant d’éclairer plus largement les aspects liés à l’inégalité.

L’article 3 crée une nouvelle sanction à l’encontre des entreprises qui n’auraient pas encore mis en œuvre leurs obligations en matière d’égalité professionnelle.

Telles sont les dispositions relatives à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Le projet de loi tend également à réformer certains dispositifs juridiques afin de favoriser une parentalité égale et, partant, le retour des femmes à l’emploi. C’est le sens de l’article 2 qui instaure une période de partage du complément de libre choix d’activité entre les deux parents pour permettre aux pères d’exercer leur responsabilité parentale et améliorer le retour à l’emploi des femmes qui le souhaitent. Outre la nouvelle dénomination, plus porteuse de sens – PREPARE, autrement dit « prestation partagée d’éducation de l’enfant » –, le dispositif a été amendé pour ne pas tenir compte de l’inclusion du congé de maternité dans le décompte de la durée de la prestation pour les mères d’un seul enfant.

L’article 4 renforce le statut des collaborateurs libéraux. Le dispositif a été amélioré, car la rédaction relative au volet « lutte contre les discriminations » ne permettait pas de garantir le principe de non-discrimination à la rupture du contrat des collaborateurs libéraux.

Avec l’expérimentation prévue par l’article 6, le texte tend également à remédier à la précarité des familles monoparentales exposées au risque financier que constitue le défaut de paiement des pensions alimentaires. Les durées d’expérimentation ont été réduites en vue d’une mise en application dès le 1er janvier 2016.

L’article 6 septies, dont la rédaction a été revue, réintroduit le principe de l’expérimentation du versement en tiers payant du complément libre choix du mode de garde, censuré par le Conseil constitutionnel à l’occasion de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2013. Il faut saluer cette avancée au profit des familles les plus modestes pour lesquelles l’effort financier est plus important lorsqu’il s’agit d’un mode de garde individuel.

Je terminerai enfin en évoquant un droit difficilement acquis par les femmes, celui de l’IVG. L’article 5 quinquies, qui renforce la protection offerte aux femmes qui souhaitent recourir à une IVG, a été complété avec l’adoption de l’article 5 quinquies C. Il a ainsi été décidé de supprimer la notion de « femme enceinte que son état place en situation de détresse » en affirmant le droit des femmes de choisir ou non de poursuivre une grossesse.

Telles sont les principales évolutions portées par ce texte dont la portée pour les femmes justifie qu’il soit adopté à l’unanimité par notre Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, madame la ministre, madame lza présidente de la délégation, monsieur et mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, au moment de prendre la parole, me revient spontanément à l’esprit cet extrait de l’article X de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, portée avec tant de clairvoyance en 1791 par Olympe de Gouges : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune ». (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plus de deux siècles plus tard, avec la même actualité et la même volonté politique, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a pour vertu cardinale de nous permettre d’aborder la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes ses dimensions. Car, à l’instar de ce que nous avons engagé pour la jeunesse – autre priorité du Gouvernement –, la politique menée en faveur des droits des femmes doit concerner tous les domaines de l’action publique.

Alors, avec la belle ténacité que l’on vous connaît, madame la ministre, vous vous êtes assignée trois objectifs, ô combien ambitieux : rendre les droits acquis par les femmes réellement effectifs – car que vaut la loi si elle n’est pas appliquée ? –, en assurer de nouveaux et permettre de nouvelles expérimentations. Trente ans après, vous inscrivez ainsi vos pas dans ceux d’une femme remarquable, à laquelle nous devons tant : je veux citer à cette tribune le nom d’Yvette Roudy. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Huguette Bello. Très bien !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Dans les domaines qui intéressent la commission que je préside, le texte dont nous débattons se traduit tout d’abord par des dispositions concernant la place des femmes dans le secteur culturel. C’est une préoccupation que nous partageons et c’est la raison pour laquelle j’ai voulu rédiger, dès le début de la législature, une proposition de résolution sur les modalités de recrutement à la tête des grandes institutions culturelles. Car, en ce domaine, les statistiques sont éloquentes : un rapport, rendu par Sophie Deschamps, ancienne présidente de la société des auteurs et compositeurs dramatiques a en effet montré qu’il faudrait – tenez-vous bien ! – neuf ans de nominations strictement paritaires dans le domaine culturel pour atteindre seulement 30 % de femmes représentées…

Or la mise en œuvre d’une politique tendant à promouvoir l’égalité, la parité et la diversité apparaît d’autant plus indispensable dans le champ de la culture que celle-ci se doit d’être emblématique des valeurs et des principes qui sont au cœur du pacte républicain et qui fondent notre vivre ensemble.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Absolument !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Je le dis ici avec force : la France, qui s’enorgueillit d’être le pays de l’exception culturelle, ne peut rester durablement le pays de l’exception masculine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est la raison pour laquelle la représentation nationale a voté ici même, le 5 juin dernier, cette proposition de résolution anticipant le débat d’aujourd’hui et indiquant clairement qu’il n’est que temps d’agir. À cet égard, la mise en place par la ministre de la culture d’un observatoire de l’égalité est particulièrement utile, et je suis fondamentalement convaincu que la proposition de notre rapporteure pour avis, Sylvie Tolmont – dont je tiens à saluer l’excellent travail qu’elle a fourni sur ce texte (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) –, visant à pérenniser et observatoire, est particulièrement pertinente.

La lutte contre les représentations sexistes dans les médias audiovisuels est aussi au cœur de nos préoccupations. Il s’agit d’un domaine d’action essentiel dans lequel ce projet de loi opère en donnant au CSA des moyens nouveaux pour veiller, non seulement à la représentation des femmes dans les médias, mais, au-delà, à leur image. Le service public doit, en la matière, être exemplaire ; or à ce jour, il ne l’est pas : pas une seule femme ne figure parmi les quatorze membres du comité exécutif de France Télévisions.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il y a encore de la marge !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Représentant notre assemblée au sein de son conseil d’administration, j’aurai donc à cœur de suivre avec attention la mise en œuvre des engagements pris par Rémi Pflimlin en juillet dernier.

Je n’oublie pas combien l’éducation est fondamentale pour lutter contre les discriminations et les inégalités et je tiens à rappeler que l’examen des textes sur la refondation de l’école de la République et sur l’enseignement supérieur et la recherche a permis de faire progresser la parité dans nombre d’instances de gouvernance, mais aussi de prendre en compte l’égalité dans la scolarité et l’orientation des élèves. L’évaluation du programme « ABCD de l’égalité », lancé dans dix académies, nous permettra aussi de voir quels sont les outils les plus pertinents pour y parvenir.

Explication et formation sont deux piliers indispensables de la marche vers l’égalité. C’est pourquoi nous pensons utile qu’une attention toute particulière soit portée à la formation des professionnels des activités physiques et sportives et que la pratique sportive féminine ne soit pas considérée comme secondaire. Enfin, dans ce domaine, je crois que l’objectif d’une féminisation croissante, avec à terme un objectif de parité des instances dirigeantes des fédérations sportives, doit être poursuivi avec détermination et volontarisme.

Mes chers collègues, la tâche n’est jamais simple pour faire progresser notre pays sur le long et toujours trop lent chemin de l’égalité des droits, et tout particulièrement de l’égalité entre les femmes et les hommes. Alors, avec ce projet de loi si républicain, traduisons notre volonté collective de brûler les étapes ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « Mais qu’est-ce qu’elles veulent encore ? Faut-il vraiment légiférer à nouveau « pour l’égalité entre les femmes et les hommes » ? N n’y a-t-il pas des sujets plus urgents à discuter au Parlement ?

Ces questions, nous les entendons et, bien sûr, les Françaises ne sont pas les plus mal loties. Certes, l’après-guerre a vu s’accélérer, certes tardive, des femmes aux droits fondamentaux dans notre pays : droit de vote, droit d’exercer un métier et d’ouvrir un compte en banque seule, exercice partagé de l’autorité parentale, droit à disposer de leur corps par l’accès à la contraception et à l’IVG, droit à l’égalité professionnelle, parité en politique, garantie par la Constitution de droits égaux dans tous les domaines.

Alors qu’est-ce que nous voulons encore ? Passer de l’égalité en droit à l’égalité réelle, effective, visible, et pour cela, madame la ministre, il faut changer de rythme. Car, au rythme actuel, cette assemblée sera paritaire dans quinze ans ; au rythme actuel, l’égalité des salaires sera effective dans 100 ans ; au rythme actuel, la répartition des tâches au sein du couple sera équilibrée dans 900 ans… On accordera à la présidente de la délégation aux droits des femmes celui de manifester un peu d’impatience !

L’égalité effective entre les femmes et les hommes suppose le déploiement concomitant de politiques signalant clairement que les inégalités constituent un phénomène social unique dont les différentes composantes entretiennent des liens complexes et se nourrissent mutuellement, formant un cercle vicieux d’inégalités : salaires moindres et carrières heurtées, famille monoparentale et pauvreté, temps partiel et petites retraites, plafond de verre et plancher collant. La nécessité d’une approche globale et intégrée, voilà ce qu’a compris ce gouvernement !

La création d’un ministère aux droits des femmes de plein exercice, celle du Haut conseil à l’égalité, la nomination de hauts fonctionnaires dans chaque ministère et l’annonce en début d’année par M. le Premier ministre d’un programme pluriannuel prouvent l’ambition nourrie par le Gouvernement d’engager notre pays dans la troisième génération des droits des femmes, celle de l’effectivité des droits. Vous marquerez de votre empreinte, madame la ministre, le long combat pour l’égalité !

Mme Claude Greff. Il ne faut quand même pas exagérer !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Pour la première fois, une loi cadre affirme l’ambition d’une approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes portant sur l’ensemble des politiques menées par l’État et les collectivités territoriales. C’est en agissant avec force et dans tous les domaines que l’on fera avancer les droits des femmes pour toutes les femmes, car il existe des inégalités entre elles et les stéréotypes sexistes aggravent les inégalités sociales. La délégation aux droits des femmes adhère pleinement aux objectifs du projet de loi. Dès le printemps dernier, nous avons commencé à travailler pour enrichir le texte.

Je remercie tous ses membres de leur investissement, en particulier les quatre qui ont été nommées rapporteures : Brigitte Bourguignon pour la parité, Edith Gueugneau et Monique Orphé pour la lutte contre les violences et Barbara Romagnan pour l’égalité professionnelle. Chacune insistera sur les titres dont elle a la charge. J’ai coordonné le travail collectif qui se conclut par une centaine de recommandations.

Vous vouliez un texte vivant, madame la ministre, il l’est : il a connu des modifications au Sénat et arrive à l’Assemblée, assorti de soixante-dix dispositions. Son architecture et sa construction demeurent symboliquement fortes : le titre I est relatif à l’égalité professionnelle, dont découlent toutes les autres formes d’égalité. Il permettra notamment aux femmes de rattraper enfin leur retard salarial

Par ailleurs, le projet de loi comporte la réforme phare du congé parental. Même si la délégation aux droits des femmes appelle de ses vœux un congé plus court et mieux rémunéré, l’approche est intéressante car, pour la première fois, les pères seront invités à s’impliquer. En s’attaquant à des stéréotypes tenaces, on agit véritablement pour changer la vie quotidienne.

Deux amendements ont fait l’actualité du week-end : ils sont, disons-le avec force, particulièrement bienvenus pour sécuriser le droit à l’avortement. Le gouvernement conservateur espagnol nous fait prendre conscience que les droits ne sont jamais définitivement acquis, que nous devons rester vigilantes et vigilants et que la France doit être le fer de lance du combat pour les droits des femmes sur la scène internationale, en particulier au sein de l’Union européenne, ce à quoi vous savez travailler, madame la ministre.

Je laisse aux rapporteurs le soin de détailler les titres de ce projet de loi et je terminerai mon propos en appelant l’attention sur un sujet évoqué par le rapport de la délégation, mais qui ne peut figurer dans la loi car il est d’ordre réglementaire : la féminisation des titres et des noms de métiers et de fonctions. Yvette Roudy avait jadis mis en place une commission qui a travaillé pendant trois ans sous la direction de Benoîte Groult pour aboutir à une circulaire ; mais les résistances sont fortes, y compris chez certaines femmes qui ont des responsabilités. Le masculin, considéré comme l’ordre universel, assure-t-il mieux l’autorité ? La langue est le fondement du symbolique et le miroir de nos rapports de force. L’usage du masculin rend invisible l’accession des femmes aux nouvelles fonctions. Comment les filles peuvent-elles se projeter dans ce qui n’est pas nommé ?

En conclusion, mes chers collègues, je veux souligner à nouveau l’importance de ce texte et de notre débat. L’attente et le soutien dont font l’objet dans l’opinion publique les grands enjeux d’égalité, de parité et de lutte contre toutes les violences ne se démentent pas.

La loi renforcera l’effectivité des droits. Cependant, nous savons toutes et tous, comme le rappelait Simone de Beauvoir, que « rien n’est jamais définitivement acquis » et qu’« il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question ». « Votre vie durant », concluait-elle, « vous devrez rester vigilantes ». Des bastilles psychologiques restent à abattre. C’est par l’éducation, la lutte contre les stéréotypes et le changement des comportements que tomberont les forteresses ; la loi constituera un point d’appui solide pour continuer le combat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Discussion générale

M. le président. La parole est à Mme Axelle Lemaire, première oratrice inscrite dans la discussion générale.

Mme Axelle Lemaire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur la rapporteure…

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Pardon ?

Mme Axelle Lemaire. Pardonnez-moi ce trait d’ironie : c’est pour vous faire sentir l’effet que cela fait ! (Sourires.)

Mes chers collègues, les droits des femmes ont connu en quelques années une avancée spectaculaire. En un temps pas si lointain, les Françaises n’avaient pas le droit de voter, d’exercer une activité professionnelle et d’ouvrir un compte en banque sans l’accord de leur conjoint ou encore d’exercer l’autorité parentale sur leurs enfants : le chef de famille, c’était l’homme. Jusqu’en 1975, elles risquaient d’être poursuivies pénalement pour avoir mis un terme à une grossesse non désirée et mettaient leurs vies en danger pour choisir celle qu’elles voulaient mener. Que de progrès accomplis en si peu de temps !



Dès lors, à quels besoins répondrait une nouvelle loi relative à l’égalité entre les femmes et les hommes ? C’est le ralentissement du progrès, qui s’est heurté à un plafond que l’on voit peut-être moins, mais qui est toujours là, qui la justifie. Les chiffres sont têtus, malheureusement. En dépit de tous les efforts, en particulier législatifs, la société est parfois rétive, les forces conservatrices et régressives se redressent et les reculs nocifs se multiplient. « On ne naît pas femme, on le devient », disait Simone de Beauvoir. En France, aujourd’hui encore, on ne naît pas forcément victime d’inégalité, mais on continue de le devenir !



M. Bernard Roman. Très juste !

Mme Axelle Lemaire. Quelques chiffres suffisent à le rappeler : un écart de rémunération de 27 %, des tâches domestiques exercées par les femmes à 80 %, 80 % de salariées à temps partiel, 23 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40, 26 % de députées à l’Assemblée nationale, 14 % de femmes maires et 10 % des femmes françaises victimes de violences conjugales. L’égalité entre les femmes et les hommes demeure encore et toujours un champ de conquêtes. C’est le parti pris de ce projet de loi : traquer les inégalités dans chaque interstice de la société, dans chaque mécanisme social, bousculer les mentalités afin de déconstruire les stéréotypes. À cette fin, le texte s’adresse à la fois à la gent féminine dans son universalité et à chacune d’entre nous, peut-être aussi à chacun d’entre vous, messieurs ! (Sourires.)

La loi s’adresse par exemple à la femme salariée : je suis une femme salariée, heureuse que mon conjoint, désormais protégé du licenciement, puisse bénéficier du congé parental et m’accompagner lors de ma première échographie. Je suis avocate, collaboratrice libérale, désormais protégée de la rupture discriminatoire de mon contrat de travail. Je suis une mère en situation précaire, isolée et au revenu modeste : je suis désormais à même de rémunérer l’assistante maternelle grâce au tiers payant versé par la CAF ; je bénéficie en outre d’une prestation d’assistance familiale qui sert également de base à la CAF pour poursuivre plus efficacement le parent mauvais payeur. Je suis une femme victime de violences perpétrées par mon conjoint : je suis désormais mieux protégée. L’ordonnance de protection est rendue plus efficacement par la justice et s’étend désormais à l’exercice de l’autorité parentale ; j’ai l’espoir d’obtenir une place en foyer d’accueil et je disposerai d’un téléphone « grand danger ». Je suis étudiante à l’université, prise dans les filets de mon enseignant harceleur : une procédure m’est désormais ouverte pour mettre un terme à de telles pratiques. Je suis une femme étrangère et j’ai peur de témoigner des violences que je subis car je suis en situation d’illégalité : je ne paierai pas le droit de timbre pour obtenir un titre de séjour, je bénéficierai de l’ordonnance de protection et je n’aurai plus désormais à attester d’une vie commune avec mon conjoint violent pour avoir le droit de renouveler mon titre de séjour. J’aurais aussi pu dire que je suis une femme entrepreneur ou désireuse d’accéder à des fonctions de responsabilité dans le sport, la culture ou la vie politique : la parité garantie par la loi m’y autorisera. La loi dont nous débattons s’adresse à toutes et tous, elle protège les femmes et les libère.

J’ai entendu les détracteurs du texte. Ils parlent d’atteintes à attentatoire à la liberté : on forcerait les pères à s’occuper de leurs enfants et les partis politiques à présenter des femmes. J’ai même lu qu’on forcerait les femmes à avorter ! Bien au contraire, le postulat fondamental que pose cette loi est la liberté. Elle libère les femmes et les hommes des rôles sociaux auxquels ils sont assignés, elle les libère des stéréotypes qui les enferment, elle consacre la liberté de choix et l’autodétermination. Faut-il avoir peur en 2014 pour craindre un droit à l’IVG qui n’est pas conditionné à une situation de détresse ! Faut-il avoir peur et vivre dans un monde franco-français pour ne pas tendre la main aux femmes espagnoles qui risquent de vivre une régression historique de leurs droits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Et retourner sous Franco !

Mme Axelle Lemaire. Le pari des députés socialistes, c’est celui de l’intelligence collective, du débat public et de l’inscription dans la marche de l’évolution permanente et du progrès historique et géographique. Il n’y a pas d’égalité sans liberté. Derrière tous les visages des femmes et sous le regard de Marianne se dessine un autre visage : celui de la liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman et Mme Marie-Anne Chapdelaine. Très bien !

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Françoise Guégot.

Mme Françoise Guégot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames et monsieur les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi dont nous abordons aujourd’hui l’examen revendique une approche intégrée de la question de l’égalité entre les hommes et les femmes. Je ne suis pas certaine qu’un tel choix soit le plus judicieux, mais il est clair que tous les sujets qui seront abordés au cours de nos débats ont une réelle importance.

Avant de développer tout propos sur le fond, je formulerai deux observations générales. La première consiste à rappeler que la question s’inscrit dans un long parcours entamé il y a de nombreuses années, grâce à la détermination de plusieurs de nos prédécesseurs sur tous les bancs de cet hémicycle, dont certaines et certains sont encore là aujourd’hui et ne manqueront pas de se reconnaître. Du rapport relatif à l’égalité professionnelle dans la fonction publique que j’ai rendu en 2011, j’ai repris cette réflexion d’une personne que j’avais auditionnée alors : « Il n’y a pas de pente naturelle à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. »

Mme Nicole Ameline. Exact !

Mme Françoise Guégot. Je reste convaincue que toutes ces questions, dans un contexte économique difficile, nécessitent des mesures volontaristes qui doivent être sans cesse relancées et jamais considérées comme acquises. Une telle continuité est essentielle. Nous avons toujours reconnu, à la droite de cette assemblée, les avancées que constituent les lois Roudy ou Génisson. Je rappellerai donc les quatre textes que vous n’avez pas pris la peine de citer, madame la ministre, ni dans l’exposé des motifs de votre projet de loi ni dans votre intervention tout à l’heure : la loi Ameline, votée en 2006, relative aux rémunérations des femmes fixées lors des négociations par branches, la loi Copé-Zimmerman relative à la représentation équilibrée dans les conseils d’administration, la loi Sauvadet relative entre autres à l’accès aux postes de responsabilité dans la fonction publique ou encore la loi relative aux violences faites aux femmes votée en 2010. Ces textes ont d’ailleurs été votés à la quasi-unanimité, il n’est pas inutile de le rappeler.

Ne voyez dans cette première observation qu’une mise au point. Nous sommes tous animés, sur les bancs de cet hémicycle, par la volonté de faire progresser l’égalité entre les hommes et les femmes et nous avons besoin de tous ceux qui sont désireux d’y contribuer, sans clivage partisan.

Ma deuxième observation porte davantage sur la méthode. Notre commission a vu arriver des amendements du Gouvernement au dernier moment, parfois même à la surprise de notre rapporteur, ce qui ne garantit pas toujours un travail sérieux, surtout lorsque notre commission doit examiner le texte en une unique journée. En outre, sous couvert d’adopter une approche intégrée et transversale, votre projet de loi est prétexte à toute une série de véhicules législatifs aussi nombreux que problématiques et qui risquent de compromettre la lisibilité de l’ensemble.

Je pense notamment à la question de l’IVG, que plusieurs orateurs ont évoquée avant moi et qui a déjà commencé à susciter de nombreuses polémiques, ce qui n’était vraiment pas nécessaire. Nous risquons en effet de voir les esprits se polariser sur un sujet certes très important, mais qui ne relève en rien des objectifs majeurs de ce texte.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ce sujet concerne tout de même les femmes !

Mme Françoise Guégot. Je précise, à toutes fins utiles, que j’ai personnellement voté en commission l’amendement émanant de la majorité, visant à supprimer toute référence à un état de détresse.

Je voudrais maintenant aborder le contenu proprement dit de ce projet de loi. Avec mes collègues du groupe UMP, nous ne pouvons que saluer certaines avancées, notamment, en matière d’égalité professionnelle, un faisceau de mesures allant dans le bon sens : meilleure articulation des différentes négociations sur l’égalité et les salaires ; meilleur accompagnement des retours de congé parental ; renforcement des droits familiaux des professions libérales, possibilité d’utiliser une partie des droits du compte épargne temps pour financer des frais de garde d’enfants.

Pour ce qui est de l’accès des femmes aux responsabilités dans l’entreprise publique, on peut saluer l’extension des lois Copé-Zimmerman ou Sauvadet à certaines structures qui en étaient exclues et la tentative de briser le plafond de verre dans les chambres de commerce et d’industrie, les conseils économiques et sociaux régionaux, les conseils de l’ordre ou encore les fédérations sportives. Qu’il me soit permis d’ouvrir ici une petite parenthèse. Ayant été à l’initiative de la mise en place des contraintes d’objectifs à 20 %, 30 % puis 40 % d’ici 2017 de femmes dans les postes d’encadrement et de direction dans les trois versants de la fonction publique, je voudrais me réjouir des chiffres que vous avez annoncés il y a quelques jours, madame la ministre. Ces chiffres tendent à démontrer que certains de ces objectifs ont été non seulement atteints, mais même parfois dépassés. Je ne doute pas que votre ministère continuera à suivre avec vigilance la mise en application de cette loi.

En ce qui concerne la précarité, la facilitation de l’accès des parents modestes aux modes de garde existants est assurée avec l’expérimentation du versement en tiers payant de la prestation d’accueil du jeune enfant aux assistantes maternelles, afin d’éviter aux parents des efforts de trésorerie. En matière de violences faites aux femmes, le projet de loi confirme et renforce le dispositif de l’ordonnance de protection des femmes victimes de violence que nous avions institué sous le quinquennat précédent. Enfin, on ne peut qu’approuver le renforcement, prévu à l’article 9, de dispositions permettant aux juges de recueillir plus facilement l’avis de la victime afin de prononcer l’éviction du foyer du conjoint violent.

Cependant, ce texte comporte aussi des défauts et des lacunes qui doivent être corrigés et qui feront sans aucun doute l’objet de plusieurs amendements.

Je commencerai par l’égalité professionnelle. Pour mesurer les progrès réalisés en matière d’égalité professionnelle, les outils actuels ne sont pas assez performants et le rapport annuel de la fonction publique, tel qu’il est aujourd’hui conçu, présente de nombreuses lacunes. Il ne comprend pas assez d’indicateurs fiables et les données relatives aux inégalités entre les hommes et les femmes sont trop souvent dispersées. De surcroît, il interdit une analyse de l’évolution des inégalités entre les hommes et les femmes dans le temps.

Le rapport de situation comparée doit être étendu à la fonction publique d’État comme aux fonctions publiques territoriale et hospitalière. Sa mise en œuvre permettrait, en outre, d’harmoniser les pratiques entre secteur public et secteur privé. De même, toutes les obligations mises en place ces dernières années doivent s’étendre à l’ensemble des organismes syndicaux et aux instances représentatives de la fonction publique, comme aux juridictions prud’homales. Rien ne justifie aujourd’hui que des exceptions soient maintenues dans ces domaines.

La réforme du congé parental nous pose aussi quelques problèmes. Si elle repose sur un diagnostic que nous partageons – il convient d’inciter les pères à partager cette période –, le renvoi à un décret pour son application nous interroge, car il laisse la porte ouverte à des évolutions dont nous ne connaissons pas la portée. Quelles sont réellement vos intentions ? Diminuer à terme la durée totale du congé parental ? Imposer un partage complet ? Pourquoi pas ? Tout est possible…. Quoi qu’il en soit, nous sommes ouverts à toutes les hypothèses, dont nous devons débattre – et je ne doute pas que vous nous éclairerez sur ce point.

De même, l’interdiction de soumissionner aux marchés publics faite à toutes les entreprises condamnées en raison d’une discrimination entre les hommes et les femmes paraît excessive. Quand on sait à quel point certaines entreprises dépendent de la commande publique pour vivre, on comprend que les conséquences sur l’emploi risquent d’être désastreuses. Les premières victimes d’une telle mesure vont être les employés des entreprises concernées, parmi lesquels figurent des femmes, qui vont ainsi se voir appliquer une double peine que nous estimons injuste.

Enfin, l’expérimentation du renforcement des garanties contre les impayés de pensions alimentaires nous paraît risquée. Là encore, la mesure proposée, consistant à verser l’allocation de soutien familial à tous les parents isolés victimes d’impayés, part d’un bon sentiment. Mais cette réforme a un coût important – 16 millions d’euros –, qui viendra s’ajouter au déficit de 3 milliards d’euros de la branche famille de la Sécurité sociale. De plus, sa réussite dépend exclusivement du taux de recouvrement des CAF, qui est actuellement très bas, à savoir 15 millions d’euros sur les 75 millions d’euros de créances au titre des avances sur l’ASF.

Tels sont, mes chers collègues, les points principaux que je voulais souligner à ce stade de la discussion générale. Soyez certains que je défendrai, au nom de mon groupe, toutes les mesures qui permettront d’aller dans le bon sens, qu’il s’agisse d’améliorer l’égalité au travail en matière d’écarts de salaire ou d’accès aux postes à responsabilités, de faciliter la conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle, de combattre les violences, de parvenir à une juste représentation dans toutes les instances sociales, publiques, privées ou politiques, ou encore de lutter contre tous les stéréotypes qui perdurent.

Cependant, pour réussir, il nous faut convaincre que ces enjeux sont une chance pour la société tout entière. Pour convaincre, il faut parfois accepter des compromis tout en restant ferme sur les objectifs, autrement dit accompagner plutôt qu’imposer. Je ne doute pas que nos débats seront riches et passionnés sur un sujet qui nous concerne tous et où chacune et chacun d’entre nous a forcément son propre point de vue. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Bloche, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde.

Mme Sonia Lagarde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est un moment important que nous vivons aujourd’hui avec l’examen de ce projet de loi. Important pour les femmes de l’hexagone comme de l’outre-mer, et surtout pour la société française dans son ensemble. Si nous sommes présents dans cet hémicycle, c’est que toutes et tous avons, à un moment de notre existence, fait le choix de nous engager dans la vie publique. Il y a, bien sûr les histoires personnelles, il y a aussi les raisons, parfois singulières, qui nous ont amenés à faire ce choix, mais à la base de tout engagement politique, il y a, je crois, une même ambition, la volonté de faire avancer notre société.

Faire avancer la société en changeant la place qu’y occupent les femmes, tendre vers l’égalité avec les hommes, voilà une des raisons qui m’ont poussée à m’engager dans la vie politique calédonienne, puis nationale. Avant toute chose, je voudrais donc vous dire, mes chers collègues, toute l’émotion que je ressens en ce moment en prenant part à ce débat. C’est bien d’émotion que je parle car, comme d’autres ici, je suis née dans une France que certains ont oubliée : une France où les femmes venaient certes de se voir enfin reconnaître le droit de vote, mais une France aussi où une femme ne pouvait ni travailler sans l’autorisation de son mari, ni disposer librement de son propre corps. Dans cette France-là, la liberté des femmes était fragile, et l’égalité avec les hommes tout simplement inexistante.

Si cette France-là est aujourd’hui oubliée, c’est parce que les lois de la République l’ont changée, c’est aussi parce que des hommes et des femmes ont porté ces lois, parfois au prix de débats heurtés. Si la France a changé, elle le doit au général de Gaulle et au Gouvernement provisoire, qui reconnut enfin aux femmes le droit de prendre part à la décision nationale, qui leur avait été si longtemps refusé. Comme si elles n’avaient joué aucun rôle dans l’histoire de la République, comme si les femmes de 1789 n’avaient pas pris part à la Révolution, comme s’il ne s’était pas trouvé des femmes pour se tenir sur toutes les barricades du XIXsiècle, comme si les femmes n’avaient pas remplacé les hommes, dans les champs comme dans les usines, lorsque, voici tout juste un siècle, se jouait le destin de notre pays !

Si la France a changé, elle le doit à l’obstination de Lucien Neuwirth et au courage de Simone Veil, qui permirent aux femmes de devenir enfin actrices de leur propre vie. Si la France a changé, elle le doit à la vision de Valéry Giscard d’Estaing, qui permit d’avancer concrètement vers l’égalité des droits. Si la France a changé, elle le doit à Yvette Roudy, à Catherine Génisson et à Lionel Jospin, qui ont permis de dépasser la stricte égalité juridique pour tendre vers une égalité plus complète, vers une égalité réelle, que ce soit dans la vie professionnelle ou dans la vie politique.

Si la France continue aujourd’hui son chemin vers l’égalité des sexes, nous le devons aussi, et je tiens à les saluer, à nos collègues Marie-Jo Zimmermann, Françoise Guégot et François Sauvadet, qui ont su briser certains tabous pour permettre aux femmes d’être enfin plus nombreuses à exercer les plus hautes fonctions, dans l’entreprise comme dans l’administration. Mais si la France a changé, beaucoup reste à faire pour les femmes de ce pays : ici même, dans cet hémicycle où l’on compte à peine 151 femmes pour 426 hommes, nous mesurons mieux qu’ailleurs toute l’étendue du chemin qui reste devant nous.

Mais, au-delà, je pense aux femmes pour qui l’égalité salariale reste une promesse vide de toute réalité avec, faut-il le rappeler, un écart moyen en termes de rémunérations qui se situe toujours autour de 28 %. Je pense aussi à ces femmes qu’une séparation et des pensions alimentaires impayées ont brutalement plongées dans la grande pauvreté. Je pense enfin, je pense surtout à toutes ces femmes victimes de maltraitance et de violence au sein même de leur foyer ; et sur ce point, la Nouvelle-Calédonie n’est malheureusement pas en reste. La situation y est même bien plus préoccupante qu’ailleurs, puisqu’une femme sur quatre y est régulièrement victime de violences conjugales, contre une femme sur dix en France métropolitaine.

C’est de toutes ces femmes, mes chers collègues, que nous parlons aujourd’hui. Le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, doit changer la société française. Mais pour cela, il nous faudra être aussi lucides sur le constat qu’ambitieux dans les réponses – et, sur certains points, sans doute plus ambitieux que ne l’est le texte actuel. Vous proposez d’améliorer le dispositif de l’ordonnance de protection pour les femmes victimes de violences conjugales, notamment afin de réduire les délais dans lesquels une telle ordonnance peut être prise par l’autorité judiciaire, mais aussi pour poser le principe selon lequel c’est à la victime que doit, sauf circonstances exceptionnelles, revenir le bénéfice du domicile familial. C’est un pas dans la bonne direction, et nous vous ferons des propositions pour aller plus loin. Mais sur ce sujet, nous faisons face à un adversaire redoutable qui n’est autre que la peur, la peur que ressentent ces femmes qui n’osent tout simplement pas saisir la justice des violences dont elles sont victimes. Pour que les violences conjugales reculent véritablement, nous devons également améliorer la détection de ce type de comportements, en étant aux côtés des associations qui agissent sur le terrain.

Pour ce qui est de l’égalité salariale, vous proposez d’utiliser - je cite le rapport de notre collègue Denaja - le levier de la commande publique, en excluant des marchés publics les entreprises qui ne s’engageraient pas sur le sujet dans le cadre du dialogue social. C’est, là encore, une avancée notable, mais celle-ci me semble, pour tout dire, encore timide au regard des enjeux, car toutes les entreprises ne candidatent tout simplement pas aux marchés publics. Aussi le groupe UDI vous proposera-t-il d’aller plus loin en mobilisant un second levier, celui de la fiscalité - plus précisément des exonérations de cotisations sociales - faute de quoi, je le crains, c’est à d’autres que nous qu’il reviendra, dans quelques années, de dénoncer à nouveau ces inégalités.

Je veux également revenir sur la question des femmes qui élèvent seules leurs enfants à la suite d’une séparation, parfois dans une situation de grande pauvreté, comme je l’ai dit précédemment. Lorsque la justice se révèle incapable de garantir le versement des pensions alimentaires – autrement dit incapable de faire exécuter ses propres décisions –, nous estimons que cette défaillance ne doit en rien pénaliser les femmes concernées.

Nous vous proposerons de créer une agence spécifiquement chargée du recouvrement de ces créances alimentaires, qui sera à même d’avancer, lorsque cela sera nécessaire, les sommes dues à ces femmes. C’est à ce prix seulement que nous pourrons faire reculer cette pauvreté, qui n’est rien d’autre qu’une injustice des plus choquantes.

Lors de la discussion des articles, j’aurai l’occasion de présenter plus en détail l’ensemble de nos propositions. À ce stade de la discussion, je voudrais simplement insister une nouvelle fois, madame la ministre, mes chers collègues, sur la lourde responsabilité qui pèse aujourd’hui sur nos épaules : derrière la question du droit des femmes, c’est à des injustices criantes et à des situations de détresse inacceptables qu’il nous faut répondre aujourd’hui. C’est aussi pour cette raison que nous ne pouvons laisser passer cette occasion de faire évoluer les comportements, de tout simplement faire avancer et changer notre société. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, SRC, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et monsieur les rapporteurs, chers collègues, en dépit de progrès constants et notables, l’égalité réelle entre les femmes et les hommes demeure encore et malheureusement un objectif lointain. Du champ domestique à la sphère professionnelle, inégalités et discriminations font encore trop souvent la loi dans la vie des femmes. Parfois même, les progrès accomplis que nous pensions définitifs sont l’objet d’une offensive rétrograde, comme c’est le cas en Espagne : pour rassurer sa base électorale et l’Église catholique, au mépris des recommandations des textes internationaux de l’OMS et de l’ONU, le conseil des ministres espagnol est revenu en décembre sur une avancée majeure pour les femmes : la loi de 2010, qui légalisait l’avortement jusqu’à quatorze semaines de grossesse.

L’interruption volontaire de grossesse est un acquis majeur et sa consécration par la commission des lois comme un droit sans condition pour toute femme est une avancée que je soutiens au nom des écologistes.

Il est de plus en plus difficile d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse, même dans notre pays. En 2000, on dénombrait 729 établissements pratiquant les IVG ; en 2007, il n’y en avait plus que 624 et le chiffre diminue toujours. Les délais s’allongent et chaque année, 5 000 femmes environ doivent se rendre à l’étranger pour avorter. La loi, en fait, n’est pas appliquée. Les hôpitaux qui ont une activité en maternité sont tenus de proposer des IVG. Aujourd’hui, c’est loin d’être le cas.

Face à une telle situation, votre texte, madame la ministre, semble bénéficier d’une forme de consensus. Il a fait l’objet de nombreux amendements, au Sénat et à l’Assemblée, en commission. Il comprend désormais soixante-douze articles. Transversal, il touche à des dispositifs issus de quatre grands domaines d’intervention.

Le groupe écologiste soutient ce projet de loi et se félicite que la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations sexistes fassent l’objet d’une loi d’une telle ampleur. Sur certains aspects, mon groupe aurait souhaité cependant un projet plus ambitieux.

Sur le congé parental notamment. La réforme du complément de libre choix d’activité, attribué aux personnes qui prennent un congé parental à la naissance de leur enfant, était attendue. Ce congé est trop faiblement rémunéré – à peine plus de 500 euros –, pris à 96 % par des femmes, et trop long – trois ans à partir de deux enfants –, ce qui a pour conséquence d’éloigner les bénéficiaires du marché du travail.

Les écologistes prônent donc un congé parental sur le modèle scandinave : plus court, mieux réparti entre les deux parents et mieux indemnisé pour permettre à toutes et tous de l’utiliser.

Vous le savez, c’est souvent l’arbitrage financier qui pousse généralement les femmes à prendre le congé et non les hommes. Maintenir le même niveau de rémunération assurera non pas tant une répartition plus équitable entre femmes et hommes que quelques petites économies pour l’État, en cette période de coupes drastiques dans les budgets. Heureusement, le rapporteur a introduit par voie d’amendement la possibilité d’un congé parental plus court et mieux rémunéré, à titre d’expérimentation.

Le projet de loi comporte de nombreuses avancées en matière de lutte contre les inégalités professionnelles. Il est utile de rappeler que, malgré les six précédentes lois affirmant le principe de l’égalité salariale, l’écart salarial entre les femmes et les hommes est toujours de 27 %, et est resté stable depuis vingt ans. Pourtant, les causes de cette situation sont connues : temps partiels, occupés principalement par les femmes, contrats précaires, concentration des femmes dans certains métiers socialement et financièrement dévalorisés, moindre progression sur l’ensemble de la carrière due notamment à la maternité et enfin de réelles discriminations liées à l’individualisation du salaire, avec notamment les primes.

S’agissant de la protection contre les violences, de nombreuses associations sur le terrain considèrent que les mesures annoncées, et dans le texte et dans les engagements du Gouvernement, restent plus incitatives que réelles et témoignent, malgré de réelles avancées – je pense notamment à l’ordonnance de protection – d’un manque encore criant de moyens dédiés. C’était déjà le cas des trois plans interministériels qui se sont succédé depuis 2005. Votre plan prévoit, entre autres, la création de 1 650 nouvelles solutions d’hébergement d’urgence d’ici à 2017, alors que ce ne sont pas moins de 400 000 femmes qui ont été victimes de violences conjugales en deux ans.

La loi n’est pas assez volontariste dans son action vis-à-vis des femmes étrangères victimes de violences. De même, il est indispensable de faire preuve d’une plus grande détermination – et donc de mettre les moyens nécessaires – dans la lutte contre la traite des femmes. La traite augmente, et pourtant, les condamnations pour fait de traite sont peu nombreuses.

Mme Nicole Ameline. Très bien !

M. Sergio Coronado. Le projet de loi adopté en décembre par notre assemblée ne contient aucune mesure sérieuse contre ce fléau.

Enfin, ce texte instaure la parité dans de nombreuses instances. Il renforce aussi les sanctions prises à l’encontre des partis politiques qui ne respectent pas la parité, en s’attaquant à la première fraction du financement public. Mais, pour rendre la parité effective, il faut aussi s’attaquer à la seconde fraction. Celle-ci, d’un montant équivalent à la première, est calculée sur le nombre de parlementaires et exonérée de toute exigence de parité. Il faut sanctionner le manque de volonté mais aussi le résultat, sans quoi la situation de nos assemblées risque de demeurer inchangée. Le rapporteur s’est montré ouvert aux négociations sur ce sujet ; qu’en est-il du Gouvernement ?

Notre volonté, madame la ministre, est d’enrichir ce texte, d’en supprimer les erreurs – comme à l’article 17 – ou les archaïsmes – comme la référence, dans les codes, au « bon père de famille » –, de le rendre plus efficient. Notre ambition commune, vous l’avez dit, est d’avancer d’un pas ferme et déterminé vers l’égalité entre toutes et tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Barbara Pompili. Très bien.

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard.

M. Jacques Moignard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation, mesdames et monsieur les rapporteurs, chers collègues, ce projet de loi est typiquement le texte porteur d’un sujet qui, dans les paroles, recueille une unanimité quasi parfaite ; mais, pour ce qui est des actes ou des comportements, il donne lieu à des hypocrisies et des lâchetés de premier ordre.

Madame la ministre, si de nombreuses mesures ont été prises au cours des récentes années pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes, aucune loi n’a encore eu l’ambition d’aborder de front l’ensemble des thématiques la concernant.

Pourtant, les inégalités se nourrissent les unes des autres. S’il est nécessaire d’agir de façon globale et coordonnée sur chacune d’entre elles pour créer enfin les conditions d’une égalité réelle entre les femmes et les hommes, la susceptibilité de faire évoluer durablement les comportements est acquise.

Ce texte, et c’est ce qui en fait la force, aborde donc l’égalité dans toutes ses dimensions, à commencer par l’égalité professionnelle. En dépit de l’adoption de nombreuses lois sociales – comme la loi Roudy de 1983 sur l’égalité professionnelle – la place des femmes dans la vie économique est toujours marquée par de profondes inégalités.

Ainsi, bien que représentant la moitié des salariés du privé, elles n’occupent qu’un cinquième des postes de cadre dirigeant. La situation n’est guère meilleure dans la fonction publique, où l’État et les collectivités locales devraient pourtant être astreints à un devoir d’exemplarité : les femmes, bien que légèrement majoritaires – 52 % –, sont peu présentes dans les fonctions d’encadrement et les postes à responsabilités. J’en veux pour seul exemple le long article publié cette semaine dans un grand périodique, qui dénonce un mal de parité à France Télévisions.

Pourtant, des progrès ont été accomplis et sont encourageants. Ainsi, selon un récent rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, les femmes sont de plus en plus nombreuses dans nos forces armées. Engagée il y a quarante ans, la féminisation dans ce secteur commence enfin à porter ses fruits, tant et si bien qu’avec 15 % de femmes dans ses rangs, l’armée française affiche le plus fort taux de féminisation des nations occidentales, se plaçant au même niveau que les États-Unis. Toutefois, ce chiffre encourageant dissimule des inégalités persistantes : les femmes ne représentent par exemple que 13 % des officiers. Membre de la commission de la défense de notre assemblée, j’ai pu constater sur le terrain que leurs places ne sont ni surfaites ni obligeantes – de vraies places en somme.

Les inégalités professionnelles se reflètent, c’est bien connu, dans les salaires : le revenu des femmes reste toujours inférieur de 25 % à celui des hommes. Près d’une femme salariée sur trois travaille à temps partiel, contre seulement 7 % des hommes, et, pour une part importante d’entre elles, avec un temps partiel subi.

Ces inégalités de situations se retrouvent jusque chez les personnes âgées : les femmes perçoivent une pension de retraite d’un montant moyen inférieur d’un tiers environ à celui des hommes.

Il me plaît en cet instant et dans le cadre des inégalités professionnelles de citer Françoise Giroud qui déclarait en 1983 : « La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente ». (Sourires.)

En obligeant les organisations du travail à faire de la diminution des écarts de rémunérations une priorité, le projet de loi réduira fortement cette inégalité. De même, en engageant la réforme du complément de libre choix d’activité, il favorisera le retour des femmes vers l’emploi et rééquilibrera la répartition des responsabilités parentales au sein du couple.

Aujourd’hui, la quasi-totalité des bénéficiaires du complément de libre choix d’activité sont des femmes. D’ici à 2017, quelque 100 000 hommes accéderont au congé parental : une période de six mois du complément de libre choix d’activité sera en effet réservée au second parent, ce qui s’ajoutera aux droits existants pour les familles ayant un enfant. Les parents de deux enfants continueront à bénéficier de trois ans de congé, à condition que le second parent en utilise au moins six mois.

Rompre l’inégalité passe également par un renforcement de la lutte contre la précarité des femmes isolées. Une mère sur deux, élevant seule ses enfants, déclare ne pas arriver à boucler son budget sans être à découvert. Et pour cause : presque la moitié des pensions alimentaires sont payées de façon irrégulière. Le projet de loi invente donc une nouvelle forme de protection sociale, une garantie publique contre les impayés de pensions alimentaires.

Voilà, madame la ministre, un véritable remède qui, il faut le savoir, amènera à des attitudes désormais plus volontaristes. Plusieurs caisses d’allocations familiales expérimenteront ce nouveau dispositif, construit à partir de l’allocation de soutien familial, avant qu’il ne soit progressivement généralisé. La solidarité publique prend ainsi le relais du parent défaillant, mais les services publics se retourneront vers lui en faisant valoir des moyens de recouvrement renforcés.

Autre pierre angulaire de ce projet de loi : la protection des femmes contre toutes les violences. Les violences faites aux femmes sont sans aucun doute la première source d’inégalités entre les femmes et les hommes : il n’y a pas d’égalité pour une femme prisonnière chez elle, ou harcelée dans le cadre de son travail. La lutte contre les violences faites aux femmes est un préalable aux politiques d’égalité.

Les violences faites aux femmes sont une réalité difficile à évaluer, notamment parce que, commises dans le huis clos du foyer familial ou à l’abri des regards, une très grande majorité d’entre elles ne sont ni signalées ni détectées. Mais les chiffres parlent : dans son rapport annuel pour 2012, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales fait état de 122 femmes décédées en 2011, victimes de leur conjoint ou de leur ex-conjoint. Même s’il est en diminution depuis quelques années, ce chiffre n’en demeure pas moins préoccupant, d’autant qu’il s’accompagne du décès de onze enfants mineurs. Neuf cent six plaintes pour viols commis sur des femmes au sein du couple ont par ailleurs été dénombrées en 2011.

En outre, cette même année, 54 000 violences non mortelles sur des femmes au sein du couple ont été enregistrées par les unités de gendarmerie et les services de la sécurité publique, ce qui correspond à plus du quart des violences dénombrées. Il convient d’y ajouter 100 000 « mains courantes ».

Ces données font également apparaître qu’en 2011, trois quarts des femmes victimes avaient au moins un enfant. Trois quarts des enfants vivaient sur le lieu des violences exercées et en ont été témoins ; plus d’un tiers d’entre eux ont fait l’objet de violences physiques en même temps que la victime. Or le seul fait d’être témoin de tels actes constitue pour ces enfants une véritable violence.

Les violences commises contre les femmes ne le sont pas exclusivement au sein du ménage. Se fondant sur des études de victimation, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales estime ainsi à 210 000 le nombre de femmes « victimes déclarées » de violences sexuelles hors ménage. Les auteurs sont, dans l’immense majorité des cas, des hommes.

Outre le plan d’action triennal lancé par le Gouvernement pour mieux protéger les femmes victimes de violences, ce texte prévoit notamment l’accélération de la délivrance de l’ordonnance de protection et l’allongement à six mois renouvelables de la durée pour laquelle les mesures d’une ordonnance de protection sont prises.

Elle affirme aussi le principe de l’éviction de l’auteur de violences du domicile et du maintien de la victime dans le logement. Trop souvent, cette décision demeure encore une exception : ces dernières années à peine un quart des affaires traitées ont fait l’objet de telles mesures. L’éviction de l’auteur doit devenir le principe, et l’avis de la victime doit être recueilli systématiquement. Cela répond à un principe de justice : pas de double peine pour la victime.

Que dire également de cet article évoquant la « situation de détresse » ? Cette expression renvoie à une considération fondamentale pour la femme et, trop souvent, la très jeune femme, pour ne pas dire la jeune fille. Que signifient actuellement ces manifestations rétrogrades, dont le but est d’enfermer, comme aux temps anciens, la femme dans une condition qu’elle ne peut maîtriser, et qu’elle subit donc ? La mobilisation doit porter sur la santé, le bien-être et le bonheur, et non sur des archaïsmes éhontés.

Autre volet important de ce texte : assurer une juste représentation des femmes dans la société, dans toutes les sphères de la société, à commencer par la nôtre, celle des élus de la nation. Malgré des progrès notables, dus aux dispositifs mis en place par la loi constitutionnelle de juillet 1999 qui a inscrit l’objectif de parité dans notre Constitution, les femmes continuent à être sous-représentées dans les assemblées parlementaires et les collectivités territoriales. Ce projet de loi traduit l’engagement du Président de la République de renforcer les modulations financières pour les partis politiques qui ne respectent pas les objectifs de parité. La réforme doublera la modulation financière aujourd’hui prévue par la loi de 1998. Celle-ci prévoit actuellement que lorsque, parmi les candidats se rattachant à un parti politique, l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe dépasse 2 % du nombre total des candidats de ce parti, le montant de la première fraction « est diminué d’un pourcentage égal aux trois quarts de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats ». Le texte adopté par le Sénat propose que la diminution soit portée à un pourcentage égal à 150 % de cet écart, ce qui n’est pas rien !

Madame la ministre, cette loi s’adresse à toutes et à tous. Elle concerne toutes les femmes et vise à les protéger, à changer la répartition des charges familiales au sein du couple et à leur offrir des opportunités. Elle est une loi de progrès pour les femmes comme pour les hommes, en impliquant ces derniers pour qu’ils contribuent à l’égalité. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste lui apportera donc tout son soutien. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et monsieur les rapporteurs, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le président de la commission, chers collègues, nous avons à débattre d’un projet de loi qui touche à une question fondamentale du présent et du devenir de notre société : l’égalité entre les femmes et les hommes.

Cette année, pour mes vœux, j’ai souhaité reprendre une phrase de Tolstoï : « Femmes, c’est vous qui tenez entre vos mains le salut du monde. » Aujourd’hui, les femmes sont à plein dans l’emploi et assument encore trop souvent la double journée. Dans la vie de nos cités, elles sont parmi les plus actives dans les associations et sont des élues qui comptent. Nous connaissons la part qu’elles ont prise dans la naissance de notre Ière République, puis leur participation aux grandes luttes et conquêtes populaires, comme à la solidarité internationale.

Je voudrais m’arrêter sur leur combat pour le droit de vote, le combat des suffragettes. En 1925, mon parti présentait des femmes aux élections municipales alors qu’elles n’étaient ni électrices, ni éligibles. Il a fallu leur engagement massif dans la résistance contre le nazisme pour qu’enfin, le 21 avril 1944, une ordonnance du gouvernement provisoire du Général de Gaulle les rende électrices et éligibles – nous allons fêter l’anniversaire de cet événement cette année.

Nous savons que tout droit nouveau acquis par et pour les femmes contribue à un recul des dominations, à de nouvelles avancées de civilisation. Nous avons vu combien l’option féministe adoptée contre le système prostitutionnel était un vecteur de libération des femmes et des hommes des stéréotypes dans lesquels on voulait les enserrer en matière de sexualité.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et M. Sébastien Denaja, rapporteur. Très bien !

Mme Marie-George Buffet. Oui, je suis de celles et ceux qui pensent que le féminisme est un formidable vecteur d’émancipation pour toute la société. C’est pourquoi nous ne pouvons que nous réjouir de disposer d’une nouvelle loi pour faire avancer l’égalité et les droits des femmes.

Nous savons que la loi ne fait pas tout, mais nous savons aussi qu’elle permet aux femmes et à la société d’acter des droits nouveaux et de notifier des acquis. Si cette réalité vaut pour toute la société, elle est encore plus vraie pour libérer les femmes du carcan que font peser sur elles les dominations patriarcales ancestrales.

Je voudrais dire, à ce moment, ma solidarité avec les Espagnols, hommes et femmes, qui se battent contre la remise en cause du droit à l’IVG. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.) Ce droit, cette loi va l’affirmer. Madame la ministre, je partage vos propos dans le journal L’Humanité de ce jour. Vous dites, dans une interview dont je recommande la lecture : « Aujourd’hui, l’immense majorité des Français défend le droit a l’IVG. »

Il faut donc saluer une loi-cadre qui porte sur tous les domaines de la vie des femmes. Toutefois, nous proposerons des améliorations sur quatre questions.

Je veux d’abord parler du travail. Pour obtenir l’égalité salariale, il faut être plus coercitif à l’égard des grands patrons qui ne la respectent pas,…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

Mme Marie-George Buffet. …mais il faut aussi agir sur ce qui produit cette inégalité. Ainsi, les femmes constituent 82 % des salariés à temps partiel : désormais, nombre d’employeurs ne leur proposent que ce type de contrat. Il faut donc agir à la source, en pénalisant les entreprises qui y recourent systématiquement.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Très bien !

Mme Marie-George Buffet. Nos amendements ont été repoussés en commission, au motif de leur incompatibilité avec la loi sur l’accord national interprofessionnel. Mais la mesure phare sur les vingt-quatre heures est un peu un gruyère : elle prévoit des dérogations et, surtout, ne dissuade en rien le patronat de proposer des emplois à temps partiel.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Voilà !

Mme Marie-George Buffet. C’est cette dissuasion que nous visons en proposant de majorer les cotisations patronales là où le nombre d’emplois à temps partiel est supérieur à 15 %. D’autres amendements abordent cette question.

Autre sujet : les violences. Nous nous étonnons du recul par rapport à la loi de juillet 2010, élaborée avec les associations féministes et votée à l’unanimité, sur l’urgence de délivrer l’ordonnance de protection. Nous voulons également améliorer le relogement des femmes victimes de violences, car certaines femmes souhaitent se reconstruire dans un autre contexte que celui où elles ont vécu ces violences. Il faut qu’elles puissent le faire : nous proposerons un amendement en ce sens.

Il y a urgence à légiférer en faveur des femmes étrangères, comme me l’ont demandé encore récemment des responsables d’associations – je pense notamment à l’association Africa, à La Courneuve. Ces femmes sont trop nombreuses à se trouver en situation de détresse, sans papiers, suite à la répudiation par leur mari, aux violences de celui-ci, voire à une situation de polygamie. On ne peut donc aggraver leurs souffrances en les privant d’une existence légale dans notre pays.

Enfin, je veux traiter de la parité. Le projet de loi agit sur les contraintes financières sans toucher à ce qui a pourtant fait la preuve de son efficacité en ce domaine : le mode de scrutin. Dans le cadre des scrutins municipal, régional et européen, le respect de la parité est nécessaire pour déposer une liste : ainsi, les conseils régionaux comportent plus de 48 % de femmes, le Parlement européen 43 % de députées européennes, et notre pays compte plus de 48 % de conseillères municipales. Par contre, notre Assemblée nationale ne comprend que 156 femmes, soit un peu plus de 20 % de ses membres. Il est donc clair que seul le scrutin proportionnel à toutes les élections peut assurer la démocratie et la parité.

Vous comprendrez, madame la ministre, que les députés du Front de gauche souhaitent vivement l’adoption de ces améliorations, pour passer d’un vote clairement « pour » à un vote « pour » enthousiaste. Je souhaite également que vous disposiez des moyens nécessaires pour mettre pleinement en œuvre cette loi demain. Je vous le souhaite très sincèrement. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Madame la ministre, vous avez brossé un panorama très général de ce projet de loi et de toutes les avancées qu’il contient. Axelle Lemaire a refait cet exercice, au nom du groupe SRC et avec la vision qui est la nôtre. Vous me permettrez donc de me concentrer sur une partie du texte : celle qui devrait représenter, aux yeux des Français, un exemple donné par notre assemblée et par notre vie publique en matière de représentation à l’Assemblée nationale.

Permettez-moi tout de même de m’arrêter, comme vous l’avez fait vous-même, madame la ministre, sur cette question qui est revenue au cœur de l’actualité et qui, pour moi, touche fondamentalement aux droits des femmes. Je veux parler du libre droit à disposer de son corps et des manifestations qui se sont déroulées dans notre pays.

Vous avez rappelé le contexte de l’adoption de la loi de 1975. J’ai relu les débats, comme vous l’avez fait, et me suis aperçu qu’à l’époque, la commission des lois…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Elle était très masculine !

M. Bruno Le Roux. …comptait trois femmes sur soixante commissaires. Même si ces derniers avaient beaucoup de qualités, un certain nombre d’entre eux étaient résolument hostiles au projet de loi. Il a donc fallu négocier : la rédaction de la loi Veil a donné lieu à un compromis. Quelques années plus tard, le Conseil d’État a lui-même estimé que l’expression « situation de détresse » ne voulait pas dire grand-chose. Aujourd’hui, nous mettons le droit en conformité avec la pratique et la réalité : si cela apparaît comme une nouvelle conquête, tant mieux ! Cette disposition n’est pas simplement symbolique : elle est importante. Un de nos principaux responsables politiques a déclaré, cet après-midi, qu’il s’agissait d’une double faute politique et morale.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Au contraire !

M. Bruno Le Roux. Au moment où nous sommes, ce serait une double faute politique et morale que de ne pas envoyer un signe aux femmes du monde et aux femmes espagnoles (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR) en leur disant que nous ne reviendrons jamais en arrière sur ces questions.

M. Bernard Roman. Exactement !

M. Bruno Le Roux. Je félicite donc mon groupe d’avoir abordé le débat de cette façon.

Je consacrerai les trois minutes qui me restent à l’exemplarité dont nous devrions faire preuve ici, en nous engageant à faire respecter les lois que nous avons votées : c’est, d’ailleurs, le leitmotiv des avancées nouvelles de ce texte. Vous dites, madame la ministre, qu’il faut maintenant aller plus loin dans l’effectivité des lois et dans la façon dont nous les faisons respecter.

Certains ont beau jeu, ici, de rappeler que de nombreuses lois ont déjà été adoptées en matière d’égalité professionnelle sans que nous arrivions à faire en sorte qu’elles s’imposent véritablement, qu’elles ne soient plus discutables, et qu’elles soient considérées comme ce qu’elles sont, à savoir des contraintes législatives visant à accélérer le mouvement beaucoup trop lent de la société.

Les lois que nous avons adoptées ici sur la parité en politique, notamment sur la parité dans cette Assemblée nationale, mettent malheureusement beaucoup trop de temps à donner des résultats. Aujourd’hui, nous sommes encore très loin de l’esprit qui a prévalu lors du débat de 1999.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Ça, c’est vrai !

M. Bruno Le Roux. Si l’assemblée élue en juin 2012 est la plus paritaire de l’histoire, avec 153 femmes élues – il faut le noter –, elle ne compte pourtant encore que 26 % de femmes. Trois renouvellements après le vote de la loi de 1999, nous sommes encore bien loin de la parité effective et réelle. Nous sommes d’ailleurs très mal classés dans le monde. Sans rappeler notre classement, je note simplement, pour faire sourire, que nous nous situons derrière l’Afghanistan, par exemple,…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Eh oui ! Depuis longtemps !

M. Bruno Le Roux. …et derrière bien d’autres pays. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation.

Nicole Péry, alors secrétaire d’État aux droits des femmes, affirmait qu’il faudrait procéder à une évaluation régulière de cette loi et de son application. Nous avons eu tout le temps d’effectuer cette évaluation régulière. D’ailleurs, sept ans après, la loi du 31 janvier 2007 a aggravé les retenues financières applicables aux partis qui ne respectaient pas l’exigence de parité : nous considérions que plus l’État prélèverait d’argent, plus la loi serait respectée. Eh bien non, malheureusement, ce n’est toujours pas le cas.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Malheureusement !

M. Bruno Le Roux. Aux dernières élections législatives, un grand parti appartenant à l’opposition – mais, dans l’ambiance consensuelle qui est la nôtre, je n’en dirai pas plus – a même présenté en 2012 moins de candidates qu’il n’en avait présenté en 2007. Non seulement la loi ne garantit pas tout le temps la marche en avant, mais elle a même entraîné aujourd’hui, pour l’un des principaux groupes, un recul lors des dernières élections législatives.

En 2010, j’avais présenté une proposition de loi, soumise à l’Assemblée, visant à supprimer le financement public pour les partis ne respectant pas la parité, après tant d’années pendant lesquelles ils auraient pu la mettre en œuvre. Lors des États généraux de la femme, François Fillon lui-même avait affirmé, me rejoignant, que des sanctions « insupportables » pour les partis qui ne respectaient pas l’objectif de parité étaient nécessaires.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Absolument !

M. Sergio Coronado. Il faut étendre les sanctions à la deuxième fraction de l’aide publique !

M. Bruno Le Roux. Madame la ministre, les députés du groupe SRC membres de la commission des lois ont adopté un amendement tendant à amplifier encore la diminution du montant de la première fraction de l’aide publique. Lorsque l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à un parti dépassera 2 % du nombre total de ces candidats, le montant de la première fraction qui lui est attribué sera diminué d’un pourcentage égal, non plus à 150 %, mais à 200 % de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats. Il s’agirait là d’une réelle évolution. Il faut mettre en place des sanctions qui apparaissent tellement insupportables aux partis politiques…

Mme Marie-Jo Zimmermann. Insupportables, absolument !

M. Bruno Le Roux. …qu’ils ne choisissent plus de payer une amende pour ne pas respecter la parité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Plus la sanction sera insupportable, moins elle sera contestable constitutionnellement,…

M. Bernard Roman et Mme Marie-Jo Zimmermann. Tout à fait !

M. Bruno Le Roux. …car aucun parti ne risquera jamais de perdre une fraction importante de son financement public en cas de non-respect de l’objectif de parité.

Bien entendu, madame la ministre, ce texte comporte beaucoup d’autres dispositions. Je souhaitais cependant commencer par cette question. On peut toujours s’adresser aux chefs d’entreprises, aux responsables associatifs, aux grandes fédérations et aux grands mouvements : si nous ne montrons pas l’exemple dans cet hémicycle, alors il manque à notre discours cette volonté que nous avons ici de représenter toute la France, notamment cette majorité de la population française que vous avez mentionnée au début de votre discours, madame la ministre, et qui est composée de femmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteures pour avis, nous discutons aujourd’hui d’un nouveau projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes. J’ai presque envie de dire « encore un projet de loi », non pas que je pense que ce texte est inutile, mais parce que je regrette, plus de trente après la première loi consacrée à l’égalité professionnelle – elle date de juillet 1983 –, que l’on en soit encore à constater que l’égalité est toujours un objectif à atteindre.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que c’est en 1972 – il y a 42 ans – que le principe de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes a été inscrit pour la première fois dans le code du travail. Aujourd’hui, l’écart moyen de salaire entre les femmes et les hommes se situe toujours autour de 22 % tous temps de travail confondus, 16 % quand on compare les temps complets, 9 % à poste et expérience équivalents.

Bien sûr, les choses ont évolué au fil des ans et des réglementations, et l’objectif d’égalité est devenu de plus en plus partagé, même si les stéréotypes demeurent et les efforts à faire en matière d’éducation sont encore considérables ; mais petit à petit, les représentations évoluent.

J’en veux pour preuve le regard porté aujourd’hui sur les quotas de femmes lors des nominations, par rapport aux débats de nature nettement plus idéologique que l’on avait sur cette question il y a quelques années encore. Les quotas sont un outil, un moyen d’agir efficacement à un moment donné et dans une situation donnée, en l’occurrence une situation de blocage dans laquelle les femmes se heurtent au plafond de verre dans leur progression de carrière. Je veux croire que cette idée est désormais acquise.

J’en veux pour preuve aussi le fait que de plus en plus de femmes, dans les entreprises – la génération des trentenaires pour l’essentiel –, en s’appuyant sur les règles de composition des conseils d’administration, se sont emparées de ce sujet. Le développement de réseaux de femmes actives, chose très nouvelle dans notre pays, en est le témoignage.

C’est pourquoi l’objectif de ce projet de loi, qui vise, par l’adoption de règles de composition contraignantes, à faire une place aux femmes dans les organes dirigeants d’un champ très large d’organismes, doit être approuvé. C’est bien par un mouvement irriguant l’ensemble de la société que l’on finira par faire admettre que l’accès des femmes aux responsabilités est tout simplement une chose normale, même si pour cela il a fallu, à un moment donné, passer par l’adoption de règles spécifiques.

C’est pourquoi aussi nous devons approuver l’article 18 du projet de loi, qui renforce les pénalités financières appliquées aux partis politiques en doublant le montant de la réduction de la première fraction d’aide publique qui leur est attribuée, sanctionnant ainsi ceux qui persistent à ne pas jouer le jeu de la parité et refusent de voir que plus de la moitié de leur électorat est composée de femmes.

Mme Françoise Guégot. Très bien !

Mme Valérie Corre. Bravo !

Mme Marie-Jo Zimmermann. Comment en effet pourrait-on ne rien faire alors que la parité effective dans les assemblées est encore loin d’être atteinte ? Si le taux de féminisation dépasse 43 % au Conseil économique, social et environnemental en raison de l’obligation créée par la loi organique du 28 juin 2010, il n’y a toujours aujourd’hui que 26,9 % de femmes députées et 21,8 % de femmes au Sénat.

Autre disposition importante de ce texte : l’article 2, qui opère un partage du complément de libre choix d’activité entre les deux parents. La majorité des femmes prennent un congé de maternité entre 30 et 40 ans, c’est-à-dire dans une période qui, justement, offre le plus de possibilités d’avancement de carrière. Une interruption d’activité pour une durée qui peut aller jusqu’à trois ans obère donc non seulement les chances concrètes d’avancement par rapport aux hommes dans la même position dans l’entreprise, mais aussi, à terme, la réinsertion dans la vie professionnelle, qui est rendue très difficile par un si long éloignement du marché du travail.

L’article 2 opère le partage du congé parental entre les deux parents. Certains collègues se sont opposés à cette disposition. Je la pense pour ma part indispensable, non seulement pour favoriser le retour des mères vers l’emploi, mais aussi pour encourager un plus grand investissement des pères dans l’éducation de leurs enfants et surtout pour faire évoluer l’image des salariés – femmes et hommes – face à ce que les entreprises voient comme un « risque de parentalité », qui joue en défaveur des femmes.

Le succès de ce modèle est une réalité dans les pays d’Europe du Nord, comme la Norvège ou la Suède, où les pères sont encouragés depuis les années 1990 à prendre un congé parental. Quel en est le résultat ? Un vrai renversement des représentations. Le « bon père » y est celui qui va, pour un temps donné, s’arrêter de travailler pour élever ses enfants, y compris s’il s’agit d’un élu, voire d’un ministre.

La loi est indispensable, par la fixation de nouvelles règles, pour faire évoluer les mentalités dans tous les champs de la société. Aujourd’hui, l’arsenal législatif existe, tant au niveau national qu’international ; encore faut-il le faire appliquer avec constance et détermination, opérer les contrôles, et pour cela disposer des moyens nécessaires, madame la ministre, et prendre des sanctions quand les entreprises ne respectent pas leurs obligations. Il va être indispensable, dans le contrôle de l’application de la loi, qui relève des parlementaires, de dresser un bilan de ces sanctions et de leur efficacité.

Les entreprises doivent se doter, comme la loi les y oblige, d’un rapport de situation comparée. Je souhaite vivement que l’obligation d’établir ce rapport soit appliquée et ; si elle ne l’est pas, que les sanctions soient très rudes. Sans cela, les mesures positives de ce projet de loi resteront des déclarations d’intention, alors que la volonté qui est la vôtre, qui est la nôtre, de promouvoir une égalité réelle entre les sexes répond avant toute chose à un impératif de respect de l’individu, de tous les individus, qu’ils soient femmes ou hommes. (Applaudissements tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames et monsieur les rapporteurs, chers collègues, le combat pour l’égalité des droits connaît en France des avancées notables, dont nous pouvons être fiers. Le mariage pour tous, bien sûr, mais aussi, concernant les femmes, un ministère de plein exercice, un gouvernement paritaire et, aujourd’hui, cette loi-cadre. Ce volontarisme gouvernemental va dans le bon sens et fait écho aux attentes des courants féministes, qui demeurent mobilisés. Car cette égalité tant de fois proclamée est encore loin d’être atteinte, en France comme ailleurs.

Nous, les femmes, représentons 52 % de la population mondiale, effectuons 66 % des heures de travail et produisons 50 % des richesses nationales. Mais nous ne possédons que 2 % des terres, recevons moins de 5 % des prêts bancaires, et 70 % des pauvres sont des femmes. La sous-représentation aux postes de décision économique ou dans les institutions est tout aussi alarmante. Les combats à mener sont encore nombreux, d’autant que certains de nos droits semblent fragiles. En France, par exemple, si, grâce à notre majorité, l’IVG est prise en charge à 100 %, en pratique, permettre aux femmes de faire une IVG sans s’expatrier n’est pas toujours facile : délais des consultations, manque de praticiens, fermetures de centres IVG.

Renforcer la protection des femmes qui souhaitent recourir à une IVG – comme cela est proposé dans le projet de loi – est certes important, mais il faut aller plus loin et permettre réellement aux centres IVG de fonctionner sur l’ensemble du territoire. Pour qu’avorter puisse être réellement un droit accessible à toutes celles qui le souhaitent, beaucoup reste à faire, en France comme ailleurs.

En Espagne, les récentes annonces gouvernementales sont d’ailleurs d’une gravité sans précédent. Remettre en question le droit à l’avortement – droit fondamental conquis de haute lutte comme une reconnaissance du droit de disposer de son corps, de maîtriser sa sexualité et de décider de sa parentalité – est une terrible régression, dont les premières victimes sont les femmes !

Rappelons-le : reculer, en matière d’égalité, n’est pas digne d’un État de droit ! Les mouvements féministes et au-delà, notre société tout entière, doivent sans cesse faire preuve de combativité et de vigilance. Les lois – comme celle-ci – constituent un outil essentiel au combat pour les droits des femmes. C’est pourquoi, si nous nous réjouissons de l’existence de ce texte, nous serons force de propositions pour aller plus loin encore, pour forcer les habitudes, les comportements et les mentalités.

Je pense aux violences faites aux femmes, au renforcement de la parité dans les entreprises, ou aux pénalités à l’encontre des partis politiques, notamment sur la deuxième fraction de leur financement, à la question de l’identité de genre et à la procédure de changement de sexe, ou encore aux enjeux autour de l’égalité professionnelle.

Nous ferons des propositions pour plus de fermeté envers les inégalités salariales ou en matière de parité ou d’accès aux postes à responsabilités. Ces inégalités reposent principalement, on le sait, sur l’ombre de la maternité. Seuls 6 % des hommes effectuent un changement dans leur vie professionnelle après l’arrivée d’un enfant, contre 40 % pour les femmes.

Les conséquences sont connues : temps partiels, carrières morcelées, chômage de longue durée, ou encore faiblesse des retraites et dépendance vis-à-vis du conjoint. Et la réforme des retraites votée il y a peu n’a pas toujours aidé. Avec l’allongement de la durée de cotisation, les femmes vont encore subir une décote plus importante. Nous avons déposé plusieurs amendements pour revenir sur ces injustices.

Mais, pour en revenir au soupçon de maternité qui pèse sur l’ensemble des femmes, une des solutions réside dans la mise en place d’un véritable service public de la petite enfance. Nous y reviendrons au cours des débats. De même, rendre le congé parental paritaire permettra de favoriser l’investissement à part égale des deux parents dans la sphère familiale et de contrer les éventuelles réticences des employeurs à embaucher des jeunes femmes. Mais, pour ce faire, il convient de mieux le rémunérer.

Permettez-moi également de vous faire part de mon inquiétude quant aux intermittentes du spectacle. J’espère que leur situation particulière sera bien prise en compte lors des négociations qui viennent de s’ouvrir. En outre, afin de contribuer à un partage des responsabilités plus paritaire entre les parents, j’ai déposé, avec d’autres, un amendement renforçant la médiation, étape déterminante en faveur de la garde alternée en cas de séparation.

Avant de conclure, je souhaite insister sur la priorité qui doit être donnée à la construction d’une culture de l’égalité entre les genres. Ces stéréotypes sont au fondement de la plupart des inégalités ainsi que des violences symboliques ou réelles qui touchent les femmes, mais aussi les transsexuels ou les homosexuels. L’éducation et l’école ont ici un rôle majeur à jouer. Et nous nous réjouissons du rôle attribué au CSA en la matière car les médias et la culture ont aussi leur part à prendre dans cette lutte contre les stéréotypes.

En conclusion, je souhaite rappeler notre sincère soutien à la politique menée par le Gouvernement en matière d’égalité femmes-hommes, combat que nous partageons et pour lequel nous sommes force de propositions. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Monsieur le président, madame la ministre, je voterai ce texte. Non seulement parce qu’il ouvre une nouvelle génération de droits pour les femmes, mais aussi en raison de l’approche intégrée et transversale qui le caractérise. Nous n’avons cessé, des années durant, de prôner – parfois, de revendiquer – l’adoption d’une loi globale, d’une loi-cadre, seule à même de traiter de manière cohérente des questions étroitement liées. En regroupant, pour la première fois dans un même texte des sujets jusqu’ici abordés de manière séparée, nous gagnons en lisibilité, en crédibilité, et probablement en efficacité.

Construire l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, c’est le fil rouge qui traverse les multiples dimensions de ce texte. À chaque fois, il s’agit de renforcer, en les complétant, les législations existantes et de lever les obstacles de toutes sortes, anciens mais aussi nouveaux, qui entravent cette grande ambition qui concerne la société tout entière.

Dans le monde du travail, plusieurs lois ont été votées qui sont à l’origine de nombreux outils juridiques et financiers. Mais si les femmes sont désormais toujours plus actives sur le marché du travail, l’égalité demeure encore un horizon. C’est vrai pour les salaires, où un écart de 9 % persiste une fois neutralisées les différences structurelles. C’est vrai aussi pour les conditions de travail, que le chômage et les horaires atypiques fragilisent. C’est vrai encore pour l’accès aux responsabilités, puisque le plafond de verre est très souvent plus convaincant que tous les diplômes.

L’égalité professionnelle ne se joue pas seulement dans la sphère du travail. Elle a partie liée avec la vie familiale. C’est à ce titre que le congé parental est réformé et qu’une nouvelle prestation est créée. Cette première étape en appelle nécessairement d’autres, et surtout le développement à grande échelle des modes d’accueil des jeunes enfants.

Le texte intègre également plusieurs dispositions de l’accord national interprofessionnel, qui sont assorties, en cas de non-respect, de sanctions. Mais l’enjeu est aussi de ne pas laisser s’accroître les inégalités entre les femmes selon qu’elles travaillent ou pas dans une entreprise de plus de cinquante salariés, selon qu’elles aient un CDI ou un contrat de travail temporaire. De même, le travail à temps partiel, dont l’explosion depuis les années 1990 a surtout concerné les femmes, exige une attention toute particulière. Les chiffres sont éloquents et révèlent, à leur façon, à quel point le développement de l’emploi des femmes est corrélé aux mesures incitatives des politiques publiques. Appréhendé, dans un premier temps, comme un moyen de concilier vie familiale et autonomie des femmes, le temps partiel, généralement subi, s’est révélé comme une fabrique de la précarité.

La journée de travail en miettes est une nouvelle réalité à laquelle les femmes sont trop souvent confrontées. Et il est peu probable que l’obligation d’une durée minimale d’activité de 24 heures par semaine apporte de grands changements pour la plupart des salariés à temps partiel dont la durée moyenne de travail est déjà de 23,9 heures.

Ce texte souhaite aussi lutter contre la précarité, singulièrement dans les familles monoparentales, à travers un dispositif contre le non-paiement des pensions alimentaires. Il paraît opportun qu’une des régions d’outre-mer, où la proportion des foyers monoparentaux est élevée, figure parmi les sites de l’expérimentation.

Ce titre II pourrait aussi être l’occasion d’inscrire dans la loi la volonté – unanime, je pense – de lutter contre les risques de paupérisation de nos aînées. Elles subissent souvent des situations de grande précarité : près de 15 % des femmes de plus de 75 ans vivent sous le seuil de pauvreté, les droits conjugaux et familiaux ne compensant pas les inégalités qu’elles ont subies durant leur vie active et qui se répercutent sur le niveau de leurs pensions.

La lutte contre les violences se trouve renforcée. Nous disons oui aux améliorations apportées à l’ordonnance de protection, oui à la généralisation du téléphone « grand danger », oui à l’éviction systématique du conjoint violent du domicile. De même, nous approuvons particulièrement deux nouvelles mesures attendues depuis longtemps, à savoir les stages de responsabilisation pour les auteurs des violences et une formation obligatoire portant sur les violences intrafamiliales pour l’ensemble des professionnels concernés. En confiant au CSA la responsabilité de veiller aux représentations des femmes diffusées par les médias, nous luttons aussi contre une forme de violence, celle qui malmène l’image des femmes et conditionne les mentalités. Reste, même si elle ne relève pas de la loi, l’enquête VIRAGE : nous réitérons notre demande, madame la ministre, pour qu’elle soit conduite de manière simultanée sur l’ensemble du territoire, c’est-à-dire y compris dans les outre-mer.

L’égalité réelle entre les hommes et les femmes, c’est aussi la traduction dans les faits de l’article 1er de la Constitution. Et force est de constater que les lois adoptées pour la parité politique et les avancées qu’elles ont permises n’ont pas provoqué un élan dans les autres secteurs. Une fois de plus, il faut passer par la loi et envisager des sanctions pour faire vivre la parité dans toutes les instances dirigeantes : celles du sport, de la culture et des arts, des chambres consulaires, des entreprises et des établissements publics, ou encore des nombreuses autorités administratives indépendantes.

L’égalité est une conquête quotidienne. Ce texte y contribue avec force : pour les femmes et pour les hommes. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Corre.

Mme Valérie Corre. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteures pour avis, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans un héritage. Cet héritage, c’est celui de toutes ces femmes et de tous ces hommes qui se sont battus pour l’égalité et qui ont permis les grandes conquêtes dont nous bénéficions aujourd’hui.

Ce combat n’est pas derrière nous car force est de constater que, malgré la volonté et les lois, des inégalités importantes demeurent : sur le plan professionnel, les écarts de salaires entre hommes et femmes stagnent à 27 % et 80 % des travailleurs précaires sont des femmes ; sur le plan de la représentation politique, dans notre assemblée, par exemple, malgré la parité, 27 % seulement des députés sont des femmes.

Ce projet de loi s’inscrit dans ce combat, en cohérence avec l’action du Gouvernement menée depuis deux ans : un gouvernement paritaire – une première dans l’histoire ! –, un véritable ministère aux droits des femmes, la mise en place du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et surtout la volonté obstinée de ce gouvernement d’intégrer la parité dans les organismes publics et de lutter contre les discriminations et les stéréotypes de genre – c’est le cas, par exemple, à travers la loi pour la refondation de l’école qui a mis l’accent sur l’égalité filles-garçons.

Malgré les droits acquis, malgré les lois votées, les inégalités perdurent et les mentalités évoluent trop lentement. Aussi est-il nécessaire de continuer à agir : agir en termes de droits, agir sur les préjugés et les comportements. C’est l’objet de cette loi.

Cette loi ne se contente pas de reproduire du droit. Elle pose les fondements durables d’une évolution des mentalités. Elle propose des mesures ciblant les secteurs qui structurent les représentations de notre société, parmi lesquels je citerai ceux qui ont un lien avec la commission des affaires culturelles et de l’éducation : l’audiovisuel, la culture et le sport. Miroirs de ce que nous sommes, de nos valeurs, de ce qui nous rassemble, ils nous imposent leur réalité et organisent pour une part l’inconscient collectif de notre société.

Je tiens de nouveau à saluer le travail effectué par la commission des affaires culturelles, à l’initiative de sa rapporteure, Sylvie Tolmont, en particulier en matière d’audiovisuel.

L’Association des femmes journalistes a montré qu’à travers le prisme des médias, les femmes apparaissaient majoritairement absentes, victimes, ou « femmes de ». Ce n’est pas acceptable, il faut agir. Désormais, le CSA devra produire des indicateurs sur la manière dont les femmes sont représentées à l’écran. Il est essentiel que chacun comprenne que l’image des femmes véhiculée dans les médias a des effets réels sur nos jeunes et sur ce que sera la France de demain, et que, tout en respectant la liberté de la presse et de l’information, les journalistes doivent mesurer leur responsabilité.

En matière culturelle, la situation est plus contrastée. Bien sûr, je me réjouis des mesures prises en faveur de l’égal accès des femmes et des hommes à la création et à la production artistique. Toutefois, et les législateurs que nous sommes peuvent en ressentir une certaine frustration, la loi ne peut pas tout. Poser des règles, mêmes fermes, ne suffit pas toujours à faire évoluer les mentalités, qui sont souvent plus conservatrices dans les rangs des prétendues élites culturelles que dans le reste de la société. Mais je l’ai dit, la force de ce projet de loi, c’est aussi d’amplifier la prise de conscience.

Pour finir, quelques mots sur le sport. Là encore, la situation progresse mais trop lentement. Permettez-moi de rappeler ces chiffres déjà cités mais tellement éloquents : alors que les femmes représentent 35 % des licenciés des fédérations sportives et 35 % des sportifs de haut niveau, et malgré les dispositions adoptées en 2000 en faveur d’un égal accès des femmes et des hommes aux instances dirigeantes, on ne compte aujourd’hui que onze femmes à la tête d’une fédération, et elles constituent seulement 15 % des cadres.

On ne peut accepter cela, et je regrette que l’amendement proposé par notre rapporteure, qui prévoyait le retour au seuil de 50 % pour établir une réelle parité dans les instances dirigeantes des fédérations, ait été rejeté. En effet, la parité, comme son nom l’indique, ce n’est pas quarante-soixante comme cela est proposé dans le texte actuel du projet de loi, mais bien cinquante-cinquante.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Absolument !

Mme Valérie Corre. Au-delà de ces quelques regrets, madame la ministre, je me réjouis de l’élan donné par ce projet de loi : il porte en lui des évolutions nécessaires en termes législatifs. Tout comme nous pouvons nous satisfaire de toutes les initiatives déjà prises par votre ministère, avec, entre autres, L’ABCD de l’égalité mis en place dans les écoles. Encore une fois, avec ce gouvernement, l’égalité progresse ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDPGDR.)

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff.

Mme Claude Greff. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteures pour avis, chers collègues, en matière de situation des femmes, beaucoup de chemin a été parcouru depuis cinquante ans dans notre pays. La France compte déjà de nombreuses lois relatives à l’égalité entre hommes et femmes : elles donnent aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes et évitent les différences de considération dans tous les domaines, qu’il s’agisse des associations, de l’entreprise, ou de la politique.

Oui, le principe d’égalité est l’un des éléments clés de notre République. Un principe fondateur ! L’homme et la femme sont et doivent être égaux en droit, mais resteront toujours homme et femme par nature – et c’est, je crois, une chance pour nous.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui aurait dû faire l’unanimité : un texte qui permet de condamner plus fortement les violences au sein du couple ou des familles, un texte qui protège davantage la victime restée seule avec ses enfants, un texte qui veut renforcer l’égalité professionnelle et salariale, un texte qui veut combattre la situation précaire générée par le temps partiel souvent imposé aux femmes, un texte qui veut se donner les moyens de mieux aider les mères isolées, un texte qui veut faire en sorte que la place des femmes en politique soit plus importante. Bref, un texte avec lequel nous ne pouvions qu’être d’accord car il se devait d’optimiser, madame la ministre, celui que nous avions voté il n’y a pas si longtemps, lorsque nous étions dans la majorité. A cet égard, sachez que les femmes de droite veulent l’égalité au même titre que les femmes de gauche. Elles ont travaillé depuis de nombreuses années en ce sens. Vous n’êtes pas la seule responsable de cette réussite.

Mais malheureusement, avec ce texte vous avez fait de l’égalité une idéologie égalitariste. On y sent de fortes revendications féministes,…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ce n’est pas un gros mot !

Mme Claude Greff. …qui ont toutes, bien sûr, leur légitimité, mais qui ne font une fois de plus que nourrir des tensions, voire des oppositions.

Une loi sur l’égalité domestique n’est-elle pas la loi de trop, celle qui crée des oppositions entre hommes et femmes, voire stigmatise les hommes en allant jusqu’à infliger des pénalisations ?

Je ne suis pas du tout convaincue par vos arguments quand vous dites que la réforme du congé parental améliorera l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes. Ce n’est pas le bon moyen pour y parvenir ! Pourquoi l’État fait-il de l’ingérence dans la vie des couples ? Allez-vous bientôt leur dire combien d’enfants ils doivent avoir, et à quel moment ? Cela relève bien encore de leur choix, que je sache ! Ou alors, dites-nous tout simplement si vous voulez supprimer, à terme, le congé parental en le rendant de plus en plus inaccessible.

Si, pour vous, le couple n’est qu’une addition de deux personnes – et, qui plus est, en concurrence –, alors je vous dis non. Je parle bien sûr ici du congé parental. L’homme comme la femme pèsent le pour et le contre de leur devenir et celui de leurs enfants, en toute responsabilité. Renforcer la responsabilité parentale, ce n’est pas mettre les parents dans la situation d’être l’un contre l’autre. Chaque famille est un cas particulier. C’est pour cela que j’ai toujours défendu le soutien à la parentalité qui apporte une réponse personnalisée.

Mais, je sais que, pour vous, la notion de famille est aliénable. Elle est si secondaire que nous ne savons même pas comment vous allez la financer dans quelques mois.

L’ancienne majorité, que vous avez pour habitude de rendre responsable de toutes les difficultés de notre pays, avait aussi pour projet la création d’une agence de recouvrement des pensions alimentaires, proposition que j’entrevois dans votre texte, mais sous une forme qui me paraît bien trop complexe, compte tenu de la réactivité dont nous devons faire preuve dans ces situations difficiles.

Ce texte sur l’égalité entre hommes et femmes traite de sujets qui, pour une grande partie, auraient dû être intégrés au projet de loi sur la politique familiale. À mes yeux, ce mélange affaiblit la force de ce projet de loi, qui aurait dû être un grand projet de loi.

Autre point de désaccord avec vous, madame la ministre : l’ABCD de l’égalité, site internet dont vous voulez faire un support de l’apprentissage de l’égalité entre filles et garçons, dès l’école primaire, dans le cadre de la prévention des stéréotypes sexistes. Ceux qui m’écoutent pourraient s’imaginer que je ne veux pas de l’égalité, ce qui est faux. Chers collègues, je vous invite à prendre un peu de temps non pas simplement pour lire mais pour décrypter le message non dévoilé de cet ABCD de l’égalité. Vous y apprendrez que la littérature enfantine doit être corrigée pour que le Petit chaperon rouge puisse être un garçon et le Grand méchant loup une petite fille, que les contes de fées sont des théories de l’avilissement de la femme car l’homme est toujours représenté comme un héros ou un grand guerrier…

M. Philippe Noguès. C’est vrai !

Mme Claude Greff. En fait, madame la ministre, vous voulez retirer les différences qui font un homme et une femme, même si vous ne l’avez pas longuement expliqué à l’occasion de la loi sur le mariage pour tous.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Osez donc employer le terme de « genre » !

Mme Claude Greff. Si pour vous, les enfants doivent être des instruments d’égalité dès l’école, je vous dis non. Si pour vous, la théorie du genre est une base d’action pour nier qu’un enfant naît garçon ou fille, je vous dis non.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Et voilà !

Mme Claude Greff. Je suis persuadée que dès le plus jeune âge, les principes de tolérance, de respect et d’acceptation de l’autre doivent être au cœur des principes éducatifs. L’école ne doit pas être un creuset d’amalgames. Je vois cependant que vous n’avez pas attendu le vote de cette loi pour mettre déjà en place ce programme dans les écoles.

Si pour vous, la parité est la seule base de représentation des femmes au sein des instances politiques nationales et locales, je vous dis non. Il serait temps de mettre l’accent davantage sur les moyens à mettre à disposition des femmes pour les aider à concilier une vie familiale avec une vie politique et professionnelle, plutôt que sur les sanctions financières, qui existent déjà et ont, malheureusement, montré leurs limites.

Les femmes travaillent, les femmes sont plus engagées et surtout les femmes ne se taisent plus. Les femmes assument leur rôle de citoyennes responsables. Les femmes doivent avoir une place dans toutes les élections et les représentations politiques de notre pays. Cependant, la femme ne sera jamais appréciée à sa juste valeur si elle est imposée en politique par la sanction financière. Je préférerais que vous travailliez davantage sur le statut de l’élu.

Madame la ministre, j’estime que les points positifs de cette loi en faveur de l’égalité hommes-femmes sont malheureusement effacés par son caractère de fourre-tout. L’égalité pour les femmes ne pourra se faire qu’avec les hommes et non contre les hommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, faire une loi, c’est déjà reconnaître qu’il y a un problème ; c’est reconnaître que l’on doit et que l’on peut le résoudre, ou du moins que l’on doit y contribuer. Ainsi que cela a été rappelé, une femme meurt sous les coups de son conjoint tous les deux jours et demi ; les femmes représentent 82 % des travailleurs à temps partiel, avec les conséquences que l’on sait en termes de précarité et de retraite ; les femmes ont encore des salaires inférieurs de 27 % à ceux des hommes ; elles sont toujours tenues à l’écart des lieux de pouvoir, en politique comme dans l’entreprise, même si des progrès ont été enregistrés dans le domaine politique.

Cette situation n’est ni une fatalité, ni une catastrophe naturelle qui nous tomberait dessus sans que l’on n’y puisse rien : elle est le résultat d’un rapport de forces entre les hommes et les femmes – ce qui ne signifie pas que toutes les femmes sont de pauvres victimes, ni que tous les hommes sont de méchants agresseurs. Ni les femmes, ni les hommes ne peuvent se satisfaire de cette situation. Cette question étant très politique, la représentation nationale se devait donc de s’en saisir. C’est désormais chose faite, et c’est très bien ainsi !

Ce projet de loi est également important parce qu’il s’inscrit dans un contexte politique qui, à mon sens, lui donne de la force et de la crédibilité, car il est proposé par le premier gouvernement paritaire de l’histoire, représenté par une ministre de plein exercice. C’est aussi ce gouvernement qui a mis en place le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, et qui prend en compte la lutte contre les discriminations et les stéréotypes sexistes dans les lois qui s’y prêtent ; et à mon sens, toutes les lois s’y prêtent ! En effet, les inégalités entre les hommes et les femmes sont partout, de façon plus ou moins visible ; elles se renforcent et s’entretiennent les unes les autres.

L’on voit ici une des autres qualités de ce projet de loi, essentielle à mon sens : il prend en compte le caractère systémique et cumulatif de ces discriminations et, en conséquence, adopte une approche transversale.

Adopter une approche transversale, c’est considérer que les violences, la précarité, les inégalités dans la vie personnelle et professionnelle, ainsi que l’exclusion des lieux de pouvoir sont étroitement liées. Le couple n’est pas toujours un havre de paix, pour répondre à ce que disait tout à l’heure Mme Greff : il reproduit très souvent les inégalités existant dans la société et les entretient, très souvent à l’encontre des femmes mais également, je tiens à le souligner, souvent à l’encontre des pères, les hommes n’étant jamais considérés comme tels et n’en ayant souvent pas les droits.

Pour ma part, je m’attacherai aux questions de travail et de précarité. L’un des nœuds des inégalités entre les femmes et les hommes au travail résidant dans la très inégale répartition des tâches et des responsabilités familiales, le texte prévoit la réforme du congé parental, qui passera ainsi de trois ans à deux ans et demi, plus six mois pour le deuxième parent – le plus souvent le père. Cela permet de décharger quelque peu la mère, matériellement et psychologiquement, et de reconnaître un peu plus l’homme dans son rôle de père ; je crois aussi qu’il s’agit d’un progrès très important pour les enfants.

Il s’agit d’une première étape ; mais celle-ci devra rapidement s’orienter vers un congé beaucoup plus court. En effet, l’éloignement prolongé du travail pose problème au moment de retrouver une bonne situation professionnelle, ou tout simplement de retrouver un emploi. Plus court, ce congé devra également être partagé à égalité entre les hommes et les femmes, et être beaucoup mieux indemnisé.

Pour autant, toutes les femmes ne sont pas des mères, et les difficultés auxquelles les femmes, mères ou non, sont confrontées au travail ne se limitent pas à la difficile conciliation entre la vie privée et la vie publique.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Exactement !

Mme Barbara Romagnan. C’est pourquoi le texte prévoit de nouveaux moyens d’information : pour combattre les inégalités, encore faut-il se donner les moyens de les voir. Cela passe par un renforcement du rapport de situation comparé, qui permet d’évaluer les différences de situation entre les femmes et les hommes dans l’entreprise. À titre d’exemple, si ce rapport ne prend pas en compte l’âge et l’ancienneté des salariés, il ne peut révéler que les femmes dans l’entreprise n’atteignent tel ou tel niveau de salaire qu’à l’âge de 45 ans, contre 35 ans pour les hommes.

Cela passe également par une révision des classifications professionnelles, déjà proposée par le Sénat. Certains métiers, très majoritairement exercés par des femmes, voient leur pénibilité ou leurs exigences de compétences sous-évaluées au motif que les femmes posséderaient des qualités innées – la patience, la douceur ou un pseudo-instinct maternel –, qui rendraient l’exercice de ce métier moins pénible et ne mobiliseraient aucune compétence justifiant d’être monétisée.

Par ailleurs, je crois essentiel que nous ajoutions des mesures permettant de limiter le recours au temps partiel et de réduire la précarité liée à ce type d’emploi. Des progrès restent à faire dans ce domaine, raison pour laquelle des amendements seront proposés en ce sens.

Enfin, sachant qu’une famille monoparentale sur trois vit sous le seuil de pauvreté, que près de 90 % des chefs de famille monoparentales sont des femmes et que 40 % des pensions alimentaires ne sont pas versées ou pas payées régulièrement, le texte prévoit un mécanisme de garantie des impayés de pension pour mettre un terme à des situations aussi pénibles pour les femmes que pour les enfants qui en subissent directement les conséquences.

Si l’action politique en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes ne saurait se limiter au vote d’une loi, aussi complète fût-elle, je crois que l’adoption de celle-ci peut constituer une étape décisive. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Edith Gueugneau.

Mme Edith Gueugneau. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteures pour avis, chers collègues, de tous les textes sur lesquels je me suis investie, le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes revêt pour moi une importance toute particulière.

Certes, les batailles pour le droit de vote, l’accès à la contraception, le droit à l’interruption volontaire de grossesse ont déjà été gagnées dans la loi. Certes, depuis 1999 est inscrit dans la Constitution que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». Mais force est de constater que, décennie après décennie, si les droits se renforcent en faveur de l’égalité, l’égalité réelle n’est encore qu’un doux rêve.

L’égalité est un noble combat qui mérite toute notre énergie, mais requiert aussi toute notre vigilance. En matière d’égalité, quand on n’avance plus, on recule : l’actualité récente nous le démontre encore.

Ce texte marquera l’histoire des droits des femmes dans notre pays. Pour la première fois, un projet de loi vient nous parler de manière globale d’égalité entre les femmes et les hommes. Précarité, égalité professionnelle, violences et parité seront débattues pour qu’ensemble nous puissions nous acheminer vers une nouvelle génération de droits : les droits réels.

Pour ma part, j’insisterai sur un aspect qui me tient beaucoup à cœur puisque j’y ai souvent été confrontée au cours de ma vie professionnelle de préparatrice en pharmacie : les violences faites aux femmes.

Avant de souligner les avancées substantielles du texte en la matière, je tiens à saluer le travail engagé par notre ministre aux droits des femmes, et par la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences, la MIPROF : un travail reposant sur les remontées du terrain et les expériences, fédérant les acteurs impliqués et mobilisant toutes celles et tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, sont confrontés aux violences faites aux femmes.

Ce n’est pas un agrégat d’actions que vous mettez en place, madame la ministre, mais bien une dynamique que vous insufflez et qui, j’en suis sûre, portera ses fruits. Eh oui, il s’agit bien de volontarisme politique. Dans une période budgétaire contrainte, 66 millions d’euros – soit un doublement du budget – seront consacrés à la généralisation du téléphone « grand danger », à l’ouverture du numéro unique 3919 accessible gratuitement sept jours sur sept, à 1 650 solutions nouvelles d’hébergement d’urgence, ainsi qu’à une meilleure information des victimes, comme le prévoit le quatrième plan triennal de lutte contre les violences faites aux femmes. Il faut bien cela pour éradiquer cet insidieux fléau. Un véritable fléau, en effet, car telle est la définition qui ressort de ces chiffres : une femme sur trois est victime de violences dans sa vie, une femme est victime de viol toutes les sept minutes, 146 personnes sont décédées en 2011 sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint. Et cela, en France. C’est inacceptable !

Nous devons travailler sur le temps long et sur les générations à venir, avec un travail incontournable de déconstruction des stéréotypes sexués. Nous devons aussi mieux protéger les femmes victimes de violences, et ce dès aujourd’hui. Comment ? En améliorant encore l’ordonnance de protection : ce dispositif, créé par une loi de 2010, permet à un juge aux affaires familiales de statuer rapidement, dans les situations de danger, sur des points tels que la jouissance du logement, les modalités d’exercice de l’autorité parentale ou encore l’interdiction de se rencontrer.

Personne ne remet en cause la protection supplémentaire qu’apporte un tel dispositif, au contraire, notamment lorsque l’on sait à quel point peut être difficile la démarche du dépôt de plainte pour une femme victime de violences.

Le rapport d’application de la loi de 2010 décrit cependant un dispositif encore mal connu et appliqué de manière inégale sur le territoire. L’article 7 du projet de loi propose d’améliorer encore son contenu, avec une ordonnance de protection de six mois, délivrée dans les meilleurs délais, avec des droits uniformisés pour les personnes mariées et non mariées. Grâce à un amendement que j’ai déposé, la victime a la possibilité de dissimuler son adresse et à élire domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée.

Le titre III de ce projet de loi accorde légitimement beaucoup d’importance à l’ordonnance de protection, mais il regorge d’autres mesures très importantes pour le quotidien des victimes : les dispositions permettant au juge pénal de prononcer l’éviction du conjoint violent du domicile conjugal sont renforcées ; les violences psychologiques sont mieux prises en compte et les personnes étrangères victimes de violences mieux prises en charge.

Lors des auditions que j’ai pu mener dans le cadre de la délégation aux droits des femmes, j’ai été particulièrement interpellée par les propos d’un magistrat, liant intrinsèquement violences conjugales et parentalité, témoignant de l’impact des violences conjugales sur l’enfant et interrogeant de fait la notion d’autorité parentale. Nous avons eu ce débat en commission et, si ce n’est dans ce texte, je souhaite vivement, madame la ministre, que ce sujet puisse être prochainement abordé.

Oui, cette loi a pour ambition plus d’égalité, plus de justice et plus de parité ; cette loi donne l’espoir d’un changement de notre société vers une société d’égalité réelle pour tous et pour toutes : l’égalité entre les femmes et les hommes reste un champ de conquête ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les droits des femmes s’inscrivent dans notre tradition des droits de l’homme, dans notre vision de la démocratie et dans notre conception de l’égalité, du respect et des droits fondamentaux. Or, vous le savez, madame la ministre, ces droits fondamentaux, souvent consacrés, sont partout menacés. De Kaboul à Kinshasa, de São Paulo au Caire, partout dans le monde et au cœur même de l’Europe, les droits des femmes ne sont pas suffisamment consolidés pour résister aux crises, aux conflits voire aux transitions politiques.

Ne nous trompons pas : la loi est toujours dans son rôle lorsqu’elle modernise la société et le temps, fût-il long, n’a jamais, à lui seul, accéléré la marche de l’égalité. Attendre l’évolution normale des temps et des mœurs reviendrait à renoncer à ces conquêtes sociales que nous devons au courage, à l’intelligence et à 1’engagement de toutes celles et tous ceux qui les ont portées, au premier rang desquels je veux citer Simone Veil. Je veux aussi rendre hommage à toutes celles et tous ceux qui, ici même, sur ces bancs, se sont battus, depuis des années, dans un domaine essentiel à la démocratie française.

Il est donc essentiel de renforcer ces droits, de manière récurrente et volontariste, avec le souci d’interactivité et de transversalité qui anime ce texte et qui le fonde. Vous le savez, madame la ministre, c’est l’esprit même de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations faites aux femmes, qui couvre également l’intégralité des secteurs concernés – public, économique, social et politique –, et qui prône de manière systématique une approche holistique et transversale. J’aurais aimé que vous citiez cette Convention, que vous la citiez dans le texte de votre projet de loi comme ici, à cette tribune.

L’objectif doit être clair : il s’agit de combattre de manière plus efficace les freins à l’égalité juridique mais aussi d’atteindre une égalité réelle, effective, et pour cela, de comprendre les résistances, les difficultés qui, au quotidien, entretiennent l’inégalité structurelle.

Je limiterai mon intervention à trois observations, et je ferai tout d’abord une recommandation. Aucun recul, ni en fait, ni en droit, n’est aujourd’hui acceptable dans une démocratie moderne en phase avec son temps.

Mme Brigitte Bourguignon. Exactement !

Mme Nicole Ameline. Je soutiendrai naturellement les avancées contenues dans ce texte, concernant notamment l’accès à l’interruption volontaire de grossesse, c’est-à-dire à la maîtrise par les femmes de leur propre descendance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) La suppression de la référence à la situation de détresse n’est simplement que la reconnaissance de la responsabilité et de la légitimité des femmes à décider elles-mêmes pour elles-mêmes. (Mêmes mouvements.)

M. Sébastien Denaja, rapporteur. Bravo, madame !

Mme Nicole Ameline. Permettez-moi, même si ce point ne figure pas dans le présent texte, d’évoquer la traite des êtres humains, sujet déjà abordé par l’un de nos collègues à cette tribune. En évoquant l’approche holistique, je n’oublie pas les situations les plus indignes de notre temps : le système esclavagiste, qui perdure et qui croît dans nos sociétés, appelle, madame la ministre, une mobilisation à tous les niveaux.

La France a une responsabilité particulière dans le domaine des droits des femmes, responsabilité liée à son histoire et à sa vision des droits de l’homme, …

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Absolument !

Mme Nicole Ameline. …responsabilité vis-à-vis des droits des femmes françaises mais aussi de toutes les femmes.

Mme Claude Greff. C’est indispensable !

Mme Nicole Ameline. Nous ne légiférons pas seulement pour nous-mêmes, mais pour les femmes qui, dans le monde, se battent pour leur liberté, leur égalité, leur vie souvent, et pour lesquelles tout progrès ici est un espoir pour elles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Très bien !

Mme Nicole Ameline. Nous avons aussi une responsabilité au sein de l’Europe – nous avons prochainement des échéances –, qui est aujourd’hui marquée par une crise sans précédent et par des reculs sociaux dont les femmes sont les premières victimes, alors que dans le même temps elles s’affirment comme les premières forces de progrès, de croissance et de démocratie.

Nous avons une responsabilité, enfin, car le combat de l’égalité est celui de la démocratie. La reconnaissance pleine et entière de l’égalité est non seulement un facteur de justice sociale, mais aussi la marque d’une démocratie moderne et exemplaire.

Sans revenir sur les différentes parties de ce texte, je veux appeler votre attention sur trois points.

D’abord, il faut replacer les droits des femmes au cœur de l’État. Si la loi est essentielle, elle ne suffit pas. Les services, les moyens, les budgets doivent être adaptés. Vous avez d’emblée cité les acteurs publics et sociaux de l’égalité. Pouvez-vous nous assurer que ces dispositions mobiliseront de manière effective notre organisation administrative et les moyens y afférents ? Pouvez-vous, en clair, décrire ce qu’est actuellement le mainstreaming dans notre pays et ce que vous en attendez ?

Ensuite, il faut replacer les droits des femmes au cœur de l’économie moderne. Les éléments favorisant l’autonomie professionnelle des femmes sont positifs. Il est essentiel de créer davantage de flexibilité pour leur permettre d’assumer leurs choix et de construire leur carrière professionnelle. Si un certain nombre de dispositions y répondent, je souhaite vous rendre attentive aux amendements qui visent à donner aux femmes plus de liberté, condition première de l’égalité. Il sera non moins essentiel de favoriser une dimension genre dans le prochain texte sur la formation professionnelle. Une véritable offensive est nécessaire dans ce domaine, notamment dans les secteurs les plus modernes, comme le numérique, si l’on veut que les femmes soient à l’avant-garde de la sortie de crise. De même, une évaluation stricte des dispositifs favorisant la création d’entreprise par les femmes serait opportune.

Enfin, replacer les femmes au cœur de notre démocratie, c’est développer une culture de l’égalité, c’est mobiliser toutes ces associations formidables qui y travaillent, mais aussi les professeurs, tous les responsables de l’enseignement.

Notre rôle, c’est le combat pour l’égalité, et il a plus que jamais du sens. Il est vital pour les femmes dont la vie est en jeu, et il représente l’éthique du futur qui fonde une société moderne, en phase avec son temps. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteures pour avis, mes chers collègues, toute inégalité est une violence. Toute violence doit susciter en nous de l’indignation, et le courage politique consiste à transformer cette indignation en action. La politique dans ce qu’elle a de plus noble est celle qui fait véritablement avancer la société dans le sens du progrès, de la liberté et de l’égalité. Avec ce texte, nous y contribuons.

Au cours d’un mandat de député, il y a des moments de fierté particulière. Celui-ci en est un. Fierté d’appartenir à une majorité qui a fait de l’égalité entre les sexes une priorité, en recréant un véritable ministère aux droits des femmes. À ce titre, j’aimerais saluer Mme la ministre Najat Vallaud-Belkacem, mais aussi celles qui l’ont précédée à ce poste, à commencer bien sûr par les grandes figures que sont Françoise Giroud et Yvette Roudy.

Mme Claude Greff. Et à droite, vous croyez que personne n’a travaillé à l’égalité entre les femmes et les hommes ?

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Parce que Françoise Giroud n’a pas été de droite ?

M. Philippe Noguès. Fierté également de m’exprimer dans cet hémicycle sur un texte qui, j’en suis convaincu, fera date et marquera une étape historique dans le combat pour l’égalité entre les sexes.

Soixante-seize ans après la suppression dans le code civil, en 1938, de l’incapacité juridique de la femme mariée, soixante-dix ans après que les femmes ont obtenu le droit de vote en 1944 – bel anniversaire que nous allons fêter cette année –, quarante-neuf ans après que les femmes ont obtenu, en 1965 seulement, le droit de travailler et de gérer leurs biens librement sans l’autorisation de leurs maris, quarante-sept ans après la légalisation de la contraception en 1967, quarante-quatre ans après la création du Planning familial en 1970, trente-neuf ans après le vote de la loi Veil autorisant l’avortement – et l’actualité nous rattrape pour nous rappeler que rien n’est jamais gagné –, trente et un ans après la loi Roudy de 1983 sur l’égalité professionnelle dans l’entreprise, enfin, et j’en oublie,…

Mme Claude Greff. Vous en oubliez, ça c’est sûr !

M. Philippe Noguès. …quatorze ans après le vote de la loi sur la parité en politique, adoptée en 2000 sous le gouvernement Jospin, mesure aussi imparfaite que nécessaire, nous sommes les héritiers et les héritières de cette histoire.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Depuis dix ans, vous croyez que rien n’a été fait ? C’est de l’amnésie !

Mme Virginie Duby-Muller. Comme ce discours est réducteur !

M. Philippe Noguès. À chacune de ces étapes, tout ce que notre pays compte de forces conservatrices a opposé une résistance féroce à ce qui est pourtant, de toute évidence, le sens de l’histoire.

Comment parvenir à l’égalité réelle, comment changer la société pour une parfaite égalité des chances, à la naissance, entre une petite fille et un petit garçon, pour qu’à l’avenir cet hémicycle soit enfin paritaire ?

Mme Marie-Jo Zimmermann. En tout cas, ce ne sera pas avec des gens comme vous !

M. Philippe Noguès. L’égalité réelle passe, c’est une évidence, par l’égalité dans le monde du travail. J’y consacrerai l’essentiel de mon propos.

L’égalité professionnelle, c’est lutter contre le plafond de verre, celui qui empêche des femmes d’accéder aux postes à responsabilité qu’elles mériteraient, mais aussi contre le plancher collant qui condamne les femmes plus que les hommes aux salaires inférieurs et à la précarité.

En tant qu’ancien syndicaliste, aujourd’hui député engagé pour la responsabilité sociale des entreprises, l’égalité professionnelle est pour moi un combat de longue date.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Tu parles !

M. Philippe Noguès. Ce projet de loi apporte des avancées significatives dans la lignée des lois Roudy et Génisson. Les négociations annuelles obligatoires en matière d’égalité entre les hommes et les femmes sont renforcées. Le principe selon lequel « à travail de valeur égale, rémunération égale » devient un objectif. Des actions de rattrapage de salaires devront être mises en œuvre.

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est déjà fait !

M. Philippe Noguès. Contre la précarité subie, les déplacements entre deux lieux de travail pour un même employeur et pour une même journée seront considérés comme du temps de travail effectif.

L’article 3 exclut des marchés publics les entreprises condamnées pour discrimination ou non-respect de leurs obligations en matière d’égalité professionnelle. L’article 4 vient protéger les femmes exerçant une profession libérale.

Il me semble important de noter que les droits des pères salariés se voient eux aussi renforcés. Ainsi, le congé parental sera désormais une prestation partagée entre les parents. Le texte accorde aussi aux pères une protection contre le licenciement après la naissance de leur enfant et leur octroie des autorisations d’absence pour assister à certains examens prénataux. Nous amorçons ainsi un changement profond des mentalités, vers une société où les responsabilités familiales seraient partagées de manière naturelle, où serait consacré le droit à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, pour les mères comme pour les pères, où fonder une famille serait un choix sans conséquence sur les carrières, pour les femmes comme pour les hommes. Car, et ce sera ma conclusion, Simone de Beauvoir ne disait-elle pas avec raison qu’on libérerait l’homme en libérant les femmes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon.

Mme Pascale Crozon. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteures pour avis, mes chers collègues, à en croire les derniers chiffres fournis par le ministère de l’intérieur, 53 % des étrangers venus s’installer en France en 2012 sont des étrangères. Ce chiffre global traduit mal une réalité extraordinairement sexuée puisque si les femmes n’obtiennent que 15 % des titres de séjour à vocation professionnelle, elles sont 69 % parmi les conjoints de Français. C’est dire que dans les 30 000 couples mixtes qui se marient chaque année en France, la question de l’égalité entre l’homme et la femme recoupe très largement celle de l’égalité des droits entre un conjoint français et, le plus souvent, sa conjointe étrangère.

Voici maintenant plus de dix ans que notre droit a identifié cette asymétrie de statut comme potentiellement favorable à l’exercice de chantages pouvant conduire, dans certains cas, à des situations de violence. Il est théoriquement – je dis bien théoriquement – impossible, depuis 2003, de retirer un titre de séjour à une victime de violences conjugales, et il est obligatoire, depuis 2010, d’en délivrer un aux personnes placées sous ordonnance de protection, quelle que soit leur nationalité ou leur situation administrative. Dans les faits pourtant, et après un empilement de lois sur l’immigration qui font systématiquement peser sur le conjoint étranger une suspicion de mariage blanc ou gris,…

M. Sergio Coronado. Très juste !

Mme Pascale Crozon. …il demeure extrêmement difficile pour ces victimes d’accéder au droit.

Mme Claude Greff. Eh oui !

Mme Marie-George Buffet. Tout à fait !

Mme Pascale Crozon. La réalité que nous rencontrons dans nos permanences, et vous le savez bien, madame la ministre, ce sont des Français – et parfois même des Françaises – qui vont chercher un conjoint à l’étranger pour les placer dans des situations de quasi-esclavage domestique, qui confisquent leurs papiers, leur interdisent de sortir ou de travailler, et qui, quelques années plus tard, les mettent à la rue et les dénoncent eux-mêmes, au moment de la rupture de la vie commune, auprès des autorités, parfois pour recommencer avec une autre. Dans bien des cas, la machine administrative se met en route avant même qu’elles aient pu dénoncer ces situations de violence. Dans bien des cas, les obligations de quitter le territoire français sont exécutées en pleine procédure judiciaire et font obstacle à ce que la justice soit rendue et les auteurs de violence condamnés.

M. Sergio Coronado. Tout à fait !

Mme Pascale Crozon. Parfois même, comme je l’ai vu encore récemment, ces décisions s’opposent à l’exécution des jugements du juge aux affaires familiales en matière de pensions ou d’autorité parentale. L’on sait d’ailleurs ce qu’il advient de ces femmes lorsqu’elles sont renvoyées dans leur pays.

Mais, je le rappelle, en République ce n’est pas aux préfectures de désigner les victimes et les coupables d’une infraction pénale. Hormis les cas de violence physique les plus graves et les plus évidents, elles sont d’ailleurs souvent bien désarmées pour le faire. L’ordonnance de protection, que nous avons conçue comme une protection supplémentaire, urgente et exceptionnelle, se retourne bien souvent, dans ces situations, contre celles qui ne l’ont pas obtenue. Je pense que vous serez d’accord avec moi, madame la ministre, pour rappeler ici que l’absence d’ordonnance de protection ne saurait en aucun cas suffire à conclure à l’absence de violences.

C’est donc bien à la justice de dire le droit et je regrette, comme je l’ai déjà dit en commission, que nous ayons supprimé une disposition du Sénat qui garantissait le droit au séjour le temps des procédures pénales.

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

Mme Pascale Crozon. Sans doute était-elle trop large. Je proposerai une rédaction limitant strictement sa portée aux situations de violences conjugales, pour que les principes que nous affirmons dans notre droit des étrangers depuis 2003 soient enfin concrètement mis en œuvre par l’accès au droit, à la réparation et à la condamnation des auteurs.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Très bien !

Mme Pascale Crozon. Ce qui est en cause, en réalité, dans les situations de rupture de la vie commune entre un Français et un étranger, ce n’est pas le laxisme dont nous nous rendrions coupables face à une immigration incontrôlée, c’est au contraire le laxisme dont nous nous rendons coupables face aux auteurs de violences qui ont bien compris les failles de notre droit. Comme je l’ai écrit au ministre de l’intérieur, et je pèse ici à nouveau mes mots, l’État se rend complice d’un quasi-droit de répudiation.

J’espère que ce projet de loi, dont je soutiens par ailleurs pleinement l’ensemble des dispositions, et que je voterai bien sûr avec enthousiasme, sera l’occasion de ne plus fermer les yeux sur celles qui sont doublement victimes d’hommes aux intentions matrimoniales peu recommandables, et de politiques migratoires qui défendent encore bien trop souvent les intérêts de leurs bourreaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Virginie Duby-Muller. Madame la ministre, liberté, égalité, fraternité : c’est sur notre devise républicaine et ses trois principes indissociables que je voudrais commencer mon propos, alors que nous nous retrouvons pour ce que vous appelez la troisième étape des droits des femmes, après celle des droits civiques de la Libération et des droits économiques et sociaux des années 1970.

Je commencerai par des paroles fraternelles pour reconnaître que vous habitez réellement votre fonction de ministre, à laquelle vous avez su donner une dimension transversale et interministérielle. Toutefois, si vous avez démontré en commission avoir encore besoin de la loi pour faire avancer les droits des femmes, je déplorerai, dans un second temps, le fait que le contenu de votre texte aille trop loin en touchant aux libertés individuelles de nos concitoyens. Vous êtes passée du « pas assez d’égalité hommes-femmes » au « complètement » voire « trop ».

Les objectifs de votre texte sont louables, puisqu’il s’agit de lutter contre de nombreuses inégalités entre les hommes et les femmes, dans la vie privée comme dans la vie publique. Qui oserait s’opposer, en 2014, à ce combat lorsqu’on constate que 80 % des tâches domestiques continuent d’être assurées par des femmes ? Un écart de rémunération de 27 % sépare toujours les hommes et les femmes, lesquelles constituent 80 % des salariés à temps partiel. Il n’y a encore que 23 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises du CAC40, malgré la loi Copé-Zimmermann. Nous ne sommes que 26 % de femmes députées, et on me demande d’ailleurs fréquemment qui garde ma fille âgée de deux ans.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Partage des tâches !

Mme Virginie Duby-Muller. Seulement 14 % des maires sont des femmes.

Votre texte va donc dans le même sens que la politique volontariste qui a été menée par la précédente majorité. Votre projet de loi-cadre consiste en une approche intégrée de l’égalité et comporte ainsi un nombre important de mesures sans grande cohérence les unes avec les autres – le Sénat ayant largement contribué à faire de votre projet de loi un texte fourre-tout en votant quarante articles additionnels aux vingt-cinq articles initiaux. Mais « l’Assemblée nationale redressera la trajectoire », comme l’a précisé le président de la commission des lois le 10 décembre dernier.

Nous allons donc essayer de revenir à l’essentiel de votre texte. Les dispositions relatives à la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité ont particulièrement retenu mon attention, bien que je considère que l’article 17 va trop loin.

La loi du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, comportait comme principale innovation la mise en place de l’ordonnance de protection. Votre article 7 a pour objet de l’améliorer, avec des dispositions permettant d’assurer en urgence la protection des personnes victimes de violences de la part de leur conjoint, de leur partenaire d’un pacte civil de solidarité ou de leur concubin.

Les améliorations proposées sont nombreuses et on ne peut que s’en féliciter : téléphone portable d’alerte « grand danger » généralisé dans le cas de violences conjugales mais aussi de viol, suppression de la médiation pénale dans les cas de violences conjugales, éviction systématique du domicile du conjoint violent.

L’article 6 constitue aussi une avancée importante : je reçois encore beaucoup trop de femmes, à ma permanence, qui ne reçoivent pas la pension alimentaire qui leur est due.

Mais, madame la ministre, je voudrais revenir sur une autre mesure forte de votre projet de loi : la réforme du congé parental, mesure sujette à controverse. L’article 2 vise non pas à encourager, mais à contraindre les couples à répartir différemment le congé parental. Or, n’en déplaise à mes collègues, cette mesure, dont l’objectif est d’impliquer davantage les pères et de ne pas tenir les mères trop longtemps éloignées du marché du travail, a finalement des effets pervers. Tout d’abord, certaines familles n’apprécient pas qu’on leur dicte leur conduite et que l’on s’immisce dans leur vie privée.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

Mme Arlette Grosskost. Absolument !

Mme Virginie Duby-Muller. D’autres n’ont pas recours à cette mesure. Enfin, et c’est une grande majorité, des familles ne peuvent pas y avoir recours : je pense ici aux artisans, aux commerçants, aux étudiants et aux frontaliers, qui sont très nombreux en Haute-Savoie et en particulier dans ma circonscription.

Mme Arlette Grosskost. Très juste !

Mme Virginie Duby-Muller. Ces points ont fait l’objet d’amendements et nous espérons, madame la ministre, que vous y serez sensible. D’ailleurs, alors que vous faites souvent référence à l’Allemagne, où, trois ans après la réforme, la proportion des pères prenant un congé a été multipliée par 7, passant de 3 à 21 %, je voudrais citer l’exemple de Sigmar Gabriel, vice-chancelier, ministre de l’économie et de la transition énergétique, qui a annoncé qu’il se libérerait chaque mercredi après-midi pour aller chercher sa fille de deux ans. Ce choix relève bien de la sphère privée, d’une volonté personnelle, d’un arrangement individuel, et non pas d’une loi. Pourquoi vouloir légiférer coûte que coûte dans un domaine qui relève de choix personnels et familiaux ?

Il en est de même, dans le cadre de la lutte contre les stéréotypes, avec vos Abécédaires de l’égalité. Le D de « déconstruire » me laisse sceptique. L’égalité entre les hommes et les femmes, cela s’apprend, certes, mais je ne suis pas certaine que ce soit la priorité de l’école ou de la formation des enseignants. Oui, les garçons peuvent jouer à la dînette ! Non, la danse n’est pas réservée aux filles ! D’ailleurs, dans les pays scandinaves, pionniers de la théorie du genre, les jeunes filles continuent de choisir des métiers en lien avec le service à autrui ou la communication, alors que les garçons se consacrent plutôt aux métiers techniques.

Cette approche empirique contredit le dispositif que vous venez de lancer, d’autant que parallèlement, le Gouvernement s’en prend à la politique familiale.

Madame la ministre, j’aurais eu envie de soutenir votre mobilisation pour la cause des droits des femmes, mais je n’ai pas la même dialectique que vous. Pour moi, pas d’égalité sans liberté. Aussi, votre engagement m’apparaît excessif, dans la mesure où il porte atteinte à la liberté individuelle et à la vie privée des Français, et parce qu’il pèse également sur les entreprises, en ajoutant des lourdeurs et des contraintes dont elles se passeraient dans un contexte de crise et d’inflation normative. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Julie Sommaruga. À droite, il ne faut pas de lois !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon.

Mme Brigitte Bourguignon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure où l’égalité entre les hommes et les femmes reste un combat de tous les instants, aux dimensions internationales, à l’heure où, dans de nombreux États, les femmes n’ont même pas acquis un minimum de droits civils, à l’heure où certains pays, comme l’Espagne, régressent – car revenir sur des acquis s’appelle la régression –, notre pays doit se montrer plus que jamais exemplaire.

Ce projet de loi, madame la ministre, constitue une nouvelle et belle avancée pour les droits des femmes, et ce dans tous les domaines.

Huit lois plus tard, de droite comme de gauche, force est de constater que la parité n’est toujours pas au rendez-vous. Car c’est bien de la parité dont je vous parlerai.

Jusqu’alors a prévalu une logique de sensibilisation, voire d’incitation, au mieux de pénalisation financière, mais l’évolution demeure trop lente. Partant du constat que cette égalité ne peut être atteinte tant que les femmes resteront sous-représentées dans les organismes de décision, d’administration, de contrôle ou de surveillance, je salue le volontarisme du Gouvernement, qui a souhaité mettre en place, dans un premier temps, une parité imposée afin de favoriser une évolution positive de l’égalité entre les hommes et les femmes, concernant à la fois les mondes économique et politique, mais aussi social, culturel et sportif.

Sur les quatre domaines d’intervention définis par ce texte en matière de parité, la délégation aux droits des femmes a souhaité émettre un certain nombre de propositions. Je me limiterai ici aux seuls champs politique et sportif.

Concernant le domaine politique, le Gouvernement a choisi de passer au coercitif et de doubler le taux de modulation, en portant de 75 à 150 % la sanction financière ; ne voulant pas transformer l’incitatif en mesure confiscatoire, il propose que la diminution ne puisse excéder le montant total de la première fraction de l’aide.

Après nombre d’auditions, et au regard des pratiques, je reste toutefois sceptique sur la portée de cette nouvelle mesure et doute qu’elle suffira pour féminiser davantage notre assemblée. À l’instar du Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, je pense qu’il faudra sûrement aller plus loin encore dans la sanction.

Aussi, afin de motiver davantage les partis politiques, nous avons recommandé, de manière plus radicale, la suppression, au niveau national, de la dotation publique, au titre de la première fraction, pour les partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures.

Vigilance aussi sur la question du rattachement des candidats dissidents, souvent des hommes, que les partis n’ont pas moyen de contrôler et qui peuvent mettre en échec leurs efforts de parité : nous sommes favorables à la disposition initialement prévue dans le texte, selon laquelle le rattachement d’un candidat non présenté par un parti ne serait plus pris en compte au titre de la deuxième fraction de l’aide.

Concernant le sport, là encore, malgré un objectif de développement des pratiques sportives féminines et de mixité des institutions sportives, voulu par les différents gouvernements depuis plus de quinze ans, les résultats ne sont toujours pas au rendez-vous pour les femmes.

Les préjugés sur la place de la femme dans le monde sportif sont tenaces. Le sport reste fortement structuré autour de l’opposition entre des sports traditionnellement masculins et des activités féminisées.

C’est pourquoi nous avons émis plusieurs recommandations, qui prennent néanmoins en considération le fait que les clubs et les fédérations sont des associations, dont les libertés d’organisation doivent être préservées.

Outre la mise en place d’une stratégie globale pour la féminisation des sports, tant en ce qui concerne la pratique sportive que la représentation des sportifs et sportives au sein des fédérations, afin de briser les plafonds de verre nous pensons également qu’est nécessaire un rapport sur le contenu des plans de féminisation, aujourd’hui de valeur inégale, sur leur respect par les fédérations, sur leur efficacité par rapport aux objectifs.

Nous proposons également que le ministère des sports ouvre une véritable réflexion sur les leviers possibles pour la féminisation des cadres sportifs et des directeurs techniques nationaux dans les fédérations.

De même, les médias de radio et de télévision se doivent d’assurer des retransmissions plus nombreuses de compétitions mettant en présence des équipes féminines, avec un objectif de progression inscrit à l’article 16.

Ces mesures doivent être assorties d’une obligation de résultat de la part des fédérations, avec une date limite pour atteindre l’objectif.

Pour conclure, la parité, c’est 50 %. En dessous, cela s’appelle « quota ». La parité, ce n’est pas un gadget de femmes en mal de reconnaissance : la parité doit être une évidence, source d’une profonde modification de la place de la femme dans la société et de sa pleine reconnaissance en tant qu’individu. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre.

Mme Marie-Hélène Fabre. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteures pour avis, mes chers collègues, on aurait préféré, en 2014, que l’égalité salariale entre les femmes et les hommes soit acquise, et que les violences faites aux femmes, notamment dans leur vie privée, aient enfin disparu.

Mais voilà, la réalité est tout autre. Même ici, au sein de cet hémicycle, toute femme restera toujours quelqu’un à qui on peut dénier son humanité, en la renvoyant à un statut qui n’est pas toujours le même que celui de nos collègues masculins.

Je citerai Friedrich Hegel qui affirmait que « les idées qui bouleversent le monde marchent à pas de colombes ».

Sans coup férir, vous nous proposez, madame la ministre, de changer en profondeur notre société. Grâce à vous, les droits des femmes sont redevenus une priorité politique. Comment ne pas apprécier que ce projet de loi soit le premier à aborder l’égalité dans toutes ses dimensions, et en se tournant vers l’effectivité des droits ?

On ne peut que se féliciter de l’ensemble des dispositions présentes dans ce texte, qui vont favoriser l’émergence d’une véritable égalité entre les femmes et les hommes au plan professionnel, mais aussi en matière génésique, avec la réaffirmation du droit plein et entier à disposer de son propre corps.

Concernant la lutte contre les stéréotypes sexistes, je suis heureuse qu’une information soit enfin dispensée à tous les stades de la scolarité.

Autres points importants de ce texte, les articles 7 et 8 portent sur les violences faites aux femmes. L’éradication de ces violences est la condition d’une véritable égalité entre les femmes et les hommes. Encore récemment, à la une de la presse régionale, on pouvait lire : « Rosine a été tuée d’une balle dans la tête par son ex-mari. » Les pouvoirs publics étaient au courant de la situation. Pourtant, rien n’a pu empêcher ce meurtre. Trop souvent encore, beaucoup trop souvent, les colonnes de nos journaux relatent des faits similaires… Tous savaient, des mains courantes et des plaintes avaient été déposées. Et nous connaissons la suite. Chaque semaine, en France, deux femmes meurent, comme Rosine, sous les coups de leur conjoint. Mais nous y reviendrons dans la discussion des articles.

On peut se réjouir de la création d’un Observatoire de la lutte contre les violences faites aux femmes dans le département des Pyrénées-Atlantiques et dans celui de la Seine-Saint-Denis : ils ont ouvert la voie à une meilleure coordination de la lutte contre les violences faites aux femmes, et notamment à la veille mise en place dès le dépôt de trois mains courantes. C’est une expérience qui mériterait d’être élargie sur le territoire. Avec ma collègue Colette Capdevielle, nous aurons l’occasion d’y revenir dans la discussion du texte.

Notre responsabilité de législateur, en cette matière, est immense. Car, quelles que soient les violences commises au sein du couple, elles relèvent du code pénal. Là encore, nous aurons l’occasion d’y revenir au cours des débats.

L’ordonnance de protection doit devenir un instrument juridique suffisamment efficace pour éviter ces drames. Je me félicite que son délai de délivrance soit réduit au maximum et sa durée portée à six mois, afin de permettre la stabilisation de la victime, tout comme je salue l’adoption, au Sénat, d’un amendement visant à permettre au juge aux affaires familiales de démontrer plus rapidement la réalité des violences. Ce sont des avancées qu’il ne faut pas négliger.

Comment, enfin, ne pas saluer l’article 15, qui met l’accent sur le suivi des auteurs de violences, afin de contribuer à la prévention de la récidive ? Les dispositions prévues à l’article 15 bis, qui instaure une formation pour l’ensemble des intervenants dans le domaine des violences à l’encontre des femmes, sont les bienvenues. Cette formation est cruciale pour la prévention et la détection des violences, mais aussi pour l’accueil et la prise en charge des victimes.

Pour conclure, je dirai que ce projet de loi est un texte véritablement historique. La marche vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes sera encore très longue, nous en sommes convaincus, mais c’est sans doute la première fois dans notre histoire que nous nous donnons autant de moyens pour y parvenir. Et pour la première fois, nous pouvons espérer faire des inégalités entre les femmes et les hommes un chapitre clos de notre histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteures pour avis, mes chers collègues, un jour viendra où les hommes seront heureux d’avoir pu bénéficier des protections de la loi sur la parité !

Mme Arlette Grosskost. C’est vrai !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour l’instant, nous ne nous en rendons pas encore tout à fait compte mais un rapide coup d’œil jeté sur cet hémicycle me permet de dire qu’il existe des circonstances dans lesquelles, ma foi, cette échéance approche !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Vous voyez ce qu’il en est dans la structure présente !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je comprends, madame la présidente, ne vous inquiétez pas.

Madame la ministre, vous avez choisi, avec ce texte, de faire avancer les choses par la contrainte de la loi. Sur un certain nombre de sujets que Mme Guégot a rappelés tout à l’heure, on ne peut que vous suivre, mais je serai plus réservé sur un certain nombre d’autres, qui font d’ailleurs l’objet de plusieurs amendements que nous avons déposés.

Il en est ainsi, par exemple, de la difficulté qu’éprouveront à l’évidence un certain nombre de couples à faire en sorte que l’un des conjoints puisse s’absenter pendant son travail sur un temps long. Sans modification substantielle du code du travail, cela sera extrêmement compliqué et fera peser sur eux une précarité ou une incertitude financière ou économique délicate.

Mme Claude Greff. C’est en effet considérable et vous ne mesurez pas à quel point, madame la ministre !

M. Jean-Frédéric Poisson. L’objectif de parité ne sera pas non plus facile à atteindre dans un certain nombre de professions. Je ne veux pas tomber dans certains exemples souriants mais quelques-uns viennent assez rapidement à l’esprit. La discussion des amendements me paraît plus adéquate que la discussion générale pour vous les signaler.

Enfin, certaines professions, en raison des activités qui sont les leurs – je pense aux artisans et à quelques autres –, rencontreront des difficultés réelles quant à leur maintien pur et simple.

Sur le fond, les dispositions que vous prenez à l’égard des entreprises me paraissent tout à fait inadaptées, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

Je ne peux que partager en revanche votre souci sur un point particulier que nous connaissons bien dans nos permanences : l’éviction automatique du conjoint violent en cas de violences conjugales. Elle est jusqu’ici trop lente sur le plan judiciaire, trop timide de la part des bailleurs sociaux, et la législation sur ce point doit évidemment être modifiée.

Vous comprendrez, madame la ministre, mes chers collègues, que j’axe mon propos sur l’article 5 de ce projet et, en particulier, sur les modifications apportées par la commission, monsieur le président de la commission des lois, lors de la séance qui s’est tenue avant Noël.

Je pars d’un principe que je défends constamment dans cet hémicycle : celui du respect de la vie depuis la conception. J’observe, d’ailleurs, qu’il s’agit là de la formulation même du premier article de la loi de 1975 à laquelle beaucoup font référence ici depuis tout à l’heure, et sans doute avec juste raison.

La majorité socialiste, en tout cas en commission des lois, a décidé de supprimer la notion de « détresse » de la loi actuelle s’agissant de l’accès à l’avortement, en prétendant – c’était d’ailleurs l’un des éléments de notre débat – qu’il ne s’agissait là que d’une modification anodine. En réalité, je ne crois pas du tout qu’elle le soit.

Je veux bien entendre que la mission de la loi serait de s’adapter systématiquement aux évolutions de la société, mais je ne le crois pas. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’échanger à ce propos et, si l’on voulait bien s’attarder deux secondes sur cette formulation, on constaterait que la loi ne peut pas être cela, et que c’est heureux.

Cette suppression fait entrer de plain-pied dans notre législation le droit à l’avortement comme un droit plein et entier, lequel a été décrit tout à l’heure par un certain nombre de nos collègues comme « le droit des femmes à disposer de leur corps ». Cette formule est connue. Visiblement, madame la ministre, vous l’avez faite vôtre – ce qui est évidemment votre droit le plus strict – mais vous avez été aussi alertée, d’une certaine façon, sur un problème de concurrence vis-à-vis du texte concernant l’interdiction de la prostitution dont nous avons débattu voilà quelques semaines. Cette question a été posée dans vos propres rangs et il faut savoir s’il s’agit là d’un principe qui ne souffre pas d’exception ou s’il en souffre. En droit, tout cela n’est pas neutre.

Il s’agit donc, dites-vous, de la liberté de choix…

…portant sur un acte qu’un certain nombre de mes contradicteurs, tout à l’heure, sur le plateau d’une grande radio périphérique, ont eux-mêmes qualifié de « lourd », lourd de conséquences, entraînant souffrances et douleurs.

Mme Marie-George Buffet. Comme si les femmes victimes de réseaux de traite avaient une liberté de choix !

M. Jean-Frédéric Poisson. Un rapport de l’IGAS consacré à l’IVG rappelait, en 2010, ce que disait la Haute autorité de santé : « L’IVG demeure un événement souvent difficile à vivre sur le plan psychologique. Cette dimension manque d’éclairage objectif et scientifique ».

Les enquêtes d’opinion nous renseignent, quant à elles, sur le fait que beaucoup de femmes éprouvent une souffrance réelle lors de la commission de cet acte, que ce soit par voie médicamenteuse ou chirurgicale. C’est là une réalité. Alors, soit on considère qu’elle ne doit pas être prise en compte et pas traitée, soit on essaie de la prendre en compte. C’est d’ailleurs ce que la loi Veil avait voulu faire…

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Non.

M. Jean-Frédéric Poisson. …n expliquant qu’il fallait bien sûr – dans la perspective de ses auteurs et de ses défenseurs – dépénaliser les actes médicaux, faire en sorte qu’ils soient pratiqués dans des conditions sanitaires acceptables et que la banalisation soit évitée.

Mme Veil, il y a quelques années, a regretté cette banalisation. Aujourd’hui, la stabilisation du nombre annuel d’avortements signifie que cet acte douloureux, lourd de conséquence – je renvoie aux autres qualificatifs – ne fait, en réalité, plus l’objet d’aucune espèce de prévention.

Ce que je vise, à travers l’amendement que j’ai déposé, ce n’est pas autre chose qu’une sorte de parallélisme des formes par rapport aux lois de bioéthique. Lorsqu’il s’agit d’accueillir la vie, la loi de 1994 mais aussi ses différentes révisions ainsi que les décisions du Conseil constitutionnel ont consacré le principe du « choix éclairé ». C’est une formulation principielle absolument constante des législations relatives à l’accueil de la vie.

Mme Julie Sommaruga. Vous voulez punir les femmes, ce n’est pas pareil !

Mme Huguette Bello. Parce que, bien sûr, les femmes ne sont pas éclairées !

Mme Brigitte Bourguignon. Heureusement que vous êtes là, monsieur Poisson, pour nous éclairer !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pourquoi ne veut-on pas faire en sorte que cet éclaircissement soit également présent au moment où l’on s’apprête à mettre fin à une vie dans le cadre de l’avortement ? Une information claire est nécessaire à ce propos et il est nécessaire que les conditions du choix soient telles qu’il soit librement exercé.

Nous savons tous, car nous connaissons et rencontrons ces situations, que la pression faite sur un certain nombre de femmes, parfois par leur employeur, parfois par leur conjoint, parfois par leur famille ou leurs amis – cela n’épargne aucun milieu ni aucun type de personnes ou de convictions, c’est très clair –…

Mme Huguette Bello. Nous sommes toujours sous emprise !

M. Jean-Frédéric Poisson. …fragilise l’exercice du libre choix.

C’est pourquoi, madame la ministre, non seulement le rétablissement de cette référence fondamentale qu’est la « détresse » est essentiel à la législation en vigueur – même si elle ne me satisfait pas –, et c’est pourquoi ce que vous vous apprêtez à faire voter au Parlement sur le délit d’entrave à l’information, qui inclurait même la simple information préalable sur les conséquences éventuelles d’un avortement, ne relève pas, je crois, du respect de la liberté personnelle.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, je défendrai ces amendements dans le cadre de nos débats. Pour le reste, je suivrai la position de mon groupe. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, ma réponse à cette discussion générale sera assez peu académique. Plutôt que de reprendre un à un les arguments que vous avez évoqués et de vous répondre sur chacun d’entre eux, je me contenterai de résumer vos interventions en espérant ne pas les trahir.

Grosso modo, à quelques exceptions près, vous avez tous dit que ce texte allait dans le bon sens et qu’il était perfectible. Vous présenterez des amendements auxquels je me montrerai extrêmement attentive, parce que je n’ai qu’un intérêt dans cette affaire : faire en sorte qu’à l’issue de nos débats ce texte soit le plus ambitieux et le plus efficace possible.

J’ai été piquée au vif par l’intervention de l’une d’entre vous, Mme Guégot. Non pas qu’elle ait été particulièrement désagréable, mais elle a visé au plus juste, je le reconnais bien volontiers, en déplorant que mon propos introductif n’ait pas suffisamment rendu hommage aux formations politiques qui, en effet, ont contribué les unes après les autres à faire progresser l’égalité. Je reconnais cette lacune, madame la députée, et c’est pourquoi je consacrerai quelques minutes à adresser mes remerciements les plus sincères et les plus chaleureux à plusieurs personnalités. Je ne voudrais pas, en effet, que vous reteniez une telle image de moi alors que j’accorde beaucoup d’importance à inscrire notre action dans le sillage d’un héritage partagé.

Je remercie donc tout d’abord celles que l’on retrouve dans cette assemblée, Mme Zimmermann, Mme Ameline, vous-même, madame Guégot, votre action et votre implication ayant beaucoup apporté dans le combat en faveur de l’égalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRCGDR.)

J’adresse également un remerciement chaleureux à Mme Bousquet qui était tout à l’heure parmi nous, dans les tribunes (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), et, plus anciennement, comme nombre d’entre vous l’ont fait à la tribune, à Mmes Veil, Giroud, Roudy, Royal, Génisson, mais aussi à des messieurs, qu’il ne faudrait pas oublier : je pense au ministre Foyer, garde des sceaux de Charles de Gaulle, à Lucien Neuwirth, évidemment, mais aussi à Edgar Faure, qui fut le premier à inscrire dans la loi le principe de l’égalité de la rémunération entre les hommes et les femmes, au ministre Lecanuet à qui l’on doit la procédure de divorce par consentement mutuel – il est toujours intéressant de s’en souvenir –, à MM. Haby, Jospin, Sarre, Perben – à qui l’on doit, plus récemment, la protection des conjoints victimes de violences. Je sais le reconnaître !

Cette énumération est intéressante en ceci qu’elle montre combien les progrès sont intervenus grâce aux deux parties qui composent cet hémicycle et qu’ils sont autant le fait des hommes que des femmes.

J’espère que nous continuerons dans cet état d’esprit pendant l’examen de ce projet de loi ! Je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Daniel Gibbes.

M. Daniel Gibbes. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mesdames les rapporteures pour avis, mes chers collègues, l’article 3 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ».

Malgré les nombreux textes législatifs et conventionnels en vigueur depuis des décennies, bien qu’acquise en droit et garantie par notre Constitution, l’égalité entre les femmes et les hommes demeure souvent et douloureusement problématique.

En s’attaquant aux racines du mal et en ayant d’autre choix que de s’y atteler par une approche intégrée, ce projet de loi va dans le bon sens, même si des réserves devront être émises, en matière de réforme du congé parental notamment.

L’article 1er de ce texte fixe le cadre de cette approche intégrée et pluripartite de la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il confie la responsabilité de la mise sur pied de cette politique et de son évaluation à l’État, aux collectivités territoriales et aux établissements publics.

Cette approche intégrée, interministérielle, traduit donc la simple adoption, par notre pays, du gender mainstreaming voulu par l’Union européenne et dont l’objectif est, justement, d’intégrer la question de l’égalité entre les hommes et les femmes à toutes les politiques publiques, mais aussi à l’ensemble des secteurs d’activité.

Je soutiens les grandes orientations politiques que l’article 1er fixe en matière d’égalité. La prévention des stéréotypes sexistes, la protection contre les atteintes à la dignité ou contre les violences faites aux femmes sont les préalables nécessaires aux autres objectifs visés et aux autres actions à mener. Je me réjouis donc de la réécriture de cet article 1er par la commission des lois, laquelle, en hiérarchisant ces orientations, leur donne à la fois plus de sens et plus de cohérence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Maud Olivier.

Mme Maud Olivier. L’article 1er pose les fondements d’une approche intégrée de l’égalité, comme cela vient d’être dit, qui doit être inscrite dans l’action de l’État, mais également, j’y insiste, dans celle des collectivités territoriales et des établissements publics.

Il s’agit de prendre des mesures spécifiques pour prévenir ou compenser les désavantages que subissent les femmes, et de prendre en compte de manière transversale les enjeux de l’égalité dans tous les champs de l’action publique.

Nombreuses sont les politiques qui, de façon directe ou indirecte, confortent les inégalités : elles doivent être évaluées pour être corrigées.

Les collectivités territoriales se voient conférer une nouvelle compétence légale. Elles constituent sûrement l’échelon le plus efficace pour réaliser dans les faits l’égalité de droit. Depuis plusieurs années, des collectivités pionnières expérimentent des dispositifs pour ce faire. Cette loi leur donnera une légitimité juridique et politique. C’est une reconnaissance du travail qu’elles ont accompli ces dernières années et un levier indispensable à l’engagement de toutes.

La commission a amendé cet article 1er en améliorant la hiérarchisation des objectifs de la politique pour l’égalité, donnant la priorité à la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les atteintes à leur dignité. Elle a également précisé que l’État et les collectivités territoriales devaient tendre vers l’égalité salariale et que, dans le domaine culturel, l’égalité devait être garantie.

Les autres objectifs de cette politique pour l’égalité visent à lutter contre les stéréotypes sexistes, à assurer aux femmes la maîtrise de leur sexualité, notamment par l’accès à la contraception et à l’IVG – il est particulièrement indispensable et impératif de le rappeler aujourd’hui –, à lutter contre la précarité des femmes, à garantir l’égalité professionnelle et la mixité des métiers, à favoriser une meilleure articulation des temps de vie et un partage équilibré des responsabilités parentales et à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux responsabilités professionnelles et sociales.

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Vous me permettrez aussi d’évoquer quelques points en préambule de nos discussions.

Moi aussi, vous l’aurez compris, je suis fière d’appartenir à un mouvement politique qui n’a pas à rougir du chemin qui a été parcouru en matière d’égalité entre les hommes et les femmes.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme Claude Greff. Absolument !

Mme Arlette Grosskost. Nous avons un héritage qui nous honore et je vous remercie, madame le ministre,…

Mme Sylvie Tolmont, rapporteure pour avis. Madame la ministre !

Mme Arlette Grosskost. …de l’avoir reconnu. J’en prends acte.

François Fillon avait confié des responsabilités de premier plan aux femmes : les affaires étrangères, l’intérieur, ainsi que l’économie et les finances. C’est d’ailleurs une femme issue de nos rangs qui dirige aujourd’hui le Fonds monétaire international. Beaucoup d’autres avancées ont été réalisées, on l’a rappelé, parmi lesquelles la création de 200 000 solutions de garde supplémentaires,…

Mme Claude Greff. Exactement !

Mme Arlette Grosskost. …une augmentation de plus de 30 % des crédits consacrés à la lutte contre les violences faites aux femmes, l’obligation pour le conjoint violent de s’éloigner du domicile familial…

Mme Claude Greff. Eh oui ! Cela existe !

Mme Arlette Grosskost. …et l’interdiction du port du voile intégral, qu’il est important de rappeler aussi.

Votre article 1er définit les grandes orientations de la politique intégrée qui est proposée pour l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que les différents acteurs concernés. L’État, les collectivités et leurs établissements publics se voient assigner l’objectif d’engager des actions, notamment en faveur de l’égalité professionnelle, contre la précarité, pour le partage des responsabilités parentales, contre les stéréotypes sexistes et les violences.

Certaines mesures méritent d’être soutenues, car oui, ce combat a du sens. Je déplore néanmoins, comme ma collègue Virginie Duby-Muller, que vous vous immisciez dans la vie des familles, en particulier pour ce qui concerne le congé parental.

Mme Claude Greff. Tout à fait !

Mme Arlette Grosskost. Vous allez en effet contraindre les couples à répartir différemment le congé parental. On estime que 40 % des femmes qui prennent ce congé y sont contraintes, soit parce qu’elles ne trouvent pas un mode de garde à proximité, soit pour des raisons financières : les modes de garde étant souvent trop chers, elles travailleraient à perte. C’est sur ce point qu’il va falloir agir, et les familles doivent pouvoir continuer à s’organiser librement. J’espère donc, madame la ministre, que vous saurez, que vous aurez la sagesse, d’écouter l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Claude Greff. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cet article est le préalable de toute lutte contre les discriminations à caractère sexiste. Il réaffirme le rôle de l’État comme garant d’une égalité réelle entre hommes et femmes, et ce dans tous les domaines pouvant permettre la promotion de l’égalité, d’une part, et le renforcement de la protection des femmes, mais aussi des hommes, face au sexisme, d’autre part.

Ce projet et cet article ne sont pas féministes. Ils sont porteurs de notre idéal républicain et témoignent, j’ose le dire, de notre militantisme, celui de l’égalité en droit et en fait, celui de la justesse d’une démocratie réelle, sociale et représentative à tous ses échelons : État, corps intermédiaires, entreprises et citoyens. Notre projet, c’est donc l’égalité politique par la parité, un objectif constitutionnel que ce texte vient renforcer. C’est l’égalité professionnelle et salariale, renforcée par les obligations inscrites dans le code du travail. C’est aussi le renforcement de ce droit fondamental qu’a chaque homme et chaque femme de devenir parent lorsqu’ils le désirent. C’est lutter contre la précarité, en favorisant l’accès des parents de chaque sexe à l’emploi et à l’insertion. C’est enfin, pour tout dire, la lutte contre la violence, contre toutes les violences, qu’elles soient physiques ou morales.

Ce projet, mes chers collègues, c’est celui d’une société qui se veut exemplaire et responsable. C’est celui d’une société qui n’attend pas l’égalité, mais qui l’initie, qui la porte et qui la crée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Julie Sommaruga.

Mme Julie Sommaruga. Cet article préconise, entre autres choses, des actions pour favoriser la mixité dans les métiers. C’est une très bonne nouvelle et je me réjouis que nous prenions à bras-le-corps cette forme d’inégalité persistante.

Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple de la situation des métiers scientifiques, dont j’ai montré, dans mon rapport sur l’enseignement des sciences, qu’elle constitue une faiblesse de notre système. Les filles souffrent d’une inégalité d’orientation et, pour reprendre l’expression employée par l’association Femmes et mathématiques, elles s’autocensurent par rapport aux carrières scientifiques ou aux carrières d’ingénieur, car les emplois correspondants ne sont pas perçus comme féminins. Cela n’a rien d’étonnant, hélas, dans la mesure où ces représentations biaisées sont entretenues, parfois par le milieu familial, certes, mais aussi par les médias, et trop souvent par l’institution scolaire elle-même. Ainsi, pour lutter dès le plus jeune âge contre cette inégalité, la loi pour la refondation de l’école préconise que l’orientation et les formations proposées aux élèves « favorisent la représentation équilibrée entre les femmes et les hommes parmi les filières de formation ».

L’article 1er de ce projet de loi est donc, et je m’en réjouis, un outil supplémentaire, indispensable, qui complétera le travail éducatif efficace entrepris depuis la rentrée par l’éducation nationale pour garantir cette mixité dans les métiers, qui est tant attendue. Il est évident que c’est en multipliant à la fois les actions et les intervenants que nous pourrons enfin casser les stéréotypes et permettre aux femmes de s’épanouir dans tous les métiers, même ceux qui leur paraissent interdits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Bravo !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron