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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 19 février 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Attractivité de la France

Mme Laure de La Raudière

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Lutte contre la fraude fiscale

M. Bruno Le Roux

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Situation en Ukraine

M. François Sauvadet

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Stratégie européenne en matière d’OGM

Mme Danielle Auroi

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Fiscalité communale

M. Sylvain Berrios

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique

Situation en Ukraine

M. Nicolas Bays

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Éducation nationale

M. Nicolas Sansu

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Redécoupage cantonal

M. Dominique Bussereau

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Filière des semi-conducteurs

M. Jean-David Ciot

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif

Apprentissage

M. Claude Sturni

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement

Avenir du laboratoire BMS-UPSA

Mme Lucette Lousteau

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Relations entre la France et les États-Unis

M. Jacques Myard

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Année de l’engagement associatif

M. Pierre Aylagas

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

Réforme des rythmes scolaires

M. Paul Salen

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Aménagement numérique des outre-mer

M. Ary Chalus

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique

2. Accès au logement et urbanisme rénové (CMP)

Explications de vote

Mme Michèle Bonneton

Présidence de M. Denis Baupin

M. Jacques Krabal

M. André Chassaigne

Mme Jacqueline Maquet

M. Jean-Marie Tetart

M. Michel Piron

Vote sur l’ensemble

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Suspension et reprise de la séance

3. Comptes bancaires inactifs et contrats d’assurance-vie en déshérence

Présentation

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Discussion générale

M. Nicolas Sansu

M. Dominique Lefebvre

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Charles de Courson

M. Éric Alauzet

Présidence de Mme Laurence Dumont

M. Thierry Braillard

Mme Monique Rabin

M. Dominique Tian

M. Laurent Grandguillaume

M. Christian Eckert, rapporteur

Discussion des articles

Article 1er

M. Frédéric Lefebvre

M. Pierre-Alain Muet

M. Benoît Hamon, ministre délégué

Amendements nos 2 , 11 , 10 rectifié , 3 , 12 , 53 , 4 , 13 , 28 , 5 , 14 , 17 rectifié , 31 , 18 rectifié , 29 rectifié , 30 , 7 , 21 , 20 , 19 , 32 , 8 , 6 rectifié , 22 rectifié et 23

Article 2

Article 3

Article 4

Mme Marietta Karamanli

Amendements nos 25 , 34 , 54 rectifié , 24 , 9 , 58 et 59 (sous-amendements) , 26 , 35 , 33 , 38 , 51 , 57 , 37 rectifié , 27

Article 5

Amendements nos 36 , 39 , 50 et 56 , 40 rectifié

Article 6

Amendements nos 41 , 42

Article 7

Article 7 bis

Amendements nos 48 , 55 rectifié

Articles 7 ter à 11

Article 12

Amendements nos 43 , 44 , 49

Après l’article 12

Amendement no 52 rectifié

Article 13

Vote sur l’ensemble

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

M. le président. Chers collègues, je vous informe que nous procéderons au vote solennel sur le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové immédiatement après les questions au Gouvernement, sans suspendre la séance.

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Attractivité de la France

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement vient de révéler que l’investissement en France des entreprises étrangères a chuté en 2013 non pas de 10 % ni même de 20 % mais de 77 % ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Un député du groupe UMP. Incroyable !

Mme Laure de La Raudière. Cet état de fait est la conséquence directe de votre politique, celle-là même que vous avez choisi de conduire depuis près de deux ans, c’est-à-dire depuis l’élection de François Hollande. Elle est profondément hostile au développement économique et donc à l’emploi. En effet, moins d’investissements étrangers en France, cela signifie moins d’emplois dans nos territoires pour les Français et davantage de chômage. Aux yeux des investisseurs étrangers, le Président de la République est l’homme dont la finance est l’ennemie, l’homme de la taxe à 75 %, des cinquante milliards d’euros de hausses d’impôts, de la hausse du coût du travail et de la hausse de la fiscalité sur la production !

M. Henri Jibrayel. Rien que ça ! Et vos 600 milliards ?

Mme Laure de La Raudière. Telle est l’image que vous avez choisi de donner, avec les résultats catastrophiques que nous connaissons. Agir pour l’attractivité de la France est une urgence absolue et ce ne sont pas les quelques mesurettes annoncées par le Président de la République ni la grande opération de séduction-communication à l’égard des chefs d’entreprise qui changeront la donne. N’entendez-vous pas les appels au secours de ces chefs de TPE et de PME qui se sont lancés dans une marche entre Niort et Paris pour alerter les élus ? Ils n’en peuvent plus de la charge administrative, réglementaire et fiscale dont ils subissent le poids !

Dès lors, où sont les actes ? J’ai trois questions précises à vous poser, monsieur le Premier ministre. Vous qui parlez de simplification, quand abrogerez-vous les textes de loi qui viennent compliquer la vie des entreprises, comme par exemple le texte relatif au logement ou celui renforçant l’encadrement des stages ? Vous qui parlez d’attractivité de la France, quand abrogerez-vous le texte de loi relatif à l’économie réelle, véritable repoussoir pour les investisseurs étrangers ? Vous qui parlez de baisse des charges sociales pour diminuer le coût du travail, quand ferez-vous voter une loi de finances rectificative sur le sujet ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Je regrette, madame la députée, en raison de l’estime que je vous porte, que votre question soit aussi caricaturale, l’exposé des faits en particulier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En effet, au lieu de citer les chiffres de la CNUCED, dont vous n’ignorez pas qu’ils prennent en compte l’ensemble des investissements, financiers, vous auriez mieux fait de citer ceux de notre propre agence, l’AFII, qui prennent en compte les investissements effectifs, physiques et créateurs d’emplois. Vous auriez alors découvert que le nombre de décisions d’investissement en France par des étrangers est resté constant de 2012 à 2013 et s’élève à 685. En outre, le nombre de créations d’emplois a crû de 26 000 à 30 000. Je le dis donc très clairement à la représentation nationale, la France est attractive !

M. Franck Gilard. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous savez aussi, madame la députée, que nous demeurons la première destination des investissements américains en Europe, et vous vous doutez bien qu’il ne s’agit pas de philanthropie. Si vous aviez été avec nous lundi, lors du conseil stratégique de l’attractivité… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Et comment donc ? Nous n’étions pas invités !

M. Pierre Moscovici, ministre. …vous auriez constaté à quel point les grandes entreprises mondiales présentes, représentant 850 milliards de dollars, trouvaient notre territoire attractif. Celles qui s’y trouvent y sont bien et la plupart veulent y rester. Au reste, ce que vous devriez surtout constater, c’est à quel point ce gouvernement dialogue avec les entreprises. C’est ce dont résulte le pacte de compétitivité.

M. Guy Geoffroy. Autant dire rien !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est aussi ce dont résultera la conclusion du pacte de responsabilité, qui sera un très grand compromis économique et social favorable à l’investissement et qui comportera en effet une action sur le coût du travail. Vous nous demandez in fine si nous comptons abroger la loi sur l’économie réelle. Je me tourne vers la majorité pour déclarer que cette loi, qui est bénéfique pour les sites, les territoires et les salariés et qui aide à trouver un repreneur est une loi de progrès que bien évidemment nous conserverons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte contre la fraude fiscale

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Bruno Le Roux. Avant de poser ma question au ministre du budget, je voudrais dire la fierté de la majorité à légiférer sur la reprise des sites industriels, sur la directive relative aux travailleurs détachés, sur les contrats d’assurance-vie en déshérence et sur l’encadrement des stages en entreprise (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs du groupe UMP), bref, sur tous ces textes qui assurent aujourd’hui une meilleure sécurité pour les salariés, mais aussi pour les entreprises et les territoires de notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le ministre du budget, depuis 2012, en application de l’engagement 17 du Président de la République, notre majorité est engagée dans une lutte déterminée contre la fraude fiscale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



M. Daniel Fasquelle. À scooter ?

M. Bruno Le Roux. Ce combat est essentiel. Plus de soixante mesures ont été adoptées par le Parlement dans le cadre des lois de finances ou de la loi relative à la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière.

Plusieurs députés du groupe UMP. Vous avez le bonjour de Cahuzac !

M. Bruno Le Roux. Création du procureur de la République financier, institution du délit de fraude fiscale aggravée, recours aux pouvoirs spéciaux d’enquête, inversion de la charge de la preuve pour les transferts de bénéfices : toutes ces mesures fortes montrent la détermination du Gouvernement et de sa majorité à lutter contre toutes les formes de fraude fiscale. Demain, d’autres combats devront se poursuivre, notamment contre la fraude à la TVA ou contre l’optimisation et les abus de droit auxquels se prêtent quelques géants du numérique.

Mes chers collègues, nous refusons les méthodes employées par la majorité précédente, devenue l’opposition actuelle, qui – faut-il le rappeler ? – a proposé récemment une loi d’amnistie fiscale pour récompenser les évadés fiscaux d’avoir fraudé, dès lors qu’ils reviendraient dans la légalité ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP - « Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Roman. Scandaleux !

M. Bruno Le Roux. La circulaire publiée par le Gouvernement au mois de juin, qui invitait les titulaires de comptes à l’étranger à les déclarer, s’inscrit au contraire dans une logique qui refuse l’impunité.

Monsieur le ministre du budget, pouvez-vous nous donner des résultats concrets de la politique de fermeté républicaine que vous avez mise en place ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le président Le Roux, je vous remercie pour votre question qui me donne l’occasion de faire un point sur les dispositions que nous avons prises pour lutter contre la fraude fiscale (« Cahuzac ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez rappelé que, depuis la loi de finances rectificatives pour 2012, soixante mesures ont été prises par votre majorité pour lutter contre la fraude des entreprises et des particuliers.

Nous avons notamment mis en place un dispositif destiné à favoriser la régularisation de ceux qui ont des avoirs non déclarés à l’étranger (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et comme nous avons voulu que ce dispositif se mette en œuvre dans la plus grande transparence, qu’il ne supporte aucune dérogation à l’application du droit voté par la représentation nationale, j’ai souhaité rendre compte devant le Parlement du barème des peines et amendes qui s’appliqueront à ceux qui viennent régulariser leur situation, de manière que le Parlement puisse contrôler les conditions de cette régularisation.

Il a été rendu compte ce matin, devant la commission des finances de l’Assemblée nationale, des premiers résultats de cette stratégie. Ce sont 15 880 dossiers qui ont été déposés auprès de l’administration fiscale en vue d’une régularisation de la situation des personnes ayant des avoirs non déclarés à l’étranger, et près de 150 dossiers supplémentaires sont déposés chaque semaine auprès des services du fisc.

Sur les 15 880 dossiers reçus, nous en avons traité 240 pour un montant d’avoirs de 300 millions d’euros, ce qui a d’ores et déjà permis à l’État d’encaisser 70 millions d’euros d’impôts et d’amendes. Enfin, les 2 600 dossiers qui se trouvent complets ont permis d’encaisser 230 millions d’euros. Je précise que ce montant n’est pas représentatif de la totalité des sommes dues. En effet, pour les dossiers dont nous disposons, les avoirs déposés s’élèvent environ à un million d’euros. Si vous faites une règle de trois, vous vous rendez compte que c’est en milliards qu’il faut estimer la somme que nous allons récupérer sur les contribuables français en 2014 et 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation en Ukraine

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, vous me permettrez tout d’abord de regretter l’absence de M. le Premier ministre pour répondre aux questions de notre assemblée… (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais si, il est là ! C’est Bartolone !

M. Guy Geoffroy. Ah, ça grenouille, en face !

M. François Sauvadet. … un moment où la situation est particulièrement dramatique aux portes de l’Union européenne. Je parle, comme chacun l’aura compris, de ce qui se passe à Kiev et dans le reste de l’Ukraine, où l’on compte à l’heure actuelle 26 personnes tuées et des centaines de blessés – et le bilan s’alourdit d’heure en heure. Je veux tout d’abord, au nom du groupe UDI – mais sans doute notre sentiment est-il partagé par beaucoup – dénoncer l’usage qui est fait de la force, et délivrer un message de soutien et d’amitié aux Ukrainiens, qui subissent depuis de longs mois les assauts des forces de l’ordre. (Applaudissements sur tous les bancs.) Nous dénonçons – de façon unanime sur les bancs de notre assemblée, je crois pouvoir le dire – cette violence inacceptable, qui appelle de la part de notre pays, mais aussi de la communauté internationale, une condamnation ferme et sans équivoque.

Depuis le début de cette crise – je le dis sans esprit polémique –, nous sommes restés trop silencieux, en France, sur ce qui se passait à nos portes.

M. Pierre Lellouche. Pas silencieux : inexistants !

M. François Sauvadet. Nous devons interpeller l’Union européenne, qui s’est montrée partagée, divisée, et est restée sourde aux appels d’un peuple…

M. Pierre Lellouche. Scandaleux !

M. François Sauvadet. …qui lui tend pourtant la main et aspire à rejoindre la maison commune. Les députés du groupe UDI, profondément européens, sont particulièrement sensibles à cette absence de réponse.

Monsieur le ministre des affaires étrangères – puisque j’imagine que c’est vous qui, en l’absence du Premier ministre, allez me répondre –, il y a désormais urgence à ce que tous les acteurs s’expriment fortement et prennent des décisions rapides, car personne ne peut connaître l’issue de cette spirale de violence. Il faut désormais tout faire pour que ce pays ne sombre pas durablement dans la violence.

Le Gouvernement a annoncé des sanctions ciblées et personnelles contre les responsables de ces violences.

M. Pierre Lellouche. Il était temps !

M. François Sauvadet. Ces sanctions doivent aussi concerner leurs avoirs à l’étranger, car lesdits responsables devront rendre des comptes devant la communauté internationale. Mais nous devons aller plus loin. Ce que je demande, c’est que la France et l’Union européenne s’engagent pour permettre des élections libres, transparentes, afin que le peuple ukrainien puisse se choisir un destin et des dirigeants conformes à ses aspirations. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président Sauvadet, je commencerai par condamner, comme vous l’avez fait très justement, les violences inacceptables, gravissimes, qui ont eu lieu hier, cette nuit, et encore ce matin à Kiev.

M. Pierre Lellouche. Vous avez mis trois mois !

M. Laurent Fabius, ministre. On parle de plus de 25 morts et de centaines de blessés, de scènes d’émeutes et de guerre civile. Comme l’ont dit le Président de la République française et Mme Merkel, la chancelière allemande, de tels faits sont inadmissibles. Je me joins à vous pour dire la solidarité de la nation française à l’égard de tous les Ukrainiens. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Demain, à notre demande et à celle d’autres collègues, aura lieu à Bruxelles un conseil extraordinaire des ministres des Affaires étrangères, auquel je me rendrai. Le Président de la République a demandé que des sanctions ciblées et personnelles soient prises contre les responsables de ces exactions inadmissibles.



Parallèlement, nous avons fait en sorte que puisse s’engager ce qu’il faut bien appeler un dialogue – car il est nécessaire – entre le gouvernement ukrainien et l’opposition. C’est une tâche très difficile, mais il n’existe pas d’autre voie de sortie : il faudra bien que ce dialogue ait lieu, il faudra bien que le gouvernement change, il faudra bien qu’il y ait des élections. C’est la position de la France, et ne croyez pas que les choses soient faciles, car si notre cœur est évidemment du côté des Ukrainiens, qui luttent pour se rapprocher de l’Union européenne, chacun sait qu’une partie de l’Ukraine est profondément russophone et peut avoir d’autres aspirations.



Cependant, la tâche de l’Europe et de la France est bien de favoriser une solution pacifique, et croyez bien, monsieur Sauvadet, que nous y sommes engagés pleinement. Retenons l’idée de la condamnation des violences, du soutien de la population française aux Ukrainiens et de l’action pour sortir de la situation inadmissible qu’ils vivent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



M. Pierre Lellouche. Il est dommage que vous vous réveilliez si tard !

Stratégie européenne en matière d’OGM

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour le groupe écologiste.

Mme Danielle Auroi. Monsieur le président, chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Je veux tout d’abord saluer la détermination du Gouvernement, en France et au niveau européen, pour interdire la mise en culture de maïs OGM et ainsi prévenir les risques économiques, environnementaux et sanitaires que représentent ces cultures en plein champ.

Au Sénat, l’opposition, soutenue par quelques productivistes de la majorité, a choisi, avant-hier, de faire le jeu de Monsanto, Pioneer et autres multinationales, en ralentissant la décision du Gouvernement d’interdire le maïs Mon 810 à la veille des semis.

M. Christian Jacob. Très bien, le Sénat !

Mme Danielle Auroi. Cette véritable trahison, les paysans qui font vivre nos campagnes et nourrissent nos villes s’en souviendront ; les consommateurs aussi ; les citoyens également.

Car il s’agit bien là d’une question à la fois de santé publique et de démocratie. Les citoyens européens ne veulent pas d’OGM : il faut se le tenir pour dit !

Les députés de notre commission des affaires européennes, eux, ont bien compris ces enjeux, en soutenant les dix-neuf États, menés par la France, qui se sont prononcés contre le maïs TC 1507 de Pioneer.

Nous avons en effet, la semaine dernière, à l’unanimité, demandé à la Commission européenne de prendre en compte l’opposition qui s’est exprimée au Parlement européen et au Conseil concernant l’autorisation de cette mise en culture. En effet, la Commission n’est en rien obligée de délivrer cette autorisation.

Sur le sujet des OGM comme sur bien d’autres, elle devrait entendre les citoyens de l’Union, y compris pour la défense des préférences collectives dans ses négociations avec les États-Unis. À défaut, les risques deviendraient très élevés de nous voir imposer la nourriture OGM américaine ; nos collègues eurodéputés écologistes, comme nous-mêmes, souhaitons le rappeler.

Au-delà de l’interdiction sur laquelle vous vous êtes engagé, monsieur le Premier ministre, quelle est votre marge de manœuvre, au niveau européen, afin d’obtenir la révision des règles procédurales de l’Union en matière d’autorisation d’OGM ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. (« Et Martin ? » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le président, madame la députée, je veux d’abord excuser le Premier ministre, qui participe au sommet franco-allemand. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Pour vous répondre sur les OGM, je distinguerai deux temps différents. Il s’agit, en premier lieu, la fois des autorisations qui existent aujourd’hui, concernant le Monsanto 810, et de l’hypothétique autorisation qui serait donnée au fameux maïs Pioneer 1507. Compte tenu de cela, nous avons choisi de prendre, dans l’immédiat, une décision qui fixe des règles, tant par voie de proposition de loi que d’arrêté, pour éviter le recours aux OGM. Cette position, je le rappelle, est cohérente avec les décisions prises antérieurement par la France.

M. Bernard Roman. Eh oui !

M. Stéphane Le Foll, ministre. On peut d’ailleurs se demander pourquoi, il y a peu de temps, au Sénat, tant l’UDI de M. Jean-Louis Borloo que l’UMP ont changé d’avis par rapport aux positions que vous aviez vous-mêmes défendues, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, il y a quelques années. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

En second lieu surtout, il y a un enjeu et un engagement : celui de prendre le temps de renégocier le cadre européen dans lequel se négocient aujourd’hui ces questions relatives aux OGM. La France a adressé une proposition à l’ensemble de ses partenaires. Nous en avons discuté ce matin avec le ministre allemand : il s’agit de faire en sorte que, s’agissant des OGM, le cadre soit le même que celui qui est en vigueur aujourd’hui pour les produits phytosanitaires.



Il n’y a aucune raison que des autorisations données au niveau européen ne puissent pas être ensuite discutées, afin de savoir si elles seront ou non utilisées par chaque État. C’est la position de la France : elle est cohérente, tant dans l’immédiat que sur les moyen et long terme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur quelques bancs du groupe RRDP.)



M. Christian Jacob. Autorisez les recherches sur les OGM en France, voilà qui serait cohérent !

Fiscalité communale

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Sylvain Berrios. Monsieur le Premier ministre, depuis deux ans, vous n’avez cessé de mettre les communes à l’index, comme l’illustrent deux exemples.

Première illustration : la seule économie identifiée dans les dépenses de l’État est la baisse de la dotation générale de fonctionnement, à hauteur de 1,5 milliard, dont 840 millions pour les seules communes.

Un député du groupe UMP. C’est scandaleux !

M. Sylvain Berrios. Autre exemple : la réforme dite des rythmes scolaires de M. Peillon (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC). Cette obsession de M. Peillon coûtera aux seules communes un milliard d’euros par an.

L’impact de vos réformes pour Saint-Maur-des-Fossés, ville où je suis élu, sera de 5,2 millions d’euros par an. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François André. La pauvre ville !

M. Sylvain Berrios. André Laignel lui-même, ancien ministre socialiste et président de la commission des finances locales, a indiqué que votre politique aboutirait in fine à un divorce entre les collectivités et l’État.

Mais le véritable objectif de votre acharnement contre les communes est enfin révélé avec votre réforme de la taxe d’habitation et de la taxe foncière…

M. Bernard Roman. Quelle réforme ?

M. Sylvain Berrios. …qui aboutira, dès le lendemain des élections municipales, à une nouvelle augmentation d’impôts, sans précédent, pour les deux tiers des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Sylvain Berrios. Monsieur le Premier ministre, les communes n’ont pas vocation à être le percepteur d’un État incapable de se réformer. Il n’a pas non plus vocation à être le porte-monnaie d’un gouvernement dépensier, incapable de maîtriser son budget.

Je vous demande, nous vous demandons, d’engager clairement le Gouvernement sur la voie des baisses d’impôts, et de respecter la libre autonomie des communes, qui est un principe constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMPcertains bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Il y a eu effectivement, monsieur le député, une baisse des dotations aux collectivités locales, d’un milliard et demi. Vous étiez nombreux, d’ailleurs, lors du débat relatif à cette question, à discuter de la façon dont il fallait réduire les dotations. Je vous rappelle que, dans l’hypothèse que vous aviez défendue, il fallait ôter 50 milliards de dotations aux collectivités locales, soit plus de trente fois le montant retenu. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. C’est quoi, cette histoire ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avons, ensemble, par souci de justice, déterminé un certain nombre de règles de péréquation.

Monsieur le député, je veux bien que l’on fasse zéro économie sur les 51 milliards de dotations de base et les quelques dotations supplémentaires que nous versons aux communes, à la condition que, lors de la discussion du budget, vous me disiez comment vous trouvez les 130 milliards d’euros d’économies que votre collègue, M. Mariton, vient d’annoncer.

Expliquez-moi aussi pourquoi Mme Valérie Pécresse elle-même, en toute transparence, avait annoncé une baisse estimée à au moins 50 milliards d’euros ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Allez-vous nous suivre, avec Gilles Carrez, sur une réforme attendue de la dotation globale de fonctionnement, qui puisse réellement renforcer la justice entre nos collectivités territoriales ? Il est vrai qu’à cet égard, votre commune est bien lotie.

M. Bernard Roman. Répondez !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous n’avons fait aucune proposition de révision de la taxe d’habitation, si ce n’est – rien de plus – une péréquation supplémentaire.

Mme Anne Grommerch. Démissionnez si vous ne savez pas quoi faire !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Alors, soyons justes avec les communes, monsieur le député, et retrouvons-nous pour ce débat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Situation en Ukraine

M. le président. La parole est à M. Nicolas Bays, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Nicolas Bays. Monsieur le ministre des affaires étrangères, les yeux du monde sont rivés sur le centre-ville de Kiev où la violence a atteint, ces dernières heures, un niveau qui ne peut nous laisser indifférents, comme notre collègue François Sauvadet vient de le rappeler.

Je sais que l’ensemble de mes collègues, tous groupes politiques confondus, sont sensibles à cette situation. Il n’y a ici aucun motif de discorde, seulement une situation intolérable, et nous en appelons à la responsabilité de l’opposition.

Cette nuit, de nouveaux affrontements entre manifestants de l’opposition ukrainienne et forces de l’ordre ont fait de nombreux morts. S’en prendre ainsi à la population est la preuve ultime de l’impuissance politique du gouvernement en place. Personne ne peut légitimement rester sourd à l’appel d’un peuple aspirant à devenir maître de son propre destin. Le désir d’Europe manifesté par certains opposants ne peut pas nous laisser insensibles.

Face à la tragique détérioration du climat politique en Ukraine, une situation que vous avez vous-même qualifiée, monsieur le ministre, de « guerre civile », l’Union européenne, en tant que porte-voix de la démocratie, se doit d’être fortement mobilisée. L’ensemble de la communauté internationale doit appeler à l’apaisement et à l’arrêt des violences. À l’heure où nous parlons, aucune option n’est laissée de côté pour punir les responsables de toutes ces violations des droits de l’homme au cœur de l’Europe. Tous devront répondre de leurs actes.

Pour freiner l’escalade des violences et pour permettre la reprise absolument nécessaire d’un véritable processus politique en Ukraine, la mise en œuvre de sanctions adaptées est à l’heure actuelle la meilleure solution.

M. Pierre Lellouche. Voilà trois mois que vous dormez ! C’est une honte !

M. Nicolas Bays. Ces sanctions se doivent d’être immédiates. Le Président de la République et vous-même l’avez appelé de vos vœux.

Monsieur le ministre, alors que l’Union européenne, par l’intermédiaire de la représentante de sa diplomatie, Catherine Ashton, annonce qu’elle va étudier des sanctions contre les responsables de la répression en Ukraine, pouvez-vous nous éclairer sur les dispositions que prendra la France pour soutenir et appuyer cette position européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le député, j’ai répondu voilà quelques instants à une question voisine de celle-ci – ce n’est pas étonnant – qui était posée par M. Sauvadet.

Sur la question des sanctions, un conseil affaires étrangères extraordinaire est convoqué demain à Bruxelles en début d’après-midi. Je m’y rendrai. J’ai joint ce matin mon homologue allemand, M. Frank-Walter Steinmeier, et mon homologue polonais, M. Radoslaw Sikorski. Nous nous coordonnons avec les différents ministres des affaires étrangères pour que des décisions soient prises, parce que dans une situation aussi dramatique, on attend des dirigeants non pas de simples déclarations d’intention mais bien des décisions.

M. Pierre Lellouche. Cela fait trois mois que vous réfléchissez !

M. Laurent Fabius, ministre. Il est évident que dès que ces décisions auront été prises, la France les appliquera telles quelles. Pour nécessaires qu’elles sont, il ne suffit pas que ces sanctions soient prises. Il faut aussi que nous proposions une solution d’ordre politique. Croyez-le bien, mesdames, messieurs les députés, la France y est totalement engagée…

M. Pierre Lellouche. Depuis quand ?

M. Laurent Fabius, ministre. …et elle discute avec les uns et les autres à cet effet, car c’est ainsi qu’on peut avancer. Nous avons discuté avec les représentants de l’opposition, notamment M. Klitschko ; j’ai discuté avec le ministre des affaires étrangères de M. Ianoukovitch et avec M. Ianoukovitch lui-même ; j’ai discuté avec les Russes, qui, on le sait, sont une partie importante dans ce conflit.

M. Pierre Lellouche. Quand êtes-vous allé à Kiev, monsieur Fabius ?

M. Laurent Fabius, ministre. Nous espérons aboutir ainsi à une solution, à un dialogue qui puisse apaiser le drame qui se déroule en Ukraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, la loi pour la refondation de l’école de la République et le plan pour refonder l’éducation prioritaire suscitent de nombreux espoirs, alors que ces dernières années se sont multipliées les fractures sociales et territoriales, avec une diminution des effectifs enseignants entre 2002 et 2012 qui a d’abord frappé les plus fragiles.

Désormais, qu’il s’agisse de l’accueil des enfants de moins de trois ans, du dispositif « plus de maîtres que de classes » ou de la formation des enseignants, la politique de l’éducation va dans le bon sens.

Toutefois, devant l’accroissement des inégalités à l’école, des inquiétudes demeurent. Monsieur le ministre, votre participation au conseil stratégique de la dépense publique, c’est-à-dire la commission du ciseau et de la taille, qui vise à couper cinquante milliards d’euros de dépenses en trois ans, trouble la communauté éducative. L’augmentation de 1,19 % du budget de l’enseignement scolaire pour l’année 2014 ne comblera pas, en effet, les besoins les plus urgents, que ce soit en milieu rural ou dans les quartiers populaires.

La refondation de l’école, c’est aussi la reconnaissance du métier d’enseignant, ce qui nécessite un rattrapage salarial. Les propos qui vous ont été prêtés concernant le gel de l’avancement méritent une clarification. Le gel du point d’indice des fonctionnaires pèse déjà trop lourdement sur tous les agents du service public national, territorial ou hospitalier.

Dans les collèges et lycées, bien que des moyens aient été dégagés, le recours massif aux personnels contractuels, qui sont ballottés entre plusieurs établissements, travaillant trois heures par ci et quatre heures par là, ne favorise pas le travail des équipes pédagogiques.

Enfin, il y a les nouveaux rythmes scolaires.

M. Éric Straumann. Ah !

M. Nicolas Sansu. En 2008, la droite, prompte à s’offusquer aujourd’hui, a volé aux élèves et aux enseignants au moins deux heures d’enseignement. Nous sommes très nombreux à être favorables aux quatre jours et demi d’enseignement en primaire. Mais, comme avant 2008, et comme nous l’avons connu nous-mêmes, c’est à l’éducation nationale d’assumer cette réforme pour garantir l’égalité sur tout le territoire et pour confirmer le caractère national, indivisible du projet éducatif.

Monsieur le ministre, quelles réponses apportez-vous aux différentes interrogations de la communauté éducative, parents d’élèves comme enseignants ?

M. Éric Straumann. Aucune !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, vous avez raison de souligner que la refondation de l’école de la République suppose davantage de moyens pour les élèves, de nouvelles méthodes pédagogiques, mais aussi, ce qui s’était perdu, le respect des fonctionnaires qui assument cette mission de service public et qui, ces dernières semaines, ont été encore violemment attaqués.

C’est dans cet état d’esprit que ce gouvernement a souhaité dès son arrivée aux affaires engager une négociation autour des quatorze professions qui composent l’ensemble de la communauté éducative.

Cette négociation avec les partenaires sociaux et l’ensemble de la profession a pu aboutir. Les directeurs d’école, tout d’abord, ont vu leur situation améliorée, mais ces avancées concernent aussi les conseillers pédagogiques, les RASED – les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté – et les professeurs du premier degré, lesquels ont obtenu la création d’une indemnité qui était demandée depuis quinze ans. Les décrets de 1950, que nous sommes en train de réécrire, n’avaient jusqu’à présent donné lieu qu’à l’expression de positions idéologiques…

M. Guy Geoffroy. Idéologiques ! Et c’est lui qui dit cela !

M. Vincent Peillon, ministre. …mais n’avaient jamais pu être réformés, parce qu’on ne prenait pas en compte la réalité du métier d’enseignant.

De la même façon, sur la question de la précarité, c’est ce gouvernement qui a titularisé, « cédéisé », comme on dit, près de 30 000 auxiliaires chargés d’accompagner les enfants en situation de handicap. C’est ce gouvernement qui a permis que les débuts de carrière des enseignants stagiaires soient avancés d’un an et que ces derniers soient rémunérés durant cette période, ce qui représente près d’1 milliard d’euros de notre engagement financier.

M. Éric Straumann. Et nos jeunes ?

M. Vincent Peillon, ministre. Vous m’interrogez sur le gel de l’avancement des fonctionnaires, monsieur le député, mais comment aurions-nous pu y songer au moment où nous avons amélioré le déroulement des carrières de tous les enseignants et où nous avons obtenu un accord inédit avec l’ensemble des syndicats ? C’est le contraire que nous venons de faire, c’est le contraire qui a permis la conclusion d’un accord.

Je tiens à dire aujourd’hui qu’il n’y aura pas de refondation de l’école de la République si l’ensemble de la nation n’accorde pas aux personnels de l’éducation nationale le respect qu’ils méritent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Redécoupage cantonal

M. le président. La parole est à M. Dominique Bussereau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Bussereau. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre, vous connaissez notre opposition – et celle des Français, dans leur majorité – au redécoupage partial et anti-rural auquel vous procédez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI. - Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je voudrais seulement indiquer, pour rafraîchir la mémoire de certains, que, sur les départements qui ont jusqu’à présent été consultés, cinquante-cinq ont voté contre, dont quatorze appartenant à votre majorité, trente-neuf seulement ont voté oui et deux sont indécis. Nous attendons que les Bouches-du-Rhône se prononcent ; ce sera fait le 24 février. Je suis sûr que vous ne doutez pas du résultat – moi non plus. (Sourires.)

M. Pascal Terrasse. Pour une fois, nous sommes d’accord !

M. Dominique Bussereau. Vous avez indiqué la semaine dernière à Hervé Gaymard que vous aviez reçu soixante-cinq avis du Conseil d’État. Nous allons vous demander d’assurer, par l’intermédiaire de M. le Premier ministre, président du Conseil d’État, la publicité de ces avis.

Comme vous le savez, nous allons former de nombreux recours. Ils seront fondés sur un certain nombre de moyens, dont les trois principaux sont les suivants : premièrement, le respect des 20 % d’écart à la moyenne démographique ; deuxièmement, le caractère arbitraire du redécoupage,…

Un député du groupe SRC. Parole d’expert !

M. Dominique Bussereau. …moyen toujours important devant le Conseil d’État, qui peut résider dans le fait de ne pas avoir utilisé les mêmes critères à l’intérieur d’un département ou d’un département à un autre ; troisièmement, vous avez tenu compte de la population en 2012 et non pas en 2014, comme ce sera le cas dans quelques semaines pour les municipales. Il y aura donc des annulations.

M. Pascal Popelin. Vous prenez vos désirs pour des réalités !

M. Dominique Bussereau. Mes questions, monsieur le ministre de l’intérieur, sont donc les suivantes. Dans la mesure où les annulations éventuelles interviendront au cours du dernier trimestre de cette année, quelle sera la procédure ?

Il faudra de nouveau consulter les départements, ce qui peut demander six semaines. Comment ferez-vous ? Comment pourrez-vous respecter le délai d’un an et tenir compte de l’autorité de la chose jugée ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Qu’en sera-t-il des candidats dans un département pour lequel le décret aura été annulé et dont le compte de campagne aura déjà été ouvert ?

Pourrez-vous maintenir les élections départementales à la date prévue au regard de la complexité juridique dans laquelle vous vous êtes mis et du refus politique des Français, de droite comme de gauche, d’un redécoupage partisan ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI et sur certains bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, le processus de redécoupage des cantons a été fondé sur deux principes que vous connaissez : la garantie de l’égalité du suffrage…

M. Maurice Leroy. Mais non !

M. Manuel Valls, ministre. …et l’instauration de la parité. Les effets dans ce domaine, je le rappelle à chaque fois, seront très concrets, dans votre département comme dans tous les autres. Aujourd’hui, votre département compte uniquement sept femmes sur les cinquante et un conseillers généraux ; elles seront demain vingt-sept. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Le Conseil d’État a rendu jusqu’à maintenant – j’actualise les éléments que vous venez de donner – un avis favorable sur 92 décrets, avec parfois quelques légères modifications. Ces décrets seront publiés au Journal officiel à partir de demain. L’opération sera donc bel et bien achevée, comme l’impose la loi du 11 décembre 1990, un an avant l’échéance prévue pour le renouvellement des conseils départementaux.

M. Christian Jacob. Que faites-vous des recours ?

M. Manuel Valls, ministre. Ce travail a été effectué – vous l’avez rappelé – sous le contrôle du Conseil d’État. Le Gouvernement n’a, en l’espèce, qu’un seul guide : le respect de l’égalité du suffrage et du droit. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Enfin, j’ai cru comprendre que vous comptiez organiser de façon industrielle le dépôt de recours, puisque vous avez parlé de centaines de procédures. Je vous le dis clairement : je ne suis pas sûr, monsieur Bussereau, que ce soit la bonne stratégie. On n’a jamais intérêt à s’opposer au droit et à prendre la justice en otage.

Pour ces raisons, je suis d’une très grande sérénité : je pense que les élections cantonales auront bien lieu en 2015. Vous êtes en train de semer le doute ; attendons la décision du Conseil d’État et soyons respectueux des procédures. (« Ah » sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Cela dit, monsieur Bussereau, je voudrais vous poser à mon tour une question. Vous parliez des Français. Eh bien, comment allez-vous leur expliquer que vous, en tant que président de conseil général, vous défendez les départements, alors que le président de votre formation demande leur suppression ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

Filière des semi-conducteurs

M. le président. La parole est à M. Jean-David Ciot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-David Ciot. Ma question s’adresse à monsieur le ministre du redressement productif.

L’avenir de notre industrie nous concerne tous, au-delà de nos appartenances politiques. Je souhaite ainsi associer à ma question François-Michel Lambert, député écologiste de Gardanne, et Christian Kert, l’autre député d’Aix-en-Provence.

Conscient des enjeux que représente la perte de plusieurs milliers d’emplois industriels, le Gouvernement a fait du réarmement de notre appareil productif l’une de ses priorités. Au-delà du vote intervenu lundi sur la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle, il nous faut protéger les secteurs stratégiques qui fondent la compétitivité de notre pays. Parmi ces filières d’excellence que nous devons soutenir, je voudrais m’arrêter sur celui de la microélectronique.

La très grande majorité des objets manufacturés sont constitués désormais d’électronique et donc de semi-conducteurs. Il s’agit d’un marché considérable. Pour votre information, les composants électroniques représentent aujourd’hui plus de 40 % de la valeur d’une voiture. C’est pourquoi la France et l’Europe doivent maintenir leur capacité à concevoir, et surtout à fabriquer les circuits électroniques de demain. C’est la souveraineté industrielle de la France qui est en jeu, tant sur le plan civil que sur le plan militaire. Ces dernières années, nous avons investi beaucoup d’argent public dans la recherche technologique et dans la recherche et développement pour ce secteur.

Mais, avec la liquidation, fin décembre, de la société LFoundry, anciennement Atmel, c’est un fleuron industriel de la fabrication des semi-conducteurs qui pourrait disparaître, avec pour conséquence le licenciement de 613 salariés et la perte d’un millier d’emplois directs et indirects en région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

À cet égard, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si les projets de reprise industrielle qui vous ont été soumis présentent des éléments de crédibilité et de pérennité suffisants pour espérer un redémarrage du site de Rousset ? De plus, au moment, où l’État investit des sommes considérables pour ouvrir de nouvelles salles blanches, nécessaires à l’avenir pour la production de semi-conducteurs, pouvez-vous nous dire quelle stratégie industrielle est envisagée par l’État pour redynamiser la microélectronique en Provence ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le député, vous soulignez l’importance de la filière microélectronique. Nos concitoyens doivent savoir que la France et l’Italie sont les deux derniers pays en Europe qui abritent des sites de production de semi-conducteurs. Dans le monde, les acteurs qui fabriquent aujourd’hui ces composants ont d’ailleurs dix fois ou vingt fois la taille de ceux qui subsistent sur notre territoire.

En dépit de cet état de fait, la stratégie que la France et l’Italie conduisent ensemble, notamment à travers un acteur majeur, STMicroelectronics, consiste à renforcer ces acteurs et à faire en sorte qu’ils innovent, se différencient et conquièrent de nouveaux marchés. Le Gouvernement a d’ailleurs, dans le cadre des trente-quatre plans industriels dont j’ai la charge, décidé de lancer un plan nanoélectronique permettant à nos acteurs de cette filière de continuer à se développer. Notre optimisme est grand quant au résultat de ces investissements.

Vous signalez le cas de LFoundry. Ce dossier nous a grandement fâchés au ministère du redressement productif. Les actionnaires ont abandonné en rase campagne cet outil industriel de très bonne qualité. Les organisations syndicales ont donc eu raison d’exprimer une certaine colère. Des procédures ont d’ailleurs été ouvertes par les administrateurs judiciaires, ce qui montre à quel point nous avons raison de ressentir nous aussi, en ce qui concerne ce dossier, une certaine amertume.

Quoi qu’il en soit, vous m’interrogez sur la crédibilité des propositions qui ont été faites grâce à la période d’observation que le Gouvernement a obtenue après la liquidation judiciaire. Je puis vous répondre qu’elles sont techniquement et industriellement crédibles. L’équipe qui se présente dispose de toutes les qualités pour mener à bien un projet de reconversion industrielle qui ne pourra toutefois, malheureusement, conserver le format qui était auparavant celui de LFoundry. Néanmoins, le financement manque pour le moment ; nous y travaillons. Nous obtiendrons des informations complémentaires dans les jours qui viennent. Je vous en tiendrai informé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Apprentissage

M. le président. La parole est à M. Claude Sturni, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Claude Sturni. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

La jeunesse de France doute. Elle doute de votre volonté de tout faire pour lui préparer un avenir meilleur. Vous gesticulez pour encadrer les stages, au risque de décourager les entreprises d’offrir une expérience probante à nos jeunes. Cela ne fait pas une politique de l’emploi pour les jeunes.

Au contraire, avec les mauvais coups que vous avez portés au financement de l’apprentissage, vous êtes en train de faire reculer ce mode particulièrement efficace d’insertion sur le marché du travail : 80 % des jeunes en alternance trouvent un emploi dans les six mois suivant leur qualification ! Or le nombre de contrats conclus a chuté de 8 % en 2013 : moins 27 000 nouveaux contrats !

Vous vous échinez à relativiser, usant d’une statistique selon laquelle le nombre global d’apprentis n’aurait reculé que de 2 %, mais vous ne trompez ni les chefs d’entreprise ni les jeunes !

Tout cela a une cause : le siphonnage des crédits de l’apprentissage pour financer vos emplois d’avenir, qui ne sont ni vraiment des emplois ni vraiment un avenir, alors que l’apprentissage est la garantie de l’emploi pérenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Dans une période où nous sommes à la traîne de l’Allemagne sur le plan de la croissance et de l’emploi, n’est-il pas temps de miser, comme eux, sur l’apprentissage ?

Député de l’Alsace du nord, je salue le dispositif innovant de la région Alsace qui permet à nos jeunes d’effectuer leur alternance dans une entreprise allemande ou suisse du Rhin supérieur. Mais en même temps, je me désole que nous ayons perdu en partie la capacité de former chez nous tous ces jeunes.

Alors, n’est-il pas temps de simplifier l’environnement des entreprises, au lieu de leur ajouter encore contraintes et quotas, de leur redonner les moyens de former notre jeunesse ? N’est-il pas temps de faire confiance aux acteurs qui, de l’agriculture au commerce et aux services, de l’artisanat à l’industrie, peuvent mener chaque année des centaines de milliers de jeunes à une insertion réussie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

M. Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement. Je vous prie de bien vouloir excuser le ministre du travail, qui défend au Sénat le projet de loi sur la formation professionnelle.

L’apprentissage est un sujet qui fait normalement consensus. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Baratin !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. L’engagement du Gouvernement de parvenir à 500 000 contrats demeure notre objectif et nous considérons que la formation en alternance est une priorité. Nous sommes bien conscients que, sur ce sujet, une approche commune des entreprises et des partenaires sociaux est nécessaire.

M. Guy Geoffroy. Il faut une volonté !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Vous auriez pu ajouter, mais je ne vous le reproche pas, que ceux qui auront à négocier le contenu du pacte de responsabilité devraient avoir cette question à l’esprit. Il pourrait y avoir des engagements, peut-être même chiffrés, dans ce domaine. Cela appartient aux partenaires sociaux.

M. Guy Geoffroy. C’est de la responsabilité de l’État !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il n’y a pas d’un côté de cet hémicycle ceux qui soutiennent l’apprentissage – soi-disant partie intégrante de leur patrimoine idéologique – et de l’autre côté ceux qui s’y opposent.

M. Christian Jacob. C’est pourtant la vérité.

M. Alain Vidalies, ministre délégué. Nous sommes favorables à l’apprentissage, mais avec des règles : nous ne sommes pas pour l’apprentissage à quatorze ans. Nous voulons que l’apprentissage constitue un rendez-vous de formation et qu’il garantisse l’emploi.

Tel est l’engagement du Gouvernement. Nous avons réformé le financement…

M. Christian Jacob. Moins 30 % !

M. Alain Vidalies, ministre délégué. …car un rapport de l’IGAS préconisait de favoriser les petites entreprises. Nous faisons confiance aux entreprises et au dialogue social. Nous faisons le choix de l’apprentissage et de l’alternance. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Avenir du laboratoire BMS-UPSA

M. le président. La parole est à Mme Lucette Lousteau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Lucette Lousteau. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Matthias Fekl, s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur la procédure engagée il y a deux mois par l’agence nationale de sécurité du médicament – l’ANSM –, visant à créer un groupe générique sans spécialité de référence pour le paracétamol.

Cette démarche soulève de nombreuses interrogations chez les salariés des laboratoires concernés. Ils craignent que cette création ne se traduise par des réductions d’emplois, menace clairement avancée par les industriels.

Si la promotion des médicaments génériques et la maîtrise des dépenses de santé sont des objectifs prioritaires du Gouvernement, viser ces objectifs ne doit pas se faire au détriment de l’intérêt des salariés de l’industrie pharmaceutique.

Or, dans ce dossier, nous ignorons tout du calendrier de la décision publique. L’absence de visibilité sur la date à laquelle l’ANSM fera connaître ses conclusions favorise les rumeurs les plus folles et entretient les craintes, chez les salariés mais aussi dans les territoires, à Agen – dans ma circonscription – à Lisieux et à Compiègne.

Le laboratoire BMS-UPSA, qui produit le Dafalgan et l’Efferalgan, est le principal employeur privé dans mon département et le second de la région. De très nombreux emplois sont en jeu. L’incertitude est la pire des situations pour les salariés. Ils espèrent pouvoir compter sur l’engagement des pouvoirs publics et des industriels pour que leurs emplois soient sauvés et que la situation économique sur leurs bassins de vie soit préservée.

Madame la ministre, pouvez-vous rassurer les salariés, les habitants et les élus du Lot-et-Garonne et de tous les territoires concernés ? Pouvez-vous nous indiquer quand et selon quelles modalités les suites données à la démarche lancée par le directeur général de l’ANSM seront annoncées ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la députée, la question que vous posez renvoie à la fois à des enjeux de santé publique et de maîtrise de la dépense sociale et à la capacité de maintenir les sites de production de médicaments sur notre territoire.

Je veux vous dire, ainsi qu’à tous les salariés concernés, la volonté du Gouvernement de concilier à la fois l’exigence de développement des médicaments génériques et la nécessité de donner du temps aux entreprises pour s’adapter.

Le paracétamol est une molécule très efficace…

M. Christian Jacob. Surtout avec un tel Gouvernement !

Mme Marisol Touraine, ministre. …dont le remboursement par la Sécurité sociale doit être maintenu lorsqu’il est prescrit par un médecin – même si chacun d’entre nous, s’il en a besoin, doit pouvoir l’acheter en pharmacie.

Il s’agit aussi d’une vieille molécule, dont les coûts de production sont faibles. Son prix n’a pas baissé depuis 2005, contrairement à celui de médicaments plus récents. Je souhaite donc, dans le contexte général des économies demandées, qu’une baisse des prix intervienne.

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Toutefois, comme les entreprises ont indiqué qu’elles avaient besoin de temps pour s’adapter, celle-ci ne sera effective qu’au début de l’année 2015.

Mais il faudra aussi aller au-delà et, peut-être, inscrire le paracétamol dans le répertoire des génériques. Les industriels ont déposé des observations à l’ANSM le 6 février. Un travail va s’engager, et dans le cadre du conseil stratégique pour la réduction de la dépense publique, nous examinerons ce sujet à partir d’éléments structurels, afin de garantir une politique de santé publique et une politique de production industrielle qui soient efficaces. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Relations entre la France et les États-Unis

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre des affaires étrangères, le Président de la République vient de se rendre en visite d’État aux États-Unis. Les États-Unis sont nos alliés et l’amitié entre nos deux peuples est vivante et stimulante.

M. Pascal Terrasse. Cela commence mal !

M. Jacques Myard. Néanmoins, j’ai été légèrement étonné, et c’est une litote, d’entendre le Président des États-Unis, lors d’une conférence de presse, qualifier la France et l’Angleterre de « ses filles splendides ». Sic !

J’espère que le Président des États-Unis ne pensait pas directement au Premier ministre anglais et au Président de la République car ce serait une belle conversion à la théorie du genre (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. - Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Mais trêve de plaisanterie ! Je constate néanmoins que cette petite phrase n’a fait l’objet d’aucun démenti, même humoristique, du côté français.

Tout cela m’amène à vous poser une question fondamentale, monsieur le ministre : la France s’est-elle alignée sur les États-Unis ?

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est petit.

M. Jacques Myard. Vous le savez, nos intérêts ne sont pas ceux de Washington même si nous agissons ensemble et étroitement pour lutter contre le terrorisme. La preuve, Washington vient récemment de nous obliger à renégocier le contrat de vente de satellites à Abou Dhabi. Et nous allons le voir dans les négociations commerciales entre les États-Unis et l’Union européenne.

Monsieur le ministre, rassurez-nous : la France conduit-elle toujours une politique indépendante conforme à ses intérêts ou est-elle devenue atlantiste ? Souvenez-vous, monsieur le ministre, de Virgile : « Jamais de confiance dans l’alliance avec un puissant » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Roman. C’était il y a longtemps !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Cher monsieur Myard, je me souviens très bien de Virgile, mais je me souviens aussi de Paul Valéry pour qui, peut-être cela s’applique-t-il à vous, il faut se méfier de ceux qui goûtent cette inimitable saveur que l’on ne trouve qu’à soi-même. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Je veux vous rassurer, cher monsieur Myard, nous sommes alliés mais nous ne sommes pas alignés. Si vous aviez eu la possibilité, comme certains de vos collègues, d’accompagner le Président de la République à Washington, vous auriez apprécié le compliment qu’a prononcé à son égard le président Obama. Mais comme disait un autre président, le président Mitterrand, on n’est jamais compromis par un compliment.



M. Jacques Myard. Ce n’est pas sûr !

M. Laurent Fabius, ministre. Par ailleurs, mais peut-être était-ce un moment de la conférence qui n’a pas été diffusé, le Président de la République a répondu au président Obama, qui comparait avec esprit la situation de la Grande-Bretagne et de la France à ses deux filles, que pour ce qui le concernait, il avait quatre enfants. (Sourires.)

Cela étant dit, la France est une puissance indépendante. Il se trouve que, concernant nombre de sujets au travers le monde, nous agissons aux côtés des Américains ou ils agissent à nos côtés. En tout cas, à Washington, comme ailleurs dans le monde, lorsque l’on parle de la politique étrangère de la France, on dit qu’elle a tout lieu d’en être fière. Je suis certain que pour assumer ce sentiment de fierté, vous nous rejoindrez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe RRDP. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



M. Guy Geoffroy. Mais il n’a rien dit du tout !

Année de l’engagement associatif

M. le président. La parole est à M. Pierre Aylagas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre Aylagas. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

La semaine dernière, aux Jeux olympiques, Martin Fourcade, un jeune catalan, offrait à la France ses deux premières médailles d’or olympique ! (Applaudissements sur tous les bancs.) Et cette semaine, notre première médaille d’argent !

Actuellement, notre équipe en est à onze médailles et les jeux ne sont pas finis !

Tous ces athlètes qui honorent notre pays, c’est dans nos clubs et associations qu’ils ont commencé leur pratique sportive.

Ces clubs et associations, sportifs ou autres, nous devons les valoriser et les impulser !

Ils sont un maillage d’une incroyable richesse et diversité. Ils sont, dans nos territoires, porteurs d’un lien social extraordinaire.

Avec vous, je tiens à rendre hommage aux millions de femmes et d’hommes qui œuvrent au sein de nos associations et je veux saluer leur engagement exemplaire !

Ces femmes et ces hommes représentent ce qu’un ensemble de personnes peut faire de mieux lorsqu’elles mettent en commun leur temps, leur savoir-faire, leur énergie au service des autres et dans « un but non lucratif » pour reprendre la très belle expression de la loi de 1901 relative à la liberté d’association.

Je suis l’élu d’un territoire rural, les Pyrénées-Orientales, et je sais l’importance de nos associations, combien elles jouent un rôle fort dans la cohésion de la population, dans la transmission des savoirs, dans l’entraide, et cela quelles que soient les générations, les situations sociales ou culturelles.

Elles sont un formidable vivier, non seulement de compétences, mais aussi de solidarité !

En 2014, l’engagement associatif a été choisi par le Premier ministre comme grande cause nationale et c’est là une belle et juste reconnaissance.

Quelles actions concrètes le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour soutenir nos (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Je tiens tout d’abord à vous remercier, monsieur le député, d’avoir, par votre question, mis à l’honneur le parcours de notre équipe de France aux Jeux olympiques de Sotchi. Merci encore, plus largement, d’avoir mis à l’honneur la vigueur de la vie associative, force de cohésion sociale, force de citoyenneté, force économique également, avec ses 16 millions de bénévoles, 1,3 million d’associations, 1,8 million de salariés et plus de 3% du PIB français.

Cette vie associative a été fragilisée ces dernières années. Entre 2010 et 2012, pour la première fois dans notre pays, le nombre de salariés a diminué dans ce secteur. Nous avons souhaité renouer un pacte de confiance avec l’ensemble du secteur associatif en prenant plusieurs mesures. La semaine dernière a été signée la charte des engagements réciproques, non seulement entre l’État et le mouvement associatif mais aussi avec les associations d’élus, toutes les associations d’élus.

Le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, porté par Benoît Hamon, comporte une mesure qui permettra de définir la subvention afin qu’elle soit légale et juridiquement sécurisée. Ce texte permettra encore de diversifier les sources de financement pour les associations.

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2014, 314 millions d’euros sont consacrés à la diminution des charges salariales dans le secteur associatif. Comme je m’y étais engagée, la reconnaissance nationale que constitue l’attribution de la médaille de la jeunesse et des sports concerne désormais tout l’engagement associatif. Enfin, le Premier ministre a décidé que la grande cause nationale de 2014 serait celle de la reconnaissance de l’engagement associatif, celui des jeunes, celui des actifs, celui des seniors. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Rochebloine. Bla-bla-bla !

Réforme des rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Paul Salen. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, cela fait plus d’un an que nous appelons votre attention sur la réforme des rythmes scolaires, que vous jugez utile alors que, selon de nombreuses enquêtes d’opinion, une majorité de nos compatriotes ne la comprennent pas. Vous n’entendez ni ne comprenez la majorité des maires – sans doute est-ce par manque d’expérience, puisque vous n’avez jamais été élu localement. Le président de l’Association des maires de France, Jacques Pélissard, vous a d’ailleurs écrit récemment que vous interprétiez les chiffres à votre façon.

Cette opinion est aussi largement partagée par les professeurs des écoles, si l’on en croit un grand quotidien du soir qui, le 13 février dernier, faisait état de leur constat d’échec. Ainsi, le SNUIPP-FSU, syndicat largement majoritaire auprès des enseignants du primaire, réitère avec force sa demande d’une réécriture totale du décret d’application.

Pour ce syndicat, pourtant peu suspect de sympathies envers ma famille politique, 75 % des personnels interrogés constatent une dégradation des conditions de travail et ce taux grimpe à 84 % si l’avis du conseil d’école n’a pas été pris en compte. Seuls 22 % des professeurs des écoles estiment que le changement a amélioré l’apprentissage des élèves. Dans les deux tiers des écoles, aucune réflexion spécifique n’est engagée pour les classes maternelles.

Monsieur le ministre, vous avez souhaité qu’au fronton de nos écoles figure la devise de la République : liberté, égalité, fraternité.

M. Philip Cordery. Et c’est très bien !

M. Paul Salen. Peut-on encore parler de liberté alors que le Gouvernement impose à toutes les communes, sans distinction, les mêmes règles au mépris des réalités locales ? Une règle unique pour toutes les communes, qu’elles soient en milieu rural, de montagne ou urbain : est-ce cela la liberté, selon vous ?

M. Jean-Paul Bacquet. N’importe quoi !

M. Paul Salen. Peut-on parler d’égalité lorsque le Gouvernement laisse avec cette réforme des inégalités profondes se creuser entre les écoles qui pourront proposer des activités réellement épanouissantes pour l’enfant et d’autres qui se transformeront en simples garderies ? Peut-on parler d’égalité quand certains parents devront payer et d’autres non ? Peut-on parler d’égalité dès lors que la réforme ne s’applique qu’au secteur public et que le secteur privé en est dispensé ?

Quand allez-vous enfin accepter d’entendre les maires, monsieur le ministre ? À défaut, entendez au moins vos enseignants qui expriment leur mal-être face à cette réforme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Comment se fait-il, monsieur le député, que depuis plus de dix ans, les performances scolaires ont baissé dans des proportions qui nous indignent tous ? Comment se fait-il que, depuis plus de dix ans, les inégalités se sont accrues au point que la France est désormais le pays le plus inégalitaire de l’OCDE ? C’est parce que vous avez été très enthousiastes pour supprimer 80 000 postes (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste), très enthousiastes pour supprimer la formation des enseignants,…

M. Éric Straumann. Ce n’est pas la question !

M. Vincent Peillon, ministre. …très enthousiastes aussi pour enlever deux heures de classe – comme cela a été rappelé – à tous les enfants de France, très enthousiastes pour leur imposer de mauvais programmes, très enthousiastes pour être incapables de réformer le Centre national de la documentation pédagogique, et l’ensemble du métier d’enseignant !

Au contraire, nous avons choisi l’avenir de la nation et la priorité à l’école. Cela suppose de conduire une multitude d’actions dans le respect des valeurs républicaines. Liberté, oui : pour la première fois, les communes, contrairement à ce qui s’est passé en 2008, sont associées à la définition du temps scolaire et du temps éducatif. Égalité, aussi : les inégalités en France sont aujourd’hui les plus fortes de tous les pays de l’OCDE, mais les inégalités après le temps scolaire vont d’un à dix selon les communes ! Or, nous allons les diminuer, comme le confirme l’INSEE. Fraternité, enfin : nous faisons appel à votre intelligence et à votre dévouement. Dans votre département, monsieur le député, 8 % seulement des communes refusent cette intelligence ; vous en faites partie, mais il est encore temps de nous rejoindre ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écolo et RRDP.)

Aménagement numérique des outre-mer

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Ma question s’adresse à Mme la ministre chargée de l’économie numérique.

Madame la ministre, l’ère du numérique a induit des changements fondamentaux dans l’économie, les moyens de communication, d’échange et de financement, et jusque dans la façon même de penser le fonctionnement d’une entreprise. Lors de sa récente visite aux États-Unis, le Président de la République en a démontré les intérêts et les enjeux.

La concrétisation de projets ambitieux comme le French Tech Hub illustre votre engagement à faciliter le développement des entreprises françaises qui œuvrent dans la nouvelle économie. Un incubateur de jeunes pousses Made in France en plein cœur de la Silicon Valley : le symbole est fort. Les départements français d’Amérique, situés dans le même bassin géographique, ne sauraient être tenus à l’écart de ce mouvement qui, au cœur d’une nouvelle économie, est rempli de promesses et d’espérance.

La Martinique et la Guadeloupe ont récemment achevé leurs schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Nous sommes donc soucieux d’offrir à nos régions de réelles possibilités et de les doter de lieux d’excellence et de compétitivité afin de leur permettre de s’approprier des vertus aussi essentielles que l’innovation, l’audace et le succès. Avec vous, nous souhaitons investir l’économie de l’intelligence pour favoriser l’émergence d’une nouvelle génération d’entrepreneurs. Doter notre région du pôle d’excellence et de haute compétitivité Audacia Technopole Caraïbes, avec l’appui de la région Guadeloupe, du ministère des outre-mer et de nombreux partenaires, répond à cette attente.

Pour ne pas reproduire les erreurs du passé et pour tenter de réduire efficacement la fracture numérique qui existe encore dans nos territoires, envisagez-vous, madame la ministre, de nous associer concrètement à ces ambitieux projets et de commencer enfin à percevoir nos régions comme de véritables acteurs du numérique français, plutôt que de stigmatiser l’ensemble de notre jeunesse comme l’a fait dimanche dernier la chaîne de télévision M6, qui a dégradé l’image de notre région ? Aujourd’hui, en effet, notre population est révoltée que cette chaîne ait ainsi sali l’image de la Guadeloupe !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Vous parlez d’erreurs du passé, monsieur le député, et de fracture numérique : vous avez bien raison. Nombreux sont ceux qui, avant nous, ont diagnostiqué et commenté cette situation, sans pour autant agir pour y remédier.

M. Guy Geoffroy. C’est faux !

M. Jean-Luc Warsmann. Un peu de modestie !

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. Au contraire, ce Gouvernement est pleinement mobilisé pour y apporter un certain nombre de solutions. S’agissant des infrastructures de très haut débit, tout d’abord, l’engagement du Gouvernement est total. Nous avons lancé en la matière l’un des plus grands chantiers d’infrastructures du quinquennat, vous le savez, avec un investissement de 20 milliards d’euros, soit un énorme effort du Gouvernement pour limiter la fracture numérique et territoriale. Il va de soi que les outre-mer y seront pleinement associés.

Quelle situation avons-nous trouvé ? Le rôle de l’État n’était pas déterminé et il n’existait aucun modèle économique. En quelques mois, nous avons replacé l’État au centre de cette politique, sécurisé le modèle industriel et établi un plan de financement sérieux et pérenne.

Le résultat est là : cinquante-six départements ont déjà présenté un projet visant à bénéficier du plan « France très haut débit ». Les régions de la Martinique et de la Guadeloupe ont été aux avant-postes de ce mouvement. Nous examinerons d’ailleurs le 6 mars prochain les quatre projets ultramarins qui m’ont été présentés pour le déploiement du très haut débit dans les départements d’outre-mer.

Tout ne se résume pas pour autant au très haut débit fixe, vous le savez bien : avec mon collègue Victorin Lurel, nous traitons aussi la question du très haut débit mobile. Au terme d’une consultation, nous avons constaté que l’attribution des fréquences de 4G mobile au fil de l’eau n’était plus satisfaisante. Là encore, l’État s’impliquera et remettra aux enchères les fréquences restantes dans les départements d’outre-mer au cours du second semestre 2014.

Vous le disiez : l’important, ce sont les usages et ce sont les entreprises de croissance. Là aussi, monsieur le député, je vous invite à faire en sorte que nos concitoyens des outre-mer puissent bénéficier au maximum de la dynamique que nous avons engagée autour du French Tech Hub.

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

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Accès au logement et urbanisme rénové (CMP)

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur le rapport de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (n1787).

Explications de vote

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le président, madame la ministre de l’égalité des territoires et du logement, chers collègues, nous votons aujourd’hui définitivement le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit « ALUR ».

Des objectifs ambitieux ont été définis. Cependant, nous sommes conscients des difficultés, dans une période de restrictions budgétaires considérables et de pouvoir d’achat des ménages limité.

L’effort va porter essentiellement sur la construction. Chacun sait que les effets d’une politique du logement ne sont perceptibles qu’au bout d’au moins trois ans et que les mauvais chiffres de l’année 2013 sont imputables aux politiques menées avant 2012. Il faut une relance qui s’inscrive dans la durée. La mobilisation de l’ensemble des acteurs, notamment des élus locaux, est indispensable.

Les mesures proposées vont de simples adaptations à de véritables innovations, indispensables compte tenu de la persistance du mal-logement dans notre pays ; le récent rapport de la Fondation « Abbé Pierre » le montre.

D’abord, le texte vise à développer le secteur de la construction. C’est à la fois agir socialement, participer directement à la création d’emplois et au redémarrage de notre économie, agir pour l’environnement en construisant des logements mieux isolés, donc moins énergivores, rejetant moins de gaz à effet de serre.

Une première innovation doit être retenue avec l’encadrement des loyers dans les zones tendues. Ce dispositif est maintenant bien cadré.

La seconde grande nouveauté, c’est la création d’une garantie universelle des loyers. Ce dispositif, attendu de longue date, permet de s’attaquer à deux problèmes essentiels qui sont, pour une bonne part, à l’origine du manque de logements dans notre pays : d’une part, la crainte de nombreux propriétaires de ne pas percevoir les loyers régulièrement, d’autre part, l’accumulation d’impayés de loyers, qui conduit au surendettement des locataires. Le choix de créer un établissement public avec des prérogatives juridiques est une garantie. Le montant des loyers couverts sera limité au loyer médian pour éviter des niveaux trop élevés.

D’autres mesures méritent tout autant notre attention : la lutte contre l’habitat indigne, la modernisation de l’activité du secteur des agences immobilières et des syndics, la lutte contre les ventes à la découpe par un abaissement, de dix à cinq logements, du seuil au-delà duquel la procédure doit être actionnée. L’intermédiation locative demandée par les écologistes va devenir effective.

L’habitat participatif est aussi à l’honneur. Ainsi, l’article 22 définit les sociétés d’habitat participatif et crée les coopératives d’habitants et les sociétés d’autopromotion. Le fonctionnement des logements-foyers est démocratisé. Enfin, la trêve hivernale est étendue jusqu’au 31 mars.

Quant à l’urbanisme, l’objectif de couvrir l’ensemble du territoire par des schémas de cohérence territoriale – les SCOT – va permettre un développement plus harmonieux. Ces SCOT contribuent à réduire la consommation de foncier, à préserver les espaces affectés aux activités agricoles ou forestières, à équilibrer la répartition territoriale des commerces et services, à améliorer les performances énergétiques, à diminuer les obligations de déplacements, à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à renforcer la préservation de la biodiversité et des écosystèmes.

D’autres éléments vont participer à la transition écologique. Je pense à la rénovation thermique et aux constructions écologiques. Des dérogations aux règles d’urbanismes sont introduites pour faciliter l’isolation thermique par l’extérieur, de même que le recours au nouveau fonds de provisionnement de travaux. Par ailleurs, le soutien au développement du vélo n’est pas oublié.

La question des sites et des sols pollués est aussi soulevée. Ainsi, la construction sur d’anciennes zones industrielles devra être précédée d’une étude sur leur état de pollution.

Une autre innovation pour agir, le PLUI – le plan local d’urbanisme intercommunal – permettra aux EPCI qui le souhaitent de mutualiser les moyens des communes en matière d’urbanisme.

Madame la ministre, nous tenons à vous remercier, ainsi que votre équipe, pour votre disponibilité et votre souci constant de résorber le mal-logement. Les écologistes sont heureux d’apporter leur soutien à cette grande politique du logement et de l’urbanisme que vous mettez en place pas à pas et que vous poursuivez avec cette importante loi ALUR très innovante, que nous voterons. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

(M. Denis Baupin remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové soumis à notre vote a connu un long parcours.

Après de vastes concertations en amont et d’intenses débats législatifs, à l’Assemblée comme au Sénat depuis juillet 2013, nous allons aujourd’hui voter le texte adopté en lecture définitive lundi, après la réussite de la commission mixte paritaire.

Au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je voudrais d’abord, madame la ministre, souligner la qualité de nos échanges. Malgré quelques points d’opposition, l’ensemble des groupes politiques a participé activement aux travaux parlementaires dans un état d’esprit constructif, ce dont témoigne l’adoption de nombreux amendements de l’opposition. Au total, ce sont plusieurs centaines d’amendements qui ont enrichi le projet et nous avons abouti collectivement à un texte équilibré – l’équilibre étant, madame la ministre, votre objectif.

À la veille de la promulgation de la loi, les députés du groupe RRDP se félicitent de toutes les avancées inscrites, que ce soit pour l’accession à la propriété, l’hébergement d’urgence, le logement social, la réforme de l’urbanisme, la réforme des professions immobilières, la lutte contre l’habitat indigne ou encore l’engagement de la transition énergétique dans les territoires. Nous sommes convaincus que les dispositions adoptées vont améliorer concrètement la vie quotidienne de nos concitoyens.

Les députés de terrain que nous sommes connaissent bien ces problématiques. Le logement cristallise les angoisses intimes sur le développement harmonieux de chacun et de la famille, sur le risque du chômage, sur l’autonomie ou sur la crainte du déclassement.

En France, au XXIsiècle, le logement demeure pourtant une grande difficulté et une inquiétude prégnante. La crise du logement est ressentie tous les jours par plusieurs millions de nos concitoyens, notamment par les plus défavorisés. Nous ne le répéterons jamais assez, avoir un logement décent est une nécessité humaine fondamentale pour assurer des conditions de vie dignes.

Madame la ministre, vous êtes consciente de tous ces enjeux. Votre projet de loi est long, dense et complexe, cela vous est souvent reproché. Nous aurions peut-être pu concentrer tous les efforts sur les points problématiques et sur l’accélération de la construction de logements.

À ce dernier sujet, nous connaissons la force de l’effet de levier des dispositifs d’incitation fiscale et, à ce propos, nous espérons que la révision du zonage permettra de bien distinguer les zones tendues afin de relancer la construction dans les territoires en tension oubliés.

Mais nous connaissons aussi les contraintes qui sont les vôtres.

Pour lutter contre les problèmes de mal-logement, les tendances à la hausse des prix et, de manière générale, face à l’ampleur des défis, nous avions probablement besoin de ces propositions fortes. Ce texte était attendu par nos concitoyens, comme par les élus, pour apporter des réponses structurelles à cette crise qui dure depuis trop longtemps, hélas !

Pour autant, les députés du groupe RRDP ne sont pas tous convaincus par la garantie universelle locative et par l’encadrement des loyers. Les dispositifs prévus par le projet de loi initial ont été aménagés et vous avez tenu compte des craintes exprimées par les parlementaires. Aujourd’hui, nous prenons acte de leur inscription dans la loi, en espérant que cela soit finalement bénéfique.

Toutefois, nous regrettons la dernière formulation de l’article 70 quater sur l’acte juridique contresigné par un professionnel de l’expertise comptable. Cela va créer une insécurité juridique et une confusion sur les missions des professions juridiques et des professions comptables, qui n’ont pas les mêmes compétences.

Enfin, si le transfert de la compétence urbanisme à l’intercommunalité, va dans le sens de l’histoire, il ne faut pas forcer les choses et savoir donner du temps au temps. Compte tenu de l’hétérogénéité des situations locales, nous devons être à l’écoute des maires ruraux qui craignent un transfert trop brutal. Nous sommes satisfaits du compromis arrêté.

Enfin, nous sommes également très satisfaits de l’adoption des amendements de notre collègue Jean-Noël Carpentier, qui permettront – nous l’espérons – de lutter efficacement contre l’habitat indigne.

Globalement, je dirai, pour conclure, que l’expérience nous recommande lucidité et modestie. Ce projet de loi ne va pas résoudre du jour au lendemain la crise du logement.

Certains effets bénéfiques ne seront pas perceptibles avant plusieurs mois, d’autres avant plusieurs années. Mais l’immense majorité des mesures de ce projet de loi seront utiles et vont dans le bon sens.

Dans ces conditions, madame la ministre, nous espérons que ce projet de loi portera de beaux fruits. Vous pourrez compter sur le soutien et le vote des députés du groupe RRDP. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, à l’issue de ce parcours législatif sur le logement et l’urbanisme, je veux rappeler la gravité de la situation à laquelle nous faisons face. D’après la Fondation Abbé Pierre, 10 millions de Français sont aujourd’hui touchés, de près ou de loin, par la crise du logement. Des dizaines de milliers d’entre eux sont sans abri. J’ai évoqué lundi le retour des bidonvilles et le décès tragique de la petite Mélissa dans l’incendie d’un habitat de fortune.

Malgré les engagements du Gouvernement, les chiffres de la construction de logements sont en baisse. Il en est de même pour les aides à la pierre, dont le montant est bien loin des 800 millions d’euros promis. Le gel des APL repousse à octobre la revalorisation de cette aide si précieuse pour les familles modestes. La TVA sur la rénovation des logements HLM a été augmentée au 1er janvier, ce qui représente un poids de 80 millions d’euros pour le mouvement HLM. Quant au livret A, qui fonctionne si bien, plus de 30 milliards d’euros de collecte ont été offerts aux banques, alors qu’ils auraient dû abonder le logement social. Tout ceci se conjugue aux effets de l’austérité budgétaire : le Président Hollande veut encore supprimer 50 milliards d’euros d’investissements publics, notamment pour les collectivités territoriales. C’est à cette politique que nous devons tourner le dos, et je sais que vous partagez ce constat, madame la ministre.

Ce projet de loi doit nous permettre d’élever quelques digues, dans le contexte d’une austérité budgétaire aux conséquences désastreuses. Certes, dans ce texte, tout n’est pas du même bois. L’encadrement des loyers proposé risque, par exemple, d’être un coup d’épée dans l’eau. Le plafond retenu est trop haut, alors que chacun s’accorde à considérer que les loyers en zone tendue sont irrationnels. De plus, les associations craignent que les multiples dérogations permettent de passer très facilement au travers de ce dispositif. Pour les locataires des grandes villes, ce sera toujours la galère pour trouver un logement.

Autre exemple : la garantie universelle des loyers, dont nous soutenions vigoureusement le principe, a été affaiblie. Elle n’est plus obligatoire, et ne se substitue donc plus automatiquement à la caution : les risques ne sont donc pas universellement mutualisés, comme dans une véritable sécurité sociale du logement. Le dispositif ne sera pas mécaniquement d’une grande aide pour les locataires, qui changent simplement de créancier.

Fort heureusement, les parlementaires du Front de gauche ont contribué à muscler le texte, par le biais de nombreux amendements et grâce au soutien des autres groupes de la gauche.

M. Jean-Paul Bacquet. Ah ! Ce n’est pas le même langage que d’habitude !

M. André Chassaigne. Ainsi, pour reprendre l’exemple de la GUL, grâce à un amendement des sénateurs communistes, l’Agence de la garantie universelle des loyers pourra s’abstenir de poursuivre les locataires endettés si leurs difficultés sont liées à des accidents de vie comme la perte d’emploi. De cette façon, le dispositif se voit rééquilibré.

De plus, soixante ans après l’appel de l’Abbé Pierre, les parlementaires du Front de gauche sont fiers d’avoir consolidé la trêve hivernale, qui sera plus longue et plus solide, car la fin des expulsions en hiver a été actée.

Nous avons aussi obtenu la création d’un permis de louer, dans certaines zones, pour lutter contre l’habitat insalubre et les marchands de sommeil.

Notre proposition d’instaurer un dispositif de lutte contre les congés frauduleux a abouti, et les bailleurs indélicats seront passibles de sanctions pénales, le juge pouvant vérifier la réalité du motif de congé invoqué.

Nous avons également fait retirer certaines dispositions très négatives du projet de loi, comme les pénalités pour impayé de loyer, qui auraient assommé les locataires en difficulté.

Enfin, s’agissant du volet territorial, le pire a été évité. En effet, si certaines dispositions très contestables demeurent – je pense au désengagement de l’État en matière d’ingénierie publique dans les petites intercommunalités, ou au dessaisissement des maires de certaines prérogatives sur les sols –, un compromis a été trouvé sur l’épineuse question des plans locaux d’urbanisme. Les communes auront la possibilité de garder en main le levier très important de la gestion de l’espace si elles sont au moins un quart à le souhaiter au sein de l’EPCI.

Ainsi, au moment de dresser le bilan de ce texte fourni, certes traversé par des logiques contradictoires, les députés du Front de gauche ont finalement décidé de le soutenir (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC),…

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien ! Pour une fois, vous n’êtes pas contradictoire !

M. Guy Geoffroy. Ça sent les municipales à gauche !

M. André Chassaigne. …prenant acte de ses avancées et de l’adoption de nombreux amendements qu’ils avaient proposés.

Madame la ministre, vous avez fait la preuve de votre sens de la concertation et de l’écoute. Aussi, nous faisons le choix d’une confiance optimiste…

M. Jean-Paul Bacquet. Oh la la ! Excellent !

M. André Chassaigne. …quant aux réponses que le Gouvernement apportera aux différentes inquiétudes que nous avons formulées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Mais, bien évidemment, nous continuerons à porter très fort nos revendications : construction de logements sociaux, gel des loyers en zone tendue, abrogation de la loi Boutin, fin des expulsions, et réquisition concrète des logements vacants. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Bacquet. M. Chassaigne s’améliore ! Il était aussi bon que sur la loi pour l’avenir de l’agriculture !

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Jacqueline Maquet. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, après un long parcours législatif de plus de huit mois commencé dès l’été 2013, l’examen du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové s’est achevé lundi. Ce texte, largement amendé lors des différentes lectures à l’Assemblée nationale, l’a également été dans le cadre des travaux de nos collègues sénateurs. Après dix ans de pouvoir de la droite et dix ans de politique du logement inadaptée aux besoins réels des Français, nous pouvons constater les difficultés rencontrées par des millions de Français pour se loger dignement ; en atteste, chaque année, le rapport de la Fondation Abbé Pierre.

Ce projet de loi s’inscrit pleinement dans la feuille de route que s’est fixée le Gouvernement pour l’accès au logement pour tous. Il est nécessaire et attendu, afin de rétablir l’égalité d’accès au logement et de réguler le marché. Il concrétise les vingt mesures du plan en faveur du logement, présenté le 21 mars dernier à Alfortville par le Président de la République.

Le texte que nous allons voter aujourd’hui met en place la garantie universelle des loyers. Il permet l’encadrement des loyers et la prévention des expulsions. Il encadre les professions immobilières et lutte contre l’habitat indigne et les copropriétés dégradées. Il réforme les syndics et modernise l’attribution des logements sociaux, qui devient transparente et simplifiée. Il améliore le contrôle du secteur du logement social et modernise les organismes HLM. Enfin, il modernise également les règles d’urbanisme, dans une perspective de transition écologique des territoires, qu’il s’agisse de planification stratégique, de modernisation des documents d’urbanisme, de lutte contre l’étalement urbain ou de politique foncière. Il consacre le plan local d’urbanisme intercommunal,…

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

Mme Jacqueline Maquet. …tout en permettant la constitution d’une minorité de blocage, formée par 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population.

Pour conclure, il est important que ce texte soit adopté et entre rapidement en application, car nous ne pouvons plus laisser s’accroître les inégalités d’accès au logement. Tel est le sens de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Marie Tetart. Monsieur le président, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, en dépit d’une programmation changeante et d’un calendrier d’examen peu mobilisateur, la qualité des échanges, la bonne ambiance et le respect mutuel ont marqué ces neuf mois de débats.

En dépit de l’annonce du caractère non négociable de certains objectifs comme l’encadrement des loyers, la garantie universelle des loyers ou le plan local d’urbanisme intercommunal, le doute s’est progressivement installé, face aux conclusions des rapports remis au Premier ministre, aux coups de boutoir du Sénat, aux réactions des partenaires de la politique du logement, aux protestations de la majorité des maires de France et à celles des petits propriétaires. Concernant la GUL et le PLUI, ce doute a abouti à une reculade salutaire.

La lutte contre l’habitat indigne, les marchands de sommeil et la dégradation des copropriétés a reçu dès le départ notre soutien. Les propositions correspondantes, étayées et non contestées, ne résultaient pas d’une simple volonté idéologique, mais de propositions de l’ANAH ou de son président Dominique Braye. Elles ont été enrichies grâce à l’apport de députés qui peuvent encore nous faire profiter de leur expérience de maire.

Nous soutenons les mesures qui améliorent la gestion des copropriétés, comme les modifications des modalités de prise de décision, qui permettront la prise en compte de nouveaux défis, comme l’économie d’énergie ou l’anticipation des travaux de gros renouvellement.

Nous approuvons les mesures clarifiant l’exercice de la profession de syndic et ses rapports avec le conseil syndical, tout en jugeant que certaines vont trop loin et constituent des charges inutiles.

Certaines des mesures touchant à l’exercice de la profession d’agent immobilier et à l’encadrement de certains de leurs actes et missions sont acceptables. Mais pourquoi normaliser toutes les étapes d’une transaction, depuis l’affichage en vitrine jusqu’à la signature de l’acte ? Vous changez profondément la structure de rémunération des agents immobiliers. Vous administrez une profession, vous complexifiez les procédures, vous déséquilibrez le rapport entre locataire et propriétaire, et vous multipliez les possibilités de contentieux. Vous créez de la norme qui s’impose à tous pour corriger les errements condamnables de quelques-uns.

La majorité des petits propriétaires ne pourront plus gérer seuls leur bien. Vous ne rendez plus possible la gestion en amateur éclairé – ce que sont la majorité des petits propriétaires. Ils devront contracter avec un gestionnaire et subiront donc une charge nouvelle, qui s’ajoutera à toutes les autres que votre texte impose.

À cela s’ajoutent une multitude d’autres petites inégalités qui changeront le rapport entre locataire et propriétaire : des préavis déséquilibrés, des délais de contestation dissymétriques, des charges nouvelles pour le propriétaire. Tout cela va susciter une défiance des petits investisseurs pour le logement. Mais ce n’est rien à côté de l’arme absolue pour les décourager : l’encadrement du loyer.

M. Jean-Luc Laurent. Que d’exagérations !

M. Jean-Marie Tetart. En accroissant les charges obligatoires et en encadrant le loyer, vous fixez le revenu maximal d’un propriétaire. Dans un quartier défini pour optimiser le loyer médian, vous fixez, par taille de logement, le loyer maximal au mètre-carré, quelles que soient les caractéristiques du logement – cuisine équipée ou non, salle de bain aménagée ou non, ascenseur ou non, vue sur cour ou sur parc. En encadrant les loyers, vous encadrez aussi par le bas le futur niveau de confort des logements locatifs.

M. Jean-Luc Laurent. Pas du tout !

M. Jean-Marie Tetart. Quant à la GUL, qu’en reste-t-il ? Si nous nous réjouissons de la liberté retrouvée pour les bailleurs de choisir entre cautionnement, GRL, GLI ou GUL, nous ne pouvons nous féliciter des nouvelles charges que cette GUL, qui instaure un traitement social des impayés, engendrera pour l’État. On ne peut d’ailleurs que s’étonner que la réécriture complète de l’article 8 n’ait pas donné lieu à un complément d’étude d’impact.

Madame la ministre, votre projet de loi ne constitue pas une réponse à la crise du logement, aggravée depuis votre arrivée au pouvoir.

M. François Brottes, président de la commission mixte paritaire. Non !

M. Jean-Marie Tetart. Vous aviez promis la construction de 500 000 logements par an. Or voici votre bilan pour 2013 : 340 000 logements réalisés, dont seulement 117 000 logements sociaux. M. Chassaigne vient de vous donner des éléments d’explication. Ce sera l’héritage que vous laisserez. Ce n’est pas la loi ALUR qui va compenser ce déficit !

M. Jean-Paul Bacquet. Vous n’avez rien compris !

M. Jean-Marie Tetart. Vous pensiez que l’élaboration du PLU à une échelle intercommunale était susceptible de faciliter la production de logements.

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

M. Jean-Marie Tetart. Vous vouliez rendre obligatoire le transfert de la compétence d’urbanisme aux intercommunalités. Nous vous invitions, nous, au transfert par la pédagogie, l’envie, l’adhésion. Il vous était difficile de trancher entre votre majorité dans cet hémicycle et celle du Sénat : toutes deux étaient favorables au caractère obligatoire du transfert, mais l’une avec une minorité de blocage symbolique, inatteignable, l’autre avec une minorité de blocage accessible – futures élections sénatoriales obligent ! Finalement, la CMP a fait un ajustement de balance d’épicier, le « 25/20 ».

M. François Brottes, président de la commission mixte paritaire. C’est un beau métier, épicier !

M. Jean-Marie Tetart. Vous êtes arrivés à l’opposé de vos objectifs initiaux. La compétence du PLU ne sera que très rarement transférée, car il est plus facile d’organiser une minorité de blocage que d’obtenir la majorité qualifiée classique.

En conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), les quelques points positifs contenus dans ce projet de loi ne peuvent compenser la complexification normative croissante, le déséquilibre apporté aux rapports entre propriétaires et locataires, les conséquences de l’encadrement des loyers, le coût de la GUL pour l’État et le mauvais coup porté aux démarches volontaires de PLUI. Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que le groupe UMP votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Luc Laurent. Un peu de raison, maintenant !

M. Michel Piron. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure du dernier acte parlementaire de ce projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, nous savons déjà que l’engagement du Président de la République de construire 2,5 millions de logements sur la durée du quinquennat ne pourra être tenu. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Avec 332 000 logements construits en 2013, soit 4,2 % de moins qu’en 2012 – une année déjà mauvaise –, on est même loin de la moyenne de 390 000 logements construits par an lors de la décennie précédente.

M. François Rochebloine et M. François Sauvadet. Eh oui !

M. Michel Piron. Et tous les voyants restent au rouge pour 2014, avec d’un côté, un relèvement du taux de TVA à 10 % qui mine le secteur du bâtiment dans un contexte économique difficile de l’autre, une cherté des prix de l’immobilier conjuguée à la remontée attendue ou crainte des taux d’intérêt. La priorité des priorités est donc d’accroître substantiellement l’offre de logements, d’autant que nos besoins actuels sont estimés à quelque 800 000 unités.

Cela passe par la fiscalité, à travers une baisse massive des charges qui pèsent sur l’activité des entreprises et une politique fiscale offensive visant à dissuader la rétention foncière. Cela passe aussi par une véritable simplification de l’accumulation normative qui pèse de plus en plus sur les délais et les coûts de construction.

En abordant l’examen de ce projet de loi, le groupe UDI s’est donc posé une question : les 350 pages de ce texte permettront-elles de construire plus et mieux ? (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) Malheureusement, nous ne le pensons pas.

J’en viens donc au fond de ce mastodonte législatif qui a considérablement évolué au cours de nos travaux et qui alterne le satisfaisant, l’acceptable et le franchement mauvais.

Je commencerai par aborder le PLU intercommunal qui a concentré l’essentiel de nos discussions en CMP. Si notre groupe, comme les autres, est partagé sur cette partie du texte, nous considérons que le compromis de la CMP, qui instaure et renforce le pouvoir d’une « minorité » dite « de blocage » pour s’opposer au transfert de compétences, crée un précédent pour le moins incongru dans le code général des collectivités territoriales. Nous aurions pu trouver une procédure plus respectueuse des collectivités territoriales, tout en permettant un plus large accord des communes dans le cadre du transfert.

La part satisfaisante de votre projet de loi, madame la ministre, c’est l’ensemble des dispositions qui visent à prévenir et renforcer la lutte contre la dégradation des copropriétés et l’habitat indigne, qui sont pour l’essentiel issues du travail engagé sous la précédente majorité par le sénateur Dominique Braye. D’autres dispositions vont également dans le bon sens, comme celles qui visent à moderniser les règles d’urbanisme pour faciliter la densification, voire prévenir l’étalement urbain.

L’acceptable, c’est notamment la garantie universelle des loyers, corrigée des risques de suradministration que contenait votre version initiale. Devenue facultative en cours de navette, l’universalité de la garantie, en l’état actuel des pratiques, portera sur 20 % des locataires, puisque 80 % sont soumis à la caution. Les bailleurs changeront-ils leurs habitudes ?

Un député du groupe UMP. Non !

M. Michel Piron. Il est permis d’en douter. C’est pourquoi nos critiques de votre dispositif initial ne portaient pas sur le bien-fondé d’une garantie universelle, mais bien sur son financement et les modalités de sa mise en œuvre.

J’en viens enfin à la mesure franchement mauvaise qu’est l’encadrement des loyers. Votre dispositif n’est pas mauvais parce qu’il ne faudrait pas se soucier des loyers trop élevés. Il est mauvais parce que, à un vrai problème vous apportez une mauvaise réponse. Pourquoi les loyers sont-ils trop élevés ? Parce qu’on manque de logements. Est-ce que l’encadrement des loyers va permettre de construire davantage de logements ? Certainement pas. Il peut même décourager des investisseurs de se lancer dans la construction et la rénovation puisqu’ils ne pourront plus répercuter le prix de leurs travaux dans le loyer.

En instaurant un loyer médian, vous allez faire baisser les loyers les plus élevés des ménages les plus aisés, tout en permettant une hausse des loyers les moins élevés des ménages les moins aisés. Ainsi, partant d’une de ces bonnes intentions – dont « l’enfer », dit-on, « est pavé » –, vous risquez d’aggraver la crise du logement que vous entendez combattre.

En conclusion mes chers collègues, ce projet de loi passe à côté de l’essentiel : construire davantage de logements. S’il contient quelques mesures nécessaires, il ne nous semble pas à la hauteur de la gravité de la crise du logement que traverse notre pays et, pour cette raison, le groupe UDI ne votera pas votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants467
Nombre de suffrages exprimés462
Majorité absolue232
Pour l’adoption297
contre165

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Après près de neuf mois de travail parlementaire intense, je souhaite remercier très sincèrement l’ensemble des parlementaires de tous les groupes qui ont travaillé avec beaucoup d’énergie sur ce projet de loi. Nous avons eu de véritables débats politiques et il est normal que certains s’y opposent et que d’autres la soutiennent. Oui, c’est une loi de gauche, une loi de régulation, une loi qui s’attaque aux causes structurelles de la crise du logement, qui produira ses effets dans les mois et, sans nul doute, dans les années qui viennent. Cette loi réforme des textes datant des années soixante, soixante-dix, il était temps de s’y attaquer. Certes, elle peut déranger certaines habitudes et certains avantages acquis, mais elle sera utile à celles et ceux qui ont souhaité que cette majorité change ce qui semblait immuable : l’inégalité face au logement. Je suis convaincue qu’elle y contribuera de manière décisive au fil du temps et je suis très heureuse de votre approbation,…

M. Charles de Courson. Hélas !

Mme Cécile Duflot, ministre. …de votre engagement. Vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement et de la ministre du logement pour continuer à agir pied à pied contre la crise du logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDRRRDP.)

M. le président. Merci, madame la ministre, et bravo. (Exclamations sur divers bancs.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Comptes bancaires inactifs et contrats d’assurance-vie en déshérence

Discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, après engagement de la procédure accélérée, de MM. Christian Eckert, Bruno Le Roux, Dominique Lefebvre et plusieurs de leurs collègues relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence (nos 1546, 1765).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui en première lecture, et que j’ai l’honneur d’avoir déposée au nom du groupe SRC, vise à apporter une réponse définitive au problème des avoirs financiers en déshérence et à satisfaire l’objectif essentiel de protection des droits des épargnants.

Elle est destinée à compléter les efforts engagés par le législateur, en particulier dans le cadre de la loi de séparation et de régulation des activités bancaires ; des amendements au sujet des avoirs bancaires en déshérence et du dépôt à la Caisse des dépôts et consignations des sommes non réclamées au titre de ces avoirs et des contrats d’assurance-vie avaient en effet été retirés au profit de la présente proposition de loi, avec l’accord du ministre de l’économie.

La proposition de loi est le résultat d’un travail de longue haleine, qui a impliqué la Cour des comptes pour l’établissement du constat, les services administratifs compétents ainsi que les acteurs et parties prenantes pour consultation.

Maintenant que le constat est établi sans ambiguïté, il est nécessaire de légiférer rapidement. S’agissant des comptes bancaires inactifs, les montants sont significatifs : au sein de l’échantillon représentatif de banques consultées par la Cour des comptes, 1,8 million de comptes inactifs ont été recensés pour un encours de 1,6 milliard d’euros, les encours sur les comptes dont les titulaires sont décédés pourraient être de l’ordre de 1,2 milliard d’euros.

Il y a 674 014 comptes bancaires dont le titulaire est centenaire, alors que, selon l’INSEE, notre pays ne compte que 20 106 centenaires. En l’état du droit, hormis le principe général de la déchéance trentenaire, aucune obligation n’est prévue pour les banques pour ce qui concerne les comptes bancaires inactifs. Il s’agit de protéger les épargnants puisque les banques tendent à ponctionner ces ressources pour « frais de gestion », dans des proportions importantes et parfois abusives, surtout pour des comptes inactifs.

Il s’agit de traiter le problème du respect de la déchéance trentenaire pour l’État : selon la Cour, toutes les banques n’ont pas mis en place les procédures permettant d’assurer le respect de cette déchéance trentenaire. Par exemple, une banque ne conserve pas les mouvements passés sur un compte au-delà de dix ans, elle est donc incapable d’assurer le respect de la loi. De surcroît, aucun service administratif n’assure réellement de contrôle sur les banques : selon la Cour, la DGFIP n’assure qu’un contrôle très partiel ; l’ACPR, quant à elle, estime qu’il ne lui revient pas d’assurer le respect de la déchéance trentenaire dès lors que la disposition est prévue dans le code général de la propriété des personnes publiques et non dans le code monétaire et financier. Certes, après l’audition devant la commission des finances du nouveau vice-président de l’ACPR, M. Jean-Marie Levaux, préalablement à sa nomination, l’ACPR a indiqué publiquement que cette question faisait maintenant partie de ses priorités Mais la marge de progrès est indéniable.

Les points soulevés au titre des comptes bancaires inactifs sont valables pour les contrats d’assurance vie. Les assureurs sont défaillants dans la mise en œuvre des obligations législatives et réglementaires qui leur ont été progressivement imposées depuis 2003. Les raisons de cette application partielle ou insuffisante de la loi tiennent à la fois aux difficultés que les assureurs rencontrent pour réunir les informations permettant le versement des sommes dues et à une réticence certaine au regard de l’accroissement de leurs obligations. En conséquence, l’encours des contrats d’assurance vie et de capitalisation non réclamés est encore relativement important malgré les dispositifs législatifs adoptés : il représente, en valeur relative, 0,2 % de l’encours total – ce qui peu paraître peu –, mais en valeur absolue, 2,76 milliards d’euros au minimum selon la Cour.

Nous avons souhaité légiférer dans les meilleures conditions possibles. Je tiens à redire que le texte soumis aujourd’hui à l’Assemblée nationale en première lecture est le fruit d’un travail de longue haleine, mené parallèlement à la session budgétaire. Je voudrais remercier particulièrement mes équipes, Philippe, Chloé et Sébastien, entre autres.

Dans un premier temps, sur la base du 2°) de l’article 58 de la LOLF, la commission des finances a demandé à la Cour des comptes, en décembre 2012, une enquête approfondie sur cette question des avoirs en déshérence. La Cour a rendu son rapport au mois de juillet 2013, et son premier président l’a présenté en commission dans la foulée, en présence des représentants des banques et des assurances, qui ont ainsi pu présenter leurs observations oralement. Sur cette base, nous avons lancé une concertation qui a impliqué l’ensemble des parties prenantes : les administrations fiscales – DLF, DGFIP –, financières – Caisse des dépôts, Direction générale du Trésor –, et juridiques – Chancellerie –, leurs auxiliaires, les notaires, les autorités de contrôle et de régulation – ACPR, CNIL –, les entreprises d’assurance et les établissements de crédit, les généalogistes et les représentants des consommateurs.

Sur la base des observations recueillies dans le cadre de cette concertation, le texte de la proposition de loi a été rédigé en lien étroit avec les services de la Direction générale du Trésor puis déposé dans le courant du mois de novembre dernier.

Enfin, j’ai demandé au président de l’Assemblée nationale – lequel a bien voulu accepter – d’appliquer les dispositions constitutionnelles qui permettent que le Conseil d’État nous éclaire sur les problèmes juridiques qu’un texte pourrait poser, en nous faisant ainsi bénéficier de son expertise juridique. L’avis du Conseil d’État a permis de valider l’économie générale du dispositif et sa rédaction. Cet avis est présenté, dans ses éléments essentiels, dans le rapport.

Les consultations ont continué ensuite avec les principales parties prenantes. Plusieurs amendements tirant les conséquences de toutes ces consultations ont été adoptés à mon initiative en commission ; ils devraient permettre, je l’espère, d’aboutir à un texte consensuel. J’insisterai en particulier sur le fait que j’ai tenu le plus grand compte des suggestions du Conseil d’État, dont je ne peux que me féliciter de l’apport à cette proposition. Certains amendements, que nous n’avons pas pu retenir car le dispositif proposé n’était pas techniquement prêt, abordent des questions qui ont leur sens, notamment le cas des coffres-forts.

M. Charles de Courson. Ah, les coffres-forts !

M. Christian Eckert, rapporteur. Mais il faudra une réflexion complémentaire sur ce sujet avant de considérer que le dispositif proposé est parfaitement opérationnel.

J’en viens aux grandes lignes du dispositif.

Pour les comptes bancaires inactifs, la proposition de loi prévoit un régime spécifique avec plusieurs apports importants. Elle instaure tout d’abord l’obligation pour le teneur de compte de recenser chaque année les comptes inactifs définis selon des critères précisés par l’article 1er de la présente proposition de loi. J’insisterai sur le fait que la définition des comptes bancaires inactifs est une avancée juridique importante, saluée par le Conseil d’État et par la profession.

Elle crée également l’obligation de transférer à la Caisse des dépôts et consignations les fonds non réclamés à l’issue d’un délai de dix ans d’inactivité pour les comptes « abandonnés » par leur titulaire et à l’issue d’un délai de deux ans après le décès du titulaire du compte pour les comptes de personnes décédées. Elle fait peser diverses obligations sur les teneurs de compte et sur la Caisse des dépôts et consignations : elles sont destinées à protéger les droits des épargnants, en particulier l’information des clients et – j’insiste sur ce point – le plafonnement des frais bancaires pour les teneurs de compte ainsi que la garantie du capital transféré pour la CDC. L’obligation de transfert des fonds à la Caisse des dépôts conduirait à ce que seule celle-ci soit en charge de l’application du principe de déchéance trentenaire aux avoirs bancaires en déshérence. La CDC appliquant ce principe avec rigueur, une telle évolution participe de la préservation des intérêts financiers de l’État.

Enfin, ces nouvelles règles étant introduites dans le code monétaire et financier, la présente proposition de loi charge l’ACPR d’en assurer le respect conformément à sa mission générale et, le cas échéant, de prononcer des sanctions.

S’agissant des assurances vie, il est proposé qu’il soit mis fin au contrat détenu par l’assureur si aucune réclamation du capital ou des prestations garanties n’est intervenue pendant une période de dix ans à compter de la date de connaissance du décès par l’assureur ou de l’échéance du contrat. Si le contrat n’est pas en euros, après liquidation des unités de comptes, les sommes détenues sur ce contrat seront déposées en numéraire à la Caisse des dépôts. Cette dernière exercerait alors sa mission de tiers de confiance en détenant les sommes déposées pour le compte de leurs bénéficiaires. Comme pour les comptes bancaires inactifs, ces derniers disposeraient de vingt années pour se manifester auprès d’elle avant que ne s’applique la déchéance trentenaire au profit de l’État.

Chacune de ces étapes serait précédée d’une information des souscripteurs ou des bénéficiaires des contrats d’assurance vie afin que l’atteinte au droit de propriété que représentent la liquidation des contrats préalablement au versement des sommes à la CDC et la déchéance finale au profit de l’État puisse être limitée aux seuls cas pour lesquels les bénéficiaires sont réellement introuvables.

En conclusion, je voudrais dire la satisfaction qui est la mienne et celle du groupe SRC à l’égard de cette proposition de loi. Compte tenu du montant des sommes en jeu, de la nécessité de préserver les droits des épargnants, de l’importance de nettoyer les bilans des banques de sommes qui n’ont pas y figurer, je vous demande, chers collègues, de l’adopter à la suite de la commission, qui l’a adoptée l’unanimité des suffrages exprimés. La Fédération française des banques et la Fédération française des sociétés d’assurance ont apporté leur soutien à cette initiative dans des communiqués. Au travers de discussions franches, parfois techniques, elles ont reconnu que régler cette question contribuera d’une certaine manière à redorer leur image de marque, qui a souffert d’un certain laxisme de leur part. Protéger les épargnants, limiter les frais abusifs, garantir le capital transféré à la Caisse des dépôts, permettre pour une durée longue aux ayants droit, titulaires, héritiers ou bénéficiaires de contrats de se manifester, tels sont les objectifs de ce texte équilibré. Il serait heureux que notre assemblée puisse se rassembler en l’adoptant à la suite de notre commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Régis Juanico. Les comptes bancaires inactifs tremblent ! (Sourires.)

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, depuis le début du quinquennat, la majorité présidentielle mène un combat – du moins, tente de mener ce combat car il n’est pas facile – pour renforcer la justice au cœur de la cité et garantir les droits et les devoirs de chacun en vue d’un meilleur vivre-ensemble. Le Gouvernement considère que la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui y contribue.

Le problème des comptes bancaires inactifs et des contrats d’assurance vie en déshérence constitue une injustice qui a, depuis de nombreuses années, mobilisé le Parlement tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. À l’initiative de Christian Eckert, votre rapporteur général que je tiens à saluer tout particulièrement, ce sujet a fait l’objet d’un travail approfondi – sans doute le plus abouti conduit sur le sujet jusqu’à présent. À partir du diagnostic établi avec l’appui de la Cour des comptes, il a conduit à la proposition de loi qui est en débat aujourd’hui. Avant même qu’elle ne soit déposée, Pierre Moscovici, lors des débats sur la loi de séparation et de régulation des activités bancaires et moi-même, lors des débats sur la loi relative à la consommation, avions, au nom du Gouvernement, apporté notre soutien à cette démarche et exprimé notre volonté de voir ce texte aboutir au plus vite. C’est pourquoi il a été décidé d’engager la procédure accélérée pour son examen. Le Gouvernement le fait avec d’autant plus de conviction que le texte proposé est de très grande qualité. Je souhaite à cet égard féliciter votre rapporteur général, les membres de la commission des finances et leurs équipes pour l’excellence du travail conduit sur ce sujet délicat. De surcroît, cette proposition de loi a été adoptée en commission à l’unanimité des suffrages exprimés.

Elle poursuit deux objectifs : d’une part, protéger les clients et épargnants, ou leurs ayants droit, dont les fonds sont conservés de manière indue par les banques et les compagnies d’assurance ; d’autre part, protéger les intérêts financiers de l’État, à qui ces fonds doivent être retournés lorsque s’exerce la prescription trentenaire.

Avant de développer ces deux volets, j’aimerais souligner à quel point la résolution de ce problème, dont la traduction en chiffres révèle l’ampleur, doit être une des priorités de l’action publique. Dans son rapport établi à la demande de la commission des finances, la Cour des comptes évalue ainsi le montant des encours concernés à plus d’1,2 milliard d’euros pour les comptes bancaires et plus de 2,7 milliards d’euros pour les contrats d’assurance vie et de capitalisation non réclamés. Récemment, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a eu également l’occasion d’indiquer que le sujet demeurait mal pris en compte chez certains professionnels, où les avoirs en déshérence s’accumulaient, et que cela allait la conduire à sévir.

Le premier volet de la loi, relatif aux comptes bancaires, prévoit une définition des comptes bancaires inactifs et un ensemble d’obligations à la charge des banques, dont le recensement de ces comptes et l’obligation de transfert des fonds à la Caisse des dépôts.

Le second volet relatif aux contrats de capitalisation et d’assurance vie prévoit de nouvelles obligations portant sur les assureurs dont le renforcement des contrôles, la revalorisation, le plafonnement des frais de gestion, ainsi que l’obligation, là aussi, de transfert des sommes détenues à la Caisse des dépôts.

Sur quoi porte le constat de la Cour des comptes ? Premièrement, sur les lacunes en matière de traitement des avoirs en déshérence qui portent atteinte à la protection des épargnants et de leurs ayants droit. Ceux-ci ne sont pas en mesure d’identifier les fonds dont ils ne savent pas, soit par oubli, soit par ignorance, qu’ils en sont les propriétaires légitimes. L’usufruit de ces ressources revient alors aux institutions financières qui, en l’état du droit, ne sont pas suffisamment incitées à réaliser les démarches nécessaires pour rendre les avoirs à qui de droit. Deuxièmement, le rapport souligne le problème des avoirs bancaires et des contrats d’assurance vie en déshérence qui porte atteinte à la capacité de l’État à faire pleinement jouer son droit en matière de recouvrement des avoirs frappés par la prescription trentenaire.

Les conclusions du rapport de la Cour des comptes confirment donc la nécessité de procéder à des modifications législatives pour assurer un traitement satisfaisant des avoirs en déshérence. Le débat sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance vie en déshérence traîne depuis trop longtemps ; il convient donc de le traiter, et de le traiter pleinement, en s’attaquant à tous les problèmes qu’il soulève et à tous les enjeux qui y sont liés.

Pour chaque question soulevée, la proposition de loi de Christian Eckert propose une solution efficace, que le Gouvernement soutient et à laquelle il donne raison.

Tout d’abord, Christian Eckert propose à juste titre de prévoir, au sein du code monétaire et financier, une définition des comptes bancaires inactifs. Le Gouvernement soutient cette proposition qui permet de combler les lacunes du cadre juridique applicable aux comptes bancaires inactifs qui, je le rappelle, ne sont toujours pas définis par la loi et sur lesquels l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ne peut donc exercer un contrôle efficace.

Cette proposition de loi propose également une obligation annuelle de recherche d’information sur l’éventuel décès des titulaires de ces comptes, que les banques devraient assurer sous le contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Cela permet de résoudre le problème du manque d’incitation des établissements de crédit à assurer le respect de la prescription, actuellement de trente ans, certains d’entre eux n’hésitant pas à prélever des frais substantiels de gestion sur ces comptes dormants.

S’agissant des contrats d’assurance-vie en déshérence, les premières avancées adoptées dans le cadre du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires répondent en partie – mais pas en totalité – à la question de la recherche d’information des bénéficiaires. Cette proposition de loi va donc dans le bon sens et reçoit de ce fait l’appui du Gouvernement.

En complément des obligations imposées au teneur de comptes, votre proposition de loi prévoit d’organiser une consultation systématique des fichiers détenus par l’administration fiscale recensant les comptes bancaires – fichier FICOBA – et les contrats d’assurance vie – fichier FICOVIE – par les notaires réglant une succession.

Il s’agit d’une garantie supplémentaire pour éviter que les comptes ou contrats ne restent en déshérence. Même si le Gouvernement en comprend la logique, elle pourrait toutefois imposer une charge de gestion importante aux services chargés du contrôle fiscal qui gèrent ces fichiers ; nous devons donc veiller à ce qu’elles n’entravent pas leur mission de lutte contre la fraude, qui reste prioritaire. Il faudra, ainsi que vous l’avez dit, rechercher au cours de la navette les conditions permettant d’atteindre l’objectif légitime poursuivi en tenant compte de cette contrainte.

Autre point, s’agissant du problème de transfert des fonds : ce texte propose une solution efficace avec l’obligation de transfert des fonds, après un certain délai, à la Caisse des dépôts, qui serait chargée de les consigner jusqu’à l’application de la prescription. Le rôle ainsi confié à la Caisse des dépôts, qui devient un pilier central du dispositif, est essentiel et permet de donner au nouveau dispositif toute son efficacité. C’est vrai pour la préservation des droits des clients ou de leurs ayants droit ; c’est vrai également pour permettre à la prescription trentenaire de jouer pleinement en faveur de l’État.

En effet, la bonne application du principe de prescription trentenaire devrait permettre à l’État de percevoir in fine les fonds dont les propriétaires ne peuvent pas être identifiés. Le manque de diligence des établissements de crédit et des entreprises d’assurance ainsi que les insuffisances de la législation actuelle privent actuellement l’État de ces recettes qui lui reviennent de droit. Le Gouvernement donne donc entièrement raison à cette proposition.

Voilà donc, mesdames et messieurs les députés, les enjeux et les solutions de cette proposition de loi pour la protection des clients, assurés et épargnants et pour la préservation des intérêts financiers de l’État. C’est un double objectif que le Gouvernement soutient ardemment, en vue du respect des droits et des devoirs de chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Très bien !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, le texte de la proposition de loi dont nous débattons ce soir est le fruit d’un travail approfondi, qui tente avec succès de combler les graves lacunes de notre législation en matière d’avoirs bancaires inactifs ainsi que de contrats d’assurance-vie non réclamés et en déshérence. C’est un sujet qui intéresse de très près l’ensemble de nos concitoyens car il s’agit de mettre fin aux pratiques des établissements bancaires et compagnies d’assurance qui tirent profit de comptes inactifs ou de contrats non réclamés au détriment des droits des épargnants comme des intérêts financiers de l’État.

Si la Fédération française des sociétés d’assurances affirme que le phénomène reste marginal, force est de constater que, selon les estimations, les contrats d’assurance vie non réclamés représenteraient à eux seuls entre 1 et 5 milliards d’euros. La Cour des comptes estime que l’épargne aujourd’hui placée sur des comptes bancaires ou des assurances-vie et qui n’est pas réclamée par leurs ayants droit représente au bas mot 4 milliards d’euros.

Certes, la question des contrats d’assurance-vie en déshérence n’est pas nouvelle. Plusieurs dispositions ont été adoptées depuis 2005 pour contraindre les assureurs à effectuer les recherches des bénéficiaires. Ces efforts, salués par le rapport de la Cour des comptes publié en juillet dernier, restent cependant insuffisants. Selon les sages de la rue Cambon – des sages bien convertis à l’orthodoxie libérale, monsieur le rapporteur ! –, la loi n’est en effet pas intégralement appliquée par les assureurs, les défaillances nombreuses, les consultations du répertoire national d’identification des personnes physiques ouvertes aux assureurs pour les aider à retrouver les bénéficiaires des contrats en déshérence, sont souvent tardives, voire inexistantes – je ne fais que citer le rapport de la Cour !

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution a visiblement décidé de prendre à bras-le-corps ce dossier et indiqué très récemment avoir rappelé à l’ordre certains assureurs après avoir constaté des pratiques illégales en matière d’imputation des frais de recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie – un nouveau témoignage des scandaleuses libertés que prennent certains assureurs avec la loi !

Il importe donc que le législateur durcisse le ton, mais aille aussi au-delà du seul cas des contrats en déshérence pour englober l’ensemble des avoirs – comptes courants, livrets, etc. – qui dorment dans les coffres des banques après le décès de leur titulaire. Les banques n’ayant pour l’heure aucune obligation en la matière, ces sommes représenteraient à elles seules, selon la Cour des comptes, et vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, au moins 1,2 milliard d’euros ! Je salue donc l’initiative de notre rapporteur et la qualité du texte qui nous est proposé.

M. Dominique Baert. Oui ! Beau travail !

M. Nicolas Sansu. Nous nous réjouissons notamment des mesures prises en matière de comptes bancaires inactifs. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, nous avions d’ailleurs défendu un amendement visant à interdire la perception de frais bancaires sur les comptes inactifs qui n’enregistrent plus de mouvements au crédit ou au débit depuis plus d’un an. Une large majorité des banques facturent en effet des frais de tenue pour les comptes courants sans activité, les tarifs appliqués étant souvent très élevés : ils peuvent atteindre près de 140 euros et se situent en moyenne autour de 50 à 70 euros par an. Le texte que vous nous proposez ne va pas aussi loin mais, en adoptant le principe d’un plafonnement des frais et commissions de toutes natures prélevés par les établissements sur les comptes inactifs, la proposition de loi met fin aux pratiques abusives qui consistaient pour les banques à ponctionner une part importante des actifs, alors que la gestion de ces comptes génère des coûts marginaux.

L’obligation faite aux banques de consulter annuellement le registre national d’identification des personnes physiques et l’obligation subséquente d’information des titulaires sont des mesures qui vont dans le bon sens. L’obligation faite aux notaires de consulter le fichier des comptes bancaires tenu par l’administration fiscale est également une mesure de bon sens, qui permettra de mieux garantir les droits des épargnants.

En matière d’assurance-vie, le texte propose là aussi de véritables avancées en prévoyant notamment qu’après un délai de dix ans, les sommes détenues par l’assureur seront déposées en numéraire à la Caisse des dépôts et consignations qui exercera alors la mission de tiers de confiance pour le compte des bénéficiaires pendant encore vingt années avant la déchéance finale au profit de l’État. Ces mesures protectrices reçoivent, si j’ai bien compris, l’assentiment de tous.

Reste l’épineuse question des contrôles. La présente proposition de loi ne pourra produire les effets souhaités que si l’administration contrôle effectivement le respect des règles du jeu par les établissements bancaires et les assureurs. Or, c’est bien là que le bât blesse ! La politique de réduction drastique des dépenses publiques, au prétexte d’une meilleure maîtrise des finances publiques, menace l’efficacité de l’action publique en matière de contrôle du respect de la loi. Ce qui est vrai pour la lutte contre les paradis fiscaux l’est aussi pour la lutte contre les pratiques frauduleuses de certaines banques et assurances.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Très juste !

M. Nicolas Sansu. Les coupes claires opérées notamment dans les effectifs de la direction générale des finances publiques depuis plus de dix ans nous laissent songeurs quant à l’effectivité des mesures de contrôle et de sanction que nous pouvons prendre dans cet hémicycle.

La question des pratiques frauduleuses ou pour le moins douteuses des banques et assurances ne se limite pas non plus aux cas des comptes inactifs et des contrats en déshérence. Lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, nous avions par exemple dénoncé les manœuvres dilatoires auxquelles se livrent certaines compagnies d’assurance pour proroger artificiellement le délai de versement du capital ou de la rente garantie aux bénéficiaires des contrats d’assurance-vie. Nous savons que le code des assurances prévoit actuellement que l’entreprise d’assurance dispose d’un délai d’un mois après réception des pièces justificatives pour procéder au versement. Or, contournant ces dispositions, certains assureurs omettent sciemment de réclamer l’ensemble des pièces justificatives en une seule fois, ce qui autorise l’envoi de plusieurs courriers qui retardent d’autant le délai de versement effectif, sans pénalité de retard.

Nous ne pouvons pas non plus, dans le même esprit, passer sous silence le niveau des frais bancaires. Après dix années de hausse, ces frais ont certes légèrement reculé en ce début d’année sous l’influence de deux changements intervenus fin 2013 : la loi bancaire, tout d’abord, qui limite les commissions d’intervention, et la directive européenne sur les services de paiement encadrant les virements et les prélèvements SEPA – Single European Payments Area – ensuite, qui ne permet plus aux banques de facturer, entre autres, l’autorisation de prélèvement pour régler par exemple les notes de téléphone.

Si de nombreuses banques ont par ailleurs abandonné les fameux packages pour revenir, sous la pression des associations de consommateurs, à une tarification « à la carte » de leurs services, il convient de remarquer que cette timide avancée se paie d’une hausse d’autres tarifs. Près de la moitié des établissements ont ainsi réintégré les frais de tenue de compte, qui avaient quasiment disparu, en facturant donc de nouveau à leurs clients le simple fait d’être client.

Ces quelques exemples illustrent la persistance de nombreuses et graves anomalies dans les relations des banques et des assurances avec leurs clients. C’est un sujet auquel nos concitoyens sont particulièrement sensibles et qui mériterait d’être traité dans sa globalité au travers d’un texte législatif plus vaste. Un tel texte permettrait également de revenir sur la question de l’inclusion bancaire, qui nous tient particulièrement à cœur comme vous le savez, car si près de 99 % de la population française a aujourd’hui accès à un compte bancaire, l’exclusion bancaire demeure une réalité. Force est en effet de constater que l’offre de produits bancaires adaptés à certains profils de clients – salariés intérimaires ou en CDD – tout comme les démarches d’information, de conseil, d’orientation vers des organismes sociaux et de prévention des impayés sont à ce jour extrêmement limitées.

Nous ne pouvons ici nous appuyer sur la seule responsabilité sociale des entreprises et sur les initiatives prises par certains établissements pour mieux tenir compte de la situation de leurs clients fragiles. Il y a matière à renforcer notre arsenal législatif, notamment en garantissant une meilleure transparence des pratiques bancaires à l’égard des clientèles les plus fragiles. Les progrès qui restent à réaliser doivent nous inciter à prolonger le travail entamé avec cette proposition de loi, que nous approuvons sans réserve, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre.

Mme Marie-Françoise Bechtel et M. Dominique Baert. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, chers collègues, je souhaite dire quelques mots de cette proposition de loi du groupe socialiste, d’abord sur la méthode employée, puis un peu plus longuement sur le fond.

Sur la méthode, je voudrais simplement souligner que notre assemblée a, à l’initiative de la commission des finances, saisi toutes les expertises que la Constitution permet au Parlement de mobiliser en application du 2°) de l’article 58 de la LOLF. Le présent texte illustre donc le rôle de notre assemblée. La sollicitation, il y a un an, de la Cour des comptes, a débouché sur cette proposition de loi. Je voulais donc louer cette méthode, dont je pense qu’elle peut être renouvelée et que notre assemblée y trouvera satisfaction.

Autre point concernant la méthode : je tiens à saluer vivement, au nom de mes collègues socialistes, les travaux menés par le rapporteur général, Christian Eckert, sur la base tant du rapport rendu en juillet dernier par la Cour des comptes sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance en déshérence ou non réclamés et que de l’avis du Conseil d’État. Avant d’en venir au fond, je tiens à dire que le travail ainsi effectué est très intéressant.

Sur le fond, deux points ont été mis en exergue par l’ensemble de ces travaux : d’une part, une insuffisance des dispositions législatives encadrant les obligations des banques et des assurances envers leurs clients, notamment lorsque ceux-ci n’ont pas les moyens de se manifester spontanément par méconnaissance des avoirs et des prestations qui leur reviennent de droit ; d’autre part, une insuffisance des contrôles et, a fortiori, des sanctions par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en cas de manquement.

Aucune obligation, cela a été rappelé par le rapporteur, ne s’impose à l’heure actuelle aux banques pour la gestion des comptes inactifs, à l’exception de leur transfert à l’État. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, et je veux les rappeler car ils représentent des montants significatifs : 1,8 million de comptes inactifs recensés pour un encours de 1,6 milliard d’euros ; parmi ceux-là, 1,2 milliard correspondent à des comptes de titulaires décédés ; enfin, on recense 674 014 comptes bancaires dont le titulaire est centenaire, alors que le nombre des centenaires ne s’élève qu’à 20 106 selon l’INSEE. On voit bien là qu’il existe un décalage, qu’il convient de résorber.

Sur la base de ce constat, cette proposition de loi a pour vocation principale d’assurer le respect des droits des épargnants en établissant un cadre juridique de nature à permettre le retour à leurs propriétaires légitimes de fonds qu’ils ont délaissés ou dont ils ne connaissent pas l’existence. C’est donc, avec la démarche parlementaire adoptée, l’autre point fort de ce texte : l’objectif de protection de nos concitoyens ou de leurs ayants droit.

Pour les comptes bancaires inactifs, la proposition de loi prévoit un régime spécifique, avec plusieurs apports importants : l’obligation pour le teneur de compte de recenser chaque année les comptes inactifs, définis selon des critères précisés par l’article 1er, avancée importante saluée par le Conseil d’État comme par la profession ; l’obligation de transférer à la Caisse des dépôts et consignations les fonds non réclamés à l’issue d’un délai de dix ans d’inactivité pour les comptes abandonnés par leur titulaire et de deux ans après le décès pour les comptes de personnes décédées.

Enfin, diverses obligations sont imposées aux teneurs de compte et à la Caisse des dépôts et consignations, par exemple l’information des clients et le plafonnement des frais bancaires.

En ce qui concerne les contrats d’assurance-vie, pour lesquels l’enjeu financier est encore plus important avec un encours de 2,8 milliards, un certain nombre de dispositions viennent compléter la loi de 2007 ; il s’agit là d’un prolongement de dispositions que nous avons votées récemment avec la réforme de l’assurance-vie en décembre et la création du fichier FICOVIE, avec de nouvelles obligations portant sur les assureurs, dont le renforcement des contrôles, la revalorisation, le plafonnement des frais de gestion ainsi que l’obligation de transfert des sommes détenues à la Caisse des dépôts.

Notre rapporteur a su trouver, in fine, un équilibre fin et subtil entre les obligations mises à la charge des établissements financiers, le travail de la Caisse des dépôts et consignations et le respect du droit des épargnants. L’amendement du rapporteur à l’article 13, adopté en commission, qui repousse au 1er janvier 2016 l’entrée en vigueur de la proposition, participe de cet équilibre en laissant aux établissements bancaires et aux assureurs un délai raisonnable pour adapter leurs pratiques aux nouvelles obligations qui leur sont faites.

Cette proposition de loi est donc particulièrement importante et concerne l’ensemble de nos concitoyens. Elle s’attache à ce que les droits des ayants droit soient mieux garantis et à ce que l’État puisse légitimement récupérer les sommes d’argent qui n’auront pas été attribuées à leurs ayants droit au terme du délai de déchéance, ce qui est conforme à l’intérêt général.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le présent texte poursuit ainsi un objectif d’intérêt général incontestable qui devrait trouver au terme de notre débat, j’en suis convaincu, un soutien unanime, dépassant ainsi nos clivages partisans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la problématique des comptes bancaires inactifs et des contrats d’assurance vie en déshérence est un véritable serpent de mer. Il était temps que notre Assemblée s’empare du sujet. La proposition de loi fait suite à un rapport de la Cour des comptes portant sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance-vie en déshérence qui indiquait, au mois de juillet 2013, que « La situation actuelle soulève de réels enjeux de protection des épargnants. »

La présente proposition de loi vise donc à mettre en œuvre les recommandations qui ont été présentées en commission des finances par la Cour des comptes. Elle a également fait l’objet d’un avis du Conseil d’État sur le fondement de l’article 39 de notre Constitution.

Lors de la présentation des conclusions du rapport de la Cour en commission des finances, au mois de juillet 2013, le Premier président a souligné la persistance de certaines pratiques d’établissements de crédit et de compagnies d’assurance portant atteinte à la protection des épargnants. Malgré le cadre juridique que le législateur a progressivement mis en place ces dernières années, en particulier en 2005 et en 2007 pour les contrats d’assurance-vie, il apparaît que celui-ci demeure insuffisant en ce qui concerne les obligations des banques envers leurs clients. En l’état du droit, aucune obligation n’est imposée aux banques en ce qui concerne les comptes bancaires inactifs hormis le principe général de la déchéance trentenaire.

La Cour des comptes a également pointé du doigt l’insuffisance des contrôles et des sanctions par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. L’actualité nous rattrape puisque l’ACPR a justement indiqué, la semaine dernière, avoir dû rappeler à l’ordre certains assureurs après avoir constaté des pratiques illégales en matière d’imputation des frais de recherche des bénéficiaires de ces contrats. Cet exemple illustre la nécessité de renforcer non seulement le cadre juridique mais aussi les contrôles.

Cette proposition de loi a pour objet d’assurer le respect des droits des épargnants afin de permettre le retour à leurs propriétaires légitimes de fonds qu’ils ont parfois oubliés ou dont ils ne connaissent pas l’existence, et qui demeurent aujourd’hui de manière indue au bilan de banques ou de compagnies d’assurance. Cela passe par l’instauration d’un régime juridique nouveau applicable aux comptes bancaires inactifs et par le renforcement du dispositif existant pour les contrats d’assurance-vie. Je tiens à indiquer que c’est un objectif que nous partageons sur les bancs de l’opposition. Il convient donc d’assurer la protection des droits des épargnants.

Certaines mesures envisagées pour traiter la question des fonds non réclamés vont dans le bon sens. Ce texte a le grand mérite de créer une définition du compte inactif et du compte non réclamé. C’était nécessaire.

La Cour des comptes estime que les encours des avoirs bancaires atteindraient 1,6 milliard d’euros et ceux des contrats d’assurance-vie et de capitalisation non réclamés 2,76 milliards. Je ne peux que déplorer que ces sommes demeurent dans les livres des établissements de crédit et des compagnies d’assurance sans que leurs propriétaires légitimes soient informés de leur existence. C’est d’autant plus préoccupant s’agissant des comptes bancaires puisque des frais de gestion peuvent être prélevés jusqu’à l’épuisement du capital disponible. Les banques n’ont donc formellement aucun intérêt à vérifier si les titulaires des comptes inactifs sont toujours vivants.

Ce texte introduit une obligation pour le teneur de compte, celle de recenser chaque année les comptes inactifs. C’est un premier pas. Cependant, je regrette que le texte n’envisage aucune mesure pour obliger à aller plus avant, notamment à rechercher les ayants droit des comptes inactifs. L’identification des personnes décédées et la recherche des bénéficiaires sont imposées aux assureurs par la loi du 17 décembre 2007 garantissant les droits des assurés. À l’époque, le texte adopté à l’initiative de notre collègue Yves Censi, s’inspirait des recommandations formulées par le médiateur de la République dans son rapport d’activité 2006, et visait à donner les moyens aux assureurs de répondre à l’obligation de rechercher les bénéficiaires de contrats d’assurance-vie non réclamés et en déshérence, en leur permettant de consulter le Répertoire national d’identification des personnes physiques, le RNIPP.

La Cour des comptes constate, dans son rapport, que cette loi n’est aujourd’hui pas intégralement appliquée, notamment concernant les consultations du Répertoire national d’identification des personnes physiques. Rien de tel n’est envisagé pour les établissements bancaires qui gèrent un nombre croissant de comptes inactifs.

L’envoi de courriers aux titulaires de tels comptes, courriers qui reviennent systématiquement à l’envoyeur avec la mention « n’habite plus à l’adresse indiquée », ou le croisement avec le fichier des personnes décédées ne sont pas, à mon sens, des mesures suffisantes pour traiter tous les problèmes. C’est un premier pas, mais il eût fallu aller au-delà. Il y a de la distorsion de traitement entre les compagnies d’assurances, qui ont l’obligation contractuelle de rechercher les ayants droit, et les établissements bancaires.

Pour inciter les assureurs à intensifier la recherche de bénéficiaires, la proposition de loi reprend la recommandation de la Cour des comptes d’imposer le transfert de ces sommes dormantes à la Caisse des dépôts et consignations dix ans après le décès de l’assuré ou le terme du contrat. Elle fait également sienne la suggestion de rendre obligatoire, pour les banques, dans le cadre d’une succession, la consultation du fichier FICOBA, le Fichier national des comptes bancaires et assimilés, où sont recensés plus de 80 millions de personnes physiques qui ont un compte bancaire en France et, comme pour les assureurs, de rendre obligatoire le transfert de ces avoirs à la Caisse des dépôts et consignations.

À cet égard, le transfert en numéraire des contrats d’assurance-vie et des comptes bancaires inactifs à la Caisse des dépôts va dans le bon sens. Il s’agit là de confier à la Caisse une tâche qui s’inscrit au cœur de ses missions historiques d’intérêt général. À ce stade de mon propos, je veux souligner qu’il est très difficile aujourd’hui de connaître précisément le ratio de liquidité de la Caisse car, depuis la création de la BPI, ce ratio est très évolutif. On peut donc penser – mais cela n’engage que moi – que ce transfert en numéraire des contrats d’assurance-vie et des comptes bancaires inactifs au profit de la CDC confortera son ratio de solvabilité. La Caisse disposera donc de ressources supplémentaires pour mettre en œuvre ses projets de développement économique et assurer ses missions. Dans le même temps, elle sera chargée de la bonne information des épargnants et garantira intégralement le capital en l’état.

Je m’interroge néanmoins sur les mesures transitoires. Les contours des mesures de publicité à mettre en œuvre avant le transfert des comptes à la Caisse restent en effet à définir. Autrement, il subsisterait un risque de détournement de ces sommes, qui pourrait nourrir un sentiment de spoliation chez leurs bénéficiaires éventuels. Le travail de l’organisme bancaire ou de la compagnie d’assurances doit donc aussi porter sur cette recherche et sur la transparence.

En conclusion, cette proposition de loi poursuit un triple objectif que le groupe UMP approuve : elle améliore la protection des épargnants, à l’origine des recommandations de la Cour des comptes ; elle fournit de nouvelles ressources à la CDC et renforce ainsi sa capacité à mener à bien ses missions d’intérêt général ; enfin, elle défend les intérêts de l’État en renforçant les conditions d’application de la déchéance trentenaire. Cette proposition de loi traite par amendement de la question l’épargne salariale qui était restée en suspens. Il était nécessaire de réparer cet oubli dans le texte d’origine.

C’est pour ces raisons que le groupe UMP votera cette proposition de loi qui s’inscrit pleinement dans le prolongement de la loi de 2007 qu’Yves Censi avait portée. Toutefois, je regrette personnellement que, si l’on constate une avancée, le travail ne soit pas totalement abouti. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général et « spécial », si je puis dire puisque vous êtes rapporteur de ce texte, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui n’est pas une idée nouvelle. En effet, c’est le fruit d’un travail de réflexion engagé il y a maintenant près de dix ans, à l’initiative des centristes – mais nous ne sommes pas racistes. Notre collègue sénateur de la Marne, Yves Détraigne, avait été à l’origine d’un dispositif, adopté en 2005, lors de l’examen du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance. Il s’agissait alors de consacrer, pour la première fois, l’obligation pour l’assureur de rechercher les bénéficiaires de contrats non réclamés après le décès de l’assuré, à la condition que les coordonnées de ceux-ci soient portées au contrat. Cette disposition avait alors constitué une première avancée.

En 2006, la loi de financement de la Sécurité sociale avait ensuite prévu que les montants des contrats non réclamés seraient reversés au terme d’un délai de trente ans au Fonds de réserve des retraites. Puis, la loi de 2007 permettant la recherche des bénéficiaires des contrats d’assurance sur la vie non réclamés et garantissant les droits des assurés avait continué d’améliorer la législation au bénéfice de nos concitoyens. Avait alors été instaurée l’obligation faite aux assureurs de s’informer de l’éventuel décès des souscripteurs et de rechercher, le cas échéant, les bénéficiaires. D’une démarche volontaire du bénéficiaire potentiel pour obtenir l’information, c’était désormais l’information qui irait vers les personnes concernées.

En 2010, c’est enfin notre collègue sénateur Hervé Maurey qui avait présenté une proposition de loi relative aux contrats d’assurance sur la vie, qui visait à renforcer la transparence sur l’état des stocks et à améliorer les recherches engagées par les sociétés d’assurance pour en retrouver les bénéficiaires. Ses dispositions ont d’ailleurs été partiellement reprises par l’article 75 de la loi du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, contribuant ainsi, bien que de manière limitée, à renforcer de nouveau le cadre législatif existant. Mais il était nécessaire d’aller plus loin.

En effet, force est de constater que la question de la déshérence ne se limite pas au seul devenir des contrats d’assurance sur la vie. Cette problématique touche en effet l’ensemble des produits d’épargne, des comptes bancaires et même, monsieur le rapporteur général, le contenu des coffres-forts. Or il n’existe actuellement aucun cadre législatif définissant ce phénomène et permettant d’évaluer son ampleur. Il n’y a ainsi aucun moyen de s’assurer que les biens détenus sont rendus à leurs bénéficiaires ou à leurs ayants droit.

Cette question ayant été soulevée au cours du débat sur la loi bancaire, le Gouvernement s’était alors déclaré prêt à « examiner les moyens d’améliorer le dispositif existant ». C’est pourquoi une initiative parlementaire que nous devons à notre rapporteur général a abouti à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui. C’est, en effet, en juillet 2013 que la Cour des comptes a rendu public un rapport sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance-vie en déshérence et les coffres-forts. Ce rapport lui avait été demandé par la commission des finances de l’Assemblée nationale, en application de l’article 58 de la LOLF. C’est sur cette base que notre rapporteur général a rédigé sa proposition de loi qui est très proche des propositions de la Cour des comptes.

Compte tenu de l’importance du sujet, nous saluons la démarche consensuelle qui a été adoptée, notamment la consultation de tous les acteurs concernés et l’expertise solide sur laquelle elle s’appuie. C’est tellement rare dans cette Assemblée qui a l’habitude de penser que le monde est, comme dans les westerns, en noir et blanc, qu’il faut le souligner.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui va dans le bon sens, car elle a pour objet principal d’assurer le respect des droits des épargnants en établissant un cadre juridique de nature à permettre le retour à leurs propriétaires légitimes de fonds qu’ils ont délaissés, ou dont ils ne connaissaient pas l’existence, et qui demeurent aujourd’hui de manière anormale au bilan d’institutions financières. La Cour des comptes a d’ailleurs constaté que les volumes financiers dont il est question pourraient représenter des montants non négligeables. Ainsi, les comptes dits inactifs, c’est-à-dire les comptes sur lesquels aucune opération n’est constatée sur une période longue, représenteraient un volume d’actifs de l’ordre de 1,6 milliard d’euros, pour un nombre total de 1,8 million de comptes.

Entre nous, cela ne fait pas beaucoup : cela représente en moyenne 1 000 euros par compte.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est le SMIC !

M. Charles de Courson. Quant à l’encours des contrats d’assurance-vie et de capitalisation non réclamés, il serait important, à hauteur de 2,76 milliards d’euros au minimum.

Cette situation, qui perdure pourtant depuis de nombreuses années, n’est tolérable ni d’un point de vue éthique, parce qu’il n’est pas normal que les sommes déposées ou souscrites ne profitent pas à leurs bénéficiaires, ni d’un point de vue économique et fiscal, puisqu’il serait beaucoup plus utile que cet argent soit réinjecté dans l’économie. Il est donc temps d’y mettre fin.

L’assurance-vie étant le produit de placement préféré des Français, une sécurité juridique doit leur être garantie. C’est pourquoi le groupe UDI soutiendra cette proposition de loi.

Néanmoins, nous déplorons l’absence d’avancées sur deux points : les coffres-forts, comme le sait notre rapporteur général, et la coordination européenne. Le rapport de la Cour des comptes, dans sa dernière partie, évoquait largement la situation en Espagne, en Belgique et en Allemagne.

Tout d’abord, il n’y a aucune réglementation précise sur le contenu des coffres-forts. Nous proposons quelques amendements ayant pour objectif d’étendre les dispositions de la proposition de loi aux coffres-forts dont le contenu n’a pas été réclamé, comme le propose la Cour des comptes, ainsi que le rapporteur général le rappelait. Nous espérons que ce point très important pourra être pris en compte au cours du débat, car – laissez-moi vous le dire très gentiment, monsieur le rapporteur général – vous ne m’avez pas convaincu en commission. Votre argument était qu’on peut trouver dans les coffres-forts autre chose que des valeurs, des titres, de l’argent, des bijoux : on peut aussi trouver des documents, des lettres, qui soulèvent éventuellement le problème du respect de la vie privée.

Mais s’il n’y a pas d’héritiers, monsieur le rapporteur général, soit ces documents n’ont aucun intérêt pour l’histoire de notre pays et on peut préconiser de les détruire, soit ils ont un intérêt et on les verse à la Bibliothèque nationale ou aux Archives nationales. Je n’ai donc pas bien compris votre argumentation contre l’extension du dispositif aux coffres-forts. D’ailleurs, vous êtes pour cette extension, à vrai dire, mais vous avez soulevé quelques objections que vous n’avez pas résolues.

J’en viens à l’absence de coordination des droits européens. Nous allons de pays qui ont considérablement légiféré à d’autres qui sont en retard sur nous, puisqu’il y a des pays d’Europe qui se trouvent dans la même situation que la France il y a quelques années : il n’y a rien. Quand il n’y a rien, bien entendu, il y a des abus du côté des institutions financières qui peuvent se garder le contenu des comptes.

Souvenez-vous du grand scandale des banques suisses et des comptes de nos compatriotes juifs qui avaient essayé de protéger une partie de leurs biens en les mettant en Suisse. Les familles ayant été détruites, ou des enfants mineurs ne sachant absolument pas ce que détenaient leurs parents, les banques suisses ont mis ces avoirs dans leur poche et en ont fait des profits exceptionnels, jusqu’à ce que ce soit découvert. Il a fallu que les banques suisses passent un accord avec le gouvernement israélien ; elles ont versé une somme globale et forfaitaire à un fonds juif.

On voit qu’il faut absolument coordonner les droits, car il y a des résidents français qui détiennent des biens à l’étranger, tout à fait légalement, et réciproquement. Au nom de la liberté de circulation des capitaux, je pense qu’il faudrait une initiative du Gouvernement pour demander qu’on harmonise, notamment dans le cadre de la création de l’Union bancaire, les règles sur les comptes inactifs, les contrats d’assurance-vie quand ils existent – ce n’est pas le cas partout – et les coffres-forts.

Voilà, mes chers collègues, les deux réserves de notre groupe, mais nous voterons bien entendu ce texte.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Finalement, nous examinons un texte consensuel : c’est suffisamment rare pour être souligné.

Un texte simple aussi, du moins dans son approche politique : plus complexe est sa mise en œuvre juridique et administrative.

Le groupe écologiste se félicite de l’examen de cette proposition qui vise à mettre un terme aux abus et aux négligences des banques et des sociétés d’assurances en ce qui concerne les comptes bancaires inactifs et les contrats d’assurance vie en déshérence. La devise : « Un bon client est un client qui s’ignore » a vécu. (Sourires.)

Ce texte constitue un nouveau symbole de l’attachement de la majorité au renforcement de la protection des consommateurs.

L’obligation de publier la liste des comptes inactifs, le plafonnement des frais de gestion sur ces comptes, la possibilité pour les ayants droit de consulter le FICOBA sont autant de dispositions qui offrent une meilleure protection aux épargnants et aux ayants droits.

Les écologistes proposent de renforcer encore davantage la protection des bénéficiaires de contrats d’assurance sur la vie, en limitant les manœuvres dilatoires auxquelles pourraient se livrer, voire se livrent, certaines entreprises d’assurance pour retarder indûment le versement du capital ou de la rente. Ainsi, la loi encadrerait les délais selon lesquels la société d’assurance pourra exiger des pièces et justificatifs des bénéficiaires.

Cette loi démontre une fois encore le souci de la majorité d’encadrer les activités bancaires. En effet, ces abus et négligences portent sur des sommes significatives, cela a été dit par plusieurs orateurs, puisque près de deux millions de comptes inactifs ont été recensés, pour un encours de 1,6 milliard d’euros. Les encours sur les comptes dont les titulaires sont décédés représentent à eux seuls plus des deux tiers, soit 1,2 milliard d’euros. Ces chiffres sont cependant en deçà de la réalité. En effet, plus de 1,2 million de comptes dont le titulaire est âgé de 90 à 100 ans sont ouverts, alors même que selon l’Insee, seulement 70 000 personnes ont, en France, entre 90 et 100 ans. Cela fait environ quatorze comptes par personne !

Encore plus caricatural : le nombre de centenaires titulaires de comptes atteint 674 014, quand l’Insee ne reconnaît que 20 106 centenaires, ce qui fait cette fois trente-six comptes par personne… Même si une personne peut détenir plusieurs comptes, le différentiel est aujourd’hui bien trop important.

De même, les contrats d’assurance-vie non redistribués aux bénéficiaires malgré le décès de l’assuré représentent 0,2 % de l’encours total, selon le rapport de la Cour des comptes. Vous me direz : « Seulement 0,2 % ! » Mais cela représente tout de même près de 3 milliards d’euros…

De plus, si, selon le principe de déchéance trentenaire, les banques ont l’obligation de transférer à l’État les fonds des comptes inactifs depuis trente ans, l’ensemble des banques n’ont pas mis en place la procédure permettant le respect de ce principe. Et même lorsqu’elles l’ont fait, elles bénéficient d’une totale liberté de gestion et opèrent souvent des ponctions importantes au titre des frais de gestion. La Cour des comptes constate ainsi que certaines banques, avant le transfert à l’État, peuvent prélever en frais de gestion entre 59 % et 71 % du montant total des actifs inscrit sur le compte. C’est tout à fait choquant et paraît même invraisemblable.

Ce texte oblige ainsi les banques à transférer à la Caisse des dépôts et consignations les fonds non réclamés à l’issue d’un délai de dix ans d’inactivité et de deux ans après le décès pour les comptes de personnes décédées. Est-ce trop, pas assez ? Nous verrons avec le temps. Les ayants droits disposeront encore de vingt ans pour faire valoir leurs droits et se voir restituer les fonds avant la mise en application de la déchéance trentenaire.

C’est donc l’intérêt des épargnants, mais aussi des contribuables, qui est au cœur de ce dispositif.

Ce texte montre également la réussite du travail collectif et l’intérêt de se donner parfois un peu de temps pour proposer des dispositions précises sur un sujet. Nous avions en effet, nous les écologistes, abordé cette question lors de l’examen de la loi bancaire, à travers notamment le dépôt d’un amendement. Nous l’avons retiré, avec la promesse faite par le Gouvernement d’étudier ce problème. Il l’est et la patience a été récompensée. Nous nous en félicitons : il est bien que la parole donnée soit tenue. C’est un bel exemple, je l’ai déjà signalé à une autre occasion.

Ce texte marque donc le respect des engagements pris pas la majorité, mais aussi un effort d’écoute de sa part, puisqu’elle contient des dispositions qui permettent une mise en conformité avec les exigences de la CNIL et intègrent les préconisations du Conseil d’État.

Enfin, une fois n’est pas coutume, cette proposition va faire l’objet d’un consensus, comme je le disais en introduction, et je crois qu’il faut saluer le travail du rapporteur général Christian Eckert.

J’ai dit que le bon client était un client qui s’ignorait : désormais, le bon client est celui qu’on n’oublie jamais. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

(Mme Laurence Dumont remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. La proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence est bienvenue. Son adoption, j’en suis sûrcontribuera, comme l’a dit le rapporteur général, à protéger les épargnants et à préserver les intérêts financiers de l’État.

Les banques et les assurances disposent aujourd’hui de plus de 4 milliards d’euros d’encours issus de comptes bancaires inactifs et de contrats d’assurance-vie en déshérence. On le constate aujourd’hui, les lois de 2005 et de 2007 sont insuffisantes. Ces établissements doivent mettre plus d’ardeur à retrouver les ayants droits et à préserver le capital investi.

Avant même d’entrer dans le détail des diverses dispositions qui nous sont proposées, je voudrais à mon tour saluer la qualité de cette proposition de loi. La méthode employée est tout à fait exemplaire et je remercie moi aussi le rapporteur général, Christian Eckert, pour le travail fourni et la constance avec laquelle il a réalisé ses travaux.

Tout d’abord, l’absence de précipitation a permis un véritable travail de fond. La Cour des comptes a pu éclairer l’Assemblée nationale sur la situation actuelle et les montants en jeu, avant de présenter ses suggestions. Le rapport ayant été remis à la commission des finances il y a plusieurs mois, nous avons pu pleinement mesurer l’enjeu. De plus, les parties prenantes – banques et assurances – ont été consultées et se sont, notamment, exprimées devant la commission des finances.

Enfin, cette proposition de loi a pu être validée par le Conseil d’État, ce qui a d’ailleurs conduit à l’adoption de plusieurs modifications en commission. Notre Assemblée a trop peu souvent recours au Conseil d’État, ce qui fragilise juridiquement nos initiatives. En passant plus souvent par le filtre du Conseil, nos propositions de loi pourraient être plus claires et plus efficaces. Mais pour cela, il est indispensable de ne pas agir dans la précipitation et de ne pas réduire les initiatives parlementaires à la seule transcription d’annonces émanant du Gouvernement…

Un point notable fait néanmoins défaut. Eh oui, la perfection n’est pas de ce monde, vous me permettrez une petite impertinence, monsieur le rapporteur général ! Je pense à l’avis de la CNIL, qui manque sur plusieurs dispositions relatives à la protection des données.

Sur le fond maintenant, cette proposition de loi présente un double intérêt. D’une part, elle protège les épargnants, d’autre part, elle préserve les intérêts financiers de l’État. D’ailleurs, ces avantages ne sont pas si dissociables que ça : l’État devient propriétaire de ces encours au bout d’une période de trente ans. Épargnants et État sont donc tous deux gagnants, sauf en ce qui concerne le transfert à la Caisse des Dépôts qui penche quand même en faveur de l’État.

La législation relative aux comptes bancaires inactifs est aujourd’hui inexistante. D’une part, les banques n’ont pas obligation de rechercher si les titulaires des comptes ouverts sont décédés – il y a même des banquiers peu scrupuleux qui effectuent ces recherches en vue de dérober l’argent –, alors que les décès expliquent la majorité des cas d’inactivité.

D’autre part, les encours bancaires peuvent être très largement entamés par l’application de frais de gestion – parfois prohibitifs – qui réduisent voire rendent nulles les sommes dues aux bénéficiaires.

Les solutions proposées sont cohérentes : obliger les banques à rechercher les titulaires de comptes décédés par le biais d’une consultation annuelle du répertoire national d’identification des personnes physiques, le RNIPP ; rendre obligatoire, dans les cas de succession, la consultation par les notaires du fichier national des comptes bancaires et assimilés, le FICOBA ; plafonner les frais de gestion sur ces comptes.

A contrario, la loi sur les contrats d’assurance-vie existe et a déjà été renforcée, notamment, en 2007. Or, force est de constater que ses dispositions ne sont pas pleinement appliquées. Là encore, le rapport de la Cour des comptes met clairement en évidence que les assureurs ne se sont pas précipités pour remplir leurs obligations et que l’ACPR n’a pas appliqué de sanctions.

En conséquence, il est également proposé d’obliger les assureurs à réaliser une consultation annuelle du RNIPP sur l’ensemble des contrats d’assurance-vie ou de capitalisation détenus ; d’informer annuellement les assurés de tous les contrats dont ils disposent, quelle que soit leur valeur ; de fixer par décret la revalorisation du capital garanti post-mortem ; de rendre obligatoire la consultation par les notaires du fichier national des contrats d’assurance vie, le FICOVIE, créé par la loi de finances rectificative pour 2013.

Toutes ces mesures nous agréent car elles vont dans le bon sens. Nous aurions d’ailleurs pu être tentés d’en rester là en complétant simplement ces dispositions par des contrôles et des sanctions – la marge est en effet encore grande pour que l’ACPR devienne plus persuasive auprès des établissements bancaires.

Mais cette proposition de loi va plus loin.

Ainsi, il est proposé qu’au bout d’un certain nombre d’années les avoirs de comptes inactifs ou de contrats assurance vie en déshérence soient transférés à la Caisse des dépôts et consignations, le rapporteur général ayant d’ailleurs repris l’une des recommandations de la Cour des comptes, laquelle était une option, séparée de toutes les autres, et constituait un bloc supplémentaire.

La philosophie de ce dispositif, en effet, est différente. Les autres dispositions évoquées précédemment visent à servir avant tout les intérêts des épargnants, ceux de l’État ne l’étant que par ricochet. Or, le transfert à la CDC vise avant tout à préserver les intérêts financiers de l’État.

En effet, ce transfert peut être analysé comme un moyen d’assouplir la prescription trentenaire. D’ailleurs, lors de la présentation du rapport de la Cour des comptes, une révision à la baisse du délai de la déchéance de propriété, actuellement fixé à trente ans, a bien été évoquée.

Ce délai est très long et entraîne des pertes d’informations conséquentes de la part des établissements bancaires. Le transfert à la CDC semble donc un moyen de placer les sommes d’argent dans le giron de l’État sans remettre en cause le délai de la déchéance de propriété. Le problème, c’est que ce transfert doit être réalisé en numéraire – les avoirs sous forme d’instruments financiers doivent donc être liquidés. On peut être pour, on peut être contre, mais ce débat ne saurait être éludé.

Dans votre rapport, monsieur le rapporteur général, vous indiquez clairement que la proposition de loi, je vous cite, « n’est pas sans incidence sur des droits et libertés constitutionnellement protégés, en particulier, la liberté contractuelle, la liberté d’entreprendre et le droit de propriété ». Le Conseil d’État reconnaît clairement que la liquidation des avoirs « constitue une atteinte au droit de propriété du titulaire ». En conséquence, seul un motif d’intérêt général et proportionné à l’objectif peut justifier une telle atteinte.

Ce motif d’intérêt général est-il vérifié ? Certainement, et il serait encore renforcé si les nouveaux fonds mis à disposition avaient été fléchés vers une politique spécifique. Mais est-il proportionné ? Car si les banques et les assurances se conforment aux dispositions de cette proposition de loi, le transfert à la CDC est-il vraiment indispensable ?

On nous dit que cela permet de garantir la valeur du capital, mais n’aurait-on pas pu simplement imposer aux banques et aux assureurs une telle garantie ? Or, si le transfert n’est pas indispensable, le problème de la liquidation, en revanche, est bien réel, tout particulièrement pour les bénéficiaires d’une succession : le délai de deux ans est très court, alors que les pertes subies lors d’une liquidation à un moment inopportun peuvent être très lourdes.

Ainsi, pour les seuls avoirs en titres cotés, ne faudrait-il pas augmenter les délais pour laisser une chance aux ayants droit d’éviter une liquidation malheureuse et pour laisser une chance au droit de propriété ?

Le droit de propriété n’est d’ailleurs pas le seul à être quelque peu malmené : il y a aussi la protection des données individuelles. Car si on peut imaginer que la consultation du FICOVIE par les notaires ne soulève pas problème, la consultation par tout un chacun de l’existence d’avoirs hébergés à la CDC ne laisse pas d’interroger.

Au final, les radicaux de gauche voteront bien entendu cette proposition de loi, tout simplement parce qu’elle limite enfin le flou existant qui profite indûment à certains établissements au détriment des épargnants et de l’État. Mais notre Assemblée doit avoir à l’esprit que, souvent, dans un souci d’efficacité, nous empiétons – même de façon marginale – sur des valeurs qui sont ô combien supérieures : la propriété privée et la protection des données individuelles.

Ce bloc des libertés est en effet petit à petit rogné sous l’effet conjugué de deux facteurs : le renforcement de la sécurité intérieure, d’une part ; le renforcement de la lutte contre la fraude d’autre part. Les radicaux de gauche, très attachés à ces principes, ne peuvent s’en satisfaire.

La qualité du travail du rapporteur a permis de sécuriser juridiquement le dispositif, mais ce qui est valide légalement n’est pas nécessairement juste moralement. Et c’est bien à notre Assemblée que revient le lourd mais essentiel devoir de protéger le bloc des libertés. Nous sommes et resterons donc vigilants.

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous dire que je suis particulièrement contente de la présentation de ce texte dans le cadre d’une proposition de loi car cela contribue à rendre du sens à notre travail parlementaire.

J’ajoute que, sur un texte d’origine parlementaire, il est également très agréable d’obtenir l’unanimité.

Quoique neuvième oratrice inscrite, je souhaite maintenant entrer dans le vif du sujet. Comme d’autres, je souligne la persévérance du rapporteur général de la commission des finances – qui s’est saisi de ce sujet depuis la fin de 2012 – mais également la qualité de l’enquête de la Cour des comptes – qui a permis de mettre en lumière les insuffisances du système ainsi que de favoriser le déploiement du temps long, que j’évoque souvent, grâce auquel nous avons pu effectuer un travail de qualité. Cela constitue d’ailleurs un appel du pied pour d’autres textes sur lesquels nous travaillons parfois un peu rapidement.

Le faible nombre d’amendements déposés – je viens d’entendre les propos de Mme Dalloz et de M. de Courson – nous laisse penser que ce texte, je l’ai dit, sera unanimement voté. Cela traduit la qualité du travail préparatoire et, surtout, la reconnaissance de lacunes législatives que nous voulons aujourd’hui combler.

Cette proposition de loi vise donc à pallier l’absence de dispositions encadrant les banques et assurances vis-à-vis de leurs clients détenteurs de comptes bancaires inactifs et de contrats d’assurance-vie inactifs ou en déshérence.

Les insuffisances sont nombreuses, je l’ai dit, mais en tant que neuvième oratrice je n’entrerai pas dans le détail des énumérations non plus que je ne me risquerai à paraphraser, mal, notre collègue Eckert.

M. Dominique Tian. Mais non, mais non ! (Sourires)

Mme Monique Rabin. Je rappelle simplement les grands points que nous combattons : définition à la carte de la notion de comptes bancaires inactifs, non-recherche des titulaires ou héritiers, rôle minime de la Caisse des dépôts, manque de clarté dans le rôle de contrôle de l’autorité de contrôle prudentiel.

Je me focaliserai sur l’exemple particulier des banques qui, aujourd’hui, ne sont pas obligées de rechercher si les titulaires des comptes inactifs sont effectivement décédés.

En attendant le terme du délai de prescription, elles peuvent donc conserver les avoirs sans chercher à les rendre aux ayants droit. Dans ce laps de temps, les banques ou les organismes en question peuvent surtout continuer à faire des placements avec cet argent et appliquer des frais de gestion annuels.

Je garde en tête les exemples du rapport de la Cour des comptes qui révèlent que certaines banques appliquent des tarifs allant de quelques euros à plusieurs centaines. Le prélèvement de ces frais pendant des dizaines d’années peut aller jusqu’à l’épuisement total des comptes inactifs, ce que nous déplorons pour les petits épargnants.

Bien entendu, je ne me livrerai pas à cet exercice trop facile qu’est la stigmatisation des banques ou des assurances. L’État, à travers les organismes qui sont censés contrôler ces manquements, ou bien encore le législateur, qui n’a pas imposé de mesures plus contraignantes, ont leur part de responsabilité.

Selon nos collègues de droite, ce texte ne va pas suffisamment loin. Mais il a le mérite d’exister, ce dont je me réjouis.

Les situations dont nous parlons ne sont pas négligeables puisque l’on estime que quatre milliards d’encours sont concernés.

Ce chiffre est important, certes, mais l’État peut récupérer un peu d’argent. La situation de la France, en effet, nous entraîne parfois à nous situer dans une logique de calcul des dépenses et de recherche des recettes, dans une logique de marché et de rapidité, mais je ne voudrais pas que cela soit notre unique motivation, et tel n’est pas le cas.

Cette mesure a du sens parce qu’elle s’insère dans le cadre d’un certain nombre de changements. Nous avons entendu le volontarisme du Gouvernement dans les propos qu’a tenus Bernard Cazeneuve cet après-midi, tout comme nous avons entendu Bruno Le Roux exposer avec beaucoup d’énergie l’ensemble des mesures qui ont été prises.

Non, cette proposition de loi n’est pas isolée, le changement est en marche à travers un ensemble de mesures de justice. Avec les lois de séparation bancaire, de lutte contre la fraude ou sur la consommation, que Benoît Hamon a défendue, nous allons dans le même sens, celui de la justice entre et pour les consommateurs.

En rendant un rôle essentiel à la Caisse des dépôts, nous renforçons ses missions historiques d’intérêt général ainsi que le rôle régalien de l’État.

C’est aux personnes veuves, aux héritiers, aux familles recomposées ou, tout simplement, aux personnes étourdies qui, dans la précipitation d’un déménagement, ont oublié de fermer un compte, que cette proposition de loi s’adresse. Je vous invite tous à la voter.

Enfin, parce que nous travaillons à la réduction du nombre des normes, il faudra nous montrer vigilants pour que cette loi s’applique facilement grâce à des normes légères et compréhensibles par tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs et aux contrats d’assurance-vie en déshérence.

C’est un bon texte, consensuel, que l’UMP votera. Comme M. de Courson l’a indiqué, il est d’ailleurs issu aussi des travaux du groupe centriste au Sénat, ainsi que des préconisations d’un rapport de la Cour des comptes portant sur « les avoirs bancaires et les contrats d’assurance-vie en déshérence». Il était attendu.

La situation actuelle des avoirs bancaires inactifs puis en déshérence ainsi que des contrats d’assurance-vie non réclamés soulève de réels enjeux de protection des épargnants.

Par ailleurs, les sommes en jeu, cela a été répété, sont importantes puisque les montants des fonds non réclamés sont estimés a minima à quatre milliards.

Cependant, si certaines mesures renforcent le cadre juridique, il manque des dispositions pour garantir la restitution effective de ces biens non réclamés.

Je voudrais soulever quelques-uns de ces obstacles.

En l’état du texte, les banques et les assurances n’ont ni l’obligation ni les capacités de retrouver le titulaire ou souscripteur concerné lorsqu’il est en vie.

M. Christian Eckert, rapporteur. Ce n’est pas vrai pour les assurances.

M. Dominique Tian. Souvent, si.

Plusieurs années peuvent s’écouler avant qu’un contrat d’assurance-vie arrive à son terme. Un compte bancaire peut ne jamais être clos par son titulaire, même si celui-ci a déménagé ou ne se souvient plus de son existence. Par exemple, si le propriétaire a déménagé, notamment, à l’étranger, sans prévenir l’établissement concerné, ce dernier ne pourra retrouver ses coordonnées pour le contacter réellement.

Dans ce cas, alors que la proposition de loi prévoit d’informer les titulaires ou souscripteurs, comment une banque ou une assurance pourrait leur signaler que le compte est considéré comme inactif ou que le transfert à la Caisse des dépôts et consignations est sur le point d’être acté ?

L’obligation d’information ne sera efficace que si elle se double de l’obligation de localiser l’intéressé.

Par ailleurs, les établissements bancaires ne sont pas obligés de rechercher les ayants droit des titulaires décédés. Si la personne titulaire du compte est décédée, la proposition de loi ne prévoit rien pour retrouver le bénéficiaire à qui le bien revient de droit.

Certes, l’établissement est tenu de consulter annuellement le RNIPP pour constater le décès éventuel du propriétaire mais, ensuite, monsieur le rapporteur général, rien ne l’oblige véritablement à retrouver les ayants droit des encours non réclamés.

Autre interrogation : même si elles sont tenues de les rechercher, les compagnies d’assurances ne connaissent pas toujours l’identité des bénéficiaires. En ce qui concerne les assurances vie, par exemple, l’incertitude rédactionnelle des clauses bénéficiaires représente un véritable obstacle à la recherche des ayants droit.

Dans 80 % des cas, la clause bénéficiaire ne désigne pas nommément le bénéficiaire. Il s’agit d’une clause du type : « à mon conjoint, à défaut à mes enfants, à défaut à mes héritiers ». Dans ce cas, comment l’assurance peut-elle connaître l’identité du bénéficiaire, surtout si ce dernier n’a pas connaissance de sa désignation dans le contrat ?

M. Dominique Tian, rapporteur. Souvent, les bénéficiaires n’ont pas connaissance de l’existence de l’actif qui leur appartient. Or, si un bénéficiaire n’a jamais été informé de la souscription d’un contrat d’assurance-vie à son nom ou de l’existence d’un compte appartenant à l’un de ses proches, il ne contactera pas spontanément l’établissement concerné. C’est par exemple le cas lorsqu’une personne ne peut savoir qu’elle est l’unique héritière d’un cousin germain décédé de nombreuses années auparavant.

La proposition de loi prévoit, certes, que le transfert des fonds à la Caisse des dépôts et consignations s’accompagne d’une publication officielle de l’identité des titulaires de comptes ou des assurés. Mais comment, après plusieurs années, les ayants droit peuvent-ils avoir connaissance de ce qui leur revient et consulter cette liste pour se manifester auprès de la banque ou de la compagnie d’assurance ?

Par ailleurs, les conditions de publication des informations n’étant pas précisées, la proposition de loi ne protège pas contre les risques d’erreur liés par exemple à l’existence d’homonymes. Outre le fait qu’il n’est pas certain que le bénéficiaire puisse avoir accès à la liste publiée par la Caisse des dépôts et consignations, celui-ci n’a aucune certitude quant au fait qu’il s’agisse bien de lui et non d’une personne portant le même nom.

Je souhaite que le débat qui s’engage permette de répondre à certains des points que je viens de soulever. En tout état de cause, le groupe UMP votera ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, dernier orateur inscrit.

M. Laurent Grandguillaume. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la situation actuelle des avoirs bancaires inactifs, puis en déshérence, ainsi que des contrats d’assurance-vie non réclamés, soulève de réels enjeux de protection des épargnants, comme l’a souligné la Cour des comptes dans son rapport de juillet dernier, que vous aviez commandé, monsieur Eckert.

Nombreux sont ceux qui, dans le domaine de la finance, s’inspirent d’Adam Smith, qui disait qu’on n’attend pas son dîner de la bienveillance du boucher, du marchand de vin ou du boulanger, mais de la considération qu’ils ont de leur propre intérêt et qu’on ne s’adresse pas à leur humanité, mais à leur égoïsme. Cela est bien vrai, et c’est pourquoi il faut réguler et maîtriser la finance. En la matière, cette proposition de loi va dans le bon sens, puisqu’elle fixe un cadre, alors qu’à l’heure actuelle, la seule obligation légale à la charge des banques concernant les avoirs bancaires en déshérence est leur reversement à l’État au terme de la prescription trentenaire. Le code monétaire et financier ne comprend, quant à lui, aucune obligation particulière concernant les comptes inactifs, c’est-à-dire non mouvementés à l’initiative du client et pour lesquels ce dernier ne s’est pas manifesté. Les banques n’ont ainsi aucune obligation de rechercher si les titulaires des comptes ouverts dans leurs livres sont décédés.

Avec vous, monsieur le ministre, nous avons fait avancer la question de la mobilité bancaire, mais il a fallu en passer par la loi. Nous attendons avec impatience le rapport du Gouvernement sur la portabilité bancaire pour graver dans le marbre ce principe d’une concurrence libre et non faussée, parfois défendu par certains, et qui s’appliquerait désormais également aux banques. C’est une bonne chose, car cela permettra de diminuer les coûts pour le consommateur.

Le montant des encours concernés par le texte a été évalué à près de 4 milliards d’euros par la Cour des comptes : plus de 1,2 milliard d’euros pour les comptes bancaires et plus de 2,7 milliards d’euros pour les contrats d’assurance-vie et de capitalisation non réclamés. La gestion de ces avoirs soulève principalement des enjeux de protection des épargnants, mais aussi, plus généralement, des problèmes déontologiques tenant à la conservation, dans le bilan des établissements, de sommes non réclamées. L’application de frais de gestion annuels sur les comptes courants inactifs pendant plusieurs années, voire jusqu’au terme de la prescription trentenaire, peut conduire la banque à prélever une partie importante des sommes inactives, et parfois même la totalité de ces sommes lorsque leur montant est réduit.

Dans le cas d’une grande banque de détail, les frais de gestion représentaient ainsi, pour la période 2010-2012, entre 59 et 71 %, selon les années, des sommes versées à l’État au titre des comptes à vue et d’épargne prescrits. Cette situation peut expliquer que les établissements financiers n’aient jamais manifesté d’intérêt pour une clarification du cadre juridique concernant les comptes inactifs.

Il faut souligner également la faiblesse des montants reversés à l’État au terme du délai de la déchéance trentenaire, qui se limitent à 50 millions d’euros en moyenne en 2011 et 2012, ce qui est peu au regard des sommes en jeu. C’est pourquoi cette proposition de loi est courageuse et réaliste. Elle tend à renforcer la protection du droit de propriété des épargnants et la protection des intérêts financiers de l’État, à qui les fonds doivent être retournés s’ils n’ont fait l’objet d’aucune réclamation pendant trente ans.

L’article 1er définit les comptes inactifs et dispose que les établissements seront désormais tenus de rechercher les titulaires de comptes décédés par le biais d’une consultation annuelle du répertoire national d’identification des personnes physiques. Ils devront également publier chaque année le nombre et l’encours des contrats inactifs maintenus dans leurs livres et assurer la conservation des informations relatives à ces comptes. Les frais de gestion seront plafonnés, comme dans d’autres domaines, de manière à garantir les droits des ayants droit sur le capital conservé ou, en leur absence, de l’État.

Cette proposition de loi confie par ailleurs la gestion de long terme des comptes inactifs à la Caisse des dépôts et consignations, ce qui est une très bonne chose. Ce transfert devrait avoir lieu dans un délai de deux ans suivant le décès du titulaire du compte ou à l’issue d’un délai de dix ans suivant le début de la période d’inactivité du compte.

La commission des finances a par ailleurs adopté plusieurs amendements qui enrichissent encore ce texte. Un amendement du rapporteur général à l’article 13 repousse au 1er janvier 2016 l’entrée en vigueur de cette proposition de loi, de manière à laisser aux établissements bancaires et aux assureurs un délai raisonnable. C’est une bonne chose, car cela prouve que l’objectif est bien d’assurer la protection des consommateurs, mais en prenant le temps de rendre le dispositif efficace en mesurant toutes les conséquences de sa mise en œuvre.

Un autre amendement prévoit d’appliquer également aux comptes sur livret un régime dérogatoire, consistant à étendre à cinq ans le délai requis pour qualifier de tels comptes d’inactifs. Enfin, un amendement à l’article 7 bis limite les dispositions introduites par cet article aux seuls contrats d’assurance-vie comportant une clause bénéficiaire, qui respecte strictement le mandat donné au notaire, toujours dans un souci de respect et de garantie des droits de l’épargnant.

La proposition de loi du rapporteur général tend donc à renforcer la protection des épargnants en matière d’avoirs bancaires non réclamés, elle met en place un nouveau cadre juridique concernant les comptes bancaires inactifs et elle définit ce terme. Enfin, elle fixe des obligations à la charge des banques, notamment pour informer et reprendre contact avec le client. J’espère, monsieur le ministre, que ce texte annonce d’autres réformes importantes, notamment en matière de portabilité bancaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Eckert, rapporteur. Avec votre permission, madame la présidente, j’apporterai quelques réponses aux questions qui m’ont été posées, avant que nous n’abordions l’examen des articles et des amendements.

Un certain nombre de nos collègues ont soulevé des problèmes extrêmement importants, souvent avec beaucoup de finesse et de pertinence. Je voudrais d’abord rassurer notre collègue Thierry Braillard au sujet de la CNIL : elle a bien été consultée, à deux reprises et par écrit, et elle a donné des réponses extrêmement précises sur les points qui lui avaient été soumis.

Plusieurs de nos collègues ont remis en cause le délai de trente ans. Il est vrai que la commission des finances a envisagé de modifier ce délai – certains de ses membres souhaitaient le réduire – mais nous avons finalement décidé de conserver une uniformité dans la loi, puisque la déchéance trentenaire s’applique à l’ensemble des questions de propriété.

S’agissant de la question extrêmement importante de la liquidation des titres et du délai de deux ans – sur laquelle nous reviendrons, car il me semble que des amendements ont été déposés sur le sujet –, je rappelle que, si les ayants droit ou les héritiers se manifestent, il n’y a pas de transfert à la Caisse des dépôts. Le transfert d’un compte titres, par exemple – la liquidation des titres est un point sur lequel nous avons longuement travaillé avec le Conseil d’État –, n’intervient que si personne ne s’est manifesté auprès de l’établissement bancaire dans un délai de deux ans suivant un décès. La question ne se pose pas si les ayants droit se manifestent, même si la succession n’est pas réglée au bout des deux années.

Mme Marie-Christine Dalloz. Heureusement !

M. Christian Eckert, rapporteur. Il est vrai qu’une succession peut prendre du temps, mais dans ce cas le compte n’est pas inactif et les choses continuent à courir.

Enfin, la consultation du fichier national des comptes bancaires et assimilés par les notaires, même si elle peut poser des problèmes de gestion à l’administration fiscale – j’ai bien entendu ce qu’a dit le ministre à ce sujet – est aussi un élément de réponse. En effet, lors d’une succession, les notaires consulteront obligatoirement ce fichier, et s’ils ont connaissance d’un compte titre, ils se manifestent auprès des établissements bancaires, puisqu’ils représentent les ayants droit. À ce moment-là, il n’y a pas de liquidation, ni la suspicion d’avoir pu perdre des biens au moment d’une liquidation prématurée, ou en tout cas dans de mauvaises conditions.

Nous nous sommes également posé la question pour les titres non cotés, qui posent un problème de liquidité. Nous avons essayé, en tout cas, de régler au mieux ces questions.

Je vous remercie, madame la présidente, de m’avoir donné la parole à titre exceptionnel.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Puisque cet article définit la notion de compte bancaire inactif, je voudrais évoquer ici ce que l’on peut qualifier de compte bancaire « rendu inactif » par les établissements de crédit français et appeler votre attention sur les conditions d’application de l’accord FACTA conclu entre la France et les États-Unis en matière bancaire. Nombre de Français expatriés pour des raisons professionnelles veulent pouvoir garder un compte bancaire en France. Or, si l’accord FACTA ne l’interdit pas, il crée des obligations financières et des frais supplémentaires pour les banques et cette soumission à la réglementation américaine a pour conséquence que les établissements de crédit ferment actuellement en cascade les comptes bancaires de nos compatriotes, car ils considèrent que la gestion de ces comptes ne présente pas un intérêt économique suffisamment important.

Je reçois de très nombreux courriels à ce sujet, comme les autres parlementaires représentant les Français établis hors de France, et de nombreux Français demandent à me rencontrer. La presse française s’est d’ailleurs fait l’écho de cette question et un très bon dossier a paru dans Le Point il y a quelques jours. On ne peut pas accepter que les établissements français ferment les comptes de nos compatriotes, au prétexte qu’ils sont à l’étranger aujourd’hui. C’est d’ailleurs contre-productif pour notre pays lui-même : c’est contraire à l’intérêt de la France.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un autre sujet !

M. Frédéric Lefebvre. Je vous demande donc, monsieur le ministre, si vous pouvez vous engager, au nom du Gouvernement, à soulever cette question dans le cadre des relations bilatérales entre la France et les États-Unis, afin de trouver un arrangement qui permette d’alléger les contraintes qui pèsent sur les banques françaises – on peut parfaitement, par exemple, imaginer que soient établis des seuils ; ou si vous entendez veiller à ce que les intérêts de nos compatriotes, et par là même de notre pays, soient respectés, auquel cas il faudrait intervenir sur les banques françaises pour que cessent ces fermetures en cascade.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je voudrais profiter de mon intervention sur l’article 1er pour saluer cette proposition de loi portée par le rapporteur général, qui tire les conclusions d’un rapport qui avait été demandé à la Cour des comptes par la commission des finances, et qui a montré que la mauvaise gestion des comptes en déshérence nuisait à la fois aux épargnants, qui ne retiraient pas ces sommes, faute d’en connaître l’existence, mais aussi à l’État, puisque ces sommes restaient dans les établissements bancaires. Ces sommes indues auraient dû revenir soit aux titulaires des comptes, soit à l’État au terme de la déchéance trentenaire.

Cette proposition de loi définit, dans son article 1er – et on voit bien là la rigueur du rapporteur général – la notion de compte en déshérence. Surtout, elle introduit, pour les établissements financiers, des obligations de transparence, le recensement chaque année des comptes inactifs, des obligations de gestion active, comme par exemple la recherche des titulaires de comptes décédés à travers la consultation du répertoire annuel d’identification des personnes physiques. Elle protège enfin les intérêts financiers de l’État en permettant que s’applique pleinement le principe de la déchéance trentenaire.

Il s’agit là d’un excellent texte, qui fait consensus dans notre assemblée, puisque je crois que tous les groupes ont indiqué qu’ils allaient le voter, et je voudrais remercier à nouveau le rapporteur général pour son travail.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Pour répondre à votre question, monsieur Lefebvre, nous avons passé un accord d’échange d’informations avec les États-Unis qui est difficilement aménageable, et qui est extrêmement important.

Ce que l’on constate, c’est qu’un certain nombre d’établissements bancaires, qui ne sont pas les plus importants, peuvent considérer aujourd’hui que les investissements qui sont désormais nécessaires pour renseigner le fisc américain sont très élevés au regard du faible nombre de Français titulaires d’un compte dans leurs banques et résidents fiscaux aux États-Unis, ce qui peut les amener à fermer ces comptes en banque. Mais, d’après les informations dont nous disposons aujourd’hui, les gros établissements, ceux qui ont suffisamment de clients, n’ont pas pris ce chemin.

Nous serons particulièrement vigilants, du fait de votre intervention, vis-à-vis des petits établissements, mais je tiens à vous rassurer à nouveau : les gros établissements, qui abritent de nombreux comptes de Français résidents fiscaux aux États-Unis, ne pratiquent pas cette politique de fermeture des comptes, sous prétexte qu’ils ne voudraient pas mettre en œuvre cet accord important sur le plan fiscal entre les États-Unis et la France.

En tout état de cause, monsieur le député, je ne manquerai pas de vous tenir informé des suites que nous pourrons donner après avoir pris contact avec les quelques établissements concernés.

Mme la présidente. Nous en venons à la discussion des amendements.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 2 et 11.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n2.

M. Charles de Courson. Nous avons déposé une dizaine d’amendements, dont celui-ci, visant à intégrer les coffres-forts à l’excellent texte de notre rapporteur. Lui-même s’était d’ailleurs posé la question et avait envisagé une telle extension, mais il a fait état d’un certain nombre de difficultés techniques qu’il n’a pas réussi à résoudre, en particulier celle des non-valeurs, c’est-à-dire les documents que l’on est susceptible de trouver lors de l’ouverture des coffres. Néanmoins, cela ne me semble pas constituer un argument suffisant. Il suffit de prendre les précautions nécessaires au respect de la vie privée et de faire lire les documents par une personne soumise à une obligation de discrétion, puis de les détruire s’ils n’ont aucun intérêt ou de les verser aux Archives nationales dans le cas contraire. Bien entendu, la question se pose en l’absence d’héritiers, car s’il y en a, ils s’en débrouillent.

Nos collègues belges ont adopté une telle réglementation concernant les coffres-forts. Si on ne le fait pas, on se trouvera dans une situation très étonnante. En effet, si une personne dépourvue d’héritier est titulaire dans la même banque d’un compte bancaire, d’une assurance-vie et d’un coffre-fort, nous aurons résolu deux des trois problèmes, la question des coffres-forts restant pendante. Cela ne me paraît pas raisonnable, d’autant moins qu’il n’est pas très compliqué d’appliquer de la même manière les règles envisagées. Les documents qui ne sont pas des valeurs peuvent être versés aux Archives nationales qui les détruisent s’ils ne présentent aucun intérêt et les conservent sinon.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n11.

M. Dominique Tian. Mon collègue Charles de Courson a bien résumé la situation. On s’arrête un peu à mi-chemin, monsieur le rapporteur ! Après tout, pour posséder un coffre dans une banque, il faut y être titulaire d’un compte. Dès lors, pourquoi ne pas étendre à l’ouverture des premiers l’obligation à laquelle est soumise celle des seconds, comme l’a très intelligemment suggéré Charles de Courson ? Un jour ou l’autre, d’une façon ou d’une autre, il faut bien ouvrir le coffre. Si l’on y trouve des éléments qui doivent être conservés, ils le seront, surtout s’ils permettent de rechercher plus activement les héritiers, comme il arrive. La logique plaide donc en faveur de l’ouverture des coffres.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Je réponds par avance à toute la série d’amendements relatifs aux coffres-forts, et auparavant à l’intervention de notre collègue Frédéric Lefebvre.

La présente proposition de loi, cher collègue, ne suscite aucun problème supplémentaire. Un compte est inactif, selon la définition donnée à l’article 1er, lorsque son titulaire ne se manifeste pas, pas même en le consultant ou en répondant à un courriel. Quoi qu’il en soit, je considère que la question est close dans le cadre de la proposition de loi, même si elle ne l’est pas en dehors.

M. Frédéric Lefebvre. Rassurez-vous, monsieur le rapporteur, j’avais bien compris, d’autant mieux que je voterai le texte !

M. Christian Eckert, rapporteur. Quant aux coffres, j’ai apporté une réponse au problème lors des travaux en commission. Nous avons en effet réfléchi aux valeurs susceptibles de s’y trouver : lingots, bijoux, correspondance, bons au porteur, des tas de choses et même des lettres d’amour ! (Sourires.) On peut certes régler partiellement un certain nombre de problèmes grâce aux Archives nationales ou autre, comme cela a été suggéré, mais il ne faut pas perdre de vue la liquidation des objets. La vente des bijoux trouvés dans un coffre, par exemple, nous ramène au problème soulevé par notre collègue Thierry Braillard : si un ayant droit se fait connaître ultérieurement, il prétendra que leur valeur réelle est bien supérieure au prix auquel ils ont été vendus ; ce sera source de contentieux.

C’est donc par principe, et je comprends que vous m’en fassiez grief, chers collègues, que j’ai pris le parti de rejeter tous les amendements relatifs aux coffres-forts, dont j’observe par ailleurs qu’ils ne proposent aucune méthodologie pour traiter le problème. Vous soulevez le problème, mais vous n’apportez pas de réponse à tous les problèmes que je viens d’évoquer. L’avis est donc défavorable sur les deux amendements et personnellement je ne m’exprimerai plus sur la question autrement que par le mot laconique, que je répète : défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ma réponse, comme celle de M. le rapporteur, sera valable pour tous les amendements relatifs aux coffres-forts. Je rappelle à MM. de Courson et Tian une réalité qu’ils connaissent déjà, même si le Gouvernement ne nourrit aucune hostilité de principe envers une réflexion sur la question des coffres-forts. On peut trouver dans un coffre-fort de l’argent, sous forme de billets de banque dont il convient néanmoins de vérifier la date, des lingots d’or, des bijoux, des œuvres d’art ou, en effet, des photos ou de la littérature compromettantes, ce dont il ne nous appartient pas de juger, à la valeur difficilement estimable, sauf par les Archives nationales ou un commissaire-priseur.

Il convient donc de faire la différence entre les valeurs susceptibles d’être liquidées et exploitées de la même manière qu’un produit d’assurance-vie ou un compte en banque actuels et celles qui ne peuvent pas l’être. C’est pourquoi notre position consiste pour l’heure à vous suggérer de retirer ces amendements, messieurs les députés, afin de réfléchir au problème des coffres-forts dans le cadre de la navette. En l’état, nous n’avons pas la réponse aux questions que vous posez. Un certain nombre de questions en suspens justifient que l’avis du Gouvernement soit pour l’instant conforme à celui de M. le rapporteur, c’est-à-dire négatif.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Christian Eckert était plus ouvert d’esprit en commission. Il s’est un peu refermé et vous avez été, monsieur le ministre, plus ouvert d’esprit que notre rapporteur général bien aimé !

M. Dominique Tian. Contrairement aux coffres ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Il faut trouver une solution. La navette peut en être une. Je suis donc prêt à retirer mon amendement, sans préjudice de ce qu’en pense mon collègue Tian, si vous vous engagez à trouver une solution, monsieur le ministre, conjointement avec notre rapporteur. Les Belges ont trouvé une solution. Aucune des objections soulevées n’est sans solution. Si l’on trouve des bijoux et qu’il faut les vendre faute d’héritier, on sait comment procéder.

M. Christian Eckert, rapporteur. Et si un héritier se manifeste ultérieurement ?

M. Charles de Courson. Tous les problèmes soulevés ont des solutions. Je suis donc prêt à retirer l’amendement dès lors que vous vous êtes engagé, monsieur le ministre, à travailler à une solution au problème des coffres-forts avec le rapporteur du texte au Sénat. L’exclusion des coffres-forts du champ du texte ne saurait persister. Lors des travaux en commission, la position de M. le rapporteur était la même que la vôtre, mais il semble ce soir un peu en retrait. Si néanmoins il se dit tout à fait d’accord avec vous, je suis prêt à retirer les onze amendements déposés sur le sujet, monsieur le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Sortons du coffre un instant pour revenir au sujet que nous avons abordé avant et auquel M. le rapporteur général vient à nouveau de faire référence. Je remercie tout d’abord M. le ministre de sa réponse. Il est en effet extrêmement important de faire preuve d’une vigilance toute particulière afin qu’un certain nombre de nos compatriotes ne perdent pas le lien avec notre pays, surtout lorsqu’ils ne s’expatrient que quelques années. Je vous remercie donc de l’ouverture d’esprit dont vous avez fait preuve, monsieur le ministre. Je me permettrai de vous envoyer un certain nombre de dossiers que je reçois toujours plus nombreux.

Je tiens par ailleurs à rassurer M. le rapporteur. Bien évidemment, j’ai parfaitement compris que le problème que j’ai soulevé ne concerne pas directement le texte. Sans doute n’ai-je pas assez appuyé mon sourire lorsque j’ai évoqué les comptes rendus inactifs ; je voulais insister sur le fait que les titulaires de ces comptes, qui sont bien vivants, aimeraient que ceux-ci soient actifs. Je rassure néanmoins M. le rapporteur général comme M. le ministre, je suis bien décidé à voter le texte de la proposition de loi qui nous est proposé, car il constitue selon moi une avancée importante. De même, à propos de la question des coffres-forts qui vient d’être évoquée, l’ouverture d’esprit dont ont fait preuve M. le ministre et M. le rapporteur général devrait nous conduire à trouver une solution à court terme, ce qui me paraît indispensable, comme M. le ministre l’a d’ailleurs reconnu à mots couverts à l’instant.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je m’inscris dans la même logique que celle qui inspire Frédéric Lefebvre et Charles de Courson. Intellectuellement, le rejet de nos amendements est absolument incompréhensible. Les coffres recèlent des sommes en numéraire, des lingots, peut-être des photos ou des lettres, mais aussi des éléments susceptibles d’aider à retrouver les héritiers, ce qui est tout de même le but du texte. Pourquoi se priver d’une telle preuve ? En outre, il s’agit certes d’éléments de la vie privée, mais que faire d’un coffre fermé pour très longtemps et qui ne profite à personne, ni à l’État ni aux héritiers bien évidemment ni même au système bancaire ?

Il y a là une incohérence en raison de laquelle le texte sera entaché d’un manque de logique. Hormis les éléments de la vie privée, monsieur le rapporteur général, votre argumentation manque singulièrement d’éléments objectifs. Voici un coffre dont on ne connaît pas les héritiers, ouvrons-le et les professionnels se chargeront ensuite des éléments privés ! Ouvrirait-on sinon les tiroirs de quelqu’un qui décède chez lui, où on trouve pourtant je ne sais quoi ? Ouvrir les tiroirs d’un mort, quoi de plus normal ? Intellectuellement, le rejet de nos amendements est complètement incompréhensible.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pour couper court à la discussion, mais peut-être me suis-je mal exprimé – je n’entends pas me lancer dans un concours d’ouverture ou de fermeture avec M. le ministre (Sourires) –, si nos collègues sénateurs, dans le cadre de la navette et en échangeant avec nous, trouvent une bonne solution pour régler ce qui est de l’avis unanime un vrai problème, je ne suis évidemment pas fermé à son intégration dans le texte final.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Dans ces conditions, je retire mon amendement.

(L’amendement n2 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je maintiens le mien.

(L’amendement n11 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur, pour soutenir l’amendement n10 rectifié.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Rédactionnel.

(L’amendement n10 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 3 et 12.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n3.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un tout autre problème. Le texte initial passait sous silence l’épargne salariale. Un amendement de notre rapporteur en commission des finances a résolu une partie du problème, mais une partie seulement, celle de l’épargne salariale placée dans une banque. Or il existe des formes d’épargne salariale qui ne le sont pas. Certes, on me répondra que le périmètre de notre affaire se borne au monde bancaire et des assurances. Il n’en faudra pas moins trouver une solution au problème de la participation demeurant au sein de l’entreprise, car de nombreux spécialistes, en particulier des notaires, nous ont signalé que certains éléments d’épargne salariale qui ne se trouvent pas dans les banques sont perdus. Il existe un dispositif de reversement à la Caisse des dépôts et consignations, d’ailleurs beaucoup plus rapide que ce que l’on propose pour le reste de l’épargne salariale déposée dans une banque.

Il faut résoudre le problème de la partie de l’épargne salariale qui n’est pas réclamée, qui concerne de nombreuses personnes qui ont beaucoup bougé au cours de leur vie professionnelle, restant deux ans dans telle entreprise et trois ans dans telle autre et dont on ne sait plus où se trouve la participation ou l’intéressement qu’elles y détiennent, en particulier les travailleurs immigrés qui repartent dans leur pays. Il s’agit de sommes non négligeables. Il serait donc intéressant de connaître la position du Gouvernement à propos de la partie de l’épargne salariale qui n’est pas couverte par l’amendement de M. Eckert adopté en commission des finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n12.

M. Dominique Tian. Il est identique à celui qui a été parfaitement défendu à l’instant.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Comme l’a indiqué lui-même notre collègue Charles de Courson, cet amendement est satisfait par l’amendement adopté en commission, du moins en ce qui concerne la participation – une question par ailleurs réglée par voie réglementaire, par l’article D. 3324-37 du code du travail. Si la question de la participation est réglée par voie réglementaire, la question de l’intéressement peut l’être de la même façon : il suffit que le Gouvernement prenne l’initiative sur ce point. Il me semble superflu de préciser ce point dans la loi, c’est pourquoi, à défaut de retrait, je serai défavorable aux amendements nos 3 et 12.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il existe déjà des dispositions visant à éviter que des sommes provenant de l’intéressement et de la participation tombent en déshérence : il s’agit des articles D. 3313-11 et D. 3324-37 du code du travail, qui prévoient que les sommes dues à un salarié que l’entreprise ne réussit pas à contacter sont remises à la Caisse des dépôts et consignations quand il s’est écoulé un délai d’un an à partir du moment où le salarié peut réclamer la disponibilité de ces fonds. Nous considérons qu’il convient de conserver le droit existant pour la participation et l’intéressement, et qu’il n’est pas possible d’unifier les dispositifs. Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements nos 3 et 12.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’espérais, monsieur le ministre, que, comme vous le suggérait M. le rapporteur, vous consentiriez à une petite ouverture consistant à nous promettre d’essayer d’homogénéiser les dispositifs. En effet, l’article D. 3324-37 du code du travail prévoit que les sommes dues à un salarié soient transférées à la Caisse des dépôts et consignations au bout d’un an, alors que pour l’épargne salariale placée dans les banques, le délai peut aller jusqu’à 30 ans : il y a là un problème manifeste de coordination.

Comme vous le suggérait M. le rapporteur, il vous serait possible d’harmoniser, par voie réglementaire, les différents dispositifs s’appliquant aux fonds en déshérence, à savoir les dispositions existantes du code du travail et l’amendement de M. Eckert adopté en commission.

M. Dominique Tian. Bien sûr !

M. Charles de Courson. J’espérais, monsieur le ministre, que vous seriez plus ouvert à la suggestion que vous avait faite M. le rapporteur de régler le problème par voie réglementaire, d’autant que ce problème relève de votre domaine de compétence. J’attire votre attention sur le fait qu’en l’état actuel des choses, une partie de l’épargne salariale est perdue, compte tenu de l’extrême brièveté du délai précédant son transfert – un an, vous rendez-vous compte ? Je suis tout disposé à retirer mon amendement, monsieur le ministre, mais j’aimerais que, de votre côté, vous vous engagiez à étudier ce qui constitue un problème de cohérence et à essayer d’y trouver une solution par la voie réglementaire – comme M. le rapporteur, je vous fais un appel du pied en ce sens.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Le rapporteur et le ministre tiennent deux discours différents. M. le rapporteur nous avait rassurés en affirmant qu’il suffisait que M. le ministre annonce que des décrets seraient pris pour que le problème soit résolu. Mais si M. le ministre nous dit qu’il n’a pas l’intention de prendre de décrets, le problème reste entier, alors que tous les professionnels sont d’accord pour considérer qu’il faut faire quelque chose. J’insiste sur le fait qu’il appartient au ministre de s’engager à régler la question par voie réglementaire en prenant les décrets nécessaires, comme M. le rapporteur l’y a invité. À défaut, nous ne pouvons pas être rassurés, puisqu’une partie du texte reste inopérante.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’avais déposé des amendements en commission, que je n’ai pas maintenus pour l’examen du texte en séance publique, parce qu’il était permis de penser que l’adoption en commission de l’amendement de M. Eckert allait régler le problème – mais en fait, elle n’en règle qu’une partie. Vous vous référez au droit actuel, monsieur le ministre, mais ne pensez-vous pas que le transfert à la Caisse des dépôts et consignations de l’épargne des salariés dans un délai aussi court qu’un an puisse amener certains héritiers à se sentir spoliés ? C’est la loi, certes, mais force est de constater qu’il existe une distorsion de traitement.

Prenons le cas concret d’un salarié dont l’entreprise a régulièrement versé, sur un compte dédié, des sommes dues au titre de l’intéressement. En cas de décès survenant alors que ce salarié est encore en activité, pensez-vous vraiment que ses héritiers vont avoir le réflexe de s’enquérir auprès de l’entreprise, dans un délai d’un an, de l’existence d’un compte d’intéressement ? Comment voulez-vous que les héritiers arrivant trop tard, c’est-à-dire après le versement des fonds par l’employeur à la Caisse des dépôts et consignations, ne se sentent pas victimes d’une injustice ? Il y a là, à mon sens, un vrai problème de fond.

M. Dominique Tian. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Eckert, rapporteur. Je voudrais rassurer mes collègues sur un point : le transfert de fonds à la Caisse des dépôts et consignations n’entraîne pas de déchéance de propriété.

M. Dominique Tian. Mais si, c’est bien le problème !

M. Christian Eckert, rapporteur. Qu’il s’agisse de fonds provenant de comptes bancaires, des contrats d’assurance-vie ou des comptes d’épargne salariale, le principe est le même : les ayants droit sont en mesure de réclamer ce qui leur revient auprès de la Caisse des dépôts et consignation jusqu’à la déchéance trentenaire. En matière d’épargne salariale, le transfert des fonds au bout d’un an n’a qu’une conséquence pour les héritiers d’un salarié décédé : au lieu de s’adresser à l’entreprise qui l’employait, ils doivent se tourner vers la Caisse des dépôts et consignations pour faire valoir leurs titres d’héritiers.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, les héritiers d’un salarié décédé peuvent s’adresser, durant une période d’un an, à l’entreprise qui employait ce salarié, afin de savoir s’il bénéficiait d’un compte d’épargne salariale. Au-delà d’un an, ils auront la possibilité d’effectuer la même démarche auprès de la Caisse des dépôts et consignations où, s’ils existent, les fonds auxquels ils peuvent prétendre auront été transférés. Il n’y a aucune remise en cause des droits des héritiers.

J’ai entendu les remarques qui ont été faites au sujet de la nécessité qu’il y aurait à harmoniser les dispositifs, mais effectuer une telle démarche avant l’examen du texte par le Sénat n’aurait rien de simple. Je veux insister sur le fait qu’avec le présent texte, tous les fonds risquant de se trouver en déshérence sont désormais couverts par un dispositif, y compris ceux provenant des plans d’épargne salariale – qu’ils soient gérés par les banques ou directement par les entreprises dont ils proviennent. J’invite donc les auteurs de ces amendements à les retirer et, à défaut, je confirmerai l’avis défavorable du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Comme je l’ai dit, je suis tout disposé à retirer mon amendement, mais je pensais, monsieur le ministre, que vous nous feriez une proposition analogue à celle qu’avait faite M. Eckert lorsqu’il a suggéré la création de FICOVIE puis l’obligation pour les notaires de consulter ce fichier. Il suffirait de demander à la Caisse des dépôts et consignations de créer un tel fichier – que l’on pourrait appeler FICOES, pour épargne salariale –, ce qui permettrait aux notaires d’informer les héritiers de la présence, à la Caisse des dépôts et consignations, d’un compte d’épargne salariale par exemple.

Néanmoins, je ne suis pas certain que la création d’un tel fichier, ainsi que la définition de ses modalités de consultations, relèvent de la compétence réglementaire. Mais si une telle démarche est envisageable, il ne faut pas fermer la porte à ce qui pourrait régler le problème qui nous préoccupe : il suffirait que vous nous fassiez part de votre ouverture d’esprit sur ce point pour que nous retirions notre amendement, monsieur le ministre.

Mme la présidente. Votre amendement est-il retiré, monsieur de Courson ?

M. Charles de Courson. Oui, si M. le ministre veut bien faire un effort !

M. Dominique Tian. Il ne veut pas, c’est bien le problème !

M. Charles de Courson. Mais si, il a dit qu’il était ouvert ! Je retire mon amendement n3.

(L’amendement n3 est retiré.)

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement n12, monsieur Tian ?

M. Dominique Tian. Non, nous attendons pour cela que le ministre nous confirme qu’il est disposé à prendre, comme l’a suggéré le rapporteur, les décrets qui régleront le problème. Or, alors même que tous les professionnels sont d’accord pour dire qu’un tel problème existe, M. le ministre ne veut pas en convenir, en dépit des efforts de Charles de Courson et des députés du groupe UMP – ainsi que du rapporteur lui-même, emporté par un élan de sincérité que nous saluons – pour l’en convaincre.

Nous maintenons donc notre amendement, car c’est notre rôle, en tant que députés, que d’essayer de résoudre les problèmes soulevés lors de l’examen d’un texte. Il ne sert à rien, monsieur le ministre, de dire que la question sera réglée avant l’examen du texte par le Sénat – pour nous, cette réponse n’est qu’une tentative d’enfumage. S’il faut prendre des décrets pour régler ce que nous considérons comme un gros problème, nous attendons un engagement de votre part à le faire, monsieur le ministre – à moins que vous ne nous expliquiez clairement pourquoi ces décrets ne sont pas nécessaires.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Loin de moi l’idée de vous enfumer, monsieur Tian : j’aimerais juste que nous puissions débattre sereinement. Nous considérons que les fonds issus des produits de l’intéressement et de la participation sont couverts par le dispositif mais, puisque le rapporteur porte une appréciation différente sur cette question, nous allons vérifier. S’il se révélait que nos services ont une vision erronée des choses et que votre préoccupation est justifiée, nous mettrions évidemment à profit le temps de la navette pour prendre les mesures qui s’imposent. Je ne peux pas vous proposer une solution tant que la vérification que j’ai évoquée n’a pas été effectuée, mais je consens à faire le geste d’ouverture que vous attendiez en m’engageant à faire procéder à cette vérification. Comme vous le voyez, monsieur Tian, mes propos sont exempts de toute trace de fumée.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Tian ?

M. Dominique Tian. Je le maintiens.

(L’amendement n12 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n53.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. La proposition de loi applique une règle spécifique au cas particulier des comptes d’épargne, puisqu’elle prévoit que le délai de douze mois est porté à cinq ans pour caractériser l’inactivité d’un compte. Le texte, tel qu’il est issu des travaux de la commission des finances, précise en outre que, pour les comptes dont la convention de compte prévoit une indisponibilité des fonds pendant une certaine période, cette durée de cinq commence naturellement à courir au terme de la période d’indisponibilité des fonds, ce qui est parfaitement logique.

S’inscrivant dans la même démarche, l’amendement que le Gouvernement vous propose d’adopter vise à compléter le dispositif prévu par le texte. En effet, la rédaction actuelle ne vise que le cas où la convention de compte prévoit une indisponibilité des fonds pendant une certaine durée. Or, il convient de prévoir également le cas des comptes dont les sommes sont indisponibles en raison de l’existence de sûretés conventionnelles, qui ne figurent pas dans les stipulations des conventions de compte et ne sont donc pas prises en compte dans la rédaction actuelle de l’alinéa 9 de l’article 1er, alors qu’elles entraînent également une indisponibilité des sommes figurant sur le compte grevé par la sûreté.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. La commission a accepté cet amendement lors d’une réunion au titre de l’article 88. Nous avions prévu de ne pas intégrer dans les comptes inactifs les comptes dont les sommes étaient bloquées – je pense notamment aux comptes à terme. Avec cet amendement, le Gouvernement précise les choses en incluant les comptes pouvant servir de collatéral en cash à d’autres engagements souscrits auprès de la banque, ce qui me semble utile. Je suis donc favorable à cet amendement n53.

(L’amendement n53 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 4 et 13.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n4.

M. Charles de Courson. Je le retire, madame la présidente.

(L’amendement n4 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n13.

M. Dominique Tian. Défendu.

(L’amendement n13, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 28, 5 et 14, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 5 et 14 sont identiques.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n28.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’alinéa 12 va imposer aux établissements teneurs de compte, dès lors qu’un compte bancaire paraîtrait inactif, de consulter les données du répertoire national d’identification des personnes physiques – le RNIPP – relatives au décès des personnes inscrites. Je m’en félicite : c’est une première avancée.

Je propose, par cet amendement, que l’on aille plus loin en précisant que, lorsque les établissements mentionnés au premier alinéa de l’article sont informés du décès par le biais de ce fichier, ils soient tenus de rechercher les ayants droit.

Je regrette en effet que les établissements bancaires ne soient pas soumis à une telle obligation, alors même que cette obligation de recherche est imposée aux compagnies d’assurance-vie, à la suite d’un décès, par la loi du 17 décembre 2007. Il me semble que cette distorsion de traitement n’est pas véritablement fondée.

Aussi le présent amendement a-t-il pour objet d’obliger les établissements bancaires à rechercher les ayants droit, afin de permettre la restitution des actifs. Si cette démarche ne relève pas de leurs missions originelles, ce n’est pas non plus le cas pour les compagnies d’assurance.

Mme la présidente. Nous examinons à présent les deux amendements identiques nos 5 et 14.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n5.

M. Charles de Courson. On est confronté à une bizarrerie qui tient au fait que l’on a créé une obligation de recherche à la charge des assureurs, alors que, dans le code monétaire et financier, cette obligation n’existe pas pour les banquiers.

L’objet de l’amendement n5, sous réserve d’une petite correction – consistant, évidemment, à supprimer les mots « ou du coffre-fort », puisque cela a été renvoyé à plus tard – consiste à créer, à la charge des banquiers, la même obligation de recherche que celle pesant sur les assureurs. À défaut, une partie de notre texte demeurera inappliquée.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n14.

M. Dominique Tian. M. de Courson a complètement raison, si ce n’est que je conserverai, pour ma part, les dispositions relatives au coffre-fort : si vous décidez d’accepter cet amendement, le problème du coffre-fort sera résolu ! (Sourires.)

Il nous paraît assez logique de soumettre banquiers et assureurs aux mêmes obligations : tel est l’objet de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur. J’ai dit que je ne rouvrirai pas le débat mais je réinsiste tout de même sur la question des coffres-forts : vos amendements sont sympathiques mais ne résolvent absolument pas le problème, car ils ne disent pas comment l’on procède.

M. Dominique Tian. On les ouvre !

M. Christian Eckert, rapporteur. C’est bien pour cela que l’on n’a pas inséré de dispositions sur les coffres-forts.

Par ailleurs, vous dites que l’on doit tracer un parallèle entre les compagnies d’assurance-vie et les banques. Je vous réponds : non ! C’est le métier des assureurs-vie de rechercher les bénéficiaires d’un contrat dont le souscripteur est décédé ; les assureurs y sont d’ailleurs tenus contractuellement.

En revanche, la mission de la banque est de conserver les fonds, non de rechercher les ayants droit si le titulaire du compte est décédé.

Néanmoins, on sait résoudre le problème. Comment ? Vous le savez : par l’obligation, pour les notaires, de consulter FICOBA. Lors du traitement d’une succession, les notaires vont avoir connaissance de l’existence d’un compte. Certes, il y a environ 500 000 décès par an dans notre pays et seules 80 % des successions sont demandées : il restera donc, sans doute, 20 % de successions pour lesquelles l’ouverture ne sera pas demandée ou sera reportée.

C’est un point qui sera évoqué, y compris pendant la navette, sur lequel je tiendrai bon – l’Assemblée, quant à elle, fera ce qu’elle voudra – : l’obligation pour les notaires de consulter FICOBA est une pièce essentielle du dispositif, qui résout notamment ce problème lié aux comptes bancaires.

Si ces amendements n’étaient pas retirés, j’y serais donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. De fait, on ne peut pas dresser de parallèle entre le métier d’assureur et celui de banquier. La Cour des comptes le rappelle d’ailleurs dans l’excellent travail qu’elle a réalisé : les responsabilités de l’établissement bancaire vis-à-vis d’un déposant sont, par nature, différentes de celles de l’assureur, qui s’engage, pour sa part, dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie, à effectuer une prestation – le versement d’un capital ou d’une rente – au profit, ou du souscripteur du contrat, ou d’un autre bénéficiaire désigné. La Cour ne propose évidemment pas d’imposer aux banques la recherche des ayants droit.

De surcroît, la responsabilité de la banque, rappelons-le, est de garantir la sécurité des dépôts et de vérifier la qualité d’ayant droit des personnes qui solliciteraient la restitution des dépôts ; ce n’est pas de rechercher les héritiers, qui est la mission des notaires chargés de régler les successions. La consultation du RNIPP et du FICOBA par ceux-ci est le moyen de répondre à votre préoccupation.

En outre, vos amendements créent une nouvelle obligation, mais je rappelle que vous ne donnez aucune indication sur les moyens mis à la disposition des banques pour la remplir, ce qui justifie une demande de retrait ou, à défaut, de rejet de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends la réponse qui nous est faite, tant par M. le rapporteur que par M. le ministre. En particulier, M. le rapporteur nous dit que les assureurs ont l’obligation de rechercher les bénéficiaires des contrats. Il y a évidemment, dans les contrats de capitalisation ou d’assurance-décès, une clause bénéficiaire : c’est très clair. Il y a bien une personne désignée comme bénéficiaire, selon la formule consacrée.

Mais, ce qui m’inquiète, monsieur le rapporteur, c’est que, chaque année, environ 100 000 comptes – soit les comptes détenus par 20 % des 500 000 personnes décédant chaque année – ne donneront pas lieu à l’ouverture d’une succession. On doit donc avoir un stock de dossiers assez considérable, ce qui explique le montant élevé des sommes en jeu.

Dire aux banques qu’on les dédouane de toute recherche, qu’elles peuvent conserver des comptes inactifs avant de les transférer à la Caisse des dépôts et consignations au bout de dix ans, n’est pas, à mes yeux, une façon de traiter ce problème. Il convient de demander à la banque, lorsqu’elle a connaissance du décès, de rechercher, à partir de la dernière adresse connue, si un notaire est chargé de la succession. En effet, les notaires n’interrogent pas nécessairement tous les établissements bancaires.

M. Christian Eckert, rapporteur. Mais si, grâce à FICOBA !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais justement, avec FICOBA, on devrait pouvoir identifier les ayants droit. Une fois que la banque a pris connaissance du dossier et que le notaire a consulté FICOBA, on devrait pouvoir imposer à la banque de procéder à la recherche.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le rapporteur a raison, dans le cas où une succession est ouverte. En revanche, le problème se pose lorsqu’il n’y a pas d’ouverture de succession.

M. Dominique Tian. Exactement !

M. Charles de Courson. Or, 20 % des décès ne donnent pas lieu à l’ouverture d’une succession. S’agissant de ces cas, il faudrait mettre en place un dispositif imposant aux banques de procéder à cette recherche des héritiers, en leur faisant assumer les mêmes obligations que celles dévolues aux notaires, qui ont accès à FICOBA.

Faute de cela, que va-t-il se passer ? Rien. Le compte inactif va tomber en déshérence, quand bien même, dans une bonne partie de ces cas, des héritiers existent.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Eckert, rapporteur. Notre collègue a à la fois tort et raison. On cumule ceinture et bretelles : la banque va consulter tous les ans le RNIPP, ce qui lui permet de savoir si le titulaire est, ou non, décédé ; ensuite, le notaire va consulter FICOBA. Ce que vous oubliez, mon cher collègue, c’est que – d’ores et déjà, indépendamment de ce texte – dans le cadre d’une succession, qu’il y ait ou non un notaire – 12 % des successions ne donnent d’ailleurs pas lieu à son intervention –, les ayants droit, en vertu de la jurisprudence du Conseil d’État, ont déjà le droit de consulter FICOBA.

M. Dominique Tian. Et s’ils ne sont pas au courant du décès ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Un ayant droit peut vérifier l’existence d’un compte sur ce répertoire, ce qui réglera la question. De fait, à mes yeux, cette question est réglée.

Quant à la formulation de vos amendements, que signifie l’obligation de faire les recherches ? S’agit-il de taper « Tartempion », né à telle date, sur Google, quitte à ne rien trouver ? Ou faut-il faire appel aux généalogistes, avec le concours des renseignements généraux et de la DGSE ? Je vous prie de m’excuser pour cette plaisanterie, le moment est mal choisi.

En d’autres termes, à quel niveau place-t-on le curseur, dans la loi, s’agissant de cette obligation de recherche ? Les généalogistes, vous le savez, sont venus nous voir, et, à lire certains amendements, j’ai l’impression qu’ils ne sont pas venus voir que le rapporteur. (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Heureusement !

M. Christian Eckert, rapporteur. Ils défendent naturellement un intérêt, mais d’autres personnes, exerçant ou non une activité commerciale, proposant des services, sont venues nous voir.

En tout état de cause, la rédaction actuelle, qui résulte de la recherche d’un équilibre, me paraît tout à fait convenable et présente beaucoup de garanties.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le rapporteur, je ne suis pas sûr qu’un particulier ait le droit de consulter FICOBA ; il me semble que l’accès à ce répertoire est réglementé et réservé aux professionnels. Comment voulez-vous qu’une personne qui n’est pas au courant de la survenance d’un décès aille consulter FICOBA, alors qu’elle n’a pas le droit de le faire ? Cela pose un vrai problème, à moins qu’un amendement du Gouvernement ou du rapporteur prévoit qu’un particulier peut consulter ce répertoire, mais cela ne me paraît pas être le cas.

Je n’ai rien contre les généalogistes ; si c’est un moyen de preuve à la disposition des banques, pourquoi pas ? On l’a dit tout à l’heure dans la discussion générale : ce qui manque à votre texte, pour qu’il soit pleinement efficace, c’est d’obliger les établissements bancaires à rechercher les ayants droit, et non pas simplement à consulter deux ou trois fichiers, à la va-vite.

M. Christian Eckert, rapporteur. Vous dites n’importe quoi ! Vous n’avez pas travaillé le texte, monsieur Tian !

M. Dominique Tian. Quatre milliards d’euros sont en jeu : il y a donc un vrai souci, monsieur le rapporteur, que l’on essaie de résoudre. On ne demande pas simplement l’obligation de consulter, mais celle de chercher et de trouver, ce qui est beaucoup plus important.

Mme la présidente. Ces trois amendements étant maintenus, je les mets aux voix.

(L’amendement n28 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 5 et 14 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 17 rectifié et 31.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n17 rectifié.

M. Dominique Tian. Dans un très grand nombre de cas, l’information prévue ne parviendra pas au titulaire puisque celui-ci aura changé d’adresse. Si l’établissement teneur du compte n’est pas obligé de faire déterminer sa nouvelle adresse, de nombreux titulaires ne seront pas informés, ce qui réduira significativement l’impact de cette disposition. L’obligation d’information n’a d’efficacité que si elle se double de l’obligation de localiser l’intéressé.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n31.

Mme Marie-Christine Dalloz. Aux termes de l’alinéa 13, « lorsqu’un compte est considéré comme inactif, l’établissement tenant ce compte en informe le titulaire, son représentant légal ou la personne habilitée par lui et lui indique les conséquences qui y sont attachées en application du présent article et de l’article L. 312-20. » C’est très bien, mais vous savez comme moi que, lorsqu’un compte est inactif, le courrier revient avec la mention « N’habite pas à l’adresse indiquée ».

On bute ici sur une difficulté : vous allez imposer à une banque une obligation d’information qui, en tout état de cause, n’ira pas à son terme. Je veux bien que l’on impose des contraintes – en l’espèce au secteur bancaire –, mais quand l’établissement saura, soit que la personne est décédée, soit que le compte est inactif, il adressera au titulaire une lettre qui, je le répète, reviendra forcément. La banque éprouvera le sentiment d’avoir fait son travail, mais le problème de fond ne sera pas traité.

On vous propose donc d’insérer un alinéa après l’alinéa 13, afin que, lorsque les coordonnées du titulaire ou de son représentant légal ou de la personne habilitée ne sont pas à jour, l’établissement soit contraint, dès qu’il en a connaissance, de « faire déterminer les coordonnées actuelles du titulaire ou de son représentant légal. » C’est une forme de recherche du bénéficiaire actuel du compte.

Il est quelque peu ubuesque, en effet, d’imposer à une banque d’adresser un courrier qui lui reviendra avec la mention « N’habite pas à l’adresse indiquée », soit que cette personne est décédée, soit qu’elle a déménagé. En effet, la banque s’exécutera, mais cela n’aura aucun effet.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Ces amendements méconnaissent la législation actuelle, notamment les mesures anti-blanchiment : en effet, les articles L. 561-5 et suivants du code monétaire et financier imposent déjà aux banques de mettre en place les procédures nécessaires pour connaître et identifier leurs clients. Je peux vous dire que l’ACPR le contrôle, j’ai quelques raisons de le savoir.

Ces obligations sont d’ailleurs plus contraignantes que celle que vous proposez d’instituer. En particulier, l’article L. 261-12 du code monétaire financier prévoit que la banque doit conserver pendant cinq ans après la clôture du compte l’ensemble des éléments permettant d’identifier un client. Un des griefs souvent formulé par l’ACPR dans les rapports rédigés à la suite de ses audits est l’absence de connaissance des clients par les banques. Vous pouvez toujours caricaturer les choses en précisant ce qu’il advient si la lettre envoyée ne revient pas ; ce que vous demandez est précisément inscrit dans la loi.

J’ajoute que la rédaction que vous proposez n’est absolument pas opérante. Dans ces conditions, je vous demande de retirer vos amendements. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur Tian, madame Dalloz, votre proposition est entièrement satisfaite en l’état actuel du droit. Les articles L. 561-5 et suivants du code monétaire et financier imposent déjà aux banques des obligations en matière d’identification de leurs clients. Plus précisément, en vertu de l’article L. 561-6, les établissements de crédit doivent exercer « une vigilance constante » en veillant à avoir une « connaissance actualisée » de leur client pendant toute la durée de la relation d’affaires. L’article R. 561-12 du même code précise en outre qu’ils doivent pendant toute la durée de cette relation mettre à jour les éléments d’information qui leur permettent de conserver une connaissance adéquate de leur client, ce qui inclut naturellement les coordonnées.

La loi actuelle répond donc à vos préoccupations, du moins tant qu’elle n’est pas entravée dans son application. L’avis du Gouvernement est par conséquent défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends bien les arguments de M. le ministre, et j’ai plaisir à l’écouter me rappeler l’existence d’un article qui s’impose à l’ensemble des établissements bancaires. Cependant, si les banques avaient connaissance des coordonnées actualisées de tous leurs clients, nous ne serions pas en train d’examiner une proposition de loi relative aux comptes bancaires inactifs.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cela n’a rien à voir !

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans l’article que vous avez cité, il est précisé que les banques doivent, tout au long de la relation d’affaires qu’elles entretiennent avec leur client, actualiser les informations le concernant. Si cette actualisation était effectuée, cela se saurait et nous n’aurions pas l’utilité d’un tel texte. C’est bien parce qu’il existe des comptes inactifs pour lesquels le lien entre le titulaire et la banque s’est rompu qu’il faut trouver un moyen de restaurer celui-ci.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian. Nous passerons ensuite au vote, car il me semble que l’Assemblée est à présent suffisamment informée sur ces deux amendements identiques.

M. Dominique Tian. La situation est presque ubuesque !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Exactement !

M. Dominique Tian. Nous étudions un texte qui vise à permettre d’identifier les héritiers des titulaires décédés de comptes inactifs. Or vous affirmez que les banques font bien leur travail et que vous ne comprenez pas nos préoccupations. On peut dès lors se demander ce que nous faisons ici !

M. Christian Eckert, rapporteur. Vous débarquez là alors que nous ne vous avons pas vu lors des séances de travail, vous ne connaissez rien au sujet et vous dites n’importe quoi ! Vous faites honte au travail parlementaire !

M. Dominique Tian. Si votre seul objectif est de vous attaquer à des compagnies d’assurances qui, d’ailleurs, méritent parfaitement…

M. Christian Eckert, rapporteur. Vous dévalorisez le travail parlementaire !

M. Dominique Tian. Au contraire, monsieur le rapporteur, je l’enrichis ! Je tente de le faire, du moins, car c’est un peu compliqué.

M. Christian Eckert, rapporteur. Ce n’est pas consciencieux !

M. Dominique Tian. Si les compagnies d’assurances ne font pas correctement leur travail, il faut faire en sorte que ce ne soit plus le cas. Nous estimons pour notre part, et c’est ce qu’affirme la Cour des comptes, qu’il y a tout de même quelques difficultés du côté du système bancaire et qu’il faut améliorer ce texte. M. le ministre nous assure que tout va bien, que les banques connaissent toutes les informations relatives à leurs clients et les actualisent, et qu’il n’y a donc aucun sujet. Nous nous demandons par conséquent quelle est l’utilité d’examiner le présent texte aujourd’hui.

Il nous semble, et Mme Dalloz ne dit pas le contraire, que le présent amendement est de bon sens et vise à ce que les banques effectuent les recherches nécessaires pour identifier les héritiers des titulaires de comptes inactifs décédés.

Certes, la loi prévoit déjà une obligation d’actualisation, mais cette disposition n’est probablement pas suffisamment complète, car aujourd’hui certains héritiers ou ayants droit demeurent introuvables. Cela signifie bien que les informations ne sont pas actualisées par les banques. Il faut donc peut-être enrichir le texte.

M. Christian Eckert, rapporteur. Mais que dit votre amendement ? Il est en retrait par rapport à la loi existante !

(Les amendements identiques nos 17 rectifié et 31 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 18 rectifié et 29 rectifié.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n18 rectifié.

M. Dominique Tian. Nous suivons toujours la même logique, bien que le Gouvernement semble estimer qu’il n’y a pas de problème. Le transfert des fonds à la Caisse des dépôts et consignations ne devrait avoir lieu qu’une fois la recherche des bénéficiaires correctement effectuée. Une telle mesure permettrait de s’assurer de la bonne restitution des avoirs bancaires.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n29 rectifié.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Cette proposition a été évoquée en commission, laquelle a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 18 rectifié et 29 rectifié ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n30.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous vous proposons d’insérer après l’alinéa 19 le paragraphe suivant : « Les établissements mentionnés au premier alinéa du I de l’article L. 312-19 procèdent au transfert des fonds à la Caisse des dépôts et consignations après avoir apporté la preuve d’une recherche sans succès des ayants droit. Ils fournissent un certificat de vaine recherche avant que le transfert à la Caisse des dépôts et consignations ne puisse être acté. »

Nous suivons une certaine logique : il s’agit d’un amendement de repli par rapport aux précédents ; c’est un minimum, monsieur le ministre. Nous sommes constants, et notre demande est minimale. À nos yeux, le fait de fournir un document attestant de la vaine recherche permettrait à l’établissement bancaire de prouver qu’il a fait un minimum d’efforts.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Je ne sais pas ce qu’est un « certificat de vaine recherche ». Je ne sais pas, dans le cadre de la simplification administrative, qui délivre un certificat de vaine recherche, qui le signe, qui le contrôle. On peut inventer tous les documents que l’on veut, pour ma part je ne sais pas de quoi il s’agit. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je délivre un certificat de bon sens au rapporteur et me range à son avis, défavorable.

M. Charles de Courson. Un certificat signé du ministre !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Vous ne savez pas encore ce qu’est le certificat de vaine recherche, mais nous pouvons en définir les contours ensemble et les inscrire dans un décret. Il s’agit tout de même de sommes d’argent qui doivent revenir à des personnes. À défaut d’avoir identifié les titulaires des comptes inactifs, on décide de donner l’argent à la Caisse des dépôts.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ce n’est pas donné, c’est géré !

M. Dominique Tian. Certes, c’est bénéfique au budget de l’État, aux transferts effectués vers le budget de l’État, mais cela n’exonère pas de réclamer aux banques la preuve qu’elles ont bien fourni les efforts nécessaires pour rechercher les héritiers.

M. Christian Eckert, rapporteur. Mais vous êtes sourd !

M. Dominique Tian. Nous avons tous rencontré des banquiers, ainsi que des personnes irritées par une telle situation. Vous renvoyez à la bonne foi des banques, que je ne mets pas en doute, mais que vous n’avez pas toujours invoquée de la sorte. En tout cas, on peut faire en sorte de s’assurer que les recherches nécessaires ont été faites, car ne pas le faire reviendrait à nier l’existence même d’un problème, et nous n’aurions alors aucune raison d’être ici.

Mme Christine Pires Beaune. Alors que nous voulons simplifier les choses, vous montez des usines à gaz !

M. Dominique Tian. En l’occurrence, je suis certain que le génie administratif nous permettra de publier un décret encadrant cette obligation pour les banques d’effectuer les recherches nécessaires et de prouver qu’elles ont bien fait leur travail.

(L’amendement n30 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 7 et 21, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n7.

M. Charles de Courson. Je le retire, madame la présidente.

(L’amendement n7 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n21.

M. Dominique Tian. Les biens déposés dans un coffre-fort qui n’ont pas été réclamés par les ayants droit du titulaire du coffre sont acquis à l’État à l’issue d’un délai de trente ans à compter du décès du titulaire. Nous souhaitons ainsi éclairer le débat au Sénat…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n21 ?

M. Christian Eckert, rapporteur. On s’est exprimé sur les coffres-forts. Je le remercie d’avoir lu le texte de son amendement et son exposé sommaire. L’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Défavorable.

(L’amendement n21 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n20.

M. Dominique Tian. Pour préciser le cadre juridique, il convient de prévoir le régime des coffres-forts en excluant toute liquidation de leur contenu et tout transfert à la Caisse des dépôts, qui n’a pas vocation à recueillir ce contenu dont la garde poserait, de surcroît, des difficultés.

Je ne fais que reprendre ici l’idée que le rapporteur a exprimée voilà quelques instants lorsqu’il s’est ému de la façon dont on devait liquider ce que contenaient les coffres-forts. On peut partager ce point de vue. Il me paraît important que cet amendement soit adopté, monsieur le rapporteur, car la CDC, vous l’avez dit vous-même, n’a pas vocation à recueillir ce contenu, dont elle saurait difficilement évaluer le montant et la valeur. Cela permettrait au moins de sécuriser le système sur le plan juridique. N’ouvrons surtout pas les coffres-forts et n’évaluons pas leur contenu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Je me suis déjà exprimé sur les coffres-forts au début de notre discussion. L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

(L’amendement n20 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 19 et 32.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n19.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n32.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pour ma part, je n’ai pas cosigné l’amendement sur les coffres-forts, et chacun l’aura bien remarqué, monsieur le ministre.

Nous avions évoqué l’obligation pour l’établissement bancaire d’effectuer une recherche minimale ; il s’agit ici de reprendre la même logique. On peut plaisanter sur la notion de « vaine recherche », le certificat permettrait au moins d’attester que l’établissement bancaire a fait une recherche et que celle-ci n’a pas abouti.

Cela permettrait certainement d’abonder beaucoup plus rapidement le budget de l’État par des revenus conséquents. Le présent texte prévoit de transférer les fonds non réclamés à la Caisse des dépôts et consignations puis, à l’issue de délais assez longs, à l’État. On pourrait imaginer faire bénéficier celui-ci de ces sommes sans attendre l’expiration des délais de prescription que retient cette proposition de loi si on avait la connaissance que l’établissement bancaire a bien effectué une recherche sur les héritiers et que celle-ci n’a pas abouti. Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, ce n’est pas totalement anodin.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Dans votre amendement n32, madame Dalloz, vous proposez de réduire le délai prévu initialement à dix ans, et non pas de revenir sur ce fameux certificat de vaine recherche que vous avez inventé. Vous affirmez que cette disposition ferait du bien au budget de l’État.

Le but de ce texte n’est pas d’abonder le budget de l’État, madame Dalloz, il est de protéger les épargnants. Contrairement à ce qu’a répété M. Tian pour la troisième fois alors que je lui avais rappelé le contraire, le transfert de fonds à la Caisse des dépôts préserve la propriété des épargnants sur ces fonds. Ils peuvent les réclamer tant qu’ils se trouvent à la CDC, mais ne le peuvent plus une fois que ceux-ci ont été transférés à l’État : c’est le principe de la déchéance trentenaire.

Nous avons décidé de faire simple : la déchéance trentenaire est valable pour tout le monde. Vous proposez de réduire ce délai à dix ans en vous prévalant du bénéfice que l’État pourrait en tirer sur le plan budgétaire, ce qui est à l’opposé de ce que vous défendiez voilà quelques minutes sur la protection des épargnants.

M. Dominique Lefebvre. Ils les spolient !

M. Christian Eckert, rapporteur. L’avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le Gouvernement a donné un avis défavorable à ces amendements.

Le mécanisme envisagé par les auteurs de la proposition de loi est fondé sur le cumul de deux délais : dix ans de conservation des fonds dans l’établissement de crédit auxquels s’ajoutent vingt ans de consignation à la Caisse des dépôts et consignations. En cas de décès, ces délais sont respectivement de deux ans et vingt-huit ans. Le principe est celui de la prescription trentenaire, que nous avons souhaité maintenir.

Ce délai de trente ans est à nos yeux protecteur pour les clients des banques et leurs ayants droit. Sa réduction, qui a parfois été évoquée, suscite de fortes réticences de la part des associations de consommateurs. En tant que ministre en charge de la consommation, j’y suis assez sensible.

De surcroît, la remise en cause de la prescription trentenaire serait, ainsi que l’a souligné la Cour des comptes, d’autant moins justifiée que la multi-bancarisation, associée à la mobilité géographique, s’est développée et que les cas de comptes inactifs de personnes qui ne sont pas décédées se sont multipliés et sont beaucoup plus nombreux que dans le passé. Le maintien de la prescription trentenaire permet, et c’est ce qui nous préoccupe tous, de garantir les droits des ayants droit sur ces fonds de manière plus longue et plus efficace que ne le ferait le délai que vous proposez, madame Dalloz.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Exceptionnellement, je retire mon amendement : les arguments de M. le ministre m’ont convaincue, beaucoup plus, d’ailleurs, que ceux de M. le rapporteur.

M. Dominique Tian. C’est vrai !

(L’amendement n32 est retiré.)

Mme la présidente. M. Tian, avez-vous également été convaincu par le ministre au point de retirer votre amendement ?

M. Dominique Tian. Oui, madame la présidente. Je retire mon amendement.

(L’amendement n19 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n8.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’un amendement d’appel qui s’inscrit d’ailleurs dans la suite de la discussion que nous avions à l’instant.

J’en profite pour vous dire, monsieur le ministre, que je vous trouve extrêmement conservateur. (Sourires.)

Tout le monde a oublié que nous avons déjà légiféré, il n’y a d’ailleurs pas très longtemps – entre cinq et sept ans –, sur les biens immobiliers en déshérence. Ceux qui sont là depuis vingt et un ans – mais nous sommes tellement peu nombreux à être des survivants de cette époque (Sourires) – se souviennent même que nous avions à l’époque réduit le délai. Vous savez en effet que le délai était également de trente ans pour les biens immobiliers en déshérence. Cela signifie que, lorsque vous étiez maire d’un village, il fallait attendre trente ans avant de pouvoir intervenir sur un immeuble menaçant de s’effondrer. Rendez-vous compte de ce qui peut rester d’un immeuble qui n’est pas entretenu pendant aussi longtemps ! On a donc modifié cette règle.

Le présent amendement vise donc à coordonner les délais de prescription. De fait – nous en avons parlé à plusieurs reprises en commission des finances –, il y a un problème de cohérence entre les délais de prescription s’appliquant dans différents domaines. Nous nous étions dit qu’il faudrait, un jour, consacrer un texte à cette question, de manière à refondre toutes les règles et essayer de parvenir à une certaine cohérence dans les délais de prescription.

Avec le dispositif qui nous est soumis aujourd’hui, on arrive, monsieur le ministre, à un paradoxe : les biens mobiliers se voient appliquer des délais de prescription plus longs que les biens immobiliers. Tel est l’objet de cet amendement d’appel.

Mme la présidente. Sauf erreur de ma part, monsieur de Courson, il y a une petite différence entre le texte de votre amendement, où il est question de dix ans, et son exposé sommaire, où le chiffre avancé est de quinze ans.

M. Charles de Courson. Les quinze ans dont il est question, madame la présidente, sont la somme du temps passé à la Caisse des dépôts et de celui passé à la banque.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Comme je l’ai déjà dit, la tentation s’est effectivement fait jour, chez beaucoup de commissaires, de réduire le délai, avec l’idée – que nous avons écartée dans ce texte – d’améliorer le rendement.

Trente ans, c’est tout de même la règle générale. On peut comprendre que l’on ait été amené à faire une exception pour les biens immobiliers, lesquels peuvent effectivement se dégrader. Ce n’est pas le cas des valeurs mobilières qui sont, en plus, garanties par la Caisse des dépôts. J’en profite d’ailleurs pour vous dire, car je ne l’avais pas encore fait, que, outre l’intérêt financier que la Caisse des dépôts trouve dans ce texte, cette institution retrouve sa vocation initiale. En effet, la Caisse des dépôts et consignations, qui fêtera son bicentenaire très prochainement, a bel et bien été créée pour cela. Indépendamment donc de l’intérêt financier qui peut se révéler important pour elle – nous verrons ce qu’il en sera –, la Caisse des dépôts manifeste une véritable adhésion à ce texte dans la mesure où il lui permet de renouer avec ce qui constitue, historiquement, la vocation de l’établissement.

Pour en revenir à l’amendement, la Caisse des dépôts garantit le capital, ce qui n’est évidemment pas le cas pour les immeubles en déshérence. C’est pour cela que le législateur a été conduit à faire autrement dans ce cas. Si cet amendement n’était pas retiré, la commission émettrait donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. M. Eckert vient d’indiquer le point essentiel : un bien immobilier en déshérence, ce n’est pas la même chose qu’un compte en banque ou une assurance vie ; il perd de la valeur et peut causer un certain nombre de troubles à l’ordre public car il a besoin d’être entretenu. C’est la raison pour laquelle nous sommes attachés au maintien de la prescription trentenaire, de façon à ce que les bénéficiaires puissent faire valoir leurs droits. Avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur de Courson, l’amendement n8 est-il maintenu ?

M. Charles de Courson. Non, madame la présidente, je le retire, car il s’agissait surtout d’un appel du pied. Mais je maintiens, monsieur le ministre, que je vous trouve très conservateur.

(L’amendement n8 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 6 rectifié, 22 rectifié et 23, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 6 rectifié et 22 rectifié sont identiques.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n6 rectifié.

M. Charles de Courson. Il s’agit là d’un amendement important qui vise à faire en sorte que l’ACPR puisse contrôler que les dispositions du présent texte sont bien respectées. En effet, la Cour des comptes a constaté, dans le rapport qu’elle nous a remis, que, en matière d’assurances-vie non réclamées, le manque de réactivité de l’ACPR a contribué à la passivité des assureurs. À ce jour, aucune sanction n’a jamais été prononcée.

Le présent amendement a donc pour objet de définir une règle, en l’occurrence d’introduire le principe d’un contrôle régulier par l’ACPR accompagné, en cas de manquements constatés, d’un régime de sanctions pécuniaires spécifiques. La commission des sanctions de l’ACPR est habilitée, en application du 7° de l’article L. 612-39 du code monétaire et financier, à prononcer de telles sanctions et à les assortir d’une astreinte. Il me semble qu’il faut améliorer le texte sur ce point. En effet, faute d’un contrôle régulier, on risque de découvrir dans dix ou quinze ans, à l’occasion d’un autre contrôle, que les dispositions votées n’ont pas eu l’efficacité que l’on espérait. La mesure que je vous propose est, pour l’essentiel, dissuasive. De temps en temps, une petite sanction rappelle aux autres qu’ils ont eu raison de bien se comporter.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n22 rectifié.

Puis-je vous demander, mon cher collègue, de défendre en même temps l’amendement n23 ?

M. Dominique Tian. Bien sûr, madame la présidente.

En ce qui concerne tout d’abord l’amendement n22 rectifié, comment peut-on, par définition, en l’absence de contrôle, savoir si, oui ou non, la loi est appliquée ? S’il n’y a ni contrôle ni sanction, cela signifie qu’il n’y a pas non plus d’obligation. Charles de Courson a fort bien montré à quel point, dans ce domaine, les contrôles sont nécessaires. La Cour des comptes a d’ailleurs révélé que la passivité des assureurs et l’absence de sanctions étaient inadmissibles. Il faut faire la même chose pour les banques et pour les assurances.

L’amendement n23 est également défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur. On pourrait parler un quart d’heure sur ces amendements.

Premièrement, vous avez raison de dire, monsieur de Courson, que l’ACPR n’a pas exercé de contrôle en ce qui concerne les comptes bancaires inactifs. Je pourrais d’ailleurs vous raconter à ce propos une histoire personnelle qui m’a conduit à m’intéresser à ce sujet – nous en parlerons à la buvette. (Sourires.)

Pourquoi l’ACPR n’a-t-elle pas exercé de contrôle ? Parce qu’aucun support juridique ne le permettait. L’objet du présent article est précisément d’en définir un. L’ACPR, pour laquelle je n’ai pas toujours une sympathie particulière, est donc tout à fait fondée à vous dire qu’elle n’est pas intervenue sur ce sujet parce qu’il n’y avait pas de support juridique et administratif le permettant.

M. Charles de Courson. Je l’ignorais !

M. Christian Eckert, rapporteur. Deuxièmement, en ce qui concerne les assureurs, ceux d’entre vous qui assistaient à l’audition du nouveau vice-président de l’ACPR – qui vient du monde de l’assurance – l’ont entendu nous dire que deux dossiers scandaleux allaient être transmis à la commission des sanctions.

M. Charles de Courson. Pour la première fois !

M. Christian Eckert, rapporteur. Je suis bien placé pour vous dire – affaire UBS oblige – que l’ACPR est une autorité indépendante, de même, par conséquent, que sa commission des sanctions. Quand j’ai demandé quelques comptes à l’ACPR sur l’affaire UBS, les avocats de l’établissement en question se sont empressés de demander : « Qu’est-ce que c’est que ce député qui fait pression sur une juridiction d’une autorité administrative indépendante ? » Ils essaient même de faire valoir cet élément auprès du Conseil d’État. Vous avouerez que cela fait réfléchir. Je pourrais même vous montrer les lettres que j’ai reçues des dirigeants d’UBS.

Troisièmement, et s’il vous faut encore un argument, votre amendement est d’ores et déjà satisfait. En effet, les dispositions de la présente proposition de loi viendront enrichir le code monétaire et financier. Or quelle est la mission de l’ACPR, si ce n’est précisément veiller au respect de ce code ? Cet amendement est donc satisfait. Voilà pourquoi, messieurs – et mesdames –, vous devriez les retirer.

Mme la présidente. Puis-je en conclure, monsieur le rapporteur, que la commission est défavorable à ces trois amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Tout à fait, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur, vous avez raison en droit, mais, me semble-t-il, largement tort en fait. En effet, il faut rappeler dans ce texte que l’ACPR doit effectuer des contrôles réguliers. S’ils ne contrôlent pas, ils ne découvriront rien et il n’y aura jamais de sanctions.

Il est bien précisé, dans l’exposé sommaire de mon amendement, qu’il n’y a pas besoin de créer cette sanction, puisqu’elle est prévue au 7° de l’article L. 612-39 du code monétaire et financier. L’ACPR a donc bien le pouvoir de sanctionner, mais le fait de le rappeler ne me paraît pas inutile. Quand vous me dites que cela n’a pas de portée juridique, vous n’avez pas tout à fait tort, sauf pour ce qui concerne un contrôle régulier.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Juridiquement, votre remarque n’est pas fondée, monsieur le rapporteur. L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution existe, mais à quoi sert-elle si elle ne contrôle pas ? Je vous trouve donc timide. Il est assez bizarre de dire à ceux qui doivent contrôler que ce n’est pas la peine qu’ils le fassent, puisqu’il n’est pas sûr qu’ils en aient le droit.

M. Christian Eckert, rapporteur. Ce que vous dites est scandaleux !

M. Dominique Tian. Je vous rappelle que l’intérêt essentiel du texte est tout de même de protéger les épargnants et ceux qui seraient injustement traités par les banques ou les assurances.

M. Christian Eckert, rapporteur. Quand vous relirez le compte rendu de nos débats, vous mesurerez l’absurdité de ce que vous dites !

M. Dominique Tian. Or, vous nous dites que ce n’est pas la peine de contrôler car ceux qui sont chargés de le faire n’en ont pas le droit.

M. Christian Eckert, rapporteur. Mais qui a dit cela ?

M. Dominique Tian. Si la loi est imparfaite, peut-être devons-nous la modifier. Après tout, nous sommes là pour cela.

M. Christian Eckert, rapporteur. Vous êtes malade ! Ce que vous dites est complètement dingue !

M. Dominique Tian. C’est exactement ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur ; le compte rendu le prouvera.

Peut-être ne comprenons-nous rien, auquel cas nous aurions peut-être besoin d’un cours, mais il nous semble que, si l’autorité de contrôle n’a pas le droit de contrôler, il faut améliorer le texte. Nous pensons pour notre part, bêtement peut-être, que ceux qui doivent contrôler feraient bien de le faire.

M. Christian Eckert, rapporteur. On comprend pourquoi les parlementaires passent pour des ânes !

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous reprendre la parole ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Non, madame la présidente. Et je m’excuse d’avoir tenu des propos un peu excessifs.

(Les amendements identiques nos 6 rectifié et 22 rectifié ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n23 n’est pas adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Article 2

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 3.

Article 4

Mme la présidente. La parole est à Mme Marietta Karamanli, inscrite sur l’article 4.

Mme Marietta Karamanli. Cet article est important car il concerne les contrats d’assurance-vie et renforce la procédure qui devra s’appliquer de manière générale et automatique. C’est là l’une des innovations majeures du dispositif. Nous passons d’une faculté ouverte aux établissements à une obligation dont les modalités essentielles sont précisées. Ainsi, mes chers collègues, la loi va avoir pour effet d’obliger les établissements à faire diligence. Elle les rend également responsables, devant les assurés et leurs ayants droit comme devant la collectivité dans son ensemble.

En ce qui concerne la mise en œuvre, il me semble, monsieur le rapporteur, qu’une attention particulière devra être portée à l’effectivité du dispositif. Ce qui importe le plus, ce n’est pas tant la possibilité d’une sanction des établissements contrevenants – laquelle doit d’ailleurs exister pour les dissuader de contrevenir – que le renforcement des droits des assurés et des épargnants et la confiance que les seconds vont accorder aux premiers. Je me réjouis donc particulièrement de cet article, compte tenu du travail que nous essayons de faire dans le cadre du groupe d’étude sur les assurances.

Mme la présidente. Sur l’article 4, je suis saisie de plusieurs amendements.

Nous commençons par deux amendements identiques, nos 25 et 34.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n25.

M. Dominique Tian. L’article 4 a pour objet d’inciter les assureurs à se montrer diligents dans leurs recherches. Toutefois, le fait de leur accorder un délai anormalement long pour le faire risque de produire un effet opposé. En effet, selon le texte de la proposition de loi, si un contrat n’a pas été réclamé deux après le décès de l’assuré, l’assureur dispose d’un délai de dix ans pour effectuer les recherches.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n34.

Mme Marie-Christine Dalloz. Rechercher le bénéficiaire constitue déjà une obligation pour l’assureur. Mais il n’est pas neutre de lui rappeler, avec le dernier alinéa de cet amendement, qu’« il est tenu de réparer les conséquences des éventuelles erreurs ou omissions relatives à cette recherche », eu égard notamment aux frais de gestion annuels – ne nous voilons pas la face !

L’assureur a des obligations et doit supporter certaines contraintes s’il ne recherche pas ou s’il échoue à trouver le bénéficiaire désigné dans le contrat. Une telle précision me semble compléter judicieusement votre dispositif, que, par ailleurs, je ne remets pas en cause.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Ces amendements sont puisés à bonne source ! Ils posent certaines difficultés : qu’entendent leurs auteurs par « réparer les conséquences des éventuelles erreurs » que l’assureur aurait commises au cours de sa recherche ?

La proposition de loi crée un certain nombre d’obligations, déjà contractuelles pour ce qui concerne les assurances. Vous proposez que l’assureur, au bout d’un certain délai, mandate un tiers. Ce tiers n’est pas nommé mais on peut assez facilement, avec un peu de recherche, en retrouver la nature – c’est d’ailleurs son métier ! Une telle obligation paraît superfétatoire et a un coût, dont on ne sait qui, de l’organisme ou du bénéficiaire, l’assumera. Les tarifs de ce genre de tiers, que vous ne nommez pas, sont connus. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cela me permet de souligner, monsieur Tian, que l’ACPR a rappelé plusieurs fois à l’ordre des compagnies d’assurance qui faisaient supporter au bénéficiaire le coût de la recherche, pour laquelle elles avaient mandaté un tiers. Preuve que l’ACPR contrôle et fait correctement son travail. Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 25 et 34 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n54 rectifié.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’article L. 132-22 du code des assurances régit l’obligation d’information annuelle des clients qui incombe aux entreprises d’assurance ou de capitalisation. Celles-ci doivent adresser à leurs assurés ou adhérents un relevé annuel d’information. L’envoi de ce relevé constitue pour l’assureur le meilleur moyen de garder le contact avec le contractant et, pour ce dernier – ainsi que pour ses ayants droit à son décès – de garder en mémoire l’existence du contrat et de se tenir informé de son évolution.

La proposition de loi prévoit un élargissement de cette obligation à l’ensemble des contrats d’assurance-vie, quel que soit le montant de leur provision mathématique. Cela est particulièrement opportun.

Le Gouvernement souhaite saisir cette occasion pour renforcer les obligations pesant sur les assureurs quant aux contrats à terme. L’amendement prévoit que l’entreprise d’assurance ou de capitalisation devra adresser au contractant, un mois avant la date du terme, un relevé d’information spécifique, rappelant en caractères très apparents la date du terme du contrat et indiquant que la revalorisation cessera à compter de cette date. Si le contractant ne s’est pas manifesté, ce relevé lui sera de nouveau adressé un an après le terme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Cet amendement renforce l’information des souscripteurs et permettra d’éviter les versements tardifs. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il serait indiqué, dans le relevé d’information spécifique, que la revalorisation cesse à compter de la date du terme du contrat. Pourtant, s’il s’agit d’un contrat en unités de compte, les unités de compte continueront à se valoriser tant qu’elles ne seront pas remboursées ; et s’il s’agit d’un contrat de capitalisation classique, en euros par exemple, la valorisation continuera forcément, même après le terme du contrat.

Comment peut-on prévoir que la revalorisation cesse lorsqu’un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation arrive à échéance ? C’est impossible ! Ou alors, il est remboursé intégralement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai un doute. Que se passe-t-il si le contractant ne se manifeste toujours pas au bout d’un an, alors que le relevé spécifique lui a été de nouveau adressé ?

M. Christian Eckert, rapporteur. On revient aux dispositions prévues par le texte !

M. Charles de Courson. Je ne vois pas bien ce que cet amendement apporte par rapport à l’état du droit. Pourriez-vous nous éclairer, monsieur le ministre ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il s’agit de relancer directement le client. Je rappelle que les contrats concernés sont les contrats à échéance, qu’ils soient en euros ou en unités de compte.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Eckert, rapporteur. Madame Dalloz, il s’agit de contrats à terme. Ils prévoient précisément qu’une fois le terme échu, on ne revalorise plus le capital.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pas le cas de l’assurance-vie !

M. Christian Eckert, rapporteur. C’est le principe des contrats à terme. S’ils prévoient qu’au bout de huit ans, vous aurez 20 000 euros, au bout de dix ans, vous aurez toujours 20 000 euros. Une assurance-vie en unités de compte est revalorisée jusqu’au décès du contractant. Il s’agit de contrats classiques. Mais les contrats à terme garantissent un capital à un certain terme ou une revalorisation jusqu’à un certain terme.

Pour des contrats de ce type, il y a lieu de prévenir les souscripteurs de l’arrivée à échéance du contrat, de leur indiquer qu’il ne sera plus valorisé et de leur rappeler qu’ils doivent faire diligence pour récupérer l’argent. S’ils ne se manifestent pas, alors nous sommes dans la situation classique de l’avoir en déshérence. Cet amendement du Gouvernement est bienvenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je persiste et je signe. Cet amendement est un coup d’épée dans l’eau. Si le souscripteur ne s’est toujours pas manifesté un an après le terme, il convient de prévoir un système de revalorisation du contrat, sans quoi l’entreprise s’enrichira au détriment de l’épargnant. Un tel mécanisme permettrait de protéger l’épargne, le temps de rechercher le souscripteur et, s’il est décédé, ses héritiers. Monsieur le ministre, seriez-vous hostile à ce que l’on assure une rémunération minimale de ces contrats arrivés à échéance, lorsque le souscripteur ne s’est pas manifesté ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends la réponse de M. le rapporteur, mais un contrat à terme connu est plutôt un contrat bancaire qu’un contrat d’assurance-vie. Je souhaiterais obtenir des indications sur le montant des encours des contrats à terme, dans le cadre de la capitalisation assurance-vie.

Quelle est, en effet, la finalité de l’assurance-vie ? Un avantage en matière de succession et de capitalisation, hors fiscalité.

M. Christian Eckert, rapporteur. Ça, c’est vrai ! (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Je n’ai jamais vu de contrat d’assurance-vie comportant un terme précis, hormis celui des huit ans, qui est d’ordre fiscal. Quel pourcentage des contrats d’assurance-vie les contrats à terme représentent-ils ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Très peu, proche d’epsilon, mais suffisamment pour justifier l’amendement du Gouvernement.

(L’amendement n54 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n24.

M. Dominique Tian. L’obligation d’information n’aura d’efficacité que si elle se double de l’obligation de localiser l’intéressé. L’information prévue au II sera inopérante dans la plupart des cas, l’assuré étant soit décédé, soit domicilié à une nouvelle adresse.

Cette disposition met en avant l’intérêt d’introduire l’obligation de déterminer la nouvelle adresse de l’assuré lorsque celui-ci, présumé vivant, ne s’est pas manifesté auprès de l’assureur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Nous avons examiné un amendement semblable à l’article 1er. L’avis est tout aussi défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

(L’amendement n24 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n9, qui fait l’objet de deux sous-amendements du Gouvernement.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement.

M. Éric Alauzet. Cet amendement se veut plus exigeant et plus précis quant à la procédure de liquidation des comptes, afin de protéger les droits des bénéficiaires de contrats d’assurance-vie. Il arrive malheureusement que les assureurs usent de manœuvres dilatoires afin de retarder le versement du capital ou de la rente, notamment en demandant aux ayants droit des documents redondants. Nous proposons d’encadrer la procédure et d’interdire ce genre de pratiques en fixant des délais.

L’entreprise d’assurance bénéficiera ainsi d’un premier délai de quinze jours pour exiger du bénéficiaire l’ensemble des pièces nécessaires à la liquidation. À réception de ces pièces, elle disposera d’un délai d’un mois pour verser le capital ou la rente au bénéficiaire. Une clause dissuasive prévoit, en cas de non-respect des délais, le versement d’intérêts au double du taux légal durant deux mois, et au triple du taux légal au-delà.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir les deux sous-amendements du Gouvernement, nos 58 et 59.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’amendement d’Éric Alauzet vise à renforcer l’efficacité de l’article L. 132-23-1 du code des assurances, qui régit les modalités du versement du capital ou de la rente par l’assureur. Le délai de quinze jours accordé à l’assureur pour demander au bénéficiaire les pièces nécessaires doit faire l’objet d’une computation à partir de la réception de l’avis de décès mais aussi de sa prise de connaissance des coordonnées du bénéficiaire. Sous réserve de l’adoption de ces sous-amendements, avis favorable à l’amendement n9.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Avis favorable à l’amendement ainsi qu’aux deux sous-amendements. Ce dispositif permet d’accélérer les procédures et d’éviter que des entreprises mettent du temps à demander des pièces et en tirent motif pour retarder le versement des sommes aux bénéficiaires. Je propose à l’Assemblée d’adopter cet excellent amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Notre groupe est favorable à cet amendement. Mais pourquoi, monsieur le ministre, n’avez-vous pas voulu créer un dispositif semblable pour les contrats à terme, lorsqu’ils sont arrivés à échéance ? Si j’ai bien compris, cet amendement ne s’applique qu’aux contrats d’assurance-vie.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il s’applique à tous les contrats !

M. Charles de Courson. Il fallait alors me répondre, lorsque nous avons examiné l’amendement n54 rectifié, que ma demande était satisfaite. Je demandais en effet que les contrats à terme arrivés à échéance depuis un an, sans que leurs souscripteurs se soient manifestés, soient rémunérés.

Le présent amendement prévoit que le capital non versé produit un intérêt au double du taux légal. Il serait logique d’appliquer cette disposition à tous les contrats, y compris, par exemple, aux contrats de capitalisation sur dix ans parvenus à leur terme.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il s’applique à tous les contrats d’assurance-vie, y compris les cas particuliers que sont les contrats à terme. Voilà la réponse à votre question.

(Les sous-amendements nos 58 et 59, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n9, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 26 et 35.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n26.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n35.

Mme Marie-Christine Dalloz. La disposition envisagée, qui a vocation à inciter les assureurs à mener leurs recherches avec diligence, risque de produire un effet opposé en laissant un délai anormalement long aux assureurs. Selon le texte, si un contrat n’est pas réclamé deux ans après le décès de l’assuré, l’assureur dispose d’un délai de dix ans pour réaliser les recherches. C’est la longueur de ce délai que nous contestons car nous préférerions qu’il soit plus court.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Avis défavorable. Nous avons déjà débattu de ce sujet et le Conseil d’État a considéré que ce délai était parfaitement normal compte tenu de la rédaction des contrats, 80 % des clauses bénéficiaires ne sont pas nominatives. C’est la qualité de la personne et non son nom qui est indiqué, comme l’ont d’ailleurs confirmé les assureurs. Ce texte assure l’équilibre entre les exigences que l’on a d’un côté et les garanties que l’on doit donner de l’autre. Il faut parfois laisser un peu de temps.

(Les amendements identiques nos 26 et 35, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n33.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement relève du même état d’esprit. La simple publication de l’identité des titulaires des contrats non réclamés ne peut suffire à retrouver les bénéficiaires des encours concernés. Il est nécessaire de s’assurer que la recherche des bénéficiaires soit correctement effectuée et que les fonds ne soient transférés à la Caisse des dépôts et consignation qu’en l’absence de bénéficiaire connu. C’est une mesure de bon sens.

Notre amendement vise par conséquent à compléter ainsi l’alinéa 21 : « après avoir apporté la preuve d’une recherche sans succès des ayants droit ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Nous avons déjà évoqué ce sujet : avis défavorable.

(L’amendement n33, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement rédactionnel, n38, de M. Christian Eckert, rapporteur.

(L’amendement n38, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n51.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cet amendement modifie l’alinéa 25 en insérant les termes « documents » pour prévoir que l’assureur conserve les documents relatifs aux contrats transférés à la Caisse des dépôts et consignations.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Cette disposition figurait dans la proposition de loi initiale. Après quelques hésitations, le Gouvernement propose de la réintégrer dans le texte. J’y suis tout à fait favorable.

(L’amendement n51 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n57.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Dans le même esprit, cet amendement prévoit, à l’alinéa 25, que l’assureur conserve les documents relatifs aux contrats transférés à la Caisse des dépôts et consignations afin de permettre de vérifier que les sociétés d’assurance ont satisfait aux obligations qui leur incombent en matière de contrats non réglés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Cette mesure de bon sens est cohérente avec l’amendement précédent. Avis favorable.

(L’amendement n57 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de coordination, n37 rectifié, de M. Christian Eckert, rapporteur.

(L’amendement n37 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n27.

M. Dominique Tian. Ce sujet a provoqué tout à l’heure le courroux de certains sur les bancs de la commission. Je veux bien sûr parler de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, dont nous pourrions penser qu’elle est chargée de contrôler – mais cela paraît plus compliqué que cela.

Aucune disposition de la proposition de loi ne se réfère au contrôle des obligations pesant sur les assureurs et aux éventuelles sanctions en cas de manquement. Cette carence est d’autant plus regrettable que la Cour des comptes a constaté qu’en général, ces obligations n’étaient pas suffisamment respectées et qu’elles étaient même souvent totalement ignorées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Je vous remercie, monsieur Tian, d’avoir si bien lu l’exposé sommaire de votre amendement. Je ne peux pas vous laisser dire sans que cela provoque, comme tout à l’heure, mon courroux, que rejeter ou proposer de ne pas accepter un amendement qui oblige quelqu’un à faire son travail signifie que l’on accepte qu’il n’exerce pas de contrôle. C’est typiquement ce que vous avez dit tout à l’heure et je ne saurais tolérer de tels propos. J’ai suffisamment l’occasion, dans le cadre de mes fonctions de rapporteur général, de rappeler à l’Autorité de contrôle prudentiel qu’elle doit faire son travail pour que vous puissiez comprendre ma colère ! Avis défavorable.

(L’amendement n27, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Article 5

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n36.

Mme Marie-Christine Dalloz. M. le rapporteur se prétend courroucé, mais si l’ACPR faisait correctement son travail, la Cour des comptes n’aurait pas eu à dénoncer un certain flottement dans le registre.

M. Christian Eckert, rapporteur. Je n’ai jamais dit qu’elle faisait correctement son travail, au contraire !

Mme Marie-Christine Dalloz. Notre amendement tend à compléter ainsi l’alinéa 17 : « après avoir apporté la preuve d’une recherche sans succès des ayants droit. Les délais dans lesquels les recherches doivent être effectuées sont fixés par un décret en Conseil d’État. »

Je laisse au Gouvernement le soin de décider de tout cela, mais nous devons insister sur la recherche de l’ayant droit. Nous devons pouvoir nous assurer que la recherche des bénéficiaires des encours concernés a été correctement effectuée et que les fonds n’ont été transférés à la Caisse des dépôts et consignations qu’en l’absence de bénéficiaire connu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Nous en avons déjà parlé : avis défavorable.

(L’amendement n36, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement rédactionnel, n39, de M. Christian Eckert, rapporteur.

(L’amendement n39, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 50 et 56, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. le ministre délégué, pour les soutenir.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ces deux amendements sont l’équivalent des deux autres que le Gouvernement a présentés tout à l’heure, rapportés, en l’espèce, au secteur des mutuelles.

(Les amendements nos 50 et 56, acceptés par la commission, sont successivement adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de coordination, n40 rectifié, de M. Christian Eckert, rapporteur.

(L’amendement n40 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Article 6

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Eckert, rapporteur, pour soutenir l’amendement n41.

M. Christian Eckert, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer deux alinéas superflus.

(L’amendement n41, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de précision, n42, de M. Christian Eckert, rapporteur.

(L’amendement n42, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Article 7

(L’article 7 est adopté.)

Article 7 bis

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n48.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous abordons deux amendements visant à encadrer l’accès aux informations contenues dans le futur fichier des contrats de capitalisation et d’assurance-vie, FICOVIE : l’amendement n48 concerne les contrats de capitalisation qui font en effet partie de l’actif successoral auquel ont vocation les héritiers ainsi que l’amendement n55 rectifié relatif aux contrats d’assurance-vie et qui limite la divulgation de ces informations aux seuls bénéficiaires effectifs ayant mandaté un notaire. Les bénéficiaires de contrats d’assurance-vie en déshérence n’auront ainsi connaissance par l’intermédiaire de leur notaire que des seules données les intéressant. Ils ne pourront obtenir communication des informations relatives à d’autres bénéficiaires éventuels.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Le travail réalisé autour de la consultation des notaires a été réalisé en bonne intelligence. Nous distinguons le cas des contrats de capitalisation auxquels les notaires ont accès des autres types de contrats auxquels ils ne pourront accéder qu’à condition d’être dûment mandatés par un ayant droit. Le dispositif est prévu par deux amendements du Gouvernement auxquels je suis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Juste une précision : la CNIL a-t-elle été consultée ?

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Christian Eckert, rapporteur. Je l’ai dit tout à l’heure : la CNIL a été consultée mais elle ne rend d’avis définitif qu’une fois qu’on lui soumet le projet définitif du FICOVIE, ce que le Gouvernement est en train de faire. Nous attendons la réponse de la CNIL.

(L’amendement n48 est adopté et l’amendement n1 tombe.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n55 rectifié.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je viens de le présenter.

(L’amendement n55 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 7 bis, amendé, est adopté.)

Articles 7 ter à 11

(Les articles 7 ter, 8, 9 et 11 sont successivement adoptés.)

Article 12

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de précision, n43, de M. le rapporteur Christian Eckert.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cet amendement est en effet nécessaire pour préciser la nature des contrats d’assurance-vie transmis à la Caisse des dépôts et consignations et, si les sommes ne sont pas réclamées par le bénéficiaire, soumis au principe de la prescription trentenaire.

En effet, si les contrats dits de « temporaire décès » entrent dans le champ des dispositions relatives à l’identification des personnes décédées prévues à l’article L. 132-9-3 du code des assurances et à la recherche des bénéficiaires prévu à l’article L. 132-8 du même code, ils ne sont pas acquis à l’État à l’issue de la prescription trentenaire.

Avis favorable.

(L’amendement n43 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement rédactionnel, n44, de M. Christian Eckert, rapporteur.

(L’amendement n44, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n49.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le présent amendement vise à éviter un décalage de trésorerie pour l’État dans la perception des sommes dues au titre des contrats d’assurance-vie ayant atteint la prescription dite « trentenaire ».

En effet, en vertu des dispositions de l’article L. 1126-1 du code général de la propriété des personnes publiques, « sont acquises à l’État […] les sommes dues au titre de contrats d’assurance sur la vie comportant des valeurs de rachat ou de transfert et n’ayant fait l’objet, à compter du décès de l’assuré ou du terme du contrat, d’aucune demande de prestation auprès de l’organisme d’assurance depuis trente années ».

Or, les dispositions de l’article 12 de la proposition de loi prévoient un transfert du stock existant des sommes dues au titre des contrats en déshérence à la Caisse des dépôts et consignations pour les contrats en déshérence depuis au moins dix ans et au plus trente ans à compter de la prise de connaissance du décès par l’assureur. Il est par ailleurs prévu que lesdites sommes soient acquises à l’État à l’issue d’un délai de trente ans à compter de la connaissance du décès par l’assureur et non trente ans à compter du décès du souscripteur.

Cette différence de délai aurait des conséquences importantes en matière de trésorerie. En effet, même si les assureurs avaient, y compris avant 2007, obligation de régler leurs contrats en application des articles L. 113-5 du code des assurances et 1134 du code civil et ce même lorsque les bénéficiaires ne se manifestaient pas, ceux-ci ont constitué des stocks importants de contrats en déshérence comme l’a souligné la Cour des comptes dans son rapport.

Ces stocks de contrats contiennent notamment un nombre important de contrats correspondant à des décès anciens.

Or, si on considère par exemple un contrat en déshérence depuis un décès survenu en 1990, en l’état actuel du texte, ces sommes seraient transférées à la Caisse des dépôts et consignation en 2016 puis seraient acquises à l’État en 2036. Or, en application de la prescription trentenaire, ces sommes devraient être acquises à l’État en 2020.

C’est donc, pour cet exemple qui est tout sauf théorique, un décalage de seize ans de trésorerie pour l’État.

Or tout porte à croire que le stock de contrats en déshérence est important et concerne en grande partie des décès anciens. Il y a donc là un véritable enjeu pour les finances publiques.

Dans ces conditions, il convient de modifier l’alinéa 12 pour rétablir, en cohérence avec le code général de la propriété des personnes publiques, un transfert des sommes en déshérence trente ans à compter du décès du souscripteur ou du terme du contrat.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Avis très favorable à cet amendement de bon sens. L’article 12 gère la période transitoire, le stock et il paraît en effet plus pertinent de retenir la date du décès plutôt que celle de la connaissance du décès.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement est dans l’intérêt des finances publiques. Une fois le texte adopté, toutefois, quelle en sera l’incidence sur le budget de l’État ? En effet, avant même la recette régulière liée aux fonds ayant atteint la prescription trentenaire, il résultera du stock une recette exceptionnelle. A-t-on une idée de ce qu’elle représentera ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est l’objet de l’amendement suivant.

(L’amendement n49 est adopté.)

(L’article 12, amendé, est adopté.)

Après l’article 12

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n52 rectifié, portant article additionnel après l’article 12.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cet amendement prévoit la publicité des stocks détenus. La présente proposition de loi vise en effet à organiser le transfert à la Caisse des dépôts et consignations des sommes prévues par les contrats d’assurance sur la vie en déshérence dix ans après la prise de connaissance du décès du souscripteur par l’assureur ou après l’échéance du contrat, avant que ces sommes ne reviennent, le cas échéant, à l’État dans les délais prévus par le code général de la propriété des personnes publiques.

Chaque année, la Caisse des dépôts et consignations recevra des dépôts, des avoirs et des sommes issues de contrats d’assurance sur la vie ainsi que de bons ou de contrats de capitalisation. Le Gouvernement propose d’ajouter un article au texte pour assurer le déroulement de cette mission dans la plus grande transparence, comme le souhaitait à l’instant M. de Courson – il me plaît de vous agréer sur ce point, monsieur le député. Le présent amendement prévoit en effet la publicité annuelle des transferts effectués auprès de la Caisse des dépôts et consignations ainsi que des stocks détenus.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement bienvenu qui complétera l’information du Parlement et qui répond à la question de M. de Courson.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je comprends bien l’esprit de ces deux derniers amendements, mais j’entends aussi ce que dit M. de Courson : vous allez par ce biais provoquer un afflux momentané et très provisoire du stock. Cela étant, la modification des délais de prescription prévue par le précédent amendement risque de susciter un sentiment de spoliation parmi les bénéficiaires. En effet, une fois la loi entrée en vigueur, les cas où joue le délai de dix ans à compter du décès seront intégrés dans le stock existant. Il y a là un léger risque, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Vous ne vous en tirerez pas à si bon compte en répondant ainsi à ma question, monsieur le ministre. Vous me dites que le Parlement sera informé grâce au présent amendement ; soit. En l’absence d’étude d’impact, puisqu’il s’agit d’un texte d’initiative parlementaire, il est néanmoins important de préciser à combien vous estimez l’effet du stock. S’agira-t-il de 50 millions d’euros, du double, voire du triple ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Nous ne savons pas !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je ne sais pas, monsieur le député, si je m’en tire à bon compte avec cette réponse, mais il faudra vous en contenter, car nous ne disposons pas de ces chiffres. (Sourires.)

(L’amendement n52 rectifié est adopté.)

Article 13

(L’article 13 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Discussion de la proposition de loi tendant au développement et à l’encadrement des stages.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron