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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 23 janvier 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Nomination d’une députée en mission temporaire

2. Exposition aux ondes électromagnétiques

Discussion générale

M. François-Michel Lambert

M. Jacques Krabal

M. André Chassaigne

Mme Corinne Erhel

M. Patrice Martin-Lalande

M. Yannick Favennec

Mme Jeanine Dubié

M. Thierry Mariani

Mme Annick Le Loch

M. Patrick Bloche

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Motion de rejet préalable

Mme Laure de La Raudière

Mme Laure de La Raudière

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

M. François Pupponi

M. André Chassaigne

Mme Jeanine Dubié

M. François-Michel Lambert

Mme Laure de La Raudière

Discussion des articles

Avant l’article 1er

Amendement no 35

Mme Laurence Abeille, rapporteure de la commission des affaires économiques

Article 1er

Mme Fanélie Carrey-Conte

Amendements nos 36 , 106 , 37 , 76 rectifié , 107 , 165 , 108 , 77 , 122 , 123 , 124 , 101

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Amendements nos 180 (sous-amendement) , 102 , 181 (sous-amendement) , 39 , 40 , 84 , 158 , 41 , 99 , 42 , 87 , 129 et 130 , 44 , 88 , 45 , 89 , 131 et 132 , 43 , 90 , 47 , 98 , 133 et 134 , 48 , 91 , 135 , 166 , 177 , 92 , 164 , 93 , 157 , 178 , 109 , 110 rectifié , 186 (sous-amendement) , 112 , 111 rectifié , 113 rectifié , 94 , 136 , 156 , 49 , 97 , 96 , 155 , 137 , 159 , 50 , 138 , 51 rectifié , 65 , 105 , 103 , 179 , 187 (sous-amendement) , 170 , 52 , 160 , 53 , 169 , 153 , 104

Suspension et reprise de la séance

Article 2

Amendement no 143

Article 3

Amendements nos 146 , 183, 184 (sous-amendements)

Article 4

Amendements nos 168 , 151 rectifié , 116 , 55 , 56 , 114 , 144 , 57 , 58 , 64 , 115 , 59 , 150 , 185 (sous-amendement)

Article 5

Amendement no 60 rectifié

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 61 , 149 , 117 , 66 rectifié , 118 rectifié , 175

Article 6

Amendements nos 62 , 148

Article 7

Amendements nos 72 , 67 , 171 , 73 , 172 rectifié , 74 , 173

Article 8

Article 9

Amendement no 145

Article 10

Amendement no 174

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

3. Prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse

Présentation

Mme Eva Sas, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Discussion générale

M. François de Rugy

M. Jean Launay

Mme Laure de La Raudière

Mme Anne-Yvonne Le Dain

Mme Eva Sas, rapporteure

Application de l’article 84, alinéa 2, du règlement

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Nomination d’une députée en mission temporaire

M. le président. Le Président a reçu du Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger Mme Dominique Orliac, députée du Lot, d’une mission temporaire auprès du ministre de l’intérieur et de la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

2

Exposition aux ondes électromagnétiques

Suite de la discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de Mme Laurence Abeille et plusieurs de ses collègues relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques (nos 1635, 1676, 1677).

Discussion générale

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, premier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, chers collègues, l’Assemblée nationale est appelée à examiner la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.

À ma collègue Laurence Abeille, rapporteure et auteure de cette proposition de loi au nom du groupe écologiste, je reconnais l’immense mérite de la ténacité. Alors qu’un précédent texte s’était heurté à une motion de renvoi en commission, Mme Abeille s’est saisie de cette infortune pour remettre l’ouvrage sur le métier. Un an presque jour pour jour après cette motion de renvoi, et à l’issue d’un travail minutieux et complet, composé d’échanges et de nombreuses auditions, il nous est proposé un nouveau texte renforcé qui nous permet enfin de nous prononcer sur cette question de l’exposition aux ondes électromagnétiques, qui préoccupe la plupart de nos concitoyens.

Je tiens également à remercier M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et Mme Fleur Pellerin, ministre de l’économie numérique, qui ont suivi avec attention l’évolution des travaux relatifs à cette proposition de loi. Nous ne pouvons que nous réjouir lorsque s’établit un lien de travail constructif et rigoureux entre le pouvoir exécutif et la représentation nationale, comme ce fut le cas avec vos ministères sur ce texte. Enfin, je remercie M. le président Brottes d’avoir permis que le sujet des ondes électromagnétiques ne soit pas délaissé en commission.

Je crois, avec le groupe écologiste, que nous avons aujourd’hui l’occasion d’adopter un texte équilibré, qui répond aux inquiétudes légitimes des Français et qui anticipe l’avenir, tout en permettant – sans aucun frein – l’innovation et les progrès techniques. Voilà bien, en effet, le fond de la question qui nous anime ; autant l’aborder franchement. Il s’agit d’élaborer la loi dans une situation que certains qualifient d’« incertitude scientifique ».

Certes, la mode est aujourd’hui de réduire bien trop souvent le débat politique à des anathèmes. N’opposons pas le camp des tenants de la modernité à celui de ses contempteurs. Il n’existe pas des inconscients du progrès d’un côté et, de l’autre, des élus avisés et responsables. Ne comptez pas sur nous pour nous associer au chœur de ceux qui abaissent le débat démocratique, car il va de soi que nous sommes tous ici soucieux des enjeux de santé publique, et tous attentifs aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens.

J’entends parfois dire que ce débat poserait un problème philosophique : voulons-nous, oui ou non, vivre dans une société qui honnit la moindre prise de risque, annihilant ainsi toute dynamique et paralysant le progrès ? Laissons donc la philosophie aux philosophes ; il y a d’ailleurs bien longtemps qu’ils ont tranché la question, d’Aristote à Camus en passant par Rabelais. Il me semble qu’il n’appartient pas au Parlement de se prononcer sur la réalité des risques sanitaires liés à l’exposition aux ondes ; ce rôle incombe aux hommes de science.

C’est là tout mon propos : je crois en vérité que notre débat est tout simplement politique, au sens noble du terme. Il est vrai qu’il soulève des questions passionnantes, mais en tant que législateur, nous devons aussi – et surtout – penser aux implications pratiques de nos choix. C’est sur ce plan que le groupe écologiste continuera de se situer en respectant les arguments des uns et des autres.

De quelles informations fiables disposons-nous pour légiférer correctement ? Quelles sont les conséquences d’une exposition de la population aux ondes électromagnétiques ?

Les études scientifiques que j’évoquais à l’instant, et dans le détail desquelles il ne s’agit pas d’entrer aujourd’hui, font état soit d’un risque avéré, soit d’un risque potentiel. En tout état de cause, une chose est sûre, c’est qu’elles s’accordent toutes sur un point : on ne saurait exclure totalement le risque. Les signaux d’alerte existent ; il nous appartient donc à nous, législateur, d’en tenir compte et d’y répondre de manière proportionnée, par de justes mesures préventives, et j’ajoute – car ce point a son importance – sans susciter de peurs inutiles. De surcroît, le fait que les Français nous fassent régulièrement part de leurs inquiétudes à ce sujet devrait suffire à ce que nous nous en saisissions.

Il s’agit enfin d’assurer le respect des principes constitutionnels de notre pays, au premier rang desquels celui de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, comme le rappelle l’article premier de la Charte de l’environnement, constitutionnalisée en 2005.

Le groupe écologiste a la certitude que la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui répond à ces enjeux sans freiner le développement de nouvelles technologies, ni même le déploiement du réseau numérique. Le texte permet de tendre vers un objectif, celui de la modération de l’exposition aux ondes électromagnétiques, et prévoit pour ce faire d’agir grâce à plusieurs leviers adaptés et proportionnés.

En amont, il s’agit d’informer la population, car une grande part de la crispation et des inquiétudes actuelles s’expliquent par l’opacité qui entoure le sujet. Mieux informé, le citoyen pourra se forger un jugement plus sûr, tandis que les industriels auront l’occasion de faire connaître leurs services en toute transparence.

Les articles 4, 5 et 6 de la proposition de loi répondent à ces objectifs. Ainsi, l’article 4 prévoit notamment l’indication du débit d’absorption spécifique et la mention des précautions d’usage du téléphone portable. L’article 5 permet quant à lui d’encadrer la publicité pour les téléphones mobiles et autres terminaux connectés. L’article 6 vise enfin à confier à l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, une mission de prévention sanitaire en vue d’une utilisation plus responsable des téléphones mobiles.

Si l’information est capitale, l’anticipation ne l’est pas moins, compte tenu notamment de l’incertitude scientifique qui nous impose d’y voir plus clair. C’est l’objectif principal qui est visé par une partie de l’article 1er et par l’article 3 de la proposition de loi. Ainsi l’article 1er prévoit-il de simuler les niveaux d’expositions générés par une antenne relais, et ce avant même son installation. L’article 3 confie à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, la mission d’évaluer périodiquement les risques sanitaires de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Qui pourrait s’en plaindre ?

En outre, l’article 1er prévoit une procédure de concertation et de transparence au niveau local et départemental lors de l’installation de nouvelles antennes. Les élus locaux sont en effet les premiers concernés par l’aménagement, même numérique, de leur territoire.

Pour vous épargner le commentaire du texte article par article, je me contenterai d’évoquer l’article 7, qui nous tient particulièrement à cœur car il protège les populations les plus vulnérables : nos enfants. Cet article prévoit une limitation des installations de boîtiers internet sans fil dans les espaces fréquentés par des enfants en bas âge, qu’il faut sanctuariser. A-t-on franchement besoin, en maternelle, de la dernière tablette numérique connectée en réseau ?

Les enfants sont par nature plus vulnérables aux ondes, du fait de leur boîte crânienne moins calcifiée. Il était donc logique d’aller au-delà de la simple information et de prendre des mesures préventives et proportionnées d’interdiction. Si le monde adulte peut s’autoriser une certaine prise de risque, et sans doute même le doit-il, nous nous accorderons tous ici pour dire que nous devons préserver nos enfants, même face à un risque infime. Nous proposerons d’ailleurs quelques amendements visant à affiner l’excellent travail déjà effectué en commission.

Le groupe écologiste, auteur de la présente proposition de loi, demande à l’Assemblée de bien vouloir l’adopter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui a certes connu un parcours quelque peu chaotique, après sa première présentation il y a tout juste un an. Il aura fallu toute la détermination de nos collègues du groupe écologiste pour que cet examen parlementaire puisse avoir lieu et qu’un texte plus consensuel puisse être débattu – et, je l’espère, adopté.

M. Patrice Martin-Lalande. Il n’a plus rien à voir avec le précédent !

M. Jacques Krabal. Je tiens à saluer personnellement le long et précieux travail parlementaire qu’a accompli notre collègue Laurence Abeille, ainsi que l’engagement du Gouvernement et des deux ministres ici présents, sans qui nous n’en serions certainement pas là.

Ce texte est le fruit de nombreuses concertations, auditions et réunions. Il tient compte des travaux rendus depuis un an : je pense au rapport de MM. Girard, Tourtelier et Le Bouler et, bien entendu, aux rapports du comité opérationnel sur les ondes de téléphonie mobile, le COPIC, et de l’ANSES.

À tous ceux qui ont exprimé leurs doutes, je tiens à dire que ce débat législatif est nécessaire. Oui, il est nécessaire car une bonne partie de nos concitoyens s’interroge légitimement sur les risques potentiels des ondes électromagnétiques, et certaines peurs irrationnelles peuvent naître de ce sentiment que des intérêts économiques puissants empêchent le débat.

Mme Laure de La Raudière. Ce n’est pas le cas !

M. Jacques Krabal. Il ne s’agit pas de jouer à se faire peur, mais d’écouter les inquiétudes et de prendre en considération les risques potentiels liés à la multiplication de technologies sans fil qui émettent un rayonnement électromagnétique dans notre quotidien depuis à peine dix ou quinze ans. Toutes les études scientifiques dont les conclusions montrent des risques négligeables ne sont pas en mesure de nous donner des résultats probants sur les effets à long terme d’une exposition immodérée aux ondes.

Les élus sont d’autant plus concernés que nous sommes placés devant deux demandes contradictoires qu’il faut concilier : l’exigence de couverture du territoire et la protection sanitaire de la population. Pour nous, il va de soi que ce ne doit pas être l’un ou l’autre, mais les deux ! En tant que maire de Château-Thierry, j’ai connu des situations de blocage avec les opérateurs. L’expérience vécue montre la nécessité de la concertation et vous avez raison, madame la ministre : l’installation des antennes ne doit pas ressembler au Far West !

L’article 1er de la proposition de loi répond à ce besoin de concertation, une concertation aujourd’hui largement laissée au bon vouloir des opérateurs, sans compter que les capacités en la matière varient d’un territoire à l’autre. Et pourquoi pas des contrôles précis ? Ces contrôles devraient être la règle lors de l’installation d’antennes et, comme pour les analyses de l’eau, leurs résultats devraient être portés à la connaissance du public, même si les émissions sont inférieures au seuil de 0,6 volt par mètre.

Ce débat parlementaire nous donne l’occasion de rappeler qu’avant de valider la pose d’une antenne ou d’un pylône, nous avons besoin d’études scientifiques rationnelles et indépendantes tout autant que d’un plus grand dialogue.

Les dispositions contenues dans la proposition de loi vont dans le bon sens car elles favoriseront entre autres la mutualisation des antennes – enfin.

Elle pose un principe de modération de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Considérant que les intérêts de la science et de l’économie ne sont nullement exclusifs d’une préoccupation de sécurité sanitaire, le groupe RRDP y est largement favorable, comme a eu l’occasion de l’expliquer Jeanine Dubié en commission.

En dehors de cela, nous sommes attachés en particulier à l’effort fait sur la pédagogie et l’information. Par exemple, si nous sommes conscients que l’interdiction du wi-fi dans les structures accueillant de jeunes enfants, c’est-à-dire les crèches et les écoles maternelles, peut être critiquée dans la mesure où les murs n’empêchent pas la propagation des ondes, il n’en reste pas moins que cette disposition est un signal fort envoyé à tous les parents pour les alerter des risques particuliers qui sont avérés pour les jeunes enfants.

Ce texte constitue donc un progrès. Il est équilibré. Certes, ce ne sont que de petits pas – un peu à l’image de ceux que nous avons faits ce matin avec les produits phytosanitaires –, mais ces petits pas nous permettent d’avancer.

En ce qui concerne l’hypersensibilité, je souscris à l’idée de demander un rapport au Gouvernement pour donner des réponses aux personnes qui souffrent de ce syndrome.

Lors de l’examen du précédent texte relatif aux ondes électromagnétiques, la commission des affaires économiques avait élagué de nombreuses dispositions. Nous espérons que l’examen en séance de ce texte retravaillé n’aboutira pas au même résultat et qu’il restera au final l’essentiel des bonnes dispositions que nous soutenons.

Même si les ondes électromagnétiques n’avaient pas encore été découvertes au XVIIsiècle – pas plus, d’ailleurs, que les produits phytosanitaires –, je voudrais, comme ce matin, citer Jean de La Fontaine.

M. Yannick Favennec. Cela nous aurait effectivement manqué !

M. Jacques Krabal. Selon la morale du Loup et l’agneau, « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Or je suis convaincu qu’en adoptant ce texte, nous allons démontrer l’inverse. Le groupe RRDP le votera donc. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, comme lors de l’examen de la première mouture de cette proposition de loi sur l’exposition aux ondes électromagnétiques, l’année passée, nous soutenons avec détermination l’initiative de nos collègues écologistes.

Dans son rapport, Laurence Abeille cite l’article 1er de la Charte de l’environnement : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. » J’aimerais, quant à moi, citer la résolution 1815 du Conseil de l’Europe, en date du 6 mai 2011, qui recommande aux États membres de « porter une attention particulière aux personnes "électrosensibles" atteintes du syndrome d’intolérance aux champs électromagnétiques et de prendre des mesures spéciales pour les protéger, en créant par exemple des "zones blanches" non couvertes par les réseaux sans fil ».

Avec cette proposition de loi, c’est bien la question de la multiplication des radiofréquences qui est posée, ainsi que celle du seuil d’acceptabilité par l’humain d’un tel « bain d’ondes » alimenté par les antennes-relais, les téléphones portables eux-mêmes, les réseaux de type 3G et 4G et le wi-fi. Ces émissions tous azimuts, en diverses fréquences et d’intensités multiples, créent un brouillard électromagnétique artificiel en croissance continuelle.

Nous le savons, la philosophie du présent texte consiste, non à jeter l’anathème sur les technologies – auxquelles chacun souhaite accéder –, mais à promouvoir la transparence et à prendre un certain nombre de précautions dans le déploiement des réseaux. Il s’agit par exemple de permettre une meilleure concertation avec les riverains s’agissant des implantations d’antennes-relais, de protéger les publics les plus fragiles, comme les enfants, de la surexposition aux ondes électromagnétiques, ou encore de prendre en compte la situation sanitaire des personnes dites électro-hypersensibles, ou EHS.

En 2011, l’Organisation mondiale de la santé a classé les ondes radiofréquences comme potentiellement cancérigènes. En octobre 2013, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, a remis un rapport actualisant son étude de 2009 sur les radiofréquences et la santé. L’agence appelle à une vigilance accrue s’agissant des effets potentiels des ondes électromagnétiques sur la santé, notamment chez les plus jeunes. Pour les députés du Front de gauche, il est donc tout à fait légitime d’agir.

À l’évidence, cette proposition de loi est moins ambitieuse que celle que j’appellerai son ancêtre d’une année,…

M. Patrice Martin-Lalande. Elle est aussi plus réaliste !

M. André Chassaigne. …puisque des arbitrages avec le Gouvernement et le groupe socialiste ont eu lieu. Ce matin, Mme la rapporteure pour avis de la commission du développement durable parlait, à propos du résultat de ces arbitrages, d’une proposition de loi « équilibrée et réaliste ». Ce n’est pas pour nous surprendre, puisque nous avons nous-mêmes connu une situation comparable avec notre proposition de loi visant à amnistier les délits commis à l’occasion d’activités syndicales ou revendicatives. Soucieux d’obtenir un vote positif, nous avions arrêté une position d’équilibre. Hélas, les voies de la motion de renvoi en commission sont impénétrables : dans le présent, elle permet le retour effectif du texte…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est exact !

M. André Chassaigne. …quand, pour d’autres initiatives parlementaires, elle est synonyme d’enterrement de première classe.

Cela dit, je voudrais saluer la détermination du président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Merci beaucoup, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Hier, notre collègue Alain Tourret citait Samuel Beckett : « Déjà essayé, déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux. » Permettez-moi de modifier cette citation en l’actualisant : « Déjà essayé, déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Réussis enfin. » Réussir dès la seconde fois : c’est ce que je souhaite, chers collègues écologistes, à ce texte qui nous est soumis. Pour ce faire – vous allez sourire, car voici une nouvelle référence littéraire, mais vous savez que j’aime beaucoup cela ! –, il nous faut mettre tout en œuvre pour que ne se joue pas aujourd’hui une pièce de ce même Beckett : Fin de partie. (Sourires.)

Pour notre part, nous pensons que le législateur doit explicitement demander le respect du principe ALARA – mon anglais étant effroyable, je ne vous détaillerai pas ce que signifie ce sigle –, lequel vise à réduire les expositions à un niveau aussi faible que possible. En l’état actuel des connaissances, nous sommes favorables, madame, monsieur les ministres, à l’instauration d’un plafond d’exposition du public aux hyperfréquences de 0,6 volt par mètre. Du reste, ce seuil a été préconisé par le Conseil de l’Europe. Il figurait également dans une proposition de loi, déposée par notre ancien collègue Jean-Pierre Brard sous la douzième législature, cosigné par des représentants de tous les groupes – dont une future ministre de l’environnement, chers collègues de l’UMP : Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Compte tenu de la configuration des réseaux développés, c’est une part extrêmement importante de la population qui est concernée ou qui va l’être. Nous savons que les jeunes, à commencer par les enfants, sont particulièrement touchés par les ondes, du fait de l’utilisation précoce qu’ils font des nouvelles technologies. Je souhaite également que les lieux de travail, les transports en commun et les bâtiments universitaires puissent être mieux préservés, comme le demandent les associations spécialisées.

Il est donc plus que temps de légiférer. J’ai déposé un certain nombre d’amendements, pour prendre toute ma part dans le débat, mais aussi, et surtout, pour améliorer, autant que faire se peut, cette proposition de loi. Ce texte – faut-il le dire ? – ne peut être qu’un premier pas. D’autres suivront inéluctablement, tant nous sommes, sur ces questions, dans le temps des incertitudes.

S’agissant de l’électro-hypersensibilité, je regrette que nous nous en tenions à un simple rapport. Pour connaître les cas douloureux de plusieurs personnes accueillies dans mon village d’Auvergne, je crois que nous devons avancer, notamment au regard de l’urgence dans laquelle se trouvent ces personnes. Des cas nombreux ont été signalés dans tous les pays. Dans son rapport d’octobre 2009, consacré aux radiofréquences, l’ANSES reconnaissait l’existence de cette maladie. J’ai reçu des témoignages très étayés de personnes de tous âges qui décrivent la difficulté de vivre dans des lieux où les émissions d’ondes électromagnétiques, notamment via le wi-fi, sont fortes et persistantes, ou dans des villes où il est impossible d’échapper au rayonnement des antennes-relais. Cela nécessite des aménagements et suscite souvent l’incompréhension de l’entourage professionnel, mais aussi parfois familial, avec les drames que cela suppose, du fait de l’insuffisante prise en compte sanitaire de l’électro-hypersensibilité dans notre société.

Dès 2008, j’avais alerté la ministre de l’époque sur cette question. Il m’avait été répondu que l’ensemble des symptômes de l’électrosensibilité ne faisait partie d’« aucun syndrome reconnu ». Il est temps de permettre une caractérisation de cette pathologie, afin d’apporter une réponse adaptée, d’autant que celle-ci a fait l’objet de travaux de la part de la Commission européenne dès 1997 et de l’Organisation mondiale de la santé dès 1998.

Comme l’année dernière, je voudrais rappeler, en guise de conclusion, que, pour notre part, nous ne nous satisfaisons pas d’une approche qui se contenterait de limiter l’exposition aux ondes, sans réfléchir aux causes de cet accroissement du brouillard électromagnétique, à savoir la marchandisation des technologies de la communication. L’aménagement numérique et technologique du territoire devrait en effet relever du seul service public. De cette façon, au lieu de donner lieu à une prolifération de réseaux concurrents avec leurs propres antennes-relais, un accès égalitaire et sobre aux technologies serait possible. En effet, le déploiement et l’exploitation d’un seul réseau par la collectivité auraient permis d’éviter à la fois les déserts numériques et la surabondance des sources d’ondes électromagnétiques qui sont la conséquence d’une lutte terrible entre les différents opérateurs. Mais, ici comme partout, le néolibéralisme fait des ravages, dans les têtes comme dans les corps. N’est-il pas temps de faire un bilan exhaustif et impartial des privatisations successives et de l’ouverture à la concurrence dans le domaine des télécommunications ?

Quoi qu’il en soit, il faut ouvrir aujourd’hui un chemin, quand bien même ce ne serait qu’un sentier aux yeux de ceux qui attendaient bien davantage. Sans doute le texte final décevra-t-il ceux qui connaissent au quotidien une souffrance extrême.

J’avais cité René Char durant le débat sur la loi d’avenir pour l’agriculture : « L’inaccompli bourdonne d’essentiel. » Mais ce grand poète a eu aussi une très belle expression dans les Feuillets d’Hypnos : « L’impossible, nous ne l’atteignons pas, mais il nous sert de lanterne. » Eh bien, je voudrais dédier ces mots aux personnes dites électro-hypersensibles, qui sont en souffrance et qui attendent aujourd’hui que l’on prenne une décision. Certes, ce ne sera qu’un premier pas, mais il est prometteur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, madame la rapporteure pour avis, mes chers collègues, nous nous retrouvons, un an après nos premiers échanges, pour débattre d’une question importante qui méritait qu’on lui consacrât le temps nécessaire.

Je tenais, en préambule, à saluer le travail accompli au cours de cette année. Je pense, tout d’abord, à celui de Mme la rapporteure, Laurence Abeille, qui a su faire évoluer son texte dans la concertation et l’écoute réciproque. Je pense aussi aux travaux de Jean-François Girard, Philippe Tourtelier et Stéphane Le Bouler : dans le rapport issu de leur mission, ils ont recommandé d’inscrire l’objectif de modération dans la loi. Je pense en outre aux échanges que nous avons eus avec eux au sein du groupe de travail parlementaire composé de Laurence Abeille, Suzanne Tallard, Jeanine Dubié, Lionel Tardy et moi-même. Je salue également la ténacité du président Brottes, puisque la promesse qu’il avait faite a été tenue. Enfin, je salue les travaux récents du Comité opérationnel sur les ondes de téléphonie mobile, le COPIC, remis cet été, et ceux de l’ANSES qui datent de l’automne dernier.

Ces initiatives nous ont permis de prendre du recul pour mieux légiférer, même si notre réflexion devra bien évidemment se poursuivre dans les années à venir, en fonction de l’évolution des technologies, mais aussi des usages. Ce travail collectif, de même que les débats que nous avons eus lors de l’examen en commission du développement durable et en commission des affaires économiques et que ceux que nous entamons aujourd’hui, sont fondamentaux pour appréhender une question qui nous concerne tous.

Nous sommes convaincus que le développement des technologies numériques et des moyens de communication constitue une formidable opportunité que nous devons saisir sans attendre, tout en nous interrogeant, non pas sur le bien-fondé de la technologie, mais sur son usage et son développement responsable.

En tant que législateurs, notre mission est donc, aujourd’hui, de garantir l’équilibre entre deux objectifs complémentaires qui se conjugueront grâce au soutien des acteurs de terrain : d’une part, la prévention, l’information du public et des utilisateurs, la transparence et la concertation entre les différentes parties prenantes ; d’autre part, nos ambitions en matière d’aménagement numérique du territoire, de qualité de service, de développement de l’économie numérique et d’innovation.

Nous sommes bien sûr favorables à plus d’information, de transparence et de concertation, comme le prévoit cette proposition de loi. Le développement du numérique est fondé sur la confiance, une confiance qui s’installera grâce au dialogue et à la transparence.

En sensibilisant le grand public, nous ferons des utilisateurs avertis. En approfondissant les dispositifs de concertation, dans la lignée des recommandations et des travaux menés ces dernières années, nous renforcerons l’acceptation des installations.

La multiplication, ces derniers mois, des chartes entre opérateurs et collectivités est d’ailleurs le signe de cette volonté d’approfondir la concertation et le travail entre les acteurs locaux. Les débats en commission ont d’ores et déjà permis d’enrichir et de préciser le dispositif de concertation prévu par cette proposition de loi.

L’objectif de modération, tel qu’il est fixé par ce texte, permet de faire évoluer la situation actuelle, dans laquelle les opérateurs maîtrisent – en principe – l’exposition qu’entraînent leurs installations. Le contraire serait fâcheux : nous débattrons sans doute tout à l’heure des termes de « modération » et de « maîtrise ».

Cette évolution, comme l’ont dit les orateurs précédents, ne doit pas aller à l’encontre de l’aménagement numérique du territoire, de l’innovation ni du développement de l’économie numérique.

L’innovation en matière de numérique est déjà clé dans la préparation de notre avenir. Il ne faut pas s’en méfier, mais s’y intéresser. Avec le numérique, nos modes de vie changent, le monde s’ouvre et les territoires se connectent ; des entreprises se développent, exportent leur savoir-faire au-delà des frontières et créent de l’emploi ; les citoyens s’informent, se forment et communiquent ; l’« e-santé » avance, l’information circule et l’accès à la culture progresse.

C’est cette ambition numérique qui est désormais au cœur de la stratégie industrielle de notre pays. Elle est au cœur des engagements du Président de la République, qui en a fait l’une des quatre grandes filières d’avenir, et des engagements du Gouvernement, qui, au-delà des investissements d’avenir, a donné au numérique une place centrale dans le cadre des 34 plans de reconquête industrielle présentés à l’automne dernier. Plus largement, des réflexions comme celles menées par la commission « Innovation 2030 » font du numérique un apport essentiel.

Une société qui avance ne doit pas craindre l’innovation : on peut oser, si l’on garantit dans le même temps un développement raisonné et raisonnable dans l’intérêt des citoyens. L’innovation doit être un objectif et un moteur, dans un monde en changement, où notre économie, et plus largement l’économie européenne, doit tirer, avant qu’il ne soit trop tard, sa carte du jeu.

Il ne faut pas mettre la technologie en question, mais bien l’usage que l’on en fait.

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

Mme Corinne Erhel. Aussi portera-t-on une attention particulière aux populations les plus vulnérables et posera-t-on la question de l’usage intensif des téléphones portables à l’oreille. L’ANSES a souligné que les radiofréquences pouvaient être classées comme « cancérogène possible », dans le cas d’utilisation intensive de téléphones mobiles. Oui, il faut informer les utilisateurs, afin de les inciter à changer leurs habitudes, sans pour autant leur enjoindre de renoncer à leur téléphone portable.

Il convient aussi de considérer l’innovation comme un vecteur d’amélioration des technologies, les rendant plus efficaces, à l’image des téléphones qui se connectent plus facilement au réseau.

Par ailleurs, le numérique et les enjeux liés au déploiement des réseaux posent la question de l’égalité : égalité d’accès aux nouveaux services innovants, aux nouveaux usages et à de nouveaux horizons pour tous les citoyens ; égalité d’accès aux opportunités de développement offertes par le numérique et à l’innovation pour l’ensemble des territoires.

Il est de notre devoir de législateur de ne pas creuser la fracture numérique, mais de créer les conditions d’un déploiement juste, homogène et accepté par la population. Comme l’a dit Mme la ministre, l’acceptation sociale est fondamentale dans tout projet.

Tout est affaire d’équilibre. Après des débats en commission qui ont permis de remettre en perspective les objectifs poursuivis par cette proposition de loi, j’espère que nous pourrons, à travers une discussion constructive, nous donner les moyens de prendre le virage du numérique et d’en saisir les nombreuses opportunités. Cela devra se faire en informant le grand public, en le sensibilisant à un usage responsable de ces technologies et en encourageant une concertation de qualité entre les différentes parties. C’est le fond de cette proposition de loi dont nous discutons entre nous depuis un an. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, si l’examen de la proposition de loi « relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques » se limitait à ce seul titre, elle recueillerait ici une très belle unanimité.

Dans le cadre du débat parlementaire faisant suite à la déclaration du 5 février 2009 du Gouvernement sur l’attribution de fréquences de réseaux mobiles, j’avais incité la secrétaire d’État chargée de l’écologie à réunir un « Grenelle des antennes », pour évaluer ce risque sanitaire. Cette proposition avait été retenue par le gouvernement ; en avril 2009, Roselyne Bachelot, ministre de la santé, initiait une démarche d’étude, de concertation et de proposition, connue sous le nom médiatique de « Grenelle des ondes ». Il faut se féliciter du travail accompli par le COMOP et le COPIC, sous l’autorité notamment du président François Brottes.

Comme le rappelle le Conseil économique, social et environnemental dans son récent rapport sur le principe de précaution, « depuis son intégration dans la Constitution en 2005, le principe de précaution a fait l’objet de nombreux débats et controverses quant à son utilisation et son utilité. Un constat s’impose : le principe de précaution est souvent évoqué à tout propos et hors de propos. Sa définition limite son application aux risques incertains dans les domaines de l’environnement et par extension de la santé. Ce principe ne peut garantir le risque zéro, toute activité étant potentiellement dangereuse pour l’Homme. Il ne s’agit pas d’un principe d’abstention exigeant la preuve de l’innocuité comme préalable à toute autorisation. Il se distingue des principes de prévention et de prudence qui portent uniquement sur les risques avérés ».

Comme nous l’a rappelé ce matin Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, « l’ensemble des rapports d’expertise collective internationaux, fondés sur des milliers d’études, conclut qu’il n’y a pas de risque avéré des radiofréquences en dessous des limites réglementaires. Le seul effet connu est l’échauffement par absorption, et des marges de sécurité très importantes sur les seuils ont été prises, ce qui nous conduit à dire qu’il n’est pas nécessaire de changer les limites réglementaires ».

Le vice-président de l’OPECST a aussi précisé que « les antennes-relais émettent des radiofréquences 10 000 à 100 000 fois moins élevées que celles engendrées par le téléphone portable lui-même pendant une conversation. Les mesures principales à prendre concernent donc les téléphones portables ».

M. Le Déaut concluait en soulignant que, même s’il eût jugé préférable l’expression « maîtrise et connaissance », l’OPECST soutenait la proposition de modération à l’exposition, à une double condition toutefois : que les amendements proposés par Mme Erhel soient retenus et que l’on définisse ce que signifie le principe de modération, pour l’heure inexistant dans notre droit. Il n’y a pas lieu d’interdire le wi-fi, dont le niveau d’émission avoisine celui du téléphone sans fil dans les habitations.

Si j’ai largement cité cette intervention, c’est que je partage totalement la position prise par l’OPECST, outil dont le Parlement – toutes tendances confondues – s’est doté afin d’évaluer les choix scientifiques et technologiques.

Je partage aussi la mise en garde du vice-président de l’Office, qui nous rappelle qu’« accréditer des risques purement hypothétiques ne peut qu’affaiblir les campagnes contre les risques avérés, discréditer la démarche scientifique, encourager la défiance, provoquer plus de confusion, de rumeurs et d’inquiétude ».

Mon inquiétude porte sur trois points.

Dans l’état actuel des connaissances scientifiques nationales et internationales, et dans les conditions actuelles de puissance d’émission, très inférieures aux normes de l’OMS, si l’on veut continuer de bien desservir la population, l’affaiblissement de la puissance d’émission ne peut être compensé que par la multiplication du nombre d’émetteurs ou par l’augmentation de la puissance de réception des terminaux de téléphonie mobile. Or c’est sur ce dernier point qu’il y a lieu d’être vigilant, comme l’a été le Parlement français en imposant depuis de nombreuses années la vente d’un « kit mains libres » avec tout terminal de téléphonie mobile.

Par ailleurs, nous avons besoin des technologies radio pour mettre en œuvre les objectifs fixés, à juste titre, par le Gouvernement dans sa « feuille de route numérique » de février dernier. Rendre plus difficile et donc plus coûteux – sans justification sanitaire scientifiquement établie – l’accès à la 4G, au wi-fi et aux autres technologies radio pénalisera les zones les moins denses de notre territoire pour l’accès au très haut débit. Il ne faut pas alourdir encore les charges de nos entreprises, qui doivent investir pour construire la France numérique de demain malgré un contexte économique très défavorable.

Le Parlement, comme le Gouvernement, doit assurer la cohérence entre les objectifs de la « feuille de route » et les conditions de sa mise en œuvre, puisque la situation sanitaire sur les ondes radio est clarifiée.

Attention à ne pas envoyer – c’est le cas de le dire (Sourires) – des signaux contradictoires sans fondement scientifique en stigmatisant les technologies radio, au moment même où la France veut être en pointe au plan international, pour l’« informatique dans les nuages », pour l’internet des objets ou pour le développement de la « ville intelligente », dont la maîtrise nécessite des liaisons par ondes radio.

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, la problématique de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques n’est pas un sujet anodin, et elle ne manquera pas d’animer, à l’avenir, nos travaux, compte tenu du développement massif des technologies recourant aux radiofréquences.

Dans ce domaine, nous devons reconnaître une certaine constance au groupe écologiste, puisque votre initiative, madame la rapporteure, fait directement écho à la proposition de loi examinée, ici même, il y a un an. Le Gouvernement et le groupe socialiste avaient alors décidé, juste avant l’ouverture de nos débats, de la renvoyer en commission.

Même si nous jugions le texte extrêmement contraignant et trop prématuré, nous avions dénoncé la méthode consistant à confisquer le débat sur un texte, pourtant modifié et voté en commission par ceux-là mêmes qui le rejetaient la semaine suivante en séance.

Un an plus tard, nous voici donc à nouveau réunis pour examiner un nouveau texte, expurgé de ses dispositions les plus inapplicables, et qui cette fois, semble avoir les faveurs de la majorité. Le débat sur la maîtrise des ondes électromagnétiques n’est pas nouveau, puisqu’un « Grenelle des ondes » avait été organisé, dès 2009, sous l’égide de Jean-Louis Borloo.

Les travaux se sont déroulés en toute indépendance, et dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, c’est à travers l’expérimentation locale que nous sommes parvenus aux meilleurs résultats. Elle a d’ailleurs permis de constater que la très grande majorité de la population était exposée à un champ électrique largement inférieur aux normes en vigueur, et bien souvent inférieur à 0,6 volt par mètre, seuil que vous préconisiez d’instaurer il y a un an.

S’il nous faut légiférer sur le sujet, nous ne pouvons le faire que sur la base de faits scientifiques avérés quant à la dangerosité potentielle liée à l’exposition aux ondes électromagnétiques. Or si l’étude de l’ANSES d’octobre dernier relève qu’elle augmente fortement, notamment en raison de la lutte que se mènent actuellement les opérateurs dans le cadre du déploiement de la 4G, elle n’établit toujours pas de preuves irréfutables d’éventuels effets sanitaires néfastes sur la santé humaine.

Au mieux, l’agence évoque un niveau de preuve « limité » pour les anomalies décrites dans certains travaux. En clair, elle a détecté des signaux anormaux qui empêchent de déduire que les radiofréquences sont totalement inoffensives.

Il est donc nécessaire de poursuivre les recherches et de concentrer l’effort d’abaissement des puissances des antennes relais de la téléphonie mobile sur les points dits « atypiques », qui sont soumis à une exposition anormalement élevée.

Cela doit évidemment se faire à travers une concertation approfondie entre les opérateurs, les élus et les riverains, ce que prévoit le Grenelle des ondes.

Je ne prétends pas que des améliorations législatives ne soient pas nécessaires : certaines dispositions du texte vont d’ailleurs plutôt dans le bon sens, et j’y reviendrai, mais, concernant un sujet potentiellement anxiogène, prenons garde à ne pas semer inutilement le trouble dans la population. Ne nous érigeons pas en scientifiques, adoptons une approche pragmatique et proportionnée à l’état de nos connaissances !

Or, force est d’admettre que celles-ci ne justifient pas, à ce stade, que l’on fasse peser de nouvelles contraintes inutiles sur les professionnels et les collectivités territoriales, notamment à l’heure où nous cherchons tous à promouvoir l’aménagement numérique de notre territoire.

Je puis vous assurer que, lorsque je parcours ma circonscription rurale de la Mayenne, je me fais beaucoup moins souvent interpeller pour des problèmes liés à la surexposition aux ondes électromagnétiques qu’en raison, madame la ministre, de l’absence de réseau dans les nombreuses zones « blanches » et « grises » du département !

N’oublions pas que l’aménagement numérique du territoire est une condition nécessaire du désenclavement de toutes ces parties encore trop isolées du territoire national. La résorption de la fracture numérique est donc un véritable enjeu d’égalité territoriale, mais aussi d’attractivité.

Le groupe UDI tient également à réaffirmer que le développement du numérique n’est pas une menace pour notre société, mais au contraire une formidable chance pour la croissance, l’innovation et l’emploi ; c’est aussi un vecteur de progrès social et environnemental grâce à l’e-éducation, l’« e-santé » ou le télétravail.

Nous aurions donc souhaité que les dispositions de cette proposition de loi s’inscrivent dans une démarche plus globale et ne fassent pas l’objet d’un examen distinct des problématiques relatives à l’indispensable aménagement numérique du territoire.

Malheureusement, le projet de loi annoncé visant à accélérer la réalisation de cet objectif n’a toujours pas vu le jour.

J’en viens maintenant à l’article 1er qui a été complètement réécrit en commission, suite à l’adoption d’un amendement de la rapporteure pour avis.

Nous tenons à le redire, la méthode employée traduit un véritable manque de considération pour le travail parlementaire,…

M. François Pupponi. Mais non !

M. Yannick Favennec. …puisque le dépôt, à la dernière minute, d’un amendement au principal article du texte a empêché que soient examinés plusieurs dizaines d’amendements, déposés par l’ensemble des groupes, en particulier par le groupe UDI.

La nouvelle rédaction de l’article, quand bien même l’équilibre initial du texte ne s’en trouve pas bouleversé, n’en appelle pas moins un certain nombre de critiques. Il entre notamment en contradiction avec différents points du rapport remis en décembre 2013 au Premier ministre, en ce qu’il inscrit plusieurs éléments de procédure dans la loi sans prendre en compte la réalité des pratiques actuelles et sans guère laisser de place à la concertation avec les opérateurs.

C’est notamment le cas du processus d’information et de concertation locale, ainsi que du traitement des points dits « atypiques » : le texte omet toute une série de détails techniques importants qui ne sont pas du ressort de la loi et qui seront, demain, autant de sources de contentieux. Nous devons donc veiller à ce que ces exigences nouvelles ne deviennent pas des freins au déploiement rapide des installations nécessaires pour la population.

S’agissant des autres articles, nous partageons globalement les objectifs de concertation, de transparence et de sensibilisation du public qui sont poursuivis. Face à l’absence de risque avéré pour la santé, c’est bien cette approche empreinte de pédagogie que nous devons privilégier afin de ne pas alimenter des craintes infondées. Cela n’empêche pas de veiller à limiter l’exposition des personnes les plus fragiles, comme le recommande l’ANSES s’agissant de l’usage du téléphone portable pour les enfants.

Nous ne sommes donc pas défavorables au renforcement des mesures de prévention et d’information que nous avions mises en place dans le cadre du Grenelle 2, mais il faut veiller à harmoniser au maximum ces normes au niveau européen pour ne pas pénaliser davantage nos entreprises face à leurs principaux concurrents.

Enfin, l’interdiction du wi-fi dans les établissements accueillant des enfants ne nous semble pas nécessaire, car nous savons que les niveaux d’expositions de cette technologie sont extrêmement bas. Elle serait de toute façon inopérante, car il ne sera pas possible d’interdire le wi-fi dans les appartements équipés de terminaux dont les ondes traversent les murs. Nous prenons donc inutilement, une fois encore, le risque de créer des contentieux et de renforcer le caractère anxiogène du texte.

S’agissant enfin de l’électro-hypersensibilité, nous tenons à saluer le cheminement de la rapporteure depuis le dépôt de sa précédente proposition. Rappelons qu’elle préconisait alors d’instituer des déserts numériques pour regrouper les personnes électro-hypersensibles ! Loin de moi l’intention de nier la souffrance ressentie par ces personnes. L’examen de votre proposition de loi m’a d’ailleurs donné l’occasion d’entendre des témoignages qui m’ont particulièrement interpellé. Je constate simplement que la communauté scientifique dans son ensemble ne parvient pas à identifier clairement les racines de ce mal. Votre choix d’attendre la remise d’un rapport gouvernemental sur le sujet avant d’envisager de légiférer nous semble être une approche beaucoup plus raisonnable.

Vous le voyez, mes chers collègues, le groupe UDI aborde l’examen de cette proposition de loi sans a priori, avec pragmatisme. Si nous partageons la nécessité de maîtriser l’exposition croissante de la population aux ondes électromagnétiques et d’en protéger les plus fragiles, nous ne pouvons ignorer qu’aucune étude au monde n’apporte aujourd’hui la preuve de l’existence d’un risque pour la santé humaine.

C’est donc d’une main prudente et responsable que nous devons envisager la rédaction de ce texte si nous ne voulons pas renforcer la fracture numérique actuelle. Malheureusement, même si nous saluons le chemin parcouru depuis un an, trop de dispositions nous semblent déconnectées de l’état de nos connaissances scientifiques, et source de contraintes disproportionnées pour les professionnels et les collectivités territoriales.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI s’abstiendra.

Mme Laure de La Raudière. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mesdames les rapporteures, chers collègues, trois mots du titre de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, sobriété, transparence, concertation, résument à eux seuls le contenu de cette proposition de loi de nos collègues écologistes relative à l’exposition aux ondes électromagnétiques.

Je voudrais tout d’abord, au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, saluer la persévérance de notre collègue Laurence Abeille. Cette proposition de loi est l’aboutissement d’un excellent travail parlementaire qui récompense des efforts remarquables. Elle témoigne, pour tous les parlementaires, de la possibilité d’exercer une véritable activité de législateur quand on fait preuve d’énergie et de volonté.

Nous connaissons en effet le chemin parcouru par cette initiative lancée l’année dernière et, quoi que nous pensions des dispositions du texte, votre travail force notre respect. Je remercie le président de la commission des affaires économiques, François Brottes, qui a tout mis en œuvre pour que ce texte revienne devant notre Assemblée après son renvoi en commission.

M. François Pupponi. C’est un homme de parole !

Mme Jeanine Dubié. Exactement. Il faut le souligner car cette qualité est rare. Je remercie par ailleurs le Gouvernement d’avoir lancé une mission sur le sujet comme il s’y était engagé. Si nous avions pu alors manifester notre opposition à la méthode peu élégante employée pour éviter le débat en hémicycle lors de la précédente lecture…,

Mme Isabelle Attard. Certes !

Mme Jeanine Dubié. …nous reconnaissons que les engagements ont été tenus, et c’est tant mieux.Cette proposition revient en séance publique après une démarche de concertation et la prise en compte des travaux réalisés depuis un an, rassemblés en particulier dans le rapport Girard-Tourtelier-Le Bouler.

C’est une bonne chose car ce sujet préoccupe une bonne partie de nos concitoyens. Les élus reçoivent régulièrement des personnes angoissées, des associations inquiètes ou des riverains d’antennes relais en colère. Ils se plaignent de ne pas être assez écoutés par les pouvoirs publics. Ils veulent une meilleure information, ils réclament des études scientifiques rigoureuses et indépendantes, ils exigent une plus grande transparence et davantage de concertation avant de valider la pose d’une antenne ou d’un pylône.

Entre les téléphones portables, les antennes-relais, le wi-fi, les fours à micro-ondes ou encore les ampoules basses consommation, on ne compte plus les objets du quotidien qui nous exposent aux ondes. Les technologies de communication se propagent à vive allure, elles font partie de la vie ordinaire de nos concitoyens.

Devant ce progrès technique, sous prétexte qu’il a indéniablement amélioré notre vie, devons-nous rester des spectateurs passifs ? Je ne le crois pas, bien au contraire. Nous avons une responsabilité particulière, celle de concilier des impératifs économiques et sanitaires tout en garantissant une couverture homogène du territoire.

Si des études scientifiques affirment que les risques sanitaires ne sont pas avérés, notamment en ce qui concerne les antennes, le manque de recul sur ces technologies nous interdit de penser que cela soit durablement vrai. Il ne s’agit évidemment pas de répondre aux craintes en interdisant tout, ni en niant la valeur du progrès, mais de voter une loi favorisant la transparence, le débat public et l’avancée de la recherche scientifique.

Nous savons aujourd’hui que l’utilisation intensive des téléphones mobiles sans oreillettes présente des risques. En la matière, la pédagogie et l’information du consommateur sur les risques liés à l’utilisation intensive du téléphone mobile sont à développer. Le texte comporte des dispositions allant dans ce sens.

Nous devons également adopter des mesures de modération, de concertation et de régulation. Là encore, le texte issu des travaux de la commission répond à ces objectifs.

L’agence nationale des fréquences se verra confier une mission de modération de l’exposition de la population. Le pouvoir du maire sortira renforcé d’une procédure de concertation et d’information plus transparente au moment de l’installation des antennes-relais. L’indication du niveau d’émission de champs électromagnétiques de tous les émetteurs sera améliorée. Il sera plus facile de désactiver la fonction wi-fi des box qui se sont généralisés. La pédagogie sera renforcée et la publicité encadrée, notamment celles qui cible les plus jeunes. Le wi-fi sera interdit dans les structures d’accueil de la petite enfance. Enfin, un rapport relatif à la reconnaissance de l’électro-hypersensibilité émettra des recommandations en direction des personnes qui en sont atteintes : nous devons entendre cette souffrance et ne pas la balayer d’un revers de main.

L’immense majorité des députés du groupe RRDP soutient ces précautions nécessaires, dont l’inscription dans un texte législatif contribuera significativement à modérer notre exposition aux ondes électromagnétiques. Dans ces conditions, le groupe RRDP votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la rapporteure, en janvier dernier, les députés membres du groupe écologistes avaient souhaité inscrire, à l’ordre du jour de notre assemblée, une proposition de loi « relative à l’application du principe de précaution, défini par la charte de l’environnement, aux risques résultant des ondes électromagnétiques ». Ce texte visait alors à limiter le déploiement du numérique et des antennes-relais.

En raison de son incohérence avec les engagements du Gouvernement, qui compte deux ministres écologistes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais aussi du risque qu’elle représentait pour les acteurs économiques en faveur de l’aménagement numérique du territoire, la proposition de loi avait fait l’objet d’une motion de renvoi en commission du groupe SRC.

À l’époque, je tiens à le rappeler, l’Académie de médecine s’était montrée très critique envers ce texte. Elle avait en effet regretté, dans un communiqué de presse datant de janvier 2013, « une initiative fondée sur un flou scientifique et réglementaire [… ] et de nature à renforcer artificiellement chez nos concitoyens un sentiment de peur et de défiance injustifié ».

Un an après, nous sommes saisis d’une nouvelle initiative du groupe écologiste concernant les ondes électromagnétiques, qui n’est pas moins irréaliste, voire dangereuse pour la compétitivité du secteur numérique. Cette nouvelle mouture du texte que notre assemblée examine, reste en profonde contradiction avec la réalité économique du secteur et les études scientifiques.

En effet, cette proposition de loi « relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques » reprend certaines dispositions utopistes du premier texte, comme les mesures concernant la désactivation du wi-fi et son utilisation dans les établissements d’accueil des enfants.

Dans son article premier, elle vise à consacrer dans la loi l’objectif de modération de l’exposition aux champs électromagnétiques.

Si la notion de « sobriété », à laquelle nous nous étions opposés l’année dernière, a certes disparu, elle a été remplacée par celle de « modération », derrière laquelle se niche la même méfiance.

Par ailleurs, cet article a été réécrit en commission, à tel point que la présomption de dangerosité des ondes électromagnétiques s’en trouve renforcée sans véritable fondement puisque aucune étude scientifique ne la démontre !

Dans son dernier rapport d’évaluation, rendu public en octobre dernier – rapport qui est l’aboutissement de deux années de travaux du groupe de travail « radiofréquence et santé » –, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, a rappelé qu’aucun effet sanitaire des ondes électromagnétiques n’avait pu être scientifiquement établi.

Certes, l’Agence recommande de limiter les expositions aux radiofréquences, notamment pour les enfants et les utilisateurs intensifs. Cependant, cela ne justifie pas l’inscription dans la loi d’une présomption de dangerosité de l’exposition aux ondes électromagnétiques. En l’état, la principale portée de cette disposition sera de susciter, une fois de plus, des peurs irraisonnées autour des réseaux et des services numériques mobiles et sans fil.

Par ailleurs, je regrette l’inscription dans la loi d’éléments trop précis, ne laissant aucune place à la concertation avec les acteurs du secteur.

La présente proposition de loi prévoit également, dans son article 4, d’étendre les recommandations valables pour l’usage des téléphones mobiles en mode conversation à tous les terminaux radioélectriques. C’est tout à fait injustifié, la réglementation européenne disposant que la mesure du débit d’absorption spécifique n’est pas requise pour ces terminaux. Par ailleurs, l’ANSES ne recommande pas de communiquer le débit d’absorption spécifique de tous les terminaux radioélectriques connectés à un réseau ouvert au public.

Renforcer sans raison la réglementation européenne ne pourra que nuire à la compétitivité et à l’emploi dans notre pays, ce dont, madame la ministre, nous n’avons absolument pas besoin aujourd’hui !

Le texte comporte en outre l’interdiction de toute publicité pour les téléphones portables ou autres terminaux, comme les tablettes, ciblant les enfants de moins de quatorze ans. C’est un message particulièrement négatif, un de plus, à l’encontre du secteur numérique et de l’économie, puisqu’il s’agit d’encadrer par la loi les publicités concernant l’usage des téléphones mobiles ou des tablettes, de la même manière qu’on a pu le faire pour les produits nocifs pour la santé, comme le tabac ou l’alcool.

Ces mesures ne feront que complexifier l’activité des acteurs du secteur, alors même que le Gouvernement s’est engagé à développer le numérique sur tout le territoire, pour l’ensemble de nos concitoyens.

Pour conclure, ce texte se résume à un simple affichage, dont le seul intérêt est, pour le Gouvernement, de donner satisfaction au groupe écologiste, jusqu’alors mis à mal par la multiplication des couacs au sein de la majorité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Pour toutes ces raisons, je voterai contre cette proposition de loi.

Mme Laure de La Raudière. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch.

Mme Annick Le Loch. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui vise à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.

Ce texte pose bien le problème, puisqu’il traite de la modération en matière d’exposition aux ondes, de leur mesure, de l’impact de leur déploiement, qu’il s’agisse des technologies sans fil ou de la 4G. La loi Grenelle 2 est modifiée par des dispositifs visant à limiter et contrôler les sources d’émission et les règles relatives à la publicité sont renforcées pour protéger les plus jeunes de nos concitoyens.

L’article 1er dont je veux vous parler en particulier constitue le cœur du texte. Il a intégré les conclusions du COPIC sur l’information et la concertation locales dans le cadre de l’implantation d’antennes relais. Sans porter atteinte aux objectifs ambitieux fixés par le Gouvernement dans le domaine du numérique et de l’aménagement du territoire, il me semble que cette concertation fait l’unanimité. On ne peut plus en effet concevoir d’installation d’équipements électriques autrement. Oui au développement des technologies numériques, mais pas sans contrôle et sans prudence par rapport aux effets potentiels sur la santé.

Des échanges approfondis et de nombreuses consultations ont eu lieu dans la transparence et ont abouti à la conclusion que l’usage fait responsable de ces technologies devait être responsable, et que cette responsabilisation passait par l’information, la pédagogie et la concertation.

La concertation est un élément essentiel de la proposition de loi, puisque l’installation d’équipements radioélectriques, par exemple, ne pourra se faire sans la consultation et l’aval de la population locale. C’est une question de démocratie locale et de transparence, auxquelles je suis extrêmement attachée.

Pour la suite, nous nous en remettrons au Conseil d’État pour publier les décrets précisant les conditions des procédures de conciliation dans les territoires, pour définir les valeurs limites des champs électroniques émis par les équipements utilisés ou pour fixer les conditions de mise en œuvre de l’objectif de modération à l’exposition de la population aux champs électromagnétiques, etc.

Nous comptons sur vous, madame la ministre, monsieur le ministre, pour assurer le bon équilibre et l’efficacité des textes à venir.

Trois niveaux seront concernés par ces avancées législatives : le niveau communal ou intercommunal ; en cas de blocage, le niveau départemental ; le niveau national, enfin, via un comité placé sous l’égide de l’Agence nationale des fréquences, qui aura pour mission de veiller au respect des grands principes de la concertation locale.

C’est une évolution législative que je salue. Les travaux du COPIC ont souligné à quel point l’information précoce des maires sur les nouveaux projets d’implantation d’antennes était importante et attendue. Cela est transcrit dans la loi ou le sera très prochainement. C’est d’autant plus important que, sur ce point, les opérateurs que j’ai pu rencontrer m’ont fait part de leur volonté de dialogue et de leur ouverture à la concertation. Organiser la procédure de concertation permettra de garantir la transparence sur les implantations et la bonne information des citoyens.

Je crois en la pédagogie. En effet, la question des ondes suscite parfois des inquiétudes et des craintes. Elles ne se voient pas, il n’y a donc rien de plus sournois. C’est pourquoi l’information et la transparence les plus fiables possible sont indispensables. Elles sont la clé de la confiance entre les élus locaux, la population et les opérateurs. Les citoyens sont les usagers de ces services, ils doivent pouvoir en profiter pleinement et en toute sérénité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, dernier orateur inscrit.

M. Patrick Bloche. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés, en tant qu’élus, à devoir résoudre une équation complexe : permettre à nos concitoyens de bénéficier pleinement de la révolution technologique en cours, tout en assurant la sécurité sanitaire face à des risques qu’il faut prévenir. Essayer d’y répondre est, je le crois, le sens premier de cette proposition de loi, et je tiens à remercier celles et ceux qui en sont à l’initiative.

Maire du 11e arrondissement de Paris, le plus dense de la capitale, je suis régulièrement amené à organiser des réunions de concertation avec des habitants inquiets de l’impact éventuel des ondes émanant d’antennes relais. Ainsi, la localisation possible d’une nouvelle antenne relais à proximité d’une école ou d’une crèche – mais pas seulement – mobilise aussitôt nombre de parents et de riverains, au nom de la prévention des risques.

J’ai été amené en cinq ans – bientôt six – à donner à ce titre, je l’avoue, des avis bien plus souvent défavorables que favorables à des demandes d’implantation d’antennes, conduisant de fait l’opérateur concerné à s’engager – c’est tout l’intérêt de mes avis défavorables – dans une procédure de concertation et même à rechercher d’autres sites d’implantation. Il s’établit ainsi un dialogue vertueux, tripartite et constructif entre élus, riverains et opérateurs.

La téléphonie mobile et, désormais, l’internet mobile permettent l’accès de nos concitoyens à nombre de services devenus indispensables. Nous considérons avec raison comme prioritaire l’accès de tous au réseau, que ce soit via les nouvelles générations de téléphones ou les box internet.

Dans d’autres débats, nous avons su montrer combien l’accès à internet, et en particulier au très haut débit, était devenu central, et nous avons affirmé, notamment lors du débat sur les lois HADOPI, notre attachement à ce qu’il ne puisse être entravé, car l’enjeu de son développement est économique autant que sociétal.

Dès lors, il ne s’agit pas ici de bouleverser l’économie d’un système dont nous connaissons toutes les incidences. Mais nous devons montrer comment il est possible de concilier qualité de service et seuil maximal d’exposition le plus bas possible, de faire de la modération en matière d’exposition du public aux ondes l’un des objectifs de la politique des télécommunications.

Face à cette demande d’information, de concertation et, surtout, de transparence exprimée par nos concitoyens, la démarche entreprise par la Ville de Paris il y a dix ans déjà, via la signature d’une première charte avec les opérateurs, me semble être une bonne illustration pour éclairer le débat qui nous occupe aujourd’hui.

Après deux ans de négociations avec les opérateurs de téléphonie mobile, une nouvelle charte a été signée il y a un an. Ce document, plus exigeant encore que le précédent et que la réglementation nationale, redéfinit les seuils d’exposition aux ondes électromagnétiques pour la 2G comme pour la 3G, tout en permettant le déploiement de la téléphonie mobile de quatrième génération et son très haut débit, grâce à la fixation à titre provisoire d’un deuxième seuil maximal.

Au-delà – et c’est surtout sur ce point que je souhaite insister –, la charte renforce l’information délivrée aux Parisiens, notamment par la mise en ligne systématique, le plus en amont possible, des dossiers déposés par les opérateurs, mais aussi par la réalisation de centaines de mesures annuelles, en particulier dans les équipements les plus sensibles comme les crèches ou les écoles, ou simplement à la demande de toute personne directement concernée par un projet d’implantation, et tout cela avant que ne soit déposée la demande d’autorisation d’urbanisme pour l’implantation d’une future antenne.

L’information doit être en effet au cœur du dispositif – c’est essentiel. En donnant au maire la possibilité d’obtenir les informations qu’il juge opportunes, en permettant la saisine d’une instance de concertation départementale pour assurer, en cas de blocage de la procédure de concertation, une mission de médiation, la proposition de loi répond – et je m’en réjouis – à cette préoccupation majeure.

En matière de prévention, je n’oublie naturellement pas l’importance des campagnes pour la bonne utilisation des téléphones portables, notamment par les jeunes enfants et les adolescents, mais aussi sur les dispositifs d’information du consommateur, concernant les appareils eux-mêmes.

De la même manière, soulignons l’importance de la mise en place du comité national de dialogue relatif au niveau d’exposition du public aux champs électromagnétiques au sein de l’agence nationale des fréquences. Car informer, c’est aussi permettre à chacun d’adapter ses comportements individuels. De fait, il devient nécessaire de bénéficier désormais d’un nouveau cadre législatif et réglementaire national en matière de prévention des risques et nous sommes de plus en plus sollicités pour le mettre en place sans tarder.

En la matière, les évolutions technologiques sont si rapides qu’elles nous amènent à ne pas pouvoir être immobiles. Le débat doit être permanent. Un premier acte volontaire est posé aujourd’hui par l’organisation d’un débat national. C’est à ce niveau que nous devons désormais réfléchir, comme beaucoup nous y appellent, à l’importance stratégique des réseaux de téléphonie mobile et à la responsabilité de leur gestion, ainsi que, si possible – soyons ambitieux ! –, à l’avenir de leur mutualisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le président, je voudrais donner, par courtoisie, quelques premiers éléments de réponse aux différentes interventions. Nombre des orateurs qui sont intervenus n’étant plus dans l’hémicycle, si les propos que je vais tenir ne leur sont pas rapportés, je leur laisserai un message sur leur boîte vocale… (Sourires.)

Je voudrais d’abord m’adresser à M. Le Déaut, qui a porté, comme souvent, la voix de la science dans ce débat. Les expertises plurielles et contradictoires sont le travail de l’ANSES, dont je salue le sérieux et la qualité – qui sont reconnus de tous.

À André Chassaigne, je répondrai qu’il était temps, en effet, de légiférer, et qu’il était important que la loi prenne en compte les évolutions sociales et sanitaires. L’électro-hypersensibilité doit à cet égard être appréhendée sérieusement par le Gouvernement, et c’est ce que nous faisons, notamment avec Marisol Touraine. Nous en reparlerons au cours du débat. Mais puisqu’il a cité René Char, je le cite à mon tour : « Il n ’y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve, ou on l’accomplit. »

Je ne doutais pas du soutien de François-Michel Lambert à cette proposition de loi. Je ne doutais pas non plus qu’il en viendrait à citer Platon dans ce débat. Nul doute que nous en aurons besoin… Platon disait en effet : « La nécessité est la mère de l’invention ».

Je remercie Jacques Krabal pour son soutien, qu’il a exprimé avec conviction. Je ne peux que souscrire à ses évocations répétées de Jean de La Fontaine, que je considère comme le préfigurateur de l’Agence française de la biodiversité. (Sourires.) C’est ensemble que nous pourrons relever les défis immenses posés par nos habitudes de consommation. La sobriété vaut pour les ondes, pour les mobiles, mais aussi pour l’énergie et encore pour nos déchets.

Je donne raison à Corinne Erhel : c’est par le dialogue et la transparence que nous reprendrons confiance. Nous y avons tous intérêt, les opérateurs y compris. La démarche visant à réconcilier le développement économique et les enjeux environnementaux est essentielle à mes yeux.

Suzanne Tallard a beaucoup contribué à améliorer le texte, et je ne doute pas qu’elle continuera de le faire, en direction du compromis qu’il faut trouver sur les sujets qui nous occupent. Son intervention est empreinte d’un compromis constructif, peut-être même historique, que nous devons chercher à obtenir.

M. Martin-Lalande nous a rappelé avec justesse que des travaux ont eu lieu dans le cadre du Grenelle des ondes sous le précédent gouvernement et que le COMOP a été piloté par l’actuel président de la commission des affaires économiques, M. François Brottes. Je suis néanmoins heureux que la première loi votée sur le sujet le soit par l’actuelle majorité avec le concours de l’actuel gouvernement. Je ne doute pas que M. Martin-Lalande la votera. (Sourires.)

Je réponds à Yannick Favennec que le débat n’a pas été « confisqué » : il a lieu aujourd’hui même. Je note que vous vous ralliez, monsieur le député, au pragmatisme dont fait preuve le texte en matière de sobriété. Quant à l’article 1er, il est surprenant qu’un député regrette que la loi définisse mieux les grands principes à préciser par décret. C’est la première fois que j’entends un parlementaire formuler un tel regret !

Mme Laure de La Raudière. Ce n’est pas du tout ça !

M. Philippe Martin, ministre. Je confirme à Mme Dubié la justesse de sa conviction selon laquelle nos concitoyens ont soif d’information et de transparence dès qu’il s’agit de leur environnement et de leur santé.

M. Mariani semble penser qu’il y a là un danger pour la compétitivité économique. Je le répète, le développement économique ne peut que gagner à mieux prendre en compte son impact sur l’environnement. Telle est la condition de la confiance des usagers et d’un développement serein. Nous sommes tous convaincus d’une telle nécessité.

Merci, Annick Le Loch, de pondérer les propos de M. Mariani en reconnaissant ici l’évidente disposition favorable des opérateurs envers la concertation !

Enfin, l’homme de terrain qu’est Patrick Bloche, maire d’arrondissement parisien, a salué la concertation et le rôle de l’édile dans sa mise en mouvement. Merci, monsieur le député, d’avoir évoqué la démarche exemplaire de la charte de la Ville de Paris, imitée par d’autres collectivités ! Une fois de plus, Paris a montré l’exemple. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je n’abuserai pas du temps consacré à la discussion générale et serai bref. Comme vient de le dire M. le ministre, Paris a largement inspiré les travaux du fameux COMOP par une démarche participative de concertation tout à fait exemplaire. Je remercie à mon tour ceux qui m’ont remercié, une fois n’est pas coutume, mais cela se fait !

M. Jean-Yves Le Déaut. Bravo !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. En effet, lors du renvoi du texte en commission, j’ai été un peu brocardé. « Un renvoi en commission », disait-on, « c’est un enterrement de première classe ». Seuls François de Rugy, que je connais depuis quelques années, et Mme Abeille avaient alors accordé quelque crédit à mes propos. Je la remercie à mon tour et la félicite de sa patience, de sa constance et de sa capacité à mener une démarche de co-construction, le terme est à la mode, avec Mme Tallard. Je remercie Fleur Pellerin qui, dès le lendemain du renvoi en commission, s’est mise à la disposition du Parlement comme elle s’y était engagée, et Philippe Martin qui à peine nommé était déjà tout à fait proactif sur le sujet !

La volonté d’aboutir est avérée, c’est pourquoi je ne parlerai pas trop longtemps. Nos travaux doivent en effet s’achever à une certaine heure. Quelle que soit votre appartenance politique, monsieur le président, la décision de la Conférence des présidents vous oblige, comme vous le savez ! (Sourires.)

Nous devons donc en venir à l’examen des amendements afin que le texte soit effectivement voté. Bien sûr, il ne satisfera pas tout le monde à 100 %. Ce qui importe, c’est qu’il existe un texte mettant un peu de rationalité dans ces affaires-là. Celui-ci n’est pas uniquement déclaratif, je tiens à le dire, et encadre un certain nombre de principes très utiles au pouvoir réglementaire. La loi, selon moi, doit toujours laisser au pouvoir réglementaire le soin de s’occuper de l’épicerie fine, si l’on me passe cette expression triviale ! (Sourires.)

En tout état de cause, nous avons traité l’ensemble des questions. Nous constaterons au fur et à mesure des débats, comme nous l’avons fait lors des travaux en commission, qu’il existe sur le sujet une volonté largement partagée de mettre un peu de rationalité dans l’irrationalité et un peu de concret dans les dispositions à prendre sans mélanger les genres. Les licences demeurent attribuées par un régulateur selon un mandat du législateur, ce qui exclut toute décision locale. Néanmoins, les acteurs locaux ne peuvent être complètement absents de la discussion dès lors qu’il s’agit de déployer des réseaux. Tel est l’équilibre auquel il faut parvenir. Je sais que Laure de La Raudière s’apprête à présenter une motion de rejet dans un instant. Peut-être me contredira-t-elle, mais je sais son approche constructive du débat et ne doute pas que nous écouterons son intervention avec intérêt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai en effet reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mesdames les rapporteurs, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, alors que le Président de la République promeut un pacte de responsabilité avec les entreprises dont les Français attendent la traduction concrète, prône un choc de simplification pour les collectivités et les entreprises et défend à juste titre un allégement des charges et des contraintes administratives ; alors que le Gouvernement prône le développement du numérique à l’école avec force communication et peu de moyens, met en avant l’innovation numérique en lançant une campagne intitulée Say oui to France, Say oui to Innovation et défend le déploiement du très haut débit fixe et mobile pour tous et dans tous les territoires ; alors que nous savons tous que le numérique est un secteur en pleine croissance et pourvoyeur d’emplois et préférerions tous que le développement ait lieu en France plutôt qu’à l’étranger ; alors que les entreprises françaises du numérique présentent actuellement au salon Consumer Electronic Show de Las Vegas les innovations qui les positionneront sur des marchés porteurs comme les objets connectés, la voiture connectée, la ville intelligente et l’e-éducation, nous ne pouvons que nous alarmer du paradoxe qui fonde la proposition de loi relative à la sobriété, à la transparence et à la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques que nous examinons cet après-midi.

Elle distille en effet au fil des articles l’impression délétère que les ondes électromagnétiques émises par les antennes des réseaux mobiles, les terminaux, les tablettes ou encore les box wi-fi sont dangereuses pour la santé, alors que le dernier rapport de l’ANSES vient de rappeler qu’elles ne présentent aucun risque sanitaire avéré. Les articles 4, 5, 6 et 7 du texte encouragent la défiance vis-à-vis des technologies mobiles et risquent de priver la France d’innovations permettant à notre société d’accomplir de réels progrès. La proposition de loi envoie un signal très négatif à nos concitoyens en matière de confiance vis-à-vis du monde de la science et de l’innovation.

Le texte, peu normatif, ouvre la voie à la multiplication des contentieux lors de l’installation d’antennes mobiles visant à améliorer la couverture des zones rurales et la qualité de service mobile dans les zones urbaines par leur désaturation, ce qui est votre objectif, madame le ministre. Voilà autant de raisons qui me conduisent aujourd’hui à défendre pour le groupe UMP une motion de rejet de la proposition de loi émise par le groupe écologiste et soutenue par la majorité socialiste.

Aux motifs que je viens d’évoquer et que je m’apprête à détailler s’ajoute un clivage politique fort sur l’interprétation du principe de précaution. Pour le groupe UMP, celui-ci s’applique dans les situations de risque non avéré mais suspecté ou de grave danger potentiel. Il n’a rien à voir avec la prévention d’un risque. La mise en œuvre du principe de précaution ne saurait se passer d’expertise scientifique et technique dès lors qu’elle dépend de l’état des connaissances et corollairement du degré d’incertitude.

La science se prononce sur la probabilité a priori d’un risque, l’état des connaissances et des incertitudes, l’importance des travaux effectués et, par des analyses critiques au cours des expertises collectives, la valeur des publications. Les expertises collectives scientifiques diligentées par des institutions disposant de toute la légitimité pour le faire ont toutes conclu à l’absence de risques liés aux antennes dans de très nombreuses études sur le sujet. La probabilité d’un tel risque est aujourd’hui nulle aux yeux de la communauté scientifique. Il en va de même pour les ondes wi-fi. Les avis sont plus nuancés à propos des appareils mobiles, non à cause de l’effet électromagnétique mais en raison de la chaleur provoquée, uniquement perceptible lorsqu’ils sont à proximité immédiate du corps humain et en cas d’utilisation prolongée.

Or l’article 1er introduit un objectif de modération de l’exposition du public aux champs électromagnétiques. Vous convoquez ici, chers collègues écologistes, le principe de précaution vis-à-vis des antennes, alors qu’il n’a pas de raison d’être en la matière, comme je viens de le démontrer. Il s’agit en fait de promouvoir votre vision politique du principe de précaution, qui nie les études scientifiques et ne fait aucune confiance au progrès scientifique. Votre conception décliniste de la société aboutit à l’instauration du principe de précaution lors de l’installation des antennes pour réseaux mobiles. Il s’agit d’un réel clivage politique, clairement affiché et assumé par le groupe écologiste. Je regrette et dénonce que la majorité socialiste soutienne une telle position politique, contrairement à son discours habituel.

Même si l’alinéa concerné est peu normatif, sa rédaction actuelle n’en donne pas moins une nouvelle base légale aux associations qui luttent contre le déploiement des réseaux mobiles sur l’ensemble du territoire, et c’est précisément ce qui nous inquiète. Comme vous le savez, mes chers collègues, ces associations ont épuisé depuis le mois de décembre 2012 toutes les voies de recours pour s’opposer de façon abusive à l’installation d’antennes. Alors qu’elles étaient très actives il y a quelques années dans l’ensemble du territoire et multipliaient les recours au nom du principe de précaution ou pour trouble du voisinage, elles sont aujourd’hui impuissantes car les faits ont déjà été jugés en Conseil d’État et à la Cour de cassation. Toutes les nouvelles actions en justice pour de tels motifs seront donc déboutées.

Ces associations, souvent proches du groupe politique écologiste, avaient donc besoin d’une nouvelle base légale pour leurs recours. L’ensemble de la philosophie du texte et l’alinéa 3 de l’article 1er en particulier viennent leur en offrir une sur un plateau. Nul doute qu’ils sauront l’utiliser, paralysant ainsi l’amélioration de la couverture de nos territoires ruraux et la désaturation du trafic dans nos villes, contrairement aux propos tenus par nos collègues socialistes et écologistes. Nos concitoyens, qui savent les services que leur rend quotidiennement l’usage des mobiles et des tablettes, seront pénalisés au premier chef par le choix que vous faites, mesdames et messieurs les députés socialistes, madame et monsieur les ministres, d’apporter votre soutien au texte.

Celui-ci est en outre contraire au choc de simplification annoncé par le Président de la République et que les Français attendent toujours. C’est bien la preuve que vous n’avez nullement l’intention de traduire les paroles du Président de la République en actes. L’article 1er ne crée rien de moins qu’une procédure de concertation spécifique à l’installation d’antennes électromagnétiques. Vous n’avez pas cherché à rationaliser les multiples procédures de concertation prévues par les textes ni à copier-coller une procédure existante. Bien au contraire, vous en inventez une nouvelle et créez en passant une nouvelle instance de concertation départementale ! Ce n’est pas sérieux. L’article 4 impose de nouvelles obligations aux distributeurs de mobiles. Ces contraintes franco-françaises viendront renchérir encore plus les coûts des terminaux mobiles en France. Nous nous éloignons là encore du choc de simplification ou du choc de compétitivité. Ce n’est pas sérieux. J’évoquerai enfin l’article 7 visant à limiter l’usage du numérique par les jeunes enfants, en particulier en interdisant le wi-fi dans les lieux d’accueil des crèches et en encadrant son usage dans les écoles.

Pourquoi le faire, alors que le président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, le très sage et respecté Jean-Yves Le Déaut (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) bien rappelé ce matin dans son intervention qu’il n’y avait aucune raison de le faire ? Nous savons que l’un des axes d’amélioration de notre école passe par sa modernisation, et que les outils numériques peuvent largement y contribuer, même s’ils ne règlent évidemment pas tout. L’usage des nouvelles applications éducatives passe par l’utilisation de tablettes au quotidien dans les classes, les élèves restant à leur place et les utilisant comme nous utilisions nos cahiers.

Dois-je évoquer ici l’attractivité de ces nouveaux outils qui permettent à des élèves décrocheurs de retrouver goût aux apprentissages, parfois même d’exceller là où ils auraient été en échec avec des outils plus rétrogrades, donc plus ennuyeux ? (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

M. François-Michel Lambert. Décrocheurs dès la maternelle ?

Mme Laure de La Raudière. Ils leur permettent notamment de travailler à leur rythme, en toute confidentialité, sans témoin, sans peur d’être jugés, donc en ayant le droit d’apprendre en se trompant – ils oseront devant leur tablette ce qu’ils n’oseront pas devant leurs camarades ni leurs enseignants –, dans le cadre d’apprentissages individualisés, c’est-à-dire en utilisant les ressources correspondant exactement à leur niveau et à leurs lacunes, qu’ils pourront ainsi combler. Les nouvelles technologies constituent, de ce fait, un outil puissant pour redonner confiance en eux à des élèves en difficulté, à une période cruciale où se joue leur avenir. Doit-on réellement encadrer aujourd’hui les usages d’un nouveau champ d’apprentissage prometteur par une disposition législative susceptible de générer des recours contentieux ? Ce n’est pas sérieux !

Doit-on réellement interdire le wi-fi dans le lieu d’accueil des enfants dans les crèches ? En adoptant cet article 7, mes chers collègues, vous interdisez l’utilisation des applications développées sur des tablettes pour stimuler l’éveil des enfants handicapés et leur faire faire des progrès plus importants que ceux obtenus par d’autres méthodes. C’est ce qui se passe aujourd’hui dans certaines crèches parisiennes. Je ne peux pas croire que c’est ce que vous souhaitez, mais ce sera une conséquence directe de votre texte.

M. Jean-Yves Le Déaut. Vous noircissez le tableau !

Mme Laure de La Raudière. Au vu de toutes les raisons évoquées, je serais étonnée que le Gouvernement et la majorité socialiste ne sachent pas dépasser les clivages politiques traditionnels pour accorder leur soutien à notre motion de rejet de ce texte. Nous devons, tous ensemble, mettre enfin des actes en face des paroles présidentielles ou ministérielles, que ce soit en matière de choc de simplification, de choc de compétitivité, de déploiement des usages du numérique dans notre pays, particulièrement dès le plus jeune âge et à l’école.

Cette proposition de loi marque une peur et une résistance au monde moderne, elle traduit une vision décliniste de notre société et, finalement, porte préjudice aux intérêts de notre pays. Je le dis avec une vraie solennité et beaucoup de tristesse, et j’espère que la majorité saura dépasser les clivages politiques pour faire preuve de bon sens et de pragmatisme, en votant pour cette motion de rejet aux côtés des députés UMP.

M. Jean-Yves Le Déaut. Les députés UMP ? Je crains que vous ne soyez bien seule, chère collègue !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Madame de La Raudière, vous accusez le Gouvernement, en particulier le ministère dont j’ai la charge, de beaucoup de choses, mais je ne peux vous laisser dire que nous serions déclinistes, que nous serions contre la compétitivité de notre pays, contre l’innovation et les nouvelles technologies. Il me semble que vous pourriez reconnaître en toute bonne foi que l’action que je mène depuis près de dix-huit mois vise, au contraire, à faire en sorte que notre pays soit tout à fait prêt à accueillir la transition numérique et les changements en cours, répondant à l’adaptation de notre société et notre économie au monde en évolution.

Je citerai notamment le plan « France très haut débit », auquel l’État va consacrer plus de trois milliards d’euros dans les dix années à venir, et qui vise à couvrir en très haut débit fixe l’ensemble de notre territoire et de nos concitoyens. Par ailleurs, avec Arnaud Montebourg, nous avons fait en sorte que le secteur des télécoms puisse investir massivement dans le déploiement des réseaux 4G ; nous avons multiplié les expérimentations visant à couvrir les zones les plus reculées, les plus rurales, les plus enclavées, afin qu’elles puissent bénéficier prioritairement du très haut débit mobile.

Notre collègue Vincent Peillon a, de son côté, déployé des efforts afin que l’éducation puisse s’approprier les nouveaux usages numériques, avec un usage accru du numérique éducatif. Je rappellerai également la promotion de la French Tech, que j’ai lancée il y a peu, afin que soit mis en valeur, mieux qu’aujourd’hui, l’écosystème extrêmement dynamique constitué par nos start-up, en particulier dans le domaine des objets connectés.

Toutes ces actions résument bien l’orientation vers l’innovation résolument mise en œuvre par ce gouvernement, et une politique économique entièrement tournée vers la transformation – voire la révolution – numérique de l’ensemble des secteurs de l’économie, des plus traditionnels aux plus récents. Je considère donc, madame la députée, qu’il n’y a pas de paradoxe entre cette proposition de loi et le développement économique et le progrès.

M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Au contraire, c’est un projet de loi qui, comme cela a été souligné par tous les orateurs dans la discussion générale, résulte d’un long travail – il a été effectué durant toute une année – et d’une concertation ayant abouti à une forme de consensus sur le nécessaire point d’équilibre entre les différentes préoccupations que peut parfois soulever le progrès technologique, surtout quand il va extrêmement vite. Par ailleurs, les inquiétudes suscitées par la question du traitement des données personnelles et du respect de la vie privée peuvent appeler un certain nombre de réactions de la part des autorités publiques, sans pour autant que le progrès et le développement économiques s’en trouvent entravés. Ces inquiétudes n’ont pas à être qualifiées d’illégitimes,…

Mme Laure de La Raudière. Je n’ai pas dit qu’elles étaient illégitimes, j’ai dit que le texte n’y répondait pas !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. …elles doivent être prises en compte tout en préservant le nécessaire équilibre entre la réponse aux inquiétudes exprimées et le progrès économique que nous appelons tous de nos vœux.

Le texte proposé permet de concilier ces objectifs et présente l’intérêt de défendre un principe énoncé dans la loi, constitué du triptyque « concertation, transparence, résorption des points atypiques ». Les mesures proposées, qui définissent une méthode, sont consensuelles. Il me semble que, sur toutes les préoccupations que vous avez exprimées, il vous est possible de déposer des amendements dans une approche constructive…

Mme Laure de La Raudière. C’est ce que j’ai fait ! J’en ai déposé, des amendements !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. …plutôt que d’essayer de rejeter en bloc un texte qui a fait l’objet de longs travaux et d’une concertation approfondie. J’espère que vous saurez adopter cette attitude constructive, madame la députée, et que vous comprendrez que le Gouvernement ne puisse s’associer à votre motion de rejet préalable, qu’il souhaite voir repoussée par cette assemblée.

M. le président. Au titre des explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. François Pupponi, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. François Pupponi. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, nous avons déjà débattu de cette question l’année dernière, et c’est moi qui avais défendu la motion de renvoi en commission, laquelle, adoptée, nous a permis de travailler un an de plus sur un sujet important et sensible, qui mobilise nombre de nos concitoyens.

Je suis très agréablement surpris de voir comment, depuis quelques jours – en particulier depuis que le texte est en débat dans notre hémicycle –, les médias se sont emparés du sujet d’une façon plutôt intelligente, en essayant d’en faire comprendre les tenants et les aboutissants à nos concitoyens, qui se montrent très intéressés.

Les Français manquaient jusqu’à présent d’explications et de données objectives. Ayant travaillé sur ce sujet – que, je l’avoue, je ne connaissais pas très bien avant de m’y intéresser –, je me suis rendu compte que la plupart des spécialistes de la santé publique expliquent que, s’ils ne sont pas en mesure d’affirmer que l’exposition aux ondes présente un danger, ils ne sont pas non plus en mesure d’affirmer le contraire.

Mme Laure de La Raudière. Bien sûr ! C’est le principe scientifique !

M. François Pupponi. Ainsi un médecin nous a-t-il expliqué en commission que la seule certitude scientifique consiste dans le fait que, lors de l’utilisation d’un téléphone portable sans kit mains libres, les ondes traversent le cerveau – sans que l’on puisse savoir, en l’état actuel des connaissances, quelles sont les conséquences de ce phénomène sur l’organisme humain.

Je pense qu’il est de notre responsabilité d’essayer, par ce texte équilibré, d’informer nos concitoyens, de mieux gérer l’implantation sur le territoire national des équipements impliquant la production d’ondes électromagnétiques, et d’inciter nos concitoyens à adopter des pratiques de précaution. Contrairement à ce que vous affirmez – à l’instar d’un certain nombre d’opérateurs industriels –, je ne crois pas que l’on puisse affirmer que le texte mette en péril l’économie des nouvelles technologies en France. Au contraire, les industriels ont tout intérêt, eux aussi, à faire de la pédagogie et de la prévention, tout particulièrement en matière d’utilisation des téléphones mobiles par les jeunes et les très jeunes, qui soulève de vraies questions. De ce point de vue, le texte va dans le bon sens, c’est pourquoi nous proposons le rejet de cette motion de rejet préalable.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Madame de La Raudière, vous parlez comme j’aurais pu le faire moi-même il y a quelques années (Rires.) Je le reconnais, la famille politique que je représente a considéré, durant très longtemps, que le progrès scientifique amenait mécaniquement le bonheur et une évolution de la société dans le bon sens – nous n’avons d’ailleurs pas inventé cette conception, qui remonte à l’Antiquité.

Aujourd’hui, les choses ont changé, et le regard que nous portons sur le progrès scientifique et les évolutions du mode de vie qui en résultent ne peut plus être le même. En commission, j’ai cité Albert Camus, qui écrivait dans le journal Combat, au lendemain d’Hiroshima, qu’il fallait désormais faire une utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. C’est bien le fond du problème.

Cela dit, même en revenant quelques années en arrière, je n’aurais peut-être pas tenu des propos tout à fait identiques à ceux que vous venez de tenir. En effet, vous avez développé une conception de ce que l’on appelle l’homo economicus, c’est-à-dire une approche selon laquelle, chacun étant parfaitement rationnel et informé, ne suit finalement que son propre intérêt – je ne parle pas de votre propre intérêt, bien sûr, mais de celui du système libéral qui privilégie les intérêts économiques au détriment de tous les autres.

Même en vous réclamant d’une approche rationnelle, vous recourez à un procédé – auquel, je le reconnais, tout le monde a tendance à recourir de temps à autre –, celui consistant à sortir d’un rapport, en les isolant, les quelques données allant dans le sens de ce que vous voulez démontrer. Ainsi, le rapport de l’ANSES est beaucoup plus nuancé que vous voulez nous faire croire. On y lit, notamment, que la photographie qui est faite, à un moment donné, de l’impact des ondes sur la santé, n’a qu’une valeur toute relative compte tenu de la formidable accélération de la technologie à laquelle nous assistons depuis un certain temps : dans un tel contexte, tout constat se trouve très rapidement dépassé.

M. le président. C’est terminé, monsieur Chassaigne !

M. André Chassaigne. Comme d’habitude, monsieur le président, je conclurai par une citation. Paul Éluard disait : « L’œuvre accomplie est œuvre à faire, car, le temps de se retourner, elle a changé ». Cette phrase me semble parfaitement illustrer notre époque, où la constante accélération de la technologie – c’est actuellement le cas en matière de 4G – rend très rapidement caducs tous les rapports visant à établir un constat de la situation.

M. le président. En principe, les citations doivent être incluse dans les deux minutes accordées pour chaque explication de vote, cher collègue. (Sourires.)

M. François Pupponi. Ce n’est pas normal ! Il faut changer le règlement ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Comme il l’a déjà fait savoir, le groupe RRDP votera contre cette motion de rejet préalable. En effet, tout le monde gagnera à voir adopté cet important projet de loi. Les opérateurs, d’abord, parce qu’ils disposeront d’un cadre nouveau, mieux régulé ; mais aussi les élus locaux, mieux informés en amont ; les associations, davantage consultées lors des prises de décisions ; enfin, les citoyens, qui bénéficieront d’une information plus transparente.

Pour assurer cette meilleure régulation profitant à tous, nous avons besoin d’une loi fixant un cadre, ce qui est l’objet de cette proposition de loi. Le groupe RRDP votera donc contre la motion de rejet préalable.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.

M. François-Michel Lambert. Je voudrais faire un parallèle à l’intention de Mme de La Raudière. Hier, notre collègue nous a dit que le non-cumul des mandats équivalait à une absence d’ancrage local. Les propos que vous venez de tenir, madame, me laissent penser que cet ancrage local vous fait défaut et que vous êtres bien loin des attentes de nos concitoyens, notamment en ce qui concerne l’enjeu de l’exposition aux ondes électromagnétiques.

En ce qui nous concerne, nous sommes pour le non-cumul des mandats et entendons les inquiétudes et les demandes exprimées par nos concitoyens au sujet des ondes électromagnétiques. Si vous aviez un ancrage local, chère collègue, vous sauriez qu’à Paris, une charte mise en place grâce à notre collègue Denis Baupin du temps où il était adjoint – charte qui a d’ailleurs inspiré cette proposition de loi – a permis de mettre en œuvre le principe de précaution vis-à-vis des jeunes, tout en faisant en sorte que Paris soit la métropole la plus numérique d’Europe, si ce n’est du monde. Comme on le voit, il est donc tout à fait possible de faire progresser la précaution tout en avançant résolument vers l’avenir.

Par ailleurs, je m’étonne de votre critique relative à la nécessaire précaution des plus jeunes. Comment peut-on avancer un argument économique quand il est question de la santé des plus jeunes ?

Mme Laure de La Raudière. Je n’ai pas avancé d’arguments économiques !

M. François-Michel Lambert. Vous avez parlé de stratégie économique et du risque que cette proposition de loi pourrait faire courir à notre développement. Comment peut-on mettre en balance des enfants, des bébés, et des arguments d’ordre économique ? Ce n’est pas en raisonnant de la sorte que nous obtiendrons un développement économique, bien au contraire. Selon, la prise en compte, par les industriels français, de contraintes techniques destinées à assurer la protection de la santé de chacun, est de nature à les amener à la mise au point de nouveaux dispositifs technologiques, qui feront demain la force de notre exportation dans le secteur du numérique. Je pourrais répondre point par point à tous les arguments que vous avez avancés, mais je préfère aller vers l’avenir.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Laure de La Raudière. Il est peu conventionnel de faire une explication de vote sur la motion qu’on a soi-même défendue, mais, ayant été interpellée personnellement, je souhaiterais réagir.

Monsieur Lambert, vous avez mis en doute mon ancrage local. Sachez que les demandes des concitoyens de ma circonscription qui viennent à ma permanence portent sur la couverture numérique du territoire, le très haut débit mobile et la 4G.

M. François-Michel Lambert. Ce n’est pas incompatible avec la modération !

Mme Laure de La Raudière. Or cette proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, est source de contentieux. Vous ouvrez une nouvelle base légale pour les recours auprès des associations, ce qui va empêcher l’installation de nouvelles antennes sur nos territoires alors que cela pourrait permettre de désaturer les réseaux mobiles existants ou d’améliorer la couverture du territoire. Comme pour les autres motifs au titre desquels les tribunaux étaient saisis par les associations de recours abusifs, les procédures s’étaleront sur trois ou quatre ans.

Je vous enjoins simplement à ne pas mettre en cause les autres députés sur leur ancrage local.

M. François-Michel Lambert. C’est vous qui nous avez mis en cause hier !

Mme Laure de La Raudière. Je sais écouter nos concitoyens aussi bien que vous, monsieur Lambert. Vos jugements n’ont pas lieu d’être dans cet hémicycle.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Avant l’article 1er

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n35 portant article additionnel avant l’article 1er.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement renvoie à la question des recours, que je viens d’évoquer. Il vise tout simplement à supprimer du titre Ier le terme « modération ». Ce dernier sous-entend en effet une diminution ou un ralentissement. Or, abaisser les niveaux d’exposition, qui sont déjà très faibles et qui, ainsi que l’a précisé M. Le Déaut, ne présentent aujourd’hui aucun risque sanitaire, n’est pas nécessairement compatible avec le développement numérique et le renforcement de la couverture mobile des territoires tant attendus par nos concitoyens. Je pense avoir mentionné cela lors de mon explication de vote.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, rapporteure de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission.

Mme Laurence Abeille, rapporteure de la commission des affaires économiques. Défavorable. La proposition de loi est en effet construite sur la notion même de modération, une idée qui doit aboutir à l’état de sobriété, un terme que nous avons souhaité inscrire dans le titre de la proposition.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. La modification que vous proposez est substantielle et ne nous semble pas cohérente avec l’objet de la proposition de loi. Le titre Ier inscrit dans le code des postes et des communications électroniques un principe de modération de l’exposition aux ondes en tant qu’objectif de politique publique et en prévoit d’ailleurs les conditions de mise en œuvre. Il est donc logique que le libellé du titre Ier reprenne cette notion. C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.

(L’amendement n35 n’est pas adopté.)

Article 1er

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, inscrite sur l’article 1er.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je voulais profiter de la discussion de l’article 1er, qui est le cœur de cette proposition de loi, pour soutenir ce texte.

Comme beaucoup d’entre vous, et mon collègue parisien Patrick Bloche le rappelait tout à l’heure, je suis confrontée sur le terrain, malgré le travail précurseur et inspirateur mené par la Ville de Paris et auquel il a été fait référence voilà quelques instants, aux difficultés que rencontrent les élus locaux, les associations et les citoyens, qui me font part de leurs interrogations persistantes quant à l’absence de législation sur la question des ondes électromagnétiques. Ce texte est donc particulièrement bienvenu, et ce pour deux raisons.

Premièrement, et nous venons d’en débattre, il me paraît important d’ériger la modération – et de manière subsidiaire la sobriété – de l’exposition du public aux ondes électromagnétiques en objectif à part entière des politiques de communication. Il ne faut pas caricaturer les choses : il est tout à fait possible de concilier le progrès technologique pour tous et les objectifs de prévention des risques. C’est à mon sens précisément notre responsabilité en tant que parlementaires. Le fait que les risques ne soient pas avérés ne signifie pas pour autant qu’ils n’existent pas. Il convient donc d’agir maintenant pour l’avenir, afin de ne pas avoir à constater dans dix, vingt ou trente ans que nous avons failli collectivement.

Deuxièmement, il importe de garantir et d’encadrer des procédures de concertation et d’information claires en matière d’installation des équipements radioélectriques. Nous aurons l’occasion d’en discuter par la suite, car un amendement a été adopté par la commission qui prévoit une information systématique et obligatoire des locataires et propriétaires d’immeubles privés pour l’installation d’appareils émettant des ondes électromagnétiques. Chacun doit en effet pouvoir retrouver une souveraineté en la matière.

Pour toutes ces raisons, je soutiens ce texte élaboré collectivement et dont le contenu est juste et équilibré.

Mme Véronique Massonneau et Mme Isabelle Attard. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous êtes sur la même longueur d’onde ! (Sourires.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 36 et 106.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n36.

Mme Laure de La Raudière. Par stratification successive, vingt et un objectifs sont fixés pour la réglementation des télécommunications à l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques. Les alinéas 2 et 3 de l’article 1er en ajoutent un qui revient à inscrire le principe de précaution dans la loi concernant l’exposition du public aux champs électromagnétiques. La rédaction actuelle de ces alinéas donne ainsi clairement une base légale pour des recours contentieux abusifs contre l’installation d’antennes électromagnétiques, alors que les Français attendent avec impatience le déploiement des nouvelles technologies mobiles et une meilleure couverture de ces services, un objectif d’ailleurs affiché par le Gouvernement.

Par cet amendement, je propose de supprimer les alinéas 2 et 3 pour éviter ces recours abusifs.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n106.

M. André Chassaigne. Je propose également de supprimer les alinéas 2 et 3, mais pour des raisons complètement différentes de celles qui viennent d’être développées.

En effet, la modification du code des postes et des communications électroniques proposée entraîne le dessaisissement des ministres de la santé et de l’environnement pour tout concentrer au sein de l’Agence nationale des fréquences, qui dépend uniquement du ministre de l’économie numérique. Entendons-nous bien, madame la ministre déléguée : je n’ai rien contre le ministère de l’économie numérique, mais il est significatif de tout concentrer au niveau de l’industrie.

Par ailleurs, on revient ainsi sur un acquis législatif important, car l’ancienne rédaction de cet article prévoyait l’action conjointe des ministres chargés de la santé et de l’environnement, qui sont ainsi évacués. N’est-ce pas révélateur de la primauté de l’intérêt économique des opérateurs ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. J’aurai une explication différente pour chacun des deux amendements, car leurs motifs sont distincts.

Concernant l’amendement n36 présenté par Mme de La Raudière, il est vrai que la liste des objectifs assignés à la régulation du secteur des télécommunications est déjà très longue. C’est pour éviter d’ajouter un nouvel objectif que j’avais initialement proposé une nouvelle rédaction du 12° bis II de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques.

La commission a toutefois décidé de maintenir le 12° bis à la protection de l’environnement et de la santé et de créer un nouvel alinéa 12 ter é à la modération de l’exposition. Je suis néanmoins favorable à la simplification de la rédaction de cet alinéa tel que proposé par Mme Erhel, mais la suppression pure et simple de ce nouvel objectif est totalement contraire à l’esprit de la proposition de loi.

Quant à votre amendement, monsieur Chassaigne, il me paraît découler d’une mauvaise lecture du texte, si je puis me permettre de le formuler ainsi. La proposition de loi a pour objet non pas de remplacer un objectif par un autre mais d’en ajouter un nouveau. L’objectif de l’alinéa 12° bis donc bien maintenu, tout comme l’action conjointe des ministres chargés de la santé et de l’environnement. Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer.

M. André Chassaigne. Je vais le retirer !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Il est vrai qu’il est assez curieux que des arguments différents visent un même résultat. Il me faudra donc décliner ma position, unique, dans deux réponses distinctes.

Madame de La Raudière, l’objet de notre échange aujourd’hui est précisément d’inscrire l’objectif de modération dans la loi. De plus, cette approche législative consolide la sécurité juridique d’ensemble avec, d’une part, la définition de l’objectif et, d’autre part, plus loin dans le texte, la déclinaison de sa mise en œuvre.

Monsieur Chassaigne, les alinéas 1 à 3 fixent au ministre chargé des communications électroniques et de l’ARCEP un objectif de modération, ce qui constitue déjà une avancée importante. D’un point de vue juridique, il est préférable de déconnecter cet objectif de modération des enjeux environnementaux ou sanitaires déjà mentionnés dans le code.

C’est pourquoi, avec des motifs différents mais pour un but identique, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Monsieur Chassaigne, acceptez-vous de retirer l’amendement n106 ?

M. André Chassaigne. Oui, je le retire, monsieur le président, quoique j’aie été déstabilisé par l’argumentation de monsieur le ministre. (Sourires.)

(L’amendement n106 est retiré.)

(L’amendement n36 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n37.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement propose une nouvelle écriture de l’alinéa 3 pour éviter qu’il ne serve de base juridique pour des recours abusifs. En l’état, la définition de l’objectif en matière d’exposition aux champs électromagnétiques s’apparenterait à l’application du principe ALARA, As Low As Reasonably Achievable « aussi bas que raisonnablement possible », qui n’est pas recommandé par l’ANSES. Il est donc essentiel de la supprimer.

Pour votre information, chers collègues, le principe ALARA n’est utilisé que dans les cas d’exposition à des sources radioactives. Il n’est pas raisonnable de vouloir exiger le même principe pour les ondes électromagnétiques émises par les antennes alors que, comme l’a précisé M. Le Déaut, celles-ci ne présentent pas de risque avéré.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Ainsi que je l’ai indiqué voilà quelques instants, je suis prête à simplifier la rédaction de cet alinéa. Je vous invite à vous rallier à l’amendement n165 présenté par Mme Erhel, chère collègue.

Votre proposition ne me paraît en effet pas pertinente : les objectifs d’aménagement numérique du territoire, de qualité de service et de développement de l’innovation sont déjà mentionnés aux alinéas 3°, 3° ter et 7° de l’article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques. Or le régulateur et le ministre chargé des communications électroniques doivent veiller à concilier ces différents objectifs. Il n’est donc pas nécessaire de les mentionner à de multiples reprises. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Nous préférons au présent amendement l’amendement n165, qui vient un peu plus tard dans la discussion. Le terme de « maîtrise » est en retrait par rapport à celui de « modération », puisqu’il n’implique pas de tendre vers un faible niveau d’exposition à qualité de service garanti. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

Mme Laure de La Raudière. Quel aveu !

(L’amendement n37 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 76 rectifié et 107, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n76 rectifié.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Chers collègues, nous vivons dans une société dont la force dépend et dépendra de sa capacité à innover dans un monde interactif ouvert. Innover, c’est inventer et mettre sur le marché quelque chose qui était jusqu’alors inconnu, et qui est donc peut-être inquiétant. L’internet généralisé, le wifi, l’interopérabilité, la téléphonie mobile, des mots si courants désormais, sont des innovations majeures récentes, d’usage si simple et si évident qu’on en oublie qu’ils renvoient à des technologies puissantes, donc à des perspectives de développement économique et d’emploi.

La présente proposition de loi entre clairement dans ce cadre, et je tiens à saluer tant la détermination du groupe écologiste que la volonté de la commission des affaires économiques et de son président François Brottes à aboutir sur cette question de la sobriété, de la transparence et de la concertation en matière d’exposition aux ondes électromagnétiques.

Ce texte a aussi pour avantage, et non des moindres, de parler de ce que chacun voit : un foisonnement des antennes sur nos toits qui met en évidence la multiplicité des opérateurs, la concurrence parfois opaque qu’ils se livrent et l’absence de réglementation, et donc de volonté politique jusqu’à présent. Ce texte traduit donc enfin un vrai choix politique équilibré et je m’en réjouis.

Mon propos s’inscrit dans la suite de celui de mon collègue Jean-Yves Le Déaut qui, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, a souligné que les questions scientifiques ont une incidence politique et sociétale de plus en plus marquée, ce qui a pour conséquence le plus souvent de susciter des inquiétudes. Pour ma part, je souhaite insister sur le fait que les réponses scientifiques ont en outre des implications politiques et sociétales complexes.

Peut-être avons-nous trop longtemps vécu dans un monde où les emballements du progrès n’étaient encadrés qu’a posteriori, une fois le risque avéré.

Mais nous vivons quand même mieux aujourd’hui qu’hier, me semble-t-il et peut-être, dès lors, avons-nous envie de vivre dans un monde où les inquiétudes prévalent.

Cette proposition vient ainsi à point nommé démontrer qu’au lieu d’un principe de précaution paralysant, le principe de prévention est, lui, applicable. Elle offre un cadre institutionnel aux inquiétudes ressenties qui, puisqu’elles s’expriment, doivent être traitées.

La simple existence de ce cadre, facteur de clarification rassurera : elle évitera de laisser le flou prévaloir, du niveau local, là où vivent les gens, jusqu’au niveau national. C’est l’un des bénéfices à attendre de ce texte, qui permettra peut-être de discerner les éventuels effets négatifs de ces technologies, encore non avérés.

Il s’agit également de prendre en compte une demande considérable de connexion et d’interconnexion partout, dans les quartiers des villes, dans les communes rurales. C’est là un besoin social et économique auquel il faut répondre.

À cet égard, connaître et maîtriser l’exposition aux champs électromagnétiques me semble une approche aussi raisonnable que la seule notion de « modération » présente dans ce texte, car connaître et maîtriser permet d’innover.

Il est vrai que c’est la loi qui construit le droit et non la science. L’expérience, les faits, la démonstration ne peuvent y suffire, ce que l’adage populaire « explication n’est pas raison » synthétise magistralement : à cela pourtant Emmanuel Kant tente de résister dans sa belle Critique de la raison pure, magistrale et scientifique démonstration que c’est bien la connaissance et non la peur qui change le monde – même s’il faut répondre à la peur.

C’est ce que fait cette proposition et je salue Mme Abeille, qui en a pris l’initiative, ainsi que Mme Suzanne Tallard, pour son avis éclairé.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n107.

M. André Chassaigne. Il est défendu, dans un souci de modération et de réduction de mon temps de parole. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La proposition de loi est construite sur la notion de « modération », c’est-à-dire d’une limitation des émissions radioélectriques au niveau rendu nécessaire pour une bonne communication.

Nous pouvons allier cette modération de l’exposition au développement de l’innovation. Le terme proposé de « maîtrise » n’apporte pas de garantie en ce sens : on pourrait concevoir des émissions très puissantes et techniquement maîtrisées, sans considération de l’humain et du principe d’efficience. Je recommande de conserver l’idée de modération, qui aboutira in fine à la sobriété, comme l’indique le titre de la proposition. La commission a donc émis un avis défavorable à l’amendement n76 rectifié.

S’agissant de l’amendement n107 de M. Chassaigne, je suis, vous l’avez compris, plutôt favorable à sa logique, mais la proposition, je le redis, est construite autour de la notion de « modération ». La commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Concernant l’amendement n76 rectifié, le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les mêmes raisons qu’à l’amendement précédent.

À M. Chassaigne, que j’espère ne plus déstabiliser car je ne le souhaite pas, je répondrai simplement que la « modération » est une notion plus englobante que la « réduction » : ce qui compte pour rendre effective la limitation de l’exposition, c’est la manière dont la modération est mise en œuvre, ce qui est détaillé un peu plus loin dans le texte. Voilà pourquoi j’émets, hélas, un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. J’aurais préféré que le terme « connaissance » soit défini, mais au bénéfice des explications données par M. le ministre et par Mme la rapporteure, je retire mon amendement.

(L’amendement n76 rectifié est retiré.)

(L’amendement n107 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement n165.

Mme Corinne Erhel. Il a pour but de supprimer la fin de l’alinéa 3, de façon à inscrire clairement la modération dans les vingt et un objectifs assignés à l’ARCEP et au ministre en charge des télécommunications.

Ce qui est important, on l’a dit, c’est l’article L 32-1 du code des postes et des communications électroniques, qui est assez fourni et fixe de nombreux objectifs. Dans un souci de simplification et de clarté, nous avons choisi de proposer cette rédaction.

Je voudrais également dire que le terme « modération » introduit une avancée vers une gestion pondérée, équilibrée, raisonnable de l’exposition aux ondes électromagnétiques. Remplacer « modération » par « maîtrise », comme cela est proposé dans différents amendements, pourrait sous-entendre – et ce serait fâcheux – que les opérateurs ne maîtriseraient pas actuellement l’exposition aux ondes électromagnétiques.

Mme Laure de La Raudière. Mais non !

Mme Corinne Erhel. Pour notre part, ce que nous souhaitons, c’est trouver une position d’équilibre et la rédaction que nous proposons nous paraît satisfaisante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Cet amendement vise à simplifier la rédaction en reprenant la formule initialement proposée. La commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Comme le Gouvernement s’y était engagé en commission, une analyse de la portée de l’objectif de « modération » a été conduite. L’instauration d’un principe ALARA, selon lequel l’émission d’ondes doit être la plus basse possible, n’est pas nécessaire pour assurer le respect du principe de sobriété. L’inscription d’un objectif de modération, tel qu’il figure dans le rapport Tourtelier, est la meilleure façon de trouver un équilibre entre les préoccupations du public et la nécessité de déployer de nouvelles infrastructures numériques pour favoriser l’égalité entre les territoires, le développement de la croissance et de l’emploi, sans mettre un frein à l’innovation.

C’est pourquoi l’objectif de modération doit être inscrit dans la loi sans autres précisions. C’est en effet un objectif, comme souvent la loi en fixe, qui a vocation à s’articuler avec tous les autres objectifs inscrits à l’article L 32-1 du code des postes et des communications électroniques, comme la protection des consommateurs, la fourniture d’une qualité de service garantie, l’innovation ou la compétitivité.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à l’amendement de Mme Erhel, qui revient au texte de la proposition initiale, conformément aux conclusions de MM. Gest et Tourtelier, aux travaux desquels vous avez été associés tout au long de l’année 2013.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je voudrais souligner l’importance de ce que nous allons voter, avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement. J’avais appelé de mes vœux l’inscription d’un principe de sobriété dans le texte. Insérer dans les objectifs assignés aux opérateurs et contrôlés par le Gouvernement le principe de modération est une avancée considérable et il n’est pas besoin d’être très bavard pour le dire, non plus que de rappeler les autres objectifs du texte.

S’il pouvait y avoir unanimité, ce serait un signal non pas modéré mais puissant pour appeler à la modération.

M. André Chassaigne. C’est du centralisme démocratique…

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut.

M. Jean-Yves Le Déaut. Cet amendement et très important et nous sommes heureux qu’il ait été accepté par Mme la rapporteure. La formule « aussi bas que possible » est difficilement applicable au plan juridique, dans la mesure où les niveaux d’ondes électromagnétiques diffèrent selon les appareils.

Une box wifi émet 0,3 volt par mètre, tandis que des ampoules basse consommation, dans une cuisine, sont à 15 volts par mètre. C’est bien sûr inférieur au seuil fixé par l’OMS, mais il y a de grandes différences.

En second lieu, on connaît la dérive possible dans ce type de problème : les niveaux de mesure vont évoluer avec la métrologie, c’est-à-dire les capacités de mesure. Nous nous retrouverions alors dans des situations un peu ridicules. À l’Assemblée nationale, pour des raisons que je ne connais pas, il y a des immeubles qui n’ont pas le wi-fi : c’est le cas des locaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, malgré son nom…

(L’amendement n165 est adopté.)

M. le président. L’amendement est adopté à l’unanimité.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n108.

M. André Chassaigne. On parle beaucoup d’innovation, de compétitivité… Comme je ne peux pas faire la révolution, je vais faire preuve d’innovation en proposant de fixer un délai d’un an pour la promulgation du décret prévu à l’alinéa 5. C’est très innovant et nous aurons ainsi la garantie que le décret sera pris dans un laps de temps raisonnable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Monsieur Chassaigne, la jurisprudence du Conseil constitutionnel nous interdit d’adresser des injonctions au Gouvernement : c’est la décision du 7 décembre 2000. La fixation de délais pour la prise d’un décret pourrait être considérée comme une injonction. Par ailleurs, il nous appartiendra de contrôler la bonne application de la loi, six mois après sa promulgation, et ainsi de nous assurer de la bonne volonté du Gouvernement. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. J’ai bien noté que M. Chassaigne renonçait à être révolutionnaire. (Sourires.) Lui qui aime citer René Char sait qu’il n’y a « que deux conduites avec la vie : ou on la rêve, ou on l’accomplit ». Je sais que lui l’accomplit.

Pour autant, l’avis sera défavorable. En effet, il ne sera pas possible, comme cet amendement le propose, d’insérer dans deux articles du code des postes et des communications électroniques une référence « à la présente loi ». Une telle mention ne pourrait être insérée que dans une disposition autonome de la loi, qui n’aurait pas vocation à être codifiée.

S’agissant du décret relatif aux valeurs limite, cet amendement risquerait d’entraîner une période de vide juridique dangereuse. En effet, l’article L 34-9-1 du code prévoit déjà un tel décret, pris le 13 mai 2002. L’amendement pourrait être interprété comme signifiant qu’à compter de la promulgation de la loi et jusqu’à la prise d’un nouveau décret, celui qui est actuellement en vigueur ne serait plus applicable. C’est pourquoi je confirme l’avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je veux bien retirer mon amendement, dans l’attente de la venue de la VIe République !

M. le président. Il est donc retiré pour longtemps ! (Sourires.)

(L’amendement n108 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n77.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il s’agissait de préciser qu’outre les fréquences, l’article visait aussi les marges associées, mais compte tenu de ce qui a été dit, je retire mon amendement.

(L’amendement n77 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, rapporteure, pour soutenir l’amendement n122.

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Il est de coordination.

(L’amendement n122, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, rapporteure, pour soutenir l’amendement n123.

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Il est rédactionnel.

(L’amendement n123, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, rapporteure, pour soutenir l’amendement n124.

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Rédactionnel également.

(L’amendement n124, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n101 qui fait l’objet d’un sous-amendement n180.

La parole est à Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour soutenir l’amendement.

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Cet amendement vise à préciser la rédaction issue de la commission : au lieu de détailler ce que devra contenir un décret, la loi posera les grands principes de l’action publique. Ensuite seulement, viendra un décret d’application. C’est un amendement formel, qui ne change rien aux dispositions adoptées en commission.

M. le président. En donnant l’avis de la commission, madame la rapporteure, pouvez-vous soutenir le sous-amendement n180 ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Avis favorable à cet amendement qui vise à préciser la rédaction issue du texte de la commission. Le sous-amendement précise la rédaction par coordination en remplaçant à l’alinéa 2 la formule de l’exposition « de la population » par celle « du public ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Avis favorable à l’amendement n101, qui clarifie la rédaction, la concertation constituant l’un des axes de la modération.

Avis également favorable au sous-amendement n180, qui reprend la terminologie usuelle, le terme « public » étant consacré par l’ensemble des textes législatifs et réglementaires à ce sujet.

(Le sous-amendement n180 est adopté.)

(L’amendement n101, sous-amendé, est adopté et les amendements nos 176, 14, 38 rectifié, 80 et 125 tombent.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 102 et 39, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement n102.

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à préciser la rédaction de l’alinéa 10 suite à la réécriture de l’alinéa 9 résultant du vote précédent. C’est aussi l’occasion d’améliorer la formulation, le texte issu de la commission pouvant laisser penser que l’ANFR devait se « mêler » de la concertation – je vous prie de m’excuser de ce terme – sur le terrain, ce qui n’est pas l’objectif recherché. L’Agence doit en effet superviser, contrôler et autoriser mais pas intervenir dans la concertation.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, rapporteure, pour soutenir le sous-amendement n181 et donner son avis sur cet amendement n102.

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Je suis favorable à l’amendement n102 mais un sous-amendement s’impose faute de quoi la rédaction du texte serait assez malheureuse.

Je propose donc de supprimer les mots « procédure de » à l’alinéa 2 et de procéder ensuite à une petite substitution de manière à ce que la proposition soit lisible.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n39.

Mme Laure de La Raudière. Mon amendement ayant le même objectif que l’amendement n102 sous-amendé, je le retire.

(L’amendement n39 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement l’amendement n102 ?

M. Philippe Martin, ministre. Avis favorable, cette clarification rédactionnelle renforçant la sécurité juridique. En effet, la référence à l’articulation avec l’accord ou l’avis délivré par l’ANFR peut faire en sorte que la procédure de concertation locale bloque notamment la procédure d’autorisation relevant de la police spéciale des communications électroniques que le législateur a définie et que le Conseil d’État a confirmée.

Cela appellerait une refondation complète de la législation en la matière, contradictoire avec les conclusions du COPIC, qui nécessiterait en outre d’être intégralement définie au niveau de cette loi sous peine d’incompétence négative par rapport à la libre administration des collectivités territoriales. Cela dépasserait largement le cadre de ces discussions et ne semble pas être l’objectif poursuivi.

Avis également favorable au sous-amendement n181, qui améliore en effet la rédaction.

(Le sous-amendement n181 est adopté.)

(L’amendement n102, sous-amendé, est adopté et les amendements nos 5, 15, 81, 83, 70 et 82 tombent.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 40 et 84.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n40.

Mme Laure de La Raudière. Ce serait parfait, monsieur le président, si nous disposions d’une tablette avec l’affichage automatique des amendements compte tenu de la célérité dont vous faites preuve !

Le présent amendement supprime la définition par décret de dispositions supplémentaires pour la mise en œuvre de l’objectif de maîtrise de l’exposition. Par cette suppression, il met en cohérence le paragraphe II de l’article 1er avec le paragraphe III de ce même article – alinéas 15 à 25 – qui explicite dans la loi l’intégralité des dispositions pour la mise en œuvre de cet objectif.

Des travaux en vue de rendre compte de l’objectif de maîtrise de l’exposition dans les discussions avec les communes conduiraient à une remise en cause des décisions du Conseil d’État qui n’ont eu de cesse de clarifier la répartition des rôles et des responsabilités entre les maires et les autorités de l’État. Il est essentiel d’écarter une telle disposition et de ne pas relancer la contestation juridique des installations radioélectriques, alors même que les décisions du Conseil d’État ont stabilisé le droit relatif aux antennes-relais et apaisé le déploiement des réseaux mobiles dans les tribunaux.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n84.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je rencontre les mêmes difficultés que Mme de La Raudière pour suivre le déroulement de nos débats mais ce sera en effet plus facile lorsque, un jour, nous disposerons de tablettes !

Il convient de supprimer l’alinéa 12 car il ne peut que conduire à retarder, ralentir, obérer tout aménagement numérique d’un territoire ainsi qu’à créer une insécurité objective pour les usagers, les partenaires publics et les opérateurs.

Sa formulation ne précise pas si « les travaux à réaliser » que le Conseil d’État serait amené à définir par décret sont de nature matérielle ou intellectuelle.

De plus, il risque d’aboutir à une triple insécurité juridique puisqu’il faut envisager de réaliser des travaux, « rendre compte d’un objectif de modération » et le faire dans des « discussions ».

Je trouve qu’il est donc instable juridiquement mais je ne doute pas que je bénéficierai d’explications concrètes qui m’amèneront à réviser ma position.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Avis défavorable à ces amendements car la concertation constitue bien l’un des piliers de cette proposition de loi et, en particulier, sur le plan local. La suppression de l’alinéa 12 reviendrait à supprimer les dispositions relatives à la concertation et à l’association des communes sur les prises de décisions d’implantation, ce qui irait à l’encontre de l’objectif poursuivi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. L’amendement n158 de Mme Erhel permettra de clarifier la rédaction sans supprimer les dispositions utiles de cet alinéa. Voilà pourquoi l’avis du Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je retire mon amendement, cette explication m’ayant rassurée.

(L’amendement n84 est retiré.)

(L’amendement n40 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement n158.

Mme Corinne Erhel. Cet amendement vise à substituer aux mots « travaux à réaliser » les mots « initiatives à mener » de façon à clarifier le texte et à lever des ambiguïtés puisque le terme de « travaux » peut avoir une signification plus matérielle qu’intellectuelle, la formule « à réaliser » paraissant quant à elle donner l’impression d’une procédure en cours ou à venir. L’expression « initiatives à mener » lève donc ces ambiguïtés et clarifie le texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Avis favorable à cet amendement, qui apporte une précision rédactionnelle utile. Je vous en remercie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Avis favorable à cette clarification importante.

(L’amendement n158 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n41.

Mme Laure de La Raudière. Par cet amendement supprimant l’alinéa 13, je souhaite aider la majorité à satisfaire les ambitions du Président de la République s’agissant des chocs de simplification, de compétitivité et de baisse des dépenses publiques.

On crée en effet dans la loi des instances de concertation départementales sous la présidence de l’État pour chaque installation d’antenne électromagnétique, ce qui représente un coût supplémentaire pour les dépenses publiques. Cela ne me semble pas nécessaire dans l’absolu puisque rien n’empêchera l’État, comme c’est par exemple aujourd’hui le cas à Paris, d’assurer ce rôle de médiateur si les communes le lui demandent et le jugent nécessaire.

En outre, tel qu’il est rédigé, l’alinéa 13 laisse un flou juridique qui pourrait conduire à inscrire une éventuelle autorisation du maire dans la procédure de concertation.

Non seulement on accroît les dépenses publiques, on crée une nouvelle instance départementale, on a une procédure spécifique mais on est dans le flou juridique !

Décemment et compte tenu de l’ensemble de ces arguments, il me semble donc que l’on peut adopter cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Je vous rappelle que ces instances de concertation départementales existent déjà…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous vous en étiez d’ailleurs félicitée à l’époque, madame de La Raudière !

Mme Laure de La Raudière. Je vous propose de réduire les dépenses publiques, vous devriez vous en féliciter !

Mme Laurence Abeille, rapporteure. …puisqu’elles ont été instituées par les circulaires du 31 juillet 1998 relative à la prise en compte de l’environnement dans les installations radiotéléphoniques et du 16 octobre 2001 sur l’implantation des antennes relais de radiotéléphonie mobile. Il s’agit donc d’élever ces instances au niveau législatif afin de les consacrer.

Cette disposition avait déjà été adoptée par l’Assemblée nationale sous la précédente législature à l’initiative du président Brottes…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Que je n’étais pas à l’époque !

Mme Laurence Abeille, rapporteure. …dans le cadre du projet de loi Lefebvre renforçant les droits à la protection et à l’information des consommateurs.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Le Gouvernement remercie Mme de La Raudière…

Mme Laure de La Raudière. Merci !

M. Philippe Martin, ministre. …pour vouloir ainsi l’aider, néanmoins, cet alinéa applique une conclusion importante issue des expérimentations du COPIC, qui sont les instances de concertation départementales. Un amendement n99 permettra d’ailleurs de préserver ces dispositions tout en clarifiant la rédaction.

Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je présente mes excuses à Mme de La Raudière : ces instances n’existaient pas puisque la loi Lefebvre…

Mme Laure de La Raudière. Que je n’ai pas forcément soutenue !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …n’a jamais été jusqu’au terme du processus législatif. Il s’agissait d’une velléité qui n’a pas été couronnée de succès.

Pour autant, je ne vous apprendrai pas que les ondes ne connaissent pas les limites communales. Un débat sur ce type de projets d’implantation implique de raisonner à partir d’une échelle un peu vaste – d’où l’idée, a minima, de la maille départementale.

(L’amendement n41 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement n99.

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis. Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 13 en cohérence avec les modifications que nous venons d’adopter.

C’est aussi l’occasion de préciser que la « création » de ces instances départementales, en fait, n’en est pas une puisque l’instance départementale existe déjà et travaille sous l’autorité du préfet.

En outre, cet amendement réaffirme qu’il s’agit d’une instance de concertation en vue d’une médiation et non d’une décision, laquelle, je le rappelle, relève toujours de l’ANFR. Elle ne fait donc pas office de juge d’appel en cas de difficultés sur le terrain.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Avis favorable, Mme Tallard ayant fort bien expliqué la situation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Avis favorable à cet amendement qui permet de clarifier la rédaction de l’alinéa appliquant une décision du COPIC.

(L’amendement n99 est adopté et les amendements nos 17, 86, 163 rectifié, 18 et 85 tombent.)

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, rapporteure, pour soutenir l’amendement n42.

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Je reste un peu sur ma faim : je n’ai jamais eu de réponse de Mme le ministre…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. La ministre !

Mme Laurence Abeille, rapporteure. …et de M. le ministre sur le fait que ce texte ouvre une nouvelle base légale à des recours abusifs.

La nouvelle rédaction de l’alinéa 15 que je propose met ce dernier en cohérence avec la suppression de l’alinéa 3 et la suppression du terme « modération ».

J’aimerais donc vous entendre sur ce point : êtes-vous conscients qu’une fois ce texte adopté, une nouvelle base légale sera ouverte pour des recours abusifs, ce qui empêchera l’installation d’antennes électromagnétiques dans notre pays, comme c’était le cas voilà quelques années ?

Cette proposition de loi est en fait complètement contradictoire avec la politique du Gouvernement visant à déployer le très haut débit mobile.

Avis défavorable à cet amendement visant à supprimer la notion de modération qui est au cœur de la proposition de loi.

M. Denis Baupin, vice-président. Comme vous les avez interpellés, madame ou monsieur les ministres peuvent peut-être vous apporter des précisions ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Officielles !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est défavorable, et je souhaite en effet vous apporter quelques précisions. Nous partageons votre souci de ne pas voir se multiplier des procédures contentieuses, mais lorsque la loi énonce des grands principes, et elle le fait souvent, il revient ensuite, soit au juge, soit au règlement, d’apporter des précisions.

Nous avons bien souligné, lors de la discussion générale, que la grande qualité de cette proposition de loi est de faire reposer le principe de modération qu’elle énonce sur une méthode, dont les bases sont la transparence, la résorption des points atypiques et l’information. Il ne semble donc pas que l’inscription du principe de modération dans la loi soit de nature à créer un risque important de contentieux.

Le texte est clair. Pour la concertation et l’information, le maire, qui se trouve être le catalyseur de la concertation locale, n’a pas de pouvoirs supplémentaires, notamment en matière d’autorisation. Les résultats de la concertation locale, qui se termine éventuellement par une médiation sous l’égide du préfet, figurent au dossier d’autorisation d’implantation de l’antenne, qui relève du seul pouvoir de l’ANFR, laquelle a pour devoir de prendre en compte l’objectif de modération. Nous n’introduisons donc aucun risque de contentieux à ce niveau-là.

S’agissant maintenant de la résorption des points atypiques, la procédure est la suivante : lorsque l’ANFR constate l’existence d’un point atypique, elle demande à l’affectataire, qui peut être l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ou le Conseil supérieur de l’audiovisuel, de faire régulariser la situation par l’exploitant de la fréquence responsable. En cas de refus, l’ANFR pourra demander une sanction, l’ARCEP ou le CSA statuant alors, sur le fondement de l’article L. 32-1, c’est-à-dire du principe de modération, eu égard aux autres objectifs déjà existants. Cela ne donnera donc nullement lieu à des retraits d’autorisation susceptibles de créer des sources de contentieux.

Les procédures étant bien définies, il n’est pas à craindre que cette proposition de loi ouvre la voie à de nombreux contentieux.

(L’amendement n42 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n87.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. La question ayant été réglée tout à l’heure, je retire mon amendement.

(L’amendement n87 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi par Mme la rapporteure de deux amendements rédactionnels, nos 129 et 130.

(Les amendements nos 129 et 130, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 44 et 88.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n44.

Mme Laure de La Raudière. Défendu.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n88.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il est retiré.

(L’amendement n88 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n44 ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Une série d’amendements a été déposée, afin de préciser que seules les installations soumises à accord ou avis de l’ANFR entrent dans le champ du III de l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques réécrit par l’article 1.

La commission a émis un avis défavorable à l’ensemble de ces amendements. Seront bien évidemment concernées par le dispositif les installations relevant de l’article L. 43 du CPCE et soumises à accord ou avis de l’ANFR. Cela englobe notamment les antennes-relais de téléphonie mobile et les émetteurs de télévision et radio. Il est toutefois préférable de parler d’ « installations radioélectriques », et ce pour deux raisons. D’une part, cette rédaction est cohérente avec le droit actuel, car l’article L. 34-9-2 du CPCE relatif au droit à l’information du maire pour les antennes existantes sur sa commune utilise cette terminologie. D’autre part, il existe un risque d’exclure de nos dispositions relatives à la concertation et à l’information d’autres installations qui ne sont soumises ni à l’accord, ni à l’avis de l’Agence. C’est le cas en particulier des antennes de moins de 5 watts, qui sont uniquement soumises à déclaration auprès de l’ANFR. Un décret précisera les conditions d’application du présent article, éventuellement en fonction des installations visées.

(L’amendement n44, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 45 et 89.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n45.

Mme Laure de La Raudière. Défendu.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n89.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il est retiré.

(L’amendement n89 est retiré.)

(L’amendement n45, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi par Mme la rapporteure de deux amendements rédactionnels, nos 131 et 132.

(Les amendements nos 131 et 132, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 43 et 90.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n43.

Mme Laure de La Raudière. Défendu.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n90.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il est retiré.

(L’amendement n90 est retiré.)

(L’amendement n43, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 47 et 98.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n47.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement vise à préciser que l’alinéa 18 ne s’applique qu’aux modifications de technologie. En effet, les modifications d’installations radioélectriques faisant l’objet d’une demande d’autorisation auprès de l’ANFR sont nombreuses et assez courantes dans la gestion au quotidien d’un réseau de téléphonie mobile. Afin de ne pas alourdir la charge administrative et d’aller dans le sens du choc de simplification et de compétitivité que j’ai déjà évoqué, je trouverais judicieux de restreindre le champ d’application de l’alinéa 18 aux seules modifications de technologie.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n98.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il est retiré.

(L’amendement n98 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n47 ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. L’alinéa 18 précise bien qu’un dossier d’information devra être remis au maire pour toute modification d’une installation soumise à autorisation de l’ANFR. Dès lors qu’une telle demande est nécessaire, il ne paraît pas excessivement contraignant, pour l’exploitant, de remettre un dossier d’information au maire, la plupart des informations à fournir figurant déjà dans la demande transmise à l’Agence. Avis défavorable.

(L’amendement n47, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme Laure de La Raudière. Et le choc de simplification ?

M. le président. Je suis saisi par Mme la rapporteure de deux amendements rédactionnels, nos 133 et 134.

(Les amendements nos 133 et 134, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 48 et 91.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n48.

Mme Laure de La Raudière. Défendu.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n91.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il est retiré.

(L’amendement n91 est retiré.)

(L’amendement n48, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi par Mme la rapporteure d’un amendement rédactionnel, n135.

(L’amendement n135, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch, pour soutenir l’amendement n166.

Mme Annick Le Loch. Cet amendement tend à insérer, à la première phrase de l’alinéa 20, après le mot « concernée » les mots « ou du président de l’intercommunalité ». Il s’agit de mettre le texte en cohérence avec des dispositions déjà adoptées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Estimant qu’il s’agit là d’une utile précision, la commission a émis un avis favorable à cet amendement.

(L’amendement n166, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 177 et 92, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n177.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement propose de réécrire la deuxième phrase de l’alinéa 20 pour préciser certains points de procédure.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n92.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Toute simulation a un objectif. Elle ne se fait pas ex nihilo, elle ne part pas de rien. Elle se fonde sur des chiffres, des données, des méthodes, des équations, une représentation. Il faut donc que les objectifs de la simulation soient conformes aux objectifs définis par l’Agence et que cela soit précisé dans le texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Dans ces amendements, seule la présentation des résultats de la simulation doit être conforme aux lignes directrices nationales publiées par l’ANFR. Or nous avons considéré que c’est bien l’ensemble de la simulation qui doit respecter ces lignes directrices, dans un souci de cohérence générale. Je vous proposerai d’ailleurs un amendement prévoyant que les protocoles de mesures soient également concernés par cet objectif d’harmonisation. L’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Même avis.

(L’amendement n177 n’est pas adopté.)

M. le président. Madame Le Dain, l’amendement n92 est-il maintenu ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Compte tenu de la réponse de Mme Abeille, je le retire.

(L’amendement n92 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 164 et 93, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement n164.

Mme Corinne Erhel. Cet amendement, de précision et de réécriture, propose que la réalisation des mesures après la mise en service de l’installation radioélectrique soit soumise à la demande écrite du maire ou du président de l’intercommunalité.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n93.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il est retiré.

(L’amendement n93 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n164 ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission a émis un avis favorable à cet amendement, auquel je suis plutôt défavorable à titre personnel. Le fait de remplacer les termes « sont effectués » par « peuvent être effectués à la demande écrite du maire » diminue la portée du texte et de ce que nous souhaitons faire, à savoir vérifier a posteriori la cohérence et la conformité de ce qui a été prévu. Je regrette un peu que ce dispositif soit allégé, alors qu’il permettrait de restaurer la confiance nécessaire dans l’installation des antennes-relais.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Il me semble qu’il s’agit là d’une précision utile, qui reprend une conclusion du COPIC. Dans certaines situations, les simulations ne sont pas estimées nécessaires et les rendre systématique induit donc à ce stade un coût important non justifié pour tous les acteurs concernés. En revanche, je tiens à vous rassurer : les maires qui en feront la demande obtiendront bien sûr le droit de le faire. Mais l’avis du Gouvernement sur cet amendement est favorable.

(L’amendement n164 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 157 et 178, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement n157.

Mme Corinne Erhel. Cet amendement tend à substituer, à la dernière phrase de l’alinéa 20, aux mots « conformité de l’exposition effectivement générée aux », les mots « cohérence de l’exposition effectivement générée avec les ». Comme l’a en effet montré le rapport du COPIC du 21 juillet 2013, certaines comparaisons de valeurs peuvent ne pas être tout à fait justes. Il nous semble donc que le mot « cohérence » est beaucoup plus approprié à la rédaction de cet alinéa.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n178.

Mme Laure de La Raudière. Mon amendement rejoint la préoccupation de Mme Erhel, puisque je propose de remplacer « conformité » par « cohérence », avec les mêmes arguments. Mais j’ajoute en outre que cela se fait à la demande du maire. Je souhaite en effet que cette concertation soit menée par le maire et qu’il soit à l’initiative de ce qui est demandé aux opérateurs et aux différents acteurs de la procédure. Cet amendement vise à replacer le maire au centre de la procédure et à faire en sorte que la mairie puisse aller au bout de celle-ci.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission a émis un avis favorable à l’amendement n157 de Mme Ehrel, estimant que cette rédaction rendrait le dispositif plus opérationnel. Quant à votre amendement n178, je vous demanderai, madame de La Raudière, de le retirer, car il est déjà satisfait par l’adoption des précédents amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Même avis. Je pense effectivement que l’amendement de Mme de La Raudière est déjà satisfait.

M. le président. Madame de La Raudière, l’amendement est-il maintenu ?

Mme Laure de La Raudière. Il est retiré.

(L’amendement n178 est retiré.)

(L’amendement n157 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je souhaite, à ce stade, préciser un élément que nous risquons de ne pas aborder plus tard. Nous avons, grâce au COMOP, puis au COPIC, avec le soutien financier de l’État – à hauteur d’environ un million d’euros – défini un outil de modélisation remarquable et singulier, dont seule la France dispose aujourd’hui.

M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nos chercheurs, nos centres techniques, ont élaboré un système qui permet de réaliser des simulations. Je tenais à le signaler, car il s’agit d’un résultat dont le mérite ne revient pas à tel ou tel gouvernement : ce projet a démarré sous la majorité précédente, et est poursuivi par le gouvernement actuel. Il convient donc avant tout de saluer les techniciens qui ont accompli cet effort.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n109.

M. André Chassaigne. Cet amendement concerne les rapports de mesures publiés sur le site de l’Agence nationale des fréquences. Actuellement, les informations sont communiquées fréquence par fréquence, sans que la contribution globale de la téléphonie mobile apparaisse. On peut constater, d’ailleurs, que seule la téléphonie mobile est exclusivement présentée fréquence par fréquence. À ce jour, les expositions liées aux émissions de la radio et de la télévision sont présentées globalement. Cet amendement propose donc que les informations de la téléphonie mobile soient, elles aussi, données globalement, en complément aux informations par fréquence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission est favorable à cet amendement, qui permettra de connaître la contribution globale de la téléphonie mobile à l’exposition aux ondes, et non plus uniquement sa contribution par bloc de fréquences. L’information à la disposition des citoyens sera ainsi plus lisible.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Le Gouvernement est favorable sur le principe. Cet amendement pose néanmoins quelques problèmes de mise en œuvre. Nous proposons donc à M. Chassaigne d’ajouter, après les mots « lisible par tous », les mots « dans des conditions définies par arrêté », la suite restant sans changement. Le Gouvernement serait favorable à cet amendement s’il était ainsi rectifié.

M. le président. Monsieur Chassaigne, acceptez-vous de rectifier votre amendement selon la suggestion de M. le ministre ?

M. André Chassaigne. Cela va de soi. On ne va pas attendre la VIRépublique pour adopter cet amendement !

M. le président. Cet amendement est donc ainsi rectifié : après les mots « lisibles par tous » sont insérés les mots « dans des conditions définies par arrêté ».

(L’amendement n109, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n110 rectifié qui fait l’objet d’un sous-amendement n186.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement.

M. André Chassaigne. Afin d’améliorer la gouvernance, il semble utile de mettre à la disposition du maire et du grand public une cartographie à l’échelle communale ou intercommunale des antennes-relais existantes ainsi que les mesures déjà effectuées. Cela conforte l’objectif de cette proposition de loi qui souhaite aller vers plus de transparence.

M. le président. La parole est à Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis,pour soutenir le sous-amendement n186.

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis. Mettre une carte des antennes à la disposition de nos concitoyens améliorerait la transparence de l’information, prélude à une meilleure information sur le terrain. Il ne semble cependant pas opportun de prévoir une mise à disposition sur demande en mairie : cela supposerait que l’ANFR édite des brochures à chaque commune, et que le personnel municipal se charge d’organiser la consultation. Une communication par voie électronique, sur un site internet dédié ou sur celui de l’ANFR, serait probablement la solution la plus efficace et la moins onéreuse. Cela permettrait en effet au plus grand nombre d’accéder à ces informations à moindre coût. De cette manière, les citoyens pourraient aussi obtenir des informations sur la présence d’antennes-relais sur les territoires voisins.

Je propose donc, monsieur Chassaigne, de supprimer la deuxième phrase de votre amendement n110 rectifié. De cette manière, nous serions totalement d’accord.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n110 rectifié et le sous-amendement n186 ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission est favorable au sous-amendement présenté par Mme Tallard. Elle est donc favorable à l’amendement de M. Chassaigne à condition que, comme le propose le sous-amendement, la seconde phrase de son alinéa 2 soit supprimée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Nous allons démontrer, monsieur Chassaigne, qu’il est possible, dès la VRépublique, de travailler ensemble ! Le Gouvernement avait l’intention de s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée sur votre amendement n110 rectifié. Si le sous-amendement présenté par Mme Tallard est adopté, le Gouvernement deviendrait favorable à votre amendement. Ce sous-amendement dissiperait les inquiétudes que l’amendement de M. Chassaigne a suscitées en nous, bien que nous soyons d’accord avec son objectif : il est nécessaire de progresser le plus possible en matière de transparence et d’information dans le domaine des ondes électromagnétiques.

Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement de M. Chassaigne modifié par le sous-amendement de Mme Tallard.

(Le sous-amendement n186 est adopté.)

(L’amendement n110 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n112.

M. André Chassaigne. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Défavorable. Monsieur Chassaigne, vous savez que je suis très favorable à la réalisation de cadastres électromagnétiques. Toutefois, il ne nous paraît pas opportun d’obliger certaines collectivités à réaliser un cadastre. Ce choix devrait être laissé à chacune, d’autant plus que la fixation d’un seuil pose un problème évident d’égalité entre les communes dont la population dépasse à peine 100 000 habitants et celles qui se situent juste en dessous de ce seuil. Je pense que nous nous dirigeons vers la constitution de cadastres électromagnétiques. D’autres amendements vont dans ce sens. La commission est donc défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. L’établissement de cadastres peut effectivement sembler une option intéressante, mais cela reste très complexe, et nécessite un investissement humain important. À titre d’exemple, lorsque le COPIC a modélisé l’exposition dans 16 quartiers de villes, cela a coûté 700 000 euros répartis sur plusieurs années. Pour cette raison, il ne nous paraît pas envisageable de faire peser de telles obligations sur les collectivités. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je maintiens cet amendement car je précise que cela concerne uniquement les agglomérations de plus de 100 000 habitants. C’est la solution la plus facile à réaliser : les contraintes financières sont moins rudes dans les villes de plus de 100 000 habitants que dans les petites communes.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. On a déjà du mal à faire figurer dans les cadastres les réseaux de gaz, les lignes haute tension et les réseaux d’adduction d’eau. En outre, pour avoir suivi les travaux du COMOP puis du COPIC, je peux vous assurer, monsieur Chassaigne, que c’est plus facile dans les petites communes que dans les grandes. Compte tenu du nombre et du volume des immeubles, la modélisation s’avère plus complexe dans les villes, où il faut beaucoup d’antennes-relais. À l’inverse, cette modélisation est plus aisée dans les petites communes qui sont plus rurales, plus étendues.

Je tenais à vous éclairer sur ce point. Cela n’apporte rien au débat, ce n’est qu’une précision.

M. André Chassaigne. C’était très intéressant, mais je maintiens quand même cet amendement.

(L’amendement n112 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n111 rectifié.

M. André Chassaigne. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission est défavorable à cet amendement car il semble en partie satisfait. En effet, l’ANFR publie sur le site « cartoradio.fr » des informations permettant de prendre connaissance de l’emplacement des installations radioélectriques déployées. Par ailleurs, la proposition de loi prévoit déjà la réalisation de simulations d’exposition pour les installations envisagées. Je vous demande donc de retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’ai une confiance aveugle en Mme la rapporteure et en M. le ministre. Je retire donc cet amendement.

(L’amendement n111 rectifié est retiré.)

M. le président. L’amendement n113 rectifié est-il également retiré, monsieur Chassaigne ?

M. André Chassaigne. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n113 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n94.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il me semble que la formulation « concertation avec le public » est trop vague : il faut préciser, tout simplement, que les utilisateurs sont aussi concernés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission est défavorable à cet amendement. Elle considère que cette précision est superfétatoire, car la notion d’utilisateur est englobée par celle de public.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Même avis.

(L’amendement n94 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n136 de Mme la rapporteure est rédactionnel.

(L’amendement n136, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n156 de Mme Corinne Erhel est lui aussi rédactionnel.

M. François Pupponi. En supprimant un« notamment », il vise donc notamment à faire plaisir au président Brottes ! (Sourires.)

(L’amendement n156, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 49, 97 et 96, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 49 et 97 sont identiques.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n49.

Mme Laure de La Raudière. Défendu.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n97.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je le retire.

(L’amendement n97 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement n96.

Mme Corinne Erhel. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements nos 49 et 96 ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission est défavorable à l’amendement de Mme de La Raudière. En effet, l’instance de concertation nationale n’a pas vocation à travailler sur les dispositions techniques de nature à réduire le niveau de champ partout, pas seulement dans les points atypiques. Les opérateurs ont d’ailleurs bien compris l’enjeu que représente la diminution de l’exposition, comme l’illustre le projet de recherche LEXNET au niveau européen. Ce projet, qui associe dix-sept opérateurs de télécommunications, équipementiers, centres de recherches et universités, vise à développer des réseaux efficaces pour réduire d’au moins 50 % notre exposition aux ondes électromagnétiques, sans compromettre la qualité de service. Selon le directeur du projet LEXNET, « il est important d’étudier l’ensemble de la chaîne des systèmes de communication à faible exposition radiofréquence, c’est-à-dire non seulement leurs transmissions radio mais aussi leur architecture réseau, leur topologie et leur gestion de la capacité. »

Il nous semble donc essentiel que l’instance nationale, dans la continuité du COPIC, poursuive les travaux techniques en vue de modérer toujours plus l’exposition sans obérer la qualité du service. Ce raisonnement vaut également pour l’amendement n96 de Mme Erhel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Il nous semble que la précision proposée par l’amendement n49 de Mme de La Raudière est utile. Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.

Mme Laure de La Raudière. Merci, monsieur le ministre !

M. Philippe Martin, ministre. Le Gouvernement est également favorable à l’amendement n96 de Mme Erhel.

M. le président. Je me permets de préciser que l’adoption de l’amendement n49 ferait tomber l’amendement n96.

Mme Corinne Erhel. Ah ! Ce n’est pas tout à fait la même chose !

Mme Laure de La Raudière. Pour une fois que le Gouvernement est favorable à l’un de mes amendements !

(L’amendement n49 est adopté et l’amendement n96 tombe.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement n155.

Mme Corinne Erhel. Cet amendement a pour objectif de faire du comité national de dialogue un panel plus représentatif de l’ensemble des acteurs qui interviennent dans les questions d’implantation et de modification d’installations radioélectriques en y incluant, en plus des opérateurs, les équipementiers. On a parfois tendance à oublier ces derniers alors qu’ils jouent également un rôle dans le fonctionnement des réseaux. C’est un sujet d’actualité ; cette précision nous paraît importante.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. L’avis de la commission est favorable. Nous avons en effet estimé qu’il est légitime et important d’associer les équipementiers à ce panel, car ils jouent un rôle fondamental dans la recherche sur les architectures de réseaux.

(L’amendement n155, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n137 de Mme la rapporteure est rédactionnel.

(L’amendement n137, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n159.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Il me semble plus simple de rassembler en un alinéa les alinéas 23 et 24 de cet article. Je trouve que la rédaction actuelle est un peu bavarde ; il faut la résumer. Il s’agit de dire les choses à la fois plus simplement et plus explicitement. C’est le seul objet de cet amendement, qui propose une rédaction à la fois technique et illustrée : « L’Agence nationale des fréquences est chargée de définir le niveau d’exposition définissant un point dit atypique, situé en lien fermé… »

M. le président. Nous avons tous l’amendement sous les yeux, madame Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je ne poursuivrai donc pas, monsieur le président.

M. le président. Merci, madame la députée.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. L’avis de la commission est défavorable, car cet amendement rend la définition du point atypique plus étroite : il ne s’agirait que de « lieux fermés ». Il propose aussi de supprimer la procédure de mise en demeure en vue d’assurer le traitement des points atypiques. Pour le reste, les dispositions proposées par cet amendement font doublon avec les dispositions des amendements précédemment adoptés, notamment pour ce qui concerne le rapport annuel.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je retire cet amendement.

(L’amendement n159 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n50.

Mme Laure de La Raudière. Au vu des propos tenus par Mme la rapporteure précédemment, je pense que l’avis de la commission sera défavorable, mais je tiens quand même à soutenir cet amendement.

La démarche d’identification et de résorption des points atypiques s’inscrit clairement à l’intérieur du cadre fixé par les seuils réglementaires recommandés par l’OMS, confirmés en octobre 2013 par l’ANSES, et qui s’appliquent dans tous les lieux accessibles au public. L’amendement n50 vise à préciser, en cohérence avec les travaux du COPIC, que les points atypiques peuvent uniquement être recherchés dans les lieux de vie fermés.

Cette précision est essentielle car, en l’état actuel du texte, il serait possible d’identifier et de traiter des points atypiques en tout lieu accessible au public, y compris les toits terrasses sur lesquels se trouvent des antennes, ce qui équivaudrait à l’instauration de nouveaux seuils d’exposition, en substitution aux seuils OMS en vigueur. Cela n’est pas recommandé par l’ANSES et se traduirait par de fortes dégradations de la couverture et de la qualité des services rendus aux 76 millions de clients mobiles. En d’autres termes, cela obligerait à installer de nouvelles antennes en d’autres points du territoire ou à augmenter la puissance des terminaux mobiles pour améliorer leur réception, ce qui, comme nous l’avons expliqué lors de la discussion générale, aurait un effet beaucoup plus négatif que l’effet produit naturellement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Avis défavorable : il n’y a aucune raison de limiter la définition des points atypiques aux seuls lieux de vie fermés. Nous devons également prendre en compte les balcons, mais aussi le métro, dont les médias ont parlé récemment, ou encore les tribunes d’un stade – par exemple, un point atypique a été découvert sur les gradins du stade de ma commune.

Mme Laure de La Raudière. Il y a un vrai problème juridique !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. J’ai bien compris les motifs de cet amendement, mais il appartient à l’ANFR et non au législateur de définir les points atypiques en fonction des critères pertinents. Le Gouvernement proposera un amendement n179, qui permettra de faire également reposer l’identification des points atypiques sur d’autres critères et de ne pas retenir, par exemple, des lieux inhabités. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

(L’amendement n50 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n138 de Mme la rapporteure est rédactionnel.

(L’amendement n138, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n51 rectifié.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement est du même ordre que les précédents : il vise à mettre en cohérence la définition législative des points atypiques avec la recommandation de l’ANSES de 2013 et avec les travaux pluripartites et consensuels menés dans le cadre du COMOP-COPIC. En 2013, l’ANSES recommandait « de documenter les situations des installations existantes conduisant aux expositions du public les plus fortes et d’étudier dans quelle mesure ces expositions peuvent être techniquement réduites ». C’est pourquoi je souhaite compléter la définition des points atypiques prévue à l’alinéa 23.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Avis défavorable, car cet amendement amoindrit très fortement la définition des points atypiques. Selon la rédaction proposée par Mme de La Raudière, il n’y aurait qu’un seul point atypique sur le territoire : celui où le niveau d’exposition est le plus élevé à l’échelle nationale.

Mme Laure de La Raudière. Pas forcément : il peut y avoir plusieurs points au même niveau !

(L’amendement n51 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n65.

M. François-Michel Lambert. La définition des points atypiques issue de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 figure notamment à l’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, qui fait référence aux points « du territoire dans lesquels les taux d’exposition dépassent sensiblement la moyenne observée à l’échelle nationale ». Or, si l’exposition moyenne en France est de 1 volt par mètre, l’Agence nationale des fréquences a retenu un seuil de 6 volts par mètre pour caractériser les points atypiques, ce qui semble excessif. Aussi, il est proposé de remplacer le mot « sensiblement » par les mots « le triple de », soit 3 volts par mètre, afin de parvenir à un seuil plus protecteur de la population.

Vous l’aurez compris : il s’agit d’un amendement de précision technique, mais nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. À titre personnel, je suis évidemment favorable à cet amendement. Cependant, la commission a émis un avis défavorable.

Il serait essentiel de mieux préciser l’expression « dépassant sensiblement ». À l’heure actuelle, alors que la moyenne nationale d’exposition se situe autour de 1 volt par mètre, sont considérés comme atypiques les points où l’exposition atteint 6 volts par mètre.

(L’amendement n65, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n105.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Cet amendement a reçu un avis défavorable de la commission, essentiellement pour des raisons d’imprécision rédactionnelle. Monsieur Chassaigne, fixez-vous la moyenne nationale à 1 volt par mètre ou considérez-vous que devraient être identifiés comme atypiques les points où l’exposition dépasse de 1 volt par mètre la moyenne nationale ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je retire mon amendement.

M. François Pupponi. M. Chassaigne a été convaincu par l’explication de la rapporteure ! (Sourires.)

(L’amendement n105 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement n103.

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis. L’article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques prévoit un recensement des points atypiques. La présente proposition de loi n’a pas repris cette disposition. Bien évidemment, cet oubli pourrait s’avérer fâcheux : je propose donc que l’ANFR réalise un recensement annuel sur l’ensemble du territoire national en vue de sa publication.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Avis favorable : cet amendement va dans le sens d’une généralisation des dispositions du Grenelle.

(L’amendement n103, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n179.

M. Philippe Martin, ministre. Le niveau d’exposition n’est pas le seul paramètre permettant de définir un point atypique, bien qu’il s’agisse d’une donnée essentielle. Comme je l’ai déjà dit, cette identification repose également sur d’autres critères, qui conduisent par exemple à ne pas retenir dans cette définition des lieux inhabités ou de passage. Le présent amendement permet donc à l’ANFR de procéder au recensement des points atypiques de la façon la plus pertinente possible. En utilisant le mot « niveau » plutôt que le mot « seuil », il répond également à la préoccupation exprimée par Mme Erhel dans son amendement n154.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission a émis un avis favorable.

Monsieur le ministre, je souhaite vous poser une question : considérez-vous les métros ou les trains comme des lieux de passage ? Il s’agit quand même de lieux extrêmement occupés, dont les niveaux d’exposition peuvent nous préoccuper. Pourraient-ils être identifiés comme des points atypiques ?

M. André Chassaigne. Cette question est moins technique que celle que vous m’aviez posée ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le président, j’aimerais proposer un sous-amendement visant à supprimer, dans l’amendement du Gouvernement, les mots « , dont le niveau d’exposition, ». En effet, j’ai dû lire quatre fois l’amendement n179 avant de comprendre s’il ne manquait pas une partie de la phrase. Ici, le mot « dont » signifie « notamment », alors que je pensais qu’il introduisait une proposition subordonnée relative.

Dans un texte législatif, une telle précision n’est pas nécessaire : les paramètres caractérisant un point atypique comprennent forcément le niveau d’exposition. Les précisions introduites par « dont », « notamment » ou « en particulier » ne sont pas le signe d’une bonne rédaction juridique, monsieur le ministre. C’est pourquoi je propose un sous-amendement visant à supprimer, à l’alinéa 4 de l’amendement n179 du Gouvernement, les mots « , dont le niveau d’exposition, ».

M. le président. Il s’agit donc du sous-amendement n187.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Le Gouvernement souhaite maintenir la rédaction initiale de son amendement.

(Le sous-amendement n187 n’est pas adopté.)

(L’amendement n179 est adopté et les amendements nos 8, 30 et 154 tombent.)

M. le président. La parole est à Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement n170.

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis. Cet amendement n’a pas connu une bonne fortune en commission, mais cela ne m’empêche pas de le soumettre au débat en séance publique. Il propose que le seuil de caractérisation d’un point atypique fasse l’objet d’un effet cliquet, c’est-à-dire qu’il soit voué à décroître dans le temps, ou du moins à ne pas croître. En effet, si nous menons des révisions et des recensements de ces points qui nous préoccupent – tout le monde l’admet ici –, ce n’est pas pour qu’ils foisonnent dans un avenir proche. Cette position me semble très cohérente avec le principe de modération qui se trouve au cœur de la présente proposition de loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission a donné un avis favorable à cet amendement de Suzanne Tallard ; j’y suis personnellement très favorable. À mon sens, la modération doit conduire à une réduction de la moyenne nationale d’exposition, tout en assurant la couverture nécessaire. Il serait donc inconcevable que le niveau de référence définissant un point atypique puisse augmenter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. L’objectif de cet amendement est compréhensible, mais sa rédaction et sa mise en œuvre ne semblent pas forcément compatibles avec la définition, par l’ANFR, selon des critères objectifs et concertés avec les parties prenantes, des points atypiques tels que prévus à l’amendement n179 que l’Assemblée vient d’adopter. Dans ces conditions, le Gouvernement souhaite le retrait de l’amendement n170 présenté par Mme Tallard.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Depuis quelque temps, nous débattons sur les seuils. À vouloir trop préciser les choses, il ne faudrait pas que nous obtenions des effets inverses aux objectifs que nous poursuivons. Ce n’est pas au législateur, mais au pouvoir réglementaire et à l’ANFR de définir un niveau. En outre, ce niveau a vocation à baisser au fur et à mesure que les technologies vont évoluer et progresser en termes de modération ; or, si nous figeons les choses, nous risquons de nous retrouver bientôt avec des niveaux moins ambitieux que nous le souhaitions. Un deuxième point m’inquiète davantage : en fixant un seuil, nous pouvons très bien avoir une attitude plus laxiste à l’égard des expositions situées au niveau de la moyenne générale de la diffusion.

Il convient donc de tenir la bride pour que le point atypique soit véritablement atypique et qu’il demeure défini par le pouvoir réglementaire. Les instances de contrôle demandent de la transparence, ce qui est tout à fait logique. Mais en tout état de cause, si la loi fige trop précisément les choses, nous risquons de jouer contre l’objectif que nous poursuivons.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis. Je me range aux arguments du président Brottes, et je retire mon amendement.

(L’amendement n170 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n52.

Mme Laure de La Raudière. Il est défendu.

(L’amendement n52, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n160.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je le retire, compte tenu des modifications apportées à l’alinéa 23.

(L’amendement n160 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n53.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement est défendu.

(L’amendement n53, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement n169.

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis. Le présent amendement impose aux opérateurs de traiter les points atypiques relevés par l’ANFR dans un délai de six mois. Le texte que nous examinons ne fait mention d’aucun horizon de temps, ce qui est porteur d’incertitude juridique pour toutes les parties. Les unes pourraient volontairement atermoyer, les autres exiger tout et tout de suite. L’amendement permet de fixer un délai clair opposable permettant aux opérateurs de prendre leurs responsabilités sans agir dans l’urgence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Avis favorable car l’amendement vise à imposer aux opérateurs de traiter les points atypiques dans un délai de six mois.

(L’amendement n169, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Fabre, pour soutenir l’amendement n153.

Mme Marie-Hélène Fabre. La formule « prise en compte des établissements » n’a pas de signification en tant que telle. Dans l’esprit de la proposition de loi, c’est davantage les modalités d’application de la modération à ces établissements que ce décret doit fixer. Par ailleurs, le décret n°2002-775 prévoit déjà des dispositions visant à une exposition aussi faible que possible des personnes vulnérables situées à proximité d’installation.

Il convient donc de compléter ce décret simple pour y inclure l’aspect de rationalisation et de mutualisation des installations. À l’image de ce qui est prévu pour les personnes vulnérables, l’opérateur pourrait se voir demander d’avoir à justifier des mesures ou actions engagées afin de rationaliser et de mutualiser les installations. Ceci permet de ne pas imposer aux opérateurs de nouvelles obligations tout en s’assurant qu’ils ont tenu compte dans la conception de leurs projets des paramètres de rationalisation et de mutualisation des installations.

L’objectif de déploiement de nouvelles technologies et de développement de la couverture du territoire n’est pas réalisé à travers les items visés dans cette disposition, mais il peut cependant en être tenu compte lors de ce déploiement. Un décret peut définir les principes de rationalisation et de mutualisation qui peuvent être poursuivis, mais il ne peut pas se prononcer sur les possibilités ou impossibilités de les mettre en œuvre aux cas d’espèce. Il convient donc d’harmoniser la rédaction de cet alinéa en précisant que le décret définit les modalités d’application de la mutualisation des réseaux.

(L’amendement n153, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis, pour soutenir l’amendement n104.

Mme Suzanne Tallard, rapporteure pour avis. Amendement de cohérence.

(L’amendement n104, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 2

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, rapporteure, pour soutenir l’amendement n143.

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Le présent amendement vise à préciser que les protocoles de mesure de l’exposition aux champs électromagnétiques doivent être harmonisés au même titre que la présentation des résultats. En effet, si l’arrêté du 3 novembre 2003 relatif au protocole de mesure in situ fixe le protocole de mesure suivi par l’ANFR, il ne concerne pas les protocoles suivis par d’autres organismes. Alors que différentes structures obtiennent des résultats de mesure différents aux mêmes endroits, il est essentiel d’unifier les protocoles afin de rendre l’information plus fiable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n143 est adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 3

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n146 qui fait l’objet des sous-amendements n183 et n184.

La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement.

Mme Corinne Erhel. Monsieur le président, je présenterai également mes sous-amendements.

M. le président. Je vous en prie.

Mme Corinne Erhel. L’amendement n146 vise à rédiger l’article 3. Mon premier sous-amendement propose d’en modifier la rédaction en insérant après le mot « risques » les mots « potentiels et effets », car les risques ne sont pas avérés, mais il convient de mesurer les effets. Et comme il est important de ne pas stigmatiser a priori toute innovation technologique, je propose, après le mot « électromagnétiques », de supprimer la fin de la dernière phrase de l’alinéa 2. Tel est l’objet du second sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les sous-amendements ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission a émis un avis favorable à l’amendement n146. À titre personnel, j’y suis défavorable : cette nouvelle rédaction ne semble pas apporter de garantie supplémentaire par rapport à la rédaction actuelle de l’article 3. Enfin, et surtout, cet amendement maintient une disposition problématique pour l’ANSES puisque l’agence se voit confier la responsabilité de procéder directement à une évaluation. Or, les responsables que nous avons rencontrés nous l’ont dit, l’agence ne dispose ni des moyens ni des compétences permettant de mener à bien ces évaluations. Il est donc nécessaire de modifier la rédaction comme je le propose dans un amendement ultérieur afin de confier à l’ANSES la mission de remettre régulièrement des rapports faisant état des connaissances scientifiques en la matière.

La commission a également émis un avis favorable aux deux sous-amendements. Je ne suis pas, à titre personnel, défavorable au sous-amendement n183, mais je préfère la rédaction introduite par mon amendement. Quant au sous-amendement n184, j’y suis très fortement opposée car il me semble essentiel de prévoir la réalisation d’études d’impact sanitaires portant sur les effets des nouvelles technologies. C’est l’un des objets importants du texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Nous considérons que cette rédaction apporte une clarification des missions de l’ANSES. Le Gouvernement souhaite que le travail mené par l’agence puisse se poursuivre, notamment au regard du nombre important d’études et de travaux menés sur le sujet et de l’évolution rapide des usages et consommations en matière de services mobiles.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Le groupe UMP apportera son soutien à l’amendement ainsi qu’aux sous-amendements de Mme Erhel. En commission, j’avais noté que la simple mention des « risques » n’était pas satisfaisante, compte tenu du fait que les risques liés aux antennes et au wi-fi ne sont pas avérés. Indiquer que ces risques sont « potentiels » est bien plus judicieux. Par ailleurs, il est intéressant d’évoquer les effets : il se peut que l’on découvre des effets bénéfiques aux ondes électromagnétiques. Rien ne l’interdit. Limiter une évaluation aux seuls risques n’est pas de nature scientifique.

(Le sous-amendement n183 est adopté.)

(Le sous-amendement n184 est adopté.)

(L’amendement n146, sous-amendé, est adopté et l’article 3 est ainsi rédigé.)

Article 4

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n168.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Monsieur le président, je vais défendre en même temps, si vous le permettez, mon amendement n167. Les choses seront plus simples.

Les inquiétudes aujourd’hui portent essentiellement sur la téléphonie mobile et non sur l’ensemble des équipements émettant des champs électromagnétiques, visés dans cet article 4. Les équipements de ce type se déploient de plus en plus à des niveaux personnel et familial. Ampoule basse fréquence, box internet, fours ou lave-linge programmables à distance et bien d’autres objets encore sont présents dans les foyers et dans les entreprises. D’autres appareils se développent par l’usage nouveau qu’ils créent ou par leur caractère ambulatoire. Il est par conséquent illusoire de rendre obligatoire par la loi une information à l’occasion de leur installation puisque ce qui est en jeu est davantage leur usage courant que leur installation elle-même.

Un simple et seul décret ne saurait dresser une fois pour toutes une telle liste, tant pour les objets fixes que pour les objets nomades, à moins de limiter toute possibilité nouvelle de création d’objets connectés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. L’amendement n168 vise à supprimer les dispositions relatives à l’obligation de mention du débit d’absorption spécifique sur tout équipement terminal radioélectrique. Son adoption reviendrait à supprimer les dispositions existantes relatives à l’obligation de mention du DAS sur les téléphones. Ensuite, il irait à l’encontre de l’objectif poursuivi par la proposition de loi. L’élargissement de l’obligation de mention du DAS s’inspire du rapport de l’ANSES. Selon l’agence, tous les dispositifs courants émetteurs de champs électromagnétiques destinés à être utilisés près du corps – téléphone DECT, tablettes tactiles, veille-bébé – devraient ainsi faire l’objet d’un affichage de l’exposition maximale engendrée via le DAS comme c’est déjà le cas pour les téléphones portables.

L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. L’obligation issue de l’alinéa 2 assure la réalisation de l’objectif de transparence et d’information du public, au cœur de cette proposition de loi, notamment grâce aux précisions liées au DAS. Avis défavorable donc.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. En ce cas, je retire mon amendement, monsieur le président.

(L’amendement n168 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n151 rectifié.

M. François Pupponi. Nous considérons que l’article tel qu’il est rédigé couvre un champ beaucoup trop large. Il faudrait limiter le nombre d’appareils concernés aux terminaux radioélectriques destinés à être connectés à un réseau ouvert au public, les équipements tels que les veille-bébé pouvant être ciblés de façon complémentaire grâce à une liste établie dans un décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. L’avis de la commission est favorable. Renvoyer à un décret la liste des appareils concernés permettrait de préciser utilement le champ d’application du dispositif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Le champ de l’application de cette obligation peut utilement être précisé afin, d’une part, de reprendre les préconisations de l’ANSES et, d’autre part, d’inclure des équipements qui ne rentreraient pas dans le cadre de ses préconisations. Il convient de les soumettre à la même obligation dans un souci de cohérence. Avis favorable.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je suis plutôt favorable à cet amendement qui vient limiter le nombre d’équipements soumis à cette obligation. J’ai simplement quelques questions à poser : à quelles obligations sont soumis les terminaux radioélectriques dans le cadre européen ? Quelles obligations supplémentaires va-t-on imposer à nos industriels et à nos distributeurs ? Quel surcoût cela va-t-il engendrer par rapport aux autres pays européens ?

Pour répondre à toutes ces questions, nous aurions aimé disposer d’une étude d’impact complète. Cela nous aurait permis de savoir quels sont les bénéfices attendus en matière de réduction des ondes électromagnétiques, d’information et de concertation du public mais aussi de déterminer les conséquences économiques et sociales de ces dispositions. Tout texte de loi soulève des enjeux sociaux et économiques et je regrette que les propositions de loi ne soient pas accompagnées d’étude d’impact.

En l’occurrence, soumettre les distributeurs et les producteurs à une nouvelle obligation impose d’examiner quel est le contexte européen et quels coûts la proposition de loi va entraîner.

(L’amendement n151 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n116.

M. André Chassaigne. Simple amendement de précision destiné à spécifier que l’obligation faite aux commerçants d’indiquer le DAS s’impose aussi aux sites de vente par internet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Cet amendement est satisfait, monsieur Chassaigne, par l’alinéa 4 de l’article 4 qui prévoit que la mention du DAS figure sur l’appareil et sur tout document relatif aux caractéristiques techniques présenté par les personnes distribuant de tels appareils, ce qui englobe les sites internet. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Il serait difficile de s’assurer de l’effectivité d’une telle disposition dans la mesure où beaucoup de sites internet de vente à distance sont domiciliés à l’étranger.

M. André Chassaigne. Je retire mon amendement, monsieur le président.

(L’amendement n116 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n55.

Mme Laure de La Raudière. Par cet amendement, je pose une question à Mme la rapporteure et aux ministres : que veut dire « intelligible » d’un point de vue juridique ? À quels critères d’intelligibilité va répondre la mention du DAS sur les terminaux mobiles ?

Par ailleurs, je vous demande à nouveau, puisque je n’ai pas obtenu de réponse, quel cadre européen prévaut en matière de terminaux radioélectriques et quels sont les coûts engendrés par les dispositions que vous nous proposez d’adopter ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Avis défavorable. Je ne comprends pas très bien pourquoi vous souhaitez que des mentions concourant à la bonne information des consommateurs ne soient pas indiquées de façon intelligible.

Mme Laure de La Raudière. Mais que veut dire « intelligible » ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Intelligible, cela implique que les mentions sont en français et ne comportent pas d’acronymes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Défavorable.

(L’amendement n55 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n56.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 4 de l’article 4. Par souci de simplification, comme le souhaite le Président de la République, il ne semble pas souhaitable d’avoir des dispositions franco-françaises de ce type. La majorité doit traduire par des actes concrets les ambitions de simplification.

Comme le risque sanitaire n’est pas avéré, cette disposition qui complique la vie des distributeurs et revendeurs n’a pas lieu d’être. L’affichage des caractéristiques des terminaux mobiles sur les lieux où ils sont vendus comportera tellement d’informations que plus personne ne les lira. Cela risque de n’avoir aucun effet si ce n’est d’augmenter les contraintes des distributeurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Cet amendement est contraire à l’objectif poursuivi par la proposition de loi. La mention d’une information sur un appareil destiné à la vente en France ne s’oppose nullement à la libre circulation des marchandises comme la Cour de justice de l’Union européenne a déjà eu l’occasion de le souligner. Nul ne pourra du reste accuser la France d’imposer cette norme à des fins protectionnistes puisque chacun sait que notre pays ne produit plus de terminaux depuis quelques années. Je doute qu’un équipementier décide d’abandonner du jour au lendemain un marché de plus de 60 millions de consommateurs parce qu’il faut inscrire sur un appareil une mention par ailleurs obligatoire.

Il semble essentiel d’assurer l’accès à des informations ayant un caractère sanitaire, d’autant que la jurisprudence autorise les États à édicter des normes dans l’intérêt général.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’aimerais revenir sur l’amendement que M. Chassaigne a retiré tout à l’heure : Mme la rapporteure a indiqué qu’il était satisfait puisque l’obligation d’indiquer le DAS sur les appareils s’imposait à tous les vendeurs ; Mme la ministre a ajouté que cette obligation serait difficile à contrôler pour la vente par internet. Certes mais ce n’est pas pour autant que les vendeurs sur internet doivent être exonérés de cette obligation, y compris dans leur façon de mobiliser leurs clients. Je le précise, car on pourrait comprendre que ce n’est pas la peine de leur imposer cette obligation. Eh bien si, c’est la peine. Et si vous ne le faites pas, nous trouverons peut-être les moyens de faire en sorte qu’ils respectent les obligations posées par ce texte.

(L’amendement n56 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n114.

M. André Chassaigne. Même si le vénéré président François Brottes,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Merci, honorable parlementaire !

M. André Chassaigne. …ont j’anticipe quasiment la réaction, nous dira que la disposition en question relève du domaine réglementaire, qu’il me soit tout de même permis de relever que l’alinéa 7 de cet article dispose que « les notices d’utilisation comportent une information claire sur les indications pratiques permettant d’activer ou de désactiver l’accès sans fil à internet. » Or, il peut exister une information claire sans pour autant que la désactivation soit facile.

Je propose donc de rédiger cet alinéa différemment : « Les modems et les boîtiers multiservices proposés par les fournisseurs d’accès à internet disposent d’un mécanisme simple, externe et visible d’activation et de désactivation de l’ensemble des accès sans fil. Ce mécanisme est assorti d’un voyant de contrôle ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Lors des débats en commission, nous avons adopté un amendement supprimant la désactivation par défaut du wi-fi, privilégiant la présence d’un mécanisme simple de désactivation. En ce sens, votre amendement, monsieur Chassaigne, est en partie satisfait. Quant au dispositif relatif à un voyant de contrôle, il nous a paru relever plutôt du champ réglementaire : la commission a donc émis un avis défavorable.

(L’amendement n114, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement de coordination n144.

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Il s’agit en effet d’un amendement de coordination car il permet de garantir que seront potentiellement concernés par l’obligation de mention des recommandations d’usage des appareils comme les plaques à induction, les ampoules basse consommation, etc. Je précise qu’un décret déterminera la liste des appareils concernés : si des appareils n’étaient pas concernés par la question, le décret ne les prendra pas en compte. Il s’agit vraiment d’un amendement de coordination.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Certes, mais c’est lourd de conséquences !

Mme Laurence Abeille, rapporteure. À défaut, on risque d’exclure certains appareils, notamment ceux dont on parle beaucoup en ce moment, dont il serait dommage de ne pas signaler qu’ils sont émetteurs de radiofréquence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Cet amendement peut paraître à première vue purement rédactionnel mais il aurait en réalité pour conséquence d’inclure dans le champ d’application de l’alinéa des appareils autres que des équipements terminaux radioélectriques, comme tout appareil dans lequel un courant électrique circule. Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Je me permets d’insister, madame la ministre : dès lors qu’une liste sera définie par décret, des équipements qui n’auraient pas vocation à être inclus dans cette liste n’y figureront pas. Cette liste définie par décret garantit donc une sécurité totale. Je me permets d’insister un peu sur ce sujet car il serait vraiment dommage d’opérer des restrictions : ainsi, les plaques à induction devraient y figurer car leurs utilisateurs, lorsqu’ils se trouvent à côté de plaques en fonctionnement, sont soumis à des champs électromagnétiques non négligeables.

(L’amendement n144 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n57.

Mme Laure de La Raudière. Défendu.

(L’amendement n57, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n58.

Mme Laure de La Raudière. L’alinéa 9 contient des dispositions qui feront obstacle au déploiement des compteurs intelligents, des objets connectés dans les maisons, toutes ces nouvelles technologies que nous allons voir apparaître dans notre quotidien. Elles feront par conséquent obstacle au développement des villes numériques durables, des réseaux intelligents et des transports intelligents.

De telles dispositions sont donc contraires à plusieurs politiques publiques, à plusieurs plans visant à favoriser l’activité industrielle en France, ainsi naturellement qu’au choc de simplification administrative voulu par le Président de la République. C’est pourquoi il convient de supprimer l’alinéa 9.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. L’alinéa 9 de l’article 4 prévoit qu’un décret déterminera la liste des équipements ne pouvant être installés dans un local privé sans qu’une information claire et lisible ne soit donnée aux occupants. Je ne comprends donc pas très bien, madame de La Raudière, les raisons qui motivent votre amendement.

Par ailleurs, votre préoccupation a également été satisfaite en commission sur la question des compteurs que je préfère appeler « communicants » plutôt qu’« intelligents ».

(L’amendement n58, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n64.

M. François-Michel Lambert. Le présent amendement reprend une proposition que nous avons déjà formulée dans le texte initial : il s’agit d’informer très clairement les occupants lors de l’installation d’un équipement émetteur de champs électromagnétiques. Nul ne doit se voir imposer, dans son habitation, l’installation d’un équipement émetteur d’ondes, pour des raisons tenant notamment à la protection de la santé. Nous insistons donc fermement : cet amendement doit être adopté afin de permettre à chacun de savoir dans quel environnement il se situe lorsqu’il prend un logement en location.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement, mais j’y suis à titre personnel favorable parce qu’il rétablit les dispositions initiales de la proposition de loi. La question de l’autorisation des occupants pour installer des équipements dont la liste serait définie par décret est en effet importante.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. L’équilibre trouvé en commission sur cet alinéa est satisfaisant aux yeux du Gouvernement : l’obligation d’information au cœur de cette proposition de loi en faveur des occupants, que nous défendons dans cet article, semble suffisante à ce stade pour atteindre l’objectif visé d’avertissement et de dialogue avec les occupants. Pour ces motifs, la position du Gouvernement est défavorable.

(L’amendement n64 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n115.

M. André Chassaigne. Pour en revenir au débat que nous avons eu tout à l’heure sur la désactivation des appareils, je propose que celle-ci se fasse par défaut plutôt que par une désactivation volontaire, même simple.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Cet amendement a pour objet la désactivation par défaut du wi-fi. Ainsi que je l’ai déjà indiqué, nous avons trouvé un équilibre en commission qui ne me paraît pas devoir être remis en cause. L’avis de la commission est donc défavorable.

(L’amendement n115, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n59.

Mme Laure de La Raudière. L’alinéa 11 crée une nouvelle obligation administrative pour les établissements recevant du public au sein desquels une zone d’accès sans fil à internet est proposée. Les établissements qui le souhaitent peuvent bien évidemment déjà indiquer les zones d’accès sans fil proposées au public ; c’est même un atout commercial. Laissons les libres de le faire ou non, selon leur souhait. N’imposons pas une mesure qui n’est pas indispensable à presque tous les restaurants, commerces, cafés, hôtels.

Encore une fois, au nom du choc de simplification administrative pour les entreprises voulu par le Président de la République, et parce que le risque sanitaire n’est pas avéré, ainsi que l’a précisé le président de l’Office parlementaire de l’évaluation des choix scientifiques et techniques, il convient de supprimer cet alinéa. Pour une fois, chers collègues, respectez votre Président de la République ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez ici l’occasion de traduire en actes ses paroles ! Mieux vaut un choc de simplification administrative que de continuer, article après article, à augmenter la charge administrative de nos entreprises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. L’avis de la commission est défavorable. Cette proposition de loi contient plusieurs piliers importants : celui de l’information et de la transparence est essentiel. Pour la bonne information de tous, l’indication du wi-fi doit être claire.

(L’amendement n59, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n150 qui fait l’objet d’un sous-amendement n185.

La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement.

Mme Corinne Erhel. Le présent amendement et son sous-amendement de cohérence rédactionnelle ont pour objet de circonscrire l’alinéa 11 aux établissements proposant directement un accès sans fil à internet. La rédaction initiale pouvait en effet laisser penser que l’ensemble des établissements couverts par des réseaux 3G et 4G, qui sont aussi des accès sans fil à internet, devraient le signaler. Il convient donc de circonscrire cette disposition aux établissements qui souhaitent proposer directement un accès à internet ; cette nuance me semble très importante.

M. le président. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir le sous-amendement n185.

M. François Pupponi. Amendement de cohérence rédactionnelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Même avis.

(Le sous-amendement n185 est adopté.)

(L’amendement n150, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement de suppression n60 rectifié.

Mme Laure de La Raudière. Pourquoi interdire la publicité en faveur des tablettes pour les enfants de moins de quatorze ans, alors même que nous voulons développer l’usage du numérique à l’école ? Les nouvelles formes d’apprentissage passent par l’utilisation des nouveaux outils de communication, tels que les tablettes.

De façon plus générale, plutôt qu’un encadrement très strict dans la loi, tel que cela est proposé à l’article 5, il serait sans doute aussi efficace de définir, avec les professionnels des télécommunications et de la publicité, une charte des bonnes pratiques pour les publicités mettant en avant les mobiles, tablettes et autres équipements de communication.

Vous m’avez indiqué, madame la rapporteure, qu’il existait des dispositions de cette nature dans le Grenelle 2, que j’avais voté. Certes, mais j’avais alors déjà déposé des amendements sur ces sujets. En parfaite cohérence avec ce que j’ai fait sous la précédente majorité, je maintiens donc ma proposition de suppression de l’article 5.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. L’avis est défavorable. Lorsque, à l’occasion du vote du Grenelle de l’environnement, l’Assemblée nationale a adopté les dispositions interdisant la publicité pour les téléphones mobiles destinés aux enfants de moins de 14 ans, certains ont objecté que la possession d’un téléphone pouvait constituer un gage de sécurité pour les enfants. Notre responsabilité est de faire des choix, et nous croyons fermement qu’il faut protéger la jeunesse et ne pas l’exposer à un risque pour satisfaire les fabricants de téléphones et de tablettes. Certes, l’on développe le numérique pédagogique à l’école, mais cela ne doit pas pour autant justifier les publicités en faveur des tablettes pour les enfants.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Avis défavorable puisque l’alinéa 3 prend en compte les nouveaux usages des équipements qui n’existaient pas ou étaient peu répandus au moment de la première rédaction, et pourtant utilisés aujourd’hui par les plus jeunes. Comprenons-nous bien : il ne s’agit pas d’interdire les usages de ces équipements – cet article n’est pas contradictoire avec le plan de déploiement du numérique à l’école – mais d’éviter d’en faire la promotion active auprès de ce public potentiellement sensible au moyen de la publicité.

Je le répète, il s’agit d’une mesure équilibrée, proportionnée.

Rappelons également que, dans sa dernière expertise, l’ANSES a recommandé de réduire l’exposition des enfants aux ondes électromagnétiques.

Par ailleurs, les alinéas 4 à 6 ne concernent que le téléphone mobile, équipement qui fait spécifiquement l’objet d’une démarche de précaution. Ces alinéas veillent à ce que les publicités incitent à un usage modéré du téléphone mobile en privilégiant le recours aux kits mains libres dont on sait qu’ils réduisent considérablement l’exposition aux ondes, là encore en suivant les préconisations du rapport de l’ANSES.

Par conséquent, il faut préserver cet article qui nous semble équilibré et qui apporte de nombreuses avancées dans le droit national.

Mme Laure de La Raudière. De nombreuses avancées ? Il ne faut pas exagérer !

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Monsieur le président, en vertu de l’article 58, alinéa 3, je demande une suspension de séance de cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous en venons au vote sur l’amendement n° 60 rectifié.

(L’amendement n60 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n61.

Mme Laure de La Raudière. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 2 et 3 de l’article 5.

Que l’on ne croie pas que je cherche à défendre les publicités pour des mobiles qui s’adresseraient à des enfants de quatorze ans. Je veux juste dire qu’en interdisant les publicités qui ont pour objet de promouvoir l’usage de téléphones mobiles ou de tablettes par des enfants de moins de quatorze ans, on donne un signal très négatif s’agissant des mobiles et des ondes électromagnétiques : on fait comme s’il s’agissait de produits nocifs. Or le téléphone mobile et les tablettes ne sont pas des produits nocifs, même pour les enfants de moins de quatorze ans. Notre analyse est donc différente sur ce point, sachant que les études scientifiques réalisées sur le wi-fi ne font pas état de risques avérés.

Voilà pourquoi je propose de supprimer les alinéas 2 et 3 qui portent sur les terminaux radioélectriques pouvant être connectés à internet. Le dispositif tel qu’il est prévu ne permettra plus, demain, de faire de la publicité sur tous les objets connectés à internet et qui sont spécialisés pour les enfants.

Je tire donc la sonnette d’alarme car ce texte reflète un climat anxiogène en encadrant la publicité de façon négative, même pour des objets qui n’existent pas encore.

(L’amendement n61, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n149.

M. François Pupponi. Comme précédemment, il s’agit de limiter la liste des équipements concernés et de la fixer par décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Favorable.

(L’amendement n149 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 117 et 66 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n117.

M. André Chassaigne. Défendu.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n66 rectifié.

M. François-Michel Lambert. Le code de la santé publique donne la possibilité au ministre chargé de la santé d’interdire la distribution à titre onéreux ou gratuit d’objets contenant un équipement radioélectrique dont l’usage est spécifiquement dédié aux enfants de moins de six ans. Or cette disposition n’a jamais été appliquée, alors même que les terminaux mobiles destinés aux enfants se développent rapidement. Il est donc nécessaire de renverser la disposition du code de la santé publique en introduisant un dispositif d’interdiction générale avec dérogation plutôt qu’un régime d’autorisation avec possibilité d’interdiction dont on a vu l’inefficacité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. À titre personnel, je suis favorable à ces deux amendements puisque l’un de nos objectifs est bien de protéger les enfants. Toutefois, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Défavorable.

(Les amendements nos 117 et 66 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n118 rectifié.

M. André Chassaigne. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Favorable.

(L’amendement n118 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement n175.

M. François Pupponi. Il semble qu’il soit consensuel qu’il serait plus raisonnable que les enfants utilisent un téléphone portable avec une oreillette. Toutefois, il n’existe pas de matériel adapté aux oreilles des enfants, ce qui est paradoxal. Voilà pourquoi je propose que les opérateurs vendent les appareils concernés avec des oreillettes adaptées aux oreilles des enfants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission est favorable à cet amendement. À titre personnel, je le suis également, bien que je ne sois pas favorable à l’utilisation des téléphones mobiles par des enfants de moins de quatorze ans. Mais il faut tenir compte de la réalité et donc proposer des équipements adaptés.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Avis très favorable.

Nous avions déjà discuté, monsieur Pupponi, de cette proposition il y a un an. L’adaptation des kits mains libres à la morphologie spécifique des enfants est souhaitable, et tous les parents de jeunes enfants le savent bien. Bien sûr, il ne s’agit pas d’encourager l’usage ou la consommation disproportionnée du téléphone chez les moins de quatorze ans mais d’être pragmatiques. Je crois que cet amendement répond à cet objectif.

M. François Pupponi. C’était la ministre qui avait effectivement signalé qu’un tel équipement n’existait pas.

(L’amendement n175 est adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Article 6

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n62 visant à supprimer l’article 6.

Mme Laure de La Raudière. Cet article prévoit la réalisation d’une campagne visant à promouvoir une utilisation plus responsable du téléphone mobile et l’édition de brochures d’information sur la bonne utilisation du téléphone mobile. Ce n’est pas du ressort de la loi.

Si le Gouvernement prenait ici l’engagement de réaliser cette campagne, nous pourrions lui faire confiance. Peut-être même cette campagne pourrait-elle être engagée avant que le cycle complet de l’examen de cette proposition de loi – au Sénat, puis en deuxième lecture à l’Assemblée nationale et éventuellement de nouveau au Sénat – soit achevé. Quoi qu’il en soit, je le répète, une telle disposition n’a pas à figurer dans une loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission est défavorable à cet amendement. L’un des amendements qui le suivent apparaît plus intéressant.

Mme Laure de La Raudière. Comme c’est aimable ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Pour une fois, Mme de La Raudière n’a pas tiré argument de son soutien au Président de la République s’agissant du choc de simplification ! (Sourires.)

Mme Laure de La Raudière. J’aimerais bien, mais ce n’est pas possible à chaque fois !

M. Philippe Martin, ministre. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

(L’amendement n62 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour soutenir l’amendement n148.

Mme Corinne Erhel. Cet amendement, présenté conjointement avec M. le président Brottes, traite d’un sujet que nous avons abordé en commission des affaires économiques. Il tend, d’une part, à mettre en place une politique de sensibilisation et d’information sur l’usage responsable et raisonné des terminaux mobiles et, d’autre part, à demander au Gouvernement la publication d’un rapport annuel sur l’effectivité de cette politique. Tel est l’objet de cet amendement qui vise à réécrire cet article en le simplifiant et en le rendant plus efficace.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Pour toutes les raisons évoquées par Mme Erhel, la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Avis favorable, sous réserve d’une modification, si toutefois Mme Erhel en est d’accord : le Gouvernement trouverait avantage à ce que la publication du rapport prévu dans le II de l’amendement se fasse « périodiquement » plutôt qu’« annuellement », au vu de la matière à traiter.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’aime beaucoup les « périodiques ». (Sourires.) Cela dit, monsieur le ministre, il faut voir d’où nous sommes partis. Au départ, le texte de la proposition de loi établissait quasiment le cahier des charges de la campagne de communication. J’avais indiqué, en commission, que cela me paraissait ressortir plutôt du domaine réglementaire, ce dont vous êtes d’ailleurs convenue, madame la rapporteure. Mme Erhel et moi-même avons donc réfléchi à une rédaction visant à faire de la communication et de la sensibilisation sur le sujet. Comme cette campagne relève de l’initiative du Gouvernement, il faut que celui-ci nous rende régulièrement des comptes sur sa mise en œuvre.

Le problème, monsieur le ministre, avec l’adverbe « périodiquement », c’est qu’il peut signifier aussi bien trois ans que cinq, voire dix. Peut-être est-il exagéré de demander un rapport annuel : aussi la publication pourrait-elle intervenir tous les deux ans – sur cette question, nous ne sommes pas fermés. Mais, en tout état de cause, il faut que la loi précise la périodicité, de façon à ce que le Parlement puisse saisir le Gouvernement et lui demander où il en est et ce qu’il a fait. S’il n’y a pas d’indication sur la périodicité, on aura beaucoup de mal à obtenir des informations.

Je sais, monsieur le ministre, que vous nous en donnerez systématiquement, mais les choses peuvent évoluer. Nous préférons avoir des garanties. Pour ces raisons, je ne suis pas enthousiasmé par l’adverbe « périodiquement » – j’attends de savoir ce qu’en pense Mme Erhel.

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel.

Mme Corinne Erhel. Je comprends qu’il puisse être difficile pour les services de l’État de rédiger un rapport chaque année, mais l’adverbe « périodiquement » est trop flou. Pourrions-nous trouver un accord pour une publication tous les deux ans ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Martin, ministre. Je vous propose en effet, madame la députée, que la publication soit périodique et qu’elle intervienne tous les deux ans.

M. le président. Si je comprends bien, monsieur le ministre, vous proposez de remplacer, dans le II de cet amendement, le mot : « annuellement » par les mots : « tous les deux ans » ? Il ne faut pas qu’il y ait d’ambiguïté au Journal officiel.

M. Philippe Martin, ministre. C’est bien cela.

M. le président. Cette correction a été acceptée par l’auteure de l’amendement.

(L’amendement n148, tel qu’il vient d’être rectifié, est adopté, l’amendement n147 tombe et l’article 6 est ainsi rédigé.)

Article 7

M. le président. Sur l’article 7, je suis saisi de plusieurs amendements.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n72.

Mme Laure de La Raudière. Je voudrais, encore une fois, en revenir aux propos de M. Le Déaut et au contenu de mon intervention sur la motion de rejet préalable, en rappelant à mes collègues que la crédibilité scientifique du risque concernant les ondes wi-fi est nulle. C’est d’ailleurs ce qu’affirme la communauté scientifique dans son ensemble. M. Le Déaut disait ainsi qu’« il n’y a pas lieu d’interdire le wi-fi, dont le niveau d’émission avoisine celui du téléphone sans fil des maisons. »

Voulez-vous donc interdire aussi le téléphone sans fil des maisons ? Pourquoi ne le proposez-vous pas ?

M. François Pupponi. Attendez, cela viendra ! (Sourires.)

Mme Laure de La Raudière. Dans le premier alinéa de l’article 7, vous prévoyez d’interdire le wi-fi dans les établissements accueillant des enfants de moins de six ans. Pourquoi interdire l’utilisation de tablettes numériques aux enfants de moins de six ans dans les établissements de loisirs, alors qu’il n’y a pas de risque avéré concernant le wi-fi ? Des expérimentations intéressantes sont en cours, dans certaines crèches, pour l’éveil des enfants handicapés à partir d’applications numériques sur des tablettes. Pourquoi voulez-vous interdire ce type d’applications, dont les résultats sont très encourageants, alors que, je le répète, il n’y a pas de risque avéré scientifiquement ?

Telles sont les questions que pose cette proposition de loi. J’ai vu qu’un amendement visait à abaisser l’âge des enfants concernés de six ans à trois ans. Pourquoi interdire le wi-fi pour des enfants de deux ans et demi ou de deux ans, par exemple dans le cas d’enfants handicapés, si l’utilisation d’une tablette peut leur faire faire des progrès ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Il y a aujourd’hui – je le dis assez solennellement – un consensus pour faire preuve de responsabilité en la matière. Or, aujourd’hui, le wi-fi fait partie des émetteurs d’ondes électromagnétiques : les boîtiers wi-fi émettent des ondes en continu. Heureusement, nous allons bientôt pouvoir les désactiver et réactiver à volonté, ce qui nous aidera à prendre conscience de notre environnement et, ce faisant, à mieux le maîtriser, de la même manière que l’on éteint la lumière ou que l’on baisse le chauffage en sortant d’une pièce. Prendre conscience de son environnement et mieux le maîtriser, c’est une question de bon sens.

Autoriser le wi-fi pour les bébés, ce n’est pas de bon sens ; ce n’est pas non plus responsable. Vous dites qu’il n’y a pas de risque avéré. Or il y en a bel et bien. De plus, on sait que les enfants sont les personnes les plus fragiles, comme l’a rappelé l’ANSES. Faut-il attendre qu’une énième étude, dans dix ans, nous dise que le wi-fi est dangereux ? Nous porterions, à ce moment-là, la responsabilité d’avoir exposé des tout-petits à des ondes dont on sait, de toute façon, qu’elles ont un effet sur la santé.

Mme Laure de La Raudière. Non, justement !

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Cet amendement est donc tout à fait déraisonnable. La commission a d’ailleurs émis un avis défavorable. Encore une fois, il s’agit aujourd’hui de bon sens et de responsabilité, d’ailleurs partagés sur les différents bancs de cet hémicycle, ce dont je suis extrêmement satisfaite.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Le Gouvernement proposera un amendement, n171, qui me semble concilier à la fois les préoccupations exprimées par l’amendement de Mme de La Raudière et celles que traduit la rédaction actuelle du premier alinéa de l’article 7 de la proposition de loi. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je suis en train de découvrir que la majorité socialiste a la même vision du principe de précaution que les écologistes.

Je viens de vous dire qu’il n’y avait pas de risque avéré, ce que vous reconnaissez tout en déclarant qu’il y a quand même un risque. Or, s’il n’y a pas de risque avéré, c’est qu’il n’y a pas de risque du tout. Une fois cela posé, la communauté scientifique ne pourra jamais, par principe, affirmer que, dans le futur et au vu des études ultérieures qui pourront être conduites, un risque ne sera pas mis en évidence. En tout état de cause, comme je l’ai exposé dans la défense de ma motion de rejet, le principe de précaution ne s’applique donc pas dans ce contexte.

Vous êtes en train de préparer une société de la défiance, qui refuse les études scientifiques et qui les nie, bref une société déclinante. Je suis très triste de constater aujourd’hui que la majorité socialiste est sur une même ligne pour ce qui est de l’interprétation du principe de précaution.

M. François-Michel Lambert. Et alors ?

Mme Laure de La Raudière. Cela m’inquiète beaucoup pour la France.

M. le président. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Il est vrai, madame de La Raudière, que le risque n’est pas avéré, mais tous les médecins spécialistes de cette question disent que, physiquement, les enfants de cet âge ne sont pas complètement formés et que le fait d’être régulièrement exposés à des ondes représente un risque plus important pour eux que pour les adultes. Ils déconseillent donc une exposition trop importante.

Mme Laure de La Raudière. Pas du tout !

M. François Pupponi. La plupart d’entre nous a des enfants. Or on voit que, d’une manière plus générale, l’usage d’un certain nombre d’appareils – tablettes ou téléphones – par les enfants ou les adolescents pose des questions.

Mme Laure de La Raudière. Cela n’a rien à voir !

M. François Pupponi. Abaisser l’âge à moins de trois ans, éviter une exposition qui, bien que sa dangerosité ne soit pas avérée, peut comporter quelques risques, cela me paraît raisonnable. Nous savons tous comment les choses se passent dans les écoles : les enfants – qu’ils soient handicapés ou non – peuvent avoir accès à internet et à des outils informatiques autrement que par des tablettes. Ayant vu de nombreuses fois des enfants de moins de trois ans dans les écoles primaires de ma ville, je peux vous le dire très sincèrement : leur confier dès cet âge des tablettes pour travailler, cela ne me paraît pas non plus tout à fait raisonnable.

(L’amendement n72 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n67.

M. François-Michel Lambert. Je voudrais tout d’abord rappeler qu’il n’y a rien d’extraordinaire à ce que les socialistes et les écologistes soient sur la même ligne. Je crois même savoir qu’ils sont ensemble au gouvernement ! J’espère, madame de La Raudière, que vous ne le découvrez pas…

Vous vous étonnez que nous défendions le principe de précaution, alors même que celui-ci a été introduit dans notre Constitution, si j’ai bonne mémoire, par un Président de la République de droite. Nous suivons donc une ligne qui a été tracée il y a déjà quelque temps de cela.

Tel est d’ailleurs l’objet de cet amendement qui vise à étendre à tous les établissements accueillant des enfants de moins de six ans – notamment les écoles maternelles – ce principe de précaution. Il me semble important que nous fassions en sorte que, jusqu’à six ans, les enfants soient dans un environnement aussi préservé que possible, au moins dans les espaces publics.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur votre amendement, même si, à titre personnel, j’y suis évidemment favorable.

Je voudrais répondre à Mme de La Raudière que l’apprentissage des outils numériques peut parfaitement se faire en mode déconnecté ou en mode « avion » : on peut tout à fait utiliser des applications sur une tablette sans être connecté à internet. Pour les plus jeunes, ce pourrait être d’ailleurs un moyen d’apprentissage dans les écoles : on pourrait faire utiliser des tablettes aux plus petits, âgés de trois à six ans, sans le wi-fi ni la moindre connexion.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. François-Michel Lambert m’a ôté de la bouche ce que je voulais dire à Mme de La Raudière sur le principe de précaution, sur la majorité et le président qui l’ont inscrit dans la Constitution. Je suis d’autant plus à l’aise pour le dire que, à l’époque, en tant que parlementaire, j’avais voté cette constitutionnalisation.

Mme Laure de La Raudière. Cela n’a rien à voir !

M. Philippe Martin, ministre. Comme pour l’énergie, nous essayons de limiter et d’éviter les usages inutiles des ondes – c’est cela, au fond, le principe de la sobriété.

Cela étant dit, compte tenu des amendements que nous allons vous proposer dans quelques instants, je suis au regret de dire à François-Michel Lambert que le Gouvernement est défavorable à son amendement.

(L’amendement n67 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n171.

M. Philippe Martin, ministre. Mon propos concernera l’amendement n171, ainsi que les amendements suivants nos 172 rectifié et 173.

L’article 7, qui vise à protéger les jeunes enfants des effets d’une exposition continue et excessive aux ondes, pose une limitation qui ne nous semble pas pertinente pour les écoles.

L’éducation nationale souscrit pleinement aux objectifs de la proposition de loi. Ainsi, la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République indique dans son rapport annexé, à propos des infrastructures réseaux nécessaires à la pédagogie, que « les inquiétudes développées ces dernières années, notamment à l’égard des enfants les plus jeunes, doivent pousser l’État et les collectivités territoriales à privilégier les connexions filaires, lorsque cela est compatible avec les usages pédagogiques et les contraintes locales. »

Par ailleurs, l’éducation nationale met en œuvre un ensemble de préconisations et de bonnes pratiques concernant les bornes wi-fi dans les classes, qui répondent à l’esprit de la proposition de loi.

Il nous semble que l’article 7, dans sa rédaction actuelle, va trop loin dans l’interdiction posée, qui concerne les enfants de moins de six ans. L’ANSES cite effectivement par deux fois dans son dernier rapport de 2013 les enfants de moins de six ans, mais pour rappeler une autre législation issue du code de la santé publique, qui prévoit la possibilité d’interdire certains équipements radio-électriques spécifiquement dédiés aux enfants de moins de six ans, comme les baby phones.

L’article 7 va aussi trop loin car il renvoie tous les parents d’enfants de moins de six ans à la dangerosité des bornes wi-fi installées chez eux. Enfin, il interdit ou restreint le déploiement du wi-fi et des appareils qui l’utilisent, notamment les tablettes, dans les établissements scolaires du premier degré, écoles maternelles et élémentaires, au moment même où les politiques de refondation de l’école visent à accélérer l’usage du numérique dans les classes.

De nombreuses applications pour les tablettes sont développées, en France et à l’étranger, pour l’apprentissage de la lecture et du calcul, apprentissages qui commencent au cycle 2 de l’école primaire, c’est-à-dire en grande section de maternelle.

Ces applications nécessitent dans leur mise en œuvre des connexions wi-fi, 3G ou 4G. Au vu du rapport de l’ANSES, le ministère préconise le recours au wi-fi plutôt qu’aux technologies 3G ou 4G. L’interdire pourrait s’avérer contre-productif et contraire à l’esprit de la loi.

Il est donc proposé par l’amendement n171 de restreindre l’interdiction prévue par l’alinéa 1 aux seuls établissements accueillant de très jeunes enfants – les crèches et autres garderies – ainsi que les salles des classes de maternelle accueillant les enfants de moins de trois ans, comme c’était, du reste, le cas dans la première version de la proposition de loi.

L’amendement n172 rectifié, qui vient modifier l’alinéa 2, vise à donner une plus grande sécurité juridique aux enseignants et aux directeurs d’école, en renonçant à l’imprécision de la rédaction initiale. La rédaction proposée met l’accent sur la démarche volontaire des enseignants, consistant à recourir au wi-fi pour la seule durée de l’activité liée au numérique pédagogique.

Enfin, l’amendement n173 vise à supprimer une disposition contraire aux règles européennes de la concurrence et au code des marchés publics et prévoit que « toute nouvelle installation d’un réseau radioélectrique fait l’objet d’une information préalable du conseil d’école. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n171 ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. À titre personnel, je suis bien sûr défavorable à cet amendement. En outre, je pense qu’il est inapplicable, dans la mesure où les établissements impliqués ne sont pas des établissements scolaires, mais relèvent du code de la santé publique. La définition générale des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans est beaucoup plus sûre juridiquement.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute.

Mme Valérie Lacroute. Je peine à comprendre les différents arguments sur l’âge des enfants. Les maires, dont je fais partie, sont déjà soumis à la réforme du rythme scolaire, un sujet particulièrement compliqué. Vous allez leur ajouter une contrainte supplémentaire, au simple motif qu’il existe des risques avérés pour les jeunes enfants.

Le wi-fi est parfois la seule solution pour connecter des établissements scolaires anciens. Par ailleurs, les enfants vivent parfois en milieu très rural, avec un accès à internet très compliqué ; l’école est pour eux le seul endroit où ils peuvent utiliser les nouvelles technologies. Très sincèrement, je ne comprends pas grand-chose à ces dispositions qui, en outre, entraînent pour les communes des coûts supplémentaires. Le débat entre les moins de trois ans et les moins de six ans est un peu surréaliste.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Corre.

Mme Valérie Corre. Je veux apporter mon soutien aux amendements du Gouvernement, qui reflètent une position modérée. Interdire le wi-fi dans tous les établissements qui relèvent du code de la santé publique et accueillant les enfants de moins de six ans conduira inéluctablement à interdire le wi-fi dans les écoles.

Si l’on considère que le wi-fi est dangereux pour les enfants de moins de six ans, il serait logique d’étendre cette interdiction aux écoles. Interdire le wi-fi dans les établissements accueillant des enfants de moins de trois ans paraît donc nuancé et acceptable de tous.

Madame la rapporteure, vous avez dit à juste titre que l’usage des tablettes pouvait se faire en mode « avion ». Vous avez tout à fait raison. Mais il faudra bien que les tablettes soient connectées à internet lorsque l’enseignant voudra transmettre à l’ensemble des élèves les informations nécessaires. Le wi-fi se révélera alors utile.

Quant à l’amendement n172 rectifié, qui prévoit de désactiver systématiquement l’accès sans fil à internet lorsqu’il est inutile, il répond à la nécessité de sécuriser les activités numériques.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons ces trois amendements du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Nous ne soutenons pas pour notre part ces amendements, pour des raisons différentes de celles de nos collègues de l’opposition. Nous sommes ici pour faire de la politique, et la politique, vous le savez tous, est affaire de choix.

La fibre coûte cher : c’est l’argument que l’on nous sert à chaque fois. Mais le scandale sanitaire qui s’annonce risque de nous coûter bien plus cher. Nous avons des responsabilités : s’occuper des enfants de moins de trois ans, c’est bien ; s’occuper des enfants de moins de six ans, c’est mieux ; s’occuper des enfants de moins de douze ans, c’est encore mieux. S’occuper de toutes les personnes sensibles, quel que soit leur âge, voilà ce que l’on devrait attendre de la politique.

Quant aux tablettes, parlons-en ! Je vous conseille à tous d’acheter un appareil de mesure des ondes : vous verrez le bond que fera l’aiguille dans le cadran à chaque opération de téléchargement que vous effectuerez avec votre tablette ! Faites cette expérience, dans votre permanence, ne serait-ce qu’une fois. Vous comprendrez pourquoi l’on ne peut pas dire aujourd’hui de façon responsable qu’il faut favoriser l’usage des tablettes dans les établissements scolaires par les moins de six ans.

On peut organiser des activités numériques, utiliser la technologie et participer au plan numérique proposé par Vincent Peillon sans le wi-fi : utiliser la fibre est possible. Cela coûte cher, et il y a donc des choix à faire. Le groupe écologiste votera contre ces amendements.

(L’amendement n171 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n73.

Mme Laure de La Raudière. La rédaction de l’alinéa 2, qui visait à encadrer l’utilisation du wi-fi à l’école, entraînait un certain flou juridique. Étant donné que le Gouvernement a proposé un amendement qui peut me satisfaire, je retire l’amendement n73.

(L’amendement n73 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n172 rectifié.

M. Philippe Martin, ministre. Je considère l’avoir déjà présenté.

M. le président. L’avis de la commission est-il le même ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Oui.

(L’amendement n172 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n74.

Mme Laure de La Raudière. M. le ministre a fini par entendre mes remarques concernant le choc de simplification : l’amendement suivant du Gouvernement supprime les dispositions qui représentaient, pour les collectivités, de nouvelles contraintes administratives. J’ai enfin réussi à me faire entendre ! Je retire l’amendement n74.

(L’amendement n74 est retiré.)

M. le président. Dois-je considérer que l’amendement n173 a été présenté, monsieur le ministre ?

M. Philippe Martin, ministre. Oui.

M. le président. L’avis de la commission est-il le même, madame la rapporteure ?

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Oui.

(L’amendement n173 est adopté et les amendements nos 119 et 75 tombent.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Article 8

(L’article 8 est adopté.)

Article 9

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure, pour soutenir l’amendement n145.

Mme Laurence Abeille, rapporteure. L’article 9 prévoit l’application des dispositions précédentes en Nouvelle-Calédonie, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à la Polynésie française et aux îles Wallis-et-Futuna. Ces collectivités ultramarines disposent de statuts différents au sein de la République : la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon sont régies par l’article 74 de la Constitution, quand la Nouvelle-Calédonie connaît une organisation sui generis en vertu des articles 76 et 77 de la Constitution.

Ces collectivités jouissent de compétences dans certains domaines. Ainsi, l’article 74 de la Constitution précise qu’une loi organique définit le statut particulier de chaque collectivité soumise à ce régime et détermine les lois qui s’y appliquent. S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 et la loi organique n99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ont prévu un transfert progressif de compétences croissantes, en vue du renforcement de l’autonomie du territoire.

Ainsi, certaines dispositions pourraient ne pas être applicables en l’état aux collectivités visées par cet article, en raison du transfert ou de la délégation de compétences déjà réalisés.

Cet amendement a pour objet de préciser les modalités d’application du présent texte dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie, en reprenant une formule juridique classique, récemment adoptée par exemple par notre assemblée dans le cadre du projet de loi d’avenir de l’agriculture.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Martin, ministre. Ces dispositions, qu’il sera sans doute possible d’améliorer au Sénat, représentent un progrès. Nous y sommes favorables.

(L’amendement n145 est adopté.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Article 10

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement de suppression n174.

M. Philippe Martin, ministre. Il est traditionnellement d’usage de lever le gage à l’Assemblée. Il est en effet très rare de transmettre une proposition de loi encore gagée. Le fait de lever le gage dès la lecture à l’Assemblée n’a pas d’incidence sur le droit d’amendement des sénateurs et encore moins sur celui des députés. Cet amendement vise à lever le gage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le suspense est insoutenable !

Mme Laurence Abeille, rapporteure. Il sera de courte durée, monsieur le président ! Avis bien évidemment très favorable, et je remercie le Gouvernement.

(L’amendement n174 est adopté et l’article 10 est supprimé.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.) (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse

Discussion d’une proposition de loi organique

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique de Mme Eva Sas portant modification de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse (nos 1628, 1707).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Mme Eva Sas, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé du budget, chers collègues, en septembre 2009, la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi remettait son rapport sur la mesure des performances économiques et du progrès social. L’engouement pour les « nouveaux indicateurs de richesse » était alors à son apogée.

Depuis lors, les limites du PIB comme mesure du progrès de notre société font l’objet d’un relatif consensus. Trois principales critiques peuvent en effet lui être adressées. D’une part, le PIB totalise ce qui se vend ou s’achète, ainsi que la contribution des administrations publiques sans considération de la contribution au bien-être. Ainsi, la réparation de dégâts liés à des accidents ou des catastrophes naturelles vient accroître le PIB alors que, de fait, la qualité de vie en est dégradée. D’autre part, le PIB ne prend pas en compte la répartition de la richesse créée. Une croissance du PIB peut donc masquer un approfondissement des inégalités et une dégradation de la situation des plus fragiles. Enfin, le PIB ne prend pas en considération les stocks dans lesquels il faut puiser pour assurer la production. Il ne rend donc pas compte de l’épuisement des ressources naturelles liées à nos modes de consommation. C’est un indicateur de court terme, qui ne dit rien de la soutenabilité de notre modèle de développement.

À faire du PIB le seul censeur de nos politiques économiques, on en oublie les conséquences environnementales de notre mode de développement, alors même que les deux objectifs devraient être poursuivis et pensés ensemble tant il est vrai qu’un plan d’investissement dans les politiques environnementales aurait un effet positif sur l’activité, et que notre développement ne sera soutenable à long terme que s’il est moins dépendant de ressources qui se font chaque année plus rares.

Ces critiques ne sont, d’ailleurs, pas nouvelles. Développées dans les années 1970, elles ont conduit les Nations unies et l’OCDE à travailler sur de nouveaux indicateurs de richesse, le plus connu étant sans doute l’indice synthétique de développement humain, l’IDH, créé par le PNUD dans les années 1990. En France, les travaux menés par Dominique Méda, Patrick Viveret, Jean Gadrey et Florence Jany Catrice ont permis de faire progresser l’analyse dans ce domaine, les travaux menés par l’association des régions de France sous l’impulsion de Myriam Cau, vice-présidente de la région Nord Pas-de-Calais, ont permis d’analyser les politiques publiques régionales à l’aune de trois critères – l’indice de santé sociale, l’IDH2, une version nouvelle de l’indice de développement humain et l’empreinte écologique.

Enfin, dans les suites de la commission Stiglitz, qui avait réuni un consensus au-delà des clivages partisans, les pouvoirs publics ont progressé pour mesurer l’efficacité de nos politiques à l’aune d’autres indicateurs, complémentaires au PIB. L’INSEE a, ainsi, publié des enquêtes régulières sur les inégalités de ressources ou sur l’évolution des très hauts revenus. Le Commissariat général au développement durable suit quant à lui des indicateurs essentiels comme l’empreinte carbone ou l’empreinte eau de la France. Le Gouvernement publie également désormais plus d’une vingtaine de ces nouveaux indicateurs dans le cadre de la stratégie nationale pour le développement durable 2010-2013. Une partie de ces indicateurs sont d’ailleurs commentés dans le rapport sur l’économie française, annexé au projet de loi de finances chaque année, et repris dans l’annexe statistique du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances. Les tableaux de bord d’indicateurs alternatifs existent donc déjà.

Cependant, il est nécessaire de franchir une nouvelle étape. En effet, malgré la publication de ces indicateurs, ceux-ci restent secondaires dans l’évaluation des politiques publiques, le PIB restant le critère ultime de réussite. Or, un gouvernement qui réussit ne peut pas être, ne peut plus être, dans l’opinion publique, les médias, ou au sein de la sphère politique elle-même, un gouvernement qui permet à la France de « renouer avec la croissance » ou qui « soutient la reprise », quel que soit l’accroissement des inégalités, la dégradation de notre environnement ou de notre santé.

La mise en place de nouveaux indicateurs de richesse, aux côtés du PIB, est d’autant plus indispensable que l’hypothèse d’un scénario de croissance faible sur longue période ne peut plus être écartée. Depuis 1960, on constate une baisse structurelle du taux de croissance. Depuis 2001, la croissance annuelle du PIB n’a jamais dépassé 2,5 %. Est-ce une mauvaise nouvelle ? Pas nécessairement si l’on revient aux véritables objectifs de nos politiques économiques et budgétaires : l’emploi, la réduction des inégalités, l’amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens. Le PIB n’est qu’un objectif intermédiaire qui a trop longtemps été considéré comme incontournable. Il est temps aujourd’hui de penser les politiques de l’emploi ou de réduction des inégalités en tant que telles, sans faire de la croissance un prérequis.

L’objectif de cette proposition de loi n’est donc pas la production d’un nouveau tableau de bord, même si ceux proposés doivent être améliorés, mais bien la mise en visibilité de ces indicateurs alternatifs au même titre et au même niveau que le PIB. Il s’agit en définitive de désacraliser le PIB et de le mettre à sa juste place parmi d’autres indicateurs tout aussi essentiels. Pour accroître la visibilité de ces indicateurs, il nous est tout d’abord apparu nécessaire d’exposer l’évolution de ces indicateurs à un moment clé de la vie politique de notre pays qu’est le budget et de le faire dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances de façon à analyser l’effet des différentes réformes proposées sur ces indicateurs, d’où le choix de modifier la présentation de la loi de finances, donc de déposer une proposition de loi organique même si nous sommes conscients des contraintes que cela suppose.

Il convient par ailleurs de proposer des indicateurs synthétiques, même si là aussi, nous en connaissons les limites. Nous souhaitons néanmoins insister sur le fait qu’un indicateur synthétique ne s’oppose pas à des tableaux de bord d’indicateurs multiples, les deux étant nécessaires. Seuls les indicateurs synthétiques peuvent être des vecteurs de communication appropriés, équivalents au PIB – par exemple, faire apparaître que l’empreinte écologique d’un Français est de 2,7 terres, ce qui signifie que, si tous les habitants de la terre avaient notre mode de vie, il faudrait 2,7 fois les ressources que la planète peut régénérer en une année. C’est un élément d’objectivation simple de l’épuisement des ressources produites par nos modes de vie.

La proposition de loi propose par conséquent d’évaluer l’impact global des réformes prévues par les principaux textes financiers à l’aune de quatre indicateurs de richesse synthétiques : l’indice d’espérance de vie en bonne santé, l’indicateur de santé sociale, l’empreinte écologique et l’empreinte carbone.

Toutefois, suite aux auditions menées par votre rapporteure avec les services de l’INSEE, de la direction générale du Trésor, ainsi qu’avec les cabinets du ministre de l’économie et des finances, et du ministre du budget, nous avons amélioré cette proposition de loi, en particulier sur un point.

Pour des raisons de faisabilité et d’opportunité, il nous a semblé qu’il était souhaitable que la liste des indicateurs fasse l’objet d’un débat plus approfondi, pour permettre une appropriation collective.

Nous estimons dès lors que s’il est fondamental de disposer d’indicateurs synthétiques, tels l’indice de santé sociale ou l’empreinte écologique, il pourrait être plus prudent de ne pas figer, a priori, et a fortiori dans une loi organique, les indicateurs de richesse à prendre en considération.

Par ailleurs, dès lors que le moment crucial pour apprécier et évaluer l’impact des réformes proposées à l’aune de ces nouveaux indicateurs est le budget, c’est-à-dire lors de la préparation du projet de loi de finances, nous avons estimé qu’il serait plus juste, du point de vue strictement juridique, de modifier en ce sens la LOLF – c’est-à-dire la loi organique relative aux lois de finances – plutôt que la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

C’est la raison pour laquelle nous avons préparé plusieurs amendements visant à adopter une formulation plus ouverte, mais qui reste une proposition de loi organique modifiant la présentation de la loi de finances.

Nous avons entendu les réserves que pouvait soulever le caractère organique de cette proposition de loi et qui pourraient rendre difficile son adoption en l’état. Mais sachez que nous sommes attachés avant tout, au-delà de la forme, à une ambition : que le PIB ne soit plus le seul censeur de nos politiques économiques et budgétaires, et que nous puissions retrouver les objectifs premiers de nos politiques économiques, sociales et budgétaires : l’emploi, la réduction des inégalités, l’amélioration de la qualité de vie de nos concitoyens, et la soutenabilité de nos modes de production. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, je suis très heureux de vous retrouver aujourd’hui pour débattre de cette proposition de loi organique visant à prendre en compte les nouveaux indicateurs de richesse.

Ce texte nous permet d’aborder, non pas un, mais trois débats, de natures différentes, mais tous importants. Un triple débat, voilà de quoi remercier trois fois Mme la rapporteure, et c’est ce que je fais bien volontiers ici, en mon nom et en celui de Pierre Moscovici, dont je vous prie de bien vouloir excuser l’absence en raison d’engagements internationaux pris de longue date.

Le premier débat, c’est, bien sûr, celui du fond de ce texte : la question des indicateurs alternatifs de richesse. Comme le dit l’adage bien connu, on n’améliore que ce que l’on mesure. Dès lors, la définition d’indicateurs est une question éminemment politique, puisqu’elle n’a de pertinence qu’en lien avec les objectifs assignés aux politiques publiques.

C’est le sens de votre proposition, madame la rapporteure : éviter que le débat sur l’orientation générale de notre politique économique et financière ne se concentre que sur les enjeux macroéconomiques et sur la croissance du produit intérieur brut. Pas seulement, bien sûr, en raison des limites inhérentes à cet indicateur – vous en avez rappelé certaines et je n’y reviens pas. Mais aussi, et surtout, parce que la politique que nous menons, avec le soutien de la majorité dans toutes ses composantes, ne se limite pas à la seule croissance du PIB.

Au contraire, les objectifs que nous poursuivons ont des natures différentes, même si elles ont pour dénominateur commun de chercher à construire pour notre jeunesse un pays qui soit à la hauteur des espoirs que nous plaçons en elle.

Nous voulons un pays qui donnerait à chacun les moyens de trouver un emploi qui lui correspond. Ce n’est pas pour rien si nous finançons, dans le budget 2014, 100 000 nouveaux emplois d’avenir, 50 000 nouveaux contrats de génération et 380 000 nouveaux contrats aidés, si nous recréons des milliers de postes d’enseignant que le Gouvernement précédent avait supprimés, si nous avons créé le CICE, si nous construisons, avec les partenaires sociaux, les conditions nécessaires au renforcement de notre compétitivité, de la sécurisation de l’emploi, ou à la refondation de notre système de formation professionnelle.

Nous voulons un pays qui assurerait à chacun les conditions d’une qualité de vie durable, et ce, sur tous les plans, qu’il s’agisse de santé ou de préservation de l’environnement. C’est notamment le sens du débat sur la transition énergétique et de l’avancée historique que constitue la création, lors du dernier projet de loi de finances, d’une contribution climat énergie, ou encore de la baisse de la TVA sur la rénovation thermique, mais cela va bien au-delà puisque nous recréons des postes que le Gouvernement précédent avait supprimés dans bien des domaines.

Nous voulons aussi un pays qui mettrait la solidarité et la cohésion sociale au cœur de ses valeurs. C’est le sens, notamment, des mesures que nous prenons dans le cadre du plan dit « pauvreté », telles que la revalorisation du RSA, l’élargissement à deux millions de foyers supplémentaires du nombre de bénéficiaires du tarif social de l’énergie, ou encore le financement de l’hébergement d’urgence.

Enfin, nous voulons un pays qui n’imposerait pas à chacun de ses enfants venant au monde le poids d’une dette démesurée, héritée de ceux qui l’ont précédé. C’est le sens de notre effort de rétablissement des finances publiques.

Comme vous le voyez, les dispositions que nous adoptons témoignent de notre détermination à intégrer l’écologie à la croissance, à promouvoir un développement durable, à concilier le bien-être social et les impératifs de développement de notre économie. C’est pourquoi le Gouvernement ne peut que souscrire à votre souhait, qui est aussi celui de nombreux autres députés, tels que Serge Bardy, Jean Launay, sans, bien sûr, oublier le président Chanteguet, d’accorder une place plus grande aux indicateurs de richesse.

La réflexion, ancienne sur ces sujets, a connu une amplification dans notre pays avec les travaux de la commission Fitoussi. Le système de la statistique publique a commencé à en tirer les conséquences, puisque l’Insee publie chaque année, dans son rapport sur l’économie française, un tableau de bord d’une quinzaine d’indicateurs de développement durable, qui sont issus de la stratégie nationale de développement durable et qui ont vocation à être approfondis dans le cadre de la stratégie nationale pour la transition écologique.

La réflexion doit évidemment se poursuivre sur la définition des indicateurs, en tenant compte d’une double exigence : la parcimonie, pour en assurer la visibilité, et la transparence, pour en assurer l’adhésion. Ces deux objectifs de parcimonie et de transparence sont parfois difficiles à concilier, et cela nous renvoie au débat sur les avantages et les inconvénients de deux options : l’option des indicateurs synthétiques, qui ont un fort pouvoir de communication, mais dont l’évolution globale est difficilement interprétable et qui peuvent parfois être considérés comme des « boîtes noires » ; l’option de la batterie d’indicateurs, qui n’a pas la même force en communication, mais qui est plus transparente, statistiquement plus robuste, et plus opérationnelle pour la prise de décision. Une des conclusions du rapport Stiglitz était qu’aucune de ces deux options n’était réellement satisfaisante et qu’il fallait sans doute viser une solution intermédiaire, comme un petit tableau de bord de quelques indicateurs.

Ces indicateurs existent, ils sont disponibles et sont publiés par la statistique publique. Il faut, bien sûr, continuer la réflexion les concernant, qu’ils soient synthétiques ou non, même si l’enjeu est aujourd’hui de les rendre plus visibles, car c’est bien la visibilité davantage que la disponibilité qui est ici en question. C’est ce qui me conduit à la deuxième question que pose cette proposition de loi.

Le second débat, en effet, c’est celui de l’information du Parlement. L’initiative émanant du groupe écologiste s’inscrit pleinement dans la conception que nous nous faisons de la transparence et du haut niveau d’information qui doit présider aux relations entre le gouvernement et le Parlement. À ce titre, avec Pierre Moscovici, nous avons écrit aux présidents des deux assemblées pour engager ensemble une réflexion sur la liste des documents budgétaires, leur présentation et leur contenu.

En effet – et l’analyse des rapports spéciaux produits par les assemblées en témoigne –, alors que certains documents tels que la justification au premier euro sont particulièrement utilisés dans le cadre de l’examen parlementaire des lois de finances, beaucoup d’autres documents ne sont aujourd’hui que très peu utilisés, quand ils ne sont pas tout simplement ignorés. C’est pourquoi nous avons sollicité les deux assemblées, qui ont répondu favorablement à cette sollicitation, ce dont je veux ici les remercier et ce qui va nous permettre d’entamer dès les prochaines semaines un travail commun que j’espère très fructueux.

Ce travail portera sur la question de la dématérialisation des documents budgétaires pour rendre l’information plus immédiatement accessible et plus dense qualitativement et quantitativement, car cela doit être la perspective que nous nous fixons.

Il portera également, mais pas seulement, sur la possibilité de ne transmettre au Parlement que des documents qui lui soient véritablement utiles. Ce travail de réflexion sur ce qui manque et sur ce qui excède conduira peut-être, par quelques élagages bienvenus dans la forêt des documents budgétaires, à apporter aux informations utiles – comme celles dont il est aujourd’hui question – la lumière qu’elles méritent.

Le troisième débat, enfin, est celui de la méthode. Le Gouvernement partage, je l’ai dit, l’objectif du groupe écologiste de rendre plus visibles d’autres indicateurs de richesse que le produit intérieur brut. L’objectif étant clair, il nous incombe désormais de trouver les moyens d’y parvenir.

Montesquieu nous invitait déjà à ne toucher aux lois « que d’une main tremblante », prouvant d’ailleurs combien le besoin de stabilité juridique est ancien, et pas seulement en matière fiscale. Je serais tenté d’ajouter « et aux lois organiques d’une main plus tremblante encore ». En effet, le choix d’utiliser une loi organique pour atteindre l’objectif qui nous est commun me paraît soulever des objections de deux ordres.

Sur le plan constitutionnel, d’abord, il n’est en effet pas évident que la loi organique puisse contenir des dispositions du type de celles qui nous occupent. Dans sa décision sur la LOLF, le Conseil constitutionnel a considéré qu’en vertu du dix-huitième alinéa de l’article 34 de la Constitution, les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ; que le constituant a ainsi habilité la loi organique à prévoir, d’une part, les modalités selon lesquelles les recettes et les charges budgétaires ainsi que les autres ressources et charges de l’État sont évaluées et autorisées par les lois de finances, et d’autre part, les dispositions inséparables de ladite autorisation.

Le Conseil constitutionnel pourrait donc décider d’écarter des dispositions dont on n’aurait pas démontré le caractère inséparable du champ normal de la LOLF. Je mesure la difficulté de l’exégèse constitutionnelle, et je me bornerai donc à n’évoquer ici qu’un risque et non pas une certitude de censure. Néanmoins, nous ne sommes pas tenus collectivement de courir tous les risques qui se présentent à nous.

Sur le plan de la méthode, ensuite, la LOLF fixe le cadre dans lequel s’inscrivent nos lois de finances. Cela n’a donc évidemment rien d’anodin et la stabilité, j’y reviens, doit requérir toute notre attention. Est-ce à dire pour autant que la stabilité est l’immuabilité ? Assurément non. Le colloque qui s’est tenu à l’occasion des dix ans de la LOLF a d’ailleurs permis à certaines voix, parfaitement au fait de ces questions, de faire entendre des arguments loin d’être mal fondés en faveur d’un réexamen de ces textes.

Mais l’importance de ces textes requiert le respect d’au moins deux conditions. D’une part, il est indispensable de conserver une vision d’ensemble de ces textes, afin d’en garantir l’équilibre et la cohérence. D’autre part, il apparaît absolument nécessaire de ne pas mener de réforme qui n’aurait été précédée de travaux préparatoires à la hauteur des enjeux – je vous renvoie sur ce point, s’agissant tant de leur durée que de leur caractère œcuménique, à ceux qui ont précédé l’élaboration de la LOLF elle-même. C’est pourquoi le Gouvernement ne pourrait pas être favorable à une modification de la loi organique dans les conditions qui sont celles proposées aujourd’hui.

La conclusion à tirer de cette dernière observation serait probablement décevante au regard des objectifs que nous partageons s’il n’apparaissait pas possible de procéder autrement pour atteindre ces mêmes objectifs.

En effet, il semble à Pierre Moscovici et à moi-même que l’objectif que vous poursuivez pourrait parfaitement et complètement être atteint par une loi ordinaire. Aussi, madame la rapporteure, je voudrais vous faire une proposition concrète.

Si vous en étiez d’accord, le groupe écologiste pourrait, avec l’appui du Gouvernement, élaborer une proposition de loi ordinaire, dont l’objet serait le même que celui de la proposition de loi organique dont nous débattons ce soir, et prévoirait notamment les conditions dans lesquelles pourrait être analysée et discutée l’évolution d’indicateurs de qualité de vie et de développement durable, ainsi que l’évaluation de certaines réformes à l’aune de ces indicateurs.

Dès lors que nous serions d’accord sur son contenu, le Gouvernement créerait les conditions de sa discussion avant la fin du premier semestre de cette année à l’Assemblée, et pourrait même, le cas échéant, anticiper l’application de celle-ci dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2015. Dans ces conditions, le groupe écologiste pourrait retirer dès à présent sa proposition de loi organique sans que le débat que nous avons ce soir n’ait été infructueux, puisqu’il permettrait de commencer immédiatement à travailler ensemble pour assurer enfin une meilleure prise en compte des différents indicateurs de richesse.

Convaincu que nous pouvons cheminer positivement ensemble sur les sujets que vous avez bien voulu, madame la rapporteure, porter au débat, je voudrais vous remercier pour cette initiative et vous dire à quel point elle recoupe un très grand nombre des préoccupations du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, chers collègues, le produit intérieur brut constitue depuis plus de soixante ans l’agrégat principal de la comptabilité nationale française. La dette, le déficit et la balance commerciale sont calculés en pourcentage de produit intérieur brut ou PIB. Nos budgets annuels sont construits sur une hypothèse de croissance du PIB et nos engagements vis-à-vis de l’Union européenne sont aussi évalués en fonction de cet indicateur.

La proposition de loi dont nous débattons n’a pas vocation à remettre en cause son utilité mais cherche simplement à en relativiser la portée et à contester sa position quasi-exclusive, en tout cas hégémonique, dans l’évaluation des politiques publiques. Le PIB est un indicateur global qui calcule les richesses créées sur un territoire donné au cours d’un exercice annuel. À ce titre, il comporte des informations relatives à l’activité, aux revenus, aux impôts et aux bénéfices. En revanche, il ne nous dit pas grand-chose de l’impact de nos activités sur notre capital humain et environnemental.

Ainsi, la mesure du produit intérieur brut est par exemple indifférente à la répartition des richesses comptabilisées. La croissance du PIB a récemment été concomitante d’une croissance des inégalités. Par ailleurs, le PIB fait totalement abstraction des activités non monétaires qui sont pourtant partie prenante de notre vie en société et de notre économie et peuvent même avoir un impact majeur sur notre niveau de vie, comme les services publics gratuits, le bénévolat associatif ou le travail domestique.

En outre, notre produit intérieur brut n’intègre aucune donnée environnementale comme la dégradation du capital naturel ou l’évolution de nos ressources. Enfin, le PIB est un indicateur de valeur ajoutée qui comptabilise les activités dites « réparatrices » ou « défensives » et peut à ce titre contenir des données faussées. On en trouve de nombreux exemples. Ainsi, les accidents de la route peuvent paradoxalement contribuer à la croissance du PIB, tout comme la consommation de tabac – au détriment pourtant de la santé de nos concitoyens.

L’enjeu de la présente proposition de loi est donc de faire évoluer nos grilles de lecture et d’analyse pour que l’élaboration des politiques publiques, de la prospective à l’évaluation et au contrôle, prenne davantage en compte les critères sociaux et environnementaux. Depuis le début des années 1980, plusieurs économistes ont proposé des indicateurs alternatifs, dont l’indice de développement humain que publie le Programme des Nations unies pour le développement et l’indice de santé sociale qui intègre les chiffres du chômage, des inégalités, de l’insécurité ou de la santé et est d’ores et déjà appliqué au Canada et dans l’État américain du Connecticut avec des résultats encourageants.

En France, après la publication du rapport Stiglitz-Fitoussi de 2009, l’INSEE a produit plusieurs documents sur les inégalités de ressources et le commissariat général au développement durable a multiplié les études intégrant l’empreinte carbone et l’empreinte eau. Toutefois, la prise en compte des aspects sociaux et environnementaux de nos politiques à portée financière demeure marginale, car les indicateurs échappent à nos grilles d’évaluation et de performance.

Convaincu que la démocratisation de tels outils de mesure relève d’un choix politique, le groupe écologiste souhaite mettre en place, par le biais d’une proposition de loi rédigée par Eva Sas, un dispositif fondé sur deux préalables : la mise à disposition d’indicateurs synthétiques comme l’indice de santé sociale ou l’empreinte écologique, d’une part, et, d’autre part, un effort de communication au sujet de ces indicateurs à la hauteur de celle qui est déployée pour le PIB, c’est-à-dire intégrée dans les lois de finances, document normatif qui fixe le cadre budgétaire de nos politiques publiques.

Au cours de la phase de discussion préalable à l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi, le Gouvernement s’est montré favorable au principe d’une intégration de nouveaux indicateurs de richesse dans nos modèles d’évaluation des politiques publiques. En revanche, monsieur le ministre du budget, vous avez soulevé la question de l’opportunité de modifier la loi organique relative aux lois de finance ou LOLF, qui constitue en effet le vecteur législatif que nous avons choisi. Bien entendu, nous prenons en compte cette interrogation, ainsi que la proposition de travailler sur la base d’une loi ordinaire que vous venez de formuler, dans le même état d’esprit et avec les mêmes objectifs.

Ce qui importe au groupe écologiste, c’est que l’on fasse évoluer notre lecture macroéconomique des politiques publiques. C’est pourquoi nous souhaitons que le travail que vous proposez se poursuive à l’issue de cette séance qui aura permis de lancer le débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la notion de PIB concentre les critiques depuis longtemps en matière de mesure de l’évolution du bien-être et de la croissance soutenable d’un pays. James Tobin, que nous apprécions par ailleurs pour l’idée de taxe des transactions financières qu’il a promue, a construit en 1972 un indicateur de bien-être économique durable. Il s’agissait d’une démarche expérimentale démontrant que les conventions comptables ne sont pas immuables et peuvent évoluer avec notre conception de la richesse. Plus tard, en 1990, le PNUD, cité par François de Rugy à l’instant, conférait aux trois dimensions qui entrent dans la construction de l’indice de développement humain une importance égale : le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat, l’espérance de vie et le niveau d’instruction.

En France, plusieurs chercheurs ont engagé au début des années 2000 des travaux sur la définition de la richesse, appelant de leurs vœux la définition de nouveaux indicateurs de richesse composites à même d’évaluer le bien-être humain. Tous ces travaux ont trouvé un débouché international dans le cadre de l’OCDE qui a promu en 2007 l’initiative « Mesurer et favoriser le progrès des sociétés » selon laquelle il est nécessaire de mesurer dans chaque pays le progrès des sociétés par-delà les indicateurs économiques habituels comme le PIB par habitant. Plus récemment encore et sur la base d’un tel constat d’insuffisance, la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi a remis en septembre 2009 un rapport sur la mesure du PIB, la qualité de vie, le développement durable et l’environnement. Il était d’autant plus d’actualité qu’entre le moment où la commission Stiglitz a engagé ses travaux et celui de leur achèvement, le contexte économique a radicalement changé.

Les excès de la crise financière ont démontré d’eux-mêmes la nécessité d’indicateurs statistiques nouveaux. En effet, comment considérer que les performances de croissance apparemment brillantes de l’économie mondiale entre 2004 et 2007 étaient obtenues au détriment de la croissance à venir ? Comment ne pas être d’accord avec le constat qu’elles tenaient en partie au mirage de profits reposant sur des prix dont la hausse était due à une bulle spéculative ? À tout le moins, l’euphorie suscitée par les performances économiques antérieures à la crise aurait été moindre si l’on avait été davantage conscient des limites de la mesure classique qu’est le PIB. Des outils de mesure intégrant des évaluations de la soutenabilité, comme l’endettement privé croissant, nous auraient donné une vision plus prudente des performances.

Il n’est donc pas étonnant que l’inclusion du développement durable dans les politiques publiques débouche sur la définition d’indicateurs de soutenabilité. Sans imiter le Bhoutan dont les lois incluent le concept de bonheur national brut, il me semble nécessaire – et cet avis est largement partagé sur les bancs du groupe SRC – de déplacer le centre de gravité de la mesure statistique. C’est la raison pour laquelle nous saluons le travail mené par notre collègue Serge Bardy dans le cadre d’un groupe ad hoc et les nombreuses auditions qu’il a menées pour faire avancer le sujet. C’est également la raison pour laquelle nous saluons les travaux pionniers menés dans plusieurs régions, en particulier en Midi-Pyrénées, qui ont permis d’élaborer un tableau de bord partagé de vingt-deux indicateurs de contexte de développement durable. De même, les agendas 21 mis en place dans les régions, en Midi-Pyrénées spécialement, ont été accompagnés d’indicateurs de suivi de l’action régionale en matière de développement durable.

C’est donc mécaniquement la raison pour laquelle nous saluons le texte présenté aujourd’hui par notre collègue Eva Sas et les membres du groupe écologiste. La présente proposition de loi s’appuie sur la partie la plus consensuelle du rapport de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi et son exposé des motifs résume les trois principales critiques que l’on peut adresser au PIB – Eva Sas les a énumérées, je n’y reviens pas. En fin de compte, le PIB est un indicateur de court terme qui ne dit rien de la soutenabilité de notre modèle de développement. Soucieux de définir quatre indicateurs de développement complémentaire dans la rédaction initiale de la proposition de loi, nos collègues souhaitaient également les intégrer en utilisant la période budgétaire et les documents budgétaires. Ainsi, l’indice d’espérance de vie en bonne santé, l’indicateur de santé sociale, l’empreinte écologique et les émissions de dioxyde de carbone et autres gaz à effet de serre auraient été intégrés.

Le débat en commission a amené notre collègue rapporteure à amender la proposition initiale pour introduire une présentation globale des réformes prévues par le projet de loi de finances et les projets de loi de financement de la Sécurité sociale de l’année au regard d’indicateurs de richesse alternatifs au PIB afin de rendre compte de la qualité de vie et de la soutenabilité de notre modèle de croissance. Dès lors, l’exposé des motifs du projet de loi de finances intégrerait une telle présentation afin d’en assurer la lisibilité politique, le détail des indicateurs étant alors livré par le rapport économique, social et financier prévu par l’article 50 de la LOLF. Au fond, rien ne nous dérange dans la proposition de loi, hormis la forme, ce qui m’aurait amené à défendre une motion de renvoi en commission.

Votre proposition de loi, chère collègue Eva Sas, est organique et touche donc à la LOLF que le Gouvernement ne souhaite pas voir modifiée par touches successives et partielles. Depuis l’examen en commission, nos échanges et ceux que vous avez eus avec le Gouvernement vous ont permis de trouver une méthode et un calendrier nouveaux. Je m’en félicite, car les objectifs de fond sont partagés et méritent de trouver un aboutissement concret dans la lecture par l’opinion publique de nos politiques économiques et sociales.

Mme Barbara Romagnan. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe écologiste nous propose un débat sur un sujet vraiment intéressant, celui de la meilleure prise en compte des réalités sociale, environnementale et écologique dans le calcul de nos hypothèses de croissance et nos performances économiques. L’idée d’entamer une réflexion sur nos indicateurs économiques, en rappelant que l’évaluation synthétique des politiques publiques se base quasi-exclusivement sur une hypothèse de croissance du PIB et en distinguant d’une part le bien-être présent et d’autre part sa soutenabilité, est en effet très intéressante. Mais le texte qui nous est proposé semble tourner un peu court et imposer une issue sans doute simplifiée à un débat complexe.

La proposition de loi part du principe qu’un certain nombre de reproches peuvent être adressés au PIB qui, en tant qu’indicateur principal, ne peut appréhender la répartition des nouvelles richesses créées et donc les inégalités. Ces limites sont bien connues. Indicateur global, il est incapable d’expliquer l’accroissement concomitant des inégalités et de la richesse. Indicateur de valeur ajoutée, il ignore les aspects négatifs d’une catastrophe naturelle en effet susceptible de créer de la richesse. Indicateur quantitatif, il ne tient pas compte de la qualité de la richesse produite. Indicateur de court terme, il ne tient pas compte de l’environnement, du bien-être des populations et de l’évolution des ressources.

Par ailleurs, le PIB ne tient pas compte de l’économie informelle, qu’il s’agisse du bénévolat ou des services domestiques, par exemple. Ces idées se fondent sur les théories d’économie du bien-être et visent à promouvoir de nouveaux indicateurs de richesse alternatifs, mis en lumière par plusieurs économistes ces dernières années, et très prisés dans le milieu associatif. Chacun est aujourd’hui conscient des limites et des contradictions du PIB en tant qu’indicateur de mesure principal de la richesse, tant dans ses hypothèses que dans la manière dont il est construit. Cet indicateur central qui irrigue l’ensemble de nos réflexions impose une vision beaucoup trop quantitative de l’activité économique.

Pour autant, malgré la pertinence des critiques émises tant par les économistes que par les sociologues, le PIB reste un indicateur partagé au niveau mondial. Nombre d’engagements internationaux – notamment européens – de notre pays, tels ceux issus du traité de Maastricht, sont fondés sur la reconnaissance de cette variable. Aussi la France ne peut-elle se permettre, à mon avis, d’être le seul pays d’Europe à modifier la manière de calculer sa richesse. Si l’objectif est louable, il n’en reste pas moins que des réalités économiques s’imposent. La mise en place de critères parfois subjectifs dans la constitution des hypothèses macroéconomiques dans les lois de finances ne risque-t-elle pas de nuire au respect objectif des engagements de la France vis-à-vis de ses partenaires européens, et bien sûr vis-à-vis des Français ?

Modifier ainsi la loi de programmation nous placerait sans aucun doute en difficulté face aux exigences de la Commission européenne et de la zone euro. De tels indicateurs ne peuvent avoir de sens que s’ils sont pris à l’échelle européenne, a minima. La réflexion sur une meilleure appréciation de nos indicateurs économiques, sur une meilleure prise en compte des critères qualitatifs, doit être menée en concertation avec nos partenaires, et pas dans une nouvelle chevauchée fantastique en solitaire où nous définirions nos propres critères dans la loi de programmation, sans tenir compte de nos obligations européennes ni de la gravité de la situation économique – étant précisé que toutes nos obligations font référence au PIB.

Il est un peu facile, finalement, d’inventer de nouveaux thermomètres pour tenter de convaincre d’une meilleure santé de la France. Ce n’est pas parce que le Gouvernement prend du retard sur le redressement de nos comptes publics qu’il faut tenter de changer les règles ou d’en rajouter d’autres pour mieux parvenir, ou parvenir différemment, à nos fins. De plus, certains indicateurs que vous proposez reposent sur des éléments sinon subjectifs, du moins qualitatifs, ce qui semble difficilement compatible avec la précision nécessaire en matière de calcul économique et de prévision, en particulier dans le cadre d’une loi organique qui touche à l’organisation de notre budget. Si l’une des limites du PIB vient justement du fait qu’il impose une vision beaucoup trop quantitative de l’activité économique, il semble que la mise en œuvre des indicateurs alternatifs que vous mentionnez risque de revenir à les transformer également en indicateurs quantitatifs pour pouvoir être utilisables en données économiques. Dès lors, ne perdraient-ils pas une partie du sens que vous souhaiteriez justement leur donner ?

La définition de ces indicateurs qui, selon les théories, les concepts et les pays, peut varier, n’apparaît pas suffisamment précise. En dépit de ses défauts, la définition du PIB est claire et communément admise à l’échelle européenne et internationale. Ce n’est pas le cas, pour l’instant de ces indicateurs. Mes chers collègues, nous nous précipiterions quelque peu à introduire ces nouveaux concepts dans la loi organique, alors que leur définition n’est ni finalisée, ni communément partagée. Il est bon qu’un indicateur puisse également servir à établir des comparaisons avec les autres pays.

Le débat lancé par cette proposition de loi est très intéressant et mérite d’être poursuivi. Aussi, notre assemblée gagnerait à encourager le Gouvernement à engager, au nom de la France, un débat au niveau européen sur ce sujet. Cependant, pour toutes les raisons évoquées, le groupe UMP préfère que nous nous concentrions aujourd’hui sur la meilleure façon pour la France d’atteindre enfin les objectifs économiques qu’elle s’est fixés, et s’opposera donc à l’adoption de cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une grande émotion que je monte ce soir à la tribune pour évoquer un sujet aussi grave et aussi important que l’est celui des nouveaux indicateurs de richesse. Ce sujet figure dans le paysage de la recherche scientifique mondiale depuis une trentaine d’années sans qu’au fond, personne ne le sache. Je voudrais donc remercier le groupe écologiste d’avoir pris l’initiative de poser cette question devant la représentation nationale en des termes simples, puisque seulement quatre indicateurs sont retenus dans la proposition de loi qui nous est soumise, à savoir l’indice d’espérance de vie en bonne santé – une notion magnifique, et relativement récente –, l’indicateur de santé sociale – pas forcément facile à définir –, l’empreinte écologique – dont on commence à cerner les contours – et les émissions de dioxyde de carbone et autres gaz à effet de serre.

La proposition de loi prévoit également que l’exposé des motifs du projet de loi de finances de l’année présente une estimation des incidences de l’exercice de l’année, ainsi que les incidences des trois exercices précédents sur chacun des quatre indicateurs précédemment mentionnés – en quelque sorte à la manière d’un plan quadriennal glissant. Pour la scientifique que je suis, il est tout à fait séduisant de raisonner ainsi. Jusqu’à présent, on se contentait d’hésiter entre les deux concepts de croissance et de décroissance en ne prenant pour référence que la notion de PIB – qui, au demeurant, ne mesure pas toujours la même chose selon qu’il tient compte ou non de l’inflation.

C’est, en fait, le monde entier qui, sur le plan intellectuel et économique, fonctionne en se référant au PIB, alors que chacun voit bien que les populations souffrent, que ce soit dans les pays développés, dans l’OCDE, en Europe et en France, mais aussi, bien sûr, dans les pays en voie de développement qui souffrent encore de contradictions internes, ainsi que dans les pays les plus pauvres, dont la richesse commence tout juste à augmenter.

Pour autant, la question de la prise en compte de nouveaux indicateurs de richesse est essentielle. En 2002, au sommet de Johannesburg, on a vu apparaître un grand nombre de tableaux, de fiches et de plaquettes mettant en évidence de nouveaux indicateurs basés sur la notion d’économie du développement et de trajectoire de développement. Si les critères permettant de qualifier ce qu’est le développement n’étaient pas stabilisés lors d’un sommet international datant d’une quinzaine d’années, ils ne le sont toujours pas. Nous avons aujourd’hui les objectifs du millénaire définis par le PNUD, mais aussi d’autres indicateurs de développement fournis par la Banque mondiale, au nombre de 331, et les indicateurs de développement humain, qui datent des années 1990. Comme on le voit, la question des indicateurs est sur la table, où elle est posée en termes scientifiques.

Une universitaire américaine, Elinor Ostrom, la première femme à recevoir, en 2009, ce qu’il est convenu d’appeler le « prix Nobel » d’économie, a beaucoup travaillé sur la gouvernance des biens communs, qu’elle fut la première scientifique à évoquer dans les années 1990 – et elle fut d’ailleurs longtemps la seule à le faire. Elle faisait des biens communs un indicateur à l’échelle d’une société humaine, c’est-à-dire d’un ensemble de personnes susceptibles de se croiser sur un territoire donné. Le grand intérêt de cet indicateur, c’est qu’il était à l’échelle de la vie des gens et des systèmes institutionnels locaux, de ceux qui nous gouvernent.

Toujours dans les années 1990, Joseph Stiglitz, un peu plus jeune que Mme Ostrom, a pour sa part développé la notion d’asymétrie en matière d’économie du développement – asymétrie entre ceux qui savent, ceux qui sont au pouvoir ou disposent des moyens financiers les plus importants, et ceux qui ne savent pas, pas encore ou pas assez. La notion d’asymétrie était un formidable outil, mais conçu à une telle échelle qu’il n’a pas encore pleinement produit sa performance économique en tant qu’outil de travail. Néanmoins, comme vient de le faire Jean Launay avant moi, je salue le travail accompli dans le cadre de la commission mise en place en 2009, qui a permis de rendre visible ce qui était jusqu’alors invisible dans le monde scientifique.

Ces deux scientifiques de très grande envergure ont largement contribué à jeter les bases d’un nouvel indicateur de développement fondé sur la mesure du bien-être de la population et la notion de bien public. Comme vous le voyez, entre bien commun et bien public, il y a un océan. Entre bien-être et production, il y a de grandes rivières, et surtout un grand fleuve qui doit nous conduire à la mer. M. le ministre a bien souligné, tout à l’heure, qu’il y avait encore à travailler pour définir quels pourraient être les indicateurs sur lesquels fonder la mesure de la valeur profonde de l’économie française, celle qui va rendre, non pas plus riche, mais moins pauvre, plus confortable, plus aisé, plus cultivé, plus à l’aise, plus apte non au bonheur, comme l’a fait le Bhoutan, mais à la vie commune, sans trop de souffrances ni de frottements, avec une certaine aisance.

C’est une belle idée que le groupe écologiste a lancée en formulant ce projet de recourir à de nouveaux indicateurs, une idée intéressante et essentielle, mais qui nécessite d’être approfondie. Je pense, monsieur le ministre, que nous aurons l’occasion de nous revoir pour évoquer à nouveau ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Eva Sas, rapporteure. Je veux remercier les orateurs pour l’intérêt qu’ils ont témoigné à la démarche accomplie par les auteurs de cette proposition de loi.

Je rappelle à Mme de La Raudière qu’il ne s’agit en aucun cas de supprimer le PIB, et encore moins nos obligations vis-à-vis de l’Union européenne. Au demeurant, les indicateurs que nous avons proposés ne sont pas des indicateurs subjectifs, contrairement à ce que vous avez laissé entendre, mais bien des indicateurs quantitatifs et objectifs, qui nous permettraient de suivre, en même temps que le PIB, la réduction des inégalités ou le taux de pauvreté – qui n’est pas, à mon sens, un indicateur subjectif.

Je remercie Jean Launay pour son soutien à notre démarche, et pour avoir souligné le rôle joué par l’absence de ces indicateurs dans le déroulement de la crise que nous traversons. Si des indicateurs de soutenabilité avaient été mis en place, je pense que l’appréciation de cette crise aurait été différente.

Je remercie Mme Le Dain d’avoir souligné l’importance des nouveaux indicateurs au niveau international, et d’avoir élargi son propos à la question des biens communs et de l’économie du développement.

J’ai bien entendu – par votre voix, monsieur le ministre – les engagements du Gouvernement. Vous avez évoqué le soutien à une proposition de loi qui serait débattue lors du premier semestre 2014 sur la mise en place de nouveaux indicateurs de richesse et sur l’évaluation des principales réformes du Gouvernement à l’aune de ces indicateurs.

J’ai également pris acte de votre accord quant au fait que la publication des nouveaux indicateurs pourrait être réalisée à un moment clé de la vie politique française, à savoir la présentation du projet de loi de finances. J’ai noté, enfin, votre proposition de mettre en place une expérimentation de l’évaluation à laquelle il pourrait être procédé au regard des nouveaux indicateurs de richesse, ce qui pourrait être fait dès la présentation du projet de loi de finances pour 2015.

Ce sont des engagements forts, qui constituent de véritables avancées. Tenant compte du fait que vous êtes d’accord sur le fond et sur l’objet de cette loi – le seul point de désaccord de votre part avec le groupe écologiste portant sur le fait qu’il s’agisse d’une loi organique, non adaptée de votre point de vue –, je vais, au nom du groupe écologiste, retirer cette proposition de loi, les engagements que vous avez pris devant la représentation nationale nous semblant de nature à permettre de vraies avancées dès le premier semestre 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Application de l’article 84, alinéa 2, du règlement

M. le président. Il est donc pris acte du retrait de la proposition de loi par ses auteurs, en application de l’article 84, alinéa 2, du règlement.

En conséquence, il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion.

(La discussion de la proposition de loi est interrompue.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron