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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 27 février 2014

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive

Suite de la discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive (nos 1700, 1807).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Ce matin, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, monsieur le président de la commission des lois, je ferai quelques observations en réponse aux interventions très riches de ce matin, dont la grande qualité honore la République. Mon président de groupe, Roger-Gérard Schwartzenberg, a remis en cause la notion d’intime conviction. Ce problème se pose effectivement, et met en jeu toute la procédure des assises, élément essentiel du droit pénal. Cela mérite une discussion extrêmement approfondie. Je tiens à le remercier pour la hauteur de sa réflexion.

La remarquable intervention de madame Capdevielle démontre une connaissance extrêmement fine des questions de droit pénal. Elle a notamment souligné la grande utilité de l’enregistrement des débats et s’est attachée à préciser la place de la victime. Nous avons en effet voulu rééquilibrer la procédure de révision en replaçant la victime dans son rôle, et les avocats dans le leur vis-à-vis du condamné comme des victimes.

Actuellement, plus des deux tiers des requêtes sont déclarées irrecevables, pour l’essentiel parce qu’elles n’ont pas été cosignées par un juriste. Par ailleurs, nous avons été extrêmement déçus, lors d’une réunion de la commission de révision à laquelle nous avons assisté, de constater l’absence d’avocat pour douze affaires ! J’ai demandé au bâtonnier de l’Ordre des avocats de Paris d’y mettre bon ordre.

Mme Colette Capdevielle et M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Alain Tourret, rapporteur. Il m’a garanti qu’il se désignerait lui-même prochainement pour assurer, en tant que bâtonnier, la défense des personnes qui présentent des requêtes. C’est une très bonne chose, et je lui en sais gré.

Monsieur Fenech, nous avons recherché le consensus. Il y a eu, certes, ce fait divers, mais je crains qu’en tirer comme conséquence principale la remise en cause des acquittements ne diminue la force même de ce texte de loi.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’est évident !

M. Alain Tourret, rapporteur. Cela m’inquiète, car nous avons oeuvré ensemble, vous en tant que parlementaire de l’opposition et moi en tant que parlementaire de la majorité, et nous avons été écoutés. Or, je crains que nous n’ayons dévié de cette proposition de loi qui, je l’espère, sera de toute façon adoptée à l’unanimité.

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les propos de M. Favennec sur l’intervention de Mme la garde des sceaux suite aux événements survenus en Polynésie. Nous nous sommes interrogés sur la place du ministre dans la procédure de saisine de la commission de révision des condamnations pénales, et je pense, pour ma part, qu’elle a eu parfaitement raison d’intervenir. Nous sommes très loin des initiatives qu’un garde des sceaux serait amené à prendre sous forme d’instructions. En l’occurrence, l’intervention de la garde des sceaux est tout à fait justifiée dans le cadre d’une telle procédure.

M. Coronado a insisté pour que nous ne légiférions pas sous l’effet de l’émotion. La présidente de la principale organisation de magistrats a tenu les mêmes propos dans le courriel qu’elle m’a adressé. Les députés doivent légiférer de manière pérenne. Les faits divers, même s’ils sont graves et s’ils donnent lieu à des douleurs insondables, ne doivent interférer en rien.

Les interventions de Mme Karamanli, de Mme Untermaier et de M. Le Bouillonnec étaient mûrement pesées, et de qualité. Elles ont, par leur teneur, conforté cette proposition de loi qui, je le répète, est une proposition de loi d’humanité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech, inscrit sur l’article 1er.

M. Georges Fenech. Je répondrai à mon tour au rapporteur Alain Tourret. Nous avons accompli ensemble un travail passionnant. Considérant sa réaction à fleur de peau, je pense qu’il ressent comme une sorte de trahison de ma part. Je tiens à lui dire, en présence de tous nos collègues, que tel n’est absolument pas le cas. Je voterai, en effet, avec enthousiasme ce texte auquel je crois depuis toujours. Nous n’allons ni dévier de cette proposition de loi ni l’affaiblir. Je suis absolument convaincu que nous en ressortirons tous renforcés, et la justice aussi.

Que les médias mettent l’accent sur ce qui nous sépare ou nous réunit, vous comme moi n’y sommes pour rien. Soyez assuré que, pour ce qui me concerne, je ferai tout pour que cette loi soit comprise par l’ensemble de la magistrature et par nos concitoyens. Je tiens à ce qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur ce point.

On ne légifère certes pas sous l’effet de l’émotion. J’entends certains dire que nous ne devons pas tenir compte des faits divers pour légiférer ; mais nous ne pouvons pas non plus légiférer en dehors de la réalité ! Qui a mis en place l’automatisation des fichiers d’empreintes génétiques, si ce n’est Élisabeth Guigou après l’affaire Guy Georges ? Elle a alors compris qu’il fallait automatiser les fichiers et nous avons poursuivi son action.

Nous partons d’une réalité. Lorsque nous avons rédigé notre rapport, je ne croyais pas à la révision des acquittements, car je pensais qu’il s’agissait d’hypothèses d’école. Il se trouve que ce n’est plus le cas. Le progrès scientifique dans le domaine de la production des preuves nous a rattrapés. La justice est entrée dans une autre époque. Si nous avions la preuve indubitable que la personne acquittée – je parle, bien entendu, au conditionnel – était coupable, comment expliquer à la famille de Nelly Haderer notre incapacité à rouvrir aujourd’hui le procès parce que, contrairement à d’autres législations européennes, la nôtre ne nous y autorise pas ? C’est toute la question que je me pose. Pour le reste, je serai très heureux de voter en faveur de cette proposition de loi à l’issue de cette séance.

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2.

La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je me suis inscrit sur cet article et sur les suivants pour apporter ma contribution au débat. Si j’estime ne pas devoir prolonger mon propos, je n’interviendrai pas sur les autres articles. Comme Georges Fenech vient de le souligner, notre état d’esprit est positif. M. Tourret n’a pas besoin de dire qu’il se sent d’humeur sympathique, il l’est d’évidence et par nature ! (Sourires.) De même, nous ne voulons pas entendre cette perfidie supposée dans nos propos, car il n’y a nulle perfidie. J’assume totalement, et j’en remercie d’ailleurs mes fidèles lecteurs, les propos que j’ai tenus.

J’ai été membre de la commission d’enquête créée à la suite de l’affaire d’Outreau. Ce fut un moment très douloureux pour les enfants victimes, pour les accusés victimes d’accusations dont ils ont heureusement été lavés, et pour toute la France. J’ai gardé des travaux de cette commission d’enquête le sentiment, et je le revendique, que la notion, qui nous est très chère, de présomption d’innocence devait se prolonger jusqu’à la « sacralisation » du jugement d’acquittement, ou éventuellement de relaxe.

Lorsque j’affirme cela, je n’ignore pas, et vous l’avez tous évoqué en termes sereins et pondérés bien qu’enflammés, que les victimes peuvent légitimement s’interroger lorsque des éléments nouveaux, fondés sur des connaissances nouvelles, tirées de nouvelles possibilités scientifiques, font apparaître que continuent de vivre dans la même société un coupable quasi avéré, et pourtant acquitté, et sa victime.

C’est cela, la question, et nous ne la posons pas en termes politiciens. Sinon, nous vous expliquerions que, sous prétexte que vous ne voulez pas de nos amendements, nous ne voterons pas ce texte. Nous le voterons, quoi que vous puissiez dire de nos propositions, car il est plus important que les amendements que nous présentons. Ils ne seront probablement pas adoptés, mais nous souhaitons qu’ils servent au moins d’éléments de réflexion pour prolonger le débat démocratique et approfondi qui est le nôtre aujourd’hui.

Nous avons applaudi vos propos, monsieur le rapporteur, madame la ministre, parce qu’ils le méritaient. Ce que nous vous demandons, c’est de considérer que les nôtres ne sont pas perfides ni nocifs, que ce sont des interrogations que nous estimons avoir le devoir de porter, même si la présomption d’innocence et le prolongement que celle-ci trouve dans l’acquittement au bénéfice du doute doivent rester des éléments fondamentaux de notre droit.

Voilà ce que je voulais expliquer au début de la discussion du présent article, qui ne fait l’objet que d’un amendement de conséquence de notre principal amendement à l’article 3. Je ne reprendrai pas la parole, madame la présidente, s’il est bien considéré que mes propos, comme ceux de Georges Fenech, étaient une contribution positive au débat, l’essentiel – qui ne doit pas être pollué d’une manière quelconque par les uns ou par les autres – étant que le texte soit adopté.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Nous avons hésité, au cours de nos travaux, sur la question de la motivation des arrêts de cour d’assises. Le fait que les débats soient désormais enregistrés permettra, c’est vrai, à la cour de révision et de réexamen d’analyser de manière plus approfondie les motivations d’une condamnation, et je pense, comme Alain Tourret, que le dispositif en vigueur, qui prévoit une feuille de motivation, est encore trop récent pour que nous revenions déjà sur une réforme de cette ampleur.

Ce qui est important, c’est de poser le débat pour l’avenir, car je suis persuadé que nous parviendrons à exiger des motivations complètes pour les affaires les plus graves. Il n’y a aucune raison que les jugements soient correctement motivés pour les affaires correctionnelles, et non pour les affaires criminelles. J’entends bien que c’est plus compliqué puisqu’il y a un jury, mais on voit de plus en plus de cours d’assises motiver de façon complète leur décision. En attendant, l’enregistrement sonore des débats est tout à fait bienvenu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous n’avons pas à nous priver d’un progrès dans le processus de la justice. Vous avez évoqué, monsieur Geoffroy, l’affaire d’Outreau. Nous avons eu la lourde responsabilité de siéger dans la commission d’enquête parlementaire, où ont été évoqués le caractère « sacré » de l’audience, irremplaçable pour la manifestation de la vérité et de la réalité humaine, comme cela fut souligné par plusieurs intervenants ce matin. L’enregistrement est un progrès supplémentaire. Il faut le prendre comme tel et saluer l’engagement, pris par le Gouvernement et par Mme la garde des sceaux, de consacrer à la mise en œuvre de ce dispositif les moyens nécessaires.

Puisque M. Fenech a déposé un amendement qui anticipe le débat sur l’article 3, je voudrais, au nom d’Outreau, dire quelque chose qui me paraît important et que je n’avais jamais dit jusqu’à présent.

La vérité de la victime est infiniment respectable, car elle traduit sa douleur, sa souffrance, l’horreur de ce qu’elle vit, le fait que sa propre vie a été sacrifiée, mais, je le dis très sincèrement, elle ne peut à elle seule constituer la vérité de la justice, pas plus, bien évidemment, que la vérité de celui qui est accusé ou de l’institution qui accuse. C’est quelque chose de fondamental.

Vous vous souvenez certainement, monsieur Geoffroy, de notre trouble lorsque des personnalités que nous auditionnions, parfois de très hauts magistrats, sous la foi du serment auquel ils étaient tenus, laissaient entendre par un mot, un silence, une main levée que, dans la conclusion de l’affaire d’Outreau, les acquittements n’étaient peut-être pas aussi entiers qu’ils auraient dû l’être. Cela m’est resté car nous avons alors compris que la conviction dans laquelle une institution, des magistrats pouvaient s’inscrire, des parties civiles pouvaient s’inscrire ne constituerait jamais la vérité de la justice, et c’est pour cela que celle-ci passe par l’autorité de la chose jugée.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Tourret, rapporteur. Grâce vous soit rendue, madame la garde des sceaux, d’avoir accepté, en donnant les moyens nécessaires au ministère de la justice, que l’on enregistre l’ensemble des débats des cours d’assises. Ce sera désormais une obligation, et ce sera un énorme progrès. En revanche, pour filmer, il faudra l’accord du président de la cour. Nous aurons ainsi des moyens de preuve incontestables, et nous servirons en outre l’histoire. Si nous avions disposé d’un enregistrement pour l’affaire Dominici, cela aurait été très précieux.

Je veux maintenant expliquer, pour que cela figure au compte rendu, pourquoi nous n’avons pas proposé de modifier la loi sur la motivation des arrêts de cour d’assises.

Nous souhaitions, Georges Fenech et moi-même, changer la loi. Elle date de 2011 et est entrée en application en 2012. Pour lui comme pour moi et pour tous ceux, je crois, que nous avons consultés, elle est insuffisante. Que l’on ne nous dise pas que les magistrats n’ont pas le temps ou que ce serait trop long : la loi de 2011 leur donne trois jours pour motiver. On ne me fera pas croire qu’avec toutes les décisions rendues préalablement à l’arrêt de la cour d’assises, ils ne peuvent pas motiver la leur en trois jours, alors même que des présidents et présidentes de cour d’assises nous ont expliqué que c’était parfaitement possible.

Néanmoins, nous avons consulté la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et en particulier l’arrêt Agnelet et son avant-dernière motivation : selon la Cour, la réforme de 2011 peut être considérée « a priori » comme suffisante pour éviter à la France d’être condamnée.

À mon humble avis, cependant, madame la garde des sceaux, elle est insuffisante, et ce pour deux raisons. D’abord, il n’y a pas d’obligation de motiver le quantum. Or, être condamné à un an ferme ou à vingt ans ferme, ce n’est tout de même pas la même chose, surtout quand on a « pris » un an en première instance et vingt ans en appel, ou vice-versa. On a tout de même le droit de savoir pourquoi, et je pense que nous serons tôt ou tard condamnés par la Cour européenne sur ce point. Je ne suis pas persuadé, en outre, qu’une motivation sous forme de questionnaire à choix multiples, un peu comme ceux qu’ont à remplir les étudiants de première année de médecine, soit satisfaisante. L’accusé a le droit de savoir pourquoi il est condamné, et la victime de savoir pourquoi elle obtient telle ou telle indemnisation.

Ce travail de transparence est nécessaire, mais nous avons fait preuve de sagesse en considérant que les législateurs d’il y a deux ans n’étaient pas forcément plus ni moins intelligents que ceux de 2014, d’autant qu’il y avait parmi eux le président Urvoas. (Sourires.) Pour être raisonnables, nous n’avons pas modifié la loi, mais il faudra la modifier dans un proche avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n2.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable. C’est un amendement de cohérence avec un amendement à l’article 3 dont nous discuterons tout à l’heure.

J’ai bien pris la décision de vous donner satisfaction sur l’enregistrement, disposition extrêmement importante que vous avez introduite dans la proposition de loi. Dans le cadre d’une procédure de révision, cela peut en effet permettre de vérifier si la cour d’assises a eu connaissance d’un certain nombre d’éléments, présentés comme nouveaux, qui auraient éventuellement été disponibles lors du verdict. Ce sont donc vraiment des matériaux utiles.

Pour la motivation des décisions, sur le principe, je partage totalement votre avis. Comme il m’est déjà arrivé de le dire lors des travaux préparatoires sur le projet de loi de prévention de la récidive, on débat de tout sauf du quantum des peines, et il est certain que le fait d’obliger la cour d’assises à expliquer quelles sont les charges qui pèsent sur l’accusé et pourquoi elle est convaincue de sa culpabilité, sans la contraindre à donner la moindre explication sur le quantum des peines pose un problème de principe, indépendamment du fait que le risque de condamnation par la Cour européenne n’est pas écarté. Je suis donc persuadée que nous devons tendre vers l’obligation pour les cours d’assises de motiver leurs décisions. C’est important, car il s’agit de faits graves, par définition, puisque ce sont des affaires criminelles.

Cela dit, il y a des jurés en cour d’assises, et cela pose des problèmes pour la rédaction et le choix des termes. Nous avons donc besoin de bien saisir quelles pourraient être les difficultés. Par conséquent, je vais demander à un groupe de travail, composé de magistrats et d’avocats, d’évaluer la façon dont est appliquée la loi actuelle et de faire des propositions pour répondre aux difficultés éventuelles.

(L’amendement n2 n’est pas adopté.)

(L’article 2 est adopté.)

Article 3

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits à l’article 3.

La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Comme je l’ai dit tout à l’heure, madame la présidente, je ne prendrai pas la parole tout de suite. Si j’estime que cela peut apporter quelque chose au débat, je la prendrai en réponse à ce qu’aura dit la commission ou le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Il s’agit de la révision in defavorem. Vous avez dit ce matin, dans votre intervention, madame la ministre, qu’il fallait un texte plus rigoureux. Sans prétendre à la perfection, j’ai essayé de présenter, à cet article, une proposition aussi rigoureuse que possible, avec l’aide d’experts, magistrats et juristes.

J’ai ainsi prévu que, sans préjudice des délais de prescription, quatre cas devaient être retenus pour une telle révision. Premier cas : « Après un acquittement ou une relaxe, vient à se produire un fait nouveau ou à se révéler un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à établir indubitablement la culpabilité de la personne reconnue non coupable. »

Deuxième cas : « Après un acquittement ou une relaxe, sont découverts de nouveaux éléments de preuve faisant sérieusement présumer que si la cour d’assises ou le tribunal correctionnel en avait eu connaissance, l’accusé ou le prévenu aurait été condamné. »

Troisième cas : « Après un acquittement ou une relaxe, a été fait un aveu crédible de l’infraction par la personne reconnue non coupable, que cet aveu ait été fait en justice ou qu’il ait été extrajudiciaire. »

Enfin : « Un des témoins entendus a été, postérieurement à l’acquittement ou à la relaxe, poursuivi et condamné pour faux témoignage à l’avantage de l’accusé ou du prévenu ; le témoin ainsi condamné ne peut pas être entendu dans les nouveaux débats. »

Ce dispositif existe en Allemagne : il y est inscrit à l’article 362 du code de procédure pénale. Il existe au Royaume-Uni, depuis une loi de 2005 ayant modifié le Criminal Justice Act de 2003. Il existe aux Pays-Bas depuis la loi du 1er octobre 2013. C’est pourquoi je considère que l’amendement n5 que je défendrai tout à l’heure peut être reçu en l’état.

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 3.

La parole est à M. le rapporteur pour soutenir l’amendement n9.

M. Alain Tourret, rapporteur pour avis. Il s’agit de préciser que le recours du requérant ou du ministère public contre la décision de la commission d’instruction statuant sur une demande de suspension de la peine doit, en toute hypothèse, être formé au plus tard dix jours après le prononcé de la décision, comme c’est le cas en matière d’appel. Auparavant, je le rappelle, il n’existait pas de possibilité pour la personne ainsi condamnée de faire appel. C’est un progrès incontestable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Favorable. Dès lors qu’il existe la possibilité de faire appel, il faut que le délai soit précisé. Le délai de dix jours est celui de l’appel en matière pénale.

(L’amendement n9 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n10.

M. Alain Tourret, rapporteur. C’est un amendement d’harmonisation rédactionnelle.

(L’amendement n10, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n13.

M. Alain Tourret, rapporteur. Le présent amendement tend à garantir que le requérant présentant une demande en révision ou en réexamen sérieuse et crédible ne sera pas abusivement maintenu en détention lorsque le ministère public forme devant la formation de jugement un recours suspensif contre la décision de la commission d’instruction de suspendre l’exécution de sa peine en contestant cette décision dans un délai de vingt-quatre heures.

Il précise à cette fin que, lorsque le parquet forme un tel recours suspensif, la formation de jugement devra statuer sur ce recours dans un délai maximal de trois mois, faute de quoi la décision initiale de la commission d’instruction produira ses effets et le recours perdra son caractère suspensif. Il est en effet indispensable, dans le cas d’une possibilité très forte d’absence de culpabilité, que la personne puisse être remise en liberté dans les meilleurs délais.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. L’amendement se réfère à l’article 712-14 du code de procédure pénale. Le Gouvernement y est favorable car il améliore la rédaction du texte.

(L’amendement n13 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n12.

M. Alain Tourret, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n12, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n3.

M. Georges Fenech. Il est défendu, de même que l’amendement n4.

(Les amendements nos 3 et 4, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n5.

M. Georges Fenech. J’ai développé mes explications en prenant la parole sur l’article. Je maintiens que cet amendement peut être reçu en l’état.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Défavorable. L’amendement que présente M. Fenech est extraordinairement large, puisqu’il offre à toute personne, même n’ayant pas intérêt pour agir, la possibilité de remettre en cause à tout moment une décision de relaxe ou d’acquittement. Toute association pourrait ainsi, à tout moment, saisir les juridictions. Cela me paraît être un élément de désorganisation totale de la justice.

Ensuite, même dans l’hypothèse où cette faculté serait réservée au procureur général ou à quelqu’un d’autre, mon opposition est de principe, pour les raisons que je vais exposer.

La motivation de Georges Fenech peut être exprimée comme suit : on ne peut admettre qu’une personne coupable soit en liberté sans que la justice ait la possibilité de réagir. Or, c’est tout notre système de la prescription – un an, trois ans, dix ans, ou deux ans, cinq ans, vingt ans – qui le prévoit. Par ce système, des personnes sont de plein droit laissées en liberté alors qu’on sait parfaitement qu’elles sont coupables. Notre droit repose depuis toujours – dans la lignée du droit romain – sur la notion de droit à l’oubli, de quiétude judiciaire, d’absence d’acharnement judiciaire. C’est le fondement même de la prescription. Si nous devions adopter ce que propose Georges Fenech, il faudrait revoir ce système.

Ensuite, l’idée qu’il ne doit pas y avoir de coupable en liberté remet en cause le principe même de l’opportunité des poursuites, qui est également au fondement de notre État de droit, et qui s’oppose au principe de la légalité, en vigueur dans d’autres pays. Si nous devions y renoncer, il faudrait poursuivre tous ceux qui fument du cannabis en France : un million et demi de personnes. Vous pourrez devenir riches en construisant des prisons ! Si l’on adoptait ces positions, c’est tout le système de l’opportunité qui tomberait, après celui de la prescription.

Enfin, et je me demande si ce n’est pas ce qui a motivé la position de Georges Fenech, cela signerait l’abandon du système inquisitoire au profit du système accusatoire.

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. Alain Tourret, rapporteur. Dans le cadre du système inquisitoire, on instruit à charge et à décharge, tandis que, dans le système accusatoire, on accuse à charge. C’est toute la différence. Ce qui nous est proposé, c’est fondamentalement un système anglo-saxon, et je n’en veux pas. Notre système français s’oppose à ce système anglo-saxon héritier du système normand, auquel, en tant que député de Normandie, je devrais pourtant être sensible. (Sourires.) C’est une rupture totale avec notre droit. Je vais même au-delà : je me demande si le système que nous connaissons, celui de l’absence de recherche de culpabilité contre quelqu’un qui a été définitivement acquitté, ne constitue pas l’un des principes généraux du droit reconnus par notre Constitution.

Enfin, n’y a-t-il pas un danger énorme à remettre en cause la fameuse règle non bis in idem ? Car c’est à cela que l’on aboutira.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Alain Tourret, rapporteur. Depuis 1640, depuis Louis XIV, jamais ce système n’a été remis en cause, à l’exception d’une fois, avec les sections spéciales. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout à fait !

M. Alain Tourret, rapporteur. Nul n’a cet exemple en tête, évidemment, mais c’est le seul cas de remise en cause de décisions d’acquittement que j’aie pu trouver. Je crains que nous ne nous brûlions les doigts, à nous engager dans cette voie.

Enfin, lorsque M. Fenech propose que des faits nouveaux « de nature à établir indubitablement la culpabilité », ou des éléments de preuve « faisant sérieusement présumer » celle-ci permettent une révision, c’est contradictoire. Ce qu’il a en tête, je crois, c’est que la justice, du fait des progrès de la science, de la criminologie, pourrait un jour n’être plus susceptible d’erreur. Or, quels que soient les progrès de la science, quels que soient les progrès de la recherche sur l’ADN, jamais la justice ne sera infaillible. Ce qui nous est proposé là, par un simple amendement, remet en cause les fondements mêmes de notre droit. Je m’y oppose totalement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. René Dosière. Belle plaidoirie !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. J’inscrirai mon propos dans le prolongement de ce qu’Alain Tourret vient de dire avec beaucoup d’éloquence et de talent, en remerciant Georges Fenech pour son amendement. Comme beaucoup de parlementaires, me semble-t-il, je n’avais pas d’avis préconçu quand je l’ai découvert en commission. Il nous a permis de mener cette réflexion, et je m’honore de participer cet après-midi à la présente discussion, qui renvoie une image nettement plus valorisante pour l’Assemblée nationale que les pitreries auxquelles la représentation nationale se livre parfois lors des questions d’actualité.

M. Georges Fenech. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je trouve que le vrai travail parlementaire, c’est celui-ci, c’est celui que nous sommes en train de faire pour modifier la loi.

Vous nous proposez de réfléchir à la possibilité pour une personne de « quereller », comme dirait Jean-Yves Le Bouillonnec, une décision d’innocence, vingt ou vingt-cinq ans après. C’est, en apparence, de bon sens : si on le permet pour un coupable, pourquoi ne le permettrait-on pas pour une victime ? Comme beaucoup, je me suis interrogé sur la force des arguments que vous avancez, notamment sur le fait que cela existe à l’étranger ainsi que – cela fait partie des responsabilités que j’exerce dans cette maison – sur la constitutionnalité de la démarche.

En ce qui concerne le droit étranger, je n’ai regardé que le cas allemand. Il me paraît un peu différent, dans la mesure où il évoque une hypothèse qui me paraît être totalement d’école, dans laquelle un innocent reconnaîtrait une culpabilité après le jugement, forme de pied de nez fait à celui qui vient de le juger : « Vous m’avez jugé innocent, mais j’étais en réalité coupable et je vous ai bien eu. » C’est véritablement une hypothèse d’école.

Reste l’argument de fond : pouvons-nous adopter votre amendement sans transgresser les dispositions constitutionnelles ? Le rapporteur vient d’évoquer, après la garde des sceaux ce matin, le principe non bis in idem, selon lequel on ne rejuge pas quelqu’un pour les mêmes faits. Est-ce un principe constitutionnel ?

M. Guy Geoffroy. Non !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Je ne le crois pas. Chaque fois que le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer, saisi sur la base de ce grief, comme ce fut notamment le cas en février 2010, alors que nous avions avancé l’argument, le Conseil l’a prudemment écarté ; il ne s’est pas prononcé sur sa valeur constitutionnelle, mais le simple fait qu’il ne l’ait pas utilisé pour se prononcer est à mes yeux un élément de prudence. Je crois néanmoins que, comme l’a très bien dit Christiane Taubira ce matin, il s’agit d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, antérieur à la Quatrième République puisqu’on le trouve dans le code d’instruction criminelle de 1808. C’est donc un principe de droit, mais qui n’est pas pour autant validé à ce titre par le Conseil constitutionnel.

Cependant, je voudrais insister sur le fait qu’un autre argument constitutionnel s’oppose à l’adoption de l’amendement : l’autorité de la chose jugée. Partons du texte fondamental qu’est la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, base de notre construction juridique. Son article 16 garantit à tout citoyen le droit à la sécurité juridique, expression qui peut s’entendre dans plusieurs acceptions : les droits de la défense ou le droit au juge, par exemple, mais aussi l’impossibilité de remettre en cause des décisions de justice passées en force de chose jugée. Pour avoir interrogé plusieurs personnes autour de moi, je crois vraiment qu’il s’agit d’un des principes les plus intangibles et les plus protégés de notre droit constitutionnel. Le Conseil constitutionnel, dans sa jurisprudence, a eu de multiples occasions de dire et de redire que l’autorité de la chose jugée est un principe auquel on ne peut pas toucher.

En réalité, ce que je viens de dire n’est pas tout à fait juste. De fait, il peut arriver que l’on méconnaisse ce principe posé par l’article 16, mais le Conseil a précisément dit comment et dans quelles conditions il était possible de le méconnaître. On peut le faire si ce principe vient en contrepartie d’un autre principe de même niveau. Dans le cas de la proposition de loi qui nous est soumise, la remise en cause est basée sur le fait que la présomption d’innocence est un principe aussi fort que celui de l’autorité de la chose jugée. Cet équilibre des forces permet de passer outre le principe garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme : c’est la présomption d’innocence contre l’autorité de la chose jugée. Ce n’est pas le cas, en revanche, de l’amendement que vous nous proposez, monsieur Fenech, puisque, à mon sens, ce que vous nous présentez comme une avancée ne correspond pas à la réalité de ce que permet le Conseil constitutionnel.

Au-delà, en réalité, une question se pose – nous aurons souvent l’occasion d’en reparler – : quelle est la fonction du procès pénal ? On n’en parle pas suffisamment parce qu’on aborde toujours cette question par petits bouts ; or, comme Alain Tourret l’a très bien dit ce matin, le procès pénal a fondamentalement une fonction pacificatrice.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec et Mme Colette Capdevielle. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Il a fondamentalement une fonction d’apaisement social. Il est là pour garantir la protection de l’intérêt général. Même si les mots peuvent sembler vulgaires aujourd’hui dans leur acception coutumière, le procès pénal ne peut être sous le joug d’un intérêt purement privé : il ne peut y avoir privatisation du procès pénal. Il ne s’agit pas, dans ma bouche, d’une agression, mais d’un constat : le procès pénal n’est pas un face-à-face entre la victime et l’accusé.

M. Guy Geoffroy. Non, par définition !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Il y a la place de l’État, la place du procureur, qui incarne la société et qui doit protéger la victime.

Pour finir – excusez-moi d’avoir été un peu long, madame la présidente…

M. Guy Geoffroy. Elle ne vous a pas rappelé à l’ordre !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Non, car le règlement de notre assemblée permet au président de la commission de s’exprimer sans limite de temps.

M. Guy Geoffroy. Je le sais bien !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Et comme vous aurez remarqué que je suis généralement économe de mon propos, j’utilise en ce moment ma « boîte à bons points » qui me permet d’être plus exhaustif que je ne le suis d’habitude. (Sourires.)

Si nous adoptions cet amendement, je crois que nous ferions disparaître la notion d’innocent.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Guy Geoffroy. Mais non !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Il n’y aurait plus que des innocents douteux. Prenez l’exemple de l’affaire Marie Besnard, qui a été inculpée, comme on le disait à l’époque, en 1949, pour l’empoisonnement de douze personnes, dont son mari, et qui était menacée de la peine capitale. La procédure a duré douze ans, il y a eu trois procès. Finalement, l’accusée a été acquittée en 1961. Avec cet amendement, elle ne serait pas en paix, puisque, cinq ou dix ans après le verdict, on viendrait encore lui dire qu’on ne croit pas à son innocence et qu’on souhaite pouvoir rouvrir son procès. Vous nous avez rappelé cette affaire ce matin, monsieur Fenech, et je vous remercie encore une fois de nous avoir permis de travailler sur ce point. Vous avez dit aussi que vous regrettiez que nous repoussions aux calendes grecques l’adoption de cet amendement, mais, pour moi il ne s’agit pas de le repousser aux calendes grecques : il s’agit, en toute conscience, de le refuser définitivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Tourret, rapporteur. Excellent !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Fenech, lorsque j’ai dit ce matin à la tribune que, parce que le sujet était lourd, il méritait un travail plus rigoureux, je ne remettais pas en cause la rigueur avec laquelle vous avez travaillé pour rédiger votre amendement. J’ai développé et décliné ce que j’entendais par là, à savoir que cela exige de ne pas de travailler de façon périphérique. Je rappelle que le procureur général près la Cour de cassation a suggéré d’introduire la procédure de révision pour acquittement. La mission a traité ce sujet et elle a interrogé d’autres personnalités à la suite du procureur général. Vous en avez tiré une conclusion, quasiment en intime conviction puisque, dans le rapport de mission, il est dit très clairement que l’acquittement est un sujet et que vous ne croyez pas souhaitable de revenir sur les décisions d’acquittement. Monsieur Fenech, c’est ce que vous avez déclaré, éclairé par ces auditions, mais, après un fait d’actualité tragique, vous voici dans des querelles et des polémiques inutiles, à faire grief à ce gouvernement !

M. Guy Geoffroy. On va voter le texte !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce matin encore, monsieur Fenech, vous n’avez pas pu vous empêcher d’y revenir. Mais rassurez-vous, monsieur Geoffroy, je n’y reviendrai pas pour ma part, car je crois précisément que ce texte interdit la querelle.

M. Guy Geoffroy. Je l’espère !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je voulais simplement rappeler que M. Fenech n’y avait pas résisté ce matin.

M. Georges Fenech. J’ai ajouté que je n’y croyais pas !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans quelques semaines, nous aurons l’occasion de mettre en vis-à-vis le bilan de l’ancien gouvernement en ce qui concerne les victimes et l’action que nous conduisons,…

M. Georges Fenech. Il y aura moins de consensus !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …avec des éléments, des chiffres et des données très précises. Je pense que ce n’est ni le lieu ni le moment, c’est pourquoi je ne veux pas y revenir en cet instant. Je vous dis simplement qu’il n’y a pas une exclusivité de compassion vis-à-vis des victimes. Il n’y a pas de députés de telle ou telle couleur politique qui auraient l’exclusivité de la compassion ou de l’empathie à l’égard des victimes, l’exclusivité du souci de les accompagner, de les respecter ou de mener une action publique en leur faveur. Dire le contraire, c’est faire une mauvaise querelle, inutile et malsaine. Or nous y avons droit régulièrement dans cet hémicycle, même s’il est normal que nous soyons bousculés, secoués voire sidérés par ce que les victimes peuvent ressentir.

Ma première réaction face à ce fait d’actualité a été la suivante : qu’est-ce que cela peut représenter, pour ces deux mamans, que ce doute surgisse ? Rien ne leur rendra leurs filles. La sanction la plus sévère – et même la peine capitale, si elle était encore en vigueur en France – ne compense pas, ne répare pas, ne console pas, ne réconforte pas. Rien ne répare la perte d’une personne qu’on aime, et encore moins celle de son enfant, de sa fille.

Aussi bien le rapporteur que le président de la commission des lois nous disent que cette situation nous conduit à réfléchir et à interroger la logique et la cohérence de notre droit. Je suis bien obligée de vous dire, monsieur Fenech, que votre amendement, dans son objet et tel qu’il est rédigé, heurte des principes de droit.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela ne veut pas dire que nous n’ayons pas le droit de discuter, ni même de légiférer, mais on ne peut pas, à la faveur d’un amendement parlementaire, ni même d’un amendement gouvernemental, introduire, à la périphérie d’un texte de loi, des dispositions qui changent des principes inscrits dans notre droit depuis plus de deux siècles. Il faut faire des consultations et, parmi celles-ci, celle du Conseil d’État. L’article 368 du code de procédure pénale, aux termes duquel « aucune personne acquittée légalement ne peut plus être reprise ou accusée à raison des mêmes faits », est dans notre droit depuis le code d’instruction criminelle de 1808. Quant à l’article 572 du code de procédure pénale, disposant que « les arrêts d’acquittement prononcés par la cour d’assises ne peuvent faire l’objet d’un pourvoi que dans le seul intérêt de la loi, et sans préjudicier à la partie acquittée », il est aussi dans notre droit depuis deux siècles. Cela signifie très clairement que ces principes font partie des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Cela ne veut pas dire que l’on n’ait pas le droit d’y toucher ; mais, je le répète, on ne peut pas y toucher comme cela à la seule faveur d’un amendement, qu’il soit parlementaire ou gouvernemental.

Par ailleurs, la rédaction que vous avez retenue pour votre amendement, monsieur Fenech, est une rédaction en miroir avec la procédure de révision in favorem.

M. Georges Fenech. Tout à fait ! Une rédaction en symétrie !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela signifie que toutes les condamnations peuvent être révisées, à l’exclusion des contraventions,…

M. Georges Fenech. Tout à fait !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …même pour un vol simple, par exemple.

Mme Colette Capdevielle. Exactement !

M. Georges Fenech. Oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous en revenons à ce que disait à l’instant le président de la commission des lois. Qu’est-ce que l’action du procès pénal ? Qu’est-ce que la justice pénale ? Quelle est, pour la société, la finalité de la justice pénale ? On en revient au vis-à-vis, au face-à-face : la parole judiciaire n’aurait aucune valeur, puisqu’une partie pourrait, pratiquement ad vitam aeternam, la remettre en cause systématiquement. C’est le retour à la loi du talion, à ces systèmes archaïques de vengeances privées sans fin. On n’est plus dans la démocratie, c’est tout !

Plusieurs députés du groupe SRC. Exactement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous permettez, dans ce champ très large, que toute décision de justice aboutissant à un acquittement soit remise en cause. Ensuite, vous permettez que tout élément soit un motif de révision. Vous ne vous limitez pas aux éléments techniques et scientifiques dus au progrès de la science : vous y introduisez tout élément de preuve, y compris les témoignages, quelle que soit la fragilité qu’on leur connaît. Vous dites également que cela se ferait sans préjudice des délais de prescription. C’est une belle intention, mais admettez – vous avez une culture juridique largement suffisante pour en convenir – que ce sera sans conséquence effective, puisque la Cour de cassation a reconnu en 1984 que toute requête en révision interrompait la prescription.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Eh oui !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il suffirait donc d’introduire des requêtes en révision pour interrompre la prescription. Cela veut dire que vous introduisez une distorsion dans notre droit.

Je vais conclure, mais il s’agit d’un sujet extrêmement important car il a une dimension à la fois éthique et juridique. Je crois que vous conviendrez, vous l’avez d’ailleurs exprimé en tant que co-rapporteur sur la mise en application de ce texte, que le dispositif de révision proposé ne correspond pas à la révision d’une décision d’acquittement, car cette dernière relève clairement de l’action publique. La révision annule une décision de justice et renvoie directement l’affaire à une juridiction, correctionnelle ou d’assises. Mais si un élément nouveau met en cause un acquittement, l’effet ne peut être le même, la symétrie des procédures est impossible, puisqu’il y aura nécessité de confronter la personne acquittée à ce fait nouveau et de faire procéder à de nouvelles investigations, au terme desquelles le parquet pourra décider ou non de déclencher l’action publique. Nous ne sommes donc pas dans un système symétrique.

Mme Cécile Untermaier. Bien sûr !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sinon, la révision d’un acquittement serait soumise à un régime moins exigeant en termes de respect du droit, eu égard au principe du procès équitable et des droits de la défense, et donc moins contraignant que ce qui est pratiqué actuellement pour un simple prononcé de non-lieu.

Admettez que cet amendement pose de sérieux problèmes en termes d’éthique et de principes, ainsi que des problèmes juridiques. Vous vous référez à l’article 6 du code de procédure pénale, mais celui-ci concerne la déclaration d’extinction de l’action publique. Il ne s’agit pas de revenir sur une décision de fond, mais, éventuellement, sur cette déclaration s’il est avéré que celle-ci a été prise sur la base d’un faux. Cette référence ne peut donc convenir et ne renforce pas votre argumentation.

C’est une marque de respect de ma part, monsieur le député, que d’avoir pris le temps d’argumenter pour vous expliquer pourquoi le Gouvernement n’émet pas un avis favorable à votre amendement. Le sujet est important, la façon d’y répondre l’est tout autant, et celle-ci ne peut consister à évacuer des principes du droit qui datent d’au moins deux siècles. On ne peut pas faire l’économie d’une interrogation sur la cohérence de notre droit et sur le risque d’introduire des distorsions juridiques, je pense notamment à la liste très large des personnes qui seraient habilitées à présenter une requête en révision. Ainsi, le rapporteur a relevé que vous permettriez à des personnes qui n’ont pas intérêt à agir de le faire, et à la victime, qui pourtant ne peut pas faire appel d’un acquittement non définitif, de le faire si celui-ci est devenu définitif. Quelles distorsions ! Admettez qu’on ne peut pas inscrire de telles dispositions dans un texte de loi sans en tirer les conséquences.

Telles sont les raisons, de principe et de fond, pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable. Mon raisonnement se fonde sur l’éthique et sur le droit, et n’a rien à voir avec ce que je peux éprouver à l’égard des victimes. Je répète d’ailleurs que j’aurai l’opportunité d’expliquer exactement quelle est la politique de ce gouvernement à leur endroit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Je serai très heureux d’entendre, dans un instant, Yann Galut s’exprimer sur le sujet, puisque nous partageons globalement la même conception. Mais je voudrais tout de même lever certaines ambiguïtés, mettre fin à des incompréhensions, voire à quelques fantasmes.

Ainsi, je n’ai pas soutenu ici une procédure pénale de type accusatoire. Ne me prêtez pas des intentions qui ne sont pas les miennes !

Je ne vois pas non plus ce que vient faire ici le principe de l’opportunité des poursuites : personne ne le remet en cause.

Autre exemple d’incompréhension : le rapporteur dit que, si notre amendement était voté, n’importe qui pourrait faire une requête en révision. Ce n’est pas exact car, par symétrie avec la procédure de révision des condamnations, j’ai bien précisé qui aurait le droit d’être requérant : le ministre de la justice, le procureur général près la Cour de cassation, les procureurs généraux près les cours d’appel, la partie civile – ou son représentant légal en cas d’incapacité – ou, après la mort de celle-ci ou en son absence déclarée, le conjoint, concubin ou partenaire de PACS, les enfants ou les petits-enfants.

Je ne doute pas une seconde, madame la ministre, que vous ayez au moins autant de compassion pour les victimes que n’importe lequel d’entre nous, mais ce n’est pas du tout le sujet : il s’agit de savoir comment on traite les victimes et quels moyens l’on se donne pour les protéger et leur permettre de faire exercer leurs droits.

Je n’ai pas tout suivi des explications du président de la commission des lois sur l’aspect constitutionnel des choses, mais j’ai relevé une différence d’appréciation entre vous, madame la ministre, et lui. Il a été très clair, je l’en remercie ainsi que pour la tonalité qu’il a choisi de donner à son intervention : pour lui, il ne doit pas y avoir de possibilité de revenir sur un acquittement en vertu d’une loi, alors que je n’ai pas entendu cela de votre part.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Parce que je ne l’ai pas dit !

M. Georges Fenech. Certes, mais vous ne prenez pas date clairement, il n’y a aucun engagement de votre part à travailler sur un dispositif. J’aimerais que vous exprimiez clairement votre position : je pense aux millions de gens qui nous écoutent en ce moment,…

Mme Colette Capdevielle. Si cela pouvait être vrai !

M. Georges Fenech. …je pense à la famille de Mme Haderer, qui a besoin d’entendre le Gouvernement clarifier son point de vue. Vous évoquez des textes insuffisamment rigoureux, ce que je veux bien admettre, ainsi que la nécessité de consulter le Conseil d’État, ce que je comprends parfaitement… Mais le ferez-vous ? C’est la question que je vous pose, et à laquelle les Français aimeraient entendre la réponse.

S’agissant de l’article 6 du code de procédure pénale, je n’en ai pas du tout la même interprétation que votre direction des affaires criminelles. Pour moi, cet article permet de remettre en cause un acquittement, même si cela ne s’est jamais fait. Il ne s’agit pas seulement de revenir sur une extinction de l’action publique, mais aussi sur une décision d’acquittement.

Mais le principal à mon sens, aujourd’hui, c’est de savoir si vous entendez travailler cette question, et selon quel calendrier.

Mme la présidente. La parole est à M. Yann Galut.

M. Yann Galut. Je rejoins le président de la commission des lois et les différents intervenants sur le fait qu’il y a parfois, dans notre hémicycle, des débats extrêmement sérieux, qui portent sur de grands principes, sur le fond de notre droit, et qui nous renvoient à nos convictions personnelles. C’est l’honneur de l’ensemble des députés ici présents que de ne pas caricaturer les positions des uns et des autres, de ne pas faire de procès d’intention.

J’ai été convaincu, sur la forme, par la position de Mme la ministre qui, elle le sait très bien, peut compter sur mon soutien total dans ce débat et dans celui qui viendra dans les mois qui viennent, mais je ne pense pas qu’on puisse rejeter d’un revers de main ce qu’a dit notre collègue Fenech ni ses intentions. Même si je considère que son amendement n’est pas juridiquement recevable en l’état, au vu des arguments qui ont été avancés par Mme la ministre – on ne peut pas, en effet, remettre en cause des principes aussi importants de notre droit constitutionnel et de notre droit pénal au détour d’un amendement –, la question qu’il soulève ne peut pas, je le répète, être balayée d’un revers de main, car nous sommes aussi élus, monsieur le président de la commission, pour débattre du fond. Pas de caricature entre nous, mes chers collègues : il n’y a pas, d’un côté, ceux qui défendent les grands principes, et, de l’autre, ceux qui voudraient les mettre à bas.

Mme la présidente. Veuillez conclure.

M. Yann Galut. Je vais conclure, madame la présidente, en rappelant que la notion de victime a évolué. Cela peut choquer certains parlementaires ou certains avocats mais, ces dernières années, il y a eu une évolution de notre droit pénal, au regard de nos grands principes, quant la manière de traiter la victime. Je vous rejoins, monsieur le président Urvoas, sur la fonction pacificatrice du procès et sur le fait qu’il ne peut y avoir de d’intervention purement privée, mais, sous certaines conditions extrêmement encadrées et contrôlées – conditions que l’on ne retrouve pas assez dans l’amendement de M. Fenech –, on pourrait envisager, moyennant un sas pour filtrer les requêtes, la remise en cause d’une décision de justice définitive, à l’instar de ce que prévoient d’autres démocraties. Cette question reste posée et j’espère que ce gouvernement ou notre majorité y réfléchira et accomplira, sur ce sujet aussi, le même travail de recherche, d’approfondissement, de dialogue et de concertation pour que nous trouvions, dans les années qui viennent, une solution satisfaisante.

M. Georges Fenech. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je tiens à dire à M. le rapporteur que ses tentatives désespérées de nous être désagréable ne fonctionnent pas. Ce qu’il fait pour nous amener à éprouver de l’antipathie à son égard ne marche pas. (Sourires.) Par contre, je le laisse à sa facilité lorsqu’il interprète ce que nous proposons comme un changement de cap et de procédures. Georges Fenech l’a dit excellemment, nous n’avons aucune intention de revenir sur ce qui fait la base de notre droit pénal : la procédure inquisitoire. Vaticiner sur le sujet n’est pas nécessaire.

Je voudrais lui dire également qu’il a en face de lui le neveu d’un « malgré-nous » qui a beaucoup souffert de Vichy. La référence aux sections spéciales n’était donc pas très opportune.

Mme Colette Capdevielle. C’était la réalité !

M. Guy Geoffroy. Les prolongements d’une réflexion ne doivent pas aller jusqu’à des limites inacceptables en certaines occasions et pour certaines personnes. Mais, je le répète, il n’en devient pas antipathique pour autant.

Madame la ministre, vous avez dit ce matin que la question que nous soulevons était pertinente, mais que la réponse apportée n’était pas la bonne. Dès lors, le chemin de la réflexion sera-t-il, oui ou non, ouvert pour savoir comment l’action publique pourrait être mise en œuvre dans les très rares cas où il s’avérerait qu’une relaxe ou un acquittement serait ressentie par les victimes comme un déni de justice, non par esprit de vengeance mais par rapport à leur statut de victime avérée ? Vous semble-t-il possible, en tant que garde des sceaux, en charge de l’action publique, d’engager une réflexion pour trouver une solution, qui ne serait pas forcément celle du parallélisme des formes avec le dispositif que la majorité va voter ? Avez-vous une solution ou une piste de réflexion à nous proposer ?

Dire ici aujourd’hui de manière définitive que le sujet est enterré, comme vient de le faire notre excellent président de la commission des lois, me semble un peu hasardeux.

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Fenech, c’est une règle : en ma qualité de ministre, je suis responsable du fonctionnement de mon ministère, a fortiori lorsque c’est par ma voix que je vous dis quelque chose. La direction des affaires criminelles et des grâces n’a strictement rien à y voir.

Dès que j’ai eu votre amendement entre les mains, je suis allée lire l’article en question – vous devez savoir que, de temps en temps, je lis le code pénal, le code civil et quelques autres.

M. Georges Fenech. Je n’ai pas voulu être désobligeant !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Étant donné que vous vous référiez à l’article 6 du code de procédure pénale, je me suis précipitée pour aller voir ce qu’il dit, et je l’ai même lu dix fois parce que je me méfie de moi-même. (Sourires.)

Je vous le relis : « L’action publique pour l’application de la peine s’éteint par la mort du prévenu, la prescription, l’amnistie, l’abrogation de la loi pénale et la chose jugée. »

L’alinéa suivant commence ainsi : « Toutefois, si des poursuites ayant entraîné condamnation ont révélé la fausseté du jugement ou de l’arrêt… » L’élément faux peut, par exemple, être un faux certificat de décès faisant croire qu’il y a matière à déclarer l’action publique éteinte. Il peut s’agir aussi d’un faux jugement conduisant à appliquer le principe non bis in idem.

Si ces pièces, dont la fausseté est démontrée, ont donné lieu à condamnation, cela réveille l’action publique. Il ne s’agit pas de réveiller l’action publique sur l’acquittement ou sur la relaxe. Il s’agit de réveiller l’action publique qui a été déclarée éteinte suite à la présentation de faux.

Je maintiens ce que j’ai dit et j’en prends l’entière responsabilité. Ce n’est pas l’administration qui en est responsable.

S’agissant de votre deuxième demande, je ne parle pas au futur. Bien avant ce fait d’actualité tragique, comme je vous l’ai dit lorsque vous m’avez auditionnée pour la mission, nous avons fait du droit comparé de la même façon que vous. J’ai fait étudier les systèmes judiciaires d’autres pays européens. Vous avez cité l’Angleterre et l’Allemagne avec raison, et le président de la commission des lois a cité l’Allemagne.

Lorsque nous faisons du droit comparé, nous n’allons pas chercher un article isolé de droit étranger pour le transférer tel quel dans notre code : nous interrogeons la cohérence du droit du pays étudié, nous étudions la logique des dispositions. C’est ce qu’a illustré le président de la commission des lois, en examinant la base sur laquelle l’Allemagne a établi cette possibilité de révision.

Notre logique est de rechercher la base sur laquelle nous pourrions établir une possibilité de révision. Je viens de démontrer que, compte tenu des principes et des dispositions de notre droit, des symétries et des parallélismes, cela ne peut pas se faire ici par le biais d’un amendement, qu’il vienne de vous ou de nous, ni dans cette rédaction et avec ce contenu.

Je ne mets pas en cause la qualité de votre écriture, mais si un tel amendement était adopté, il introduirait des distorsions et du contournement dans notre droit. C’est pourquoi nous continuons à étudier ce sujet, que nous n’avons pas évacué.

Que dire de plus ? Rien, monsieur le député. Je ne touche pas au droit à la légère ; j’ai des engagements vis-à-vis des Français ; je leur dois de ne pas maltraiter le droit et les institutions.

Je ne prends pas d’engagements ici pour vous complaire, même si j’aimerais vous être agréable, encore que je sois sûre que cela ne servirait à rien. (Sourires.) Je ne prendrai pas d’engagements pour vous complaire, car c’est la cohérence de notre droit qui compte.

Pour répondre à M. Geoffroy, je lui indique que nous avions commencé à travailler sur ce sujet avant ce fait divers tragique. D’ailleurs, je préfère parler de fait d’actualité car, pour moi, il n’est pas divers : c’est un drame.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas faux !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Lorsqu’il a surgi, il nous a bousculés dans le travail que nous avions commencé paisiblement. Ce travail va se poursuivre, mais je n’anticiperai pas aujourd’hui sur ses conclusions.

Je peux prendre l’engagement d’informer la représentation nationale, et tout le monde sait que je le tiendrai sans la moindre difficulté. Je pourrai, au fur et à mesure de l’avancée de nos travaux, vous faire des points d’étapes, mais je ne peux pas m’engager sur la conclusion.

Peut-être l’UMP peut-elle prendre des engagements concernant la proposition de loi que vous avez annoncée ce matin ? J’observe que, pour le moment, vous n’avez pas un soutien massif…

M. Georges Fenech. 197 signatures !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, mais vous êtes deux en séance. Je vous félicite d’ailleurs, parce qu’en plus vous bataillez.

M. Guy Geoffroy. Gentiment ! Démocratiquement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Bien sûr, et courtoisement ! Si nous élevons parfois le ton, c’est par passion et non pas contre la personne à laquelle nous nous adressons, n’est-ce pas ?

M. Georges Fenech. Évidemment !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’observe cependant que vous aviez déposé une proposition de loi en 2007 et que votre groupe n’a pas trouvé le temps, en un quinquennat entier, de l’inscrire à l’ordre du jour. Ce matin, vous avez dit vous-même que certains membres de votre groupe – dont des faiseurs d’opinion influents – s’y opposent. C’est parce qu’il y a un débat de fond réel et légitime.

Pour résumer : nous travaillons mais je n’anticipe pas sur les conclusions auxquelles nous aboutirons. Nous vous tiendrons informés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

(L’amendement n5 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n6.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

(L’amendement n6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n7.

M. Georges Fenech. C’est un amendement de conséquence.

(L’amendement n7, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n1.

M. Sergio Coronado. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, cet amendement propose que la personne innocentée soit retirée non seulement du casier judiciaire, mais également des différents fichiers de police – empreintes digitales, palmaires, génétiques…

Il vise à tirer les conséquences de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme « M. K. contre France », rendu le jeudi 18 avril 2013 et devenu définitif en juillet, qui a conclu que la conservation des empreintes d’une personne non condamnée dans le fichier automatisé des empreintes digitales constituait une violation de son droit au respect de sa vie privée.

Une exception est naturellement prévue en cas d’autre poursuite ou condamnation qui justifierait le maintien de ses empreintes dans ces fichiers. Mais, plus largement, cet arrêt nous oblige à revoir nos conditions de conservations des empreintes génétiques, digitales et palmaires, afin de garantir aux personnes innocentées un véritable droit à l’oubli.

Je vous avais interrogée, madame la ministre, il n’y a pas si longtemps, sur le travail que vous aviez entamé avec votre collègue ministre de l’intérieur. Votre réponse avait servi à M. le rapporteur pour rejeter l’amendement en commission, suite à sa présentation par mon collègue Paul Molac.

Je voudrais savoir si ce travail effectué par la Chancellerie et le ministère de l’intérieur avait avancé et si nous pouvions espérer une réforme de ces fichiers dans un délai raisonnable. Vous le savez, madame la ministre, j’y suis très attaché.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Cher monsieur Coronado, votre amendement est intéressant, mais je vais devoir, comme en commission, vous demander de le retirer, après avoir, naturellement, entendu l’avis de Mme la ministre.

Votre amendement prévoit l’effacement des empreintes digitales et palmaires du fichier automatisé des empreintes digitales, ainsi que des échantillons cellulaires et des profils ADN du fichier national automatisé des empreintes génétiques, d’une personne dont la condamnation est annulée par la Cour de révision ou de réexamen.

À plusieurs reprises, la CEDH a souligné le risque de stigmatisation lié au non-effacement des données personnelles à la suite d’une décision d’acquittement ou de classement sans suite, constituant une atteinte disproportionnée aux droits du requérant au respect de sa vie privée et à la présomption d’innocence. La décision du 18 avril 2013 allait dans ce sens.

Le Conseil constitutionnel a également indiqué, dans sa décision du 16 septembre 2010, à propos du FNAEG, qu’il appartenait au pouvoir réglementaire de proportionner la durée de conservation des données personnelles, compte tenu de l’objet du fichier, à la nature et à la gravité des infractions concernées.

En commission, vous aviez présenté un amendement légèrement différent, qui a été retiré. Vous avez amélioré sa rédaction, en précisant que l’effacement des données interviendra dès que la nouvelle juridiction aura relaxé ou acquitté la personne de manière définitive.

Toutefois, comme je vous l’avais indiqué, cantonner un tel effacement à la révision ou au réexamen sans l’envisager dans les autres situations m’apparaît être une réponse partielle. Ce qu’il faut, c’est apporter une réponse globale à la question de la conservation des données personnelles dans les fichiers de police. Si nous adoptions votre amendement, nous n’aurions qu’une réponse partielle, et cela me gêne beaucoup.

À titre personnel, donc, je suis très intéressé par votre amendement, mais je crains, étant donné la logique dans laquelle nous sommes aujourd’hui, de devoir vous demander de le retirer, tout en indiquant à Mme la ministre à quel point le problème soulevé est important.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Coronado, vous revenez régulièrement sur ce sujet et je comprends parfaitement votre préoccupation.

Vous savez que nous avons lancé des travaux il y a trois ou quatre mois. J’ai pris l’initiative, au ministère de la justice, de travailler sur ces deux fichiers, FNAEG et FAED, qui concernent respectivement les empreintes génétiques et digitales : modalités d’inscription, délai de conservation, procédures d’effacement.

Cela relève du domaine réglementaire et non de celui de la loi. Nous travaillons donc sur un projet de décret – qui sera évidemment soumis au Conseil d’État compte tenu de la lourdeur du sujet – prévoyant l’effacement automatique pour toute personne relaxée ou acquittée définitivement.

L’effacement à la demande des personnes interviendrait en cas de classement sans suite ou de non-lieu, sauf avis contraire de l’autorité judiciaire, donc du ministère public.

Le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur travaillent sur ce projet de décret. Votre amendement, quant à lui, comporte un facteur limitant qu’a évoqué M. le rapporteur : vous ne l’appliquez qu’aux acquittements prononcés dans le cadre d’une procédure de révision, alors que nous pensons que l’effacement doit concerner tous les cas d’acquittements.

Ce décret devrait sortir dans quelques semaines, peut-être quelques mois. C’est long, comme toujours quand il s’agit de mesures interministérielles. Je puis vous dire que c’est une vraie violence faite à mon tempérament. (Sourires.) Je vous tiendrai au courant de l’état d’avancement de ce travail d’écriture, et mon cabinet peut vous en informer à tout moment.

Au bénéfice de ces explications répétées – comme vous suivez le dossier, vous connaissez les réponses très précises que j’avais fournies au Sénat –, je sollicite le retrait de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je vais céder à la demande du rapporteur et de la ministre et retirer l’amendement.

Je ne suis pas en désaccord avec le rapporteur sur la nécessité d’une réforme globale de ces fichiers. Vous le savez, madame la ministre, je suis intervenu à plusieurs reprises et sur différents textes, en adaptant cet amendement. Pour ne rien vous cacher, c’est pratiquement un amendement d’appel, qui montre notre volonté de voir ce décret publié rapidement.

On sait que le travail interministériel est difficile, et j’imagine qu’avec le ministère de l’intérieur, sur des questions parfois sensibles, il faut prendre le temps du dialogue, mais, voilà, on est attentifs, et on espère pouvoir constater rapidement que ce travail mené par la chancellerie et le ministère de l’intérieur a trouvé sa conclusion.

(L’amendement n1 est retiré.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Articles 4 à 5

(Les articles 4, 4 bis et 5 sont successivement adoptés.)

Article 6

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n8.

M. Guy Geoffroy. Il n’y a pas grand-chose à dire sur l’amendement, qui est un amendement de conséquence de l’un des amendements, repoussés, que nous avions déposé à l’article 3.

Je profiterai cependant de cette dernière possibilité de prendre la parole qui m’est offerte. Tout d’abord, disons-le pour être très précis et clair, lorsque je me suis exprimé à la suite des propos du rapporteur, je visais bien sûr le régime de Pétain et de Laval, en aucun cas une commune de France. J’espère que nos collègues élus de ce beau département de l’Allier prendront bien note non de mes regrets, car je n’ai pas à en avoir, mais du fait que c’est une erreur que j’avais bien imprudemment commise.

Madame la garde des sceaux, vos propos peuvent susciter à la fois attente et espoir, et je préfère qu’ils suscitent de l’espoir. Nous verrons, dans les débats qui nous occuperont dans quelques semaines, à propos de la récidive, à propos des victimes, comment vous cheminez. Cela me semble d’autant plus important que j’ai en mémoire deux éléments.

Tout d’abord, il s’est produit récemment quelque chose d’exceptionnel lorsque nous avons examiné le texte en commission, à savoir une suspension de séance à la demande du groupe majoritaire, pour qu’il puisse réfléchir à un amendement déposé par l’opposition. Si une telle demande de suspension a été faite par Dominique Raimbourg, si un échange a pris le temps qui semblait nécessaire, c’est que la question n’était probablement pas totalement impertinente. Voilà le premier élément qui me semble plaider pour que la réflexion se poursuive.

Ensuite, le président de la commission des lois qualifiait tout à l’heure de « cas d’école » ces situations dans lesquelles quelqu’un qui aurait été acquitté viendrait finalement révéler sa culpabilité. Il y a quelque temps, plus d’une dizaine d’années, j’ai reçu un lundi matin la visite, dans ma mairie, d’une femme qui avait pris rendez-vous sans dire pourquoi. Elle est venue me montrer des coupures de presses, des articles parus de nombreuses années auparavant, et elle m’a dit ceci : « C’est moi, qui ai tué mon mari, il m’a fait vivre l’enfer, et comme aucune preuve n’existait pour que je sois renvoyée devant les tribunaux, je n’ai même pas comparu devant les assises, je n’ai pas été poursuivie, j’ai vécu avec cela pendant très longtemps, et maintenant que le délai de prescription est passé, je viens vous le dire, et je vais le dire à la presse. » Et elle l’a fait.

Cela prouve qu’il ne s’agit pas de cas d’école. Il s’agit de cas possibles. Demain, il est possible qu’une personne acquittée révèle, une fois le délai de prescription passé, qu’elle était bel et bien coupable. Je pense que le cas peut bel et bien se produire, et, ne serait-ce que pour cela, la réflexion doit se poursuivre. Vous avez dit, madame la ministre, qu’elle se poursuivra effectivement. J’espère non seulement qu’elle se poursuivra mais aussi qu’elle fera avancer notre droit.

(L’amendement n8, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 6 est adopté.)

Articles 7 et 8

(Les articles 7 et 8 sont successivement adoptés.)

Explications de vote

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour une explication de vote au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Notre groupe, unanime, accompagne le groupe des radicaux dans cette démarche. Il soutient ce qui est l’aboutissement du travail de nos collègues, notamment le travail de notre rapporteur.

Cela constitue à nos yeux un progrès. Il fallait revisiter ce dispositif, il fallait inscrire la garantie de la révision dans les instruments ouverts aux personnes que cela concerne, il fallait réguler le mode juridictionnel d’exercice de ces droits. Tout cela est fait. C’est un dispositif de progrès, et nous l’enregistrons. Je me réjouis, je me permets de l’ajouter, que cela se fasse dans le respect des principes fondamentaux du droit. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe RRDP.) Il ne faut pas que dans cet hémicycle et, en particulier, à la commission des lois, il ne faut pas que l’on soulève des questions qui ouvrent la porte à la remise en cause des principes fondamentaux du droit, dont nous devons rester les gardiens. Nous allons, bien entendu, voter ce dispositif, en remerciant ceux qui ont contribué à son élaboration. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Fenech. L’expression d’« innocents douteux », monsieur le président de la commission des lois, je l’ai entendue à propos d’acquittés qui avaient été antérieurement condamnés. Je l’ai entendue pour les « acquittés d’Outreau », qui ne voulaient pas être appelés ainsi, qui voulaient qu’on les nomme « les innocents d’Outreau ». Je crois que c’est un autre problème très important : celui de la présomption d’innocence et de la valeur d’un acquittement. Un acquittement, c’est un acquittement, cela ne peut pas être un acquittement « au bénéfice du doute » ou je ne sais quoi. Un acquittement, c’est un acquittement. Je tenais à vous le dire, pour vous indiquer combien je partage votre préoccupation.

Je veux vraiment et sincèrement féliciter notre rapporteur Alain Tourret, sans qui rien n’aurait été possible. Je sais, madame la garde des sceaux, qu’il vous a convaincue de l’utilité de ce travail, grâce, aussi, à la passion qu’il y a mise. L’examen de cette proposition de loi nous a permis de rencontrer de très nombreuses personnalités qui étaient en attente de ce qui est plus qu’une réforme ; on a revisité, je crois, l’institution judiciaire, en travaillant sur la révision, qui en est une clef de voûte. Je veux donc vraiment féliciter M. Tourret, le remercier de m’avoir complètement associé à ces travaux. Je crois qu’il grandit la justice, qu’il l’ennoblit. Je le lui dis très sincèrement.

Je veux aussi remercier Mme la garde des sceaux pour son écoute, sa grande capacité d’écoute, sur ce sujet, qui fait totalement consensus. Notre assemblée interrompt ses travaux ce soir, mais nous nous retrouverons dès le 2 avril, lorsque vous présenterez en commission des lois le projet de réforme pénale. Nous n’aurons peut-être pas les mêmes accords qu’aujourd’hui, mais ce sera la démocratie, avec une opposition et une majorité, une opposition, qui, n’en doutez pas, sera très ferme.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous m’aurez manqué entre-temps ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. On rattrapera le retard ! (Sourires.)

M. Georges Fenech. Cela dit, j’ai bien entendu ce que vous avez dit, à savoir que vous continuez à travailler sur cette question de la révision in defavorem. Avec les membres de mon groupe parlementaire, je resterai donc très attentif au déroulement de ces travaux. Je serai très heureux, le cas échéant, d’être informé de ses étapes importantes. Rendez-vous est pris pour l’avenir, avec cette majorité ou, peut-être, comme l’a dit Yann Galut tout à l’heure, une autre.

J’ai aujourd’hui un sentiment de très, très grande satisfaction, et un petit goût d’inachevé, mais, tel celui de Sisyphe, le travail du législateur est un éternel recommencement. Il se poursuivra au fur et à mesure des évolutions de la société, mais nous voterons ce texte, cher Alain Tourret, sans aucune hésitation, et avec enthousiasme. (Applaudissements.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée à l’unanimité.)

(Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Tourret, rapporteur. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, chers amis, c’est avec une grande émotion que j’accueille ce vote à l’unanimité. Madame la garde des sceaux, soyez-en remerciée tout spécialement, parce que, sans vous, cela n’aurait pas été possible. Cher président de la commission des lois, soyez-en remercié également. Je remercie également, madame la ministre, vos collaborateurs ici présents, ainsi que ceux que la commission des lois.

Je veux aussi dire à tous mes amis radicaux que je suis fier d’être radical avec eux. C’est un des moments de fierté de ma vie de parlementaire, de ma vie d’élu, d’avoir permis, sur ce monument d’humanité, d’asseoir nos conceptions humanistes, à nous autres, et de me dire que nous apportons ainsi à la majorité quelque chose d’irremplaçable.

Je ferai aussi deux réflexions. Si cette proposition de loi avait été votée, je suis persuadé que la décharge de la mémoire de Guillaume Seznec aurait été obtenue,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Alain Tourret, rapporteur. …et je ne désespère pas qu’une nouvelle procédure puisse intervenir. Je pense également que, dans cette année du centenaire, tous les fusillés pour l’exemple de 14-18, les 650 fusillés pour l’exemple, ont droit à une réparation. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe RRDP.) C’est à eux que je pense, à tous ces innocents, et il y en a encore actuellement, qui sont, à tort, dans les geôles de la République. Nous avons une pensée très forte pour eux.

Je ne voudrais pas terminer sans avoir une pensée pour les victimes. Cette loi leur permettra également d’être mieux associées qu’elles ne l’ont jamais été. Elles aussi avaient droit à ce que l’on reconnaisse leur capacité à intervenir tout au long de la procédure.

Madame la garde des sceaux, merci encore. Merci, chers amis. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je remercie tous les députés qui ont participé à ces travaux, ceux qui ont participé aux travaux menés en amont bien sûr, et particulièrement ceux qui ont participé à cette séance plénière dans l’hémicycle. Merci pour la très belle, la très haute tenue, vraiment, des discussions et des échanges.

Merci, en particulier, au groupe RRDP, qui a accepté de consacrer plusieurs heures à ce débat. Nous pensions qu’il durerait moins longtemps, mais nous sommes convenus assez vite, ce matin, de la nécessité de prendre le temps d’en discuter, d’échanger aussi profondément et aussi longuement que nécessaire.

Pour ma part, j’aime, évidemment, la fabrication des lois. J’ai été parlementaire, comme vous, je sais le plaisir que l’on prend à écrire, avec vraiment beaucoup de soin, les lois, parce qu’on a conscience que ce sont les règles communes, qu’elles s’imposent à tous, parce qu’on a conscience du fait qu’elles peuvent compliquer la vie de nos concitoyens si elles sont mal écrites, et, si elles sont bien écrites, la leur faciliter. Je sais donc que le législateur est particulièrement attaché à la qualité de la loi et à son écriture.

De plus en plus, les débats sont des débats savants, mais, dans le même temps, ils restent extrêmement accessibles. Ce sont des débats savants au sens où, de plus en plus, le législateur nourrit, vis-à-vis de lui-même, l’exigence de comprendre le sens de chaque ligne inscrite dans l’un de nos codes et d’être capable de l’expliciter. Il s’agit donc d’écrire la loi avec cohérence, cohésion et respect, et de faire ainsi œuvre utile.

Et puis il y a des textes qui dégagent un fumet particulier : je crois que c’est le cas de celui-ci. Comme vous venez de le faire, monsieur le rapporteur, on ne peut s’empêcher de se demander : « et si… ? » Tous les noms que l’on évoque ainsi nous étreignent d’émotion. À présent, grâce à vous, il ne s’agit plus de dire « et si… ? » : dorénavant, c’est possible ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, à mon tour de dire un mot. Vous ne le saviez pas, mais c’était la dernière séance de M. Jean-Paul Lortet, huissier au service de la séance, qui est entré à l’Assemblée en 1974, au temps d’Edgar Faure, et qui est arrivé au service de la séance en 1986. Il partira à la retraite le 1er avril prochain, pendant la période de suspension de nos travaux. En notre nom à tous, je le remercie. Sa bienveillante et chaleureuse attention nous manquera ; elle manquera tout particulièrement à la présidence de la séance. (Applaudissements sur tous les bancs.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mardi 8 avril 2014, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures quarante-cinq.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron