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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 09 juillet 2015

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Débat d’orientation des finances publiques

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat d’orientation des finances publiques.

La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, après la présentation du programme de stabilité, il y a de cela quelques mois, et avant l’examen du projet de loi de finances pour 2016 dans quelques semaines, le débat d’orientation des finances publiques nous donne un nouveau point de rendez-vous pour discuter des grandes orientations de la politique économique et budgétaire du Gouvernement. Notre politique est connue : nous l’expliquons à chaque débat, à chaque loi de finances, et nous l’appliquons. C’est une politique d’équilibre entre le soutien nécessaire à la croissance, qui redémarre mais qui doit s’inscrire dans la continuité et s’affirmer plus encore, et la réduction du déficit public. C’est l’objectif d’un assainissement progressif et durable des finances publiques, tout en dégageant les moyens nécessaires pour financer nos priorités et, en même temps, rétablir la compétitivité de nos entreprises, si gravement endommagée entre 2002 et 2012 (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains),…

M. Jean-François Lamour. Cela commence bien ! Heureusement que le ridicule ne tue pas !

M. Michel Sapin, ministre. …restaurer leurs marges, qui ont chuté comme jamais entre 2007 et 2012. Il suffit de regarder objectivement les chiffres pour éviter de faire des commentaires malvenus.

M. Jean-François Lamour. Économisez ce genre d’effets de manche, cela vous fera au moins une économie !

M. Michel Sapin, ministre. Cette politique, nous la portons et nous l’expliquons ici, à l’Assemblée nationale, devant la représentation nationale. Nous l’assumons également et nous l’expliquons à nos partenaires européens.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous n’avons pas été convaincus !

M. Michel Sapin, ministre. Merci, madame la députée, d’avoir la gentillesse d’écouter. Cet effort de conviction sur notre politique économique a porté ses fruits et les échanges au cours du dernier mois avec nos partenaires en sont la preuve.

M. Hervé Mariton. C’est la méthode Coué !

M. Michel Sapin, ministre. Au début de cette année, la Commission européenne a émis une nouvelle recommandation : elle nous a d’abord donné quitus sur les années 2013 et 2014, en estimant que nous avions pris – comme on dit dans le langage bruxellois – des actions suivies d’effet au cours des deux dernières années. Pour 2015 et les années suivantes, elle a tracé une trajectoire de déficit qui doit nous conduire en deçà du seuil de 3 % en 2017. Cette trajectoire, nous sommes en mesure de la tenir en préservant l’équilibre entre assainissement des finances publiques et soutien à la croissance : c’était tout l’objet du programme de stabilité présenté en avril dernier.

Aujourd’hui, notre politique économique est bien comprise. Le déficit de 2014 a été inférieur de 0,3 % à la recommandation de la Commission européenne et pour 2015, notre prévision de 3,8 % est identique à celle de la Commission européenne et inférieure à l’objectif de 4 % qu’elle nous avait fixé. Mais surtout, nos partenaires nous ont montré leur soutien, parce qu’ils ont été convaincus du bien-fondé de notre politique : avec la trajectoire que nous proposons, nous atteignons les objectifs de déficit public demandés, mais nous le faisons tout en permettant la reprise de l’activité en cours, qui doit encore se traduire par le retour à plus d’emploi. En effet, depuis le début de l’année, vous le savez, le Gouvernement a pris un ensemble d’initiatives pour soutenir la croissance et l’emploi. Cette année 2015 est déjà l’année du déploiement de la première étape du pacte de responsabilité et de solidarité : ce sont 6,5 milliards d’euros d’allégements pour soutenir l’investissement et l’emploi ; c’est également une réduction d’impôt sur le revenu de plus de 3 milliards d’euros, qui bénéficiera à plus de 9 millions de foyers. Dès le mois de septembre, ces contribuables pourront constater que leur impôt baisse : c’est la première baisse d’ampleur de l’impôt sur le revenu depuis le début de la crise. Et cette année, pour la première fois depuis 2011, il n’y aura plus de hausse d’impôt sur le revenu pour quiconque, à situation inchangée.

M. Philippe Vigier. On verra bien !

M. Michel Sapin, ministre. L’année 2015 est aussi l’année de la montée en charge du crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi – CICE –, avec l’augmentation de son taux à 6 % pour les salaires versés en 2014. Quand nous rencontrons des chefs d’entreprise, nous ne les entendons plus dire que le CICE est inutile ou trop complexe.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est normal, ils n’ont que ça !

M. Michel Sapin, ministre. Ce que j’entends, c’est que le CICE est une bouffée d’oxygène après plusieurs années difficiles et qu’il financera ici un nouvel investissement, là des recrutements et ailleurs encore les formations nécessaires. Ce que nous dit l’INSEE dans ses comptes, c’est qu’avec le pacte de responsabilité et de solidarité et le CICE, nous avons rendu aux entreprises les deux tiers des marges qu’elles avaient perdues entre 2007 et 2012.

Mais nous ne nous sommes pas arrêtés au vote de la loi de finances pour 2015 : depuis le début de l’année, plusieurs initiatives ont été prises pour affermir la confiance, alimenter la reprise, soutenir la création d’emplois. C’est d’abord le plan de soutien à l’investissement, et en particulier la mesure de suramortissement des investissements. L’investissement est un moteur de croissance fondamental qui est en passe de se rallumer. Cette mesure est un coup de pouce pour faciliter sa reprise. Ce sont également les mesures en faveur de l’emploi dans les PME et les TPE, en particulier la prime de 4 000 euros pour les nouvelles embauches. C’est donc un ensemble cohérent, qui se déploie progressivement au cours de l’année, pour la croissance, pour l’investissement et, surtout, pour l’emploi.

Nous ne serions pas fidèles à nos principes si ces mesures étaient financées à crédit : financer par la dette des mesures nouvelles relève d’un autre temps. Au sein de ce gouvernement, nous n’envisageons aucune mesure nouvelle sans réfléchir immédiatement à son financement. La preuve que nous vous apportons aujourd’hui de cette responsabilité constante pour nos comptes publics, ce sont les plafonds de dépenses de l’État pour 2016 qui vous ont été communiqués. Avec ce cadrage du budget de l’État, le Gouvernement vous propose de réduire les dépenses de l’État de 1,2 milliard d’euros au-dessous du plafond que vous aviez fixé, pour 2016, dans le budget triennal de l’État. La nécessité de réaliser des économies supplémentaires, nous l’avions annoncée au moment du programme de stabilité d’avril dernier. Je n’y reviens pas : nous avons eu ce débat par deux fois en commission des finances – j’en profite pour saluer le président de la commission – et nous avions notamment explicité l’impact de la faible inflation sur le rendement de certaines mesures d’économies.

Aujourd’hui, sur le champ précis de la dépense de l’État sous norme, nous sommes en mesure de vous présenter un cadrage qui permet d’aller au-delà de la loi de programmation des finances publiques. Ce montant d’économies est important, mais les économies totales le sont encore plus car nous avons financé, au sein de cette enveloppe, plusieurs dépenses nouvelles. D’abord, des dépenses pour assurer la sécurité des Français : c’est l’engagement du Gouvernement de déployer tous les moyens nécessaires pour la sécurité de nos concitoyens. L’actualisation de la loi de programmation militaire a donc revu de 600 millions d’euros à la hausse les crédits du ministère de la défense en 2016 et le plan de lutte contre le terrorisme donne de nouveaux moyens, notamment, aux ministères de l’intérieur et de la justice. Ensuite, il y a eu des dépenses nouvelles pour l’emploi, avec une hausse des contrats aidés dès 2015. L’emploi est la priorité du Gouvernement et nous mobilisons tous les moyens pour le soutenir : des moyens budgétaires avec les contrats d’avenir, des moyens fiscaux avec le pacte de responsabilité et de solidarité, et ce sont plusieurs dizaines de milliards d’euros qui sont engagés pour aider à faire baisser le chômage.

Je le répète, non seulement nous finançons les mesures nouvelles, mais nous abaissons encore la dépense de l’État par rapport à la loi de programmation des finances publiques – de 1,2 milliard d’euros –, tout en maintenant la trajectoire de baisse des dotations aux collectivités territoriales. Ce sont des économies indispensables. Indispensables pour financer nos priorités, indispensables pour financer la baisse des impôts, indispensables pour réduire le déficit public.

Voilà, mesdames, messieurs les députés, le cadrage général que je voulais partager rapidement avec vous, avant que Christian Eckert ne vous détaille les évolutions de manière plus précise. Il serait bien entendu impensable de laisser filer les déficits : c’est la responsabilité de ce gouvernement et de cette majorité d’apurer des dizaines d’années d’excès budgétaires et nous assumons pleinement cette politique. Faut-il rappeler qu’en 2012, les comptes publics de l’Allemagne étaient à l’équilibre, quand les nôtres étaient en déficit de près de 5 points de PIB ? On mesure le chemin parcouru depuis ! La réduction du déficit, nous l’assumons avec sérieux, tout en corrigeant des pertes de compétitivité passées, parce qu’il nous faut remettre l’économie sur le chemin de la croissance et de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, lundi dernier, nous avons parlé du passé et de l’exécution 2014 lors de l’examen de la loi de règlement. Aujourd’hui, nous parlons du présent – l’exécution 2015 – et de l’avenir – les dépenses de l’État pour 2016. En une semaine, ce sont deux débats sur les finances publiques qui auront succédé aux quatre auditions en commission des finances qui se sont tenues depuis le début de l’année. Les temps ont changé depuis l’instauration du premier débat d’orientation budgétaire en 1996 : désormais, nous parlons budget toute l’année, et non plus seulement à l’automne. C’est un progrès réel car la transparence est indispensable en général, et dans les matières budgétaires en particulier. Chacune de ces rencontres est une occasion de vous informer de l’état des finances publiques. C’est aussi une occasion d’expliquer à nouveau notre politique budgétaire. Cette explication tient en deux objectifs : baisser le déficit et baisser les impôts.

Le premier objet de ce débat est de faire un point sur l’exécution du budget en 2015. Un point actualisé très précis sera réalisé lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2016 mais je souhaiterais déjà informer l’Assemblée nationale des principales évolutions depuis l’adoption de la loi de finances.

En ce qui concerne les dépenses, deux évolutions sont à noter.

Première évolution, la dépense sous norme a été revue à la baisse de près de 700 millions d’euros, avec le décret d’annulation du 10 juin dernier. L’intégralité des nouvelles dépenses sera donc financée dans le cadre de cette enveloppe, et elles n’auront pas d’impact sur la dépense totale de l’État – j’y reviendrai.

Seconde évolution, la charge de la dette sera également moins élevée que prévu. À ce stade, nous attendons une économie, en comptabilité budgétaire, d’environ 2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiales. C’est un ordre de grandeur, nous sommes toujours prudents sur les prévisions de charge de la dette, il est donc possible que ce chiffre soit ajusté fin septembre.

En outre, en conséquence du budget rectificatif n6 dont nous avions parlé à l’automne dernier, le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne est minoré d’environ 700 millions d’euros.

En ce qui concerne le ministère de la défense, nous avions prévu, dès la loi de finances initiale, une dépense de 2,1 milliards d’euros imputée sur le compte d’affectation spéciale « Fréquences ». Cette dépense sera finalement imputée sur le budget général, comme le prévoit l’actualisation de la loi de programmation militaire, ce qui ne change rien au montant total des dépenses de l’État.

En ce qui concerne les recettes, les recettes fiscales nettes seraient revues à la baisse de plus d’1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale. C’est principalement l’impact de la moindre inflation sur la TVA qui explique cet écart. Nous constatons également des décaissements dynamiques sur le CICE et il est possible que son impact en 2015 soit revu à la hausse.

M. Philippe Vigier. J’espère qu’il le sera !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce serait là une nouvelle preuve que les entreprises se sont bien approprié le dispositif et que sa prétendue complexité n’était rien de plus qu’un argument de séance dans les débats qui nous ont occupés.

Quant aux recettes non fiscales, elles seraient en ligne avec nos prévisions.

Ces évaluations peuvent encore évoluer d’ici au dépôt du projet de loi de finances pour 2016 car, comme nous l’impose le principe de sincérité, nous devrons prendre en compte toutes les nouvelles informations apparues d’ici à cette date pour fixer nos prévisions – et les aléas sont encore nombreux jusqu’à la fin de l’année –, mais, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, la transparence est indispensable, et ce débat doit être l’occasion d’assurer une information parfaite de l’Assemblée nationale sur l’exécution du budget. À ce stade de l’année, c’est bien un solde de l’État en amélioration par rapport à la loi de finances initiale que nous anticipons pour 2015.

La politique budgétaire que vous propose le Gouvernement est connue. Elle est constante, et, l’an prochain comme cette année, notre gestion des dépenses de l’État répond à deux exigences : tout d’abord, respecter strictement notre programme d’économies ; ensuite, financer toute nouvelle dépense par la réduction d’autres dépenses. C’est ce que nous faisons en 2015.

Nous avons réalisé, en cours d’année, un effort complémentaire de 4 milliards d’euros par rapport à la loi de programmation des finances publiques, dont 1,2 milliard d’euros sur l’État et les agences. Le décret d’annulation du 10 juin dernier a réduit de près de 700 millions d’euros les dépenses de l’État, et, en parallèle, les dépenses des opérations du programme d’investissements d’avenir et de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France ont été réduites de 500 millions d’euros.

Dans le même temps, c’est vrai, nous avons engagé de nouvelles dépenses, mais qui contestera leur pertinence ? Ce sont des moyens pour assurer la sécurité des Français avec le programme de lutte contre le terrorisme, et de nouveaux moyens pour soutenir l’emploi, avec une augmentation des contrats aidés. Nous finançons entièrement ces dépenses par des économies : avec le décret d’avance du 9 avril dernier et la mise en réserve complémentaire de crédits, dont tout le détail vous a été fourni, ce sont 800 millions d’euros d’économies qui ont été dégagés pour les financer. Et, en fin de gestion, nous irons plus loin si cela est nécessaire pour respecter la norme que vous avez votée en loi de finances initiale et qui a été abaissée par le décret d’annulation.

Respecter notre programme d’économies et financer toute nouvelle dépense par une réduction d’autres dépenses : ce sont ces mêmes exigences qui ont guidé la construction du budget de l’État pour 2016.

En projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement vous proposera de réduire de 1 milliard d’euros la dépense des ministères par rapport à la loi de finances pour 2015. Le dernier programme de stabilité avait revu à la hausse les objectifs d’économies pour l’an prochain. C’est en effet une nécessité pour atteindre nos objectifs, ceux du plan de 50 milliards d’euros d’économies en trois ans, dans un contexte de très faible inflation qui réduit mécaniquement le rendement de certaines mesures. Le cadrage que nous vous proposons aujourd’hui répond à ces exigences : par rapport à l’annuité 2016 du budget triennal que vous avez voté l’an dernier, c’est une baisse complémentaire de 1,2 milliard d’euros de la dépense de l’État, hors concours aux collectivités territoriales, et c’est une baisse nette de 1,2 milliard d’euros. En d’autres termes, non seulement nous avons gagé les dépenses nouvelles par des économies, mais nous sommes allés au-delà, en réduisant encore de 1,2 milliard d’euros la dépense par rapport à la loi de programmation des finances publiques.

En effet, nous avons engagé des dépenses nouvelles qui auront un impact sur l’exercice 2016, et nous assumons entièrement ces mesures. Pour assurer la sécurité des Français, le Gouvernement vous a proposé, dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire, de revoir à la hausse de 600 millions d’euros les crédits du ministère de la défense en 2016. Les moyens du ministère de l’intérieur au titre de la mission « Sécurité », et ceux de la justice seront également revus à la hausse en 2016, à hauteur de 160 millions d’euros. Nous engageons également des dépenses nouvelles pour soutenir l’emploi, et le Gouvernement vous proposera de revoir à la hausse le nombre de contrats aidés pour 2016.

M. Philippe Vigier. Et voilà !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Dans le même temps, des mesures d’économies concrètes et ambitieuses vous seront proposées dans le cadre du projet de loi de finances. Je voudrais d’ores et déjà vous en donner quelques exemples.

En ce qui concerne les dépenses d’intervention de l’État, plusieurs dispositifs d’exonérations de charges ciblées seront revus compte tenu de la montée en charge des allégements du pacte de responsabilité et de solidarité. Cela permettra de réduire la dépense budgétaire, puisque le coût de ces allégements pour la Sécurité sociale doit être compensé.

C’est un axe fort des budgets successifs depuis 2012 : les opérateurs seront à nouveau mis à contribution – par des baisses de subventions mais aussi par une baisse des plafonds des taxes affectées, baisse de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2015. Ainsi, comme en 2015, des prélèvements sur les trésoreries excédentaires seront effectués, et toutes les agences de l’État devront faire des choix, réguler leurs recrutements, et fixer des priorités dans leur action. Certaines seront fusionnées – ce sera le cas de l’Institut national de veille sanitaire, de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé et de l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, qui seront fusionnés dans une seule Agence nationale de santé publique.

La politique du logement représente plus de 40 milliards d’euros de concours publics, en dépenses budgétaires ou fiscales, et plus de 2 % du PIB. Pourtant, malgré l’ampleur de ces moyens, les effets de cette politique ne sont pas toujours satisfaisants. Il existe donc des marges d’amélioration. Les économies se feront dans une perspective d’amélioration de l’efficacité de la dépense et s’appuieront principalement sur deux leviers : tout d’abord, renforcer les incitations à construire auprès des bailleurs sociaux, notamment en réorganisant les circuits financiers pour une péréquation accrue du secteur ; ensuite, maîtriser la dynamique des aides personnelles au logement dans un objectif d’équité et de simplification, en suivant, par exemple, les pistes qui ont été proposées par le groupe de travail présidé par François Pupponi.

Nous poursuivrons également la réduction des effectifs dans les ministères non prioritaires – 4 000 emplois seront ainsi supprimés. Nous la poursuivrons parfois à un rythme supérieur à celui prévu en loi de programmation des finances publiques. C’est un effort majeur pour certains ministères qui doivent simultanément préparer l’adaptation de leurs réseaux à la nouvelle carte régionale, et ce dès 2016.

Enfin, au-delà de la dépense des ministères, les concours aux collectivités territoriales seront réduits de 3,67 milliards d’euros en 2016, comme prévu par la loi de programmation des finances publiques.

M. Philippe Vigier. Encore un coup porté aux collectivités territoriales !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cette baisse, je le rappelle, est compatible avec une évolution des dépenses locales au rythme de l’inflation, compte tenu de l’évolution de leurs autres recettes. Elle sera accompagnée d’une réforme de la dotation globale de fonctionnement du bloc communal, visant à une répartition plus équitable et plus transparente. Nous y travaillons actuellement avec différents acteurs, notamment le comité des finances locales.

Les économies qui seront faites – j’en ai décrit quelques-unes – sont ciblées et réfléchies. Elles sont issues d’un travail mené au sein du Gouvernement depuis le début de l’année 2015.

Car, mesdames et messieurs de l’opposition, malgré tous vos efforts d’imagination, vous serez bientôt à court d’arguments.

M. Philippe Vigier. Ce n’est pas demain la veille !

Mme Isabelle Le Callennec. Ne rêvez pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous nous avez d’abord dit que nos économies étaient fausses parce que calculées par rapport à un tendanciel : nous avons baissé les dépenses de l’État d’exécution à exécution en 2014, et nous poursuivrons sur cette voie en 2015 et 2016.

M. Philippe Vigier. Nous allons en reparler !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ensuite, vous avez estimé que la baisse des dépenses était uniforme et indifférenciée : toutes les mesures du projet de loi de finances pour 2015, toutes celles envisagées pour 2016 et que je viens de décrire prouvent le contraire.

M. Hervé Mariton. Vous ne pouvez pas faire à la fois le Gouvernement et l’opposition, monsieur le secrétaire d’État !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Puis, comme la réalité des économies n’était plus contestable, vous avez réclamé des économies « structurelles ». Pourriez-vous m’en citer trois ? Pensez-vous au report de l’âge légal de la retraite ? Pensez-vous à des déremboursements massifs d’actes médicaux ?

M. Philippe Vigier. C’est ce que vous faites !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pensez-vous à des suppressions de prestations sociales ?

M. Philippe Vigier. Vous le faites aussi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces réformes structurelles, c’est une formule magique pour réduire le déficit mais il n’y a rien de magique dans un budget : il y a des mesures concrètes qu’il faut expliciter si l’on veut être sérieux.

Enfin, certains d’entre vous ont tout simplement estimé qu’il faudrait faire deux ou trois fois plus d’économies : 100 milliards, 150 milliards d’euros ! Expliquez aux Français ce que cela signifie. Voulez-vous diminuer de plus de 3,7 milliards d’euros par an les dotations aux collectivités ? Voulez-vous renoncer à l’augmentation du budget de la défense ? Voulez-vous revenir sur les économies de la branche famille ? Car il y a une conclusion que l’on peut tirer des débats qui nous occupent tout au long de l’année, et cette conclusion, les Français doivent la connaître : les économies, c’est seulement sur les retraites et l’éducation que vous voulez les faire. Ce sont vos variables d’ajustement, alors que ce sont nos priorités.

M. Hervé Mariton. Vous n’avez rien compris !

M. Alain Fauré. Nous vous écouterons, monsieur Mariton !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pire encore, ce que vous proposez, ce qui a été dit publiquement, c’est qu’il faut « faire descendre les impôts par l’ascenseur, et les dépenses par l’escalier ». Il faut dire les choses clairement : cela signifie que le déficit remonterait de manière immédiate et massive. Ce serait mettre à terre plusieurs années d’efforts, des efforts qui avaient commencé dès 2011 et que nous avons poursuivis sans relâche.

Toutes ces propositions sont excessives, elles sont donc insignifiantes (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants), et je ne parle même pas des idées de suppression de l’ISF qui reviennent à intervalles réguliers.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, voilà, en toute transparence, la situation et les perspectives du budget de l’État. Pour cette année, en l’état de nos prévisions, c’est une probable diminution du déficit de l’État par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. Pour l’an prochain, c’est un cadrage qui permet non seulement de financer les nouvelles dépenses, mais aussi de réduire de 1,1 milliard d’euros la dépense des ministères par rapport à la loi de finances pour 2015.

C’est un cadrage qui est exigeant et qui demande de nouveaux efforts à l’État et à ses agences, mais c’est un cadrage qu’il faut respecter pour diminuer le déficit et baisser les impôts. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. Michel Sapin, ministre. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous allons enfin entendre la vérité !

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le débat d’orientation des finances publiques devrait être un rendez-vous majeur de la procédure budgétaire : c’est le moment où le Gouvernement, après avoir dressé le bilan de la politique qu’il a conduite l’année passée, présente au Parlement ses orientations pour l’année à venir.

Monsieur le secrétaire d’État, lorsque la crise est forte, la réponse doit être forte et ciblée. Or, lorsque j’ai reçu, un peu tardivement d’ailleurs, ce document de neuf pages sur le débat d’orientation des finances publiques, j’ai réfléchi à la collectivité dont j’ai la charge – vous aussi, monsieur le ministre, avez présidé une grande collectivité territoriale. Or c’est un document de trente pages qui préparait le débat d’orientation des finances publiques dans cette collectivité. J’ai donc été surpris de voir qu’on arrivait aujourd’hui à neuf petites pages – pas très argumentées, du reste.

M. Jean-François Lamour. C’est le moins qu’on puisse dire : c’est court et flou !

M. Philippe Vigier. Et j’y ai vu une petite panne d’inspiration de votre part.

Ce débat devrait permettre à la représentation nationale, selon les mots de Christian Eckert, d’être parfaitement informée sur la situation du pays, afin qu’elle puisse aborder la prochaine loi de finances en toute connaissance de cause. Ce devrait être aussi, à nos yeux, un moment démocratique fort, au cours duquel le Gouvernement associerait pleinement les parlementaires, tant de la majorité que de l’opposition, aux décisions économiques sur le point d’être mises en œuvre dans le pays. Et cela paraît d’autant plus important que la crise est toujours là.

Malheureusement, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il n’en est rien, parce que vous êtes toujours un peu plus coupés d’une partie de votre majorité, qui refuse de vous suivre. Vous n’avez pas la majorité politique pour conduire les réformes dont notre pays a besoin. Vous avez pris un soin particulier, monsieur Eckert, à expliquer que l’opposition n’avait pas d’idées. Nous avons beaucoup d’idées – écoutez-nous un peu plus ! – mais vous les balayez toujours d’un revers de la main, sans qu’on puisse vraiment les approfondir.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Parlez-nous de vos idées !

M. Philippe Vigier. Vous les connaissez parfaitement, madame la rapporteure générale et, au fond de vous-même, vous savez que le chemin que nous proposons est celui qu’il faut emprunter.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il a raison !

M. Philippe Vigier. Ce débat d’orientation des finances publiques, mes chers collègues, est une sorte de coquille vide, et j’y vois une forme de mépris pour l’opposition, et même pour l’ensemble des parlementaires. Je n’ai toujours pas compris, monsieur le ministre, cher Michel Sapin, pourquoi nous n’avons même pas pu débattre ici du programme de stabilité avant que vous le présentiez à Bruxelles, alors que ce rendez-vous démocratique avait bien eu lieu en 2013 et en 2014. Et pourtant, dans votre intervention, vous avez souvent parlé de Bruxelles ! Je déplore ce rendez-vous manqué, qui marque, une fois de plus, l’affaiblissement du Parlement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Jusqu’à présent, vous ne faites aucune proposition !

M. Philippe Vigier. Ce débat a néanmoins une importance majeure à mes yeux, puisqu’il va nous permettre de lever le voile sur certains de vos échecs, ainsi que sur des contre-vérités, que je vais m’employer à mettre au jour immédiatement.

Depuis trois ans, monsieur le secrétaire d’État, vous vous entêtez dans l’erreur et vous vous refusez à procéder à un changement de cap. Or la France ne sort pas de la crise, contrairement à ce que vous dites. En refusant d’engager des réformes structurelles….

M. Michel Sapin, ministre. Quelles réformes ? Celle des retraites ?

M. Philippe Vigier. Oui, s’agissant des retraites, nous disons qu’il faut allonger la durée du travail. Oui, nous disons qu’il faudra peut-être porter l’âge légal, fixé aujourd’hui à 62 ans, à 64 ou 65 ans. Et nous assumons : nous ne sommes pas dans un théâtre d’ombres. Cela n’a pas de sens de dire que la réforme est faite et que tout va bien, alors qu’on sait très bien que le financement n’est pas là – le Conseil d’orientation des retraites l’a encore démontré récemment, et vous ne pouvez le contester. En l’absence de réformes structurelles, c’est la crédibilité de notre pays auprès de nos partenaires européens qui est fragilisée, tout comme notre modèle social. Et cela a aussi un effet sur notre souveraineté vis-à-vis des marchés financiers : vous vous êtes félicité tout à l’heure, monsieur Eckert, de ce que le poids de la dette serait moins élevé. Mais si notre pays se fragilise, ceux qui nous prêtent de l’argent ne nous accorderont plus la même confiance.

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas le cas pour l’instant.

M. Philippe Vigier. Nous attendons le retour de la croissance, et d’une croissance élevée, comme en connaissent certains des pays qui nous entourent. Je ne me satisfais pas d’une croissance à 1,5 % – même si je serais déjà heureux que nous parvenions à l’atteindre.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il ne peut pas y avoir de réformes structurelles sans une lutte efficace contre le chômage. Les 620 000 chômeurs supplémentaires sont là, vous ne pouvez le contester. Et votre seule réponse, pour 2016, consiste à augmenter le nombre d’emplois aidés. Votre politique de lutte contre le chômage ne peut pas se limiter à cela. Nous ne disons pas qu’il ne faut pas d’emplois aidés, mais ils ne peuvent pas constituer votre seule réponse. Je ne parle même plus de la boîte à outils : elle a disparu ! Le contrat de génération est devenu un mot interdit, alors que Michel Sapin défendait autrefois cette mesure avec enthousiasme.

Vous vous félicitez, monsieur le ministre, de maîtriser la dépense publique. Je vous rappelle que vous vous étiez engagé à faire un effort de 15 milliards d’euros pour l’année 2014. Mais la dépense publique a continué d’augmenter. En effet, vous avez substitué à la dépense budgétaire des crédits d’impôts – pas vu, pas pris, mais nous, nous avons vu ! – qui ne sont pas comptabilisés comme tels, mais qui, dans les faits, représentent bel et bien une dépense de l’État. Et ils doivent être financés. C’est habile, je le reconnais, mais cela ne suffit pas.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous dites n’importe quoi !

M. Philippe Vigier. Je ne rappellerai que deux chiffres : la dépense publique, qui représentait 57 % du PIB en 2013, est passée à 57,5 % en 2014. Je pense que vous ne contesterez pas ces chiffres. Vous ne faites donc que freiner sa hausse : c’est un effort réel, mais qui reste totalement insuffisant au regard de la situation de nos finances publiques. La dépense publique n’a jamais été aussi élevée en France : nous sommes devenus les premiers de la classe et sommes même passés devant le Danemark. Michel Sapin nous expliquait pourtant, à une époque, que trop de dépenses publiques ne conduisent pas forcément à la croissance.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument ! Il faut une position équilibrée !

M. Philippe Vigier. Je reprends vos propos, monsieur le ministre, car j’aime à vous lire.

Pour l’année 2015, la Cour des comptes juge impossible de corroborer le montant de 21 milliards d’euros et d’expliciter sa décomposition par catégories de dépenses ; elle confirme, ce faisant, les propos que j’avais tenus à cette même tribune il y a déjà un an.

Je crains donc, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que les économies promises ne soient pas réalisées. Et c’est la même chose pour les prélèvements obligatoires. Vous avez communiqué sur le fait que ceux-ci étaient en train de diminuer, et vous avez annoncé une pause fiscale. Mais j’ai noté une petite divergence dans vos propos, l’un annonçant une stabilisation des impôts, et l’autre une baisse de ceux-ci – nous verrons cela plus tard. Mais ces prélèvements obligatoires ne sont-ils pas passés de 44,7 % en 2013 à 44,9 % en 2014 ? Il s’agit bien d’une augmentation !

Quant au déficit, il demeure à un niveau particulièrement élevé. Je n’oublie pas l’engagement n9 du candidat François Hollande, qui devait ramener le déficit public à 3 %. On sait où nous en sommes… Même s’il est vrai qu’il a été ramené à 4 % en 2014.

Vous vous félicitez de cette baisse du déficit global, mais vous savez bien, monsieur Eckert, que cette baisse est due aux collectivités locales, dont les investissements ont sensiblement baissé, alors que le déficit de l’État, lui, est passé de 3,6 à 3,8 % en 2014. Il ne suffit pas de garrotter les collectivités locales, et vous savez très bien que l’on vous demande des mesures de compensation : vous avez annoncé la réforme de la dotation globale de fonctionnement et nous verrons ce qu’il en sera.

L’amélioration de la croissance en 2015, si nous la saluons, n’est pas due à un redémarrage de notre économie, mais à la combinaison de trois facteurs : la baisse des taux d’intérêt, la baisse du prix du baril et la baisse de l’euro face au dollar. La croissance n’est donc pas le résultat de la politique du Gouvernement, ou seulement pour une faible part : elle provient de facteurs précaires, qui peuvent se retourner demain. La croissance de demain, c’est la baisse massive des charges. Avez-vous entendu ce qu’a dit Louis Gallois en début de semaine, monsieur le ministre ? Qu’il fallait baisser massivement les charges sur les salaires des classes moyennes, sans quoi la compétitivité ne serait pas au rendez-vous.

M. Michel Sapin, ministre et M. Alain Fauré. C’est ce que nous faisons !

M. Philippe Vigier. Il a rendu un rapport il y a trois ans, préconisant l’introduction de la TVA compétitivité, que nous avions voulu mettre en place et que vous avez balayée d’un revers de main.

Il y a néanmoins un point sur lequel nous sommes d’accord avec vous : la réduction du nombre de fonctionnaires. Après avoir tant critiqué la révision générale des politiques publiques, conduite par Éric Woerth, vous avez promis à votre majorité de stabiliser les effectifs de la fonction publique. Mais, là non plus, vous ne dites pas la vérité, puisque le nombre de fonctionnaires a baissé de 17 000 en 2013 et de 5 000 en 2014. Toujours le même théâtre d’ombres : on prétend qu’on ne réduit pas les effectifs mais, lorsqu’on regarde les chiffres, on constate qu’ils ont bel et bien baissé.

M. Michel Sapin, ministre. Et vous vous en plaignez, monsieur Vigier ?

M. Philippe Vigier. Nous vous avions dit qu’il est impossible de réaliser des économies sans baisser les effectifs, parce que les dépenses de personnel représentent 41,8 % des dépenses de l’État. Nous préférerions que le Gouvernement ait le courage de dire qu’il réduit les effectifs des fonctions publiques, plutôt que de dissimuler ces baisses.

Monsieur le ministre, vous le savez très bien, la réalité, c’est que nos concitoyens connaissent toujours plus de difficultés au quotidien. Les retraités, les familles, les travailleurs modestes, les petites entreprises, qui sont la richesse de ce pays, les 1 000 chômeurs supplémentaires par jour depuis le début du quinquennat, sont autant de victimes de cette politique, et ce sont des gens qui se réfugient dans le vote extrême.

Les fins de mois difficiles à cause de l’augmentation continue des impôts et des taxes – j’attends de voir ce qui se passera en 2015, mais je suis dubitatif –, le climat d’inquiétude qui gagne tous les acteurs économiques de notre pays, les vies brisées par le drame du chômage, la défiance vis-à-vis de l’action publique, qui nous concerne tous, tels sont les problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, après trois années perdues, je demande solennellement que 2016 soit l’année d’un discours de vérité, s’agissant notamment des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques. Les chiffres que j’ai rappelés montrent bien qu’il y a, de votre part, une tentative de camouflage. Nous devons en sortir.

Nous examinerons à nouveau cet après-midi la loi Macron, qui est censée relancer la croissance et l’activité, mais on sait très bien qu’elle ne permettra pas d’atteindre ces objectifs. Et il en est de même avec le projet de loi de François Rebsamen. Vous dites vouloir, monsieur Eckert, que les entreprises s’approprient davantage le crédit d’impôt compétitivité emploi, mais ce n’est pas là une réponse suffisamment puissante. Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants émet donc de nombreux doutes quant à la politique que vous comptez mener en 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien ! Bravo !

M. Michel Sapin, ministre. Vous étiez meilleur hier, monsieur Vigier !

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, François Hollande, candidat, annonçait un quinquennat en deux temps, le premier consacré aux réformes structurelles, le second consacré à la redistribution. Notre débat a vocation à préparer le budget pour 2016, lequel devrait, me semble-t-il, ouvrir ce deuxième temps du quinquennat. Vous nous permettrez donc de vous interroger sur quelques points qui nous paraissent importants.

Je commencerai par quelques constats. Oui, le déficit public a été largement réduit, passant de 5,1 % du PIB en 2011 à 4 % en 2014. Et il l’a été par la compression des dépenses publiques, avec une exécution 2014 faisant apparaître une baisse des dépenses entrant dans le champ de la norme zéro valeur de 3,3 milliards d’euros entre 2013 et 2014. Minorer cet effort en intégrant, dans l’analyse des dépenses publiques, les investissements d’avenir, comme le fait la Cour des comptes, est à ce titre inapproprié, les investissements d’avenir ayant toujours été traités séparément des dépenses sous norme par les majorités successives, et ce depuis le lancement du programme d’investissements d’avenir en 2010.

M. Philippe Vigier. Eh oui !

Mme Eva Sas. Le caractère pluriannuel de ces investissements et la variabilité des décaissements d’une année sur l’autre déformeraient, d’ailleurs, l’analyse tendancielle de l’évolution de ces dépenses publiques. Parallèlement à cette baisse des dépenses publiques, les recettes fiscales, hors mesures d’allégement de l’impôt, stagnent en raison d’une activité économique atone et d’une croissance structurellement faible s’établissant à 0,2 % en 2014, après avoir été de 0,7 % en 2013 et de 0,2 % en 2012.

Force est de constater que vous avez, de plus, mis en œuvre des mesures coûteuses en faveur des entreprises, puisque le seul crédit d’impôt compétitivité coûte à l’État 6,5 milliards de dépenses effectives en 2014. Cette politique se traduit par une forte baisse des recettes d’impôt sur les sociétés, qui chutent de 25 % en une seule année. A contrario, les recettes d’impôt sur le revenu sont en augmentation, ce qui traduit un transfert de la charge des politiques publiques des entreprises vers les ménages. Malgré cet effort en faveur des entreprises, la croissance ne repart pas, ce qui montre que ces mesures sont pour l’instant, à elles seules, sans effet notable sur l’économie et sur l’emploi, puisque le taux de chômage a atteint 10 % au premier trimestre 2015, et ce, sans compter les personnes en sous-emploi.

L’effort en matière de déficit public a donc été réalisé. Il faut donc maintenant aborder le second temps du quinquennat qui doit être celui de l’investissement et de la redistribution. De la priorité à l’investissement découle notamment la nécessité de redonner aux collectivités territoriales les moyens d’investir dans leurs territoires afin d’améliorer l’adéquation de leurs investissements aux besoins des habitants et favoriser la création d’emplois dans tout le pays. Avec une diminution de l’investissement des collectivités territoriales de 9,6 % en 2014 et de 8,4 % en 2015 selon les prévisions, vous nous permettrez d’être inquiets.

Une nouvelle diminution des concours de l’État de 3,67 milliards d’euros semble prévue dans le PLF 2016, ce qui réduira encore les marges de manœuvre des collectivités pour investir. Ces diminutions ne peuvent se poursuivre sans affecter l’emploi et la cohésion sociale, comme c’est déjà le cas dans de nombreux territoires.

Il faut aussi donner la priorité à l’investissement plus spécifiquement en matière de transition écologique, en particulier dans le cadre du budget de l’écologie.

M. Hervé Mariton. Ecomouv’ par exemple ?

Mme Eva Sas. Ce budget a déjà largement contribué à l’effort de redressement des comptes publics. En effet, à périmètre d’action inchangé et hors investissements d’avenir, il a diminué de 410 millions d’euros en 2015, soit une baisse de 5,8 % par rapport au budget 2014, après une baisse de 500 millions d’euros, soit 7 %, en 2014 et de 740 millions d’euros, soit 8,8 %, en 2013. Il s’agit donc d’une diminution ininterrompue des crédits de 1,65 milliard d’euros depuis 2012. Ces chiffres ne prennent pas en compte les investissements d’avenir mais en matière d’écologie ceux-ci ont également été touchés puisque 146 millions d’euros initialement alloués à deux programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ont été transférés vers la mission « Défense » en 2014. On peut donc qualifier cette diminution cumulée de drastique.

M. Philippe Vigier. Vous ne la découvrez tout de même pas aujourd’hui !

Mme Eva Sas. Comment mener, dans de telles conditions, la politique environnementale ambitieuse que vous défendez à juste titre ? Alors même que le budget de 2016 sera soumis à la représentation nationale en même temps que se tiendra la COP 21 et que la demande de projets d’investissement dans la transition énergétique est réelle, comme l’a confirmé le président de l’ADEME lors de sa récente audition, il ne faudrait pas que les crédits finançant la société de demain soient à nouveau touchés par les coupes budgétaires. Or le PLF pour 2016 semble prévoir une nouvelle diminution du budget de l’écologie de 106 millions d’euros par rapport à ce que prévoit la loi de finances initiale pour 2015, ce que nous ne pouvons que déplorer.

Il faut donner la priorité à la redistribution, ce qui implique l’amplification des mesures en faveur des ménages. Nous saluons l’effort qu’a constitué l’allégement de l’impôt sur le revenu pour les personnes aux revenus modestes dont l’exécution démontre les importantes conséquences. L’allégement des prélèvements s’élève à 1,3 milliard d’euros en 2014, ce qui améliore la situation de 4,2 millions de foyers fiscaux. L’effort est prolongé et amplifié en 2015 par la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, ce qui redistribue 3 milliards d’euros et bénéficie à neuf millions de foyers fiscaux.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

Mme Eva Sas. Des mesures plus directes en faveur des ménages peuvent être mises en œuvre en complément du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, que nous soutenons depuis toujours et dont nous attendons les détails pratiques de mise en œuvre. Or aucune mesure nouvelle en faveur des ménages aux revenus modestes n’est annoncée à ce jour, la prime d’activité n’étant que la refonte des budgets de la prime pour l’emploi et du revenu de solidarité active. Par ailleurs, la politique du logement nous inquiète vivement et vous voudrez bien, monsieur le secrétaire d’État, nous faire savoir ce que vous retenez des travaux du groupe de travail confié à notre collègue François Pupponi ainsi que la revue des dépenses que vous envisagez afin de maîtriser le coût des aides personnalisées au logement et des aides à la pierre. Vous comprenez bien que les premières orientations présentées suscitent des inquiétudes légitimes auxquelles nous souhaitons pouvoir répondre.

Enfin, en vue de rendre plus efficaces les aides aux entreprises et améliorer l’efficience des budgets alloués à la création d’emplois, nous espérons que le projet de loi de finances pour 2016 affinera le choix des crédits d’impôts aux entreprises afin de les concentrer sur les entreprises en difficulté, en particulier les TPE, les PME, les entreprises des secteurs d’avenir et les activités pourvoyeuses d’emplois comme nous le demandons depuis le début de la législature. Le second temps du quinquennat donnant la priorité à la redistribution, à l’emploi, à l’investissement et à la transition écologique, nous l’attendons et les Français l’attendent aussi !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, chers collègues, le débat d’orientation des finances publiques constitue l’occasion d’interroger la représentation nationale sur la trajectoire de notre pays en matière de politique économique, financière et monétaire. Vous conviendrez que nous l’abordons dans des circonstances particulières. Comment ne pas évoquer, à l’orée de mon propos, le contexte politique européen et la situation de la Grèce ? Les négociations semblent patiner. Si la Grèce était privée de liquidités, elle se dirigerait vers une faillite financière et une sortie inacceptable de l’euro, que certains appellent néanmoins de leurs vœux.

Dimanche dernier, les Grecs nous ont offert une bouffée d’oxygène en s’opposant de manière ferme et incontestable à une nouvelle cure d’austérité aussi injuste qu’inefficace que les créanciers entendaient leur imposer. Ils nous ont donné une leçon de démocratie en organisant un référendum dans des conditions ô combien difficiles, et ce au nez et à la barbe de toute l’oligarchie financière, économique, politique et médiatique de notre continent, qui ne voulait pas que la parole soit donnée au peuple. Victimes des désastreuses politiques d’austérité, les Grecs nous donnent également une leçon de courage et montrent qu’il est possible, avec de l’audace et de l’ardeur, de changer le cours des choses et de respecter les engagements pris envers les électeurs et la population.

En replaçant la démocratie au-dessus des marchés et de la finance et en plaçant l’humain au cœur d’un projet de société en lieu et place des ratios et autres chiffres comptables, les Grecs montrent aussi un chemin d’exigence aux décideurs politiques que nous sommes vers davantage de démocratie et de respect de la parole politique. Le non massif du peuple grec exprimé par référendum éclaire d’un jour nouveau la situation grecque mais aussi celle de l’Europe. Les positions prises ici même hier par M. le Premier ministre et par tous les groupes de gauche défendant le maintien de la Grèce dans la zone euro le confirment. La dette publique est une question primordiale en Grèce mais elle l’est aussi dans les autres pays européens, dont la France.

Depuis l’éclatement de la crise des subprimes, l’endettement public a considérablement augmenté et atteint dans nos économies occidentales des niveaux insupportables. La France n’échappe pas à ce constat dramatique. La dette publique dépasse désormais le montant vertigineux de 2 000 milliards d’euros. Cette année encore, elle augmentera. Il est prévu un déficit public de l’ordre de 3,8 % du PIB, en amélioration nette mais qui reste à un niveau bien supérieur à la croissance attendue. Outre la question primordiale du montant total de la dette et des déficits publics, il faut évoquer la question spécifique des intérêts de la dette et tirer la sonnette d’alarme. En raison de la faiblesse des taux d’intérêt et de l’hypothèse d’une inflation nulle, le programme de stabilité pour 2015 prévoit une réduction d’environ 2 milliards d’euros de la charge des intérêts des administrations publiques. Nous nous réjouissons d’une telle évolution.

Certes, la France bénéficie actuellement de conditions de financement tout à fait favorables grâce auxquelles elle finance ses déficits à moindres frais, mais pour combien de temps ? Compte tenu de la situation en Europe et de l’état des marchés financiers, il n’est pas exclu et il est même plutôt probable que notre pays soit confronté très prochainement à une remontée des taux qui pourrait s’avérer particulièrement douloureuse. Je citerai afin d’illustrer mon propos les chiffres de l’Agence France Trésor selon laquelle une hausse de 100 points de base de tous les taux d’intérêt en 2015 entraînerait une augmentation de la charge des intérêts de 2,4 milliards d’euros cette année, de plus de 5 en 2016, de plus de 7 en 2017 et de près de 13 en 2020 ! Ces chiffres font en effet froid dans le dos.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il ne faut pas jouer à se faire peur, monsieur Charroux !

M. Michel Sapin, ministre. D’autant moins que c’est l’inverse qui se produit !

M. Gaby Charroux. Certains invoquent ces hypothèses pour arguer de l’urgente nécessité de continuer à réduire les dépenses publiques afin de réduire les déficits. Une telle démarche nous semble peu responsable et contre-productive. Pour nous, députés du Front de gauche, la conclusion tirée de ces hypothèses n’est pas la bonne. Ces chiffres montrent avant tout que notre pays est intoxiqué par les marchés financiers. Nous devons nous « désidérer » de la dette publique, selon les termes du philosophe Patrick Viveret. La dette ne doit plus être un instrument de chantage et d’asservissement des États. Nous devons prendre des mesures fortes.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Lesquelles ?

M. Dominique Lefebvre. Il faut faire défaut ?

M. Gaby Charroux. Il faut d’abord s’attaquer au stock, à ces 2 000 milliards d’euros qui plombent notre économie et notre avenir. Comment faire ? Nous proposons une solution européenne, avec l’organisation d’une grande conférence européenne sur la dette qui réunirait décideurs politiques et sociétés civiles afin d’envisager une restructuration des dettes publiques et d’alléger ce fardeau qui piège les populations et leurs représentants.

M. Michel Sapin, ministre. Cela coûtera cher !

M. Gaby Charroux. Il faut ensuite mettre en place des outils de financement de l’action publique autres que le recours aux marchés financiers, notamment le recours à l’épargne interne, afin de désintoxiquer notre économie de la finance. Dans le même ordre d’idées, il faut aussi reconsidérer le rôle de la Banque centrale européenne. En clair, il faut sortir du piège de la dette qui ne doit cesser d’être un prétexte pour mettre en place des politiques orthodoxes dans notre pays.

J’en viens au crédit d’impôt compétitivité emploi, parfait exemple de la politique exclusive de l’offre qui est menée en France. Il consiste en effet à réduire les prélèvements des entreprises de plusieurs milliards d’euros sans ciblage ni conditionnalité et sans effets visibles sur l’emploi. Quel coût, quel gouffre pour nos finances publiques !

Nous n’attendrons pas le rapport de France Stratégie pour faire progresser nos idées. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, nous proposerons, en lieu et place de ce sinistre chèque en blanc offert au patronat, des mesures effectives accompagnant celles et ceux qui investissent et créent de l’emploi et de la richesse dans notre territoire, en particulier les TPE et les entreprises confrontées à une forte concurrence internationale, qui ont besoin d’être aidées. Le crédit d’impôt recherche fera également partie de nos priorités. Il coûte à nos finances publiques la bagatelle de quelque 6 milliards d’euros par an. Il nous semble profondément injuste de demander toujours plus d’efforts aux Français tout en conservant un tel dispositif dont les effets sur la recherche sont largement contestables.

La Cour des comptes a d’ailleurs très fermement critiqué en 2013 les dérives de cette immense niche fiscale qui coûte très cher à l’État. Comment expliquer que des enseignes de la grande distribution et des banques, dont la contribution à la recherche est peu probante, bénéficient d’importants montants de CIR ? Cela non plus n’est pas acceptable. Nous formulerons donc des propositions visant à inciter à remettre un peu d’ordre dans cette niche fiscale.

Par ailleurs, nous nous félicitons que notre camarade Nicolas Sansu ait été nommé rapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur les effets de la baisse des concours de l’État aux collectivités locales, que nous n’avons cessé de combattre car réduire les moyens des collectivités, c’est réduire les moyens du premier investisseur public de notre pays !

M. Dominique Lefebvre. Les moyens des collectivités ne sont pas réduits, ils sont stabilisés !

M. Gaby Charroux. La réalité économique de notre territoire nous donne raison. L’activité se contracte et l’emploi est sous tension. Nous entendons donc faire toute la lumière sur les conséquences de la diminution de la DGF. En tout état de cause, nous proposerons une nouvelle fois de revenir sur cette baisse des moyens alloués à nos territoires.

Enfin, la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale doit être considérablement renforcée. Nous proposerons donc le renforcement des moyens accordés aux services fiscaux et douaniers car ils sont loin d’être suffisants.

La filialisation dans des paradis fiscaux à laquelle ont recours les grands groupes doit également être combattue. Nous proposerons des mesures concrètes en matière de transparence, mais aussi de sanctions. D’autres propositions viendront compléter celles que j’ai évoquées, relatives en particulier à la taxe sur les transactions financières.

Les recettes libérales échouent dans notre pays et ailleurs en Europe. Nous participerons au débat budgétaire dans un esprit constructif mais animés de la profonde conviction qu’il est urgent que notre pays et le continent changent de cap au profit d’une croissance basée sur la transition écologique, l’amélioration du pouvoir d’achat et la justice sociale et fiscale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Lefebvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, il faut tenir le cap. Oui, il faut tenir avec constance, cohérence et détermination le cap d’une politique adaptée à la conjoncture, qui repose sur deux piliers fondamentaux : d’une part, une politique économique de soutien à l’emploi et à la croissance, et d’autre part, une politique budgétaire de redressement des finances publiques.

Voilà donc ce que vous nous proposez, messieurs les ministres, à l’occasion de ce débat d’orientation budgétaire. Alors, je vous le dis tout simplement, au nom de l’ensemble de mes collègues socialistes, ce choix politique clair et sans ambiguïté du Gouvernement est aussi celui du groupe socialiste.

Le choix du groupe socialiste, c’est d’abord de maintenir et de renforcer nos priorités politiques. D’abord celle de la sécurité des Français, renforcée par le contexte international : elle se traduit par des créations d’emplois supplémentaires au sein du ministère de la justice, comme dans la police et dans la gendarmerie, alors que la menace terroriste perdure. Et en application de la loi de programmation militaire, les crédits du ministère de la défense augmenteront de plus de 1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

La priorité à l’emploi et à la compétitivité de notre économie se traduit par un volume d’emplois aidés reconduit et par la mise en œuvre de 60 000 entrées en formation supplémentaires. Des mesures favorisent l’embauche dans les TPE-PME et le financement de la prime d’activité. De même se maintiennent, et même sont renforcées, les dépenses en faveur de la recherche et de l’innovation, puisque 1 000 emplois supplémentaires seront créés à cette fin.

Elle se traduit aussi et surtout, alors que les premiers résultats positifs sont d’ores et déjà visibles – avec le rétablissement des taux de marge et la relance de l’investissement des entreprises –, par la poursuite de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité pour soutenir nos entreprises et gagner la bataille de l’emploi.

La priorité à la jeunesse, à l’éducation et à la culture prend la forme d’une progression des moyens du ministère de la culture, hors audiovisuel public, et du maintien des créations d’emplois dans l’éducation nationale et l’enseignement supérieur – nonobstant les mesures prises dans l’emploi de la défense qui explique cette croissance de l’emploi public, que nos concitoyens, je crois, comprendront – et de la montée en puissance du service civique.

Quant à la transition énergétique, les mesures prises, notamment sur le plan fiscal, font qu’au final les moyens budgétaires et les dépenses fiscales qui y sont consacrés seront en augmentation et non en baisse, comme d’aucuns aimeraient le faire croire.

Toutes ces priorités sur lesquelles nous nous sommes engagés en 2012 avec le Président de la République devant les Français sont bien traduites dans la répartition prévisionnelle des crédits entre missions que vous nous nous présentez aujourd’hui.

Et l’ensemble de ces priorités, et en particulier les mesures nouvelles prises cette année, à hauteur près de 2 milliards d’euros en année pleine, seront financées, notamment par des redéploiements, dans le respect de la trajectoire de redressement des comptes publics que nous avons votée en décembre dernier, et même au-delà, comme la France s’y est engagée au printemps dernier vis-à-vis de ses partenaires européens.

À ce propos, et alors même que d’aucuns, à la droite de cet hémicycle et parmi les commentateurs, anticipaient et parfois même espéraient une sanction punitive infligée par la Commission européenne à la France et sa mise sous tutelle, ladite Commission – vous l’avez rappelé, messieurs les ministres – a fait sienne la trajectoire de réduction du déficit public choisie par la France.

Bien loin de la sanctionner, de la punir ou de la mettre sous tutelle, la Commission européenne a validé ces orientations que nous avons librement choisies. Elle a même suspendu, par la même occasion, la procédure de déficit excessif à l’encontre de notre pays : c’est dans cette voie qu’il faut donc continuer.

Aurait-il fallu, ou faudrait-il, modifier cette trajectoire et aller plus vite, au risque d’augmentations d’impôts ou de coupes budgétaires brutales, comme le préconise la droite ? La réponse est évidemment non, car cela mènerait à des politiques d’austérité au coût économique et social élevé, qui affaibliraient notre pays, son économie, son industrie et sa croissance et qui créeraient du désordre social et donc du désordre politique.

Aurait-il fallu, ou faudrait-il, aller moins vite, comme d’autres l’imaginent ? La réponse est également négative, car notre indépendance financière aurait été ou serait rapidement mise en cause, comme, par conséquent, nos priorités de politiques publiques.

Il y a donc, mes chers collègues, un contraste saisissant entre la calamiteuse – je reprends l’adjectif utilisé par notre président de la commission des finances étrangement absent de ce débat d’orientation budgétaire – gestion passée de l’ancienne majorité et les actions et résultats que nous enregistrons depuis trois ans en matière de redressement des finances publiques.

Les chiffres sont connus. J’ai rappelé ici même, lundi dernier, les résultats désastreux des deux derniers quinquennats de droite en matière de dette et de déficit, à une époque où la dépense progressait chaque année, en moyenne, de plus de 3 %, où le déficit a atteint des niveaux historiquement élevés et où, dans le même temps, nos services publics et notre modèle social se sont délités.

Par contraste, la méthode appliquée par le Gouvernement pour maîtriser les dépenses par un travail fin et ciblé qui s’appuie sur des réformes en profondeur des politiques publiques doit être relevée.

Toutes les économies sur la dépense ne se valent pas, car c’est l’efficacité de la dépense publique qui prime. Les économies proposées par le Gouvernement visent à limiter le plus possible l’impact négatif qu’elles pourraient avoir à court terme sur la croissance et à préserver notre modèle social, sans diminuer les prestations. Le groupe socialiste partage ces choix.

Oui, mes chers collègues, la France de 2015 va bien mieux que celle de 2012, mais il faut évidemment poursuivre les efforts, maintenir le cap et amplifier les réformes pour qu’elle aille encore mieux en 2016 et en 2017, et, bien évidemment, au-delà.

Le choix d’un redressement des comptes publics dans la durée, dans le respect de nos priorités politiques et des engagements que nous avons pris en 2012 devant les Français, exigera, lors du prochain débat budgétaire, de la détermination, de la constance et de la cohérence. Messieurs les ministres, le groupe socialiste y est prêt, avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe Les Républicains.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame le rapporteur général, mes chers collègues, le débat d’orientation des finances publiques est un moment important dans la préparation du budget et des choix stratégiques dans l’action publique.

Ce que vous nous proposez, et les perspectives que vous ouvrez, messieurs les ministres, chers collègues de la majorité, n’est ni de bonne finance ni de bonne politique. Monsieur le secrétaire d’État, chiche : baissez les déficits et les impôts !

En début de semaine, nous avons débattu du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2014 : le moins qu’on puisse dire est que l’année 2014 ne plaide pas en votre faveur. Alors, quid de 2016 ? Pour baisser les déficits, il faut imaginer des économies : quelles seront-elles ?

Les effectifs de la fonction publique ont augmenté de 8 293 emplois, et de 856 emplois dans l’éducation nationale, alors même que l’on connaît les difficultés de recrutement : cela a été fort opportunément rappelé par la rapporteure générale il y a quelques jours.

M. Michel Sapin, ministre. 9 700 militaires.

M. Hervé Mariton. Nous avions compris que le Gouvernement, en même temps qu’il voulait engager – il s’agit d’un marqueur du mandat – des recrutements dans l’éducation nationale qui ne constituent assurément pas la bonne manière de redresser la qualité de l’éducation dans notre pays, avait trouvé une forme de compromis dans la stabilité globale des effectifs.

Alors pourquoi, en 2016, cette divergence ? Oui, il fallait modifier la mauvaise trajectoire que vous aviez tracée – Jean-François Lamour sera d’accord avec moi – dans le domaine de la défense. Oui, un certain nombre de missions sont prioritaires, y compris, parfois, par leurs effectifs.

Mais alors, comme gouverner, c’est choisir, il fallait redoubler d’efforts dans d’autres secteurs : or c’est un choix que vous ne faites pas. Et quand vous distinguez, apparemment et sous la contrainte des faits, des priorités nouvelles, elles s’empilent sur les précédentes. C’est affaire de bon sens. Chaque Français le sait : accumuler les priorités revient à n’en plus avoir aucune.

Alors, oui, un certain nombre de choses baissent, dans vos perspectives pour 2016, et c’est intéressant : le prélèvement pour l’Union européenne, par exemple, de plus de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de programmation. Est-ce cela, la vertu budgétaire du Gouvernement et de la majorité ? Oui, des choses baissent, mais d’une façon qui fait penser à Marcel Aymé, l’auteur de La tête des autres : ce qui baisse, c’est les autres. C’est assez commode comme présentation. Cela peut tenir la séance mais cela ne fait pas la solidité d’une structure budgétaire et n’établit pas la crédibilité de notre pays.

Le prélèvement de l’Union européenne baisse donc de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de programmation. La charge de la dette va également baisser, de plus de 3 milliards d’euros par rapport à cette même loi. Prenons acte – et vous avez raison de le faire – d’une baisse des taux d’intérêt au regard des prévisions. Mais vous savez aussi, cela ne vous a pas échappé, que les taux d’intérêt ont, ces derniers mois, fluctué.

Je l’ai évoqué lundi dernier lors de l’examen du projet de loi de règlement : nous savons bien, certes, que les décisions et les actes de l’Agence France Trésor ne sont pas caractérisables au même moment de l’année, avec un effet plein sur une année, mais il reste qu’une augmentation d’un point de ces taux aurait des conséquences importantes.

Prenons des chiffres simples concernant l’effet d’une telle augmentation : si elle devait advenir, au bout de dix ans, elle occasionnerait, au cours de la dixième année, un coût supplémentaire sur l’ensemble de la dette de 15 milliards d’euros. Son coût cumulé sur ces dix années s’élèverait à 100 milliards d’euros.

Les perspectives et l’orientation des finances publiques ne peuvent et ne doivent pas reposer sur la seule baisse de la charge de la dette.

S’agissant des transferts aux collectivités locales, je ne suis pas de ceux qui les dénoncent dans leur principe, parce que la réalité est que l’ancienne majorité l’avait évoqué, et que, si nous revenions demain aux affaires, nous le ferions aussi, probablement avec davantage de doigté et d’intelligence que vous n’y mettez.

M. Michel Sapin, ministre. Avec plus de doigté, soit, mais quant à l’intelligence…

M. Hervé Mariton. L’idée que les collectivités doivent aussi participer à l’effort de réduction de la dépense publique n’est pas une idée qui nous est étrangère. Il ne faut pas le faire n’importe comment, assurément. En outre, cela ne saurait masquer l’insuffisance de l’effort de l’État. Que les uns et les autres fassent des efforts, j’en suis d’accord, et je ne vous dis pas, par démagogie, que les collectivités locales ne doivent en faire aucun.

Mais où sont les réductions ? Charge de la dette, prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, et baisse de 3,68 milliards des transferts aux collectivités locales en comparaison avec la loi de finances initiale pour 2015 : tout cela ne signe pas un effort considérable de la part de l’État sur son périmètre.

Et d’ailleurs, sur celui-ci, les crédits des ministères augmentent de 300 millions d’euros par rapport à la loi de programmation et de 100 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2015.

Certains nous disent, après les efforts de ces dernières années, qu’il faut corriger la trajectoire pour l’avenir : on l’entend de la part de groupes membres ou proches de la majorité, de la part de collègues écologistes et aussi, souvent, de la part de collègues socialistes.

Nous avons aussi entendu, de la part de la Cour des comptes, des choses fort à propos, notamment à propos de l’investissement, lors de l’audition, le 24 juin dernier, de son Premier président par la commission des finances.

Ceux de nos collègues de la majorité qui s’engagent par exemple sur les enjeux relatifs aux transports – je pense à notre collègue Gilles Savary – soulignent, à juste titre, que la politique d’investissement doit aussi être raisonnable au regard de ce que sont les retours sur ces investissements.

Vous avez masqué, dans les investissements d’avenir, des investissements qui ne le sont pas toujours, ou qui parfois ne sont tout simplement pas des investissements et qui se substituent à des modes de financement plus classiques ou plus historiques.

Avec notre collègue Marc Goua, socialiste, nous avons présenté hier un rapport d’information sur la situation d’Areva. Pendant longtemps, Areva a été une sorte de vache à lait pour le Commissariat à l’énergie atomique. Elle a assuré le financement de celui-ci, davantage que celui des investissements dont elle avait besoin en propre…

M. Alain Fauré. Qui était aux manettes ?

M. Hervé Mariton. …et qu’elle a mis en œuvre en les finançant de manière fragile.

À un moment, ces dividendes disparaissent. Comment, alors, faites-vous ? Par les temps qui courent, c’est assez commode : vous recourez aux investissements d’avenir. Pouvez-vous persister à les appeler ainsi alors que vous les utilisez de cette manière, en substitut à des modes de financement qui fonctionnaient antérieurement ?

La redistribution a été évoquée par certains. C’est ainsi que l’exécutif a présenté l’ordonnancement de son mandat : mais qu’y aura-t-il, demain, à redistribuer ?

Venons-en aux hypothèques : je pense à Écomouv’, sujet que nous avons évoqué lundi en séance publique et sur lequel, monsieur le secrétaire d’État au budget, vous ne m’avez pas répondu concernant la revendication des entreprises de péage. Si vous m’avez répondu s’agissant d’Écomouv’, vous ne m’avez pas répondu sur les 300 millions d’euros revendiqués par les entreprises de péage.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Demandez à M. Le Fur.

M. Hervé Mariton. Il s’agit en tout cas d’un désastre : la politique dite écologique et énergétique du Gouvernement est une véritable ruine pour les contribuables, tout comme les hypothèques que sous-tend le projet de loi relatif à la transition énergétique.

De nouvelles dépenses sont-elles parfois justifiées par d’évidentes priorités ? La réponse est oui : la défense et la sécurité. Mais en face, messieurs les ministres, les économies ne sont pas là.

Quelles économies ? Avec un talent moyen, monsieur le secrétaire d’État, vous avez présenté tout à l’heure une forme de projet de la droite. Pour nous, et c’est en effet différent de ce que vous faites, il faut faire des économies sur les effectifs de la fonction publique, des économies beaucoup plus courageuses que celles que vous engagez et n’assumez guère sur les aides au logement, secteur à la fois massivement subventionné et massivement fiscalisé. Il y a également des champs d’économies importants dans le domaine de la simplification. Il faut, en outre, mener une autre politique d’indemnisation du chômage. Et de quelle lâcheté fait preuve votre gouvernement à l’égard du régime des intermittents du spectacle ! Il faut mener des réformes des retraites d’une tout autre ampleur. Oui, on peut faire des économies – et des économies que l’on peut justifier – dans les ordres de grandeur que vous avez cités.

De nouveau, en 2015, vous aggravez cette mauvaise pratique qui consiste à diminuer le nombre de Français soumis à l’impôt sur le revenu. L’impôt sur le revenu en France est abîmé de ce qu’il repose sur un trop faible nombre de Français. Vous cédez là à la facilité et à la démagogie.

Juillet 2015, c’est aussi la mise en cause par votre gouvernement de l’universalité des allocations familiales.

C’est la mise en cause permanente par la majorité et par votre gouvernement du CICE. Le CICE, nous n’avons jamais considéré que c’était un outil miracle et la bonne manière de consacrer l’effort nécessaire pour la compétitivité des entreprises, mais vous passez votre temps à mettre en cause votre propre dispositif ou plus exactement, car c’est la marque de votre politique économique, tantôt à rassurer tantôt à inquiéter, à dire que c’est du solide et, parfois les mêmes et le même jour, qu’il faudra le réorienter.

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. Quant au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, alerte rouge. Le prélèvement à la source, vous ne le ferez pas d’ici à la fin du mandat mais vous risquez d’introduire un certain nombre de dispositions techniques sur lesquelles nous devrons avoir le courage de revenir, car ce que vous voulez, c’est hypnotiser les Français dans la perspective de futures augmentations d’impôt. Il ne faut pas rendre ainsi la perception de l’impôt plus facile, il ne faut pas céder à la tentation de pouvoir demain augmenter les impôts sans que les Français s’en rendent trop compte.

Oui, il y a eu des expériences de prélèvement à la source en France. Ce fut sous Vichy en particulier. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Éric Woerth. Oh !

M. Hervé Mariton. Il faut simplement rappeler cette réalité historique. Le prélèvement à la source n’est pas moderne, les exemples datent des années quarante.

M. le président. Monsieur Mariton…

M. Hervé Mariton. Le prélèvement à la source n’est pas juste et il serait, en termes de fiscalité, extrêmement périlleux dans notre pays.

M. le président. Monsieur Mariton…

M. Hervé Mariton. Vous n’accomplissez pas de miracle. Ayez au moins la prudence de ne pas trop nuire à l’évolution du système fiscal de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je regrette qu’il ait fallu attendre le débat d’orientation sur les finances publiques pour avoir enfin quelques précisions sur les six premiers mois d’exécution du budget de 2015.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir apporté quelques éléments mais ils n’ont fait que renforcer mes inquiétudes, qui sont nourries de la base de 2014 à partir de laquelle ont été établies les prévisions pour 2015 et de ce que vous venez de dire.

D’après ce que nous connaissons maintenant de l’année 2014, c’est une véritable succession d’échecs.

La croissance aura été de seulement 0,4 point quand elle aura été en moyenne en zone euro de 0,9 point.

On avait prévu de baisser le déficit public global à 3,6 points de PIB, on est à 4 points en 2014.

Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre, les dépenses n’ont pas été diminuées en valeur courante. Si l’on sort les éléments extérieurs, la dette d’un côté, les pensions de l’autre, et si l’on prend en compte à leur juste mesure les PIA, on a une petite augmentation. Je reconnais qu’il y a un ralentissement par rapport aux années antérieures, mais nous avons tout de même 850 millions de plus sur le budget de l’État.

Sur les recettes, il y a tout de même une très grande inquiétude. Presque 11 milliards de recettes fiscales ne sont pas au rendez-vous, et cela s’explique, pour les neuf dixièmes d’entre elles, par la croissance spontanée, c’est-à-dire que nous payons l’overdose fiscale, qui induit des modifications de comportement.

Tout cela a entraîné une aggravation du déficit de l’État, d’exécution à exécution, de 10 milliards d’euros.

Les prélèvements obligatoires ont continué d’augmenter, puisque l’on est passé de 44,7 à 44,9 points de PIB, ce qui est tout de même notre record historique. Jamais la France n’avait atteint un tel niveau.

La dépense publique, en comptant, c’est vrai, les crédits d’impôts, dont le CICE, passe de 57 à 57,5 points de PIB. Là aussi, c’est un record historique.

On ne peut donc pas dire que l’on parvienne à faire refluer la dépense. Quand on raisonne en valeur absolue, en 2014, elle a encore progressé d’une bonne vingtaine de milliards d’euros. C’est beaucoup trop rapide.

À partir d’une base 2014 aussi dégradée, notre budget 2015 présente d’énormes fragilités.

Pour la croissance, il est prévu en moyenne 1,5 % en zone euro, et nous sommes à 1,1 %. Nous continuons donc à décrocher par rapport aux autres pays de la zone euro.

Pour le déficit global, vous prévoyez 3,8 points de PIB, contre 4 points en 2014. C’est l’un des efforts les plus faibles, si ce n’est le plus faible, de toute l’Union européenne dans les pays qui sont à plus de 3 %. Il n’y a que la Croatie qui soit dans la même situation que nous. L’effort est donc vraiment extrêmement limité.

Je veux surtout appeler votre attention, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait que nous sommes les seuls, pour le budget de l’État à rester en déficit primaire, c’est-à-dire que, lorsqu’on enlève les intérêts de la dette, l’État continue à dépenser davantage qu’il n’a de recettes. Même l’Italie n’est pas en déficit primaire.

Cela conduit à parler d’un aspect que vous n’avez pas évoqué à la tribune, à savoir l’endettement. Notre endettement a fortement progressé à nouveau en 2014 et, à la fin de 2015, nous allons dépasser probablement les 97 % du PIB, ce qui veut donc dire que, au rythme où nous allons et compte tenu des orientations, nous atteindrons très certainement les 100 % du PIB avant la fin de la législature.

L’un des signaux d’ailleurs auxquels il faut être attentif, c’est que nous allons emprunter en 2015 pas loin de 200 milliards d’euros, entre la couverture du déficit…

M. Alain Fauré. Et les remboursements des dettes !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …et le refinancement des dettes qu’il a fallu contracter…

M. Michel Sapin, ministre. Les vôtres !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …quand, comme l’Allemagne, en 2009-2010, les déficits ont explosé sous l’effet de la crise.

Nous sommes donc dans une situation un peu inquiétante.

Vous avez apporté des éléments, monsieur le secrétaire d’État, et vous vous êtes montré très confiant quant au respect de la norme pour 2015. Moi, je le suis un peu moins.

D’abord, la Cour des comptes évalue le risque sur les missions classiques – OPEX, centres d’hébergement d’urgence, solidarité – à environ 4 milliards d’euros. Or elle ne prend pas du tout en compte les dépenses nouvelles que vous avez évoquées tout à l’heure, à savoir 950 millions pour les contrats aidés, la défense et la sécurité. Je ne porte pas de jugement, ce sont des dépenses probablement utiles mais, si l’on ajoute l’incertitude sur les recettes exceptionnelles pour la défense, que Jean-François Lamour évoquera, il faudra peut-être trouver environ 5 milliards d’euros. Par rapport aux quelque 9 milliards de crédits mis en réserve, dont on sait que seule une petite partie – 3 ou 3,4 milliards – peut être annulée, cela montre que nous sommes dans une situation de grande fragilité.

Je crains – mais nous verrons ce qu’il en sera à la fin de l’année – que vous ne soyez obligés de recourir aux mêmes artifices en 2015 qu’en 2014, c’est-à-dire de la débudgétisation sur les programmes d’investissement d’avenir, des reports de charges sur l’exercice 2016 et, évidemment, l’aggravation de soldes vis-à-vis d’opérateurs extérieurs ou, tout simplement, des comptes de la Sécurité sociale.

Vous avez évoqué trois réformes de structure.

Sur les effectifs, je regrette que vous ayez une approche un peu clandestine, voire honteuse. Vous essayez de pratiquer des baisses en ne saturant les plafonds d’emploi, notre rapporteure générale l’a bien démontré, tout simplement parce que vous êtes prisonniers du dogme de stabilité globale. En attendant, en dépit de vos efforts un peu dissimulés, la masse salariale a continué d’augmenter. Prenez donc le taureau par les cornes, essayez de prendre à bras-le-corps cette question de la réduction des effectifs.

Sur les aides au logement, vous avez évoqué le rapport de M. Pupponi, que j’ai lu attentivement mais, honnêtement, on n’y trouve pas grand-chose. Je prends ici le pari qu’elles continueront à dériver de 500 ou 600 millions d’euros par an compte tenu de l’insuffisance des mesures.

M. le président. Il va falloir conclure, monsieur Carrez.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La troisième réforme, que j’ai vue avec intérêt, c’est la fin des exonérations territoriales ciblées, par exemple dans les ZFU, les ZUS, ou encore les territoires ruraux en difficulté. J’aimerais, monsieur le ministre, que vous nous en disiez un peu plus parce que c’est nouveau et qu’il y a peut-être là une source d’économies intéressante.

Mon souhait, c’est que nous arrivions à exécuter les comptes conformément à ce que vous avez indiqué. Il faut être conscient que nous sommes entrés dans une situation de très grande fragilité compte tenu de la crise grecque. Si la France n’est pas capable de respecter ses objectifs, c’est nous qui risquons de le payer par une surprime de risque et une envolée des taux d’intérêt alors même que nous avons besoin de trouver 200 milliards par an sur les marchés financiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le débat d’orientation des finances publiques a pour objet de préparer la discussion parlementaire de l’automne sur la loi de finances. Depuis 2008, il englobe l’ensemble de la dépense publique, en incluant les collectivités locales et, bien sûr, les administrations de sécurité sociale.

Ce débat intervient cette année à un moment particulier : la France commence à renouer avec la croissance économique, avec trois trimestres de croissance positive, ce qui n’était pas arrivé depuis 2010, et la dynamique de hausse ininterrompue depuis des années des dépenses publiques a été stoppée. Si ces deux facteurs d’amélioration de la situation économique méritent, je crois, d’être soulignés, nous savons qu’ils ne sont pas encore suffisants pour stopper les destructions d’emplois dans le secteur marchand et mettre un terme à la hausse de notre niveau de dette publique.

Ce débat intervient aussi dans un contexte particulier. Nous avons des facteurs économiques au vert – taux d’intérêt bas, taux de change ou prix du baril de pétrole –, mais il existe des incertitudes du fait de la situation en Grèce et du ralentissement de la demande mondiale.

Enfin, et je suis étonnée que personne n’ait évoqué ce point à la tribune, la Commission européenne a suspendu le 1er juillet dernier la procédure pour déficit excessif à l’encontre de la France.

Je me permets de rappeler que cette procédure avait été mise en œuvre en 2009, sous la précédente majorité. Neuf pays, au sein de l’Union européenne, font encore l’objet de cette procédure de déficit excessif, ce qui n’est donc plus le cas de la France depuis une semaine.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pourvu que ça dure !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. En dépit des difficultés que je viens de mentionner, plusieurs priorités semblent devoir être réaffirmées, comme nous l’avons déjà dit lors de l’examen de la loi de règlement.

Premièrement, il faut soutenir l’investissement public et privé. Je regrette que, malgré la montée en charge du CICE, l’investissement privé ne soit pas reparti à la hauteur des efforts budgétaires que nous avons consentis. En soutien au frémissement de la croissance économique, l’investissement public est un élément important, quand l’investissement porté par les collectivités locales a reculé en 2014 et qu’il pourrait de nouveau baisser en 2015.

Deuxièmement, il est crucial, pour 2015 et les années qui suivent, de soutenir le pouvoir d’achat des ménages, comme l’a dit Mme Sas. Plusieurs mesures ont été mises en œuvre. En septembre prochain, 9 millions de foyers fiscaux bénéficieront de la réforme du barème de l’impôt sur le revenu, ce qui se traduira, en moyenne, par un gain de 290 euros par ménage. Il sera indispensable, notamment lors de la discussion à l’automne prochain sur la loi de finances, de tirer un bilan global. Je l’ai déjà dit lors de la discussion sur la loi de règlement et n’y reviendrai donc pas.

Ce débat d’orientation budgétaire est aussi l’occasion de poser quelques jalons en ce qui concerne l’exécution du budget 2015, à l’image de ce que M. le ministre a fait tout à l’heure.

En mettant bout à bout l’ensemble des économies supplémentaires – un décret d’avance a été voté en juin – et l’ensemble des annonces gouvernementales, il nous semble, à ce stade, qu’il va falloir réfléchir sur le financement de 4 milliards d’euros pour l’année 2015 – 2 milliards d’euros au titre des crédits supplémentaires pour la défense, liés aussi à la vente des fréquences hertziennes, et 800 millions d’euros liés aux annonces du Gouvernement. Ces éléments feront partie de la discussion de la loi de finances, à partir de septembre, mais il faut d’ores et déjà que nous nous interrogions pour disposer d’un bilan précis sur ce point.

Pour 2016 et 2017, les hypothèses qui sous-tendent le scénario du Gouvernement me semblent prudentes et donc réalistes. Dans les tableaux que vous nous avez remis, monsieur le secrétaire d’État – et là je ne rejoins évidemment pas nos collègues de l’opposition –,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh ! C’est dommage !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Eh oui, madame Dalloz !

Dans les tableaux, disais-je, les choix ont été très clairement affirmés.

Monsieur Carrez, je suis venue à cette tribune avec le rapport que nous avons publié et qui reprend un certain nombre de tableaux proposés par le Gouvernement. Vous avez, dans ce tableau, la liste des ministères prioritaires, soit des choix de soutien faits par le Gouvernement et cette majorité, avec des créations de postes, et celle des ministères auxquels on demande des efforts et qui sont, en tout cas pour les plafonds d’emplois, extrêmement bien renseignés par le Gouvernement.

En cet instant de débat budgétaire, il est également important d’avoir une vision globale. Je remercie d’ailleurs M. le ministre pour les tableaux qu’il nous a remis sur les propositions de réduction de crédits par ministère. Pour notre part, nous ajouterons, pour le débat à l’automne, l’ensemble des dépenses qui ne sont pas couvertes par ministère – je pense notamment à celui de l’écologie. Il peut y avoir une baisse budgétaire sans baisse sur l’ensemble de la mission. C’est le cas pour ce ministère, puisque, en additionnant les crédits budgétaires et les crédits d’impôt, ce n’est pas une dynamique de baisse qui se dessine, mais bien de hausse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. Mes chers collègues, vous avez pu constater que j’ai été assez généreux, en laissant tout le monde parler comme il le souhaitait.

M. Jean-François Lamour. Il faut continuer !

M. le président. Je dois demander aux prochains orateurs de respecter le temps de parole qui leur a été accordé.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce sont les sans-grade !

M. le président. La parole est à M. Alain Fauré pour cinq minutes.

M. Jean-François Lamour. Pourquoi y a-t-il eu des privilégiés ?

M. le président. Il est normal que la rapporteure générale et le président de la commission des finances puissent disposer d’un peu plus de temps que les cinq minutes qui leur ont été allouées. Monsieur Fauré, vous avez la parole.

M. Alain Fauré. Les sans-grade vont pouvoir s’exprimer, puisqu’ils sont eux aussi les représentants de l’État ! (Sourires.)

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le Gouvernement reste fidèle à son ambitieuse trajectoire initiale et à sa ligne politique qui consiste à redresser les finances publiques, à favoriser une politique économique de soutien à l’emploi et à la croissance et à rétablir le rôle régalien de l’État sur le plan de l’éducation, de la sécurité et de la justice.

Contrairement à ce que des Cassandre siégeant à droite de l’hémicycle…

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous sommes majoritaires ce matin !

M. Alain Fauré. …nous avaient annoncé avec force et vigueur, la proposition de déficit élaborée par la France a été acceptée et soutenue par la Commission européenne. Il est vrai que ce scénario permet de poursuivre les efforts nécessaires à un assainissement des finances, tout en ne compromettant pas la reprise encore fragile de notre économie, dont l’Europe a besoin dans un contexte politique européen et international compliqué.

Le Gouvernement en tient compte dans la prudence affichée, tant pour le taux de croissance suggéré – 1 % en 2015 et 1,5 % en 2016 et 2017 – que dans les prévisions des taux d’intérêt retenus dans la loi de programmation des finances publiques – 1,2 % en 2015, 2,1 % pour 2016 et 3 % en 2017. Les efforts de ces trois premières années de mandat commencent à produire des résultats positifs en matière de redressement des finances publiques.

Même si la confiance est encore fragile, ces résultats ont déjà fait oublier trop vite l’héritage catastrophique laissé par l’ancienne majorité : une dette abyssale, des déficits dans tous les domaines et notre modèle social mis à mal, sans oublier les nombreuses suppressions de postes, que ce soit dans l’enseignement – nous les rétablissons –, dans les services de police et de gendarmerie – là aussi, nous les recréons pour assurer la sécurité des Français –, ou dans la justice. Un grand nombre d’autres mesures ont également été prises pour réparer les effets de la période 2002 à 2012, au cours de laquelle la dépense a explosé pendant que nos services publics se délitaient.

Depuis 2012, une méthode a été mise en place pour garantir l’efficacité de la dépense publique. Nous y avons associé un travail mieux ciblé destiné à conduire des réformes en profondeur des politiques publiques, ce qui permet également de maîtriser le budget de l’État.

Toutes les économies sur la dépense ne sont pas identiques : celles proposées par le Gouvernement visent à limiter, autant que possible, l’impact négatif qu’elles pourraient avoir à court terme sur la croissance, tout en préservant notre modèle social.

Nous ne consacrons pas suffisamment de temps à expliquer et à défendre notre action, pendant que d’autres, plus oisifs et surtout obsédés par l’idée de revenir au pouvoir, font de la surenchère, en promettant des économies trois fois supérieures à celles que nous engageons, mais en se gardant bien de préciser dans quels domaines.

Chacun l’aura compris : nous maintenons nos priorités – l’éducation, l’emploi et la sécurité –, mais nous savons aussi adapter nos objectifs à l’évolution de la situation.

Ainsi le Gouvernement a-t-il décidé d’augmenter les crédits du budget de la défense de 1,1 milliard d’euros – ou de 600 millions d’euros pour les puristes – par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, afin de mieux assurer la sécurité des Français en raison de l’amplification de la menace terroriste.

La priorité à l’éducation est maintenue : à la création de postes et à la réforme de l’enseignement secondaire, nous ajouterons, pour un montant de 350 millions d’euros, le changement des manuels scolaires.

Comme la croissance ne crée pas suffisamment d’emplois – notre autre priorité –, nous maintenons la programmation du même volume d’emplois aidés qu’en 2014 et nous créons 60 000 entrées en formation supplémentaires. Nous mettons en place des mesures en faveur de l’embauche dans les TPE et PME, parce qu’il faut appuyer les premiers résultats positifs visibles, c’est-à-dire le rétablissement des taux de marge et la relance de l’investissement.

Nous poursuivons la mise en valeur du pacte de responsabilité et de solidarité et le CICE pour soutenir principalement nos PME et TPE, lesquelles représentent 98 % des entreprises.

Nous avons fait les bons choix et nous les faisons encore. La France va mieux. Le déficit public sera ramené à 3,8 % du PIB en 2015, 3,3 % en 2016 et 2,7 % en 2017, et nous gagnerons la bataille de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Il y a un peu d’autosatisfaction de la part du Gouvernement, monsieur le secrétaire d’État !

M. Romain Colas. Il en faut ! Et on ne peut pas compter sur vous !

M. Éric Woerth. Certes, c’est toujours bon pour se remonter le moral. Mais nous assistons aussi à une attaque en règle contre les éventuels arguments que pourrait employer l’opposition, ce qui ne me semble pas approprié. Comme vous l’avez vu, nous avons évidemment bien des choses à dire sur le budget et, d’une manière générale, sur la gestion des finances publiques.

Cette gestion est assez laborieuse, monsieur le secrétaire d’État. Vous nous demandez où prendre les 100 milliards ou 150 milliards d’euros que nous voudrions économiser. Or, dans le rapport de France Stratégie qui n’est pas, a priori, un organisme très affilié aux Républicains, on s’aperçoit que l’ancien commissariat au Plan, composé d’experts, évoque le même volume de dépenses publiques.

La France est en décalage par rapport aux autres pays, quel que soit leur modèle. Il y a, dans le modèle français actuel, toujours plus de dépenses publiques qu’ailleurs, et cela tire notre pays vers le bas.

Si la politique économique que vous menez était si vertueuse et si efficace, nous n’en serions pas là. Au fond, cette politique si vertueuse, si efficace et si parfaite aboutit, comme Gilles Carrez l’a très bien dit, à une croissance tout à fait infime. Si les déficits prennent l’escalier dans le sens de la descente, le chômage prend quant à lui l’ascenseur dans le sens de la montée. Il y a une contradiction complète entre la politique économique conduite, laquelle est censée relancer la croissance française, et les résultats obtenus.

Cette politique économique si vertueuse conduit à des déficits bloqués à 4 % depuis presque trois exercices – on flirtera encore avec les 4 % en 2015. Elle aboutit également à un endettement vertigineux qui augmente chaque jour en proportion du PIB. Quand on se regarde, on s’inquiète, mais quand on se compare, on s’inquiète encore plus, car les autres pays font nettement mieux que nous, que ce soit en termes de croissance ou de rapidité de baisse de leur déficit. Quant à l’indicateur aujourd’hui majeur qu’est le chômage, ils font également mieux que nous, mais il est assurément difficile de faire pire.

Certaines décisions vont dans le bon sens. Je ne remets pas en cause l’idée de baisser les dépenses, mais la baisse des charges des entreprises compense à peine, si ce n’est pas du tout, les augmentations de prélèvements obligatoires subies ces dernières années. Les baisses des dépenses, notamment sur le budget 2014, ont souvent été un effet d’optique. La Cour des comptes l’a d’ailleurs dit sans ambages, en soulignant des phénomènes de débudgétisation – je pense aux emplois d’avenir – et de report qui rendaient assez peu véridiques les volumes de baisse des dépenses que vous donniez.

La faute en revient à une vision comptable de la baisse de la dépense publique, quand il faudrait une approche globale. Ce n’est pas au ministre du budget de la définir, mais au Président de la République et au Premier ministre. Il leur revient de dire quelles sont les réformes qui sous-tendent cet effort sur la dépense et à quoi elles servent. Or, il n’en est rien. Nous bénéficions de facteurs extérieurs favorables, comme Gilles Carrez ou Hervé Mariton l’ont dit : la baisse des taux d’intérêt, des mesures ponctuelles de gel de la dépense publique ou le prix du pétrole. L’évolution du volume de la dépense publique n’est donc aucunement liée aux efforts supposés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Éric Woerth. Il y a aussi des menaces et des incongruités. Les menaces sont importantes, parce qu’elles révèlent notre fragilité. Je ne reviendrai pas à la question de la Grèce, car nous avons eu un débat et nous en parlons sans arrêt. La menace sur les taux d’intérêt, quant à elle, n’est pas complètement absente. On voit bien la sensibilité de notre pays, en raison de son endettement, à une hausse des taux d’intérêt.

Les mesures d’économies, la Cour des comptes l’a rappelé à plusieurs reprises, sont très fragiles car elles ne reposent pas sur des réformes structurelles – même si vous en annoncez volontiers de temps en temps dans les médias, cela ne se traduit généralement pas dans la réalité. Il y a donc des risques de dérapage très forts.

Et puis il faut évoquer les transferts de charges : ils sont lourds pour les collectivités locales et pour les opérateurs.

Par ailleurs, j’ai noté une incongruité assez extraordinaire par rapport à ce qui était annoncé : l’augmentation du nombre de fonctionnaires. Je ne m’y attendais vraiment pas. Plus de 8 000 fonctionnaires nouveaux en 2016, c’est totalement à contresens de ce qu’il faut faire. Vous aviez, bon an, mal an, poursuivi notre politique de baisse régulière du nombre de fonctionnaires d’État, et puis, tout à coup, vous en revenez à vos vieux démons : vous explosez les compteurs en termes d’effectifs, et c’est évidemment un signe extrêmement négatif.

Il y a parfois des intentions, parfois des orientations mais, monsieur le secrétaire d’État, tout cela manque singulièrement d’action et aboutit à des finances publiques très fragiles et donc à une croissance économique de plus en fragilisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Alain Fauré. Il est vrai que vos résultats étaient ce qu’ils étaient !

M. le président. La parole est à M. Romain Colas.

M. Romain Colas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, le débat d’orientation des finances publiques, s’il permet de tracer les indispensables perspectives de la politique budgétaire de la France, est aussi utile pour le Parlement que pour l’opinion car il donne l’occasion à la fois de réaffirmer le sens de l’action conduite dans ce quinquennat et de dresser objectivement des comparaisons.

S’agissant des perspectives budgétaires de l’État, cela a été dit par le secrétaire d’État et par plusieurs collègues, l’effort à la fois inédit et exigeant de réduction des déficits, en ligne avec nos engagements européens, se poursuivra sur la base non pas de coupes de crédits et de postes aveugles, génératrices de dysfonctionnements, voire de disparition pure et simple de services publics, mais sur une analyse rigoureuse de l’efficacité des dépenses et de l’ensemble des mesures d’optimisation à déployer.

Pour ce qui est du sens de l’action que nous conduisons pour le pays, sens dans lequel la trajectoire budgétaire doit être placée – car, même maîtrisée comme c’est enfin le cas aujourd’hui, une stratégie financière ne peut tenir lieu à elle seule d’orientation politique –, votre rapport préparatoire à notre débat de ce jour, monsieur le secrétaire d’État, montre la clarté et la constance des choix portés par notre majorité : mobiliser toutes les énergies pour l’emploi, conforter la reprise de la croissance, préserver notre souveraineté budgétaire et politique par la réduction du recours aux marchés financiers et, dans le monde nouveau qui est celui de notre temps, préserver, tout en le modernisant, notre modèle social, facteur à la fois de cohésion, de mieux vivre et, j’en ai la conviction, dès lors qu’il sait s’adapter – à l’image de la création prochaine de la prime d’activité –, facteur de compétitivité.

L’exercice du jour permet aussi des comparaisons, tout d’abord avec les mesures prises par certains de nos voisins européens pour réduire les déficits : licenciements dans la fonction publique, réduction des traitements, baisses des pensions et des minima sociaux, déremboursements massifs de soins et de médicaments. Il est intéressant de rappeler ces faits qui, par contraste, marquent la vacuité des accusations portant sur la prétendue austérité française et permettent, au contraire, de saluer les efforts réalisés par le Gouvernement pour préserver les outils de la redistribution et de la protection sociale.

Notre débat permet aussi la comparaison avec les gestions passées et avec celles qui pourraient être conduites demain par la droite si elle revenait aux affaires. L’honnêteté m’oblige toutefois à avouer que cette dernière comparaison, de nature prospective, est plus délicate tant les propos des leaders ou aspirants leaders de la droite sur le sujet des finances publiques sont, comme sur tant d’autres, contradictoires, pour ne pas dire irréconciliables.

M. Razzy Hammadi. Eh oui !

M. Yves Nicolin. Ben voyons !

M. Romain Colas. Parlons du passé d’abord, à partir de chiffres simples, incontestables. Les majorités précédentes, celles dont les soutiens ou les acteurs de premier plan nous donnent aujourd’hui des leçons de gestion, nous ont légué la moitié du stock de dette publique, aggravé de 600 milliards sous le seul quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle mauvaise foi !

M. Romain Colas. Affichant toujours, claironnant même avec l’aplomb qui accompagne la vieille stratégie du « plus c’est gros, plus ça passe », la pseudo-rigueur de sa gestion, la droite n’a cessé de creuser l’abysse de la dette alors même que ses coupes claires dans les effectifs, exécutées au nom de la maîtrise des dépenses, ont abîmé certains services publics essentiels. Et aujourd’hui, avec le même aplomb, elle voudrait se faire le contempteur d’un gouvernement qui obtient des résultats là où elle a échoué, et dans quelles proportions !

Là où la droite, en même temps qu’elle creusait les déficits, abîmait les services chargés de protéger les Français et de faire appliquer le droit, nous créons des postes dans la police, dans la gendarmerie, dans les armées, dans la justice en tenant nos trajectoires financières.

Là où la droite, en même temps qu’elle creusait les déficits, abîmait l’éducation nationale et sa capacité à instruire les générations futures, nous formons et recrutons des enseignants, tout en refondant l’école et en tenant nos trajectoires financières.

Là où la droite, en même temps qu’elle creusait les déficits, abîmait notre système de santé et d’assurance maladie à coups de déremboursements et de franchises médicales, nous nous apprêtons à généraliser le tiers payant tout en tenant nos trajectoires financières.

Par conséquent, ne nous donnez pas de leçons, mesdames, messieurs de l’opposition,…

M. Yves Nicolin. Les leçons, ce sont les électeurs qui vous en ont donné !

M. Alain Fauré. Vous en avez reçu une en 2012, mon cher collègue !

M. Romain Colas. …d’autant plus que, pendant les débats sur la loi de finances pour 2015, vous avez systématiquement combattu les mesures d’économies tout en faisant la promotion, bien évidemment à l’extérieur de cet hémicycle, de propositions de réduction de la dépense publique toujours plus drastique.

Vous gagnerez en crédibilité lorsque vous présenterez vos solutions… Pourquoi pas lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016 ?

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est à vous de le faire, pas à nous !

M. Romain Colas. Nous verrons alors, pour ne citer qu’eux, qui de Mme Kosciusko-Morizet, proposant de laisser filer les déficits en attendant que sa purge de notre protection sociale et des collectivités locales porte ses fruits, ou de M. Fillon, souhaitant augmenter la TVA tout en supprimant l’ISF, aura remporté la course à laquelle se livrent les ténors de la droite pour prescrire à notre pays la potion austéritaire la plus amère.

Pendant ce temps, monsieur le secrétaire d’État, nous qui, dans la majorité, exerçons notre mandat avec responsabilité au service des Français, continuerons à vous soutenir dans l’exercice difficile, mais ô combien utile, de maîtrise des comptes publics et de mise en œuvre des priorités du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues – peu nombreux ce matin –, ce débat d’orientation des finances publiques s’appuie sur un document de neuf pages qui s’apparente plus à de la communication qu’à une analyse de fond. Désolé, mais il fallait le rappeler.

Depuis des semaines, le Gouvernement affiche un satisfecit sur les résultats de sa gestion budgétaire. Il se félicite d’un déficit, selon ses propres termes « meilleur que prévu » et d’une dépense « remarquablement maîtrisée ». La Cour des comptes est venue doucher votre enthousiasme, monsieur le secrétaire d’État ! Elle a observé que le déficit de l’État s’est accru et que la dépense publique n’a été maîtrisée qu’au prix de divers expédients.

Alors que François Hollande a fait de la réduction des dépenses publiques une de ses priorités avec son plan historique de 50 milliards d’économies sur trois ans, la Cour des comptes dresse, dans son rapport annuel sur les perspectives des finances publiques, un constat accablant. Votre bilan, triste réalité, c’est d’abord une dépense publique qui bat des records : en 2014, les dépenses se sont accrues de 0,5 point, s’élevant à 57,5 % du PIB, et le total a atteint 1 226,4 milliards d’euros, soit une augmentation de 1,6 % par rapport à 2013. La France se singularise, parmi les pays d’Europe, par un niveau des dépenses publiques rapportées au PIB de l’ordre de huit points au-dessus de la moyenne de la zone euro et de neuf points au-dessus du niveau moyen de l’Union européenne. Selon la Cour des comptes, « les objectifs d’évolution des dépenses publiques seront difficiles à atteindre en 2015, en particulier s’agissant de l’État et des collectivités locales, en raison notamment des tensions concernant le budget de la défense et la mission "Travail et emploi" ».

Quant à la dette publique, c’est un record historique : Par rapport à la fin du quatrième trimestre 2014, elle a augmenté de 51,6 milliards d’euros, soit 1,9 point de PIB, au premier trimestre 2015. Selon l’INSEE, elle se monte désormais à 2,89 milliards d’euros…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si c’était ce chiffre, je signerais tout de suite ! (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Je voulais dire 2 089,4 milliards d’euros, soit plus de 97 % du PIB. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, d’avoir été attentif.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je le suis toujours, madame !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est la plus forte hausse enregistrée depuis le premier trimestre 2012, et elle dénote un écart important avec la prévision du Gouvernement qui, au mois d’avril, tablait sur une dette publique à 96,3 % du PIB à la fin de l’année.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous y arriverons !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le document complétant votre rapport évoque la maîtrise de la masse salariale de l’État. Mais vos chiffres sont éloquents. J’ai pris la peine de faire des additions et des soustractions par ministère et, résultats des courses, vous créez 22 324 postes tout en en supprimant 3 939 postes, soit une création nette de 18 385 postes.

Face ces dérapages, le Gouvernement avance deux arguments. Le premier, c’est le redémarrage de la croissance, l’INSEE prévoyant une croissance de 1,2 % en 2015 et de 1,6 % en 2016. Mais la Cour des comptes, dans son rapport sur les perspectives des finances publiques, a rappelé « que la France doit maintenir dans la durée l’effort d’ajustement, notamment maîtriser les dépenses et donc ne pas relâcher cet effort lorsque le retour de la croissance peut sembler le rendre, à tort, moins nécessaire ». Cette remarque est importante. Le second, c’est la réduction en 2014 du déficit public. Mais celle-ci est faible : il a diminué de 0,1 point pour atteindre 4 % du PIB. Son amélioration est moindre que celle attendue en loi de finances pour 2014, où vous tabliez sur une baisse de 0,5 point de PIB, et inférieure à l’amélioration moyenne enregistrée sur la période 2011-2013 – 0,9 point de PIB par an. Le déficit public reste en outre nettement supérieur à la moyenne de la zone euro – 2,4 % en 2014 contre 2,9 % en 2013 – et de l’Union européenne.

Monsieur le secrétaire d’État, cette très légère amélioration ne doit pas masquer les réalités économiques de notre pays. La plus préoccupante demeure la montée inéluctable du chômage soit, depuis trois ans, une progression de 21 % du nombre de demandeurs d’emploi et l’échec successif des dispositifs mis en place alors que la situation chez nos voisins s’est améliorée sensiblement.

Notre pays a besoin de vraies réformes structurelles. Elles seules nous permettront de bénéficier d’une conjoncture économique porteuse. La Cour des comptes considère que la réduction du déficit ne repose pas assez sur des économies structurelles. Monsieur le secrétaire d’État, pour quelles raisons refusez-vous de prendre exemple sur nos partenaires européens en prenant des mesures structurelles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, l’exécution du budget 2015 est déjà un calvaire pour le Gouvernement, avec une dette en augmentation de 50 milliards d’euros,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais non !

M. Jean-François Lamour. …des recettes en berne et un chômage en hausse continue. Et voilà que nous engageons ce débat dans la perspective du prochain exercice. Mais je reconnais que c’est intéressant à plus d’un titre : tout d’abord parce que le Gouvernement doit déployer des trésors d’ingéniosité pour expliquer son absence de politique économique ; ensuite, parce qu’il intervient concomitamment à l’examen par le Parlement du projet d’actualisation de la loi de programmation militaire, sujet que vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d’État, de même que M. le président de la commission des finances, Mme la rapporteure générale et M. Mariton. Or s’il est un budget que nous devons surveiller comme le lait sur le feu, c’est bien celui de nos armées,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous auriez pu le faire avant !

M. Jean-François Lamour. …soumises à une pression rarement égalée au cours des dernières décennies du fait de son double engagement, à l’extérieur et à l’intérieur.

Je ne reviendrai pas sur les événements qui ont amené le Gouvernement à avancer la date de l’actualisation de cette loi, ni sur les considérations techniques qui l’ont conduit à répondre favorablement à notre demande de remplacement des ressources exceptionnelles par des crédits budgétaires, théoriquement pour cette année à hauteur de 2,1 milliards d’euros. Cette loi sera votée la semaine prochaine et devrait, sous réserve du maintien des clauses de sauvegarde que j’ai souhaité initier en première lecture, permettre de poursuivre la programmation sur des bases plus conformes aux besoins de nos armées. C’est la raison pour laquelle cette actualisation doit faire l’objet d’une attention toute particulière.

À cet égard, le document complétant le rapport préparatoire à notre débat pose un certain nombre de questions, qui appellent des éclaircissements de la part du Gouvernement. En effet, ce document fait état d’une progression du budget de la défense de 1,1 milliard d’euros entre la loi de finances initiale pour 2015 et la future loi de finances pour 2016.

Or, si l’on regarde les documents budgétaires, on est loin du compte, monsieur le secrétaire d’État. D’après les éléments présentés, qui sont en cela conformes au texte de la loi de programmation, le budget de la défense s’élèvera en 2016 à 32 milliards d’euros. Je rappelle que, dans le cadre de la loi de finances pour 2015, il était prévu un budget total de 31,4 milliards d’euros ; cette prévision devrait en théorie être respectée grâce à la substitution des 2,3 milliards d’euros de ressources exceptionnelles par des crédits budgétaires. L’augmentation nette entre 2015 et 2016 sera donc bien, comme l’a indiqué Michel Sapin tout à l’heure, de 600 millions, et non pas de 1,1 milliard d’euros. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous nous fournirez des explications sur ce point.

Grâce à cet effort, dont je ne mésestime pas la portée, vous espérez financer des dépenses de trois ordres : le déploiement de 7 000 hommes pour l’opération Sentinelle, le renforcement des équipements dans le cadre des entretiens programmés et l’expérimentation du service militaire volontaire. Il va falloir nous expliquer comment, concrètement, le Gouvernement compte s’y prendre pour financer ces priorités.

Sur les 600 millions d’euros d’augmentation nette des crédits, 250 millions sont en effet d’ores et déjà fléchés vers l’infrastructure de la défense. On pourrait discuter de la portée de la vente de l’îlot Saint-Germain et de l’hôtel de l’Artillerie, dont vous espérez tirer plusieurs centaines de millions d’euros, alors que les discussions sont particulièrement rudes et compliquées avec la mairie de Paris, qui veut y construire au moins 50 % de logements sociaux.

Restent donc environ 350 millions d’euros pour financer les priorités définies dans le rapport préparatoire. Or cela représente à peu près le coût du maintien de l’opération Sentinelle pour l’année prochaine. À cela, il faut ajouter la modernisation des matériels, indispensable à nos armées, pour un coût de quelque 300 millions d’euros – je pense en particulier aux Tigre, qui souffrent beaucoup dans le Sahel, et à la charge dite de « renseignement d’origine électromagnétique » qui doit équiper le drone Reaper.

Je rappelle en outre que l’expérimentation du service militaire volontaire, dont j’avais pourtant demandé qu’elle ne soit pas financée par le budget de la défense, grèvera ce dernier à hauteur de 40 millions d’euros.

Enfin, la mission « Défense » devra, comme tous les ans, absorber en fin d’exercice sa quote-part du surcoût des OPEX, qui sera comme d’habitude prélevée sur l’équipement des forces.

Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d’État, je ne remets pas en cause l’effort en lui-même, qui est conforme à ce que nous demandions depuis des mois, en particulier sur les bancs de l’opposition ; je ne demande pas non plus, à ce stade, des crédits supplémentaires, car je crois que notre responsabilité en matière de défense est, non pas de faire de la surenchère, mais de respecter la parole donnée, en exécutant intégralement la nouvelle enveloppe que nous voterons la semaine prochaine ; en revanche, je réclame de la clarté, de la sincérité et surtout de la crédibilité.

C’est la raison pour laquelle je souhaite que vous définissiez avec précision les efforts qui seront consentis en 2016, leurs financements, et surtout leurs priorités. Je voudrais aussi que vous nous indiquiez, d’une part, les recettes attendues des cessions immobilières et de matériels pour 2016, en précisant quelles sont les opérations envisagées pour parvenir à l’objectif de 250 millions d’euros, d’autre part, les ressources qui viendront consolider l’effort au profit de l’équipement, en distinguant la part strictement budgétaire de la part espérée de gains de pouvoir d’achat sur les coûts de facteurs.

Vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues : la meilleure manière d’aborder le prochain débat budgétaire est d’avoir les idées claires sur un sujet qui ne souffre pas l’approximation. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes.

M. Daniel Gibbes. Je ne répéterai pas ce qui a déjà été dit par mes collègues du groupe Les Républicains et par notre excellent président de commission, Gilles Carrez, et je me cantonnerai aux outre-mer.

Chaque année, j’ai l’occasion de reconnaître qu’en période de fortes contraintes budgétaires, les crédits destinés aux outre-mer sont constants, voire en légère augmentation. Toutefois, dans le cadre de ce débat d’orientation budgétaire, je tiens, dans un premier temps, à vous encourager à plus d’audace, plus d’ambition pour les outre-mer. Comme vous y a invité Gilles Carrez, take the bull by the horns !

En effet, je ne cesse de le rappeler, nos outre-mer sont confrontés à des handicaps structurels, qui minent l’emploi et la croissance de leurs entreprises. Entre mai 2014 et mai 2015, le taux de chômage dans les seuls départements d’outre-mer a augmenté de 24 % ; aujourd’hui, le nombre des demandeurs d’emploi atteint des records, frisant les 30 % à La Réunion. Le chômage touche largement les jeunes, même si, il faut bien le reconnaître, les choses ont eu tendance à s’améliorer ces derniers temps.

Le PIB de l’ensemble de l’outre-mer ne représente que la moitié du PIB national, inférieur à la région la plus pauvre de l’hexagone. Nos entreprises, souvent de petite taille ou de très petite taille, sont soumises à une concurrence régionale importante, quasi insurmontable.

Je tiens d’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, à vous faire part de mes inquiétudes, que partagent nombre de mes collègues, quant aux réserves émises par la Commission européenne sur l’octroi de mer, qui se voit adossé dorénavant au règlement général d’exemption par catégorie. Espérons que la décision de la Commission, que votre gouvernement a acceptée, ne sonnera pas le glas d’une manne financière essentielle pour le développement de nos territoires.

Monsieur le secrétaire d’État, nos outre-mer ont tant d’atouts : valorisons-les !

Le tourisme, d’abord. Ce secteur, en grande difficulté depuis le début des années 2000, frappé de plein fouet par la crise économique de 2008 – eh oui : elle a eu lieu chez nous aussi ! –, emploie près de 30 000 personnes dans les outre-mer. Dans certaines collectivités, comme Saint-Barthélemy et Saint-Martin, le secteur touristique représente respectivement 37 % et 28 % des emplois du secteur marchand.

Le tourisme doit être un levier de développement prioritaire pour nos outre-mer. Pour cela, il faut une action volontaire de l’État, que la Cour des comptes elle-même a appelée de ses vœux dans son rapport annuel de 2014. Quand l’État prendra-t-il la mesure du besoin de profond changement de l’économie de nos territoires d’outre-mer ?

Les dix mesures pour la croissance et l’emploi dont le Premier ministre avait fait la promotion lors de son déplacement dans l’océan Indien sont la preuve que nous continuons à appliquer une politique hexagonale, qui peine à faire ses preuves dans des territoires minés par les dysfonctionnements structurels et dont les spécificités sont à mille lieues de la réalité que l’on connaît à Cherbourg, Nantes ou Marseille.

Après ce constat en demi-teinte concernant les outre-mer en général, permettez-moi de m’attarder quelques instants sur la situation particulière des collectivités régies par l’article 74 de la Constitution, et plus particulièrement sur les cas de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, que j’ai l’honneur de représenter.

Je souhaite profiter du temps de parole qui m’est imparti ce jour pour saluer quelques belles avancées pour ces collectivités. Je pense par exemple à la caisse de sécurité sociale qui prend forme à Saint-Barthélemy, ce qui répond à une demande forte de ce territoire si particulier. Je pense aussi à l’observatoire des marges, des prix et des revenus qui devrait voir le jour à Saint-Martin lorsque le projet de loi relatif à la modernisation du droit de l’outre-mer – rebaptisé projet de loi d’actualisation du droit des outre-mer –, que nous examinons en ce moment, aura été adopté. Je pense encore à la publication du décret relatif au taux de la réduction d’impôt applicable au secteur de la rénovation hôtelière à Saint-Martin, qui vient pallier la suppression du dispositif d’aide à la rénovation hôtelière prévue par la loi de finances pour 2015. Voilà pour le verre à moitié plein.

Quant au verre à moitié vide, nos collectivités attendent la concrétisation des engagements pris par le chef de l’État lors de son déplacement dans nos territoires il y a quelques semaines. Il en est ainsi du dossier épineux des dotations globales de compensation négative pour les deux îles et de la création d’un code NATINF pour les infractions routières dans la collectivité de Saint-Martin, question en suspens depuis des années et qui aurait dû être réglée pour le 15 mai dernier, sans oublier la création d’une chambre détachée du tribunal de grande instance de Basse-Terre à Saint-Martin et la remise en état du cadastre.

Permettez-moi de conclure mon intervention en insistant une nouvelle fois sur la nécessité de prendre pleinement en considération les spécificités des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution. Celles-ci, en raison notamment de leur compétence fiscale, restent systématiquement exclues des dispositifs d’aide nationaux. C’est ainsi le cas du CICE, auxquelles nos collectivités sont inéligibles – mais la liste des exemples serait trop longue. Mon propos est simplement, monsieur le secrétaire d’État, de souligner qu’à la fracture existante entre les outre-mer et l’Hexagone, il ne faudrait pas ajouter une nouvelle fracture, entre les départements d’outre-mer et les collectivités d’outre-mer. Le pas vers plus d’autonomie est certes le choix de la responsabilité, mais il ne doit pas être un prix à payer unilatéralement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président, ce débat est un exercice imposé par la loi, mais il nous permet de dresser le bilan de la situation des finances publiques françaises, qui n’est pas glorieux et montre le fiasco des dispositifs mis en œuvre par le Gouvernement depuis trois ans.

M. Razzy Hammadi. Tout en nuances !

M. Thierry Mariani. La nuance, je la cherche désespérément, monsieur Hammadi : la croissance piétine, le déficit public s’accroît,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non !

M. Alain Fauré et M. Razzy Hammadi. Mensonge !

M. Thierry Mariani. …la courbe du chômage augmente,…

M. Yves Nicolin. La dette explose !

M. Jean-François Lamour. Une augmentation de plus de 50 milliards !

M. Thierry Mariani. …bref la politique du Gouvernement est un échec. Et tout cela n’est que la stricte vérité ! Vous expliquerez donc à vos électeurs vos nuances, surtout concernant le chômage !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ne dites pas que le déficit public s’accroît : c’est faux. N’avez-vous pas entendu ce qu’a dit la Commission européenne ?

M. Thierry Mariani. Vos prévisions ne sont absolument pas respectées, monsieur le secrétaire d’État. Et quand on regarde ce que disent les instances européennes, je ne crois pas que le Gouvernement puisse y voir le moindre satisfecit !

En 2015, le Gouvernement n’a pas réussi à faire en sorte que notre déficit atteigne les 3 % ; nous devons donc faire face à la perte de confiance de nos investisseurs. Souvenons-nous des promesses faites durant la campagne présidentielle : la baisse du déficit, aujourd’hui, on en est loin !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La Commission a suspendu la procédure pour déficit excessif !

M. Thierry Mariani. Tout cela parce que la politique menée depuis 2012 supprime toute possibilité de croissance et de réduction du chômage, le tout avec une dépense publique record.

Comme cela a été souligné par les précédents orateurs du groupe Les Républicains, on recommence à créer des postes dans la fonction publique, à l’opposé de ce qui avait été fait durant la précédente législature.

Nous n’aurons pas de croissance, parce que toutes les actions mises en œuvre reposent sur des impôts sur les revenus et le patrimoine excessifs, qui ont fait partir les investisseurs.

Quant au chômage, il perdurera tant que le Gouvernement et les syndicats n’auront pas compris qu’il faut accorder de la flexibilité à l’emploi, et remédier à la rigidité que les entreprises françaises supportent depuis bien trop longtemps. L’emploi est mieux assuré par la flexibilité que par la rigidité, il est temps de le comprendre.

Pourtant, avec le projet de loi Macron, j’avoue avoir eu une lueur d’espoir. Je faisais même partie de ceux qui, à la lecture du texte initial, étaient prêts à le voter. Cette lueur s’est rapidement éteinte. Pourtant, sur certains points, le texte penchait un peu plus du côté des réformes dont la France a grandement besoin – mais le Gouvernement n’est pas allé assez loin. Notre pays doit être débloqué et le projet de loi ne prévoit aucun progrès en matière de droit du travail. Il s’agit d’un point de départ, certes, mais qui manque cruellement d’ambition : le projet de loi est sous-dimensionné par rapport à ses objectifs. C’est dommage, car avec lui, le Gouvernement avait l’occasion de faire un vrai texte en faveur de la croissance ; je regrette qu’il ne soit pas allé plus loin.

Le temps des demi-mesures est passé. Il faut aujourd’hui mettre en œuvre des mesures fortes si l’on veut inverser les tendances, notamment celle du chômage.

Nous avons des atouts formidables, notamment un réseau d’infrastructures parmi les meilleurs au monde, une main-d’œuvre productive de qualité, une jeunesse dynamique qui a l’esprit d’entreprendre, des industries à la pointe de l’innovation. Mais même si la France a énormément d’atouts, elle a besoin de grandes réformes structurelles : les lois de l’économie sont immuables, et il faut s’y conformer, car elles n’ont rien à voir avec l’idéologie politique.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Voilà qui fait avancer le débat !

M. Thierry Mariani. Aussi, je le répète, tant que l’on ne fera pas de réformes structurelles courageuses, il est inutile d’attendre des miracles et de croire qu’un jour la croissance reviendra et le chômage diminuera.

Vous me permettrez de citer en exemple un pays compris dans ma circonscription : l’Australie. L’Australie vient de connaître sa vingt-deuxième année de croissance consécutive, même si celle-ci est en train de ralentir, principalement du fait de l’évolution du cours des matières premières. Le taux de chômage, de 5,9 %, est parmi les plus bas au monde. Les gouvernements successifs, quelles que soient leurs orientations politiques, ont réussi à livrer des budgets publics en excédent et la dette publique nationale n’est que de 11 % du PIB, soit environ le dixième de celle de la France.

Si l’Australie a su résister à tous les chocs économiques et faire évoluer son économie, c’est justement grâce à une série de réformes économiques structurelles qui ont commencé dès que la crise a commencé à se manifester, dans les années 1980.

Le marché du travail, les systèmes de retraite, les politiques industrielles, la taxation, la réglementation du secteur bancaire, le financement de l’éducation supérieure, enfin le nombre de fonctionnaires : tout cela a été réformé profondément. Voilà ce qui manque aujourd’hui à la France. C’est la capacité de réformer et de gouverner l’économie qui fait la différence entre un pays qui crée des emplois, de la richesse et de nouvelles opportunités pour ses citoyens, et un autre qui continuera à accumuler les déficits et à assister à la décadence de son économie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Thierry Mariani. En fin de compte, les Australiens ne jouiraient pas de conditions économiques aussi attrayantes sans les réformes énergiques et le travail de leurs gouvernements successifs – travail que nous n’avons précisément pas su faire.

Se comparer aux pays étrangers n’est pas tabou : nous devons le faire pour en tirer les conséquences.

Dans cet hémicycle, on cite souvent l’approche de pays comme les États-Unis, l’Angleterre ou l’Allemagne. Je tenais à prendre l’exemple d’un pays un peu plus lointain, qui montre que, malgré la crise économique qui le frappe, la croissance continue. Je pense, monsieur le secrétaire d’État, que c’est précisément cette volonté de réforme qui manque aujourd’hui à notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur Mariani, votre discours à la gloire de l’Australie tombe bien : j’ai rencontré cette semaine mon homologue australien. Je crois avoir compris – et cela s’est confirmé à l’issue de l’échange prolongé que j’ai eu avec lui – que l’exploitation des matières premières était le principal facteur de bonne santé de l’économie australienne. Il n’en demeure pas moins que votre leçon sur l’Australie pourrait intéresser beaucoup d’étudiants en économie.

Je m’efforcerai de répondre à toutes les questions mais je vous prie par avance de m’excuser si tel n’est pas le cas. Je remercie notamment les députés de la majorité, en particulier Dominique Lefebvre et Alain Fauré, qui nous ont apporté un soutien clair – contrairement, d’ailleurs, à ce qui a été dit.

Vous parlez souvent de divisions au sein de la majorité : je ne les ai pas entendues. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) En revanche, j’ai senti beaucoup de nuances entre les propos de M. Mariton, pour ne citer que lui, et les interventions qu’un certain nombre d’entre vous ont faites à la tribune – comme l’a dit Romain Colas, vos points de vue sont contradictoires, pour ne pas dire irréconciliables. Mais tout cela n’a que peu d’importance.

Madame Dalloz, vous avez procédé à un calcul des effectifs. Or ce calcul est présenté en page 9 du document complétant le rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques. Il est inutile de le refaire car il est parfaitement clair : 12 232 créations d’emplois sont prévues au sein des ministères dits prioritaires et 3 939 suppressions d’emplois dans les autres ministères. La différence se traduit par une création de 8 293 emplois, et non 18 000, comme vous l’avez dit. C’est parfaitement détaillé. On peut aisément vérifier l’exactitude de ce calcul.

Néanmoins, beaucoup d’entre vous ont évoqué le sujet des emplois ; on a parlé de stabilité, de non-stabilité, de renoncement. J’aurais aimé que quelques-uns d’entre vous assistent aux discussions que j’ai eues avec l’ensemble des ministres ou, à tout le moins, aux réunions que j’ai tenues à propos du nombre d’emplois au sein du ministère des finances ; vous avez pu observer que, s’agissant de ce ministère, 2 548 suppressions d’emplois sont prévues. Tous les ministres que j’ai rencontrés ont plaidé leur cause en affirmant que ce n’était plus possible, qu’ils étaient à l’os, que l’on avait déjà, au cours des deux dernières années, supprimé des emplois, que cela pouvait mettre en cause la qualité du service. Nous avons effectivement serré au maximum.

Il faut toutefois rappeler l’existence d’une grande nouveauté. La loi de programmation militaire prévoyait une diminution de 7 500 emplois entre 2015 et 2016. Cela, me semble-t-il, n’avait pas fait hurler grand monde : le texte avait été adopté en son temps en recueillant un assez large consensus. Compte tenu de la multiplication des opérations extérieures mais aussi des exigences de sécurité à l’intérieur du pays, il a été décidé de créer 9 700 emplois, ce qui se traduit par un solde positif de plus de 2 000 emplois. Nous avons toujours cherché, en maintenant les créations d’emplois dans l’éducation, la police et la sécurité, à avoir une stabilité globale. La création de 9 700 emplois est liée à l’inflexion sur la loi de programmation militaire. On reste même un peu en dessous de ce chiffre car on finit à 8 293 postes supplémentaires. C’est assumé, calmement, sereinement ; ce n’est pas un dérapage, ce n’est pas de la gabegie, c’est tout simplement un calcul au plus près, qui prend en compte un certain nombre de nécessités liées au terrorisme et à la situation internationale.

J’en profite pour redire un mot de la loi de programmation militaire. Monsieur Lamour, comme d’habitude, vous vous êtes fait le greffier du respect de la loi de programmation militaire.

M. Jean-François Lamour. Je le prends bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est bien ainsi que je l’entendais. Peut-être auriez-vous pu avoir cette attitude aussi à d’autres époques. La loi de programmation militaire en vigueur est certainement la première à être respectée.

M. Jean-François Lamour. Je l’ai dit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il serait parfois opportun de le dire, de la même façon que vous manifestez des inquiétudes ou des angoisses quant au respect de la loi actuelle.

S’agissant du point précis sur lequel vous m’interrogez, la loi actuellement en vigueur – la nouvelle n’étant pas encore votée – fixait le budget de la défense à 31,4 milliards en 2015 comme en 2016. Cette somme se décomposait, en 2015, en 29 milliards d’euros de crédits budgétaires et 2,4 milliards d’euros de recettes exceptionnelles. Pour 2016, si le total restait inchangé, il était prévu d’augmenter les crédits budgétaires de 500 millions d’euros, et donc de diminuer les recettes exceptionnelles pour les faire revenir à 1,9 milliard d’euros. La nouvelle mouture de la loi de programmation militaire prévoit, pour 2016, de relever le total de 600 millions d’euros, qui est porté à 32 milliards d’euros : les crédits budgétaires augmentent de 600 millions, tandis que les recettes exceptionnelles demeurent inchangées, à 1,9 milliard.

M. Jean-François Lamour. Il y a encore des recettes exceptionnelles ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Oui, bien sûr.

M. Jean-François Lamour. Non, il n’y a plus de recettes exceptionnelles pour 2016 !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais si ! Je vous parle de la situation existant avant la rebudgétisation des fréquences hertziennes. Je vous communiquerai le tableau correspondant. Je suis prêt, comme j’ai l’habitude de le faire, à vous donner toutes les explications nécessaires en commission des finances. Le budget total s’accroît de 600 millions d’euros et les crédits budgétaires augmentent de 1,1 milliard, puisqu’une baisse de 500 millions d’euros était prévue s’agissant des recettes exceptionnelles.

M. Jean-François Lamour. Cela mérite à tout le moins des précisions, vous en conviendrez !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous les aurez, comme d’habitude.

M. Mariton a été, comme à l’accoutumée, un peu excessif. Il nous a dit que nous accomplirions nos économies sur le dos des autres, à savoir la charge de la dette, le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne et les collectivités locales, mais il oublie au passage plusieurs éléments : les taxes affectées aux opérateurs baissent de 1 milliard, les crédits du logement diminuent de 300 millions d’euros – soit une baisse de 800 millions d’euros par rapport au tendanciel –, les crédits des finances sont réduits de plus de 500 millions d’euros et ceux du ministère de l’économie de plus de 100 millions d’euros. Il est donc un peu rapide de prétendre que ces économies ne sont dues qu’aux autres. Là encore, j’aurais aimé que M. Mariton puisse assister à quelques-unes des discussions budgétaires.

Madame Rabault, s’agissant des investissements privés que vous évoquez, les dernières notes de conjoncture de l’INSEE se montrent plus encourageantes. L’ensemble des observateurs de la vie économique dressent un constat unanime : la restauration des marges des entreprises est, aujourd’hui, une réalité.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela devrait, très naturellement, confirmer le redressement de l’investissement privé qui, sans être le meilleur indicateur actuel, donne déjà des signes d’amélioration assez significatifs.

Beaucoup d’entre vous ont joué, si j’ose dire, à nous faire peur collectivement sur la question de la charge de la dette, comme si – en notre qualité de gestionnaire, indépendamment de notre appartenance politique – nous ignorions complètement que l’augmentation des taux d’intérêt pouvait provoquer des augmentations de dépenses et présentait un certain nombre de risques.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est bon de le rappeler !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On peut toujours dire que 1 point d’augmentation des taux d’intérêt coûte tant de milliards la première année, tant de milliards la deuxième année et tant de milliards au bout de dix ans : oui, pourquoi pas, ce n’est pas faux. Je viens de consulter le taux des obligations assimilables du Trésor pour la France, qui s’élève à 1,12 %. Or, je rappelle que nos prévisions de taux d’intérêt en fin d’année 2015 étaient de 1,2 %, c’est-à-dire au-delà même de ce que nous constatons aujourd’hui. On ne peut pourtant pas dire que, s’agissant de la question de la dette, les marchés financiers connaissent aujourd’hui une période de grand calme. Nous avons prévu des taux d’intérêt de 2,1 % pour la fin de l’année 2016 – soit 100 points de base de plus que leur niveau actuel – de 3 % pour la fin de l’année 2017 et de 3,5 % pour la fin de l’année 2018. On n’est bien entendu jamais à l’abri d’à-coups brutaux sur les marchés financiers. Cela s’est déjà produit. Cela peut durer mais peut aussi très ponctuel. Aujourd’hui, nous estimons avoir pris des marges de précaution suffisantes. Certains, d’ailleurs, je ne vous le cache pas, nous font parfois le reproche de demander beaucoup d’efforts alors même que l’on a établi des prévisions de taux d’intérêt plutôt « confortables » – pour employer le mot qui est parfois employé, peut-être à tort.

Mme Sas et quelques autres ont aussi évoqué les crédits budgétaires en matière d’environnement. Nous aurons l’occasion d’y revenir, comme chaque année. Les crédits relatifs à l’environnement ne se limitent pas aux seuls crédits budgétaires. On peut évoquer les crédits d’impôt, comme l’a fait Valérie Rabault, mais aussi la contribution au service public de l’électricité, qui atteint près de 5 milliards d’euros, dont une part importante est consacrée aux énergies renouvelables. Je citerai aussi une vraie nouveauté : le fonds de transition énergétique, qui, lors de sa mise en place, a été doté de 1,5 milliard d’euros – j’insiste sur ce chiffre : il ne s’agit pas de quelques dizaines de millions d’euros. L’effort accompli en faveur de l’environnement est donc tout à fait important. Ce sera encore plus visible, politiquement, lors de la Conférence des parties de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 – la COP 21.

Je terminerai mon intervention en revenant sur l’agression de M. Mariton au sujet de la retenue à la source, qui serait, selon ses dires, la cause de tous les maux. J’ai toujours à l’esprit les prises de position d’un certain nombre de parlementaires du groupe Les Républicains qui se sont montrés très ouverts sur ce sujet.

Nous aurons un travail important à fournir. Je vous rappelle que le Gouvernement proposera au Parlement d’en débattre en septembre, et que nous nous donnons un délai d’un peu moins d’un an, à compter d’aujourd’hui, pour établir un Livre blanc destiné à élaborer un projet global sur la question de la retenue à la source. J’espère que le Parlement se mobilisera, qu’il sera force de proposition et d’amélioration quant aux difficultés que vous connaissez. À cet égard, les préjugés affichés tout à l’heure dans le propos de M. Mariton datent probablement d’un autre âge.

Telles étaient, mesdames, messieurs les députés, les réponses que je souhaitais apporter aux questions que vous avez soulevées ; elles sont sans doute incomplètes, et je vous prie de m’en excuser.

Je tiens à remercier les parlementaires qui ont exprimé leur soutien. J’ai observé une courtoisie tout à fait salutaire des différents intervenants, y compris sur les bancs de l’opposition. Je vous donne rendez-vous au mois d’octobre pour l’examen du projet de loi de finances qui aura été écrit puis adopté en conseil des ministres à la fin du mois de septembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Et pour le projet de loi de finances rectificative en septembre !

M. le président. Le débat d’orientation des finances publiques est clos.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Discussion, en lecture définitive, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures.)

                                                                                                                                                                                                                                                                       La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly