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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 06 mai 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Politique du Gouvernement

M. Marc-Philippe Daubresse

M. Manuel Valls, Premier ministre

Politique du Gouvernement

Mme Annie Le Houerou

M. Manuel Valls, Premier ministre

Couverture des élections européennes par les médias audiovisuels

M. Yves Jégo

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Alstom

M. Éric Alauzet

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Alstom

Mme Clotilde Valter

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Politique du Gouvernement

M. Dominique Dord

M. Manuel Valls, Premier ministre

Société nationale Corse Méditerranée

M. Paul Giacobbi

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Politique familiale

M. Hervé Mariton

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Responsabilité sociale et environnementale des multinationales

M. Dominique Potier

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Université des Antilles et de la Guyane

M. Alfred Marie-Jeanne

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche

Lutte contre la délinquance

M. Georges Fenech

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Élevage

M. Michel Vergnier

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement

Rythmes scolaires

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Gouvernance d’Internet

Mme Béatrice Santais

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique

Politique du Gouvernement

Mme Claude Greff

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Suspension et reprise de la séance

3. Débarquement en Normandie

Discussion générale

Mme Laurence Dumont

Mme Nicole Ameline

M. Francis Hillmeyer

Mme Isabelle Attard

M. Jacques Moignard

M. Jean-Jacques Candelier

M. Philippe Gosselin

M. Kader Arif, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire

Vote sur la proposition de résolution

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

4. Fixation de l’ordre du jour

5. Nomination d’un député en mission temporaire

6. Infrastructures de recharge de véhicules électriques

Présentation

Mme Frédérique Massat, rapporteure de la commission des affaires économiques

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Discussion générale

Mme Fanny Dombre Coste

M. Alain Leboeuf

M. Franck Reynier

M. François-Michel Lambert

M. Jacques Krabal

M. André Chassaigne

M. Guillaume Bachelay

M. Lionel Tardy

Mme Françoise Descamps-Crosnier

M. Jean Grellier

M. Thierry Mariani

M. Philippe Plisson

Mme Frédérique Massat, rapporteure de la commission des affaires économiques

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique

Discussion des articles

Article 1er

M. Martial Saddier

M. Guillaume Chevrollier

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Amendements nos 1 , 7 rectifié , 5 , 8 rectifié (sous-amendement) , 6

Article 2

Explications de vote

Mme Fanny Dombre Coste

M. Alain Leboeuf

Vote sur l’ensemble

7. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à M. David Oussoupachvili, président du Parlement de Géorgie. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marc-Philippe Daubresse. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, il y a deux ans, François Hollande était élu Président de la République. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.) Cela commença bien, mes chers collègues, par un tube qui fit le tour des chaumières : « Moi président, on allait voir ce qu’on allait voir ! » (« Et on a vu ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) À la saison suivante, ce ne fut plus la même chanson : matraquage fiscal des familles et des classes moyennes, fuite des entrepreneurs et des investisseurs, laxisme total en matière de lutte contre l’insécurité et l’immigration clandestine, augmentation de la dépense publique, division des Français sur les sujets de société – j’en passe et des meilleures. Le président cigale, ayant chanté tout l’été (Exclamations sur divers bancs du groupe SRC), se trouva fort dépourvu quand l’automne fut venu (« Très bien ! » sur divers bancs du groupe UMP.)

M. Jean Glavany. Vous êtes ridicule !

M. le président. Allons, mes chers collègues !

M. Marc-Philippe Daubresse. Il alla voir la fourmi Merkel, sa voisine, pour renégocier le traité européen, ce qui aboutit à signer exactement celui négocié par Nicolas Sarkozy, sans aucun changement !

La saison suivante, le président cigale tenta de lancer de nouvelles complaintes : la séquence de la boîte à outils, le pari raté de l’inversion de la courbe du chômage, les chocs de simplification, les pactes en tous genres – de responsabilité, de solidarité… – pour aboutir au résultat que l’on sait et à la claque des municipales. Il ne restait plus au président qu’à faire « vallser » M. Ayrault (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), dont nous saluons le retour parmi nous (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), et vous voilà, monsieur le Premier ministre ! Vous connaissez le résultat calamiteux pour notre économie. Ma question est donc la suivante : quand le président cigale se transformera-t-il en président fourmi ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, s’il y a une leçon que je tire de ces dernières années…

M. Christian Jacob. Quarante députés de moins en trois semaines !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et de mon expérience parlementaire, c’est que nous devons davantage nous respecter et respecter le chef de l’État, quel qu’il soit, dans les propos que nous utilisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Allons, mes chers collègues, je suis sûr que nous pouvons respecter au moins cet engagement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Si François Hollande a été élu en mai 2012, c’est parce que les Français souhaitaient un changement : rejetant la politique de Nicolas Sarkozy, ils voulaient un changement, une orientation, une priorité pour l’emploi, dans la lutte contre le chômage et pour la jeunesse.

Le cap est le même et je veux à mon tour, peut-être de manière un peu plus appuyée et prononcée, saluer le retour de Jean-Marc Ayrault parmi nous et parmi vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.) Je veux lui dire, tout comme à la majorité, que nous allons poursuivre dans la voie des réformes. Le chef de l’État a souhaité tirer les leçons du message des Français à l’occasion des élections municipales. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur la cohérence de notre politique en faveur de l’emploi, de la compétitivité des entreprises, de la réduction des déficits et de la dette qui entravent nos marges, en faveur du pouvoir d’achat, notamment par le soutien aux bas salaires et la baisse des prélèvements obligatoires, en engageant les réformes que personne n’a eu le courage de mener et que ce pays attend depuis des années, en particulier celles qui concernent l’État et les collectivités territoriales.

M. François Sauvadet. Vous parlez d’un exemple !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, le cap est fixé et chacun connaît la feuille de route pour les trois prochaines années du quinquennat. Vous pouvez en tout cas être sûr de ma détermination, de celle du Gouvernement et de la majorité à répondre à l’aspiration des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Annie Le Houerou. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Mais permettez-moi tout d’abord, au nom de notre groupe socialiste, de saluer le retour dans cet hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) de ceux qui, au cours des deux dernières années, avec ténacité et avec le sens du devoir, ont servi le gouvernement de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) À Jean-Marc Ayrault et à ses anciens ministres, nous voulons manifester notre reconnaissance pour l’action conduite au service du redressement de notre pays.

Monsieur le Premier ministre, samedi dernier, après un premier succès improbable en 2009, le club En Avant Guingamp a remporté un nouveau succès exceptionnel en Coupe de France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je félicite cette équipe pour cette victoire collective !

Entre ces deux dates, cinq années. Pour le club, pour le territoire, pour les bénévoles, pour les supporters aux quatre coins de France, ces cinq années d’épreuves n’ont pas été faciles ; elles ont même paru insurmontables. Pour connaître le succès et soulever, au bout de cinq ans, cette belle coupe de France, il a fallu affronter des périodes de doute, se relever après des échecs et affronter les affres des relégations, des défaites qui auraient pu nous laisser aller à la tentation du découragement.

Pourquoi cette réussite ? Parce que les valeurs qui nous animaient, qui animaient notre collectif, ont permis de tenir bon. Ces valeurs sont le travail, la passion, la détermination, l’esprit d’équipe, la persévérance, la solidarité et le courage. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Oui, ces valeurs ont mobilisé toutes les énergies pour tenir le cap, celui fixé par le président. Ces valeurs et ce cap ont donné un sens aux efforts.

Cinq années après, le résultat est là : la réussite, celle d’un club mais aussi celle d’une équipe solidaire et rassemblée, une mobilisation de tous au service d’un collectif.

M. Benoist Apparu. C’est n’importe quoi, cette question !

Mme Annie Le Houerou. Alors, monsieur le Premier ministre, deux ans après la victoire de François Hollande en 2012, je veux voir un parallèle entre la situation de l’En Avant Guingamp et celle de la France. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Oui, il y a des difficultés. Oui, il y a des doutes. Oui, il y a des inquiétudes. Mais aujourd’hui comme hier, nous avons un devoir : tenir bon pour les Français, pour la réussite de nos valeurs.

M. Benoist Apparu. Pathétique !

Mme Annie Le Houerou. Le Président de la République l’a rappelé ce matin : ce quinquennat sera celui des solutions durables apportées… (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. Merci, madame la députée.

Mes chers collègues, je vous demande d’être un peu plus silencieux dans cet hémicycle.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Le Houerou, vous connaissez ma passion pour le football. Mais quand on est Premier ministre, on est d’abord obligé de saluer tous les Bretons qui étaient rassemblés lors de ce moment de fête autour du sport,…

Un député du groupe UMP. Et le chômage ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et aussi, vous avez eu raison de le souligner, autour de valeurs.

Le Président de la République l’a souligné ce matin avec beaucoup de force, nous devons valoriser nos atouts : la fierté d’être Français, la fierté de vivre dans un pays qui est la cinquième puissance économique du monde, la fierté de nos valeurs, de notre langue, de notre culture, la fierté de notre attachement à ces valeurs. Parmi celles-ci, il y a l’effort, le travail, la justice, la solidarité, les valeurs de la République – liberté, égalité, fraternité – et la laïcité. Il est bon de le rappeler : soyons davantage fiers de ce que nous sommes, nous Français.

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, soyons aussi fiers de ce que nous avons entrepris depuis deux ans. Soyons fiers du choix que les Français ont fait le 6 mai 2012. Soyons fiers aussi de ce que nous devons engager dans les trois prochaines années.

M. Yves Censi. Les retraites ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous ne le faisons pas pour nous-mêmes, mais pour les Français et pour la France.

Le chef de l’État l’a rappelé : la priorité des priorités, c’est la lutte contre le chômage. Notre obsession est de faire baisser le chômage, de redonner des chances aussi bien aux seniors qu’aux jeunes frappés par le chômage, et de définir la formation et l’apprentissage comme notre grande priorité.

M. Claude Goasguen. Ben voyons !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Enfin, nous devons garder nos priorités. C’est le sens des choix qui ont été faits s’agissant du budget des trois prochaines années. Le fait que l’école, la formation et la jeunesse soient préservées dans le budget montre bien quel est le cap, quelle est la volonté du Gouvernement. Il montre aussi notre attachement aux engagements que le Président de la République a pris devant les Français.

Oui, madame la députée, avec les valeurs qui sont les nôtres et avec la volonté de répondre à l’attente des Français, vous pouvez compter sur notre détermination. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Couverture des élections européennes par les médias audiovisuels

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Yves Jégo. Monsieur le Premier ministre, dans dix-neuf jours, les Français devront faire un choix crucial pour leur avenir. Dans dix-neuf jours, la France, comme toutes les autres nations d’Europe, devra choisir les parlementaires qui nous représenteront à Strasbourg, au Parlement européen. Il s’agit d’une élection majeure, qui ouvre un débat de société important entre ceux qui croient en l’Europe – l’UDI fait partie de cette catégorie –, ceux qui doutent de l’Europe et ceux qui veulent remettre en cause l’Europe.

Mais pour que ce débat ait lieu, monsieur le Premier ministre, encore faudrait-il que les chaînes de télévision, en particulier celles du service public, jouent leur rôle et ouvrent leurs antennes aux débats préalables au choix des Français. Encore faudrait-il, monsieur le Premier ministre, que le Gouvernement ait financé, comme il l’avait fait pour les élections municipales, des campagnes pour inciter nos compatriotes à aller voter, faute de quoi nous risquons tous de nous plaindre, le soir du 25 mai, que les Français n’ont pas exprimé un choix clair, que la démocratie ne fonctionne plus et que l’idée européenne n’intéresse plus nos compatriotes – tout cela pour le simple fait que nous n’avons pas engagé les choses de manière aussi pugnace qu’il l’aurait fallu, et que le Gouvernement a joué l’Europe a minima, le service minimum européen, plutôt que d’engager une campagne autour de cette idée.

Monsieur le Premier ministre, les élections, qu’il s’agisse de leur date ou de leur organisation, ne sont pas la variable d’ajustement pour convenances personnelles des gouvernements ou des présidents de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.) Les élections sont un rendez-vous important de la démocratie. Pourquoi n’avez-vous pas fait en sorte que le débat sur l’Europe soit plus intense, sur le service public télévisuel en particulier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député,…

M. Christian Jacob. Jusque là, ça va !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. …concernant le service public de l’audiovisuel, la loi de 1986 relative à la liberté de communication a confié au Conseil supérieur de l’audiovisuel la mission de veiller au respect du pluralisme des courants politiques dans les médias audiovisuels.

M. Christian Jacob. Détachez-vous de vos fiches !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. La ministre de la culture et de la communication, Mme Filippetti, a saisi le président du CSA, M. Olivier Schrameck, qui s’est lui-même adressé au président de France Télévisions…

M. Christian Jacob. Regardez M. Jégo quand vous lui répondez !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. …pour lui demander que toute la place soit faite au grand débat européen, dont nos concitoyens doivent connaître tous les enjeux en vue de ces élections majeures, dont vous avez raison de souligner le caractère historique. En effet, le Parlement européen n’a jamais eu autant de pouvoirs ; par ailleurs, pour la première fois, compte tenu des dispositions du traité de Lisbonne, il pourra élire le futur président de la Commission européenne,…

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai ! Le président de la Commission est désigné par le Conseil européen !

M. Christian Jacob. Relisez vos fiches !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. …sur proposition du Conseil, évidemment.

M. Bernard Accoyer. Vous ne savez même pas comment fonctionne l’Europe !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Quant à la campagne d’information et d’incitation au vote, elle s’intensifie. D’ores et déjà, elle comprend trois volets.

Premier volet : une série de spots, diffusés sur les radios depuis le 28 avril, sur les pouvoirs du Parlement européen et les enjeux de ces élections.

Deuxièmement : une série de spots qui commenceront à être diffusés le 12 mai, qui appelleront à voter et rappelleront qu’il n’y a qu’un seul tour.

Troisièmement : une campagne d’incitation au vote, en lien avec le Parlement européen, par affichage dans les espaces publics des grandes villes de France, dans le métro et dans les transports.

M. Yves Censi. Ça, c’est de la publicité !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. J’ai moi-même adressé 1,4 million d’exemplaires d’une brochure d’information (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) à l’ensemble de nos élus. Nous devons tous, en effet, nous mobiliser pour l’Europe et pour la participation la plus forte des Français à ce scrutin du 25 mai. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Alstom

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Monsieur le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, les écologistes veulent vous renforcer dans votre détermination, qu’on sait forte, à garder en France les outils de notre avenir industriel. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

C’est la question du devenir d’Alstom qui est ici en jeu. Un dossier qui met en émoi, de Belfort à Ornans, la Franche-Comté où sont implantés trois sites du groupe.

Une absorption sonnerait le glas de ces activités en France à plus ou moins long terme et, parallèlement, la branche « transport » serait fragilisée par une scission des activités, isolée face à la concurrence dans ce secteur. Seules la participation temporaire de l’État au capital ou une alliance industrielle stratégique de l’entreprise avec un groupe étranger, General Electric ou Siemens, permettraient de conserver la maîtrise de notre politique énergétique et des transports, avec le maintien en France des centres de décision, mais aussi de production, vous le savez.

Or, dans sa déclaration du 14 janvier dernier, le Président de la République a annoncé vouloir créer un « Airbus de l’énergie ». Alors que le débat européen doit prendre ce sujet à bras-le-corps à l’occasion des toutes prochaines élections et que nous attendons avec beaucoup d’impatience et d’exigence la future loi sur la transition énergétique, ces deux éléments doivent guider les décisions qui seront prises, afin de donner une perspective claire de développement.

La maîtrise de notre destin passe avant tout par cet engagement qui n’a que trop tardé. Monsieur le ministre, n’est-il pas impératif d’envoyer un signal fort aux Français sur les capacités de l’État et de l’Europe à promouvoir un nouveau modèle énergétique, au cœur duquel serait Alstom ?

Comment faire d’Alstom un nouvel outil industriel, grâce, notamment, à une réorientation de nos grands projets, de la commande publique, et de notre modèle industriel et énergétique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Monsieur le député, je voudrais d’abord dire que, si le Gouvernement n’avait pas utilisé les moyens de pression à sa disposition, Alstom aurait été vendu, pour 75 % de ses activités, le dernier dimanche d’avril, sans coup férir, trois jours après que nous l’ayons tous appris.

C’est parce que nous avons décidé de nous saisir des moyens à notre disposition – et notamment l’Autorité des marchés financiers – qu’une autre offre a pu surgir, celle de Siemens, que celle-ci a pu être traitée de façon égalitaire avec celle de General Electric, et que nous disposons d’un mois pour faire valoir un certain nombre de positions.

Hier, en réponse à la lettre que General Electric avait adressée au Président de la République, j’ai fait connaître un certain nombre d’exigences du pays, de la nation, au sujet d’Alstom dont je rappelle que c’est une entreprise qui vit quasi exclusivement de la commande publique, locale, nationale ou internationale, et qu’il s’agit par ailleurs d’une industrie de souveraineté en matière nucléaire.

Nous avons dit qu’il y avait deux éléments inacceptables. Premièrement, il ne s’agissait pas d’une alliance, mais d’une absorption. Deuxièmement, il s’agissait d’une coupure en deux, laissant Alstom Transport subsister seul dans un monde de géants. Nous avons dit que, pour nous, il n’était pas acceptable qu’Alstom Transport ne sorte pas renforcé de cette opération.

Nous avons donc fait des contre-propositions à General Electric. Nous allons attendre ses réponses. Ces contre-propositions portent d’abord sur une alliance, comme il en existe avec Safran pour les moteurs d’avion. Il faudrait aussi qu’ils nous vendent leurs actifs américains dans le domaine des transports, comme Siemens en a fait la proposition.

Ce sont des propositions raisonnables et acceptables. La France a désormais entre ses mains le destin d’Alstom. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.)

Alstom

M. le président. La parole est à Mme Clotilde Valter, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Clotilde Valter. Ma question s’adresse au ministre de l’économie.

Monsieur le ministre, vous avez hier répondu au nom du Gouvernement au président de General Electric, suite à l’offre qu’il a présentée concernant Alstom.

S’agissant de l’un de nos fleurons industriels dans le domaine des transports et de l’énergie, nous sommes face à une situation dont l’issue sera lourde de conséquences pour notre industrie, pour notre économie et pour l’emploi, sans oublier la maîtrise de technologies de pointe.

Il y a dans ce dossier, monsieur le ministre, plusieurs sujets. En premier lieu, que doit faire l’État dès lors qu’une entreprise étrangère entend, par divers moyens, acquérir un de nos fleurons industriels ? Les exemples de Péchiney et d’Arcelor, compte tenu des dégâts causés dans notre industrie et en matière d’emploi, nous donnent des obligations pour l’avenir.

Le deuxième est celui des modalités de l’intervention de l’État. Il s’agit bien sûr d’apprécier au cas par cas, mais aussi d’avoir une doctrine et des critères : quand intervient-on ? Pour quels types d’entreprises ? Et avec quels moyens ?

Le troisième, plus large, est celui de la stratégie de long terme, des alliances que nous devons construire. Faut-il encourager nos groupes industriels à s’engager dans une logique européenne, avec le succès dont Airbus est aujourd’hui l’illustration ? Ou faut-il plutôt rechercher une solution nationale avec, le cas échéant, un partenaire issu d’un pays émergent, comme cela été fait avec PSA ?

Monsieur le ministre, comment abordez-vous ces questions ? Comment le Gouvernement entend-il y répondre aujourd’hui concernant Alstom ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Madame la députée, je crois l’avoir dit à plusieurs reprises, et je trouve utile de le redire : nous sommes disponibles pour des alliances.

Des alliances entre égaux, des partenariats équilibrés, des alliances gagnant-gagnant. Mais, s’agissant d’industries stratégiques, de souveraineté, qui mettent en jeu les sites industriels de notre pays, il est évident que des rachats purs et simples, des absorptions, peuvent être préjudiciables.

M. Yves Censi. C’est Tartarin de Tarascon !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Lorsque Lafarge et Holcim, conglomérat suisse du ciment, décident de s’unir entre égaux, nous savons parfaitement que cette alliance permettra de résister à la mondialisation et même de fabriquer un leader incontestable et incontesté.

Mme Valérie Pécresse. Avec son siège à Genève !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Et d’ailleurs, il n’y a pas de risque que les industries cimentières délocalisent : elles produisent sur place, là où est consommé le ciment.

Lorsqu’il s’agit d’une industrie qui peut délocaliser, nous sommes beaucoup plus prudents, et d’ailleurs tout le monde comprend la politique de patriotisme économique : pas seulement les Français, mais également les Américains.

Je rappelle que le gouvernement américain dispose d’une loi permettant au Président des États-Unis de bloquer un certain nombre de rachats purs et simples, dans les domaines des infrastructures, de la sécurité et d’un certain nombre d’industries comme l’énergie. J’ai donc expliqué aux dirigeants de General Electric qu’il était naturel que, comprenant leur patriotisme économique, nous soyons nous-mêmes en mesure de pratiquer ce qui se fait dans tous les pays européens : Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-uni également, comme le montre M. Cameron dans l’affaire du rachat d’AstraZeneca par Pfizer. Nous avons donc les moyens de nous entendre, de nous comprendre, de travailler ensemble et de nous respecter. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Dominique Dord, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Dord. Monsieur le Premier ministre, que reste-t-il de vos promesses du 6 mai 2012 ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous aviez promis d’inverser la courbe du chômage, et il vole de records en records. Vous aviez prévu de réduire les déficits en faisant payer les riches, et ce sont les classes moyennes qui sont asphyxiées sous l’impôt ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Vous aviez prévu de réorienter l’Europe, et c’est l’Europe qui est désorientée par la politique que vous conduisez ! Et vous aviez même promis de « réenchanter le rêve français », alors que les Français sont plongés dans un profond cauchemar ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Absolument !

M. Dominique Dord. Alors, bien sûr, il y a eu le séisme des élections municipales ; bien sûr, le Président a dit qu’il avait compris ; bien sûr, il a même inventé un changement de cap… et vous voilà ! Et vous assumez ce changement de cap ! Oui, vous l’assumez ! Mais, monsieur le Premier ministre, vous êtes le seul à le faire car la semaine dernière, dans cet hémicycle, il y a eu une majorité de députés pour ne pas le voter. Et nous voilà plongés moins d’un mois après votre arrivée dans une crise politique qui nous rappelle les républiques anciennes !

Texte après texte, nous devrons maintenant attendre de savoir avec qui et comment vous allez trouver une majorité pour adopter les lois que vous souhaitez faire passer, ici, au Parlement (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ! Avons-nous les moyens, monsieur le Premier ministre, de nous payer le luxe, par les temps qui courent, de telles combinaisons politiciennes d’un autre âge ?

Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : comment allez-vous faire ? Allez-vous choisir de vous soumettre à votre majorité en reniant le changement de cap ou allez-vous choisir de vous démettre en renonçant à votre mandat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le Président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, je souhaite m’appuyer sur la majorité…

M. Pierre Lellouche. Laquelle ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et sur le Parlement en discutant avec l’ensemble des parlementaires et des groupes parce que lorsqu’il en va de l’intérêt général, je considère que cette discussion doit concerner chacun d’entre vous.

On ne peut pas demander à la fois de revaloriser le rôle du Parlement, la discussion avec les parlementaires et, à chaque fois qu’elle a lieu, ce qui est naturel, juger qu’elle est étouffée alors qu’au contraire elle est ouverte. Je me réjouis donc de pouvoir compter sur une majorité exigeante mais en qui j’ai confiance pour mener les réformes indispensables à notre pays.

Il m’importe d’avoir obtenu la confiance du Parlement le 8 avril et de pouvoir désormais appliquer le plan de 50 milliards d’économies, qui constitue une première pour notre pays. Il est temps, en effet, que la France fasse preuve de courage ! Il est temps que les responsables politiques de notre pays assument le courage de dire la vérité qui s’impose pour faire en sorte que le pays soit à la hauteur de ses responsabilités ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Merci pour Ayrault ! (« Ayrault ! Ayrault » sur les bancs du groupe UMP).

M. le président. S’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Depuis deux ans, avec Jean-Marc Ayrault, nous avons mené une politique courageuse. Le Président de la République, vous l’avez rappelé, a tiré les leçons du scrutin des élections municipales pour agir encore plus vite et plus profondément parce que nos concitoyens attendent des réformes et n’en peuvent plus, depuis des années, des déficits et de la fiscalité.

Il est temps d’assumer une politique de réforme, oui, et cette politique, je la conduirai ! J’ai une certitude : il existe une majorité de gauche pour la mener et nous la mènerons jusqu’au bout. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Société nationale Corse Méditerranée

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le Premier ministre, après des années d’une gestion irresponsable et médiatique, la Société nationale Corse Méditerranée est à l’heure des comptes.

Des décisions de justice confirmées et des éléments comptables irréfutables conduisent les commissaires aux comptes à exiger l’inscription de plus de 600 millions d’euros de provision pour certifier les résultats de l’exercice 2013.

Une presse incompétente et malveillante, confondant tout, s’imagine que l’État et la collectivité territoriale de Corse pourraient financer 800 millions d’euros pour armer quatre nouveaux navires.

Mais les collectivités publiques n’ont ni le droit, ni les moyens, ni même l’intention de faire perdurer artificiellement une exploitation aussi déséquilibrée alors même que le service public de la Corse peut être rentable sous pavillon français et dans le respect de nos lois, comme le démontre la Compagnie méridionale de navigation.

Il est encore possible, non pas de sauver l’entreprise telle qu’elle est, mais de préserver une part importante des emplois et la desserte publique maritime de la Corse, dont l’Union européenne a confirmé le caractère indispensable.

La SNCM devra se placer sous la protection du tribunal de commerce, opérer une restructuration des effectifs et des moyens tandis que le renouvellement de la flotte, rendu indispensable par la vétusté des navires, l’évolution des normes de pollution maritime et la recherche d’une meilleure productivité, devra ensuite être organisé dans le cadre souhaité depuis longtemps par notre collectivité territoriale de Corse et validé par vos conseils, c’est-à-dire celui d’une société d’économie mixte.

La mise en œuvre de ce plan prendra plusieurs mois et n’ira pas sans difficultés ni sans troubles mais si, comme j’en suis persuadé, l’État y est déterminé, il pourra, avec l’appui sans faille de la collectivité territoriale de Corse, être mené à bien pour la pérennité du service public et la sauvegarde des emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Frédéric Cuvillier, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le président Giacobbi, je sais combien cette question est importante, notamment, pour votre collectivité.

La SNCM assure depuis maintenant plus de trente ans une activité de transport maritime et sa vie économique est étroitement liée au service public au titre de la continuité territoriale.

Depuis deux ans, nous n’avons eu de cesse de franchir les obstacles – et ils sont nombreux – et de régler les difficultés que cette société connaît, le principal obstacle étant, comme vous l’avez mentionné, deux contentieux qui font peser une lourde épée de Damoclès sur sa tête puisque les condamnations cumulées s’élèvent à 440 millions d’euros.

L’Europe, ainsi, ne veut aucun mal à cette société. Il est simplement question des conditions rocambolesques – critiquées, attaquées et condamnées – dans lesquelles la privatisation de 2006, menée par un gouvernement de droite, a été menée. Vous avez vous-même présidé une commission d’enquête sur cette affaire. Il est également question des conditions du renouvellement d’une délégation de service public, effectué en 2006 et 2007 alors que ni vous ni moi n’avions alors de responsabilités. C’est néanmoins dans cet état-là que le dossier de la SNCM nous a été transmis.

Nous avons pris des initiatives, notamment s’agissant des recours, que nous avons tous engagés. Nous avons mis en place une réglementation à travers le décret sur l’État d’accueil, afin d’éviter une concurrence déloyale au détriment du pavillon français. Nous avons mis en place un scénario d’étude des conditions de financement du renouvellement de la flotte, indispensable pour appliquer le plan de redressement de la société, notamment en ce qui concerne sa compétitivité.

Ces différents scénarios sont sur la table et discutés avec les organisations syndicales et les actionnaires. Sachez que nous souhaitons expertiser toutes les voies qui pourront permettre à la société de trouver une solution durable et d’avenir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Politique familiale

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Le Président de la République a été lucide ce matin : il a reconnu qu’il n’avait pas été élu pour la qualité de son programme (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – c’est un fait – et que beaucoup de Français étaient déçus – il a raison.

Qu’est ce que les Français retiennent de ces deux années ? Ils retiennent surtout, monsieur le Premier ministre, les attaques répétées contre la famille. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Reconnaissez-le ! La politique familiale n’est plus financée, les coupes s’y multiplient, annoncées et non précisées…

M. Jean Glavany. Vous ne faites pas preuve de la même lucidité que le Président de la République !

M. Hervé Mariton. Et que dire des nombreuses mesures fiscales pénalisantes, comme la baisse du quotient familial, qui affecte plus de 6 millions de Français, de la réforme des retraites, qui se fait sur le dos des familles, du développement de l’idéologie du genre (Protestations sur les bancs du groupe SRC) ou encore, depuis un an, de la loi Taubira, dite du mariage pour tous ? Le Président de la République a dit, à ce sujet, qu’il aurait voulu un débat plus rapide. S’il vous plaît, respectez les Français, qui sont toujours très partagés sur le mariage et toujours défavorables à la filiation pour les couples de même sexe !

Mais la majorité est toujours à l’offensive. Hypocritement, vous dites non à la PMA en France, tandis que vous l’encouragez à l’étranger !

M. Michel Pouzol. N’importe quoi !

M. Hervé Mariton. Monsieur le Premier ministre, vous qui parlez d’apaisement, quand cesserez-vous enfin d’attaquer la famille ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean Glavany. C’est un mythe, monsieur Mariton !

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le député, depuis le 9 avril, j’ai rencontré l’ensemble des acteurs qui interviennent dans le champ de la famille, à commencer, bien sûr, par le président de l’Union nationale des associations familiales et l’ensemble des fédérations qui composent cette grande famille. J’ai également rencontré tous les militants et les acteurs associatifs : Abandon de famille, La Manif pour tous, Avenir pour tous, l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens, SOS les mamans, Osez le féminisme, Inter-LGBT… J’ai parlé avec tous les acteurs, en cherchant à dégager avec eux des convergences.

Nous nous sommes concentrés sur ce qui est à l’ordre du jour du Parlement, à savoir la proposition de loi sur la famille qui va être examinée prochainement, à l’initiative de Mme Chapdelaine, et sur laquelle avait déjà travaillé ma prédécesseure, Dominique Bertinotti, dont je salue le travail.

M. Christian Jacob. Il n’y a pas de quoi !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Nous avons cherché des convergences, disais-je, et nous en avons trouvé. Ce texte a trois objectifs : renforcer l’autorité parentale, favoriser les responsabilités parentales et garantir l’intérêt de l’enfant. En matière de responsabilités parentales, il faut d’abord et avant tout, quel que soit le type de famille, faire en sorte que les parents, par-delà leurs désaccords conjugaux, continuent à se parler et à travailler ensemble dans l’intérêt des enfants. Ce texte aura comme seule mission, comme seule ambition, l’intérêt de l’enfant.

M. Charles de La Verpillière. Il est grand temps de s’en soucier !

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État. Je forme le vœu que ce texte apaise les familles séparées qui en ont besoin, naturellement, mais aussi le Parlement et le pays, car nous en serons tous, collectivement, beaucoup plus forts. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Responsabilité sociale et environnementale des multinationales

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Potier. Monsieur le Premier ministre, l’essence même de notre droit, inspiré des Lumières, vise à protéger les individus contre les dérives totalitaires. Aujourd’hui, nous sommes face à une nouvelle donne : c’est la puissance publique qui est elle-même fragilisée par celle, financière, de quelques sociétés juridiquement irresponsables, du fait de la fragmentation de leurs activités transnationales et du jeu obscur de filiales et de sous-traitants. Dacca, avec ses 1 138 victimes, est devenue le symbole des dizaines de drames qui composent, au Sud, la chronique des « invisibles ».

Monsieur le Premier ministre, la bonne volonté en matière de responsabilité sociale et environnementale ne suffit pas. Un an après, seul un tiers du fonds d’indemnisation du Rana Plaza est mobilisé, deux entreprises françaises manquent à l’appel, et déjà l’Éthiopie fait figure de nouvel eldorado du low cost pour la filière textile. Le devoir de vigilance vis-à-vis des multinationales est la juste contrepartie de leur nouvelle puissance. Tel est le sens de la proposition de loi à laquelle j’ai travaillé avec mes collègues Philippe Noguès et Danielle Auroi, et qui a été déposée aujourd’hui par quatre groupes parlementaires. Elle est soutenue par les grandes ONG et les quatre plus grands syndicats français.

Comme dans le combat contre les paradis fiscaux, nous nous voyons opposer le même argument paresseux qu’utilisaient les partisans de l’esclavage au XIXsiècle : la défense d’une compétitivité sans foi ni loi. La question, aujourd’hui, n’est pas de savoir si nous sommes pour ou contre l’entreprise et la mondialisation, mais de décider si nous voulons, ou non, que ces dynamiques prennent appui sur le principe de loyauté. Pour être elle-même, la France ne doit pas seulement être une bonne élève en Europe, mais aussi une pionnière dans le droit, au bénéfice de l’économie réelle et des droits humains. La vie d’une jeune travailleuse au Bangladesh n’a pas de prix.

Monsieur le Premier ministre, voulez-vous, à nos côtés, prendre une initiative dans ce sens ? Une semaine après le pacte, ce serait un bel acte de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDPGDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, le drame du Rana Plaza au Bangladesh a provoqué, vous l’avez rappelé, la mort de 1 138 personnes il y a maintenant un an. C’est un drame humain effroyable qui ne peut pas, comme vous l’avez fort bien dit, rester sans suite. La sous-traitance et l’extrême complexité de ce que l’on appelle les chaînes de production et de valeur ne peuvent en aucun cas justifier l’irresponsabilité – puisque tel est le terme consacré – de certaines entreprises. Il faut donc que leur responsabilité sociale et environnementale puisse être mise en cause.

Vous savez que la France a fait des propositions au niveau européen pour renforcer la prise en compte des normes sociales et environnementales dans les accords – mais cela reste insuffisant. Cette responsabilité est devenue un enjeu majeur, y compris sur le plan diplomatique, puisque les normes sociales ont évidemment une dimension stratégique. Le Gouvernement souhaite avancer sur ce sujet. Vous avez déposé une proposition de loi, et vous n’êtes pas le seul, puisque trois autres groupes ont fait de même, ce qui prouve la forte attente de la représentation nationale sur cette question.

Vous avez veillé, et c’est important, à ne pas faire de confusions entre cette nécessité de simplification et les réalités de la concurrence internationale. Des dispositions ont été introduites par votre assemblée, avec le soutien du Gouvernement, dans la loi relative à la politique de développement et de solidarité internationale, pour garantir cet équilibre. Nous sommes ouverts et nous sommes prêts, monsieur le député, à travailler à vos côtés dans le sens indiqué. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDPGDR.)

Université des Antilles et de la Guyane

M. le président. La parole est à M. Alfred Marie-Jeanne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alfred Marie-Jeanne. Monsieur le Premier ministre, l’Université des Antilles et de la Guyane, qui rayonnait sur les pôles de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique, a été malencontreusement démantelée. Sur les deux vestiges encore debout était prévue la création d’une université dite des Antilles. Mais patatras ! Des courants antagoniques sont en train de la miner.

Face à cette situation anachronique, le bon sens plaide pour le maintien de la solution préconisée. C’est le minimum requis, qui permettrait aux jeunes d’amorcer valablement la poursuite de leurs études supérieures.

Il faut ajouter à ces désagréments des révélations qui mettent directement en cause un laboratoire de recherche, partie intégrante de l’UAG. Des pratiques frauduleuses ont été épinglées à maintes et maintes reprises par la Cour des comptes. Ses recommandations sont demeurées jusqu’ici lettre morte.

En fait, nous assistons à une véritable liquidation. Cette liquidation n’est-elle pas le moyen délibérément choisi pour conserver une impunité qui dure depuis de très longues années ? Que de complaisances ! Que de connivences !

Aujourd’hui, nous nous trouvons dans un imbroglio en plusieurs actes, tous déconcertants, tous déshonorants.

Monsieur le Premier ministre, ne pouvant être insensible et indifférent à ce feuilleton désolant, quelles mesures précises et concrètes comptez-vous prendre pour y remédier coûte que coûte, envers et contre tout ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d’État chargée de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, vous évoquez deux problèmes différents : le premier porte sur l’évolution des structures de l’Université des Antilles et de la Guyane, le second sur des pratiques frauduleuses identifiées à l’occasion d’un contrôle récent de la Cour des comptes.

Sur le premier point, le Gouvernement a souhaité la création d’une Université de Guyane afin de tenir compte des spécificités de ce territoire où seuls 5 % des jeunes sont inscrits à l’université. Cela entraîne effectivement une évolution des structures de l’UAG. Dans ce contexte, le Gouvernement partage votre souhait de maintenir une université unique des Antilles. Cette solution correspond d’ailleurs aux attentes de toutes les forces vives de l’université. C’est aussi le sens des textes qui sont en préparation et qui seront adoptés dans les prochaines semaines, après que les personnels aient été consultés, ainsi que le CNESER.

Sur le second sujet, je peux vous assurer que le Gouvernement partage votre souci d’exemplarité dans la gestion des établissements d’enseignement supérieur. On ne peut pas affirmer que les conséquences du contrôle de la Cour des comptes soient restées lettre morte. Sur le plan judiciaire, le procureur de la République a bien été saisi dès la remise du rapport définitif de la Cour au début de l’année 2013. Une enquête préliminaire a été ouverte en avril 2013, et la procédure suit son cours.

Par ailleurs, une mission de l’Inspection générale de l’enseignement supérieur et de la recherche a été diligentée. Ses conclusions seront bientôt connues et permettront de tirer toutes les conséquences de cette affaire sur le plan administratif.

En conclusion, je peux vous assurer qu’il n’y a ni démantèlement, ni imbroglio. Le Gouvernement a la même volonté que vous, monsieur le député, de défendre la qualité de l’enseignement supérieur dans les Antilles, dont nous savons tous qu’il est décisif pour l’avenir de ces territoires et des jeunes.

Lutte contre la délinquance

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Georges Fenech. Monsieur le Premier ministre, cela fait deux ans que François Hollande est responsable des affaires de la France. Cela fait deux longues années que mois après mois nous ne pouvons que constater les ravages de votre politique, y compris en matière de sécurité.

L’Observatoire national de la délinquance vient de rendre public les chiffres de la délinquance pour le premier trimestre 2014. Le constat est sans appel : vols avec violences, homicides, règlements de compte et atteintes physiques aux personnes ont augmenté de 5,5 % au niveau national.

M. Bernard Roman. C’est faux !

M. Georges Fenech. Beaucoup de départements connaissent une augmentation plus significative encore : c’est le cas du département du Rhône, avec une augmentation de 12,32 % ; ou encore celui de la Gironde, avec une augmentation de 22,08 %.

Que vous le vouliez ou non, la dégradation statistique reflète la réalité de terrain. C’est votre bilan, monsieur le Premier ministre, puisque vous étiez ministre de l’intérieur ces deux dernières années.

Les Français sont d’autant plus inquiets que face à cette montée d’insécurité quotidienne, votre Gouvernement s’apprête à faire voter le projet de loi pénale de votre garde des sceaux, Mme Christiane Taubira. Vous-même, le 25 juillet 2013, alors ministre de l’intérieur, vous aviez fait part de vos inquiétudes et de vos désaccords au Président de la République. On ne pouvait être plus clair.

Qui peut croire en effet – certainement pas vous – que ce texte affirmant l’objectif de lutte contre la récidive prévoit paradoxalement la suppression des peines planchers et la création d’une pseudo-contrainte pénale destinée, en réalité, à vider les prisons ?

M. Jean Glavany. Parce que les peines planchers, ça ne marche pas !

M. Georges Fenech. Toutes les études d’opinion le montrent : les Français sont inquiets.

Alors Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : allez-vous fuir vos responsabilités de nouveau chef du Gouvernement en laissant détruire le système répressif au profit de la délinquance ? Allez-vous ainsi sacrifier la sécurité des Français ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, je ne comprends pas pourquoi vous semblez vous réjouir des chiffres sur l’insécurité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En fait, nous voyons bien que les difficultés dans ce pays datent de plusieurs années, et que les réponses que les gouvernements que vous avez soutenus ont apportées donnent des résultats absolument désastreux.

Nous les connaissons, nous en avons la mesure, et vous avez raison de rappeler cette étude de l’Observatoire de la délinquance. Le Gouvernement a fait le choix courageux d’une réforme pénale qui va prévenir la récidive, c’est-à-dire mettre un terme à la commission d’actes de délinquance qui créent de nouvelles victimes, parce que c’est notre préoccupation. Et nous le faisons avec des instruments d’efficacité, conformes aux valeurs de la République.

M. Jean Glavany. Catastrophiques !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous n’avez certainement pas oublié les déclarations du Premier ministre Jean-Marc Ayrault (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui a rappelé à quel point le Gouvernement était engagé sur cette réforme pénale, non seulement pour assurer l’efficacité de la prévention contre la récidive, mais aussi pour donner aux services pénitentiaires les moyens d’agir.

Vous avez systématiquement sous-estimé les moyens nécessaires aux services pénitentiaires. Vous avez mis en danger la sécurité des Français. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez aujourd’hui à votre disposition un texte dont vous connaissez le contenu. Soit vous avez suivi les travaux du rapporteur et, au terme de ses trois cents auditions, vous savez qu’il y a effectivement dans ce texte matière à lutter contre la récidive. Soit vous vous en désintéressez, et vous croyez qu’éternellement vous pourrez faire croire aux Français que c’est un texte difficile.



Vous voudriez bien que nous ayons à assumer votre bilan, mais nous n’allons pas le faire. Nous aurons le courage politique de cette réforme pénale de façon à protéger les Français, comme vous avez été absolument incapables de le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs des groupes écologiste et RRDP.)



Élevage

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Vergnier. Monsieur le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, à Cournon, le Président de la République a fait des annonces fortes et précises concernant l’élevage en France, et plus précisément le bassin allaitant. Il faut, a-t-il affirmé, donner aux éleveurs des revenus décents, et donc aller vers un rééquilibrage des aides. L’approbation a été quasi unanime. Or, à ce jour, nos éleveurs pensent et affirment que les mesures qu’on leur annonce sont loin de répondre à ce qu’ils ont cru comprendre.

M. Antoine Herth. Ils ont raison !

M. Michel Vergnier. Ils l’ont indiqué en manifestant dans nos territoires. Si je n’approuve pas forcément les moyens utilisés, je souhaite que des réponses précises puissent leur être apportées, car ils ne reçoivent pas, localement, de réponses rassurantes.

Le sentiment qui domine n’est pas celui d’une augmentation du revenu, mais au contraire d’une stagnation voire d’une baisse de celui-ci. La perte sur leurs droits à paiement unique vient aggraver leurs doutes, ainsi que la suppression de l’aide à l’engraissement.

Monsieur le ministre, nous avons bien travaillé avec vous et avec vos services. Le Président de la République a obtenu, tout le monde en convient, un bon budget PAC, presque inespéré. Il faut maintenant donner des réponses à ceux qui les attendent, en particulier à ceux qui ont les revenus les plus bas. Les mesures annoncées – augmentation de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, meilleure orientation des productions avec les aides couplées, soutien à l’installation des jeunes et à la modernisation des bâtiments d’élevage – devraient permettre d’y parvenir, c’est indispensable.

Il faut redonner de l’espoir à nos éleveurs et par là même à nos territoires qui dépendent largement du maintien de leurs exploitations. Comment allez-vous vous y prendre et quelles mesures pouvez-vous nous annoncer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement. Monsieur le député, vous avez évoqué la question de l’élevage et le discours de Cournon. Entre le lancement de la nouvelle politique agricole commune et celle qui existe, 2014 est une année de transition qui nécessite des ajustements. Les objectifs qui sont poursuivis n’ont pas changé. Quels sont-ils ?

Il s’agit de rééquilibrer les aides à destination de l’élevage, avec plusieurs mécanismes. Le premier, c’est la convergence des aides qui va s’opérer avec la majoration sur les cinquante-deux premiers hectares. Globalement, s’agissant du grand bassin allaitant, les aides à l’hectare augmenteront de près de 60 millions d’euros.

Deuxième élément : la compensation des handicaps et la prime à l’herbe seront revalorisées, soit une augmentation de 160 millions d’euros par rapport à ce qui existe aujourd’hui.

Troisième élément, et vous l’avez évoqué, c’est la prime versée à la vache allaitante. Le volume de cette aide de 642 millions d’euros est maintenu au centime près par rapport à ce qui est versé. Reste un débat sur la répartition de cette aide. Il faut surtout essayer de cibler des élevages spécialisés pour que ceux qui vivent de l’élevage, et en particulier de la vache allaitante, soient prioritaires par rapport à d’autres. C’est le débat qui est en cours et qui sera arbitré à la fin du mois car le 3 juin, avec les régions, nous lancerons la deuxième phase de cette politique agricole commune qui comporte également des mesures agro-environnementales et une aide à la modernisation des bâtiments d’élevage.

Pour votre département, monsieur le député, ce sont, à terme, 20 millions d’euros supplémentaires qui seront versés pour l’agriculture, pour l’élevage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rythmes scolaires

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Monsieur le Premier ministre, comme vient de le dire Georges Fenech, cela fait deux ans que François Hollande est responsable des affaires de la France. Cela fait deux longues années que, mois après mois nous ne pouvons que constater les ravages de votre politique, notamment en matière d’éducation nationale. Et ce n’est pas l’interview de ce matin qui nous rassure ; elle est plutôt affligeante.

François Hollande avait promis de réformer l’école, vaste programme. Où en est-on aujourd’hui ? Sur le combat contre l’illettrisme ? Rien. Sur les violences et le harcèlement à l’école ? Toujours rien. Sur le décrochage scolaire ? Toujours rien.

M. Olivier Marleix. Eh oui !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Depuis deux ans, votre politique est un échec patent. Nous avons changé de Premier ministre et dans le même temps de ministre de l’éducation nationale. Nous pouvions espérer un changement de politique ; il n’en est rien. Le directeur général de l’enseignement scolaire vient de démissionner. C’est dire !

Votre prédécesseur, Vincent Peillon, avait imposé un décret sur les rythmes scolaires. Vous disiez vouloir l’alléger. J’avais demandé à votre prédécesseur son abrogation. Aucune réponse ne m’a été apportée. J’ai donc saisi le Conseil d’État d’un recours en annulation.

Hier, votre projet de décret a été retoqué par le Conseil supérieur de l’éducation. C’est une gifle pour votre ministre de l’éducation nationale. Malgré cela, vous semblez vouloir persister dans l’erreur.

Monsieur le Premier ministre, au nom du groupe UMP nous vous demandons de laisser le libre choix aux communes. Ce décret crée la confusion, une rupture entre le privé et le public, entre le rural et l’urbain (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), entre les communes disposant d’un tissu associatif important et celles qui n’en ont pas. Cette réforme coûte cher aux communes et n’est pas compensée par l’État. Je vous demande une fois encore d’abroger cette réforme qui est dénoncée par tous les acteurs du secteur éducatif. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, lorsque le Premier ministre m’a invité à poursuivre la réforme des rythmes scolaires, deux attitudes étaient possibles. La première eût été de rester droit dans ses bottes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), de nier les difficultés opérationnelles de mise en œuvre de cette réforme et de passer en force. La seconde eût été de faire ce que vous demandez, c’est-à-dire de considérer que l’intérêt de l’enfant ne doit pas primer (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC)…

M. le président. Mes chers collègues, calmez-vous !

M. Benoît Hamon, ministre. …et d’abroger la réforme. Ces deux positions auraient été des positions et des solutions de facilité.

M. Jean-Christophe Lagarde. Où est le changement ?

M. Benoît Hamon, ministre. Vous évoquez le vote du CSE. Je vous rappelle que, lorsque la réforme Darcos a été soumise au CSE, elle a également été retoquée, que les dispositifs d’aide personnalisée aux enfants que vous avez soumis ont été retoqués, que les différentes mesures que vous avez soumises par décret ont toujours été retoquées par le CSE. Pourtant, cela ne vous a pas empêché de défendre votre vision de l’école, dont je vous rappelle qu’elle s’est traduite par la suppression de 80 000 postes de professeurs. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cette année, dans votre département de Lozère, le taux d’encadrement va s’améliorer, grâce notamment au choix politique que fait ce Gouvernement de mettre des professeurs là où il y en a besoin.



Nous avons décidé effectivement d’apporter des assouplissements pour régler les problèmes que connaissent certaines communes.



M. Michel Herbillon. Personne ne veut de cette réforme !

M. Benoît Hamon, ministre. Elles veulent pouvoir mutualiser les activités périscolaires, réduire les coûts et ainsi financer des activités de qualité ; nous réglons ce problème. Elles veulent pouvoir alléger la durée de la semaine et le nombre d’heures travaillées en grignotant sur les vacances ; nous réglons ce problème.

Je le dis et je le répète : se pose la question du financement des activités périscolaires.

M. Jean-Christophe Lagarde. Eh oui ! Le problème, c’est l’argent !

M. Benoît Hamon, ministre. Là encore, nous avons financé un fonds d’amorçage et nous travaillons avec les caisses d’allocations familiales afin qu’elles puissent être mieux financées.

Nous avons choisi le pragmatisme. Vous nous demandez de renoncer aux intérêts de l’enfant ; nous n’y renoncerons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Gouvernance d’Internet

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Santais, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Béatrice Santais. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Madame la secrétaire d’État, le sommet mondial sur la gouvernance de l’internet qui s’est déroulé les 23 et 24 avril derniers à São Paulo a été l’occasion de faire entendre la voix de la France sur les enjeux déterminants de régulation de l’internet.

Comme vous l’avez indiqué lors de votre intervention, l’univers numérique ne peut pas être « un lieu de non-droit, un Far West régi par la loi du plus fort », mais doit rester un espace de liberté qui ne s’affranchit pas des règles et des normes nationales.

L’évolution des principes de gouvernance de l’internet suscite aujourd’hui de nombreuses inquiétudes. Ainsi, votre déplacement au Brésil a été l’occasion d’évoquer le dossier des délégations de nouveaux noms de domaines engagées en 2011 par l’ICANN, dossier qui va profondément bouleverser le paysage et l’économie numérique, et qui a fait émerger les limites de la place des États dans la gouvernance mondiale de l’internet.

L’exemple des trois candidatures aux noms de domaines génériques « .vin » et « .wine »a cristallisé la question du transfert des normes du monde réel au monde virtuel en posant le problème crucial du respect des indications géographiques protégées. Et cette question, malgré sa technicité parfois un peu opaque pour certains d’entre nous, préoccupe le monde agricole de notre pays et plus largement tous ceux qui ont le souci de défendre notre patrimoine français.

À ce jour, il semble qu’aucun accord n’ait été trouvé par les acteurs de la viticulture et les trois candidats. C’est pourquoi je souhaite, madame la secrétaire d’État, que vous nous précisiez les actions entreprises par le Gouvernement sur ce sujet particulier et que vous puissiez nous dresser plus généralement le bilan de vos échanges récents avec vos homologues internationaux. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Madame la députée, il y aura bientôt le Mondial de Rio autour du football, et il y a eu le NETMundial de São Paulo. La France était présente et s’est fait entendre. Si je m’autorise ce parallèle, c’est pour illustrer le fait que le sujet de la gouvernance de l’internet n’est pas une question technique un peu obscure, mais bien un enjeu qui a un impact potentiel sur l’ensemble des citoyens dans leur quotidien.

Certains voudraient nous faire croire que des décisions prises par l’ICANN, une société de droit commercial dont le siège social se trouve en Californie, des décisions prises par un conseil au sein duquel les États n’ont qu’un rôle consultatif en tant qu’observateurs ont un simple caractère technique et commercial. Or lorsqu’il s’agit de déléguer un nom de domaine qui se termine par exemple par « .vin », « .hotel », « .amazone » ou « .patagonie », l’intérêt des producteurs, des industriels, des consommateurs, des travailleurs, des citoyens doit être pris en compte.

C’est ce dont nous avons discuté au Brésil avec la présidente Dilma Rousseff, avec la Commission européenne, avec une très forte majorité des pays européens, mais aussi des grands émergents et les pays africains. La France est convaincue qu’une gouvernance alternative de l’internet est possible, un internet ouvert, vraiment ouvert à l’innovation, une gouvernance inclusive, avec toutes les parties prenantes qui entendent l’intérêt général défendu par les États démocratiques qui respectent les législations nationales et l’acquis communautaire. Ce matin même, j’en ai parlé avec mon homologue américaine, la secrétaire d’État adjointe de John Kerry au sein du gouvernement américain. Ces discussions se poursuivent à la Commission européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Avant de donner la parole à Mme Claude Greff, je vous rappelle qu’après la suspension de séance, nous examinerons la proposition de résolution exprimant la gratitude et la reconnaissance de l’Assemblée nationale pour les actes d’héroïsme et les actions militaires des membres des forces armées alliées ayant pris part au débarquement en Normandie le 6 juin 1944.

Politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Claude Greff. Monsieur le Premier ministre, cela fait deux ans que François Hollande est responsable des affaires de la France (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), un triste anniversaire entre impopularité – du jamais vu –, échecs et regrets. Échecs reconnus par le Président lui-même sur la confiance des Français. Échec car le chômage augmente. Échec en raison de l’absence de croissance. Mois après mois, nous ne pouvons que constater les ravages de votre politique en matière de déficits publics.

Depuis l’élection de François Hollande, la France n’a jamais respecté ses programmes de stabilité et de diminutions du déficit public promis à Bruxelles. Mardi dernier, une très courte majorité a approuvé du bout des lèvres votre nouveau plan. La réponse de la Commission européenne ne s’est pas fait attendre. Elle ne croit pas aux mesures que vous proposez lesquelles vous permettraient prétendument de ramener le déficit public à 3 % en 2015.

La France n’arrive pas à sortir de l’impasse dans laquelle votre Gouvernement l’a placée car vos prévisions de croissance sont totalement irréalistes et reposent sur des suppositions économiques que vous ne maîtrisez même pas. Alors que nos partenaires anglais, allemands, italiens et espagnols renouent avec la croissance, nous restons une exception en Europe.

Votre seul et unique argument, se résume toujours à l’héritage de vos prédécesseurs. (« En effet ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Ménard. C’est la vérité.

Mme Claude Greff. Cet argument est la force des faibles. Les Français ne vous croient plus. L’exercice de communication ne suffit plus. Vous êtes aux responsabilités depuis deux ans et vous n’avez apporté que du chaos et des augmentations d’impôts. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La France a perdu deux ans. Pendant deux ans vous avez matraqué les entreprises. Vous avez matraqué les Français avec vos augmentations d’impôt.

M. Michel Ménard. Une intervention tout en nuances !

Mme Claude Greff. Vous distribuez de la main droite pour reprendre deux fois plus aux Français de la main gauche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

François Hollande a dit ce matin dans son interview qu’il n’avait « rien à perdre » ! Si lui n’a rien à perdre, c’est la France aujourd’hui qui perd tout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Comment allez-vous répondre à nos partenaires européens qui ne comprennent pas les incohérences de votre politique et remettent en cause votre crédibilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la députée, je vous prie d’excuser Michel Sapin qui est encore à Bruxelles.

M. Jacques Myard. Qu’il y reste !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Puisque vous m’interpellez sur les prévisions de croissance, je voudrais vous rappeler que la croissance, qui est restée voisine de zéro pendant plusieurs années sous le gouvernement précédent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), affiche 1 % pour l’année 2014, et que notre prévision de 1,7 % pour l’année 2015 n’est pas fondamentalement remise en cause (« Si » sur les bancs du groupe UMP), même si certains parlent de 1,5 %, mais de grands organismes internationaux qualifient cette prévision de raisonnable.

Mme Bérengère Poletti. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si le Gouvernement s’engage sur le pacte de responsabilité et de solidarité, c’est pour plusieurs raisons. C’est d’abord, vous le savez, pour résorber les déficits. Vous dites qu’ils n’ont pas été résorbés, mais, madame la députée, les 170 milliards d’euros de déficit en 2010, c’était sous votre gouvernement – je crois que vous y participiez.

Aujourd’hui, le déficit de notre pays a déjà été réduit de moitié, et nous allons faire mieux. Le plan d’économies que nous envisageons, certains d’entre vous le trouvent insupportable, je pense à un certain nombre de vos collègues, d’autres le trouvent insuffisant, M. Mariton propose 130 milliards d’économies sur le budget de l’État,…

M. Pascal Deguilhem. Irresponsable !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …chiffre repris par le président de votre groupe. Comment feriez-vous 130 milliards d’économies ? Je note 20 milliards de diminution des dépenses des collectivités territoriales. Le pacte de responsabilité et de solidarité allie le double objectif de diminuer la charge qui pèse sur les entreprises, mais aussi sur les salariés. C’est l’objet des mesures que nous allons décliner dans les prochaines lois de finances au mois de juillet, première étape vers la réussite. Plutôt que les outrances, préférons la confiance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Débarquement en Normandie

Discussion d’une proposition de résolution

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution exprimant la gratitude et la reconnaissance de l’Assemblée nationale pour les actes d’héroïsme et les actions militaires des membres des forces armées alliées ayant pris part au débarquement en Normandie, en France, le 6 juin 1944, et les félicitant pour leur opiniâtreté et leur courage au cours d’une opération qui a contribué à mettre un terme à la seconde guerre mondiale (n° 1908).

Avant de donner la parole aux orateurs inscrits dans la discussion générale, je voudrais, en votre nom à tous, saluer la présence dans nos tribunes des ambassadeurs de Norvège, des États-Unis, du Canada, de la Grèce, de la Pologne, de la Grande-Bretagne, de la Slovaquie, de la Nouvelle-Zélande. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire, mes chers collègues, dans un mois, jour pour jour, nous commémorerons le soixante-dixième anniversaire du débarquement des alliés en Normandie. Une opération militaire spectaculaire, audacieuse, la plus importante jamais organisée : « La bataille suprême d’une croisade pour la démocratie », a dit Eisenhower. Cette bataille a changé le cours de la seconde guerre mondiale. Elle a permis d’amorcer la libération de l’Europe du joug de l’Allemagne nazie.

Le 6 juin 1944 est une date profondément gravée dans l’histoire de l’humanité et du monde libre. C’est un devoir pour nous, Français, et tout particulièrement pour la représentation nationale, d’honorer, par cette résolution, les pays alliés qui se sont engagés lors du 6 juin 1944 et de la bataille de Normandie. C’est notre devoir de rappeler le sacrifice des milliers de soldats, morts souvent très jeunes, pour nous permettre de recouvrer la liberté.

Nous devons préserver ce souvenir et surtout le faire vivre. Sauvegarder d’abord les témoignages des vétérans qui ont vécu ces moments intenses et douloureux. Et préserver, pour les générations futures, les lieux de théâtre de ces opérations militaires, capitales pour l’histoire du XXe siècle.

C’est le sens de la résolution dont nous discutons aujourd’hui : elle a été signée par l’ensemble des présidents de groupe parlementaire, par l’ensemble des députés bas-normands, par l’ensemble des présidents des groupes d’amitié liant la France aux pays alliés. Elle sera adoptée dans les mêmes termes, avant la fin du mois de mai, par le Sénat américain.

Je veux saluer ici le travail du président de la région Basse-Normandie, Laurent Beauvais, (Applaudissements sur tous les bancs) qui, après sa rencontre avec des sénateurs américains, a œuvré avec moi pour que ce texte soit adopté des deux côtés de l’Atlantique avant le soixante-dixième anniversaire du débarquement.

En effet, le rappel de ce qu’a été le 6 juin 1944, de l’engagement des 155 000 hommes du corps expéditionnaire est un devoir pour nous, un devoir de mémoire et une impérieuse nécessité.

Préparée par les alliés depuis 1942, c’est une incroyable armada navale et aéroportée, qui s’était mise en mouvement depuis les côtes anglaises dans la nuit du 5 au 6 juin pour aborder les côtes normandes le jour J, le D-Day. Plus de 10 000 avions, 4 000 bâtiments de transport et 700 navires de guerre engagés : soixante-dix ans après, l’ampleur des moyens déployés frappe toujours autant les esprits.

Si la supériorité matérielle de cette armée de la liberté ne faisait aucun doute, elle n’était pas pour autant le gage d’une victoire assurée au soir du 6 juin. Car c’est bien aux hommes, à ces jeunes soldats, que revenait de prendre pied sur le sol français et de se battre, mètre par mètre, au prix souvent du sacrifice ultime. Ces hommes avaient pour seule mission de vaincre ou de mourir.

Lors de ce choc décisif du 6 juin, c’est de ces premiers pas qu’est né l’espoir de la libération du territoire national et de l’Europe occidentale. Des soldats embarqués dans les barges aux parachutistes largués au-dessus des points stratégiques, tous avaient en tête des sentiments teintés de fierté peut-être, mais aussi, surtout, de peur. Chacun de ces 155 000 hommes avait son histoire, son parcours, mais aussi, ses projets. Chacun à l’aube, dans son avion, dans sa barge, en chemin vers les plages de Normandie, avait au fond de lui-même l’image de ses proches, de ses amis, de sa famille.

Et pourtant, ces combattants de la liberté allaient livrer une bataille héroïque. Une bataille décrite ainsi par le Président Obama, lors des cérémonies du soixante-cinquième anniversaire : « Alors que le danger était maximum, des hommes qui se pensaient ordinaires ont trouvé en eux de quoi accomplir l’extraordinaire ».

Nos amis américains payèrent un lourd tribut. Plus de 3 800 soldats furent tués, blessés ou portés disparus ce 6 juin. Un prix humain exorbitant pour la conquête de quelques centaines de mètres de plage sur « Omaha la sanglante », baptisée ainsi depuis, tant les pertes humaines y furent importantes. Les milliers de croix blanches alignées au cimetière américain de Colleville-sur-Mer, petit morceau d’Amérique au cœur de la Normandie, sont là pour en témoigner.

Mais il n’y eut pas seulement les Américains. Il y eut aussi les Britanniques, sans lesquels ce débarquement n’aurait jamais pu être organisé et qui furent, dans l’Europe occupée, un rempart contre le totalitarisme. Nombre de soldats anglais perdirent également la vie. Il y eut aussi les Canadiens, qui livrèrent des combats violents et acharnés, au prix de nombreuses pertes. Il y eut aussi les Belges, les Néerlandais, les Tchèques, les Slovaques, les Polonais, les Danois, les Norvégiens, les Australiens, les Luxembourgeois, les Néo-Zélandais, les Grecs.

Ce sont nos libérateurs. La France leur doit tant. Nous leur devons ce que nous sommes.

Dans cette longue liste, je n’oublie évidemment pas les Français. Ceux de l’« armée de l’ombre », ces résistants, qui ont joué un rôle majeur avant, pendant et après ce débarquement. La répression nazie à leur égard s’est accrue en cet été 1944. Le 6 juin, alors que se déroulait à quelques kilomètres la bataille décisive, 80 prisonniers de la prison de Caen étaient froidement exécutés.

Côté français, je veux aussi parler des soldats du général Leclerc, qui ont activement participé à la bataille de Normandie. Enfin, il y a les 177 bérets verts du premier bataillon de fusiliers marins du commandant Kieffer. Ces soldats français furent les premiers, le 6 juin 1944, à fouler le sol de l’hexagone. Ces hommes, qui se sont illustrés de façon héroïque par la prise d’un bunker érigé par les Allemands à Ouistreham. Ouistreham, où se déroulera la cérémonie officielle internationale le 6 juin prochain. Quel plus bel hommage pouvait être rendu à ces combattants français !

Je veux plus particulièrement saluer Léon Gautier, l’un des illustres vétérans français du commando Kieffer, présent aujourd’hui dans les tribunes de l’Assemblée. (Vifs applaudissements sur tous les bancs.)

À travers lui, à travers le symbole qu’il représente, j’exprime la reconnaissance et la gratitude du peuple français envers les pays alliés, leurs soldats et leurs vétérans pour le chemin de liberté qu’ils ont tracé ce 6 juin 1944 à partir de la Normandie.

Mes chers collègues, depuis soixante-dix ans, nous commémorons et rendons hommage aux pays alliés, qui ont rassemblé leurs forces pour mettre un terme à la barbarie nazie.

Depuis soixante-dix ans, nous commémorons et rendons hommage aux soldats qui, par milliers, ont donné leur vie pour que nous vivions libres.

Depuis soixante-dix ans, nous commémorons et rendons hommage aux vétérans qui, chaque année, reviennent en Normandie, honorer et se recueillir auprès de ceux qui sont tombés sur cette terre qui n’était pas la leur.

Leur témoignage est précieux. La transmission aux générations futures est une ardente obligation. Comme le disait Elie Wiesel, prix Nobel de la paix, « les peuples qui ne connaissent pas leur histoire s’exposent à la revivre. » Cette citation nous oblige. À nous de faire vivre notre mémoire collective ; les historiens doivent en être les sentinelles exigeantes et les peuples, les gardiens.

Mais la préservation et la transmission de cet héritage immatériel qu’est le témoignage des vétérans doivent s’accompagner d’une conservation des lieux qui ont fait l’histoire. Chaque année, des millions de personnes viennent, de tous les continents, sur les plages d’Utah, Omaha, Gold, Sword et Juno, les cinq plages du D-Day. Ces lieux, symboles de liberté et de paix, nous nous devons de les préserver.

Les efforts de la France, de la région Basse-Normandie et des collectivités locales pour garantir l’intégrité de ces sites en demandant leur classement au patrimoine mondial de l’UNESCO doivent être salués. Je souhaite que la représentation nationale tout entière reconnaisse et appuie ces efforts pour atteindre cet objectif partagé.

Au-delà d’un symbole de liberté, ces sites doivent être aussi symboles de réconciliation et de paix. Cette réconciliation a été marquée, en janvier 1963, par Charles de Gaulle, qui a signé avec Adenauer le Traité de l’Élysée.

Elle a été marquée ensuite, en septembre 1984, par François Mitterrand, lorsque, dans un geste ô combien symbolique de la réconciliation franco-allemande, il a saisi la main du Chancelier Kohl devant l’ossuaire de Douaumont.

Plus récemment, le 6 juin 2004, c’est Jacques Chirac qui a accueilli à Caen, à l’occasion des cérémonies du soixantième anniversaire, le Chancelier allemand avec cette formule : « Les Français vous reçoivent en ami et en frère ».

Ces gestes, ces symboles n’auraient pu exister si nous n’avions pas choisi, depuis des décennies, de construire l’Europe, et cela malgré les difficultés. Mais nous aurions tort de croire que la paix est acquise, même sur le continent européen. Pendant des années, les conflits armés dans l’ex-Yougoslavie nous l’ont douloureusement rappelé. Ce qui se passe actuellement en Ukraine montre également combien la paix reste fragile.

Aujourd’hui, le contexte économique et social en Europe sert parfois de prétexte à certains pour exacerber un nationalisme porteur de haine. Ne soyons pas naïfs. Le spectre des épisodes qui nous ont plongés dans les années les plus noires de notre histoire est toujours présent ; il est toujours possible de les revivre. Comme disait Brecht, « il est toujours fécond, le ventre d’où est sortie la bête immonde ». À nous d’être vigilants. Battons-nous, mes chers collègues, pour une Europe solidaire, une Europe généreuse, une Europe qui ne laisse pas place à l’intolérance ; battons-nous pour nos enfants, en souvenir de ces jeunes soldats qui se sont battus pour nous et qui sont morts pour notre liberté. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline.

Mme Nicole Ameline. Monsieur le président, mes chers collègues, avec la libération des peuples européens, le 6 juin 1944 n’a pas seulement marqué l’honneur retrouvé des nations asservies par le régime nazi, au premier rang desquelles figure la France ; il a fait naître un processus de réconciliation et de paix unique au monde, celui qui fonde l’Europe moderne.

Ce que nous devons à nos alliés, au-delà de notre liberté – individuelle et collective –, de notre propre vie et de la renaissance de la France, c’est bien, en effet, la fin de la confrontation des peuples européens, lesquels, pendant des siècles, se sont combattus jusqu’à l’épuisement.

Cette paix durable a été obtenue et consolidée au prix de millions de vies humaines, celles des jeunes américains d’Oklahoma ou de Virginie, mais aussi de tous nos libérateurs, les forces alliées de l’extérieur, mais aussi les combattants et résistants français, dont le commando Kieffer, que je veux saluer ici, à mon tour, en la personne de l’un de ses plus éminents représentants, notre cher Léon Gautier.

N’oublions pas non plus les sacrifices et les souffrances des populations civiles. C’est ce dont, chaque année, la population normande et les élus viennent témoigner, avec une ferveur et une émotion intactes, à travers l’hommage constant qu’ils rendent à tous ceux qui, au prix de leur vie, ont sauvé la nôtre.

Notre région se souvient ; la France se souvient. Les cérémonies officielles du 6 juin prochain, des plus solennelles aux plus humbles, marqueront avec la même intensité la reconnaissance de cette « bataille suprême », pour reprendre l’expression du général de Gaulle.

Je soutiens naturellement, en tant qu’élue n’ayant jamais manqué ces célébrations, mais aussi, à cet instant, en tant que représentante du groupe UMP, cette proposition de résolution. Je me réjouis de voir notre Parlement associé à cette commémoration qui marquera une étape fondamentale pour tous ceux qui ont vécu cette part de l’histoire de l’humanité.

Je veux voir tout d’abord dans cette proposition de résolution l’hommage à toutes les nations alliées. Nous honorerons tout particulièrement le 6 juin prochain, à Ouistreham, la reine Élizabeth d’Angleterre, dont le destin a croisé l’histoire du monde. Ce sera aussi un hommage à l’Amérique, avec laquelle, depuis La Fayette et – pour rester normande – Alexis de Tocqueville, nous entretenons une relation privilégiée, fondée sur la démocratie et l’amitié.

Le 6 juin 1944 n’existerait plus dans nos esprits sans l’Europe, sans l’intelligence collective qui a permis de créer les conditions d’une paix durable, proche – du moins l’espérons-nous – de l’idée de « paix perpétuelle » chère à Emmanuel Kant.

Au moment où tant de conflits dévastent le monde, le modèle européen de réconciliation et de paix devrait davantage inspirer les processus de reconstruction politique.

À quelques jours des élections européennes, soyons plus que jamais des dépositaires actifs et convaincus de cette partie de notre histoire commune. Comment, en effet, ne pas rappeler l’essence même de la construction de l’Europe, laquelle a démontré l’élévation d’esprit d’une génération, celle de Jean Monnet et de Konrad Adenauer, qui ont ensemble fondé la relation franco-allemande moderne, entretenue ensuite avec intelligence par tous les Européens et par tous les gouvernements qui se sont succédé ?

Quel signal donnerions-nous aujourd’hui si nous choisissions le repli, quand le monde est ouvert ; la peur, quand nous célébrons tant de sacrifices et de courage ; un retour en arrière, quand tout, dans le monde, s’accélère et qu’on ne nous attend pas ?

Soyons fiers de ce que nous avons à apporter au monde à travers cet exemple magnifique qui confine à l’héroïsme. Cessons de ne voir l’Europe qu’à travers ses insuffisances, son impuissance et ses difficultés. Regardons plutôt le monde tel qu’il est ; il oblige aujourd’hui à une nouvelle solidarité, pour laquelle nous pouvons nous inspirer de cet exemple historique. C’est en effet d’une Europe plus puissante, plus apte à s’exprimer d’une seule voix, en clair d’un véritable leadership européen retrouvé que nous avons besoin.

Je voudrais également dire un mot de la sécurité collective. Le partenariat transatlantique, la relation entre la France et l’Amérique, mais aussi entre l’Europe et l’Amérique, sont plus importants que jamais. Si les États-Unis restent, à nos côtés, des alliés sûrs, nous connaissons tous le tropisme asiatique de la stratégie militaire américaine. Cette situation nous oblige aujourd’hui à avoir les idées claires sur notre responsabilité en matière de défense et d’intervention militaire. C’est la position constante de notre groupe et, je pense, de la majorité des élus sur les différents bancs de cette assemblée.

Soyons dignes, mes chers collègues, de cette liberté reçue en héritage. Ne pensons pas qu’elle soit une valeur du passé, au moment où la crise ukrainienne, le Proche-Orient ou le Sahel nous rappellent avec force la violence des guerres et des conflits à nos portes.

Que vaudrait l’indignation sans l’action ? Être digne du 6 juin, ce n’est pas seulement en être fier ; c’est maintenir un niveau de défense collective suffisant et répondre, avec une défense européenne crédible, aux menaces qui existent aujourd’hui dans le monde. C’est aussi créer un nouveau partenariat avec les États-Unis. Nous le faisons dans le domaine économique ; nous devons le faire aussi en matière de défense, au sein de l’OTAN et à travers toutes les solidarités que nous développons aujourd’hui.

Le 6 juin fut la première illustration d’un monde globalisé, où se sont affrontées des idéologies. Le monde contemporain appelle toujours une mobilisation vigilante et renforcée autour de nos valeurs. Je partage l’idée selon laquelle nous devons promouvoir une Europe de la paix et de la tolérance. Nous devons également promouvoir le devoir de mémoire à travers le classement des plages du débarquement au patrimoine mondial de l’UNESCO, que nous attendons depuis quelque temps déjà. Mais, au-delà, il faut se battre contre toutes les formes d’extrémisme, quelles qu’elles soient.

En conclusion, ce devoir de mémoire doit se traduire avant tout par l’éducation aux droits de l’homme, au respect de la personne humaine et aux valeurs démocratiques. Cela est d’autant plus vrai à l’heure où des jeunes, fussent-ils quelques centaines à peine, pensent trouver ailleurs – malheureusement, en enfer – l’idéal qu’ils recherchent. Dès lors, notre responsabilité n’est-elle pas de redonner, à tous les niveaux et dans tous les domaines, des raisons de croire dans la France et dans la République ? C’est aussi l’un des enseignements de cette proposition de résolution que nous soutenons. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. « Nous avons vécu un moment qui sera certainement en bonne place dans l’histoire, mais nous ne nous en sommes aperçus qu’après. Nous, ce sont les commandos français du capitaine Kieffer, lui-même intégré à la brigade de Lord Lovat. » Ces mots sont ceux de Maurice Chauvet, l’un des 177 Français faisant partie du premier bataillon de fusiliers marins commandos. Sous le commandement du capitaine de corvette Philippe Kieffer, ces hommes ont débarqué sur les plages normandes un certain 6 juin 1944 à sept heures trente.

Majoritairement bretons et normands, les hommes du commando Kieffer se sont engagés auprès du général de Gaulle car ils voulaient voir la France libérée de l’occupation ennemie. Ils se sont battus avec courage et passion pour libérer un pays faible et opprimé, un pays dominé par une idéologie aussi terrible que dévastatrice. Ils ont voulu sauver la France du joug nazi. Ce sont des héros que notre pays n’oubliera jamais.

Notre pays n’oubliera pas non plus que, s’il a su retrouver sa liberté et son autonomie, c’est aussi grâce à l’extraordinaire aide et au soutien indéfectible que les alliés ont su lui apporter.

Préparé pendant plusieurs mois, le débarquement du 6 juin 1944, plus connu sous le nom de D-Day ou de Jour J, reste le plus important débarquement militaire de l’histoire.

Il est aussi le plus meurtrier. Américains, Britanniques, Canadiens se sont sacrifiés, non seulement pour la France, mais aussi pour une paix durable que le monde n’avait pas connue depuis longtemps.

J’aimerais ici leur rendre hommage et les remercier d’avoir combattu avec dévouement et d’avoir permis à la France de connaître un dénouement heureux et un avenir de liberté.

La proposition de résolution que nous étudions aujourd’hui est un véritable hommage rendu par les parlementaires aux membres des forces armées alliées qui ont pris part au débarquement du 6 juin 1944. À travers ce texte, nous souhaitons exprimer toute notre reconnaissance et notre gratitude pour les nombreux actes héroïques accomplis par les soldats sur les plages normandes.

Je salue notre collègue Laurence Dumont, qui a pris l’initiative de proposer ce texte, dans une période politique qui n’est pas toujours facile, mais qui a besoin de connaître de vrais moments d’unité. Cette proposition de résolution en est un. Merci !

Ce texte est également un acte de mémoire pour les parlementaires, mais aussi pour tous les Français : nous n’oublierons jamais les événements de la Seconde guerre mondiale et l’importance qu’a joué le débarquement dans notre histoire.

La Normandie fait partie de ces régions françaises qui ont le plus souffert pendant cette guerre : Caen et Le Havre ont été transformées en de véritables champs de ruines après avoir été des champs de bataille sanglants.

Des villages entiers ont été rayés de la carte, faisant d’innombrables victimes civiles normandes. Cette région a joué un rôle crucial dans la victoire des Alliés et la libération de notre pays. Nous ne devons donc pas oublier ses souffrances.

Cette proposition de résolution s’inscrit enfin parfaitement dans le cycle mémoriel de la Seconde guerre mondiale, qui a débuté le 4 octobre dernier avec la commémoration du soixante-dixième anniversaire de la libération de la Corse. De nombreuses cérémonies doivent encore avoir lieu jusqu’en 2018 pour commémorer à la fois les événements de la Première et ceux de la Seconde guerre mondiale. Une politique mémorielle solide et affirmée est évidemment indispensable pour l’unité de notre pays et, dans ce sens, les deux cycles mémoriels prévus sont de première importance.

En effet, bien plus qu’une simple célébration du soixante-dixième anniversaire du débarquement, cette proposition de résolution soulève la question de notre cohésion nationale. Se rassembler autour d’un événement aussi fondateur de notre démocratie moderne nous semble particulièrement important dans un contexte de repli communautaire dangereux et souvent dévastateur.

La France a la chance de pouvoir se réunir, de manière consensuelle, autour des grandes questions mémorielles, ce qui n’est pas le cas de tous les pays. Profitons donc de cette chance pour nous rappeler qu’une mémoire commune et vivante est le ciment de toute unité nationale !

Pour autant, cette proposition de résolution ne se veut pas uniquement symbolique. En effet, ce texte a également pour objet de renforcer le lien intergénérationnel, en remerciant les jeunes qui s’impliquent dans les manifestations commémoratives liées au débarquement. La mobilisation doit évidemment être générale lorsque l’on parle de politique mémorielle. Cependant, il nous semble que l’accent doit être mis en particulier sur notre jeunesse française, qu’il faut impérativement continuer d’éduquer au devoir de mémoire et à notre histoire commune.

Alors que le dernier Poilu s’est éteint il y a déjà six ans, et que les anciens combattants survivants sont de moins en moins nombreux, il est de notre responsabilité d’assurer la transmission de la mémoire de ces événements aux plus jeunes générations, en priorité. Elles qui représentent notre avenir doivent être les dépositaires d’un passé douloureux que personne ne doit oublier. Si nous ne voulons pas que les mêmes erreurs se reproduisent, nous devons faire ensemble un solide travail de mémoire. Ce texte va ainsi dans le bon sens en cherchant à sensibiliser la jeunesse française.

Cette proposition de résolution rappelle également, à juste titre, l’implication des forces alliées. En effet, les commémorations doivent s’organiser de manière multilatérale, car la Seconde guerre mondiale a réuni plusieurs pays, et c’est la solidarité entre ces pays qui a permis la victoire. À l’heure où des voix s’élèvent contre l’Europe, où les extrêmes gagnent du terrain et où le doute semble se répandre parmi nos concitoyens, nous ne devons jamais oublier que l’Europe s’est faite, d’abord et avant tout, pour assurer la paix entre les pays ennemis. Si, aujourd’hui, cette période de notre histoire nous semble lointaine, nous devons sans cesse nous rappeler qu’il y a seulement soixante-dix ans la guerre faisait rage. C’était hier.

Sans la construction de l’Union européenne, sans la conviction de grands hommes tels que Jean Monnet, le général de Gaulle ou Konrad Adenauer, nous ne connaîtrions peut-être pas cette paix, que nous considérons pourtant aujourd’hui comme un acquis absolu. « L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre. » Ces mots de Robert Schuman, prononcés le 9 mai 1950, doivent continuer de résonner en nous.

À la veille des élections européennes, nous devons chaque jour rappeler à nos concitoyens que l’Europe est notre bien le plus précieux. Déconstruire aujourd’hui l’Europe serait notre plus grande erreur. Nous devons au contraire la renforcer afin de libérer tout le potentiel que voyaient en elle les pères fondateurs.

Une Europe plus proche de ses citoyens, une Europe plus humaine, plus sociale : c’est cela que le groupe UDI appelle de ses vœux. Il ne tient qu’à nous de réaliser cette Europe, avec conviction et courage. À l’UDI, nous savons que l’Europe est la bonne échelle pour apporter des réponses efficaces dans la lutte contre la spéculation financière, le dérèglement climatique, la dégradation de la biodiversité… Il est temps de redonner à l’Europe un nouveau souffle.

Plus largement, nous devons également avoir à l’esprit d’autres mots, si justes, de Robert Schuman : « La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. » Prononcés il y a près de soixante-dix ans, ils sont aujourd’hui d’une actualité frappante. Oui, nous devons, aujourd’hui, plus que jamais, avoir le courage d’agir pour préserver ce bien si précieux qu’est la paix.

Mes chers collègues, bien entendu, et vous l’aurez compris, le groupe UDI votera en faveur de cette proposition de résolution. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Six heures trente, le 6 juin 1944, les premières troupes alliées débarquent à Utah, à Omaha, puis sur Gold, Juno et Sword. La bataille de Normandie n’a pas commencé exactement à six heures trente ; elle avait déjà commencé dans la nuit, lorsque des troupes aéroportées furent larguées sur le Cotentin, dans les marais, où la plupart périront, ou l’estuaire de l’Orne. Et déjà de lourdes pertes pour ce qui deviendra la plus grande opération militaire amphibie et aéroportée de l’histoire mondiale. Au soir du 6 juin, comme l’a rappelé Laurence Dumont, 10 000 hommes ont donné leur vie pour seulement quelques centaines de mètres de plage.

Dans les cinq mois qui suivent, pour vous donner une idée, rien que sur Utah Beach, 836 000 hommes débarquent, 222 000 véhicules, 725 000 tonnes de matériel. Cette bataille de Normandie se terminera le 25 août, par la libération de Paris, mais la guerre n’est pas finie pour autant. De ces fameuses plages de Normandie arriveront plusieurs divisions, comme la quatrième division d’infanterie, qui ira jusqu’en Allemagne et qui, aidée de certaines troupes, comme l’Easy Company de la 101e division, aura aussi comme lourde tâche de libérer les camps de concentration. Dans deux jours, nous commémorerons tous la vraie fin de la Seconde guerre mondiale.

Je reviens sur les propos de Serge Barcellini, conseiller auprès du secrétaire d’État aux anciens combattants et à la mémoire, Kader Arif, lors des premières assises du tourisme de mémoire le 25 mai 2011. Il nous expliquait que nous étions passés du tourisme du souvenir, du recueillement et des commémorations à un tourisme pédagogique encore empreint de patriotisme. Eh oui, il y a encore du patriotisme et de l’émotion. Vous pouvez, chers amis, vous rendre aux cimetières militaires britannique, à Bayeux, américain, à Colleville, allemand, à La Cambe, ou encore canadien ou polonais. L’émotion est là. Lorsque vous regardez l’âge des soldats sur les tombes, à La Cambe, ils ont seize, dix-sept ans, ou bien ce sont des vétérans et ils en ont cinquante.

C’est également l’histoire de familles, encore très vive dans les souvenirs. Je ne citerai que celle de Théodore Roosevelt junior, le fils du président, qui, à cinquante-sept ans, est le seul haut gradé à vouloir débarquer avec ses troupes sur les plages de Normandie. Il décède le 12 juillet et est enterré à Omaha. Le corps de son frère Quentin, pilote abattu en 1918, fut ramené près de lui à Omaha, face à la mer.

Après le tourisme du souvenir et le tourisme pédagogique, avec toutes les classes qui se rendent sur nos plages, ce dont je suis très heureuse car c’est ainsi que l’on transmet cette mémoire, nous entrerons très vite dans le tourisme d’histoire, où les plages se désacralisent et deviennent un élément du paysage touristique. Si nous pouvons aujourd’hui demander le classement des plages du débarquement au patrimoine mondial de l’UNESCO, c’est parce que les services de l’État, les collectivités territoriales, le Conservatoire du littoral et la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement se sont battus ensemble pour conserver l’intégrité naturelle de ces sites et conserver également l’esprit de mémoire. C’est ce qui permet à Laurent Beauvais, président du conseil régional de Basse-Normandie, de demander, en insistant encore et encore, le classement de l’ensemble des sites au patrimoine mondial.

Il y a également une évolution du message véhiculé : on parle moins de guerre et plus de paix et de fraternité. Le mémorial de Caen est le mémorial de la paix. Vainqueurs et vaincus sont rassemblés lors des commémorations, mais nous sentons bien que nous ne sommes pas encore totalement entrés dans cette dimension, car il faut reconnaître que commémorer avec les Allemands n’est pas accepté partout avec le même enthousiasme. Le temps y remédiera.

Les commémorations concernant les victimes civiles sont elles aussi récentes. Les photos d’archives des démolitions des villes normandes sous le bombardement allié, Caen, Lisieux, Saint-Lô, mais aussi Aunay-sur-Odon ou Évrecy, quasiment rayée de la carte, ne sont apparues que très récemment dans nos musées.

Et puis, on ne peut pas parler de ces plages et de ce débarquement sans évoquer les noms des hommes qui sont arrivés le 6 juin et après. Parmi eux, des noms intéressants comme Montgomery ou Disney, des noms de famille très normands, parce qu’ils étaient portés par les compagnons de Guillaume le Conquérant, partis de Normandie conquérir l’Angleterre. Ces hommes, près de mille ans plus tard, sont revenus pour libérer la patrie de leurs ancêtres. Disney, c’est tout simplement d’Isigny. Transformés avec les siècles, ces noms nous reviennent avec un doux accent américain.

Guillaume le Conquérant, c’est également la tapisserie de Bayeux, chef-d’œuvre qui raconte le premier débarquement amphibie de l’histoire mondiale. Amphibie parce que les chevaux étaient embarqués sur les bateaux avec l’infanterie ; les cavaliers deviendront des chars en 1944. Ce débarquement en sens inverse avait concerné plus de sept cents navires et des dizaines de milliers d’hommes. De cette conquête est né un chef-d’œuvre unique au monde, classé au registre « Mémoire du monde » de l’UNESCO, comme nous espérons que les plages le seront au patrimoine mondial.

Dans ce secteur des plages, les histoires se mélangent : XIsiècle, XXsiècle, ces périodes s’entrechoquent, car les Nazis veulent la tapisserie de Bayeux. Elle appartient à ce qu’ils appellent les racines aryennes de l’histoire de l’Europe. Des dizaines de milliers d’œuvres d’art seront pillées dans toute l’Europe, dans les musées, les églises, chez les particuliers, les collectionneurs et les galeries d’art ; les Nazis s’emparent de tous nos chefs-d’œuvre, pour les transporter, dans un but très précis, en Allemagne, pour le futur musée du Führer, qui heureusement ne verra jamais le jour.

Sur ces plages de Normandie, débarquent alors ceux qui s’appelleront les Monuments Men : 350 hommes venus de treize nations, spécialistes en histoire de l’art, conservateurs et directeurs de musée, architectes, archivistes. Ces hommes, engagés dans la septième armée, retrouveront des centaines de milliers d’œuvres d’art, sculptures, tapisseries, tableaux, retables, stockés dans un millier de lieux, mines de sel ou châteaux, en Allemagne et en Autriche. La plupart ont aujourd’hui été restituées mais il reste encore du travail, et c’est le thème de la mission que je dirige, avec mes collègues Marcel Rogemont, Michel Herbillon et Michel Piron, dans le but de faire des suggestions pour rendre aux héritiers de leurs véritables propriétaires les œuvres qui n’ont pas encore été restituées ou se trouvent encore dans les musées français.

Il était normal – et je salue Laurence Dumont pour cette très heureuse initiative –, à travers cette résolution, à laquelle le groupe écologiste s’associe pleinement, de rendre hommage aux soldats, aux Résistants, aux civils et à ces Monuments Men qui nous ont permis de vivre dans une Europe libre en conservant notre culture et notre histoire. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard.

M. Jacques Moignard. Monsieur le président, chers collègues, au début du mois de juin 1944 résonnent sur les ondes de la BBC les trois premiers vers du poème Chanson d’automne de Paul Verlaine, « Les sanglots longs / Des violons / De l’automne ». À l’adresse de la France libre, la signification de ce message codé est la suivante : le débarquement des forces alliées sur les plages normandes aura lieu au cours de la semaine. Et quand les trois vers suivants sont en boucle déclamés – « Blessent mon cœur / D’une langueur / Monotone » – l’offensive s’annonce imminente. C’est alors, après des jours de tempête, quand l’éclaircie s’annonce dans la Manche, que le général Eisenhower, commandant suprême des forces alliées, décide de lancer, dans la nuit du 5 juin, l’opération Overlord. Composée de plus de 150 000 hommes, cette armada, la plus importante de l’histoire, s’apprête à poser le pied sur le sol de la France occupée.

Ainsi, peu après minuit, en ce 6 juin 1944, les paras sautent dans la nuit. À l’ouest, ce sont les Américains pour contrôler les axes routiers autour de Carentan et ralentir les futures contre-attaques allemandes à la suite du débarquement. À l’est, ce sont les paras britanniques chargés de capturer sans les détruire une dizaine de ponts pour sécuriser l’invasion des contre-attaques allemandes, comme le pont de Pegasus Bridge près de Bénouville, aidés par des batteries capables d’ouvrir le feu à très longue distance, comme la batterie de Merville. Non sans mal, les objectifs sont atteints : les Allemands sont désorientés et les communications ne passent plus ; mais sur 18 000 parachutistes, la moitié est tuée. Et bientôt, ce sont 5 000 navires de toutes tailles qui approchent. Nécessaires au transport de troupes et de matériel, ils parcourent pendant la nuit le trajet qui sépare l’Angleterre de la Normandie. Les navires de guerre escortent les navires de transport et se déplacent en colonnes. Ils sont protégés par des ballons captifs qui empêchent d’éventuels avions ennemis de voler en rase-motte. C’est un succès : un seul bateau allié est coulé avant le débarquement, le Svenner, torpillé par des vedettes rapides allemandes. À l’aube du 6 juin 1944, l’assaut se déroule sur les plages situées entre La Madeleine, dans la Manche, et Ouistreham, dans le Calvados. Elles sont cinq et répondent aux noms de codes de Utah BeachOmaha Beach, où débarquent les Américains, de Gold Beach, Juno BeachSword Beach, où débarquent les Anglo-Canadiens. À huit heures, toutes les premières vagues d’assaut sont débarquées. À l’exception d’Omaha Beach, les plages sont conquises dans les minutes qui suivent.

Aussitôt se met en place une véritable course contre la montre : les troupes doivent être au plus vite approvisionnées en carburant, en armes et en munitions, ainsi qu’en vivres et en vêtements. L’ingéniosité technique des Alliés est édifiante : deux ports artificiels sont alors construits afin de faciliter le transfert des approvisionnements, le port d’Arromanches et le port de Saint-Laurent. Le rythme de déchargement de matériels ne va pas alors cesser d’augmenter. Un pipeline sous-marin est installé : il relie l’Angleterre aux côtes normandes et approvisionne les troupes alliées en carburant. L’armée allemande, surprise dans un premier temps de ce débarquement qu’elle attendait dans le Pas-de-Calais, réagit avec pugnacité. Dès lors, la bataille de Normandie s’engage. La bataille de la liberté est en marche ! Les combats terrestres sont acharnés, tandis que les villes sont les cibles systématiques des bombardements de l’aviation alliée, en particulier Saint-Lô, Falaise et Caen. Au soir du 6 juin, l’opération Overlord est un succès ; mais le « jour J » s’achève – il s’éteint en fait – avec 10 000 jeunes vies sacrifiées, sacrifiées pour notre liberté. Ces jeunes vies sont pour beaucoup américaines et canadiennes, mais aussi – et il faut le dire – belges, polonaises, néerlandaises, tchèques, australiennes, danoises, norvégiennes, néo-zélandaises, luxembourgeoises et grecques – toute l’Europe en somme, et bien au-delà.

À leur côté, la France libre joua un rôle décisif. Elle était représentée dans cette opération terrestre par le 1er bataillon de fusiliers marins du lieutenant de vaisseau Kieffer débarqué à Sword les Britanniques. Ce commando de 177 hommes, qui avaient rejoint le général de Gaulle dès 1940, s’est illustré par un fait d’armes héroïque en s’emparant du casino de Ouistreham farouchement défendu par les Allemands. À eux doivent s’ajouter la dizaine de Français libres parachutés au-dessus de la Bretagne pour effectuer des actions de sabotage et les quatre bateaux de guerre français qui ont participé aux bombardements de la côte et aux ravitaillements. Cette victoire en Normandie, on la doit aussi à cette armée des ombres, à cette vaillante résistance française, qui en transmettant des renseignements en Angleterre, en sabotant des chemins de fer, en détruisant des lignes téléphoniques et en installant des mines anti-chars sur les routes a permis de perturber les transmissions et les arrivées des renforts allemands.

Tous ces hommes ont fait de cette bataille une victoire stratégique et essentielle de la Seconde Guerre mondiale. Sans cette victoire, les divisions allemandes, envoyées en renfort contre les troupes alliées, n’auraient pas quitté en nombre le front russe, permettant aux Soviétiques de se ressaisir. Sans cette victoire, la libération de la France ne pouvait s’engager de manière efficace et rapide, avec le débarquement en Provence quelques semaines plus tard et la libération de Paris le 25 août. Sans cette victoire, le 8 mai 1945 l’Allemagne ne capitulait pas. Soixante-dix ans ont passé et dans nos mémoires, dans nos cœurs, notre reconnaissance est immense et intacte, car ces hommes nous ont offert un avenir de liberté, de paix et de réconciliation.

Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste apporte donc tout son soutien à cette proposition de résolution. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je salue la présence dans les tribunes de M. Léon Gautier, qui a vécu le Débarquement. Monsieur Gautier, merci ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

Née des conditions faites aux vaincus de la Première guerre mondiale par les traités de Versailles et de Trianon, de la crise économique des années 1930, de la montée de l’extrême-droite et des ambitions expansionnistes de l’Allemagne nazie, de l’Italie fasciste et de l’empire du Japon, la Seconde Guerre mondiale constitue le plus grand conflit armé que l’humanité ait connu. Elle mobilisa plus de 100 millions de combattants de plus de soixante nations, déployant les hostilités sur 22 millions de km2 et tuant 62 millions de personnes, dont une majorité de civils. N’opposant pas seulement des nations, la Seconde Guerre mondiale fut la lutte de l’humain contre la barbarie. Elle divisa des peuples entre collaboration et résistance. Cette guerre gomma la séparation entre le civil et le militaire et vit, dans les deux camps, la mobilisation poussée non seulement des ressources matérielles, économiques, humaines et scientifiques, mais aussi morales et politiques, dans un engagement total.

La somme des dégâts matériels dépasse les destructions cumulées de l’ensemble des conflits précédents. Pour la première fois, la bombe atomique fut utilisée : deux bombes larguées sur des cibles civiles par les États-Unis ont explosé à Hiroshima et à Nagasaki, au Japon. La violence prit des proportions inédites, avec de multiples crimes de guerre, et fut à l’origine de la création de cette notion de « crime contre l’humanité » définie au procès de Nuremberg. Cette guerre vit l’émergence, à une échelle inconnue jusqu’alors, de crimes de masse particulièrement atroces et pour certains sans précédents – pensons à l’expression horrible d’« extermination finale ». Parmi ces crimes figure la déportation en camps de concentration, de travail et d’extermination de populations entières – Juifs et Tziganes. Des catégories de la population, comme les homosexuels, les Slaves, les communistes ou les handicapés, ont été massacrés.

Il fallait une action décisive pour arrêter la barbarie nazie et la folie des pays de l’Axe. Il fallait une action décisive pour arrêter l’occupation de la France. Le 6 juin 1944, les Alliés réussissent le plus grand débarquement de l’histoire sur les plages de Normandie, connu sous le nom d’opération Overlord. Le débarquement du jour J a réuni environ 155 000 membres des forces expéditionnaires alliées, dont 31 000 Américains, 5 000 navires et plus de 11 000 sorties des avions alliés. Les Alliés prennent les Allemands par surprise et ouvrent enfin le second front, celui de l’ouest, réclamé par les Soviétiques. Malgré l’exploit logistique que constitue le débarquement, l’armée hitlérienne parvint à contenir les Anglo-Saxons en Normandie pendant plus de dix semaines dans une longue bataille d’usure dite bataille de Normandie. Cela dura jusqu’à ce que la percée d’Avranches du 31 juillet 1944 ouvre la voie de la Bretagne et prenne les troupes allemandes à revers en les encerclant dans la poche de Falaise.

Au cours du premier jour du débarquement, les forces alliées ont compté plus de 10 000 morts, dont 6 000 pour les seules troupes américaines. Le monde a une dette de reconnaissance et de gratitude envers les membres de cette génération qui ont assumé la lourde tâche de nous libérer du joug des régimes nazi et fasciste et de rétablir la liberté en Europe. Le 6 juin 2014 marque le soixante-dixième anniversaire du jour J, de l’assaut lancé en Normandie, en France, par les troupes alliées, notamment américaines, britanniques, canadiennes et françaises. Le grand âge des derniers anciens combattants survivants et la disparition progressive de toute mémoire vivante de la Seconde Guerre mondiale et des opérations de débarquement en Normandie font qu’il est nécessaire d’accroître les activités destinées à transmettre la mémoire de ces événements, en particulier aux jeunes générations.

La résolution évoque dans les considérants « la participation décisive de la Résistance française à la libération de la France ». Citons le général Eisenhower, dans ses Mémoires sur la Deuxième Guerre mondiale : « Pendant toute la campagne de France, les hommes des Forces Françaises Libres ont joué un rôle particulièrement important. Ils ont été extrêmement actifs en Bretagne, et en tous points du front, ils nous ont aidés de mille façons. Sans eux, la libération de la France et la défaite de l’ennemi en Europe occidentale auraient été bien plus longues et nous auraient coûté davantage de pertes ». Je vous parlerai aussi du débarquement du 15 août en Provence. Les objectifs étaient de libérer Toulon, Marseille puis de remonter le Rhône jusqu’à effectuer la jonction avec les forces de l’opération Overlord débarquées en Normandie. L’armée française de la Libération était fortement mobilisée : on comptait 230 000 Français dans ce débarquement. Les unités navales françaises jouèrent un grand rôle dans le Var, à côté de l’infanterie américaine. Rappelons que la participation de la Résistance française a été décisive à la libération de la France ! La France ne fut pas absente des combats, avec le 1er bataillon de fusiliers marins commandos, sous le commandement du capitaine Kieffer, et le régiment de chasse « Normandie-Niemen » à l’est.

Considérons aussi – mais cela n’est pas écrit dans la résolution – que la victoire en Normandie a été rendue possible par le sacrifice de millions de soldats et de civils soviétiques sur le front de l’est. L’opération Overlord, d’une extrême complexité militaire, a pu se développer grâce à l’action à l’est de l’Armée rouge, qui empêcha les renforts nazis sur nos côtes, renforts qui auraient pu rejeter le corps expéditionnaire allié à la mer. L’offensive de l’Armée rouge joua un rôle déterminant dans la victoire de la bataille de Normandie. Le 22 juin 1944, alors que le front de l’ouest est ouvert depuis la Normandie, elle lance la plus grande offensive de son histoire, l’opération Bagration, qui permet de libérer la Biélorussie en quelques semaines, d’entrer en Prusse-Orientale et en Pologne jusqu’aux faubourgs de Varsovie. Déjà, au début de l’année 1943, les Allemands subissent sur le front oriental une très lourde défaite à Stalingrad. Les premiers revers qui entamèrent l’invincibilité de l’armée allemande et qui enclenchèrent ses retraites sont les batailles de Stalingrad puis de Koursk.

Il est important que la France marque cet anniversaire par des cérémonies et des programmes adaptés pour rendre hommage à ces hommes et à ces nations qui ont libéré l’Europe de la barbarie, mais il ne faudrait oublier personne. On ne peut contester que la débâcle de l’Allemagne résulte de l’ensemble des combats menés par les principaux alliés, l’Amérique, l’Angleterre et l’URSS, ainsi que par la Résistance française. C’est la conjugaison de leurs coups de boutoirs, c’est la prise en tenaille de l’ennemi, qui permirent la victoire. Souvenons-nous également de la contribution lourde en pertes humaines, tant civiles que militaires, de l’URSS. À elles seules, ses pertes militaires représentent 88 % du total de celles des Alliés en Europe. Nous pensons donc que ce soixante-dixième anniversaire doit être l’occasion d’associer toutes les forces alliées qui ont contribué à l’écrasement du nazisme. Une pétition de soutien pour l’invitation du représentant de la Russie a été lancée. Il s’agit d’inviter l’autorité territoriale continuatrice de l’URSS à participer à cette cérémonie qui rappelle le début de l’effondrement définitif du régime nazi.

Cela étant dit, nous devons bien entendu exprimer notre gratitude et notre reconnaissance aux membres des forces armées alliées anglo-saxonnes qui ont participé aux opérations du « jour J ». Nous devons remercier solennellement tous les participants pour leur implication dans les manifestations commémoratives du débarquement en Normandie, continuer nos efforts pour sensibiliser les jeunes générations aux actes d’héroïsme accomplis et aux sacrifices consentis par les libérateurs. Les députés du groupe GDR voteront sans surprise la proposition de résolution présentée par notre collègue Laurence Dumont. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Monsieur le président, madame la vice-présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis de nous retrouver unis autour de cette proposition de résolution qui exprime la gratitude et la reconnaissance de l’Assemblée nationale pour ces actes d’héroïsme, ces actions militaires des forces alliées le 6 juin 1944, le fameux D Day, jour du débarquement tant attendu. Je m’en réjouis d’autant plus que j’en assume une part de la paternité. L’idée a en effet germé en janvier dernier, lors d’un déplacement à Washington avec le conseil régional de Basse-Normandie – dont je salue le président présent dans les tribunes –, un déplacement qui réunissait des élus de toutes sensibilités et surtout un groupe de jeunes élèves du lycée Sivard de Beaulieu – bien représentés également aujourd’hui, autour de leur professeur Patrick Fissot. Cette proposition de résolution a pris corps dans les bâtiments du Sénat américain, et elle a été développée auprès de l’ambassadeur de France aux USA, François Delattre.

Je me réjouis du retour d’une unité qui avait été quelque peu malmenée ici il y a quelques semaines, le 20 février, lors de l’examen d’une proposition de loi du groupe UMP, dont j’étais l’auteur, et qui visait à reconnaître le caractère nationale de la Voie sacrée, associée à la bataille de Verdun durant l’année 1916. On nous disait que nous cherchions à instrumentaliser. En regardant en arrière,…

M. Patrick Lemasle. Regardez devant !

M. Philippe Gosselin. …je constate que tout cela n’était que de petits anathèmes qui n’ont plus lieu d’être, et l’unité d’aujourd’hui me réjouit au-delà de toute polémique. Tant mieux ! Nous sommes unis.

M. Éric Straumann. Très bien !

M. Philippe Gosselin. Le soixante-dixième anniversaire du D Day mérite l’unité de la nation.

Élu d’une circonscription qui comporte Utah Beach, Sainte-Mère-L’Église, Carentan, Montebourg, Saint-Lô, ville chevalier de la Légion d’honneur, et tant d’autres communes de La Manche qui ont souffert, ce qui leur a valu la Croix de guerre, je mesure la gratitude que nous devons aux Alliés. Je salue d’ailleurs tout particulièrement les représentants des pays amis présents cet après-midi dans les tribunes. Oui, messieurs, soyez remerciés pour ce qui a été fait !

La représentation nationale a bien raison d’exprimer sa gratitude et sa reconnaissance car la guerre n’est jamais désincarnée, elle est faite avec la chair des hommes et des femmes, des militaires mais par conséquent aussi, hélas, des civils ; elle n’est pas seulement stratégie de précision militaire, stratégie élaborée par les États-majors et validée par le pouvoir politique : elle est également l’incarnation d’hommes et de femmes. Ce 6 juin, ils venaient comme vous, monsieur Gautier, d’Europe, je pense à la Pologne, au Royaume-Uni et à d’autres États encore, de territoires que l’on appelait toujours ceux des empires coloniaux, et ils venaient aussi des États-Unis, du Canada, avaient vingt ans, parfois moins ; avec eux, avec vous, a soufflé le vent de la liberté. Je ne peux m’empêcher d’y penser souvent, avec un sentiment si particulier qui m’étreint à chaque cérémonie, à chaque fois que retentissent les hymnes, à chaque regard croisé de vétérans, à chaque poignée de mains échangées, à chaque rencontre avec eux… avec vous.

Le 6 juin 1944 demeure à jamais l’une des dates les plus emblématiques et les plus éclatantes de la Seconde guerre mondiale. C’est des plages normandes que l’opération militaire la plus phénoménale de tous les temps, de par les forces en présence et les moyens engagés, a débuté. La bataille de Normandie, qui deviendra, selon la formule du général de Gaulle, « la bataille de France », a été ce temps fort extraordinaire qui a marqué le début de la fin de la dictature nazie et des atrocités du IIIReich. Dans son sillage, les Résistants se sont levés, les réseaux activés, les Français réveillés. Oui, le 6 juin 1944, les Français du commando Kieffer étaient bien au rendez-vous, cher Léon Gautier. C’est aussi de Saint-Martin-de-Varreville, sur les côtes normandes, que s’écrira le début de l’épopée de la 2DB, qui marchera vers Paris, vers Strasbourg et vers Berlin.

Mais n’occultons pas certaines difficultés d’alors, les sentiments où se mêlaient parfois pleurs et joie dans les jours qui vont suivre le D Day, tant les bombardements ont été intensifs : Saint-Lô, capitale des ruines, Caen, Aunay-sur-Odon, Falaise, autant de noms de villes martyres. Les victimes civiles se comptent par milliers ; je pense à une de mes arrière-grands-mères, première victime civile de Sainte-Mère-L’Église. Des cités, des mairies, des écoles sont détruites, des milliers d’habitations et de fermes rasées. Mais il y a aussi toutes ces mains tendues pour applaudir les libérateurs, les premiers chewing-gums, les premières notes de jazz, ces sourires, ces embrassades et le drapeau français, celui des couleurs de la République revenue, qui flottait à nouveau fièrement. Tous les témoins se souviennent de ces heures parfois sombres et pourtant si rayonnantes.

Le D Day sur les plages normandes, avec ses milliers de soldats tués, ses blessés, ne doit pas non plus faire oublier les efforts et les sacrifices consentis par les Alliés les jours et les semaines suivantes. Le débarquement n’était qu’une première étape. Tous les vétérans le disent : si l’arrivée sur le sable normand fut épouvantable, le verdoyant bocage normand ne le fut pas moins lors de ce que l’on a appelé « la guerre des haies » ou « la bataille des haies », véritable guerre de position qui n’est pas sans rappeler par certains aspects celle de Verdun.

C’est tout cela que nous voulons aujourd’hui mettre en avant pour en retenir les leçons de courage, de sacrifice, d’abnégation, et c’est pourquoi nous vivrons avec autant d’intensité, dans un mois, les cérémonies du 6 juin.

Ils avaient vingt ans. Vous aviez vingt ans. Ils ne connaissaient, le plus souvent, rien de nos côtes, parfois même de notre pays. Ils ont donné, et vous aussi, leur jeunesse, le meilleur d’eux-mêmes, allant souvent jusqu’au sacrifice suprême. Leur sang est à jamais mêlé à notre terre normande, au sens physique du terme car c’est ce sang versé qui l’a enrichie, et de cette terre qu’ont germé la liberté et la démocratie retrouvées ! Il importe de poursuivre les récoltes, de semer régulièrement, mais cette fois de façon symbolique. Tel est l’objet de cette proposition de résolution. Voilà pourquoi je la soutiens et pourquoi je suis heureux de confirmer que le groupe UMP, auquel j’appartiens, la soutient lui aussi. C’est en effet un hommage unanime de la nation.

Pour conclure, je tiens à dire aussi que c’est l’occasion de rappeler que le flambeau de la mémoire se transmet par les jeunes. J’aime ce symbole que représentent des lycéens, des collégiens, qui vont au-devant des vétérans, des anciens, recueillir leur témoignage. C’est un relais entre les générations, au premier sens du terme. Soulignons au passage la singularité des relations entre la Normandie et les États-Unis : même au plus fort des différends entre nos deux pays liés à la guerre en Irak, notre région et ses habitants ne furent jamais des contempteurs de notre allié d’outre-Atlantique. Cette exemplarité des sentiments comme des lieux, de la grande histoire comme des petites histoires nées du débarquement qui s’y sont écrites, mérite d’être matérialisée par cette résolution mais aussi par l’inscription des plages du débarquement au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette résolution sera en effet l’occasion de redire que cette paix et cette liberté si durement acquises sont un bien commun de l’humanité, un bien qui ne connaît pas les frontières, mais un bien pourtant si fragile… Soyons donc des veilleurs, chacun à notre place, et réjouissons-nous, au moment de l’examen de cette proposition de résolution, de voir que les ennemis d’hier sont désormais unis, que la France et l’Allemagne sont des amis et que les corps mêlés dans la terre normande sont pour toujours le terreau de la paix et de la liberté. C’est un beau symbole que ce texte examiné à la veille des élections européennes du 25 mai 2014 : oui, que vive cette Europe réconciliée, réunie, gage de paix et de confiance retrouvées, une Europe définitivement tournée vers l’avenir, et que vive à jamais le sacrifice de ceux qui nous ont libérés ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. Kader Arif, secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire. Monsieur le président, madame la vice-présidente, mesdames, messieurs les députés, et monsieur Léon Gautier, vous qui nous faites l’amitié de votre présence aujourd’hui, permettez-moi de vous dire mon plaisir et ma fierté de m’exprimer devant vous. Dans la fonction qui est la mienne, j’essaye, avec modestie je le crois, jour après jour, déplacement après déplacement, cérémonie après cérémonie, d’être à la hauteur de l’histoire de notre pays, une histoire, mesdames, messieurs les députés, que vous incarnez et que vous transmettez car vous êtes des élus de la République, représentants du peuple français.

Cette résolution va constituer un geste politique symbolique fort pour notre pays et pour l’homme que je suis dans ces fonctions. Elle s’inscrit aussi dans une démarche souhaitée par le président de l’Assemblée nationale de la voir prendre toute sa place dans ce grand cycle mémoriel.

Madame la vice-présidente, vous êtes en cet après-midi le porte-voix d’un texte à la solennité toute particulière : il s’agit de la reconnaissance, par l’Assemblée nationale française, des sacrifices des soldats alliés qui libérèrent la France et l’Europe du joug nazi. Vous auriez pu, mesdames, messieurs les députés, vous contenter de n’en faire qu’une résolution franco-française, mais vous avez souhaité, pour lui donner encore plus de force, en faire un moment de fraternité et d’unité car elle sera votée, dans quelques semaines, par le Congrès américain. Ce texte n’est pas seulement un remerciement adressé à une jeunesse qui a donné sa vie pour nous libérer, mais aussi un message aux citoyens du monde, leur disant que nous n’oublions pas.

J’ai souhaité, selon la volonté du Président de la République, que le cycle commémoratif exceptionnel qui s’ouvre devant nous soit un cycle populaire, que chaque Française, chaque Français puisse y prendre sa part et le vivre de la plus belle des façons. C’est aussi le souhait du chef du Gouvernement et du ministre de la défense, avec lequel je travaille, et plus largement de l’ensemble du Gouvernement car, comme vous tous, chaque ministre, chaque secrétaire d’État est concerné, impliqué. Je trouve que le message que vous adressez aujourd’hui est une belle réponse car c’est un magnifique appel populaire.

Le 6 juin à Ouistreham, à quinze heures, dix-huit nations dont la nôtre, représentées par leurs plus hautes autorités, participeront à une cérémonie internationale. Celle-ci sera accompagnée de huit cérémonies binationales réparties sur deux jours, les 5 et 6 juin, auxquelles s’ajouteront dix-sept cérémonies nationales. Le 6 juin, à quinze heures, près d’un milliard de téléspectateurs à travers le monde suivront la cérémonie en direct.

Le 6 juin est une date inscrite dans nos mémoires depuis que nous sommes enfants, mais les cérémonies autour du débarquement ne se limitent pas à cette date : près de huit millions de personnes, venues de France et d’ailleurs, parcourront la Normandie pour découvrir plus d’un millier de projets labellisés, fruits d’un formidable travail de terrain, au plus près, mis en œuvre par les collectivités locales et leurs élus, nourri par le monde éducatif et associatif, enrichi par la dimension culturelle, et ils démontrent l’appétence de nos concitoyens pour cette partie de notre histoire. Par exemple, le 26 avril dernier, près de 4 500 scouts, venus du monde entier, étaient présents sur la terre normande ; le 22 août, nous commémorerons, dans l’Orne, la fin de la bataille de Normandie, qui aura duré soixante-dix-huit jours. Il faudra continuer à savoir ensemble relier ces projets, y participer, accueillir de la plus belle des manières ces millions de femmes et d’hommes que j’ai évoqués. Parmi eux, il y aura des vétérans, qui viendront, encore une fois, avec leur courage, participer à cette page d’histoire qu’ils ont eux-mêmes écrite. Ils seront accueillis avec chaleur, sincérité et émotion par une population normande qui a toujours agi ainsi, par cette population civile qui elle-même garde, enfouies dans les mémoires personnelles ou familiales, des traces douloureuses et violentes d’un espoir retrouvé mais payé au prix du sang et des bombes. Cette histoire a déjà soixante-dix ans. Elle peut paraître lointaine pour une génération comme la mienne, qui n’a pas connu la guerre, mais se souvenir, c’est donner sens à son passé, se souvenir, c’est aussi comprendre notre présent, et pouvoir ainsi continuer à bâtir notre avenir en rêvant.

Je ne reviendrai pas en détail sur la mémoire de cette page de notre histoire car vous en avez tous parlé, avec vos mots, rendant compte de toute sa richesse et de toute sa complexité. J’étais la semaine dernière en Normandie, à Caen et à Ouistreham, pour superviser l’organisation qui nous permettra de faire du 6 juin et de l’ensemble des dates commémoratives une réussite : c’est l’image de la France qui est en jeu. Je tiens à souligner ici, devant vous, l’immense travail réalisé sur place par tous les acteurs au sein d’un comité de pilotage présidé par Laurent Beauvais et par le préfet de région, par tous les élus, quelle que soit leur appartenance partisane, par les représentants de l’État, par les collectivités locales, par le monde militaire, le monde associatif dans toutes ses composantes ainsi que par le monde éducatif, et je tenais à les remercier devant vous aujourd’hui.

Je rencontre partout la mémoire du débarquement : en Normandie bien sûr et ailleurs en France, quels que soient les territoires ou les terroirs, mais aussi sur le plan international, dans tous les pays cités par Laurence Dumont, et, pour ma part, je l’ai rencontrée en Pologne, au mois d’avril 2013, lorsque je me suis entretenu avec des vétérans polonais. Je rappelle que 21 400 d’entre eux ont fait la bataille de Normandie et payé un lourd tribut, notamment lors des combats de la poche de Falaise.

Cette mémoire, je l’ai rencontrée au Canada, devant le monument commémoratif d’Ottawa : 1 200 soldats canadiens sont tombés sur le sol normand au soir du 6 juin.

Cette mémoire, je l’ai rencontrée en Grande-Bretagne où je me suis rendu en septembre 2012. La Grande-Bretagne a vu plus de 1 000 de ses fils tomber sur le sable normand.

Je l’ai rencontrée bien sûr aux États-Unis, aux côtés du Président de la République dernièrement, lorsqu’il a décoré de la Légion d’honneur à titre posthume le soldat inconnu américain de la Deuxième guerre mondiale au cimetière d’Arlington. Quelques heures plus tard, à la demande de Laurent Beauvais et des élus de Normandie, j’ai pu remettre au musée du cimetière national américain une urne contenant du sable de ces plages d’Omaha Beach et de Utah Beach où ces jeunes soldats américains sont venus donner leur jeunesse et leur vie, parfois des milliers en quelques heures.

Ce lien entre les États-Unis et la France est indéfectible, nourri par l’histoire. Cette alliance nouée dans les guerres est devenue une amitié cimentée dans la paix. Cette alliance a toujours eu un but : la liberté et avec elle la paix, ces messages que porteront nos jeunesses tout au long des commémorations prochaines.

La Normandie dont je salue les habitants incarne cela : elle est cette terre à la croisée de laquelle se rencontrent la mémoire internationale et la mémoire locale ; elle est ce lieu où le Président de la République rappellera, comme l’ont fait tous ses prédécesseurs, la reconnaissance éternelle de la France aux nations alliées venues combattre sur son sol, il y a soixante-dix ans.

Je veux aussi évoquer la mémoire française, comme vous l’avez déjà fait, celle des résistants qui ont permis de préparer au mieux ce débarquement, celle des victimes civiles auxquelles un hommage particulier sera rendu par le Président de la République lors des commémorations – 3 000 civils sont morts le 6 juin 1944 –, mais aussi celle des 177 commandos comme le commando Kieffer, parfois oublié, qui a débarqué ce 6 juin 1944.

Soldats valeureux, hommes nobles, citoyens humbles et modestes. J’éprouve toujours une émotion intense quand je rencontre ces hommes, ou des hommes comme Léon Gautier que j’ai vu il y a seulement quelques jours. Ils refusent d’être des héros mais ils refusèrent aussi d’être relevés pendant les soixante-dix-huit jours de la bataille de Normandie, parce qu’ils étaient français.

Vous n’aviez que vingt et un ans, cher Léon Gautier. Vous êtes cette mémoire de chair que nous avons envie de garder le plus longtemps possible.

Au matin du 6 juin 1944, le général de Gaulle lançait dans un discours radiodiffusé : « Derrière le nuage si lourd de notre sang et de nos larmes, voici que reparaît le soleil de notre grandeur. » Après quatre années d’occupation qui avaient conduit tant de millions de femmes, d’hommes et d’enfants dans les camps de concentration, et tant d’autres sur le chemin de l’exode ou de l’exil, le 6 juin est ce ciel qui s’entrouvre.

Je vous ai écoutés, mesdames et messieurs les députés. Toutes vos interventions ont été faites dans un esprit de cohésion nationale, et je m’en réjouis.

Pour conclure mon propos, je rappellerai la phrase d’un homme qui a été un formidable écrivain mais aussi un compagnon de la Libération, Romain Gary. Il disait : « Le patriotisme, c’est l’amour des siens, le nationalisme c’est la haine des autres. »

Aujourd’hui, je suis sûr que vous voterez à l’unanimité pour ce texte comme vous l’avez annoncé, parce que vous êtes tout d’abord des patriotes. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Vote sur la proposition de résolution

M. le président. Je mets aux voix la proposition de résolution.

(La proposition de résolution est adoptée à l’unanimité.)

(Applaudissements sur tous les bancs.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente



Mme la présidente. La séance est reprise.

4

Fixation de l’ordre du jour

Mme la présidente. La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté les propositions d’ordre du jour suivantes pour la semaine de contrôle du 26 mai 2014 :

Débat sur l’industrie aéronautique française ;

Débat sur la réforme territoriale ;

Débat sur le rapport du CEC sur l’accueil des demandeurs d’asile ;

Débat sur le contrôle des lieux de privation de liberté ;

Questions au ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique ;

Débat sur les politiques européennes contre le réchauffement climatique.

Il n’y a pas d’opposition ? Il en est ainsi décidé.

5

Nomination d’un député en mission temporaire

Mme la présidente. Le président a reçu du Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger M. Pierre Moscovici, député du Doubs, d’une mission temporaire auprès de lui.

6

Infrastructures de recharge de véhicules électriques

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux, Mme Frédérique Massat, MM. François Brottes, Jean Grellier, Mmes Fanny Dombre Coste et Béatrice Santais et plusieurs de leurs collègues facilitant le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public (nos 1820, 1882).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat, rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Frédérique Massat, rapporteure de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, chers collègues, la France a la volonté d’amorcer le redressement son industrie et de montrer la voie de l’exemplarité énergétique et environnementale.

Le développement de la voiture électrique se situe au croisement de ces deux objectifs phares.

La voiture électrique est d’abord un formidable pari industriel. Elle repose sur la maîtrise du stockage de l’énergie et impose de repenser l’automobile pour l’adapter à de nouvelles contraintes. Les constructeurs français sont aux premiers rangs de cette étape nouvelle de l’histoire des transports.

C’est aussi l’un des piliers de la transition énergétique. Toute transition part du présent. Le présent énergétique de la France, c’est une consommation trop importante de produits pétroliers dans le secteur des transports. Ce secteur représente 32 % de la consommation finale d’énergie sur notre territoire, mais 70 % de la consommation de pétrole. La seule facture pétrolière s’élevait à 55 milliards d’euros en 2012.

La transition énergétique, c’est aussi poser les jalons vers un nouveau paradigme énergétique. Pour beaucoup, la voiture électrique en est le chaînon manquant.

Lorsque la France disposera d’un parc de plusieurs millions de véhicules électriques, ce sera autant de batteries capables de stocker l’électricité produite de façon intermittente par les moyens de production renouvelables. Nous devrons alors construire un nouveau modèle énergétique pour permettre à chaque propriétaire de véhicule, en fonction des heures de pointe ou des heures creuses, d’injecter ou de soutirer de l’électricité sur le réseau.

Croyant fermement en ce nouveau modèle, nous posons les jalons pour qu’il devienne enfin réalité.

Prometteuse, la filière du véhicule électrique connaît pourtant un début timide.

Le nombre d’immatriculations de véhicules 100 % électriques s’élevait à 25 000 à la fin de l’année 2013. Électricité Réseau Distribution France a ainsi été amené à réviser son scénario de pénétration fortement à la baisse : alors que le gestionnaire de réseau prévoyait 1,9 million de voitures électriques à l’horizon 2020, il n’en attend plus désormais que 450 000 à 800 000.

Toutefois, l’année 2013 a été marquée par une forte croissance : 14 000 véhicules ont été immatriculés lors de cette seule année, soit la moitié du total.

La peur de la panne est en grande partie responsable de ce retard à l’allumage. Le facteur psychologique est décisif : l’absence de points de recharge dans l’espace public a dissuadé nombre de Français de choisir ce produit innovant. L’installation de bornes de recharges accélérées ou rapides rassure le conducteur. Elle est d’autant plus nécessaire au départ, lorsque les acquéreurs potentiels sont encore hésitants et qu’il faut les convaincre de faire le premier pas.

La Commission européenne partage d’ailleurs cette analyse. Consciente de l’enjeu du réseau, elle a déposé, le 24 janvier 2013, une proposition de directive sur le déploiement d’une infrastructure pour carburants de substitution. Cette proposition, si elle était définitivement adoptée, rendrait obligatoire la mise en place d’une infrastructure offrant une couverture minimale pour l’électricité, l’hydrogène et le gaz naturel, de façon à accélérer le choix de ces carburants par les particuliers et les entreprises.

La proposition prévoit des objectifs ambitieux en matière de déploiement des bornes électriques. Elle détermine, pour chaque État membre, un nombre minimum de points de recharge pour véhicules électriques, dont 10 % doivent être publics. Suite à la discussion de la proposition de directive devant la commission des transports et du tourisme du Parlement européen, le texte imposerait un nombre minimum de 55 000 points de recharge accessibles au public sur le territoire français.

La présente proposition de loi devance donc le contenu des textes européens en cours d’examen, ce qui la rend d’autant plus incontournable.

La présente proposition de loi pose un cadre au déploiement d’un réseau essentiel couvrant l’ensemble du territoire.

Nous avons fait le choix de déposer une proposition de loi courte et ciblée, plutôt que d’intégrer de telles dispositions dans le futur projet de loi sur la transition énergétique, dont l’adoption définitive serait sans doute intervenue trop tardivement.

Si l’on qualifie ce réseau d’essentiel, c’est d’abord parce qu’il permettra de faire beaucoup avec peu. En pratique, les besoins de prises sur l’espace public sont faibles : en Europe, 87 % des trajets sont inférieurs à soixante kilomètres, alors que l’autonomie des véhicules électriques est de 120 kilomètres réels.

Il est donc probable que les infrastructures de recharge installées sur le domaine public seront peu utilisées car les propriétaires de véhicule utiliseront en priorité la prise de leur domicile. Nul besoin de millions de prises et nul besoin de milliards d’euros d’infrastructures.

Ce futur réseau peut donc bien être qualifié d’essentiel dans un premier sens : il permettra de rassurer les usagers avec un nombre d’infrastructures construites limité sur le territoire.

Le réseau lancé par cette proposition sera essentiel dans un second sens : ce ne sera pas un réseau principal mais un réseau ayant vocation à compléter celui des collectivités territoriales.

Grâce aux aides de l’ADEME, les collectivités territoriales se sont déjà lancées dans le déploiement de leur réseau local. Selon les chiffres communiqués par ERDF, on dénombrait 5 600 bornes sur la voirie à la fin 2013.

Un premier appel à manifestations d’intérêt, visant à soutenir le déploiement des infrastructures de recharge, a été lancé par l’agence en avril 2011 et il s’est clos le 16 décembre 2013. Un second AMI est ouvert depuis le 10 janvier 2013. Dans le cadre du plan gouvernemental dédié à l’automobile, il est doté d’un budget de 50 millions d’euros.

Les critères d’éligibilité ont été élargis. Peuvent désormais se porter candidates les villes, agglomérations, groupements de villes ou d’agglomérations de plus de 200 000 habitants, les départements, les régions, les syndicats intercommunaux, les établissements publics d’aménagement et tout autre montage juridique dans lequel le financeur est totalement public.

Le montant des investissements doit être supérieur à 400 000 euros, afin de favoriser l’émergence de projets structurants et à l’ampleur significative. La subvention couvre le coût d’investissement à hauteur de 50 % pour l’implantation de bornes de charge normale ou accélérée et de 30 % pour les bornes de recharge rapide. Ces bornes doivent être installées sur la voie publique ou dans des stations ouvertes au public.

À la demande du ministère du redressement productif, le dispositif devrait évoluer prochainement pour élargir encore les critères d’éligibilité et permettre à un plus grand nombre de collectivités de se porter candidates. C’est ainsi que la date de clôture de l’AMI devrait être reportée au 31 décembre 2015 et le seuil de 200 000 habitants remplacé par un seuil d’installation d’au moins une borne pour 2 500 à 3 000 habitants.

Ces éléments illustrent à la fois l’implication forte des collectivités dans la naissance d’un nouveau service public et la volonté de l’État d’inciter ces dernières à déployer leur propre réseau local. Le nombre de bornes installées par les collectivités devrait ainsi atteindre 14 000 à l’horizon 2016.

Le réseau national, amorcé par les collectivités, doit être complété par un réseau « essentiel », dans trois directions. Tout d’abord, ce réseau essentiel doit prendre le relais des collectivités dans les territoires qui ne sont pas couverts ; on pense en particulier, c’est vrai, aux zones rurales. Ensuite, ce réseau essentiel doit offrir des bornes de recharge accélérée ou rapide lorsque les caractéristiques techniques du réseau le permettent et que les besoins des usagers le justifient. Enfin, les réseaux locaux devront être reliés entre eux, à travers des lignes d’envergure nationale.

La proposition de loi comporte des dispositions importantes dans la perspective de la mise en place de ce réseau essentiel.

Elle autorise, en premier lieu, l’État à implanter des bornes de recharge sur le domaine public « lorsque cette implantation s’inscrit dans un projet de dimension nationale », critère dont il appartient à l’État de s’assurer qu’il est rempli. Il ne s’agit donc pas de concurrencer les initiatives locales, il s’agit de les compléter. La dimension nationale s’apprécie au regard du nombre de bornes et de la répartition des bornes à implanter sur le territoire. Le texte prévoit par ailleurs une dérogation à l’article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques, lequel concerne la redevance d’occupation du domaine public. Cette dérogation est essentielle pour offrir de la visibilité aux opérateurs intéressés et simplifier le montage financier de leur projet pour lequel, je le rappelle, aucune subvention n’est prévue.

La place des collectivités territoriales dans le dispositif est confortée. En effet, les collectivités territoriales restent compétentes pour délivrer les titres d’occupation du domaine public. Elles posséderont donc, le cas échéant, un véritable droit de veto sur le déploiement des bornes sur leur territoire, sur lequel la proposition de loi ne revient pas. Garantie supplémentaire, le troisième alinéa de la proposition de loi prévoit qu’elles seront associées à la définition des modalités d’implantation des infrastructures.

Les travaux en commission des affaires économiques ont donné lieu à l’adoption de deux amendements essentiels.

Le premier permet à l’État de déléguer sa participation, soit à un établissement public, soit par une participation indirecte. Un tel amendement offre la latitude nécessaire à l’État pour élaborer une solution sur mesure, la plus efficace et la moins coûteuse. Le second, dans le but d’assurer la compatibilité des installations avec les caractéristiques techniques du réseau de distribution d’électricité, associe les gestionnaires de réseau de distribution d’électricité à la concertation sur l’implantation des bornes. L’objectif est d’éviter que cette implantation ne mette en péril la sécurité du réseau et que le renforcement de lignes n’entraîne des surcoûts inutiles.

Mes chers collègues, nous sommes face à un chantier d’intérêt national qui appelle une action rapide et efficace. Cette proposition de loi courte et ciblée offre toutes les garanties nécessaires : elle met en place un dispositif léger, mais dans lequel l’État conserve tout de même un contrôle, un dispositif qui préserve aussi toutes les prérogatives, actuelles et futures, des collectivités territoriales.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Monsieur le président, madame la rapporteure Frédérique Massat, mesdames et messieurs les députés, la France, pays pionnier de l’industrie automobile, demeure aujourd’hui à la pointe de ce secteur, qui a, d’ailleurs, toujours fasciné nos concitoyens. Les noms de Renault, Michelin, Peugeot Citroën, et beaucoup d’autres depuis une vingtaine d’années, font vibrer la fibre patriotique de nos concitoyens, malgré la crise qui a frappé l’industrie automobile et dont elle est en train de se sortir. Toujours à la pointe, notre pays voit une chance unique se présenter à lui : celle de devenir un leader européen et mondial du véhicule électrique, ce véhicule qui devrait redessiner durablement, de manière écologique et populaire, le paysage automobile.

C’est cette mutation que la proposition de loi de Mme Frédérique Massat et ses collègues vise à accompagner et accélérer, pour ne pas dire anticiper. C’est d’ailleurs la traduction de l’un des trente-quatre plans de la Nouvelle France industrielle que nous avions présentés, avec le Président de la République, au mois de septembre 2013. Je ne peux que me féliciter que cette concrétisation soit le fruit d’une initiative parlementaire : c’est la preuve que nous, industries, syndicats, élus des territoires de la nation, Gouvernement, techniciens, experts, travaillons de manière collective. Nous sommes capables d’unir nos forces autour d’enjeux à la fois législatifs, réglementaires, financiers et économiques, industriels et technologiques. La stratégie retenue pour l’élaboration de ces plans industriels repose sur l’alliance entre le public et le privé, alliance qui permet finalement aux industriels de définir les orientations, qui nous permet aussi de les construire avec eux. C’est exactement ce que nous avons décidé de faire dans le cadre de cette proposition de loi, avec votre aide et votre soutien.

Nous construisons donc la France de la mobilité électrique. Le marché du véhicule électrique existe déjà. Levier indispensable à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des pollutions atmosphériques locales, l’électromobilité peut être mise au service de notre souveraineté énergétique, elle le sera.

Le véhicule électrique connaît aujourd’hui un démarrage assez remarquable. Entre 2012 et 2013, les ventes de véhicules électriques ont crû de 50 %. Le véhicule électrique change d’ailleurs la vie de ceux de nos concitoyens qui l’ont expérimenté ; j’en fais partie, comme, je crois, certains parlementaires.

C’est un véhicule propre, écologique, sans émission polluante et sans aucune nuisance sonore. D’ailleurs, l’accoutumance au silence n’est pas la moindre des surprises des usagers de tels véhicules. C’est surtout un véhicule économique à l’usage. Au-delà de l’achat du véhicule, avec la location de la batterie, on peut faire un plein à deux euros, chez soi, pendant qu’on dort, ou pendant les week-ends où l’on n’utilise pas le véhicule.

Notre pays, c’est assez remarquable, est le premier marché d’Europe pour les véhicules électriques et hybrides de nouvelle génération. En la matière, nos constructeurs ont pris une avance décisive et reconnue, et ils produisent les véhicules sur le territoire national. La Zoé de Renault est produite à Flins et les moteurs sont assemblés dans les usines du constructeur sises à Cléon.

Au plan mondial, le marché cible est considérable et les ventes sont déjà en forte progression partout dans le monde, à un rythme beaucoup plus rapide que les ventes des véhicules hybrides qui s’étaient finalement imposés. Il est intéressant de noter l’optimisme des constructeurs, particulièrement Renault et Nissan, qui ont chacun un modèle de véhicule électrique. Ils observent que la courbe d’ascension des ventes des véhicules électriques est beaucoup plus forte que celle des véhicules hybrides à l’époque – il y a une quinzaine d’années – où ils se sont imposés. De même, une étude du ministère de l’énergie des États-Unis révèle que la croissance des ventes des nouveaux modèles électriques dans leurs deux premières années de commercialisation est deux fois plus forte que celle des modèles hybrides à leur lancement, et ces derniers ont conquis en dix ans une part de marché de 3 %.

Nos anticipations rejoignent celles des dirigeants de Renault, qui imaginent une part de marché de long terme d’environ 10 %. Ce n’est pas négligeable pour le leader naturel que nous sommes en train d’imposer dans le monde.

Le gouvernement américain s’est fixé un objectif de 1,2 million de véhicules électriques en 2015. En Europe, la croissance des véhicules électriques connaît également une progression très forte : l’Agence européenne pour l’environnement indique que les ventes ont été multipliées par vingt entre 2010 et 2012. D’après une étude réalisée par le cabinet Navigant Research, les ventes mondiales de véhicules dotés d’une technologie électrique – hybrides, hybrides rechargeables et électriques – représenteront plus de 35 millions d’unités dans le monde en 2022.

II faut noter que le véhicule électrique n’est pas réservé au milieu urbain et aux grandes agglomérations. Les statistiques disponibles sur les douze premiers mois de vente de la Renault Zoé montrent, à cet égard, l’importance des villes de moins de 50 000 habitants, où les transports en commun ne sont pas toujours suffisamment développés et où les trajets entre le domicile et le travail ne sont pas desservis. Et je me félicite qu’une élue rurale, par ailleurs présidente de l’Association nationale des élus de montagne, soit à l’origine de cette proposition.

L’État a commencé, dès le mois de juillet 2012, à jouer son rôle en faveur du véhicule électrique. Citons le bonus écologique consolidé, pour la deuxième année, à 6 300 euros pour les véhicules électriques, qui rend l’acquisition d’un tel véhicule compétitive par rapport à celle d’un véhicule à moteur thermique ; citons les commandes de véhicules de l’État, qui ont été réorientées, avec au moins 25 % de véhicules électriques et hybrides, l’État passant ainsi de moins de 100 véhicules électriques et hybrides en 2012 à plus de 1 270 en 2013 ; citons le soutien à l’innovation au travers du programme des investissements d’avenir, dit « grand emprunt », qui bénéficie à un certain nombre d’entreprises équipementières. Sur certaines briques technologiques, elles sont soutenues par la puissance publique. Je veux remercier ici Louis Gallois, qui a été à l’origine de ces décisions, avec notre expertise et le soutien de la direction de l’industrie.

Non seulement le véhicule électrique constitue une innovation technologique mais c’est un métier nouveau que les constructeurs apprennent. Le moteur électrique est une technologie dont ils font l’acquisition. C’est aussi un changement de société, ce qui explique son attractivité. La nouveauté de ce type de véhicule suscite aussi des demandes chez des clients potentiels qui veulent pouvoir faire le plein à domicile, ou sur leur lieu de travail. La question du rechargement est donc cruciale.

Nous possédons déjà le plus ancien et le plus dense réseau d’Europe, avec plus de 8 000 points de charge opérationnels ou programmés.

Disons un mot des réseaux Autolib, des réseaux d’autopartage développés dans la métropole et quarante-deux communes de l’agglomération parisienne, des réseaux qui sont en cours d’implantation dans les métropoles de Lyon et de Bordeaux. Les réseaux de stations de recharge peuvent accueillir des véhicules électriques n’appartenant pas au réseau d’autopartage. Vous pouvez être propriétaire d’un véhicule électrique et recharger votre véhicule grâce à un abonnement spécifique, ouvert aux tiers. Il n’est donc pas nécessaire d’implanter en double les stations de recharge dans les métropoles déjà équipées grâce à l’inventivité et l’audace des édiles locaux. Ils ont su agir à Paris, Lyon et Bordeaux.

Notre objectif est ambitieux. Il s’agit de doubler, avant la fin de l’année 2014, ce nombre de 8 000 points de charge et de parvenir à une couverture satisfaisante sur l’ensemble du territoire national. Tel est précisément l’objectif de votre proposition de loi, madame la rapporteure. Cela permettra bien sûr à tous nos concitoyens un libre accès à l’électromobilité. Rappelons-le, 85 % des Français parcourent moins de soixante-cinq kilomètres par jour. Il n’est donc pas nécessaire de placer une borne de recharge devant chaque platane de nos routes départementales pour disposer d’un maillage qui réponde aux besoins sur la totalité du territoire, quelle que soit la localisation des propriétaires et usagers de véhicules électriques.

La couverture actuelle doit beaucoup aux efforts conjugués des collectivités locales, qui ont été pionnières, de l’État, qui a financé leurs initiatives avec le grand emprunt, puisque 50 millions d’euros y avaient été dédiés ab initio. Dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt de l’ADEME, l’État a couvert jusqu’à 50 % des coûts d’installation des bornes.

Sur ce montant de 50 millions d’euros, seuls 8 millions d’euros ont été engagés. À ma demande, le Gouvernement a élargi, en 2013, les conditions d’accès à ce soutien de l’État à tous les départements, à toutes les régions, ainsi qu’aux villes et groupements de villes de plus de 200 000 habitants. Les associations d’élus, notamment l’Association des maires de France, ont demandé que l’on abaisse ce plancher pour que d’autres communes, moins peuplées, puissent elles aussi envisager l’installation des bornes de recharge ; ce sera fait, me dit-on, dans les prochaines semaines.

Cette politique d’adaptation aux réalités du terrain se poursuit dans le cadre du plan industriel piloté par le préfet Francis Vuibert que j’ai chargé de coordonner et de rassembler l’ensemble des acteurs – constructeurs, collectivités locales et, maintenant, Parlement – pour que l’alliance des uns et des autres puisse produire les bonnes décisions publiques dans la perspective de la finalisation de ce maillage.

Pour l’instant, le maillage du pays n’est pas homogène : c’est bien là le problème. Il faut donc multiplier les zones équipées par des bornes de recharge normale ou de recharge accélérée : tel est l’objet de plusieurs dispositions de la loi du 24 mars 2014 dite ALUR. Celle-ci permet par exemple de créer des places équipées de bornes de rechargement dans certains endroits – notamment les parkings de supermarchés. Il faut aussi relier entre elles l’ensemble des initiatives locales qui sont dispersées sur le territoire : vous l’avez très bien expliqué, madame la rapporteure. C’est l’objectif territorial de cette proposition de loi que le Gouvernement soutient, et qui permettra l’intervention d’un État coordonnateur avec les collectivités territoriales.

Il s’agit donc, premièrement, de faciliter l’émergence d’un maillage national pour compléter le maillage territorial de proximité ; deuxièmement, de contribuer à la visibilité du réseau de recharge par l’équipement des voies les plus fréquentées par des bornes de recharge rapide ou de recharge accélérée ; troisièmement, d’anticiper l’extension future de l’usage du véhicule électrique pour les trajets interurbains.

Vous savez qu’un GIE – un groupement d’intérêt économique – rassemble l’ensemble des partenaires. Les constructeurs, ERDF, et tous ceux qui sont attachés au développement de ce réseau se sont ainsi unis pour mettre en place un service de géolocalisation des bornes de recharge, afin que les automobilistes puissent savoir à tout moment, en regardant leur tableau de bord, où se trouve la prochaine borne, et si celle-ci est une borne de recharge normale ou de recharge accélérée.

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Et si cette borne est libre !

M. Arnaud Montebourg, ministre. La réponse à la question que se posent les automobilistes : « Où est la prochaine borne ? », sera donc bientôt disponible sur leur tableau de bord.

La proposition de loi de Mme Massat présente donc l’avantage d’être opérationnelle et pragmatique. Elle relève d’une logique incitative et novatrice. Elle n’est pas autoritaire, ne cherche pas à tout réglementer, et permettra de répondre en peu de temps aux besoins de ces projets d’infrastructures nationales. Pour se développer dans les territoires, ces projets ont besoin des dispositions prévues dans cette proposition de loi. Ils pourront ainsi s’implanter sur le territoire communal, avec l’accord des collectivités territoriales concernées, sans payer de redevance pour occupation du domaine public.

Un consortium sera formé d’entreprises privées qui décideront d’investir à leurs frais et rentabiliseront leur investissement en faisant payer l’usage des installations. Ce consortium fera connaître ses propositions de maillage national et sollicitera les communes concernées, qui seront libres d’accepter ou de refuser. Pour ma part, je ne vois pas pourquoi elles refuseraient ; certes, en acceptant, elles renoncent à exiger une redevance pour occupation du domaine public, mais en contrepartie, elles profitent d’un équipement qui rend grandement service à leurs administrés.

L’État pourra éventuellement exercer un contrôle sur ces projets : il ne faut pas que les bornes de rechargement soient très nombreuses dans les zones très peuplées, mais qu’il n’y en ait aucune dans les zones moins densément peuplées ; au contraire, il convient de veiller à l’égalité des territoires. Ces projets seront donc replacés sur une carte globale rassemblant à la fois les initiatives privées et publiques, les projets de proximité et le maillage national. Ils seront soumis à l’approbation des ministres chargés de l’industrie et de l’écologie.

En définitive, le texte qui vous est proposé – et qui recueille le soutien du Gouvernement – permettra de simplifier l’implantation des infrastructures nécessaires à la recharge des véhicules électriques, d’exonérer le paiement d’une redevance pour occupation du domaine public, et d’imposer une concertation préalable entre l’entreprise chargée du projet et les collectivités territoriales. Ces dernières conserveront leur pouvoir souverain en matière d’autorisation d’occupation du domaine public. Les gestionnaires des réseaux électriques seront également impliqués dans cette concertation préalable : ce point a été abordé lors de l’examen de ce texte en commission.

Le réseau national de stations de recharge résultera ainsi de la mise en cohérence d’infrastructures d’origines diverses : initiatives des collectivités territoriales, initiatives privées en cours – notamment dans les centres commerciaux, les supermarchés et les concessions automobiles. Il comprendra également des infrastructures réalisées par des entités privées ou publiques accompagnées par l’État, qui ont vocation à offrir une solution de recharge rapide ou accélérée.

Tout cela se fera sans dépenser plus d’argent public que ce qui a déjà été engagé. Notre projet consiste à faire en sorte que l’investisseur privé se rémunère sur l’usage de l’infrastructure, et pas par le biais de procédures lourdes comme les subventions, l’abondement, ni en ponctionnant l’investissement public des collectivités territoriales. Le Gouvernement a donc, en commission des affaires économiques, levé le gage : il compensera les éventuelles pertes de ressources pour les collectivités locales qu’entraînerait l’adoption de la présente proposition de loi.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la rapporteure, je vous remercie pour ce travail constructif mené en commun, qui nous permet d’affermir la destinée de notre industrie automobile. Vous verrez que cette proposition de loi nous donnera un avantage comparatif certain dans le monde, car nous serons l’un des premiers pays à décider d’installer une infrastructure nationale de bornes de recharges destinées aux véhicules électriques. C’est déjà, en soi, une avancée qui mérite d’être saluée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, monsieur le ministre, l’énergie ariégeoise de notre rapporteure Frédérique Massat, première vice-présidente de la commission des affaires économiques, fonctionne avec des piles rechargeables, comme chacun le sait depuis longtemps ! (Sourires.) Vous rentrerez dans l’Histoire, chère collègue ; chacun dira, à l’avenir : « Si nous sommes en sécurité sur les routes, c’est grâce au réseau Massat ! », et tous les GPS du monde chercheront le « point Massat » ! (Sourires).

Depuis plusieurs années, je suis convaincu que la voiture du futur est la voiture électrique. Nous devons en effet limiter nos importations de pétrole : c’est une nécessité à la fois économique et écologique. L’avenir de la mobilité est à l’électricité, qu’il s’agisse de transports collectifs ou de transports individuels. Nous avons la chance, dans notre pays, de maîtriser l’ensemble des filières électriques. Nos industries dans ce domaine sont parmi les plus performantes du monde. Malheureusement, nous sommes encore trop dépendants du pétrole : modifier nos usages en matière de mobilité pour passer du pétrole à l’électricité est une impérieuse nécessité. Ainsi, monsieur le ministre, nous pourrons tirer profit de nos avantages compétitifs, parmi lesquels on compte la voiture électrique.

Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, les industriels français du secteur de l’automobile sont prêts, ils sont même dans les starting-blocks. En matière de véhicules électriques, ils sont déjà pionniers. Ceux qui ont fait l’essai du modèle baptisé Zoé ou d’autres voitures électriques en sont très satisfaits ; ils font partager le bonheur qu’ils ont à les conduire. Notre collègue François-Michel Lambert est même devenu addict : chacun l’a bien remarqué ! En tout état de cause, nous disposons à l’heure actuelle d’une offre de véhicules électriques, qui ne sont pas seulement utiles en ville. Je veux tordre le cou à l’idée préconçue selon laquelle les véhicules électriques ne conviendraient qu’aux habitants des zones urbaines. Je connais, pour ma part, beaucoup de gens qui habitent en zone périurbaine ou en zone rurale, et pour qui la voiture électrique représente une solution beaucoup moins chère que les autres. C’est vrai aussi pour les habitants de zones périphériques, notamment en montagne, où les transports en commun ne sont pas toujours aussi performants qu’en ville !

La voiture électrique a donc de beaux jours devant elle, en toutes circonstances et dans tous les territoires. Ses avantages ont déjà été évoqués : le « plein » d’électricité est peu onéreux, de l’ordre de deux euros ; l’environnement est respecté ; la conduite est confortable… Les voitures électriques sont à la fois très sûres et très nerveuses, et peuvent se montrer rapides si le besoin s’en fait sentir. En un mot, c’est idéal…

M. Arnaud Montebourg, ministre. Moi aussi, j’adore !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je sais bien que vous aussi, monsieur le ministre, vous adorez ces voitures. Malgré cela, les automobilistes hésitent à passer le cap, à acheter une voiture électrique. Ce n’est pas seulement une question de prix. Ce n’est pas non plus une question de romantisme – je dis cela car faire le coup de la panne en attendant que la batterie soit complètement déchargée, c’est prendre le risque de ne jamais redémarrer. Je ne suis pas sûr que cela en vaille la peine…

Mme Frédérique Massat, rapporteure. On voit bien quelles sont les pratiques du président de la commission ! Le coup de la panne ! (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il n’en reste pas moins que la raison principale qui retient les automobilistes d’acheter une voiture électrique est la crainte de la panne de batterie, par manque d’électricité. Lorsque, dans une voiture à essence, on n’a plus d’autre carburant que celui de la réserve, l’aiguille indiquant le niveau d’essence n’est plus d’aucune utilité : on ne sait pas si l’on peut rouler encore 50, 60 ou 80 kilomètres. Pour peu qu’aucune station-service ne se présente, on est étreint d’angoisse. Le même problème risque de se présenter pour les conducteurs de véhicules électriques, mais ils seront rapidement rassérénés si le réseau Massat est implanté à proximité et qu’ils savent le retrouver. Ils seront ainsi délivrés de cette angoisse.

Il est vrai que les infrastructures de recharge adaptées ne sont pas légion, à l’heure actuelle, sur notre territoire. Cette proposition de loi de Mme Massat réglera définitivement ce problème. Nous nous devons de mettre fin à cette insuffisance : pour cela, le seul moyen est de construire plus d’infrastructures. Il faut également que ces infrastructures soient harmonieusement réparties sur l’ensemble du territoire – vous nous avez garanti qu’elles le seront, monsieur le ministre. C’est très important

Je tiens à préciser que le principal point de recharge d’un véhicule électrique doit rester le domicile. Pour avoir un usage vertueux de l’électricité, il faut recharger sa voiture la nuit, au moment où le réseau n’est pas trop sollicité. Les voitures électriques deviennent ainsi des points de stockage de masse de l’électricité que nous produisons la nuit et qui n’est pas utilisée immédiatement. Les infrastructures de rechargement rapide, d’appoint, sont indispensables pour la sécurité, mais ne doivent pas être le moyen principal de recharge des voitures électriques.

À l’avenir, nous disposerons de batteries plus performantes, d’une plus grande autonomie. Je sais que les technologies progressent vite, notamment dans la région de Grenoble, et que la capacité de stockage des batteries des véhicules électriques augmente très rapidement, ce qui rassurera encore plus les usagers. Cela ne nous dispense pas de mettre en place un réseau de bornes de recharge harmonieusement réparties sur l’ensemble du territoire, facilement accessibles, et rapidement utilisables. C’est toute l’utilité des technologies de recharge rapide, dans lesquelles nos entreprises – notamment Schneider Electric – ont fait des progrès considérables. Elles proposent des solutions très performantes, à la fois sûres et rapides d’utilisation.

La proposition de loi de Mme Massat répond donc à une véritable nécessité. Elle permettra de mettre en place le « réseau Massat » sur l’ensemble de notre territoire, en milieu rural comme en milieu urbain. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir accepté d’en assumer les conséquences en matière financière ; sans le soutien du Gouvernement, cette proposition n’aurait pas pu voir le jour.

Je tiens à vous dire que des dispositions allant dans le même sens existent déjà en matière d’urbanisme : les nouveaux immeubles collectifs doivent ainsi être munis de bornes électriques. J’avais présenté un amendement au projet de loi ALUR permettant aux maires de contrôler la présence de ces bornes électriques. On m’a opposé que cet amendement ne simplifierait pas les choses : je l’ai donc retiré.

J’étais encore maire il n’y a pas si longtemps : j’ai pu constater, dans des immeubles collectifs neufs, que cette obligation n’est pas toujours respectée. Vous savez, quand le respect d’une obligation n’est pas contrôlé, tout le monde s’en moque ! Si on ne fait pas d’effort pour que des bornes électriques soient construites y compris à l’intérieur des immeubles collectifs neufs, on aura des difficultés. Je crois que le Gouvernement devrait veiller au grain sur ce point, car ces bornes font partie intégrante du réseau national et permettent un rechargement de nuit.

Ce texte va donner un coup d’accélérateur aux bornes électriques. Restons cependant prudents : pas d’excès de vitesse, même en voiture électrique ! Je remercie Mme Massat de son travail. Quant à vous, monsieur le ministre, à titre exceptionnel, vous allez devoir dépasser les bornes : vous n’êtes pas coutumier du fait, mais là il faudra le faire ! (Sourires.)

Grâce au réseau Massat, nous votons pour le « no limit » en matière d’électricité et de voitures électriques ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Fanny Dombre Coste.

Mme Fanny Dombre Coste. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, pour ma part, je ne conduis pas une Zoé, mais une Mia. (Sourires.)

À tous ceux qui, aujourd’hui, doutent des capacités de la France, il est bon de rappeler qu’elle reste la cinquième puissance mondiale, et qu’elle innove. Oui, la France innove, notamment dans la filière dont nous parlons aujourd’hui : le véhicule électrique.

Nous avons aujourd’hui le premier parc de bornes de recharges en Europe, le troisième au niveau mondial. Nous comptons de nombreuses entreprises en position de leaders ce marché en forte progression. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, les ventes mondiales de véhicules électriques et hybrides devraient atteindre 35 millions d’unités en 2022. Cette filière a été identifiée dans le cadre des 34 plans pour la nouvelle France industrielle et des investissements d’avenir, à côté d’autres projets comme l’accroissement de la durée de vie des batteries ou encore la réalisation d’une voiture consommant 2 litres d’essences pour 100 kilomètres.

Cette proposition de loi fait suite au plan automobile présenté en juillet 2012 pour développer la filière des véhicules électriques et hybrides. Les premières mesures de ce plan ont été le bonus écologique pour les véhicules décarbonés, mais aussi, entre autres, le soutien aux collectivités territoriales avec l’ADEME. Pourtant, malgré une forte progression, le nombre d’immatriculations de tels véhicules réalisées en 2013 reste en deçà des prévisions. L’État doit donc être à la fois réactif et stratège pour lever les freins au développement de cette filière.

Cette filière est éminemment stratégique. Elle comprend des enjeux environnementaux, industriels, économiques et sociétaux. Des enjeux environnementaux, d’abord, que nous avons singulièrement mesurés lors des mesures de circulation alternée mises en place il y a quelques semaines à Paris. La nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre rendent encore plus urgent le développement de l’éco-mobilité.

La directive européenne en cours d’élaboration sur les carburants alternatifs fait du développement de l’électromobilité un impératif supranational.

Les enjeux industriels sont également importants : nos entreprises innovent et se placent parmi les leaders dans ce secteur, ce dont nous devons être fiers.

Bien sûr, je pense tout particulièrement à Renault ou à Bolloré, mais aussi à une PME située sur mon territoire de Montpellier, très engagée dans ce domaine, qui a déposé pas moins de six brevets ces derniers dix-huit mois, réalise 70 % de son chiffre d’affaires en exportant vers les plus grandes entreprises mondiales du secteur, et crée chaque année de nouveaux emplois.

Les enjeux économiques sont tout aussi nombreux : favoriser la filière du véhicule électrique, baisser son coût de production et son prix nous permet de le rendre accessible à tous et de redistribuer du pouvoir d’achat à nos concitoyens, qui bénéficieront ainsi d’une offre d’électromobilité plus économe – on l’a dit, un plein équivaut à deux euros.

Enfin, les enjeux sociétaux sont de taille : il convient de veiller à ne pas oublier les zones faiblement dotées en transports en commun, comme ces zones périurbaines, périrurales ou rurales, et de combattre la fracture territoriale. Les études montrent que 75 % des utilisateurs de véhicules électriques résident dans ces zones où le trajet pendulaire domicile-travail est le plus coûteux, en raison du manque de transports en commun.

Sans intervention de l’État, il y a fort à parier que ces zones ne verraient pas cette nouvelle offre d’électromobilité se développer. Il est de la responsabilité de l’État de veiller à l’équilibre des territoires à travers les mécanismes de solidarité.

C’est pourquoi cette proposition de loi vise à permettre à l’État, à un opérateur national ou à un regroupement d’opérateurs de mettre en place d’un réseau de bornes sur le domaine public des collectivités territoriales, avec exonération de redevance, à condition que cette implantation se fasse sur l’ensemble du territoire national. Ainsi pourrions-nous mettre un terme aux réticences des consommateurs, qui craignent d’acheter ces véhicules en raison de leur manque d’autonomie.

Or, loin d’être complet, ce maillage se concentre aujourd’hui dans quelques grandes villes : sur les 6 000 bornes du réseau national, 4 000 se situent à Paris. L’objectif de cette proposition de loi est donc de compenser ce déséquilibre et d’éviter que n’apparaissent des zones blanches.

Le texte précise que les modalités d’implantation des infrastructures feront l’objet d’une concertation entre les opérateurs désignés et les collectivités territoriales, qui garderont ainsi toute leur autonomie sur ce sujet. Il s’agit bien pour l’État d’intervenir quand il y a carence de projet des collectivités territoriales.

Je salue, monsieur le ministre, le travail effectué avec le préfet Vuibert et l’ensemble des acteurs de la filière, qui a abouti, après de nombreuses concertations, à l’identification des freins et à la définition des perspectives de développement que nous rendons possibles aujourd’hui.

Demain, les batteries auront une autonomie de 500 à 600 kilomètres, voire plus. Il sera possible techniquement d’utiliser le véhicule électrique à la fois, dans le prolongement des smart grids, comme des stocks d’électricité, mais également comme des véhicules à carburant classique pour les longs trajets.

Les choix techniques qui vont être faits pour mailler le territoire doivent anticiper ces évolutions : je pense naturellement à la borne de recharge rapide, qui permettra demain d’utiliser le véhicule électrique pour tous les déplacements. En effet, l’accroissement de la capacité d’autonomie rendra nécessaire les charges de plus en plus rapides.

Comme le Parlement européen, qui vient d’adopter l’obligation de chargeur unique pour les smartphones, il conviendra également que ces bornes soient adaptables et accessibles à tous les véhicules. C’est le sens de la directive adoptée le 15 avril par le Parlement européen, qui, en l’état actuel, valide une approche multistandard des bornes de recharge. Le principe retenu est que les bornes devront être en mesure d’assurer la recharge, notamment rapide, de tout type de véhicule électrique, donc de s’adapter aux divers standards et prises normalisées.

Vous l’avez compris, ce texte préfigure l’avenir de nos déplacements. Il permet d’amplifier le soutien à une filière éminemment stratégique. Le groupe socialiste soutiendra en conséquence cette proposition de loi, enrichie par le travail en commission. Je salue tous ceux qui y ont contribué. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, chers collègues, le Premier ministre le rappelait à cette tribune la semaine dernière : le déficit extérieur est un mal français auquel nous devons nous atteler sans relâche. Or, chacun le sait ici, une part importante de ces déficits récurrents provient de nos importations massives d’énergies fossiles. Néanmoins, en raison de la position actuelle du Gouvernement sur la recherche de gisements de gaz de schistes dans notre sous-sol, cette dépendance totale n’est pas près de s’inverser.

Quoi qu’il en soit, compte tenu de la très forte prévalence de la consommation de pétrole dans le secteur du transport, l’électromobilité est un vrai sujet, et j’apprécie qu’on s’y intéresse cet après-midi dans l’hémicycle. Cette incitation est encore plus pertinente en France que nulle part ailleurs puisque, chacun le reconnaîtra, notre pays sait produire une électricité très bon marché. C’est un véritable atout aujourd’hui pour la commercialisation des véhicules électriques, par rapport aux moteurs thermiques plus gourmands et beaucoup plus onéreux au kilomètre parcouru.

Mais prenons garde à ne pas leurrer les futurs acquéreurs, si demain le prix de l’électricité venait à augmenter brusquement et à atteindre par exemple celui de l’Allemagne. Ce prix actuellement très compétitif provient, nous le savons tous, d’une politique qui a su laisser une place suffisante au nucléaire tout en déployant de nouvelles productions à partir d’énergies renouvelables.

N’oublions pas, au moment où nous évoquons la recharge des véhicules électriques, et en attendant d’autres débats sur la transition énergétique qui auront lieu dans l’hémicycle, qu’il faudra bien réapprovisionner les batteries, y compris les nuits sans clair de lune et sans vent sur l’hexagone. (Sourires.)

Vous nous présentez, madame la rapporteure, un texte qui se voudrait incitatif. Je veux, en préambule, et au nom du groupe UMP, vous confirmer que la promotion du véhicule électrique est bien une ambition partagée. Je souhaite d’ores et déjà vous remercier d’avoir été attentive à l’un de mes amendements.

Je rappelle qu’avec le Grenelle de l’environnement nous avons lancé un mouvement visant à favoriser l’implantation d’infrastructures de recharge des véhicules électriques. C’est ainsi que la loi du 12 juillet 2010, dite « Grenelle 2 », encourage la création et l’entretien des infrastructures de charge pour les collectivités locales, les habitations et les lieux de travail.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault avait annoncé en juillet 2012 qu’il entendait, à juste titre, encourager l’achat de véhicules électriques et hybrides dans le parc automobile de l’État. Et vous avez également insisté, vous, monsieur le ministre, le 14 mars dernier, sur la feuille de route du plan « Bornes électriques de recharge ».

C’est bien la confirmation qu’au-delà de nos sensibilités diverses et des gouvernements qui se succèdent, cette idée de développer rapidement un parc conséquent de véhicules électriques en France est très majoritairement partagée.

À ce propos, je souhaite profiter de cette tribune pour montrer que certains territoires ont dès à présent saisi l’enjeu majeur du développement du véhicule propre, sans gaz d’échappement, et silencieux.

En effet, dans mon département, la Vendée, que vous connaissez,…

M. Arnaud Montebourg, ministre. Félicitations, monsieur le député !

M. Alain Leboeuf. …le SyDEV, Syndicat départemental d’énergie et d’équipement de la Vendée, au sein duquel je suis particulièrement investi, a pris l’initiative de déployer un important réseau de recharges. La Vendée est d’ores et déjà reconnue au niveau national comme le département qui réalise le réseau de bornes de recharge de véhicules électriques le plus étoffé de France, à l’échelle d’un territoire départemental. Ce sont 350 bornes sur 191 communes, soit une moyenne d’une borne publique pour 1 800 habitants, quand la moyenne nationale est d’à peine une borne pour 12 000 habitants.

Je profite également de cette occasion pour réitérer, monsieur le ministre, l’invitation que nous vous avons adressée pour l’inauguration et le lancement de ce grand réseau exemplaire. Ce déplacement pourrait aussi être l’occasion de rencontrer les personnels de Fagor, comme vous vous y êtes engagé.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Je viendrai, je n’ai qu’une parole ! (Sourires).

M. Alain Leboeuf. Votre visite nous ferait très plaisir ! Le 26 mai serait une date parfaite. (Sourires).

Nous avons privilégié les bornes de charge normale ou accélérée qui permettent, pour les utilisateurs des recharges plutôt rapides, et pour notre réseau électrique, une connexion aux conséquences techniques moindres. Nous y ajoutons, sur les axes majeurs que sont Nantes-Bordeaux et Paris-Atlantique, cinq bornes de charge rapide en partenariat avec Nissan, dans le cadre de son déploiement européen.



Nous avons pu convaincre l’ensemble des acteurs politiques du département en montrant que l’enjeu premier de la mobilité électrique était économique : les Vendéens dépensent plus de 100 millions d’euros en carburant pour leurs seuls déplacements domicile-travail. Plus de 60 % de ces déplacements sont « électrisables » et pourraient générer plusieurs millions d’euros d’économies sur le budget des ménages.



Le second objectif affiché est environnemental : en Vendée, deuxième département touristique de France, nous voulons préserver notre environnement et notre qualité de vie.



Enfin, le troisième enjeu est sociétal : nous voulons localement, tout comme vous au niveau national, donner corps à la troisième révolution industrielle et encourager la transition énergétique vers une société décarbonée.



Pour donner une impulsion à cette transition, notre syndicat départemental ne s’arrête pas au seul déploiement d’une vaste infrastructure de charge : il l’accompagne également d’un véritable plan de promotion de l’électromobilité, que je n’ai pas le temps de développer ici mais dont je pourrais discuter avec ceux qui le souhaiteraient. C’est ce que, malheureusement, nous ne retrouvons pas dans cette proposition de loi.



Voilà, en quelques mots, l’illustration d’une déclinaison locale de ce que peut être une ambition nationale. À ce propos, j’avoue avoir été très surpris, monsieur le ministre, de découvrir dans La Voix du Nord du 14 mars dernier, que, selon vous, « compter sur les collectivités locales pour multiplier les points de recharge est une erreur ». L’exemple de la Vendée montre que l’on peut aussi compter sur les collectivités territoriales.



La proposition de loi que vous déposez, chers collègues, et qui a pour objectif premier d’aller vite, ne va-t-elle pas au contraire ralentir les dispositifs qui se mettent en place ?



M. Arnaud Montebourg, ministre. Non !

M. Alain Leboeuf. En effet, pourquoi les élus locaux continueraient-ils à déployer un plan global sur leur territoire, sachant que l’État pourrait venir le faire à leur place sans qu’ils aient à investir ? Non seulement ils n’auraient rien à payer, mais ils pourraient même espérer un abondement de leur dotation globale de fonctionnement en contrepartie de l’installation de bornes sur leurs terrains communaux ! Ces nouveaux dispositifs pourraient donc s’avérer désincitatifs.

Dans les départements insuffisamment convaincus, ne trouveront-ils pas là le prétexte pour ne pas étendre davantage le réseau lorsque les axes principaux seront équipés, puisque les infrastructures de recharge seront considérées comme suffisantes ? Or, on le sait, le véhicule électrique est aujourd’hui totalement adapté aux trajets domicile-travail, beaucoup plus qu’aux longs trajets et aux circuits autoroutiers en particulier, pour lesquels une vitesse de 130 kilomètres par heure réduit considérablement l’autonomie.

Pour convaincre nos populations locales, le déploiement doit être réfléchi au niveau local, avec un maillage territorial qui doit être suffisamment développé pour être suffisamment sécurisant, et donc persuasif au moment de l’acte d’achat. Les outils sont en place pour réussir ce pari, notamment avec les aides de l’ADEME à hauteur de 50 %, que vous avez mises en place. Plus de vingt départements se sont déjà engagés dans cette démarche et une quarantaine s’apprête à l’initier.

Ne devrait-on pas plutôt retarder la date limite des dossiers auprès de l’ADEME, fixée aujourd’hui au 31 décembre 2014 ? Essayons plutôt d’être persuasifs – les premiers exemples de déploiement pourraient y aider –, au lieu de mettre une fois de plus la main de l’État là où ce n’est pas vraiment utile.

Monsieur le ministre, vous vous étiez exprimé exactement en ce sens, le 28 mai dernier, devant l’association des maires de France, en insistant sur le rôle fondamental des collectivités locales : vous expliquiez que « seules les collectivités locales connaissent les flux des trajets domicile-travail sur leurs territoires » et que ce serait « plus rapide » si c’était un opérateur, mais « plus pertinent » si c’étaient les collectivités qui assuraient ce maillage territorial.

Avec ce futur opérateur, ne serons-nous pas confrontés aux mêmes lacunes que dans le champ de la mobilité téléphonique, avec les zones blanches, ou dans celui de la fibre optique, dont le déploiement est partagé entre les zones rentables et celles qui ne le sont pas ? Aux zones rentables l’opérateur privé, à charge pour les communes moins peuplées, donc moins rentables, de payer leurs propres infrastructures de charges ? À moins que vous n’ayez pensé à une péréquation ?

Si nous partageons l’objectif d’un déploiement national, nous regrettons l’absence d’allusion, dans le texte que vous nous demandez de voter, aux quelques obligations s’imposant à cet opérateur : péréquation, zones blanches – vous avez tout de même un peu évoqué le sujet –, maillage équilibré.

S’agissant de l’implantation d’une borne sur une propriété publique, cette proposition de loi prévoit que l’État, ou – disons-le dès maintenant – l’opérateur privé, ne sera pas tenu au paiement d’une redevance.

Je comprends l’intérêt de cette mesure pendant la phase de lancement. Néanmoins, si un opérateur privé se lance, il devra inéluctablement y trouver une rentabilité économique à terme, au risque de mettre le dispositif en péril. Cette gratuité sera-t-elle durable pour l’opérateur privé ?

Si je reprends l’exemple de la stratégie choisie par Nissan pour déployer un réseau européen de bornes de charge, cette entreprise pourra-t-elle demander les mêmes souplesses à l’État concernant ses implantations ? Comment ces réseaux nationaux privés, complémentaires, cohabiteront-ils demain si les uns sont aidés par l’État et les autres non ?

Cette situation ne présente-t-elle pas quelques risques juridiques et financiers ? Ce texte, je le crains vraiment, présente quelques lacunes. Je regrette d’ailleurs – je vous prie de m’excuser, monsieur le président de la commission des affaires économiques – qu’une fois de plus, la commission du développement durable n’ait pas été saisie. Même si la dimension économique de ce sujet, en particulier en ce qui concerne notre industrie automobile, est tout aussi importante, il aurait été intéressant que la commission du développement durable puisse aussi être consultée.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Elle est souveraine pour le décider ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Le président de la commission peut lui-même décider de se saisir pour avis ! Il n’y a pas de raison de parler à sa place !

Mme la présidente. Seul M. Leboeuf a la parole !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’était un rappel au règlement, madame la présidente ! (Sourires.)

Mme la présidente. Nous sommes dans la discussion générale, monsieur le président de la commission.

Poursuivez, monsieur Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Je vous ai bien entendu, monsieur le président. J’en parlerai avec le président de la commission du développement durable.

Plutôt qu’un texte qui oblige l’État à faire « à la place de » ou qui permet à l’État de désigner un opérateur qui, comme vous l’avez précisé, monsieur le ministre, ne pourra pas faire aussi bien que les acteurs locaux, n’aurions-nous pas dû rédiger un texte qui précise le rôle de chacun ? Pourraient, par exemple, revenir à l’État la norme technique, les objectifs nationaux, le financement, l’interopérabilité – thèmes qui ne pourront pas être traités au niveau local –, à la région les corridors et la mobilité interdépartementale et au département, à travers les syndicats d’électrification et les communes ou EPCI notamment, le maillage territorial et l’animation de la mobilité électrique, en cohérence avec les politiques, d’aménagement du territoire, d’urbanisme et de transport.

La décentralisation doit aussi s’appliquer à l’électromobilité. On ne peut pas exposer de grandes intentions sur la décentralisation de notre pays et faire finalement de nouveau de l’État l’acteur central et indispensable sur tous les sujets, au prétexte qu’il irait plus vite.

Je conclurai mon propos par quelques pistes de réflexions ou remarques. Rappelons-nous que l’élément le plus décisif au moment d’acheter un véhicule électrique reste son prix. Si nous voulons aider nos concitoyens à faire un achat plus écologique et plus respectueux de l’air ambiant, il faudra donc leur adresser un signal fort par le biais d’une prime qui ne peut plus être rabotée – je rappelle qu’elle a tout de même été diminuée de 700 euros. À ce propos, monsieur le ministre, je vous saurais gré d’apporter le plus rapidement possible des éclaircissements concernant votre décret sur les véhicules en location longue durée et en location avec option d’achat. Nos industriels sont très inquiets depuis la chute majeure des ventes qu’ils ont enregistrée au cours des premiers mois de l’année 2014.

Par ailleurs, l’actualisation du Livre vert rédigé par le sénateur Louis Nègre devient urgente. Il faut y intégrer les futures normes européennes, notamment l’obligation d’équiper à terme toutes les bornes d’une prise de type 2. Vous l’avez évoqué précédemment monsieur le ministre, mais permettez-moi d’insister : pourrait-on accélérer le référencement des bornes dans un système national de géolocalisation avec une interopérabilité entre les réseaux de bornes ? Je veux parler notamment du projet GIREVE, auquel l’État est associé.

Mme la présidente. Je vous remercie de bien vouloir conclure, monsieur Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Je conclus, madame la présidente. Nous le savons tous ici, alors que nos concitoyens devront avoir de moins en moins recours aux énergies fossiles dont l’impact sur notre environnement est très important, l’électromobilité est un enjeu majeur pour nos sociétés et pour notre pays en particulier. Nous sommes tous convaincus qu’il faut tout faire pour promouvoir ce mode de déplacement beaucoup plus écologique et plus économique. Cette proposition de loi se voulait un élément de réponse. Je regrette son manque d’ambition, et j’espère qu’elle ne déstabilisera pas un processus qui est enclenché et dont la pertinence est bien supérieure, puisqu’il a été pensé par les acteurs de proximité, qui connaissent mieux que l’État centralisateur les us et coutumes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Merci, monsieur Leboeuf. Je vous rappelle qu’en effet, les présidents de commission peuvent se saisir pour avis sur les textes examinés.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je vous remercie, madame la présidente !

Mme la présidente. La parole est à M. Franck Reynier.

M. Franck Reynier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’essor de la voiture électrique constitue un objectif fondamental tant sur le plan environnemental que sur le plan industriel.

Enjeu environnemental d’abord. Le réchauffement climatique doit conduire les pouvoirs publics à favoriser des modes de transports permettant de diminuer la pollution de l’air et les émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit donc de trouver des solutions alternatives aux modes de transport citadins alimentés par des énergies fossiles.

Enjeu industriel, ensuite, car l’avenir de la filière automobile française dépend largement de notre capacité à innover et à accompagner nos constructeurs vers la production massive de véhicules décarbonés. Derrière l’émergence de cette filière se joue aussi une course au leadership technologique mondial avec, à la clé, demain, de nombreux emplois. La France dispose de la taille suffisante, de toute la base industrielle nécessaire et d’un savoir-faire en matière énergétique et en matière d’aménagement urbain qui lui ouvre le chemin, à condition de saisir l’opportunité à temps et sans esprit partisan.

C’est donc dans cet esprit d’ouverture que nous abordons l’examen de cette proposition de loi. Nous tenons toutefois à déplorer le manque d’ambition et de volontarisme du Gouvernement sur l’ensemble des volets de la politique environnementale. Le Grenelle de l’environnement a posé les bases de mutations profondes et nous aurions souhaité que le Gouvernement s’inscrive dans la continuité de ce qu’avait engagé la précédente législature.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous avez fait l’écotaxe ! Bravo !

M. Franck Reynier. En effet, dans le domaine du développement des véhicules propres, nous ne partons pas d’une page blanche. Vous me permettrez de revenir brièvement sur les actions déjà engagées. Dès les premières tables rondes organisées dans le cadre du Grenelle de l’environnement, l’ensemble des acteurs s’étaient accordés sur l’objectif de lancer une filière automobile décarbonée avec une véritable dynamique industrielle créée autour de la voiture électrique de demain. Le plan français « véhicules décarbonés », lancé par Jean-Louis Borloo au tournant de 2008, visait à accompagner les ruptures technologiques indispensables de l’industrie automobile française pour qu’elle se tourne vers des produits propres, en créant un écosystème complet s’ajoutant au bonus-malus, qui a permis d’orienter l’évolution du parc automobile et de diminuer sensiblement les émissions de gaz à effet de serre.

En 2009, le pacte automobile s’est traduit par l’émergence d’une offre industrielle pour la batterie et la chaîne de traction électrique, une démarche coordonnée d’achats de véhicules électriques entre l’État et les grands comptes publics et privés, puis par de nouvelles actions concernant les infrastructures de recharge. Dans ce domaine, le rôle moteur de l’ADEME doit être salué. Deux appels à manifestation d’intérêts ont été lancés depuis 2011 dans le cadre du programme « véhicule du futur » des investissements d’avenir, doté de 50 millions d’euros, pour soutenir les projets d’infrastructures de recharge de véhicules électriques implantés par les collectivités locales.

Le troisième appel à manifestation d’intérêts, décalé au 31 janvier 2015, devrait enfin permettre à de nombreux territoires, préalablement exclus du bénéfice de l’aide de l’État, d’être couverts, portant ainsi le nombre d’infrastructures de recharge à 14 000 à l’horizon 2016. En dépit de ces incitations fortes en direction des collectivités territoriales, notre pays souffre aujourd’hui de l’insuffisance de son réseau national de bornes de recharge, ce qui constitue un frein majeur au développement de la voiture électrique.

Ainsi l’objet de cette proposition de loi est de recentraliser la politique de déploiement des infrastructures de recharge sur le territoire. Dans le droit actuel, seules les collectivités territoriales sont compétentes pour la construction de telles infrastructures. Or, il subsiste d’importants trous, des zones blanches, sur la carte de France, de sorte que la possibilité de se déplacer partout sur le territoire avec un véhicule électrique n’est pas garantie.

Il est donc primordial de combler ces trous et de lutter ainsi contre la fracture territoriale qui s’installe entre les zones urbaines et périurbaines et le reste du territoire. Pour y répondre, le texte ambitionne de mettre en place un réseau essentiel couvrant l’ensemble du territoire et destiné à compléter les initiatives des collectivités et des acteurs privés. Selon ses auteurs, ce réseau pourrait compter environ 4 500 bornes rapides ou accélérées pour un coût de 200 millions d’euros d’après les premières estimations d’ERDF.

Sur la forme, le groupe UDI regrette qu’une telle initiative ne s’inscrive pas dans le cadre plus large du projet de loi sur la transition énergétique. Cela nous aurait notamment permis de souligner certaines incohérences de votre politique dans le domaine de l’énergie.

Par exemple, comment concilier le déploiement d’un réseau élargi de bornes de recharge et la réduction des capacités de production électrique non carbonée par la fermeture des réacteurs nucléaires sans que celle-ci soit compensée par notre production d’énergies renouvelables ? Nous déplorons également le ballet des ministres de l’écologie et les reports successifs du texte sur la transition énergétique, annoncé depuis le mois de septembre 2012, nous laissent sceptiques quant à la priorité donnée par le Gouvernement à ce chantier majeur pour l’avenir de notre pays.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est hors sujet ! Restez dans le sujet !

M. Franck Reynier. C’est d’autant plus regrettable que la procédure choisie ici – celle de la proposition de loi – vous exonère de la production d’une étude d’impact qui aurait pourtant permis d’éclairer la représentation nationale, notamment sur les conséquences financières du dispositif proposé.

Sur le fond, compte tenu de l’importance de l’enjeu, nous ne sommes pas opposés à l’apparition d’un opérateur national chargé de déployer des bornes sur le domaine public lorsque cette implantation s’inscrit dans un projet de dimension nationale. En revanche, nous serons particulièrement attentifs à ce que ce texte ne vienne pas déposséder les collectivités territoriales de leurs prérogatives : les projets de dimension nationale devront compléter le réseau des collectivités territoriales et non s’y substituer ou concurrencer l’action territoriale.

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Tout à fait !

M. Franck Reynier. Par ailleurs, les collectivités devront être étroitement associées au processus décisionnel, car elles sont les plus à même de connaître les flux des trajets domicile-travail sur leurs territoires. À ce propos, madame la rapporteure, vous évoquez dans votre rapport un droit de veto des collectivités sur le déploiement des bornes sur leur territoire, mais celui-ci n’est pas clairement inscrit dans le texte. Pourrez-vous, au cours de cette discussion, nous assurer que les collectivités resteront bien décisionnaires in fine ?

En matière d’occupation du domaine public, la règle est le paiement d’une redevance et l’exception la gratuité. Cette perte de recettes devrait être compensée par la DGF, mais permettez aux élus locaux, qui constatent la diminution régulière de l’enveloppe de la DGF, d’être inquiets. Cependant, la promotion des véhicules électriques nous semble, en l’espèce, un motif d’intérêt général suffisant pour justifier cette dérogation. Ce sont d’ailleurs les mots du juge constitutionnel qui, dans sa décision du 28 décembre 2000, a rappelé que la réduction des gaz à effet de serre constituait bien un motif d’intérêt général.

J’ajoute que le choix de l’opérateur national suscite de nombreuses questions qui devront trouver des réponses. Nous souhaiterions donc que le Parlement soit régulièrement informé et associé aux décisions qui seront prises par le Gouvernement, tant sur le choix de l’opérateur que sur les modalités de son intervention sur le territoire. Plus globalement, nous sommes convaincus que la bonne orchestration de l’action de l’État et des collectivités locales sera essentielle et que les deux partenaires ne pourront avancer l’un sans l’autre. Pour autant, seul le dépassement des clivages politiques et des querelles de frontière entre les niveaux de responsabilité administrative permettra de lancer un projet ambitieux.

Cette proposition de loi n’est pas la panacée, mais elle est une étape nécessaire. Plusieurs obstacles au déploiement des véhicules électriques demeurent et nous appelons le Gouvernement à poursuivre et amplifier les efforts accomplis depuis plusieurs années pour qu’émerge une véritable filière compétitive et créatrice d’emplois et ainsi faire de la France un acteur majeur à l’avant-garde des technologies vertes en Europe et dans le monde. En conclusion, en dépit des réserves que je viens d’évoquer, le groupe UDI votera cette proposition de loi.

M. Arnaud Montebourg, ministre et Mme Frédérique Massat, rapporteure. Merci monsieur le député !

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer aujourd’hui sur la proposition de loi facilitant le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public.

Le développement du véhicule électrique représente un triple défi.

Un défi écologique, tout d’abord, car il contribuera de façon décisive à la diminution de la pollution de l’air et des émissions de gaz à effet de serre tant on sait que le transport et le logement sont les deux secteurs qui produisent le plus de C0 2 en France.

Un défi industriel, ensuite, avec la consolidation et la création de filières technologiques françaises d’excellence. À cet égard, je tiens à saluer la vision de M. le ministre qui a choisi, parmi les trente-quatre plans de la nouvelle France industrielle, trois plans qui vont dans ce sens : l’essor du marché du stockage d’énergie, le déploiement des réseaux électriques intelligents combinés et le développement de l’installation des bornes de recharge. Ce dernier point fait l’objet de la présente proposition de loi.

Un défi énergétique, enfin en ce que le développement du véhicule électrique est une condition nécessaire à la réussite de la transition énergétique qui fera prochainement l’objet d’un projet de loi, lequel, nous l’espérons dès à présent, saura répondre aux immenses défis que nous devrons relever. Nous assistons à des transferts d’usage en matière de circulation : les Français choisissent désormais le véhicule électrique. Or, sans borne de recharge, cette évolution sera limitée. Ne serait-ce que pour rassurer les utilisateurs qui craignent de ne pas avoir assez d’autonomie, il importe d’assurer une présence suffisante des bornes sur le territoire national. Cette préoccupation est au cœur de la proposition de loi.

Le texte répond donc à un réel besoin : celui d’accélérer le déploiement des infrastructures de recharge et de combler les trous laissés par les initiatives déjà prises, comme celles du département de la Vendée que je salue. Mais d’autres collectivités territoriales et acteurs privés ne sont pas au rendez-vous, notamment dans ma région.

Nous avons été rassurés en commission des affaires économiques sur le fait que les initiatives des collectivités seront toujours les bienvenues et continueront à être secondées par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME. Nous avons été également rassurés sur le fait que la proposition de loi associe très étroitement les collectivités à l’élaboration des projets. Il va en effet de soi que le déploiement des bornes devra se faire en lien avec les schémas et les documents d’aménagement, notamment les plans de déplacements urbains, les plans locaux d’urbanisme et les schémas de cohérence territoriale. Sur ces deux points, nous souhaiterions que M. le ministre nous confirme en séance publique ce qui nous a été garanti en commission.

Dernier point sur lequel nous souhaiterions être rassurés : il est à craindre, comme l’ont signalé mes prédécesseurs à la tribune, que les collectivités territoriales, sachant que l’État va intervenir directement ou indirectement grâce aux nouvelles compétences qui lui seront accordées par cette proposition de loi, choisissent de mettre en berne leurs projets de déploiement de bornes de recharge en se reposant entièrement sur l’action de l’État. J’espère, monsieur le ministre et madame la rapporteure, que vous pourrez nous rassurer ce point.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est déjà fait !

M. François-Michel Lambert. Merci, monsieur le président de la commission, mais ce sera mieux de le réentendre ! Sous ces quelques réserves qui seront, à n’en pas douter, dissipées lors de nos débats, je tiens à vous assurer que le groupe écologiste se félicite de cette proposition de loi qui traduit une politique nationale volontariste – contrairement à ce qui a été indiqué par les deux précédents orateurs à la tribune – quant à l’aménagement de son territoire et les liens qui sont faits entre cet aménagement et la transition énergétique et écologique. Nous rappelons que le déploiement des bornes s’inscrit dans une perspective bien plus large : celle de la troisième révolution industrielle, telle que théorisée notamment par l’économiste Jeremy Rifkin, qui commence à être mise en œuvre dans la région Nord-Pas-de-Calais. En effet, les grandes révolutions économiques de l’histoire se produisent à chaque fois que de nouvelles technologies apparaissent et se conjuguent simultanément avec de nouvelles sources d’énergies, les unes n’allant pas sans les autres.

L’évolution du transport vers des véhicules électriques rechargeables et des véhicules à piles à combustible capables à terme d’acheter ou de vendre de l’électricité en se connectant à un réseau électrique est l’un des piliers essentiels de cette révolution théorisée par Jeremy Rifkin.

En d’autres termes, le déploiement des bornes de recharge doit s’opérer dans le cadre d’une transition énergétique fondée sur les énergies renouvelables et sur les smart grids – réseaux de distribution d’électricité intelligents – plutôt que sur le nucléaire. Cette proposition de loi va donc dans le bon sens ; mais ne négligeons pas les autres leviers pour le développement de la mobilité propre. Je tiens à le dire ici : tout va se jouer dans les deux ans ! Nous devons donc prendre dès aujourd’hui – dès hier, même ! – le bon virage : celui du véhicule électrique.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. François-Michel Lambert. Pour cela, il faut impérativement accélérer la transformation des flottes d’entreprise et des collectivités. Or rien, malheureusement, n’est prévu à court terme pour encourager les entreprises à transformer leurs flottes, notamment à travers la mise en place d’avantages comptables et fiscaux. Je rappelle l’avantage fiscal donné au diesel au sein des flottes d’entreprises par rapport à tout autre mode énergétique.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. À La Poste aussi !

M. François-Michel Lambert. Je parlais de l’avantage fiscal que les entreprises privées peuvent trouver dans le diesel, lequel peut être défiscalisé, contrairement à l’essence et – c’est le sujet qui nous concerne – à l’électricité.

Favorisons également le véhicule électrique à la campagne, à la montagne ou dans les petites villes de province. Les distances qui sont parcourues coïncident parfaitement avec le recours à la mobilité propre : cette loi va dans ce sens.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Exact !

M. François-Michel Lambert. Développons aussi le marché de l’occasion, qui est l’un des principaux modes d’acquisition d’un premier véhicule. À ce jour, en effet, les sociétés privées telles que l’Argus n’ont pas encore clairement défini les critères dans lesquels s’inscrivent les véhicules électriques. Elles ont donc un rôle à jouer et il faut les y encourager.

Enfin, un des leviers de développement du véhicule électrique est l’instauration d’un marché stable et visible. Or, l’écobonus pour l’achat d’un véhicule est modifié chaque année : il a été raboté de 700 euros l’année dernière, passant de 7 000 euros à 6 300 euros. Il nous semble important de travailler sur des formes de défiscalisation du véhicule électrique car s’il est primordial de créer des bornes, encore faut-il pouvoir se payer ce type de véhicule.

Le groupe écologiste soutiendra donc cette proposition de loi et se réjouit de cette initiative. Permettez-moi de transmettre mon expérience d’utilisateur d’une Renault Zoé depuis plus d’un an, et que le président Brottes a rappelée tout à l’heure. J’ai eu le plaisir, monsieur le ministre, de vous présenter ce véhicule lorsque vous êtes venu à Marseille il y a environ un an – nous avons même été photographiés ensemble ! Depuis, ce véhicule a parcouru trente mille kilomètres. En choisissant de coupler ce véhicule électrique avec un abonnement chez le fournisseur d’électricité Enercoop, je roule avec un véhicule français, donnant de l’emploi en France, alimenté par une électricité verte provenant à 100 % d’énergies renouvelables – 100 % française, 100 % coopérative, sans aucune importation d’hydrocarbures ni utilisation de nucléaire : c’est bien la preuve que la transition énergétique est possible avec un véhicule électrique !

Celui-ci génère en outre un gain économique d’environ 2 000 euros sur une année par rapport à un véhicule thermique : c’est donc également du pouvoir d’achat redonné aux Français – nous ne l’avons pas suffisamment dit – dans une approche de la mobilité pensée et adaptée aux besoins, apaisée – nous sommes beaucoup plus apaisés dans un véhicule électrique que lorsque nous roulons dans un véhicule thermique – et partagée – nous avons souvent l’intention de faire connaître à d’autres l’utilisation du véhicule électrique ; c’est ainsi que l’on arrive à partager trente mille kilomètres en laissant de côté les véhicules thermiques !

Mais l’heure tourne : j’en viens donc à ma conclusion. Cette proposition de loi constitue un élément d’un nouveau montage de la transition énergétique et des transports propres. Nous demeurerons attentifs aux décrets à venir, aux aides accordées à la location avec option d’achat, à la capacité à communiquer l’information sur les bornes disponibles sur un trajet, mais aussi, et j’insiste, au couplage avec une autre façon de penser l’aménagement du territoire et les infrastructures de transport, en lien avec la nouvelle décentralisation voulue par le Président de la République autour de régions plus grandes, plus autonomes, et autour de métropoles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, oui, tout doit être fait pour favoriser l’essor de la voiture électrique, et cela passe évidemment par le développement du réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques dans le territoire français. La proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui en est un facteur déterminant.

Dans le cadre des engagements internationaux de la France sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’adoption de mesures visant à faciliter le déploiement d’un réseau d’infrastructure de recharge de véhicules électriques dans l’espace public devrait y contribuer, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, d’un point de vue environnemental : ainsi que nous l’avons souvent expliqué dans cet hémicycle au cours des débats sur la mise en place de l’écotaxe, le secteur des transports est un grand consommateur d’énergies fossiles en France et l’un des principaux émetteurs de polluants et de gaz à effet de serre. Il existe par ailleurs d’autres éléments, comme la transition énergétique ou les enjeux économiques et l’emploi, sur lesquels je reviendrai. Mais si la voiture électrique est un sujet d’actualité depuis environ vingt ans, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, son invention remonte bien au-delà, à plus d’un siècle ! Le 29 avril 1899, dans le parc agricole d’Achères de la ville de Paris, une voiture dépassait en effet pour la première fois la barrière symbolique des 100 kilomètres par heure – 105 kilomètres par heure exactement. Cette voiture était une voiture électrique franco-belge, la « Jamais contente ».

En 2013, soit cent quinze ans après cette prouesse, 14 000 véhicules électriques ont été vendus, ce qui représente tout de même une hausse de 50 % en un an, même si cela demeure en deçà des prévisions. Pourquoi si peu ? Il existe plusieurs facteurs limitant ce développement. Tout d’abord, le prix de vente ou de location de longue durée établi par les constructeurs automobiles est encore trop élevé. Certes, madame la rapporteure, vous avez tout à l’heure mentionné l’existence d’un « facteur psychologique décisif » et indiqué que le déploiement d’un réseau national couvrant le territoire doit précéder les ventes de véhicules électriques pour convaincre les acquéreurs potentiels hésitants de faire le premier pas. Vous avez raison, mais ça ne peut être le seul levier de développement du marché des véhicules électriques : il nous faut aller plus loin. Si les aides de l’État à l’achat sont incitatives, pour autant, et le président Brottes l’a souligné, le prix des batteries demeure encore trop souvent rédhibitoire.

L’essor du véhicule électrique se jouera également sur la capacité des constructeurs à diminuer le coût des batteries. Du fait de son coût global d’achat et d’utilisation, le véhicule électrique n’apparaît pas suffisamment avantageux – même si notre collègue a rappelé tout à l’heure tout l’intérêt économique de rouler en Zoé en comparaison avec les véhicules thermiques – : c’est là l’un des premiers freins, en dépit d’un prix de revient au kilomètre nettement inférieur. De plus, la faible autonomie des véhicules électriques, que les constructeurs annoncent aux alentours de cent cinquante kilomètres, en fait souvent des secondes voitures à usage urbain et périurbain, bien qu’elles commencent à pénétrer en milieu rural ou dans les petites villes – il y en a même à Château-Thierry ! Par conséquent, le maillage territorial des bornes de recharge, en l’état actuel, ne permet pas de rassurer les propriétaires ou éventuels futurs acquéreurs de véhicules électriques et accentue la peur de la panne, très bien décrite tout à l’heure.

Cette proposition de loi est donc indispensable, car il subsiste aujourd’hui de nombreuses zones partiellement, voire totalement délaissées sur le territoire français. La continuité territoriale est loin d’être assurée à ce jour et le propriétaire d’un véhicule électrique n’a aucune garantie de pouvoir se déplacer partout en France avec un véhicule électrique au-delà des territoires d’excellence tels que la Vendée ou la région Poitou-Charentes. La région Picardie ne possède que cinquante-cinq à soixante bornes, dont dix-sept dans l’Aisne – quatre à Château-Thierry. Ces disparités sont d’autant plus fortes entre les espaces urbains et les espaces ruraux que la voiture pour les habitants des communes rurales y est bien plus qu’un simple moyen de transport : elle constitue le moyen de locomotion entre le domicile et le lieu de travail.

Oui, l’accès à la borne électrique doit être un droit pour tous, quelle que soit la région où l’on réside. Tout doit être mis en œuvre afin qu’au-delà des grandes villes et des grandes agglomérations, nos territoires ruraux puissent, eux aussi, bénéficier de ces nouvelles technologies dans les mêmes délais. En favorisant le développant des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques, l’adoption de la proposition de loi que nous examinons pourrait donner les moyens de réduire ces inégalités territoriales. Notre collègue Jeanine Dubié rappelait en commission que nos territoires ruraux ne devaient pas devenir les enfants pauvres du développement des véhicules électriques. Nos territoires ruraux connaissent eux aussi des pollutions au C02. Ainsi, dans le sud de l’Aisne, la mise en place du plan climat-énergie territorial nous a permis d’établir que 28 % des émissions de C02 étaient dues aux problématiques de la mobilité.

Par ailleurs, ce maillage territorial devra impérativement s’accompagner d’un véritable service à la recharge : géolocalisation des points de recharge avec une indication de disponibilité, indication du niveau de recharge en temps réel sur portable. Demain, les Français qui se rendent au travail, à l’école, en week-end ou en vacances devront pouvoir le faire avec un véhicule électrique sans crainte de la panne sèche et pouvoir recharger leur véhicule facilement. L’existence d’un réseau de recharge électrique efficace, disponible, ainsi que la diminution des coûts des véhicules et l’évolution des batteries, favoriseront le succès de la voiture électrique.

Au-delà de l’aspect environnemental, de la transition énergétique, des aspects sociaux, il s’agit en effet également d’un enjeu industriel majeur, ainsi que vous l’avez rappelé avec brio, monsieur le ministre. Vous avez salué la performance des constructeurs automobiles français, qui détiennent 80 % des parts de marché du véhicule électrique pour les particuliers, contre 53 % pour l’ensemble des véhicules pour les particuliers. En outre, de nombreux équipementiers électriques, pourvoyeurs d’emplois locaux, sont directement concernés. Dans la conjoncture économique dégradée que nous connaissons, nous ne pouvons pas nous priver de telles potentialités d’emplois !

Par ailleurs, la présente proposition de loi constitue une réponse au projet de directive européenne en cours de discussion, qui imposera aux États membres un certain nombre d’objectifs relatifs au maillage du territoire en infrastructures de recharge. Actuellement, certaines mesures existent mais restent insuffisantes : ainsi, dans le cadre des investissements d’avenir, l’État a confié à l’ADEME le rôle d’opérateur du programme « Véhicule du futur », doté d’un budget de 50 millions d’euros alloué aux infrastructures.

De plus, L’article L. 111-5-2 du code de la construction et de l’habitation, introduit par la loi Grenelle 2, prévoit l’obligation d’intégrer des prises de recharge dans les parkings des nouveaux immeubles. Quant à la loi ALUR, elle étend dès janvier 2016 ces dispositions aux bâtiments industriels et commerciaux.

Du côté des acteurs privés, 25 000 bornes de recharge ont été installées : 8 000 par des particuliers, 12 000 destinées aux flottes d’entreprise, 1 000 dans les centres commerciaux et 4 000 dans les parkings. Cela montre bien le réel intérêt des acteurs privés pour l’installation de telles infrastructures.

Comme vous l’avez indiqué, madame la rapporteure, la présente proposition de loi a l’avantage d’être brève et ciblée. Toutefois, il me semble qu’elle comporte quelques limites et que quelques précisions devraient être apportées.

Ainsi, les modalités de création de l’opérateur national ne sont pas assez clairement explicitées. Même si vous nous avez quelque peu rassurés tout à l’heure, il ne faudrait pas que le nouvel opérateur national vienne concurrencer l’offre publique déjà développée par les collectivités, les EPCI ou les syndicats d’électrification, comme c’est le cas dans l’Aisne avec l’USEDA. La concertation entre les collectivités territoriales et l’État, prévue dans la proposition de loi, doit être respectée à la lettre afin de permettre une évaluation précise et d’éviter que ces acteurs ne se concurrencent.

À l’exception de ces réserves, nous soutenons cette proposition de loi car nous considérons qu’elle donne des moyens d’action efficaces pour contribuer au développement du secteur de l’automobile électrique. Comme l’écrivait Jean de la Fontaine dans Clymène : « Il me faut du nouveau, n’en fût-il point au monde. » Oui, monsieur le ministre, avec ce réseau d’infrastructures, nous sommes à l’offensive en France, en Europe et dans le monde. C’est pourquoi le groupe RRDP soutient cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. Arnaud Montebourg, ministre. Merci, monsieur le député !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. Martial Saddier. Vive la ruralité !

M. André Chassaigne. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par nos collègues socialistes devrait, sur le principe, recueillir un large assentiment. La construction rapide d’un réseau national de bornes de recharge électrique est un levier indispensable au développement de l’usage des véhicules électriques sur le territoire national. Pour reprendre les mots de Mme Frédérique Massat, nous sommes dans « l’exemplarité énergétique et environnementale ». Je rappelle d’ailleurs que de nombreux élus sont mobilisés sur ces questions. Je pense notamment au club des voitures écologiques qui soutient des propositions très précises comme celle sur la signalisation des bornes, ce qui montre à quel point cette problématique est prise en compte dans l’hémicycle, et au-delà par d’autres acteurs de la voiture écologique.

Selon le ministre, le parc de points de charge ouverts au public sur le territoire national a atteint les 8 000 à la fin de 2013, Mme Massat ayant cité le chiffre de 5 500 bornes sur la voirie. En tout cas, le nombre de points de charges est inférieur à 8 000. De l’avis de tous, ce chiffre est bien trop faible, tant au regard de la progression des ventes de véhicules électriques – 14 000 véhicules vendus l’an passé – que des perspectives qui s’offrent aux constructeurs en termes de développement industriel.

L’objet du texte est concrètement d’autoriser l’État, ou – le mot est important – un opérateur dans lequel l’État détiendrait une participation, à implanter des bornes de recharge de véhicules électriques et hybrides rechargeables sans être tenu au paiement d’une redevance. Il faut en outre que cette implantation s’inscrive dans un projet de dimension nationale, dimension qui s’apprécie notamment au regard du nombre de régions concernées.

Le texte précise que les modalités d’implantation des infrastructures font l’objet d’une concertation entre le porteur du projet et les collectivités territoriales concernées. À l’heure actuelle, seules les communes ou les intercommunalités sont compétentes pour implanter des bornes de recharge sur l’espace public. Ceci ne permet pas d’assurer un maillage complet du territoire, comme cela a été dit en commission et répété par les orateurs qui sont intervenus avant moi.

De fait, la répartition sur le territoire n’est pas homogène. Paris et son syndicat Autolib’ disposent du parc le plus abouti et le plus dense d’Europe avec plus de 5 000 bornes de recharge, dont une partie ouverte aux tiers non utilisateurs des voitures en libre-service. Certains départements sont mieux équipés que d’autres. Le Rhône, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, le Bas-Rhin, le Nord, la Gironde, l’Indre-et-Loire disposent ainsi de plus de 100 prises de charge publiques.

Jusqu’à une période récente, le Gouvernement n’envisageait pas la création d’un opérateur national d’infrastructures de recharge pour installer un réseau de bornes qui viendrait compléter celui mis en place à l’initiative des collectivités territoriales. Il y a un an, vous insistiez encore, monsieur le ministre, sur le fait que les collectivités locales sont seules à connaître les flux des trajets domicile-travail dans leurs territoires, et qu’il leur revenait par conséquent la charge d’installer et de gérer ces bornes de recharge.

M. Arnaud Montebourg, ministre. C’est vrai, mais c’était il y a un an !

M. André Chassaigne. Cependant, vous concédiez déjà que cela irait plus vite avec un opérateur national, mais jugiez dans le même temps plus pertinent que les collectivités assurent ce maillage territorial.

Malgré les zones d’ombre sur les conditions de mise en œuvre de la présente proposition de loi, nous saluons, pour une fois, le revirement que vous avez opéré en reconnaissant le rôle qui peut et doit être celui de l’État pour garantir l’égal accès de tous à ces équipements.

M. Arnaud Montebourg, ministre. C’est une évolution !

M. André Chassaigne. Cela crédibilise l’effort annoncé lors du plan automobile de 2012 pour faciliter la mise en place des infrastructures publiques accessibles à tous les usagers.

Le texte qui nous est proposé octroie à l’État une compétence pour déployer des bornes de recharge. Mais j’évoquais aussi des zones d’ombre. Quelles sont-elles ?Premièrement, l’État pourra déployer ces infrastructures de recharge soit pour son propre compte, soit par l’intermédiaire d’un opérateur national dans lequel il détient directement ou indirectement une participation. La participation dans l’opérateur national pourra d’ailleurs être détenue par un établissement public comme l’ADEME, voire, plus indirectement, par la Caisse des dépôts.

Le texte exonère, dans ce cadre, l’État ou l’opérateur national de toute redevance. Cette dérogation au droit commun de la domanialité publique vise, selon les promoteurs du projet, à simplifier les procédures pour l’opérateur et se justifierait notamment par le fait que, contrairement au déploiement des réseaux locaux, aucune subvention n’est ici prévue.

Si la proposition de loi associe les collectivités territoriales en prévoyant que leurs organes délibérants seront compétents pour se prononcer sur la délivrance des titres d’occupation du domaine public, rien ne vient toutefois garantir un droit de regard de l’État et des collectivités locales sur les politiques tarifaires qui seront appliquées à l’exploitation de ces bornes.

M. Martial Saddier. M. Chassaigne a raison !

M. André Chassaigne. Nous avons donc des interrogations, monsieur le ministre – je vous vois souffler.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Non, rien ne me fait souffler. Je répondrai méticuleusement à vos interrogations !

M. André Chassaigne. Tant mieux, c’est pour cela que je pose des questions.

Comment seront fixés ces tarifs d’exploitation ? Quel contrôle public pourra s’exercer sur l’opérateur ? Quelle garantie aurons-nous d’un égal traitement des usagers sur l’ensemble du territoire – la fameuse péréquation tarifaire ?

Autre zone d’ombre : le maillage proprement dit. Si l’on peut penser que les autoroutes et les zones les plus densément peuplées seront rentables et donc rapidement équipées, quelles garanties et quelles obligations précises pèseront sur l’opérateur pour que ne subsistent pas de zones blanches ? Vous avez tenu à cet égard, monsieur le ministre, des propos qui, pour le moment ne sont pas vraiment rassurants, voire contradictoires avec ceux de notre rapporteure.

D’un côté, Mme Massat a assuré en commission qu’aucune commune ne sera délaissée. Dans sa présentation, elle est clairement revenue sur l’exigence de complémentarité avec les initiatives locales pour les territoires non couverts.

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Tout à fait !

M. André Chassaigne. De l’autre, monsieur le ministre, vous avez expliqué très clairement que les opérateurs au capital desquels l’État aura pris une participation, modeste mais réelle, déploieront des infrastructures « dans les lieux où ils pensent pouvoir rentabiliser leur investissement ». Il s’agit donc, non pas d’une logique de service public universel, mais d’une stratégie de déploiement d’un réseau minimal,…

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Essentiel, pas minimal !

M. André Chassaigne. …ciblé sur les secteurs rentables.

M. Martial Saddier. C’est l’abandon d’une partie de la France !

M. André Chassaigne. Ce que je viens de dire devrait déclencher des applaudissements sur les bancs du groupe UMP.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. C’est une approche que les députés du Front de gauche désapprouvent. Elle présente les mêmes écueils fondamentaux que celle qui a été retenue en matière de téléphonie mobile ou d’internet à haut débit, secteurs où la fracture territoriale demeure une réalité. Nous voyons là certaines insuffisances mais aussi une aubaine non maîtrisée pour des opérateurs privés.

Cependant, nous ne nous opposerons pas à ce texte. Nous estimons en effet, comme d’autres, que le développement du véhicule électrique est un enjeu environnemental et industriel de premier plan. Nous devons, bien évidemment, soutenir la filière française du véhicule électrique, qui est une illustration parmi d’autres du formidable gisement d’emplois que représente la transition énergétique. Les constructeurs automobiles français captent aujourd’hui 80 % des parts de marché du véhicule électrique pour les particuliers, contre 53 % pour l’ensemble des véhicules particuliers, sans parler des nombreux équipementiers électriques.

L’enjeu écologique n’est pas moins décisif en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. La moyenne actuelle des émissions du parc automobile français est encore de 176 grammes de C02 par kilomètre. Elle devrait atteindre 130 grammes en 2020. C’est dire les enjeux !

Le véhicule électrique peut et doit jouer un rôle majeur dans le recul de nos émissions. Il y va d’ailleurs également de la santé de nos concitoyens, le transport routier représentant à lui seul aujourd’hui 30 % des émissions d’hydrocarbures aromatiques polycycliques et 20 % des émissions de particules fines. Ce texte constitue donc l’une des étapes d’un incontournable et indispensable processus de transformation sociale et écologique. C’est pourquoi, nous aurions pu émettre un vote favorable. Toutefois, nous nous abstiendrons, en raison des points que j’ai soulignés. Mais peut-être allez-vous m’apporter des réponses suffisamment claires pour dissiper ces zones d’ombre, monsieur le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Je vais essayer de vous convaincre !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Bachelay.

M. Guillaume Bachelay. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, dans le secteur stratégique de l’électromobilité, la France est à l’avant-garde. Depuis un siècle et demi et la réussite de premiers prototypes à vapeur, notre pays est un pionnier de l’industrie automobile. Il l’est aussi dans le champ des énergies.

Le marché français est le premier d’Europe pour les véhicules décarbonés alors même que l’Union fait de leur déploiement une priorité. Nos constructeurs et équipementiers ont pris une avance technologique. J’en veux pour preuve que leurs concurrents les imitent. L’industrie automobile bénéficie en France d’un écosystème favorable à l’innovation. Je pense au crédit d’impôt recherche et aux pôles de compétitivité, et d’abord à Mov’eo, pôle à vocation mondiale au cœur de la vallée de la Seine.

Quant à nos concitoyens, beaucoup sont prêts à franchir le pas de l’électromobilité, comme en témoigne la hausse des immatriculations.

Nos atouts sont bien réels. C’est le moment d’accélérer. C’est, bien sûr, le défi de nos constructeurs. Ils représentent déjà 80 % des parts de marché français du véhicule électrique pour les particuliers. Ils ont beaucoup investi et ils investissent beaucoup. Je pense à l’usine Renault à Cléon en Seine-Maritime que vous connaissez bien pour vous y être rendu en septembre 2012, monsieur le ministre. Y est produite la junction box qui assure la connexion entre le moteur électrique et les fonctions du véhicule lors de la charge de la batterie. Sur ce site d’excellence, au savoir-faire mondialement reconnu depuis plus de cinquante ans en matière de motorisation, les ingénieurs et tous les salariés innovent et préparent l’avenir.

À l’échelle nationale, d’autres étapes importantes sont à franchir, en matière de prix à l’achat et d’autonomie des batteries notamment.

Le rôle de la puissance publique est d’accompagner et d’encourager cette ambition productive. Les collectivités territoriales sont actives. Parmi elles, je mentionne la région Haute-Normandie, à l’origine d’un dispositif d’aide de 5 000 euros pour les particuliers qui acquièrent un véhicule 100 % électrique. Intervention régionale aussi, aux côtés de l’ADEME et des autres collectivités locales, pour déployer les points de recharge dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt lancé par le Gouvernement début 2013. Initiative aussi des métropoles et agglomérations qui mettent en place infrastructures de recharge et politique de stationnement attractive.

Ce défi collectif, c’est aussi celui de l’État. Il doit être stratège, facilitateur, partenaire. Lui aussi prend ses responsabilités, en renforçant les bonus écologiques pour les véhicules électriques, en orientant les achats vers les véhicules décarbonés – l’année dernière, ils ont représenté au moins un quart des véhicules achetés – et en simplifiant le cadre réglementaire pour soutenir ce secteur naissant. Cet aspect doit être particulièrement pris en compte par le Gouvernement, je pense par exemple au décret relatif à la location-vente avec option d’achat.

Enfin, le défi de la voiture électrique est un enjeu pour le Parlement. C’est l’objet de cette proposition de loi, qui s’inscrit, cela a été justement rappelé, dans le plan de développement des bornes de recharge, l’un des trente-quatre plans de la Nouvelle France industrielle. Ce texte a été déposé par notre groupe et défendu par notre rapporteure Frédérique Massat, que je remercie chaleureusement pour son important travail.

L’objectif est de renforcer le maillage territorial des infrastructures de recharge. La méthode consiste à doter l’État d’une compétence pour aider à leur déploiement en associant étroitement les collectivités territoriales. Pour fédérer les initiatives publiques et privées grâce à cet ensemblier national ; pour rassurer les acheteurs potentiels quant aux possibilités de recharger effectivement leur véhicule ; pour combler les vides ou les manques qui perdurent malgré les efforts des acteurs locaux dont les initiatives – nous insistons, nous le rappelons – continueront d’être puissamment soutenues.

C’est décisif pour l’emploi bien sûr. C’est majeur pour la conquête de parts de marché à l’international, car dans ce secteur, les gisements de croissance sont considérables à l’export. C’est indispensable pour l’environnement, pour réduire nos émissions de CO2. Enfin, c’est un enjeu d’aménagement du territoire autant que de pouvoir d’achat.

L’électromobilité a une dimension urbaine évidente, mais dans les territoires ruraux et périurbains, où le réseau de transports en commun est moins dense qu’en ville, où l’accès aux stations-services est parfois fastidieux – c’est un euphémisme –, où le prix du carburant pèse sur les budgets des ménages, l’électromobilité permet de réduire les coûts de déplacements et facilite l’accès aux services publics, aux commerces, aux lieux de travail et de loisirs.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, cette proposition de loi contribuant à l’essor de la voiture électrique dans notre pays mérite de recevoir le soutien le plus large de notre Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Contrairement à ce que laisse penser son exposé des motifs, cette proposition de loi va bien au-delà de la simple exonération de redevances pour occupation du domaine public. En effet, elle vise à créer un véritable réseau de bornes de recharge pour voitures électriques et hybrides sur notre territoire.

L’idée n’est pas mauvaise en soi. Seulement, ce texte repose sur une vision particulière et fait des choix que je ne partage pas forcément, mais qui ont le mérite d’être assumés.

M. André Chassaigne. Si ce sont des choix libéraux ?

M. Lionel Tardy. Le premier choix est de considérer qu’il y a urgence à créer une offre, monsieur Chassaigne.

M. Martial Saddier. La majorité est libérale !

M. Alain Fauré. Sociale-démocrate !

M. Lionel Tardy. En principe, l’installation de ces bornes relève de la compétence des communes et des intercommunalités. Il y a quelques mois, d’ailleurs, la position du Gouvernement était encore de leur laisser le temps et, entre guillemets, de leur faire confiance pour la mise en place progressive de ces infrastructures. Mais force est de constater, monsieur le ministre, que peu d’entre elles ont jusqu’à présent fait le pas. Et pour cause ! On peut les comprendre : disons-le clairement, la demande est limitée. La vente de voitures électriques, bien qu’en progression, est encore faible : 3,1 % de parts de marché selon les derniers chiffres.

Vouloir déployer un tel réseau relève donc d’une politique de l’offre. C’est un pari risqué. On ne peut qu’espérer le succès, mais ne faudrait-il pas dans le même temps actionner davantage de leviers pour l’achat de voitures électriques ? La question mérite d’être posée.

« L’incertitude sur la possibilité de recharger son véhicule en tout lieu est très présente », dit l’exposé des motifs. La réticence à acheter un véhicule électrique l’est encore plus, à mon avis.

Le second choix consiste à considérer, à croire, que l’État serait le plus capable de prendre l’initiative dans ce domaine. Plus qu’un simple coup de pouce aux collectivités territoriales, cette proposition de loi institue bel et bien une nationalisation de cette compétence, ou plutôt une centralisation.

M. André Chassaigne. Oui !

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. Lionel Tardy. Cela peut être logique, si on veut déployer un réseau cohérent sur la globalité, entre les territoires. C’est d’ailleurs le principal argument avancé. J’ai des doutes, en revanche, sur la sacralisation de l’initiative publique qui sous-tend cette proposition de loi. J’y reviendrai lors de la discussion des amendements, mais je pose d’ores et déjà la question : pourquoi vouloir à tout prix que l’État – ou l’un de ses établissements publics – ait des parts dans l’opérateur qui sera choisi ?

N’est-ce pas fausser le jeu de la concurrence ? Nous savons parfaitement que certaines entreprises ont déjà montré leur intérêt, comme EDF ou Bolloré. Dès lors, pourquoi aussi retenir ce critère de participation de l’État, qui ferme un peu plus la porte ?

L’affirmation selon laquelle il y a une « insuffisance de l’initiative privée » – je cite l’exposé des motifs – reste à démontrer. Quand bien même, c’est un coup de pouce qu’il faudrait et non une centralisation totale.

On me répondra sans doute que l’État veut être sûr de pouvoir conserver la main sur un projet qui est sans nul doute d’intérêt général. C’est oublier que l’État aura bien une vue sur le projet, puisqu’il est explicitement soumis à l’approbation des ministres de l’écologie et de l’industrie, en concertation avec les collectivités territoriales.

Vous l’aurez compris, je ne suis pas favorable à ce parti-pris, car il exclut un certain nombre d’acteurs sans trop de raisons, si ce n’est une sorte d’idéologie.

À ce titre, l’amendement n° 7 du Gouvernement arrive à point nommé et je me félicite qu’il prenne en compte des doutes que j’avais exprimés en commission. J’y reviendrai.

Par ailleurs, il est à craindre que le rôle des collectivités territoriales soit réduit à peau de chagrin et que ce texte soit synonyme pour elles d’une dépossession quasi-totale.

Comme je l’ai dit, la seule obligation est en effet une obligation de concertation de la part du porteur du projet, sans plus de précision.

Il faudra sans doute que les ministres veillent à ce que cette concertation fasse partie intégrante du dossier qui leur sera présenté.

Car si le niveau national offre une vue d’ensemble utile, les collectivités gardent une expertise et une connaissance pertinente en termes de maillage du territoire.

Dernière remarque, ou plutôt dernière question : quel lien est-il prévu entre ce texte et l’article 184 de la loi ALUR ? Je le rappelle, cet article crée l’obligation d’installer des bornes de recharge dans les nouveaux bâtiments à usage industriel et les ensembles commerciaux. Cette nouvelle obligation relève de la même logique et participe du maillage du territoire. Une articulation devrait donc se faire entre ces dispositions.

En résumé, il y a derrière cette proposition de loi une bonne volonté, mais je bute principalement, monsieur le ministre, sur la question du porteur de projet. Or, le cœur du texte est bien de permettre la désignation d’un hyper-opérateur responsable de l’installation, de l’exploitation et de la maintenance des bornes. Lorsqu’on recherche une efficacité maximale – ici, le meilleur maillage possible –, la restriction est rarement la bonne solution. Cela vaut pour ce sujet comme pour d’autres. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. L’initiative parlementaire que nous étudions ce soir répond intelligemment aux nécessités de notre époque, par le sujet traité mais aussi par la méthode proposée. Et je salue le travail de notre rapporteure Frédérique Massat.

Le temps des énergies fossiles s’achèvera avant la fin de ce siècle. Cette perspective est optimale, étant donnés les dégâts environnementaux et sanitaires que ces énergies induisent. Le récent pic de pollution qui a touché la région parisienne est venu nous le rappeler, de même que des chiffres publiés en mars par l’Organisation mondiale de la santé, estimant à sept millions le nombre annuel de décès prématurés liés à la pollution de l’air.

Il nous faut donc nous projeter dans l’étape suivante. Le véhicule électrique représente l’un des horizons de la mobilité individuelle. Son avènement réclame un saut technologique aussi bien qu’industriel. Il demande aussi que l’aménagement du territoire s’adapte à son arrivée à grande échelle. C’est l’objet de la proposition de loi que de faciliter, pour l’accélérer, le déploiement des infrastructures indispensables à son fonctionnement. Il y a urgence, puisque le véhicule électrique est déjà là : plusieurs de nos constructeurs nationaux ont su l’anticiper et ont permis de faire de la France le troisième marché mondial et le premier en Europe, comme vous l’avez précisé monsieur le ministre.

Nous ne partons pas de rien : voici déjà plusieurs années qu’une politique nationale structurée est poursuivie par les pouvoirs publics afin d’accompagner l’émergence et le développement de la voiture électrique. Les nombreuses études parues dans les années 2000 ont nourri, de projets de loi de finances en décrets, un contexte législatif et réglementaire favorable au véhicule électrique.

La majorité actuelle a eu à cœur d’accélérer le chantier. Qu’il s’agisse du programme des investissements d’avenir, des plans de reconquête industrielle – celui consacré aux bornes électriques de recharge et celui consacré à l’autonomie et à la puissance des batteries –, en passant par la Banque publique d’investissement : ce sont plusieurs leviers de notre politique industrielle qui sont actionnés pour le développement du véhicule électrique et le soutien aux entreprises qui se positionnent sur ce marché innovant.

Le parlement prend, par cette proposition de loi, sa part dans le déploiement à l’échelle nationale des infrastructures de l’électromobilité.

Mais nous pouvons faire davantage encore pour faciliter le développement de la filière. Monsieur le ministre, je souhaite profiter de l’occasion pour appeler votre attention sur une question intimement liée à celle qui nous intéresse aujourd’hui. Il s’agit de la commercialisation des véhicules propres, et tout particulièrement, bien entendu, des véhicules électriques.

J’ai suivi avec attention l’évolution des ventes de la Zoé, véhicule fabriqué à Flins : un site que vous connaissez bien, pour vous y être rendu. Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que le bonus écologique a été consolidé à 6 300 euros et je salue cette mesure importante.

Mais un récent décret du 30 octobre 2013, modifiant un précédent texte de 2007 qui instituait une aide à l’acquisition des véhicules propres, est venu semer le trouble en distordant les aides à l’acquisition de véhicules électriques. Ainsi, en fonction du mode de commercialisation, les aides peuvent désormais varier de 3 000 euros entre l’achat au comptant ou à crédit, la location de moins de deux ans, la location de longue durée ou la location avec option d’achat. L’impact est avéré, puisque à la mi-avril, le comité des constructeurs français d’automobiles estimait à 32 % la baisse des ventes au cours des trois premiers mois de l’année.

J’ai écrit le 27 février dernier aux trois ministères concernés, puis j’ai reposé cette question le 15 avril, sous la forme d’une question orale sans débat. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes informé de la situation difficile que crée ce texte et je connais votre engagement à trouver une solution, comme vous l’avez indiqué en commission des affaires économiques le 15 avril dernier. Je tenais néanmoins à réaffirmer toute la vigilance des parlementaires, soucieux de voir ce problème résolu.

C’est par nos efforts conjoints, du côté des pouvoirs publics comme des acteurs privés et des citoyens, que nous parviendrons collectivement à réussir la transition majeure de la voiture électrique.

Et, à cet égard, il faut se réjouir que cette proposition de loi fasse le pari des intelligences et des énergies locales. Il ne s’agit pas d’un texte centralisateur, bien au contraire !

M. Martial Saddier. Bien sûr que si !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. La proposition de loi laisse en effet les acteurs locaux s’emparer du sujet de la modernisation de leur territoire, tout en prévoyant que l’État – soit directement, soit par l’intermédiaire d’un opérateur –, vienne se substituer en cas de carence pour réduire la fracture territoriale.

M. Martial Saddier. Tu parles !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Le travail et les expérimentations amorcés ces dernières années par plusieurs territoires innovants peuvent se poursuivre sans entraves. Je pense par exemple à la vallée de la Seine, dont vingt et une collectivités ont lancé, à la fin de l’année dernière, un appel d’offres pour compléter leur équipement en bornes à hauteur d’une cinquantaine de points de charge, complétant ainsi les cent trente déjà installés ces dernières années, dont quarante-huit accessibles au public.

L’État est là dans son rôle de stratège, par le biais de l’aménagement, au profit de notre industrie, de notre environnement et de la modernisation de nos territoires.

Je me permettrai encore d’ajouter, en quelques secondes madame la présidente, qu’en tant que membre de la commission des lois, j’apprécie le caractère concis du texte qui nous est aujourd’hui soumis. Alors que nos lois sont plutôt bavardes, comme le souligne le Conseil d’État depuis 1991 et comme l’a souligné le président de l’Assemblée nationale le 2 octobre en souhaitant que nous définissions une nouvelle stratégie pour mieux légiférer, cette proposition très courte a le mérite de s’inscrire dans un effort pour une meilleure qualité de la loi. J’appelle donc mes collègues à la voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Grellier.

M. Jean Grellier. Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, chers collègues, cette proposition de loi visant à faciliter le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques dans l’espace public s’inscrit bien dans la volonté de notre majorité parlementaire et du Gouvernement d’agir pour le développement du véhicule électrique et hybride dans notre pays.

Même si, depuis quelques années, des initiations importantes ont été prises par certains secteurs industriels et que les immatriculations de véhicules électriques et hybrides sont, comme cela a été rappelé, en progression, nous n’en sommes qu’aux prémices de la mise en place d’une véritable filière industrielle et nous devons poursuivre nos efforts pour qu’elle devienne significative.

Lors de nos travaux en commission des affaires économiques vous avez témoigné, monsieur le ministre, de votre fort intérêt pour notre initiative parlementaire qui représente un élément important du soutien que peut apporter la puissance publique au développement du véhicule électrique.

D’ailleurs, cette démarche est très cohérente avec l’action que vous conduisez à travers les comités stratégiques de filières du conseil national de l’industrie – avec les pôles de compétitivité – et, plus encore, au sein de certains des 34 plans industriels de la Nouvelle France industrielle que vous avez lancés aux côtés du Président de la République au mois de septembre 2013 et dont la première réunion du comité de pilotage s’est tenue à Matignon le 14 mars dernier, comme vous l’avez rappelé lors de votre intervention.

Parmi ces 34 plans industriels, tous animés par des chefs d’entreprises, plusieurs concernent le développement du véhicule électrique dans ses différentes composantes et ses différents enjeux : bornes de recharge, recherche sur les batteries ou d’autres formes de stockage d’énergie. Ce sont là autant de défis que nous devons encore relever.

Cette proposition de loi conforte donc l’ensemble de cette action et a pour vocation à accompagner l’équipement de nos territoires de manière équilibrée pour que nous puissions déjà combler les retards qui ont pu être pris dans certains secteurs en apportant une homogénéité d’installation de ces équipements sur le territoire national.

Certes, des initiatives ont déjà été prises au gré des volontés politiques régionales et locales, que ce soit dans le soutien industriel ou bien dans l’organisation de la mobilité – Autolib’, à Paris, représentant l’une des organisations parmi les plus abouties.

Élu de Poitou-Charentes, je peux aussi témoigner de l’importance d’une vision et d’une volonté politiques en la matière.

C’est suite à un appel à projet de la région Poitou-Charentes que l’entreprise Heuliez a créé en 2008 la Friendly qui, ensuite, au gré des difficultés malheureusement rencontrées par l’entreprise et, surtout, en l’absence de soutien du fonds stratégique d’investissement en 2009, est devenue la Mia Electric, fruit d’une reprise au mois de juin 2010 par un investisseur allemand, M. Khol, avec la participation au capital de l’entreprise du conseil régional.

Cette aventure industrielle permet de rappeler que dans les années 1990 et 2000, l’entreprise Heuliez fut le constructeur attitré du groupe PSA, des 106 et AX électriques, des expériences innovantes ayant été réussies par des collectivités comme, par exemple, La Rochelle. L’abandon par PSA de l’option électrique, en 1999, n’a pas empêché Heuliez, avec des partenaires – dont le groupe Dassault –, de continuer ses recherches pour aboutir à ce qu’est aujourd’hui Mia Electric.

Malheureusement, pour différentes raisons, le contexte du développement du véhicule électrique est encore compliqué et même si de grands constructeurs comme Renault Nissan et, bientôt, Wolkswagen s’y engagent, il faudra certainement du temps pour conforter cette filière industrielle.

Député de la circonscription où se fabrique la Mia Electric, à Cerizay, je regrette que malgré le fort soutien apporté par le conseil régional Poitou-Charentes, les différents repreneurs du site Heuliez n’aient pu relever le défi qui leur était présenté et profiter des années d’avance qui avaient été acquises. Malheureusement, il faut reconnaître que le management en place au cours de ces trois ou quatre dernières années, en répétant des erreurs stratégiques – en particulier dans le domaine commercial – est le principal responsable d’un semi-échec qui a abouti à la liquidation judiciaire de l’entreprise au mois de mars.

Je précise qu’une dernière chance de reprise se jouera dans les prochains jours au tribunal de commerce de Niort, en espérant qu’un véritable stratège pourra être cette fois à la hauteur de ce qui reste une ambition industrielle de notre territoire, lequel comprend aussi d’autres entreprises créant en ce moment même des véhicules électriques sans permis.

Ce témoignage local, mais qui revêt une dimension nationale en raison de l’enjeu, montre bien la nécessité d’une adéquation entre les enjeux sociétaux que nous défendons en tant que responsables politiques et la réponse que doivent apporter la dimension et la capacité industrielles.

Monsieur le ministre, lors de votre première audition par la commission des affaires économiques, au mois de juillet 2012, je vous avais interrogé sur la nécessité de mettre en place une plate-forme collaborative pour accompagner le développement du véhicule électrique. Vous y avez maintenant répondu par les comités stratégiques de filières et, surtout, quelques-uns des 34 plans industriels.

L’enjeu de l’électrification du parc automobile français est crucial pour notre économie à plusieurs titres.

En effet, comme le rappelait François Brottes, il permettrait à l’avenir de limiter drastiquement notre dépendance vis-à-vis de l’énergie pétrolière – l’une des causes structurelles de notre déficit commercial – au bénéfice de notre capacité de production d’électricité par le développement massif des énergies renouvelables et la capacité renouvelée et modernisée de notre parc nucléaire. Ces deux secteurs offrent un maximum de création de valeur ajoutée à notre pays tout en évitant de surcroît les émissions de gaz à effet de serre.

Notre initiative parlementaire – je voudrais saluer à mon tour l’efficacité du travail de Frédérique Massat – que vous avez choisi d’accompagner, monsieur le ministre, conforte cette démarche en permettant à l’ensemble du territoire d’être équipé et d’être en mesure d’asseoir le développement du véhicule électrique partout où il peut apporter une bonne solution pour une mobilité durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, notre assemblée examine ce soir une proposition de loi du groupe SRC dont l’objectif est d’aider à l’implantation de bornes de recharge pour les véhicules électriques et hybrides.

Le texte prévoit la mise en place d’un réseau national de bornes publiques de recharge complémentaires de celles financées dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME. Ainsi, l’État – ou un opérateur au sein duquel l’État détiendrait une participation – pourrait être exonéré du paiement de redevance pour occupation ou utilisation du domaine public dès lors que le projet d’implantation présente une dimension nationale.

Tout d’abord, qu’en est-il de l’intérêt de cette proposition de loi ?

Lors de la précédente législature, avec le Grenelle de l’environnement, nous avions initié un vaste mouvement de développement des voitures électriques ou hybrides et, notamment, nous avions favorisé l’implantation d’infrastructures de recharge des véhicules électriques. Le but était de pallier les conséquences des débuts difficiles de ce type de véhicule, principalement en raison du manque d’infrastructures de recharge. Ainsi, avec la loi du 12 juillet 2010 dite Grenelle II, nous avions déjà encouragé la création et l’entretien des infrastructures de charge pour les collectivités locales, les habitations et les lieux de travail.

Je ne peux donc que soutenir l’intention à l’origine de cette proposition de loi, monsieur le ministre, car il est important de donner un nouveau coup de pouce pour accélérer le déploiement des bornes de recharge afin d’encourager un marché encore en développement. En effet, il s’agit là d’un marché en croissance. En 2013, près de 14 000 véhicules électriques ont été vendus et les immatriculations de ces véhicules ont augmenté de 50 % par rapport à 2012.

Par conséquent, il convient de répondre à cet essor en favorisant l’installation de bornes de recharge et, ainsi, de soutenir le développement de ces véhicules dans un souci à la fois économique et environnemental.

Une politique conduite par l’État se justifie également par la nécessité d’une cohérence interrégionale. Les collectivités émettent en effet fréquemment des réserves pour conduire ces projets, compte tenu, vous le savez, de la faiblesse de la demande.

Malheureusement, comme à son habitude, la majorité nous présente une proposition de loi qui laisse de nombreuses questions en suspens.

Pour finir, je souhaite simplement évoquer quelques-unes d’entre elles.

En effet, au-delà de l’exonération de redevance – sur quoi nous nous accordons – se pose la question du porteur du projet. Même si cela n’est pas dit explicitement dans le texte, le Gouvernement entend créer un opérateur spécifique chargé de produire et de gérer les infrastructures de recharge.

Monsieur le ministre, vous avez-vous même été très clair le 14 mars dernier en déclarant : « Une loi est prévue en mai pour pouvoir désigner un opérateur unique chargé d’installer les bornes ». Pouvez-vous informer clairement la représentation nationale des choix qui seront opérés ? En effet, il paraît légitime de s’interroger sur le choix de cet opérateur, dès lors qu’aucun indice, dans cet article, ne permet de résoudre cette énigme. Le mystère reste entier. En l’absence de clarification, la création d’un monopole est évidemment à craindre.

M. Martial Saddier. Très juste !

M. Thierry Mariani. Par ailleurs, seules les villes ou agglomérations de plus de 200 000 habitants – et pour des gros projets – sont éligibles. Qu’en est-il donc des petites et moyennes communes où le véhicule électrique connaît pourtant un certain succès ?

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Cela n’a rien à voir !

M. Thierry Mariani. Vous me permettrez de poser une question plus personnelle.

Lorsque j’étais ministre des transports, je me souviens d’une réunion avec mon homologue allemand, M. Ramsauer, laquelle avait été pour une bonne partie consacrée à la question des normes des prises de recharge. La situation a-t-elle évolué ou en est-on toujours au même point, c’est-à-dire à l’absence d’une norme définie ? Existe-t-il toujours un modèle allemand ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. La question est réglée, je vais avoir l’occasion de le dire.

M. Thierry Mariani. Tant mieux, car cela constitue une condition importante du développement. Je vous remercie.

Pour conclure : même si l’intention est bonne, trop d’imprécisions demeurent. En l’état, je ne pourrai donc pas voter en faveur de ce texte. C’est pourquoi, comme une partie de mes collègues de l’UMP, je m’abstiendrai.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Plisson, dernier orateur inscrit.

M. Philippe Plisson. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, les enjeux de cette proposition de loi sont multiples, de nature industrielle, écologique mais, aussi, énergétique.

Si l’enjeu industriel a d’ores et déjà été exposé, je vais essayer de m’attarder sur les deux autres.

Inutile de rappeler que nous traversons actuellement une crise écologique telle que nous n’en avons jamais connue auparavant. Faut-il en revanche rappeler que, selon le dernier rapport du GIEC, seules des politiques drastiques de restriction des émissions de gaz à effet de serre seront susceptibles d’éviter l’irréversibilité du changement climatique ?

En France, les émissions de gaz à effet de serre liées aux transports, le premier secteur émetteur, s’élevaient en 2011 à 27 %. Or, le principal gaz à effet de serre étant le CO2, c’est lui qu’il faut absolument parvenir à réduire.

Par rapport aux moteurs diesels ou thermiques, une voiture électrique présente un avantage indéniable contre le changement climatique en France. Certes, sa fabrication, comme celle de toutes les voitures, est une première source de pollution. L’objectivité m’oblige à préciser qu’une voiture électrique qui sort de l’usine a déjà émis plus de CO2 qu’une automobile classique, en raison principalement de l’extraction des métaux qui composent la batterie. Mais elle « se rattrape » assez vite, si j’ose dire, grâce à son carburant, à l’électricité, donc, qui est en France, en grande partie, d’origine nucléaire, laquelle émet peu ou pas de gaz à effet de serre.

Conclusion : pour un cycle de vie moyen estimé à 150 000 kilomètres, une voiture électrique émettra au total environ 10 tonnes de CO2 contre 22 à 27 tonnes pour les voitures diesels ou à essence. Son usage permet donc de réduire considérablement les émissions de CO2 dans l’atmosphère.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Philippe Plisson. Néanmoins, il ne faut pas oublier que les émissions liées au véhicule électrique dépendent du mix énergétique et qu’il est nécessaire que ce dernier soit décarboné pour qu’elles soient inférieures à celles d’un véhicule thermique.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Exact !

M. Philippe Plisson. Indépendamment de cette précision, cette proposition de loi continue de tracer la voie sur laquelle nous devons persévérer, à savoir : nous diriger vers une société à bas carbone en mettant en place la transition écologique pour y parvenir.

En outre, le modèle de la voiture électrique centralise les émissions de polluants au niveau des centrales électriques, ce dont résultent deux points bénéfiques. Premièrement, la pollution est déplacée hors des centres urbains, ce qui engendre un gain social sur le confort, la santé et les dépenses qui y sont associées. Deuxièmement, elle est concentrée sur quelques sites dans le cas d’un approvisionnement à l’aide d’énergie fossile mais elle peut bien sûr être encore minimisée dans le cas où l’électricité proviendrait des énergies renouvelables ce que, bien évidemment, je préfère.

Finalement, véritable enjeu énergétique, la voiture électrique est une condition nécessaire à la réussite de la transition énergétique, question qui nous sera d’ailleurs soumise d’ici peu.

Les orientations issues du débat national sur la transition énergétique ont été rappelées par le Président de la République lors de la conférence environnementale du mois de septembre 2013 : diminuer la consommation d’énergie fossiles de 30 % à l’horizon 2030, réduire à 50 % la part du nucléaire d’ici à 2025, renforcer les efforts en matière de sobriété et d’efficacité énergétiques en suivant l’objectif d’une division par deux de la consommation d’énergie finale à l’horizon 2050.

Afin d’y parvenir, les spécialistes préconisent la mise en place d’initiatives fortes dans le secteur des transports, qui représente à lui seul 32 % de la consommation finale d’énergie et 70 % de la consommation de pétrole.

Le lien entre véhicule électrique et énergie renouvelable est également capital car cette dernière respecte le principe « zéro émission ».

Les puissances éoliennes et photovoltaïques installées devraient permettre de recharger vertueusement ces véhicules, cette consommation électrique pouvant permettre de lisser la courbe de la consommation produite sur le territoire français, comme le président Brottes l’a évoqué tout à l’heure.

En ce sens, le véhicule électrique pourra constituer le chaînon manquant du réseau. Et, si l’on parvient à instaurer un échange bidirectionnel d’électricité à travers le véhicule, au lieu de devenir un cauchemar pour le réseau, celui-ci jouera au contraire un rôle important, en constituant une capacité de stockage de l’électricité sans coût supplémentaire.

Mes chers collègues, vous le savez, j’appelle de mes vœux la mise en place d’une réelle transition écologique. Or cette proposition de loi, chère Frédérique Massat, nous permet de nous engager dans cette voie, pour les raisons que je viens de rappeler, mais aussi parce que le développement de l’usage de la voiture électrique permettra de faire évoluer notre rapport à la mobilité.

Si cette proposition de loi ne saurait être une fin en soi et nous épargner une remise en cause de notre mode de développement, elle participe néanmoins à la prise de conscience de l’impact de nos moyens de déplacement sur l’environnement et incitera nos concitoyens à cette nécessaire remise en question. Il faut donc le voter avec enthousiasme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Merci, cher collègue. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Frédérique Massat, rapporteure de la commission des affaires économiques. Je serai brève, car bon nombre des questions qui ont été posées étaient adressées à M. le ministre. Je tiens à le remercier d’avoir participé à nos travaux en commission alors que rien ne l’y obligeait, puisque ce texte est une proposition de loi. Je remercie également le président de la commission pour son soutien, ainsi que mes collègues Fanny Dombre Coste, Guillaume Bachelay, Françoise Descamps-Crosnier et Philippe Plisson. Ce dernier a parfaitement raison de dire que ce texte n’est qu’une étape, et certainement pas une fin en soi – c’est bien ainsi que nous l’avons conçu.

Monsieur Leboeuf, vous nous avez posé beaucoup de questions, au ministre et à moi-même, et vous avez déposé un amendement qui porte sur un problème bien réel. Je me suis permis de le sous-amender, mais vous constatez que la rapporteure a posé sur lui un œil favorable. Espérons que l’hémicycle vous suivra.

Pour répondre à vos questions, sachez que la date de clôture de l’appel à manifestations d’intérêt a été repoussée d’un an – de décembre 2014 à décembre 2015. Je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, mais sans doute cela vous a-t-il échappé, tant on dit de choses en dix minutes. Il est vrai, et M. le ministre l’a reconnu tout à l’heure en aparté, que tous les territoires ne sont pas comparables à la Vendée. Tous n’ont pas déployé la même activité, et la carte d’implantation des bornes en France fait peur : il y a de très gros trous, en Bourgogne, en Midi-Pyrénées – j’en sais quelque chose –, mais aussi en Rhône-Alpes et dans tout le sud de la France.

On aurait pu croire que toutes les collectivités allaient s’emparer de ce sujet, mais il se trouve que, pour des raisons diverses, toutes ne l’ont pas fait. Ce texte vise donc à mettre en place un réseau essentiel. J’entends par là un réseau qui, en complément de l’action des collectivités actuelles, mais aussi futures – puisque les demandes de subventions publiques adressées par les collectivités à l’ADEME permettent d’avoir une vision globale de ce que sera le territoire de demain – aura vocation à combler les trous, et en aucun cas à se substituer aux collectivités.

Soyons clairs : demain, ce ne sont pas les collectivités territoriales qui mettront en œuvre ce réseau essentiel ; elles ne seront pas les donneurs d’ordre, puisqu’elles ne se sont pas engagées dans le processus. Si elles souhaitent s’y engager, alors elles pourront décider de l’emplacement des bornes. Sur le réseau essentiel, qui ne sera qu’un complément destiné à assurer une transition d’un lieu à l’autre, si elles n’ont pas participé au projet initial, elles ne pourront pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Vous avez évoqué un syndicat d’électricité particulièrement actif en Vendée : nous partageons ses ambitions et sa façon de faire. Si on ne veut pas y aller, on n’y va pas, mais qu’on ne demande pas ensuite à dessiner la carte des installations. Je tenais à vous rassurer sur ce point.

S’agissant maintenant du rapport entre le coût d’exploitation des bornes et le montant de la redevance, vous qui avez été à la manœuvre en Vendée, vous connaissez le coût de l’installation des bornes : même s’il est subventionné, il reste élevé. Et pour une collectivité, son coût est incomparable avec l’exonération de la redevance d’occupation du domaine public.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est un cadeau !

Mme Frédérique Massat, rapporteure. L’implantation d’une borne, avec le raccordement au réseau, coûte au bas mot 20 000 euros. Or l’exonération de la redevance n’atteindra jamais la moitié du quart de cette somme. Vous l’avez tous dit : l’exonération de la redevance n’est pas un sujet de débat, car elle participe d’une prise de conscience.

Enfin, vous avez regretté que la commission du développement durable n’ait pas été saisie pour avis. Ce n’est pas de notre fait : lorsque j’ai déposé mon texte, c’est la commission des affaires économiques qui a été saisie au fond. Si la commission du développement durable avait voulu s’en saisir, elle en avait tout à fait la possibilité – Mme la présidente l’a rappelé tout à l’heure.

Je tiens à remercier M. Franck Reynier, qui a bien décrit l’état d’esprit dans lequel nous voulons travailler, et qui a confirmé qu’il était favorable à cette proposition de loi. C’est une bonne nouvelle que le groupe UDI nous accompagne dans cette démarche.

Je tiens également à rassurer à nouveau M. François-Michel Lambert, comme je l’ai déjà fait en commission : les collectivités seront étroitement associées. Du reste, si elles ne veulent pas de bornes sur leur territoire, elles auront la possibilité de ne pas délivrer le titre d’occupation du domaine public. Elles ont la capacité de s’opposer et de dire stop.

M. Martial Saddier. En êtes-vous sûre ?

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Nous ne leur avons pas enlevé cette faculté. Tout le monde peut être rassuré sur ce point : il y a seulement une exonération de la redevance, et pas une exonération du titre d’occupation du domaine public. Il faut absolument apaiser toutes les inquiétudes et les angoisses sur ce sujet. Je vous le confirme, en tant qu’auteure de ce texte de loi, et M. le ministre pourra vous le confirmer à son tour.

Je remercie également M. Jacques Krabal, du groupe RRDP, de nous accompagner dans notre démarche. Mme Jeanine Dubié avait défendu un certain nombre d’amendements relatifs, eux aussi, à l’initiative des collectivités territoriales, qu’elle a finalement retirés, après que nous avons eu sur ce sujet une vaste explication. Je répète que le réseau est essentiel et qu’il n’aura jamais l’extension que pourraient lui donner les collectivités locales sur leur territoire.

M. Chassaigne a posé des questions relatives à l’opérateur national, qui étaient surtout adressées à M. le ministre – je laisserai donc à celui-ci le soin de lui répondre. Je reviendrai seulement sur la comparaison qui a été faite à demi-mot dans cet hémicycle entre le réseau essentiel de bornes de recharge, d’une part, et le réseau de téléphonie mobile ou de haut débit, d’autre part, dont un certain nombre de nos territoires – zones de montagne ou zones rurales – sont totalement exclus. Cela n’a rien à voir ! Ayez en effet à l’esprit, mes chers collègues, que tous les usagers de véhicules électriques ont la capacité de se brancher à domicile ! En revanche, quand un territoire ne dispose pas des infrastructures nécessaires pour fournir à ses habitants le haut débit, le très haut débit ou la téléphonie mobile, ils ne peuvent rien faire, alors qu’un véhicule électrique peut être rechargé à la maison en une nuit.

Il s’agit donc d’apporter un complément de recharge de batterie sur des petits trajets et d’empêcher, dans les cas de longs trajets, les risques de panne sèche, non pas d’essence, mais d’électricité. Il faut bien avoir à l’esprit que les deux problématiques sont totalement différentes et que la fracture territoriale ne peut pas exister pour les véhicules électriques, car on a toujours la possibilité de s’alimenter à la maison.

Si nous avons présenté ce texte, c’est parce que nous nous sommes rendu compte qu’un certain nombre de collectivités, soit parce qu’elles étaient trop petites, soit parce qu’elles n’avaient pas les moyens de le faire, n’avaient mené aucune action en ce sens. L’opérateur national va intervenir là où il n’y a rien. Il n’est pas question qu’il aille là où des choses se font, mais dans les zones délaissées : il s’agit souvent de zones rurales, or ce sont les plus intéressantes en termes de mobilité électrique. Ce petit texte, qui ne compte qu’un article et qui n’est pas révolutionnaire, je vous l’accorde, permettra au moins de faire cela.

Monsieur Tardy, nous nous sommes déjà longuement expliqués et nous aurons l’occasion d’échanger à nouveau lorsque vous présenterez votre amendement.

Monsieur Mariani, vous avez rappelé l’importance du Grenelle de l’environnement et je reconnais volontiers que les plans de développement des véhicules électriques ne sont pas nés avec ce gouvernement. Nous nous inscrivons dans une continuité et avons la volonté de développer ce type de déplacement. Vous dites que le texte comporte des zones d’ombre, mais je répète que l’ambition de ce texte est simplement de donner à l’État la possibilité d’intervenir à la place des collectivités territoriales, avec une exonération de la redevance. Ce texte n’a pas d’autre ambition que celle-ci.

On m’a demandé pourquoi nous n’avions pas attendu le texte sur la transition énergétique.

M. Martial Saddier et M. Thierry Mariani. Oui, pourquoi ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Pourquoi toujours attendre ?

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Je l’ai dit dans mon propos liminaire : le texte sur la transition énergétique sera très lourd – cela se comprend – et il n’est pas encore inscrit à l’ordre du jour et on ne sait pas quand il sera examiné.

M. Thierry Mariani. Quand le sera-t-il ?

M. Martial Saddier. Quelqu’un a-t-il vu ce texte ? Où est-il ? (Sourires.)

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Ce n’est pas à moi de vous répondre sur ce point… Nous avons pensé qu’il fallait accélérer à la fois la vente de véhicules électriques et le déploiement des bornes. C’est pour cela que nous avons anticipé et que nous vous proposons, en l’espace de deux heures, d’échanger sur ce texte et, le cas échéant, de le voter avec nous.

Pour finir, monsieur Mariani, et le ministre pourra vous le dire beaucoup mieux que moi, le seuil des 200 000 habitants n’est plus à l’ordre du jour, car les critères ont été élargis. Dans les dispositifs ADEME, qui n’ont rien à voir avec le réseau essentiel, le seuil de 200 000 habitants a été remplacé par un ratio d’une borne pour 2 500 à 3 000 habitants.

Voilà, mes chers collègues, les quelques précisions que je voulais apporter.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique.

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je tiens à remercier tous les députés qui ont participé à la discussion tout à fait passionnante, précise et méticuleuse de ce texte. Je les remercie également du travail qu’ils font dans leurs territoires, comme élus locaux ou comme soutien aux élus locaux et aux entreprises, qui sont également impliquées, comme l’ont dit plusieurs d’entre vous. M. Jean Grellier a cité Heuliez, Mme Fanny Dombre Coste a évoqué l’entreprise qui fabrique les bornes de recharge sur son territoire, et d’autres – je pense à M. Guillaume Bachelay et à Mme Descamps-Crosnier – ont parlé des entreprises de construction de véhicules implantées sur leur territoire.

Je voudrais d’abord, comme Mme la rapporteure, répondre aux inquiétudes qui se sont exprimées, mais aussi vous dire dans quel état d’esprit nous travaillons, et pourquoi nous avons attendu deux ans avant que soit présenté, en accord avec vous, un tel projet.

Il n’a échappé à personne qu’une harmonisation des bornes était en cours au niveau européen. Nous voulions d’abord régler ce problème, avant d’installer des bornes sur tout le territoire. Certaines bornes vont d’ailleurs devoir évoluer, afin de respecter les critères de sécurité, relatifs par exemple à l’obturateur. Une négociation a eu lieu avec mon homologue allemand, et pendant ce temps, nos constructeurs nationaux de bornes de recharge ont pu se préparer à accueillir le modèle uniforme et normalisé pour l’ensemble de l’Union européenne.

Dans cet intervalle, je l’ai dit, et M. Chassaigne l’a relevé dans les différentes déclarations que j’ai pu faire sur ce sujet, nous avons d’abord laissé faire les collectivités locales. Certaines ont été très actives – vous en avez donné quelques exemples – et je veux les en remercier. Mais, comme le disait Mme la rapporteure, la carte de France n’est vraiment pas satisfaisante.

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Il y a des trous !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Ce ne sont même pas des trous, mais des taches ! On dirait une panthère bleue. (Sourires). Nous sommes, à l’évidence, vraiment loin du compte, loin d’être arrivés à une mobilisation nationale des collectivités locales sur l’ensemble du territoire. Et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’accélérer, mais pas pour déposséder les collectivités locales, car chacun a sa part de responsabilité.

Quelle est la vision d’une agglomération, d’un département, d’une région ? Une vision qui est à la taille de sa circonscription. Quelle est la vision de l’État ? Elle est de faire en sorte que tout automobiliste engagé sur une portion du territoire trouve à moins de cinquante kilomètres, peut-être quarante, une solution pour la recharge de son véhicule électrique. La vision de l’État, c’est la France. La vision locale est, par définition, beaucoup plus locale : elle correspond à une connaissance très précise des trajets domicile-travail et des flux de transport.

Je le sais pour avoir moi-même été président du conseil général de Saône-et-Loire : en observant le trafic, y compris autoroutier, entre Chalon-sur-Saône et Mâcon, nous voyons que beaucoup de citoyens du département préfèrent utiliser l’autoroute à la route nationale. Les collectivités locales ont donc des connaissances qui font défaut à un opérateur national.

L’esprit de ce texte n’est donc pas d’opposer les uns aux autres, ou de décourager les uns pour favoriser les autres, mais de travailler ensemble. C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’a été fixé l’objectif de concertation.

Un opérateur national, qui va se rémunérer sur l’usage, ne va pas implanter des bornes de recharge à des endroits où cette borne n’a aucune chance d’être utilisée : ce serait du gaspillage. Il est donc évident que l’opérateur national ira à la rencontre des collectivités locales afin de connaître leur vision des choses et déterminer ce qu’il est possible de faire ensemble. La collectivité y trouve son intérêt, car cela lui permettra de réaliser l’opération tout de suite sans avoir à la financer ni à monter de dossier ADEME.

Il faut en effet reconnaître que si les choses n’avancent pas, l’État porte aussi une part de responsabilité. Les financements sont lourds, bureaucratiques, il faut une expertise ADEME puis une expertise PIA. Depuis le lancement du grand emprunt, nous avons dépensé 8 millions sur l’enveloppe de 50 millions. Il y a donc un problème, et il faut que nous accélérions. C’est l’esprit de ce texte : les collectivités locales vont voir arriver un réseau national qui interrogera les maires, les édiles et les techniciens afin de savoir quel lieu d’implantation ils préconisent.

Une expérience analogue a déjà eu lieu lorsque les collectivités locales ont commencé à implanter des zones de covoiturage. Ces lieux de rendez-vous ont été improvisés par les habitants sur tout le territoire. Dans mon département, les collectivités locales ont entériné les choix locaux de la population. Elles ont été obligées de créer des parkings aux endroits où les gens se garaient sur l’herbe, devant les maisons, car c’était le point nodal où l’on pouvait laisser sa voiture et partir pour une distance plus longue en partageant l’automobile.

L’opérateur national s’enrichira donc de cette connaissance du terrain. Ce n’est pas une opération d’exclusion, de ralentissement ou de découragement. Il suffit de se faire confiance : c’est une alliance entre le niveau local et la vision nationale. Est-il d’ailleurs nécessaire de codifier les relations de confiance entre des opérateurs qui, à l’évidence, auront envie de réussir et des collectivités locales qui auront envie d’équiper leur territoire ? Quelle collectivité locale va mettre son veto à une installation ? Cela n’arrivera pas, les collectivités vont préconiser un lieu d’implantation plutôt qu’un autre. Et s’il n’est pas possible de trouver un accord, chacun prendra en charge l’une des bornes, et l’on trouvera ainsi un arrangement. La question est de savoir si l’on peut se faire confiance dans ce pays. C’est l’esprit dans lequel le Gouvernement travaille sur de tels enjeux d’équipements qui restent modestes : la dépense totale sera, je le rappelle, de 200 millions d’euros.

Les collectivités locales n’en ont pas toutes vu l’utilité pour le moment, elles ont pour le moins pris leur temps, et j’en ai d’ailleurs parlé avec l’auteur du texte du Grenelle de l’environnement, M. Borloo. Je lui ai demandé si, les collectivités locales ayant une compétence exclusive, il était possible de susciter une accélération par le haut. Sa réponse a été positive, car cela va de soi. Lorsque je m’en suis entretenu avec le président de l’Association des maires de France, il ne m’a pas répondu que nous allions déposséder les collectivités locales de leur compétence. Nous allons simplement nous y mettre, tous ensemble. Voilà l’état d’esprit dans lequel nous sommes, mesdames et messieurs les députés, et je tenais à répondre à vos inquiétudes.

Si l’on se penche sur le bilan, abstraction faite des 5 000 bornes Autolib’, seules 3 000 bornes ont été installées par les collectivités locales. Nous sommes loin du compte : il en faudrait au moins 16 000 sur tout le territoire. Nous avons donc besoin d’un investissement national avec une rétribution d’envergure nationale. J’invite donc les acteurs à coopérer.

M. Lambert m’a demandé s’il fallait articuler cela avec les documents d’urbanisme. Les collectivités locales seront libres de décider ce qu’elles veulent, elles se référeront à leur plan d’urbanisme. Ne nous bridons pas avec des documents, des règles, des normes ! Les élus connaissent leurs documents ; qu’ils en aient ou pas, c’est leur affaire. Qu’ils trouvent un accord, et tout ira encore plus vite.

M. Chassaigne m’a interrogé sur l’opérateur et sur les tarifs. Pour le moment, il y a deux candidats pour être opérateur : d’un côté, EDF et Renault-Nissan, premier constructeur mondial ; et, de l’autre, Bolloré, qui est non seulement fabriquant de véhicules électriques mais également propriétaire de nombreuses bornes installées sur le domaine public à Paris, et bientôt à Lyon et Bordeaux. Voilà des opérateurs qui ont une vision nationale de l’électro-mobilité et qui ont investi, l’un dans l’électricité, l’autre dans la construction de véhicules et le troisième dans les bornes de recharge. Je ne verrais aucun inconvénient à les placer dans le même pot et à ce qu’ils se mettent à travailler ensemble.

Là encore, c’est l’esprit de confiance qui doit régner. Il ne s’agit pas d’opposer le public au privé, mais de faire travailler ensemble le public et le privé. D’ailleurs, EDF est un opérateur public qui distribue de l’électricité sur le territoire et qui aura à cœur d’installer un maillage correct assurant l’égalité de tous à l’accès à l’électro-mobilité.

Rappelons, comme le faisait la rapporteure, que nous avons des prises électriques à domicile, au départ ou à l’arrivée. Les prises privées vont d’ailleurs se multiplier, car, plus il y aura d’automobilistes qui feront usage de véhicules électriques, plus on installera des bornes de recharge dans les lieux où ils se rendent. C’est déjà le cas dans un certain nombre de supermarchés. Il s’agit donc d’enclencher un mouvement de toute la société en faveur de l’équipement du territoire.

Quant à la question du tarif, c’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’autoriser le projet global, car il s’agit d’un modèle économique global. Le nombre de bornes de recharge installé est un des éléments de l’équation, le nombre de propriétaires de véhicules en est un autre, et le tarif auquel est vendue l’électricité est le troisième. Le Gouvernement va surveiller cet équilibre global pour faire en sorte que le tarif soit à peu près le même sur tout le territoire – je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas le cas –, et surtout pour que tout le territoire soit à peu près maillé, surtout dans les endroits où il n’y a pas d’initiative des collectivités locales. C’est dans cet état d’esprit que le Gouvernement décidera d’autoriser ou non le projet global.

Comment sera utilisé le pouvoir que vous allez me déléguer, ainsi qu’à Mme la ministre de l’écologie, à cette occasion ? Nous allons veiller à ce que les inquiétudes exprimées par MM. Chassaigne, Leboeuf ou Tardy restent infondées. Nous allons faire en sorte que l’équilibre entre rural et urbain soit préservé.

M. Martial Saddier. Comment ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Les véhicules électriques peuvent être utilisés partout, sur des trajets périurbains, ruraux ou urbains, pour une raison simple : tout le monde a l’électricité chez soi. Rappelons que 75 % des véhicules Zoé ont été vendus dans les secteurs des villes de moins de 50 000 habitants, dont 35 % dans des villes de moins de 10 000 habitants. C’est donc un véhicule qui est plutôt utilisé pour les trajets urbains-ruraux, d’une petite ville à une autre. Nous avons donc tous intérêt à faire en sorte que le territoire soit correctement maillé. Voilà dans quel état d’esprit nous allons travailler à la mise en œuvre de ce texte.

Certains députés ont demandé des précisions sur divers points.

Mme Descamps-Crosnier m’a interrogé sur le décret portant sur les véhicules loués avec option d’achat. Il fait actuellement l’objet d’un travail interministériel et je devrais pouvoir vous rassurer assez rapidement, afin que nous puissions donner la stimulation nécessaire.

Des questions ont été posées sur la géolocalisation. Un GIE regroupant les opérateurs que j’ai déjà cités va rendre disponible l’information en temps réel : telle borne est-elle occupée ? où se trouve-t-elle ? quelle est la suivante ? Cela permettra à l’ensemble des automobilistes de s’y retrouver.

Concernant le coût de la batterie, un plan industriel dirigé par Mme Florence Lambert, elle-même à la tête d’un laboratoire du CEA, est consacré à l’amélioration de notre compétitivité dans ce domaine et à la création d’une offre de batteries françaises. Aujourd’hui, en effet, les batteries électriques pour les véhicules automobiles sont asiatiques – celles qui ne sont pas destinées aux véhicules automobiles sont parfois de marque française et, pour certaines, fabriquées en France. Quoi qu’il en soit, nous souhaitons bâtir, brique après brique, et faire émerger un chimiste français spécialiste des composants internes de nouvelle génération – le financement du grand emprunt y contribuera – afin d’industrialiser en France l’assemblage des cellules lithium-ion dans des batteries de haute performance pour les véhicules.

Ce plan industriel est peut-être pour nous l’un des plus importants, car il nous permet de conquérir un segment industriel dans lequel nous ne maîtrisons pas totalement les briques technologiques. Nous sommes obligés d’acheter une partie des batteries lithium-ion, contrairement à la batterie lithium métal polymère qui est fabriquée en Bretagne dans les usines de M. Bolloré, et nous avons besoin de bâtir cette offre technologique. Je précise d’ailleurs qu’il existe aussi un plan de recyclage des téléphones portables qui nous permettra de récupérer le lithium de l’ensemble des smartphones aujourd’hui enseveli en décharge. Nous travaillons, par des capacités technologiques, des investissements publics et privés – essentiellement privés en l’occurrence – à remonter l’ensemble des briques technologiques qui nous permettront de maîtriser toute la chaîne du véhicule électrique.

M. Thierry Mariani. Les prises seront-elles aux normes allemandes ou françaises ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Ce sera un mélange des deux, nous avons abouti à un compromis européen. C’est une prise européenne, monsieur le député ! Elle est le fruit d’une saine et nécessaire alliance, comme en d’autres domaines.

M. Martial Saddier. En confiance !

M. Arnaud Montebourg, ministre. En confiance, je le crois.

Mesdames et messieurs les députés, il me semble avoir répondu à l’ensemble de vos préoccupations, et je ne peux que solliciter le soutien de vos suffrages.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je ne peux que saluer tout ce qui a été dit, ainsi que le principe de cette proposition de loi et l’initiative parlementaire. Je crains en revanche que cela ne repousse l’examen de la grande loi de transition énergétique, mais nous aurons l’occasion d’y revenir.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est politicien, cela !

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, madame la rapporteure, vous ne m’avez pas complètement rassuré.

Tout d’abord, s’il existe actuellement des zones blanches dans notre pays, ce n’est pas par mauvaise volonté, mais tout simplement parce qu’il y a parfois eu des impossibilités.

Vous venez d’ailleurs de l’avouer, monsieur le ministre, en parlant de confiance. Tout d’abord, on peut se demander si une proposition de loi était nécessaire si la seule confiance permet de résoudre les problèmes. Ensuite, en toute bonne foi, vous avez dit la vérité : l’opérateur ira placer les bornes dans les lieux où elles seront rentables. Lorsque ce n’est pas le cas, il n’en placera pas. Le problème soulevé par un certain nombre d’entre nous ne sera donc pas résolu : comment faire en sorte que les territoires non rentables soient également couverts ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Les territoires non rentables, cela n’existe pas !

M. Martial Saddier. En ce qui concerne la place des collectivités territoriales, je prends acte de vos propos ainsi que de ceux de Mme la rapporteure. Je ne remets pas en cause votre bonne foi, mais il y a un mot sur lequel il me semble que nous devrons revenir, c’est celui de concertation.

Sur le plan juridique, et en termes de respect des collectivités territoriales, le terme « concertation » mérite peut-être d’être revu au cours de la navette.

Dernier élément : les entreprises locales de distribution d’électricité assurent 5 % de la distribution d’électricité dans notre pays – la situation est historique, elle dure depuis cent ans. Peut-on s’assurer, pendant la navette, que ces entreprises auront toute leur place dans le dispositif tel qu’il nous est présenté ce soir ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Qu’est-ce qu’elles attendent ?

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Cette proposition de loi poursuit un objectif louable, celui de favoriser l’utilisation des véhicules électriques, que nous ne pouvons qu’approuver sur le principe.

Le gouvernement Fillon avait déjà beaucoup agi en faveur de cette utilisation, pour plusieurs raisons. Raisons environnementales, bien sûr : pour diminuer la pollution de l’air et réduire les émissions de CO2. Raisons économiques, ensuite, car les véhicules électriques représentaient une opportunité pour nos industries automobiles – opportunité que ces industries ont saisie, car 80 % des véhicules électriques vendus en France sont désormais fabriqués sur le territoire national. Raisons économiques, aussi, car on ne peut qu’être favorable à tout ce qui diminue notre dépendance au pétrole, que nous importons et qui creuse notre déficit commercial.

C’est ainsi que le gouvernement Fillon a favorisé l’achat de voitures électriques par le biais du bonus-malus, en 2007, et du Grenelle 2, en 2010. Il a encouragé la création et l’entretien des infrastructures de charge, pour les collectivités locales, les habitations et les lieux de travail.

Cependant, la progression du parc automobile électrique croît fortement, mais moins que prévu, pour trois raisons principales : un prix élevé, un blocage psychologique du fait de l’autonomie limitée des véhicules électriques, et un manque d’infrastructures de recharge de ces véhicules. La présente proposition de loi vient donc pallier ce manque.

Toutefois, le Gouvernement fait preuve d’incohérence et de flou. Un jour, il fait confiance aux collectivités locales pour ce déploiement et, le lendemain, il leur retire sa confiance. Il prône l’électrique, et dans le même temps il veut réduire la part de l’énergie nucléaire, si vitale pour notre pays. Par ailleurs, il reste flou quant à la formule choisie. Privilégiera-t-il un opérateur unique, ou en choisira-t-il plusieurs ? Avec quelle participation de l’État ?

Enfin, ce texte viendrait favoriser le maillage territorial. Permettez cependant à l’élu d’un territoire rural que je suis de vous alerter : nous devons veiller à ne pas créer de zones blanches dans ce domaine. L’égalité de nos territoires en dépend.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Martial Saddier. Ça va être pour moi ! (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il faut tordre le cou à la notion de zone non rentable. La situation n’est pas du tout comparable à celle des téléphones ou des télévisions privées.

M. Martial Saddier. Si !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Non ! Pas du tout !

M. Martial Saddier. C’est le ministre qui l’a dit !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Je n’ai fait que répondre aux objections de l’opposition !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Pour le véhicule électrique, la zone captive est celle où il n’existe pas d’offre de transports en commun performante.

M. Alain Leboeuf. Eh bien, justement !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est l’inverse des zones denses. Pour les bornes, la zone captive correspondra plutôt aux petites villes, aux petites communes, au secteur rurbain ou rural.

M. Lionel Tardy. On en reparlera !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il faut sortir de ce parallèle que vous faites, les uns et les autres, avec le secteur des télécommunications. C’est justement l’inverse qui se produira pour les véhicules électriques.

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 1er.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n1.

M. Lionel Tardy. J’avais déjà déposé cet amendement en commission. Je remercie le ministre et la rapporteure pour leurs explications en commission ; néanmoins, je demeure perplexe au sujet du porteur du projet, désigné ici comme « l’État ou un opérateur au sein duquel l’État ou un de ses établissements publics, seul ou conjointement, détient une participation directe ou indirecte ».

La formulation adoptée en commission, légèrement moins restrictive que celle du texte initial, ne change pourtant pas grand-chose. D’abord, vous me l’avez confirmé, l’État ne mènera pas lui-même le projet : je comprends donc mal pourquoi il faudrait écrire « l’État ou un opérateur ». Mais surtout, le critère de la participation crée a priori une sorte de monopole. Une telle disposition ne peut désigner qu’un nombre extrêmement réduit d’entreprises : elle en exclut donc de nombreuses autres, qui ont pourtant sans doute l’expertise nécessaire pour ce déploiement. Des questions d’indépendance et de concurrence non faussée se posent donc ici, selon moi.

C’est pourquoi mon amendement tend à confier le projet à « un opérateur national », c’est-à-dire capable d’agir à l’échelle du territoire français, tout simplement. Cette formulation est volontairement peu restrictive, pour les raisons que j’ai développées lors de la discussion générale. Elle laisse la porte ouverte aux entreprises publiques comme privées, voire à un groupement d’entreprises, comme cela a déjà pu être évoqué par certaines. Ce serait d’ailleurs peut-être encore mieux si plusieurs entreprises pouvaient intervenir de concert, mais je crains qu’avec la formulation actuelle, on ne se dirige pas vers cette solution.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Monsieur Tardy, nous avons déjà eu ce débat en commission : nous n’allons pas le reprendre ici. M. le ministre vous répondra également, au nom du Gouvernement. Vous avez vu – et vous vous en êtes réjoui – qu’un amendement du Gouvernement serait examiné par la suite et qu’il pourrait vous rassurer, monsieur le député.

Nous ne voulons pas exclure l’opportunité d’avoir plusieurs possibilités de montage. Il est possible que le projet soit porté par l’État ou qu’il ne le soit pas : selon le cas de figure, la marge de manœuvre sera différente.

C’est pourquoi je vous demande de retirer votre amendement, monsieur le député. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Lionel Tardy. Je retire mon amendement !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Je partage l’avis de la commission, et je me réjouis que M. Tardy ait bien voulu retirer son amendement.

Nous ne voulons pas nous fermer les portes. L’opérateur peut être composite : il peut avoir des éléments publics, des éléments d’entreprises publiques et des éléments d’entreprises privées, l’objectif étant que ces différents éléments travaillent tous ensemble pour assurer le maillage global du territoire.

Cela peut aussi répondre aux besoins exprimés s’agissant de la ruralité. Je veux d’ailleurs joindre mes efforts à ceux du président François Brottes : à mon sens, les véhicules rencontreront un plus grand succès en zone rurale,…

M. Alain Leboeuf. Tout à fait !

M. Arnaud Montebourg, ministre. …car on y dépense beaucoup plus de gazole, et les distances y sont beaucoup plus longues au quotidien. C’est donc en zone rurale que le véhicule électrique sera bien plus compétitif.

M. Alain Leboeuf. C’est vrai !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Au contraire, son succès sera moindre dans les métropoles et dans les territoires très denses. Les raisonnements valables en matière de téléphonie et d’internet n’ont aucun rapport avec ceux qui s’appliquent aux véhicules électriques.

Je rappelle que l’accès à l’électricité est assez universel. Dans les lieux privés, il existe peu de personnes qui ne soient pas dotées de la capacité de se recharger en électricité. Par ailleurs, le réseau viendra compléter utilement les bornes de recharge privées, où l’on peut brancher le frigidaire de la grand-mère, par exemple. On peut aussi aller chez le médecin pour un dépannage… (Sourires.) Vous connaissez la situation !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Je souhaite répondre, sur le même point, à M. le ministre, à M. le président de la commission et à Mme la rapporteure.

Je partage totalement vos propos, monsieur le ministre : le véhicule électrique est tout à fait adapté à la zone rurale. En revanche, monsieur le président de la commission, vous affirmez qu’il n’y aura pas de zone blanche. Or j’ai beaucoup travaillé sur ce sujet dans mon département, et je peux vous dire que l’opérateur restera sur des axes majeurs.

M. Martial Saddier. Bien sûr !

M. Alain Leboeuf. Rappelons-le : les bornes ne serviront pratiquement pas, et elles auront surtout un intérêt psychologique. Or cet intérêt sera limité aux axes majeurs ; contrairement à ce que nous souhaitons, le processus psychologique ne s’exercera pas sur les personnes qui habitent en dehors de ces axes. Si nous équipons d’abord les axes majeurs, sans procéder à un vrai maillage du territoire, nous n’atteindrons pas notre objectif. J’entends bien que la notion de zone blanche vous dérange, mais l’argument selon lequel on peut utiliser les prises à la maison ne me satisfait pas. Il existe aussi des prises à la maison sur les axes majeurs et dans les villes ! Cette réponse ne peut donc pas convenir : il nous faut procéder à un vrai maillage territorial, afin que tous les habitants puissent profiter du véhicule électrique.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Nous ferons de ce texte ce que nous aurons besoin d’en faire. Je ne vois pas pourquoi vous imagineriez un ou plusieurs opérateurs nationaux qui installeraient des bornes sur des routes où personne ne s’arrêterait ! Cela n’a pas de sens économique !

Vous avez dit : « Cela ne servira à rien, c’est juste de l’affichage. » Si c’est de l’affichage, alors nous installerons des bornes en plastique, vides, et tout le monde pourra croire qu’il existe des bornes de recharge sur les routes où personne ne s’arrêtera ! (Sourires.)

M. Martial Saddier. On croira que ce sont des radars ! (Sourires.)

M. Arnaud Montebourg, ministre. Comprenez bien que nous ferons de ce réseau ce que nous voudrons en faire. Or nous voulons qu’il serve la cause de la montée de l’électromobilité.

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Exactement !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Les collectivités locales joueront un rôle très important : elles éclaireront l’opérateur sur les choix de flux et les besoins de la population.

Je souhaite qu’il n’y ait pas de préjugés sur ce que nous allons faire. Nous n’autoriserons pas n’importe quoi. Nous examinerons avec précision le maillage. Tout le monde pourra apporter sa pierre à l’édifice.

(L’amendement n1 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n7 rectifié.

M. Arnaud Montebourg, ministre. Cet amendement vise à ouvrir les possibilités en insérant, après le mot : « opérateur », les mots : « , y compris un opérateur ». Il ne s’agit pas de retirer l’État du dispositif, mais de permettre une égalité de traitement dans le cadre de la naissance du futur opérateur national. Ce dernier pourra être public ou privé ; il pourra comprendre une entreprise publique. Je pense d’ailleurs que nous aurions pu être confrontés à une objection de nature constitutionnelle si nous n’avions pas assuré l’égalité.

M. Lionel Tardy. Bien sûr !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Mais l’égalité n’est pas l’exclusion de l’État, monsieur Tardy.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Je tiens d’abord à remercier M. Tardy d’avoir retiré son amendement n° 1. Je donne un avis favorable à l’amendement n° 7 rectifié présenté par le Gouvernement.

Je veux également vous préciser, mes chers collègues, que la proposition de loi prévoit explicitement que « la dimension nationale du projet s’apprécie notamment au regard du nombre de régions concernées ». Au bout du compte, c’est l’État qui approuve le projet, « sur la base d’un dossier précisant le nombre et la répartition des bornes à implanter sur le territoire français ».

M. Arnaud Montebourg, ministre. Tout à fait !

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Nous avons toutes les sécurités pour affirmer que c’est l’État qui décidera d’approuver ou non le projet, en fonction des objectifs qui viennent d’être assignés. Dans le réseau essentiel, les zones rurales sont la priorité.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le ministre, nous n’avons pas de préjugés, mais des inquiétudes et des remarques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Rassurez-vous !

M. Martial Saddier. Je veux reprendre les arguments que Mme la rapporteure, M. le président de la commission et vous-même avez développés. Ce que nous visons, non pas exclusivement mais essentiellement, ce sont les trajets domicile-travail. Vous vous réfugiez derrière les prises privées, mais celles-ci rechargent la voiture la nuit, en fonction des distances – qui sont plus longues en zone rurale, comme vous l’avez rappelé à juste titre. Or nous avons besoin de bornes de rechargement sur les lieux de travail, où les emplois sont concentrés.

Nous n’avons pas de préjugés, mais des inquiétudes. Tel que le texte est rédigé aujourd’hui, en l’absence de contraintes suffisamment fortes, l’opérateur n’installera pas de bornes de recharge dans les lieux où la concentration d’emplois est insuffisante, c’est-à-dire, précisément, dans les zones rurales.

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Mais si ! C’est écrit dans la proposition de loi ! On ne peut pas faire mieux !

M. Martial Saddier. Nous visons donc les trajets domicile-travail. Nous aurons l’occasion d’y revenir : nous sommes persuadés que cette proposition de loi ne répond pas parfaitement aux attentes, et qu’elle n’encadre pas suffisamment le dispositif pour que le trajet domicile-travail puisse faire l’objet d’une électromobilité que nous souhaitons tous. Mais je crois que nous aurons l’occasion de nous retrouver sur ces arguments.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour une brève intervention, avant que je mette aux voix l’amendement n° 7 rectifié.

M. Lionel Tardy. On a l’impression que tout va bien, dans la concertation. Personnellement, je me réjouis de cet amendement n° 7 rectifié, qui ne va pas aussi loin que mon amendement n° 1,…

Mme Frédérique Massat, rapporteure. En effet !

M. Lionel Tardy. …mais qui répond aux mêmes préoccupations. J’en suis agréablement surpris : petit à petit, la position initiale est édulcorée, et la porte se rouvre peu à peu pour laisser la place à d’autres acteurs, ce qui n’était pas le cas à l’origine.

Avec cet amendement, le critère de participation devient facultatif – il faut le dire ! –, même s’il reste fortement suggéré. Selon l’exposé sommaire, il s’agit de ne pas exclure un opérateur privé qui concourt à l’objectif national. Mes chers collègues, j’ai envie de dire : « Enfin ! Mieux vaut tard que jamais ! » On admet qu’un opérateur public n’est pas l’alpha et l’oméga, et que d’autres solutions doivent être envisagées.

En parallèle, et comme le ministre l’a dit, l’exposé sommaire souligne que la formulation initiale présentait un risque de rupture d’égalité entre acteurs économiques – en d’autres termes, un problème de concurrence. J’ai précisément soulevé ce point dès l’examen du texte en commission. Aussi, encore une fois, je me félicite de ce pas en avant de la part du Gouvernement. Vous l’avez compris : je suis favorable à cet amendement.

Mme la présidente. Nous en sommes ravis, monsieur Tardy ! (Sourires.)

(L’amendement n7 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n5, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 8 rectifié.

La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement.

M. Alain Leboeuf. Le texte présenté prévoit des concertations avec le Gouvernement et les collectivités locales, mais nous avons oublié les autorités organisatrices des réseaux de distribution d’électricité.

Il est important que les concertations que vous avez, les uns et les autres, souhaitées aient lieu et que les autorités propriétaires des réseaux puissent, elles aussi, être contactées pour travailler sur l’implantation des infrastructures de charge.

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat, rapporteure, pour soutenir le sous-amendement n8 rectifié.

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Mon sous-amendement vise à préciser que les autorités organisatrices de la distribution doivent être autour de la table dans la mesure où elles ont la maîtrise d’ouvrage des travaux, ce qui est le cas la plupart du temps dans les zones concernées. Si vous acceptez ce sous-amendement, je donne un avis favorable à votre amendement, monsieur Leboeuf.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Le sous-amendement est très pertinent. Pour moi, c’était sous-entendu, mais il vaut mieux l’inscrire dans le texte. Je suis tout à fait favorable à ce sous-amendement et je vous remercie de votre esprit constructif.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques, qui semble très impatient.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Permettez-moi seulement de faire une remarque de méthode, madame la présidente. J’espère que les autorités organisatrices du réseau de distribution seront d’accord sur l’emplacement avec les collectivités locales qui les mandatent. Car l’on consultera les uns et les autres, mais pas forcément sur le même sujet : les uns pour l’énergie, les autres pour l’emplacement. Il serait judicieux que cela soit harmonisé. Vous faites une mimique, cher collègue, mais savez que cela risque de ne pas être forcément le cas. Cela peut compliquer les choses, mais je comprends que cela soit nécessaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?

M. Arnaud Montebourg, ministre. Avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement de Mme la rapporteure. Il faut travailler ensemble et rassembler. Cela me donne l’occasion de répondre à la question qui m’a été posée par un député de l’opposition. Dès lors que la concertation va avoir lieu avec les collectivités locales, la négociation s’engagera naturellement entre l’opérateur désigné et lesdites collectivités : les agglomérations, les petites villes, les départements. Chacun fera valoir son point de vue sur l’implantation. Je ne vois pas un opérateur dessiner un jardin à la française à partir d’une carte de France sans avoir une vision du terrain, de l’efficience des installations.

Je rappelle tout de même qu’il s’agit de 200 millions d’investissement. Il ne s’agit pas d’arroser le sable ! Les investisseurs – et il y aura des investisseurs privés – seront attentifs à la rentabilité de leur investissement. La rentabilité sera là où il y a des besoins. Cela ne veut pas dire urbain ou rural, je le répète. Dans les zones urbaines, il y a des transports en commun et les trajets domicile-travail sont assurés, mais dans les zones rurales et périurbaines – dans le secteur « rurbain » comme l’on dit –, le développement sera très important.

Il s’agit d’une anticipation d’un modèle économique qui va se bâtir dans la confiance avec les réseaux de distribution d’énergie, mais aussi avec les collectivités locales. Il y a là quelque chose de tout à fait extraordinaire à faire. Certes, la confiance, ce n’est pas écrit dans la loi. Faites-nous aussi confiance, nous reviendrons vous voir et les préfets en discuteront avec vous. Quoi qu’il en soit, vous serez sollicités. Les collectivités seront autour de la table et les préfets nous diront ce qu’ils en pensent, s’il y a des résistances par exemple. Je ne vais pas faire de l’empilage bureaucratique pour faire un réseau national. Il y a aura de nombreuses discussions sur le terrain, vous y serez et vous aurez des choses à dire !

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je souhaite exprimer mes remerciements pour la prise en compte de l’amendement de M. Leboeuf, modifié par le sous-amendement de Mme Massat et revenir sur l’amendement n° 4 qui est tombé discrètement.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Non, il n’a pas été défendu !

M. Martial Saddier. Ce n’est pas un reproche, chers collègues ; je veux seulement souligner son importance à mes yeux. Dire que les modalités d’implantation sont « définies conjointement » plutôt que « font l’objet d’une concertation », ce n’est pas la même chose. La rédaction proposée à l’amendement n° 4 va dans le sens de la confiance que vous appelez de vos vœux, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Si je tenais à ajouter les autorités organisatrices du réseau de distribution d’électricité, c’est parce que l’on consultait le concessionnaire.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est logique. Mais il faut se mettre d’accord avant !

M. Alain Leboeuf. Il y aurait eu une lacune si l’on avait seulement prévu de consulter le concessionnaire sans consulter l’autorité organisatrice. En revanche, si la collectivité donne son accord pour l’implantation, il y a des délégués dans chacun de nos syndicats. La cohésion doit pouvoir se faire sans difficulté.

(Le sous-amendement n8 rectifié est adopté.)

(L’amendement n5, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf, pour soutenir l’amendement n6.

M. Alain Leboeuf. C’était un amendement de repli, que je vais donc retirer. En effet, nul besoin d’informer les autorités organisatrices dans la mesure où elles sont consultées.

(L’amendement n6 est retiré.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. La commission a supprimé l’article 2.

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Fanny Dombre Coste, pour le groupe SRC.

Mme Fanny Dombre Coste. Je me réjouis que le débat ait permis d’apporter des clarifications et de lever un certain nombre d’inquiétudes. Le texte met en avant l’idée d’un État stratège qui garantit l’égalité des territoires ; c’est un point essentiel qu’il faut rappeler. Le ministre l’a maintes fois souligné, l’État s’appuie sur les forces et les acteurs économiques de notre territoire et permet à des opérateurs publics et privés de mettre en œuvre le réseau national que nous appellerons le réseau « Massat ». (Sourires.)

Sur de nombreux bancs, j’ai entendu la même analyse de l’importance stratégique pour notre industrie automobile du développement de la filière du véhicule électrique. Aussi, j’espère que notre vote sera unanime.



Mme la présidente. Pour le groupe UMP, la parole est à M. Alain Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Vous aurez compris, chers collègues, que nous partageons l’idée qu’il est nécessaire de développer l’électromobilité dans notre pays. Sur ce point, nous ne pouvons que souscrire à la proposition de loi de Mme la rapporteure. S’agissant de la répartition du maillage, nous comprenons qu’il faille faire confiance et nous sommes prêts à vous suivre.

En revanche, je pense que l’on se trompe sur la notion de maillage national. Certes, une organisation au niveau national est nécessaire, mais pour l’heure, l’objectif n’est pas de favoriser des déplacements dans des véhicules électriques sur l’ensemble du territoire. Il s’agit plutôt de permettre à ceux qui achètent un véhicule électrique de l’utiliser autour de leur domicile, grâce à des prises locales. Le véhicule électrique, je le rappelle, est idéal pour le déplacement entre le travail et le domicile.

Votre proposition de loi, madame la rapporteure, est très séduisante. On sent que vous êtes généreuse.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est sa nature !

M. Alain Leboeuf. L’idée est noble au départ. C’est la raison pour laquelle nous sommes prêts à la partager et que nous ne nous y opposerons pas. Je vous remercie par ailleurs d’avoir accepté mon amendement car son objet est constructif.

M. Arnaud Montebourg, ministre. M. Tardy a été également très constructif !

M. Alain Leboeuf. Ensemble, nous avons été très constructifs. (Sourires.) Même si l’idée est séduisante, je persiste à dire qu’il demeure des doutes en ce qui concerne les collectivités locales qui se sont déjà engagées dans ce processus. J’insiste sur ce point. Vous dites, monsieur le ministre, que l’on peut faire confiance aux opérateurs, et j’ai envie de partager cette idée. On peut supposer en effet qu’ils ne vont pas implanter des bornes n’importe où : elles seront implantées après concertation avec les collectivités, j’en suis d’accord.

Mais, en Vendée, par exemple, cent quatre-vingt-onze bornes vont être implantées. Si cette mission était confiée au seul opérateur national, il n’y en aurait pas autant, car il privilégierait les zones les plus rentables. Dès lors, que deviendront les autres habitants, ceux qui ne vivent pas dans ces zones ? Il me semble que l’on va décourager ainsi une partie de la France.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il faut tout réexpliquer, madame la présidente !

M. Alain Leboeuf. Le réseau ne pourra pas être étendu là où l’opérateur aura déjà développé son propre réseau.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. On dirait du Saddier ! (Sourires.)

M. Alain Leboeuf. Nous sommes prêts à vous faire confiance. Néanmoins, cette confiance a des limites, car le seul critère de l’opérateur sera la rentabilité.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

7

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Proposition de loi tendant à créer des sociétés d’économie mixte à opération unique.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron