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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2013-2014

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 05 juin 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Prévention de la récidive et individualisation des peines

Discussion des articles (suite)

M. Dominique Raimbourg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Article 7 ter

Amendement no 226

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Amendement no 799

Après l’article 7 ter

Amendement no 375 et 376

Article 7 quater

Amendements nos 227 , 725

Après l’article 7 quater

Amendements nos 842 , 875, troisième rectification , 153 rectifié , 372 et 373 , 315 et 316

Article 8

Mme Colette Capdevielle

Mme Sandrine Mazetier

M. Sergio Coronado

M. Philippe Goujon

Amendements nos 228 , 377 , 378 , 429 , 379 , 637 , 229 , 380 , 639 , 401 , 381 , 382 , 879 et 880 , 596 , 636 , 131 , 638 , 599 rectifié , 800 rectifié , 5

Article 8 bis

Amendements nos 230 , 402

Article 9

Amendements nos 231 , 305 , 383 , 384 , 144 rectifié , 391 rectifié

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 883 , 882 , 744 , 385 , 387 , 430 , 392 , 746 , 748 , 388 , 393 rectifié , 410 , 603 , 349 , 431 , 411 , 607 , 348 , 666 , 347

Après l’article 7 bis (amendement précédemment réservé)

Amendement no 474

Après l’article 18 ter

Amendements nos 471 rectifié , 490 rectifié , 774

Article 10 (précédemment réservé)

Amendements nos 306 , 472

Article 11 (précédemment réservé)

Amendements nos 232 , 307 , 674 rectifié et 632 , 346 rectifié , 675 , 631 , 345 , 676 , 394, 667, 403 et 414 , 876 , 670 , 801 , 750 , 671 , 772 , 308 et 400

M. Jean-Frédéric Poisson

Amendement no 770, deuxième rectification

Après l’article 11 (amendement précédemment réservé)

Amendement no 843 troisième rectification

Article 11 bis (précédemment réservé)

Mme Elisabeth Pochon

Amendements nos 844 , 802 , 434

Après l’article 11 bis (amendements précédemment réservés)

Amendements nos 776 , 301

Article 12 (précédemment réservé)

Mme Elisabeth Pochon

M. Jean-Frédéric Poisson

Amendements nos 309 , 726 , 630 , 803

Après l’article 12 (amendement précédemment réservé)

Amendement no 330 rectifié

Article 13 (précédemment réservé)

Amendement no 233

Article 14 (précédemment réservé)

Amendements nos 234 , 310

Après l’article 14

Amendement no 492

Article 15 (précédemment réservé)

Amendements nos 627 , 805 , 432 , 192 , 885 (sous-amendement) , 200 deuxième rectification , 626 , 203 , 157 , 164

Article 15 bis (précédemment réservé)

Amendement no 806

Article 15 ter (précédemment réservé)

Amendements nos 204 , 235 , 435 , 807

Article 15 quater (précédemment réservé)

Amendements nos 436 , 804

Article 15 quinquies (précédemment réservé)

Article 15 sexies (précédemment réservé)

Article 16 (précédemment réservé)

Mme Elisabeth Pochon

M. Georges Fenech

Amendements nos 236 , 311 , 396 , 680 , 677 , 174 , 694 , 175

Article 16 bis (précédemment réservé)

Article 16 ter (précédemment réservé)

Article 17 (précédemment réservé)

Amendements nos 237 , 312 , 398 , 622 , 808 , 716 , 709

Articles 17 bis et 17 ter (précédemment réservés)

Article 18 (précédemment réservé)

Amendements nos 238 , 313

Articles 18 bis et 18 ter (précédemment réservés)

Article 18 quater

Amendements nos 845 deuxième rectification , 809, 810

Article 18 quinquies

Amendement no 6

Après l’article 18 quinquies

Amendements nos 177 , 816 rectifié

Article 19 A

Amendement no 389

Après l’article 19 A

Amendements nos 205, 731, 515, 206, 210 et 208 rectifié , 615 rectifié , 604, 209, 673 et 689

Article 19

Amendements nos 239 , 314

Après l’article 19

Amendement no 811

Article 20

Amendements nos 240 , 720 , 724

Après l’article 20

Amendement no 735

Article 21

Amendement no 241

Après l’article 21

Amendements nos 285 rectifié , 850 rectifié

Titre

Amendements nos 281 , 214

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Prévention de la récidive et individualisation des peines

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines (nos 1413, 1974).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures dix minutes pour le groupe SRC, dont 31 amendements sont en discussion ; deux heures vingt-huit minutes pour le groupe UMP, dont 350 amendements sont en discussion ; trois heures vingt minutes pour le groupe UDI, dont 13 amendements sont en discussion ; une heure cinq minutes pour le groupe écologiste, dont 20 amendements sont en discussion ; une heure quatorze minutes pour le groupe RRDP, dont 10 amendements sont en discussion ; une heure quinze minutes pour le groupe GDR, dont trois amendements sont en discussion ; et six minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement n474 portant article additionnel après l’article 7 bis.

Avant de l’examiner, je donne la parole à M. Dominique Raimbourg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, M. Poisson ne sera parmi nous qu’un peu plus tard et il vous demande de bien vouloir réserver cet amendement.

M. le président. J’accède à cette demande. L’amendement n474 portant article additionnel après l’article 7 bis est réservé.

M. Georges Fenech et M. Guy Geoffroy. Merci, monsieur le président !

Article 7 ter

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement de suppression de l’article 7 ter, n226.

M. Georges Fenech. Cet article continue à nier la différence entre primo-condamné et récidiviste. Désormais, les condamnés en état de récidive légale comme les primo-condamnés pourront, en cours de détention, voir leur peine aménagée par le juge de l’application des peines, dès lors que sa durée sera égale ou inférieure à deux ans. Pour ce qui est de la libération conditionnelle, tous les condamnés, récidivistes ou non, y seront éligibles aux mêmes conditions, à savoir à mi-peine.

Les personnes condamnées en état de récidive légale seront également éligibles à la disposition selon laquelle la libération conditionnelle peut être accordée à tout condamné à une peine privative de liberté inférieure ou égale à quatre ans « lorsque ce condamné exerce l’autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle ».

Au nom des arguments développés précédemment, je demande la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Même avis.

(L’amendement n226 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi par M. le rapporteur d’un amendement de cohérence, n799.

(L’amendement n799, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 7 ter, amendé, est adopté.)

Après l’article 7 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 375 et 376, portant articles additionnels après l’article 7 ter et qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour les soutenir.

M. Éric Ciotti. Ces deux amendements portent sur la faculté d’aménager les peines telle qu’elle a été introduite par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, dont je précise tout de suite que je ne l’avais pas votée – nous étions deux députés de l’UMP, je crois, dans ce cas. Cette loi de la précédente majorité a soulevé des critiques. Pour ma part, j’étais précisément opposé à cet aménagement pour les peines allant jusqu’à deux ans de prison ferme : cela me semblait une être une erreur.

Le présent amendement vise à préciser et modifier les conditions de l’aménagement de peine en remplaçant, à la première phrase de l’article 723-15-1 du code de procédure pénale, le mot « possible » par le mot « opportune », dans le but de laisser au juge une marge d’appréciation en la matière. Ces aménagements, en prenant un caractère quasi automatique, participent en effet à ce que j’appellerais la déconstruction de la peine et à son manque de lisibilité, qui sont aujourd’hui source de défiance à l’égard de la justice : une défiance que les victimes sont les premières à nourrir, naturellement, mais que peuvent aussi partager nos concitoyens, qui voient l’écart se creuser entre la peine prononcée par un tribunal souverain s’exprimant au nom du peuple français et son effectivité. Ainsi est-on progressivement passé, avec la systématisation de ces aménagements d’une peine réelle à une peine virtuelle.

Loin de moi l’idée de contester l’opportunité de l’aménagement de peine dans les cas qui le nécessitent, qui le légitiment, qui le méritent, et selon la situation de la personne qui peut en bénéficier. Ce que je conteste, comme je l’ai fait en dès 2009 puis à plusieurs reprises en essayant de revenir sur cette disposition, c’est l’évolution qui rend ces aménagements quasi systématiques et qui en dénature donc l’esprit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

M. Éric Ciotti. Pourquoi ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Nous nous en sommes déjà expliqués.

(Les amendements nos 375 et 376, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Article 7 quater

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir son amendement de suppression n227.

M. Georges Fenech. L’article 7 quater prévoit que lorsqu’une peine de prison ferme inférieure à cinq ans n’a pas été mise à exécution dans les trois ans suivant le jugement, le juge de l’application des peines peut en changer les modalités d’exécution. En d’autres termes, il en choisira les modalités d’exécution : l’incarcération, bien sûr, mais aussi l’aménagement, ou même la dispense de l’exécution sous certaines conditions. Quand on sait que 80 000 peines sont à ce jour en attente d’exécution…

M. Éric Ciotti. Plutôt 100 000 !

M. Georges Fenech. Bref, ce dispositif aura pour conséquence, outre d’être une prime à ceux qui réussissent à se soustraire volontairement à la justice pendant trois ans, de dévitaliser la sanction, puisqu’elle pourra ne plus être exécutée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable. Cette disposition a pour objet de rendre la sanction efficace, parce que compréhensible. Si l’exécution intervient très longtemps après le prononcé, il faut nécessairement se demander si la peine a encore du sens et si elle peut être aménagée – à l’intérieur du plafond aménageable, cela va de soi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis. Il faut revenir à la réalité et faire preuve de sérieux. Une infraction, un procès, une condamnation, l’exécution d’une peine sont des choses sérieuses, prises en charge par une institution judiciaire sérieuse. En tant que parlementaires, nombreux sont ceux d’entre vous qui se rendent régulièrement dans les établissements pénitentiaires, conformément aux dispositions de la loi du 15 juin 2000 qui vous donne le droit de vous y présenter de façon inopinée, même si vous avez en général la correction de prévenir le directeur de l’établissement. Je me suis moi aussi rendue dans de nombreux établissements et j’ai consulté les registres de greffe : j’ai pu constater, comme vous, que certaines peines sont mises à exécution plusieurs années après avoir été prononcées.

Il est normal, en particulier dans ce texte de loi qui vise à prévenir la récidive, de rendre la peine efficace, de lui donner du sens, aussi bien pour le condamné que pour la victime et la société. Quel serait le sens d’une peine, en particulier d’une courte peine, et elles sont très fréquentes, qui aurait été prononcée six ou huit ans plus tôt ?

Il est concevable que le juge de l’application des peines examine la situation familiale, sociale et personnelle de l’intéressé, qui peut avoir changé, et que, sans renoncer à une punition, il décide de permettre que la peine soit exécutée dans des conditions qui aient plus de sens. Ce n’est pas une décision prise par fantaisie, et elle est prise par un juge. Mais sinon, quel sens y aurait-il à ce qu’une personne qui a, entre-temps, changé de vie, qui a construit une famille, qui a trouvé une activité professionnelle – et nous connaissons de tels cas dans nos établissements, ce n’est pas théorique – interrompe le cours de sa vie pour exécuter deux, trois ou quatre mois d’incarcération ?

Il serait plus intelligent de permettre au juge d’apprécier, au vu de la situation de la personne, s’il y a lieu d’exécuter la peine. Ainsi, la peine aurait plus d’efficacité et plus de sens. Avis défavorable.

(L’amendement n227 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement n725.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Cet amendement, dont la portée n’est pas considérable, nous semble de nature à renforcer la logique du texte. Le juge, on le sait, apprécie les modalités d’exécution d’une peine qui n’a pas été exécutée dans un délai de trois ans. Il nous semble nécessaire qu’il tienne compte, outre de la personnalité ainsi que de la situation familiale et sociale de l’intéressé, des circonstances objectives qui pourraient être à l’origine de ce retard, comme un deuil ou un accident par exemple. Cela permettrait de ne pas enfermer l’appréciation du juge dans un cadre trop étroit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis favorable également car cet amendement est dans la logique du texte, même si l’on peut supposer que le juge tiendrait compte de ces circonstances. C’est vrai, certaines personnes peuvent échapper à l’exécution de leur peine parce qu’elles y ont mis de la mauvaise volonté, mais d’autres peuvent, par exemple, ne pas avoir reçu la convocation faute de domicile fixe. Certaines situations justifient donc que le justiciable ne se soit pas soumis immédiatement à l’exécution de sa peine. Cet ajout apporte une précision non négligeable.

(L’amendement n725 est adopté.)

(L’article 7 quater, amendé, est adopté.)

Après l’article 7 quater

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 7 quater.

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n842.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement introduit au chapitre II bis des dispositions relatives à la justice restaurative. Tout le monde ici sait sans doute ce que c’est que la justice restaurative. J’ai indiqué, lors de la présentation du texte, que le Gouvernement avait pris soin d’expérimenter dans huit tribunaux de grande instance, depuis janvier 2014, des mesures préconisées par la directive « Victimes » de l’Union européenne, adoptée en octobre 2012, relative à la protection, aux droits et au soutien dû aux victimes. Cette directive, qui impose à l’ensemble des pays membres de l’Union des normes minimales pour la protection des victimes, contient toute une série de dispositions déjà inscrites dans notre droit ou que nous allons introduire à la faveur de ce texte. On y trouve également un certain nombre de dispositions originales telles que le suivi individualisé des victimes, qui permet de repérer celles qui risquent une double victimisation ou qui sont dans une situation personnelle ou matérielle suffisamment vulnérable pour justifier un accompagnement plus serré, plus ajusté, afin de les aider à sortir des traumatismes consécutifs aux préjudices qu’elles ont subis.

D’autres dispositions visent à inciter les pays membres à mettre en place et développer la justice restaurative. Ce dispositif permet à ceux qui y consentent, auteurs et victimes d’infractions, d’entrer en contact, de participer à des rencontres. Celles-ci, qui sont soumises au strict principe du volontariat, sont caractérisées par la nature de l’infraction. En général en effet, ce sont des rencontres indirectes : ce ne sont pas l’auteur et la victime de la même infraction qui se rencontrent, mais des auteurs et victimes d’infractions similaires. C’est en tout cas l’hypothèse la plus fréquente, même s’il arrive aussi que les victimes et les auteurs d’infractions se rencontrent directement, toujours sur la base du volontariat.

Tout ce dispositif est bien évidemment très encadré, et nous y veillons. Le protocole est extrêmement rigoureux et le dispositif animé par la fédération des associations d’aide aux victimes, l’INAVEM. Une première expérience a été conduite dans l’établissement de Poissy et une deuxième a commencé en début d’année.

Nous avons eu une discussion quant à l’introduction dans notre droit de cette justice restaurative. Dans un premier temps, les parlementaires se sont demandé à quel niveau placer ces dispositions. Pour ce qui me concerne, j’ai posé très rapidement le principe selon lequel le dispositif doit reposer sur le volontariat le plus rigoureux, et j’y tiens beaucoup. Par ailleurs, pour que la justice restaurative conserve son essence et sa destination, à savoir qu’elle aide la victime qui y consent à se réparer et qu’elle permette à l’auteur de l’infraction de bien prendre la mesure du préjudice qu’il a infligé à la victime, il importe que l’acte soit vraiment volontaire et gratuit au sens le plus noble du terme : qu’on n’en attende pas une rétribution, qu’il n’y ait pas de dispense de peine, ou d’avantages retirés de la participation à cet exercice.

C’est dans cet esprit et sur cette base que ces dispositions sont introduites dans le texte.

(L’amendement n842, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 153 rectifié et 875, troisième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n875, troisième rectification.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n153 rectifié.

M. Sergio Coronado. Je me félicite de l’introduction dans le texte d’une expérimentation sur la justice restaurative. Cela fait très longtemps que les écologistes, sur ces questions, font preuve de persévérance, pour ne pas dire d’acharnement. Nous avions déposé un amendement allant dans ce sens en commission. Le Gouvernement y avait trouvé un certain intérêt mais hésitait encore à l’intégrer dans le texte. C’est une bonne nouvelle qu’il y ait consenti.

Ces mesures d’expérimentation ne sont pas toutes de même nature. Il peut s’agir de rencontres encadrées entre condamnés et victimes ou de cercles de soutien entre les personnes condamnées. Vous l’avez dit, mais je pense qu’il est nécessaire d’insister sur ce point : le consentement est prioritaire, pour le condamné mais surtout pour la victime. Rien ne peut se faire sans ce principe du volontariat qui permet à chacun de cheminer, à l’auteur de prendre la mesure du préjudice et de la peine qu’il a causés, à la victime d’être mieux comprise et prise en considération. Suite à cette bonne décision de la garde des sceaux, notre groupe accepte de retirer son amendement au bénéfice de celui du Gouvernement.

(L’amendement n153 rectifié est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. L’on peut s’interroger tout de même sur l’objectif de cette nouveauté. Une justice restaurative, certes, mais pour restaurer quoi ? J’avoue que je comprends mal.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est normal.

M. Georges Fenech. Sans doute. Nous allons donc assister, à titre expérimental, à des séances que je qualifierai de « câlinothérapie » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) visant à faire se rencontrer l’auteur et la victime.

Mme Sandrine Mazetier. Quel mépris pour les victimes !

M. Georges Fenech. Pour ma part, je connais une manière de restaurer le trouble causé à l’ordre public, c’est le prononcé d’une sanction devant un tribunal, et une de faire cesser le préjudice subi par la victime, c’est la réparation par des dommages et intérêts.

Je ne sais pas quel but vous poursuivez : redonner confiance à la victime en son agresseur ? Quels types d’infractions sont-ils concernés ? Nous verrons bien ce que donneront ces expérimentations mais je reste sceptique.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Sans être hostile, je suis moi aussi assez perplexe face à cette nouvelle procédure, aussi m’abstiendrai-je de participer au vote, mais sans aucune animosité.

Je voudrais simplement, madame la garde des sceaux, vous proposer une quatrième rectification de votre amendement. Il me semble que deux erreurs se sont glissées dans le deuxième paragraphe. Il est écrit que « Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime et l’auteur de l’infraction ont reçu une information complète à leur sujet. » N’est-ce pas plutôt « à son sujet » ? Il me semble qu’il s’agit de la mesure, n’est-ce pas ?

Par ailleurs, on peut lire : « Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire ». Il manque donc une virgule après le « ou ».

Même si je ne compte pas voter cette disposition, autant qu’elle soit compréhensible et que la syntaxe soit correcte.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez raison, il faut remplacer « leur » par « son ». En revanche, la virgule est placée au bon endroit dans la version que j’ai. Je m’assurerai en tout cas que c’est bien cette version-là, avec une virgule après le « ou », qui sera enregistrée.

Je veux juste apporter une précision à M. Fenech, afin de ne pas laisser prospérer une inexactitude. La justice restaurative est strictement déconnectée du procès en tant que tel. Par conséquent, les dommages et intérêts dus à la victime ne sont pas remis en cause. Cet amendement ne crée pas une alternative entre dommages et intérêts et justice restaurative : c’est une fois que le procès s’est déroulé et que les décisions ont été prononcées, et si les victimes et auteurs de l’infraction y sont intéressés et y consentent, que des mesures de justice restaurative peuvent être prises. Tous les acteurs doivent absolument être volontaires et, je le répète, la participation à cet exercice ne donne lieu à aucune rétribution.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n875, troisième rectification, dans le texte rectifié par Mme la garde des sceaux.

(L’amendement n875 troisième rectification, ainsi qu’il vient d’être rectifié, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir les amendements nos 372 et 373, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

M. Éric Ciotti. Ils sont défendus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le rapporteur, je m’étonne de cet avis. Depuis le début de l’examen de ce texte, il y a un sujet qui nous oppose, parmi d’autres, c’est la question de l’automaticité. Les amendements nos 372 et 373 visent à altérer, à gommer, si ce n’est à supprimer complètement toute notion d’automaticité ou de quasi-automaticité, et vous leur donnez un avis défavorable. J’avoue ne pas vraiment comprendre : alors que votre ligne de conduite consiste habituellement à tout faire pour éviter l’automaticité ou ce qui y ressemble, vous faites en sorte, dans le cas présent, de la préserver.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Je maintiens mon avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour répondre à M. Geoffroy, la procédure simplifiée d’aménagement de peines n’entraîne aucune automaticité : il s’agit d’une faculté, qui existe déjà dans le droit, et qui est soumise à l’appréciation du juge. J’ai cité des chiffres que vous connaissez probablement déjà : 20 % d’aménagements de peines sont prononcés. Aux termes de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, le juge d’application des peines examine la situation des personnes devant purger une peine allant jusqu’à deux ans d’incarcération, et il décide ou non de l’aménager. Il s’agit d’une faculté, qui ne peut être assimilée à une automaticité.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je suis désolé de vous contredire, madame la garde des sceaux, mais les mots « bénéficient, dans la mesure du possible » signifient que l’aménagement de peine est la règle, à supposer qu’il soit possible. Il existe bien une règle, qui fait l’objet d’une condition d’exercice : il y a donc une quasi-automaticité.

C’est la rédaction des amendements nos 372 et 373, qui visent à remplacer le mot « bénéficient » par « peuvent bénéficier », qui correspond à ce que vous venez de décrire, à savoir une possibilité offerte au juge. En l’état actuel du droit, le juge n’a pas le choix : à partir du moment où un aménagement de peine est possible, il ne peut pas ne pas en faire bénéficier la personne.

(Les amendements nos 372 et 373, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 315 et 316, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour les soutenir.

M. Sergio Coronado. Ces deux amendements portent sur la mise à exécution d’une peine pour un détenu déjà condamné. Comme vous le savez, les mises à l’écrou des peines non exécutées sont aujourd’hui discrétionnaires. Or les révocations de sursis doivent faire l’objet d’un débat contradictoire. Par ailleurs, comme cela a été souligné notamment pendant les auditions, aucune règle ne prévoit actuellement l’information d’une personne détenue ou condamnée : il arrive ainsi qu’elle apprenne sa mise à l’écrou la veille, voire le jour de sa sortie, ce qui apparaît contraire à toute préparation à la sortie.

L’amendement n315 propose donc de conditionner la mise à exécution d’une nouvelle peine à un débat contradictoire devant le juge de l’application des peines. Au cours de ce débat, le parquet devrait justifier du motif de la mise à exécution, et la personne pourrait être accompagnée de son avocat. Le n316, qui est un amendement de repli, conditionne la mise à exécution de la peine à une information préalable de la personne au moins dix jours avant la mise à exécution.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable. L’intention est louable, mais la procédure proposée est très lourde. Par ailleurs, dans la mesure où le présent projet fait cesser la révocation automatique des sursis simples, aucune peine assez ancienne inconnue du condamné et du juge ayant entraîné la révocation du sursis simple ne devrait plus se présenter au greffe. À mon avis, la situation devrait être relativement rapidement apurée par le présent texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, à la fois sur la complexité qu’introduit cette disposition et sur les assouplissements que nous avons introduits dans le présent projet de loi. Je propose donc à M. Coronado de retirer ses amendements.

M. le président. Monsieur Coronado, les retirez-vous ?

M. Sergio Coronado. Oui, monsieur le président.

(Les amendements nos 315 et 316 sont retirés.)

Article 8

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 8.

La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Nous arrivons au cœur de ce texte avec l’article 8 qui prévoit la création d’une nouvelle peine, la contrainte pénale, applicable uniquement en matière correctionnelle, c’est-à-dire pour les délits – je le rappelle car certains l’ont oublié. Il est donc inutile de faire de la surenchère.

L’article 8 prévoit donc une peine avec un suivi très intensif en milieu ouvert, totalement détachée de l’emprisonnement. Depuis des années, elle a fait ses preuves dans des pays anglo-saxons, dans le nord de l’Europe mais également au Canada, où nombre d’entre nous avons eu l’occasion de nous rendre, accompagnés de M. le rapporteur et de M. le président de la commission des lois, pour observer comment cela fonctionne. Il s’agit donc d’une disposition sur laquelle nous avons du recul.

En France, le sursis avec mise à l’épreuve est insuffisant : depuis de nombreuses années, nous en convenons tous, il a réellement montré ses faiblesses. Nous nous sommes interrogés sur l’appellation de cette nouvelle peine. Dans d’autres pays, c’est « peine de probation ». Nous avons préféré garder le terme de « contrainte », même si l’expression « peine de probation » utilisée dans les pays anglo-saxons présente l’avantage de faire référence à l’idée de réinsertion sociale.

Il est vrai qu’en créant cette peine, nous touchons à des principes fondamentaux, comme nous l’avons vu pendant les débats sur l’article 1er. Nous voulons avec cette disposition réconcilier la nécessité de la sanction avec la perspective de la réinsertion. Les députés de l’opposition ont beaucoup parlé de laxisme à son sujet. Or j’ai consulté la définition du mot « laxisme » : il signifie tout simplement « absence de contrainte ». Ainsi, la contrainte pénale est tout sauf laxiste.

La contrainte pénale est particulièrement difficile à supporter par la personne condamnée.

M. Éric Ciotti. Ah bon ?

M. Philippe Goujon. Ça, c’est un scoop !

Mme Colette Capdevielle. D’abord, elle est longue : elle peut durer de six mois à cinq ans. Elle est également très contraignante, car elle présente beaucoup d’obligations,…

M. Éric Ciotti. Lesquelles ?

Mme Colette Capdevielle. …qui peuvent varier en fonction de l’attitude de la personne condamnée. En outre, la personne contrainte est soumise à un ensemble d’interdictions.

Nous faisons l’effort de ne pas céder à la facilité et de ne pas prononcer de peine éliminatoire. La peine d’emprisonnement ferme élimine l’individu de la société : il est vrai que c’est une réponse est immédiate et facile mais, finalement, elle ne résout pas grand-chose. Nous avons décidé de réfléchir à une adaptation et nous avons finalement trouvé une autre solution. Aucun fait, aucune situation, aucune personnalité, aucune histoire personnelle ne se ressemble. Quand on a l’honnêteté de regarder les dossiers un par un, on se rend compte qu’il est possible de faire du « cousu main », comme je l’ai dit en commission, c’est-à-dire d’adopter une sanction qui tienne compte de tous ces paramètres.

En la matière, le Canada est très novateur : non seulement il pratique la contrainte pénale, qu’il appelle « probation », mais il la met en œuvre dans le cadre de programmes spécifiques, notamment par exemple à destination des toxicomanes, qui en viennent malheureusement parfois à vendre des stupéfiants pour assurer leur consommation. Ces programmes spécifiques, qui sont de courte durée et prévoient un ensemble d’obligations extrêmement strictes, connaissent de vrais succès en termes d’absence de récidive.

La commission des lois a étendu cette contrainte pénale à l’ensemble des délits, en cohérence avec les autres peines alternatives à l’emprisonnement qui, lorsqu’elles ont été instaurées, n’ont pas été circonscrites à un quantum de peine. Pour le groupe SRC, la peine de contrainte pénale n’est pas une mesurette, mais une vraie peine qui enrichit le code pénal. D’ailleurs, la création du sursis avec mise à l’épreuve, appliqué à l’ensemble des délits, n’avait pas entraîné une révolution, pas plus d’ailleurs que l’ensemble des autres peines alternatives, comme le stage de citoyenneté, pour ne citer que la plus récente.

Pourquoi avoir étendu la contrainte pénale à tous les délits ? On en revient toujours aux mêmes explications : nous voulons, tout simplement, que les juges puissent apprécier librement la peine la mieux adaptée à une personne condamnée.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Excellent ! On a tout compris !

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Comme vient de le dire Colette Capdevielle, nous abordons le cœur du texte proposé par Mme la garde des sceaux avec la création de cette nouvelle peine et la rénovation du rapport compliqué que la justice française entretenait jusqu’à présent avec les peines en milieu ouvert, qui devenaient dépendantes de l’emprisonnement et perdaient ainsi leur sens de peine, que ce soit pour les victimes des délits commis ou pour les condamnés. Ces derniers, en effectuant leur peine en milieu ouvert dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve, ont pour seule contrainte le respect de leurs obligations, avec l’épée de Damoclès de la réincarcération s’ils les enfreignent. Cette situation ne garantit absolument pas que la peine soit comprise par la personne condamnée, ni qu’elle permette à la société de se protéger contre la réitération du même délit ou de la récidive.

Pour une fois, nous créons une peine en milieu ouvert qui n’est pas dépendante de la prison. Notre merveilleux rapporteur (Sourires) cite d’ailleurs Pierre Victor Tournier : « la prison est, pour les délits, la sanction de référence, sans l’être – à cause du sursis – tout en l’étant – puisqu’il y a un risque de révocation du sursis ». L’instauration de la contrainte pénale met fin à ce rapport compliqué et illisible en créant une vraie peine en tant que telle, en milieu ouvert.

Le rapporteur a également clarifié les choses en plaçant la contrainte pénale entre la peine d’emprisonnement et l’amende. Cela la situe symboliquement, puisqu’elle n’est pas une peine d’emprisonnement et qu’elle n’est pas non plus une amende. Comme l’a rappelé Colette Capdevielle, cette peine peut être longue. Elle est très contraignante et adaptée à la situation de la personne ayant commis un délit, qui est étroitement surveillée. Bref, c’est une très grande avancée de ce projet de loi.

Mme Marie-Anne Chapdelaine M. Jean-Pierre Blazy et M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Les écologistes apportent leur soutien à cette mesure. Mme la garde des sceaux l’a rappelé, un débat préalable a eu lieu lors de la conférence de consensus afin que la peine de probation vienne remplacer l’ensemble des peines. Mais il n’a pas été possible d’élaborer une nouvelle architecture des peines avec amendes, peines de probation et prison puisqu’il aurait fallu s’attaquer à l’échelle des peines.

Je tiens à rappeler qu’en commission, nous avons apporté notre soutien à Mme Capdevielle et que nous le réitérerons lors du débat sur l’amendement, afin que la contrainte pénale, dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est une mesure plus stricte, plus contraignante, avec un suivi plus rigoureux, puisse s’appliquer à l’ensemble des délits.

M. Fenech a appris en lisant la presse qu’il y aurait eu un compromis, sous la forme d’un amendement qui limiterait la portée de la contrainte pénale telle qu’elle a été adoptée en commission. Si tel était le cas, c’est pour le coup que je vous ferais un procès en laxisme, madame la garde des sceaux, comme l’opposition…

Pourquoi la contrainte pénale qui est une peine plus stricte, plus rigoureuse, assortie d’un suivi plus contraignant ne s’appliquerait-elle qu’aux courtes peines et pas à tous les délits ? Pourquoi pourrait-on être éligible au sursis avec mise à l’épreuve et pas à la contrainte pénale ? Il y a là une grande contradiction.

M. Matthias Fekl. Oui.

M. Sergio Coronado. Pour ma part, je me retrouve totalement dans les propos de Mme Capdevielle. Lorsqu’on a le souci de ne pas tomber dans les caricatures dont on nous rebat les oreilles depuis le début du débat en nous taxant de laxisme et d’incohérence, il faut aller jusqu’au bout. Si l’on veut mettre en place une peine contraignante, assortie d’un suivi strict, qui donnera au condamné le sentiment qu’il n’est pas livré à lui-même mais qu’il sera rigoureusement contrôlé, on ne limite pas l’application de la contrainte pénale. Sinon, on tombe en effet dans le laxisme.

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Madame la garde des sceaux, Sergio Coronado vous appelle à une certaine cohérence, ce que l’on peut partager au moins du point de vue de la logique. Mais après tous ces discours lénifiants (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) que nous venons d’entendre, il faut rétablir un certain nombre de vérités et en revenir aux réalités objectives. Si cette mesure est une avancée, comme le disait Mme Mazetier, c’est surtout pour les délinquants. Pour les victimes, il s’agit d’un recul.

M. Marc Dolez. Oh !

Mme Colette Capdevielle. Surtout pas !

M. Philippe Goujon. Il faut dire clairement aux Français de quoi il s’agit. Après un compromis assez laborieux entre le Gouvernement et la majorité, on voit bien ce qui va se passer : cette peine sera étendue, peut-être avec un peu de retard, à tous les délits. Mais même appliquée aux délits allant jusqu’à cinq ans de prison, elle englobe déjà des actes extrêmement graves comme les violences sexuelles, les atteintes sur mineurs, les violences aggravées et même la préparation d’actes terroristes, ce qui est d’une grande perspicacité vu l’actualité.

Mme Elisabeth Pochon. Ce n’est pas obligatoire !

M. Philippe Goujon. Certes, mais pour notre part nous préférons les peines plancher, afin d’être un peu plus certains que les délinquants seront condamnés sévèrement.

Mme Elisabeth Pochon. Assez avec la désinformation !

M. Michel Pouzol. Les peines plancher sont inefficaces ! Vous préférez l’inefficacité ? C’est un choix…

M. Philippe Goujon. La contrainte pénale, hélas, ne permettrait pas de telles condamnations.

Je veux appeler l’attention sur le risque pour la société, nos concitoyens, leur sécurité, que représente la remise en liberté de personnes condamnées pour des actes d’une particulière gravité. Elles sont 20 000 à 25 000 pour lesquelles les juges auraient la faculté d’en décider ainsi. Près de la moitié, 45 % plus exactement, des personnes placées sous main de justice par des mesures alternatives à la prison récidivent. Donc, vous ne réglez aucun problème. En outre, le Conseil d’État a relevé l’insuffisance des moyens, qui sont mentionnés dans l’étude d’impact, pour assurer le suivi des futures personnes libérées. Or on connaît tous les difficultés existant déjà en matière de suivi des personnes sous bracelet électronique, sans parler des dysfonctionnements ni des permanences qui s’interrompent le week-end…

De surcroît, il est incohérent de faire coexister dans notre droit le sursis et la contrainte pénale : cette dernière serait une peine à part entière qui recouvrirait toutes les caractéristiques du sursis, qui n’est pour sa part qu’un aménagement de la peine.

S’agissant de la constitutionnalité de cette nouvelle disposition, nous pensons que la latitude laissée au juge de l’application des peines pour modifier le contenu de la contrainte pénale, c’est-à-dire de la peine prononcée par la juridiction de jugement, voire pour l’ajourner, contredit le principe de la légalité des peines et fait courir un risque de censure pour inconstitutionnalité, Robert Badinter lui-même le soulignait. Voilà pourquoi, entre autres arguments que nous développerons au fur et à mesure de la discussion, nous nous opposons très fermement à cette mesure que d’aucuns dans l’opposition viennent de qualifier de laxiste, et le terme paraît assez approprié.

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements identiques tendant à supprimer l’article 8.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n228.

M. Georges Fenech. Nous en arrivons à la deuxième mesure phare de ce projet de loi, la fameuse contrainte pénale. Je n’ai pas eu la chance, comme Mme Capdevielle, d’être convié avec le rapporteur au Canada ou en Grande-Bretagne pour voir comment fonctionnait le « community sentencing ». Je dois donc me fier à ce que vous en dites.

M. Matthias Fekl. Certains de vos collègues de l’UMP s’y rendront bientôt, accompagnez-les !

M. Georges Fenech. Merci de cette information.

M. Guy Geoffroy. Nous, nous avons toujours emmené des élus de l’opposition dans nos déplacements !

M. Georges Fenech. Quoi qu’il en soit, la contrainte pénale est selon moi une fausse nouvelle peine. En réalité, il s’agit d’un sursis avec mise à l’épreuve renforcé, une sorte de « super sursis avec mise à l’épreuve », ou ce que l’opinion publique appelle plus communément « la prison hors les murs ».

M. Jean-Pierre Blazy. Voilà.

Mme Elisabeth Pochon. Vous pouvez constater que cette notion est assimilée.

M. Georges Fenech. La contrainte pénale emportera pour le condamné l’obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l’application des peines, pendant une durée comprise de six mois à cinq ans, à des mesures de contrôle et d’assistance ainsi qu’à des obligations et interdictions particulières, bien connues des juges depuis 1958, justifiées par la personnalité du condamné, les circonstances de l’infraction ou la nécessité de protéger les intérêts des victimes.

Ces mesures, obligations et interdictions seront déterminées après une évaluation de la personnalité de la personne condamnée par le service pénitentiaire d’insertion et de probation, dont c’est la mission, sous l’autorité du juge de l’application des peines. Elles pourront être modifiées au cours de l’exécution de la peine au regard de l’évolution du condamné.

Pour l’instant, je ne sais pas pour quels délits la contrainte pénale est possible : tous, ou seulement ceux qui sont passibles d’un maximum de cinq ans de prison ? Vous nous direz au cours du débat quelle aura été la transaction passée entre la majorité et le Gouvernement. Mais d’après ce que j’ai cru comprendre, ce sera possible jusqu’à une peine de dix ans de prison, mais à partir de 2017. Les délits concernés ne sont pas des délits mineurs : harcèlement sexuel, traite d’être humain sur mineur et tout délit passible aujourd’hui de dix ans de prison… J’y ajoute l’association de malfaiteurs, cher Sergio Coronado.

Ce dispositif pose non seulement des questions d’applicabilité d’un point de vue pratique, mais également d’un point de vue constitutionnel. En effet, la contrainte pénale est d’une extrême complexité et fait figure d’OVNI pénal. On connaît bien le SME, qui est une peine d’emprisonnement aménagée, avec des obligations et interdictions fixées dès le départ, mais qui peuvent aussi évoluer. Si l’individu ne s’y soumet pas, il sait ce qu’il encourt. Là, il n’y a rien de comparable. Il s’agit d’un mécanisme complexe, qui se décompose en trois phases au moins.

La première phase est juridictionnelle, avec déclaration de culpabilité et prononcé de la contrainte pénale. La deuxième est une phase post-sentencielle de mise en œuvre de la peine de contrainte pénale – c’est là que les choses commencent à se compliquer – et comprend la recommandation des SPIP et la gestion par le JAP du suivi probatoire, lequel peut à tout moment modifier le prononcé du tribunal. Et enfin, il y a une éventuelle nouvelle phase juridictionnelle qui sanctionne le non-respect des mesures probatoires par l’emprisonnement. Malheureusement, on en revient toujours à un certain moment à la case prison. C’est regrettable, mais c’est encore la dernière solution.

Mme Elisabeth Pochon. Il ne faudrait pas commencer par là.

M. Georges Fenech. On n’a pas réussi à déconnecter totalement la contrainte pénale de la prison, ce qui aurait été d’une plus grande logique. En effet, en cas de violation de la contrainte pénale, on revient à la prison et on retrouve les problèmes que nous avons déjà longuement énumérés ici de surpopulation et de sous-équipement carcéral.

On voit donc bien qu’il ne s’agit pas d’un simple SME amélioré, où le respect des mesures probatoires est une condition de non-révocation du sursis mais aucunement une peine en soi. Ce qui pose la question fondamentale de la nature juridique exacte de la contrainte pénale : y a-t-il une peine principale de probation tandis que l’emprisonnement serait une peine alternative subsidiaire, ou faut-il considérer l’emprisonnement éventuel comme faisant partie intégrante de la contrainte pénale ? La contrainte pénale est-elle en elle-même punitive ou seulement réparatrice ? Toutes ces questions se posent.

Dans un cas comme dans l’autre, on aboutit à une contradiction insoluble. En effet, soit la contrainte pénale aboutit à instaurer deux peines distinctes – dont la seconde est une éventualité – pour la même infraction, ce qui contrevient au principe non bis in idem, « on ne peut pas être jugé deux fois pour les mêmes faits », soit la contrainte pénale instaure une double peine où la seconde peine est déjà contenue comme éventualité dans la première, attendu que celui qui révoque la première ne rejuge pas de la culpabilité – encore qu’il faudra qu’il se repenche sur le dossier… – et qu’il ne dispose comme sanction que de l’emprisonnement, le quantum de l’emprisonnement dépendant de la première peine. Quelle complexité ! Robert Badinter, ancien président du Conseil constitutionnel, a lui-même émis au Sénat quelques doutes sur la constitutionnalité de ce dispositif.

Au-delà de ce point, la contrainte pénale comporte une indétermination manifeste tout au long de son exécution, en contradiction directe avec un autre principe bafoué ici, celui de la légalité des peines. Les Romains le disaient ainsi : nulla poena sine lege, « il ne peut y avoir de peine qui ne soit prévue par la loi ». Mais il n’est plus possible aujourd’hui de savoir quelle peine est encourue pour un certain type d’infraction. Il y a en effet une incertitude complète sur la durée de la peine de contrainte pénale, qui va de six mois à cinq ans, puisque cette durée ne dépend plus de la gravité de l’infraction, on l’a bien compris, mais de l’appréciation subjective du tribunal quant à la personnalité de l’auteur de l’infraction. Le tribunal ne sait pas ce qu’il va faire car, par définition, il ne connaît pas la personnalité réelle de l’auteur.

Il y a aussi une incertitude sur le contenu de la peine : les obligations et interdictions dépendent entièrement du contexte : personnalité de l’auteur, infraction, victime, etc… Le contenu de la peine est totalement incertain non seulement avant le prononcé, le juge ne la connaît pas, mais aussi pendant l’exécution puisqu’il appartient au JAP de procéder à toute modification qu’il jugerait utile. Il peut même mettre un terme à la contrainte pénale. Il s’érige en juge, il n’est plus simple juge de l’application des peines.

Quelle est d’ailleurs la légitimité juridique du JAP à substituer une peine à une autre ? C’est une autre question que l’on peut se poser. Car, à la différence du SME, il ne s’agit pas de redéfinir les modalités d’exécution d’une peine, mais de modifier la peine elle-même.

En outre, si les mesures de contrainte ne sont pas respectées, on retrouve le même degré d’incertitude au niveau de la peine d’emprisonnement. La loi prévoit deux plafonds : la moitié de la durée de la contrainte pénale et la durée de la peine encourue pour l’infraction. Rien de plus. Comment comprendre que la durée de probation puisse servir de plafond à la peine d’emprisonnement au mépris de la peine encourue par l’infraction elle-même ? Il y a là une grande difficulté et une cause de rupture d’égalité des citoyens devant la loi : on n’encourt une peine qu’en fonction de sa propre personnalité, laquelle peut d’ailleurs évoluer.

Le texte n’est pas plus disert sur un point d’importance : combien de peines de contrainte pénale un condamné peut-il cumuler ? Vous suggérez, madame la garde des sceaux, un code de l’exécution des peines, et il va bien en effet falloir se pencher sur les solutions que pourront retenir les magistrats chargés de l’exécution de peines, dans la situation de complexité que créera la contrainte pénale : les durées successives de contrainte pourront-elles être supérieures à cinq ans ? Si plusieurs contraintes pénales sont prononcées, se cumuleront-elles ou se confondront-elles ? Dans le cas où plusieurs contraintes sont prononcées et font l’objet d’une demande de révocation simultanée, comment fixera-t-on la peine d’emprisonnement maximale ? Toutes questions qui n’ont pas de réponses dans la rédaction actuelle du texte.

Enfin, dernier point majeur, le projet de loi n’établit aucun critère objectif a priori pour justifier que certains individus se verront appliquer soit la contrainte pénale, soit un sursis avec mise à l’épreuve, soit encore de la prison ferme, et ce pour la même infraction. Il y a là un risque véritable d’arbitraire du juge.

Notre dispositif pénal comportera deux peines de nature probatoire et éducative : le sursis avec mise à l’épreuve et la contrainte pénale, dont les régimes pratiques sont proches mais qui sont très éloignés en droit, et dont les durées maximales – elle est de trois ans pour le SME – ne se confondent pas. La loi ne donnant aucune indication objective au juge, le citoyen sera abandonné à l’arbitraire, ce qui conduira à une rupture manifeste d’égalité des citoyens devant la loi, et à une absence de proportionnalité des peines.

Au final, peu importe l’intention de la contrainte pénale, il n’est pas envisageable qu’elle puisse conduire à renoncer aux principes fondamentaux de notre droit.

Je n’ai pas eu l’occasion, comme Mme Capdevielle, de me rendre à l’étranger, mais j’ai pu lire l’analyse d’un criminologue bien connu, Xavier Raufer, sur le Royaume-Uni.

M. Jean-Pierre Blazy. Ce n’est pas vraiment ce que l’on peut appeler un humaniste !

M. Georges Fenech. Chacun ses références. Vous citez Denis Salas et Jean-Paul Jean, moi, Xavier Raufer.

Au Royaume-Uni donc, soumis à la même obsession du surpeuplement carcéral, les dirigeants politiques ont recherché des solutions et décidé, comme vous aujourd’hui, de faire de l’incarcération un recours ultime. Voici les résultats de ce choix : du fait qu’ils se sont retrouvés en liberté, les individus condamnés à une peine non carcérale – community sentence – ont pu commettre, entre juillet 2012 et mars 2013, 93 600 infractions, soit une toutes les six minutes, avec 472 agressions sexuelles, 5 800 actes de violence et 4 500 cambriolages. Je précise que ces chiffres ont été publiés par le travailliste Sadiq Khan, qui n’est pas foncièrement à droite puisqu’il est ministre de la justice dans le shadow cabinet. Ceux qui se retrouvent hors les murs, malgré les obligations et malgré les interdictions, ont donc récidivé et commis dans un court laps de temps quelque 93 600 infractions.

La disposition que vous proposez, même si nous comprenons la démarche qui la sous-tend, n’atteindra pas le but que vous recherchez : elle ne rééduquera pas l’homme, elle continuera à alimenter la délinquance et la récidive et constituera un échec patent. Telles sont les raisons pour lesquelles je demande la suppression de cette mesure emblématique.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n377.

M. Éric Ciotti. Nous sommes tous, je crois, animés par le souci sincère d’améliorer le fonctionnement de notre système judiciaire. Aujourd’hui, celui-ci fonctionne de plus en plus mal. Il est l’objet d’une défiance de plus en plus forte de la part de nos concitoyens. Il ne parvient plus à enrayer la progression inexorable de la délinquance et de la violence. Il n’assure plus de façon efficace la prévention de la récidive et la réinsertion des personnes condamnées. Ce constat, nous devons lucidement le partager sur tous les bancs, comme nous pouvons chacun reconnaître une part de responsabilité sans nous jeter d’anathèmes, pour essayer d’améliorer notre système judiciaire. Refuser de le faire, c’est porter atteinte à un pilier porteur de notre démocratie.

Vous proposez, madame la ministre, une solution qui, même si j’en comprends la logique, me paraît aller à l’inverse des dispositions qui seraient indispensables, nécessaires, utiles, pour améliorer notre système. Cette peine de probation, que vous avez pompeusement baptisée « contrainte pénale », oscille entre inutilité et dangerosité.

Sa dangerosité était avérée dans les premières moutures de votre texte, qui prévoyaient que la peine de probation, comme elle s’appelait encore, se substitue de manière obligatoire à la prison. Dans le panel de solutions offert à chaque magistrat, vous proposiez cette substitution pour les délits passibles de cinq ans de prison ferme. Le juge se voyait ainsi contraint, limité dans sa capacité d’appréciation.

Les différents arbitrages ont conduit à modifier cette version. Désormais, la contrainte pénale constitue l’une des peines alternatives à la prison, avec l’amende et le sursis avec mise à l’épreuve. Mais quelle différence, et c’est l’élément le plus optimiste de la réflexion, établissez-vous, madame la ministre, entre un sursis avec mise à l’épreuve et la contrainte pénale ? J’aimerais que vous nous l’expliquiez, car vous n’êtes jamais réellement parvenue à l’établir clairement. Il y a quelques instants, je débattais à la radio avec Christophe Regnard, président de l’Union syndicale des magistrats, qui soulignait qu’il n’avait jamais bien compris votre définition de la contrainte pénale, tant elle est floue et imprécise. Et pour reprendre une expression chère à certain, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup…

Quel est donc le contenu concret de la contrainte pénale, madame la ministre ? Quelle plus-value, quelle amélioration apporte-t-elle ? Quelles sont les interdictions, les obligations qu’elle emporte – obligation de soins, bien sûr, obligation de formation ? Je ne mets pas en doute la sincérité de votre volonté d’apporter une solution innovante, mais en quoi consiste cette nouveauté ? En fait, tout ce que vous avez fait est de vider le SME de sa substance pour le remplacer par votre nouvelle mesure. Vous pourrez ainsi afficher dans quelques mois un bilan positif basé sur le nombre de contraintes pénales qui auront été retenues…

En réalité, la contrainte pénale cache d’autres objectifs. Vous voulez faire reculer la capacité des magistrats à prononcer des peines de prison ferme. Je crois que c’est une erreur, non par principe, non par idéologie, non parce nous serions partisans du tout-carcéral comme certains ont voulu le faire croire de manière caricaturale : c’est une erreur par rapport à la situation de la délinquance de notre pays. Affaiblir la peine de placement en milieu fermé constitue une erreur tragique.

Depuis la création du sursis avec mise à l’épreuve en 1958, la proportion des personnes placées sous main de justice est trois fois supérieure à celle des personnes condamnées emprisonnées : il y a 51 000 condamnés placés en détention contre 175 000 en milieu ouvert. Autrement dit, il y a déjà un large recours aux solutions en milieu ouvert. Nous n’allons pas revenir sur ce qui a été dit lors de la discussion générale sur le taux de détention dans notre pays. Je maintiens, et les chiffres de l’enquête SPACE I du Conseil de l’Europe le démontrent, que nous sommes parmi les pays d’Europe, voire du monde, qui recourent le moins à l’incarcération. Dans ces conditions, je ne suis pas contre améliorer le placement en milieu ouvert, mais alors il faut beaucoup plus de moyens pour que cette probation soit une réussite. Même si vous créez les 1 000 postes que vous annoncez, le taux d’encadrement sera cinq fois inférieur à celui du Canada !

Vous auriez pu tenter d’améliorer l’existant, le placement en milieu ouvert, dont les difficultés viennent du grave déficit des moyens qui y sont consacrés. Vous auriez pu aussi vous attaquer aux problématiques du milieu fermé : on sait que les prisons ne sont plus adaptées aux personnalités des détenus, qu’elles sont trop vastes et construites sur le même moule, qu’elles mélangent des personnes aux profils très différents, voire les criminels et les prévenus dans certains établissements, ce qui est source de récidive, on sait qu’il y règne une promiscuité dangereuse du fait du manque cruel de places, ce que vous refusez de reconnaître – vous avez même ralenti considérablement le programme de construction.

M. Jean-Jacques Bridey. Vous ne l’aviez pas budgété !

M. Éric Ciotti. Vous pouvez toujours en rester à la question des moyens, nous persisterons à dire qu’il les faut, ces 80 000 places, pour assurer les peines de prison ferme. Nous ne pourrons faire l’économie d’aller vers ces solutions.

Aujourd’hui, la réalité, c’est que vous voulez par cette peine de probation faire reculer la population carcérale. On en revient à la philosophie de ce texte, le rejet idéologique de la sanction la plus ferme que constitue la prison, la volonté de faire en sorte que la peine de probation, nouveau SME repeint de neuf, fasse baisser le recours à la prison ferme.

Cette évolution me paraît extrêmement dangereuse car, comme l’a souligné Georges Fenech, des délits très graves sont concernés. Nous verrons certes à quel genre de compromis vous avez abouti tout à l’heure, lors de la discussion de l’amendement qui est le fruit de ces négociations de couloir dont la majorité s’est fait une spécialité et qui a occasionné, aux dires de la presse, plusieurs remontée de bretelles de la part du Premier ministre. Mais pour l’instant, le texte de la commission prévoit que des délits passibles de dix ans de prison ferme seront concernés. Georges Fenech les a cités, il y en a de très graves : violences sexuelles contre les mineurs, trafic de stupéfiants, menaces terroristes… Je fais bien entendu confiance aux magistrats, qui vont conserver leur capacité d’adaptation et d’individualisation,…

Mme Colette Capdevielle. Comme d’accorder un sursis, par exemple !

M. Éric Ciotti. …contrairement à ce que vous aviez prévu dans la première mouture du texte. Mais il y a un risque.

Mme Colette Capdevielle. Un risque de quoi ?

M. Éric Ciotti. Cette peine de probation n’améliore en rien notre situation. Au contraire, elle laisse de côté les véritables problématiques liées à la prison. Vous passez à côté du vrai problème, vous n’apportez aucune solution et vous introduisez même une menace qui peut, à terme, conduire à une augmentation très forte de la délinquance en altérant l’effet dissuasif de la peine. Pour toutes ces raisons, je défends cet amendement visant à la suppression de l’article 8.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. En donnant l’avis de la commission, je défendrai en même temps l’amendement visant à étendre le champ de la contrainte pénale à l’ensemble des délits.

Deux questions se posent. La première porte sur l’extension du champ de la contrainte pénale à l’ensemble des délits. Cela ne me semble pas poser beaucoup de problèmes, pour les raisons que nous avons déjà citées. Ainsi, en 1891, personne ne s’est posé cette question lors de l’instauration du sursis simple. En décembre 1958, sous la présidence du général de Gaulle, lorsqu’a été créé par ordonnance le sursis avec mise à l’épreuve, personne ne s’est posé cette question. Et plus tard, le 9 mars 2004, lorsque nous avons adopté l’article 131-5-1 du code pénal : « Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut, à la place de l’emprisonnement, prescrire que le condamné devra accomplir un stage de citoyenneté… », cela n’a posé aucune difficulté à qui que ce soit. C’était pourtant dans la loi Perben II. Et encore plus tard, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, portée par le ministre de l’intérieur de l’époque, M. Nicolas Sarkozy, a prévu que « Lorsqu’un délit est puni d’une peine d’emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place ou en même temps que la peine d’emprisonnement, la peine de sanction-réparation ». Cela s’appliquait à l’ensemble des délits, y compris les délits commis en récidive : le champ d’application pouvait donc aller jusqu’à vingt ans.

M. Guy Geoffroy. C’était alternatif à la prison !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. À l’époque, cela n’a posé de difficulté à personne !

M. Alain Tourret. Et les députés de l’UMP avaient voté cela ? Mais ce sont des criminels !

M. Éric Ciotti. Ce n’était pas nous !

M. Alain Tourret. Si, c’était vous !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Par conséquent, je n’arrive pas à comprendre le procès qui nous est fait aujourd’hui selon lequel cette disposition s’appliquerait à des délits d’une extrême gravité. Aucun magistrat sensé ne va appliquer la contrainte pénale à des délits d’une extrême gravité ! C’est pourtant simple ! Nous passons des heures à expliquer des choses comme cela, il est étonnant que cela ne puisse prospérer et qu’un accord minimum ne puisse se faire sur ces questions.

Deuxième question : le report de l’extension du champ d’application au 1er janvier 2017. Cela ne pose pas de problème particulier de constitutionnalité.

M. Éric Ciotti. Ce n’est pas sûr ! Seul le Conseil constitutionnel en décidera !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. En effet, il n’est pas possible de savoir à l’avance si c’est une peine plus douce ou plus dure.

M. Guy Geoffroy. Elle est plus douce !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Puisqu’elle est située entre l’amende et l’emprisonnement, on peut logiquement penser qu’elle est plus dure que l’amende, mais plus douce que l’emprisonnement. En conséquence, la question de sa constitutionnalité ne semble pas se poser. J’ajoute qu’il n’existe sur ce sujet aucune jurisprudence. Il est exact que la phrase que vous avez citée a été prononcée par un garde des sceaux : mais pour respectable qu’elle soit, elle ne constitue pas une jurisprudence du Conseil constitutionnel. Enfin, pour répondre à M. Coronado qui regrette que cette disposition n’entre pas en vigueur dès maintenant, le report à 2017 est calé sur la montée en charge des moyens, c’est-à-dire l’embauche de la totalité des conseillers d’insertion et de probation.

Voilà donc les raisons pour lesquelles je défendrai ces amendements tout à l’heure. Elles expliquent pourquoi la commission émet un avis défavorable à ces amendements de suppression.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je m’exprimerai, comme le rapporteur, à la fois sur l’ensemble des amendements de l’opposition et sur ceux qu’il présentera tout à l’heure.

L’opposition a développé des arguments tenant à la fragilité de la contrainte pénale, tout à l’heure en défendant ses amendements mais également hier, dans sa motion de procédure. Cette fragilité serait due à toute une série de critères qui seraient indéterminés. Il a notamment été affirmé que la durée n’est pas déterminée : mais elle l’est, puisqu’elle va de six mois à cinq ans ! C’est le principe même d’une peine : lorsqu’elle va jusqu’à dix, quinze ou vingt ans, elle est déterminée ! Il a été dit aussi que le contenu n’est pas déterminé : mais il l’est, puisque la contrainte pénale couvrira une série d’obligations et d’interdictions qui figurent déjà dans le texte et qui seront appréciées par les magistrats ! De même, l’emprisonnement encouru est une double peine.

Mais nous avons déjà répondu à tous ces arguments hier. J’ajouterai simplement que les magistrats sont des personnes responsables, qui assument leurs missions en sachant apprécier et mesurer les choses. Le fait de mettre à leur disposition la contrainte pénale leur donne la possibilité de prononcer une peine plus adaptée à un certain nombre de situations que celles dont ils disposent aujourd’hui.

Vous évoquez aussi, messieurs de l’opposition, toute une série de difficultés concernant la récidive. Vous avez d’ailleurs admis, au détour d’une phrase, qu’elle avait augmenté ces dernières années. Il est donc bon de rappeler que jusqu’à la promulgation et l’application du présent texte, nous sommes sous l’empire du droit actuel.

M. Guy Geoffroy. Heureusement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Heureusement ? Mais toutes les difficultés que vous dénoncez à longueur d’année se produisent sous l’empire du droit actuel ! Cela appelle à un peu d’humilité, non pas en termes de sensibilité et d’alternance au pouvoir mais en termes de capacité pour la puissance publique à apporter des réponses, c’est-à-dire des procédures et des dispositifs aptes à atteindre l’objectif que nous partageons, au moins dans sa formulation, de prévention et de lutte contre la récidive.

Nous sommes en train de créer un dispositif. On nous en fera le procès pendant longtemps. Le rapporteur l’a dit, il y a toujours des gens pour critiquer ce qui a été instauré. Le propre de la justice est de prononcer des décisions qui produisent un mécontent, et même de façon régulière deux mécontents, à savoir les deux parties. Mais ce n’est pas ce ressenti qui compte, c’est l’efficacité.

Je vais prendre quelques exemples. Il a été prévu que la contrainte pénale s’applique à des peines encourues de cinq ans. Il est normal que cela paraisse monumental aux citoyens ordinaires, qui ne sont familiers ni des questions judiciaires, ni surtout du code pénal. Mais rappelons que notre code pénal est sévère et qu’en outre, en France plus qu’ailleurs, il y a des circonstances aggravantes qui, cumulées, peuvent aboutir à des peines encourues extrêmement lourdes par rapport aux faits considérés de façon objective. Il n’est pas question de nier que chaque infraction revêt un degré de gravité, mais lorsque l’on la met en relation avec la peine encourue, on réalise que le code pénal français est très sévère.

M. Guy Geoffroy. Tout est dit !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vais prendre donc quelques exemples de peines encourues, que les magistrats ne prononcent pas forcément parce qu’ils mesurent les choses et apprécient les faits. Ainsi, pour un cambriolage avec effraction dans une maison inoccupée, quel que soit le butin – cela peut être peu de chose, comme de la nourriture – sept ans de prison sont encourus.

M. Alain Tourret. Cela ne vaut pas pour une surfacturation !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Toutes les infractions ont leur degré de gravité, mais le principe démocratique impose une appréciation de la gravité du fait et une gradation dans la sanction. Sinon, plus rien n’aurait de sens !

M. Gérard Sebaoun et M. Jean-Pierre Blazy. Bien sûr !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sinon, un meurtre ne serait pas si grave que cela, il pourrait être aligné sur un vol à l’étalage ! Nous parlons là de faits dont la gravité est établie, puisque ce sont des infractions, mais dont les effets doivent être mesurés. Se livrer à une surenchère permanente sur cette question entraîne un effet pervers, cela conduit à considérer qu’un meurtre, éventuellement accompagné de circonstances aggravantes, ne serait pas si grave que cela !

Il faut tout de même en revenir à des choses un peu plus rationnelles. S’agissant de la détention de stupéfiants, par exemple, les magistrats apprécieront si, dans certaines circonstances, il vaut mieux prononcer une peine d’incarcération. Rien ne le leur interdit. Il n’est inscrit nulle part que la contrainte pénale est une peine à prononcer obligatoirement en telle circonstance !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Exactement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ils auront le choix. Dans certaines circonstances, certaines situations, la contrainte pénale sera une peine plus efficace, tant a priori qu’a posteriori, précisément parce qu’elle est composée d’obligations et d’interdictions, d’un suivi individualisé qui pourra être adapté au fur et à mesure et qui, selon les termes mêmes de la loi, sera obligatoirement évalué. Les magistrats verront que dans certaines circonstances, par rapport au profil de l’auteur, il vaut mieux prononcer une contrainte pénale plutôt qu’une courte peine d’incarcération. Admettons cela, c’est ainsi que cela fonctionnera.

J’en viens à l’amendement du rapporteur qui diffère à 2017 l’extension du champ de la contrainte pénale à l’ensemble des délits. Monsieur Coronado, vous avez raison de rappeler que la contrainte pénale est plus contraignante que le sursis avec mise à l’épreuve. En effet, si celui-ci, tel qu’il est conçu en droit et tel qu’il est pratiqué, appelle la vérification du respect des obligations, il ne comporte pas cet aspect de suivi individualisé, adapté très précisément, ajusté et donc modulable, puis obligatoirement évalué. La contrainte pénale est effectivement plus contraignante. La cohérence et la logique veulent donc que, si l’on accepte que le sursis avec mise à l’épreuve couvre l’ensemble du champ des délits, la contrainte pénale qui est plus contraignante le fasse également. Sinon, dans certaines situations, les magistrats pourraient seulement prononcer des sursis avec mise à l’épreuve alors que certaines d’entre elles mériteraient un suivi plus serré, plus individualisé et plus contraignant.

Ce n’est un secret pour personne que lorsque le Gouvernement a préparé ce texte, cela s’est vu à toutes les étapes, il avait conçu la contrainte pénale comme devant couvrir tout le champ des délits, dans le respect de la logique que je viens d’exposer. Mais il a aussi souhaité que la contrainte pénale s’applique dans un premier temps aux délits pour lesquels la peine encourue est de cinq ans, puis qu’elle fasse l’objet d’une évaluation au terme de trois ans d’application. Cette obligation d’évaluation avait été prévue dès le début dans le texte. Le Gouvernement a donc souhaité attendre ces trois ans avant une éventuelle extension du champ de la contrainte pénale. Tel est l’arbitrage qui a été rendu.

Votre commission a pour sa part souhaité en rester à l’argumentaire cohérent et logique selon lequel, puisque le sursis avec mise à l’épreuve couvre tout le champ des délits, la contrainte pénale, qui est plus contraignante, devrait a fortiori faire de même. La proposition de votre rapporteur est de permettre l’application immédiate de la contrainte pénale pour les peines encourues de cinq ans maximum, et de différer à 2017 l’extension du champ d’application de la contrainte pénale. L’argument selon lequel cela permettra de suivre la montée en puissance des effectifs des personnels de suivi des personnes placées sous contrainte pénale est loin d’être fallacieux. En tout état de cause, le Gouvernement sera favorable à l’amendement du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. À ce stade de la discussion, il n’est peut-être pas inutile de faire le point. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Tourret. C’est un examen de conscience ?

M. Guy Geoffroy. Pas du tout ! Il faut faire le point pour que nos concitoyens sachent ce qui est en train de se passer.

M. Pascal Popelin. Si c’est vous qui racontez l’histoire, ils ne sont pas près de connaître la vérité !

M. Guy Geoffroy. Madame la ministre, vous avez fait preuve de prudence en rappelant que cette loi n’était ni votée, ni promulguée. Et il y a fort à parier que le Conseil constitutionnel mettra à mal un certain nombre de ses dispositions que vous considérez, à juste titre, comme les plus importantes.

Actuellement, une personne qui commet pour la première fois un délit qui pourrait être sanctionné par une peine de prison sait que sa condamnation peut être assortie d’un sursis simple. On lui explique que le sursis simple, c’est la reconnaissance du fait qu’elle est primo-délinquante, qu’on lui donne la chance de montrer qu’elle est capable d’avoir compris l’erreur qu’elle a commise pour éviter l’incarcération. Dans notre droit, le corollaire de ce sursis simple est que si le bénéficiaire, je dis bien bénéficiaire, n’a pas compris la règle du jeu, alors le sursis tombera en cas de récidive. Cette personne sait aussi que si elle récidive, la peine à laquelle elle pourra être condamnée sera aggravée. Un plancher est proposé au juge, celui-ci pouvant décider de ne pas l’appliquer en expliquant pourquoi.

Demain, avec ce que vous avez proposé, madame la ministre, la même personne qui commet pour la première fois un délit pourra éventuellement bénéficier d’un sursis simple. Mais elle en sourira, puisque le sursis simple ne sera plus automatiquement révoqué. Elle se dira qu’on veut seulement lui faire peur, l’« éduquer » en la menaçant de faire tomber le sursis, mais que ce ne sont que des fadaises et qu’aucune sanction ne s’appliquera automatiquement. Et si elle est récidiviste, elle saura non seulement qu’elle pourra à nouveau bénéficier d’un sursis simple, mais qu’en outre il ne sera pas question que le quantum de sa peine soit différent de celui auquel elle avait droit lors de sa première condamnation, puisqu’il en aura été ainsi décidé. C’est énorme ! Nos concitoyens sont déjà très inquiets. Vous pourrez toujours vous évertuer à nous dire que vous combattez de toutes vos forces la récidive, personne n’y croira.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais si !

M. Guy Geoffroy. Si, vous, bien sûr, mais vous ne représentez désormais que très peu de nos concitoyens.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Et vous encore moins !

M. Guy Geoffroy. Les derniers scrutins vous ont permis de mesurer à sa hauteur exacte le sentiment que les Français éprouvent à votre égard.

M. Yves Durand. Cela n’a rien à voir !

M. Guy Geoffroy. L’article 8 est la goutte d’eau qui va faire déborder le vase de la colère des Français. En fait, il leur dit que la peine de prison est blâmable, mauvaise par définition. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En résumé, tout sauf la prison ! Pour notre part, nous ne croyons pas que la prison soit la seule option.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Si !

M. Guy Geoffroy. Nous considérons simplement que c’est une bonne mesure quand elle est nécessaire, et nous avons le courage de l’affirmer.

M. Jean-Pierre Blazy et M. Pascal Popelin. Nous aussi !

M. Guy Geoffroy. Vous pourriez aller jusqu’au bout de votre raisonnement, dire que l’ensemble des délits ne feront plus l’objet de peines de prison, que seule subsistera la contrainte pénale avec éventuellement une mesure privative de liberté si elle n’a pas été respectée. Vous n’allez pas jusque-là, mais d’une certaine manière vous faites pire et je vais le démontrer.

Mme Elisabeth Pochon. Caricature !

M. Guy Geoffroy. Vous avez créé une contrainte pénale dont les contours sont plutôt flous, nous le répéterons autant que nécessaire, et le contenu assez édifiant : en fait cela revient à dire à la victime d’un cambriolage qu’elle ne devra pas être surprise de voir le malfaiteur, qui d’ailleurs n’a pas cambriolé que son pavillon, venir nettoyer le trottoir devant chez elle dans le cadre d’un travail d’intérêt général alternatif à la prison. Elle va à l’évidence se poser certaines questions, et je pense qu’elle aura raison de le faire.

Et je voudrais vous signaler quelque chose qui vous a peut-être échappé : c’est que la contrainte pénale qui va s’appliquer à une personne passible d’une peine d’emprisonnement de dix ans, dès 2017, sera une peine d’une durée comprise entre six mois et cinq ans ! C’est ce qui ressort de nos travaux en commission ! Nos concitoyens vont donc apprendre qu’une personne qui est passible d’une privation de liberté de dix ans est passible en parallèle d’une mesure de contrainte pénale, car certains magistrats préféreront ce dispositif à l’incarcération, beaucoup plus courte ! Certes, vous vous efforcez de définir cette mesure comme incroyablement contraignante. À vous entendre, elle serait plus pénible que la prison elle-même…

Mme Colette Capdevielle. Certains préfèrent en effet la prison !

M. Guy Geoffroy. …alors que l’on y est libre, que l’on peut faire ce que l’on veut et que l’on sera prioritaire pour travailler, tandis que ceux qui n’ont pas été condamnés ne le seront pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Pouzol. Caricature !

M. Guy Geoffroy. Non, ce n’est pas une caricature, je ne fais que décrire ce que vous êtes en train de dire aux Français ! Et donc, ils apprendront que cette personne sera passible au maximum de cinq ans de contrainte pénale alors qu’actuellement elle est passible au maximum de dix ans d’emprisonnement !

M. Pascal Popelin. Quelle mauvaise foi !

M. Guy Geoffroy. C’est énorme. Cela mérite plus que de la réflexion. Cela mérite que vous abandonniez, il en est encore temps, ce projet qui est dans sa globalité totalement funeste.

M. Jean-Pierre Blazy. Nous n’avons pas été convaincus !

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Madame la ministre, je me suis sans doute mal fait comprendre tout à l’heure. À la question de l’indétermination de la peine, vous avez répondu que la contrainte pénale était bien déterminée, puisqu’elle était de cinq ans.

En réalité, je faisais allusion à la deuxième peine, la peine d’emprisonnement qui découle du non-respect de la contrainte pénale. La durée de l’emprisonnement n’est plus calculée par rapport à la peine encourue, c’est là où le bât blesse, mais par rapport à la durée de la période de probation initiale. Ainsi, une personne condamnée pour escroquerie, qui encourt cinq ans de prison, et qui serait condamnée à cinq ans de contrainte pénale ne pourrait en tout état de cause se voir ultérieurement condamnée à une peine supérieure à deux ans et demi d’emprisonnement, soit la moitié de la peine encourue. Dès lors, la contrainte pénale peut avoir pour effet automatique d’entraîner une discrimination en faveur des personnes condamnées à la peine de la contrainte pénale dans la mesure où la peine d’emprisonnement qu’elles sont susceptibles de se voir appliquer ne dépend pas de la peine encourue mais de la durée de leur probation. C’est donc en quelque sorte leur propre situation, évaluée en durée de probation, qui fixe le quantum maximum d’emprisonnement qu’elles peuvent encourir.

Cette anomalie met en lumière l’étrangeté du mode de fixation de la peine d’emprisonnement, fondée sur la durée de la première peine de probation. Celle-ci constitue la base mathématique de calcul de la peine d’emprisonnement, laquelle est d’une tout autre nature. Comment et pourquoi une durée de probation pourrait-elle servir à fixer le quantum d’une autre peine qui est précisément, de surcroît, la peine punitive qui avait été suspendue ou différée par le prononcé de la peine probatoire qui n’a pas été respectée ? C’est là qu’est l’indétermination : on ne peut pas savoir à l’avance quel sera le quantum de l’emprisonnement car il dépend de la durée de la contrainte pénale à laquelle on a été condamné, qui dépend elle-même d’une situation et d’une personnalité que personne ne connaît au départ. Cela posera de graves problèmes.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est plafonné !

M. Georges Fenech. Mais, monsieur le rapporteur, au fond je suis comme vous : je pense que les magistrats sont sensés et qu’il faut leur faire confiance. Je tendrais donc à croire que votre contrainte pénale n’est qu’une montagne qui va accoucher d’une souris.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans ce cas, ce n’est pas la peine d’en faire tout un plat !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Mme la ministre nous a expliqué avec beaucoup de pédagogie, comme elle le fait depuis le début de l’examen de ce texte, l’intérêt de l’application de la contrainte pénale à tous les délits et le fait que c’était le souhait de départ du Gouvernement. Soit. La personne qui a décidé de différer à 2017 l’application de la contrainte pénale à tous les délits est le rapporteur. C’est donc lui que je vais interroger.

On sait que le suivi de la contrainte pénale est plus contraignant, plus strict que le sursis avec mise à l’épreuve, bref que la peine est plus lourde. Quels éléments ont donc conduit le rapporteur à en différer l’application ? Considère-t-il que les 1 000 nouveaux conseillers en insertion et probation sont un effort insuffisant pour assurer la réussite de cette mesure ? Pense-t-il qu’il faille expérimenter in vivo cette peine nouvelle qui s’ajoute aux autres peines alternatives à la privation de liberté ? J’aimerais qu’il soit plus explicite.

En commission, nous n’avions pas du tout eu l’impression que le rapporteur souhaitait différer l’application de la contrainte pénale. Bien au contraire. Quand Mme Capdevielle avait présenté son amendement, il l’avait soutenu et il était évident pour tous les membres de la commission des lois, à l’exception de M. Popelin, que la contrainte pénale, puisque c’est une peine plus lourde et plus contraignante, devait s’appliquer à l’ensemble des délits. D’ailleurs, Mme Capdevielle avait rappelé que, là où cette peine de probation existe, il n’y a pas de limitation : comme les autres peines alternatives, elle s’applique à l’ensemble des délits. Je souhaiterais donc que le rapporteur revienne plus en détail sur les motivations qui l’ont conduit à différer l’application de la mesure, puisqu’il semble que ce ne soit pas un souhait du Gouvernement.

Enfin, puisqu’il s’agit de 2017, permettez-moi de vous conseiller, et ne le prenez pas mal, de différer l’application de la mesure après les échéances électorales plutôt qu’au 1er janvier…

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Deux réponses. La première, monsieur Coronado, c’est la prudence. Elle vient parfois un peu sur le tard, et c’est après la réunion de la commission que j’ai pensé qu’il était nécessaire de laisser le système monter en puissance. Ensuite, à M. Geoffroy qui se demande ce que vont penser les citoyens qui apprendront qu’un délit puni d’une peine d’emprisonnement de dix ans peut se résumer à une contrainte de cinq ans, je réponds qu’actuellement un tel délit peut se résumer à un sursis avec mise à l’épreuve de cinq ans. Aussi cette mesure ne va-t-elle pas les effrayer plus que cela. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Que monsieur le rapporteur me permette de ne pas être aussi optimiste que lui ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. C’est votre droit !

M. Guy Geoffroy. Je vais être plus précis que je ne l’ai été tout à l’heure en reprenant mon exemple et en allant au bout de ma démonstration. Supposons l’auteur d’une infraction qui risque dix ans de prison et qui, condamné non pas à dix ans de prison, mais à cinq ans de contrainte pénale, ne respecte pas ses obligations : en ce cas, la condamnation qui lui sera infligée n’excédera pas deux ans et demi de prison. Il est évident que pour nos concitoyens il n’y a là pas de problème, que tout va bien !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je ne reviendrai pas sur le débat lui-même, puisque tous les arguments ont été donnés. Pour autant, je ne comprends pas, en entendant M. Geoffroy, pourquoi il n’a pas déposé un amendement pour supprimer le sursis avec mise à l’épreuve pour l’ensemble des délits au-delà de cinq ans : sa position est totalement incohérente.

M. Guy Geoffroy. Occupez-vous de vos propres incohérences ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme Cécile Duflot. Vous avez pu le constater tout à l’heure, je n’en ai pas, monsieur Geoffroy.

Qu’il me soit permis à cet instant de saluer la présence du secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, et l’attention qu’il porte à ce moment du débat.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Surtout à vos propos !

Mme Cécile Duflot. J’en suis ravie, monsieur le secrétaire d’État. Il me semble en effet important, dans un moment politique compliqué, de rappeler que l’article 24 de la constitution française est un article essentiel :  il dispose que ce sont les parlementaires qui votent la loi.

M. Marc Dolez. Eh oui !

Mme Cécile Duflot. Or à quoi venons-nous d’assister ? Je vous ai bien entendue, madame la garde des sceaux, vous exprimer au nom du Gouvernement avec la constance qui vous honore. Si nous sommes ici maintenant, c’est parce que le vote des parlementaires en commission des lois a déplu et qu’il faut donc l’infirmer.

Je ne doute pas, mais la vie est ainsi faite, que si vous siégiez en cet instant sur les bancs de l’hémicycle, vous eussiez dit avec infiniment plus de poésie, d’éloquence et de franchise que je ne serais capable de le faire à quel point il est essentiel de rester fidèle à un engagement pris par les membres de la commission et fruit d’un grand travail. Il n’est pas une posture, ni un signal, mais bien une analyse de la situation de notre pays qui a conduit à considérer que cette peine nouvelle de la contrainte pénale est pertinente pour l’ensemble des délits. Je le dis, parce qu’il m’en coûterait de ne pas le dire. Il me semble donc absolument utile de rester sur cette position.

Voter la loi, ce n’est pas envoyer des signaux, c’est voter des dispositifs qui ont vocation à s’appliquer avec une vraie rigueur intellectuelle. Voilà pourquoi, mesdames et messieurs les parlementaires, après avoir entendu les raisons et les motifs du dépôt de l’amendement du rapporteur, je pense qu’il serait utile de ne pas l’adopter.

Mme Laurence Abeille. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Notre groupe ne votera pas non plus l’amendement du rapporteur, parce que nous sommes partisans de rester à la rédaction du texte tel qu’il a été voté par la commission. Notre rapporteur, qui a fait un travail absolument exceptionnel…

M. Sergio Coronado. Remarquable !

M. Marc Dolez. …sur ce projet de loi, ne s’étonnera pas que je lui dise qu’il a été plus convaincant sur d’autres articles. Je vois d’ailleurs une certaine contradiction entre le texte de l’amendement qu’il propose et l’exposé sommaire tel qu’il figure sous l’amendement.

M. Sergio Coronado. Oui !

M. Marc Dolez. Il est en effet écrit que « cette extension à l’ensemble des délits punis d’emprisonnement » est « nécessaire à terme pour des raisons de cohérence de l’échelle des peines et d’efficacité de la réponse pénale ». Si c’est indispensable pour des raisons de cohérence de l’échelle des peines et d’efficacité de la réponse pénale, pourquoi différer ?

M. Sergio Coronado. Oui !

M. Guy Geoffroy. Absolument !

M. Philippe Goujon. C’est ridicule !

M. Marc Dolez. Je ne crois pas beaucoup à l’argumentation de la montée en puissance des services d’insertion et de probation. Je rappelle en effet qu’il y aura déjà 400 recrutements en 2014. Mais si le Gouvernement considère avec nous que la contrainte pénale est une grande avancée pour notre droit pénal, je ne doute pas qu’il ait à cœur d’amplifier, dès la loi de finances pour 2015, les efforts de recrutement qui permettent de donner à ces services tous les moyens nécessaires.

M. Philippe Goujon. C’est incohérent !

M. Marc Dolez. Je terminerai sur une considération plus générale, en profitant également de la présence de M. le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, pour aller dans le même sens que Mme Duflot.

On comprend parfaitement que pour élaborer et déposer un projet de loi, des arbitrages soient rendus au sein du Gouvernement. Ce que l’on comprend moins, c’est qu’à l’issue du débat parlementaire, le Gouvernement veuille, à toute fin et à toute force, maintenir l’équilibre qui avait été trouvé au sein du Gouvernement, alors que le débat parlementaire a fait la démonstration en commission et pourrait la faire encore ce soir, s’il n’y avait pas eu la volonté de trouver ce compromis, que toute la gauche dans sa diversité était d’accord pour voter cette extension. C’eût été à l’honneur du Gouvernement, dans le respect de la Constitution et de nos institutions, de donner toute sa place au Parlement.

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Je me suis exprimé en commission pour dire les réserves que j’avais sur l’extension immédiate de cette contrainte pénale à l’ensemble des délits. J’avais fondé ces réserves précisément sur ce qui est, de mon point de vue, nécessaire : la montée en charge de ces dispositifs de probation. L’équilibre proposé par notre rapporteur, consistant à engager très clairement cette contrainte pénale, d’abord jusqu’au 1er janvier 2017 pour les délits passibles de peines de moins de cinq ans,  ensuite d’une manière globale, me convient parfaitement. C’est donc avec grand plaisir que je soutiendrai cet amendement.

M. le président. Je rappelle que l’Assemblée va d’abord voter sur les amendements de suppression de l’article, bien avant que les amendements en question du rapporteur ne soient appelés.

M. Éric Ciotti. On n’y est pas en effet !

M. Guy Geoffroy. Ça les taraude !

M. le président. J’ai bien enregistré les positions des uns et des autres sur ces différents amendements, mais qu’il n’y ait pas de confusion : nous allons maintenant passer au vote sur les amendements de suppression de l’article.

(Les amendements identiques nos 228 et 377 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 378, 429, 379, 637, 229, 380, 639, 401, 381, 382, 879 et 880, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 379 et 637 sont identiques, de même que les amendements nos 380 et 639.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n378.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir l’amendement n429.

M. Philippe Goujon. Défendu.

M. le président. La parole est de nouveau à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n379.

M. le président. En est-il de même, monsieur Poisson, de l’amendement identique n637 ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n229.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n380.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n639.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu !

M. le président. Il en est de même pour l’amendement n401, monsieur Marsaud ?

M. Alain Marsaud. Tout à fait.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n381.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

M. le président. Il en est de même pour l’amendement n382 ?

M. Éric Ciotti. Oui, monsieur le président.

M. le président. Nous arrivons aux amendements, nos 879 et 880, qui ont été présentés par M. le rapporteur.

Sur l’amendement n880, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. J’interviens sur les amendements de M. le rapporteur au nom du groupe SRC après avoir écouté avec beaucoup d’attention Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur sur cet article 8. Nous sommes tous d’accord sur la contrainte pénale. J’ai dit qu’elle ne devait pas être une mesurette ; Mme la garde des sceaux a dit qu’elle ne souhaitait pas que ce soit une peine au rabais ; personne ne souhaite que ce soit une petite peine.

Quand on fait partie d’un groupe majoritaire, on fait avancer les textes, comme nous l’avons fait avec M. le rapporteur avec qui nous avons beaucoup travaillé. Nous avons ainsi voté en commission l’extension de la contrainte pénale à l’ensemble de tous les délits parce que nous sommes convaincus que la contrainte pénale est la peine de demain pour tous les délits. Nous sommes convaincus, comme Mme la garde des sceaux l’a dit dans son exposé introductif, que l’avenir, c’est l’amende pour les contraventions, la contrainte pénale pour les délits et la prison pour les crimes. C’est une évidence !

Ce qui est aujourd’hui fondamental, c’est d’inscrire dans la loi que la contrainte pénale s’applique à tous les délits. Dans un compromis – et c’est toute la difficulté de l’exercice que chacun peut comprendre pour s’être un jour retrouvé dans notre situation –, il faut que chacun, comme dans la médiation, ait la capacité d’écouter l’autre et de comprendre ce qu’il veut nous dire. Le Gouvernement nous a expliqué que la mesure pouvait soulever des difficultés immédiatement, car nous espérons en effet une promulgation rapide : compte tenu de la situation budgétaire, les SPIP n’étaient absolument pas en capacité de permettre à cette mesure d’exister réellement. Nous avons beaucoup discuté.

Ce qui n’était pas négociable, c’était l’inscription dans la loi que la contrainte pénale s’applique à l’ensemble des délits sans restriction. La référence à cinq ans, pas plus qu’à sept, huit ou quatre ans ne signifie d’ailleurs pas grand-chose, car toute l’échelle des peines est à revoir. J’ai donné beaucoup d’exemples et je vous en propose encore deux. Un jeune garçon à peine majeur qui se bagarre à la sortie de son lycée et qui blesse, avec une ITT de plus de dix jours, un jeune majeur peut se voir puni jusqu’à sept ans d’emprisonnement ; de même, un jeune qui passe avec sa mobylette de l’autre côté de la frontière espagnole  et qui revient avec une barrette de résine de cannabis encourt une peine de dix ans. Voilà pourquoi il nous semble important que la contrainte par corps s’applique à l’ensemble des délits.

Nous avons entendu, après des négociations et des discussions, les arguments du Gouvernement qui nous demande de différer quelque peu et de faire une évaluation. Cette idée d’une évaluation me semble très bonne, car nos politiques publiques en manquent singulièrement. Mais encore faut-il la mener sur tout : aussi bien pour cinq ans, sept ans et surtout dix ans, et cela, de manière globale.

On verra, au fur et à mesure, s’il ne faudra pas aller beaucoup plus vite. En attendant, j’ai confiance dans le débat parlementaire. Le bicamérisme a ses vertus : on a parfois beaucoup plus de temps au Sénat pour examiner les textes. Nous verrons donc avec les sénateurs comment ce texte pourrait être encore amélioré.

Nous considérons, au groupe SRC, que nous avons beaucoup fait avancer le texte par rapport à sa version initiale. Le rapporteur et le Gouvernement nous ont entendus, et nous-mêmes avons fait un effort. Je demande donc à mes collègues du groupe SRC, au nom de la confiance qu’ils ont dans le rapporteur, qui a âprement négocié cet amendement, par respect pour lui et pour tout le travail qu’il a accompli et pour tous les autres amendements qu’il a négocié avec le Gouvernement et qui ont amélioré le texte, de voter ces amendements. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Alain Marsaud. Vous allez encore passer la nuit à négocier !

M. Georges Fenech. Et avec qui ?

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Que les choses soient claires, tout le monde reconnaît le travail accompli par le rapporteur ; l’opposition elle-même a souligné son investissement et sa rigueur. Ce n’est pas sa personne qui est en cause dans cette affaire.

Pour autant, je tiens à dire à notre collègue Capdevielle, dont les propos trouvent souvent un écho dans le groupe écologiste, que les compromis doivent faire sens, et pas seulement au sein d’un cénacle restreint mais aussi devant les Français. Or le compromis actuel n’a ni queue ni tête.

On a évoqué l’argument budgétaire alors que, comme l’a remarqué notre collègue Marc Dolez, celui-ci ne figure dans l’exposé sommaire, lequel ne mentionne que « des raisons de cohérence de l’échelle des peines et d’efficacité de la réponse pénale » pour différer l’extension de l’application de la contrainte pénale. Mais quelle cohérence y a-t-il à permettre qu’un délinquant endurci puisse bénéficier d’un sursis avec mise à l’épreuve – disposition plus légère – mais pas d’une contrainte pénale dont on nous a souligné qu’elle sera contraignante, lourde, tout en préparant mieux la réinsertion, permettant de faire un suivi à la fois plus rigoureux et plus solide, et doté d’une évaluation ? S’agissant d’efficacité, je pensais que la contrainte pénale devait s’appliquer à ces personnes-là ! L’amendement n880 n’a donc aucun sens.

Je sais que le rapporteur a le souci de bien écrire la loi, mais je ne crois pas qu’on ait décemment le droit, au nom d’un compromis passé entre son groupe politique et son gouvernement, de faire à peu près tout et n’importe quoi dans un texte de loi. Or le compromis passé entre le groupe socialiste et la majorité n’a pas de sens.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

M. Alain Marsaud. Il faut être cohérent !

M. Sergio Coronado. Il n’est même pas compris par les membres de la majorité parlementaire.

Mme Elisabeth Pochon. Le compromis n’est toujours pas à sens unique !

M. Sergio Coronado. Chère collègue Pochon, nous avons eu, cette nuit, un débat sur la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs, Mme Mazetier a demandé alors que le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement vienne dans l’hémicycle – il est venu ce matin.

M. Alain Tourret. On l’a retrouvé ! (Sourires.)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Vous êtes comblés ! (Sourires.)

M. Sergio Coronado. Mais face aux demandes explicites qui avaient été adressées au Gouvernement, que nous a-t-il répondu ? Rien, absolument rien.

Il y a compromis quand chacun fait un pas vers l’autre. Or nous n’en avons ici aucun de la part du Gouvernement.

Si vous pensez, mes chers collègues, qu’on va étendre à partir de 2017 la contrainte pénale aux personnes condamnés jusqu’à dix ans, en pleine campagne électorale, avec l’hypersensibilité qui est celle du Gouvernement sur ces questions, c’est se moquer du monde !  (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Madame la ministre, vous me direz si je n’ai pas bien compris,…

M. Jean-Pierre Blazy. C’est possible !

M. Guy Geoffroy. …mais il me semble que votre majorité, en commission des lois, a présenté un amendement qui ne correspond pas à ce qui avait été décidé au niveau de l’exécutif. Vous n’avez alors rien dit – qui ne dit mot consent – et l’amendement a été voté. La rumeur rapporte que le chef de l’exécutif en personne, le Président de la République, n’aurait pas apprécié que le Gouvernement, du fait de votre absence de prise de position, donne ainsi la possibilité à cet amendement d’être adopté, et donc à la loi d’être réécrite. En conséquence, il est indiqué à nos concitoyens que la garde des sceaux se présentera en séance publique avec un amendement du Gouvernement visant à revenir au texte initial du projet de loi. Mais nous n’en sommes pas là.

Voilà en effet que nous vous avons entendue expliquer à M. le rapporteur – à qui, je suis désolé de ne pas avoir trouvé d’autre formule, on a demandé de faire le sale boulot – que sa sagesse bien connue, ses mérites, son travail, son sens de la concertation et du compromis sont tels que vous accéderiez, vous, à sa proposition. Madame la garde des sceaux, de qui vous moquez-vous à ce point, sinon de tous les Français ? (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Yves Durand. Un peu de respect !

M. Guy Geoffroy. Allez jusqu’au bout de la logique : oui ou non le Gouvernement a-t-il acté le fait que sa majorité soit allée au-delà de ce que souhaitait le Président de la République lui-même ? Je vous demande de répondre à cette question pour notre information, mais également pour celle des Français à qui l’on a dit que le Gouvernement n’ayant pas fait ce qu’il fallait en commission, et le Président de la République ayant alors tapé du poing sur la table, le Gouvernement, par la voix de la ministre en charge du texte, reviendrait en séance publique avec un amendement. Or ce n’est pas ce qui se passe. Les Français et la représentation nationale ont droit à des explications.

Vous comprendrez que, dans ces conditions, nous ayons demandé un scrutin public sur cet amendement. Mais il ne s’agit pas pour nous de participer au vote : si nous votions pour, cela voudrait dire qu’on serait pour la contrainte pénale – ce qui n’est pas le cas – appliquée à tous les délits – ce qui n’est pas  le cas non plus – ; et si on votait contre, cela signifierait que la contrainte pénale, dont on ne veut pas, s’appliquerait dès maintenant pour tous les délits, y compris ceux passibles de dix ans.

M. Michel Pouzol. Eh oui !

M. Guy Geoffroy. Nous ne participerons pas à cette comédie, à la pantalonnade que vous nous présentez aujourd’hui ! Mais, de grâce, permettez au moins aux Français de savoir de quoi il retourne ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quel mauvais rôle vous jouez !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je n’ai pas l’habitude de le faire, mais permettez-moi, mes chers collègues, d’évoquer mes trente-cinq ans d’exercice de la profession d’avocat avant que je ne devienne député. Jamais, s’agissant des lois pénales et de procédure pénale, je n’ai vu un arsenal de dispositions législatives construit pour tenter de renverser un système réussir.

M. Guy Geoffroy. Ils savent bien que leur truc ne va pas marcher !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Que l’on y croyait ou non, jamais, en fin de compte, le nouveau dispositif n’avait une traduction en termes d’efficacité. Pourquoi ? Parce qu’à chaque fois que nous visitons la loi pénale, nous ne mesurons pas qu’il faut le faire avec une immense prudence, qu’il faut accepter la complexité des choses. Au regard du phénomène de la délinquance et de la sanction nécessaire par laquelle la société doit y répondre, nous, législateurs, devons user de toutes nos volontés, de tous nos courages parfois et aussi de toutes nos constructions intellectuelles. C’est pourquoi j’ai l’habitude de dire dans mon groupe que je préfère « socler » ce qui constitue un vrai progrès plutôt que de prendre le risque que s’écroule une projection encore incertaine.

Ceux qui hésitent à prolonger l’application de la contrainte pénale au-delà de la peine de cinq ans ont la même interrogation que moi : n’avons-nous pas d’abord intérêt à ancrer le dispositif de la contrainte pénale ? Là est l’enjeu, chers collègues. Et je ne crains absolument pas le 1er janvier 2017 ni les tourmentes annoncées des prochaines élections présidentielles si le dispositif est appliqué dans des conditions raisonnables et raisonnées, budgétairement assises.

C’est pourquoi je me suis rangé à la solution proposée par le rapporteur parce qu’elle ne met pas en cause l’immense progrès qui nous est offert par cette loi. Si elle le mettait en cause, nous le contesterions comme mes collègues Dolez et Coronado, mais ce n’est pas le cas. Au contraire, au vu des débats qui sont les nôtres, je commence à considérer que la solution proposée conforte le dispositif.

Je souhaite donc que l’on vote l’amendement de notre rapporteur, non pas pour lui faire plaisir – l’estime dans laquelle nous le tenons tous est sa première des récompenses ce soir –, mais parce qu’il aura ainsi rendu possible une alternative à la prison qui ne soit pas une rémission par rapport à la délinquance, bien au contraire, mais une vraie réponse de la société ! Voilà ce que nous construisons ! En acceptant une certaine complexité, on accepte de faire ce pas pour que, dans quatre ou cinq ans, l’évolution soit irréversible.

Voilà ce que dit celui qui n’est pas encore un très vieil ancien avocat, mais qui regrette le temps où, quand il l’était, il se levait pour dire les choses auxquelles son cœur aspirait. À cet instant, je plaide d’abord pour la contrainte pénale parce que, pendant trente-cinq ans, elle m’a beaucoup manqué (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour apporter plus de justice et pour accompagner les gens dont j’avais la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Les amendements nos 378, 429, 379, 637, 229, 380, 639, 401, 381 et 382, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n879 est adopté.)

M. le président. Nous en venons au scrutin public.

Je mets aux voix l’amendement n880.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants28
Nombre de suffrages exprimés21
Majorité absolue11
Pour l’adoption16
contre5

(L’amendement n880 est adopté.)

Mme Elisabeth Pochon. Très bien !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vive la contrainte pénale !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n596.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n596, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 636, 131 et 638, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 131 et 638 sont identiques.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n636.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n131.

M. Sergio Coronado. Nous allons reprendre la discussion sur la durée de la contrainte, que nous avons déjà eue en commission.

La durée de cinq ans paraît assez longue. Selon certaines études, elle est manifestement en pratique intenable pour une personne condamnée.

Un suivi s’échelonnant sur cinq ans est extrêmement lourd. Soit la personne condamnée n’en aura plus besoin, du fait de sa réinsertion, soit le suivi aura échoué avant. C’est d’ailleurs pour cette raison que, sauf récidive, la mise à l’épreuve ne peut être prononcée pour une durée supérieure à trois ans.

Les différentes recherches menées aux États-Unis et en Grande-Bretagne ont montré que des peines de probation manifestement inadaptées et accompagnées d’un suivi trop rigide pouvaient entraîner d’une manière presque systématique une hausse importante des incarcérations.

C’est pourquoi cet amendement vise à réduire de cinq à trois ans le temps de la contrainte pénale. Je note d’ailleurs qu’un collègue de l’UMP a déposé un amendement identique.

M. le président. Il s’agit de l’amendement n638.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le défendre.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable. Cinq ans, c’est effectivement long mais la contrainte est modulable et on peut la faire cesser de façon anticipée. En conséquence, elle est adaptée surtout aux personnalités particulièrement troublées comme celles des gens dépendants à une addiction quelconque.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis. Le délai de cinq ans est effectivement long et lourd, mais c’est un maximum. Ensuite, c’est la durée de la contrainte pénale qui sera déterminante en cas de non-respect des obligations, et les réajustements ne permettent pas d’aboutir à des résultats. C’est la durée qui va déterminer le plafond du temps d’incarcération si le juge estime nécessaire de la prononcer.

M. Sergio Coronado. Je retire mon amendement !

(L’amendement n636 n’est pas adopté.)

(L’amendement n131 a été retiré.)

(L’amendement n638 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n599 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n599 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur, pour soutenir l’amendement n800 rectifié.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. C’est un amendement de cohérence, suite au rétablissement d’obligations dans le sursis avec mise à l’épreuve.

(L’amendement n800 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n5.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à assouplir les conditions d’exécution de la contrainte pénale. Actuellement, elle est exécutoire par provision. Cela risque de compliquer l’exécution des contraintes pénales les plus courtes, du fait de services surchargés.

Il ne semble pas forcément opportun d’appliquer une contrainte pénale à un condamné qui ne serait pas présent à l’audience.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable. Nous souhaitons qu’elle s’applique rapidement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

M. Sergio Coronado. Je le retire !

(L’amendement n5 est retiré.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Article 8 bis

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n230.

M. Guy Geoffroy. Défendu.

(L’amendement n230, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n402.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n402, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 8 bis est adopté.)

Article 9

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 231, 305 et 383.

La parole est à M. Guy Geoffroy, pour soutenir l’amendement n231.

M. Guy Geoffroy. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n305.

M. Jean-Frédéric Poisson. Le présent article coordonne les dispositions de l’article précédent. Par cohérence, il est normal que nous demandions également sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n383.

M. Éric Ciotti. Défendu.

(Les amendements identiques nos 231, 305 et 383, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n384.

M. Éric Ciotti. Défendu.

(L’amendement n384, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 144 rectifié, 391, deuxième rectification, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n144 rectifié.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à rétablir du contradictoire dans la décision sur les obligations et interdictions applicables aux détenus.

Pour permettre un respect du droit des justiciables et une meilleure compréhension des interdictions et des obligations, un débat contradictoire me semble indispensable. Cela assure aussi une meilleure compréhension du suivi.

Enfin, il s’agit d’éviter de donner à cette mesure un caractère juridictionnel qui pourrait être incompatible avec le délai normal d’appel – dix jours et non un seul – et de complexifier encore le droit en matière d’application des peines. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n391, deuxième rectification.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Ces amendements soulèvent une difficulté bien réelle. A priori, j’étais assez défavorable à l’idée d’un débat contradictoire au début et au moment de la modification. Nous pourrions laisser aller, et y réfléchir après le passage du texte au Sénat. Il y a effectivement moyen d’améliorer un peu le dispositif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur le fond, cet amendement améliore indiscutablement le dispositif et apporte une plus grande sécurité, mais j’ai quelques réserves sur sa rédaction et sur sa précision.

Je ne voudrais pas donner un avis défavorable parce que cette modification est utile. J’aurais bien proposé de le rectifier, mais il est peut-être plus simple que nous l’adoptions en l’état et que nos travaux ici fassent foi pour que durant la navette parlementaire nous travaillions davantage.

S’il est en effet plus juste d’introduire du contradictoire, la forme et le moment précis doivent être déterminés.

Je propose donc à l’Assemblée nationale que l’amendement soit adopté, mais qu’il soit très clair pour tous, sans ambiguïté, que le dispositif doit être retravaillé et que nous allons profiter de la navette parlementaire pour le faire.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Très bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vois que le rapporteur approuve.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Madame la ministre, je voudrais que vous apportiez une précision car les deux amendements ne sont pas tout à fait identiques, même s’ils sont tout à fait dans le même esprit et si nous faisons référence, M. Coronado comme nous, au même article et aux mêmes modifications.

Quand vous dites que vous proposez que l’amendement soit adopté, s’agit-il de l’amendement n144 rectifié ou du 391, deuxième rectification ? Ce ne sont pas tout à fait les mêmes et le sort de notre amendement dépendra assez largement de votre réponse, madame la ministre.

M. le président. Madame la garde des sceaux, ces deux amendements sont en effet en discussion commune et incompatibles.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mon accord porte sur l’amendement n144 rectifié.

(L’amendement n144 rectifié est adopté et l’amendement n391 deuxième rectification tombe.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, est-ce que vous nous permettriez de passer de jeudi à vendredi par une suspension de séance de cinq minutes ? (Sourires.)

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à minuit, est reprise le vendredi 6 juin 2014 à zéro heure quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n883.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

(L’amendement n883, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 882 et 744, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n882.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je le défendrai en deux mots, puisque c’est à peu près le même que le précédent et que notre collègue Tourret défendra le n744, qui est très semblable.

Il s’agit de reposer la question de la possibilité d’un appel par le condamné, en tenant compte du fait que les obligations imposées dans le cadre de la contrainte pénale peuvent parfois être lourdes. Il est donc raisonnable que tout cela se passe dans le cadre d’une audition du condamné.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n744.

M. Alain Tourret. Nous souhaitons que l’ordonnance puisse faire l’objet d’un appel du condamné lui-même ou du procureur de la République, évidemment, dans un délai de dix jours à compter de sa notification. Il est précisé que l’appel n’est pas suspensif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable. Le droit commun de l’appel des ordonnances prévoit un délai de vingt-quatre heures.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis, d’autant que l’ordonnance est notifiée directement à l’intéressé.

(L’amendement n744 est retiré.)

(L’amendement n882 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n385.

M. Éric Ciotti. Cet amendement vise à mieux garantir les droits des victimes. Afin d’assurer l’effectivité de l’information concernant l’exécution de la contrainte pénale, il convient de préciser que la victime peut être informée de toute modification des obligations et interdictions de la contrainte pénale, si elle le souhaite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable. Cette demande est déjà satisfaite par l’article 11 du projet de loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

(L’amendement n385 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n387.

M. Éric Ciotti. Défendu.

(L’amendement n387, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n430.

M. Éric Ciotti. Défendu.

(L’amendement n430, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n392.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n392, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n746.

M. Alain Tourret. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

(L’amendement n746 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n748.

M. Alain Tourret. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg.

M. Dominique Raimbourg. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable.

(L’amendement n748 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n388.

M. Éric Ciotti. Défendu.

(L’amendement n388, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n393 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n393 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n410.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n410, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n603.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

J’en profite pour un dire un mot à propos des amendements précédents. Ces amendements proposaient, dans les cas où le condamné ne respecte pas les obligations qui lui incombent en vertu de la contrainte pénale, une forme de rappel solennel, qui permettrait un peu de pédagogie. Il est dommage que nous ne profitions pas de ces occasions pour donner plus de poids et de solennité à ces différents types de violations.

(L’amendement n603, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 349 et 431, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n349.

M. Éric Ciotti. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n431.

M. Éric Ciotti. Défendu.

(Les amendements nos 349 et 431, repoussés par la commission et le Gouvernement et successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n411.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n411, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n607.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n607, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n348.

M. Éric Ciotti. Défendu.

(L’amendement n348, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n666.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n666, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n347.

M. Éric Ciotti. Défendu.

(L’amendement n347, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Après l’article 7 bis (amendement précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n474 portant article additionnel après l’article 7 bis. Cet amendement avait été réservé à la demande de la commission.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je remercie d’abord M. le rapporteur d’avoir accédé à ma demande de réserver cet amendement, ce qui me permet de la défendre à présent. Je l’ai cosigné avec notre collègue Hervé Gaymard.

Je peux comprendre qu’à lire cet amendement, vous trouviez matière à sourire. Il contraste en effet avec les dispositions que nous examinons en ce moment qui ont, par la force des choses, un caractère assez austère – c’est logique, en matière pénale. Parler de la lecture publique alors que nous examinons un texte relatif à la contrainte pénale et à d’autres dispositifs pourrait paraître ainsi décalé. Si je défends néanmoins cet amendement qu’Hervé Gaymard et moi-même avons déposé, c’est pour appeler l’attention sur plusieurs points.

Premièrement, la lecture est à l’évidence un puissant moyen de réinsertion. On sait bien, quand on s’intéresse à la détention et au monde carcéral, que l’illettrisme y est très présent. Qu’on entre ou qu’on sorte de prison, l’accès à la lecture et à tout ce qui y est relatif – l’entretien des bibliothèques, leur gestion, toutes les activités périphériques au fait de lire en tant que tel – est à l’évidence un puissant facteur de réinsertion.

Deuxièmement, nous débattons depuis plusieurs jours de l’opportunité d’une mesure permettant d’éviter l’enfermement – sous quelque forme que ce soit – des personnes coupables de délits ou de crimes. Nous voulons aider ces personnes à sortir de l’enfermement.

L’esprit de cet amendement consiste à relier ces deux éléments. À partir du moment où la personne condamnée fait un effort de réinsertion, pratique une activité qui lui offre de plus grandes possibilités de réinsertion, comme la lecture, elle devrait pouvoir sortir plus rapidement. La pratique de la lecture serait attestée par un travail réalisé par les personnes incarcérées, accompagnées le cas échéant par des bénévoles – nous connaissons tous beaucoup d’associations qui aident les autres à lire, par exemple celles qui interviennent auprès des enfants ou adultes étrangers qui arrivent en France.

Ce dispositif permettrait aux détenus activement engagés dans un processus de lecture – qui manifestent ainsi une volonté d’améliorer leurs capacités de réinsertion dans la perspective de leur sortie de prison – de bénéficier d’une remise de peine de quelques jours.

On peut discuter du quantum de jours de réduction, et d’une manière générale des modalités d’application de ce dispositif. Il nous semblait important, avec Hervé Gaymard, d’évoquer ce sujet dans cet hémicycle. Cet amendement représente un signal positif en direction de ceux qui sont enfermés et manifestent une volonté d’améliorer leurs capacités de réinsertion.

Je renouvelle mes remerciements à M. le rapporteur pour avoir accepté de réserver cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Ce sujet est tout à fait sérieux, et cet amendement pris pour lui-même est une bonne initiative. Des activités visant à promouvoir la lecture en prison sont déjà pratiquées ; plusieurs associations souhaitent développer ce genre d’initiatives.

Mais introduire dans la loi un dispositif aussi rigide, qui prévoit jusqu’au nombre de jours de réduction de peine correspondant au résumé d’un livre, cela pose nombre de difficultés.

D’une part, d’autres activités que la lecture pourraient justifier des remises de peine si elles sont accomplies dans de bonnes conditions : le sport, le cinéma, le théâtre…

D’autre part, quid des détenus analphabètes ? C’est une difficulté importante. Quid aussi des détenus non francophones ? Comment juger la pratique de la lecture, quand il s’agit de langues rares ?

À l’heure actuelle, rien n’empêche le juge de l’application des peines de prendre en compte les efforts des détenus pour décider de remises de peines. Votre proposition est incontestablement intéressante, mais introduire dans la loi un dispositif aussi rigide me semble trop compliqué.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je partage l’avis de M. le rapporteur, et donc aussi, en fait, celui de M. Poisson, auteur avec M. Gaymard de cet amendement. C’est un sujet sérieux.

Cet amendement pose effectivement un problème de distorsion d’égalité. Dans les établissements pénitentiaires, le taux d’illettrisme s’élève à plus de 27 %. C’est donc un vrai problème : lorsque nous parlons de préparer les détenus à la réinsertion, nous devons comprendre qu’il s’agit de personnes dont le parcours personnel et la réalité sociologique sont parfois forts et appellent une action de la puissance publique.

Comme le faisait remarquer M. le rapporteur, le degré de précision de votre amendement, monsieur le député, est très élevé : vous fixez le nombre de jours de réduction de peine accordés pour chaque livre lu. Je suis, pour ma part, passionnée de lecture : vous pensez bien que je suis particulièrement sensible à votre prosélytisme littéraire !

M. Jean-Frédéric Poisson. Laissez parler votre cœur, madame la ministre !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il faut du cœur pour faire la loi, c’est vrai, mais il faut aussi de l’esprit, et de la cohérence. L’article L. 721-1 du code de procédure pénale prévoit déjà qu’ « une réduction supplémentaire de la peine peut être accordée aux condamnés qui passent avec succès un examen scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l’acquisition de connaissances nouvelles, ou en justifiant de progrès réels dans le cadre d’un enseignement ou d’une formation ».

Cela ne règle pas totalement le problème de l’illettrisme, qui est souvent compliqué par la durée de la peine. Des enseignants interviennent dans les établissements pénitentiaires ; nous avons d’ailleurs signé il y a quelques mois, avec George Pau-Langevin, qui était alors ministre de la réussite éducative – elle est actuellement ministre des outre-mer –, une convention pour renforcer l’intervention de l’éducation nationale dans les établissements pénitentiaires, notamment afin d’y lutter contre l’illettrisme. Une des difficultés que me signalent régulièrement ces enseignants tient à la durée de l’enseignement. Souvent, les personnes précaires et fragiles qui sont le plus fortement illettrées sont incarcérées pour de courtes durées. En effet, les délits qu’elles commettent ont souvent un faible degré de gravité – même si toutes les infractions ont toujours un degré de gravité certain.

Cela rend vraiment difficile de mener un effort sur la durée. Certaines associations essaient de poursuivre leur action hors de la prison, d’orienter les personnes quand elles en sortent. La vraie difficulté est donc d’arriver à combattre l’illettrisme des personnes condamnées à des peines d’une durée brève.

Je crois que ce sujet est très sérieux. Nous faisons déjà beaucoup en la matière. Nous avons ainsi signé des conventions avec les mairies pour renouveler périodiquement le stock de livres des prisons – en effet, malheureusement, nous n’avons pas assez d’argent pour alimenter les bibliothèques aussi souvent que nécessaire. Ces conventions nous fournissent des fonds de livre pour une durée donnée.

Je suis donc évidemment très favorable à des mesures incitatives. L’article L. 721-1 du code de procédure pénale en est déjà une. Pour le reste, votre proposition causerait une distorsion d’égalité, ce qui la rend difficile à accepter. C’est donc bien à regret que je donne un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. À vrai dire, les arguments qui me sont opposés, et que j’ai écoutés attentivement, me surprennent. Selon le rapporteur, le dispositif prévu par notre amendement serait trop précis et, en extrapolant ses propos, je comprends qu’il serait quasiment de nature réglementaire.

De surcroît, vous signalez, monsieur le rapporteur, qu’il existe dans le code pénal des dispositions parfaitement comparables, rédigées dans des termes qui ne diffèrent pas complètement de ceux proposés dans le présent amendement.

Madame la garde des sceaux, il est tout à fait respectable que vous remplissiez votre rôle, qui est de veiller à ce que le droit soit rédigé dans des termes équitables. Ensuite, vous avez comparé la lecture, le sport et le cinéma, ce qui est compréhensible car cela fait effectivement partie…

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est le rapporteur qui a fait cette comparaison ! Je n’ai pas le même rapport au sport qu’à la littérature ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Comme vous, je pratique davantage la littérature que la réduction de peine, mais il s’agit là d’une affaire de goût personnel !

S’agissant de ces deux activités, j’ai deux objections à vous faire. Premièrement, elles ont un statut différent, eu égard à l’autonomie du sujet. Nous ne pouvons considérer la lecture comme une activité comme les autres : les possibilités de réinsertion offertes par le cinéma et la lecture ne sont pas comparables. Ces activités ne sont pas équivalentes.

Deuxièmement, madame la garde des sceaux, si toutes les dispositions devaient s’appliquer à tous les détenus, sans exception, sans restriction, sans condition, et de manière universelle, nous n’en prendrions pas ! Le sport est un bon exemple : l’âge ou la maladie empêchent beaucoup de gens d’y avoir accès.

Je suis donc surpris qu’une telle puissance argumentaire soit déployée contre un amendement, dont nous pouvons partager l’esprit et qui ne pose pas de problème juridique car il est rédigé en des termes identiques à d’autres dispositions figurant dans le code pénal. Je persiste à ne pas comprendre les raisons qui vous poussent à prononcer un avis défavorable sur l’amendement que j’ai déposé avec M. Gaymard.

(L’amendement n474 n’est pas adopté.)

M. le président. À la demande du Gouvernement, nous allons maintenant examiner les amendements nos 471 rectifié, 490 rectifié et 774, portant article additionnel après l’article 18ter. Nous reprendrons ensuite le cours normal de nos discussions.

Après l’article 18 ter

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 471 rectifié, 490 rectifié et 774, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n471 rectifié.

M. Sergio Coronado. Comme je l’ai dit en commission, cet amendement vise à supprimer la rétention de sûreté. Cette disposition introduite par la loi du 25 février 2008 n’a été que peu appliquée.

La rétention de sûreté est totalement contraire au sens de la peine et à notre conception de la justice, car elle permet l’incarcération d’une personne pour un délit à venir. Elle a souvent été comparée à la situation décrite dans un film destiné au grand public, Minority report, dans lequel une personne est maintenue en détention sous le prétexte qu’il pourrait commettre un autre crime.

À ce jour, seules quatre personnes ont séjourné au centre socio-médico-judiciaire de Fresnes, le premier y étant parvenu le 23 décembre 2011, le dernier en étant sorti le 24 novembre 2013. Très peu de personnes sont donc concernées.

Dans son avis du 25 février 2014, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a été très sévère envers la rétention de sûreté. Selon lui, les quatre personnes qui ont été concernées par cette mesure n’auraient pas dû en relever.

Comme le précise le contrôleur, « les durées de séjour en rétention de sûreté ont été respectivement de quarante et un jours, quatre-vingt-six jours et quatre-vingt-huit jours, autrement dit des durées pendant lesquelles il était vain d’espérer une modification de leur état constaté avant le placement ». Il indique même que la personne qui a été placée pour la durée la plus longue « était là à la suite d’une condamnation à dix ans, donc sa présence était absolument irrégulière ».

Par ailleurs, il apparaît au contrôleur que ces quatre personnes étaient là avant tout pour un manquement aux obligations de sûreté, et non pas pour une particulière dangerosité, comme le prévoit la loi.

Le contrôleur est également très sévère sur le suivi médico-judiciaire des personnes placées, élément qui est pourtant au cœur de la loi de 2008, qui prévoyait que ce dispositif soit obligatoire.

Il a souligné une prise en charge certes adaptée pour les soins somatiques, mais une « lacune gravissime en termes d’activités et de prise en charge psychologique et psychiatrique », du fait notamment du faible nombre des personnes concernées.

Je rappelle que, dans une réponse au syndicat de la magistrature en avril 2012, François Hollande avait confirmé que la rétention de sûreté était une mesure sur laquelle il fallait revenir. Il était donc partisan de son abrogation. C’est pourquoi nous déposons cet amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl, pour soutenir l’amendement n490 rectifié.

M. Matthias Fekl. Le présent amendement, que j’ai déposé avec un certain nombre de mes collègues, s’inscrit dans la logique de ceux déposés par MM. Coronado et Dolez.

Il vise à supprimer les dispositions relatives aux mesures de surveillance et de rétention de sûreté introduites par la loi du 25 février 2008, et jugées à l’époque « inacceptables » par toute la gauche, de manière quasiment unanime.

Rappelons que les mesures de surveillance et de rétention de sûreté permettent à la justice pénale d’imposer des mesures restrictives ou privatives de liberté à une personne, non plus au regard des actes que cette dernière a effectivement commis, mais en raison d’actes qu’elle pourrait peut-être un jour commettre.

Ces dispositions portent ainsi gravement atteinte aux principes mêmes de la justice et du droit républicain. Pour reprendre la référence cinématographique de M. Coronado, elles transposent dans notre droit des conceptions que l’on croirait tout droit sorties du film Minority report, dans lequel des gens sont retenus non pas pour des choses qu’ils ont faites mais pour des actes qu’ils pourraient commettre et même, si ma mémoire est bonne, pour ce qu’ils pensent pouvoir faire un jour.

Comme l’a rappelé l’ancien garde des sceaux, M. Robert Badinter : « Depuis la grande révolution, seule la justice a le pouvoir d’emprisonner un homme à raison d’une infraction commise ou éventuellement, à titre exceptionnel, à raison d’une infraction dont il est fortement soupçonné d’être l’auteur. [… ] Pas de prison, pas de détention sans infraction : tel est le fondement de notre justice criminelle depuis deux siècles. [… ]

Pourquoi est-il essentiel ? [… ] Parce que, depuis les Lumières et la Révolution, nous considérons [… ] que l’être humain est doué de raison. S’il viole la loi, expression de la volonté générale, c’est précisément parce qu’il est doué de raison et il doit répondre de ses actes devant les juges. La justice dans une démocratie repose sur une certaine idée de la liberté humaine et de son corollaire : la responsabilité de celui qui viole la loi ». Tels ont été les propos de Robert Badinter devant le Sénat, publiés au compte rendu analytique du 30 janvier 2008.

C’est cependant sur cette conception fondamentale qu’est revenue la loi du 25 février 2008. Désormais, une personne peut être enfermée, pour une durée potentiellement illimitée, non parce qu’elle est jugée coupable, mais parce qu’elle est jugée potentiellement « dangereuse » pour la société.

Or, la Commission nationale consultative des droits de l’homme avait constaté en 2008 qu’il s’agissait d’une « notion émotionnelle dénuée de fondement scientifique » et rappelé que « le système judiciaire français se base sur un fait prouvé et non pas sur la prédiction aléatoire d’un comportement futur ».

Cette méconnaissance grave des fondements de notre justice criminelle est d’autant plus inacceptable que la législation française prévoit la possibilité de prononcer, outre des peines, des mesures de suivi pour s’occuper de ces individus.

Il s’agit, non pas de nier le droit de la société à se protéger, mais de rappeler que les dispositions existent déjà, qu’il s’agisse de la réclusion criminelle à perpétuité, des mesures de suivi psychiatriques ou de soins, qui peuvent être imposées jusqu’à trente années après la libération. En cas de non-respect des obligations et interdictions, les juges de l’application des peines peuvent ordonner la réincarcération de l’intéressé.

À l’image de l’agitation communicationnelle qui a trop souvent tenu lieu de politique pénale au cours des dix dernières années, les mesures introduites en 2008 ne servent donc concrètement à rien. Nous l’avons rappelé à maintes reprises : vingt-sept lois pénales en dix ans, dont un tiers adopté uniquement sous le coup de l’émotion, souvent médiatique.

À l’image de cette pratique générale du droit, qui a transformé notre droit républicain en outil de propagande politique, parfois électorale, les mesures introduites en 2008 sont inefficaces. Or, l’efficacité est l’un fil directeur du présent projet de loi.

Ces dispositions minent notre droit républicain sans apporter le moindre commencement de protection supplémentaire aux citoyens et à la société.

Inacceptables dans leur principe, ces dispositions se sont, en outre, révélées « hasardeuses et incertaines », comme l’a indiqué le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, nommé en 2008, dans un avis publié au début de cette année.

À cette occasion, je tiens à saluer M. Delarue,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Matthias Fekl. …au moment où il quitte son mandat, pour le travail remarquable qu’il a réalisé au service des lieux de privation de liberté et de la dignité des personnes qui y sont. Il faut toujours rappeler que, si elles doivent être punies pour des faits parfois graves et privées de leur liberté,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Heureusement !

M. Matthias Fekl. …elles ne sont pas pour autant privées de leur dignité, d’un certain nombre de droits et de leur humanité. M. Delarue n’a eu de cesse de le rappeler dans ses travaux et je tenais à le saluer devant notre assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Républicains convaincus et sincères, profondément attachés au droit à la sécurité pour tous et au maintien de l’ordre public, les signataires du présent amendement souhaitent que soient abrogées les dispositions issues de cette « loi honteuse ». Pour reprendre les termes de l’ancien ministre de l’intérieur, M. Pierre Joxe, nous souhaitons que soient ainsi rétablis les fondements de ce qu’a toujours été la justice criminelle dans notre pays. Tel est le sens de cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n774.

M. Marc Dolez. À ce stade de la discussion, j’espère ne pas me tromper si j’interprète la demande de réserve du Gouvernement pour examiner tout de suite ces trois amendements comme l’expression d’une hâte de voir la gauche, dans toute sa diversité, transcrire dans notre droit un engagement du Président de la République ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est optimiste !

M. Marc Dolez. En effet, le Président a pris en 2012 l’engagement d’abroger cette mesure de rétention et la surveillance de sûreté, créée par la loi de 2008. Comme cela a été rappelé par M. Coronado, membre du groupe écologiste, et par M. Fekl, membre du groupe socialiste, ce dispositif permet l’enfermement et le contrôle, sans limitation de durée, non pas en exécution d’une peine, mais en raison d’une prétendue « dangerosité », concept flou que personne, encore aujourd’hui, ne sait définir avec précision et encore moins évaluer.

Cette demande d’abrogation répond à la recommandation n10 de la conférence de consensus. La Commission nationale consultative des droits de l’homme avait également rappelé que « le système français se base sur un fait prouvé, et non pas sur la prédiction aléatoire d’un comportement futur. » En conséquence, elle s’était inquiétée de la mise en place de mesures restrictives de liberté sur une base aussi incertaine.

Il a été rappelé tout à l’heure la grande sévérité de l’avis publié au Journal officiel du 25 février dernier par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Comme cela a été rappelé à l’instant, toute la gauche s’était émue à l’époque de cette mesure. Pour notre part, nous avons contesté, dès sa création, cette mesure de privation de liberté qui s’applique à des condamnés ayant pourtant purgé leur peine.

L’objet de cet amendement est donc la suppression de cette « peine après la peine », que nous considérons comme absolument inacceptable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Nous sommes exactement dans la même configuration que celle d’hier soir, sur un sujet très proche. Mais je souhaite tout d’abord m’associer à titre personnel aux félicitations et à l’hommage rendu par Matthias Fekl au contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui a effectivement réalisé un travail formidable.

Par ailleurs, à titre tout aussi personnel, je m’associe aux arguments développés. Je voudrais dire combien cette rétention de sûreté est une anomalie dans notre droit, combien cet objet est inutile parce que, comme l’ont précisé les orateurs qui ont défendu les amendements, elle n’a concerné que quatre personnes. Ce dispositif n’a donc pas vocation à perdurer.

En revanche, et cette fois-ci il n’y a jamais eu d’ambiguïté, dès l’instant où nous avons pris connaissance de ce projet de loi et que nous avons réfléchi à la façon de l’améliorer, nous avons décidé, en le regrettant beaucoup s’agissant de certaines mesures, de ne pas l’étendre aux mineurs et aux crimes.

Nous avons décidé de nous concentrer sur les seuls délits afin d’éviter l’irruption de l’horreur des crimes, de la crainte et des fantasmes qu’ils peuvent susciter. Autant ce travail sur les crimes est nécessaire, autant j’estime que ce n’est pas le lieu pour l’accomplir. Telle a été la position de la commission.

Je répète ce que j’ai dit hier soir. Une réflexion est en cours sur l’ordonnance de 1945, qui n’est pas en cause, et la commission Cotte travaille sur l’exécution des peines. Nous devrons nous y pencher de nouveau dans ce cadre.

J’ajoute que je solliciterai le président de la commission des lois pour que nous engagions une réflexion au sein de celle-ci avec tous ceux qui voudront y participer afin d’améliorer ce qui peut l’être. Même si la commission Cotte ne rend pas ses conclusions très rapidement, il est nécessaire que nous nous penchions sur plusieurs questions, notamment en matière d’exécution des peines. J’ai déjà évoqué, hier soir, l’aménagement des longues peines, et je ne reviendrai pas sur ce sujet. C’est dans ce cadre que nous pourrons faire évoluer la situation si la commission Cotte ne rend pas ses travaux suffisamment rapidement. La commission est donc défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je partage totalement les explications données dans les exposés, lesquels n’étaient absolument pas sommaires, mais profonds, de ces amendements. Comme l’a précisé le rapporteur, et nous en avons aussi débattu en commission, la disposition concerne les très longues peines. Le Gouvernement a choisi de consacrer ce texte de loi aux délits et de ne pas y introduire des dispositions intéressant les mineurs et celles concernant les longues peines, en dehors de l’examen de la situation de tous les condamnés détenus aux deux tiers de leur peine.

Comme l’a précisé le rapporteur, les mesures de sûreté, et pas seulement la rétention de sûreté, sont incluses dans le périmètre de la mission conduite par Bruno Cotte. Il est certain qu’en termes de calendrier, j’ai voulu, parce que le travail est lourd, donner du temps. J’ai demandé que ses travaux soient remis fin 2015, date qui paraît lointaine, mais, considérant la charge de travail, cette commission sera contrainte de travailler de façon dense. J’ai, en conséquence, mobilisé l’administration et un comité d’écriture siège à ses côtés.

Il n’y a pas, là non plus, de divergence d’appréciation sur la nature de la mesure, que l’on se place d’un point de vue philosophique ou juridique. Les extraits des propos de Robert Badinter lus par Matthias Fekl nous servent de référence depuis que se tient ce débat au Parlement. Il est simplement nécessaire de savoir comment on répond, en droit et en politique publique, à des situations peu nombreuses, convenons-en, mais lourdes.

En termes de politique publique, des mesures en matière de structures sanitaires, de politique de santé et de suivi des personnes n’ont en effet pas été prises alors qu’elles auraient dû l’être. S’agissant du droit, vous vous souvenez que le débat a soulevé des protestations fondées et argumentées. Le texte avait d’ailleurs été déféré au Conseil constitutionnel et suite à la décision de ce dernier, les dispositions ont été réécrites, ce qui a provoqué un enchevêtrement s’agissant de la rétention de sûreté, de la surveillance de sûreté et de la surveillance socio-judiciaire.

Par conséquent, il est nécessaire de réécrire les dispositions. Il existe, en effet, des cas peu nombreux, je le répète, mais lourds qui nécessitent que des dispositions puissent être prises. Pour cette raison, on peut concevoir la suppression, mais comprenons que cela n’entraîne pas strictement la suppression de la rétention de sûreté : leur imbrication a des effets sur les deux autres dispositifs que je viens d’évoquer.

J’entends bien que les travaux de la commission Cotte nous renvoient à fin 2015, ce qui est peu satisfaisant en termes de délai. Considérant toutefois qu’il s’agit de la totalité des travaux qui doit être achevée fin 2015, il n’est pas à exclure que la commission Cotte soit en mesure de faire des propositions avant fin 2015.

J’aurais pu me contenter de vous répondre que le Gouvernement a décidé de réserver ce texte aux délits et que, par conséquent, la disposition proposée par ces amendements ne trouve pas sa place dans le projet de loi, mais je n’aurais pas été honnête avec vous. La politique exige par respect et par honnêteté de préciser clairement ses positions.

L’abrogation de la rétention de sûreté s’impose, j’en suis absolument persuadée. Les raisons pour lesquelles elle doit l’être ont été très clairement exposées par les trois députés qui ont défendu ces amendements. Le Gouvernement ne veut toutefois pas inclure cette mesure dans le texte d’aujourd’hui qui est consacré aux délits.

M. le président. Sur les amendements, nos 471 rectifié et 490 rectifié, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Je précise à notre collègue Matthias Fekl qu’il se trouve que j’ai été le rapporteur de cette « loi honteuse », ce qui ne l’étonnera pas.

M. Matthias Fekl. Cela ne m’étonne pas du tout ! Il y a une forme de cohérence !

M. Georges Fenech. Je ne suis en tout cas pas à un qualificatif près aujourd’hui ! J’assume même, dès lors qu’il s’agit de protéger des victimes innocentes. Nous parlons en effet de Guy Georges, de Fourniret, de Francis Heaulme entre autres, et s’il n’y a eu que quatre cas, monsieur Coronado, c’est tout simplement parce que le Conseil constitutionnel – lequel a, je le rappelle, entièrement validé le dispositif – n’a pas retenu la rétroactivité. Il n’empêche que le dispositif s’appliquera dans le temps et qu’il doit évidemment monter en puissance – il ne concerne toutefois qu’une cinquantaine environ d’individus très dangereux qui se trouvent dans nos prisons.

Vous parlez de perpétuité réelle. Or vous savez très bien qu’elle n’existe pas. C’est d’autant plus vrai qu’avec ce texte, il y aura au bout de dix-huit ans un réexamen obligatoire de la libération conditionnelle des reclus perpétuels. Ce dispositif qui vous paraît honteux existe en tout cas en Allemagne, aux Pays-Bas et également au Canada.

M. Matthias Fekl. Il cite le Canada quand ça l’arrange !

M. Georges Fenech. Il s’agit effectivement d’une mesure de sûreté et non, monsieur Dolez, d’une peine après la peine. Cette mesure n’est pas exécutée dans un établissement pénitentiaire, mais dans un établissement mixte socio-médico-judiciaire. Il présente toutes les garanties de révision de cette mesure chaque année par une commission ad hoc composée de magistrats et présente dans chaque cour d’appel. Le groupe UMP s’opposera donc, c’est évident, à ces amendements parce que la mesure n’est pas honteuse : elle concerne la dangerosité criminologique.

Des personnes psychiatriquement dangereuses sont également privées de liberté et enfermées dans des unités pour malades difficiles. Il existe maintenant de nouveaux d’établissements qui permettent de se protéger d’individus qui présentent une dangerosité criminologique avérée. Je pense aux individus que je viens d’énumérer.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Je suis extrêmement choqué par la démarche qui anime les signataires de ces amendements. Pas un mot n’a été prononcé pour les victimes de ces quatre personnes, peu nombreuses certes, mais dont la dangerosité a été attestée et constatée par une cour d’assises et par des experts socio-judiciaires. Le vote de cette mesure a été examiné à deux reprises par le Conseil constitutionnel. Le dispositif juridique est donc incontestable et conforme à notre droit et à nos engagements conventionnels. Il distingue très clairement la peine prononcée par la cour d’assises de la mesure de précaution vis-à-vis de la société.

Avec ces amendements, on plonge de nouveau dans une forme d’angélisme. On atteint là quelque chose d’un peu insupportable, car vous portez un regard sur la sanction pénale sans aucune considération pour les victimes…

M. Matthias Fekl. Allons ! C’est honteux de dire cela !

M. Éric Ciotti. …et pour les risques que présentent pour la société tout entière ces personnes qu’il convient d’encadrer ou en tout cas d’empêcher de nuire et de commettre des méfaits et des crimes terribles. En effet, le parcours des quatre personnes en question est terrible et semé de morts. Revenir sur ce point est particulièrement choquant sur la forme.

Je constate que M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement est présent ce soir pour rappeler la ligne du Gouvernement. Je m’étonne une nouvelle fois du déroulement de ces débats, de l’attitude de la majorité et de sa relation avec la garde des sceaux.

Lorsque nous avons discuté des tribunaux correctionnels pour mineurs, nous avons pu constater, la nuit dernière, que Mme la garde des sceaux a assuré le service minimum pour éviter leur disparition. Nous l’avons vu lorsque vous avez défendu vos amendements, madame Capdevielle et monsieur Coronado, lorsqu’il s’est agi de définir la peine de probation pour passer de cinq à dix ans : Mme la garde des sceaux a été très discrète et c’est M. le rapporteur qui a fait, selon l’expression de Georges Fenech, le « sale boulot ». Et c’est maintenant M. le secrétaire d’État qui est manifestement à la manœuvre, le propos de Mme la garde des sceaux ayant été très ambigu. J’aimerais donc savoir quelle est la ligne du Gouvernement. Il y a manifestement des garants de la position du Premier ministre qui sont là pour contraindre une majorité de plus en plus réticente ou du moins ses éléments les plus extrêmes. Je tiens à vous dire combien cette position me paraît choquante sur un sujet aussi grave.

M. Guy Geoffroy. Tout à fait !

M. le président. Sur l’amendement n774, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Elisabeth Pochon.

Mme Elisabeth Pochon. Je remercie tout d’abord Matthias Fekl et tous nos partenaires de gauche qui ont porté ce débat, même si nous ne souhaitions pas forcément qu’il ait lieu aujourd’hui. Je ne crois pas que de ce côté de l’hémicycle, il y ait une seule personne qui ne soit pas d’accord avec eux.

M. Éric Ciotti. Allez en parler aux familles des victimes ! On verra si elles remercient Matthias !

Mme Elisabeth Pochon. Je partage cependant le point de vue de Mme la garde des sceaux et de notre rapporteur Dominique Raimbourg, et ce n’est pas là seulement vouloir faire preuve de loyauté envers le Gouvernement : nous devons également être loyaux envers nous-mêmes parce que nous nous sommes engagés à rédiger un texte équilibré. Mais nous ne voulons pas non plus prêter le flanc à cette droite qui, si ces amendements sont votés, se saisira de cette opportunité pour dénigrer le texte.

Je vous demande très solennellement quelque chose, mes camarades. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Oui, c’est à mes camarades que je m’adresse, et seulement à eux !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous vous adressez à l’Assemblée nationale !

M. Éric Ciotti. Un peu de dignité !

M. Jean-Frédéric Poisson. Si vous avez des problèmes à régler, suspendez la séance !

Mme Elisabeth Pochon. Une telle mesure donc, ayons la fierté de la voter très nombreux, avec tous nos partenaires, à un autre moment qu’à la sauvette à une heure du matin. Je suis bien persuadée qu’il y a énormément de camarades qui seraient fiers de revenir sur un texte qui a été et qui est encore la honte du précédent quinquennat.

Plusieurs députés du groupe UMP. Faites-le !

Mme Elisabeth Pochon. Si nous avons un jour vibré pour l’abolition de la peine de mort, nous n’avons jamais imaginé qu’elle serait remplacée par ce qui pourrait s’apparenter à un enterrement de vivants.

M. Éric Ciotti. Mettez Francis Heaulme en liberté !

Mme Elisabeth Pochon. Même si nous pensons aux victimes, nous ne croyons pas que d’autres hommes puissent mériter cela. Je vous demande donc, mes camarades, au nom du groupe, de nous donner la permission de voter avec vous à un autre moment, et très nombreux.

M. Éric Ciotti. C’est affligeant, atterrant !

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Nous avons eu là l’occasion d’un beau débat sur cette question importante de la rétention de sûreté. L’ensemble des intervenants, du moins de notre côté de l’hémicycle, ont brillamment rappelé à quel point c’était une insulte aux principes fondamentaux du droit républicain et de la justice.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas ce que dit le Conseil constitutionnel !

Mme Fanélie Carrey-Conte. Ce sont des principes que, de l’autre côté de l’hémicycle, vous n’avez aucun problème à piétiner en permanence, et c’est bien la raison pour laquelle le débat se pose de manière si naturelle entre vous et nous.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est un débat entre vous !

Mme Fanélie Carrey-Conte. En l’occurrence, nous maintenons tous ici, sans réserves ni ambiguïté, nous l’avons dit à plusieurs reprises, le qualificatif de loi honteuse.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh bien, votez l’amendement !

Mme Fanélie Carrey-Conte. J’ai entendu vos arguments, monsieur le rapporteur, madame la ministre, selon lesquels le texte ne concerne que les délits, mais nous avons l’occasion ce soir d’en finir avec ce principe de la rétention de sûreté sur lequel nous avons tous le même sentiment. À trop manquer d’occasions, à trop reporter à demain, je crains qu’un jour il ne soit trop tard. L’enjeu de ce soir, c’est de ne pas manquer une occasion supplémentaire. Nous pouvons en finir avec cette aberration qui fait que l’on peut aujourd’hui punir une personne pour des faits qu’elle n’a pas commis mais qu’elle pourrait peut-être commettre. C’est cela l’enjeu, et c’est la raison pour laquelle je soutiens ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, la réponse du Gouvernement n’est pas satisfaisante. Sur ce sujet comme sur la suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs dont nous avons débattu hier soir, le Gouvernement nous dit que nous avons raison. Il nous dit que la suppression ou l’abrogation s’imposent, comme vous l’avez encore répondu tout à l’heure, madame la ministre. Très bien.

Vous nous expliquez ensuite, avec le rapporteur, que cela n’est pas possible à l’occasion de ce texte parce qu’il a un périmètre limité.

M. Guy Geoffroy. C’est cohérent !

M. Marc Dolez. Nous pouvons l’entendre. Mais vous ne pouvez pas nous demander de retirer nos amendements sans nous annoncer clairement quand et à quelle occasion précisément nous aurons l’occasion d’abroger tous ensemble une loi que vous avez qualifiée de honteuse.

Il s’agit de traduire un engagement du Président de la République. Il y a dans cette assemblée une très large majorité pour le faire. Si le Gouvernement en reste là, sur le sujet dont nous avons débattu hier soir et sur celui-ci, s’il ne dit pas précisément quand l’Assemblée nationale pourra exprimer son vote,…

M. Guy Geoffroy. Nous allons prendre nos agendas !

M. Marc Dolez. …il y aura un problème de crédibilité de la parole publique et de la parole du Gouvernement dans l’opinion.

Nous pouvons comprendre une partie de la réponse du Gouvernement, mais elle n’est pas satisfaisante parce qu’elle est incomplète. En l’état actuel des choses, je maintiens évidemment mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. L’instrumentalisation des victimes, ce n’est pas nouveau, et c’est indécent. Les vingt-sept lois pénales dont certains ici se vantent d’avoir été les rapporteurs, les inventeurs, les inspirateurs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Guy Geoffroy. Et alors ?

M. Éric Ciotti. On le revendique !

M. Matthias Fekl. …ont conduit à une seule chose, le doublement des risques de récidive dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Alors du haut de quoi nous faites-vous la morale, nous donnez-vous des leçons d’efficacité pour les victimes ? (Mêmes mouvements.)

M. Guy Geoffroy. Arrêtez !

M. Jean-Frédéric Poisson. Parlez moins fort, il est une heure du matin !

M. Matthias Fekl. Je vous réveille, je suis navré. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Oh, non, nous vous écoutons avec la plus grande attention !

M. Matthias Fekl. Pour le président Mazeaud, qui n’est pas exactement un gauchiste ni un libertaire, la rétention de sûreté était un mauvais principe, une mauvaise mesure, dans une mauvaise loi. Mais c’était à l’époque où il y avait dans ce pays une droite républicaine, qui faisait autre chose que courir après le Front national et s’adonner à ses idées, qui n’était pas totalement décomplexée. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas possible !

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président !

M. Matthias Fekl. On voit les résultats aujourd’hui. C’était à l’époque où la République avait encore du sens, y compris pour la droite. Il y a de grands républicains de droite et je forme des vœux pour qu’ils remettent un jour la main sur le grand parti de la droite républicaine, avant que les vautours n’aient définitivement fini de le dépecer.

M. Guy Geoffroy. C’est incroyable !

M. Matthias Fekl. Ce terme prouve que vous avez à bien des égards des problèmes avec la justice, s’il y avait besoin de le prouver.

Sur ces amendements, je rejoins totalement ce qui a été dit. Nous pouvons entendre que le texte doive être cohérent, j’ai toujours écouté attentivement le rapporteur et la garde des sceaux sur ce point, mais dans ce cas il nous faut effectivement un calendrier et un engagement sur le moment où ce genre de dispositions pourront être votées.

M. Jean-Frédéric Poisson. Prenons date !

M. Guy Geoffroy. Pour les tribunaux correctionnels en même temps !

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Dans d’autres débats, le Gouvernement a au moins fait un effort. Rappelez-vous, il y a plus d’un an, en plein débat sur le texte ouvrant le mariage civil aux couples de même sexe, on nous promettait d’inscrire l’ouverture de la PMA aux couples de femmes dans un futur texte. On nous avait donné un calendrier, un véhicule, sous l’influence d’ailleurs du président du groupe socialiste Bruno Le Roux, que je vois suivre le débat ce soir.

M. Guy Geoffroy. Il n’avait pas de carburant, le véhicule !

M. Sergio Coronado. Le Gouvernement avait été extrêmement clair à l’époque : il y aurait un véhicule législatif, la loi famille, qui ouvrirait la PMA aux couples de femmes.

Qu’est-il advenu de cet engagement ? Vous ne faites même plus l’effort d’annoncer un véhicule ou de donner un calendrier.

M. Guy Geoffroy. Belle ambiance !

M. Jean-Frédéric Poisson. M. Le Guen va préciser tout cela séance tenante !

M. Sergio Coronado. Comme l’ont dit mes collègues, c’est cela qu’il nous faut, un calendrier et un véhicule. C’est simple.

M. Marc Dolez. Très bien.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous ne m’avez pas réveillé, monsieur Fekl, je vous rassure. Je participe en général avec une assez grande attention aux débats qui se déroulent dans cet hémicycle. Je voudrais donc dire deux choses au sujet de votre intervention.

La première, c’est qu’il y a un vieux principe du droit romain qui dit que personne ne peut utiliser à son profit sa propre turpitude.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nemo auditur

M. Jean-Frédéric Poisson. …propriam turpitudinem allegans, on sait. Je comprends donc très bien que, si vous avez mis de l’énergie, du courage, de la détermination à défendre un amendement et que vous vous sentez contraint de le retirer, pour des raisons qui vous appartiennent et que je ne juge pas…

M. Matthias Fekl. Ne vous inquiétez pas pour ça !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je ne suis pas inquiet ! Je comprends très bien que vous en conceviez un peu d’agacement ou d’énervement. Mais ce n’est pas une raison pour en profiter pour nous prendre à partie alors que nous observons avec une grande attention et un grand intérêt le débat interne à la gauche qui se déroule sous nos yeux, qui est très nourri et très intéressant. Il renoue d’ailleurs avec des débats antérieurs, comme vous y avez fait allusion, cher Sergio Coronado.

Mais franchement, monsieur Fekl, vous êtes président d’une fédération experte en matière de problèmes d’éthique et de justice. S’il vous plaît, évitons d’aborder ces sujets dans cet hémicycle. C’était déplacé, et cela ne vous ressemble pas d’ailleurs.

M. Matthias Fekl. Cela ne vous ressemble pas non plus ce que vous venez de faire là !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je suis désolé de vous dire que, s’il faut venir sur des registres inhabituels, nous pouvons le faire aussi, à regret.

Bref, monsieur le président, puisque le ministre des relations avec le Parlement est ici, il va peut-être pouvoir satisfaire la demande de sa majorité unanime et nous dire, avec sa courtoisie habituelle, selon quel calendrier nous pourrions examiner le texte dont nous parlons depuis tout à l’heure pour que nous puissions d’ores et déjà tailler nos crayons, remplir nos trousses et cirer nos cartables.

M. le président. La parole est à M. Matthias Fekl.

M. Matthias Fekl. Rassurez-vous, monsieur Poisson, l’amendement ne sera pas retiré. Et ne vous délectez pas de nos divisions, parce qu’il n’y a pas de divisions sur le fond. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Cela se voit !

M. Matthias Fekl. Non ! Il y a un débat tout à fait légitime sur le moment où il faut voter ces dispositions. Sur ce point, il y a des différences d’appréciation, mais aucune contestation sur le fond. Nous nous sentons très tranquilles, ne croyez pas le contraire.

M. Éric Ciotti. J’espère qu’il y a des personnes lucides chez vous !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n471 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants26
Nombre de suffrages exprimés26
Majorité absolue14
Pour l’adoption8
contre18

(L’amendement n471 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n490 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants26
Nombre de suffrages exprimés26
Majorité absolue14
Pour l’adoption9
contre17

(L’amendement n490 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n774.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants27
Nombre de suffrages exprimés27
Majorité absolue14
Pour l’adoption9
contre18

(L’amendement n774 n’est pas adopté.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Tiens, M. Le Guen s’en va !

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais nous n’avons pas de date !

M. le président. Nous revenons à l’article 10.

Article 10 (précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 306 et 472, tendant à supprimer l’article 10.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n306.

M. Jean-Frédéric Poisson. Comme cet article vise à exclure la possibilité de condamner un mineur à la contrainte pénale, nous y sommes opposés et nous en demandons la suppression.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n472.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 306 et 472, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 10 est adopté.)

Article 11 (précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 232 et 307, tendant à supprimer l’article 11.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n232.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n307.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(Les amendements identiques nos 232 et 307, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n674 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu, monsieur le président ainsi que l’amendement n632.

(Les amendements nos 674 rectifié et 632, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 346 rectifié et 675, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n346 rectifié.

M. Éric Ciotti. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n675.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(Les amendements nos 346 rectifié et 675, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n631.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n631, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 345 et 676.

La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n345.

M. Éric Ciotti. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n676.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(Les amendements identiques nos 345 et 676, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n394.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu, monsieur le président, de même que les amendements nos 667, 403 et 414.

(Les amendements nos 394, 667, 403 et 414, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n876.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il s’agit simplement d’introduire, à l’article 707 du code de procédure pénale, c’est-à-dire dans notre texte à l’alinéa 10 de l’article 11, les dispositions relatives à la justice restaurative pour les victimes.

(L’amendement n876, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n670.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n670, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel n801 du rapporteur.

(L’amendement n801, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n750.

M. Alain Tourret. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis.

M. Alain Tourret. Je le retire.

(L’amendement n750 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n671.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n671, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n772.

M. Alain Tourret. Je le retire au profit de l’amendement 770, deuxième rectification qui va venir.

(L’amendement n772 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n308.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu, ainsi que l’amendement n400.

(Les amendements nos 308 et 400, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, pourrions-nous savoir le temps de parole restant pour chacun des groupes, afin d’avoir un éclaircissement sur la suite des débats ?

M. le président. Je vous le communiquerai dès qu’il me parviendra.

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement n770, deuxième rectification.

M. Alain Tourret. J’ai déjà posé en commission le très grave problème des mamans d’enfants et des femmes enceintes en prison. Actuellement, 3 % environ des personnes incarcérées sont des femmes. Chaque année, il y aurait une cinquantaine d’enfants de moins de dix-huit mois vivant dans les prisons françaises. Actuellement, ils sont vingt-six, et ils étaient cent quarante-six sur les trois dernières années. En Europe, ce sont cinq cents nourrissons qui vivent en détention.

Selon l’article 9 de la Convention internationale des droits de l’enfant des Nations unies, les États doivent veiller à ce que les enfants ne soient pas séparés de leurs parents contre leur gré, et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Delarue, dont on a souligné tout à l’heure le parfait travail, a demandé que soit engagée une réflexion sur l’aménagement des peines des mères détenues avec des enfants. Il rappelle que la détention des mères avec leurs enfants n’est qu’un palliatif visant à concilier l’inconciliable : la présence d’un enfant près de sa mère et le caractère insupportable de la présence d’un jeune enfant en prison.

Deux problèmes se posent. Le premier est celui de la femme enceinte depuis plus de douze semaines. Est-il normal qu’il y ait une victime de plus, l’enfant à naître ? Chacun sait que la détention aura des conséquences extrêmement importantes sur lui. Le second concerne l’enfant qui naîtra en prison. Nous savons à quel point sont douloureux les quelques mois qu’il passera avec sa mère, dix-huit mois qui peuvent être portés à vingt-quatre.

Je m’en suis entretenu avec le rapporteur, avec la chancellerie, et je vous propose un amendement qui prévoit qu’aucune femme enceinte ne pourra être placée ou maintenue en détention au-delà de la douzième semaine de grossesse. Cependant, cette disposition ne concerne pas les crimes ni les délits contre les enfants, car je ne souhaite pas, alors même qu’une femme aurait commis de tels délits, qu’elle puisse bénéficier de cette mesure.

Ce que je veux, chacun l’a bien compris, c’est protéger l’enfant. Dès lors, je demande que la peine soit suspendue. Je suis ainsi amené à modifier les articles 720-1 et 729-3 du code de procédure pénale. Il faut tout d’abord préciser que le seuil de deux ans prévu au premier alinéa est porté à quatre ans lorsque la suspension s’applique à une mère enceinte depuis plus de douze semaines. Cela s’articule parfaitement avec l’article 720-1, qui dispose qu’une personne condamnée à qui il reste entre deux et quatre ans de prison à effectuer peut voir suspendre sa peine, ou l’exécuter par fractions, pour des motifs graves d’ordre médical, familial, professionnel ou social. Il faut également préciser le premier alinéa de l’article 729-3 relatif à la libération conditionnelle en le complétant ainsi : « ou lorsqu’il s’agit d’une femme enceinte de plus de douze semaines ».

Tout cela concerne peu de cas. Le taux de récidive, pour les femmes, est très faible ; celui des mamans est pratiquement nul. Dès lors, j’appelle la représentation nationale à voter à l’unanimité cette mesure d’humanité.

M. Guy Geoffroy. Nous la voterons !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. C’est un avis à titre personnel que je donne, parce que la commission n’a pas été saisie de cet amendement. J’y suis favorable, mais avec des réserves. L’élargissement de la possibilité d’une libération conditionnelle pour une période d’emprisonnement ferme portée de deux à quatre ans est évidemment une ouverture très importante. L’alinéa précédent l’est également, mais il présente un inconvénient majeur : à l’issue de la suspension de peine, la femme qui viendrait d’accoucher serait aussitôt séparée de son enfant et placée en détention. C’est la rédaction actuelle. Je suis donc favorable à ce que nous adoptions l’amendement, mais en souhaitant qu’il soit amélioré au Sénat.

M. Alain Tourret. Bien sûr !

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il est favorable. Cet amendement ne concerne que les délits, le seuil a été relevé, tout caractère systématique a été éliminé. Cet amendement a été très travaillé et nous savons, monsieur le député, combien de temps il a mûri, soutenu par votre engagement. Je suis, comme le rapporteur, sensible à la question de la séparation. C’est un sujet presque inextricable dans toute démocratie : on ne peut concevoir l’impunité, mais on connaît les effets de l’enfermement sur les enfants, comme ceux du reste de la séparation. Il n’y a pas de solution satisfaisante. Nous avons travaillé ensemble cette rédaction et nous verrons au Sénat si elle peut encore être améliorée.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Je tiens à saluer l’initiative d’Alain Tourret et lui dire que je voterai son amendement sans réserve. J’invite mon groupe à faire de même.

M. Guy Geoffroy. On va le faire !

(L’amendement n770, deuxième rectification est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Tourret. Merci à la représentation nationale, ainsi qu’au rapporteur et à la garde des sceaux !

(L’article 11, amendé, est adopté.)

M. le président. Je peux maintenant vous donner communication du temps restant pour chaque groupe, compte non tenu des quelques minutes qui se sont écoulées depuis que je l’ai reçu : pour le groupe SRC, cinq heures et trente et une minutes ; pour l’UMP, une heure douze minutes ; pour l’UDI, trois heures dix-neuf minutes ; pour le groupe écologiste, quarante-trois minutes ; pour le groupe RRDP, une heure treize minutes ; pour le groupe GDR, une heure six minutes ; pour les non-inscrits, cinq minutes.

Après l’article 11 (amendement précédemment réservé)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n843, troisième rectification, portant article additionnel après l’article 11.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons déjà eu à nous exprimer à plusieurs reprises sur les bureaux d’aide aux victimes. Vous-mêmes, compte tenu du travail de terrain que vous effectuez dans vos circonscriptions, savez comment fonctionnent ces bureaux. Je l’ai dit il y a quelques heures, ils ont été créés dans les tribunaux de grande instance à partir de 2008 et nous avons accéléré le mouvement en en créant partout en 2013 et 2014.

Cet amendement vise simplement à inscrire dans la loi, c’est-à-dire dans le code de procédure pénale, l’existence de ces bureaux, en en précisant les fonctions et le mode de fonctionnement par voie réglementaire.

(L’amendement n843, troisième rectification, accepté par la commission, est adopté.)

Article 11 bis (précédemment réservé)

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon.

Mme Elisabeth Pochon. Je veux juste vous dire, chers collègues de l’opposition, vous qui êtes des parlementaires chevronnés, que la manière dont vous avez choisi de gérer votre temps de parole montre à quel point vous vous concentrez sur le prononcé de la peine et sa sévérité au lieu de vous intéresser à ce qui se passe après. C’est là peut-être qu’est notre plus grande différence. En effet, nous nous intéressons à la fois au prononcé et à la sanction, mais aussi à la manière dont la peine est appliquée. C’est important.

Je tenais à vous le dire, parce que je trouve cela un petit peu choquant. Toutefois, cela ne m’étonne pas. Une partie de l’échec actuel est due à cette façon que vous avez de fonctionner. J’espère que, dans le peu de temps qui nous reste, nous pourrons parler de choses aussi importantes que la place et les droits des victimes, la collaboration des différents acteurs autour de la détention ou la liberté sous contrainte. Cela aussi, c’est important. Il fallait peut-être garder un petit peu de temps pour ces sujets.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n844.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il concerne le versement volontaire. C’est un sujet sur lequel nous travaillons depuis plusieurs mois, n’est-ce pas madame la députée Nathalie Nieson ? Depuis votre mission, nous y avons travaillé assidûment, avec des difficultés notamment concernant la contribution destinée aux victimes. Nous avons associé le ministère du budget à nos travaux.

Cet amendement exprime les réserves qu’émet le Gouvernement sur les modifications que vous avez introduites en commission au sujet des versements faits par les condamnés au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions. Les difficultés viennent de ce que, la plupart du temps, le dispositif va plutôt compliquer les choses pour la victime.

Dans l’état actuel du droit, la victime récupère ce qui lui est dû auprès de la personne condamnée. Avec ce versement au FGTI, il y a deux situations : ou bien la victime doit d’abord s’adresser au FGTI et, selon ce qui aura été versé, retourner vers le condamné pour un complément, ou bien le FGTI aura à procéder à un certain nombre de démarches. Les difficultés causées au FGTI ne sont pas rédhibitoires, mais celles qui rejaillissent sur la victime nous préoccupent. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement. Mais nous sommes prêts à entendre le rapporteur s’il nous explique que le système est consolidé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Il n’est pas consolidé. Lorsque le détenu termine sa détention et que la victime ne s’est pas manifestée, la part des sommes qu’il a gagnées en prison qui n’a pas été remise à la victime lui est restituée, ce qui est un peu curieux.

Je comprends l’argument selon lequel la mise en œuvre du versement à la victime coûterait davantage que les sommes versées. C’est une objection.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas la seule.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. En effet. Je vous propose de faire preuve de sagesse, de conserver le texte de la commission et d’améliorer la rédaction au Sénat.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le rapporteur en appelle à la sagesse… Il n’ose tout de même pas demander le retrait de l’amendement du Gouvernement ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. C’est donc un avis défavorable ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. C’est cela.

(L’amendement n844 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel n802 du rapporteur.

(L’amendement n802, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n434.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

(L’amendement n434, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 11 bis, amendé, est adopté.)

Après l’article 11 bis (amendements précédemment réservés)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 11 bis.

La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n776.

M. Marc Dolez. Il est défendu.

(L’amendement n776, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n301.

M. Sergio Coronado. Pour l’étude des confusions de peine, la jurisprudence actuelle impose de ne tenir compte que du passé pénal de la personne. Cet amendement propose de revenir sur cette jurisprudence pour spécifier qu’il est nécessaire de prendre en compte l’évolution du comportement de la personne condamnée, sa personnalité ainsi que sa situation. Plusieurs études montrent que l’évolution du condamné durant sa peine peut faciliter sa réinsertion. Cette mesure participerait donc de la lutte contre la récidive.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable. Le droit existant vous donne satisfaction.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement a tout de même une hésitation. Il n’a pas d’opposition sur le fond. Il s’en remet à votre sagesse.

M. Dominique Raimbourg. Alors, avis favorable…

(L’amendement n301 est adopté.)

Article 12 (précédemment réservé)

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon.

Mme Elisabeth Pochon. En commission, nous avions décidé à l’unanimité que les détenus devaient avoir accès à tous les services publics leur permettant de préparer leur sortie. Je pense qu’il y a eu un petit malentendu : vous avez pu penser que nous voulions leur donner des droits supplémentaires, dans le cadre d’une discrimination positive. Mais non, il s’agit simplement de mettre le droit commun au service des détenus pour qu’ils puissent réussir leur réinsertion, au bénéfice de la société.  

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Voici un article qui dit que les détenus ont des droits et qu’ils ont le droit de voir leurs droits respectés par ceux qui doivent respecter leurs droits. (Sourires.) Effectivement, madame Pochon, nous n’avons pas de temps à perdre sur des articles pareils. À part rappeler que la loi s’applique et qu’elle doit s’appliquer… Franchement, nous ne regrettons pas d’avoir consacré un peu plus de temps aux articles précédents. Monsieur le président, les amendements que j’ai déposés sur cet article sont défendus.

M. le président. Vous avez justement déposé un amendement de suppression de l’article, n309.

(L’amendement n309, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour soutenir l’amendement n726.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Contrairement à ce qu’a soutenu M. Poisson, cet article est important et apporte quelque chose.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ah !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Il est relié au premier alinéa de l’article 3 de la loi pénitentiaire de 2009, selon lequel des services publics peuvent concourir à la vie en prison dans le cadre du service public pénitentiaire. Cet article est très important parce qu’il relève d’une doctrine française de l’intervention des services publics qui veut que, contrairement à d’autres pays, lorsque le ministère de l’éducation nationale ou celui de la santé interviennent en prison, ils ne sont pas sous l’autorité des responsables pénitentiaires. Ils restent sous l’autorité de leur propre hiérarchie.

Il y a donc un partage entre les services publics qui interviennent en milieu pénitentiaire, et ce partage est exprimé par le terme « concours ». Mais s’il est légitime que chacun de ces services veille à ce que les personnes condamnées aient accès aux droits et dispositifs destinés à faciliter la réinsertion, il est bien évident que chacun n’intervient que dans son domaine de compétence : l’éducateur pour l’éducation, le médecin pour la santé… Par conséquent, on ne peut pas écrire que ces services veillent chacun en ce qui le concerne à ce que les détenus aient accès à l’ensemble de ses droits. L’accès à l’ensemble des droits et dispositifs résulte au contraire de l’action distincte et cumulée de tous les services publics qui interviennent. Cette rédaction est dans la logique de l’idée selon laquelle il y a concours des services de l’État autres que le service public pénitentiaire.

Je profite de ce que j’ai la parole pour dire que la précision apportée dans cet article touche aux moyens de la vie pénitentiaire et sans doute de la réinsertion. Peut-être cela contraste-t-il un petit peu avec la mesure nouvelle de contrainte pénale. J’ai pour ma part sans aucun état d’âme approuvé le principe de cette mesure, mais je fais partie de ceux qui s’inquiètent un petit peu, madame la garde des sceaux, des moyens de sa mise en œuvre et je saisis l’occasion de le souligner.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis. Vous écoutant, madame la députée, je me disais que le droit est vraiment une discipline vivante. En effet, nous avions eu d’abord l’impression que cette modification ne se justifiait pas tant que cela et que la première rédaction était plus explicite. La présentation de votre amendement a montré d’une façon tout à fait claire que la rédaction que vous proposez est meilleure. Le Gouvernement a donc changé d’avis et est désormais favorable à cet amendement.

(L’amendement n726 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n630.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

(L’amendement n630, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement de coordination n803 du rapporteur.

(L’amendement n803, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 12, amendé, est adopté.)

Après l’article 12 (amendement précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n330 rectifié portant article additionnel après l’article 12.

M. Sergio Coronado. Dans son rapport d’activité de 2013, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a recommandé que la loi permette la domiciliation d’une personne détenue auprès du centre communal ou intercommunal d’action sociale proche du lieu où elle recherche une activité dans le cadre d’une préparation à sa sortie.

Je rappelle que la loi pénitentiaire de 2009 a ouvert la possibilité pour les personnes détenues de se domicilier dans les établissements pénitentiaires afin de faciliter leurs démarches administratives. Le bilan de cette mesure est pour l’instant très réduit : en mai 2012, l’administration pénitentiaire ne dénombrait que 275 domiciliations.

Cet amendement propose de faciliter les démarches de préparation à la sortie des personnes détenues en leur permettant une domiciliation dans un CCAS ou un CIAS, conformément donc à la recommandation du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

M. Guy Geoffroy. C’est un bon amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis favorable à cette amélioration bienvenue. Nous nous interrogeons toutefois quant au risque de surcharge que cela induirait pour les CCAS. Je vous en fais part pour que, le cas échéant, vous ne soyez pas étonné si cette disposition était retravaillée au Sénat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je continue de m’interroger quant aux modalités d’application de l’article 40 dans cette assemblée parce qu’à l’évidence, cette disposition entraînerait un accroissement de la charge publique, comme Mme la garde des sceaux vient de le rappeler. Étant moi-même responsable d’un CIAS, je mesure ce qu’une telle mesure pourrait éventuellement coûter. Mais c’est une remarque de principe qui ne m’empêchera pas de soutenir cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je soutiens cet excellent amendement défendu par Sergio Coronado, car il fait preuve de cohérence et va dans le bon sens. En revanche, je m’interroge sur la rédaction. Il est en effet fait référence au CCAS ou CIAS « le plus proche » du lieu où l’intéressé recherche une activité professionnelle. Mais la définition d’un tel lieu n’est pas évidente !

Je prends l’exemple d’un centre pénitentiaire que je connais bien, qui a été créé en Seine-et-Marne, tout à côté de la commune dont je suis le maire, dans une toute petite commune. Le CCAS est donc également très petit, et il n’existe pas de CIAS. La rédaction actuelle, dans son application en tout cas, puisque nous sommes tous d’accord sur le fond, ne risque-t-elle pas d’entraîner une certaine confusion ? Ne faudrait-il pas demander à nos collègues sénateurs de préciser le contenu de cette très bonne disposition, afin qu’elle soit véritablement applicable, car elle doit l’être ?

M. Sergio Coronado. Il a raison.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. S’agissant de l’article 40, la domiciliation à un CCAS n’engage aucune dépense, de quelque nature que ce soit. Ce n’est qu’une domiciliation, elle n’engage absolument pas la structure à fournir de quelconques prestations. En revanche, elle permet à la personne domiciliée de solliciter l’ensemble de ses droits.

Seul problème, que j’avais d’ailleurs déjà soulevé en commission : la domiciliation à un CCAS relève de la liberté absolue du CCAS et ne peut pas lui être imposée. Qu’il soit communal ou intercommunal, il s’agit d’une faculté qu’il accepte ou non.

M. Guy Geoffroy. C’est pour cela qu’il faut encore travailler.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Se pose dès lors un problème d’efficacité du dispositif, si le CCAS refuse. Le Sénat doit y réfléchir. Sans doute faudra-t-il améliorer la rédaction.

M. Guy Geoffroy. En effet.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaitais que cela soit bien précisé dans nos débats, à destination éventuellement de nos collègues sénateurs.

(L’amendement n330 rectifié est adopté.)

Article 13 (précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement de suppression n233.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

(L’amendement n233, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 13 est adopté.)

Article 14 (précédemment réservé)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques de suppression, nos 234 et 310.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n234.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n310.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 234 et 310, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 14 est adopté.)

Après l’article 14

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n492 portant article additionnel après l’article 14.

M. Sergio Coronado. Cet amendement propose de modifier l’article 145-4 du code de procédure pénale relatif au permis de visite des personnes placées en détention provisoire. Il fait suite à un amendement portant sur l’intérêt de l’enfant que j’avais déposé et qui a été adopté dans le cadre de la loi famille.

Cet article nous semble devoir être modifié sur plusieurs points. D’abord, le a) du 1° de l’amendement propose de supprimer le délai d’un mois pendant lequel le juge n’a pas à justifier son refus de permis de visite à un membre de la famille du détenu, ce délai, d’après moi, ne se justifiant pas. Le b) impose de motiver le refus de permis délivré aux proches des demandeurs et pas seulement aux membres de sa famille.

Le 2° propose de revoir les conditions de motivation et de recours contre la décision de refus sur les permis de visite. Actuellement, la décision du juge d’instruction n’est pas nécessairement écrite ou motivée. Elle est juste notifiée au demandeur qui peut alors la déférer au président de la chambre de l’instruction qui statue dans un délai de cinq jours par une décision écrite et motivée non susceptible de recours. Cette absence de recours expose la France à une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme, comme j’ai eu l’occasion de le souligner en commission, et ne permet pas à la Cour de cassation d’élaborer une jurisprudence stable et claire sur cette question.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable. Outre un défaut d’expertise sur cette question faute de temps, il se peut que la famille de quelqu’un qui fait l’objet d’une détention provisoire ne soit pas elle-même, pour parler avec le plus d’élégance possible, d’une parfaite exemplarité. En raison des nécessités de l’instruction, le juge doit pouvoir faire en sorte qu’il n’y ait pas de contact pendant un mois entre la famille et le détenu.

La situation actuelle me paraît satisfaisante. À défaut d’autre renseignement, je ne vois pas pourquoi un changement s’imposerait, sauf position différente du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous sommes sur la même ligne : avis défavorable. Le juge d’instruction doit être dispensé de fournir une motivation – ce n’est que pour un mois ! Je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Sergio Coronado. D’accord

(L’amendement n492 est retiré.)

Article 15 (précédemment réservé)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n627.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

(L’amendement n627, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel du rapporteur, n805.

(L’amendement n805, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n432.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

(L’amendement n432, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n192 qui fait l’objet d’un sous-amendement n885.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement.

M. Sergio Coronado. J’imagine que M. Poisson va reparler de l’article 40 (Sourires) car cet amendement vise à préciser que l’information de la personne retenue doit se faire dans une langue qu’elle comprend. Cela paraît nécessaire pour garantir son information. Cette disposition existe traditionnellement s’agissant de toute notification de droit.

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement n885.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Sous-amendement rédactionnel. Avis favorable à l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cette modification rédactionnelle est bienvenue et mon avis est également favorable sur l’amendement.

M. Guy Geoffroy. Cela entraînera des dépenses nouvelles !

(Le sous-amendement n885 est adopté.)

(L’amendement n192, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n200, deuxième rectification.

M. Sergio Coronado. Comme le précédent, cet amendement vise à préciser la notification des droits de la personne retenue. Le dispositif actuel est lacunaire. Il ne prévoit pas une notification précise de ces droits – droit de faire prévenir un proche, un employeur ou les autorités consulaires, droit d’être examiné par un médecin et droit d’être assisté par un avocat. Il ne prévoit pas non plus de notifier le droit au silence ni d’informer sur la durée maximale de la mesure.

Il semblerait incohérent de ne pas notifier ces droits alors que nous venons d’adopter une loi qui transpose la directive 2012/13/UE du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales. Les retenus seront donc bien des suspects au sens de la directive.

Il conviendrait également de rajouter le droit à un interprète mais nous ne l’avons pas envisagé dans l’amendement car cela alourdirait la charge publique…

(L’amendement n200, deuxième rectification, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n626.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

(L’amendement n626, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n203.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de géolocalisation et d’écoutes pour les probationnaires, car elle semble disproportionnée.

Si le suivi est actuellement insuffisant, ce n’est pas tant à cause de l’absence de possibilités de recours à des techniques spéciales d’enquête, mais plutôt parce qu’il manque du personnel en nombre suffisant au sein des services pénitentiaires d’insertion et de probation. De plus, ces techniques d’enquête n’ont pas, me semble-t-il, vocation à devenir des outils de contrôle, et les forces de l’ordre ont les plus vives réticences à devenir des agents d’exécution des peines. C’est pourquoi cet amendement propose de revenir sur la disposition adoptée en commission, donc de supprimer les alinéas 24 à 29.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable. Les mesures que vous voulez supprimer, monsieur Coronado, sont importantes pour l’équilibre du texte, et ce pour plusieurs raisons. D’une part, elles sont limitées aux personnes qui sortent de prison et ne concernent donc pas l’ensemble des probationnaires. D’autre part, il ne s’agit pas de personnes qui sortent de prison en fin de peine, mais de personnes qui font l’objet, soit d’une libération conditionnelle, soit d’une libération sous contrainte, soit encore de mesures prises en application de l’article 721-1 du code de procédure pénale, c’est-à-dire des personnes qui ont fait l’objet d’un crédit de réduction de peine et de la procédure prévue pour mettre à leur charge le respect d’une obligation, en échange de la non-révocation de ce crédit de réduction de peine.

Il est important que nous rendions crédible, aux yeux de l’opinion publique, le contrôle que nous souhaitons voir se mettre en place en lieu et place de l’enfermement. Or ce type de contrôle ne peut pas être exercé par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, qui n’ont aucune compétence, ni technique, ni juridique, pour procéder à des écoutes et à de la géolocalisation. Je veux bien que le texte évolue et que l’on y introduise certaines conditions, mais ces dispositions me paraissent très importantes pour l’équilibre général du texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur ces dispositions, nous avons eu des échanges avec le rapporteur, dont nous comprenons parfaitement la démarche : il tient à maintenir un texte équilibré, et nous, nous sommes surtout soucieux de l’efficacité du texte, mais là n’est pas le problème.

Notre interrogation, dont nous avons fait part au rapporteur, porte sur un autre sujet : elle concerne les services de police et de gendarmerie, dont je rappelle que nous avons effectivement tenu à étendre les prérogatives en matière de retenue et de perquisition, sous l’autorité du juge, comme le prévoit notre droit, et que nous avons prévu d’élargir au fichier des personnes recherchées l’inscription des obligations et des interdictions, de façon que les forces de sécurité disposent d’informations de nature à les aider à effectuer un réel contrôle du respect des obligations et des interdictions. Sur la géolocalisation, je dois reconnaître que le rapporteur a travaillé, puisqu’il avait proposé une ou deux rédactions intermédiaires.

Ce qui peut poser question, c’est que cette disposition donne aux forces de sécurité, au stade de l’exécution de la peine, des moyens de contrôle, et en réalité d’enquête, plus étendus que les moyens actuels, en droit, de recherche pour des infractions de droit commun. C’est une vraie interrogation, car je ne crois pas que nous ayons une sécurité juridique complète sur ce point. Le Gouvernement émet donc un avis de sagesse à cet amendement et estime, comme le rapporteur, que la navette parlementaire pourrait être l’occasion de vérifier si la sécurité juridique du dispositif est absolument assurée.

La question n’est pas à prendre à la légère et nous cherchons, sur chaque texte, l’écriture la plus précise possible, car nous sommes constamment exposés aux questions prioritaires de constitutionnalité. Si j’insiste sur la sécurité juridique, c’est parce qu’avec les QPC, il ne suffit plus qu’un acte accompli dans le cadre d’une enquête ou d’une procédure pénale soit conforme à la loi. Lorsque les législateurs écrivent la loi, ils peuvent écrire ce qu’ils veulent, mais aujourd’hui, avec les questions prioritaires de constitutionnalité, on vérifie non seulement la conformité de l’acte avec la loi, mais aussi la conformité de la loi avec la Constitution et la convention. Les législateurs sont donc appelés à davantage de prudence, car même lorsque des enquêteurs accomplissent des actes autorisés par la loi, l’une de nos cours suprêmes ou la Cour européenne peut casser cette procédure.

Mieux vaut donc prendre toutes les précautions nécessaires au moment de l’écriture de la loi, plutôt que d’être confrontés à une annulation de procédure, du fait de la non-conformité de la loi avec la Constitution ou la convention. Ce sont ces réserves qui me conduisent à émettre un avis de sagesse, en sachant que nous allons probablement continuer à travailler sur l’écriture de ces dispositions.

(L’amendement n203 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n157.

M. Sergio Coronado. Défendu.

(L’amendement n157, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n164.

M. Sergio Coronado. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable, mais dans le même esprit que pour l’amendement n203, je propose que l’on continue de réfléchir à ces questions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable, monsieur le président, mais je partage l’avis du rapporteur.

(L’amendement n164 n’est pas adopté.)

(L’article 15, amendé, est adopté.)

Article 15 bis (précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 15 bis, je suis saisi par M. le rapporteur d’un amendement de coordination, n806.

(L’amendement n806, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 15 bis, amendé, est adopté.)

Article 15 ter (précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 15 ter, se suis saisi de deux amendements de suppression, nos 204 et 235.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n204.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à supprimer l’article 15 ter, adopté en commission, qui ouvre aux officiers de police judiciaire la possibilité de recourir à la transaction pénale pour certaines infractions.

D’abord, cette composition pénale simplifiée n’est en l’état pas encadrée par un juge indépendant et la transaction ne reçoit qu’une homologation par le procureur de la République. Ensuite, il n’est prévu à aucun moment dans l’article que l’avocat doive être obligatoirement présent durant cette procédure de transaction. Le droit à ne pas s’auto-incriminer, inhérent à la présomption d’innocence, ne semble pas non plus respecté, car nous n’avons aucune garantie sur le fait qu’en cas d’échec d’homologation de la transaction, il n’y ait pas une mise en cause dans le procès-verbal.

Contrairement aux magistrats, les officiers de police judiciaire ne peuvent se fonder sur le casier judiciaire, mais seulement sur les fichiers de police, qui restent lacunaires. Par ailleurs, vu l’évolution des procédures de comparution immédiate et de reconnaissance préalable de culpabilité, le critère initial d’infraction de faible gravité n’apparaît pas comme un garde-fou suffisant. Le recours au décret pour fixer les modalités d’application semble également relever de l’incompétence négative du législateur.

Enfin, le droit pénal est d’interprétation stricte ; dès lors, comment évaluer la valeur qui sera fixée par décret, valeur d’acquisition ou valeur actuelle ? Qui va l’évaluer ? Un expert ou d’autres personnes ? Il me semble que la voie d’une correctionnalisation de certains de ces délits devrait être privilégiée, notamment en cas de première infraction.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n235.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à ces amendements de suppression. S’agissant de l’amendement de M. Coronado – et peut-être y aura-t-il là une divergence avec le Gouvernement –, je crois que nous pouvons conserver la position qui a été la nôtre jusqu’à présent : je maintiens l’avis défavorable, en m’engageant à réfléchir à cette question dans le cadre de la navette parlementaire, ou plus exactement lors de la poursuite du processus parlementaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il y a là un vrai sujet, c’est vrai, mais je suis sur la même ligne que le rapporteur et j’estime que cette question devra être retravaillée dans le cadre de la navette parlementaire. Il est vrai que le texte peut être perçu comme un transfert de l’action publique à la police, et qu’il s’agit là d’un vrai sujet. Je propose néanmoins de ne pas régler le problème au travers de cet amendement, mais d’approfondir la question au cours de la navette.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Blazy.

M. Jean-Pierre Blazy. C’est un vrai sujet, en effet, et je voudrais vous signaler que la mission d’information sur la lutte contre l’insécurité sur l’ensemble du territoire, qui travaille depuis quelque temps maintenant, y réfléchit aussi. Il faut bien voir que la justice est souvent encombrée – elle le dit elle-même – et que sur des délits de faible gravité, ou de faible intensité, on peut envisager, de façon encadrée – c’est la proposition du rapporteur – le principe de la transaction pénale par un officier de police judiciaire.

Sur un certain nombre d’infractions, encore une fois de faible intensité, on pourrait ainsi avoir des sanctions plus rapides et plus efficaces, qui contribueraient à prévenir la réitération. Il y a là une piste, et peut-être d’autres pistes pourraient-elles être trouvées, y compris par la voie de la contraventionnalisation de certains délits…

M. Jean-Frédéric Poisson. Exact !

M. Jean-Pierre Blazy. …ou même de l’instauration de mesures extrajudiciaires, sur le modèle de ce qui se fait au Québec, en particulier.

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Jean-Pierre Blazy. Il faudrait que nous soyons un peu innovants en la matière.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Pour ma part, je suis favorable à cet amendement, s’il est maintenu, car je pense moi aussi que tout cela manque d’encadrement. Si l’on veut y réfléchir, on peut aussi créer un nouvel article dans la suite de la discussion. L’innovation a tout de même des limites dans ces matières et j’ai un peu de mal à laisser passer l’idée d’élargir la transaction pénale aux officiers de police judiciaire, sans plus d’encadrement que cela, même à cette heure tardive.

M. Sergio Coronado. Merci !

M. Jean-Frédéric Poisson. Votre vigilance n’est pas entamée, chère collègue !

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon.

Mme Elisabeth Pochon. Peut-être y a-t-il des choses à revoir sur la forme, mais sur le fond, les missions que nous menons et nos visites sur le terrain nous ont montré que les avis sont unanimes sur la nécessité d’imaginer, peut-être pas cette forme de transaction, mais quelque chose qui y ressemble, une contraventionnalisation en tous les cas, qui pourrait également permettre à nos magistrats de retrouver du temps pour rendre encore mieux la justice et être débarrassés des petites choses qui empoisonnent leur quotidien.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Là dessus, on peut être d’accord, et c’était d’ailleurs l’une des propositions du rapport sur la surpopulation carcérale que de transformer certains délits en contravention, mais ce n’est pas le choix qui a été fait par le Gouvernement.

Mon amendement, de toute façon, ne porte pas là-dessus, mais sur la mise en place d’une transaction qui n’est pas encadrée. C’est cela qui me pose vraiment un problème, car la personne qui participe à la transaction n’a même pas la garantie d’être défendue par un avocat !

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. En la matière, je ne suis pas gêné par le fait qu’un tel dispositif soit mis en place. Il ne s’agit pas ici de délits, mais de contraventions. Je voudrais par ailleurs rappeler à tout le monde que dans les tribunaux de police, ce sont les policiers qui exercent le ministère public.

(Les amendements identiques nos 204 et 235 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n435.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

(L’amendement n435, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n807 de M. le rapporteur est rédactionnel.

(L’amendement n807, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 15 ter, amendé, est adopté.)

Article 15 quater (précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 15 quater, je suis saisi d’un amendement n436.

La parole est à M. Georges Fenech, pour le soutenir.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

(L’amendement n436, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n804 de M. le rapporteur est rédactionnel.

(L’amendement n804, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 15 quater, amendé, est adopté.)

Article 15 quinquies (précédemment réservé)

(L’article 15 quinquies est adopté.)

Article 15 sexies (précédemment réservé)

(L’article 15 sexies est adopté.)

Article 16 (précédemment réservé)

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 16.

La parole est à Mme Elisabeth Pochon.

Mme Elisabeth Pochon. Cet article consacre la libération sous contrainte et nous ne pouvons pas passer sous silence l’avancée qu’il représente. Nous ne voulons plus que des détenus puissent sortir de prison sans y avoir été préparés.

Cet article prévoit l’examen obligatoire de la situation des personnes détenues aux deux tiers de leur peine, et non pas une sortie automatique comme nous l’entendons dire parfois. Dès lors, essayons d’oublier ce que l’on a pu appeler les sorties sèches, qui sont à l’origine des récidives et expliquent pourquoi nous ne sommes toujours pas parvenus à les endiguer. Nous espérons y parvenir enfin. Souhaitons que, sur tous ces bancs, se trouvent des personnes pour apprécier cette mesure.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Il me semble au contraire qu’il faut toujours laisser sa liberté d’appréciation au juge d’application des peines pour décider d’une libération conditionnelle sans l’obliger à procéder automatiquement à un examen aux deux tiers de la peine, lequel se traduit en réalité par un examen à la mi-peine si on tient compte des réductions de peine. De surcroît, aucune distinction n’est faite entre les primodélinquants et les récidivistes. Ce texte s’inscrit dans une logique laxiste à laquelle nous nous opposons depuis le début.

M. le président. Sur cet article, je suis d’abord saisi de deux amendements identiques, nos 236 et 311.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n236.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n311.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 236 et 311, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n396.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n396, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n680.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement vise à réduire de cinq à deux le quantum des peines susceptibles de voir un examen de libération conditionnelle aux trois quarts de la durée de peine. C’est un amendement de repli par rapport à notre position initiale.

(L’amendement n680, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n677.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je reviens sur ce sujet car le Gouvernement ne semble pas avoir entendu. Les violences physiques volontaires devraient être traitées différemment des autres infractions en raison de la gravité du fait en tant que tel, du danger qu’il peut représenter pour autrui. Tel est l’objet de cet amendement de repli.

(L’amendement n677, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n174.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à imposer l’audition de la personne libérable avant le prononcé de la libération sous contrainte, et je suis parfaitement d’accord avec l’intervention de Mme Pochon. Nous avons un souci, celui de préparer la libération sous contrainte, et cette audition me semble indispensable afin d’adapter au mieux les mesures prononcées et de permettre la réussite de cette libération.

De surcroît, la présence du détenu au moment de la fixation de l’aménagement est indispensable pour permettre qu’il accepte et se conforme aux obligations prononcées. Cette audition est un préalable à la réussite de l’encadrement de la sortie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable car cet amendement est satisfait par les mesures adoptées. Le juge peut en effet demander l’audition de la personne, qui peut transmettre des observations par l’intermédiaire de son avocat ou par écrit.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous proposons d’en rester au fonctionnement actuel de la commission d’application des peines puisque l’audition du détenu reste facultative. L’alinéa 5 de l’article 16, monsieur Coronado, vous donne satisfaction. Je vous propose de le retirer.

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado.

M. Sergio Coronado. Je le retire.

(L’amendement n174 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n694.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n694, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n175.

M. Sergio Coronado. Cet amendement vise à permettre aux détenus qui le souhaiteraient de refuser une mesure de libération sous contrainte. Il semble contraire au droit des personnes d’imposer une libération sous contrainte qui ne pourrait, dans ce cas, conduire à une réinsertion réussie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. La commission avait émis un avis défavorable. Celui du Gouvernement est plus nuancé eu égard au risque juridique. Je mesure l’existence de ce risque, aussi y suis-je favorable à titre personnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Suite à une décision du Conseil constitutionnel de 2004, il nous semble plus prudent, en effet, de rendre un avis favorable à cet amendement.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est donc un amendement de sécurisation !

(L’amendement n175 est adopté.)

(L’article 16, amendé, est adopté.)

Article 16 bis (précédemment réservé)

(L’article 16 bis est adopté.)

Article 16 ter (précédemment réservé)

(L’article 16 ter est adopté.)

Article 17 (précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 17, je suis saisi de deux amendements identiques de suppression, nos 237 et 312.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n237.

M. Georges Fenech. Bien que Mme la garde des sceaux a toujours soutenu que ce texte ne concernait pas les crimes, nous sommes en présence d’un article qui s’y rapporte puisqu’il tend à permettre une libération aux deux tiers, ce qui rendrait possible la libération sous contrainte, compte tenu des réductions de peine, dès dix-huit ans de détention. Si l’on ajoute la prochaine suppression, si j’ai bien compris, de la rétention de sûreté, des tueurs en série pourront bénéficier d’une libération sous contrainte dès dix-huit ans de détention. Ce texte particulièrement dangereux s’inscrit dans une logique extrêmement laxiste.

Mme Anne-Yvonne Le Dain.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n312.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis. Je suis obligée de corriger les propos de M. Fenech en l’invitant à prendre le temps de lire la disposition et à tenir compte de ce que j’ai dit il y a à peine deux heures, à propos de l’amendement relatif à la rétention de sûreté : le texte ne concerne pas les longues peines, en dehors de l’examen de la situation de tous les condamnés détenus aux deux tiers de leur peine. Ne prétendez donc pas que j’affirme qu’il n’y a dans ce texte aucune disposition relative aux crimes. Pour autant, cela n’en fait pas un texte relatif aux crimes et aux longues peines.

Je vous invite à lire les articles 16 et 17 car les dispositions n’y sont pas les mêmes. Déjà cet après-midi, vous nous avez annoncé avoir appris par Le Figaro l’existence d’un amendement alors qu’il est déposé depuis trois jours. De même que vous avez manqué de temps pour en prendre connaissance, peut-être avez-vous aussi manqué de temps pour lire l’article 17, qui n’est pas comparable à l’article 16 !

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. J’ai bien entendu que la commission et le Gouvernement avaient donné un avis défavorable à ces deux amendements, et je le regrette. Mais qu’il me soit permis de noter, une fois de plus, que ceux qui défendent ce texte au nom du refus des automatismes sont vraiment, quand cela les intéresse, les chantres et les rois des automatismes !

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Malgré l’heure tardive, on ne peut pas faire dire à ce projet de loi ce qu’il ne dit pas ! Je n’aurai pas l’inélégance d’inviter encore à le lire, mais je le répète, il n’y a aucun automatisme à l’article 17,…

M. Guy Geoffroy. Bien sûr que si !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …pas plus qu’à l’article 16.

Nous ne faisons pas semblant de vouloir combattre et prévenir la récidive. L’article 17 prévoit un examen obligatoire des longues peines aux deux tiers de leur exécution, mais la commission d’application des peines statue librement ; dans sa liberté, elle a la faculté de décider le maintien en détention de la personne incarcérée. Il n’y a donc pas d’automatisme : il ne faut pas en voir, même à quatre heures du matin – d’ailleurs, je pense qu’il n’est pas encore quatre heures…

M. le président. Pas encore, madame la garde des sceaux.

M. Guy Geoffroy. Il n’est que deux heures et demie ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Mme la garde des sceaux m’a invité à lire l’article 17 : « Si la personne a été condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité, ce débat intervient à l’issue de la dix-huitième année de détention. »

M. Guy Geoffroy. Et voilà ! C’est dans le texte !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Oui, et alors ?

M. Guy Geoffroy. Vous avez dit que cela n’y figurait pas !

Mme Christiane Taubira, Garde des sceaux et M. Jean-Yves Le Bouillonnec, Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est le débat qui intervient à l’issue de la dix-huitième année de détention, pas la libération de la personne incarcérée !

M. Guy Geoffroy. Le débat est automatique : je fais remarquer que ce texte ajoute des automatismes !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Manifestement, monsieur Geoffroy, l’automatisme des débats est une chose que nous partageons ici ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Chers collègues de l’opposition, je veux appeler votre attention sur une mesure beaucoup plus grave, à laquelle vous avez échappé : si j’avais écrit le projet de loi tout seul, j’aurais prévu une libération conditionnelle automatique aux deux tiers de l’exécution de la peine. C’est précisément pour que l’on ne nous reproche pas un culte des automatismes que j’y ai renoncé, à regret.

M. Guy Geoffroy. Ça, c’est un peu scabreux !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. L’article 17 ne prévoit pas d’automatisme. Et si vous considérez quand même qu’il s’agit d’un automatisme, vous pouvez vous en féliciter.

M. Guy Geoffroy. C’est un automatisme putatif !

(Les amendements identiques nos 237 et 312 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n398.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

(L’amendement n398, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n622.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu également.

(L’amendement n622, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n808.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Cet amendement vise à pallier une difficulté et à faire en sorte que la période de sûreté soit respectée. Lorsqu’une condamnation à perpétuité est prononcée avec une période de sûreté de vingt-deux ans, la libération sous contrainte ne doit pouvoir intervenir qu’à la fin de la période de sûreté. Cela répond à l’objection faite tout à l’heure par M. Fenech : la période de sûreté n’est pas abaissée à dix-huit ans mais demeure fixée à vingt-deux ans.

M. Georges Fenech. Heureusement !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Monsieur Fenech, vous ne pouvez pas vous plaindre de tout ! Vous vous plaigniez tout à l’heure qu’on ne respectait pas la période de sûreté. Or je vous dis maintenant qu’on la respecte : vous devriez être content !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. On a du mal à réjouir M. Fenech ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech.

M. Georges Fenech. Monsieur le rapporteur, imaginez qu’une cour d’assises, rendant la justice au nom du peuple souverain, prévoie une période de sûreté de vingt-deux ans. Voudriez-vous revenir sur cette période de sûreté décidée par un jury souverain ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Non ! C’est pour cela que je ne l’ai pas fait !

M. Georges Fenech. Heureusement. Et ne venez pas nous dire que vous auriez pu le faire !

Plusieurs députés du groupe SRC. M. Fenech n’est jamais content !

M. Georges Fenech. C’est vrai, je ne serai jamais content ! (Sourires.)

(L’amendement n808 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n716.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

(L’amendement n716, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n709.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu également.

(L’amendement n709, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 17, amendé, est adopté.)

Articles 17 bis et 17 ter (précédemment réservés)

(Les articles 17 bis et 17 ter sont successivement adoptés.)

Article 18 (précédemment réservé)

M. le président. Sur l’article 18, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 238 et 313, tendant à supprimer l’article 18.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n238.

M. Georges Fenech. Suppression de cohérence avec les amendements de suppression des articles 16 et 17.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n313.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(Les amendements identiques nos 238 et 313, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 18 est adopté.)

Articles 18 bis et 18 ter (précédemment réservés)

(Les articles 18 bis et 18 ter sont successivement adoptés.)

Article 18 quater

M. le président. Nous en venons à l’article 18 quater.

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n845 deuxième rectification.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement concerne la « contribution victimes ». Il s’agit de l’aboutissement d’un travail que nous avons effectué ensemble, et par lequel nous pouvons considérer que nous franchissons une étape significative.

Votre commission a introduit dans le projet de loi un article 18 quater instaurant une contribution pour l’aide aux victimes. J’avais déjà indiqué que le Gouvernement présenterait un amendement pour en préciser le champ d’application : c’est ce que fait cet amendement n845 deuxième rectification.

Nous voulons limiter la sur-amende prévue par l’article 18 quater aux décisions prononcées par les juridictions répressives, car nous souhaitons préserver la nature rétributive de ce prélèvement qui doit alimenter le budget de l’aide aux victimes. Nous avons obtenu un arbitrage gouvernemental fixant à 8 % le taux de cette sur-amende. Par ailleurs, en dépit des principes d’universalité du budget de l’État et de non-affectation des recettes, le Gouvernement a décidé que le budget de l’aide aux victimes serait provisionné à concurrence de la recette générée par ce prélèvement de 8 % sur les amendes prononcées par des juridictions répressives.

Cet amendement vise donc à préciser le champ d’application et le taux de cette sur-amende ; j’y ajoute l’engagement du Gouvernement que je viens de détailler, consistant à alimenter le budget de l’aide aux victimes destiné aux associations, qui effectuent sur le terrain un travail considérable, et auxquelles nous n’avons pas souvent l’opportunité de rendre hommage – je sais, mesdames et messieurs les députés, que vous le faites dans vos circonscriptions respectives, où vous avez identifié les associations concernées, mais il est bon de saluer à l’échelle nationale le travail de très grande qualité réalisé par ces associations,…

M. Jean-Pierre Blazy. Absolument !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …en particulier, bien entendu, par la fédération INAVEM.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous sommes d’accord !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n845 deuxième rectification et pour présenter les amendements nos 809 et 810, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. La commission est admirative devant la qualité du travail effectué dans le cadre de cette discussion intergouvernementale. Je veux vous faire part d’un petit regret et de deux observations.

En premier lieu, je regrette que soient exclues du champ d’application de l’article 18 quater les amendes prononcées par l’Autorité des marchés financiers, l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de contrôle prudentiel et l’Autorité de régulation des jeux en ligne. La manne financière correspondante est extrêmement importante, car il s’agit de délinquants extrêmement fortunés.

M. Jean-Pierre Blazy. Des délinquants en col blanc ! Ils dépassent les plafonds !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Ah ! Ceux-là, il fallait les exonérer !

M. Georges Fenech et M. Guy Geoffroy. Vous parlez de Cahuzac ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Rêvons un peu. Si, par extraordinaire, la banque Goldman Sachs, dont il se dit qu’elle a aidé la Grèce à trafiquer ses comptes au moment de son entrée dans la zone euro, était poursuivie au même titre que BNP Paribas l’est aujourd’hui par les autorités américaines, les victimes françaises pourraient percevoir une partie de l’amende payée par la banque…

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela représenterait vingt-trois ans de budget de la justice ! (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis preneuse !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Vingt-trois ans ? Il y a là quelque chose qui me réjouirait énormément !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous ne seriez pas le seul à vous réjouir ! Ce serait une jouissance collective !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Ce serait une jouissance collective, en effet.

M. Sergio Coronado. Ah, vous voulez vous attaquer à la finance !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est un engagement du Président de la République, monsieur Coronado ! L’engagement n1314, peut-être ? (Sourires.)

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Il faudrait sans doute partager cette manne financière avec les victimes et les consommateurs. Il serait donc opportun de poursuivre la réflexion sur ce sujet, en lien avec le Sénat : nous trouverions là quelque chose de profitable.

Les personnes condamnées par les tribunaux correctionnels sont des délinquants, des gens malhonnêtes, mais pas toujours extrêmement fortunés. Il me semblerait donc curieux de nous contenter de poursuivre uniquement ces personnes, et non celles condamnées par les autorités administratives indépendantes.

J’ajoute deux observations complémentaires. Je ne suis pas persuadé qu’il soit opportun de prévoir une sur-amende sur les amendes de stationnement et sur les petites amendes forfaitaires. Faut-il exclure du champ d’application de l’article 18 quater toutes les amendes contraventionnelles, ou devons-nous nous contenter d’exclure les amendes forfaitaires ? À ce propos, j’ai déposé les deux amendements nos 809 et 810.

Pour résumer, je suis défavorable à l’exclusion des amendes prononcées par les autorités administratives indépendantes, et j’appelle à une poursuite du travail parlementaire sur cette question. En outre, je vous invite à adopter mon amendement n810 visant à exclure du champ d’application de la sur-amende les contraventions faisant l’objet d’une amende forfaitaire. Ai-je été clair ? Pas vraiment, semble-t-il ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. « Ni pour ni contre, bien au contraire ! »

M. le président. Monsieur le rapporteur, permettez-moi de ne pas reformuler moi-même votre intervention : ce serait difficile ! Je vous laisse le faire vous-même.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Premièrement, je suis défavorable à l’amendement n845 deuxième rectification du Gouvernement, et j’appelle à une poursuite de la réflexion.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est une déclaration d’hostilité ! (Sourires.)

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Pas du tout, madame la garde des sceaux. Deuxièmement, j’invite notre assemblée à adopter mon amendement n810, qui vise à exclure uniquement les amendes forfaitaires. Je retirerai l’amendement n809.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est clair, maintenant !

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Nieson.

Mme Nathalie Nieson. Sur les questions d’aide aux victimes, il y a ceux qui parlent et ceux qui agissent.

M. Georges Fenech. À qui faites-vous allusion ?

Mme Nathalie Nieson. Tout au long de ce débat, nous avons pu constater que les députés de la droite s’étaient fait, à de nombreuses reprises, les porte-paroles des victimes : ils en ont beaucoup parlé dans cet hémicycle, à cette tribune politique. Pour autant, lorsqu’ils étaient aux affaires, ils n’ont pas agi en faveur des victimes.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est trois heures du matin, madame Nieson !

Mme Nathalie Nieson. Preuve en est, la diminution des financements pour les associations d’aide aux victimes. À l’occasion de l’examen de cet amendement, je tiens à remercier l’action de Mme la garde des sceaux. Depuis qu’elle est en fonction, elle n’a cessé d’agir en faveur des associations d’aide aux victimes. Elle les a rencontrées à plusieurs reprises et a su répondre à leurs demandes en réabondant la ligne budgétaire les concernant. Elle a développé les bureaux d’aide aux victimes, a su être à l’écoute et a mis en place cette contribution destinée aux victimes. Je tenais à l’en remercier très solennellement.

Par ailleurs, je suis totalement en phase avec les propos du rapporteur. Je le suivrai dans son vote sur l’amendement ainsi que sur ses propres amendements.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai de multiples défauts,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais non ! (Sourires.)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …que j’assume parfaitement – de surcroît, je les aime !(Sourires.)

M. Guy Geoffroy. C’est une marque de fabrique !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais il en est un auquel je suis absolument imperméable, monsieur le député, c’est l’envie, même si je dois avouer en l’occurrence des élans de convoitise à l’égard de certaines potentialités financières – je comprends à cet égard le rapporteur ! Mais la difficulté avec les amendes administratives, c’est, selon le Conseil constitutionnel, le lien direct entre la recette et sa destination.

Si nous pouvions, comme le disait M. Poisson en boutade, élargir l’assiette à ce point, c’est le budget de la justice tout entier que nous multiplierions par vingt-trois, et je suis prête à le faire dès l’année budgétaire qui vient !

M. Jean-Frédéric Poisson. J’émets des réserves sur les chiffres.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Offrons-nous au moins juste cette nuit, puisqu’il se présente à nous, le plaisir de la délectation de ce chiffre, sachant que sa vie est éphémère !

Nous avons prévu d’exclure un certain nombre de contraventions, de première et de quatrième classe – je ne vais pas vous importuner avec les éléments techniques –, et je vous remercie, madame Nieson, pour le travail que vous avez accompli. Cela fait des mois que nous bataillons pour aboutir à ce résultat.

Je prends acte du fait qu’il ne vous satisfait pas, et je ne prétendrais pas qu’il me réjouit jusqu’à l’euphorie, mais je sais quelle conquête il représente. Si nous pouvons avancer ensemble, j’en suis d’accord. L’accumulation d’énergie et une convergence stratégique sont bienvenues de façon à améliorer le potentiel de recettes pour l’aide aux victimes.

Si depuis 2012, j’ai exprimé le souci de trouver des recettes diversifiées pour alimenter le budget de l’aide aux victimes, c’est parce que j’ai parfaitement conscience comme vous-mêmes, parlementaires qui votez le budget de l’État, des limites objectives de ce budget et, en même temps, de la nécessité de poursuivre les efforts en faveur des victimes en donnant aux associations les moyens d’agir, d’accueillir et de suivre davantage de victimes, de faire en sorte que les fonds d’indemnisation soient mieux alimentés. On doit en effet réfléchir à la réparation intégrale d’un certain nombre de préjudices qui sont aujourd’hui exclus, mais qui sont devenus en quelque sorte des préjudices de masse. Il est donc nécessaire de faciliter les procédures, d’élargir le champ de réparation intégrale.

De nombreuses victimes ne sont pas prises en charge par les associations car elles n’effectuent pas les démarches. Il faut donner aux associations les moyens d’être encore plus volontaristes et d’aider les victimes à accéder à l’aide.

Il faut vraiment trouver des moyens et ce n’est pas le budget de l’État qui peut les fournir. Grâce au travail de grande qualité fourni par Mme Nieson, nous avons franchi une étape non seulement par le biais de la mission, mais également au sein du Conseil national de l’aide aux victimes où vous êtes très assidue, madame la députée. Je suis d’accord pour que nous poursuivions le travail et que nous convainquions ensemble ceux qui déterminent de façon assez résolue les contours des assiettes pour les prélèvements d’amendes.

(L’amendement n845 deuxième rectification n’est pas adopté.)

(L’amendement n809 est retiré.)

(L’amendement n810 est adopté.)

(L’article 18 quater, amendé, est adopté.)

Article 18 quinquies

M. le président. Sur l’article 18 quinquies, je suis saisi d’un amendement n6.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour le soutenir

M. Sergio Coronado. S’agissant de la suspension médicale de la détention provisoire, l’amendement – sachant qu’en commission, nous avons repris une proposition de loi adoptée au Sénat à l’initiative du groupe écologiste – tend à supprimer la référence au risque grave de renouvellement de l’infraction. Cette précision n’est pas pertinente concernant la suspension de la détention provisoire : elle est en effet contraire au principe de présomption d’innocence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. L’amendement a été repoussé par la commission.

Le risque de renouvellement de l’infraction fait partie des motifs qui permettent le placement en détention provisoire. Cela ne me semble donc pas être une atteinte à la présomption d’innocence. Je rappelle d’ailleurs que ce motif avait été introduit par une sénatrice appartenant au même groupe que M. Coronado.

M. Sergio Coronado. Mme Benbassa, avec qui on n’est pas toujours d’accord. (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas possible !

M. Guy Geoffroy. Cela devient compliqué !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est votre M. Lecerf à vous !

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Quoi qu’il en soit, la référence en question ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sur ces sujets, le Sénat fournit un travail assidu depuis deux ans. Il sait de quoi il parle !

L’avis du Gouvernement est défavorable à l’amendement parce qu’il faut tenir compte des nécessités de l’ordre public. Peut-être pourriez-vous le retirer, monsieur le député.

M. Sergio Coronado. Je le retire.

(L’amendement n6 est retiré.)

(L’article 18 quinquies est adopté.)

Après l’article 18 quinquies

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 177 et 816 rectifié, portant articles additionnels après l’article 18 quinquies et qui peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour soutenir l’amendement n177.

M. Sergio Coronado. L’amendement vise à réduire le nombre d’expertises médicales nécessaire à la suspension de peine des détenus condamnés. En effet, dans le dispositif proposé par le présent article pour la suspension médicale de détention provisoire, une unique expertise est nécessaire.

Il s’agit d’être cohérent et de supprimer également pour la suspension médicale de peine, l’expertise supplémentaire exigée. Cette expertise est en effet souvent inutile, mais délicate à obtenir, notamment pour les détenus gravement malades.

M. le président. La parole est à Mme Colette Capdevielle, pour soutenir l’amendement n816 rectifié.

Mme Colette Capdevielle. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Je me demande si l’amendement de Mme Capdevielle ne pourrait pas être retiré au profit de celui de M. Coronado.

Mme Colette Capdevielle. Son amendement est en effet meilleur.

(L’amendement n816 rectifié est retiré.)

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Dans ce cas, la commission donne simplement un avis favorable à l’amendement n177 de M. Coronado.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis favorable à l’amendement de M. Coronado, dont les dispositions se justifient pleinement. Avec ma collègue Marisol Touraine, chargée des affaires sociales et de la santé, nous avons, le 1er décembre 2012, mis en place un groupe de travail dont les conclusions se révèlent d’ailleurs conformes aux dispositions contenues dans une proposition de loi adoptée par le Sénat.

(L’amendement n177 est adopté.)

Article 19 A

M. le président. Sur l’article 19 A, je suis saisi de l’amendement n389.

La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour le soutenir.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. L’amendement vise à envoyer un message fort en direction des auteurs d’accidents de la route causés par des conducteurs sous l’emprise de l’alcool ou de drogues. Dans la législation actuelle, ces faits relèvent de l’homicide involontaire. Les peines peuvent être importantes, mais s’apparentent à celles que peuvent encourir les propriétaires de chiens qui ont provoqué des incidents.

En 2013, on a dénombré 3 268 morts sur les routes contre 3 653 en 2012. En deux ans, la baisse a été importante avec 385 vies épargnées, soit la plus forte baisse depuis 2006. Depuis 2014 cependant, on observe une nouvelle hausse des victimes : le combat est donc infini, même si un effort considérable a été accompli depuis 1982, où l’on dénombrait 18 000 morts.

L’alcool au volant est responsable de 31 % des cas de mortalité, de conducteurs ou de personnes qui n’y étaient pour rien. Le cannabis est responsable de 14,5 % des décès. Avec la prise de cannabis, on augmente par deux le risque de tuer quelqu’un. Avec le cannabis associé à l’alcool, le risque est multiplié par 14. « Alcool ou cannabis au volant = mort au tournant ! », telle est bien la réalité !

Aujourd’hui, le droit doit dire clairement que la notion d’homicide involontaire ne doit pas occulter le fait que l’on a eu la volonté de prendre le volant sous l’emprise d’alcool ou de stupéfiants. Tel est le sens de l’amendement que je présente : « Le fait d’avoir causé la mort d’autrui du fait de la conduite d’un véhicule en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants est qualifié d’homicide par altération volontaire du discernement, ce qui constitue une circonstance aggravante, telle que déjà précisée dans le code pénal au titre de l’homicide involontaire. »

Il s’agit, dans la notion d’homicide involontaire, de prendre en compte la volonté de celui qui, après avoir bu de l’alcool ou pris des substances illicites – lesquels altèrent le jugement –, décide néanmoins de prendre le volant.

Ce message, qui ne coûte rien, permet de dire aux victimes que même si l’homicide involontaire est retenu, c’est dans un état d’altération volontaire de son discernement que la personne qui a tué a décidé de prendre le volant.

Dans ces temps difficiles, il importe que la loi prête attention aux victimes. En l’état actuel du droit, je le répète, les amendes, les peines encourues sont de même nature qu’une personne ait commis un homicide involontaire en ayant délibérément pris son véhicule après avoir consommé de l’alcool ou de la drogue ou qu’elle ait mal tenu son chien en laisse. Or il y a une différence importante entre les deux cas et cette différence appelle la force des symboles. C’est le sens de la formulation d’« homicide involontaire par altération volontaire de conscience » que j’ai souhaité établir à travers cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable bien que nuancé. Les proches d’une victime d’un accident de la circulation comprennent toujours mal que la mort soit qualifiée d’ « homicide involontaire » car elles ont toujours le réflexe de dire que la personne qui a tué a bu volontairement. Une difficulté se pose toutefois : s’agissant d’une circonstance aggravante, il faudrait l’intégrer dans l’article 221-6 du code pénal qui justement les énumère, ce qui est impossible en l’état. Il nous faut réfléchir à une solution.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est un sujet, difficile, auquel le Gouvernement est très sensible. Pour les familles des victimes, cela a quelque chose de terrible.

Le droit pénal tient compte de la notion d’intention pour la détermination des sanctions, mais il est difficile de concilier cette notion d’intention – la part de responsabilité qu’il y a dans l’état d’ébriété – et le fait que l’acte ayant abouti à l’homicide n’est en lui-même ni volontaire ni intentionnel. Telle est la difficulté que l’amendement tente de combler.

Le sujet est délicat – nous l’avons vu lorsque Jean-Pierre Blazy évoquait la possibilité de déjudiciariser certains contentieux, de contraventionnaliser et d’innover pour améliorer le fonctionnement des juridictions, aspect auquel je suis plus sensible que chacun d’entre vous ici. Pour autant, je n’aime pas déjudiciariser, je le dis très clairement, car il ne s’agit jamais de sortir d’un cadre juridique ou d’un cadre judiciaire ; il s’agit de travailler sur des procédures afin de les alléger et les assouplir de façon à éviter des encombrements inutiles et non justifiés dans les juridictions.

Nous avons beaucoup travaillé sur la question des délits routiers. Aussi bien le rapporteur que moi-même avons une forte réticence à l’égard de l’assouplissement des procédures concernant ces délits, justement parce qu’ils renvoient aux homicides involontaires.

Je partage votre volonté, madame la députée, mais compte tenu des principes d’organisation et d’écriture du droit pénal, il paraît difficile d’intégrer votre amendement au code pénal. Je vous propose d’y retravailler avec vous dans le cadre de la navette. Je comprends qu’il soit important d’arriver à parler aux familles de quelque chose de plus que l’homicide involontaire.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je vous remercie, madame la ministre, de cette main tendue. Je voudrais toutefois insister sur mon argumentation. Le code pénal prévoit que le fait de causer la mort d’autrui peut intervenir « par maladresse, imprudence, inattention, négligence » – ce que l’on peut assimiler à des péchés véniels – ou par « manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » – ce qui s’apparente à un péché par omission. Dans la zone intermédiaire entre l’involontaire et la volonté, il manque des mots qui fassent sens. C’est pourquoi j’ai déposé par la suite plusieurs amendements – pardonnez-moi, monsieur le président, madame la garde des sceaux de les présenter dès à présent – qui tendent notamment à introduire, entre d’une part, la maladresse, l’imprudence, l’inattention et la négligence, et, d’autre part, le manquement à une obligation, la notion « de prise d’un risque connu de son auteur et qu’il ne pouvait ignorer du fait du non-respect des lois réprimant l’alcoolémie au volant ou l’usage de substances illicites au volant ». Cette simple rédaction permet d’éviter d’introduire cette notion de volonté sur laquelle il m’est demandé de travailler.

M. le président. Retirez-vous votre amendement n389, madame Le Dain ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je le retire, monsieur le président, et je ferai d’ailleurs de même, à mon grand regret, avec les suivants qui portent articles additionnels après l’article 19 A. Je saisis la main tendue par Mme la ministre afin de travailler ensemble pour trouver une solution et accentuer la force des mots et des symboles. Comme vous le savez sans doute, il n’est d’éthique que de bien dire.

(L’amendement n389 est retiré.)

(L’article 19 A est adopté.)

Après l’article 19 A

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 205, 731, 515, 206, 210 et 208 rectifié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée, mais que vous retirez, je crois, madame Le Dain ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. En effet.

(Les amendements nos 205, 731, 515, 206, 210 et 208 rectifié sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n615 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu !

(L’amendement n615 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 604, 209, 673 et 689, qui sont également retirés, madame Le Dain ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Oui, monsieur le président.

(Les amendements nos 604, 209, 673 et 689 sont retirés.)

Article 19

M. le président. Sur l’article 19, je suis saisi de deux amendements identiques, nos 239 et 314.

La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n239.

M. Georges Fenech. Je défends cet amendement en appelant l’attention du Gouvernement sur les conséquences de ce dispositif : il représentera en effet environ 30 % des incarcérations qui seront prononcées dorénavant par le juge d’application des peines, sauf erreur de ma part.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n314.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Défavorable. Je signalerai à M. Fenech que son estimation de l’impact du dispositif est très subjective : faite « à la louche », elle n’a pas de fondement statistique.

M. Georges Fenech. Je n’ai pas prétendu le contraire.

(Les amendements identiques nos 239 et 314 ne sont pas adoptés.)

(L’article 19 est adopté.)

Après l’article 19

M. le président. La parole est à M. Dominique Raimbourg, rapporteur, pour soutenir l’amendement n811.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Cet amendement d’appel propose de créer une délégation interministérielle à la prévention de la récidive et de la réitération. Placée sous l’autorité conjointe des ministres en charge de la justice, de l’intérieur, de l’éducation, de l’enseignement supérieur, de la formation professionnelle, du travail, de la santé, elle élaborerait une politique de prévention de la récidive.

M. Jean-Frédéric Poisson. Votre appel semble ne pas pouvoir aboutir !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je réponds à l’appel de M. le rapporteur en lui disant que nous avons créé l’Observatoire de la récidive et de la désistance. Je crois que son souhait de travail interministériel est par là satisfait, en termes aussi bien de composition que de missions, puisque cette structure va permettre à une partie des ministères énumérés d’être mobilisés.

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Je retire l’amendement, monsieur le président.

(L’amendement n811 est retiré.)

Article 20

M. le président. Sur l’article 20, je suis d’abord saisi de l’amendement n240.

La parole est à M. Georges Fenech, pour le soutenir.

M. Georges Fenech. Défendu !

(L’amendement n240, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n720.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu !

(L’amendement n720, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’’amendement n724 de M. Poisson est également défendu.

(L’amendement n724, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 20 est adopté.)

Après l’article 20

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n735, portant article additionnel après l’article 20.

M. Georges Fenech. L’arrestation vendredi 30 mai 2014 à Marseille de Mehdi Nemmouche, auteur présumé de la tuerie du musée juif de Bruxelles du 24 mai dernier, nous confronte une nouvelle fois, après l’affaire Mohammed Merah, à un type de terrorisme jusque-là inconnu, mené par ce qu’il est convenu d’appeler des « loups solitaires ».

Dans ces deux affaires, deux individus impliqués au début de leur parcours criminel dans des affaires de droit commun ont découvert en prison l’islam radical. À l’occasion d’une sorte de voyage initiatique, Merah et Nemmouche se sont rendus dans des zones de djihad et ont séjourné au milieu de groupes islamistes. Tous deux sont parvenus à entrer en possession d’un véritable arsenal de guerre et mis, s’agissant de Merah – Nemmouche est encore à cette heure présumé innocent – à exécution un projet meurtrier d’une extrême violence en agissant pour l’essentiel, en l’état de nos informations, en solitaire.

Cette manière d’agir rend difficile la détection de l’acte criminel lui-même alors que, dans le cas d’une action concertée, d’une association de malfaiteurs, les menées terroristes, eu égard notamment aux enseignements tirés des attentats du 11 septembre 2001, les actes préparatoires sont plus aisément repérables, ne serait-ce qu’en raison des communications de toutes sortes entre les différents participants.

En revanche, nous comprenons désormais que ces actes terroristes individuels sont la résultante d’un processus parfaitement visible dont les différentes étapes ont souvent été consignées dans des rapports des services de police ou de gendarmerie ou encore de l’administration pénitentiaire, sans que l’on sache toujours comment exploiter efficacement ces alertes pourtant annonciatrices de tragédies comme celles de Toulouse ou de Bruxelles.

En matière de mise en danger d’autrui, est incriminé le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure grave par la violation délibérée d’une obligation de prudence ou de sécurité, ceci avant même le commencement d’exécution du délit d’homicide ou de blessure involontaire. À juste titre, en matière de délinquance routière, le législateur bloque le processus qui va conduire de manière possible ou probable à des conséquences graves pour autrui.

Dans ce terrorisme des « loups solitaires », la société tout entière doit faire face à des dérives parfaitement repérables en amont, qui créent un risque, indéterminé dans son contenu mais réel dans son principe, pour l’intégrité et la sécurité de milliers d’innocents. Le présent amendement a donc pour finalité de combler le vide juridique que tout un chacun ressent et de créer un nouveau délit de mise en danger terroriste lorsque différents actes délibérés ont été commis par une personne déjà connue pour crime ou pour délit laissant craindre la commission ultérieure d’actes de terrorisme.

Dans les faits, cette nouvelle incrimination permettrait l’ouverture d’une information judiciaire et l’utilisation de moyens juridiques plus coercitifs tels que les écoutes téléphoniques ou la surveillance, qui permettraient d’intercepter un candidat au terrorisme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis défavorable, non sur l’intention mais en raison de informations données par le ministre de l’intérieur lors de son audition. Tout d’abord, en l’état, il considère disposer d’un arsenal législatif suffisant puisque l’association de malfaiteurs permet d’incriminer l’acte préparatoire au terrorisme. Il a indiqué par ailleurs mettre à l’étude un projet de loi complémentaire. Il faut donc sans doute attendre ce texte, d’autant qu’une expertise policière et une expertise des services antiterroristes me paraissent indispensables pour ne pas légiférer trop rapidement sur ces questions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avis également défavorable, tout en prenant en considération l’intention de M. Fenech. J’appelle son attention sur le fait que, contrairement à ce qu’il affirme, il n’y a pas de vide juridique. L’affirmer serait prendre le risque de fragiliser des procédures existantes. Une soixante de procédures sont en cours portant sur des départs ou des intentions de départ en Syrie. Comme vous le savez, le Gouvernement a mis en place le 24 avril dernier un numéro vert pour permettre aux familles de signaler qu’elles ont des raisons de penser qu’un départ se prépare, et tout un dispositif piloté par le préfet est alors prévu. Depuis l’ouverture de cette ligne, nous avons reçu entre dix et quinze appels par jour ; cinquante appels se sont révélés utiles et ont permis aux forces de police, sous l’autorité du préfet, de procéder à des investigations.

Je vous rappelle également que la loi du 21 décembre 2012 a renforcé l’arsenal et permis de mieux armer l’État dans la lutte contre le terrorisme. Ainsi que vient de le dire M. le rapporteur, il s’agit d’un travail interministériel, l’instruction ayant été signée par trois ministres : celui des affaires étrangères, celui de la justice et celui de l’intérieur. Nous continuons à travailler dans le cadre de cette action interministérielle.

Nous avions d’ailleurs envisagé d’introduire une disposition ciblant les entreprises individuelles dans ce projet de loi pénale, mais cette mesure mérite d’être travaillée avec beaucoup de précision afin de ne pas affaiblir l’arsenal dont nous disposons déjà, de ne pas l’altérer par une mesure supplémentaire. C’est en tout cas l’avis des nombreux juges d’instruction que nous avons consultés, et l’écriture de la mesure n’est pas suffisamment bien ficelée pour l’instant. Mais, ainsi qu’il l’a précisé, le ministre de l’intérieur sera de façon imminente en situation de présenter des dispositions.

Enfin, pour l’information de la représentation nationale – nous aurons probablement l’occasion de revenir sur ce sujet de façon plus précise – il convient de ne pas surestimer la question de la radicalisation qui peut survenir dans les établissements pénitentiaires, sous peine de sous-estimer la radicalisation qui survient ailleurs. Je rappelle que lors de l’enquête portant sur l’attentat de Sarcelles, une douzaine de personnes ont été interpellées à Strasbourg ou dans le sud mais que seulement deux avaient un parcours carcéral. Ce n’est donc pas seulement dans les établissements pénitentiaires que survient la radicalisation.

En tout état de cause, nous avons un plan de détection de la radicalisation dans nos établissements pénitentiaires. En juin 2012, nous avons renforcé les effectifs du renseignement pénitentiaire. J’ai à nouveau recruté sept agents supplémentaires en juin 2013. Nous avons réorganisé les directions interrégionales afin de disposer de fonctionnaires spécialisés. Nous disposons ainsi d’un correspondant dans chaque établissement. Ces fonctionnaires formés jusque-là par l’École nationale de l’administration pénitentiaire et, depuis quelques mois, par le GIGN, font un travail important de suivi. Huit cents personnes sont en effet suivies sous l’angle du grand banditisme, de la criminalité organisée ou du terrorisme international et quatre-vingt-dix personnes sont suivies au titre de la radicalisation de l’islam.

Ce qui est important, c’est d’assécher le terreau. Parmi les façons de le faire, il y a la création de postes d’aumôniers, c’est le terme générique, intervenant dans les établissements pour les religions catholique, protestante, israélite et musulmane. Nous avons donc créé, comme vous le savez puisque vous avez voté ce budget, quinze équivalents temps plein, ce qui nous a permis de couvrir trente établissements supplémentaires : quinze en 2013 et quinze en 2014. Cela permet à des imams formés et agréés d’assurer l’exercice du culte dans les établissements pénitentiaires. En effet, la radicalisation ne se fait pas par des imams agréés mais par des individus qui s’improvisent directeurs de conscience et pratiquent le prosélytisme.

Le renseignement pénitentiaire et la présence des imams sont l’un comme l’autre nécessaires car, parmi les personnes susceptibles de radicalisation, certaines sont dans une situation personnelle et sociologique de grande fragilité et de grande vulnérabilité. Il y a donc un travail à faire en direction de ces personnes, ce que nous faisons par plusieurs voies, allant jusqu’à l’alignement des tarifs de cantine entre les établissements soumis à gestion déléguée et les établissements publics : cela peut sembler très prosaïque, mais nous intervenons sur tous les fronts afin d’éviter que des personnes se perdent dans cette folie consistant à se radicaliser, à assassiner et à se perdre soi-même, constituant un danger général pour la société.

Pardonnez-moi d’avoir été un peu longue, mais je pense qu’il était de mon devoir d’informer la représentation nationale.

M. le président. Monsieur Fenech, retirez-vous votre amendement ?

M. Georges Fenech. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n735 est retiré.)

Article 21

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement de suppression n241.

M. Georges Fenech. Défendu.

(L’amendement n241, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 21 est adopté.)

Après l’article 21

M. le président. Je suis saisi de deux amendement portant article additionnel après l’article 21.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n285 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n285 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, pour soutenir l’amendement n850 rectifié.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je rappelle en une phrase tout le travail de large consultation et de maturation mené sur ce texte de loi car, visant l’efficacité, nous ne craignons pas que cette efficacité soit mesurée. Pour cette raison, nous proposons d’inscrire dans la loi une obligation pour le Gouvernement d’évaluation et de présentation au Parlement d’un rapport sur l’efficacité des dispositions que nous inscrivons dans ce texte, à l’échéance de deux ans après la promulgation de la loi. Ce rapport serait présenté avec l’aide de tous les organismes concernés. J’en profite pour rappeler rapidement la réforme de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, l’ONDRP, ainsi que la création de l’Observatoire de la récidive et de la désistance, qui participeront à cette évaluation. Certains vont penser que le Gouvernement se flagelle, mais nous sommes absolument persuadés que les mesures que nous avons inscrites dans ce texte seront efficaces.

Si vous voulez bien m’accorder encore quelques secondes, j’aimerais compléter ce que je viens de dire sur le suivi de la radicalisation, qui concerne une religion en particulier. Je veux préciser qu’il n’y a évidemment pas d’amalgame possible. Je sais qu’il n’est pas nécessaire de le répéter ici, qu’il n’est pas question d’amalgame parmi les députés, comme l’a d’ailleurs montré la question qu’a posée un député UMP cette semaine sur ce sujet. Mais je tiens à vous communiquer un chiffre important : dans nos établissements pénitentiaires, dix-huit mille personnes déclarent pratiquer le ramadan. Il s’agit là de personnes qui se sont identifiées, car il n’y a naturellement pas d’investigation pour connaître la religion de chacun. Mais, alors que dix-huit mille personnes déclarent pratiquer le ramadan, seules quatre-vingt-dix personnes sont suivies… Et ce chiffre n’est pas sous-estimé. Je pense que cette précision était nécessaire, même si je suis absolument sûre que personne dans cet hémicycle ne songeait une seconde à pratiquer l’amalgame.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Raimbourg, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Je souhaite poser une question au Gouvernement. Il y a une disposition importante, qui a fait débat au sein de la majorité, consistant à reporter au 1er janvier 2017 une partie des dispositions du présent texte. Or, l’amendement du Gouvernement prévoit la remise d’un rapport deux ans après la promulgation de la loi, soit avant le 1er janvier 2017. Qu’est-il prévu pour que la représentation nationale ait connaissance de la manière dont aura été mise en œuvre l’intégralité de la mesure, et en particulier celle qui consistera, à partir du 1er janvier 2017, à ouvrir la possibilité du recours à la contrainte pénale à l’ensemble des délits ?

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez bien noté, monsieur le député, que ce rapport vous sera présenté : le Gouvernement viendra le présenter au Parlement, avant l’entrée en vigueur de l’extension du champ de la contrainte pénale. Il n’est pas invraisemblable que cette évaluation soit rigoureuse, puisque les méthodes et les chiffres vous seront présentés, avec tous les éléments d’information vous permettant de voir qu’ils sont incontestables. Je vous rappelle par ailleurs que l’Observatoire de la récidive et de la désistance n’est pas placé sous l’autorité du ministère de la justice et que celui-ci n’a donc pas de capacité de manipuler quoi que ce soit, pas plus que s’agissant de l’ONDRP. L’évaluation sera ainsi réalisée de façon tout à fait objective, critiquable, contestable et en tout cas vérifiable.

Il n’est pas invraisemblable d’ailleurs que la représentation nationale décide, au vu de l’efficacité du dispositif, d’avancer la date de son extension !

M. Guy Geoffroy. Ou d’y renoncer !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Tout à fait ! Toutes les hypothèses sont ouvertes. Mais, eu égard au sérieux de nos dispositions, la probabilité que vous soyez impatients de les étendre me paraît beaucoup plus grande que le contraire.

M. Guy Geoffroy. Nous verrons !

(L’amendement n850 rectifié est adopté.)

Titre

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 281 et 214, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n281.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement n214.

M. Georges Fenech. Il est défendu.

(Les amendements nos 281 et 214, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé la discussion des articles du projet de loi.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 10 juin, après les questions au Gouvernement.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 10 juin 2014, à neuf heures trente :

Questions orales sans débat.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 6 juin 2014, à trois heures trente.)

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron